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LE FOLKLORE BOURBONNAIS

Jun 18, 2022

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LE FOLKLORE BOURBONNAIS

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CAMILLE /GAGNON

LE F O L K L O R E B O U R B O N N A I S

LES DITS, LES CHANTS ET LES JEUX

Editions HORVATH 10, rue Benoit Malon 42300 ROANNE

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JUSTIFICATION DU TIRAGE DE CETTE NOUVELLE ÉDITION

3 VOLUMES, format 16 x 24 cm, près de 1 400 pages de texte représentant l'œuvre principale de Camille Gagnon et 1 VOLU- ME constituant la partie iconograpique de la série, publié sous la direction de la Société d'Histoire de Vichy et des environs.

SÉRIE A: Exemplaires numérotés de 1 à 150, imprimés sur beau papier, de luxe - spécialement sélectionné pour cette édition -reliés peau grenat, dorés sur tranche supérieure, présentés dans un emboîtage de luxe.

SÉRIE B: Exemplaires numérotés de 151 à 400, reliés pleine toile rustique, une gravure frappée dans le plat.

SÉRIE C : Un certain nombre d'exemplaires non numérotés, pré- sentation courante, destinés à être vendus isolément.

Seul le dernier volume portera le numérotage de la série

Direc t eu r d e Publ icat ion : G é r a r d TISSERAND

I.S.B.N. 2-7171-0185-3

@ Editions HORVATH - 42300 ROANNE

Page 6: LE FOLKLORE BOURBONNAIS

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PRIÈRES

Des prières, nées en marge de celles qu'enseignaient au caté-

chisme ou au cours d'exercices pieux les prêtres dans les paroisses,

rencontraient autrefois la faveur populaire dans tout le Bourbonnais.

P E T I T E S ORAISONS.

Tout d'abord, on peut noter de courtes oraisons comme la suivante :

En passant devant une croix :

Je vous salue, Sainte Croix, C'est ni pour la pierre, ni pour le bois, C'est pour Notre-Seigneur-Jésus-Christ qu'est en croix (1).

En prenant de l'eau bénite :

Eau bénite, je te prends, Sur mon corps, sur mon sang, Si la mort me surprend, Sers-moi de sacrement (1).

(1) Prières populaires recueillies par M. l'Abbé Boudant, curé de Chantelle. Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds français, 3338, f08 5 à 11. Abbé BOUDANT, Histoire de Chantelle, p. 190.

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ou cette variante :

En prenant le pain bénit :

Pain bénit, je te prends, Si la mort me surprend, Sois-moi Saint Sacrement (2).

iEt les invocations aux saints protecteurs, par exemple à Saint Hubert, lorsque l'on partait en voyage et que l'on pouvait redouter la rencontre des animaux malfaisants et des chiens enragés, péril redoutable jusqu'aux découvertes pastoriennes :

Bon Saint-Hubert glorieux, Dont Dieu est amoureux, De quatre choses gardez-nous : De l'ennemi, de la sarpent, Du chien et du loup qui courent les champs, Qu'ils ne s'approchent pas plus de nous Que le feu du Ciel. Ainsi soit-il (3).

Selon les lieux et les défaillances de mémoire, la prière se transformait. On peut la retrouver sous d'autres aspects, comme celui-ci :

Saint-Hubert, fils de Dieu amoureux, Gardez-moi de trois choses :

L'ennui, la serpent, le chien courant. Que ça s'approche pas plus de moi Que les petites étoiles du Ciel. Vive Jésus, vive Jésus. Je veux vivre et mourir pour la mort de Jésus (4).

ou bien

Je me lave les mains, Je trouve le Bon Dieu à mon chemin, La Sainte Vierge à une brassée. Dieu me garde une bonne journée.

(2) Recueillie auprès de M. l'Abbé Mandet, curé-doyen de Charroux, en 1929. Abbé MANDET, Charroux-d'Allier, p. 90.

(3) Prières populaires recueillies par M. l'Abbé Boudant, curé de Chantelle. Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds français, 3338, f08 5 à 11. Abbé BOUDANT, Histoire de Chantelle, p. 190.

(4) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927.

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Saint-Hubert glorieux, de trois choses me défende : Des chiens fous, des loups fous, Des verpis et des serpents. Que toutes sortes de bêtes enragées M'approchent pas plus que la petite étoile du Ciel (5).

Voici encore une invocation à Saint Abdon qui se disait en cas d'orage :

« Saint Abdon, souffre pour nous le tonnerre et que nous en soyons délivrés » (6).

Parfois, la prière populaire se risque à employer le latin, comme dans une oraison qui se récitait à Doyet, lorsqu'il tonnait :

Jésus Christus, rex glorioe Venit in pace. Deus homo factus est, Et verbum caro factum est. Christus regnat, Christus imperat, Ab omni malo nos defendat. Amen (7).

D'une autre veine apparaît l'invocation à l'abouette ou bine, recueillie à Brugheas :

Bine, bine, Monte aux ciaux, Priie Djiu Pa aneu, pa douman, Pa tous los jous Que sein dein l'an, Pa ta grande Jacqueline Qu'est pa cas grandes vignes, Pa ton père Pèlerin Qu'est pa cas grands chemins (8).

(5) ROULEAU, Folklore bourbonnais. Bulletin de la Société des Etudes Locales, 1922, p. 187. Claude ROULEAU, Essai de folklore de la Sologne bourbonnaise, p. 118.

(6) Francis PÉROT, Folklore bourbonnais, p. 229. (7) A.-C. MAILLAT, Géographie, histoire de Doyet, p. 104. (8) H. GERMONTY, L'arrondissement de Gannat et le canton de Mont-

marault, p. 152.

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LES OR' A DIEU.

L'une des prières les plus curieuses du folklore bourbonnais se récitait dans les maisonnées de la région chantelloise, sous le nom d 'Or ' à Dieu.

Donnons, donnons du pain à Dieu, Nous apprendrons les Or à Dieu, Les Or à Dieu de Notre Seigneur, Je l'ai vu vivre, je l'ai vu mort, Je l'ai vu vivre après sa mort, Sa mort, sa mort qu'était si belle, Qu'elle éclairait comme petite chandelle, Comme petite chandelle qu'était du ciel, Qu'elle éclairait comme une étoile. Bonne Vierge Marie allait devant, Plaignant son fils, montrant son sang : « Regardez donc, mes braves gens. Ah ! que de peines, que de tourments ! J'ai plus de peine pour z'un des vôtres Que z 'en avez trétous pour moi; Et les enfants n'ont pas sept ans, Qu'on les entend, ces petits méchants, Jurant la mort, jurant le sang, Jurant la mort de notre enfant. Les père et mère en souffriront, Les pots d'enfer en bouilliront, Les pots d'enfer sont si profonds, Qu'une pierre bénie ne porterait pas au fond. » 0 quinze jours ! o quinze nuits ! 0 quinze vendredis bénis ! Bénissez qui que m'a nourri, Les Or ' à Dieu qui que m'a t'appris. Oh ! qui les sait et qui les dit Mettra son âme en paradis. Oh ! qui les sait et qui les dapprend Mettra son âme en grand tourment.

Cette prière comportait aussi des variantes. Elle pouvait débuter ainsi :

Les 0 ' à Dieu qu'on fit le jour, Qu'ont fit la nuit, Qu'on fit l'étoile du point du jour,

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faire mention, vers son milieu de :

La petite alouette qui est dans son nid,

Qui chante le nom de Jésus-Christ,

enfin se terminer de la sorte :

Ceux qui sauront les Or ' à Dieu, passeront sur une petite planche pas plus large, pas plus étroite qu'un cheveu de tête (9).

LA PASSION.

Un récit de la Passion, dit prière de la Passion, très répandu dans tout le Bourbonnais, passait pour attirer les grâces les plus rares.

La version la plus naïve et la plus originale a été recueillie à Chantelle :

La Sainte Vierge, cherchant son fils Trouve Dame Résolue.

« Dame Résolue, Avez vous pas vu mon fils ? » — « Non, Vierge, je ne l'ai point vu. J'ai vu qu'un pauvre homme, sur le grand chemin, Tout dévoré, tout massacré', Tout en sens contraire, Personne pour lui z'aider. » La Bonne Vierge dit : « Ah ! mon Dieu ! C'est peut-être mon fils, Qu'on tue, qu'on égorge au grand chemin. Si je croyais que c'était mon fils, Je quitterais bien mon petit chemin, Pour en prendre un autre. » Autant de loin qu'ils l'ont vue, Ils lui ont craché dans les yeux, dans la figure, De crainte que la Bonne Vierge reconnaisse son fils. La Bonne Vierge a bien reconnu son fils tout de même. « Mon fils, c 'est donc là que vous êtes ? » — « Oui, ma mère, comme vous voyez.

(9) Prières populaires recueillies par M. l'Abbé Boudant, curé de Chan- telle. Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds français. 3338, f05 5 à 11. Abbé BOUDANT : Histoire de Chantelle, pp. 189 et 190. - Abbé BOUDANT : L 'Or à Dieu. Mélusine, II, p. 142.

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C'est là qu'il faut que je meure,

Pour des gens qui ne m'en savent pas gré. Ils ont tranché ma chair avec des rasoirs.

Ma chair a volé dans l'air,

Mon sang a rigolé' par terre. Voyez mes pieds percés, Mes mains croisées,

Ma petite couronne d'épines sur la tête ! »

Ils ont pris Notre Seigneur,

Ils l'ont monté par la montée du Calvaire,

Par un petit chemin qui était tout de pierres. Notre Seigneur est tombé.

Ils l'ont bien relevé,

Mais à coups de fouet, de tricots et de coups de bâton. Une faiblesse a pris Notre Seigneur, Il a demandé à boire.

On lui a donné à boire de mauvais abérage,

De fiel de crapauds et de serpents.

Notre Seigneur a pas eu pris ce mauvais breuvage,

Qu'il a perdu la parole, Aussitôt, de compagnie,

Le soleil et la lune ont perdu leur éclat, Les femmes enceintes en sont délivrées,

Les petits enfants n'auront pas tout ce qu'ils auraient mérité.

La Sainte Vierge saute au pied de sa croix, L'embrasse, le caresse, lui dit :

« Mon fils, mon très cher fils ! »

Si vous avez des petits enfants à votre compagnie,

Et qui savent cette prière et qui la disent, Le soir en se couchant,

Le matin en se levant,

Tant de penchés qu'ils auront commis,

Qu'il y a de grains de sel dans la mer,

Jamais le Paradis ne leur sera refusé. (10)

(10) Prières populaires recueillies par M. l'Abbé Boudant, curé de Chantelle. Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds français. 3338, fos 5 à 11. - Abbé BOUDANT : Histoire de Chantelle, p. 191. - Abbé BOUDANT : La Passion de Notre Seigneur. Prière du Bourbonnais. Mélusine, III, p. 134.

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Dans le centre de la province, la prière de la Passion se récitait de la manière suivante :

Notre Seigneur, au jardin des Oliviers, En faisant sa prière devant son Père Eternel : « Mon Père, faut-il boire dans le Saint Calice ? — « Non, mon fils, il faut mourir. » — « Judas, Judas, que viens-tu faire ici ? » Il vient pour prendre le corps, le sang de Notre Seigneur. Il le baise, il le caresse ; C'est pour lui mettre la corde au cou. Combien l'ont-ils vendu ? Ils l'ont vendu trente deniers. Ils l'ont mené par la rue de Jérusalem. Chez qui ? Chez Vira, chez Pilate et chez Barrabas, Ils l'ont monté, attaché à une croix, Qui avait quinze pieds de long, huit de large. Notre Seigneur en est tombé accablé de faiblesse, Les Juifs l'ont relevé à coups de bâton. La Sainte Vierge, triste et désolée, Par le grand chemin, A trouvé les dames de Jérusalem : « Mesdames, vous n'auriez pas aperçu mon fils ? — « Non, ma Sainte Vierge. Nous avons vu passer un

[homme Qui était tout dépouillé, tout dévêtu. — « Hélas, mon fils, te voilà donc entre les mains des Juifs ! — « Eh oui, ma mère. Vous savez qu'il faut mourir, Pour le genre humain qui ne m'en saura pas gré. Saint Jean, aie soin de ma mère. Ma mère, aie soin de saint Jean. » Voilà un petit troupeau de soldats Qui apportent chaque jour un petit fagot de bois. « C'est pour m'y réchauffer, moi et mon fils. » — « Au contraire, ma mère, c'est pour m'y couronner. » Main gauche percée, Main droite percée. Le soleil et la lune ont perdu leur éclat, Les femmes enceintes se sont délivrées, Et leur petit enfant n'a point eu ce qu'il aurait mérité. Tous ceux qui l'entendront dire et qui ne l'apprendront pas, Le Bon Dieu leur fera des reproches un jour dans le ciel.

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Mais à ceux qui l'apprendront, Et qui la diront, le matin et le soir, Auraient-ils commis autant de péchés, Qu'il y a d'étoiles dans le firmament, Le ciel ne sera jamais refusé. (11)

Mais il en existait beaucoup de variantes, plus ou moins frag- mentaires. Une des plus complètes a été recueillie à Lapalisse où elle portait le nom de la belle prière (12). D'autres ont été retrouvées à Charmes et à Billy, commençant ainsi :

Considérons ou considérant Jésus au jardin des Olives (13).

On reconnaît encore une partie de ce récit de la Passion arrangée dans la prière suivante en provenance de Billy :

Quarantaine, Marie Madeleine, trois vierges et trois anges qui s 'en vont dans les champs ont rencontré Saint Jean : « Saint-Jean n'avez-vous pas vu mon fils ? ». — « Si, je l'ai vu à l 'arbre de la croix, les mains et les pieds cloués, la tête couronnée d'épines. » Ceux qui diront cette prière trois fois le soir et trois fois le matin, iront en paradis à la fin (13).

Dans une autre variante recueillie à Treteau, la description des prodiges consécutifs à la mort du Christ se termine par cette affirmation inattendue: « Saint Hubert a déserté ». Suivie de

l'invocation : « Grand Saint Hubert, gardez-moi de toute bête enragée » (14).

Il semble d'ailleurs que le passage relatif à la rencontre de la Vierge et de Saint Jean ait été adopté pour y adjoindre une prière du soir comme celle qui se prononçait à Chantelle avant de s'endor- mir. Cette prière paraît s 'apparenter également à la patenôtre blanche, connue de beaucoup de sorciers à travers toute la France:

Quand je me couche, Je me couche au nom du bon Jésus. Quatre anges sont dans mon lit, Deux vers ma tête, deux vers mes pieds, La Bonne Vierge par le mitan.

(11) Archives personnelles de l'auteur. Carnet manuscrit d 'une pauvre femme de Vieure, née en 1825.

(12) Roger de QuiRiEU,E : La « belle prière » de Jésus : « Mon père, je viens boire le calice... ». Bulletin de la Société d'Emulation du Bourbon- nais, 1906, pp. 158 à 162.

(13) J. BERRIAT-SAINT-PRIX : Vieilles Prières, pp. 15, 21, 22 et 24. (14) Francis PÉROT : Prière efficace contre les chiens enragés. Revue

des Traditions populaires, 1905, p. 405.

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La Bonne Vierge, passant par un petit chemin blanc,

A rencontré saint Jean :

« Vous avez pas vu mon petit enfant ?

— « Oui, Sainte Vierge, je l'ai vu, que dit saint Jean.

Je l'ai vu sur l 'arbre de la Croix,

Les pieds pendants,

Les bras sanglants,

Couronne d'épines sur la tête. »

Ceux qui diront cette prière,

Le soir et le matin,

Jamais verront la porte de l 'enfer,

Ni moi non plus, s'il plait à Dieu (15).

Ailleurs, s 'y greffaient des considérations rimées d'allure moderne et puisées vraisemblablement dans un recueil de cantiques ou de dévotion, par exemple à Charroux :

« Bonsoir, mon bon Saint Jean. N'avez-vous pas vu mon cher enfant ?

— Oh si, Madame, je l'ai vu au sommet du Calvaire, cloué sur l 'arbre de la croix, la tête inclinée, couronnée d'épines, sa sainte face toute ensanglantée, ses mains et ses pieds percés et son côté ouvert. »

Que tes péchés me font souffrir ! J 'en suis triste jusqu'à mourir, Et tu ne t 'en soucies, pêcheur, Et tu ne t 'en soucies.

Hélas si tu savais combien

Je souffrais alors pour ton bien, Tu m'aimerais sans doute, pêcheur, Tu m'aimerais sans doute.

Ma mère est au pied de la Croix, Je la vois réduite aux abois. Reçois-la pour ta mère, pêcheur, Reçois-la pour ta mère.

(15) Prières populaires recueillies par .M. l'Abbé Boudant, curé de Chantelle. Bibliothèque Nationale. Manuscrits. Fonds français. 3338, f01 5 à 11. - Abbé BOUDANT : Histoire de Chantelle, pp. 190 et 191.

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U n e lance ouvr i t mon côté , P o u r te m o n t r e r m a char i té .

C h e r c h e s là ton asi le , pêcheur . C h e r c h e s là ton asile.

Il a se s b ras ouver t s pour nous recevoir ,

Sa tê te ba i s sée pour donner le baiser .

Désormai s , tout mon plaisir

S e r a pour moi de tout souffrir ,

Et p l eu re r m e s of fenses , Se igneu r ,

Et p l eu re r m e s offenses (16).

PRIÈRE DU SOIR.

Notons enfin la prière du soir qui se dit sans doute encore en quelques endroits:

Avant de vous coucher, faites le signe de la croix aux quatre coins de votre lit, l'aspergeant d'eau bénite.

Priez que les Evangélistes: St Jean (+) , St Luc (+) , St Marc ( + ) et St Mathieu ( + ) y soient placés pour votre défense contre l'ennemi infernal.

Etant couché, pensez qu'un jour votre corps sera mis dans un cercueil, couvert de terre et puis mangé des vers.

Ensuite, priez le bon Jésus qu'il prenne possession de votre cœur comme roi, qu'il en fasse son trône et qu'il y gouverne toutes vos passions.

Que la Vierge Marie, sa chère mère, lui tienne compagnie avec St Joseph, et que pendant votre sommeil, ils l'adorent sur ses grandeurs et sur ses attributs.

Mettez au côté droit votre ange, St Michel et les archanges; au côté gauche Ste Anne, vos patrons et patronnes, Ste Ursule avec ses compagnes, Ste Barbe et toutes les vierges; à la tête tous les patriarches, prophètes, apôtres et martyrs; aux pieds les docteurs, confesseurs et anachorètes.

Que pendant la nuit, ils aiment Dieu à votre place, le bénissent et lui rendent mille louanges.

(16) Recueillie auprès de M. l'Abbé Mandet, curé-doyen de Charroux, en 1929. - Abbé MANDET : Charroux.d)Allier, pp. 88 à 90.

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Avant de vous endormir, prononcez les noms saints de Jésus, Marie, Joseph; faites le signe de la croix sur vos yeux, sur votre bouche et sur votre cœur et dites trois fois:

Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur, mon esprit et ma vie !

Jésus, Marie, Joseph, assistez moi dans mon agonie !

Jésus, Marie, Joseph, que j'expire en paix dans votre compa- gnie ! (17).

L E T T R E S MIRACULEUSES.

L'Eglise a du s'élever souvent contre certaines pratiques de piété suspectes, contre certaines prières bizarres ou passant pour avoir été' transmises au moyen de lettres miraculeuses. Ces lettres étaient souvent répandues dans les campagnes bourbonnaises, où elles trouvaient une grande faveur, par les colporteurs et mendiants, qui quelquefois profitaient de la naïveté des gens pour exiger en échange une somme plus ou moins forte.

En voici quelques-unes:

Oraison à la Vierge:

Vierge Marie, mère de Dieu, pleine de grâces, fontaine de consolation des pécheurs, plus blanche que la neige, à vous, reine des anges, je recommande mon âme à l'heure de ma mort pour obtenir de votre cher fils le pardon de mes péchés.

Cette lettre fut trouvée, enveloppée dans un linge, au Saint Sépulcre, ramassée par un prêtre après avoir dit la sainte messe, chose merveilleuse et étonnante. Il fut grandement surpris lorsqu'il vit l'explication de cette lettre:

Quiconque la portera sur lui, ne craindra ni la peste ni la famine. Il ne mourra point sans confession et ne craindra point d'être accusé faussement. Si une personne était possédée du démon, mettez-lui cette oraison sur elle et à l'instant elle sera délivrée. Tous ceux qui la porteront dévotement sur eux peuvent être sûrs de voir Notre Dame de Bon Secours trois heures avant leur mort. Dieu leur en fasse grâce.

(17) Recueillie auprès de M. l'Abbé Mandet, curé-doyen de Charroux, en 1929.

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Prière trouvée dans le tombeau de Notre Seigneur à Jérusalem, en l'honneur de la Très Sainte Passion, précédée du détail et des peines endurées, 'd 'après la révélation qu'en a faite Notre Seigneur lui-même à sainte Elisabeth, sainte Brigitte et sainte Mathilde, aux- quelles il parla en ces termes :

« Vous serez mes servantes bien aimées. Les soldats armés

étaient 125. Ceux qui me menèrent étaient 33. Je reçus sur la tête 30 coups de poing, 150 coups de pied dans le jardin des Oliviers, 80 coups dans les épaules. Je fus traîné par les cheveux avec la corde 28 fois. On m'a craché 36 fois au visage. Battu 6.666 fois, 100 plaies à mon corps, 100 trous à ma tête. Je restai suspendu en croix pendant deux heures; je fis pendant ce temps 129 soupirs; je fus traîné et tiré par la barbe 23 fois; 10.0 épines piquaient ma tête, 3 épines mortelles, mon front. Les soldats qui me conduisirent au calvaire me firent 508 blessures. Les gouttes de sang versées sont de 4.380. A qui récitera pendant douze ans, 7 Pater et Ave pour égaler le nombre de gouttes de sang que j'ai versées, quarante jours avant la mort, la Sainte Vierge apparaîtra. Il ne mourra pas noyé, ni de mort subite sans confession. Il sera libre de ses ennemis. Dans les maisons où cette prière sera, il n 'y aura pas de trahison ni de mauvaise chance. On peut réciter les 7 Pater et les 7 Ave et les appliquer à l'âme qui nous est la plus chère.

« Au Saint Sépulcre de Jésus-Christ, à l 'honneur de Dieu et salut de mon âme, Jésus Christ, fils du Dieu vivant, aidez-moi. Vierge Sainte, priez pour moi votre cher fils bien aimé. Reine des anges, mémoire des bienheureux, aidez-moi à l 'heure de ma mort où mon âme sortira de mon corps. Priez pour moi votre cher fils à mon pouvoir, qu'il daigne me pardonner mes péchés. Ainsi soit-il. »

Terminons par la lettre suivante dont, malgré l'indication des lieux et de la date, nous ne pouvons éclaircir les allusions locales:

Lettre du Bon Dieu. Paroles de Jésus Christ à La Chapelaude, le 23 juin 1867. Cette lettre fut écrite par Dieu, en lettres d'or, trouvée à la fougeur des près, à Saint-Amand, avec une petite croix. Ladite lettre fut expliquée par un enfant de sept ans, qui n'avait jamais parlé, en ces termes:

« Soyez chrétiens. Je vous écris de sanctifier le jour du dimanche et les fêtes exigées par moi. Vous saurez que je vous donne six jours et le septième pour vous reposer et me servir, pour éviter les maladies et pour secourir les pauvres dans leur nécessité, car, suivant les règles, vos champs et les bestiaux et tout ce que vous possédez seront remplis de mes bénédictions. Mais si vous ne suivez pas mes

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règles, je ferai tomber mes malédictions. Et vous aurez la peste, la grêle et toutes sortes de fléaux, de la famine et de grandes sèche- resses. Je vous montrerai ma colère, je vous montrerai des signes dans le soleil et de grands tremblements de terre et beaucoup d'autres choses pour vous faire comprendre que je suis votre maître. Vous direz tous les vendredis cinq Pater et cinq Ave en mémoire de mes souffrances, de ma Passion que j'ai souffert sur la croix pour vous racheter de vos péchés. Vous porterez toujours cette lettre sur vous. Vous la donnerez à tous ceux qui voudront la recevoir avec vénéra- tion. Ceux qui voudront pas croire en cette lettre, écrite par mes mains, je vous prononce de ma bouche, seront punis au jour du jugement ainsi que tous ceux qui la tiendront chez eux sans la faire voir seront maudits de Dieu. Ceux qui seront contents de la faire voir, de la publier et de la copier seront bénis de mes mains auraient-ils autant de péchés qu'il y a d'étoiles dans le firmament; si vous avez regret de les avoir commis, ils vous seront pardonnés. Bienheureux ceux qui porteront cette lettre bien souvent ou dans les maisons en mémoire de moi. Jamais la foudre ou le tonnerre ne leur fera aucun mal. Je suis Dieu, jésus Christ, le Sauveur du monde. Ainsi soit-il (18).

Oraison de la Bonne Dame de Secours Sainte Délice :

Et par transition avec les prières magiques, voici la Belle Oraison de la Bonne Dame de Secours Sainte Délice contre tout maléfice qu'employait un habitant de Bourbon-l'Archambault qui, dans son voisinage, passait quelque peu pour sorcier. Il connaissait d'autres prières notamment celle qu'il faisait au printemps dans sa petite vigne qui n'avait jamais de maladie et que la grêle ignorait. Il en disait une autre, tout autour de son pré, un cierge allumé à la main, lorsqu'il y mettait sa chèvre pour la première fois, le foin levé; dès lors, l'animal, contrairement à ceux de son espèce, ne cherchait pas à franchir les haies limitant son pacage.

« Celui ou celle qui voudra faire ce devoir, le doit faire dans ;e secret, une fois par jour, le matin ou le soir, soit en dehors, soit dans sa maison. Si vous avez de l'eau, lavez-vous les mains. Si vous avez de l'eau bénite, prenez-en dans la main droite. A défaut, servez-vous de votre salive. Faites sur vous le signe de la croix et si vous êtes gêné, en quoi que ce soit, faites-le sur votre estomac.

(18) Archives personnelles de l 'auteur. Carnet d 'une pauvre femme de Vieure.

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Dites trois fois le Notre Père et trois fois le Salue Marie, puis prononcez l'Oraison qui suit :

Mon Sauveur et mon Dieu, j'ai dit trois fois le Notre Père et puis trois fois Salue Marie à l'intention de la Bonne Dame de Secours

Sainte Délice, pour qu'elle me conserve, moi et mon bestiau. Je redoute voisins et voisines, envieux et envieuses, jaloux et jalouses, sorciers et sorcières et toutes les mauvaises personnes qu'il y a sur la terre. Ils auront pas plus de force sur moi et sur mon bestiau que les Juifs en ont de force sur Notre Seigneur Jésus Christ dans le jardin des Olives, que par ses saintes volontés. Ainsi soit-il. »

Faites le signe de la croix sur vous en disant : « Au nom du Père et du Fils et de Sainte Délice. »

Celui ou celle qui voudra faire ce devoir doit avoir l'intention

de faire quelques aumônes aux pauvres dans l'année qui suivra, suivant ses facultés, sinon il est inutile de s 'en occuper (19).

PRIÈRES MAGIQUES.

Il existe en outre un répertoire très nombreux de prières magiques employées par les sorciers, les rebouteux ou les personnes qui en ont la révélation, pour barrer une maladie, arrêter un accident, favoriser une entreprise. Elles remontent loin, ainsi que l'attestent des mentions relevées sur des livres de raison et des registres paroissiaux du XVIe siècle. Elles restent populaires, même dans les lieux où l'on affecte un superbe dédain pour toute croyance surnaturelle. Un peu partout, dans les campagnes, en dehors de rebouteux savants en prières de toute sorte, on connaît la vieille femme ou le laboureur qui sait la prière pour tel ou tel mal et on ne manque pas de recourir à ses services, sachant que la prière a maintes fois réussi, alors que médecin ou vétérinaire avaient échoué.

Le récitant, pour conserver son pouvoir, ne doit pas apprendre la prière à plus jeune que lui. En réalité', ces prières se transmettent, en famille, entre proches, de parrain à filleul. Quelquefois, elles sont dévoilées au lit de mort. Il est très difficile d'en obtenir la

divulgation, puisque pour conserver leur vertu, elles doivent se débiter à voix très basse et garder leur secret. Il arrive pourtant que, pour les mieux retenir, leur détenteur les inscrive en un

(19) Archives personnelles de l 'auteur. Manuscrit trouvé dans un lot de papiers provenant d 'un encan de Bourbon-l'Archambault, en 1947.

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précieux cahier, document rare dont le folkloriste s'empare avec satisfaction. Quelques-unes de ces prières étaient répandues ça et là par les manuels de colportage signalés au chapitre de la sorcellerie et par un opuscule similaire intitulé Le Médecin des Pauvres.

La prière doit se dire telle qu'on l'apprit et sans changer un seul mot. Il ne faut pas prononcer, par exemple, « la très Sainte Vierge » alors que la formule enseigne seulement « la Sainte Vierge ». Dans ce cas, la prière serait sans effet tandis que l'imprudent rogateur risquerait d'attraper le mal qu'il voulait conjurer. Il suffit de comparer les variantes présentées par ces prières pour comprendre que, malgré les rigueurs de la règle, elles se transforment et se défigurent constamment, au cours de leur transmission mystérieuse.

Souvent la prière magique s'accompagne d'autres pratiques comme signes de croix tracés avec le pouce, pressions ou souffles sur la partie malade, récitation de prières usuelles, neuvaines, etc... Au début du siècle présent le père P... du Vilhain savait la prière pour préserver les enfants des convulsions. Elle comportait le sacrifice du petit jau. Il sacrifiait un jeune coq de l'année et tout en récitant sa prière, il mouillait la langue ou la tête de l'enfant avec le sang du coq.

Voici toute une suite de prières magiques, utilisées en Bour- bonnais pour les maux des humains ou suivant l'expression usuelle pour le monde et d'autres pour les maladies du bétail ou pour cer- taines circonstances.

PRIÈRES (( POUR LE MONDE )).

Pour toute maladie en général :

Monsieur mal, tu crois donc être plus que Notre Seigneur Jésus- Christ, Mal, tu en auras menti, le Bon Dieu te brûlera autant de racines qu'il a d'amis (20).

Dire trois fois :

Mal et maladie, je te conjure. Mal, tu n'auras pas plus de force ni de pouvoir dans l'estomac, ni dans le cou, ni dans la bouche de

(20) J. MORIOT : Sorciers et rebouteux. Revue scientifique du Bour- bonnais, 1901, p. 172. - Francis PÉROT : Prières, invocations, formules sacrées, incantations en Bourbonnais. Revue des Traditions populaires, 1903, pp. 297 et 298.

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N.. . . (prénom du patient) que les Juifs en ont eu sur Notre Seigneur Jésus-Christ à sa naissance et dans son jardin des Oliviers. Mal, tu sècheras ; mal, tu dépériras ; mal, tu fondras, tu avanceras de fondre aussi vite que la rosée avance de fondre par devant le saint soleil levé à la grand saint Jean (20).

Pour les brûlures :

Asperger d'eau bénite les parties brûlées ; se signer trois fois et réciter, à genoux, la prière suivante :

Bon saint Simon, Que descendez du haut des monts, App'rtez-moi de ç ' t 'eau si pure, Que guarit toutes les brûlures (21).

Brûlure infernale, je te conjure pour la part du grand Dieu vivant, que tu peux pas plus brûler sur la chair humaine, comme les Juifs ont crucifié Notre Seigneur en allant au jardin des Olives. Feu de Dieu, apaise ta douleur, comme Judas a trahi Notre Seigneur, apaise ta douleur, comme Dieu apaise la douleur de saint Laurent. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (22).

Dire trois fois :

Saint Lazare et Notre Seigneur sont venus à votre vie. Saint Lazare a dit à Notre Seignuer : « Qu'est-ce que j'entends ? ». Notre Seigneur a dit : « C'est un petit enfant qui brûle et qui crie. Va, tu souffleras trois fois dessus et l'enfant sera guéri » (23).

Faire le signe de la croix sur soi et dire trois fois, en soufflant chaque fois trois coups sur la brûlure :

Saint Alexis avec Notre Seigneur Jésus-Christ en s 'y promenant sur les montagnes de double ville, saint Alexis dit à Notre Seigneur Jésus-Christ : « J 'entends grand bruit. » Notre Seigneur dit à saint Alexis : « C'est une personne qui se brûle. Va-z'y vite, tu souffleras trois fois sur la plaie en disant: « La personne en guérira » (24).

(21) Francis PÉROT : Folk-lore Bourbonnais, p. 32. - Paul DUCHON : Contes populaires du Bourbonnais, p. 122.

(22) Recueillie à Ygrande, en 1927. (23) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (24) Recueillie à IyCuroux-^Bourbonnais, en 1927.

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En passant dans la rue de saint-Blaise, saint Jean dit à Notre Seigneur: Voilà un enfant qui se brûle ; « Saint Jean, souffle cet enfant trois fois de ton vent, en disant: Au nom du Père et du Fils. L'enfant sera guéri » (24).

L'Bon Dieu disot au bon saint Zean D'aivou ton souffle peu ton vent Guéris l'pour p'tiot enfant Sans remède ni médicament (25).

Pour le mal de dents :

Dire trois fois:

Sainte Apolline assise sur la pierre digne, Notre Seigneur vint à passer. — « Sainte Apolline que faites-vous là ? ». — « Seigneur. je souffre du mal de dents, du mal de gencives. » — « Sainte Apolline, allez-vous en; vous serez guérie du mal de dents et du mal de gencives comme auparavant » (26).

Sainte Apolline, assise sur une pierre de marbre, regardait passer Notre Seigneur. Il lui dit: « Sainte Apolline, que faites-vous là ? ». Elle lui répond: « Mon Jésus, je suis ici pour mon chef, mon sang, mon mal de dents ». Ajouter cinq Pater et cinq Ave (27).

Sainte Apolline, assise sur une pierre digne, Notre Seigneur Jésus-Christ vient à passer. « Sainte Apolline que faites-vous là ? ». — « Notre Seigneur, j'ai mal aux dents. » — « Sainte Apolline retournez-vous en; si c 'est du pus, il sortira; si c 'est du vent, il en 1 sortira. »

Prendre une pointe neuve et l'appliquer sur la dent en disant la prière, puis jeter la pointe dans un endroit où elle ne puisse être découverte (27).

C'est sainte Apolline assise sur un pont. — « Que faites-vous, sainte Apolline sur ce pont ? ». — « Je suis ici pour le sang et le mal de dent. » — « Si c 'est une goutte de sang, elle tombera; si c 'est

(25) Marcel DESSERT : Au fil de mes jours, p. 148. D'aivou : avec ; peu : puis.

(26) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (27) Recueillie à Ygrande, en 1927.

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un ver, il périra. Rentournez-vous dans votre maison, vous serez guérie du mal de sang et du mal de dent dans le jardin des O l i v i e r s . Ainsi soit-il. » Poser le médius sur la dent malade trois fois en se

couchant et en se levant, tout en disant trois Pater et trois Ave (28).

Dire à genoux, au pied d'une croix.

Sainte Adélaïde s 'en va au pied de la croix, se met à genoux sur la pierre. Notre Seigneur vient à passer. « Sainte Adélaïde, que faites-vous là ? ». — « Seigneur, je suis ici pour mon corps, pour mon sang, mon mal de dents. » — « Sainte Adélaïde, retournez- vous en. Vous direz sept Pater et sept Ave. Que le mal de dents soit guéri » (29).

Pour les coupures et l'hémorragie :

Dire trois fois :

Sang, rentre dans tes veines, comme le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ est rentré dans les siennes. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (30).

Faire le signe de la croix sur soi, prendre la coupure entre les doigts et dire trois fois :

Coupure, je te prends, je te mets comme tu as mai été. Sang, rentre dans ton corps et dans tes veines. Que ça vienne ni mal que les sept coupures de Notre Seigneur Jésus-Christ (30).

Dire, en mettant le doigt sur la coupure : Douce veine, retiens ton sang, comme celle de Notre Seigneur

Jésus-Christ a retenu le sien. Ajouter cinq Pater et cinq Ave (30).

Faire le signe de la croix et répéter trois fois :

Sang, pressez-vous pas tant, le jour de saint Jean et le jour de sainte Croix sur N.. . . (nom du patient), s'il vous plaît. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il (31).

(28) Marcel DESSERT : Au fil de mes jours, p. 149. (29) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département

de l'Allier, p. 52. (30) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (31) Recueillie à Viplaix en 1941. - Camille GAGNON : Le Bourbonnais,

terre unie aux aspects divers, p. 107.

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Faire le signe de la croix et dire :

Saint sang, presse-toi pas tant; t'as bien le temps. Sainte Anne et saint Jean, arrêtez ce sang (31).

Sang, demeure en toi, comme Notre Seigneur fit en soi. Sang, demeure arrêté, comme Notre Seigneur quand il fut crucifié. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Dire cette prière trois fois sur la tête du patient, tout en lui faisant trois fois le signe de la croix (32).

Jésus est né. Jésus est mort. Jésus est ressuscité.

Faire sur la coupure un signe de croix avec le pouce droit et ajouter un Pater (33).

Approcher la bouche de la coupure, en disant :

Jésus-Christ est né; Jésus-Christ est mort; Jésus-Christ est ressuscité. Jésus-Christ commande à la plaie qu'elle se ferme et qu'elle ne fasse ni matière ni puanteur ainsi qu'ont fait les cinq plaies qu'il a reçues en son saint corps. Epée, je te commande, au nom et par la puissance de celui à qui toutes les créatures obéissent, que tu ne fasses non plus de mal à cette créature que la lance qui perça le sacré côté de Jésus-Christ, étant pendu à l'arbre de la croix.

Ajoutez le signe de la croix (34).

Prendre la coupure entre le pouce et les doigts. La serrer en disant :

Sang de coupure, rentre dans ta veine, comme le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ est rentré dans la sienne.

Prononcer à nouveau la prière en passant le doigt sur la coupure.

(32) Archives départementales de l'Allier. E.793. Livre de raison d'Antoine Dorat.

(33) ROULEAU : Folklore bourbonnais. Bulletin de la Société Bourbon- naise des Etudes Locales, 1922, p. 185. - Claude ROULEAU : Essai de folk- lore de la Sologne bourbonnaise, p. 118.

(34) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département de l'Allier, p. 46.

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Faire le signe de la croix avant et après. Ajouter cinq Pater et cinq Ave, à l'intention de Dieu et de la Vierge Marie (35).

Dieu tout puissant, Jésus-Christ que donna son sang pour nous.

Faire trois fois le signe de la croix et ajouter :

Sang, sang, sang, arrête-toi. Jésus-Christ l'ordonne (33).

Pour l'estomac décrocheté :

En allant au Jardin des Olives, en dansant, en se divertissant, N. . . . (noms de baptême et de famille du patient) s 'est démis l'estomac. Je vous prie, saint Pierre et saint Paul, remettez-lui en place, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (36).

Pour la veine sauvée :

Veine sautée, veine foulée, veine démise, Dieu te remette à l'endroit où tu es sortie, au nom de la Vierge Marie. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (36).

Pour le filet des reins sauté :

Filet sauté, filet foulé et filet démis, Dieu te remette à l'endroit où tu es sorti, au nom de la Vierge Marie (34).

Pour l 'entorse :

Otez, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Otez, au nom du Père et du Fils et de superbe otez (36).

Dire trois fois, en faisant le signe de la croix sur l'entorse :

Père, antez, désanté; rantez ce que vous avez désanté (37).

Père, antez; Mère, antez. Nerf retourne où Notre Seigneur Jésus-Christ t 'a placé pour la première fois.

Faire quatre fois le signe de la croix sur l'entorse, en ajoutant: Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. On fait ces signes

(35) F r a n c i s PÉROT : P r i è r e s , i n v o c a t i o n s , f o r m u l e s sac rées , i n c a n - t a t i o n s en B o u r b o n n a i s . R e v u e des T r a d i t i o n s p o p u l a i r e s , 1903, p. 300.

(36) Recue i l l i e à Y g r a n d e , en 1927.

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de croix avec l'orteil, si l'entorse est à une jambe, avec le pouce, si elle est à un bras (37).

Pour la morsure des bêtes enragées ou venimeuses :

Oraison de Monsieur Sainct Patrice. Et la fault dire troys foys sur ung plain verre d'eau et chescune foys, il dize troys foys Pater Noster et Ave Maria. Et fault que le pacienz soict tout nud à genoux. Et après fault qu'il boive led plain verre d'eau sans en rien laisser. Et guérit ceste oraison de morsure de loupt, de chien enraigé, de morsure de serpens et d'aultres bestes venimeuses. Et après les troys jours fault faire [dire] une messe en l 'honneur de Monsr Sainct Patrice.

Oraison

Deus qui beato Patricino gloria confessori tuo, mirabili potentia expellandi venenon gratiam presta supplicibus tuis in ut quicquid morve viperi sive serp sive canino sive luppino precapatum fuerit per his sacratis In nomine ( + ) Hely ( + ) Hely ( + ) Hely ( + ) meritis precibus beati Patricii valeat. Per Dominum nostrum Jesum Christum qui tecum vivit et regnat deus eisdem spiritus sainct Dei per omnia sœcula sœculorum. Amen (38).

Pour la morsure de la vipère ou du serpent :

Dire neuf fois :

Saint Simon s 'en va-t-à la chasse. A chassé trois jours et trois nuits sans avoir rien trouvé qu'une mauvaise bête venimeuse de plusieurs couleurs, qui l 'a mordu lui et ses chiens. Saint Simon a fait un cri. Au cri, que Notre Seigneur Jésus-Christ a entendu: « Simon, qu'as-tu donc ? » — « Mon Seigneur, j'ai chassé trois jours et trois nuits, sans rien trouver qu 'une mauvaise bête veni-

(37) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (38) Archives municipales de Vieure. Registres paroissiaux. GG 4, f° 113

verso. Note de la main du curé Regrain (1594-1601). La page est en partie rongée par l 'humidité avec perte de texte.

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meuse de plusieurs couleurs qui m'a mordu, moi et mes chiens. »

— « Va-t-en, Simon. Prends de la graisse de porcelin mâle, qui s'appelle cochon, et neuf feuilles de ronce. Tu en frotteras la plaie jusqu'à neuf fois, en disant: « La plaie guérira et la bête en périra. » Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit (39).

Je barre de couleuvre en coulevresse (3 fois)

Je barre de aspi en aspisesse (3 fois)

Je barre de vipère en viperesse (3 fois)

Seigneur, appelez vos chiens. Vos chiens m'ont blessé d'une bouteille d'eau. — « Si mes chiens t 'ont blessé d'une bouteille

d'eau, va Siméon chercher de l'éronde cinq feuilles, du lard vieux, de l'abulon blond; frette, frette, frette, que la mordure du chien devienne en rien ».

Barrer avec le pouce sur la morsure, en faisant le signe de la croix (40).

Notre Seigneur, tout en s 'y promenant, a rencontré saint Simon: « Saint Simon, d'où viens-tu? » — « Mon Seigneur, je viens de la chasse. J'ai trouvé que des couleuvres et des couleuvrières qui m'on dévoré, moi et mes chiens, mes lévriers ». — « Saint Simon, va-t-en à la maison, tu trouveras ta guérison. Tu prendras neuf feuilles d'orientale et une feuille de fromagère et une feuille de douale farineuse ; tu frotteras la plaie trois fois en descendant et trois fois en montant. La plaie guérira et la maudite bête périra » (40).

Le Bon Dieu et saint Simon, étant allés à la chasse avec trois chiens courants et autant de barrons, n'ont rien trouvé qu'une affreuse vipère qui a mordu un des chiens au talon. Le Bon Dieu dit à saint Simon : « Retourne-t-en ; tu panseras le chien avec de l'herbe de la belette, une feuille de rondelette et de la fleur de perlinpinpin ; tu frotteras et tu défrotteras ; le chien en guérira et la bête venimeuse en périra ». Ainsi soit-il (41).

(39) Recueillie à Ygrande, en 1927. (40) Recueillie à Louroux-Rourbonnais, en 1927. (41) Chanoine J.-J. MOKET : Devins et sorciers dans le département

de l'Allier, pp. 53 et 54.

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Jésus-Christ a rencontré saint Simon. « Saint Simon, d'où viens-tu ? » — « Jésus, je viens de la chasse; j'ai chassé trois jours et trois nuits sans pouvoir rien rencontrer que des couleuvres, des couleurs et des couleuriers qui m'ont dévoré, moi, mes chiens et mon lévrier ». — « Saint Simon, va-t-en à la maison, tu trouveras ta guérison; tu prendras du saindoux, du droidoux et du lorientant; tu t'en frotteras la plaie trois fois en montant et trois fois en descendant; ladite plaie guérira et la maudite bête périra » (41).

Aidez-moi, chère Notre Dame. Par un matin, saint Simon s'est levé, Il a pris ses chiens et ses lévriers, S'en est allé au bois chasser. Et il n'a rien trouvé

Que la couleuvre qui l'a piqué, Lui, ses chiens et ses lévriers. Et Simon se tourmente.

Notre Seigneur s'apparut et lui demande : — « Simon, qu'as-tu ? » — « Seigneur, je suis ici. Me suis levé, pour un matin, Je pris mes lévriers et mes chiens Je m'en suis allé au bois chasser. Je n'y ai rien trouvé Que la couleuvre qui m'a mordu, Moi, mes chiens et mes lévriers. » — « Va-t-en à la maison

Et demande à Dieu pardon. Et prends de l'oing de porc sain, De la feuille du roussin, Et frotte la plaie en haut et en bas. Et de la plaie le venin sortira, Et la couleuvre en mourra » (42).

(42) Archives départementales de l'Allier. E.793. Livre de raison d'Antoine Dorât. - A. VAYSSIÈRE : Discours admirable d 'un magicien de la ville de Moulins, pp. 24 et 25.

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Pour une morsure ou une piqûre :

Répéter trois fois :

Mauvaise piqûre, mauvaise soufflure, mauvaise mordure, je te panse et je te charme, au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit (43).

Pour l'engorgement :

Blaise martyr, serviteur de Jésus-Christ, je vous commande de faire monter ou descendre, au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit (44).

Pour la colique :

Dieu et la Vierge, et la bienheureuse dame Jeanne, qui êtes mère de Monsieur saint Jean, vous qui guérissez du mal de ventre, de l'estomac, des coups, de la blessure et de toute sorte de mal, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (44).

Je barre la colique de sang, je barre la colique de ventraille, je barre la colique de vent. Je le dis et je le charme et j 'entends que tu en guériras; c'est le Bon Dieu et la Sainte Vierge qui sont maîtres de tout ça. Mon Dieu, écartez la colique de sang, écartez la colique ventraille, écartez la colique de vent, comme vous écartez les nuages sur les biens de la terre (45).

Poser le doigt sur le nombril du patient et dire :

Colique qui es entre mes poumons et mon fiel et ma rate, qu'elle me soit aussi douce que le lait de la Sainte Vierge a été dans les entrailles de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave, à l'intention de saint Paul (45).

Pour les coups :

Sous la main de la Sainte Vierge, qu'il reste ni sang, ni tache, ni coup panché repanché.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave (45).

(43) Recueillie à Viplaix en 1941. - Camille GACNON : Le Bourbonnais, terre unie aux aspects divers, p. 107.

(44) Recueillie à Ygrande, en 1927. (45) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927.

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Pour l'érysipèle :

Mouiller le pouce et faire le signe de la croix sur la plaie, en disant trois fois :

Sur le pouce de la Sainte Vierge, qu'arrête pas plus de tache ni de coup que sur le fils de l 'homme. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il (46).

Je barre un ésipère rouge ; je barre un é'sipere noir ; je barre un ésipère blanc. Je te dis et je charme et j'entends que tu en guériras. C'est le Bon Dieu et la Bonne Sainte Vierge qui sont maîtres de tous cas.

Cerner l'érysipèle avec le pouce et le laver trois fois avec du blanc d'oeuf (45).

Pour le panari :

Dire trois fois :

Panari mâle, panari femelle, panari d'aventure, je le dis et je le charme et j'entends que tu en guériras. C'est le Bon Dieu et la Sainte Vierge Marie qui sont maîtres de tout ça (47).

Pour les maux d'yeux :

Saint Jean, tout en se promenant, a rencontré trois Vierges. Trois vierges lui disent: « Monsieur saint Jean nous guérira du mal des yeux ». 0 Vierge, guérissez de la maille, de la cataraque, de l'ongle et de l'ernière et de tout mal qu'il peut y avoir. 0 Vierge, ô Vierge, ô Vierge, guérissez I'oeil de N... (nommer le patient par son nom de baptême). Le mal aura pas plus de pouvoir sur cet œil que les Juifs en ont sur Notre Seigneur à l'élévation de la Messe.

Souffler trois fois dans l'œil malade (48).

(46) R e c u e i l l i e à V i p l a i x , e n 1941 - C a m i l l e GAGNON: L e B o u r b o n n a i s ,

t e r r e u n i e a u x a s p e c t s d i v e r s , p p . 106 e t 107.

(47) R e c u e i l l i e à L o u r o u x - B o u r b o n n a i s , e n 1927. - C h a n o i n e J . - J . M O R E T :

D e v i n s e t s o r c i e r s d a n s l e d é p a r t e m e n t d e l ' A l l i e r , p . 53 . (48) R e c u e i l l i e à L o u r o u x - B o u r b o n n a i s e n 1927. L e M é d e c i n d e s P a u v r e s

d o n n e u n e v e r s i o n t r è s v o i s i n e d e c e t t e p r i è r e .

Page 31: LE FOLKLORE BOURBONNAIS

Monsieur saint Jean passant par ici, trouva trois Vierges à son chemin. Il leur dit: « Que faites-vous ici ? » — « Nous guérissons la maille ». 0 Vierges, guérissez !'œi! de N. . . . , au nom du Père, etc.

Bouffer dans l'œil trois fois et dire :

Maille, feu, grisfeu, que ce soit ongle, migraine, araignée, vous n 'aurez non plus de puissance sur cet œil que les Juifs au jour de Pâques sur le corps de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Bouffer à nouveau dans l'œil. Répéter la prière trois fois de suite, trois matins avant soleil levé. Le malade dira trois Pater et

trois Ave à l'intention de saint Jean et des Vierges (49).

Pour le catairne :

Au nom de Dieu et de Marie, salaud, vilain, salaud, vilain Satan, je te conjure catairne catairniaux, que tu prennes pas plus droit sur cet enfant que le prêtre a droit de dire la messe sans vin.

Souffler trois fois sur le bas ventre de l'enfant.

Faire le signe de la croix sur soi et sur l'enfant, au commen- cement et à la fin (50).

Pour le rhabillage :

Mon Dieu, mon Père, mettez votre main sur mon travail avant que j 'y mette la mienne. Mon Père, ribantez sur tirlibante. Guéris- sez de la foulure, guérissez de la rompeure, de l'ellayeure et de l'entorse et de tout mal qu'il peut avoir. C'est le Bon Dieu et la Bonne Sainte Vierge Marie qui sont maîtres de tout ça (50).

Passer le pouce mouillé de salive sur la fracture en disant : Sainte Anne. Après le pouce, passer chaque doigt toujours mouillé de salive sur la fracture en disant chaque fois : Sainte Anne. Au dernier doigt, ajouter : Sainte Anne, je vous prie, guérissez le bras, la jambe ou le membre de N.... Je te conjure, je te barre, je te charme. Dieu et la Sainte Vierge Marie sont le maître de tout ça.

Répéter l'opération trois fois de suite et ajouter cinq. Pater et cinq Ave à l'intention des âmes du Purgatoire (51).

(49) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département de l'Allier, pp. 48 et 49.

(50) Recueillie à Louroux-Bourbonnais en 1927. (51) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département de

l'Allier, p. 49.

Page 32: LE FOLKLORE BOURBONNAIS

Se procurer du linge de l'autel sur lequel ont été dites les trois messes de Noël, l'appliquer sur la blessure et dire trois fois en faisant trois fois le signe de la croix, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit :

Je crois au sacré et saint jour de Noël que Dieu nous a donné pour plaie rejoindre et os reprendre et nerfs résoudre et feux éteindre et sang étancher, et comme il est vrai que la Vierge Marie enfanta ce jour-là, sans peine et douleurs souffrir.

Faire trois fois le signe de la croix (52).

Pour les dartres :

Faire sur soi le signe de la croix de la main droite. Couper la dartre avec le pouce gauche et dire trois fois :

Dardo, dodarde, passe aussi vite que la Sainte Vierge a fait son enfant. Dardo, dodarde, passe aussi vite que tu es venue. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Faire ensuite le signe de la croix de la main droite sur la dartre (53).

Dire à quatre endroits autour de la dartre :

Dartre je te barre, je te croise et au nom de Dieu, va-t-en.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave (53).

Le matin, dire aux dartres: « Bonsoir », et le soir: « Bonjour, dartres », en ajoutant leur couleur, et dire ensuite :

Dartre blanche (ou de telle autre couleur), je te conjure, je te barre, je te charme, et j'entends que tu guériras. Dieu et la Sainte Vierge seront le maître de tout cela.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave (54).

(52) Archives départementales de l'Allier. E'. 793. Livre de raison d'Antoine Dorat. - A. VAYSSIÈRE : Discours admirable d'un magicien de la ville de Moulins. - Francis PÉROT : Prières, invocations, formules sacrées, incantations en Bourbonnais. Revue des Traditions populaires, 1903, p. 299.

(53) Recueillie à Louroux-Bourbonnais en 1927. (54) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département

de l'Allier, p. 49.

Page 33: LE FOLKLORE BOURBONNAIS

Pour le chancre :

Dire à voix basse, dans la bouche du malade :

Chancre, mauvais chancre, chancre, je te conjure, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (55).

Faire le signe de la croix sur soi et dire trois fois :

Chancre blanc, chancre rouge, chancre noir, sept sortes de chancres, tout mal qu'il peut y avoir, je te barre, je te charme aussi vite que la Sainte Vierge a été enterrée dans le jardin des Olives de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Souffler chaque fois dans la bouche du patient. Lui mettre au cou un collier de neuf aulx; mettre en outre neuf aulx dans la cheminée. Les laisser neuf jours en ayant soin qu'ils ne soient comptés par personne (56).

Chancre blanc, chancre rouge, chancre jaune, chancre noir, chancre de toute sorte, je te somme de sortir de la bouche de N (nom et prénom du patient), aussi pur, aussi net que Notre Seigneur Jésus-Christ était né.

Sortir dehors, le matin, avant le lever du soleil ou le soir, après son coucher et dire cinq Pater et cinq Ave, en fixant la lune ou une étoile (56).

Pour le croup :

Approcher votre bouche de la bouche malade en disant :

Chancre rouge, chancre blanc, chancre noir, quelque chancre que ce soit, quelque scorbut que ce soit, quelque mal que ce soit, je te conjure, je te barre, je te charme et j'entends que tu guérisses. Dieu et la Sainte Vierge Marie seront le maître de tout cela.

Répéter trois fois de suite et, à chaque fois, bouffer neuf fois sur le mal.

La prière doit être dite trois jours de suite, le matin, avant soleil levé', en commençant, autant que possible, un lundi (57).

(55) Recueillie à Valigny-le-Monial, en 1848. Notes Robertet : Archi- ves de ,Me Mallard, avocat à Montluçon.

(56) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (57) Chanoine J.-J. MORET : Devins et sorciers dans le département

de l'Allier, p. 46.

Page 34: LE FOLKLORE BOURBONNAIS

Chancre rouge, noir ou blanc, je te commande de par le grand Dieu vivant que tu n'aies à manger la chair ni le sang de N.... (nom et prénom du patient) que voici présent.

Faire le signe de la croix. Il faut dire cette oraison trois fois chaque matin, sur le mal, pendant neuf matins. En même temps, le patient dira ou fera dire neuf Pater et neuf Ave (58).

Au nom du Père et du Fils et du benoit Saint-Esprit (3 fois). Chancre, chancre, chancre, de quelque mal que ce soit, sors de la partie où il est d'un tel. Chancre, perds ta chaleur, comme Judas perdit sa couleur, quand il vendit Notre Seigneur. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; chancre par le soleil et par la lune (3 fois), sors de la partie d'un tel. Au nom du Père, du Fils et du

1 Saint-Esprit (59).

Croup rouge, je te conjure; croup blanc, je te conjure; croup baveux, je te conjure; croup venimeux, je te conjure; croup char- bonneux, je te conjure; croup de tous les croups, je te conjure; mal de tout mal, je te conjure de Dieu et de la Sainte Marie, de périr. Tu fondras de la bouche de N.... (nom du patient) aussi vivement et aussi promptement que la grande rosée part devant le saint soleil levé à la grand saint Jean.

Variante : Tu fondras aussi vite que la rosée est fondue par le soleil levé au mois de mai. Au nom du Père et du Fils et du Saint- Esprit (60).

Pour la pleurésie :

Saint Gilles le Mer, j'ai entrepris un autel de trois personnes de Jé'sus-Christ à faire. J'en ai tant fait que j'en ai parfait; mon sang s'en est mêlé. Saint Gilles le Mer, assis sur une pierre, Notre Seigneur Jésus-Christ vient à passer: « Saint Gilles le Mer, que

(58) Archives départementales de l'Allier. E..793. Livre de raison d'Antoine Dorat.

(59) Archives départementales de l'Allier. E.793. Livre de raison d'Antoine Dorat. - A. VAYSSIÈRE : Discours admirable d 'un magicien de la ville de Moulins, p. 22. - Francis PÉROT : Prières, invocations, formules sacrées, incantations en Bourbonnais. Revue des Traditions populaires, 1903, p. 298.

(60) J. MORIOT : Sorciers et rebouteux. Revue scientifique du Bour- bonnais, 1901, p. 173. - Francis PÉROT: Prières, invocations, formules sacrées, incantations en Bourbonnais. Revue des Traditions populaires, 1903, p. 298.

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fais-tu là ? )) — « Notre Seigneur j'ai entrepris un autel de trois personnes de Jésus-Christ à faire que j'en ai fait, que j'en ai parfait; mon sang s 'en est mêlé ». — « Saint Gilles le Mer, crois en Dieu; crois profond. Tous ceux et celles qui y croiront, le sang mêlure en guériront ».

Ajouter cinq Pater et cinq Ave à l'intention de saint Gilles le Mer et de Notre Seigneur (61).

Pour les douleurs :

Poser la main sur le siège de la douleur et dire :

Sainte Anne qui enfantez, la Vierge Marie qui enfantez Jésus- Christ; que Dieu te guérisse et bénisse, pauvre créature N.. . . (nom de baptême du patient). Je prie Notre Seigneur Jésus-Christ de te guérir de rancure, de rupture, d'entrave et de toute sorte d'infir- mités quelconques, en l 'honneur de Dieu et de la Vierge Marie et de Monseigneur saint Come et saint Domenien.

Faire le signe de la croix avant et après et dire trois Pater et trois Ave pendant neuf jours, à genoux, en l'honneur des angoisses qu'a endurées Notre Seigneur sur le calvaire (61).

Pour la fièvre :

Quand Jésus vit sa croix, où son corps fut mis, tout le corps lui trembla, le sang lui moura. Il survint un juif, nommé Marcantin, qui lui dit: « Je crois que tu as peur ou que les fièvres te tiennent ». — « Non, répondit Jésus, je n'ai point peur ni les fièvres ne me tiennent point, mais quiconque l'oraison dira, jamais fièvre ni frisson n'aura. Fièvre tierce, fièvre demi-tierce, fièvre quarte, fièvre demi- quarte, fièvre lente, fièvre demi-lente, fièvre quotidienne, fièvre intermittente, fièvre maligne, fièvre poureuse, de quelle nature tu puisses être, je te conjure de quitter le corps de N. . . . , au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, de la part de Monsieur saint Pierre, de Madame sa mère, qui le guériront de la fièvre » (62).

Quand Jésus portait sa croix survint un juif nommé Marc-Antoine qui lui dit: « Jésus tu trembles ». Jésus lui répond: « Ni je tremble, ni je frissonne », et celui qui prononcera ces paroles dans son

(61) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (62) Chanoine J.-J. MORET, op. cit., pp. 47 et 48.

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cœur n'aura jamais ni fièvre ni frisson. Dieu a commandé aux fièvre tertresse, fièvre quarte, fièvre intermittente, fièvre puerpérale, de se retirer du corps de cette personne. Jésus, Marie, Jésus (63).

Pour remettre la matrice :

De bon matin, la Sainte Vierge s 'est levée et en se promenant,

rencontre son fils Jésus: « Bonjour, mon fils Jésus ». — « Bonjour, ma mère; où vas-tu ma mère ». — « Je vais guérir la fille de N. . . . ». « Retournez-vous-en, ma mère, prenez de la graisse de porcelin, vous lui en frotterez les flancs et les côtés en disant : « Que Dieu et notre bonne Dame de Mars la remettent où elle était, au nom du

Père et du Fils et du Saint-Esprit ».

Ajouter trois Pater et trois Ave à l'intention des âmes du purga- toire (64).

Pour les maux de matrice, de rate ou de la mère :

Appuyer les deux mains sur le mal en le reconduisant à sa place et en disant trois fois :

Sainte Marie, Sainte Marguerite, Sainte Elisabeth, prenez au jardin des Olives tout ce qui vous faut pour guérir N. . . . de la matrice, de la rate, de la mère ou de quelque mal que ce soit, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave à l'intention des âmes les plus tourmentées du purgatoire (65).

Pour l'accouchement :

Anna peperit Mariam, Mariam Salvatorem, Elisabeth Joanem, Maria Jacobi Jacobum Zelotem. Fac mulier ista pariet filium in nomine Domini Jesu Christi. Puer qui in utero matris, si sis masculus vel puella, veni foras. Christus te vocat videre lucem, te desirat ne moreris. Veni foras in nomine Domini Nostri Jesu Christi. Mulier cum parit, tristitiam habet quia venit hora ejus, et quando

(63 J . M o R i O T : S o r c i e r s e t r e b o u t e u x . R e v u e s c i e n t i f i q u e d u B o u r - b o n n a i s , 1901, p . 173. - F r a n c i s PÉROT : P r i è r e s , i n v o c a t i o n s , f o r m u l e s

s a c r é e s , i n c a n t a t i o n s e n B o u r b o n n a i s . R e v u e d e s T r a d i t i o n s p o p u l a i r e s ,

(64) C h a n o i n e J . - J . M O R E T : D e v i n s e t s o r c i e r s d a n s l e d é p a r t e m e n t d e l ' A l l i e r , p . 52 .

(65) C h a n o i n e J - J . M O R E T , o p . c i t , p . 57 .

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peperit filium, non meminit pressurœ propter gaudium qui natus et homo in mundo. Jesu ( + ) Nazarenus ( + ) Rex ( + ) Judoeorum ( + ) miserere nobis ( + ). Ego sum Alpha ( + ) et Omega. Principium ( + ) et finis. Amen (66).

PRIÈRES POUR LE BÉTAIL.

Pour la grappe :

Faire le signe de la croix avec le pouce à toutes les jointures de la bête, deux fois sur les épaules et à la croisée de derrière. Barrer cinq fois et dire cinq fois :

Je mets cette bête sous la Providence du grand Vendredi Saint et du Jardin des Olives. Je te guéris de la boîte, de la grappe, de l'escorbut, de trente-six maladies, à toi comme à moi (67).

J'annonce les quatre nerfs à Notre Seigneur Jésus-Christ. Je guéris de la grappe et de l'escorbut, trente-six maladies que tu peux avoir comme moi. Que ton cadavre et le mien assent pas plus de mal que le grand Vendredi Saint du Jardin des Plantes et des Olives.

Faire le signe de la croix sur soi et sur la bête, au commen- cement et à la fin et faire le signe de la croix avec le pouce droit sur toutes les jointures de la bête.

Si l'on veut protéger tout son troupeau, il faut faire la prière à chaque bête, tous les ans, dans le plein de la lune de mars, juste à l 'heure du plein (67).

Pour la tranchée :

Tranchée rouge (ou tranchée blanche), n'ayez pas plus d'onction dans le corps de ma vache blanche (ou tel autre animal dont on mentionne la couleur du poil) que le Diable n 'en a sur les prêtres.

Dire la prière huit fois. La redire une neuvième fois, en citant toutes les sortes de tranchées et ajouter cinq Pater et cinq Ave à l'intention du bon Saint Fiacre (67).

(66) Francis PÉROT : La grande prière des sorciers. Revue des Tradi- tions populaires, 1905, p. 405. Cette prière est extraite des registres parois- siaux de Nizerolles, en 1680.

(67) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927.

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Pour le charbon :

Dire cinq fois de suite en commençant par faire le signe de la croix sur la bête :

Notre Seigneur Jésus-Christ, étant sur la croisée de quatre chemins, rencontre une vache rouge (ou blanche, etc.. . , désigner la couleur du poil de la bête malade), couverte de peste et de charbon, charbon rouge, charbon noir, charbon blanc, de quelque charbon que ce soit. « Verpillère et maux blancs, vous n 'aurez pas plus de pouvoir sur la vache rouge de N.. . . (désigner la couleur du poil de la bête et le nom de son propriétaire), que n'auront les Juifs, le jour de Pâques, sur le corps de Notre Seigneur Jésus- Christ. Amen (68).

Pour le gonflement :

Faire le signe de la croix de la main gauche; passer la main sur la bête, depuis le nez jusqu'au bout de la queue, en suivant le long des reins et dire trois fois :

Tranchée blanche, tranchée jaune, tranchée extravagante, tranchée intercédée de Notre Seigneur Jésus-Christ, vent, allez-vous-en (68).

Pour l 'étranglement :

Bienheureux saint Blaise, près de Notre Seigneur Jésus-Christ, veillez par votre vétation près de Notre Seigneur Jésus-Christ, que la bête de poil rouge (ou blanc, désigner la couleur du poil), que ce qu'elle a dans le cou, que ça sorte ou que ça rentre.

Ajouter cinq Pater et cinq Ave (68).

Pour envoyer le bétail dans le trèfle :

Faire bien manger les bestiaux afin qu'ils soient saouls. Avant de les lâcher dans le trèfle dire:

Mon Dieu, je vous offre mon travail. Recevez-le, s'il vous plaît.

Puis prendre sa chaussure au pied gauche, en passer trois fois le bout dans la bouche de chaque bête, les clous de la chaussure en l'air en disant neuf fois pour chaque bête :

Mon Dieu, rendez-moi mon bœuf (ou ma vache) le soir, comme je vous le donne le matin.

(68) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927.

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Ajouter ensuite en lâchant la bête :

Mon Dieu, je vous mets le maître de mon bœuf (ou de ma vache).

Tout cela doit être fait avant midi.

Si par malheur, une bête gonflait, prendre la chaussure du pied gauche, la repasser neuf fois dans la bouche de l'animal en disant:

Mon Dieu, rendez-moi mon bœuf comme je vous l'ai donné.

Faire le signe de la croix au commencement et à la fin (69).

Pour mener sans peine une vache à la corde :

Acheter une corde qui n'ait jamais servi. La mettre à la tête de la vache en disant :

Mon Dieu, ainsi que la Sainte Vierge Marie, mettez la main sur mon travail avant que j'y mette la mienne. Attacher ensuite la corde en disant :

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Puis ajouter :

Marche comme moi (70).

Pour les avives :

Cheval (gris ou rouge ou d'autre couleur) appartenant à N...., si tu as les avives, de quelque couleur qu'elles soient, ou trente-six sortes de maux, en cas qu'ils y soient, que le bienheureux Eloi te guérisse (71).

Cette prière est presque entièrement tirée du Grimoire du Pape Honorius.

Une version voisine a été recueillie à Valigny-le-Monial avec les détails suivants: « Voici une autre recette qui m'a été donnée le 28 novembre 1849 par M. Simonet André. Son beau-père la tenait de M. Duvernay, ancien seigneur de Bardais. L'un et l'autre affirmaient, sur leurs grands dieux, l'infaillibilité de la recette. M. Duvernay affirmait même que, sur la route de Sancoins à Saint- Amand, il rencontra une charrette dont le cheval était étendu, le ventre en l'air. Le voiturier se désespérait; il le croyait mort.

(69) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927. (70) Recueillie à Louroux-Bourbonnais, en 1927, et Chanoine J.-J.

MORET: Devins et sorciers dans le département de l'Allier, p. 50. (71) F. GILBERT : Les sorciers en Bourbonnais, p. 25.

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M. Duvernay qui passait par hasard, descend de cheval, fait, comme il disait, son remède. A peine le nom d'Eloi fut-il prononcé que le cheval se relève, et l'homme de continuer sa route. Je crois au fait, en niant qu'il faille attribuer la guérison aux paroles. Ce qu'il y a de certain cependant, c'est que M. Mathieu Simonet auquel la recette avait été donnée, avait acquis une réputation immense, comme guérisseur de tranchées. Il était appelé à plusieurs lieues à la ronde et l'histoire rapporte que la guérison suivait toujours. Je copie la recette telle qu'elle m'a été donnée, sans retrancher une seule lettre. L'écrit est de la main de M. Duvernay. Il prouve que le seigneur de Bardais n'était pas plus fort en orthographe qu'en grammaire :

Remède pour les tranchées :

« Vous prenez l'avive droite de la main droite. Vous la serrez, en disant: Avive, avive, avive... (tant que vous avez d'allaine); puis vous passez derrière l'animal; vous vous croisez les bras. De chaque main, vous faites la croix sur les tranchées, toujours les bras croisés, en disant: Tranché rouge, tranché blanc, tranché venteur, quel tranché que ce soit, je t'envois, en l'honneur du bon Saint- Eloi » (72).

Cheval ou jument (de tel poil, grys ou novis), sy tu as vyves ou tranchées, je te commande, de par nostre Seigneur Dieu et de par Notre-Dame, que tu ayes à guérir incontinent, en souffrant non plus de peine que feit Notre-Dame quand elle enfanta. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esperit. Et dites Pater noster et Ave

. Maria. Et le tout dire par troys foys (73).

Pour garantir les bêtes du loup :

Dire, à genoux, en les sortant de l'écurie :

Saint Antoine et sainte Agathe, que Dieu garde du loup et de la louve, toute bête que j'envoie dans les champs.

Faire le signe de la croix avant et après (74).

(72) Notes Robertet. Archives de Me MAIXARD, avocat à Montluçon. (73) Livre de raison de la famille Morel (XVIe siècle). Archives com-

munales de Montaigu-le-Blin. Bulletin de la Société d 'Emulation du Bour- bonnais, 1927, p. 15.

1 (74) Chanoine J.-J. MORET, op. cit., p. 54.

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Je prye Dieu, la Vierge Marie, Sainct Cartaud, Sainct Anibaud, Sainct Luc et Saincte Amique, qu'il veulle sauver et garder mais chevallines du loupt, de la louve et de toutes maulvèses bestes durant le court de ceste année. In nomine Patris... Amen. Pater

noster; Ave Maria, une fois seulemen. Il faut dire sezy, le dimanche, pendant que le prêtre lève le Saint-Sacrement... A l'issue de ladite messe, fault fère dire au prestre qui aura sélébré ladite messe, une messe seiche de Sainct-Luc et la paier et puis s 'en aller jecter ses jumen dehors de l'estable, car il ne fault pas qu'elle soict misse dehors jusques ad ce que le tout soict fait. Et fault qu'elle soict ancoublée le sabmedi devant par celluy qui fait ladite recepte et par lui découblée et mise à l'étable et qu'elle mette les ancoubles dans ladite estable, soulz la porte et que par luy, elle soit le lendemain encoublée et moïenant la grâce de Dieu, durant ladite année, elles se porteront bien (75).

A Valigny-le-Monial, des prières similaires étaient couramment usitées vers 1848. En raison du voisinage de la forêt de Tronçais, les loups y présentaient un danger certain. Les notes suivantes fixent d 'une manière précise les pratiques de l'époque :

« Une prière, faite chaque soir, à certain saint du paradis, préserve les poulains de la dent du loup. Ceci, dit-on, est une chose certaine. J 'avais dans ma réserve de Montmarché un fort joli poulain de quatre mois. Une belle nuit, il devint la proie du loup. Mes voisins de me blâmer de n'avoir pas fait ou fait faire la prière. Celui qui témoignait le plus de regrets était le sacristain. « J 'en suis très faché, disait-il. J 'aurai si bien fait la prière pour votre petite bête, en même temps que je la fais pour mon poulain. Mais vous n 'y croyez pas et il faut croire; puis, vous vous seriez encore moqué de moi. Au surplus, pour moi, je m'inquiète fort peu du loup. Je dors bien tranquille; je m'en moque ». Le lendemain, il n'existait qu'un quartier de son poulain ! Le loup en avait mange les trois autres. Cet événement ne convertit personne et n'attira au pauvre sacristain que force sarcasmes. « 'Il était ivre », disait l'un « Il s 'est oublié dans les bras de sa belle », disait l'autre. Le saint,

comme de raison, n 'eut pas tort.

A cette occasion, Louison Bourdin, l 'un des madrés du pays et

aussi fripon qu'adroit, rapportait une anecdote qui rétablissait envers les habiles du bourg la réputation du saint. Pendant le temps que

(75) Registres paroissiaux. Archives communales de Gennetines. GG 2, f° 3 verso.

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son père était colon de Montmarché, il s'était spécialement chargé de l'expulsion des loups et de la conservation des poulains de la ferme. Chaque soir, il adressait sa prière à Saint... et dormait tranquille. Etant allé à la foire de Bourges du 11 novembre, à l'effet d'acheter des moutons, il s'était oublié et se réveille à minuit, se rappelle son oubli, s 'écrie: « Mes poulains sont dévorés », se jette à genoux, fait deux prières. Mais alors, le sacrifice était consommé. Lorsque, le lendemain, il arriva à Montmarché, il apprit la nouvelle que, dans la nuit, deux poulains avaient été dévorés » (76).

Pour les maladies des bêtes à corne :

Dire trois fois, la main droite sur la tête de l'animal :

Saint Luc et sainte Luce s 'en vont par les champs;

Ils ont trouvé le bruno en champ.

Sainte Luce dit qu'il morra,

Saint Luc dit qu'il ne fera,

Que la lente en crévera

Et que le bruno guarira (77).

PRIÈRES POUR DIVERSES CIRCONSTANCES.

Pour arrêter un essaim :

Mon Dieu, les mouches s'en vont, Saint Jean, arrêtez-les (78).

Saint Pierre et saint Jean, un jour en se promenant, ont ren- contré une mouche s'envolant. Saint Pierre dit à saint Jean : « Arrêtons-la; nous donnerons le miel aux pauvres et la cire à l'église ».

Jeter de la terre sur l'essaim et faire le signe de la croix (79).

(76) Notes Robertet. Archives de Me Mallard, avocat à Montluçon. (77) Archives départementales de l'Allier. E.793. Livre de raison

d'Antoine Dorat. - A. VAYSSIÈRE : Discours mémorable d 'un magicien de la ville de Moulins, p. 24. - Francis PÉROT : Prières, invocations, etc... Revue des Traditions populaires, 1903, p. 304.

(78) Recueillie à Theneuille en 1927. (79) Chanoine J.-J. MORET, op. cit., p. 47.

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Pour empêcher les limaces de manger les semailles :

Dire un Pater et un Ave puis prendre une poignée de grain. La

répandre dans la haie en prenant bien garde qu'aucun grain ne tombe dans le champ et dire :

Au nom de la Sainte Vierge et de Notre Seigneur Jésus-Christ, v'là la part d'la limace et de tous ses p'tits limaçons.

Ajouter un nouveau Pater et un nouvel Ave (80).

Pour protéger le charroi du bouvier :

Au départ, en piquant les bœufs, dire :

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. A la garde du bon Dieu, de la Sainte Vierge Marie et du bon saint

Roch. Qu'ils me préservent de malheur et d'accident ».

Si les bœufs s'embourbent, réciter à genoux cinq Pater et cinq

Ave à l'intention des âmes du purgatoire. Se lever et piquer les

bœufs en disant: « A la garde du Bon Dieu, de la Sainte Vierge et du bon Saint-Roch » (81).

En Sologne bourbonnaise, au dressage des jeunes bœufs, on

leur plaçait sur le front, sous le joug, des crins de leur queue, en disant de même: « A la garde du Bon Dieu, de la Sainte Vierge et de saint Roch. Ainsi soit-il » (82).

Pour empêcher qu'on enlève la graisse du foin :

La veille de la saint Jean, en plein jour, couper dans chaque

pré une poignée de foin, à chaque coin du pré. En arrivant à la maison, le mettre de côté, en disant :

Mon Dieu, gardez-moi ce que j 'ai; je ne demande point ce qui est aux autres (83).

(80) Recueillie à Ygrande, en 1927. (81) Chanoine J.-J. ,MORET, op. cit., p. 56. (82) ROULEAU : Folklore bourbonnais. Bulletin de la Société Bourbon-

naise des Etudes Locales, 1923, p. 46. - Claude ROULEAU : Essai de folklore de la Sologne bourbonnaise, p. 121.

(83) Recueillie à Theneuille en 1927.