N° ACADÉMIE DE PARIS Année 2009 MEMOIRE pour l’obtention du DES d’Anesthésiologie-Réanimation Coordonnateur : Mr le Professeur Marc SAMAMA par Mr Julien JOSSERAND Présenté et soutenu le 15 octobre 2009 CHIRURGIE DU RACHIS TRAUMATIQUE : PERTES SANGUINES, DELAI CHIRURGICAL ET AUTRES FACTEURS DE RISQUE Travail effectué sous la direction du Dr. Bernard VIGUÉ, CHU Bicêtre
51
Embed
CHIRURGIE DU RACHIS TRAUMATIQUE : PERTES SANGUINES, …medias.desar.org/Memoires-Theses/Memoires/2009/... · artérielle au niveau fémoral. Dans le cas d’un traumatisme crânien
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
N° ACADÉMIE DE PARIS Année 2009
MEMOIRE
pour l’obtention du DES
d’Anesthésiologie-Réanimation Coordonnateur : Mr le Professeur Marc SAMAMA
par
Mr Julien JOSSERAND Présenté et soutenu le 15 octobre 2009
CHIRURGIE DU RACHIS TRAUMATIQUE : PERTES
SANGUINES, DELAI CHIRURGICAL ET AUTRES
FACTEURS DE RISQUE
Travail effectué sous la direction du Dr. Bernard VIGUÉ, CHU Bicêtre
2
CHIRURGIE DU RACHIS TRAUMATIQUE : PERTES
SANGUINES, DELAI CHIRURGICAL ET AUTRES
FACTEURS DE RISQUE
3
TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ......................................................................................5
MATERIELS ET METHODES...................................................................9
I. Les Patients.................................................................................................... 9
II. La Prise en charge ....................................................................................... 10
1. A l'arrivée .................................................................................................. 10
2. En peropératoire ....................................................................................... 12
3. En postopératoire...................................................................................... 12
III. Recueil des données.................................................................................... 13
1. Caractéristiques générales des patients et lésions associées.................. 13
2. Caractéristiques du geste chirurgical ........................................................ 14
3. Les bilans entrées – sorties liés à la réanimation du syndrome
(n=4), traumatisme cervical haut (n=7) et coma post-anoxique (n=1) ;
2 patients avec fracture du rachis sur vertèbre pathologique (métastase
osseuse) ;
Et, enfin, 5 patients pris en charge initialement dans un autre centre hospitalier
puis transférés à distance sur le CHU de Bicêtre.
Au total, 72 dossiers étaient analysables. Sept d’entre eux ont été exclus pour des
données manquantes dans le dossier (pertes de l’ensemble du dossier, du dossier
d’anesthésie, des pancartes de réanimation).
L'étude comprend donc l'analyse de 65 dossiers. (Figure n°1)
19
Figure 1 : Inclusion des patients dans l’étude
N=125 dossiers correspondant aux critères d’inclusion
24: Absence d’indication chirurgicale 22 : Décès avant chirurgie 2 : Rachis métastatiques 5 : Transferts secondaires sur
Bicêtre
N = 72 dossiers analysables
7 : Pertes de dossier
N = 65 dossiers analysés
20
II. Caractéristiques globales des patients
Parmi les 65 patients, 44 (68%) sont des hommes et 21 (32%) des femmes. L’âge
moyen est de 36 ± 16 ans dont 44 (68%) patients ont un âge inférieur à 40 ans. La
répartition du sexe en fonction de l'âge est représentée figure 2.
Figure 2 : Répartition du sexe par âge. n=65. On voit que les hommes sont largement représentés avant 40 ans puis que le ratio homme – femme s’équilibre.
Les antécédents les plus fréquemment rencontrés sont les antécédents
psychiatriques avec 15 patients suivis pour un trouble psychiatrique grave (état
dépressif majeur et/ou psychose). Pour 13 d’entre eux, le traumatisme faisait suite à
une tentative de suicide par défenestration. Par ailleurs, 6 patients étaient traités par
antiagrégants plaquettaires, 2 par anticoagulants (l’un par antivitamine K, l’autre par
héparine).
Les scores de gravité des patients sont de 23 [15-29] pour l’IGSII et de 25 [16-34]
pour l’ISS.
21
La mortalité en réanimation est de 3 sur 65 (4,5%). Trois décès ont eu lieu au cours
du séjour en réanimation : 2 d'entre eux étaient liés à des limitations thérapeutiques
(1 pour traumatisme crânien grave et 1 pour perte d’autonomie respiratoire chez un
patient présentant une démence pré-existante), le troisième est décédé de
défaillance multiviscérale après polytraumatisme à J7.
La durée moyenne de séjour en réanimation est de 15 jours ± 19 jours, la médiane
de 9 jours [3-22].
III. Bilan lésionnel
1. Bilan du traumatisme
a. Les principales causes du traumatisme sont représentées par :
une chute de grande hauteur pour 37 patients (57%)
un accident de la voie publique pour 23 patients (35%)
une autre cause dans 5 cas (8%).
La figure 3 représente les mécanismes des traumatismes médullaires en fonction du
sexe.
22
Figure 3 : Répartition des mécanismes à l’origine du traumatisme en fonction du sexe. n=65. On constate une proportion élevée d’hommes (jeunes) parmi les accidents de la voie publique et une proportion importante de femmes parmi les défenestrations.
b. Le bilan lésionnel met en évidence (Figure 4):
38 patients (58%) étaient considérés comme polytraumatisés (2 lésions dont
une au moins est vitale)
10 patients (15%) présentaient un traumatisme rachidien isolé
21 traumatismes crâniens (21%) dont 5 graves (6%)
43 traumatismes thoraciques (66%) : fractures de côtes, hémothorax,
Un témoin de la gravité des traumatismes est indiqué par les besoins en
catécholamines :
33 patients (51%) ont été traités pendant les premières 24h par des
catécholamines et 43 (66 %) ont reçus des catécholamines à un quelconque
moment au cours de la prise en charge péri-opératoire. Notons que l’utilisation
des catécholamines contient les chocs mais aussi les contrôles étroits de PAM
recommandés (80 mmHg), en cas d’atteinte médullaire (Figure 4).
Figure 4 : Bilan lésionnel des patients admis pour traumatisme du rachis. n=65 Un patient peut etre représenté plusieurs fois s’il existe plusieurs atteintes. Les lésions associées les plus fréquentes sont les lésions thoraciques.
2. Bilan du traumatisme rachidien
Le niveau des lésions du rachis est :
Cervical pour 16 patients (25%)
24
Dorsal pour 27 patients (41%)
Lombaire pour 22 patients (34%).
Parmi les 65 patients étudiés, 55 (85%) présentaient un déficit neurologique
secondaire au traumatisme rachidien, 28 (43%) un déficit neurologique complet et 27
(42%) un déficit neurologique incomplet. Le détail par niveau lésionnel est représenté
figure 5.
En cas de fracture sur plusieurs niveaux, le niveau de lésion du rachis retenu était
celui responsable du niveau lésionnel en cas de déficit neurologique ou celui de la
vertèbre la plus touchée en l’absence de troubles neurologiques.
On peut remarquer l’importance de l’atteinte des charnières cervico-dorsale et dorso-
lombaire. Par ailleurs, les traumatismes dorsaux ne sont constitués que de lésions
neurologiques, dont principalement des lésions complètes.
Figure 5 : Bilan lésionnel rachidien par niveau. n=65. On remarque la fréquence des lésions des charnières cervicodorsale et dorsolombaire et le nombre élevé des lésions complètes du rachis dorsal
25
3. Gestes associés à la prise en charge avant la chirurgie du rachis
Parmi les patients (figure 6) :
2 (3%) ont bénéficié d’une laparotomie pour hémostase
4 (6%) d’une artério-embolisation (2 artères iliaques et 2 artères lombaires)
9 (14%) d’un drainage thoracique
19 (29%) d’une ostéosynthèse périphérique (dont 6 interventions pour fracture
du fémur). Pour 16 d’entre eux, les interventions pour ostéosynthèse avaient
lieu au décours de la chirurgie du rachis.
Figure 6 : Gestes associés à la prise en charge. n=65
4. Bilan sanguin à l’arrivée
A l’arrivée au déchoquage, les moyennes des concentrations d’hémoglobine (Hb)
étaient de 12,1 ± 2,3 g/dL, des numérations plaquettaires de 231 000 ± 63 000/mm³,
du TP de 78 ± 18%. Quatre patients avaient une Hb inférieure à 8 g/dL. Le pH était
7,34 ± 0,06 et 27 patients présentaient une acidose (pH<7,35). En préopératoire, l’Hb
26
était à 11,6 ± 2,2 g/dL, le TP à 84 ± 16% et les plaquettes à 237 000 ± 106 000/mm³.
Trois patients présentaient une Hb inférieure à 8 g/dL, et 15 une acidose (pH<7,35).
IV. Evaluation des pertes sanguines en fonction du délai
chirurgical
1. Délai chirurgical : 24 heures
Trente-sept patients (57%) ont été opérés du rachis dans les 24h suivant le
traumatisme et vingt-huit (43%) après 24h.
Les caractéristiques démographiques et le bilan lésionnel (lésion associées et
lésions du rachis) sont résumés dans les Tableaux 1 et 2.
Les données peropératoires sont résumées dans le Tableau 3. L’ensemble des
patients bénéficiait d’une ostéosynthèse avec arthrodèse du rachis. Le nombre de
niveaux opérés était de 4 [3-5] dans le premier groupe contre 5 [3-8] dans le
deuxième, p=0,12.
Les bilans biologiques péri-opératoires sont résumés dans le Tableau 4.
L’hémoglobinémie préopératoire différait entre les 2 groupes : 12,2 ± 2,1 g/dL dans le
premier groupe contre 10,9 ± 2,0 g/dL, p=0,01. De même, avec seulement 2 patients
en dessous du seuil de 40%, le TP pré-opératoire est significativement plus faible
avant 24h : TP=80 ± 18% vs 90 ± 13%.
Les caractéristiques du saignement sont données dans le Tableau 5. Dix-sept (46%)
patients ont été transfusés sur la période per- et postopératoire dans le premier
groupe contre 19 (68%) dans le second, p=0,13. Le nombre de culots globulaires
total à J2 était respectivement de 5 [2-6] et 4 [3-6], p=0,78.
27
Les pertes sanguines estimées à J2, en 30% d’hématocrite, ne différaient pas
entre les 2 groupes : 3708 ± 2276 mL chez les patients opérés avant 24h contre
3339 ± 2903 mL chez les patients opérés après 24h, p=0,57.
2. Délai chirurgical : 8 heures
Vingt-sept patients (42%) ont été opérés du rachis dans les 8h suivant le
traumatisme et trente-sept (58%) après 8h.
Les caractéristiques démographiques et le bilan lésionnel (lésion associées et
lésions du rachis) sont résumés dans les Tableaux 1 et 2 respectivement. On
retrouvait de manière significative plus de traumatisés crâniens dans le groupe opéré
après 8h : 3 (11%) avant 8 heures contre 18 (47%), p<0,01 L’ensemble des patients
ne présentant pas d’atteinte médullaire ont été opérés après 8 heures.
Les données peropératoires, les bilans biologiques péri-opératoires et les
caractéristiques du saignement sont résumés dans les Tableaux 3, 4 et 5.
Les données du groupe opéré avant 8 heures comparées au groupe opéré après 8
heures sont comparables à l’analyse faite précédemment avec 24h comme seuil
chirurgical.
Les pertes sanguines estimées à J2, en 30% d’hématocrite ne différaient pas
entre les 2 groupes : 3928 ± 2264 mL chez les patients opérés avant 8h contre
3281 ± 2733 mL chez les patients opérés après 8h, p=0,32.
28
Avant 24h Après 24h p Avant 8h Après 8h p n 37 28 27 38 Sexe M/F 26/11 18/10 NS 20/7 24/14 NS Age, moyenne (±ET), ans
Cervical, n (%) 11 (30%) 5 (17%) 8 (30%) 8 (21%) Dorsal, n (%) 13 (35%) 14 (50%) 10 (37%) 17 (45%) Lombaire, n (%) 13 (35%) 9 (32%)
NS
9 (33%) 13 (34%)
NS
Non neurologique, n (%) 3 (8%) 7 (25%) 0 (0%) 10 (26%) Incomplet, n (%) 18 (49%) 9 (32%) 14 (52%) 13 (34%) Complet, n (%) 16 (43%) 12 (42%)
NS
13 (48%) 15 (40%)
0,01
Tableau 2 : Bilan lésionnel par groupes, en fonction du délai chirurgical à 24h et 8h.
29
Avant 24h Après 24h p Avant 8h Après 8h p n 37 28 27 38 Geste associé 12 (32%) 7 (25%) NS 10 (37%) 11(29%) NS Durée, moyenne (±ET), heure 6,3 (±2,3) 6,5 (±2,4) NS 6,5 (±2,6) 6,4 (±2,2) NS Nombre de niveaux, médiane [IQR]
L’importance du saignement doit nous inciter à établir des stratégies d’épargne
sanguine :
• L’utilisation des antifibrinolytiques en chirurgie du rachis réglée semblent être
efficace dans la réduction du saignement et de la transfusion21, 23. Dans notre
étude, les antifibrinolytiques n’ont été utilisés que chez 20 patients sur 65, et
plus fréquemment lorsque le saignement peropératoire était important.
Toutefois, comme nous l’avons vu, la présence de la significativité dans
l’analyse multivariée comme facteur de plus grand risque hémorragique est lié
aux prescriptions médicales individuelles sans protocole établi dans le service.
43
Nous ne pouvons donc conclure quant à l’effet des antifibrinolytiques dans
notre cohorte. Par ailleurs, même si aucune étude n’a montré l’efficacité de
l’acide tranexamique (seul utilisé à ce jour) en chirurgie du rachis en urgence,
il semble qu’un protocole clair d’utilisation en fonction de la situation (définition
des patients à risque suivant les critères significatifs décrits comme le type de
chirurgie) serait intéressant.
• L’utilisation du Cell-saver® a montré son efficacité dans une étude de
Cavallieri8 en termes d’épargne transfusionnelle en chirurgie du rachis en
urgence. Le Cell-saver® permettait de réduire de 82% à 45% (p<0.001) le
recours à la transfusion sanguine homologue. Dans notre étude, il était utilisé
chez 39 patients (60%). Par ailleurs, chez les patients non transfusés (n=29),
il était utilisé dans 14 cas (48%), ce qui a permis d’éviter une transfusion chez
environ la moitié d’entre eux.
• Les paramètres de la coagulation corrigés à l’arrivée du patient avant tout bloc
opératoire (la grande majorité des patients présente des examens de
coagulation considérés comme normaux en pré-opératoire) n’apparaissent
pas interférer avec le risque de saignement. Des études plus fines ou plus
importantes sont nécessaires pour affirmer que l’attitude de correction des
différents facteurs qui prévaut est bonne. Elle n’apparaît pas, en tous cas,
comme à remettre en cause pour le moment de façon évidente.
44
VI. Evaluation des pertes sanguines dans la littérature
1. Comparaison avec la chirurgie du rachis réglée
Avec un saignement moyen évalué à J2 de 3550 ± 2550 mL, les pertes sanguines
dans notre étude sont importantes et supérieures, en moyenne à celles retrouvées
habituellement dans la littérature médicale. Dans la chirurgie du rachis, elles sont
estimées autour de 1500 à 3000 mL selon les études11, 12, 44. La majorité de ces
études sont réalisées en chirurgie programmée d’une part et ne prennent en compte
que les pertes sanguines estimées peropératoires par le volume sanguin recueilli et
la pesée des compresses. Elles ne prennent généralement pas en compte le
saignement postopératoire. Murrey44 retrouve un saignement moyen de 2342 ±
2131 mL en cas d’ostéotomie transpédiculaire, avec un saignement maximal à
9900 mL. Dans une étude récente publiée par l’équipe de Beaujon11, en chirurgie du
rachis programmé, les auteurs estiment les pertes sanguines avec la même formule,
que nous avons utilisée, proposée par Mercuriali25. Le saignement moyen était de
1280 ± 810 mL dans le groupe patients non-transfusés contre 3400 mL ± 2100 mL
dans le groupe patients transfusés. Plusieurs facteurs de risque de saignement et/ou
de transfusion homologue sont identifiés dans ces différentes études. L’étude de
Lenoir11 identifie quatre paramètres : une hémoglobine préopératoire <12 g/dL, un
âge supérieur à 50 ans, une ostéosynthèse supérieure à 2 niveaux et l’ostéotomie
transpédiculaire. D’autres auteurs retrouvent également la chirurgie carcinologique12
et le surpoids13. L’hémoglobine pré-opératoire diffère entre les groupes de patients
dans notre étude. Cependant, elle n’apparaît pas comme un facteur de risque de
saignement dans notre étude. Comme l’étude de Beaujon11, nous retrouvons le
nombre de niveaux opérés. L’augmentation des pertes hémorragiques que nous
45
retrouvons dans notre étude doit être prise au sérieux puisque les méthodes de
calcul sont comparables. Ceci doit être rapproché de la situation post-traumatique, et
peut être que, contrairement à ce que nous évoquions plus haut dans un cadre de
comparaison de traumatisme à traumatisme, le niveau de l’hémostase perturbée par
la consommation, l’inflammation et la dilution y joue un rôle. Notre étude n’est pas
conçue pour travailler sur ces différences mais il sera important de vérifier ce résultat
et d’essayer d’en comprendre les mécanismes potentiellement corrigeables.
2. Comparaison avec la chirurgie du rachis en urgence
Il n’existe à notre connaissance que deux études publiées3, 14 comparant les pertes
sanguines en chirurgie du rachis en urgence. Ces deux études rétrospectives avaient
pour but d’évaluer les conséquences d’une décompression médullaire urgente du
rachis thoracique par rapport à une décompression plus tardive, en termes de
récupération neurologique, mais également de complications au cours de
l’hospitalisation.
Dans l’étude de Petitjean14, 49 patients polytraumatisés présentaient un traumatisme
thoracique avec atteinte médullaire. Dix patients bénéficiaient d’une chirurgie dans
les 24 heures après le traumatisme et 22 à distance du traumatisme (9 jours en
moyenne). Dans le premier groupe, les pertes sanguines peropératoires étaient
évaluées à 1000 ± 424 mL et dans le second à 1508 ± 800 mL. Cette différence
n’était pas significative.
Dans l’étude de McLain3, 27 patients polytraumatisés et opérés du rachis thoracique
et lombaire étaient répartis en 2 groupes : l’un était opéré dans les 24 premières
heures (n=14), l’autre entre la 24ème et la 72ème après le traumatisme (n=13). L’auteur
rapporte que, les pertes sanguines moyennes étaient plus importantes dans le
46
groupe de patients opérés en urgence (2966 mL) par rapport au groupe de patients
opérés à distance (1877 mL), notamment en cas de chirurgie par voie antérieure
(6812 mL contre 4000 mL). L’une des hypothèses retenues à ce résultat est
l’existence d’hémorragies plus fréquentes secondaires à des lésions des vaisseaux
épiduraux dont l’hémostase est plus difficile par voie antérieure.
Au total, les pertes sanguines évaluées dans notre étude sont supérieures à celles
évaluées en cas de chirurgie en urgence. Mais les méthodes d’évaluation de ces
pertes sont différentes. Ces 2 auteurs3,14 rapportent les pertes sanguines
peropératoires, calculées par la mesure du volume aspiré et la pesée des
compresses. Comme nous l’avons déjà signalé, l’évaluation des pertes sanguines
dans notre étude prend en compte l’ensemble des pertes sanguines à 48h, alors
qu’elles ne sont, le plus souvent, qu’évaluées en peropératoire dans les autres
études, mais également les pertes secondaires aux lésions associées. Ceci peut
expliquer la différence entre nos résultats et les résultats retrouvés dans la littérature.
Si nous appliquons la formule de Mercuriali25 uniquement sur la période
peropératoire en prenant comme delta d’hématocrite, l’hématocrite pré-opératoire et
l’hématocrite postopératoire, nous retrouvons dans notre étude un saignement
moyen à 2542 ± 1938 mL, résultat comparable à celui de McLain3. Cependant, notre
méthode a pour avantage de prendre en compte le saignement postopératoire, plus
fidèle à la compréhension de l’évolution du malade en réanimation.
Dans l’étude de McLain3, la différence de saignement en fonction du délai opératoire
observée et signalée par l’auteur n’était en réalité pas significative. Il apparaît donc
que la chirurgie du rachis traumatique est en soit hémorragique indépendamment du
délai, que les facteurs de saignement sont plus liés à l’importance du traumatisme en
47
lui-même et surtout du geste chirurgical proposé. Ce sont donc ces éléments qui
doivent être pris en compte dans l’évaluation pré-opératoire du risque hémorragique.
48
CONCLUSION Dans cette étude rétrospective, à propos de 65 traumatisés du rachis, nous n’avons
pas mis en évidence de différence entre délai chirurgical et pertes sanguines péri-
opératoires. La décision chirurgicale doit tenir compte de la stabilité et de la gravité
du patient, de l’existence d’un intérêt neurologique à la décompression précoce et
d’une diminution des complications générales notamment pulmonaires en cas de
chirurgie précoce. Quelque que soit le délai entre chirurgie et traumatisme, le
saignement reste majeur et les principaux facteurs de risque identifiés dans notre
étude par l’analyse multivariée sont liés aux facteurs chirurgicaux (nombre de
niveaux à opérer, durée de l’intervention), à la localisation de la lésion (chirurgie
dorsale ou lombaire plus hémorragique que chirurgie cervicale). Ces différents
paramètres sont donc à prendre en compte dans la gestion péri-opératoire de ces
patients. Cette étude pourrait permettre sur Bicêtre de définir un groupe à risque qui
bénéficierait d’une attention plus importante dans la prévention du risque
hémorragique : installation, commande de sang, préparation du Cell-saver®.
Toutefois, notre étude présentant des limites, des études supplémentaires doivent
confirmer ces résultats et rechercher les attitudes et traitements susceptibles de
limiter ces pertes hémorragiques.
49
BIBLIOGRAPHIE 1. Edouard A, coordonnateur. Prise en charge d'un blessé adulte présentant un
traumatisme vertébro-médullaire. Conférence d'experts de la Société Française d'Anesthésie Réanimation. 2004.
2. Langeron O, Riou B. Prise en charge du rachis traumatique. Encyclopédie Médicochirurgicale - Anesthésie-Réanimation 2009;36-605-A-20:1-11.
3. McLain RF, Benson DR. Urgent surgical stabilization of spinal fractures in polytrauma patients. Spine (Phila Pa 1976) 1999;24(16):1646-54.
4. Fehlings MG, Perrin RG. The role and timing of early decompression for cervical spinal cord injury: update with a review of recent clinical evidence. Injury 2005;36 Suppl 2:B13-26.
5. Ackery A, Tator C, Krassioukov A. A global perspective on spinal cord injury epidemiology. J Neurotrauma 2004;21(10):1355-70.
6. Sekhon LH, Fehlings MG. Epidemiology, demographics, and pathophysiology of acute spinal cord injury. Spine (Phila Pa 1976) 2001;26(24 Suppl):S2-12.
7. Ravaud JF, Delcey M, Desert JF. The Tetrafigap Survey on the long-term outcome of tetraplegic spinal cord injured persons, part II: Demographic characteristics and initial cause of injury. Spinal Cord 2000;38(3):164-72.
8. Cavallieri S, Riou B, Roche S, Ducart A, Roy-Camille R, Viars P. Intraoperative autologous transfusion in emergency surgery for spine trauma. J Trauma 1994;36(5):639-43.
9. Rutges JP, Oner FC, Leenen LP. Timing of thoracic and lumbar fracture fixation in spinal injuries: a systematic review of neurological and clinical outcome. Eur Spine J 2007;16(5):579-87.
10. Szpalski M, Gunzburg R, Sztern B. An overview of blood-sparing techniques used in spine surgery during the perioperative period. Eur Spine J 2004;13 Suppl 1:S18-27.
11. Lenoir B, Merckx P, Paugam-Burtz C, et al. Individual probability of allogeneic erythrocyte transfusion in elective spine surgery: the predictive model of transfusion in spine surgery. Anesthesiology 2009;110(5):1050-60.
12. Nuttall GA, Horlocker TT, Santrach PJ, Oliver WC, Jr., Dekutoski MB, Bryant S. Predictors of blood transfusions in spinal instrumentation and fusion surgery. Spine (Phila Pa 1976) 2000;25(5):596-601.
13. Zheng F, Cammisa FP, Jr., Sandhu HS, Girardi FP, Khan SN. Factors predicting hospital stay, operative time, blood loss, and transfusion in patients undergoing revision posterior lumbar spine decompression, fusion, and segmental instrumentation. Spine (Phila Pa 1976) 2002;27(8):818-24.
14. Petitjean ME, Mousselard H, Pointillart V, Lassie P, Senegas J, Dabadie P. Thoracic spinal trauma and associated injuries: should early spinal decompression be considered? J Trauma 1995;39(2):368-72.
15. Monitorage du patient traumatisé grave en préhospitalier. Conférence d'experts. Société française d’anesthésie et de réanimation - Samu de France - Société francophone de médecine d’urgence - Société de réanimation de langue française. 2006.
16. MAPAR. Protocoles du MAPAR. 2007;11ème édition. 17. Peytel E, Menegaux F, Cluzel P, Langeron O, Coriat P, Riou B. Initial imaging
assessment of severe blunt trauma. Intensive Care Med 2001;27(11):1756-61. 18. Riou B, Vivien B, Langeron O. Choc hémorragique traumatique. SFAR - Les
20. Practice guidelines for perioperative blood transfusion and adjuvant therapies: an updated report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on Perioperative Blood Transfusion and Adjuvant Therapies. Anesthesiology 2006;105(1):198-208.
21. Gill JB, Chin Y, Levin A, Feng D. The use of antifibrinolytic agents in spine surgery. A meta-analysis. J Bone Joint Surg Am 2008;90(11):2399-407.
22. Neilipovitz DT. Tranexamic acid for major spinal surgery. Eur Spine J 2004;13 Suppl 1:S62-5.
23. Lentschener C, Cottin P, Bouaziz H, et al. Reduction of blood loss and transfusion requirement by aprotinin in posterior lumbar spine fusion. Anesth Analg 1999;89(3):590-7.
24. Samama CM, Langeron O, Rosencher N, et al. Aprotinin versus placebo in major orthopedic surgery: a randomized, double-blinded, dose-ranging study. Anesth Analg 2002;95(2):287-93, table of contents.
25. Mercuriali F, Inghilleri G. Proposal of an algorithm to help the choice of the best transfusion strategy. Curr Med Res Opin 1996;13(8):465-78.
26. Rosencher N, Kerkkamp HE, Macheras G, et al. Orthopedic Surgery Transfusion Hemoglobin European Overview (OSTHEO) study: blood management in elective knee and hip arthroplasty in Europe. Transfusion 2003;43(4):459-69.
27. Hardy JF, de Moerloose P, Samama CM. Massive transfusion and coagulopathy: pathophysiology and implications for clinical management. Can J Anaesth 2006;53(6 Suppl):S40-58.
28. Heiden JS, Weiss MH, Rosenberg AW, Apuzzo ML, Kurze T. Management of cervical spinal cord trauma in Southern California. J Neurosurg 1975;43(6):732-6.
29. Marshall LF, Knowlton S, Garfin SR, et al. Deterioration following spinal cord injury. A multicenter study. J Neurosurg 1987;66(3):400-4.
30. Dimar JR, 2nd, Glassman SD, Raque GH, Zhang YP, Shields CB. The influence of spinal canal narrowing and timing of decompression on neurologic recovery after spinal cord contusion in a rat model. Spine (Phila Pa 1976) 1999;24(16):1623-33.
32. Licina P, Nowitzke AM. Approach and considerations regarding the patient with spinal injury. Injury 2005;36 Suppl 2:B2-12.
33. Cotton BA, Pryor JP, Chinwalla I, Wiebe DJ, Reilly PM, Schwab CW. Respiratory complications and mortality risk associated with thoracic spine injury. J Trauma 2005;59(6):1400-7; discussion 7-9.
34. Krengel WF, 3rd, Anderson PA, Henley MB. Early stabilization and decompression for incomplete paraplegia due to a thoracic-level spinal cord injury. Spine (Phila Pa 1976) 1993;18(14):2080-7.
35. Papadopoulos SM, Selden NR, Quint DJ, Patel N, Gillespie B, Grube S. Immediate spinal cord decompression for cervical spinal cord injury: feasibility and outcome. J Trauma 2002;52(2):323-32.
36. Kerwin AJ, Griffen MM, Tepas JJ, 3rd, Schinco MA, Devin T, Frykberg ER. Best practice determination of timing of spinal fracture fixation as defined by analysis of the National Trauma Data Bank. J Trauma 2008;65(4):824-30; discussion 30-1.
37. La Rosa G, Conti A, Cardali S, Cacciola F, Tomasello F. Does early decompression improve neurological outcome of spinal cord injured patients? Appraisal of the literature using a meta-analytical approach. Spinal Cord 2004;42(9):503-12.
51
38. Bone LB, Johnson KD, Weigelt J, Scheinberg R. Early versus delayed stabilization of femoral fractures. A prospective randomized study. J Bone Joint Surg Am 1989;71(3):336-40.
39. Chipman JG, Deuser WE, Beilman GJ. Early surgery for thoracolumbar spine injuries decreases complications. J Trauma 2004;56(1):52-7.
40. McKinley W, Meade MA, Kirshblum S, Barnard B. Outcomes of early surgical management versus late or no surgical intervention after acute spinal cord injury. Arch Phys Med Rehabil 2004;85(11):1818-25.
41. Smektala R, Endres HG, Dasch B, et al. The effect of time-to-surgery on outcome in elderly patients with proximal femoral fractures. BMC Musculoskelet Disord 2008;9:171.
42. Lasocki S, Montravers P, Beaumont C. Anémie en réanimation: physiopathologie et prise en charge. Communications Scientifiques Congrès du MAPAR 2008:213-21.
43. Vincent JL, Baron JF, Reinhart K, et al. Anemia and blood transfusion in critically ill patients. Jama 2002;288(12):1499-507.
44. Murrey DB, Brigham CD, Kiebzak GM, Finger F, Chewning SJ. Transpedicular decompression and pedicle subtraction osteotomy (eggshell procedure): a retrospective review of 59 patients. Spine (Phila Pa 1976) 2002;27(21):2338-45.