RillettesHistoire gourmande
d’hier à demain
Denys ezquerra
PhotograPhies : DaviD Piolé - alexanDre Chailan
Éditions Libra Diffusio
a ma mère qui aimait les rillettes.
Conception graphique et mise en page :l’atelier sur la Colline
© Editions Libra Diffusio, 2013ISBN : 978-2-84492-645-6
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“La” rillette ou “les” rillettes ?
Le mot doit-il s’employer au singulier ou au pluriel ? Il paraît que les esprits s’agitent quand on évoque la question… Pourrait-on hasarder que le singulier (au demeurant plutôt
rural) semblerait désigner aujourd’hui la préparation culinaire
dans sa généralité telle qu’elle peut, par ailleurs, se décliner
dans ses variantes régionales ? Le pluriel, lui, (plutôt citadin)
s’appliquerait davantage au produit familier dans ses particula-
rités de texture que les consommateurs des régions de l’Ouest
et de la France entière déposent sur leur table ou étendent sur
leur pain… Ne contient-il pas des petites « rilles »... des
« rillettes » ? Le charcutier vous dira qu’il fabrique et vend
« de la » rillette mais ce sont « des » rillettes que son client lui
achètera, celles dont il a l’habitude, « ses » rillettes, établissant
avec elles, et avec le commerçant du même coup, une relation
de proximité et de familiarité.
Il faut dire que les rillettes semblent avoir toujours existé depuis que le cochon existe du moins si l’on essaie de remonter aux origines du mot. En moyen français le mot « rille » (forme dialectale de « reille »)
désigne, d’après le dictionnaire étymologique de Bloch et von
Wartburg, une « planchette », une « latte » et par dérivation des
« morceaux de viande minces et longs ». Quant aux « rillettes »,
selon ces mêmes auteurs, elles seraient des petites rilles consti-
tuant un « hachis ». Aujourd’hui les rilles, en Touraine notam-
ment, désignent les os retirés avant la fin de la cuisson des ril-
lettes.
On parle aussi de « rillée » ou de « rihelles ». En 1552, Maîstre
François Rabelais, dans son Tiers Livre évoque « le rillé » que
son héros Panurge en quête de l’oracle de la Dive Bouteille
Panurge aimait déjà le rillé !
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se propose d’envoyer au théologien Hippothadée qu’il
questionne à propos de ses noces. Celui-ci n’apportant à
Panurge qu’une réponse évasive à son interrogation
« Ne serai-je point cocu ? » reçoit en retour les paroles
suivantes : (C’est Panurge qui parle)
« Vous aimez repos, silence et solitude. Vous ne viendrez pas
à mes noces, je crois. Et puis vous dansez assez mal et seriez
honteux menant le premier bal. Je vous enverrai du rillé en votre
chambre… » Panurge fait d’ailleurs la même promesse au
médecin Rondibilis quatre chapitres plus loin :
« Monsieur, je crois bien qu’au jour de mes noces, vous serez
empêché à vos pratiques et que vous n’y pourrez comparaître.
Je vous en excuse. (…) Ne laissez vos affaires d’ailleurs plus
urgentes. Je vous enverrai du rillé en votre maison. Et serez
toujours notre ami. »
Une gravure pittoresque du grand Gustave Doré, 1873. C’est à table, bien sûr, que Panurge ayant face à lui son ami prince et géant Pantagruel, entou-ré de « savants » les interroge sur les avantages et inconvénients du mariage. Les réponses le déconcertent même celles d’Hippothadée ! ©Jean-Paul Dumontier / La Collection
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Remontons le temps : Caton l’Ancien (234/149 avant J.-C.) dans son traité d’agri-culture, le De Rustica, évoque l’abattage de la truie
précidanée et la manière d’apprêter la viande de porc en ce qui
concerne la salaison des jambons :
« Procédé pour saler les jambons dans une futaille ou dans un saloir :
lorsque vos jambons seront achetés, retranchez-en l’extrémité osseuse.
Employez pour chacun un muid de sel romain trituré. Mettez-en un lit
au fond de la tonne ou du saloir : stratifiez vos jambons en plaçant la
peau en bas, et mettez une seconde couche de sel. Faites un second lit
de jambons, que vous couvrez de la même manière. Prenez bien garde
que les chairs ne soient en contact, et couvrez-les de sel. Lorsque tous
les jambons seront entonnés, mettez au-dessus une couche de sel qui les
couvrira et que vous égaliserez. Après qu’ils auront séjourné dans le sel
pendant cinq jours, enlevez-les avec le sel. Replacez au fond du saloir
les jambons qui étaient à la surface, couvrez-les et stratifiez-les comme
précédemment. Après l’intervalle de douze jours retirez définitivement
Les Anciens connaissaient-ils les rillettes ?
les jambons, secouez-en le sel, et mettez-les à un courant d’air pendant
deux jours. Essuyez-les avec une éponge le troisième jour, et frottez-les
d’huile; suspendez-les à la fumée pendant deux jours, après quoi vous
les retirerez. Frottez-les d’huile et de vinaigre mêlés ensemble, suspen-
dez-les au garde-manger : ils ne seront attaqués ni par les teignes ni
par les vers. »
Varron (116-27 avant J.-C.), dans son De re rustica, en trois
volumes, s’intéresse dans le deuxième, aux conditions de l’éle-
vage du porc à la fin de l’époque républicaine :
« Quel cultivateur en effet n’a pas de porcs chez lui ? et qui de nous
n’a pas entendu dire à son père : « Bien insouciant ou bien peu éco-
nome, est celui qui tire de la boucherie et non de son fonds le lard de
son garde-manger ! » (…) En fait de pâturages, ce sont les endroits
marécageux qui conviennent à cette espèce de bétail, qui se plaît dans
l’eau et même dans la fange. On dit que les loups, lorsqu’ils ont trouvé
un porc, traînent cette proie jusqu’à ce qu’ils trouvent de l’eau, leurs
dents ne pouvant supporter l’extrême chaleur de sa chair. Les porcs se
repaissent surtout de glands, mais aussi de fèves, d’orge, et de toute
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autre espèce de grain. Cette nourriture non seulement les engraisse, mais
donne à leur chair un goût très agréable. (…) On a dit que le porc était
prédestiné par la nature à paraître sur nos tables, et qu’elle avait animé
sa substance, comme l’homme la sale, dans ce seul but de conservation.
La charcuterie des Gaules a toujours été renommée pour l’excellence et
la quantité de ses produits. L’exportation considérable de jambons, de
saucissons et autres confections de ce genre, qui se fait annuellement de
ce pays à Rome, témoigne de leur supériorité comme goût. »
Peut-on penser que parmi les « autres confections » de la char-
cuterie des Gaules « renommée pour l’excellence de ses pro-
duits » qu’évoque Varron, se trouvent les ancêtres des rillettes ?
Les auteurs anciens en tout cas nous prouvent, s’il en était
besoin, que le porc est domestiqué depuis des temps reculés
pouvant d’ailleurs remonter jusqu’au septième millénaire avant
notre ère ! La cuisine romaine qui célèbre le porc dans des
recettes particulièrement raffinées, ne mentionne pas explicite-
ment l’existence d’une préparation semblable à celle de nos ril-
lettes. Mais on peut imaginer que la manière la plus simple de
faire cuire la viande de porc, sans qu’on ait besoin de la hacher,
consistant à la faire bouillir dans une marmite disposée sur un
feu, les Romains devaient bien alors y avoir pensé…
Pline l’ancien, auteur latin du premier siècle de notre ère, a écrit dans son Histoire Naturelle qu’« aucun autre animal que le porc ne fournit plus d’aliments à la gourmandise. Sa viande repré-
sente environ cinquante saveurs tandis que celle des autres n’en donne
qu’une. » C’est dire la faveur que rencontre cet animal chez les
amateurs romains de bonne chère. Il est d’ailleurs le seul animal
à être élevé pour sa viande dont on se délecte aussi bien dans
les campagnes que dans les villes. Les auteurs qui ont effectué
des recherches sur les habitudes culinaires dans l’antiquité affir-
ment que l’on engraisse les porcs de manière à obtenir des bêtes
énormes : ce que favorise la castration pratiquée aussi bien sur
Manger du porc dans la Rome antique
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“Apicius… vous avez dit Apicius ?”
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les mâles que sur les femelles. Il paraît même, nous précise Ni-
cole Blanc dans son très remarquable ouvrage, La cuisine romaine
antique 1, que les animaux ainsi devenus infirmes en arrivent à
être incapables de se tenir debout !
Le porc est la viande la plus consommée avec le gibier et la
volaille. On la cuisine bien cuite, en sauce très relevée.
Apicius vécut sous l’empereur Tibère qui régna de 14 à 37
avant J.-C. Il était son cuisiner officiel (peut-être même le
« mignon » de son fils !). Il a rédigé un livre de recettes
aujourd’hui perdu dont la trace nous est cependant parvenue à
travers une compilation de ses préparations culinaires, le
De re coquinaria (l’Art culinaire d’Apicius), datant du quatrième
siècle de notre ère. Il s’agit là du seul vrai livre de recettes
antiques latines. Apicius codifia donc avec précision la cuisine
romaine dans laquelle la préparation du porc occupe une place
de choix. On est aujourd’hui fort surpris d’apprendre que les
parties de cet animal les plus prisées alors sont la vulve de truie
(la matrice) choisie plutôt stérile et de moins d’un an ; mais
aussi la tétine que l’on prépare bouillie ou grillée.
N ombre de restaurants gas-tronomiques ou s’affichant comme tels portent aujour-
d’hui le nom du célèbre gastro-nome et cuisinier latin. Certains grands chefs, tel Alain Senderens, ont même inventé un plat le célé-brant. sait-on que l’antiquité latine connut trois « Apicius », tous trois amoureux de bonne chère ? apicius Ier fut un contemporain de Sylla (138 à 78 avant J.-C.) ; apicius III vécut sous Trajan (53 à 117 après J.-C.). Le plus célèbre, Marcus Gavius Api-cius, le deuxième du nom, naquit en 25 avant J.-C. ; il fréquenta la cour de l’empereur Tibère et sut se faire apprécier de lui pour ses talents de cuisinier ; nous dirions aujourd’hui de « grand chef », voire d’ « esthète de la cuisine ». sa personnalité extrava-gante, son goût du luxe et des
plaisirs ont fait sa renommée sulfureuse. D’ailleurs, Pline et Tacite émettent sur lui des avis bien néga-tifs. Sa mort en 37 après J.-C. inspire à Sénèque, le philosophe stoïcien, les lignes suivantes : « De notre temps, un Apicius (…) donna des leçons de gloutonnerie, infecta son siècle de sa doctrine, et fit une fin qui mérite d’être rapportée !Il avait dépensé pour sa cuisine un million de sesterces, absorbé en débauches une foule de présents dus à la munificence des princes, et englouti l’énorme subvention du Capitole : criblé de dettes, il fut forcé de vérifier ses comptes pour la première fois ; il calcula qu’il ne lui resterait plus que dix millions de sesterces 1 ; et, ne voyant pas de différence entre mourir de faim et vivre avec une pareille somme, il s’empoisonna 2. »
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1 / Nicole Blanc, La cuisine romaine antique, Editions Glénat, 1992.
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apicius est passé à la postérité pour ses recherches culinaires et ses recettes poussées jusqu’à l’extrava-gance. Pline atteste qu’il avait mis au point une recette de langues de fla-mands roses, de ragoût de crêtes de coq ou de talon de chameau ! Il pré-conisait pour améliorer la qualité du foie des porcs et de leur viande de les engraisser à l’aide de figues fraîches et de les tuer après leur avoir fait boire du vin miellé. Parmi les quelque cinq cents recettes qui nous ont été transmises de lui voici celle, fameuse, des vulves de truie à la façon d’apicius :« On fera blanchir à l’eau des vulves de truies de préférence primipares ayant été tuées après la mise à bas des porcelets. (Rien ne vaut cependant la vulve de truie encore vierge !) Les ayant garnies d’une farce de chair de
porc assaisonnée de poivre, cumin, garum 3, blancs de poireaux et pignons de pin puis soigneusement recousues, on aura soin de les cuire dans une eau additionnée d’huile d’olive de garum et d’aneth. »… et aussi celles des tétines de truie. On s’en pourlèche, à l’avance !« On coupe les tétines en morceaux ; on les hache et les mêle à de la chair de poisson, de poulet, de grives et d’autres mets remarquables tels les ortolans. On y ajoute œufs et huile. Dans une marmite, on fait revenir du poivre broyé, de la livèch 4 et des raisins secs mouillés de vin et de garum ; on y ajoute le hachis jusqu’à ce qu’il soit cuit. Ensuite, le hachis auquel on aura adjoint poivre entier et pignons de pin sera cuit, au four, entre deux abaisses de pâte. »Vous en reprendrez bien un peu ?
1 / Environ 3 à 4 millions d’euros quand même !2 / sénèque, Consolation à ma mère Helvia, traduction de M. Charpentier et F. Lemestre : Les œuvres de Sénèque le philosophe, t.2, garnier, 1860.3 / Sauce à base de chair ou de viscères de poisson fermentés dans du sel, incontournable dans la cuisine romaine.4 / Plante aromatique au goût puissant proche du céleri.
Si l’on veut avoir une idée précise de ce que pouvait être un repas servi chez un riche la-tin, il faut se plonger dans le Satiricon de l’auteur Pétrone, épicurien intime de Néron. Le narrateur, Encolpe, jeune homme de condition libre, est
invité au banquet de Trimalchion, ancien esclave affranchi
ayant fait fortune. Comme tout parvenu, ce dernier tient à
donner à ses hôtes un repas dont la description très détaillée
occupe la partie centrale de l’œuvre. Les entrées sont passées
en revue, puis les prima mensa, les premiers plats, dont l’avant-
dernier est un porc non vidé qui lui-même a été précédé d’un
sanglier. Viendront ensuite les seconds plats et les plats d’après
repas…
A table avec Trimalchion
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
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C’est au cours de la cena – repas principal de la journée pris en fin d’après-midi et pouvant durer plusieurs heures, surtout quand il se trans-forme en banquet chez les plus riches –, que l’on déguste les mets raffinés dont le sanglier et le cochon, très prisés. allongé sur des banquettes, dans le triclinium, autour de la table principale et servi par des esclaves on s’adonne à la gourmandise voire à la gloutonnerie, comme chez Trimalchion. Médiathèque Louis-Aragon, Le Mans.
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Au Moyen-Age, le porc est l’animal qui occupe une place importante – vraisembla-blement la première – dans l’alimentation puisque tout en lui se mange. Les paysans qui
n’élèvent pas tous des bovins, possèdent un ou deux porcs
qu’ils engraissent ou qui sont pris en charge par un porcher
rassemblant sous son bâton tous les animaux d’un village.
Les porcs, omnivores, peuvent donc, lâchés en liberté à
l’automne dans les forêts, se nourrir de racines, de champi-
gnons, de baies, de châtaignes et de glands : c’est la « glandée »
qu’illustrent, fréquemment les « livres d’heures » richement
enluminés à la page du mois de novembre.
Pour Olivier de Serres (1539-1619) que l’on peut considérer le
pionnier de l’agronomie française, les glands doivent être au
menu des porcs. Dans son Théâtre d’agriculture et mesnage des
champs paru en 1600 et qui connut un grand succès, il déve-
loppe un ensemble de connaissances concernant l’art agricole.
L’élevage en fait partie ; un chapitre est d’ailleurs consacré aux
Le porc au Moyen-Age : un animal “bien élevé”!
Laissons parler Encolpe :
« On amena dans la salle à manger trois cochons blancs (…). L’un
avait deux ans, le second trois ans, et le troisième, déjà six ans. (…)
Trimalchion fit appeler un des cuisiniers et lui commanda de tuer le plus
vieux des cochons. »
Le temps s’écoule en libations et propos pseudo spirituels
jusqu’à ce qu’ « un plat supportant un énorme porc vînt occuper la
table centrale. Nous admirâmes la rapidité du cuisinier (…) ; un coq
n’aurait jamais pu être cuit aussi vite. » Le cuisinier avoue à son
maître qu’il a oublié d’enlever les entrailles. Trimachion se fait
menaçant puis, se laissant gagner par l’hilarité, lui ordonne de
le vider devant les convives ! « Le cuisinier saisit son couteau et dé-
chire çà et là le ventre du porc d’une main précautionneuse. Et aussitôt,
des entrailles qui s’élargissaient sous la pression de leur poids s’écoula
tout un flot de saucisses et de boudins. »
Gros succès pour Gaïus, le cuisinier qui reçoit en récompense
une rasade à boire et une couronne d’argent !
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
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« pourceaux et aux truies » dont il précise les critères
morphologiques, les modes de reproduction idéaux
et l’alimentation : « En tous lieux (…) se trouvent bien ces
bêtes-ci, mieux toutefois en pays aquatique qu’en sec. (…)
Mais beaucoup plus aiment-elles les forêts, qu’autres lieux,
s’y délectant pour les glands, faines, châtaignes (…) et sem-
blables fruits bâtards que les arbres sauvages produisent en
divers temps. (…) C’est l’ordre le plus commun(…) que de
leur faire paître le gland en la forêt sans autre artifice, ou la
châtaigne, selon le pays. (…) Il est à souhaiter que le temps
soit froid et sec lorsque les pourceaux paissent le gland en
la campagne pour bien mieux manger. (…) Il est requis de
réserver quelque quantité de glands pour en faire manger à
quelque petit nombre de pourceaux, choisis au retour de la fo-
rêt et retirés dans l’étable durant dix à douze jours afin de les
achever d’engraisser à la perfection et, grâce à un traitement
aussi avantageux, d’en faire des lards de haute graisse. »
On sait par ailleurs qu’en ville, les porcs divagueront
librement, véritables « éboueurs à quatre pattes »
avant d’être élevés dans des bâtiments spécialisés à
partir du XVIe siècle.
Un livre d’heures est un recueil de prières accompagné d’un calendrier, somp-tueusement décoré. en voici la preuve avec ces deux enluminures : l’artiste, pour illustrer l’entrée dans l’hiver, y présente le porcher faisant paître les bêtes dont il a la charge dans un bois de chênes. Les animaux ne peuvent déguster que les glands tombés au sol mais notre homme s’autorise quand même à utiliser un bâton pour en battre les branches même si c’est interdit ! Ci-dessus : Bréviaire de Châteauroux, Médiathèque Equinoxe, Châteauroux. Cliché IRHT.
Ci-contre : Médiathèque Louis-Aragon, Le Mans.
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Un village. Une fête à laquelle participent les porcs…Le peintre les a fait figurer dans un coin de son tableau entendant par là, peut-être, nous signifier la relation de proximité qu’ils entretiennent avec les hommes et leur importance dans leur mode de nourriture. Ils font partie du « décor » en quelque sorte…« Danse au son de la cornemuse »(ancien titre : Fête de village), d’après David Teniers. Cliché musées du Mans.
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I l est, dans l’année, des moments importants qui jalonnent la vie rurale. Celui où l’on tue le co-
chon en fait partie. Certes, de nos jours, on recourt sou-vent à l’abattoir le plus proche ga-rantissant des conditions d’hygiène scrupuleuses mais le rituel sacrifi-catoire, à la ferme, existe encore. Le citadin à qui il est donné d’assister à la cérémonie peut s’en effrayer ou la trouver barbare, mais l’habitant des campagnes y est familiarisé depuis l’enfance. La mort s’inscrit dans l’ordonnance des choses et chacun trouve bien naturel que le cochon achève ainsi sa vie puisqu’il n’a été élevé, engraissé « que pour grandir et mourir ». C’est bien ce que déclare Joël Cosme dirigeant au Mans l’en-
La mort du “Prince de graisse1”
Le porc vit ses derniers moments. D’un coup de masse en bois bien placé, il va être assommé. Le geste assuré du spécialiste évitera à la bête toute souffrance inutile. Bréviaire de Châteauroux, Médiathèque Equinoxe, Châteauroux. Cliché IRHT.
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
treprise de charcuterie éponyme ; il ajoute que, fils de paysan, il assistait, petit garçon, à la mise à mort du cochon sans y voir autre chose qu’un acte appartenant « aux choses de la nature » ; « cela faisait partie du schéma ».Ce temps fort de l’année nommé la « tue-cochon » ou la « tuée » en fonction des régions tombe en décembre selon les calendriers du Moyen-Age. Chaque cultivateur, artisan ou villageois possède un ou deux cochons, suivant les moyens et l’importance de la maisonnée, destinés à la consommation fami-liale. La « saint-Cochon » peut aussi être célébrée au printemps (en avril) époque des battages. Dans les deux cas, on aura choisi la « bonne
1 / R.N. Raimbault, « Maine et Perche du bien manger » in La France à table, n°26, octobre 1950.
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tout est paisible. Le sacrifice a eu lieu. Un chien somnole, une poule passe. une vieille femme veille au feu ; trois autres personnages conversent en attendant… quoi au juste ? que l’on découpe le cochon dont le corps écar-telé suspendu par les pattes arrière occupe le centre de la composition ? « Le cochon écorché » d’Isaack Van Ostade,1639 © Artothek / La Collection.
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heure », le meilleur moment pour faire passer la bête de vie à trépas : en huit mois d’élevage, elle a atteint cent cinquante kilos. Il est alors d’usage d’abattre plutôt une coche, truie arrivant en fin de carrière de reproduction, dont la chair savou-reuse fournit une matière première apte à subir une longue cuisson sans dénaturation. C’est aussi l’occasion d’organiser un grand repas au-quel participent tous les membres de la famille ainsi que les voisins qui sont venus aider. On n’y mange que du cochon !
« Môssieu Cochon », comme on l’appelle en Touraine, a été préparé à son exécution. On a évité de le nourrir pendant vingt-quatre heures au moins pour que ses boyaux soient vides. On s’est aussi assuré du concours de tous ceux qui devront participer à l’ouvrage. Hommes et femmes sont mobilisés. La bête a été tirée de la soue de bon matin non sans quelques difficultés. Le tueur et le « saigneur » ont été convoqués ; ce sont de véritables spécialistes : le tueur, d’un revers de cognée, d’un coup de masse entre les deux yeux ou derrière les oreilles, l’assomme ou le tue à l’aide d’un pistolet d’abattage. Il faut que le stress de l’animal soit le plus court possible car
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1 / robert Chanaud, La Province du Maine, juin 1989.
“A la Saint-Cochon on fait des rillettes”
C’est sans doute à la charnière des XV e et XVI e siècles que la population rurale, notam-ment en Touraine, a pris l’habitude de l’abat-tage du cochon une fois dans l’année. On tue le « môssieu » au printemps, en avril, ou à la Saint-
Martin, au début de l’hiver pour consommer la viande fraîche
ou conserver au lardier ou au saloir les morceaux nobles salés
et fumés qui seront mangés le reste de l’année. D’ailleurs la
viande n’est pas tous les jours sur la table, loin s’en faut ! Dans
le monde paysan, que les difficultés de la vie contraignaient ja-
dis à économiser le plus possible ou du moins à ne rien laisser
perdre, les chutes de viande intervenant au cours de la découpe
du porc devaient être utilisées. Les « faux morceaux » vont à la
marmite pour faire les rillettes alors qu’on garde les jambons.
François-Yves Besnard (1752-1842) écrit dans Souvenirs d’un
nonagénaire (1880), que « lors des funérailles » du cochon, on «
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sinon, a-t-on coutume de dire, « son sang serait troublé » et le boudin moins bon ! Le cochon est étendu sur le flanc ou suspendu à une poutre dans la grange ; dès lors le saigneur fait son œuvre en section-nant jugulaire et carotide. Le sang est recueilli dans le but de préparer le fameux boudin. C’est la tâche des femmes que d’éviter sa coagulation en y adjoignant un peu de vinaigre et en le remuant sans cesse. elles ont aussi préparé les litres d’eau chaude destinés à ébouillanter le cochon pour le raser et récupérer ses soies ; ou pour le laver à grande eau après avoir procédé au flambage et au grattage. Vient le temps de la dé-coupe : la bête est fendue de haut en bas ; on dégage la « ventrée » (les gros boyaux : les « chaudins »
et les abats blancs) puis les abats rouges. Les intestins sont nettoyés, nouvelle tâche féminine. La colonne vertébrale est sectionnée sur sa longueur ; les demi-carcasses sont débitées en différents morceaux : on met au saloir les morceaux maigres, on fume, on cuit aussi ceux qu’il s’agit de manger vite. Grâce à la technique du « confisage », les chutes issues de la découpe permettront la confection des fameuses rillettes que l’on « missera à la fin de la journée de la tuée du cochon 1 » ; mais, parfois, comme dans les campagnes tourangelles, on pourra leur consacrer cependant de beaux morceaux issus du jam-bon, du filet ou de l’échine, des morceaux nobles.
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Les rillettes ont cependant acquis une certaine renommée. Rabelais en atteste comme on l’a vu précé-
demment et le grand Balzac, en 1835, dans les premières pages
de son roman Le Lys dans la vallée fait dire à son héros Félix de
Vandenesse d’abord externe à Tours à l’âge de cinq ans, puis
mis en pension de 1801 à 1809 au collège des Oratoriens de
Pontlevoy :
« Moi, chétif et malingre, à cinq ans je fus envoyé comme externe dans
une pension de la ville, conduit le matin et ramené le soir par le valet
de chambre de mon père. Je partais en emportant un panier peu fourni,
tandis que mes camarades apportaient d’abondantes provisions. Ce
contraste entre mon dénuement et leur richesse engendra mille souf-
frances. Les célèbres rillettes et rillons de Tours formaient l’élément prin-
cipal du repas que nous faisions au milieu de la journée, entre le déjeu-
ner du matin et le dîner de la maison dont l’heure coïncidait avec notre
rentrée. Cette préparation, si prisée par quelques gourmands, paraît
dépèce le porc pour le saloir » et qu’« on réserve certains mor-
ceaux pour les rillauds » (qui sont en fait les rillettes). C’est le
plat traditionnel lors de la tuerie et l’auteur d’ajouter :
« Il est d’usage d’envoyer à certains parents et amis (…) un plat de ces
mêmes rillauds et accessoires » (une louche de petites rillettes, un boudin
et une saucisse) « de sorte qu’il était rare que l’on fût dépourvu, à la
maison, pendant l’hiver, de ce régal dont on faisait alors le plus grand
cas et qui avait le mérite de pouvoir être conservé tout le reste de l’année
avec la seule précaution de les plonger chauds dans de petits pots de
grès et enveloppés de graisse fondue, de saindoux. »
On découvre donc que dans la jeunesse de l’auteur – dans les
années 1760/70 –, comme le remarque Robert Chanaud, dans
un article de la revue de La Province du Maine (avril-juin 1989),
le « don des rilles » est un rituel social « s’inscrivant au sein de
stratégies d’alliances et de solidarité »… mais on garde aussi
les rillettes au cellier dans un pot, recouvertes d’une couche
de gras. On fait ainsi « durer la viande » ce qui, pendant les
époques difficiles, permet d’éviter la famine.
Les rillettes sont donc à l’origine un produit ménager. D’ailleurs,
Robert Chanaud insiste bien sur le caractère « humble » de ce
mets et « sur son absence radicale sur les menus de la fin du
XIXe siècle ».
Balzac, Félix et “la brune confiture tourangelle”
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
34
… Du métier de “charcutier”rarement à Tours sur les tables aristocratiques ; si j’en entendis parler
avant d’être mis en pension, je n’avais jamais eu le bonheur de voir
étendre pour moi cette brune confiture sur une tartine de pain ; mais elle
n’aurait pas été de mode à la pension, mon envie n’en eût pas été moins
vive, car elle était devenue comme une idée fixe, semblable au désir
qu’inspiraient à l’une des plus élégantes duchesses de Paris les ragoûts
cuisinés par les portières, et qu’en sa qualité de femme, elle satisfit. Les
enfants devinent la convoitise dans les regards aussi bien que vous y li-
sez l’amour : je devins alors un excellent sujet de moquerie. Mes cama-
rades, qui presque tous appartenaient à la petite bourgeoisie, venaient
me présenter leurs excellentes rillettes en me demandant si je savais
comment elles se faisaient, où elles se vendaient, pourquoi je n’en avais
pas. Ils se pourléchaient en vantant les rillons, ces résidus de porc sautés
dans sa graisse et qui ressemblent à des truffes cuites ; ils douanaient
mon panier, n’y trouvaient que des fromages d’Olivet, ou des fruits secs,
et m’assassinaient d’un : « Tu n’as donc pas de quoi ? », qui m’apprit à
mesurer la différence mise entre mon frère et moi. Ce contraste entre mon
abandon et le bonheur des autres a souillé les roses de mon enfance, et
flétri ma verdoyante jeunesse. La première fois que, dupe d’un sentiment
généreux, j’avançai la main pour accepter la friandise tant souhaitée
qui me fut offerte d’un air hypocrite, mon mystificateur retira sa tartine
aux rires des camarades prévenus de ce dénouement. Si les esprits les
plus distingués sont accessibles à la vanité, comment ne pas absoudre
l’enfant qui pleure de se voir méprisé, goguenardé ? »
C ouramment, on considère que la charcuterie consiste à trans-former le porc : maigre, gras,
abats cuits ou salés, mais on peut aussi en donner comme définition « l’art de traiter la viande salée en vue de sa conservation provenant du porc, du bœuf du veau et du mouton 1 ». C’est d’ailleurs à cette fin que le sa-lage et le fumage existaient chez les Anciens, la viande de porc s’y prêtant particulièrement bien. On savait aussi la transformer puisqu’on produisait dans l’antiquité gréco-romaine bou-dins, mortadelle, saucisses et même, nous disent les historiens, le jambon
Quel curieux pichet anthropomorphe ! Le potier Louis-Léopold Thuiland de Prévelles dans la Sarthe, y représente le charcutier muni de son long tablier égorgeant le cochon d’un geste décidé. Sur la droite, à proximité de l’anse figure le porc éventré. Cliché musées du Mans.1 / J.C. Frentz, La charcuterie cuite, Soussana, 1976.
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en croûte ! Les bouchers ne vendant que de la viande de porc existaient à rome ; on les distinguait de ceux qui faisaient commerce de la viande de bœuf et de mouton et fabri-quaient salaisons et saucisses !…Le métier de « chaircuitier » – celui qui cuit de la chair – est apparu au Moyen-Age avec le développement de la vie urbaine. Il fallut cependant attendre le XV e siècle pour qu’en France, la profession de charcutier fût officiellement reconnue. Jusque là, en effet, elle ne dispose pas d’un statut autonome et se confond avec celle des bouchers qui, du XII e au milieu du XIV e siècle tuent les porcs et vendent sa viande. Les « chaircuitiers » par les lettres patentes royales du 17 janvier 1475 acquièrent enfin le droit de consti-tuer un corps de métier à part entière ; ils se différencient désor-
vitrail de semur en Auxois.Les vitraux des églises sont riches en représen-tations de la vie quotidienne. sur celui-ci qui date du milieu du XVe siècle, on découvre un charcutier en plein travail. un porc est en train d’être découpé sous le hachoir de l’artisan qui, en habit traditionnel, et opérant en extérieur, n’a pris soin que de se ceindre d’un tablier blanc. © Jean-Paul Dumontier / La Collection
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Les rillettes se commercialisentComme le mentionne Félix de Vandenesse dans Le Lys dans la vallée, les rillettes sont en Touraine un produit plus apprécié des tables bourgeoises qu’aristocratiques. Les rillettes sont
donc une préparation bien connue, fort prisée, déjà commercia-
lisée dans cette région, comme elles le sont également dans la
Sarthe dans la deuxième moitié du XIXe siècle : Bernard Lassaut
dans son étude « Eléments sur l’histoire des rillettes du Mans et
de la Sarthe » (mars 2001) fait référence à un traité de charcute-
rie de Louis François Dronne datant de 1869 où elles sont men-
tionnées comme « jouissant depuis longtemps, sous le rapport
de l’alimentation, d’une certaine réputation qu’elle(s) mérite(nt)
à juste titre ». D’ailleurs, l’officialisation de l’existence du mot
« rille » dans la langue française remonte à 1842 dans le supplé-
ment à la sixième édition du dictionnaire de l’Académie sous
la signification de « morceau de porc et de lard ». Quant au
mais nettement des « oyers », les rôtisseurs, auxquels il est également accordé de vendre de la viande porc… rôtie ! Pourtant, ils restent contraints de s’approvi-sionner en viande de porc fraîche chez les bouchers qui conservent le privilège de l’abattage. En 1513, par or-donnance royale, les chaircuitiers ob-tiennent l’autorisation de tuer eux-mêmes les cochons dont ils peuvent, seuls, commercialiser « la chair cuite par menues pièces », fraîche, salée ou transformée en boudins, andouilles ou cervelas. s’ils deviennent en quelque sorte des marchands officiels de « viande de pourceau »
c’est qu’ils ont réussi à dénoncer la négligence dont font preuve les bouchers dans la surveillance de la
qualité de la viande porcine. La fonction de « lan-
gueyeur » instituée au XIV e siècle a d’ail-
leurs pour but de vérifier si le porc n’était pas atteint de ladrerie, mala-die pouvant se
transmettre à l’homme et détec-
table par observation d’une tumeur dans la
bouche de l’animal.L’acquisition de cette autonomie par les charcutiers ne mit pas fin pourtant sous l’ancien régime aux conflits opposant marchands de viande fraîche et marchands de viande cuite !
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mot « rillette », il est, lui, attesté pour la première fois dans
le dictionnaire national de Bescherelle en 1845 ! Préparation
familiale, « rustique » dont la consommation et la fabrication
resteront localisées jusqu’à la fin du XIXe dans les campagnes
tourangelles et mancelles, les rillettes se sont surtout commer-
cialisées à partir du Second Empire ; les charcutiers dont le
métier s’est structuré autour de 1850, les vendent en magasin
et les font donc connaître à la clientèle citadine. Les recettes des
campagnes « montant à la ville », le produit s’améliore en fonction
du consommateur. Il devient plus noble : la proportion de gras
diminue de manière à adapter le produit à la demande et aux
exigences « bourgeoises » d’une clientèle aisée désireuse d’une
denrée qui ne soit plus, comme dans les campagnes, confection-
née à partir des « restes » du cochon sacrifié, comme le souligne
Bernard Lassaut, mais à partir de morceaux plus nobles. On use
du couteau pour couper en morceaux, en petits cubes de 4 à 5
cm de côté, la viande que l’on va mettre à cuire dans la mar-
mite. Chaque charcutier a, comme aujourd’hui, « sa » recette,
souligne Jean-Claude Labbé (ancien charcutier à La Flèche) et
donne à son produit un caractère bien « typé » dont la saveur,
précise Joël Cosme, peut varier selon la saison. Cette qualité
gustative issue d’un savoir-faire artisanal va faire progresser les
ventes en ville. Dans la Sarthe, Louis Gallet, charcutier à Mont-
louis gallet sur le pas de porte de sa charcuterie à Montfort-le-Rotrou en 1900. © Collection Claude Goisedieu.
fort-le-Rotrou en 1897, chef-lieu de canton, situé à 7 kilomètres
environ de Connerré et à une vingtaine du Mans, fait figure de
précurseur. Il livre ses produits en carriole à ses clients, notamment
à quelques châtelains du coin. Sachant travailler une viande por-
cine de qualité, il se construit une réputation que son fils, Albert,
saura faire prospérer.
Mais c’est avec le XXe siècle naissant que les rillettes vont vérita-
blement prendre leur essor.
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Lhuissier et Prunier :l’art d’entreprendre
Connerré se veut la capitale des rillettes. On pourrait lui contester ce titre puisque il existe des rillettes de… Tours ; disons que cette petite ville sarthoise
en est le « berceau d’exportation » puisque de là, les rillettes ont
conquis la capitale et la France !
Avec Le Mans et Vibraye, Connerré constituait depuis les temps
moyenâgeux une halte sur le chemin « aux bœufs » qu’emprun-
taient les troupeaux en route vers le marché de Saint-Germain en
Laye. Il fallait plus de deux mois aux porcs pour migrer, au XVIIIe
siècle, de la Bretagne vers Paris en courtes étapes de 5 à 6 kilomètres
par jour, nous dit Jean Jousse 1 pour qu’ils ne maigrissent pas.
L’étape de Connerré favorisant le développement d’un marché aux
bestiaux, comment l’endroit aurait-il pu ne pas s’intéresser de près
au porc dont l’élevage fait de gros progrès au milieu du XIXe siècle ?
De 1 500 à 2 000 porcs partent alors chaque semaine du Mans pour
Paris et, depuis 1854, le chemin de fer passe par la capitale sarthoise
Sur la place de l’église, à Connerré, les toiles du marché aux bestiaux envahissent tout l’espace. © Collection Maison Prunier.
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1 / Jean Jousse, « L’approvision-nement de Paris et le chemin aux cochons » in Revue de la Province du Maine, n° 10, 1989, pages 157-159.
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située sur la ligne Brest-Paris qui compte de nombreux
arrêts dont Connerré ! On y « fait de l’eau » comme
l’exige la traction-vapeur, on y charge ou décharge des
marchandises ; des voyageurs montent ou descendent,
mais c’est à ceux qui poursuivent leur voyage qu’Albert
Lhuissier, au début du siècle dernier, propose ses rillettes.
« On fait son petit marché » à l’arrêt du train, profitant du
savoir-faire et du sens du commerce de ce charcutier ins-
tallé à Connerré dès 1900 qui s’est spécialisé dans l’achat
de coches (femelles ayant eu une ou plusieurs portées et
donc connu une baisse de leur fertilité), mais produisant
une viande gouteuse à l’origine de rillettes particulière-
ment savoureuses !
Les rillettes vont ainsi « monter » à Paris dans des bols
de grès ou de faïence consignés ou en pains de 500
grammes à un kilo enveloppés de papier sulfurisé.
Le bouche à oreille fonctionnant, la capitale découvre
ainsi progressivement un produit authentique, abor-
dable, de consommation courante et de bonne conser-
vation ; les rillettes sont en effet à l’époque grasses (elles
contiennent jusqu’à 55 pour cent de gras) et très salées.
La demande croît rapidement au point qu’Albert Lhuis-
sier, crée, en 1913, une usine consacrée uniquement à
l’expédition vendue à Paul Pottier et modernisée en 1921.
(1) Un pot en paraffine de la Maison Prunier. utilisé jusque là pour le miel, il fut adopté pour la première fois par l’entre-prise Bordeau-Chesnel en 1923 et remplacé en 1973 par le pot en plastique. © Collection Maison Prunier.
(2) C’est dans des bols de faïence blanche qu’on commercialise les rillettes avant que les pots de carton ne les remplacent. Le charcutier-détaillant les consigne ce qui oblige l’acheteur à les rapporter à la boutique et à en renouveler le contenu. Une manière de fidéliser la clientèle en quelque sorte ! © Collection Maison Prunier.
(3) gare de Connerréen ce début du XXe siècle, le train entre en gare de Connerré-Beillé ; des voyageurs, bien mis at-tendent sur le quai. albert Lhuissier sait profiter de la halte du convoi pour faire déguster ses rillettes. © Collection Maison Prunier.
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4948Années 1900-1910 : Alfred Coudray, mar-chand de bestiaux à Connerré (et maire du village de 1935 à 1945) est au centre de la photo en costume, posant pour l’objec-tif au milieu des porcs qu’il livre à la charcute-rie Lhuissier. C’était, dit Christian Prunier, « un grand-père bon vivant et convivial ayant son franc-parler et le sens de l’apostrophe. » © Collection Maison Prunier.
Projet de construction d’un marché aux porcs boulevard de la Sarthe. Plan général des abords du marché complété par les plans et élévations des bâtiments à ériger présenté par l’architecte-voyer au Mans le 14 janvier 1858 et signé H. Daru.© Archives du Mans.
De l’importance des mariages !Alexandrine Royau, sœur de Madame Lhuissier, épouse Gustave Prunier. Leur deuxième fils Maurice-Jules Prunier ne repren-
dra pas le fonds de l’oncle Albert, mais en 1931 il
acquiert la charcuterie de M. Renard, rue Nationale.
Son fils Maurice et sa femme Paulette (elle-même
fille de Monsieur Coudray, boucher et marchand de
bestiaux à Connerré) sont les parents de Christian
Prunier qui dirige actuellement l’entreprise familiale.
C’est donc à ces familles liées par le savoir-faire et les
mariages que l’on doit le développement des rillettes
à partir de Connerré. Mais rien n’aurait été possible
sans opportunisme, audace, et intuition de ce que
devaient ou pouvaient être les attentes du consom-
mateur.
En juin 1906 par exemple, Albert Lhuissier (toujours
lui !) ne profite-t-il pas du passage, devant son maga-
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sin, des voitures engagées dans le Circuit de la Sarthe pour
proposer aux spectateurs des demi-baguettes tartinées de
rillettes ?
Ses produits, qui ont acquis une réputation départementale
bien assise sur les marchés des alentours, ont gagné une
clientèle parisienne par l’intermédiaire de grossistes déposi-
taires et de charcutiers-détaillants. Le consommateur a à sa
disposition un produit carné peu cher, « une viande qui se
tartine » et d’une réelle qualité gustative : les exilés provin-
ciaux ont plaisir à retrouver à Paris cette spécialité de leur
région que les autochtones eux-mêmes apprennent vite à
apprécier. Sait-on que Paris est d’ailleurs, aujourd’hui en-
core, le lieu où l’on consomme le plus de rillettes ?... après
la Sarthe, bien entendu ! D’ailleurs, les rillettes, selon le
mot de Joël Cosme, « montent naturellement plus qu’elles
ne descendent » ; elles vont « vers le froid », vers les régions
où le consommateur éprouve le désir de mets plus riches
en calories et en lipides.
Sous l’impulsion de Maurice-Jules Prunier, le marché des
rillettes sarthoises continuera à se développer au lendemain
de la Première Guerre mondiale à la suite notamment de
l’utilisation de pots paraffinés dont a l’idée Jules Bordeau,
apprenti de M. Renard installé en 1922 à Yvré-l’Evêque…
(4) Ce dandy aux allures proustiennes, jeune homme au regard charmeur et à moustache séductrice est le grand-père paternel de Christian Prunier, directeur actuel de l’entreprise Prunier. © Collection Maison Prunier.
(1) 1913 : Maurice Jules-Prunier épouse Juliette Denis. Habits élégants et beaux chapeaux pour les dames. albert Lhuissier et sa femme Blanche figurent sur la photo, à gauche du marié, légèrement de profil. © Collection Maison Prunier.
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(2-3) Les 26 et 27 juin 1906, à l’initiative de Georges Durand, est créé le premier grand prix de vitesse de l’automobile club de France. Le circuit de 103 kilomètres, tracé à l’est du Mans passe par Saint-Calais et La Ferté. Le record du tour sera établi en 52 minutes et 25 secondes ! Les « bolides » traversent Connerré où un virage dangereux est signalé. Au coin de la rue, face à la voiture, la charcuterie d’Albert Lhuissier. © Collection Maison Prunier.
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au début du xxe siècle, les cartes postales célèbrent les rillettes.
(1) La maîtresse Quéru est un person-nage traditionnel du folklore régional figurant souvent sur les cartes postales. On la voit ici incarnant la sarthoise en habit traditionnel : la dégustation de rillettes s’impose ! Médiathèque Louis-Aragon, Le Mans.
(2) De jeunes gourmets tiennent à présenter les richesses gastronomiques de la Sarthe : volailles, beurre, vin et, bien sûr, rillettes dans leur imposant pot en grès. quatre des cinq bambins semblent pourtant quelque peu impressionnés par l’objectif ! Médiathèque Louis-Aragon, Le Mans.
(3) Les queniaux attendent avec gourmandise la beurrée de rilles que la mère s’apprête, pour leur quatre heures, à leur préparer sur des tranches de pain pour le moins avantageuses. Médiathèque Louis-Aragon, Le Mans.
(4) en voilà trois autres qui tendent des mains avides vers le pot que leur mère, tentatrice, leur propose. L’étiquette mentionne qu’il contient de la confiture ; ils ont bien reconnu, en bons petits Sarthois, qu’il s’agit de rillettes ! © Collection Claude Goisedieu.
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Jacqueline Bordeau
L’œil est bleu, la poignée de main ferme, la parole franche et chaleureuse…
Jacqueline Bordeau qui épaula son mari Bernard à la tête de l’entreprise familiale Bordeau-Chesnel dès 1949 se souvient des années de travail achar-né qui permirent à une charcuterie de campagne de produire des rillettes pour la France entière.
« Chez nous, la rillette, c’était du porc, du gras et du maigre, du sel et du poivre et une longue cuisson pour la conservation. Quand je suis arrivée chez Bordeau, fin 49 début 50, après mon mariage avec Bernard Bordeau (le fils des fondateurs Jules Bordeau et Anna Chesnel) en septembre 1949, je me souviens qu’on tenait beaucoup
à l’appellation « rillettes du Mans »…Hors du Mans, on parlait de rillettes de la Sarthe. Maintenant, on fait de la rillette du Mans partout ! »
En 1922, Jules Bordeau et Anna Chesnel avaient installé leur com-merce à yvré-L’evêque. La route de Paris passant par le milieu du village leur permit d’accroître leur clientèle déjà fidélisée en raison de la qualité de leurs produits charcutiers et des conserves de légumes « de bonne réputation » dont Jules avait déve-loppé la production. « Après la guerre, la conserverie s’est arrêtée ; Jules Bordeau est mort en 49, Bernard a aidé sa mère, puis a pris la tête de l’entreprise à la mort d’Anna en 1956. J’ai pris le train en marche et
j’ai fait du mieux ce que j’avais à faire. Il fallait repartir à zéro. C’était une petite entreprise, une charcuterie de village. » Bernard Bordeau entreprit de vendre ses produits de charcuterie dans quelques magasins autour ou à l’entrée du Mans, à Béner, avenue des Sablons. Il s’agissait d’épiceries mais aussi de magasins de plus grande importance comme les Comptoirs Modernes.« Il nous fallait garder la clientèle des épiciers tout en fournissant les Comp-toirs Modernes. Approvisionner les Comptoirs Modernes nous obligeait à pratiquer un autre type de comptabilité. On devait évoluer ; c’était obligatoire. Mon mari contacta les Prisunic sur Paris ! On nous traitait de haut, nous les petits «charcutiers sarthois» mais cela nous permit de nous développer davantage. »
Pour moderniser l’entreprise et la pro-duction, Jacqueline Bordeau aime à rappeler qu’il « fallut tout inventer » :« … D’abord faire descendre la force
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électrique d’à côté le cimetière et à nos frais, pour faire marcher nos fours pour la cuisson des pâtés ; abattre autrement les bêtes grâce à la chaîne « hollan-daise » importée des Pays-Bas ; mettre au point nous-mêmes un brûleur à gaz permettant de bien cuire les rillettes à petit feu. On vendait de la rillette fraîche, un produit sans conservateur qui pouvait se garder quinze jours dans de bonnes caves. La conservation du produit est d’ailleurs liée à une réfrigé-ration rapide ; au début, nous n’avions pas de frigo. Aussi avions-nous mis au point des bacs où l’eau coulait en per-manence pour hâter le refroidissement. C’est ma dot qui a servi à construire la première chambre froide ! »
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(1) anna Chesnel, épouse Bordeau sur le pas de la porte de la charcuterie originelle.© Coll. part.
(2) La photo a capté le moment qui pré-cède l’échaudage des porcs. Anna Chesnel, en tablier blanc, est au centre ; Jacqueline Bordeau, sa bru, est assise au bord du baquet. Bernard, le fils d’Anna, occupe la place centrale dans le groupe des trois hommes de droite.© Coll. part.
(3) Bernard Bordeau chapeau sur la tête pose fièrement devant son camion réfrigéré.© Coll. part.
(4) Les employés lors du casse-croûte pris sur le lieu de travail. un moyen de s’assurer de la qualité des produits fabriqués la veille !© Coll. part.
L’entreprise se développe considéra-blement dans les années 60-70. Il s’agit d’expédier les rillettes dans la France entière.« … Et dans des conditions d’hygiène irréprochables ; mon mari qui avait étudié la bactériologie y tenait abso-lument ; on utilisait des pots de carton paraffiné de 220 grammes dont le couvercle était pourvu de petits trous « pour que la rillette respire » comme le disait Bernard. Les camions frigori-fiques montaient sur Paris ou nos pro-duits étaient acheminés par rail vers Saint-Etienne par exemple ; dans les années 60, Bordeau-Chesnel produi-sait des rillettes pour d’autres grandes marques françaises. On connaissait nos rillettes à Toulouse, Bordeaux et même sur la côte d’Azur. Je me rap-pelle que notre représentant à Toulon (un ancien chanteur d’opéra recon-verti !) n’enregistrait des commandes que s’il les prenait à l’ombre ! »
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58 5958C’est au moment où l’entreprise prend de l’envergure que renault s’installe au Mans.« Tout le monde partait chez Re-nault. On a eu des difficultés pour trouver des charcutiers qui viennent travailler chez nous, des bons. On les recrutait en Mayenne, dans l’Orne, dans la Manche et il fallait les loger, les nourrir matin midi et soir ; même le dimanche et tout ça en plus de la charcuterie. Je m’étonne moi-même d’avoir pu faire tout ça ! »
La fabrication des rillettes nécessite une technique qui doit être respec-
tée même si Bordeau-Chesnel doit alors accroître sa production au fil de la demande. Le « trempage » oblige à posséder un tour de main expert !« Les rillettes, chez nous, c’était sacré. On les fabriquait surtout à partir de la viande de coche quand on pouvait en avoir, une bête ayant eu deux ou trois portées ; sa viande est plus faite, elle se tient et a plus de goût. Pour les rillettes, on utilisait les jambons, les filets. On démarrait la cuisson en dé-but d’après-midi dans des marmites de 80 kg, on les faisait cloquer la nuit pour les tremper le lendemain. Au
début c’était ma belle-mère, Anna qui trempait les rillettes ; je n’ai eu le droit de le faire que quand elle est tombée malade. Il fallait avoir le bon mélange dans la louche pour respecter la bonne proportion de gras et de maigre. Sur la fin, j’étais des journées entières devant les marmites.Il a fallu se résoudre à quitter Yvré-L’Evêque et installer l’entreprise à Champagné en 1968 où la production a démarré en mars 69 ; on manquait de place et on ne pouvait plus produire dans des conditions convenables : d’ail-leurs, on travaillait jour et nuit ! »
Jacqueline Bordeau rappelle aussi la qualité des relations humaines exis-tant au sein de l’entreprise d’yvré-L’evêque.« On travaillait dur ; les journées étaient longues ; il n’y avait pas de paterna-lisme. On essayait mutuellement de se rendre service. Ça se faisait tout seul ; cela allait de soi. On n’aurait pas ima-giné laisser de côté quelqu’un qui était dans l’embarras : si on pouvait le faire, on le faisait ! En 1968, au moment des
grèves nous étions la seule entreprise du département à continuer notre acti-vité ! C’est dire ! »
et quand on lui demande d’évoquer encore ces rillettes auxquelles elle a consacré toute une partie de sa vie, voici ce qu’elle confie :« Mon mari tenait absolument à ce que les gars, au casse-croûte du matin, à huit heures, testent tous les produits fabriqués la veille ! Eh bien, je peux vous assurer que les rillettes par-taient toujours en premier. D’ailleurs, chez nous, on a toujours mangé des rillettes. Je me souviens que Madame Brunet, la cuisinière, râpait, pour le quatre heures de mes filles du choco-lat noir « Meunier » sur leurs tartines de rillettes. On se ne se fatigue pas de manger des rillettes alors qu’on peut se fati-guer de manger du pâté ou même du foie gras ! »
La soupière en faïence de Malicorne que la Maison Bordeau-Chesnel décida d’offrir, remplie de rillettes, au Général de Gaulle quand il passa par yvré-L’evêque en mai 1965. Elle ne rejoignit jamais l’elysée ! Jacqueline la conserve aujourd’hui chez elle en bonne place.
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C’est à cette époque qu’Albert Gallet, succédant en 1920 à son père Louis, charcutier à Montfort-le-Ro-
trou, 19 Grande Rue, prend part à l’exposition internationale se
tenant au Mans en 1923 sur la place des Jacobins. Il y présente ses
rillettes et pour un coup d’essai, c’est un coup de maître ! Pour une
première participation, il obtient la médaille d’argent. Le succès va
l’inciter à augmenter sa production sans que la qualité de ses produits
en pâtisse. Il lui faut s’agrandir ; il achète, en 1925, les communs de
l’hôtel de la gare, à Pont-de-Gennes et équipe son usine en matériel
moderne grâce au tout nouveau fourneau Gasnier.
Installé près de la gare, Albert qui a le sens du marketing, sait pro-
poser ses rillettes aux Parisiens venant se mettre au vert pour profi-
ter de la rivière et raffolant de tout ce qui vient de la province. Très
dynamique et constamment soucieux de faire profiter au plus grand
nombre de la qualité de ses produits, Albert Gallet fréquente aussi les
grandes expositions… et les récompenses pleuvent ! En 1925, mé-
daille d’or à la foire de Paris ; en 1928, grand prix d’honneur à la foire
de Nice ; l’année suivante, médaille d’or à la foire de Tours !
Il s’adjoint en 1926 les services d’un illustrateur pour la création d’un
logo qui identifiera désormais la marque « Gallet » sur ses rillettes et
La gloire des rillettes Gallet
(1) 1923 : Albert Gallet dans son stand de l’exposition internationale de l’Ouest de la France.
(2) a Pont-de-gennes, à la Pécardière, Albert Gallet installe sa nouvelle usine. Dans son laboratoire, un fourneau Gasnier construit par l’entreprise parisienne De Joly. une parfaite cuisson des rillettes est garantie !
(3) C’est le laboratoire de M. Gallet qui est représenté sur la carte postale pour faire la promotion des fourneaux Gasnier. © Collection Claude Goisedieu.
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ses produits dérivés. Initiative géniale : il prend contact avec la
société laitière Maggi qui dispose à Paris de 1 200 dépôts et lo-
caux de vente. Y sont alors proposés aux acheteurs parisiens ses
rillettes et autres produits charcutiers, tous les jours acheminés
sur la capitale jusqu’au dépôt central situé dans le 18e arrondis-
sement. C’est le succès que couronne, en 1934, à la foire de Paris
qui se tient depuis 1904, à la porte de Versailles, la visite
du président Lebrun au stand « Gallet » !
L’entreprise prospère et la villa qu’Albert Gallet se fait construire,
dans les années 38-39, témoigne d’ailleurs de sa réussite.
La Seconde Guerre mondiale va mettre l’activité en sommeil.
Albert décroche et entreprend de travailler avec son gendre,
Marcel Vannier : les rillettes « Gallet/Vannier » voient le jour.
Un nouveau laboratoire est créé pourvu d’un matériel d’embal-
lage automatique innovant. Les rillettes sont conditionnées en
plaquettes mais le succès ne vient pas ; les rillettes se vendent
en pots et non en plaquettes !
Marcel Vannier dirigera l’entreprise jusqu’à sa mort en 1962 ;
sa femme, Yvette, fille d’Albert, prendra le relai jusqu’en 1968
date à laquelle les rillettes « Gallet/Vannier » disparaîtront du
marché. L’entreprise sera vendue à Fresnais-Berger qui dépla-
cera la production à Connerré en 1982.
La grande période des rillettes « Gallet » aura donc concerné
les années 1923-1940.
(1) 9 mai 1934 : Inaugura-tion de la 26e édition de la foire de Paris. De beaux messieurs en queue-de-pie et haut-de-forme escortent le président de la répu-blique, Albert Lebrun, au centre de la photo, qui vient d’honorer de sa visite le stand Gallet ! On devine au fronton de l’édifice le logo célèbre de la fermière et du cochon. © Collection Claude Goisedieu.
(2) albert gallet sait faire prospérer son entreprise. Ses affaires marchent bien ! en atteste cette camionnette de livraison permet-tant d’acheminer ses rillettes par la route vers la capitale© Collection Claude Goisedieu.
(3) Ce n’est pas une plaquette de beurre mais le nouveau condition-nement pour les rillettes que Marcel Vannier tente de lancer sans succès dans les années cinquante ! Trop révolutionnaire sans doute et cassant les habitudes du consommateur pour lequel les rillettes ne peuvent abandonner leur pot. © Collection Claude Goisedieu
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(4) Une paysanne tirant par la corde un cochon rétif. ; une légende : « ne résiste donc pas ! Tu vas faire le régal des clients Gallet ! » Le logo publicitaire que crée l’illustrateur Marcel Laurent outre son humour, révèlera son efficacité pour assurer la promotion des produits Gallet.© Collection Claude Goisedieu.
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© Collection Claude Goisedieu
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Rillettes de Tours ou rillettes du Mans ?
Si d’aucuns affirment qu’il n’est de bonnes rillettes que de tours, parce que nées en Indre-et-Loire, elles respecteraient une tradition culinaire et un savoir-faire inéga-lables, d’autres soutiennent que les « vraies » sont forcément sarthoises voire mancelles. D’ailleurs la renom-mée actuelle de ces dernières n’en dirait-elle pas suffisamment sur leur qualité et leur prééminence ?
Bernard Lassaut, dans l’étude qu’il a réalisée à l’unité de recherche sur
l’économie des qualifications agro-alimentaires en 2001, à la demande des artisans et industriels sarthois fabricants de rillettes du Mans et de la Sarthe, a très bien démontré qu’il était vain de trancher radicalement quant au lieu de naissance de cette fabrication : « s’il existait dans les villes de Tou-raine et du Maine une transforma-tion artisanale et un commerce de rillettes au début du XIXe siècle, rien ne permet d’en attribuer l’initiative à l’une (des deux régions) plutôt qu’à
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l’autre. » et d’ajouter que « les arti-sans-charcutiers se sont emparés de recettes fermières et domestiques » pour les « adapter » selon les lieux et leur savoir-faire propres. Ils ont ainsi donné « leur personnalité aux (deux) produits ». Disons simplement que les rillettes de Tours et les rillettes sarthoises sont différemment typées et que l’on peut apprécier les unes et… les autres !
Qu’elles soient de Tours ou de Sarthe, les rillettes sont une préparation de viande de porc confite ; un « produit de charcuterie cuite obtenu par cuis-son prolongée de la viande, dans sa graisse et en partie dans son propre exsudat. La prise en masse de la graisse en cours de refroidissement donne au mélange plasticité et onc-
tuosité » écrit Jean-Claude Frentz dans son très technique traité de « charcuterie cuite1 ». « C’est la manière la plus simple de faire cuire de la viande de porc » précise Jean-Claude Labbé, ancien charcutier fléchois. Le mode de préparation ne diffère guère dans les deux régions. Si, dans les campagnes, « les bas-morceaux passaient dans la marmite », on fait entrer dans leur confection les beaux morceaux du porc ( jambon, filet, échine). Les anciens affirmaient d’ailleurs qu’il fallait utiliser le demi-porc sans le 5e quartier (boyaux, tête, sang, foie et rognons). A Tours comme au Mans, on découpe le gras en morceaux plus petits que le maigre, on fait d’abord
1 / Jean-Claude Frentz. La charcuterie cuite, Editions Soussana, 1976.
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rissoler la viande, puis on la confit au cours d’une cuisson et d’un mijo-tage qui dans la sarthe sont plus longs qu’en Indre-et-Loire, à l’étouf-fée pour les rillettes du Mans et à l’évaporée pour celles de Tours. Les charcutiers sarthois disent volontiers que le meilleur arôme est obtenu à partir de la douzième heure de cuisson ; d’où leur différence d’as-pect : les mancelles sont blondes, de gris-clair à rosées, les touran-gelles bien plus brunes. Leur diffé-rence de texture tient aussi à l’effi-lochage pratiqué en Touraine alors que dans la Sarthe on garde fibres et morceaux.D’un côté la « brune confiture » obtenue par « coup de feu » redon-né en fin de cuisson et par l’adjonc-tion d’arôme Patrelle ou de caramel, de l’autre un produit dans lequel gras et maigre se détachent plus
grossièrement. Quant au goût, il diffère du tour de main de celui qui est derrière la marmite : tel artisan charcutier sarthois pourrait dire qu’une petite « saveur de noisette » sera obtenue par un « démarrage des gras un peu rapide afin d’obte-nir une légère coloration et un croustillant qui s’amplifieront lors de la cuisson ». A Tours, on pourra ajouter au sel et au poivre du vin blanc ou du marc d’eau-de-vie.
Alors, faut-il choisir entre l’une ou l’autre de ces deux rillettes pour décider que les unes sont meilleures que les autres ? Les rillettes d’an-gers risqueraient d’entrer en lice !
Après tout, un amateur de bordeaux ne peut-il aussi aimer boire du bourgogne ?
En Touraine : les rillettes triomphent à la Belle Epoque
Qu’en est-il en Indre-et-Loire à cette époque ? Certains de nos grands auteurs, Balzac et Ra-belais, très liés à la Touraine ont célébré dans leurs œuvres les
rillettes de Tours attestant « officiellement » l’existence de cette
préparation culinaire dans cette région depuis le XVIe siècle. Au
début du XXe siècle, les rillettes tourangelles qui connaissent
un début d’industrialisation sont très appréciées des voyageurs.
Dans un article du Magazine de la Touraine, publié en 1998,
on peut lire que « les touristes des années 1900 emportent les
rillettes à plein panier sur les étals de la Société moderne d’ali-
mentation, rue Nationale ». L’auteur du même article va même
jusqu’à évoquer, pour le premier quart du siècle passé, la « re-
nommée mondiale » des rillettes tourangelles en se fondant sur
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l’existence d’une série de cartes postales vantant leur gloire !
Un quatrain aux allures de slogan publicitaire accompagne
sur l’une d’entre elles la photographie d’une jeune Touran-
gelle en costume traditionnel tendant vers l’objectif un pot
de rillettes :
« Point n’est besoin d’un long discours
Pour vous persuader qu’à Tours
Dans les rillettes l’on excelle
C’est secret de Polichinelle »
C’est bien l’âge d’or des rillettes tourangelles !
Si elles sont détrônées après la Première Guerre mondiale
par les rillettes mancelles, c’est sans doute en partie en
raison du chemin de fer arrivé plus tardivement à Tours et
qui a donc privé la région d’un débouché régulier et d’un
acheminement rapide vers la capitale. D’autre part, leur
industrialisation a été plus lente que dans la Sarthe ; quant
aux charcutiers locaux, ils auraient eu le désir de conserver
à ce produit un caractère essentiellement artisanal en cir-
conscrivant sa fabrication et surtout sa vente à un territoire
restreint. C’est d’ailleurs ce que confirme M. Beauchet,
Président des charcutiers tourangeaux.
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A Tours, deux anciennes enseignes peintes à même le mur indiquent l’emplacement d’un ancien négoce de rillettes assurant même, depuis Paris, l’exportation à l’étranger comme l’annonce le bandeau rédigé dans la langue de shakespeare.
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Les rillettes voyagent et deviennent nationales
On peut cependant dire que les rillettes ont su conquérir la France, surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
L’instauration des congés payés, en 1936, par le Front popu-
laire avait déjà permis à certains Français de satisfaire leur désir
de quitter les villes pour découvrir des paysages nouveaux
et les bords de mer notamment. Les vacanciers tourangeaux
ou manceaux savaient emporter, pour les en-cas du trajet,
leurs provisions de bouche où les rillettes pouvaient figurer
en bonne place ; ceux qui transitaient par l’Indre-et-Loire ou
la Sarthe pour gagner les plages bretonnes ou normandes les
dégustaient lors d’une halte dans un buffet de gare ou dans
une auberge de bord de route…on pouvait même en acquérir
sur le parcours pour faire découvrir à l’arrivée cette spécialité
régionale aux parents ou amis. On perpétue ainsi, sans le sa-
voir, l’ancienne tradition du « don des rilles ».
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Le produit tourangeau ou sarthois peut contenir, à l’époque,
jusqu’à 50 % de gras dont une épaisse couche d’environ deux
centimètres recouvre la préparation vendue en pots, par ailleurs
très salée (jusqu’à 10 voire 11 ou 12 grammes de sel par livre).
Cette pratique héritée du savoir-faire rural lui assure une bonne
conservation.
Donc, les rillettes voyageaient.
Elles allaient le faire plus encore dans les années 50 et 60 avec le
tourisme qui prenait son essor : les congés payés étaient passés
à trois semaines en 1956 ; et, même si un Français sur deux
à peine partait alors en vacances, il utilisait prioritairement la
voiture qui commençait à se populariser : l’industrie automo-
bile proposait en effet des modèles économiques accessibles
aux classes moyennes : la 4CV dont la production dépassa le
million d’exemplaires entre 1946 et 1961, la Dauphine lancée
en 1956 et qui, elle aussi, connut un très gros succès. On roule
encore en Traction Avant Citroën ou en 2CV née en 1955. On
peut aussi partir en vacances en Simca Aronde ou au volant
d’une Peugeot 203 ou 403 !
Le réseau routier se restaurait des blessures de la guerre et se ré-
novait. Bien sûr, on ne dépassait guère les frontières et le voyage
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On s’arrête sur la route des vacances, histoire de faire refroidir le moteur, de se dégourdir les jambes ou de piquer un petit somme. On a le temps. si l’on cassait la croûte ? Déballons les victuailles et profitons des rillettes que l’on na pas oublié d’emporter. © Interfoto / La Collection
Le Maine Libre, 16 juin 1959. Médiathèque Louis-Aragon, Le Mans.
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vers la grande bleue obligeait, en raison des caprices
mécaniques ou pour prendre de l’essence, à s’arrêter dans
les villages. Le casse-croûte s’imposait sur la « nationale
du soleil » ; on pique-niquait volontiers en achetant sur
place le produit local ou en tartinant celui que l’on avait
emporté de sa région d’origine dans son pot paraffiné ou
sa boîte de conserve.
Il faut sans doute voir dans le développement du tourisme,
entraînant des déplacements hors de sa région d’origine et
des mixités de population, une des causes de la popularisa-
tion des rillettes hors de leurs frontières initiales.
C’est dans ce contexte que paraît un intéressant article
dans le quotidien manceau Le Maine Libre en date du
16 juin 1959, pompeusement titré : Attrayante à bien des
titres, la « route des rillettes » partie importante du patrimoine
sarthois. Robert-François Bonnet signant le papier qui se
veut être une « enquête », exalte les charmes touristiques
de la « portion sarthoise » de la Route nationale 23. Le
parcours, dit le journaliste, est balisé de « pots-réclames »
de rillettes, de nombreuses charcuteries jalonnent le
chemin. Parmi elles, celle de Monsieur Bahier, installé à
Seaux-sur-Huisne, qui sait valoriser ses rillettes fabriquées
dans des marmites à bois.
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Madame Odette Bahier derrière son comptoir de la boutique dans les années 60. © Collection Bahier.
L’ancienne boucherie-charcuterie Bahier là où tout a commencé en 1942. © Collection Bahier.
De quoi séduire tous ceux que Robert-François Bonnet invite
à emprunter la « route des rillettes » qu’il présente comme
une véritable route touristique « fort agréable, riante par ses
ombrages et les sites traversés allant de la grasse vallée de
l’Huisne aux grandes et romantiques futaies de la région man-
celle ». L’article insiste aussi sur le développement économique
de toute une région que favorise, au début des années 60, la
fabrication et la vente des rillettes sur cette épine dorsale qu’est
la RN 23 dans sa traversée de la Sarthe entre Connerré et Pont-
de-Gennes.
Voilà donc les rillettes valorisées : elles favorisent le tourisme
et stimulent l’activité économique ! On comprend que « savou-
reuses et parfumées, souples et onctueuses », comme l’écrit le
journaliste qui n’est pas en mal de lyrisme, elles puissent
« rayonner sur la France » !
Si les rillettes conquièrent le territoire national, c’est aussi en
raison de leur facilité à être consommées : initialement filan-
dreuses dans la fabrication ménagère, elles surent se faire tarti-
nables ; de plus, elles se sont adaptées, améliorées en fonction
du consommateur et de sa demande. Les fabricants, du moins
ceux qui ont voulu rester fidèles « à l’authenticité du produit »
et lui garder sa qualité ont bien compris qu’il fallait cependant
« coller » à l’évolution du goût en diminuant la proportion de
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Une camionnette de la maison Prunier destinée, dans les années soixante, aux grossistes-dépositaires de la marque, situés dans la France entière. On y remarque sur son toit la reproduction géante d’une boîte « tombeau » qui remporte un réel succès pour les rillettes et la crème de foie. La promotion de la marque est assurée ! © Collection Maison Prunier.
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gras et en les rendant moins salées. Aujourd’hui de « bonnes »
rillettes contiennent 70 % de maigre pour 30 % de gras et 7 à
8 grammes de sel par livre.
Durant les Trente Glorieuses » – de l’immédiate après-guerre
à 1975 –, se développe la grande distribution. Edouard Leclerc
ouvre un premier magasin libre-service à Landerneau en 1949 ;
les Comptoirs Modernes s’installent au Mans ; en 1957 c’est à
Paris qu’un supermarché voit le jour avant que, sous l’enseigne
Carrefour, le premier hypermarché ne soit créé à Sainte-Ge-
neviève-des-Bois en 1963. La multiplication des grandes
enseignes, l’agrandissement progressif des magasins jusqu’à
l’apparition des grandes surfaces favorisent l’explosion de la
consommation : il s’agit d’inonder le marché avec un maxi-
mum de références et de proposer à l’acheteur la plus grande
variété de produits possible. C’est d’ailleurs dans ces années
50-60 que l’entreprise Bordeau-Chesnel fait le choix de distri-
buer ses produits dans les supermarchés. La maison Prunier de
Connerré étend sa renommée hors de la Sarthe en s’assurant
des relais d’expansion de son produit grâce à tout un réseau de
grossistes régionaux en Bretagne, Normandie, Aquitaine.
Le déplacement des Halles hors de Paris, l’ouverture du mar-
ché de gros à Rungis en 1969 et, en 1973, celui du marché de
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viande incitent les chefs d’entreprise, tel Régis Bahier qui a
repris la charcuterie paternelle en 1966, à concevoir des unités
modernes de production et à accentuer le commerce avec la
capitale. Il n’est plus alors question dès deux heures du matin
de partir « livrer à Paris » en 2CV fourgonnette comme aux
temps des débuts ; camionnettes et camions frigorifiques
prennent le relais !
Christian Prunier qui préside aux destinées de l’entreprise fami-
liale depuis 1981, souligne « la croissance rapide de la grande
distribution », dans les années 70 et « la nécessité de s’adapter
et de pénétrer ces nouveaux circuits de vente 1 ». Mais il fallait
garder aux rillettes leur qualité alors qu’elles conquéraient
chaque jour de nouveaux adeptes. Telle était la difficulté ! Car
l’obligation de répondre à la demande de la clientèle des super-
marchés risquait de leur faire perdre, du fait de l’industrialisation
de leur production, leur authenticité. En effet, remarque Joël
Cosme, les grandes surfaces profitèrent de l’excédent de la
production porcine des années 70 pour favoriser la consomma-
tion de rillettes à un prix plus abordable et donc, sans doute,
d’une qualité gustative moindre. Malgré tout, les fabricants
conscients de la nécessité de conserver au produit toute sa
valeur et de suivre l’évolution du goût des consommateurs
recherchant des rillettes à texture onctueuse mais moins riches
en gras, s’engagèrent dans les années 80 dans une politique de
fabrication fondée sur des normes hygiéniques très strictes et
respectant un savoir-faire de tradition. Le marché de la rillette
progressa donc jusqu’à la fin du XXe siècle.
Cependant, pour les rillettes, le XXIe siècle devait mal commencer.
Coup de tonnerre dans un ciel jusque là serein, un germe patho-
gène fut détecté dans un lot de rillettes !
On s’inquiéta d’un possible développement d’une épidémie
due à la bactérie nommée « listeria monocytogenes ». Quelles
en étaient les causes ? A qui incombaient-elles ? Aux rillettes
elles-mêmes ou aux systèmes de réfrigération ? L’alerte en tout
cas fut sérieuse pour les industriels de la rillette qui virent leurs
ventes chuter. Le charcutier de quartier, lui, conserva sa clientèle
fidèle qui continua à déguster un produit auquel elle gardait sa
confiance. Plusieurs années furent pourtant nécessaires pour que
la production globale retrouvât son étiage d’avant la crise.
Les fabricants de rillettes comme tous les industriels de l’alimen-
tation doivent rendre compte de contrôles bactériologiques
réguliers. Ils sont soumis à des règles d’hygiène draconiennes
avec une date limite de consommation (DLC), depuis janvier
2000, qui a été ramenée de 40 à 30 jours. Soyons donc rassurés !
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1 / Christian Prunier, Savourons avec la Maison Prunier, Editions Comaral, 2008.
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Tordre le cou aux idées reçuesDans les années quatre-vingts on commen-ça à préconiser de privilégier les matières grasses végétales au détriment des matières grasses animales dans l’alimentation car, contenant
des acides gras insaturés, elles tendent à faire baisser le taux
de cholestérol. Haro était donc crié sur les graisses animales
désormais plutôt mal jugées par les consommateurs. Pourtant,
qu’elles soient de source végétale ou… animale, les graisses
sont indispensables à l’équilibre de l’être humain et à sa santé.
En fait, ce dont il s’agissait de prendre conscience était le désé-
quilibre existant dans notre alimentation entre acides gras
polyinstaurés oméga-6 et oméga-3 : nous consommons trop
d’oméga-6 (par ailleurs bénéfiques) au détriment des oméga-3
qui ont notamment un effet protecteur sur la fonction cardio-
vasculaire.
Les rillettes que l’on considère trop souvent comme un produit
trop gras ne risqueraient-elles pas de pâtir de ces recommanda-
tions alimentaires ?
L’ancien pot en faïence dit « à tête de lion » de la Maison Prunier repris aujourd’hui pour en faire une terrine plastique.
Les fabricants ont bien compris le problème et ont donc veillé
à ce que les rillettes soient un produit sain, perçu comme tel,
car se soumettant à des exigences de qualité gustative et nutri-
tionnelle. Le respect de la tradition concomitant à la recherche
de l’innovation et à une politique de valorisation font des
rillettes une spécialité charcutière qui, aujourd’hui, est plus que
jamais d’actualité. 41 % de foyers français consomment des
rillettes au moins une fois dans l’année !
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Le Cénomans : “Le vrai porc du pays sarthois”
Né de l’attachement aux traditions d’artisans et d’éleveurs détermi-nés, le porc fermier Cénomans a reçu le Label Rouge « Porc Fermier » en 1989. Il bénéficie d’une IGP euro-péenne (indication géographique protégée) depuis 1997, « Porc de la Sarthe », attestant la réputation d’un savoir-faire remontant loin dans l’histoire de la région. En effet, les Aulerques Cénomans, tribu gauloise qui fonda la cité du Mans, produi-saient des charcuteries vendues jusqu’à Rome ! Plus près de nous, les rillettes étaient faites à partir de porcs locaux : le Manceau, le porc Craon-nais (de Craon en Mayenne) puis le Blanc de l’Ouest. Ces races celtiques aux oreilles caractéristiques tombant sur les yeux se différencient des races ibériques élevées dans le sud-ouest
de la France tachetées de noir et de blanc. Il ne subsiste aujourd’hui que quelques centaines de spécimens de porc Blancs de l’Ouest, élevé dans la région jusque dans les années 1950.Le porc fermier « Cénomans » est l’héritier de cette époque. Il bénéficie de conditions de vie réglementées et confortables : son mode d’éle-vage s’inspire des « soues » à cochon traditionnelles ; il dispose d’une aire d’exercice extérieure pour sortir libre-ment et d’une aire paillée couverte pour se reposer et s’abriter. Autrefois, on « finissait » le cochon à l’orge, du-rant le dernier mois avant l’abattage, car on avait constaté que cela amé-liorait la qualité du maigre et celle des gras. Voilà pourquoi on veille aussi à la qualité de l’alimentation du porc Cénomans, garantie sans OGM,
Un cochon reconnais-sable entre tous : le Blanc de l’Ouest. © CRAPAL.
Des conditions de vie optimales pour le porc fermier « Cénomans ». © L.P.S.
Oreilles au vent, bien dressées, œil éveillé : des porcs de race « large white » ; comme tout cochon qui se respecte, ils multiplieront par soixante-dix leur poids de leur naissance à leur puberté ! © Collection Maison Prunier.
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et comportant 25 % d’orge durant toute sa vie. Son gras, très blanc « se tenant bien » est d’une particulière suavité. Pourvu d’un délicat goût de noisette, il « glisse agréablement sur la langue » comme le précise M. Cabannes, directeur du syndicat L.P.S. (Les Porcs de la Sarthe).Le Label Rouge et l’IGP engagent toute une filière : les fabricants d’ali-ments, les éleveurs fermiers, les coopératives, les détaillants, les salai-sonniers, les entreprises assurant le transport des cochons, les abat-toirs… La surveillance sanitaire stricte, la traçabilité et un contrôle officiel indépendant garantissent au porc fermier Cénomans qualité supérieure
de viande exigée par le Label rouge. Les fabricants de rillettes, des entre-prises telles que la Maison Prunier ou des bouchers et charcutiers indé-pendants, recourent au Porc Fermier Cénomans ; ils s’investissent dans la filière en achetant des viandes ainsi labellisées mais aussi en respectant un procédé de fabrication tradition-nel qui suit le code des usages de la charcuterie et les savoir-faire de leur métier.
Le consommateur gourmet a donc l’assurance de retrouver, dans ses rillettes, l’onctuosité et la saveur des bons produits du pays sarthois !
Maintenir la qualité et respecter la tradition
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La qualité des rillettes est d’abord liée à la qualité de la matière première, c’est-à-dire de la viande de porc qui sert à les confectionner.En Touraine, les artisans charcutiers et les bouchers-charcutiers
privilégient le « Roi Rose » élevé en semi-liberté (plutôt dans la
région de Loches) et nourri de céréales récoltées dans la région
(maïs et orge). Le Label « Roi Rose » garantit une viande issue
d’une filière raisonnée, d’une qualité et d’une tendreté excep-
tionnelle.
Dans la Sarthe, des fabricants de rillettes comme Prunier à
Connerré ou des artisans charcutiers recourent en particulier au
porc fermier « Cénomans » qui bénéficie du Label Rouge depuis
1989 et, depuis 1997, d’une indication géographique protégée
« Porc de la Sarthe ». L’entreprise que dirige Joël Cosme utilise
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des porcs issus de la filière « Bleu-Blanc-Cœur » dont le ratio
alimentaire est riche en graines de lin : leur viande contient ainsi
deux à trois fois plus d’omega-3 qu’une viande de porc standard.
Comme le dit Pierre Weill, ingénieur agronome et président-
fondateur de « Bleu-Blanc-Cœur », « les rillettes peuvent être
bonnes pour la santé ; cela dépend de ce que mange le
cochon ».
Joël Cosme, lui, a cette formule : « De bonnes rillettes, c’est
un bon cochon d’abord, un bon chaudron et un bon patron ! »
Denis Dézécot, boucher-charcutier au Mans, rue Nationale, est
bien d’accord ! Il traite 8 à 10 porcs par semaine tous issus de la
filière biologique et venant de Sarthe, du Maine-et-Loire et de
Mayenne : ce qui assure la tenue de la viande, sa conservation
et son goût, bien reconnu, dans les rillettes, par le consommateur.
Bien sûr, pour une entreprise de la taille de Bordeau-chesnel
à qui l’on doit d’avoir réussi (et avec quel succès !) à faire des
rillettes (9 200 tonnes fabriquées !) un produit nationalement
réputé, « la production sarthoise de cochons ne suffit plus à la
fabrication (…) ; les porcs viennent surtout de Bretagne qui
produit la moitié du cheptel national (…) le cochon a cédé la
place aux coches » écrit Marie Marlin 1.
Pour Régis Bahier, la rillette ne peut se faire qu’à partir de viande
de coche ; c’est la spécialité de la Maison Bahier qui a développé
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
1 / Marie Marlin Luissier Bordeau Chesnel ; faire autrement, Editions Cénomane, 2007.
Les rillettes viennent d’être trempées. Face à l’objectif, dans son labo-ratoire et à gauche sur la photo, Denis Dézécot et Pascal Barantin, son em-ployé, qui a procédé à la mise en pots.
A leur arrivée aux établis-sements Bordeau-Chesnel, les carcasses attendent d’être découpées avant d’être transformées en rillettes.Source : LBC.
l’entreprise Bahier revient au pot cartonné pour ses rillettes sarthoises traditionnelles… par souci de l’environne-ment et aussi pour traduire son désir de « garder les repères » en affirmant la qualité d’une préparation à cuisson lente permettant un bon confisage des morceaux, de belles fibres au « collage » et du goût. © Collection Bahier.
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La fumée s’élève au-dessus des marmites qui ne sont pas celles du Diable !La fabrication des rillettes a commencé. Le maître d’œuvre brasse les morceaux de viande qu’il ajoute progressivement dans le gras fondu. L’ensemble va bouillir à feu vif jusqu’à ce que la graisse de-vienne claire au bord de la marmite. Le feu sera réglé ensuite pour la cuisson ou confisage.
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une filière d’approvisionnement certifiée : la « gorinette ». C’est la
première coche certifiée de France depuis la fin de 2002 à l’ini-
tiative de du syndicat L.P.S. (Les Porcs de la Sarthe) voyant sa
viande valorisée dans les « véritables rillettes du Mans à l’an-
cienne ». La Maison Prunier fabrique, elle aussi, des rillettes du
Mans dites également « à l’ancienne » dans lesquelles la viande
de coche intervient.
Monsieur Roland Rousse, « spécialiste es rillettes », Meilleur
Ouvrier de France et formateur au CFA du Mans, est d’avis
que la « seule rillette valable doit comporter au moins 30 % de
coche adulte ayant eu une portée maximum, de manière à ce
qu’elle ne soit pas trop fatiguée ! »
Pas de qualité non plus sans un savoir-faire que tous les fabri-
cants de rillettes tiennent à souligner !
La cuisson ne se fait généralement plus au feu de bois. Certains
artisans préfèrent « produire les rillettes en petite quantité dans
une marmite en fonte de 25 litres, toujours la même » comme le
dit Monsieur Dézécot, ce qui leur donne une saveur qu’ils affec-
tionnent.
Mais, au sein du petit laboratoire ou de l’entreprise plus impor-
tante, faire des rillettes procède toujours d’un rituel très régulé :
Théophile Prunier affirme que « les rillettes qui sont une pré-
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H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
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(1) Les rillettes achèvent leur cuisson, à feu réduit, dans la petite marmite à laquelle Denis Dézécot est très attaché. sans elle, « mes rillettes ne seraient pas les mêmes ! » affirme-t-il.
La cuisson est terminée ; on a procédé à l’égouttage en séparant les diffé-rents constituants de la rillette chaude. C’est le moment où l’on délie la viande, à grands coups de hampes proportionnées à la taille des marmites, comme celles de l’entreprise Cosme (3). Dans le laboratoire de Denis Dézécot (2), l’employé fournit un travail musculaire moins important, mais le geste est le même !
(4-5) C’est le collage : on réincorpore à la masse tiède « bat-tue » le jus de viande d’abord puis la graisse en proportion du pourcentage de gras souhaité, à coups de louche progressifs ou parfois plus vigoureusement ; le coup d’œil et le savoir-faire ont de l’importance !
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paration de viande confite résultent d’un bon rissolage
et d’un bon confisage ». Le rissolage est, en effet, la clé
des bonnes rillettes : il s’agit de faire brunir la viande, à
température élevée, pour que les sucs arrivent ; le goût
naît de la caramélisation des chairs. Il importe de ne pas
« rater » ce départ qui donne aussi aux rillettes leur belle
couleur.
Suit le confisage d’une durée variable, sous-pression, durant
quatre heures minimum mais pouvant aller jusqu’à
douze heures chez les artisans qui cuisent la nuit : une
longue cuisson garantirait une qualité gustative meilleure
mais tout le monde ne s’accorde pas sur ce point.
Après séparation du jus, du gras et de la viande, le
maigre est redéposé dans la marmite pour être délié.
Le dosage permet de limiter les écarts de composition
gras/maigre.
Le mélange doit être rendu homogène tout en gardant
les fibres, des morceaux plus ou moins gros. Il s’agit
alors de tremper les rillettes. Le respect de la tradition
impose le « moulage à la louche » : si les doseuses-
remplisseuses mécaniques l’ont remplacé depuis une
trentaine d’années, l’artisan-charcutier et certaines entre-
prises le pratiquent systématiquement ou l’ont récem-
ment réintroduit.
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C’est ainsi que les rillettes Cosme sont
trempées ; la Maison Prunier, depuis la fin
de 2010, traite de la même manière ses
« rillettes de Connerré » qui, trois fois par
semaine, partent vers les grandes surfaces
de la Sarthe et des régions limitrophes. Un
des employés de Denis Dézécot, est spécia-
lisé dans le moulage ; chez Cosme et chez
Prunier, il en est de même : c’est « un vrai
métier » procédant d’un « tour de main » qui
peut s’acquérir mais pour lequel il est néces-
saire d’avoir des prédispositions. Ne dit-on
pas qu’il « faut avoir le coup de louche » ?
C’est l’assurance de maintenir une qualité
constante aux rillettes dont les proportions
de gras et de maigre doivent être harmonieu-
sement respectées.
Voilà pourquoi cette spécialité charcutière
procédant de l’alchimie de cinq éléments
basiques (jus, gras, maigre, sel et poivre), à
la fois très ancienne et très moderne peut
conserver la faveur des gourmets.
(1) Milieu aseptisé, conditions d’hygiène draconiennes : les pots de rillettes défilent sur le tapis rou-lant. L’employé de la Maison Prunier surveille le travail de la remplisseuse.
(2) Moment capital chez Cosme, le trempage : les rillettes, chaudes, sont mises en pot. Le moulage à la louche impose un geste expérimenté. Le produit ne doit être ni trop gras, ni trop maigre !
(3) Même geste assuré de Pascal Barantin, chez Denis Dézécot, rue nationale. Les rillettes ont belle apparence : mélange onctueux de fibres et de gras, des morceaux, mais pas trop gros pour que la dégus-tation soit agréable en bouche ; et après le moulage, un coup de fourchette final (4) donné sans trop d’agressivité pour homogénéiser une dernière fois le mélange et favoriser la formation de la collerette. quand on vous dit que le moulage à la louche est tout un art !
(5) Non, il ne s’agit pas d’une salle de chirurgie comme pourraient nous le faire croire les protections dont sont vêtus les opérateurs, des pieds à la tête ! D’ailleurs les pots qui s’alignent au premier plan ne trompent pas : nous sommes chez Prunier ; on moule les « rillettes de Connerré ».
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
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La filière Bleu-Blanc-Cœur : “Du champ à l’assiette”
1 / L’approche nutritionnelle de Bleu-Blanc-Cœur.
Un champ de lin en fleurs. Ces graines naturellement très riches en oméga-3 participeront à l’alimentation équilibrée des porcs issus de la filière Bleu-Blanc-Cœur. De leur viande saine, naîtront de savoureuses rillettes.Source : Bleu-Blanc-Cœur.
Au début des années 90, deux hommes, Jean-Pierre Pasquet, éleveur-laitier et Pierre Weill, ingé-nieur agronome entreprirent une réflexion sur l’intérêt de préserver la chaîne alimentaire et de promouvoir une alimentation animale autre que le maïs, le blé et le soja qui crée des carences ; l’objectif étant de préserver la santé animale via la diversité des fourrages en relançant la culture tra-ditionnelle (lin, colza, lupin, féverole, luzerne…). Ces plantes permettent de mieux équilibrer l’alimentation des animaux d’élevage dont les produits qui en sont issus participent à une meilleure nourriture de l’homme.
En 1997, avait été mesuré l’impact de l’utilisation du lin dans l’alimentation animale sur la production du lait et
de la viande. La population française souffrait d’une carence en oméga-3 acides gras essentiels à l’homme qui ne sait pas les fabriquer mais dont le lin est particulièrement riche. D’où l’étude clinique de 1999 ayant prouvé qu’en changeant l’alimentation des animaux (en leur faisant consom-mer davantage d’herbe et de lin notamment) on offrait à ceux qui les mangent de bénéficier d’une meil-leure santé.
L’association Bleu-Blanc-Cœur, créée en 2000, a pour but de « promou-voir une agriculture responsable à vocation santé 1 ». elle comprend
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H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
sept collèges (cultivateurs, éleveurs, industriels, consommateurs, distri-buteurs…) qui doivent souscrire au cahier des charges garantissant les itinéraires culturaux pour la produc-tion du lin et la qualité de l’alimen-tation des animaux. C’est ainsi, par exemple, que la ration du porc doit contenir un minimum imposé de lin. Cette plante oléagineuse est incor-porée à l’alimentation de la truie en période de gestation et de lactation ; les oméga-3 du lin passent à travers le placenta et le lait renforçant le système immunitaire du porcelet qui peut mieux vivre la période du sevrage. en réintroduisant dans la nourriture de l’animal des sources riches en oméga-3 (telles que le lin) et en interdisant celles qui sont trop riches en graisses saturées, la dé-marche « Bleu-Blanc-Cœur » permet d’obtenir des produits de meilleure qualité. Elle vise à rééquilibrer, en oméga-3, l’alimentation des hommes qui consomment des graisses saturées et des oméga-6 de manière excessive
et donc à permettre la prévention de pathologies telles que diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires.
« On a coutume de penser que les rillettes sont synonymes de choles-térol, que les graisses animales, c’est mauvais pour la santé. La santé, en l’occurrence, est liée à la qualité des rillettes qui elle-même dépend de la qualité du cochon elle-même dépen-dant de celle de sa nourriture ! » déclare Pierre Weill. 5 000 éleveurs sont les acteurs de la filière qui produit notamment 20 000 porcs par semaine. Nombre de marques nationales ou régionales (telle la charcuterie Cosme au Mans) sont estampillées « Bleu-Blanc-Cœur ». La démarche nutritionnelle et envi-ronnementale de Bleu-Blanc-Cœur est aujourd’hui reconnue par l’etat. « quand les animaux sont bien nour-ris, l’homme se porte mieux » peut-on lire sur la plaquette de présen-tation de l’association… On est tout prêt à la croire !
Avoir le souci constant du consommateur
Chez Bordeau-Chesnel, entreprise implantée à Champagné, au cœur de la Sarthe et premier
employeur sur le marché des rillettes avec 250 salariés, on tient
beaucoup à promouvoir une typicité de goût et cette « note ris-
solée unique » gourmande dont le secret est jalousement gardé.
On y est particulièrement exigeant sur les attentes du consom-
mateur qui doit trouver, à la dégustation, une saveur constante.
La clientèle, ainsi fidélisée est assurée de n’être jamais déçue.
L’usine dispose d’outils garantissant cette continuité : une dé-
gustation quotidienne à l’usine valide la production ; un panel
de consommateurs extérieurs la vérifie hebdomadairement ce
qui permet de jauger l’évolution des désirs de l’acheteur. Ce
souci constant de satisfaire au mieux l’amoureux des rillettes est
aussi très présent chez Christian Prunier. « La recherche d’excel-
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lence a toujours été la motivation des dirigeants de l’entreprise.
(…) Etre à l’écoute et tenir compte des besoins et des intérêts
de chacun de nos clients a toujours été pour moi une priorité
dans la conduite de l’entreprise et une source d’énergie pour la
développer 1. » Dans l’entreprise qu’il dirige, la qualité gustative
de tous les produits charcutiers fabriqués et donc des rillettes
est, bien sûr, contrôlée chaque jour.
Respecter la tradition du terroir, sauvegarder le goût naturel
de la viande pour que les rillettes restent liées à des instants de
plaisir gustatif, à des moments de convivialité partagée mais
aussi suivre l’évolution des désirs du consommateur : telles
sont les préoccupations constantes des fabricants. L’artisan de
quartier, qui est au contact direct et quotidien de sa clientèle,
peut plaire à celle-ci en produisant des rillettes riches en fibres
et en morceaux, pas trop gros cependant pour qu’elles restent
agréables et onctueuses en bouche ; mais certains dégusta-
teurs, particulièrement au plan national, préfèreront celles qui,
fabriquées par de grandes entreprises, peuvent offrir une tex-
ture plus homogène, plus fine. Chez Cosme, on a le désir de
satisfaire d’abord le consommateur sarthois « qu’on ne peut
les pots bien alignés viennent d’être garnis. Il faut laisser les rillettes « se reprendre » dans le labora-toire avant de les mettre en chambre froide.
tromper » et qui affectionne particulièrement, comme
le dit Théophile Prunier « une rillette rissolée, forte en
goût ». S’il s’agit avant tout « de ne pas perdre les repères »,
cela n’empêche pas, devant les marmites, d’avoir pris
conscience que le client commence à diversifier son
approche du produit. Devant rester facilement tartinables,
souples de texture, les rillettes ont aussi pris aujourd’hui
les chemins de l’innovation.
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
1 / Christian Prunier, Savourons avec la Maison Prunier, Editions Comaral, 2008.
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InnoverC’est bien Bordeau-Chesnel qui a joué dans ce domaine le rôle de pionnier. Consciente des
attentes du consommateur le portant à désirer des rillettes
moins grasses, l’entreprise a introduit, sur le marché, dès 1992,
les rillettes d’oie et de canard commercialisées en pots.
Allant plus loin, et pour « renouveler la gourmandise », elle
lança en 2005 les rillettes de poulet ; on « cassa les codes » :
le fameux pot rouge né en 1973 fut remplacé par un pot noir.
Il s’agissait alors de susciter l’appétence pour un produit nou-
veau, en « dépoussiérant le segment très traditionnel des ril-
lettes ». L’entreprise était risquée ! Crierait-on au sacrilège ?
Les rillettes n’allaient pas là perdre leur spécificité, elles, « qui
avaient nourri, à partir de la viande de porc des générations de
gens à la campagne » comme le dit Jean-Claude Labbé ? Pou-
vait-on encore parler de « rillettes » ? En fait, leur processus
de fabrication était le même que pour la rillette de porc et le
succès fut au rendez-vous. Aujourd’hui les « rillettes de pou-
let rôti en cocotte » couvrent un quart du marché des rillettes
en grande surface et ont acquis une vitesse de croissance plus
importante encore en dehors des Pays de Loire que dans leur
région d’origine. Elles côtoient aujourd’hui sur les rayons des
« rillettes de porc rôti en cocotte ».
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
Bordeau-Chesnel en 1992 innove avec les pots de rillettes d’oie et de canard : couleurs audacieuses pour casser les codes et permettre au consommateur de visualiser le nouveau produit au rayon charcuterie.A produit nouveau, nouvelle couleur de pot : c’est le noir qui est choisi, en 2005, pour les rillettes de « poulet rôti en cocotte » ainsi que pour les rillettes de « porc rôti en cocotte » en 2013. un visuel appétissant suscite la gourman-dise !Source : LBC.
les rillettes de poulet aux citrons confits et olives : une recette créative de la Maison Prunier. © Collection Maison Prunier.
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La Maison Prunier, elle aussi soucieuse d’innover et de valoriser
le confit de viande, a créé, en 2005, les rillettes de poulet rôti en
marmite à partir d’une viande 100 % française et comportant
29% seulement de matières grasses. La gamme s’est élargie par la
naissance en 2009 des « rillettes de poulet aux citrons confits et
olives ». « Nous avons voulu, dit Théophile Prunier, tout en pro-
posant par ces rillettes de volaille des produits plus légers, oser
marier les terroirs français » ; d’où cette note de citron confit et
d’olive s’unissant au goût de la viande de poulet. « Nous avons,
ajoute-t-il, le désir de produire des spécialités charcutières de
haut de gamme qui soient fidèles à l’esprit de la gastronomie
française. » Il semble que ce soit là un des chemins du succès : en
2013, les « rillettes Prunier de poulet aux citrons confits et olives »
ont été primées au Concours National des Meilleures Rillettes de
Mamers, dans la catégorie « recette créative ».
Ce que recherchèrent les grands fabricants de rillettes était, tout
en répondant à une demande très contemporaine des consom-
mateurs en produits allégés, de toucher une nouvelle génération.
Le très grand succès que remportèrent les rillettes de volaille fut
significatif de privilégier une dégustation-plaisir fondée sur la
convivialité. On désira aller plus loin encore : ce fut la création de
« tartinables » mêlant harmonieusement fibres de viande et épices
mais respectant la texture du produit de base. Les « tartines to-
quées » virent le jour chez Bordeau-Chesnel en 2012 qui recom-
l’entreprise Bahier abandonne le pot traditionnel et adopte un conditionnement résolument mo-derne pour les « tartinades » faites de poulet rissolé et confit agré-menté de petits dés de légumes.
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
Ce nouveau produit veut, tout en se situant dans la tradition du confisage, proposer à une nouvelle catégorie de consom-mateurs un plaisir de dégustation original. La teneur en matières grasses est réduite ; les saveurs sont inattendues ! © Collection Bahier.
Les fabricants de rillettes s’af-fichent lors de grandes manifes-tations populaires. C’est ainsi que Bahier engagea plusieurs voitures anciennes lors de la parade des pilotes dans les rues du Mans. succès garanti pour ce fabricant de rillettes allant ainsi à la rencontre du public ! © Collection Bahier.
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mande au consommateur de « se laisser surprendre » ; Bahier
vient de lancer les « tartinades » qui sont des rillettes de poulet
dégraissé aux saveurs indiennes, italiennes ou thaï.
Leur emballage n’est plus le pot traditionnel mais une barquette
aux couleurs vives propre à séduire une clientèle jeune ! On le
voit, les rillettes aujourd’hui savent se diversifier pour attirer
de nouveaux fidèles. Elles doivent rester un produit « gour-
mand » facile à consommer dont les nouvelles déclinaisons ne
doivent cependant pas faire oublier les rillettes originelles que
promeuvent tous ceux qui les commercialisent. Est-il besoin
de souligner le fameux slogan de Bordeau-Chesnel, « Nous
n’avons pas les mêmes valeurs », décliné dans les journaux et
dans une saga publicitaire se poursuivant dans des spots télé-
visés décalés ? Générer une image positive, légitime et sédui-
sante passe aussi et peut-être surtout par la préservation d’un
certain savoir-faire et l’existence de garanties sanitaires préser-
vant la sécurité alimentaire. Les Sarthois et les Tourangeaux
qui sont souvent, dès leur plus jeune âge, « tombés dans les
rillettes » comme Astérix dans le chaudron de potion magique,
leur restent très attachés et en sont d’acharnés ambassadeurs ;
néanmoins, parce qu’on a tendance à produire hors de leur
région d’origine des spécialités gastronomiques dont l’authen-
ticité risque ainsi d’être mise à mal, défendre les rillettes néces-
site encore et toujours de mobiliser les énergies.
Tous ces pots s’apprêtent à être expédiés dans la France entière.
Le fameux pot rouge, symbole de la marque Bordeau-Chesnel qui a fait preuve d’audace en usant de cette couleur vive, franche, attirant l’œil.Le s de Chesnel enserre un chêne bien ancré dans sa terre nourricière et dont les glands constituèrent longtemps un des aliments favoris des porcs. Voici les valeurs du produit bien sou-lignées : les rillettes s’enracinent dans un terroir ; elles sont « véritables », renvoient à une tradition culinaire authentique qui a su traverser les âges comme l’arbre que figure le logo.Source : LBC.
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Etonnant : les rillettes s’invitent chez le pâtissier !la renommée des rillettes est telle, leur image de marque si forte, que leur nom peut s’appliquer à une préparation d’où toute viande est proscrite ! On connaît les rillettes de porc, bien sûr, celles d’oie, de canard ou de poulet, mais sait-on qu’il existe aussi des rillettes… chocolatées ?
A Sargé-lès-Le-Mans, si l’on passe devant la boulangerie-pâtisserie de Stéphanie et Hubert Tollet, on ne peut que s’arrêter avec surprise devant la vitrine. Des gâteaux, bien sûr, des pains, évidemment, et, chose beaucoup plus inattendue, des pots de rillettes ! On reconnaît bien l’em-ballage si familier, plastique blanc et couvercle foncé : en guise de logo, un cochon gourmand s’apprête à dé-
guster une plaque de chocolat qu’il tient entre ses pattes. Hubert Tollet, pourvu d’un brevet de maîtrise de chocolatier et installé à sargé depuis six ans a su faire preuve de créativité avec cette spécialité ! Désireux de re-valoriser la trop banale pâte à tartiner et voulant rendre hommage à la pré-paration charcutière emblématique de sa Sarthe natale, il a donné nais-sance à une recette originale : pur cacao et sucre s’allient aux amandes et noisettes finement broyées ; le croquant vient de l’adjonction de crêpes dentelles.
Ouvrons le pot ! Surprise ! une fine couche de chocolat blanc imite à s’y méprendre la couche de gras pro-tégeant souvent le pot de rillettes
traditionnelles ! Le gourmand n’a plus qu’à plonger sa cuillère pour déguster.
Hubert Tollet se défend d’avoir voulu détourner le produit initial ; non sans humour, il a simplement voulu le valoriser à sa manière en lui faisant prendre des chemins inattendus. Le succès qu’il remporte prouve qu’il a eu raison !
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
hubert tollet à l’œuvre en train de mouler ses rillettes.
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PromouvoirEn Touraine, comme dans la Sarthe, on œuvre pour l’obtention d’une IGP (Indication Géographique Protégée) qui assurerait aux fabricants
et aux consommateurs une production de rillettes strictement
cantonnée dans une aire géographique rigoureusement définie.
Les dossiers qui ont été déposés déterminent avec précision,
outre les frontières de la région de production, la spécificité des
rillettes et leurs caractéristiques de fabrication. Dans un avenir
proche, les rillettes devraient donc être uniquement fabriquées
à Tours et dans sa région ou au Mans et dans la Sarthe pour
mériter leur appellation ! Aucune rivalité, assure-t-on, entre ril-
lettes de Tours et rillettes du Mans. Les deux peuvent avoir leur
place sur la table des gourmets et, dans chacune de ces deux
régions concernées, on est conscient des retombées bénéfiques
qui seront tirées de l’IGP. Certes, les fabricants de rillettes de
Tours ont pris quelque avance dans la voie de l’obtention de
l’IGP : « La dénomination «rillettes de Tours» est réservée aux
fabricants d’Indre-et-Loire respectant un cahier des charges
transmis à la Commission européenne en attendant l’enregis-
Tenue de velours vert foncé avec cordon rouge et médaille en étain en forme de bol de rillettes ; toque aux couleurs rouge et verte… Les membres de la confrérie des chevaliers rillettes sarthoises ont belle allure ! sur la ban-nière, le bol de rillettes, emblème de la confrérie. L’actuel grand-maître, Jean-Michel Etienne, vient de remettre leurs prix à quelques-uns des récipiendaires lors du concours de 2012.
L’actuel grand-maître, Jean-Michel Etienne, vient de remettre leurs prix à quelques-uns des récipiendaires lors du concours de 2012.
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trement définitif de l’IGP ; (…) protection nationale transitoire
garantie par les autorités françaises 1 ; » Actuellement, si les
rillettes ne peuvent plus être produites qu’en France, on peut
fabriquer des rillettes du Mans en Bretagne, ce qui est quand
même un comble ! Nul doute que tous ceux qui militent pour
le maintien d’un produit « vrai », non standardisé, rejetant les
exhausteurs de goût, seraient particulièrement heureux de
l’attribution d’une IGP conférant aux rillettes toute la noblesse
d’une spécialité charcutière liée à un terroir.
La renommée, la défense et la promotion de l’image des ril-
lettes sont aussi assurées par les confréries, communautés des-
tinées à perpétuer une tradition, en l’occurrence culinaire, mais
aussi à célébrer l’âme d’une région.
Les rillettes tourangelles sont défendues par la confrérie des
rillettes de Tours créée en 1977, devenue en 1982 la Confrérie
des rillettes et rillons de Touraine. « Vanter, défendre et dégus-
ter en tous lieux et tout temps ces excellentes préparations
que sont les rillettes et rillons de Touraine » : telle est la pro-
fession de foi qu’on peut lire en tête du site internet consacré à
la confrérie dont le dernier chapitre a dû juger 56 concurrents
classés en plusieurs catégories.
La confrérie des Chevaliers des Rillettes sarthoises naquit en
janvier 1968, à Mamers, à l’initiative de Pierre Leplumay, jour-
naliste régional. L’actuel grand-maître, Jean-Michel Etienne a
succédé à cinq prédécesseurs dont Jean-Claude Chauvin qui
présida durant seize années (de 1993 à 2009) aux destinées de
la confrérie. Ses statuts énoncent clairement les buts poursui-
vis ; parmi ceux-ci : « Encourager la recherche de la qualité des
rillettes sarthoises par des concours ayant lieu à Mamers » mais
aussi « faire connaître et aimer le département de la Sarthe, ses
paysages, son histoire et ses produits ».
Le concours national des rillettes de Mamers, organisé le premier
samedi de février, est particulièrement couru. Il vient d’ailleurs 1 / Le Maine Libre du 5 octobre 2012.
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
La Maison Lhuissier met en avant les récompenses obtenues à Paris en 1911 et à Londres en 1941 dans un encart publicitaire paru dans l’annuaire de la Sarthe de 1946. © Collection Claude Goisedieu.
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
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de s’ouvrir aux fabricants de rillettes « créatives » ! De
très nombreux participants – 162 au concours 2013 :
charcutiers, bouchers-charcutiers ou salaisonniers – se
disputent des médailles, or argent et bronze, très pri-
sées. L’artisan-charcutier pourra afficher avec fierté les
récompenses obtenues dans son magasin ou sur ses
pots, les entreprises de plus grande importance feront
figurer leur palmarès sur la plaquette présentant leurs
produits. Il faut dire que le jury est particulièrement
exigeant ; qualité oblige ! Il sera attentif à plusieurs
critères : l’aspect général ; la texture procédant d’un
mélange harmonieux au moment du trempage ; la
juste proportion en gras qui peut ne pas apparaître à
la coupe mais qui est indispensable à la « tenue » des
rillettes quand elles « s’affinent » ; l’assaisonnement
équilibré ; l’ineffable saveur « noisette » que le dégusta-
teur-juré averti saura déceler en goûtant d’abord le gras
de la collerette, bien ciselée, entourant la viande à la
surface du pot. On comprend bien en quoi ces confré-
ries jouent un rôle important dans la préservation et la
valorisation de ces spécialités culinaires typiquement
tourangelles ou sarthoises que sont les rillettes.
Concours national des rillettes de Mamers : les pots anonymés s’offrent aux couteaux et four-chettes des « jurats » ; on sonde leurs entrailles pour juger de la texture, preuve d’un collage et d’un trempage réussis.
vient le moment de la notation : consistance, aspect et, bien sûr, goût sont évalués. un huissier de justice est présent pour vérifier l’application stricte du règlement. Il est nécessaire de conserver au concours une garantie d’impar-tialité et de sérieux. Les récompenses attribuées n’en seront que plus prestigieuses.
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
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DemainOn a pu penser que la mauvaise réputation des aliments riches en matières grasses allait faire mal aux rillettes. Dans cette société contempo-
raine où il est de bon ton d’afficher la ligne la plus parfaite pos-
sible (ou la moins disgracieuse !), où les journaux consacrés à
la diététique nous incitent souvent à consommer « light », où
beaucoup de femmes (et d’hommes !) recherchent des corps
sveltes qui feraient horreur à Rubens ou à Renoir voire à Botero,
« peut-on encore oser manger gras, peut-on encore être heureux
en ayant (…) le ventre un tantinet convexe voire bombé ? » (…)
alors que « la petite brioche est chose honteuse ! » écrivait spi-
rituellement Jacques Verroust 1 en 1987. Bref, peut-on encore
consommer des rillettes sans avoir mauvaise conscience ?
Rappelons qu’elles ne contiennent (pour 100 grammes) que 76
mg de cholestérol alors que le beurre en renferme 240 pour la
même quantité et l’œuf, 396. Source, par ailleurs, de protéines
La Maison Prunier est redevenue propriétaire des locaux de son ancienne usine de Connerré : 2 200 mètres carrés à réhabiliter en lieu de mémoire. Les anciennes mar-mites sont toujours là, témoins d’un passé qu’un futur musée fera revivre.
1 / Jacques Verroust, Michel Pastoureau et Raymond Buren. Le cochon : Histoire, symbolique et cuisine du porc, Editions Sang de la terre, 1987.
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et d’acides aminés essentiels, elles sont donc un
aliment sain que les fabricants ont su alléger,
dégraisser, parfois trop, diront les puristes, au
risque de leur faire quelque peu perdre de leur
sapidité. Cependant la préservation scrupuleuse
des techniques de fabrication, la traçabilité des
viandes qui entrent dans leur composition, issues
très souvent de filières raisonnées, autorisent la
confiance en leur avenir et l’assurance de leur
pérennité. Ajoutons que cette spécialité régionale
qui a su devenir une institution nationale, voit ses
ventes se développer ; elles peuvent augmenter de
30 % lors des grands week-ends ou des départs
en vacances et le tonnage des artisans est lui aussi
en progression.
Les grandes entreprises ont su renouveler le
produit, en « moderniser le goût » tout en
n’oubliant pas par ailleurs d’être fidèles à son
authenticité. Tout comme l’artisan-charcutier,
elles sont souvent conscientes que la lenteur
de leur fabrication reste un gage de qualité. Joël
Cosme a ce mot que pourrait reprendre nombre
de ses confrères : « Faire des rillettes n’est pas
(1) sait-on que De gaulle, grand arpenteur de l’hexagone, passa par la Sarthe en mai 1965 ? Lui qui se faisait « une certaine idée de la France » pouvait-il, en s’arrêtant à Connerré, ne pas saluer une des spécialités françaises par excellence, les rillettes ? A Maurice Prunier qui l’accueille sur la photo il déclare que Connerré est la capitale des rillettes !© Collection Maison Prunier.
Plus tard, d’autres hommes politiques rendront hommage aux rillettes : Jacques Chirac, Pierre Bérégovoy, premier ministre font une halte gus-tative à la Foire de Paris.
(2) En 1992, Pierre Bérégovoy, en visite sur le stand de la ville du Mans, s’apprête à déguster en présence de Jeannine Rouxin, adjointe au maire du Mans, une tartine de rillettes. © Archives du Mans.
(3) Jacques Chirac, alors maire de la capitale, est accueilli sur le stand de la ville du Mans avant de goûter les rillettes que lui présente une jeune femme en habit traditionnel sarthois. © Archives du Mans.
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une course ; même au Mans ! » Les rillettes, pratiques et fa-
ciles à consommer, conquièrent les jeunes générations qui les
découvrent. Les plus matures leur restent très attachés : dans
la Sarthe, on en a consommé 458 % de plus que la moyenne
nationale en 20111 !
Alors, disons-le tout net, les rillettes semblent avoir l’avenir
pour elles. Dans la Sarthe comme en Touraine, il n’est pas
rare d’offrir des rillettes aux amis quand ils vous invitent à
leur table, perpétuant ainsi l’ancienne tradition du « don des
rilles » ; à l’apéritif le pot se partage comme l’amitié… Elles
furent longtemps le casse-croûte du laboureur lui permettant
de reprendre des calories avant de retourner aux champs ;
elles sont aujourd’hui un produit connu dans tout l’hexagone,
honoré, comme il se doit lors des grandes manifestations po-
pulaires. Nos hommes politiques savent les apprécier au Salon
de l’agriculture reconnaissant ainsi en elles une des spécialités
culinaires les plus authentiquement françaises. Ne mériteraient-
elles pas qu’on leur consacre un musée ? La Maison Prunier y
a d’ailleurs songé qui projette de réhabiliter son ancienne usine
à Connerré en « centre culturel, lieu de communication et de
promotion des rillettes 2 ».
1 / Le Maine Libre du 10 avril 2012.
2 / Théophile Prunier in Le Maine Libre du 13 mai 2013.
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
La rusticité de nos rillettes sait aussi s’habiller de modernité
et d’élégance ; elles sont à l’aise partout : sur la table fami-
liale, bien sûr ; dans le panier du pique-niqueur, mais aussi
lors d’un cocktail, d’un vin d’honneur…
Révélatrices du savoir-faire de fabricants très concernés par
la préservation de leur qualité ou s’engageant résolument
dans la voie de l’innovation, elles font vraiment partie de
notre patrimoine !
L’avenir des rillettes est assuré : les jeunes générations savent les apprécier !
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Les rillettes furent et restent une préparation destinée à la consommation familiale. Autrefois, elles étaient, avec la salaison, un moyen d’assurer la
conservation de la viande porcine. Elles sont désormais deve-
nues une institution nationale.
Leur saveur de porc confit séduit les consommateurs de tous
âges mais elles sont trop souvent perçues encore comme une
préparation rustique ne se prêtant, pour beaucoup de leurs
adeptes, qu’à être étalées sur une tranche de pain. S’il est frai-
chement grillé et encore chaud, la dégustation est certes
délectable pour peu qu’on ait choisi une baguette de tradition
ou un bon pain de campagne.
Mais, en présence d’un tel produit que tant de fabricants
amoureux de leur métier élaborent en en respectant le rituel
de fabrication, on se prend à penser que les rillettes
mériteraient d’être travaillées pour entrer dans la préparation
de plats élaborés.
Et si les rillettes, sans abandonner par ailleurs la table familiale
ou la nappe du pique-nique, allaient s’inviter dans les belles
assiettes d’un repas élégant ? Et si l’on osait marier leurs
flaveurs et leur texture à d’autres, inattendues ?
Cinq chefs réputés de Sarthe et de Touraine proposent des
recettes originales : alliances de goût surprenantes, compo-
sitions harmonieuses, l’œil et les papilles vont faire de belles
découvertes. Merci à Jean-Marie Barbotin (traiteur au Mans),
Olivier Boussard (Le Beaulieu au Mans), Bernard Charret (Les
Chandelles Gourmandes à Larcay), Gérard Chevallier (Auberge des
Acacias à Dureil) et Florent Martin (Au martin bleu à Tours) de
nous permettre ce joli voyage culinaire !
Vous pensiez bien connaître les rillettes ? Vous allez vous
rendre compte qu’elles n’ont pas fini de vous surprendre !
Quand les rillettes s’invitent en cuisine
H i s t o i r e g o u r m a n d e d e s r i l l e t t e s
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Le Beaulieu // 34 place de la République 72000 Le Mans - Tél. : 02 43 87 78 37 - www.restaurantlebeaulieu.com
Olivier Boussard Le Beaulieu
Croustillant de rillettesaux légumes du printempsIngrédients pour 2 personnes200 g de rillettes8 haricots verts 4 asperges8 poids gourmands1 carotte nouvelle2 feuilles de brick5 g de truffe
Sauce vinaigrette1 c à soupe d’huiles d’olive de Provence1 c à soupe d’huile d’olive d’Italie1 c à soupe de vinaigre de Xérès1 c à soupe de vinaigre Banyuls2 c à soupe de fond de veau1 c à soupe de ciboulette ciseléeSel, poivre QS
Les herbesBasilic 5 gCoriandre 5 gPersil 5 g Ciboulette 5 g
PréparationFaire fondre les rillettes, puis les égoutter. Cuire les légumes à l’eau bouillante.
Préparation de la vinaigretteDans une casserole, faire revenir les échalotes avec les huiles d’olive ; hors du feu ajouter les vinaigres, le fond de veau viande, sel et poivre ; réserver.Ajouter les légumes aux rillettes, puis les herbes et mélanger.
Confectionner le croustillantSéparer en deux la farce, mettre dans chaque feuille de brick et refermer.Mettre au four à 190° environ 4 minutes jusqu’à coloration.
DressageDans l’assiette, au centre, mettre le mesclun, poser le croustillant dessus, ajouter les asperges et la truffe râpée, puis assaisonner de vinaigrette.
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Le Beaulieu // 34 place de la République 72000 Le Mans - Tél. : 02 43 87 78 37 - www.restaurantlebeaulieu.com
Olivier Boussard Le Beaulieu
Œuf coque aux rillettes
Ingrédients pour 2 personnes150 g de rillettes (gros morceaux)6 œufs 20 cl de fond blanc1 c à soupe de crème épaisse10 g de beurre1 c à dessert de Porto1 c à dessert d’huile de truffeCiboulettePersil 5 g Ciboulette 5 g
Préparation de la recetteToquer les œufs avec un toque-œuf. Retirer les blancs et garder les jaunes dans l’œuf.Mettre les œufs au four 3 minutes (jaune mi-cuit).Faire fondre les rillettes dans une casse-role puis les égoutter dans une passoire.
Préparation de la sauceDans une casserole, faire bouillir le fond blanc, ajouter la crème, le beurre, le Porto, l’huile de truffe. Mixer.Retirer du feu. Ajouter la ciboulette.
FinitionGarnir les œufs avec les rillettes. Ajouter la sauce et faire des mouillettes avec du pain de mie.
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Au martin bleu // 4-6 place des Aumônes - 37000 Tours - Tél. : 02 47 05 06 99 - www.aumartinbleu.com
Florent Martin Au martin bleu
Pavé de sandre de Loire rôtiaux rillettes de Tours, réduction de VouvrayIngrédients pour 4 personnes400 g de rillettes500 g d’échalotes4 échalotes5 dl de Jasnières20 g de ciboulette5 baies de genièvre3 dl de fond blancHuile et beurre PMSel
PréparationCouper le pavé de sandre, saler et poivrer, le mettre dans une poêle chaude avec de l’huile d’olive sur la peau jusqu’à coloration, mettre les rillettes de Tours légèrements tièdes sous la peau et les rillons de Tours coupés dans la largeur et préalablement revenus dans une poêle tout autour, ensuite mettre au four 6 min à 180°, retirer et laisser au chaud. Eplucher des pommes de terre Charlotte, les faire cuire. Une fois cuites, les écraser
à la fourchette, mélanger avec un peu de lait et de beurre fondu, saler et poivrer.Ciseler une échalote, la faire revenir au beurre jusqu’à une légère coloration, ajouter 20 cl de Vouvray, laisser réduire et verser 20 cl de crème liquide et faire bouillir doucement pour épaissir.
DressageDans une assiette plate, mettre la purée au milieu en rond avec le sandre au-dessus coté chair, poser les rillons de Tours séchés sur la peau. Autour verser la sauce chaude et servir les convives dans la lancée.
Le plus du chefLe choix du Chenin pour son odeur légère de coing qui se marie avec la purée de Charlotte assez douce, mais aussi l’acidité pour accompagner les rillettes de Tours (le Vouvray de chez Daniel Allias).
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Ingrédients pour 6 personnes400 g de rillettes500 g d’échalotes4 échalotes5 dl de Jasnières20 g de ciboulette5 baies de genièvre3 dl de fond blancHuile et beurre PMSel
PréparationEmincer les échalotes et les cuire à feu doux à couvert avec 2,5 dl de Jasnières, 2 dl de fond blanc et les baies de genièvre jusqu’à réduction complète. Recuire les rillettes dans un sautoir avec les échalotes et le reste de Jasnières. Obtenir un mélange consistant. Ajouter
au dernier moment la ciboulette ciselée et rectifier l’assaisonnement. Réserver au froid.Tailler les échalotes en tranche d’une épaisseur de 3 ou 4 millimètres, les poê-ler à l’huile de tournesol et beurre pour les colorer. Terminer la cuisson à couvert avec environ 1 dl d’eau ou de fond blanc et une pincée de ciboulette.
DressagePeut se servir sur toasts ou en quenelles à l’assiette ou tout simplement à tartiner avec les rondelles d’échalotes en décoration et un brin de ciboulette. Accompagne-ment possible avec une fondue d’écha-lotes et poireaux au Jasnières sucrée et acidulée.
Auberge des Acacias // Le Bourg 72270 Dureil - Tél. : 02 43 95 34 03 - www.auberge-des-acacias.fr
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Gérard Chevallier Auberge des Acacias
Rillettes au Jasnieres, à l’échalote confite et à la ciboulette
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Ingrédients pour 6 personnes300 g de rillettes150 g de boudin400 g de pommes acidulées½ l de cidre brut1 dl de vinaigre de cidrePersilThym (3 branches)Poivre vert QS6 g de gélatine
PréparationEplucher, émincer et cuire les pommes avec le thym pour obtenir une com-pote avec morceaux. Saler légèrement et ajouter une pointe de vinaigre de cidre. Faire réduire le cidre et le vinaigre jusqu’à obtention d’un volume de 1 dl, ajouter à chaud la gélatine détrempée et incorporer à la compote. Rectifier l’assaisonnement avec le sel et une pincée de poivre. En réserver 150 g pour les ajouter aux ril-lettes et au boudin au cours des étapes suivantes.
Réchauffer les rillettes, les presser dans une passoire ou sur un tamis pour extraire un maximum de saindoux. Incorporer la moitié du saindoux extrait aux rillettes que vous venez de travailler. Ajouter les 75 grammes de compote, deux cuillères à soupe de persil et deux pincées de poivre vert concassé.Enlever la peau du boudin, l’écraser à la fourchette grossièrement et y incorporer les 75 derniers grammes de compote chaude.Monter dans une terrine filmée en super-posant en couches distinctes la compote, puis le boudin et enfin les rillettes. Tasser légèrement et réserver au frais 24 heures.
DressageDémouler et disposer des tranches sur une assiette. Accompagner d’une salade ou d’un mesclun de votre choix.
Auberge des Acacias // Le Bourg 72270 Dureil - Tél. : 02 43 95 34 03 - www.auberge-des-acacias.fr
Gérard Chevallier Auberge des Acacias
Terrine de rillettes et boudin noir aux pommes
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Les Chandelles Gourmandes // 44 rue Nationale 37270 Larçay - Tél. : 02 47 50 50 02 - www.chandelles-gourmandes.fr
Bernard Charret Les Chandelles Gourmandes
Bouchon feuilleté de rilletteà la confiture d’oignons et lanières de chou rouge
Ingrédients pour 4 personnes150 g de rillette 1
150 g de feuilletage1 jaune d’œuf10 cl huile50 g de beurreConfiture d’oignons : 1 gros oignon, pincée de sucre, pincée de paprika, de cumin, de coriandre, 5 cl de vinaigre vin rouge, selLanières de chou rouge : 2 feuilles de chou rouge + 5 cl de vinaigre
PréparationFaire la confiture d’oignon :- Saisir l’oignon émincé avec un peu de beurre et 1 cuillère à café d’huile.- Au début de la coloration ajouter le sucre. Laisser caraméliser légèrement, déglacer avec le vinaigre, ajouter les épices, débarrasser.
Etaler la pâte :- Découper 4 cercles de 6 cm décorer, dorer, cuire à four chaud 180° pendant 10 minutes.Préparer le chou rouge pendant ce temps :- Emincer en fines lanières, faire revenir doucement dans le reste du beurre, y ajouter le vinaigre, une pincée de sel, un peu d’eau. Cuire vivement jusqu’à évaporation. Retirer du feu.
DressageSortir les feuilletages, les ouvrir en 2, poser les fonds dans les assiettes. Garnir en alternant de rillette et de confiture d’oignon. Poser les chapeaux joliment. Disposer les lanières de chou rouge.
1 / Choisir une rillette généreuse, avec de gros morceaux de viande.
140 14 1Ingrédients pour 4 personnes150 g de rillette 1
2 pommes Melrose ou autre pomme rouge8 feuilles de tétragone4 fleurs d’anethHuile de cameline et vinaigre de prunelle pour la sauce30 g de beurre, 10 cl de vin blanc
PréparationOuvrir les pommes en deux dans leur diamètre. Les évider sans les percer. Les mettre au fond d’un plat avec un peu de vin blanc et une parcelle de beurre. Mettre à four chaud 5 min pour les précuire.
Hacher la chair des pommes que vous avez évidées, l’ajouter à la rillette et garnir les moitiés de pommes de ce mé-lange. Mettre au four 10 min.
DressageDisposer les feuilles de tétragone, notre pomme « rillettée », la vinaigrette came-line-prunelle à peine mélangée, ponc-tuer avec le bouquet d’aneth.
1 / Choisir une rillette généreuse, avec de gros morceaux de viande.
Les Chandelles Gourmandes // 44 rue Nationale 37270 Larçay - Tél. : 02 47 50 50 02 - www.chandelles-gourmandes.fr
Bernard Charret Les Chandelles Gourmandes
Pomme Melrose rôtie en farce de rillette, aigrette de prunelle sauvage
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Ingrédients pour 4 personnes4 moules à cannelés ou à timbales150 g de rillette 1
Miel liquide (par exemple d’acacia)Piment d’Espelette concassé1 c à café de chutney de votre choix (oignon, figues, pommes...)1 orange (sanguine de préférence)- Pour la pâte :2 œufs125 g de farine1 pincée de sel50 g de saindoux ou de beurre
PréparationMettre la farine en fontaine. Au centre mettre une pincée de sel, 1 jaune d’œuf et 5 cl d’eau. Mélanger de façon à faire une pâte ferme mais souple. La mettre au frais pour obtenir la même consistance que le saindoux ou le beurre (selon le choix) et que l’on incorporera délicatement. Faire une boule, envelopper dans du papier
film et laisser reposer 1 heure au frais.Chemiser les moules de cette pâte abaissée à 3 mm environ.Garnir aux 2/3 de rillette, laisser couler 1/2 cuillère à café de miel liquide, un soupçon de piment et enfin une cuillère à café de chutney.Dans la pâte restante, découper les chapeaux au diamètre des moules. Humecter les bords et fermer soigneu-sement avec chaque couvercle. Décorer avec les formes que vous souhaitez dans les chutes de pâte. Dorer avec le deuxième jaune d’œuf. Cuire à four chaud (180° environ) de 30 à 40 min. Laisser un peu refroidir. Démouler et servir tiède.
Le plus du chefServir avec les filets d’orange et une vinaigrette d’huile d’œillette et de jus d’orange légèrement assaisonnée.
1 / Choisir une rillette généreuse, avec de gros morceaux de viande.
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Les Chandelles Gourmandes // 44 rue Nationale 37270 Larçay - Tél. : 02 47 50 50 02 - www.chandelles-gourmandes.fr
Bernard Charret Les Chandelles Gourmandes
Rillette en croûte à l’orange sanguine, vinaigrette d’agrume
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Jean-Marie Barbotin // Cuisinier et Traiteur - 72000 Le Mans - Tél. : 06 75 40 90 90 - www.barbotintraiteur.fr
Jean-Marie Barbotin Cuisinier et traiteur
Crémeux de chocolat à la muscade et crumble de rillettesCRéMEUx DE ChOCOLATIngrédients350 g de chocolat25 g de crème anglaise1 c à café de muscade450 g de crème liquide
PréparationFaire fondre le chocolat au bain-marie.Faire chauffer la crème anglaise avec la muscade.Ajouter cette préparation au chocolat fondu (pas trop chaud).Monter la crème en chantilly et incorpo-rer au chocolat délicatement.Réserver au froid.
CRUMBLE DE RiLLETTESIngrédients100 g farine 100 g sucre 100 g de rillettes grasses 40 g de beurre
PréparationFaire fondre les rillettes et mixer.Mélanger tous les ingrédients et mettre au four.
DressageDans une assiette, à l’intérieur d’un cercle, disposer le crémeux à l’aide d’une poche ou bien le présenter sous forme de quenelles. Parsemer de crumble de rillettes.
Le plus du chefFaire un coulis miel citron et servir avec des fruits frais de saison.
147Ingrédients300 g de sucre glace150 g de poudre de noisettes100 g de farine 25 g de miel270 g de blanc d’œufs 50 g de beurre noisette200 g de rillettes grasses mixées
PréparationMélanger le sucre, la farine et la poudre de noisettes.Ajouter le blanc d’œuf et le miel et ensuite le beurre noisette.
Incorporer les rillettes fondues et mixer.Verser dans des moules à financiers.Enfourner à 180° pendant 15 à 20 min.Coulis de framboise :Porter à ébullition 100 g de sucre et 10 cl d’eau.Ensuite ajouter les framboises et mixer.Passer au tamis.
DressageDans une assiette, ajouter un financier entier et un coupé en biseau. Ajouter le coulis de framboise et décorer avec quelques fruits.
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Jean-Marie Barbotin // Cuisinier et Traiteur - 72000 Le Mans - Tél. : 06 75 40 90 90 - www.barbotintraiteur.fr
Jean-Marie Barbotin Cuisinier et traiteur
Financier aux rillettes coulis de framboise
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Bibliographie
Honoré de Balzac. Le Lys dans la vallée, 1836.
François-Yves Besnard. Souvenirs d’un nonagénaire, 1880.
nicole Blanc, La cuisine romaine antique, Editions Glénat, 1992.
olivier Breton. Rilles, rillons, rillettes, Editions Du May, 1994.
roBert cHanaud. La Province du Maine, avril-juin 1989.
Marcel cottenceau, Jean-François deport, Jean-pierre odeau.
Traité de charcuterie artisanale, Editions St Honoré, 1989.
eric dirlouez. A la table des seigneurs, des moines et des paysans,
Editions Ouest-France, 2011.
FriedricH W. eHlert, edouard longue, MicHael raFFael, Frank
Wesel. Le livre des terrines et pâtés, Editions Maé-Erti, 2005.
Jean-claude Frentz. La charcuterie cuite, Editions Soussana, 1976.
J.-c. Frentz, M. caillard, d. cHaBoissier, a. cHiron,
c. langlois, M. pinel. Le Compagnon charcutier, Editions Jérôme
Vilette, 1985.
eric goisedieu. « Montfort-le-Gesnois, réussite de la famille
Gallet » in La vie mancelle et sarthoise, n° 415, février 2011.
eric et claude goisedieu. « Les rillettes Gallet » in La vie mancelle
et sarthoise, n° 417, juin 2011.
B. lassaut. Des rillettes de campagnes aux rillettes des villes,
UREQUA, 2001.
Le magazine de la Touraine : n° spécial « Saveurs de Touraine »,
1998. « Le terroir se met à table », 2006.
Le magazine du conseil général d’Indre-et-Loire, n° 77,
novembre 2009 : « Les rillettes de Tours se font un nom ».
Marie Marlin. Luissier Bordeau Chesnel Faire autrement, Editions
Cénomane, 2007.
cHristian prunier, Brigitte ricHon, François landrieu, néron
ricHer. Savourons avec la Maison Prunier, Editions Comaral, 2008.
raBelais, Le Tiers livre, 1546.
Recettes tourangelles de nos grands-mères, Editions Reflets de
terroir, CPE, 2006.
eric rousseaux. Le goret, la truie et les petits cochons, Geste
éditions, 2005.
gérard rossini. Mémoires de cochons, Editions Equinoxe, 2005.
Louis-Léopold Thuilant (1862-1916) : un potier à Prévelles :
catalogue de l’exposition, musée de la reine Bérengère (25 juin-
11 novembre 2008).
Jacques verroust, MicHel pastoureau, raYMond Buren.
Le cochon, histoire, symbolique et cuisine du porc, Editions Sang de la
terre, 1987.
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RemerciementsJe veux d’abord exprimer ma reconnaissance bien amicale à
Grégory Chaquin qui a su porter ce projet éditorial avec ténacité
et énergie et stimuler ma plume !
Merci aussi à Aurélie Orsat, sa collaboratrice : sans son aide
irremplaçable, sa disponibilité, sa constante gentillesse et son
professionnalisme, le livre n’aurait pu aboutir.
Monsieur Roland Rousse a bien voulu me faire partager sa
connaissance des rillettes et effectuer une relecture attentive
et experte de cet ouvrage. Qu’il en soit ici très cordialement
remercié !
Je veux aussi ici saluer Messieurs Joël Cosme, Denis Dézécot,
Pierre Hébert, Eric Moquay, Christian et Théophile Prunier. Au
fil des entretiens qu’ils ont accepté de m’accorder, ils m’ont
transmis des informations indispensables sur leur entreprise et
m’ont instruit de leurs savoir-faire. Merci à eux aussi d’avoir mis
à ma disposition des documents inédits et de m’avoir permis de
puiser dans leurs archives familiales !
Je suis reconnaissant à Claude et Eric Goisedieu de m’avoir
apporté leur aide en ce qui concerne l’histoire des rillettes Gallet
et de m’avoir autorisé l’accès à leur fonds iconographique.
Jean-Claude Labbé m’a fait profiter de sa très riche expérience
professionnelle et d’une très utile bibliographie. Merci de son
accueil !
Sans Yamina Blanchais, je n’aurais pu rencontrer Madame Jac-
queline Bordeau, mémoire vivante d’une partie de l’histoire de
l’entreprise Bordeau-Chesnel. Merci à elles deux !
Je n’oublie pas Alain Cabannes, directeur de L.P.S, qui m’a
apporté un éclairage très précieux sur l’élevage du porc fermier
« Cénomans », ni Pierre Weill qui m’a fait partager une partie de
son savoir concernant la filière « Bleu-Blanc-Cœur ».
Merci également à Vanessa Allain, François Arné, Jean-Marie
Barbotin,
Bernard Beauchet, Olivier Boussard, Alex Chailan, Bernard
Charret, Jean-Claude Chauvin, Gérard Chevallier, Marina Colin,
Flavien Dublanchet, Nadine Férey-Pfalzgraf, Damien Foulard,
Michaël Guggenbuhl, Carole Hirardot, Pierrick Jadaud, Florent
Martin, David Piolé, Florence Poussin, Sophie Rouyet, Hubert
Tollet et aux élèves du lycée Le Mans Sud.