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LE FOLKLORE BOURBONNAIS

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CAMILLE /GAGNON

LE F O L K L O R E B O U R B O N N A I S

LES DITS, LES CHANTS ET LES JEUX

Editions HORVATH 10, rue Benoit Malon 42300 ROANNE

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JUSTIFICATION DU TIRAGE DE CETTE NOUVELLE ÉDITION

3 VOLUMES, format 16 x 24 cm, prĂšs de 1 400 pages de texte reprĂ©sentant l'Ɠuvre principale de Camille Gagnon et 1 VOLU- ME constituant la partie iconograpique de la sĂ©rie, publiĂ© sous la direction de la SociĂ©tĂ© d'Histoire de Vichy et des environs.

SÉRIE A: Exemplaires numĂ©rotĂ©s de 1 Ă  150, imprimĂ©s sur beau papier, de luxe - spĂ©cialement sĂ©lectionnĂ© pour cette Ă©dition -reliĂ©s peau grenat, dorĂ©s sur tranche supĂ©rieure, prĂ©sentĂ©s dans un emboĂźtage de luxe.

SÉRIE B: Exemplaires numĂ©rotĂ©s de 151 Ă  400, reliĂ©s pleine toile rustique, une gravure frappĂ©e dans le plat.

SÉRIE C : Un certain nombre d'exemplaires non numĂ©rotĂ©s, prĂ©- sentation courante, destinĂ©s Ă  ĂȘtre vendus isolĂ©ment.

Seul le dernier volume portera le numérotage de la série

Direc t eu r d e Publ icat ion : G Ă© r a r d TISSERAND

I.S.B.N. 2-7171-0185-3

@ Editions HORVATH - 42300 ROANNE

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1

PRIÈRES

Des priÚres, nées en marge de celles qu'enseignaient au caté-

chisme ou au cours d'exercices pieux les prĂȘtres dans les paroisses,

rencontraient autrefois la faveur populaire dans tout le Bourbonnais.

P E T I T E S ORAISONS.

Tout d'abord, on peut noter de courtes oraisons comme la suivante :

En passant devant une croix :

Je vous salue, Sainte Croix, C'est ni pour la pierre, ni pour le bois, C'est pour Notre-Seigneur-JĂ©sus-Christ qu'est en croix (1).

En prenant de l'eau bénite :

Eau bénite, je te prends, Sur mon corps, sur mon sang, Si la mort me surprend, Sers-moi de sacrement (1).

(1) PriÚres populaires recueillies par M. l'Abbé Boudant, curé de Chantelle. BibliothÚque Nationale. Manuscrits. Fonds français, 3338, f08 5 à 11. Abbé BOUDANT, Histoire de Chantelle, p. 190.

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ou cette variante :

En prenant le pain bénit :

Pain bénit, je te prends, Si la mort me surprend, Sois-moi Saint Sacrement (2).

iEt les invocations aux saints protecteurs, par exemple à Saint Hubert, lorsque l'on partait en voyage et que l'on pouvait redouter la rencontre des animaux malfaisants et des chiens enragés, péril redoutable jusqu'aux découvertes pastoriennes :

Bon Saint-Hubert glorieux, Dont Dieu est amoureux, De quatre choses gardez-nous : De l'ennemi, de la sarpent, Du chien et du loup qui courent les champs, Qu'ils ne s'approchent pas plus de nous Que le feu du Ciel. Ainsi soit-il (3).

Selon les lieux et les défaillances de mémoire, la priÚre se transformait. On peut la retrouver sous d'autres aspects, comme celui-ci :

Saint-Hubert, fils de Dieu amoureux, Gardez-moi de trois choses :

L'ennui, la serpent, le chien courant. Que ça s'approche pas plus de moi Que les petites étoiles du Ciel. Vive Jésus, vive Jésus. Je veux vivre et mourir pour la mort de Jésus (4).

ou bien

Je me lave les mains, Je trouve le Bon Dieu à mon chemin, La Sainte Vierge à une brassée. Dieu me garde une bonne journée.

(2) Recueillie auprÚs de M. l'Abbé Mandet, curé-doyen de Charroux, en 1929. Abbé MANDET, Charroux-d'Allier, p. 90.

(3) PriÚres populaires recueillies par M. l'Abbé Boudant, curé de Chantelle. BibliothÚque Nationale. Manuscrits. Fonds français, 3338, f08 5 à 11. Abbé BOUDANT, Histoire de Chantelle, p. 190.

(4) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927.

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Saint-Hubert glorieux, de trois choses me dĂ©fende : Des chiens fous, des loups fous, Des verpis et des serpents. Que toutes sortes de bĂȘtes enragĂ©es M'approchent pas plus que la petite Ă©toile du Ciel (5).

Voici encore une invocation Ă  Saint Abdon qui se disait en cas d'orage :

« Saint Abdon, souffre pour nous le tonnerre et que nous en soyons délivrés » (6).

Parfois, la priÚre populaire se risque à employer le latin, comme dans une oraison qui se récitait à Doyet, lorsqu'il tonnait :

JĂ©sus Christus, rex glorioe Venit in pace. Deus homo factus est, Et verbum caro factum est. Christus regnat, Christus imperat, Ab omni malo nos defendat. Amen (7).

D'une autre veine apparaĂźt l'invocation Ă  l'abouette ou bine, recueillie Ă  Brugheas :

Bine, bine, Monte aux ciaux, Priie Djiu Pa aneu, pa douman, Pa tous los jous Que sein dein l'an, Pa ta grande Jacqueline Qu'est pa cas grandes vignes, Pa ton pĂšre PĂšlerin Qu'est pa cas grands chemins (8).

(5) ROULEAU, Folklore bourbonnais. Bulletin de la Société des Etudes Locales, 1922, p. 187. Claude ROULEAU, Essai de folklore de la Sologne bourbonnaise, p. 118.

(6) Francis PÉROT, Folklore bourbonnais, p. 229. (7) A.-C. MAILLAT, GĂ©ographie, histoire de Doyet, p. 104. (8) H. GERMONTY, L'arrondissement de Gannat et le canton de Mont-

marault, p. 152.

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LES OR' A DIEU.

L'une des priÚres les plus curieuses du folklore bourbonnais se récitait dans les maisonnées de la région chantelloise, sous le nom d 'Or ' à Dieu.

Donnons, donnons du pain à Dieu, Nous apprendrons les Or à Dieu, Les Or à Dieu de Notre Seigneur, Je l'ai vu vivre, je l'ai vu mort, Je l'ai vu vivre aprÚs sa mort, Sa mort, sa mort qu'était si belle, Qu'elle éclairait comme petite chandelle, Comme petite chandelle qu'était du ciel, Qu'elle éclairait comme une étoile. Bonne Vierge Marie allait devant, Plaignant son fils, montrant son sang : « Regardez donc, mes braves gens. Ah ! que de peines, que de tourments ! J'ai plus de peine pour z'un des vÎtres Que z 'en avez trétous pour moi; Et les enfants n'ont pas sept ans, Qu'on les entend, ces petits méchants, Jurant la mort, jurant le sang, Jurant la mort de notre enfant. Les pÚre et mÚre en souffriront, Les pots d'enfer en bouilliront, Les pots d'enfer sont si profonds, Qu'une pierre bénie ne porterait pas au fond. » 0 quinze jours ! o quinze nuits ! 0 quinze vendredis bénis ! Bénissez qui que m'a nourri, Les Or ' à Dieu qui que m'a t'appris. Oh ! qui les sait et qui les dit Mettra son ùme en paradis. Oh ! qui les sait et qui les dapprend Mettra son ùme en grand tourment.

Cette priÚre comportait aussi des variantes. Elle pouvait débuter ainsi :

Les 0 ' Ă  Dieu qu'on fit le jour, Qu'ont fit la nuit, Qu'on fit l'Ă©toile du point du jour,

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faire mention, vers son milieu de :

La petite alouette qui est dans son nid,

Qui chante le nom de JĂ©sus-Christ,

enfin se terminer de la sorte :

Ceux qui sauront les Or ' Ă  Dieu, passeront sur une petite planche pas plus large, pas plus Ă©troite qu'un cheveu de tĂȘte (9).

LA PASSION.

Un récit de la Passion, dit priÚre de la Passion, trÚs répandu dans tout le Bourbonnais, passait pour attirer les grùces les plus rares.

La version la plus naïve et la plus originale a été recueillie à Chantelle :

La Sainte Vierge, cherchant son fils Trouve Dame RĂ©solue.

« Dame RĂ©solue, Avez vous pas vu mon fils ? » — « Non, Vierge, je ne l'ai point vu. J'ai vu qu'un pauvre homme, sur le grand chemin, Tout dĂ©vorĂ©, tout massacrĂ©', Tout en sens contraire, Personne pour lui z'aider. » La Bonne Vierge dit : « Ah ! mon Dieu ! C'est peut-ĂȘtre mon fils, Qu'on tue, qu'on Ă©gorge au grand chemin. Si je croyais que c'Ă©tait mon fils, Je quitterais bien mon petit chemin, Pour en prendre un autre. » Autant de loin qu'ils l'ont vue, Ils lui ont crachĂ© dans les yeux, dans la figure, De crainte que la Bonne Vierge reconnaisse son fils. La Bonne Vierge a bien reconnu son fils tout de mĂȘme. « Mon fils, c 'est donc lĂ  que vous ĂȘtes ? » — « Oui, ma mĂšre, comme vous voyez.

(9) PriÚres populaires recueillies par M. l'Abbé Boudant, curé de Chan- telle. BibliothÚque Nationale. Manuscrits. Fonds français. 3338, f05 5 à 11. Abbé BOUDANT : Histoire de Chantelle, pp. 189 et 190. - Abbé BOUDANT : L 'Or à Dieu. Mélusine, II, p. 142.

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C'est lĂ  qu'il faut que je meure,

Pour des gens qui ne m'en savent pas gré. Ils ont tranché ma chair avec des rasoirs.

Ma chair a volé dans l'air,

Mon sang a rigolé' par terre. Voyez mes pieds percés, Mes mains croisées,

Ma petite couronne d'Ă©pines sur la tĂȘte ! »

Ils ont pris Notre Seigneur,

Ils l'ont monté par la montée du Calvaire,

Par un petit chemin qui était tout de pierres. Notre Seigneur est tombé.

Ils l'ont bien relevé,

Mais à coups de fouet, de tricots et de coups de bùton. Une faiblesse a pris Notre Seigneur, Il a demandé à boire.

On lui a donné à boire de mauvais abérage,

De fiel de crapauds et de serpents.

Notre Seigneur a pas eu pris ce mauvais breuvage,

Qu'il a perdu la parole, AussitĂŽt, de compagnie,

Le soleil et la lune ont perdu leur éclat, Les femmes enceintes en sont délivrées,

Les petits enfants n'auront pas tout ce qu'ils auraient mérité.

La Sainte Vierge saute au pied de sa croix, L'embrasse, le caresse, lui dit :

« Mon fils, mon trÚs cher fils ! »

Si vous avez des petits enfants Ă  votre compagnie,

Et qui savent cette priĂšre et qui la disent, Le soir en se couchant,

Le matin en se levant,

Tant de penchés qu'ils auront commis,

Qu'il y a de grains de sel dans la mer,

Jamais le Paradis ne leur sera refusé. (10)

(10) PriÚres populaires recueillies par M. l'Abbé Boudant, curé de Chantelle. BibliothÚque Nationale. Manuscrits. Fonds français. 3338, fos 5 à 11. - Abbé BOUDANT : Histoire de Chantelle, p. 191. - Abbé BOUDANT : La Passion de Notre Seigneur. PriÚre du Bourbonnais. Mélusine, III, p. 134.

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Dans le centre de la province, la priÚre de la Passion se récitait de la maniÚre suivante :

Notre Seigneur, au jardin des Oliviers, En faisant sa priĂšre devant son PĂšre Eternel : « Mon PĂšre, faut-il boire dans le Saint Calice ? — « Non, mon fils, il faut mourir. » — « Judas, Judas, que viens-tu faire ici ? » Il vient pour prendre le corps, le sang de Notre Seigneur. Il le baise, il le caresse ; C'est pour lui mettre la corde au cou. Combien l'ont-ils vendu ? Ils l'ont vendu trente deniers. Ils l'ont menĂ© par la rue de JĂ©rusalem. Chez qui ? Chez Vira, chez Pilate et chez Barrabas, Ils l'ont montĂ©, attachĂ© Ă  une croix, Qui avait quinze pieds de long, huit de large. Notre Seigneur en est tombĂ© accablĂ© de faiblesse, Les Juifs l'ont relevĂ© Ă  coups de bĂąton. La Sainte Vierge, triste et dĂ©solĂ©e, Par le grand chemin, A trouvĂ© les dames de JĂ©rusalem : « Mesdames, vous n'auriez pas aperçu mon fils ? — « Non, ma Sainte Vierge. Nous avons vu passer un

[homme Qui Ă©tait tout dĂ©pouillĂ©, tout dĂ©vĂȘtu. — « HĂ©las, mon fils, te voilĂ  donc entre les mains des Juifs ! — « Eh oui, ma mĂšre. Vous savez qu'il faut mourir, Pour le genre humain qui ne m'en saura pas grĂ©. Saint Jean, aie soin de ma mĂšre. Ma mĂšre, aie soin de saint Jean. » VoilĂ  un petit troupeau de soldats Qui apportent chaque jour un petit fagot de bois. « C'est pour m'y rĂ©chauffer, moi et mon fils. » — « Au contraire, ma mĂšre, c'est pour m'y couronner. » Main gauche percĂ©e, Main droite percĂ©e. Le soleil et la lune ont perdu leur Ă©clat, Les femmes enceintes se sont dĂ©livrĂ©es, Et leur petit enfant n'a point eu ce qu'il aurait mĂ©ritĂ©. Tous ceux qui l'entendront dire et qui ne l'apprendront pas, Le Bon Dieu leur fera des reproches un jour dans le ciel.

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Mais à ceux qui l'apprendront, Et qui la diront, le matin et le soir, Auraient-ils commis autant de péchés, Qu'il y a d'étoiles dans le firmament, Le ciel ne sera jamais refusé. (11)

Mais il en existait beaucoup de variantes, plus ou moins frag- mentaires. Une des plus complĂštes a Ă©tĂ© recueillie Ă  Lapalisse oĂč elle portait le nom de la belle priĂšre (12). D'autres ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es Ă  Charmes et Ă  Billy, commençant ainsi :

Considérons ou considérant Jésus au jardin des Olives (13).

On reconnaßt encore une partie de ce récit de la Passion arrangée dans la priÚre suivante en provenance de Billy :

Quarantaine, Marie Madeleine, trois vierges et trois anges qui s 'en vont dans les champs ont rencontrĂ© Saint Jean : « Saint-Jean n'avez-vous pas vu mon fils ? ». — « Si, je l'ai vu Ă  l 'arbre de la croix, les mains et les pieds clouĂ©s, la tĂȘte couronnĂ©e d'Ă©pines. » Ceux qui diront cette priĂšre trois fois le soir et trois fois le matin, iront en paradis Ă  la fin (13).

Dans une autre variante recueillie à Treteau, la description des prodiges consécutifs à la mort du Christ se termine par cette affirmation inattendue: « Saint Hubert a déserté ». Suivie de

l'invocation : « Grand Saint Hubert, gardez-moi de toute bĂȘte enragĂ©e » (14).

Il semble d'ailleurs que le passage relatif à la rencontre de la Vierge et de Saint Jean ait été adopté pour y adjoindre une priÚre du soir comme celle qui se prononçait à Chantelle avant de s'endor- mir. Cette priÚre paraßt s 'apparenter également à la patenÎtre blanche, connue de beaucoup de sorciers à travers toute la France:

Quand je me couche, Je me couche au nom du bon JĂ©sus. Quatre anges sont dans mon lit, Deux vers ma tĂȘte, deux vers mes pieds, La Bonne Vierge par le mitan.

(11) Archives personnelles de l'auteur. Carnet manuscrit d 'une pauvre femme de Vieure, née en 1825.

(12) Roger de QuiRiEU,E : La « belle priÚre » de Jésus : « Mon pÚre, je viens boire le calice... ». Bulletin de la Société d'Emulation du Bourbon- nais, 1906, pp. 158 à 162.

(13) J. BERRIAT-SAINT-PRIX : Vieilles PriĂšres, pp. 15, 21, 22 et 24. (14) Francis PÉROT : PriĂšre efficace contre les chiens enragĂ©s. Revue

des Traditions populaires, 1905, p. 405.

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La Bonne Vierge, passant par un petit chemin blanc,

A rencontré saint Jean :

« Vous avez pas vu mon petit enfant ?

— « Oui, Sainte Vierge, je l'ai vu, que dit saint Jean.

Je l'ai vu sur l 'arbre de la Croix,

Les pieds pendants,

Les bras sanglants,

Couronne d'Ă©pines sur la tĂȘte. »

Ceux qui diront cette priĂšre,

Le soir et le matin,

Jamais verront la porte de l 'enfer,

Ni moi non plus, s'il plait Ă  Dieu (15).

Ailleurs, s 'y greffaient des considérations rimées d'allure moderne et puisées vraisemblablement dans un recueil de cantiques ou de dévotion, par exemple à Charroux :

« Bonsoir, mon bon Saint Jean. N'avez-vous pas vu mon cher enfant ?

— Oh si, Madame, je l'ai vu au sommet du Calvaire, clouĂ© sur l 'arbre de la croix, la tĂȘte inclinĂ©e, couronnĂ©e d'Ă©pines, sa sainte face toute ensanglantĂ©e, ses mains et ses pieds percĂ©s et son cĂŽtĂ© ouvert. »

Que tes pĂ©chĂ©s me font souffrir ! J 'en suis triste jusqu'Ă  mourir, Et tu ne t 'en soucies, pĂȘcheur, Et tu ne t 'en soucies.

HĂ©las si tu savais combien

Je souffrais alors pour ton bien, Tu m'aimerais sans doute, pĂȘcheur, Tu m'aimerais sans doute.

Ma mĂšre est au pied de la Croix, Je la vois rĂ©duite aux abois. Reçois-la pour ta mĂšre, pĂȘcheur, Reçois-la pour ta mĂšre.

(15) PriÚres populaires recueillies par .M. l'Abbé Boudant, curé de Chantelle. BibliothÚque Nationale. Manuscrits. Fonds français. 3338, f01 5 à 11. - Abbé BOUDANT : Histoire de Chantelle, pp. 190 et 191.

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U n e lance ouvr i t mon cÎté , P o u r te m o n t r e r m a char i té .

C h e r c h e s lĂ  ton asi le , pĂȘcheur . C h e r c h e s lĂ  ton asile.

Il a se s b ras ouver t s pour nous recevoir ,

Sa tĂȘ te ba i s sĂ©e pour donner le baiser .

DĂ©sormai s , tout mon plaisir

S e r a pour moi de tout souffrir ,

Et p l eu re r m e s of fenses , Se igneu r ,

Et p l eu re r m e s offenses (16).

PRIÈRE DU SOIR.

Notons enfin la priĂšre du soir qui se dit sans doute encore en quelques endroits:

Avant de vous coucher, faites le signe de la croix aux quatre coins de votre lit, l'aspergeant d'eau bénite.

Priez que les Evangélistes: St Jean (+) , St Luc (+) , St Marc ( + ) et St Mathieu ( + ) y soient placés pour votre défense contre l'ennemi infernal.

Etant couché, pensez qu'un jour votre corps sera mis dans un cercueil, couvert de terre et puis mangé des vers.

Ensuite, priez le bon JĂ©sus qu'il prenne possession de votre cƓur comme roi, qu'il en fasse son trĂŽne et qu'il y gouverne toutes vos passions.

Que la Vierge Marie, sa chĂšre mĂšre, lui tienne compagnie avec St Joseph, et que pendant votre sommeil, ils l'adorent sur ses grandeurs et sur ses attributs.

Mettez au cĂŽtĂ© droit votre ange, St Michel et les archanges; au cĂŽtĂ© gauche Ste Anne, vos patrons et patronnes, Ste Ursule avec ses compagnes, Ste Barbe et toutes les vierges; Ă  la tĂȘte tous les patriarches, prophĂštes, apĂŽtres et martyrs; aux pieds les docteurs, confesseurs et anachorĂštes.

Que pendant la nuit, ils aiment Dieu à votre place, le bénissent et lui rendent mille louanges.

(16) Recueillie auprÚs de M. l'Abbé Mandet, curé-doyen de Charroux, en 1929. - Abbé MANDET : Charroux.d)Allier, pp. 88 à 90.

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Avant de vous endormir, prononcez les noms saints de JĂ©sus, Marie, Joseph; faites le signe de la croix sur vos yeux, sur votre bouche et sur votre cƓur et dites trois fois:

JĂ©sus, Marie, Joseph, je vous donne mon cƓur, mon esprit et ma vie !

JĂ©sus, Marie, Joseph, assistez moi dans mon agonie !

JĂ©sus, Marie, Joseph, que j'expire en paix dans votre compa- gnie ! (17).

L E T T R E S MIRACULEUSES.

L'Eglise a du s'Ă©lever souvent contre certaines pratiques de piĂ©tĂ© suspectes, contre certaines priĂšres bizarres ou passant pour avoir Ă©tĂ©' transmises au moyen de lettres miraculeuses. Ces lettres Ă©taient souvent rĂ©pandues dans les campagnes bourbonnaises, oĂč elles trouvaient une grande faveur, par les colporteurs et mendiants, qui quelquefois profitaient de la naĂŻvetĂ© des gens pour exiger en Ă©change une somme plus ou moins forte.

En voici quelques-unes:

Oraison Ă  la Vierge:

Vierge Marie, mÚre de Dieu, pleine de grùces, fontaine de consolation des pécheurs, plus blanche que la neige, à vous, reine des anges, je recommande mon ùme à l'heure de ma mort pour obtenir de votre cher fils le pardon de mes péchés.

Cette lettre fut trouvĂ©e, enveloppĂ©e dans un linge, au Saint SĂ©pulcre, ramassĂ©e par un prĂȘtre aprĂšs avoir dit la sainte messe, chose merveilleuse et Ă©tonnante. Il fut grandement surpris lorsqu'il vit l'explication de cette lettre:

Quiconque la portera sur lui, ne craindra ni la peste ni la famine. Il ne mourra point sans confession et ne craindra point d'ĂȘtre accusĂ© faussement. Si une personne Ă©tait possĂ©dĂ©e du dĂ©mon, mettez-lui cette oraison sur elle et Ă  l'instant elle sera dĂ©livrĂ©e. Tous ceux qui la porteront dĂ©votement sur eux peuvent ĂȘtre sĂ»rs de voir Notre Dame de Bon Secours trois heures avant leur mort. Dieu leur en fasse grĂące.

(17) Recueillie auprÚs de M. l'Abbé Mandet, curé-doyen de Charroux, en 1929.

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PriĂšre trouvĂ©e dans le tombeau de Notre Seigneur Ă  JĂ©rusalem, en l'honneur de la TrĂšs Sainte Passion, prĂ©cĂ©dĂ©e du dĂ©tail et des peines endurĂ©es, 'd 'aprĂšs la rĂ©vĂ©lation qu'en a faite Notre Seigneur lui-mĂȘme Ă  sainte Elisabeth, sainte Brigitte et sainte Mathilde, aux- quelles il parla en ces termes :

« Vous serez mes servantes bien aimées. Les soldats armés

Ă©taient 125. Ceux qui me menĂšrent Ă©taient 33. Je reçus sur la tĂȘte 30 coups de poing, 150 coups de pied dans le jardin des Oliviers, 80 coups dans les Ă©paules. Je fus traĂźnĂ© par les cheveux avec la corde 28 fois. On m'a crachĂ© 36 fois au visage. Battu 6.666 fois, 100 plaies Ă  mon corps, 100 trous Ă  ma tĂȘte. Je restai suspendu en croix pendant deux heures; je fis pendant ce temps 129 soupirs; je fus traĂźnĂ© et tirĂ© par la barbe 23 fois; 10.0 Ă©pines piquaient ma tĂȘte, 3 Ă©pines mortelles, mon front. Les soldats qui me conduisirent au calvaire me firent 508 blessures. Les gouttes de sang versĂ©es sont de 4.380. A qui rĂ©citera pendant douze ans, 7 Pater et Ave pour Ă©galer le nombre de gouttes de sang que j'ai versĂ©es, quarante jours avant la mort, la Sainte Vierge apparaĂźtra. Il ne mourra pas noyĂ©, ni de mort subite sans confession. Il sera libre de ses ennemis. Dans les maisons oĂč cette priĂšre sera, il n 'y aura pas de trahison ni de mauvaise chance. On peut rĂ©citer les 7 Pater et les 7 Ave et les appliquer Ă  l'Ăąme qui nous est la plus chĂšre.

« Au Saint SĂ©pulcre de JĂ©sus-Christ, Ă  l 'honneur de Dieu et salut de mon Ăąme, JĂ©sus Christ, fils du Dieu vivant, aidez-moi. Vierge Sainte, priez pour moi votre cher fils bien aimĂ©. Reine des anges, mĂ©moire des bienheureux, aidez-moi Ă  l 'heure de ma mort oĂč mon Ăąme sortira de mon corps. Priez pour moi votre cher fils Ă  mon pouvoir, qu'il daigne me pardonner mes pĂ©chĂ©s. Ainsi soit-il. »

Terminons par la lettre suivante dont, malgré l'indication des lieux et de la date, nous ne pouvons éclaircir les allusions locales:

Lettre du Bon Dieu. Paroles de Jésus Christ à La Chapelaude, le 23 juin 1867. Cette lettre fut écrite par Dieu, en lettres d'or, trouvée à la fougeur des prÚs, à Saint-Amand, avec une petite croix. Ladite lettre fut expliquée par un enfant de sept ans, qui n'avait jamais parlé, en ces termes:

« Soyez chrĂ©tiens. Je vous Ă©cris de sanctifier le jour du dimanche et les fĂȘtes exigĂ©es par moi. Vous saurez que je vous donne six jours et le septiĂšme pour vous reposer et me servir, pour Ă©viter les maladies et pour secourir les pauvres dans leur nĂ©cessitĂ©, car, suivant les rĂšgles, vos champs et les bestiaux et tout ce que vous possĂ©dez seront remplis de mes bĂ©nĂ©dictions. Mais si vous ne suivez pas mes

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rĂšgles, je ferai tomber mes malĂ©dictions. Et vous aurez la peste, la grĂȘle et toutes sortes de flĂ©aux, de la famine et de grandes sĂšche- resses. Je vous montrerai ma colĂšre, je vous montrerai des signes dans le soleil et de grands tremblements de terre et beaucoup d'autres choses pour vous faire comprendre que je suis votre maĂźtre. Vous direz tous les vendredis cinq Pater et cinq Ave en mĂ©moire de mes souffrances, de ma Passion que j'ai souffert sur la croix pour vous racheter de vos pĂ©chĂ©s. Vous porterez toujours cette lettre sur vous. Vous la donnerez Ă  tous ceux qui voudront la recevoir avec vĂ©nĂ©ra- tion. Ceux qui voudront pas croire en cette lettre, Ă©crite par mes mains, je vous prononce de ma bouche, seront punis au jour du jugement ainsi que tous ceux qui la tiendront chez eux sans la faire voir seront maudits de Dieu. Ceux qui seront contents de la faire voir, de la publier et de la copier seront bĂ©nis de mes mains auraient-ils autant de pĂ©chĂ©s qu'il y a d'Ă©toiles dans le firmament; si vous avez regret de les avoir commis, ils vous seront pardonnĂ©s. Bienheureux ceux qui porteront cette lettre bien souvent ou dans les maisons en mĂ©moire de moi. Jamais la foudre ou le tonnerre ne leur fera aucun mal. Je suis Dieu, jĂ©sus Christ, le Sauveur du monde. Ainsi soit-il (18).

Oraison de la Bonne Dame de Secours Sainte DĂ©lice :

Et par transition avec les priĂšres magiques, voici la Belle Oraison de la Bonne Dame de Secours Sainte DĂ©lice contre tout malĂ©fice qu'employait un habitant de Bourbon-l'Archambault qui, dans son voisinage, passait quelque peu pour sorcier. Il connaissait d'autres priĂšres notamment celle qu'il faisait au printemps dans sa petite vigne qui n'avait jamais de maladie et que la grĂȘle ignorait. Il en disait une autre, tout autour de son prĂ©, un cierge allumĂ© Ă  la main, lorsqu'il y mettait sa chĂšvre pour la premiĂšre fois, le foin levĂ©; dĂšs lors, l'animal, contrairement Ă  ceux de son espĂšce, ne cherchait pas Ă  franchir les haies limitant son pacage.

« Celui ou celle qui voudra faire ce devoir, le doit faire dans ;e secret, une fois par jour, le matin ou le soir, soit en dehors, soit dans sa maison. Si vous avez de l'eau, lavez-vous les mains. Si vous avez de l'eau bĂ©nite, prenez-en dans la main droite. A dĂ©faut, servez-vous de votre salive. Faites sur vous le signe de la croix et si vous ĂȘtes gĂȘnĂ©, en quoi que ce soit, faites-le sur votre estomac.

(18) Archives personnelles de l 'auteur. Carnet d 'une pauvre femme de Vieure.

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Dites trois fois le Notre PĂšre et trois fois le Salue Marie, puis prononcez l'Oraison qui suit :

Mon Sauveur et mon Dieu, j'ai dit trois fois le Notre PĂšre et puis trois fois Salue Marie Ă  l'intention de la Bonne Dame de Secours

Sainte Délice, pour qu'elle me conserve, moi et mon bestiau. Je redoute voisins et voisines, envieux et envieuses, jaloux et jalouses, sorciers et sorciÚres et toutes les mauvaises personnes qu'il y a sur la terre. Ils auront pas plus de force sur moi et sur mon bestiau que les Juifs en ont de force sur Notre Seigneur Jésus Christ dans le jardin des Olives, que par ses saintes volontés. Ainsi soit-il. »

Faites le signe de la croix sur vous en disant : « Au nom du PÚre et du Fils et de Sainte Délice. »

Celui ou celle qui voudra faire ce devoir doit avoir l'intention

de faire quelques aumÎnes aux pauvres dans l'année qui suivra, suivant ses facultés, sinon il est inutile de s 'en occuper (19).

PRIÈRES MAGIQUES.

Il existe en outre un rĂ©pertoire trĂšs nombreux de priĂšres magiques employĂ©es par les sorciers, les rebouteux ou les personnes qui en ont la rĂ©vĂ©lation, pour barrer une maladie, arrĂȘter un accident, favoriser une entreprise. Elles remontent loin, ainsi que l'attestent des mentions relevĂ©es sur des livres de raison et des registres paroissiaux du XVIe siĂšcle. Elles restent populaires, mĂȘme dans les lieux oĂč l'on affecte un superbe dĂ©dain pour toute croyance surnaturelle. Un peu partout, dans les campagnes, en dehors de rebouteux savants en priĂšres de toute sorte, on connaĂźt la vieille femme ou le laboureur qui sait la priĂšre pour tel ou tel mal et on ne manque pas de recourir Ă  ses services, sachant que la priĂšre a maintes fois rĂ©ussi, alors que mĂ©decin ou vĂ©tĂ©rinaire avaient Ă©chouĂ©.

Le récitant, pour conserver son pouvoir, ne doit pas apprendre la priÚre à plus jeune que lui. En réalité', ces priÚres se transmettent, en famille, entre proches, de parrain à filleul. Quelquefois, elles sont dévoilées au lit de mort. Il est trÚs difficile d'en obtenir la

divulgation, puisque pour conserver leur vertu, elles doivent se débiter à voix trÚs basse et garder leur secret. Il arrive pourtant que, pour les mieux retenir, leur détenteur les inscrive en un

(19) Archives personnelles de l 'auteur. Manuscrit trouvé dans un lot de papiers provenant d 'un encan de Bourbon-l'Archambault, en 1947.

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précieux cahier, document rare dont le folkloriste s'empare avec satisfaction. Quelques-unes de ces priÚres étaient répandues ça et là par les manuels de colportage signalés au chapitre de la sorcellerie et par un opuscule similaire intitulé Le Médecin des Pauvres.

La priÚre doit se dire telle qu'on l'apprit et sans changer un seul mot. Il ne faut pas prononcer, par exemple, « la trÚs Sainte Vierge » alors que la formule enseigne seulement « la Sainte Vierge ». Dans ce cas, la priÚre serait sans effet tandis que l'imprudent rogateur risquerait d'attraper le mal qu'il voulait conjurer. Il suffit de comparer les variantes présentées par ces priÚres pour comprendre que, malgré les rigueurs de la rÚgle, elles se transforment et se défigurent constamment, au cours de leur transmission mystérieuse.

Souvent la priĂšre magique s'accompagne d'autres pratiques comme signes de croix tracĂ©s avec le pouce, pressions ou souffles sur la partie malade, rĂ©citation de priĂšres usuelles, neuvaines, etc... Au dĂ©but du siĂšcle prĂ©sent le pĂšre P... du Vilhain savait la priĂšre pour prĂ©server les enfants des convulsions. Elle comportait le sacrifice du petit jau. Il sacrifiait un jeune coq de l'annĂ©e et tout en rĂ©citant sa priĂšre, il mouillait la langue ou la tĂȘte de l'enfant avec le sang du coq.

Voici toute une suite de priÚres magiques, utilisées en Bour- bonnais pour les maux des humains ou suivant l'expression usuelle pour le monde et d'autres pour les maladies du bétail ou pour cer- taines circonstances.

PRIÈRES (( POUR LE MONDE )).

Pour toute maladie en général :

Monsieur mal, tu crois donc ĂȘtre plus que Notre Seigneur JĂ©sus- Christ, Mal, tu en auras menti, le Bon Dieu te brĂ»lera autant de racines qu'il a d'amis (20).

Dire trois fois :

Mal et maladie, je te conjure. Mal, tu n'auras pas plus de force ni de pouvoir dans l'estomac, ni dans le cou, ni dans la bouche de

(20) J. MORIOT : Sorciers et rebouteux. Revue scientifique du Bour- bonnais, 1901, p. 172. - Francis PÉROT : PriĂšres, invocations, formules sacrĂ©es, incantations en Bourbonnais. Revue des Traditions populaires, 1903, pp. 297 et 298.

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N.. . . (prénom du patient) que les Juifs en ont eu sur Notre Seigneur Jésus-Christ à sa naissance et dans son jardin des Oliviers. Mal, tu sÚcheras ; mal, tu dépériras ; mal, tu fondras, tu avanceras de fondre aussi vite que la rosée avance de fondre par devant le saint soleil levé à la grand saint Jean (20).

Pour les brûlures :

Asperger d'eau bénite les parties brûlées ; se signer trois fois et réciter, à genoux, la priÚre suivante :

Bon saint Simon, Que descendez du haut des monts, App'rtez-moi de ç ' t 'eau si pure, Que guarit toutes les brûlures (21).

Brûlure infernale, je te conjure pour la part du grand Dieu vivant, que tu peux pas plus brûler sur la chair humaine, comme les Juifs ont crucifié Notre Seigneur en allant au jardin des Olives. Feu de Dieu, apaise ta douleur, comme Judas a trahi Notre Seigneur, apaise ta douleur, comme Dieu apaise la douleur de saint Laurent. Au nom du PÚre, et du Fils, et du Saint-Esprit (22).

Dire trois fois :

Saint Lazare et Notre Seigneur sont venus à votre vie. Saint Lazare a dit à Notre Seignuer : « Qu'est-ce que j'entends ? ». Notre Seigneur a dit : « C'est un petit enfant qui brûle et qui crie. Va, tu souffleras trois fois dessus et l'enfant sera guéri » (23).

Faire le signe de la croix sur soi et dire trois fois, en soufflant chaque fois trois coups sur la brûlure :

Saint Alexis avec Notre Seigneur Jésus-Christ en s 'y promenant sur les montagnes de double ville, saint Alexis dit à Notre Seigneur Jésus-Christ : « J 'entends grand bruit. » Notre Seigneur dit à saint Alexis : « C'est une personne qui se brûle. Va-z'y vite, tu souffleras trois fois sur la plaie en disant: « La personne en guérira » (24).

(21) Francis PÉROT : Folk-lore Bourbonnais, p. 32. - Paul DUCHON : Contes populaires du Bourbonnais, p. 122.

(22) Recueillie Ă  Ygrande, en 1927. (23) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927. (24) Recueillie Ă  IyCuroux-^Bourbonnais, en 1927.

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En passant dans la rue de saint-Blaise, saint Jean dit à Notre Seigneur: Voilà un enfant qui se brûle ; « Saint Jean, souffle cet enfant trois fois de ton vent, en disant: Au nom du PÚre et du Fils. L'enfant sera guéri » (24).

L'Bon Dieu disot au bon saint Zean D'aivou ton souffle peu ton vent Guéris l'pour p'tiot enfant Sans remÚde ni médicament (25).

Pour le mal de dents :

Dire trois fois:

Sainte Apolline assise sur la pierre digne, Notre Seigneur vint Ă  passer. — « Sainte Apolline que faites-vous lĂ  ? ». — « Seigneur. je souffre du mal de dents, du mal de gencives. » — « Sainte Apolline, allez-vous en; vous serez guĂ©rie du mal de dents et du mal de gencives comme auparavant » (26).

Sainte Apolline, assise sur une pierre de marbre, regardait passer Notre Seigneur. Il lui dit: « Sainte Apolline, que faites-vous là ? ». Elle lui répond: « Mon Jésus, je suis ici pour mon chef, mon sang, mon mal de dents ». Ajouter cinq Pater et cinq Ave (27).

Sainte Apolline, assise sur une pierre digne, Notre Seigneur JĂ©sus-Christ vient Ă  passer. « Sainte Apolline que faites-vous lĂ  ? ». — « Notre Seigneur, j'ai mal aux dents. » — « Sainte Apolline retournez-vous en; si c 'est du pus, il sortira; si c 'est du vent, il en 1 sortira. »

Prendre une pointe neuve et l'appliquer sur la dent en disant la priĂšre, puis jeter la pointe dans un endroit oĂč elle ne puisse ĂȘtre dĂ©couverte (27).

C'est sainte Apolline assise sur un pont. — « Que faites-vous, sainte Apolline sur ce pont ? ». — « Je suis ici pour le sang et le mal de dent. » — « Si c 'est une goutte de sang, elle tombera; si c 'est

(25) Marcel DESSERT : Au fil de mes jours, p. 148. D'aivou : avec ; peu : puis.

(26) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927. (27) Recueillie Ă  Ygrande, en 1927.

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un ver, il périra. Rentournez-vous dans votre maison, vous serez guérie du mal de sang et du mal de dent dans le jardin des O l i v i e r s . Ainsi soit-il. » Poser le médius sur la dent malade trois fois en se

couchant et en se levant, tout en disant trois Pater et trois Ave (28).

Dire Ă  genoux, au pied d'une croix.

Sainte AdĂ©laĂŻde s 'en va au pied de la croix, se met Ă  genoux sur la pierre. Notre Seigneur vient Ă  passer. « Sainte AdĂ©laĂŻde, que faites-vous lĂ  ? ». — « Seigneur, je suis ici pour mon corps, pour mon sang, mon mal de dents. » — « Sainte AdĂ©laĂŻde, retournez- vous en. Vous direz sept Pater et sept Ave. Que le mal de dents soit guĂ©ri » (29).

Pour les coupures et l'hémorragie :

Dire trois fois :

Sang, rentre dans tes veines, comme le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ est rentré dans les siennes. Au nom du PÚre, du Fils et du Saint-Esprit (30).

Faire le signe de la croix sur soi, prendre la coupure entre les doigts et dire trois fois :

Coupure, je te prends, je te mets comme tu as mai été. Sang, rentre dans ton corps et dans tes veines. Que ça vienne ni mal que les sept coupures de Notre Seigneur Jésus-Christ (30).

Dire, en mettant le doigt sur la coupure : Douce veine, retiens ton sang, comme celle de Notre Seigneur

JĂ©sus-Christ a retenu le sien. Ajouter cinq Pater et cinq Ave (30).

Faire le signe de la croix et répéter trois fois :

Sang, pressez-vous pas tant, le jour de saint Jean et le jour de sainte Croix sur N.. . . (nom du patient), s'il vous plaĂźt. Au nom du PĂšre, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il (31).

(28) Marcel DESSERT : Au fil de mes jours, p. 149. (29) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département

de l'Allier, p. 52. (30) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927. (31) Recueillie Ă  Viplaix en 1941. - Camille GAGNON : Le Bourbonnais,

terre unie aux aspects divers, p. 107.

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Faire le signe de la croix et dire :

Saint sang, presse-toi pas tant; t'as bien le temps. Sainte Anne et saint Jean, arrĂȘtez ce sang (31).

Sang, demeure en toi, comme Notre Seigneur fit en soi. Sang, demeure arrĂȘtĂ©, comme Notre Seigneur quand il fut crucifiĂ©. Au nom du PĂšre, du Fils et du Saint-Esprit.

Dire cette priĂšre trois fois sur la tĂȘte du patient, tout en lui faisant trois fois le signe de la croix (32).

Jésus est né. Jésus est mort. Jésus est ressuscité.

Faire sur la coupure un signe de croix avec le pouce droit et ajouter un Pater (33).

Approcher la bouche de la coupure, en disant :

Jésus-Christ est né; Jésus-Christ est mort; Jésus-Christ est ressuscité. Jésus-Christ commande à la plaie qu'elle se ferme et qu'elle ne fasse ni matiÚre ni puanteur ainsi qu'ont fait les cinq plaies qu'il a reçues en son saint corps. Epée, je te commande, au nom et par la puissance de celui à qui toutes les créatures obéissent, que tu ne fasses non plus de mal à cette créature que la lance qui perça le sacré cÎté de Jésus-Christ, étant pendu à l'arbre de la croix.

Ajoutez le signe de la croix (34).

Prendre la coupure entre le pouce et les doigts. La serrer en disant :

Sang de coupure, rentre dans ta veine, comme le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ est rentré dans la sienne.

Prononcer Ă  nouveau la priĂšre en passant le doigt sur la coupure.

(32) Archives départementales de l'Allier. E.793. Livre de raison d'Antoine Dorat.

(33) ROULEAU : Folklore bourbonnais. Bulletin de la Société Bourbon- naise des Etudes Locales, 1922, p. 185. - Claude ROULEAU : Essai de folk- lore de la Sologne bourbonnaise, p. 118.

(34) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département de l'Allier, p. 46.

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Faire le signe de la croix avant et aprĂšs. Ajouter cinq Pater et cinq Ave, Ă  l'intention de Dieu et de la Vierge Marie (35).

Dieu tout puissant, JĂ©sus-Christ que donna son sang pour nous.

Faire trois fois le signe de la croix et ajouter :

Sang, sang, sang, arrĂȘte-toi. JĂ©sus-Christ l'ordonne (33).

Pour l'estomac décrocheté :

En allant au Jardin des Olives, en dansant, en se divertissant, N. . . . (noms de baptĂȘme et de famille du patient) s 'est dĂ©mis l'estomac. Je vous prie, saint Pierre et saint Paul, remettez-lui en place, au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit (36).

Pour la veine sauvée :

Veine sautĂ©e, veine foulĂ©e, veine dĂ©mise, Dieu te remette Ă  l'endroit oĂč tu es sortie, au nom de la Vierge Marie. Au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit (36).

Pour le filet des reins sauté :

Filet sautĂ©, filet foulĂ© et filet dĂ©mis, Dieu te remette Ă  l'endroit oĂč tu es sorti, au nom de la Vierge Marie (34).

Pour l 'entorse :

Otez, au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit. Otez, au nom du PĂšre et du Fils et de superbe otez (36).

Dire trois fois, en faisant le signe de la croix sur l'entorse :

PÚre, antez, désanté; rantez ce que vous avez désanté (37).

PĂšre, antez; MĂšre, antez. Nerf retourne oĂč Notre Seigneur JĂ©sus-Christ t 'a placĂ© pour la premiĂšre fois.

Faire quatre fois le signe de la croix sur l'entorse, en ajoutant: Au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit. On fait ces signes

(35) F r a n c i s PÉROT : P r i Ăš r e s , i n v o c a t i o n s , f o r m u l e s sac rĂ©es , i n c a n - t a t i o n s en B o u r b o n n a i s . R e v u e des T r a d i t i o n s p o p u l a i r e s , 1903, p. 300.

(36) Recue i l l i e Ă  Y g r a n d e , en 1927.

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de croix avec l'orteil, si l'entorse est Ă  une jambe, avec le pouce, si elle est Ă  un bras (37).

Pour la morsure des bĂȘtes enragĂ©es ou venimeuses :

Oraison de Monsieur Sainct Patrice. Et la fault dire troys foys sur ung plain verre d'eau et chescune foys, il dize troys foys Pater Noster et Ave Maria. Et fault que le pacienz soict tout nud à genoux. Et aprÚs fault qu'il boive led plain verre d'eau sans en rien laisser. Et guérit ceste oraison de morsure de loupt, de chien enraigé, de morsure de serpens et d'aultres bestes venimeuses. Et aprÚs les troys jours fault faire [dire] une messe en l 'honneur de Monsr Sainct Patrice.

Oraison

Deus qui beato Patricino gloria confessori tuo, mirabili potentia expellandi venenon gratiam presta supplicibus tuis in ut quicquid morve viperi sive serp sive canino sive luppino precapatum fuerit per his sacratis In nomine ( + ) Hely ( + ) Hely ( + ) Hely ( + ) meritis precibus beati Patricii valeat. Per Dominum nostrum Jesum Christum qui tecum vivit et regnat deus eisdem spiritus sainct Dei per omnia sƓcula sƓculorum. Amen (38).

Pour la morsure de la vipĂšre ou du serpent :

Dire neuf fois :

Saint Simon s 'en va-t-Ă  la chasse. A chassĂ© trois jours et trois nuits sans avoir rien trouvĂ© qu'une mauvaise bĂȘte venimeuse de plusieurs couleurs, qui l 'a mordu lui et ses chiens. Saint Simon a fait un cri. Au cri, que Notre Seigneur JĂ©sus-Christ a entendu: « Simon, qu'as-tu donc ? » — « Mon Seigneur, j'ai chassĂ© trois jours et trois nuits, sans rien trouver qu 'une mauvaise bĂȘte veni-

(37) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (38) Archives municipales de Vieure. Registres paroissiaux. GG 4, f° 113

verso. Note de la main du curé Regrain (1594-1601). La page est en partie rongée par l 'humidité avec perte de texte.

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meuse de plusieurs couleurs qui m'a mordu, moi et mes chiens. »

— « Va-t-en, Simon. Prends de la graisse de porcelin mĂąle, qui s'appelle cochon, et neuf feuilles de ronce. Tu en frotteras la plaie jusqu'Ă  neuf fois, en disant: « La plaie guĂ©rira et la bĂȘte en pĂ©rira. » Au nom du PĂšre, et du Fils, et du Saint-Esprit (39).

Je barre de couleuvre en coulevresse (3 fois)

Je barre de aspi en aspisesse (3 fois)

Je barre de vipĂšre en viperesse (3 fois)

Seigneur, appelez vos chiens. Vos chiens m'ont blessĂ© d'une bouteille d'eau. — « Si mes chiens t 'ont blessĂ© d'une bouteille

d'eau, va Siméon chercher de l'éronde cinq feuilles, du lard vieux, de l'abulon blond; frette, frette, frette, que la mordure du chien devienne en rien ».

Barrer avec le pouce sur la morsure, en faisant le signe de la croix (40).

Notre Seigneur, tout en s 'y promenant, a rencontrĂ© saint Simon: « Saint Simon, d'oĂč viens-tu? » — « Mon Seigneur, je viens de la chasse. J'ai trouvĂ© que des couleuvres et des couleuvriĂšres qui m'on dĂ©vorĂ©, moi et mes chiens, mes lĂ©vriers ». — « Saint Simon, va-t-en Ă  la maison, tu trouveras ta guĂ©rison. Tu prendras neuf feuilles d'orientale et une feuille de fromagĂšre et une feuille de douale farineuse ; tu frotteras la plaie trois fois en descendant et trois fois en montant. La plaie guĂ©rira et la maudite bĂȘte pĂ©rira » (40).

Le Bon Dieu et saint Simon, Ă©tant allĂ©s Ă  la chasse avec trois chiens courants et autant de barrons, n'ont rien trouvĂ© qu'une affreuse vipĂšre qui a mordu un des chiens au talon. Le Bon Dieu dit Ă  saint Simon : « Retourne-t-en ; tu panseras le chien avec de l'herbe de la belette, une feuille de rondelette et de la fleur de perlinpinpin ; tu frotteras et tu dĂ©frotteras ; le chien en guĂ©rira et la bĂȘte venimeuse en pĂ©rira ». Ainsi soit-il (41).

(39) Recueillie à Ygrande, en 1927. (40) Recueillie à Louroux-Rourbonnais, en 1927. (41) Chanoine J.-J. MOKET : Devins et sorciers dans le département

de l'Allier, pp. 53 et 54.

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JĂ©sus-Christ a rencontrĂ© saint Simon. « Saint Simon, d'oĂč viens-tu ? » — « JĂ©sus, je viens de la chasse; j'ai chassĂ© trois jours et trois nuits sans pouvoir rien rencontrer que des couleuvres, des couleurs et des couleuriers qui m'ont dĂ©vorĂ©, moi, mes chiens et mon lĂ©vrier ». — « Saint Simon, va-t-en Ă  la maison, tu trouveras ta guĂ©rison; tu prendras du saindoux, du droidoux et du lorientant; tu t'en frotteras la plaie trois fois en montant et trois fois en descendant; ladite plaie guĂ©rira et la maudite bĂȘte pĂ©rira » (41).

Aidez-moi, chÚre Notre Dame. Par un matin, saint Simon s'est levé, Il a pris ses chiens et ses lévriers, S'en est allé au bois chasser. Et il n'a rien trouvé

Que la couleuvre qui l'a piqué, Lui, ses chiens et ses lévriers. Et Simon se tourmente.

Notre Seigneur s'apparut et lui demande : — « Simon, qu'as-tu ? » — « Seigneur, je suis ici. Me suis levĂ©, pour un matin, Je pris mes lĂ©vriers et mes chiens Je m'en suis allĂ© au bois chasser. Je n'y ai rien trouvĂ© Que la couleuvre qui m'a mordu, Moi, mes chiens et mes lĂ©vriers. » — « Va-t-en Ă  la maison

Et demande à Dieu pardon. Et prends de l'oing de porc sain, De la feuille du roussin, Et frotte la plaie en haut et en bas. Et de la plaie le venin sortira, Et la couleuvre en mourra » (42).

(42) Archives départementales de l'Allier. E.793. Livre de raison d'Antoine Dorùt. - A. VAYSSIÈRE : Discours admirable d 'un magicien de la ville de Moulins, pp. 24 et 25.

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Pour une morsure ou une piqûre :

Répéter trois fois :

Mauvaise piqûre, mauvaise soufflure, mauvaise mordure, je te panse et je te charme, au nom du PÚre et du Fils et du Saint- Esprit (43).

Pour l'engorgement :

Blaise martyr, serviteur de JĂ©sus-Christ, je vous commande de faire monter ou descendre, au nom du PĂšre et du Fils et du Saint- Esprit (44).

Pour la colique :

Dieu et la Vierge, et la bienheureuse dame Jeanne, qui ĂȘtes mĂšre de Monsieur saint Jean, vous qui guĂ©rissez du mal de ventre, de l'estomac, des coups, de la blessure et de toute sorte de mal, au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit (44).

Je barre la colique de sang, je barre la colique de ventraille, je barre la colique de vent. Je le dis et je le charme et j 'entends que tu en guériras; c'est le Bon Dieu et la Sainte Vierge qui sont maßtres de tout ça. Mon Dieu, écartez la colique de sang, écartez la colique ventraille, écartez la colique de vent, comme vous écartez les nuages sur les biens de la terre (45).

Poser le doigt sur le nombril du patient et dire :

Colique qui es entre mes poumons et mon fiel et ma rate, qu'elle me soit aussi douce que le lait de la Sainte Vierge a été dans les entrailles de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave, Ă  l'intention de saint Paul (45).

Pour les coups :

Sous la main de la Sainte Vierge, qu'il reste ni sang, ni tache, ni coup panché repanché.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave (45).

(43) Recueillie Ă  Viplaix en 1941. - Camille GACNON : Le Bourbonnais, terre unie aux aspects divers, p. 107.

(44) Recueillie Ă  Ygrande, en 1927. (45) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927.

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Pour l'Ă©rysipĂšle :

Mouiller le pouce et faire le signe de la croix sur la plaie, en disant trois fois :

Sur le pouce de la Sainte Vierge, qu'arrĂȘte pas plus de tache ni de coup que sur le fils de l 'homme. Au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il (46).

Je barre un ésipÚre rouge ; je barre un é'sipere noir ; je barre un ésipÚre blanc. Je te dis et je charme et j'entends que tu en guériras. C'est le Bon Dieu et la Bonne Sainte Vierge qui sont maßtres de tous cas.

Cerner l'Ă©rysipĂšle avec le pouce et le laver trois fois avec du blanc d'oeuf (45).

Pour le panari :

Dire trois fois :

Panari mùle, panari femelle, panari d'aventure, je le dis et je le charme et j'entends que tu en guériras. C'est le Bon Dieu et la Sainte Vierge Marie qui sont maßtres de tout ça (47).

Pour les maux d'yeux :

Saint Jean, tout en se promenant, a rencontrĂ© trois Vierges. Trois vierges lui disent: « Monsieur saint Jean nous guĂ©rira du mal des yeux ». 0 Vierge, guĂ©rissez de la maille, de la cataraque, de l'ongle et de l'erniĂšre et de tout mal qu'il peut y avoir. 0 Vierge, ĂŽ Vierge, ĂŽ Vierge, guĂ©rissez I'oeil de N... (nommer le patient par son nom de baptĂȘme). Le mal aura pas plus de pouvoir sur cet Ɠil que les Juifs en ont sur Notre Seigneur Ă  l'Ă©lĂ©vation de la Messe.

Souffler trois fois dans l'Ɠil malade (48).

(46) R e c u e i l l i e Ă  V i p l a i x , e n 1941 - C a m i l l e GAGNON: L e B o u r b o n n a i s ,

t e r r e u n i e a u x a s p e c t s d i v e r s , p p . 106 e t 107.

(47) R e c u e i l l i e Ă  L o u r o u x - B o u r b o n n a i s , e n 1927. - C h a n o i n e J . - J . M O R E T :

D e v i n s e t s o r c i e r s d a n s l e d Ă© p a r t e m e n t d e l ' A l l i e r , p . 53 . (48) R e c u e i l l i e Ă  L o u r o u x - B o u r b o n n a i s e n 1927. L e M Ă© d e c i n d e s P a u v r e s

d o n n e u n e v e r s i o n t r Ăš s v o i s i n e d e c e t t e p r i Ăš r e .

Page 31: LE FOLKLORE BOURBONNAIS

Monsieur saint Jean passant par ici, trouva trois Vierges Ă  son chemin. Il leur dit: « Que faites-vous ici ? » — « Nous guĂ©rissons la maille ». 0 Vierges, guĂ©rissez !'Ɠi! de N. . . . , au nom du PĂšre, etc.

Bouffer dans l'Ɠil trois fois et dire :

Maille, feu, grisfeu, que ce soit ongle, migraine, araignĂ©e, vous n 'aurez non plus de puissance sur cet Ɠil que les Juifs au jour de PĂąques sur le corps de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ.

Bouffer Ă  nouveau dans l'Ɠil. RĂ©pĂ©ter la priĂšre trois fois de suite, trois matins avant soleil levĂ©. Le malade dira trois Pater et

trois Ave Ă  l'intention de saint Jean et des Vierges (49).

Pour le catairne :

Au nom de Dieu et de Marie, salaud, vilain, salaud, vilain Satan, je te conjure catairne catairniaux, que tu prennes pas plus droit sur cet enfant que le prĂȘtre a droit de dire la messe sans vin.

Souffler trois fois sur le bas ventre de l'enfant.

Faire le signe de la croix sur soi et sur l'enfant, au commen- cement et Ă  la fin (50).

Pour le rhabillage :

Mon Dieu, mon PÚre, mettez votre main sur mon travail avant que j 'y mette la mienne. Mon PÚre, ribantez sur tirlibante. Guéris- sez de la foulure, guérissez de la rompeure, de l'ellayeure et de l'entorse et de tout mal qu'il peut avoir. C'est le Bon Dieu et la Bonne Sainte Vierge Marie qui sont maßtres de tout ça (50).

Passer le pouce mouillé de salive sur la fracture en disant : Sainte Anne. AprÚs le pouce, passer chaque doigt toujours mouillé de salive sur la fracture en disant chaque fois : Sainte Anne. Au dernier doigt, ajouter : Sainte Anne, je vous prie, guérissez le bras, la jambe ou le membre de N.... Je te conjure, je te barre, je te charme. Dieu et la Sainte Vierge Marie sont le maßtre de tout ça.

Répéter l'opération trois fois de suite et ajouter cinq. Pater et cinq Ave à l'intention des ùmes du Purgatoire (51).

(49) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département de l'Allier, pp. 48 et 49.

(50) Recueillie à Louroux-Bourbonnais en 1927. (51) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département de

l'Allier, p. 49.

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Se procurer du linge de l'autel sur lequel ont été dites les trois messes de Noël, l'appliquer sur la blessure et dire trois fois en faisant trois fois le signe de la croix, au nom du PÚre, du Fils et du Saint-Esprit :

Je crois au sacré et saint jour de Noël que Dieu nous a donné pour plaie rejoindre et os reprendre et nerfs résoudre et feux éteindre et sang étancher, et comme il est vrai que la Vierge Marie enfanta ce jour-là, sans peine et douleurs souffrir.

Faire trois fois le signe de la croix (52).

Pour les dartres :

Faire sur soi le signe de la croix de la main droite. Couper la dartre avec le pouce gauche et dire trois fois :

Dardo, dodarde, passe aussi vite que la Sainte Vierge a fait son enfant. Dardo, dodarde, passe aussi vite que tu es venue. Au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit.

Faire ensuite le signe de la croix de la main droite sur la dartre (53).

Dire Ă  quatre endroits autour de la dartre :

Dartre je te barre, je te croise et au nom de Dieu, va-t-en.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave (53).

Le matin, dire aux dartres: « Bonsoir », et le soir: « Bonjour, dartres », en ajoutant leur couleur, et dire ensuite :

Dartre blanche (ou de telle autre couleur), je te conjure, je te barre, je te charme, et j'entends que tu guériras. Dieu et la Sainte Vierge seront le maßtre de tout cela.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave (54).

(52) Archives dĂ©partementales de l'Allier. E'. 793. Livre de raison d'Antoine Dorat. - A. VAYSSIÈRE : Discours admirable d'un magicien de la ville de Moulins. - Francis PÉROT : PriĂšres, invocations, formules sacrĂ©es, incantations en Bourbonnais. Revue des Traditions populaires, 1903, p. 299.

(53) Recueillie à Louroux-Bourbonnais en 1927. (54) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département

de l'Allier, p. 49.

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Pour le chancre :

Dire Ă  voix basse, dans la bouche du malade :

Chancre, mauvais chancre, chancre, je te conjure, au nom du PĂšre, du Fils et du Saint-Esprit (55).

Faire le signe de la croix sur soi et dire trois fois :

Chancre blanc, chancre rouge, chancre noir, sept sortes de chancres, tout mal qu'il peut y avoir, je te barre, je te charme aussi vite que la Sainte Vierge a été enterrée dans le jardin des Olives de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Souffler chaque fois dans la bouche du patient. Lui mettre au cou un collier de neuf aulx; mettre en outre neuf aulx dans la cheminée. Les laisser neuf jours en ayant soin qu'ils ne soient comptés par personne (56).

Chancre blanc, chancre rouge, chancre jaune, chancre noir, chancre de toute sorte, je te somme de sortir de la bouche de N (nom et prénom du patient), aussi pur, aussi net que Notre Seigneur Jésus-Christ était né.

Sortir dehors, le matin, avant le lever du soleil ou le soir, aprĂšs son coucher et dire cinq Pater et cinq Ave, en fixant la lune ou une Ă©toile (56).

Pour le croup :

Approcher votre bouche de la bouche malade en disant :

Chancre rouge, chancre blanc, chancre noir, quelque chancre que ce soit, quelque scorbut que ce soit, quelque mal que ce soit, je te conjure, je te barre, je te charme et j'entends que tu guérisses. Dieu et la Sainte Vierge Marie seront le maßtre de tout cela.

Répéter trois fois de suite et, à chaque fois, bouffer neuf fois sur le mal.

La priĂšre doit ĂȘtre dite trois jours de suite, le matin, avant soleil levĂ©', en commençant, autant que possible, un lundi (57).

(55) Recueillie à Valigny-le-Monial, en 1848. Notes Robertet : Archi- ves de ,Me Mallard, avocat à Montluçon.

(56) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (57) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département

de l'Allier, p. 46.

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Chancre rouge, noir ou blanc, je te commande de par le grand Dieu vivant que tu n'aies à manger la chair ni le sang de N.... (nom et prénom du patient) que voici présent.

Faire le signe de la croix. Il faut dire cette oraison trois fois chaque matin, sur le mal, pendant neuf matins. En mĂȘme temps, le patient dira ou fera dire neuf Pater et neuf Ave (58).

Au nom du PĂšre et du Fils et du benoit Saint-Esprit (3 fois). Chancre, chancre, chancre, de quelque mal que ce soit, sors de la partie oĂč il est d'un tel. Chancre, perds ta chaleur, comme Judas perdit sa couleur, quand il vendit Notre Seigneur. Au nom du PĂšre, du Fils et du Saint-Esprit; chancre par le soleil et par la lune (3 fois), sors de la partie d'un tel. Au nom du PĂšre, du Fils et du

1 Saint-Esprit (59).

Croup rouge, je te conjure; croup blanc, je te conjure; croup baveux, je te conjure; croup venimeux, je te conjure; croup char- bonneux, je te conjure; croup de tous les croups, je te conjure; mal de tout mal, je te conjure de Dieu et de la Sainte Marie, de périr. Tu fondras de la bouche de N.... (nom du patient) aussi vivement et aussi promptement que la grande rosée part devant le saint soleil levé à la grand saint Jean.

Variante : Tu fondras aussi vite que la rosée est fondue par le soleil levé au mois de mai. Au nom du PÚre et du Fils et du Saint- Esprit (60).

Pour la pleurésie :

Saint Gilles le Mer, j'ai entrepris un autel de trois personnes de JĂ©'sus-Christ Ă  faire. J'en ai tant fait que j'en ai parfait; mon sang s'en est mĂȘlĂ©. Saint Gilles le Mer, assis sur une pierre, Notre Seigneur JĂ©sus-Christ vient Ă  passer: « Saint Gilles le Mer, que

(58) Archives départementales de l'Allier. E..793. Livre de raison d'Antoine Dorat.

(59) Archives dĂ©partementales de l'Allier. E.793. Livre de raison d'Antoine Dorat. - A. VAYSSIÈRE : Discours admirable d 'un magicien de la ville de Moulins, p. 22. - Francis PÉROT : PriĂšres, invocations, formules sacrĂ©es, incantations en Bourbonnais. Revue des Traditions populaires, 1903, p. 298.

(60) J. MORIOT : Sorciers et rebouteux. Revue scientifique du Bour- bonnais, 1901, p. 173. - Francis PÉROT: PriĂšres, invocations, formules sacrĂ©es, incantations en Bourbonnais. Revue des Traditions populaires, 1903, p. 298.

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fais-tu lĂ  ? )) — « Notre Seigneur j'ai entrepris un autel de trois personnes de JĂ©sus-Christ Ă  faire que j'en ai fait, que j'en ai parfait; mon sang s 'en est mĂȘlĂ© ». — « Saint Gilles le Mer, crois en Dieu; crois profond. Tous ceux et celles qui y croiront, le sang mĂȘlure en guĂ©riront ».

Ajouter cinq Pater et cinq Ave Ă  l'intention de saint Gilles le Mer et de Notre Seigneur (61).

Pour les douleurs :

Poser la main sur le siĂšge de la douleur et dire :

Sainte Anne qui enfantez, la Vierge Marie qui enfantez JĂ©sus- Christ; que Dieu te guĂ©risse et bĂ©nisse, pauvre crĂ©ature N.. . . (nom de baptĂȘme du patient). Je prie Notre Seigneur JĂ©sus-Christ de te guĂ©rir de rancure, de rupture, d'entrave et de toute sorte d'infir- mitĂ©s quelconques, en l 'honneur de Dieu et de la Vierge Marie et de Monseigneur saint Come et saint Domenien.

Faire le signe de la croix avant et aprÚs et dire trois Pater et trois Ave pendant neuf jours, à genoux, en l'honneur des angoisses qu'a endurées Notre Seigneur sur le calvaire (61).

Pour la fiĂšvre :

Quand JĂ©sus vit sa croix, oĂč son corps fut mis, tout le corps lui trembla, le sang lui moura. Il survint un juif, nommĂ© Marcantin, qui lui dit: « Je crois que tu as peur ou que les fiĂšvres te tiennent ». — « Non, rĂ©pondit JĂ©sus, je n'ai point peur ni les fiĂšvres ne me tiennent point, mais quiconque l'oraison dira, jamais fiĂšvre ni frisson n'aura. FiĂšvre tierce, fiĂšvre demi-tierce, fiĂšvre quarte, fiĂšvre demi- quarte, fiĂšvre lente, fiĂšvre demi-lente, fiĂšvre quotidienne, fiĂšvre intermittente, fiĂšvre maligne, fiĂšvre poureuse, de quelle nature tu puisses ĂȘtre, je te conjure de quitter le corps de N. . . . , au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit, de la part de Monsieur saint Pierre, de Madame sa mĂšre, qui le guĂ©riront de la fiĂšvre » (62).

Quand Jésus portait sa croix survint un juif nommé Marc-Antoine qui lui dit: « Jésus tu trembles ». Jésus lui répond: « Ni je tremble, ni je frissonne », et celui qui prononcera ces paroles dans son

(61) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927. (62) Chanoine J.-J. MORET, op. cit., pp. 47 et 48.

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cƓur n'aura jamais ni fiĂšvre ni frisson. Dieu a commandĂ© aux fiĂšvre tertresse, fiĂšvre quarte, fiĂšvre intermittente, fiĂšvre puerpĂ©rale, de se retirer du corps de cette personne. JĂ©sus, Marie, JĂ©sus (63).

Pour remettre la matrice :

De bon matin, la Sainte Vierge s 'est levée et en se promenant,

rencontre son fils JĂ©sus: « Bonjour, mon fils JĂ©sus ». — « Bonjour, ma mĂšre; oĂč vas-tu ma mĂšre ». — « Je vais guĂ©rir la fille de N. . . . ». « Retournez-vous-en, ma mĂšre, prenez de la graisse de porcelin, vous lui en frotterez les flancs et les cĂŽtĂ©s en disant : « Que Dieu et notre bonne Dame de Mars la remettent oĂč elle Ă©tait, au nom du

PÚre et du Fils et du Saint-Esprit ».

Ajouter trois Pater et trois Ave Ă  l'intention des Ăąmes du purga- toire (64).

Pour les maux de matrice, de rate ou de la mĂšre :

Appuyer les deux mains sur le mal en le reconduisant Ă  sa place et en disant trois fois :

Sainte Marie, Sainte Marguerite, Sainte Elisabeth, prenez au jardin des Olives tout ce qui vous faut pour guérir N. . . . de la matrice, de la rate, de la mÚre ou de quelque mal que ce soit, au nom du PÚre et du Fils et du Saint-Esprit.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave à l'intention des ùmes les plus tourmentées du purgatoire (65).

Pour l'accouchement :

Anna peperit Mariam, Mariam Salvatorem, Elisabeth Joanem, Maria Jacobi Jacobum Zelotem. Fac mulier ista pariet filium in nomine Domini Jesu Christi. Puer qui in utero matris, si sis masculus vel puella, veni foras. Christus te vocat videre lucem, te desirat ne moreris. Veni foras in nomine Domini Nostri Jesu Christi. Mulier cum parit, tristitiam habet quia venit hora ejus, et quando

(63 J . M o R i O T : S o r c i e r s e t r e b o u t e u x . R e v u e s c i e n t i f i q u e d u B o u r - b o n n a i s , 1901, p . 173. - F r a n c i s PÉROT : P r i ù r e s , i n v o c a t i o n s , f o r m u l e s

s a c r Ă© e s , i n c a n t a t i o n s e n B o u r b o n n a i s . R e v u e d e s T r a d i t i o n s p o p u l a i r e s ,

(64) C h a n o i n e J . - J . M O R E T : D e v i n s e t s o r c i e r s d a n s l e d Ă© p a r t e m e n t d e l ' A l l i e r , p . 52 .

(65) C h a n o i n e J - J . M O R E T , o p . c i t , p . 57 .

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peperit filium, non meminit pressurƓ propter gaudium qui natus et homo in mundo. Jesu ( + ) Nazarenus ( + ) Rex ( + ) Judoeorum ( + ) miserere nobis ( + ). Ego sum Alpha ( + ) et Omega. Principium ( + ) et finis. Amen (66).

PRIÈRES POUR LE BÉTAIL.

Pour la grappe :

Faire le signe de la croix avec le pouce Ă  toutes les jointures de la bĂȘte, deux fois sur les Ă©paules et Ă  la croisĂ©e de derriĂšre. Barrer cinq fois et dire cinq fois :

Je mets cette bĂȘte sous la Providence du grand Vendredi Saint et du Jardin des Olives. Je te guĂ©ris de la boĂźte, de la grappe, de l'escorbut, de trente-six maladies, Ă  toi comme Ă  moi (67).

J'annonce les quatre nerfs à Notre Seigneur Jésus-Christ. Je guéris de la grappe et de l'escorbut, trente-six maladies que tu peux avoir comme moi. Que ton cadavre et le mien assent pas plus de mal que le grand Vendredi Saint du Jardin des Plantes et des Olives.

Faire le signe de la croix sur soi et sur la bĂȘte, au commen- cement et Ă  la fin et faire le signe de la croix avec le pouce droit sur toutes les jointures de la bĂȘte.

Si l'on veut protĂ©ger tout son troupeau, il faut faire la priĂšre Ă  chaque bĂȘte, tous les ans, dans le plein de la lune de mars, juste Ă  l 'heure du plein (67).

Pour la tranchée :

TranchĂ©e rouge (ou tranchĂ©e blanche), n'ayez pas plus d'onction dans le corps de ma vache blanche (ou tel autre animal dont on mentionne la couleur du poil) que le Diable n 'en a sur les prĂȘtres.

Dire la priÚre huit fois. La redire une neuviÚme fois, en citant toutes les sortes de tranchées et ajouter cinq Pater et cinq Ave à l'intention du bon Saint Fiacre (67).

(66) Francis PÉROT : La grande priùre des sorciers. Revue des Tradi- tions populaires, 1905, p. 405. Cette priùre est extraite des registres parois- siaux de Nizerolles, en 1680.

(67) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927.

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Pour le charbon :

Dire cinq fois de suite en commençant par faire le signe de la croix sur la bĂȘte :

Notre Seigneur JĂ©sus-Christ, Ă©tant sur la croisĂ©e de quatre chemins, rencontre une vache rouge (ou blanche, etc.. . , dĂ©signer la couleur du poil de la bĂȘte malade), couverte de peste et de charbon, charbon rouge, charbon noir, charbon blanc, de quelque charbon que ce soit. « VerpillĂšre et maux blancs, vous n 'aurez pas plus de pouvoir sur la vache rouge de N.. . . (dĂ©signer la couleur du poil de la bĂȘte et le nom de son propriĂ©taire), que n'auront les Juifs, le jour de PĂąques, sur le corps de Notre Seigneur JĂ©sus- Christ. Amen (68).

Pour le gonflement :

Faire le signe de la croix de la main gauche; passer la main sur la bĂȘte, depuis le nez jusqu'au bout de la queue, en suivant le long des reins et dire trois fois :

Tranchée blanche, tranchée jaune, tranchée extravagante, tranchée intercédée de Notre Seigneur Jésus-Christ, vent, allez-vous-en (68).

Pour l 'Ă©tranglement :

Bienheureux saint Blaise, prĂšs de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ, veillez par votre vĂ©tation prĂšs de Notre Seigneur JĂ©sus-Christ, que la bĂȘte de poil rouge (ou blanc, dĂ©signer la couleur du poil), que ce qu'elle a dans le cou, que ça sorte ou que ça rentre.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave (68).

Pour envoyer le bétail dans le trÚfle :

Faire bien manger les bestiaux afin qu'ils soient saouls. Avant de les lĂącher dans le trĂšfle dire:

Mon Dieu, je vous offre mon travail. Recevez-le, s'il vous plaĂźt.

Puis prendre sa chaussure au pied gauche, en passer trois fois le bout dans la bouche de chaque bĂȘte, les clous de la chaussure en l'air en disant neuf fois pour chaque bĂȘte :

Mon Dieu, rendez-moi mon bƓuf (ou ma vache) le soir, comme je vous le donne le matin.

(68) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927.

Page 39: LE FOLKLORE BOURBONNAIS

Ajouter ensuite en lĂąchant la bĂȘte :

Mon Dieu, je vous mets le maütre de mon bƓuf (ou de ma vache).

Tout cela doit ĂȘtre fait avant midi.

Si par malheur, une bĂȘte gonflait, prendre la chaussure du pied gauche, la repasser neuf fois dans la bouche de l'animal en disant:

Mon Dieu, rendez-moi mon bƓuf comme je vous l'ai donnĂ©.

Faire le signe de la croix au commencement et Ă  la fin (69).

Pour mener sans peine une vache Ă  la corde :

Acheter une corde qui n'ait jamais servi. La mettre Ă  la tĂȘte de la vache en disant :

Mon Dieu, ainsi que la Sainte Vierge Marie, mettez la main sur mon travail avant que j'y mette la mienne. Attacher ensuite la corde en disant :

Au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit. Puis ajouter :

Marche comme moi (70).

Pour les avives :

Cheval (gris ou rouge ou d'autre couleur) appartenant à N...., si tu as les avives, de quelque couleur qu'elles soient, ou trente-six sortes de maux, en cas qu'ils y soient, que le bienheureux Eloi te guérisse (71).

Cette priÚre est presque entiÚrement tirée du Grimoire du Pape Honorius.

Une version voisine a Ă©tĂ© recueillie Ă  Valigny-le-Monial avec les dĂ©tails suivants: « Voici une autre recette qui m'a Ă©tĂ© donnĂ©e le 28 novembre 1849 par M. Simonet AndrĂ©. Son beau-pĂšre la tenait de M. Duvernay, ancien seigneur de Bardais. L'un et l'autre affirmaient, sur leurs grands dieux, l'infaillibilitĂ© de la recette. M. Duvernay affirmait mĂȘme que, sur la route de Sancoins Ă  Saint- Amand, il rencontra une charrette dont le cheval Ă©tait Ă©tendu, le ventre en l'air. Le voiturier se dĂ©sespĂ©rait; il le croyait mort.

(69) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927. (70) Recueillie Ă  Louroux-Bourbonnais, en 1927, et Chanoine J.-J.

MORET: Devins et sorciers dans le département de l'Allier, p. 50. (71) F. GILBERT : Les sorciers en Bourbonnais, p. 25.

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M. Duvernay qui passait par hasard, descend de cheval, fait, comme il disait, son remÚde. A peine le nom d'Eloi fut-il prononcé que le cheval se relÚve, et l'homme de continuer sa route. Je crois au fait, en niant qu'il faille attribuer la guérison aux paroles. Ce qu'il y a de certain cependant, c'est que M. Mathieu Simonet auquel la recette avait été donnée, avait acquis une réputation immense, comme guérisseur de tranchées. Il était appelé à plusieurs lieues à la ronde et l'histoire rapporte que la guérison suivait toujours. Je copie la recette telle qu'elle m'a été donnée, sans retrancher une seule lettre. L'écrit est de la main de M. Duvernay. Il prouve que le seigneur de Bardais n'était pas plus fort en orthographe qu'en grammaire :

RemÚde pour les tranchées :

« Vous prenez l'avive droite de la main droite. Vous la serrez, en disant: Avive, avive, avive... (tant que vous avez d'allaine); puis vous passez derriÚre l'animal; vous vous croisez les bras. De chaque main, vous faites la croix sur les tranchées, toujours les bras croisés, en disant: Tranché rouge, tranché blanc, tranché venteur, quel tranché que ce soit, je t'envois, en l'honneur du bon Saint- Eloi » (72).

Cheval ou jument (de tel poil, grys ou novis), sy tu as vyves ou tranchées, je te commande, de par nostre Seigneur Dieu et de par Notre-Dame, que tu ayes à guérir incontinent, en souffrant non plus de peine que feit Notre-Dame quand elle enfanta. Au nom du PÚre et du Fils et du Saint-Esperit. Et dites Pater noster et Ave

. Maria. Et le tout dire par troys foys (73).

Pour garantir les bĂȘtes du loup :

Dire, Ă  genoux, en les sortant de l'Ă©curie :

Saint Antoine et sainte Agathe, que Dieu garde du loup et de la louve, toute bĂȘte que j'envoie dans les champs.

Faire le signe de la croix avant et aprĂšs (74).

(72) Notes Robertet. Archives de Me MAIXARD, avocat à Montluçon. (73) Livre de raison de la famille Morel (XVIe siÚcle). Archives com-

munales de Montaigu-le-Blin. Bulletin de la Société d 'Emulation du Bour- bonnais, 1927, p. 15.

1 (74) Chanoine J.-J. MORET, op. cit., p. 54.

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Je prye Dieu, la Vierge Marie, Sainct Cartaud, Sainct Anibaud, Sainct Luc et Saincte Amique, qu'il veulle sauver et garder mais chevallines du loupt, de la louve et de toutes maulvÚses bestes durant le court de ceste année. In nomine Patris... Amen. Pater

noster; Ave Maria, une fois seulemen. Il faut dire sezy, le dimanche, pendant que le prĂȘtre lĂšve le Saint-Sacrement... A l'issue de ladite messe, fault fĂšre dire au prestre qui aura sĂ©lĂ©brĂ© ladite messe, une messe seiche de Sainct-Luc et la paier et puis s 'en aller jecter ses jumen dehors de l'estable, car il ne fault pas qu'elle soict misse dehors jusques ad ce que le tout soict fait. Et fault qu'elle soict ancoublĂ©e le sabmedi devant par celluy qui fait ladite recepte et par lui dĂ©coublĂ©e et mise Ă  l'Ă©table et qu'elle mette les ancoubles dans ladite estable, soulz la porte et que par luy, elle soit le lendemain encoublĂ©e et moĂŻenant la grĂące de Dieu, durant ladite annĂ©e, elles se porteront bien (75).

A Valigny-le-Monial, des priĂšres similaires Ă©taient couramment usitĂ©es vers 1848. En raison du voisinage de la forĂȘt de Tronçais, les loups y prĂ©sentaient un danger certain. Les notes suivantes fixent d 'une maniĂšre prĂ©cise les pratiques de l'Ă©poque :

« Une priĂšre, faite chaque soir, Ă  certain saint du paradis, prĂ©serve les poulains de la dent du loup. Ceci, dit-on, est une chose certaine. J 'avais dans ma rĂ©serve de MontmarchĂ© un fort joli poulain de quatre mois. Une belle nuit, il devint la proie du loup. Mes voisins de me blĂąmer de n'avoir pas fait ou fait faire la priĂšre. Celui qui tĂ©moignait le plus de regrets Ă©tait le sacristain. « J 'en suis trĂšs fachĂ©, disait-il. J 'aurai si bien fait la priĂšre pour votre petite bĂȘte, en mĂȘme temps que je la fais pour mon poulain. Mais vous n 'y croyez pas et il faut croire; puis, vous vous seriez encore moquĂ© de moi. Au surplus, pour moi, je m'inquiĂšte fort peu du loup. Je dors bien tranquille; je m'en moque ». Le lendemain, il n'existait qu'un quartier de son poulain ! Le loup en avait mange les trois autres. Cet Ă©vĂ©nement ne convertit personne et n'attira au pauvre sacristain que force sarcasmes. « 'Il Ă©tait ivre », disait l'un « Il s 'est oubliĂ© dans les bras de sa belle », disait l'autre. Le saint,

comme de raison, n 'eut pas tort.

A cette occasion, Louison Bourdin, l 'un des madrés du pays et

aussi fripon qu'adroit, rapportait une anecdote qui rétablissait envers les habiles du bourg la réputation du saint. Pendant le temps que

(75) Registres paroissiaux. Archives communales de Gennetines. GG 2, f° 3 verso.

Page 42: LE FOLKLORE BOURBONNAIS

son pÚre était colon de Montmarché, il s'était spécialement chargé de l'expulsion des loups et de la conservation des poulains de la ferme. Chaque soir, il adressait sa priÚre à Saint... et dormait tranquille. Etant allé à la foire de Bourges du 11 novembre, à l'effet d'acheter des moutons, il s'était oublié et se réveille à minuit, se rappelle son oubli, s 'écrie: « Mes poulains sont dévorés », se jette à genoux, fait deux priÚres. Mais alors, le sacrifice était consommé. Lorsque, le lendemain, il arriva à Montmarché, il apprit la nouvelle que, dans la nuit, deux poulains avaient été dévorés » (76).

Pour les maladies des bĂȘtes Ă  corne :

Dire trois fois, la main droite sur la tĂȘte de l'animal :

Saint Luc et sainte Luce s 'en vont par les champs;

Ils ont trouvé le bruno en champ.

Sainte Luce dit qu'il morra,

Saint Luc dit qu'il ne fera,

Que la lente en crévera

Et que le bruno guarira (77).

PRIÈRES POUR DIVERSES CIRCONSTANCES.

Pour arrĂȘter un essaim :

Mon Dieu, les mouches s'en vont, Saint Jean, arrĂȘtez-les (78).

Saint Pierre et saint Jean, un jour en se promenant, ont ren- contrĂ© une mouche s'envolant. Saint Pierre dit Ă  saint Jean : « ArrĂȘtons-la; nous donnerons le miel aux pauvres et la cire Ă  l'Ă©glise ».

Jeter de la terre sur l'essaim et faire le signe de la croix (79).

(76) Notes Robertet. Archives de Me Mallard, avocat à Montluçon. (77) Archives départementales de l'Allier. E.793. Livre de raison

d'Antoine Dorat. - A. VAYSSIÈRE : Discours mĂ©morable d 'un magicien de la ville de Moulins, p. 24. - Francis PÉROT : PriĂšres, invocations, etc... Revue des Traditions populaires, 1903, p. 304.

(78) Recueillie Ă  Theneuille en 1927. (79) Chanoine J.-J. MORET, op. cit., p. 47.

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Pour empĂȘcher les limaces de manger les semailles :

Dire un Pater et un Ave puis prendre une poignée de grain. La

répandre dans la haie en prenant bien garde qu'aucun grain ne tombe dans le champ et dire :

Au nom de la Sainte Vierge et de Notre Seigneur Jésus-Christ, v'là la part d'la limace et de tous ses p'tits limaçons.

Ajouter un nouveau Pater et un nouvel Ave (80).

Pour protéger le charroi du bouvier :

Au dĂ©part, en piquant les bƓufs, dire :

Au nom du PĂšre et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. A la garde du bon Dieu, de la Sainte Vierge Marie et du bon saint

Roch. Qu'ils me préservent de malheur et d'accident ».

Si les bƓufs s'embourbent, rĂ©citer Ă  genoux cinq Pater et cinq

Ave Ă  l'intention des Ăąmes du purgatoire. Se lever et piquer les

bƓufs en disant: « A la garde du Bon Dieu, de la Sainte Vierge et du bon Saint-Roch » (81).

En Sologne bourbonnaise, au dressage des jeunes bƓufs, on

leur plaçait sur le front, sous le joug, des crins de leur queue, en disant de mĂȘme: « A la garde du Bon Dieu, de la Sainte Vierge et de saint Roch. Ainsi soit-il » (82).

Pour empĂȘcher qu'on enlĂšve la graisse du foin :

La veille de la saint Jean, en plein jour, couper dans chaque

pré une poignée de foin, à chaque coin du pré. En arrivant à la maison, le mettre de cÎté, en disant :

Mon Dieu, gardez-moi ce que j 'ai; je ne demande point ce qui est aux autres (83).

(80) Recueillie à Ygrande, en 1927. (81) Chanoine J.-J. ,MORET, op. cit., p. 56. (82) ROULEAU : Folklore bourbonnais. Bulletin de la Société Bourbon-

naise des Etudes Locales, 1923, p. 46. - Claude ROULEAU : Essai de folklore de la Sologne bourbonnaise, p. 121.

(83) Recueillie Ă  Theneuille en 1927.


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