[desarmi.org/]. Document sous License Crea6ve Commons (byncsa). 1 ACADEMIE DE PARIS Année 2015 MEMOIRE Pour l’obtention du DES d’Anesthésie – Réanimation Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoît Plaud Par Mickaël SOUED Présenté et soutenu le 7 septembre 2015 Comparaison entre l’estimation non invasive de l’index cardiaque, par photopléthysmographie versus Doppler oesophagien, en chirurgie majeure non cardiaque Travail effectué sous la direction du Professeur Jacques Duranteau et du Docteur Antonia Blanié
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ACADEMIE DE PARIS
Année 2015
MEMOIRE
Pour l’obtention du DES d’Anesthésie – Réanimation
Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoît Plaud
Par
Mickaël SOUED
Présenté et soutenu le 7 septembre 2015
Comparaison entre l’estimation non invasive de l’index
cardiaque, par photopléthysmographie versus Doppler
oesophagien, en chirurgie majeure non cardiaque
Travail effectué sous la direction du Professeur Jacques Duranteau
(6) Variation de la pression pulsée ≥ 13% (quand le patients est monitoré à l'aide d'une
avec pression artérielle invasive) ou (7) une augmentation ≥ 15% de l’IC au Doppler
oesophagien après épreuve de remplissage (patients définis comme répondeurs) 8-‐9.
Les patients ayant une contre-‐indication au Doppler oesophagien (chirurgie
oesophagienne, varices oeophagiennes) ou ayant une arythmie cardiaque n’ont pas été
inclus.
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Mesures hémodynamiques
Au cours de l’anesthésie générale, tous les patients étaient monitorés de façon non
invasive par une pression artérielle au brassard (PNI) (moyenne, systolique et
diastolique en mmHg), et avec un Doppler oesophagien (CardioQ® de Deltex Medical,
Chichester, Royaume-‐Uni) pour l’IC (ICDO, en L/min/m2), le volume d’éjection systolique
(VESDO, en mL) et le temps d’éjection corrigé (en ms). La sonde de Doppler était
positionnée de façon à obtenir un signal optimal de la vitesse des globules rouges dans
l’aorte descendante. Cette position était systématiquement vérifiée avant la réalisation
des mesures.
Pour cette étude, les patients étaient également monitorés avec le Nexfin® pour la
mesure continue non invasive de la pression artérielle, de l’IC (ICNF, en L/min/m2) et du
VES (VESNF, en mL). La mesure continue de la pression artérielle a été réalisée par la
méthode de mesure de la pression transmurale de l’artère digitale13-‐14. Le brassard
digital est asservi par photopléthysmographie pour garder le diamètre artériel constant.
De cette façon, la pression exercée sur brassard est le reflet de la pression artérielle.
L’estimation de l’IC a été réalisée par la méthode de l’analyse du contour de l’onde de
pouls, et le volume d’éjection systolique a été estimé en divisant la partie systolique de
l’onde de pouls par la post charge. Cette dernière a été déterminée par le modèle de
Windkessel qui inclut l’effet non-‐linéaire de la pression artérielle moyenne où l’influence
de l’âge, de la taille, du poids et du sexe sur la paroi aortique sont intégrés18. En pratique,
un brassard de taille appropriée a été placé sur la deuxième phalange du troisième doigt.
Si le signal de pression artérielle n’était pas obtenu, un autre doigt a été utilisé jusqu’à
obtention d’un bon signal. La procédure de calibration a été réalisée automatiquement
au démarrage puis de façon automatique et périodique après le début du monitorage.
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Que ce soit avec le Nexfin® ou le Doppler oesophagien, l’IC a été calculé en L/min/m2 en
moyennant les mesures de 5 battements consécutifs.
Une mesure artérielle par cathéter radial a également été mise à la discrétion de
l’anesthésiste en charge du patient.
Prise en charge peropératoire
Les protocoles d’anesthésie générale et de surveillance peropératoire suivent les
protocoles standard utilisés dans le service. Tous les patients étaient ventilés avec un
volume courant de 7 à 8 mL/kg de poids idéal.
Une péridurale thoracique pouvait être associée à l’anesthésie générale dans certains
cas. Le remplissage de base ou les besoins en vasopresseurs ont été laissés à la
discrétion de l’anesthésiste. Aucune modification ou bolus de vasopresseur n’a été
réalisé durant les épreuves de remplissage.
Protocole d’étude
Avant chaque épreuve de remplissage, la fréquence cardiaque (en battements par
minutes –bpm-‐), la pression artérielle non invasive au brassard et la pression artérielle
sur le Nexfin® (mmHg), l’ICNF et l’ICDO (moyennés sur 5 battements en L/min/m2) ont
été enregistrés. Une épreuve de remplissage était ensuite immédiatement réalisée par
250 mL de colloïdes sur 10 min. A la fin de l’expansion volémique, les mêmes
paramètres étaient de nouveau enregistrés. A la fin de l’épreuve de remplissage, les
patients ayant eu une augmentation supérieure ou égale à 15% de leur IC étaient définis
comme répondeurs et les autres comme non répondeurs8-‐9.
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Analyse statistique
Le nombre de patients nécessaires pour montrer une différence entre ICDO et ICNF avec
un intervalle de confiance à 95% (IC95%) et une déviation standard de 0,25 a été estimé
à 80 par la formule de Blandb. Comme nous avons considéré qu’il y aurait en moyenne
au moins 2 épreuves de remplissage par patient, 40 patients étaient nécessaires.
Les résultats ont été exprimés en moyenne ± déviation standard (DS) ou médiane [écart
interquartile], de façon appropriée à chaque donnée. Les comparaisons entre les
données hémodynamiques ont été réalisées en utilisant le test t de Student ou un test de
Wilcoxon. Les valeurs d’IC obtenues par le DO et par le Nexfin® ont été comparées (ICED
vs ICNF) en utilisant la méthode de Bland et Altman modifiée pour les épreuves répétées
chez un même patient (biais [limites d’agréments (LDA)] ) 29,30. Le pourcentage d’erreur
a été calculé par la formule suivante : 2 X écart type / moyenne des méthodes 29. Chaque
patient pouvant avoir plusieurs mesures, une analyse de covariance a été réalisée. Le
logiciel statistique utilisé était Rc. Les valeurs d’IC obtenues par le DO et par le Nexfin®
ont été analysées par régression linéaire (avec le coefficient r2) et regression de Deming
(avec la pente et l’ordonnée à l’origine)
Pour l’analyse des tendances, nous avons étudié les changements relatifs d’ICDO (ΔICDO)
et d’ICNF (ΔICNF) après une expansion volémique en construisant un diagramme type
polar plot et un diagramme à 4 quadrants, comme décrit par Critchley30.
Une analyse de corrélation et une régression de Deming ont été réalisées entre ΔICDO et
etΔICNF.
De plus, nous avons étudié le pourcentage de données pour lesquelles les variations
d’ICNF (augmentation ou diminution) étaient concordantes avec celles de l’ICDO. Pour
cette analyse, nous avons sélectionné une zone d’exclusion de 15% correspondant à
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l’erreur intrinsèque des monitorages. Les taux de concordance sont présentés avec et
sans cette zone d’exclusion.
Une valeur de p < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative.
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Résultats
Patients
Quarante-‐six patients ont été inclus dans l’étude. Un a été exclus devant l’incapacité à
obtenir un signal satisfaisant de la courbe de pression artérielle sur le Nexfin®, et deux
patients ont été exclus devant l’impossibilité d’obtenir un signal de bonne qualité sur le
Doppler oesophagien.
Au total, 43 patients ont été analysés pour un total de 111 épreuves de remplissage. En
conséquence, 222 paires de données ont été obtenues (111 avant et 111 après
expansion volémique). Les caractéristiques des patients sont résumées dans le tableau
1. Les paramètres hémodynamiques avant et après les épreuves de remplissage sont
résumés dans le tableau 2.
Estimation de l’IC en dehors d’une épreuve de remplissage
Il y avait une relation linéaire significative entre l’ICNF et l’ICED (n=222, r2 = 0,34,
p<0,001) (Figure 1a). La pente et l’ordonnée à l’origine de la régression de Deming entre
l’ICNF et l’ICDO était respectivement 0,555 (IC95% : 0,478 – 0,669) et 1,341 (IC95% :
1,005 – 1,605) (Figure 1a).
L’analyse de covariance a révélé un effet significatif du hasard associé à la pente de
régression (p<0,00001). De plus, les réplicats sont significativement liés à travers les
méthodes d’analyse, ce qui confirme que la différence entre les méthodes est très
dépendante du niveau de variabilité et des conditions cliniques de mesure.
Malgré ces limites, l’analyse des résidus a montré un biais [Limites D’Agrément] entre le
Doppler oesophagien et le Nexfin® pour l’IC égal à -‐0,114 [ -‐1,9 – 1,7 ] L/min/m2
(Figure 1b) avec un pourcentage moyen d’erreur de l’ICNF comparé à l’ICDO de 55%.
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De plus, il y a une diminution du Delta IC avec l’augmentation des valeurs moyennes, et
ce de manière hautement significative. En d’autres termes, pour des ICs faibles
(<3,1L/min/m2), la différence entre la méthode photopléthysmographique et le Doppler
est positive, alors que celle-‐ci devient négative pour des IC élevés (>3,1L/min/m2)
(Figure 1b).
Estimation des variations de l’IC au cours d’une épreuve de remplissage
Il y avait une corrélation significative entre le pourcentage de variation (Δ) de l’ICDO et
de l’ICNF observés durant l’épreuve de remplissage (n=111, r2 = 0,25, p=0,002) (Figure
2b). La pente et l’ordonnée à l’origine de la régression de Deming entre ΔICNF and Δ
ICDO étaient respectivement de 0,771 (IC95% : 0,488-‐1,160) et 0,489 (IC 95% : -‐2,760-‐
3,601) (Figure 2a). L’analyse du "polar plot" a révèlé une capacité correcte d’évaluer les
variations d’IC avec un biais angulaire de -‐7.3° (Figure 2a). Néanmoins, le Doppler
oesophagien était 1,3 fois plus sensible aux variations d’IC que la méthode
photopléthysmographique, avec l’analyse de régression et le Bland et Altman qui
montraient que l’augmentation d’IC après épreuve de remplissage était plus faible avec
la photopléthysmographie comparée au Doppler oesophagien.
La concordance de la variation (augmentation ou diminution) de l’ICNF et de l’ICDO
durant une épreuve de remplissage était de 67% [IC95% : 57-‐75] (n=74/111) avec
l’ensemble des données et 85% [IC95% : 70-‐94] (n=34/40) avec la zone d’exclusion de
15% (Figure 2b). En plus, en analysant la concordance de décision thérapeutique c’est à
dire de réaliser une nouvelle épreuve de remplissage si augmentation de l’IC ≥ 15%
(répondeurs) ou pas de remplissage si l’IC < 15% (non répondeurs), la décision du
praticien aurait été la même dans 75% [IC95% : 66-‐82] des cas (n=83/111), avec les
deux monitorages (Figure 2b).
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Considérant que le Doppler oesophagien est la référence pour discriminer les patients
répondeurs et non répondeurs, la sensibilité et la spécificité pour l’administration d’une
nouvelle expansion volémique avec le Nexfin® (augmentation de l’ICNF ≥ 15%) sont
respectivement de 35% (11/31) et 90% (72/80). La valeur prédictive positive est de
58% (11/19) et la valeur prédictive négative est de 78% (72/92). En d’autres termes,
comparé au Doppler oesophagien, 58% des patients répondeurs, le sont avec le Nexfin®
(ICNF ≥ 15%). Ainsi, dans 42% des cas, le patient est considéré non répondeur, par
rapport au Doppler avec un risque d’arrêt de l’expansion volémique et donc de son
bénéfice. Lors d’une augmentation de l’ICNF < 15%, une bonne désicion thérapeutique
(ne pas administrer d’expansion volémique) est prise dans 78% des cas (ICDO <15%).
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Discussion
Le résultat principal de cette étude est que la mesure de l’IC par la méthode
photopléthysmographique n’est pas interchangeable avec la mesure par Doppler
oesophagien.
En considérant que le Doppler oesophagien est un monitorage référencé des variations
de l’IC, la photopléthysmographie n’est pas appropriée pour déterminer le besoin en
expansion volémique. Ces résultats indiquent clairement les limites de la
photopléthysmographie pour le monitorage des variations d’IC en comparaison au
Doppler.
Le monitorage de l’IC est très important dans le cadre des chirurgies majeures car
l’administration de fluides doit être titrée pour améliorer le débit cardiaque et
l’oxygénation tissulaire d’une part, et d’autre part doit éviter la surcharge tissulaire7-‐10.
Plusieurs monitorages sont actuellement disponibles pour évaluer l’IC de façon la moins
invasive possible, mais ils doivent être fiables en peropératoire, en particulier pour
prévoir la réponse à un test de remplissage en mesurant précisément l’évolution de l’IC
après expansion volémique.
Les études de validation de la méthode photopléthysmographique pour le monitorage
de l’IC rapportent des résultats contrastés en chirurgie et en soins intensifs.
Lorsque nous comparons la méthode photopléthysmographique avec la thermodilution
transpulmonaire, plusieurs études trouvent une concordance acceptable pour le
monitorage de l’IC (pourcentage d’erreur de 29%) 15,19-‐21 quand d’autres trouvent que
ces deux méthodes ne sont pas interchangeables22-‐25. Mais, ces études n’incluent que peu
de patients et uniquement des patients de soins intensifs ou de chirurgie cardiaque.
Dans ces populations de patients, plusieurs facteurs comme le sepsis, l’inflammation, les
vasopresseurs et les anomalies de microcirculation peuvent influer sur la perfusion
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digitale et l’obtention d’une courbe de pression artérielle digitale par la méthode de
clampage volumétrique.
A notre connaissance, seule l’étude de Chen compare la méthode
photopléthysmographique avec le Doppler oesophagien pour le monitorage du débit
cardiaque à la suite d’une administration de phényléphrine en chirurgie majeure
viscérale ou orthopédique26. Les auteurs ont trouvé une corrélation forte entre le
monitorage du débit cardiaque par la méthode photopléthysmographique et le Doppler
oesophagien (n=66 paires de données, r2=0,82, p<0,001). Le biais entre les mesures de
débit cardiaque était de 0,88 ± 0.86 L/min avec un pourcentage d’erreur de 37%.
Concernant les variations de débit cardiaque avec le Nexfin® et le Doppler oesophagien,
les auteurs ont observé une concordance de 94% après administration de
phényléphrine et ont conclu au fait que le monitorage de l’IC par
photopléthysmogrpahie semblait prometteur au cours de l’anesthésie générale.
Dans notre étude, l’estimation de l’IC par photopléthysmographie et par Doppler n’est
pas interchangeable. La corrélation entre les deux méthodes est significative mais faible
(r2=0,34). En considérant l’agrément entre ces deux moniteurs d’IC, le biais est petit
mais le pourcentage d’erreur est élevé à 55%. De plus, pour les IC faibles (<3,1
l/min/m2), la différence entre le Doppler oesophagien et la méthode
photopléthysmographique est positive alors qu’elle devient négative pour les IC élevés
(> 3,1 l/min/m2). L’analyse de concordance par une approche des quatre quadrants
montre un taux acceptable pour les variations d’IC avec la photopléthysmographie et le
Doppler, après expansion volémique (85%) avec la zone d’exclusion de 15%. Cette zone
d’exclusion décrite par Critchley et coll. a été développée pour limiter les erreurs
intrinsèques des moniteurs (au centre du graphique) 30. Ce résultat implique que, dans la
majorité des cas, les changements d’IC après expansion volémique suivent la même
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direction avec les deux monitorages mais l’amplitude de variation peut être différente
pour l’un par rapport à l’autre. Dans la pratique clinique, il n’y a pas seulement le sens
d’évolution de l’IC qui est important car son amplitude permet la titration du
remplissage. Dans notre pratique clinique, l’optimisation hémodynamique est
recommandée avec une précharge dépendance définie par une augmentation d’IC≥15%
après remplissage8,9 (patients répondeurs). Les différences entre les monitorages dans
l’amplitude de réponse peuvent induire des stratégies de remplissage différentes. La
concordance de la décision thérapeutique (épreuve de remplissage ou non) entre les
deux moniteurs est essentielle. Dans cette étude, en considérant ce seuil de 15%, la
décision du clinicien à réaliser une nouvelle expansion volémique aurait été la même
avec les deux monitorages dans 75%. Considérant que le Doppler est la référence pour
discriminer les patients répondeurs et non répondeurs, la sensibilité et la spécificité
pour l’administration d’une nouvelle expansion volémique avec le Nexfin®
(augmentation de l’ICNF ≥ 15%) sont respectivement de 35% (11/31) et 90% (72/80).
La valeur prédictive positive est de 58% (11/19) et la valeur prédictive négative est de
78% (72/92). En d’autres termes, comparé au Doppler oesophagien, 58% des patients
répondeurs, le sont avec le Nexfin® (ICNF ≥ 15%). Ainsi, dans 42% des cas, le patient est
considéré non répondeur, par rapport au Doppler avec un risque d’arrêt de l’expansion
volémique et donc de son bénéfice. Lors d’une augmentation de l’ICNF < 15%, une bonne
désicion thérapeutique (pas d’administration de remplissage) est prise dans 78% des
cas (ICDO < 15%). Ainsi, en prenant le Doppler comme référence, la
photopléthysmographie n’est clairement pas adaptée pour prédire la nécessité d’une
nouvelle épreuve de remplisage.
La principale limite de notre étude est que le Doppler oesophagien n’est pas le « gold
standard » pour le monitorage de l’IC comme la thermodilution transpulmonaire. C’est
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pourquoi nous avons utilisé la méthode de Bland et Altman qui considère la moyenne
des valeurs des deux méthodes comme la « vraie » valeur. Au cours d’une chirurgie
majeure non cardiaque, la thermodilution transpulmonaire n’est pas utilisée en pratique
courante car trop invasive et trop compliquée. La mesure peu invasive de l’IC est donc le
plus souvent indiquée4-‐7,11. Même si ces monitorages non invasifs sont moins précis que
la thermodilution, le but essentiel des cliniciens est d’avoir la meilleure méthode pour
guider son remplissage vasculaire et améliorer le devenir du patient. En considérant le
caractère observationnel de cette étude et le fait que nous avons mis l’accent sur le
monitorage non-‐invasif par le Doppler oesophagien, en l’absence de « gold-‐standard »
nous ne pouvons pas répondre de manière certaine à cette question car nous ne
pouvons pas déterminer la part d’erreur liée à la méthode de photopléthysmographie et
celle liée au Doppler oesophagien. Mais il est important de mettre en lumière qu’en dépit
du fait que le Doppler oesophagien n’a pas un pourcentage d’erreur acceptable (30%)
par rapport à la thermodilution 12 et que le Doppler suppose un diamètre aortique
constant en dépit de ses variations liées aux modifications de pressions artérielles au
cours de la chirurgie, le Doppler oesophagien est recommandé dans les chirurgies
majeures1,3-‐6-‐7,10,11. Cette recommandation est principalement basée sur les nombreuses
études ayant montré le bénéfice de l’utilisation du Doppler oesophagien en péri-‐
opératoire pour le monitorage hémodynamique pour le devenir du patient1,3-‐6,7,10,11.
Ainsi, indépendamment de la capacité de la photopléthysmographie à mesurer l’IC, le
challenge pour ce monitorage est de montrer que l’évaluation qu’il fait de l’IC permet de
guider le remplissage du patient et d’améliorer son devenir. Une autre limite de cette
étude est qu’il n’y a que 39 cas répondeurs avec la méthode photopléthysmographique
ou avec le Doppler avec seulement 11 cas répondeurs avec les 2 monitorages. Cela peut
être dû au fait que les critères pour faire une épreuve de remplissage sont non
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appropriés ou mal suivis par les anesthésistes. Mais le faible nombre de patients
répondeurs peut être lié au fait que des paramètres statiques (fréquence cardiaque,
pression artérielle moyenne, lactates sanguins et temps d’éjection corrigé) sont débattus
comme paramètres de précharge dépendance. De plus, une première épreuve de
remplissage positive avec une augmentation de l’ICDO≥15% n’induit pas nécessairement
une seconde épreuve positive lorsque le patient a un ventricule gauche qui travaille au
niveau du plateau de la courbe de Frank-‐Starling.
Seuls trois patients ont été exclus suite à l’impossibilité d’obtenir un signal correct avec
le Doppler oesophagien (2 patients) ou avec la méthode photopléthysmographique (1
patient). Cet échec à obtenir le signal avec le Nexfin® est inférieur à ce que rapportent
les précédentes études en soins intensifs ou en chirurgie cardiaque, ce qui est
probablement lié au fait que nos patients ont moins de vasoconstriction périphérique et
moins d’œdème.
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Conclusion
Chez les patients bénéficiant d’une chirurgie majeure non cardiaque, l’évaluation de l’IC
par la photopléthysmographie n’est pas interchangeable avec l’évaluation de l’IC par
Doppler oesophagien. En considérant que le Doppler oesophagien est un monitorage
précis de l’IC, la photopléthysmographie ne permet pas de prédire la nécessité d’une
expansion volémique. Nos résultats montrent clairement les limites de cette méthode
comme monitorage précis de l’IC et de ses variations comparé au Doppler osophagien.
Bicêtre, le 30 Juillet 2015
Professeur Jacques DURANTEAU
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Tableau 1 : Caractéristiques des patients (n= 43) Age (Médiane [intervalle interquartile], en années)
58 [47-‐68]
Sex (Hommes/femmes, en nombre de patients)
28/15
Indice de Masse Corporelle (Médiane [intervalle interquartile], en kg/m2)
26 [23-‐30]
Score ASA (Nombre de patients, %) 1 2 3
4 (9%) 28 (65%) 11 (26%)
Hypertension (Nombre de patients, %)
20 (47%)
Type de chirurgie (Nombre de patients, %) Viscérale Urologique Orthopédique
27 (63%) 15 (35%) 1 (2%)
Durée de chirurgie (Médiane [intervalle interquartile], en min)
190 [124-‐260]
Volume total de cristalloïdes (médiane [intervalle interquartile], en mL)
1500 [1000-‐2000]
Volume total de colloïdes (médiane [intervalle interquartile], en mL)
1000 [500-‐1000]
Noradrénaline (Nombre de patients, %) *
2 (5%)
Péridurale thoracique (Nombre de patients, %)
14 (33%)
* doses entre 0,03 et 0,06 µg/kg/min
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Tableau 2 : Changements des paramètres hémodynamiques induits par l’expansion volémique Avant expansion
volémique n=111
Après expansion volémique n=111
Fréquence cardiaque (Moyenne ± Ecart-‐type, en battements/min)
70 ± 13 72 ± 12
PAMBr (Moyenne ± Ecart-‐type, en mmHg)
71.4 ±13.0 75.4 ±13.4
PAMNF (Moyenne ± Ecart-‐type, en mmHg)
76.6 ± 13 81.1 ± 14
ICDO (Moyenne ± Ecart-‐type, en L/min/m2)
3,17 ± 1,05 3,47 ± 1,13
ICNF (Moyenne ± Ecart-‐type, en L/min/m2)
3,07 ± 0,74 3,30 ± 0,79
VESDO (Moyenne ± Ecart-‐type, en mL)
83 ± 24 89 ± 24
VESNF (Moyenne ± Ecart-‐type, en mL)
81 ± 16 85 ± 16
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Figure 1
Légendes : (a) Analyse de régression linéaire entre l’ICNF et l’ICDO (n=222). La ligne bleue représente la régression de Deming (pente et intersection à l’origine : 0,555 [0,478 – 0,669] et 1,341 [1,005 – 1,605] respectivement), r2 = 0,34 (p<0,001) (b) Diagramme de Bland et Altman avec les valeurs absolues d’IC obtenues à partir du Nexfin® (ICNF) et du Doppler (ICDO), sur l’ensemble des données de l’étude (n=222). Les points reliés entre eux représentent un même patient. Les lignes bleues représentent le biais avec les limites d’agrément (± 2 écarts-‐types corrigés pour les corrélations). La
1 2 3 4 5 6 7
23
45
DO_vs_NEX$IC.DO
DO_vs_NEX$IC.NF
a
b
1 2 3 4 5 6 7
-3-2
-10
12
3
( NEX + OD ) / 2
NE
X -
OD
-1.93
-0.11
1.70
ICDO (L/min/m2)
ICN
F (L
/min
/m2 )
IC
DO -
ICN
F
(ICDO + ICNF) / 2
1.7
-0.114
-1.9
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ligne rouge montre de façon claire la tendance avec laquelle la différence entre les monitorages diminue avec l’augmentation de l’IC.
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Figure 2
Légendes : (a) : Diagramme type polar plots avec ΔIC entre les deux monitorages. Les points représentent les variations ΔIC moyens pour chaque patient. La ligne rouge représente le biais. La grande majorité des données sont entre les lignes représentant -‐30° et +30° (en bleu). Ce diagramme révèle une concordance correcte avec un biais angulaire de -‐7,3°. (b) : ΔIC observés après expansion volémique (n=111) avec le Doppler oesophagien (axe des x) et le Nexfin® (axe des y). La ligne bleue représente la régression de Deming (pente et intersection à l’origine : 0,771 [IC95 : 0,488-‐1,160] et 0,489 [IC95 : -‐2,760-‐3,601], respectivement). r2 = 0,25 (p<0,002). Les taux de concordance sont représentés sans et avec la zone d’exclusion de 15% (carré noir). La ligne noire pointillée représente
-30
-20
-10
0
10
20
30
40
50
60
% C
I N
F
-30 -20 -10 0 10 20 30 40 50 60
% CI ED
ΔICDO (%)
ΔIC
NF
(%)
a
b +30°
-30°
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la ligne d’identité et les lignes vertes ± 30°. Le carré rouge représente la concordance des patients répondeurs avec le Nexfin® et le Doppler.
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