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le match
Scooter contre
voitureGaStRO
clintonlache
la viande
aleRte
fuiteS toxiqueS en alSace Belgique, Luxembourg, Portugal « Cont.
» : 5,90 euros - Suisse : 9,80 FS - Canada : 10,25 $C - DOM : 5,70
euros
phOtOS
le tour du monde deSpoubelleS
faiRe-paRt
la pomme en voie de diSparition
l’aviS de chantal Jouanno, SeGolene roYal, eva JolY
DECOUVERTETim JaCksOn,
lE pEnsEUR DE DEmain
conSo GaSpillez moinS pour GaGner pluS+ de tempS, + d’arGent, +
d’amiS
eRik ORSenna
le boulimiqueplanetaire
-
terra eco novembre 2010 3
La politique biodégradablePar Walter Bouvais, directeur de la
publication
Aude Rouaux (reportage Stocamine) Nom féminin. Apparue dans un
village breton en 1983, elle a été lue et entendue sur TF1, Arte,
France 5 ou « Ouest-France ». Caractéristiques : examen minutieux
de chaque tournure d’article, évocation de reportages alambiqués,
amour de la Russie et des pays en « an », extase face à des
œuvres
d’Elliott Erwitt, des vieux disques de Nina Simone ou tout
simplement de bonne cuisine (celle des autres en l’occurrence).
flore
-aël
sur
un -
tend
ance
flou
e
es Français sont devenus « écolos » en 2007. La campagne
présidentielle aurait pu tourner à une énième foire d’empoigne
sur
l’insécurité et l’immigration. Mais plusieurs ONG emmenées par
le trublion Nicolas Hulot forcèrent les candidats à
l’Elysée à s’engager publiquement sur la voie d’une société
écologique. Et puis, il y eut le Grenelle de l’environnement,
promesse de campagne finalement tenue par le président Nicolas
Sarkozy. Ce moment inédit rassembla la société civile, les ONG, les
entreprises et les syndicats autour d’une belle idée : dessiner une
civilisation plus juste et plus verte. Depuis, chacun s’est mis en
mouvement, à sa manière. A ce propos, un lecteur malicieux nous
écrit :
« Je pense avoir tenu mes engagements. J’ai augmenté la part de bio et d’équitable dans mes achats. Je continue de prendre les transports en commun. Je me suis équipé d’un chauffe-eau solaire et d’un poêle à haut rendement. » Mais,
conclut-il :
« En est-il de même pour ceux qui nous gouvernent ? »Que
reste-t-il de l’engagement écologique du Président ? En ce
troisième anniversaire du Grenelle de
l’environnement, personne ne nous fera dire que tout ceci n’est
que du vent. Les faits démontrent l’inverse. L’écologie et le
développement durable sont maintenant dans toutes les têtes et y
resteront, quelle que soit la couleur politique des prochains
gouvernements.
L’écologie, ça va bien cinq minutesMais sur le sujet, la machine
élyséenne s’est grippée en 2009. Et depuis, elle enchaîne les
reculades. Les projets d’autoroutes et de centrales nucléaires
bénéficient toujours des largesses du pouvoir, tandis que la
filière éolienne tire la langue ou que les producteurs de bio
rament. Faute historique, l’abandon de la taxe carbone constitue le
point d’orgue de ce reflux politique.Avec le Grenelle, nous avons
cru que le courage politique consistait – enfin – à prendre le pari
d’une nouvelle civilisation, en faisant fi des lobbies du XXe
siècle. Aujourd’hui, certains édiles nous expliquent doctement que
le courage consiste à « s’attaquer » à la question de l’immigration
et que l’écologie et le développement durable, ça va bien cinq
minutes. Mais lorsque la dernière goutte de pétrole sera consommée
et qu’il faudra, dans la panique, organiser un nouveau monde, à qui
pensez-vous que l’histoire donnera raison ? —
Vincent Baillais (objet)Il apprend la photographie à 27 ans en
tant qu’assistant de Marc Riboud. Puis Vincent s’applique à
illustrer le monde avec l’agence Maxppp : enclaves serbes au
Kosovo, clandestins à Sangatte…. En 2001, il cofonde le collectif
Lieu-dit, puis collabore avec « 20 minutes » jusqu’en 2007. Cette
même année, son webdocu
sur les professions du monde funéraire est récompensé au web
flash festival de Beaubourg.
Louise Allavoine (dossier Grenelle)Elle aurait dû se faire du
blé dans l’agrobusiness avec son diplôme d’ingénieur. Mais un pari
de fin de soirée plus tard, Louise sera journaliste et fauchée.
Pour « Terra eco », elle suit les objets du quotidien à la trace de
CO2 près et se casse la tête sur des dilemmes écolos. Récemment
partie
chercher le soleil – et les reportages – à Londres, elle a
traversé la Manche. A la nage, évidemment.
Editorial
Contributeurs
-
4 novembre 2010 terra eco
Directeur de la rédaction David SolonRédacteurs en chef Karen
Bastien (éditions papier)Julien Kostrèche (éditions
électroniques)Directeur artistique Denis EsnaultOnt participé à ce
numéro(en ordre alphabétique inversé) Emmanuelle Walter, Emmanuelle
Vibert, Anne Sengès, Aline Royer, Aude Rouaux, Laure Noualhat,
Camille Neveux, Florence Maître, Patricia Huon, Arnaud Gonzague,
Marjane Foucault, Cécile Cazenave, Caroline Boudet, Philippine
Arnal, Louise AllavoineIllustrateurs et photographesLaurent Taudin,
Adrien Albert / Tendance floue, Signatures, Rue des archives,
Reuters, Rea, Picturetank, MYOP, Gamma, AFP, agence IdéCouverture
Pool New - Reuters / Pascal Sittler - Rea Postproduction Benedikte
Meslin - www.benedikte-meslin.comSecrétaire de rédaction François
MeurisseCorrection Dominique VincentRédaction web Karine Le
Loët
Directeur de la publicationWalter BouvaisAssistante de
direction, coordination RSE Lise FeuvraisDirecteur des systèmes
d’information Gregory FabreResponsable de production informatique
Stéphane GiraultDéveloppeur informatiqueBrice ElieDirectrice
commercialeStéphanie ElkoubiChef de publicitéDorothée Virot -
[email protected] de publicité emploi-formationAnne-Sophie
DewulfConseillers abonnementsBaptiste Brelet, Coralie Le Terte et
Marie Olé Assistante commerciale, communicationVéronique
Frappreau
Terra eco est édité par la maisonTerra Economica, SAS au capital
de 192 082 euros – RCS Nantes 451 683 718Siège social 42 rue La
Tour d’Auvergne, 44 200 Nantes, France tél : + 33 (0) 2 40 47 42 66
courriel : [email protected] associésWalter Bouvais
(président), Gregory Fabre, David Solon, Doxa SASCofondateur
Mathieu Ollivier
Dépôt légal à parution – Numéro ISSN : 2100-1472. Commission
paritaire : 1011 K 84334. Numéro Cnil : 1012873Impression sur
papier labellisé FSC sources mixtes comprenant 60 % de pâte
recyclée.Imprimé par Imaye Graphic (Agir Graphic)bd
Henri-Becquerel, B.P. 2159, ZI des Touches, 53 021 Laval Cedex
9Diffusion PresstalisContact pour réassort Ajuste Titres+33 (0)4 88
15 12 40Ce magazine comprend un encart broché « Offre d’abonnement
»de 4 pages en face des pages 3 et 82.
attil
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Ce magazine est imprimé sur papier labellisé FSC sources mixtes
comprenant 60 % de pâte recyclée.
Abonnement Terra eco42, rue La Tour d’Auvergne - 44200 Nantes
France - +33 (0)2 40 47 42 66www.terraeco.net/abo -
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6 Le courrier des lecteurs
8 Terra responsable
10 L’actualité en bref 14 L’objet du mois Le cercueil
16 Le marketing expliqué à ma mère Tetra Pak se suremballe
20Dossier Comment Sarkozy a failli être écolo
22 ENQUÊTE Grenelle : 10 promesses non tenues
27 BANC D’ESSAI Elysée et ministères : sont-ils exemplaires
?
29 TEMOIGNAGES Nicolas Sarkozy a-t-il rompu avec l’écologie ?
Des politiques, des économistes, des juristes, des ONG donnent leur
avis.
34 Le monde à +2° La Chine en cale sèche
36Portrait Erik Orsenna : le boulimique planétaire
40 Reportage Stocamine : une bombe à retardement en terre
alsacienne
44 L’économie expliquée à mon père Comment Monsanto drague au
Sud
46 En direct de Terraeco.net
-
terra eco novembre 2010 5
Pour faciliter la lecture de « Terra eco », nous avons inventé
ce baromètre, qui annonce la couleur pour chaque article : plutôt
écologique, plutôt sociétal, plutôt économique, ou les trois !
Réagissez à l’actualité sur
50Enquête Gaspiller moins pour gagner plus
52 PRATIQUE 10 commandements anti-gaspi
57 PORTRAITS Des hommes zéro impact
60 PORTFOLIO Global trash : le tour du monde des poubelles
64 L’éco-conso
66 J’ai testé La cure de raisin
68 L’alimentation Les pommes en tête à queue
70 Le match Scooter ou voiture ?
72 Ils changent le monde Le bio se pointe dans les bidonvilles
d’Afrique du Sud
78 Sélection livres, fi lms, BD…
80Entretien Tim Jackson : « Il est très diffi cile pour des
individus de réduire leur consommation »
82 L’agenda du mois
-
La voiture électrique ne sauvera pas la planète
L’auto à électrons ne résoudra pas tous les problèmes : son
électricité n’est pas toute verte et ses batteries contiennent des
matières rares, lithium en tête. La seule voiture qui ne pollue pas
reste celle qui n’est pas construite.
Un autre modèle« Pourquoi concevoir l’électrique sur le même
modèle que l’essence ? Pourquoi recharger la batterie et la laisser
se vider comme un réservoir d’essence ? Pourquoi ne pas créer des
voitures autonomes ? Il faut changer le modèle économique de l’auto
! »Vroum
Conquête de l’espace« La voiture électrique reste une voiture.
Elle empêche une totale appropriation de la rue par les piétons,
crée des césures dans les quartiers et consomme de l’espace qui
pourrait être utilisé pour des jardins, des terrasses, des
trames vertes… »Djo
Où sont les émissionsen amont ?« Dans la partie consacrée aux
émissions de gaz à effet de serre (GES) comparées des véhicules
électriques et à carburants issus du pétrole (essence, diesel), un
point n’apparaît pas : les émissions de GES en amont (raffi nage,
extraction et transport) de ces carburants. Selon le Bilan carbone
de l’Ademe, leur prise en compte majore les émissions globales de
10.7 % pour le diesel et de 17 % pour l’essence. »Un lecteur
Plus de rendement« La voiture électrique, c’est la fi n des
boîtes de vitesses, des vidanges, de l’embrayage, le freinage avec
récupération d’énergie… Partout où l’on assiste les anciens
systèmes avec l’électricité et l’électronique, on améliore les
rendements énergétiques et la fi abilité. »Seb
Pas à pas« La voiture électrique n’est peut-être pas LA super
solution de l’avenir. La solution étant peut-être de remettre de
l’argent aux collectivités pour que celles-ci défi nissent de
nouveaux plans d’urbanisation, pour que l’automobile prenne moins
de place dans les villes et que l’on utilise les véhicules
uniquement à l’extérieur de celles-ci. Ce serait déjà un premier
pas. »Jojo
Vous voulez réagir,écrivez-nous [email protected]
Le courrier
6 novembre 2010 terra eco
-
Le courrier
terra eco novembre 2010 7
Depuis septembre et jusqu’à la fi n du mois, il est possible de
manger un burger bio chez Quick. Cette initiative est-elle une
hérésie ou, au contraire, une occasion de se réconcilier avec le
fast-food ?
Bio-blanchiment« C’est du bio-washing : tout le monde met un
petit coup de bio par-ci, par-là juste pour vendre mais derrière
tout ça, il n’y a que du marketing. Arrêtons de nous prendre pour
des c… »Sash28
Changer d’échelle« La commercialisation d’un hamburger bio est
une première intéressante. Elle montre que le bio n’est pas
nécessairement un produit de luxe réservé aux plus riches. La
démocratisation du bio via les fast-foods permet d’envisager un
changement d’échelle des volumes des fi lières bio : ce hamburger,
ce n’est pas que de la viande, mais certainement aussi du fromage,
du pain, des condiments… qui entrent
dans la recette et devront être bio. »yvesm
Où est le goût ?« Je suis allé le goûter et franchement c’est un
produit comparable aux autres, peut-être un peu plus fade car avec
moins de sauce. (…) Le sandwich reste donc sans sensation
particulière, la digestion reste comparablement lourde. »
Lucky75
Pas durable« L’étiquette “bio” sert ici à rendre “écologique” un
produit qui ne peut être durable. Aussi bio soit-il, le
cheeseburger reste un produit à base de viande bovine, sans parler
de l’impact environnemental du procédé de fabrication
Burger bio, vous en mangerez ?
depuis les matières premières jusqu’au plateau, et des impacts
sur la santé publique de ce type de restauration. Bref, que Quick
ne nous fasse pas croire que le cheeseburger bio a quelque chose
d’écologique ! »Florent
Un bon hamburger ?« Un vrai hamburger, (…) ça ne se trouve pas
chez Quick, mais dans les petits restos qui proposent un vrai repas
US, avec de bons ingrédients, et sans mayonnaise ou autre sauce
sucrée. »Mandrake
Nouvelle clientèle« On peut déplorer la perte des identités
culinaires locales et le nivellement du goût sur une échelle
mondiale. Cependant, le principal intérêt de cette initiative est
de s’adresser à une population peu habituée à consommer du bio. Il
faut encourager toutes les initiatives réelles. Il ne s’agit ici ni
de “greenwashing”, ni d’utilisation abusive de l’écologie mais de
s’adresser à une population peu habituée à consommer du bio
»Bio’sf’air
La bouffe et le respect« Le bio n’est pas seulement un cahier
des charges, mais aussi une philosophie qui ne trouve pas sa place
dans un concept assimilé ou associé à la “malbouffe”. »Ca’rsher
Zéro social« Une démarche responsable passe avant tout par une
démarche globale, un courage éthique et commercial et là, Quick est
franchement dans le mou. »Jojo le mérou
vous en mangerez ?
Le fast-food est-il durable ? Poursuivez le débat sur
-
8 novembre 2010 terra eco
os journées sont trop courtes, nous le savons. Cela dit, si vous
faites partie de la communauté des « Lecteurs responsables », c’est
que vous êtes prêt(e) à quelques efforts pour le déploie-ment de
celle-ci. Efforts, nous
direz-vous ? Le vilain mot que voilà ! Notre projet prend forme,
mais ne peut se développer que si tout le monde s’y met.
Terra eco n’a pas encore inventé le procédé permettant de
changer le monde en un clic de télécommande…Pour avancer, nous
avons cherché à être les plus concrets possibles. Vous trouverez
dans cette page la liste de toutes les compétences et coups de main
dont nous avons besoin pour avancer. Bien entendu, l’équipe de
Terra eco est déjà dotée de multiples talents, qui donnent
volontiers de leur temps au projet « Lecteurs responsables ». Mais
notre (et votre) boîte à idées grandit plus vite que nos moyens.
Nous avons donc besoin de vous. Si l’aventure vous tente,
écrivez-nous directement à : [email protected]. Lise se fera un
plaisir de vous accueillir et de vous répondre. Il ne vous reste
qu’à vous lancer !
Appel à témoinsNous souhaitons constituer un panel per-manent de
lecteurs, prêts à échanger avec la rédaction, à donner leur avis
sur l’actualité, sur un thème, sur un produit ou service. L’idée
vous intéresse ? Manifestez-vous en écrivant à [email protected].
Nous vous expliquerons alors les modalités de ce panel
Il s’agit d’œuvrer concrètement. Au-delà de l’information que le
magazine et le site Internet « Terra eco » vous délivrent, nous
voulons démontrer qu’une communauté ouverte de lecteurs – pas
forcément convaincus, pas forcément exemplaires – peut déployer des
efforts significatifs (consommation, mobilité, habitat,
alimentation…) qui, s’ils étaient suivis par l’ensemble de la
population, produiraient des effets. Alors que les Etats échouent à
relever certains défis – changement climatique, aide au
développement, etc. –, il s’agit de ne plus attendre les bras
croisés. D’oser… passer à l’action.www.terraeco.net/agir
Le projet « Lecteurs responsables » expliqué à ma filleule
« Terra responsable »
permanent.Des graphistes et des « créas »pour un relookingNous
aimerions sou-mettre notre logo et notre nom – « Lecteurs
responsables », on peut trouver mieux n’est-ce pas ? – à des as de
la palette graphique et de la communication. Plus généralement, si
vous avez des talents de vidéastes ou d’animation et que les sujets
du développement durable vous intéressent, nous sommes preneurs. En
résumé, si la souris vous démange, écrivez-nous :
[email protected]
Traducteurs dotés d’une bonne plumeLa rédaction de
Terra eco repère régu-lièrement des textes en toutes langues,
qui mériteraient d’être lus par nos lec-teurs… en bon français.
Nous mouli-nons en permanence des rapports d’ONG, des documents
officiels, la presse étrangère bien sûr. La plupart de nos
journalistes excellemment formés parlent couram-ment 23 langues, à
l’écrit comme à l’oral (au moins). Mais de temps en temps, il faut
bien le reconnaître, une petite relecture nous aiderait.
Faites-nous signe : [email protected]
Appel aux correspon-dants régionauxNous projetons d’organi-ser
des rencontres-débats avec la rédaction partout
en France dans les pro-chains mois. Certain(e) s
d’entre vous ont déjà accepté de nous aider à tricoter notre
ré-
seau hexagonal et nous les en remercions. Concrètement, il
s’agit de devenir le ou la référent(e) Terra eco dans une
région ou un département, pour y faire vivre Terra eco,
dénicher des lieux d’accueil pour nos rencontres, etc. Nous
recherchons des correspondants à Lille, à Rennes, à Toulouse, à
Montpellier, à Marseille ou encore à Strasbourg. Certain(e)s ce
sont déjà manifesté(e)s à Paris, Lyon, Nantes, Bordeaux ou Chambéry
: n’hésitez pas à les rejoindre en vous signalant sur la boîte
[email protected]
Toutes les bonnes volontés sont bienvenuesZut alors, vous
aimeriez nous consa-crer du temps, mais ne vous reconnais-sez pas
dans les propositions que nous vous faisons. Qu’à cela ne tienne :
nous sommes à l’écoute. Expliquez-nous en quoi vous pourriez nous
aider en écrivant à [email protected]. —
Vous avez des bras ? ça tombe bien, nous en cherchonsAprès le
Parking Day, l’équipe des « lecteurs responsables » vous propose de
vous associer à plusieurs projets tous plus humanistes et
enthousiasmants les uns que les autres. Seule condition : être
prêt(e) à nous offrir un peu de votre temps.
benj
amin
mar
ias,
PA
RK(
ing)
DAY
Ann
ecy
2009
La première com
munauté de lecteurs responsables
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10 novembre 2010 terra eco
14 L’objet du mois Lecercueil
16 Marketing TetraPaksesuremballe
20 Enquête CommentSarkozy afailliêtreécolo
34 Un monde à +2° LaChineencalesèche
36 Portrait ErikOrsenna,le boulimiqueplanétaire
40 Reportage Stocamine:unebombe àretardementenAlsace
44 Economie CommentMonsanto dragueauSud
46 En direct de terraeco.net
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Laphotodumois
LA NATURE à fLoT ET à
sAcLesjourssesuiventmaisneseressemblentpasdanslemondemerveilleuxdelabiodiversité.Selonuneétudedel'Unioninternationalepourlaconservationdelanature,uncinquièmedesplantesmondialescourentaujourd'huiunrisqued'extinction.Lamêmesemaine,lepremierrecensementdelaviesous-marineannonçaitladécouvertede6000nouvellesespècesmarines.UnpetitsourireavantlaconférencemondialesurlabiodiversitédeNagoya(Japon)quidoittrouverunaccordvisantàralentirl'érosiondelabiodiversitésurlaplanète.(Marine
census - AFP)
Brèves
« Le nombre de victimes causé par les changements climatiques est très grand (…), plus important que les victimes des guerres. »OUSSAMA BEN LADEN, dans un enregistrement audio attribué au numéro un d‘Al-Qaïda par SITE Intelligence Group, un organisme américain qui surveille les sites internet islamistes.
S'il fait 5 degrés de plus sur Terre, les animaux migreront.
Comme nous. Mais c'est oublier que certains seront
piégés dans des régions hostiles. C'est déjà le cas du lynx
d'Espagne, coincé dans des poches arides de la péninsule ibérique.
Aujourd'hui, des scientifiques américains promeuvent la «
colonisation assistée », c'est-à-dire le déplacement de certaines
espèces dans des écosystèmes favorables, dont elles sont absentes
au départ. Sont concernés des papillons, des coraux ou des
poissons. Reste à savoir si ces animaux s'adapteront et s'ils ne
causeront pas de dommages dans leur zone d'accueil. F.M.
Le grosmot
Colonisation assistée
d'ampoulesbasseconsommationontétédistribuéesauxfoyers
éthiopiens.Unemanièrepourlegouvernementdelimiterl'éclairageaukérosèneetderésoudre,dumêmecoup,lesimportantespénuriesd'électricité.Danslestroismoissuivantl'opération,lacompagnienationaled'électricitéaréussiàréduirelaconsommationauxheuresdepointede80%.
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terra eco novembre 2010 11
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Mieux que le rameur,la rame de métroVous avez besoin de perdre
du poids ? Pas la peine d'aller lever de la fonte ou de courir sur
un tapis roulant dans une salle de sport. Troquez simplement la
voiture pour le train ou le métro… et vous fondrez, promet un
rapport de l'association américaine du transport public. Selon
celui-ci, lorsqu'on habite dans une agglomération bien desservie en
transports en commun, on vit plus longtemps et en meilleure santé
qu'un habitant de la campagne qui prend sa voiture à tout bout de
champ. K.L.L.
Remaniementministériel
Brèves
Le dessin
Pamela en pièces démontéesPauvres d'eux : les habitants de
Montréal ne verront pas cette subtile publicité pour l'association
de défense des animaux Peta, avec Pamela Anderson
en guest star. L'actrice américano-canadienne y dévoile, sous le
slogan « Tous les animaux ont les mêmes morceaux », les plus belles
parties de son anatomie, découpées selon les règles de la boucherie
: épaule, poitrine, croupe, etc. Bien que censée vanter le régime
végétarien, la campagne a été jugée sexiste et interdite par les
autorités municipales.
Réagissez à l’actualité sur
-
12 novembre 2010 terra eco
Le business disparu du cinémaUn banquier avide ? Un trader sans
scrupules ? Un entrepreneur qui trempe dans de sales affaires ?
Rien que du classique aujourd’hui dans les films
hollywoodiens. Comme le signale « The New Yorker », les
businessmen jouent désormais « le rôle que tenaient autrefois les
nazis, les Russes ou les dictateurs d’opérette ». Même si « Wall
Street » (premier du nom) fut un choc en 1987, rappelle le
magazine, le chef d’entreprise a toujours été une figure maltraitée
par le business du cinéma – pourtant un immense business lui-même !
Reste que les longs-métrages pas trop simplistes sur le – vrai –
monde de l’entreprise sont bien trop rares actuellement. Qui s’y
colle ?www.newyorker.com
Tu seras fermier, mon fils
Médecin, avocat, c’est dépassé. Désormais les fées se pencheront
sur les berceaux pour prédire des carrières d’agriculteur
biologique aux mouflets. Organic Valley devait prendre les
devants en octobre et lancer une campagne de recrutement aux
Etats-Unis. Gonflée, la coopérative agricole prévoyait même d’aller
frapper aux portes des prestigieuses Harvard et Brown révèle le
magazine Fast Company. Ses missionnaires ? Des fermiers de 18
à 35 ans engagés dans la filière et décidés à prouver qu’on peut
être agriculteur sans pour autant s’abonner aux vaches
maigres.www.fastcompany.com
Si vous shoppez sur Internet, shoppez grosSi vous n’êtes pas
prêt à remplir frigo et placards, mieux vaut lâcher votre souris et
rouler jusqu’au supermarché. Faire ses courses en ligne est certes
bon pour la planète. Mais à condition d’acheter au moins 25
produits, d’annuler du même coup 3,5 visites au supermarché ou
d’avoir à parcourir au moins 50 km pour rejoindre les rayons. C’est
la conclusion d’un rapport de l’Institut d’ingénierie et de
technologie du Royaume-Uni repris par le « Daily Telegraph
».www.telegraph.co.uk
Pire que Mexico, Caracas ou n’importe quelle ville occidentale :
Jakarta. D’après l’hebdomadaire local Tempo, la capitale
indonésienne est un enfer automobile : on y circule à une
vitesse moyenne de 20 km/h et les habitants passent 60 % de leur
temps éveillé dans les bouchons. En 2014, on devrait même aller
aussi vite à pied ! Pourquoi ce chaos ? A cause du boom des
immatriculations et du mauvais état des transports en commun. Quant
aux voies de bus et aux voies aériennes, elles ne seront pas
opérationnelles avant plusieurs années.www.tempointeractive.com
Jakarta ou l’enfer automobile
Lu d’ailleurs
« Attention, mer au repos »Cette pancarte aurait pu figurer sur
les côtes de l’océan Atlantique de Mauritanie en septembre. La
baisse des ressources halieutiques dans le pays a en effet
contraint le gouvernement à bannir toute pêche industrielle et à
restreindre les sorties des bateaux artisans, rapporte le site
Afrik.com. Une mesure similaire avait déjà été prise en mai et
tenue deux mois durant. Au cœur du problème : une surexploitation
des réserves due au pillage de bateaux étrangers et au non respect
des quotas. Dans un pays où la pêche assure plus de la moitié des
recettes d’exportation, le gouvernement a décidé de jouer du
harpon. Suffisant pour changer les mauvaises pratiques
?www.afrik.com
« Ce sont des ressources extraordinaires et je comprends pourquoi tous galopent vers elles et veulent les exploiter le plus rapidement possible. »JAMES CAMERON, réalisateur, à propos des sables bitumineux du Canada
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14 novembre 2010 terra eco
Notre dernière demeure est imbibée de solvants et gloutonne en
forêts. Pour ceux qui souhaitent mourir en héros vert, une seule
solution : le cercueil en carton. Par PHILIPPINE ARNAL
a vie est bien courte pour un cercueil : sitôt sorti de l’arbre,
sitôt parti en fumée ou livré aux vers de terre. Côté cimetière, 90
000 m3 d’arbres sont abattus chaque année en France pour
mettre en bière 540 000 trépassés. Et dans les deux prochaines
décennies, le
vinc
ent b
ailla
is
Le cercueil
pic de mortalité attendu abattra plus de 117 000 m3 par an,
l’équivalent de 696 hectares de forêt coupés. Le chêne, le hêtre et
le pin, les essences les plus utilisées, viennent de France et
d’Europe de l’Est. Pour les défunts aux goûts de luxe, l’acajou est
importé d’Afrique ou d’Indonésie et traité pour supporter
ce long voyage. Quant à l’aggloméré et à ses ingrédients à base
de formol, c’est un vrai poison qui pollue déjà l’air de nos
maisons. Fusil de chasse et paire de skisUne fois abattu, l’arbre
est tronçonné, découpé en planches qui sont rabotées et poncées. Au
moment de l’assemblage et des finitions, colles, laquage, vernis à
la sauce solvants et quincaillerie en tous genres défilent : de
quoi plomber l’ardoise environnementale du cercueil. Bertrand de
Marne, de l’Union nationale des industries françaises de
l’ameuble-ment, s’insurge :
« La faible proportion en solvants n’a pas d’impact sur l’environne-ment. »
Heureusement, la mauvaise foi ne tue pas. Selon une étude de
l’Institut technologique FCBA (1), bois mis à part, les vernis et
colles solvantées arrivent en deuxième position en termes d’impact
négatif sur l’environnement. Suivis de près par le métal des
décorations, puis par les joints en acier et les vis d’assem-
L’objet du mois
Cercueils en carton AB Crémation : www.ab-cremation.com
Cercueils biodégradables Euro Iris : www.euro-iris.fr Le dossier du
Centre pour un enterrement naturel (en anglais) :
http://naturalburial.coopToutes les données sur la forêt privée en
France : www.foretpriveefrancaise.com
Pour aller plus loin
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terra eco novembre 2010 15
vinc
ent b
ailla
is
L’objet
Cimetières verts : la mort leur va si bienLes cimetières dits «
naturels » ou « boisés » fl eurissent en Angleterre. On en compte
plus de 200, qui regroupent entre 8 % et 10 % des défunts. Là, les
morts n’empoisonnent plus les vivants. En pleine terre, dans un
linceul ou dans un cercueil biodégradable, le défunt est vêtu de fi
bres naturelles et ne doit pas être embaumé. Le cimetière est
entretenu le plus naturellement possible, sans pesticides ni
désherbant. L’idée est passée outre-Atlantique où ces parcs d’un
nouveau genre atteignent plus de 10 hectares, contre moins de 2
chez les Anglais. En Australie, l’église catholique est allée plus
loin en créant un cimetière vert où chaque emplacement, dépourvu de
pierre tombale, n’est repérable qu’avec un scanner et bientôt un
GPS. En France, pas de cimetière vert, mais à Pruillé
(Maine-et-Loire), le propriétaire d’un terrain de 4,5 hectares
propose depuis 2004 de déposer les cendres du défunt entre les
racines d’un arbre. Cinquante places sont déjà occupées. —
blage. Et qui arrive en première place ? Le capitonnage satiné
dans lequel est déposé le défunt pour
« le confort visuel de la famille »,
dixit la Confédération des professionnels du funéraire et de la
marbrerie. Ce petit nid douillet facultatif – mais quasi
systématique, – est la plu-part du temps fabriqué en polyester, et
donc 100 % non biodégradable. A cela s’ajoutent les vêtements
synthétiques du mort, les 8 litres de produit formolé que
l’embaumeur a injecté (dans 40 % à 50 % des cas) dans le corps et
les objets que la famille place dans le cercueil : du fusil de
chasse à la paire de skis. Autant de « détails » que la
réglementation française n’a jamais pensé à limiter. L’ensemble est
déposé en pleine terre ou, plus souvent, dans un caveau en granit
du Tarn, de Bretagne ou, de plus en plus, de Chine. Les caveaux en
béton et en PVC, plus économiques, sont aussi assez répandus. Ce
joli mélange va fermenter dans les écosystèmes de nos cimetières,
acidifi er les sols et contribuer à l’eutrophisation des eaux
souterraines. En clair, les nutriments y sont trop nombreux, les
algues y prolifèrent et l’oxygène se fait la malle.
Boîte en carton, slip en cotonFace à ce sinistre bilan, quelques
fabri-cants français commencent à proposer des gammes de cercueils
autopro-clamés écoconçus. Ils annoncent un approvisionnement en
bois issu de forêts gérées durablement, des vernis sans solvants,
des poignées en bois et un garnissage intérieur en matières
végétales. Ce cercueil dit « écolo » est présenté comme étant 30 %
moins polluant que la boîte classique et environ 5 % plus cher.
Pour les puristes, l’alternative est ailleurs. Déjà bien connu en
Angleterre, en Allemagne et en Suisse, le cercueil en carton a fait
son entrée sur le marché
français il y a à peine deux ans avec la bénédiction du
ministère de la Santé. Pourtant, malgré son prix – quatre à six
fois moins cher que le modèle classique –, les ventes ne décollent
pas. Le concept est victime d’un boycott de la profession qui
aimerait bien l’enterrer au nom de la « tradition ». Fabriqués en
Alsace, les quelques mil-liers d’exemplaires distribués chaque
année en France se composent à 70 % de carton recyclé, sans
visserie, avec des poignées amovibles et des clips en matière
végétale, des encres à base d’eau et des colles à l’amidon de maïs
et à la pomme de terre. Le capitonnage proposé est en lin ou coton
et, pour aller au bout de la démarche « verte », il est recommandé
d’habiller le défunt avec des fi bres naturelles. En France, où le
cercueil est obliga-toire – même pour la crémation –, la
réglementation et l’offre commerciale ne proposent pas d’autre
solution. Pourtant, en passant les frontières, on trouve des
initiatives originales : sarco-phages en papier recyclé, en bambou,
en bois de bananier et même en coton ou en laine de mouton
britannique bio. Pour nous, pauvres mortels français, le
sacro-saint respect de la tradition passe encore avant celui de
Dame Nature. —(1) Institut technologique Forêt Cellulose Bois
Ameublement.
En France, dans les deux prochaines décennies, le pic de
mortalité attendu abattra 117 000 m3 de bois par an.
“Les apprentis Z’écolos” et l’ordinateur Découvrez dans quel
écran naviguent vos pixels dans ce nouvel épisode de la série de
dessins animés de « Terra eco » *. A visionner sur :
www.terraeco.net (rubrique Terra eco TV)* En coproduction avec
Télénantes et Six Monstres.
-
16 novembre 2010 terra eco
Bigre. Voilà une campagne intitulée « Le Geste nature »,
orchestrée par des agences dites « responsables » et validée par le
WWF. Son com-muniqué de presse vante « une
démarche de publicité responsable ». Enfin,
le produit – la brique alimen-
Avec sa dernière campagne de pub, le leader mondial de la brique
alimentaire a frôlé le carton jaune. Les bons élèves ne sont
décidément pas à l’abri d’un excès de confiance. Cas d’école.Par
EMMANUELLE WALTER
Le marketing expliqué à ma mère
Tetra Pak se suremballe
taire Tetra Pak – est réputé pour son faible impact
environnemental. Alors tout baigne ? Euh, pas totalement. Personne
n’est parfait.
La campagneAvec 12 000 affiches cet été, des pages dans 40
magazines, sans oublier des
cartes commerciales disponibles dans les cafés, difficile de
passer à côté de ses visuels loufoques mettant en scène des écolos
trop zélés. Cette campagne a pour objet
« de susciter la préférence pour l’emballage carton auprès des consommateurs et des clients industriels,
explique Anne-Valérie La-planche, responsable communication de
Tetra Pak en France.
L’idée est de montrer au consommateur qu’on peut faire de l’écologie très simplement, en achetant du lait ou du jus de fruit en brique plutôt qu’en bouteille plastique. »
Pendant le processus de création, ça a bataillé ferme entre le WWF,
par-tenaire de Tetra Pak depuis 2005, et les deux agences de com
(Manifeste et Ailleurs Exactement). D’abord sur les visuels. Se
moquer de l’engagement écologique est formellement déconseillé par
l’Arpp, l’Autorité de régulation
-
Le marketing
terra eco novembre 2010 17
titre que la brique est « recyclable » et constituée
« à 73 % de carton, donc de bois »
issu de forêts certifiées. Mais il y a un hic :
« Le talon d’Achille de la brique alimentaire, c’est le recyclage,
signale Yvan Liziard, ex-directeur technique d’Eco-Emballages, qui
fut consulté par Tetra Pak pour contrôler l’analyse du cycle de
vie.
Comme elle contient, en sus du carton, des films de plastique (en
polyéthylène,
ndlr) et d’aluminium, cette phase est complexe et peu rentable. Certains acteurs du recyclage y renoncent et préconisent l’incinération.
» Patrick de Noray, directeur de l’environnement chez Tetra Pak, se
veut confiant :
« Avec les papetiers-recycleurs, nous sommes en train de mettre au point une technique qui rendra cette étape moins coûteuse. Fin 2011, l’ensemble des composants d’une brique seront recyclés. »
VerdictVendre un produit écolo en se moquant des écolos, en
déresponsabilisant un poil le consommateur qui peut se sentir vert
à peu de frais et en se vantant d’avoir réalisé une campagne de pub
vertueuse : on a frôlé la cata. Cet excès de confiance échappe
cependant au syndrome du « greenwashing », puisque la brique reste
un emballage de liquide alimentaire assez peu impactant. Ouf !
—
professionnelle de la publicité.
« Le WWF nous a fait savoir que la destruction de nids d’hirondelles ou de martinets était punie par la loi. Impossible donc de rire de ceux qui les protègent. On était embêtés, mais on a fini par remplacer le nid par des écureuils, moins menacés »,
raconte-t-on chez Tetra Pak. Ensuite sur les messages. La pre-mière
version proposée était la sui-vante :
« Il y a un geste plus simple pour préserver notre planète. Il suffit de choisir un emballage signé Tetra Pak. »
Jacques-Olivier Barthes, directeur de communication du WWF, a
rappelé à l’enseigne qu’elle ne devait pas s’at-tribuer des vertus
environnementales démesurées.
« C’est bien le comble : nous, écolos depuis toujours, on a failli verser dans le “ greenwashing ” »,
admet-on chez Tetra Pak. La modification, subtile –
« mieux préserver » au lieu de
« préserver », « choisir », au lieu de
« il suffit de choisir » – change (un
peu) la donne. D’un seul coup, l’achat d’une brique apparaît moins
comme l’alpha et l’oméga du sauvetage de la Terre.
Ecolo, vraiment ?La brique alimentaire est certaine-ment plus
vertueuse que la bouteille plastique. L’analyse du cycle de vie du
modèle Tetra Pak le montre large-ment. La pub peut mentionner à
juste
Le jean gagne au grattageJusqu’à cet été, on pouvait trouver
chez H&M ou Levi’s des jeans au look vieilli grâce à la
projection de sable sous forte pression. Ces dernières années,
cette technique a provoqué la mort d’au moins 50 ouvriers turcs,
atteints de silicose. « Nous avons voulu imposer des protocoles de
protection à certains fournisseurs, sans succès, raconte-t-on chez
H&M. Nous avons alors décidé de ne plus commercer avec eux, et
nous espérons que le reste de l’industrie textile suivra. » Levi’s
a fait de même. Des initiatives saluées par le collectif « De
l’éthique sur l’étiquette ». Le vieillissement de leurs jeans est
désormais obtenu grâce au grattage-ponçage « manuel ou industriel »
du denim.
Volvic : le petit vertLe bouchon est vert. L’étiquette est
verte. C’est la première bouteille Volvic éco-conçue : 20 % de
plastique végétal issu de canne à sucre et 25 % de plastique
recyclé. Dommage : c’est une petite bouteille de 50 cl. Pas très
vert !
L’opinion, c’est l’ennemiLes publicités à connotation
environnementale visent avant tout le public « écolo friendly ».
Pas de bol : celui-ci est très méfiant vis-à-vis de la
communication verte : à 74 %, d’après le sondage « Entreprises et
biodiversité » du WWF et d’Ifop . « Il faut de votre part une
grande sincérité, car le tribunal de l’opinion publique est sévère
», préconisent donc les dirigeants du WWF aux entrepreneurs.
BREVES« Le WWF nous a fait savoir que la destruction de nids d’hirondelles était illégale. On a remplacé le nid par des écureuils, moins menacés. » Le service communication de Tetra Pak
Marie-France Corre, consultante en consommation responsable :Le
mauvais point : « Laisser croire aux consommateurs qu’il suffit
d’acheter du lait en briques pour sauver la planète, le tout dans
des décors naturels. J’ajoute que de nouveaux types d’emballages
allégés (poches plastiques souples) et recyclés, pourraient avoir
un cycle de vie moins impactant que celui de la brique. »Le bon
point : « La pub incite les consommateurs au recyclage. Beaucoup
ignorent que la brique se trie. »
Avis de l’expert : 3/5
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20 novembre 2010 terra eco
e veux que le Grenelle soit l’acte fondateur d’une nouvelle
politique, d’un New Deal écologique en France, en Europe et dans le
monde ». Nous sommes le 25 octobre 2007. C’est sur cette envolée
lyrique que Nicolas Sarkozy conclut la cérémonie de lance-ment du
Grenelle de l’environnement. Le 6 mars 2010, lors d’une table ronde
avec la profession au salon de l’agriculture, le président lâche :
« Toutes ces questions d’environnement, (…) ça commence à bien
faire. » Entre les deux, une danse au rythme de « je t’aime moi non
plus » entre le président et l’écologie. Au sortir des réunions du
Grenelle, les ONG applaudissent à un paquet de mesures global et
ambitieux : transports, écotaxe, taxe carbone, principe de
pré-caution, OGM, énergies renouvelables… « Le discours de Nicolas
Sarkozy marque
Le président de la République a inventé le Grenelle de
l’environnement. Aujourd’hui, ce New Deal écologique a du plomb
dans l’aile. Bilan exclusif de trois années entre espoir et
déception.
28 ENQUÊTE Grenelle : 10 promesses non tenues
33 BANC D’ESSAI Elysée et ministères : sont-ils exemplaires
?
35 RÉACTIONS Politiques, économistes, ONG, lecteurs… jugent la
politique écologique de Nicolas Sarkozy
l’acte I d’un nouveau dialogue environ-nemental et d’une
nouvelle démocratie écologique », reconnaît alors Sébastien Genest,
le président de France Nature Environnement.
PatinageMais depuis le projet de loi dit « Grenelle I » adopté à
la quasi-unani-mité en octobre 2008, la révolution éco-logique de
la France patine dans les cou-loirs législatifs. Le second projet
de loi, dit « Grenelle II », est même accusé de détri-coter
l’ensemble à grands coups d’amen-dements. Terra eco a donc sorti le
gilet pare-balles pour identifier 10 cadavres du Grenelle. Et
convoqué politiques, économistes, juristes, ONG et lecteurs pour
répondre à cette question : Nicolas Sarkozy a-t-il rompu avec
l’écologie ? — att
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terra eco novembre 2010 21
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Le 17 décembre 2009 à la tribune de la Conférence de Copenhague
sur les changements climatiques.
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22 novembre 2010 terra eco
L’ambitieux paquet de mesures du Grenelle de l’environnement
s’est effiloché au fil du temps. Revue de détails des plus grosses
pertes.Par louise allavoine
LA TAXE CARBONE
« Je m’engage à ce que la révision générale
des prélèvements obligatoires se penche sur la création d’une “ taxe climat-énergie ” en contrepartie d’un allègement de la taxation du travail. » Nicolas sarkozy, 25 octobre 2007,
discours de clôture du GreNelle
Elle devait être son « abolition de la peine de mort ». La
proposition phare du Pacte écologique de Nicolas Hulot, signée par
le candidat Sarkozy en 2007, a pourtant bel et bien été exécutée. A
petit feu. Première étape : la décapitation. Le 10 septembre 2009,
Nicolas Sarkozy annonce une taxe débutant à 17 euros la tonne de
CO2, contre les 32 euros préconisés par la commission
Rocard. Mais à deux jours de son entrée en vigueur, le 1er
janvier 2010, le Conseil constitutionnel condamne la « Contribution
Climat-Energie ». Motif : elle crée « une rupture de l’égalité
devant l’impôt ». La taxe carbone est bien morte. Pour donner le
change, le gouvernement promet un nouveau texte. Entrée en vigueur
annoncée après les élections régionales. Deux jours avant
celles-ci, jus
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terra eco novembre 2010 23
L’ECO-REDEVANCE SUR LES
CAMIONS« Je propose que l’on taxe les poids lourds qui traversent la France et utilisent notre réseau routier. »Nicolas sarkozy, 25 octobre 2007,
discours de clôture du GreNelle
Selon la feuille de route initiale, l’éco-redevance poids lourds
devait d’abord être expérimentée en Alsace, puis entrer en vigueur
sur l’ensemble du territoire en janvier 2011. Mais le 19 avril
2010, le cabinet de Jean-Louis Borloo « confirme » sa mise en œuvre
pour… 2012 ! La mesure phare du Grenelle I vient de caler à
l’allumage. En cause : des retards dans le dialogue compétitif pour
le choix de l’entreprise qui la collectera, une concertation avec
les Conseils généraux non bouclée. L’expérimentation alsacienne
étant désormais prévue pour le début de l’année 2012, le
déploiement national est repoussé au second semestre, soit après
l’élection présidentielle. Au mieux.
LE DEVELOPPEMENT MASSIF DE L’EOLIEN
« Nous voulons faire de la France le leader des énergies renouvelables, au-delà même de l’objectif européen de 20 % de notre consommation
d’énergie en 2020. »Nicolas sarkozy, 25 octobre 2007, discours de clôture du GreNelle
Le parc éolien devait passer de 2 000 turbines à l’époque à 8
000 en 2020. Mais à l’Assemblée nationale, la mission d’information
sur l’énergie éolienne présidée par le député UMP Patrick Ollier
préconise, le 24 mars, que les projets de construction d’éoliennes
soient soumis au régime des Installations classées pour la
protection de l’environnement (ICPE), comme le réclamaient les
anti-éoliens. Et ce n’est pas tout : elles devront compter 5 mâts
minimum, être implantées dans des zones prédéfinies au niveau
régional, se trouver à 500 mètres au minimum des habitations et
avoir un seuil minimum de puissance de 15 mégawatts par parc. Au
moment du vote, le 11 mai, toutes les restrictions passent, sauf
cette dernière. Pour les professionnels du secteur, cela remet en
cause l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables en 2020.
Nicolas Sarkozy assure « prendre le temps de la concertation au
plan européen comme national ». Il vient de sonner l’hallali. Une
fois le scrutin passé, François Fillon achève la taxe carbone. «
Nous voulons que les décisions soient prises en commun avec les
autres pays européens », déclare le Premier ministre. A Bruxelles,
toujours pas de taxe carbone à l’ordre du jour.
L’ETIQUETAGE ENVIRONNEMENTAL DES PRODUITS
« Développer l’étiquetage environnemental et social des produits » (ENGAGEMENt
N°201 du GrENELLE)
« C’est un premier pas. Je veux aller plus loin », déclare
Nicolas Sarkozy en clôture du Grenelle, le 25 octobre 2007. Et
prenant à partie José Manuel Barroso, président de la Commission
européenne, il propose « de taxer les produits importés de pays qui
ne respectent pas le protocole de Kyoto ». En avril 2010, le
président français et Silvio Berlusconi, président du Conseil
italien, font un courrier commun à la Commission réclamant l’étude
« sans a priori » de cette taxe carbone aux frontières. Peine
perdue. Bruxelles n’en fera rien, annonce quatre jours plus tard
Karel de Gucht, le commissaire au Commerce international. En
attendant l’étiquetage environnemental et social des produits a,
lui, été renvoyé aux calendes vertes. L’article 85 du projet de loi
Grenelle II prévoyait sa généralisation au 1er janvier 2011. Après
le vote définitif du texte fin juin 2010, il ne restait plus qu’une
expérimentation, d’une année minimum, prévue pour ne commencer qu’à
partir de juillet 2011.
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Port de Singapour.
Eoliennes sur le chemin de
Saint-Jacques-de- Compostelle.
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24 novembre 2010 terra eco
LA TAXE PIQUE-NIQUE
« Il a été prévu, et donc on le fait, d’étendre [la taxe générale sur les activités polluantes] à un type de produits complémentaires,
c’est-à-dire les assiettes et les couverts, en plastique ou en carton,
non recyclables », Jean-Louis Borloo, sur rtL, le 15
septembre 2008
Problème : les députés uMP goûtent peu cette « taxe
pique-nique » et le font illico savoir par voie de presse.
Jean-Louis Borloo tente alors de calmer le jeu en parlant d’une «
proposition encore à l’étude ». Plus pour longtemps. Car François
Fillon l’a déjà enterrée. « Il n’y aura pas (…) de taxe pique-nique
», déclare le Premier ministre, le 18 septembre. Le dernier coup de
pelle revient au Président lui-même. A l’issue d’une « réunion
d’arbitrage » convoquée à l’Elysée le 19 septembre, le bonus-malus
automobile est maintenu, mais son élargissement à d’autres familles
de produits reporté. Adieu la taxe pique-nique, promesse née et
reniée en moins de cinq jours.
CREATION D’UNE ORGANISATION MONDIALE DE
L’ENVIRONNEMENT
« lorsque nous serons parvenus, à copenhague, à un accord ambitieux sur le climat, il faudra que soit créée une véritable organisation mondiale de l’environnement en mesure de faire appliquer les engagements qui auront été pris. »
Nicolas sarkozy, le 19 JuiN 2009,
à l’orGaNisatioN iNterNatioNale
du travail
Pas nouvelle, l’idée d’une agence internationale de
l’environnement avait déjà été portée par Jacques Chirac. Le
candidat Sarkozy fait figurer cette OME à son programme. Et une
fois élu, il répète cette intention à plusieurs reprises : au G8 à
l’Aquila, le 9 juillet 2009, puis lors d’une
rencontre avec Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations
unies, quelques jours plus tard. Juste avant Copenhague, le 10
décembre, Nicolas Sarkozy promet même aux associations écologiques
reçues à l’Elysée de s’engager « à mort » pour sa création. Et
puis, Copenhague est un échec. Le 22 décembre, il confirme aux ONG
son intention de porter l’idée d’une l’Organisation de
l’environnement, européenne celle-là. Depuis, plus rien.
AGROCARBURANTS : UNE EXPERTISE « CONTRADICTOIRE »
L’engagement n°58 du Grenelle de l’environnement préconise une
« expertise exhaustive et contradictoire du bilan écologique et énergétique des agro/biocarburants de première génération ».
La version finale de cette étude ne sera publiée que deux ans et
demi après la commande. Son caractère « exhaustif et contradictoire
» fait défaut. Si l’étude admet que le « changement d’affectation
des sols » peut rendre leur bilan négatif, elle conclut en faveur
des agrocarburants. ge
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terra eco novembre 2010 25
LA TAXATION SUR L’INCINERATION ET LES
DEChARGES« la priorité ne sera plus à l’incinération mais au recyclage des déchets. »
Nicolas sarkozy, 25 octobre 2007, discours de clôture du GreNelle
L’engagement 245 du Grenelle promet une « augmentation de la
taxe sur les décharges (TGAP) et [la] création d’une taxe sur les
incinérateurs ». Promesse tenue dans le projet de loi de Finances
pour 2009. Mais le texte est détricoté par les parlementaires. Le
Sénat réduit la facture pour les installations dites « exemplaires
». Les montants arrêtés par les groupes de travail du Grenelle sont
également rabotés. Le ministère de l’Ecologie préconisait de taxer
entre 10 et 20 euros la tonne incinérée. Après le vote de la loi,
la fourchette devient de 1,5 à 7 euros la tonne, des taux devenus «
trop faibles pour être réellement incitatifs », selon le Centre
national d’information indépendante sur les déchets (Cniid). Et le
22 juin, le sénateur UMP Dominique Braye, président de la mission
commune d’information sur les déchets et Daniel Soulage,
rapporteur, sortent, en catimini, un rapport où il est clairement
question de réhabiliter l’incinération, décrite, dès le sommaire,
comme « une opportunité à saisir pour limiter les gaz à effet de
serre ».
LA REDUCTION DE LA TVA SUR LES PRODUITS VERTS
« Je demande, José Manuel [barroso], la création d’une
tva à taux réduit sur tous les produits écologiques qui respectent le climat et la biodiversité », Nicolas sarkozy, 25 octobre 2007, discours de clôture du GreNelle
Les voitures émettant moins de CO2, les matériaux isolants ou
encore les ampoules et appareils électriques à faible consommation
ne bénéficieront pas d’une TVA réduite à 5 %. La Commission
européenne annonce, en mars 2009, qu’elle renonce à proposer cette
réduction sur les « produits verts » dans l’Union, en raison de
l’opposition de nombreux Etats.
LE PIB RELOOOKÉ ?Janvier 2008. Alors que la crise s’emballe,
Nicolas Sarkozy fait la moue. En
pointant invariablement vers le beau fixe, le PIB a masqué la
bulle spéculative et fourvoyé banques et Etats. Il faut repenser
nos baromètres, se dit le président et « prendre en compte la
qualité et non plus seulement la quantité ». Il promet alors de «
réunir un groupe d’experts internationaux de très haut niveau pour
réfléchir aux limites de notre comptabilité nationale ». Deux
Nobels d’économie, Joseph Stiglitz et Armatya Sen, flanqués d’une
vingtaine d’éminents spécialistes, sont lancés à la chasse aux
nouveaux indicateurs de richesse. Dix-neuf mois plus tard, le panel
accouche d’un rapport remis en grande pompe à la Sorbonne. Les
auteurs y dissèquent les indicateurs alternatifs existants. « Le
rapport Stiglitz n’est pas resté dans les tiroirs », se félicite
Jean Gadrey, professeur émérite d’économie à l’université de Lille
1 et membre du Forum pour d’autres indicateurs de richesse (Fair).
En juillet, l’Institut national de la statistique et des études
économiques (Insee) a présenté une série de 15 indicateurs de
développement durable. Ceux-là promettent de compter les matières
consommées par les Français, les sorties du système scolaire ou la
participation des femmes aux instances de gouvernance. Mais pour
qu’ils deviennent références aux côtés du PIB, manque encore
l’impulsion politique. En tout cas, « Nicolas Sarkozy a pris une
décision que la gauche aurait dû prendre avant lui , poursuit Jean
Gadrey. Mais dans ses discours, le président continue de parler
invariablement croissance. C’est un peu schizophrène. »
le rapport de la commission stiglitz :
www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/documents/rapport_francais.pdf
les préconisations du rapport stiglitz-sen-Fitoussi sur le site de l’insee :
www.insee.fr (aller dans le thème « économie », puis « économie
générale »)
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Construction d’une maison bioclimatique dans le Jura.
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26 novembre 2010 terra eco
PAS DE NOUVELLES AUTOROUTES
« Jean-louis borloo a annoncé
au journal “le Monde” la décision d’arrêter la construction d’autoroutes (sauf les contournements de ville). »« le MoNde », le 24 octobre 2007, à l’ouverture
de la table roNde FiNale du GreNelle de
l’eNviroNNeMeNt.
Juillet 2010, le ministre de l’Ecologie en autorise trois
nouvelles : l’A9 bis à Montpellier, la future autoroute entre
Castres et Toulouse et la mise en concession de la RN154 entre
Orléans et Dreux. Rien d’illégal. La loi Grenelle I n’interdit pas
la construction de nouvelles autoroutes. Et les engagements
gouvernementaux, sortis des tables rondes en octobre 2007,
mentionnent seulement que « la capacité routière globale du pays ne
doit plus augmenter sauf pour éliminer des points de congestion ou
des problèmes de sécurité ». Des échappatoires suffi samment larges
pour justifi er tout nouveau projet. En octobre 2007, peu avant de
confi er au journal « Le Monde » la fi n de l’ère du bitume, le
ministre parlait pourtant d’un changement de « paradigme », afi n
que « la route et l’avion deviennent des solutions de dernier
recours ».
MAUVAIS TOURSLE COUP DE RABOT SUR LES CREDITS D’IMPOTEn ces
temps de vaches maigres, les niches fi scales écolos ont aussi
droit à leur coup de rabot. Le projet de loi de Finances
2011 prévoit ainsi une réduction de moitié du crédit d’impôt
pour les particuliers sur l’équipement de panneaux photovoltaïques.
Le taux devrait donc passer de 50 % à 25 %, mais cela dès le 29
septembre 2010 ! La loi devant être votée à la fi n de l’année, la
mesure serait rétroactive.
L’ENTOURLOUPE DE LA BAISSE DES PESTICIDESNicolas Sarkozy annonce
« un plan pour réduire de 50 % l’usage des pesticides, dont la
dangerosité est connue, si possible dans les dix ans qui viennent
». Il promet d’essayer, pas d’y parvenir. ça tombe bien, le projet
est mal engagé. Fin avril, l’Offi ce parlementaire d’évaluation des
choix scientifi ques et technologiques met en garde contre une
diminution « trop brutale » des pesticides. Et Bruno Lemaire,
ministre de l’Agriculture, enfonce le clou dans « Ouest-France »,
le 4 octobre : « Nous devons adapter un certain nombre d’objectifs
qui ne sont pas atteignables. »
LA PROMESSE AMBIGUE DU NUCLEAIRE« Même si je ne veux pas créer
de nouveaux sites nucléaires, je sais que nous ne devons pas
renoncer à cette énergie », prône le président, le 25 octobre 2007.
Aujourd’hui, de nouvelles installations sont prévues sur des sites
existants. Les centrales de Flamanville (Manche) et Penly
(Seine-Maritime) accueilleront les nouveaux réacteurs concoctés par
Areva, les fameux EPR. Un troisième, évoqué par Nicolas Sarkozy en
janvier 2009, a été reporté au-delà de 2020.
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Embouteillages dans le Kent en 2009.
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terra eco novembre 2010 27
ELYsÉE ET MINIsTÈREs : C’EsTPAs GAGNÉ MAIs ÇA AvANCEEn 2007, le
président de la République promettait un Etat « exemplaire » en
matière de développement durable. Trois ans plus tard, « Terra eco
» compte les points.Par CaRoline BouDeT MINISTERE
DES AFFAIRES ETRANGERES bilaN carboNe : Pas encore. Le
Quai d’Orsay a lancé un appel d’offre pour un bilan carbone, dont
le marché devait être attribué cet automne.
autres Mesures : Mise en place depuis 2009 d’une
politique active de réduction des impressions et des consommations
d’énergie et de diffusion des principes de l’écoresponsabilité à
l’ensemble des agents. Dommage que ces efforts affi chés ne soient
pas chiffrés.
MINISTERE DE L’ECOLOGIE bilaN carboNe : Le premier,
réalisé en 2008, indiquait
34 900 tonnes équivalent co2 pour 6 000 agents,
soit un taux moyen d’émission de 5,81 tonnes par agent. Le second,
effectué en 2010, a permis de constater une baisse à 5,54 tonnes
par agent. autres Mesures : visioconférence,
maîtrise de la consommation d’eau – un simple réglage des chasses
d’eau permettra 30 % d’économie en cinq ans sur l’un des bâtiments
–, réduction du nombre d’imprimantes individuelles, proposition
d’un repas bio par jour à la cantine principale, 100 % du
papier utilisé est écolabellisé…
MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE bilaN carboNe : Il
a été effectué en 2009 sur les sites parisiens :
10 600 tonnes équivalent co2. pour 1 900
agents, soit un taux moyen de 5,57 tonnes par agent. Un nouveau est
en cours sur les locaux répartis sur tout le territoire.
autres Mesures : Un plan d’action est « en cours
d’élaboration ». Il inclura la formation des agents à la réduction
de consommation de papier, la dématérialisation des échanges
d’informations, la rationalisation des déplacements… Également :
achat de véhicules moins consommateurs et nouvelles exigences vis-à
vis des prestataires de services. Rien de chiffré pour le
moment.
MINISTERE DE L’INTERIEURbilaN carboNe : D’après le
bilan des « plans administration exemplaire », le marché de
l’audit énergétique de la quasi-totalité des 108 103 m² des
bâtiments occupés dans l’Hexagone par les services centraux a été
attribué fi n 2009 (hors bâtiments de la Gendarmerie, cédés en
2012). Les résultats n’ont pas encore été
communiqués.autres Mesures : Les véhicules, achetés
par le ministère entre 2009 et 2010, émettent en moyenne 133,6 g de
CO2 par km. Et pour piloter et réguler les consommations
énergétiques et d’eau des 19 millions de m2 du parc immobilier de
l’Intérieur, le ministère développe un « outil expert de gestion
des fl uides informatisé ».
ELYSEE bilaN carboNe : le palais présidentiel a émis,
en 2008, 33 837 tonnes équivalent co2 pour 1
031 agents (1), soit un taux moyen d’émission de 32,82 tonnes par
agent. Un nouveau bilan est prévu en 2011.
autres Mesures : isolation thermique sur trois
bâtiments administratifs parisiens ; visioconférence ; ampoules
basse consommation ; réduction et modernisation du parc de
véhicules. Projet de rénovation des modes de chauffage : l’idée
d’une chaudière à bois a été abandonnée, faute de modèle assez
puissant, au profi t de la récupération de la chaleur des eaux
usées.(1) Selon les chiffres du rapport Dosière, au 1er octobre
2008.
-
MINISTERE DE LA DEFENSEbilaN carboNe : Réalisé en
2008, sur six sites. L’îlot Saint-Germain, administration du
ministère à Paris, produit
14 000 tonnes équivalent co2 par an pour 3 400
personnes, soit 4,11 tonnes par agent. autres Mesures :
Développement de la visioconférence (188 postes en 2008 contre 36
en 2006), interdiction des déplacements en avion pour rejoindre une
ville située à moins de 3 heures de train et évaluation des
émissions de CO2 avant le lancement de projets (40 % de la totalité
bénéfi cient de cette mesure). Par ailleurs, 75 % des nouveaux
bâtiments étaient construits au standard HPE (Haute performance
énergétique) fi n 2008, l’objectif initial étant de 100%. Pour les
bâtiments existants, 8 projets de rénovation « basse consommation »
ont été lancés.
MINISTERE DE L’AGRICULTUREbilaN carboNe : Réalisé en
2008, il sera actualisé en 2012. Les activités du ministère (sur
sept sites parisiens) génèrent
11 010 tonnes équivalent co2 pour un total de 2
317 agents, soit 4,75 tonnes par agent. En 2009, le bilan carbone
des services « déconcentrés » faisait état de 96 521 tonnes éq. CO2
pour 13 000 agents dans l’Hexagone, soit 7,42 tonnes par
agent.autres Mesures : Un plan d’actions vise à diminuer
les émissions de gaz à effet de serre de 22 % d’ici 2012 :
visioconférence, véhicules « micro-urbains » peu polluants,
critères Haute performance énergétique dans les nouveaux
projets immobiliers, 15 % de produits bio ou de proximité dans la
restauration collective du ministère. En 2014, construction d’un
site parisien unique regroupant 1 200 fonctionnaires et visant la
certifi cation « HQE BBC ».
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCESbilaN carboNe :
Il a été réalisé en 2008 sur 24 bâtiments de l’administration
centrale : 61 648 tonnes équivalent co2 pour 13
500 agents, soit 4,56 tonnes par agent.
autres Mesures : Construction des nouveaux bâtiments
selon les normes HQE, audits énergétiques approfondis des
bâtiments effectués en 2010, lampes basse consommation, abandon des
imprimantes individuelles, développement de la visioconférence,
mise en œuvre de tri sélectif dans les bureaux, réduction et
renouvellement du parc automobile (7 000 véhicules en 2009), train
privilégié pour les déplacements inférieurs à 3 heures.
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28 novembre 2010 terra eco
Bercy vu depuis la piscine Joséphine-Baker en 2006.
eXclusiF : le classement des ministères les plus polluants
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terra eco novembre 2010 29
sARKoZY A-T-IL RoMPu AvEC L’ECoLoGIE ?
ChANTAL JOUANNO, SECRETAIRE D’ETAT ChARGEE DE L’ECOLOGIE« On a
globalement réalisé 90 % de ce qu’on voulait faire. Même les
associations disent que, si elles n’ont pas tout obtenu, le
Grenelle reste un grand pas en avant. Et les choses n’ont pas
traîné. On a lancé les opérations en juin 2007, et en octobre, on
avait validé l’ensemble des grands objectifs. La loi Grenelle II,
l’une des plus grandes
lois de la législature, a connu une mise en place très rapide.Je
me sens particulièrement fi ère du volet agriculture. Le plan de
réduction des phytosanitaires est, à mon sens, extrêmement
important. Je suis fi ère aussi des mesures pour protéger la santé
des plus fragiles, notamment celle des enfants : l’interdiction du
bisphénol A, les restrictions sur les téléphones portables,
l’encadrement de la publicité… Enfi n, je suis très contente de
cette réfl exion qu’on a lancée sur le PIB et les indicateurs de
richesse. Je regrette évidemment que la contribution carbone ait
été reportée. Ceci dit le débat n’est pas terminé. N’abandonnons
pas cette idée de changer profondément notre fi scalité ! Pour moi,
le Grenelle, c’est “ comment dépenser moins en prévenant les dégâts
sur la nature plutôt que de les réparer ”. C’est aussi “ comment se
passer des énergies fossiles pour devenir moins dépendants de
l’extérieur. ” Aujourd’hui, c’est vrai, le contexte politique est
tel qu’on parle beaucoup moins d’environnement. Mais je n’ai aucune
raison de douter de l’engagement du Président. Parmi les arbitrages
budgétaires, les fi nancements spécifi ques du Grenelle sont
stabilisés. Certes à court terme, la crise a peut-être réduit notre
marge de manœuvre budgétaire. Mais elle prouve l’intérêt de changer
de modèle. La crise conforte le Grenelle ! Nous ne sommes qu’à
mi-chemin. In fi ne, tout le monde est d’accord avec le principe
qui consiste à imposer moins de taxes sur le travail et plus sur la
pollution. Mais c’est la gestion de la transition qui n’est pas
simple. » —
74 % des Français pensent que le grenelle est un ecHec
l’intégralité des entretiens sur
SÉGOLÈNE ROYAL, ANCIENNE CANDIDATE à LA PRESIDENTIELLE,
SIGNATAIRE DU PACTE ECOLOGIQUE. AUJOURD’hUI PRESIDENTE SOCIALISTE
DU CONSEIL REGIONAL DE POITOU-ChARENTES« Le gouvernement vide de sa
substance le Grenelle de l’environnement. Il a reculé sur ses
engage-
ments dans tous les domaines. L’éolien, en durcissant les règles
applicables aux lieux d’implantation ; le photovoltaïque, en
portant un coup très dur à la fi lière industrielle par une remise
en cause de tous les leviers de développement ; l’isolation des
bâtiments, en remettant en cause les aides aux particuliers qui
commençaient à se mobiliser ; mais aussi en matière de réduction
des pesticides, des transports par la route, sur la fi scalité
écologique, l’étiquetage écologique des produits, etc. Ces
décisions mettent gravement en péril le déve-loppement des fi
lières vertes et l’action pour la préservation du climat. Les fi
lières vertes en
« On a réalisé 90 % dece qu’on voulait faire »
« Un Grenelle vidé de sa substance »
Étude réalisée auprès d’un échantillon de 990 personnes,
représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus,
constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de
sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, d’agglomération et
de région de résidence. L’échantillon a été interrogé en ligne sur
système Cawi, du 4 au 5 octobre.
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30 novembre 2010 terra eco
« En s’attaquant à l’économie verte, Nicolas Sarkozy pénalise
les ménages les plus modestes qui profi teraient de la réduction
des factures énergétiques, et les industries qui ne peuvent devenir
plus performantes. » EVA JOLY, députée Europe Ecologie
émergence ont avant tout besoin d’un cadre politique stable et
cohérent afi n de poursuivre
leur développement, générer des activités indus-trielles et des
emplois durables. Même en période de rigueur budgétaire, des
solutions existent, mais elles ne pourront voir le jour que si la
croissance verte devient réellement une priorité, et non un
faire-valoir politique, variable en fonction de l’ac-tualité du
moment.Enfi n, le Grenelle avait été présenté comme une méthode
innovante de faire de la politique en asso-ciant l’ensemble des
citoyens. Je constate aujourd’hui que les reculs sont annoncés au
fi l des interviews ministérielles ou des projets de loi, sans
concertation, sans mesurer réellement l’impact des remises en cause
décidées. Nicolas Sarkozy et le gouvernement prennent une
responsabilité majeure devant l’his-toire. L’exigence
environnementale et les attentes des citoyens sont immenses. »
—
et vous, que pensez-vous de la relation de Nicolas sarkozy avec l’écologie ?
EVA JOLY, DEPUTEE EUROPEEENEEUROPE ECOLOGIE« “ L’environnement,
ça suffi t ! ” de toutes les petites phrases et autres grandes
déclarations assorties de coups de menton volontaires de Nicolas
Sarkozy, c’est – au grand dam des éco-
logistes – celle qui fut mise en œuvre avec le plus de rapidité
et la plus grande effi cacité. A peine les mauvais résultats de la
majorité parlementaire aux élections régionales se profi
laient-ils, que déjà Nicolas Sarkozy tombait ce costume de super
héros écolo, bien trop grand pour lui, et revenait sur les
engagements les plus emblématiques du Grenelle de
l’environnement.Ce fut tout d’abord l’abandon de la taxe carbone.
Ensuite, le coup de rabot sur les niches fi scales écolos pourtant
porteuses de milliers d’emplois, d’écono-mies d’énergie, de
transformation écologique de la France. En s’attaquant à l’économie
verte, Sarkozy ne pénalise pas seulement les ménages les plus
modestes qui profi teraient les premiers de la réduction des
fac-tures énergétiques. Il pénalise également la France en
empêchant ses industries de s’adapter à un nouveau modèle
économique plus performant. Nicolas Sarkozy peut continuer à faire
du “ greenwashing ” pour rendre ses politiques socialement et
écologiquement injustes plus vertes, plus personne n’est dupe. »
—
« La fin du super héros écolo »
JEAN-MARIE PELT, BOTANISTE, FONDATEUR DE L’INSTITUT EUROPEEN
D’ECOLOGIE ET PARTICIPANT AUX DISCUSSIONS DU GRENELLE« Après la
succession inédite d’incidents climatiques cet été – au Pakistan,
en Chine,
en russie, au Mexique… –, je suis surpris que la problématique
environnementale ne soit pas prise davantage au sérieux par tous
les dirigeants. Le Grenelle de l’environnement fut un moment
incroyable. Pour la première fois, hommes politiques, scientifi
ques, associations, patrons, syndicats… se sont mis autour d’une
table. Les automatismes égoïstes n’ont pas fonctionné, c’était une
école de démocratie. Mais aujourd’hui, il subit des marches arrière
préjudiciables. Le rabotage récent des niches fi scales sur les
énergies renouvelables est un réel coup dur. On peut raboter
ailleurs, notamment sur le bouclier fi scal, non ? dans ce
Grenelle, Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno ont mouillé leurs
chemises, mais ce ne sont pas eux qui décident. Nous devons donc
rester plus mobilisés que jamais. » —
« Des marches arrière préjudiciables »
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terra eco novembre 2010 31
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Le 25 octobre 2007, lors du Grenelle, Nicolas Sarkozy accompagné
des Prix Nobel de la paix Al Gore et Wangari Maathai, et de Jose
Manuel Barroso, de la Commission européenne.
ET vous ? « Je ne pense pas que Nicolas Sarkozy se soit
réellement engagé sur le dossier “ environnement ”, c’est plutôt un
effet de lumière. tous les partis politiques ont signé le Pacte de
Nicolas Hulot pour ne pas être en reste vis-à-vis des autres, comme
pour nous dire : “ regardez, nous pensons à votre avenir ! ” Mais
on en est resté à l’étape des discours. »KARINE PORChER
« Nous sommes loin des résultats que j’attendais du futur
président de la
L’idée était de passer tOutES les déci-sions du gouvernement à
la moulinette environnementale. Or, les décisions sont toujours
très cloisonnées. Et on ne demande pas son avis à Jean-Louis Borloo
sur quoi que ce soit qui sorte des prérogatives de son ministère. »
OLIVIER
« Aujourd’hui, je suis déçu par les cinq années perdues qui ont
permis aux climato-sceptiques de mettre en doute l’urgence
écologique et de décou-rager les personnes prêtes à changer de
comportement. » KIVAN
« L’idée du Grenelle de l’environne-ment était une vraie bonne
idée. Le coup fatal, pour moi, a été le recul sur la taxe carbone.
Elle était à la fois une nécessité écologique, mais égale-ment
économique : elle donnait aux acteurs professionnels comme privés
une lisibilité sur l’avenir, et permettait d’anticiper sur la
hausse inéluctable du prix du pétrole. » FABIEN
71 % des Français pensent que le gouvernement n’a pas respectÉ le pacte ÉcologiqueÉtude
réalisée auprès d’un échantillon de 990 personnes, représentatif de
la population française âgée de 18 ans et plus, constitué selon la
méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de
catégorie socioprofessionnelle, d’agglomération et de région de
résidence. L’échantillon a été interrogé en ligne sur système Cawi,
du 4 au 5 octobre 2010.
république. Après les élections euro-péennes, un virage a été
amorcé, se recentrant sur les préoccupations de l’électorat de
droite. Loin de la pro-messe de Nicolas Sarkozy le soir de son
élection : “ Etre le Président de tous les Français ”. » JULIEN
BERNARD
« Le Grenelle, on peut en discuter des jours : ce n’est ni une
fumisterie, ni une réponse à tous les problèmes. Il y a à la fois
des avancées majeures et des décisions de pacotille. C’est sur la
gouvernance que j’ai le plus de doutes.
-
32 novembre 2010 terra eco
JOhN LIChFIELD, CORRESPONDANT EN FRANCE DU QUOTIDIEN « ThE
INDEPENDENT »« Le Grenelle, on ne peut pas dire que les
Britanniques soient vraiment au courant. récemment, Caroline Lucas,
la première et la seule députée Verte du Parlement bri-
tannique, était interrogée sur le Grenelle. Et elle a avoué
qu’elle n’en avait jamais entendu parler. Ce n’est pas pour la
critiquer. Je pense qu’à part quelques hommes ou femmes plus
expérimentés, personne en Grande-Bretagne ne sait grand-chose des
questions environnementales en France. » —
ARNAUD GOSSEMENT,AVOCAT EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT, EX
PORTE-PAROLE DE FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT« Le Grenelle de
l’environnement a été un événement majeur dans l’histoire de
l’écologie en France. La première étape d’un dialogue
environnemental entre tous les acteurs concernés qui
a permis, non pas l’avènement d’un monde idéal, mais de réelles
avancées, forcément trop lentes et insuffisantes pour celles et
ceux qui ont conscience de l’urgence de sortir d’une économie ivre
de pétrole. un exemple ? Le Grenelle a permis le décollage de
l’éolien et du solaire. un décollage de ces filières a eu lieu
depuis 2007 : + 91 % de production d’énergie du vent, + 600 % pour
le solaire photovoltaïque. Mais le vieux modèle énergétique
nucléaire fait de la résistance et le droit est devenu fou : 13
textes auront été écrits en 2010 pour définir les tarifs d’achat
d’électricité solaire, pendant que les éoliennes plient sous les
contraintes administratives ! La vague du Grenelle affronte
aujourd’hui le mur des conservatismes de droite comme de gauche,
mais je suis certain qu’elle ne se brisera pas sur
l’écolo-scepticisme ambiant. Ce Grenelle n’aura pas été une
baguette magique, mais une ligne de départ d’une course qui hésite
entre le sprint et l’endurance. » —
ELOI LAURENT, ECONOMISTE à L’OBSERVATOIRE FRANçAIS DES
CONJONCTURES ÉCONOMIQUES (OFCE)« Le bilan écologique de la
présidence Sarkozy offre un visage paradoxal : c’est un des plus
substantiels de la
Ve république, mais c’est également le plus sulfureux. Il s’en
dégage à la fois un irrésistible souffle d’énergie et un troublant
parfum de manœuvre politique. Le bilan, assurément, n’est pas mince
: les “ Grenelle de l’environnement ” comptent autant pour leur
méthode que pour leurs résultats. A cet égard, l’acquis le plus
solide de la période est probablement l’assemblage du ministère de
l’Ecologie, de l’Energie, du développement durable et de la Mer,
institution transversale, cohérente et robuste sur laquelle les
gouvernements futurs devront s’appuyer, quelle que soit leur
couleur politique. L’engagement personnel de Nicolas Sarkozy semble
s’être limité au projet de taxe carbone, qui est justement l’échec
écologique le plus cuisant de son mandat.Le malaise écologique de
la présidence Sarkozy tient en fait à une question simple : Nicolas
Sarkozy ne croirait-il en l’écologie que dans la mesure où elle
divise la gauche ? Le calcul de 2007 paraît transparent : prenant
appui sur l’amertume de nombreuses associations après l’impasse du
gouvernement Jospin sur l’écologie et le traitement indigne infligé
à dominique Voynet au sein de la “ gauche plurielle ”, Nicolas
Sarkozy leur propose le partenariat du Grenelle dans la foulée du
succès du Pacte écologique de Nicolas Hulot. Ce faisant, il espère
marginaliser les Verts et contrarier pour longtemps l’union de la
gauche. Faute de croire en l’écologie politique, Nicolas Sarkozy
s’est ainsi lancé dans l’écologie politicienne. Qu’il est en train,
de dépit, de jeter aux orties. Son piège s’est refermé sur lui :
Europe Ecologie est devenue le troisième parti de France et
l’ambition social-écologique est aujourd’hui largement partagée à
gauche, au point de pouvoir constituer le socle d’un futur
programme commun. En somme, et c’est sans doute l’enseignement le
plus profitable de ce bilan, l’écologie politicienne façon Sarkozy
souffre d’un défaut majeur : elle n’est pas durable. » —
« Un bilan substantiel et sulfureux »
« Une première étape majeure »
« Le Grenelle est inconnu en Grande-Bretagne »
« La vague du Grenelle affronte aujourd’hui le mur des
conservatismes de droite comme de gauche. » ARNAUD GOSSEMENT,
juriste
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34 novembre 2010 terra eco
Le mastodonte craint pour ses futures assiettes. Une étude
franco-chinoise lui annonce un avenir agricole des plus extrêmes.
Par KAREN BASTIEN
La Chine en cale sècheUn monde à +2°C
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terra eco novembre 2010 35
La Chine est un géant aux pieds de coton. Pour la première fois,
une équipe de chercheurs franco-chinoise s’est inté-
ressée à l’impact du changement climatique sur les ressources en
eau douce et l’agriculture de ce pays. Leurs résultats, publiés
dans la revue Nature (1), doivent faire trembler la Cité interdite.
Première leçon : le climat s’est clairement réchauffé en Chine
depuis les années 1960. Les mesures relevées dans 412 sta-tions
météo témoignent d’une hausse de 1,2° C en cinquante ans. En outre,
les sept années les plus chaudes ont toutes eu lieu dans la
dernière décennie. Le pays court donc le risque de voir s’amplifier
le fossé entre le Sud où l’irrigation est abondante et le Nord qui
concentre 65 % des terres arables, mais seulement
18 % des ressources en eau. Combien de barrage des Trois Gorges
faudra-t-il pour réguler des ressources en eau aussi mal réparties
sur le territoire ? Le chantier semble infini dans un pays qui
cumule les exploits : 7 % des terres arables mondiales, 22 % de la
population du globe et une urbanisation qui engloutit chaque année
0,5 million d’hec-tares supplémentaires. En se projetant, les
chercheurs aboutissent à deux scénarios. Le plus pessimiste
envisage que les rendements agricoles puissent diminuer de 4 % à 14
% pour le riz, de 2 % à 20 % pour le blé, et jusqu’à 23% pour le
maïs. Le plus opti-miste compte, lui, sur un bénéfice de la hausse
de la concentration en CO
2 et de son effet fertilisant ! —
(1) « The impacts of climate change on water resources and
agriculture in China », in « Nature », septembre 2010.
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36 novembre 2010 terra eco
« Travailler avec Veolia ou Suez ne me pose aucun problème. Public et privé sont complémentaires. »
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ous savez, les mines d’or, ce n’est pas du tout ce qu’on croit.
» Il en revient tout juste, c’était au Mali. « Pas de pépites mais
des trous de 200 mètres sur un kilomètre de diamètre. » Rond,
rigolard et volubile, Orsenna fait du Orsenna : « Les écolos
gueu-
lent, bien sûr – c’est vrai, ils ont dû déplacer un village qui
se trouvait là… –, mais grâce à cette mine, la moitié des
fonctionnaires du pays reçoivent un salaire. »Pour les semaines à
venir, il hésite. Le Japon pour le pa-pier recyclé ou le Brésil et
ses plantations d’eucalyptus ? L’ancienne plume de Mitterrand est
chiffonnée : « J’ai les plus grandes difficultés à obtenir
l’autorisation de visite d’un chantier de démantèlement de bateaux
en Inde. J’ai pourtant du réseau dans tous les sens. » Erik Orsenna
prépare un livre sur les déchets et leur recyclage. Dans la lignée
de son Voyage au pays du coton qui a séduit plus de 200 000
lecteurs. L’homme sait en effet rendre simples la mondialisation et
les questions environnementales. Trop simples, raillent ses
détracteurs. « Derrière la forme du “ précis d’économie ” en
apparence neutre, les textes d’Orsenna cachent un parti pris :
l’économie libérale comme solution pour la planète, estime Thierry
Ruf, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le
développement, qui publia un texte très critique en 2008, à la
parution de “ L’Avenir de l’eau ”. Erik Orsenna est un habitué des
mondanités qui visite les pays par la haute société. Tout cela
reste d’une grande superficialité. »Ecrivain, l’académicien abhorre
le redondant. Economiste, il planche sur la rareté. Un comble pour
cet homme au quasi-don d’ubiquité. Cette année, il sera « envoyé
spé-
cial à travers le monde » pour France Inter. Avec l’associa-tion
Eau vive (1), il réfléchit à l’assainissement au Sahel. Avec Farm
(2), il veut méta-morphoser les agriculteurs du Sud en
entrepreneurs. En 2011, année de la forêt, il « donnera un coup de
main » à l’Office national des forêts, etc. Insatiable, ce membre
de « plusieurs clubs gastronomiques » est « grand témoin » dans les
raouts de Veolia, réfléchit à « la valeur et au prix de l’eau »
avec Suez… « Je n’ai aucun problème à travailler avec ces
entreprises privées. Sans elles, l’eau serait-elle de meilleure
qualité et moins chère ? Non. Public et privé sont complémentaires.
Ce qui compte, c’est la concurrence. » Admis dans le Cercle du
développement durable de BNP Paribas Investment Partners, il veut
conseiller la banque dans ses investissements verts. « Je n’ai rien
contre le “ small is beautiful ”, mais face à ce potentiel de
financement privé, on est dans des actions de niveau quasi
politique. » Du Comité stratégique d’Ernst & Young (« Ça me
rapporte moins de 10 000 euros par an »), il a fait « un belvédère
pour voir l’état économique » de la France. Membre de la commission
Attali « pour la libération de la croissance », on a pu le croiser
au Conseil pour la diffusion de la culture économique de Thierry
Breton, au Grenelle de la mer, à la Commission du grand emprunt, au
jury du Prix de l’agriculture durable.…
Siestes éclair au long de la journéeL’homme cultive le roulis
permanent. Emerge très tôt le matin, puis enquille les siestes
éclair tout au long de la journée. « Dès que la tension chute, je
dors. Je veux vivre sur la terre ferme comme sur un bateau. Dans
une mise en déséquilibre. » L’intérêt pour la nature, « récent
»
Son prochain livre racontera la folle vie des déchets dans le
monde. Erik Orsenna, économiste, écrivain et académicien, n’est
jamais rassasié. Avec lui, les matières premières – eau, coton –
deviennent les héroïnes de livres à succès. Institutions et
entreprises s’arrachent ce VRP de l’écologie consensuelle.Par
MARJANE FOUCAULT / PHOTO : LAURENT VILLERET – DOLCE VITA -
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Le boulimiqueplanétaire
Le portrait Erik Orsenna
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Plante une multitude d’arbres dans son jardin de Bretagne, fait
des conférences sur l’environnement dans les écoles, achète les
voitures les plus petites possible.
Ses gestes verts
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38 novembre 2010 terra eco
admet-il, est venu par la mer. Celle de l’île de Bréhat, où il
filait naviguer, enfant. Celles du pôle Sud qu’il a
traversées avec la navigatrice Isabelle Autissier. Mais aussi
par sa passion d’économiste pour les matières premières. « J’avais
fait toutes les sciences humaines, pas celles de la nature. J’ai
rencontré des océanographes, écrit un livre sur le Gulf Stream. Je
vais sortir un ouvrage sur le cosmos avec l’astrophysicien Jean
Audouze. Là, je me mets à l’astrono-mie. Après, ça sera la
géologie, puis la biologie », poursuit-il comme on épingle des
papillons sur un tableau de velours.
Courbes et essoreuseFan de salsa, Erik Orsenna aime les courbes,
affirme qu’il faut avoir une vision circulaire de l’économie, point
d’appui de son livre sur le recyclage. Lui-même est une essoreuse.
« Je suis membre de l’Académie française, donc de l’Institut.
N’importe où dans le monde, il y a quelqu’un que je peux appeler.
Je fais un livre sur la botanique ? J’ap-pelle et je sais tout. En
fait, je suis un produit d’appel. » Il goûte son mot.La
décroissance ? « Allez parler de ça à la moitié sud de la planète !
Ça ne me dérangerait pas de calmer le jeu de la consommation, mais
les gens ne le veulent pas. C’est pour ça que je n’ai jamais été un
révolutionnaire : les gens ne veulent pas de révolution. Corrigeons
plutôt qu’interdire. » La croissance alors ? « Contrairement à
Claude Allègre, je crois qu’on fait du mal à la planète. Mais quand
je vois Eu-rope Ecologie s’élever contre tous les équipements qui
facilitent la croissance, le TGV Aquitaine, l’aéroport de Nantes…
Pour moi, c’est pas possible. » Les O