VERS LA LEGALISATION DE L´APPROPRIATION
ILLICITE DE L´OEUVRE D´ART ?
.
Depuis l´émergence des nationalismes outre-mer et l
´indépendance retrouvée des colonies, le musée s´est
trouvé interpellé de façon croissante sur l´origine de ses
collections et sur leur mode d´acquisition. Les
conservateurs des principaux musées des Etats-Unis
inquiets de ces revendications ont parrainé un projet de
loi interdisant toute saisie ou toute réclamation d
´oeuvres d´art de leurs collections, dont l´appropriation
serait contestée, estimée ou avérée illicite, à l
´exception des oeuvres d´art appartenant à des familles
juivess et saisies par le régime nazi lors de la seconde
guerre mondiale.
Ce projet de loi connu comme « Foreign Cultural
Exchange Jurisdictional Immunity Clarification Act « qui
a été voté par la Chambre des Représentants et se trouve
soumis actuellement au Sénat, vise à protéger les musées
publics aux Etats-Unis comme à l´étranger ( tel le Louvre
ou le Prado ) dans le cadre du prêt de pièces de leurs
collections à l´étranger. Il a reçu, dans un premier
temps, le soutien du Conseil national des Musées de1
France, mais son directeur général, Julien Anfruns, semble
revenir sur cette décision compte tenu du tollé que ce
projet de loi soulève dans le monde.
Le texte de loi reviendrait à empêcher désormais
tout recours en justice pour la récupération d´oeuvres
dont l´acquisition est considérée illicite et introduirait
dans l´appropriation illicite une approche discriminatoire
en faveur des oeuvres dérobées à des familles juives lors
du deuxième conflit mondial.
Le sac de Constantinople lors de la IVème croisade
(1202-1204), le sac de Bagdad (1258), la conquête du
Mexique et du Nouveau Monde (1517-1519), le sac du Palais
d´Eté à Pékin (1860), les guerres napoléoniennes (1803-
1815), la colonisation italienne, allemande, anglaise et
française en Afrique, la Seconde Guerre Mondiale et, plus
récemment, l´intervention turque à Chypre (1974), et l
´occupation de l´Irak (2003) ont été autant d´occasions de
pillages ou d´appropriations illicites d´oeuvres d´art
dont les collections des principaux musées portent,
aujourd´hui, la trace.
Les expéditions militaires à l´époque coloniale
étaient accompagnées d´archéologues et d´experts chargés
de sélectionner des oeuvres d´art pour les musées. Des
archéologues du British Museum accompagnaient les troupes2
britanniques lors de l´invasion de l´Ethiopie en 1868,
comme en 1945 des experts d´art accompagneront l´avance en
Allemagne des troupes soviétiques.
La ‘’Pierre de Rosette’’, une stèle découverte en
1799 dans la cité portuaire égyptienne de Rosette (Rashid)
lors de l´expédition napoléonienne, a été transportée en
Angleterre après la victoire de la flotte anglaise en rade
d´Aboukir. Elle a permis de déchiffrer les hiéroglyphes.
Elle se trouve exposée au British Museum avec la mention
bien visible sur son socle : ‘’capturée en Egypte par l
´armée britannique en 1801’’. L´Egypte a demandé la
dévolution de cette pièce qu´elle considère comme ‘’une
icône de son identité’’, pour reprendre l´expression
utilisée par le conservateur en chef des antiquités
égyptiennes, Zahi Awass.
Le code Liebert, code de conduite destiné à l´Armée
du nord pendant la guerre de Sécession, signé par Abraham
Lincoln, autorisait explicitemente la saisie et la
spoliation d´oeuvres d´art, des collections et des
bibliothèques (article 36).
L´exemple le plus connu est, évidemment, la mise à
feu et à sac du Palais d´Eté de l´Empereur de Chine commis
par les troupes franco-britanniques en 1860, qui
contenait, selon le directeur actuel du Palais, plus d´un
million d´objets inestimables. La vente aux enchères, par
Christie´s, de la collection d´art du couturier Yves3
Saint-Laurent en 2008 à Paris, parmi laquelle deux têtes d
´animaux en bronze venant du Palais d´Eté et dont la
République Populaire de Chine demandait la restitution, a
rappelé ce triste épisode. Christie´s avait tenté de
marchander ces pièces à la Chine avant la vente pour 20
millions de dollars, un prix que les autorités de Pékin
estimaient excessif, compte-tenu du caractère illégitime
de leur acquisition.
Victor Hugo a consacré à l´époque á ce fait d´arme
des lignes célèbres : ‘’Deux bandits sont entrés dans le Palais d´Eté. L
´un a pillé, l´autre l´a incendié. L´un des vainqueurs a empli ses poches, l´autre,
ce que voyant, a rempli ses coffres. Ce qu´on avait fait au Parthénon, on l´a fait
au Palais d´Eté, plus complètement et mieux, de manière à ne rien laisser.
Nous, européens, nous sommes les civilisés et pour nous les chinois sont des
barbares. Voilà ce que la civilisation a fait à la barbarie. Devant l´histoire, l´un
des deux bandits s´appelle la France, l´autre s´appelle l´Angleterre... J´espère qu
´un jour viendra où la France, délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine
spoliée. En attendant, il y a un vol et deux voleurs’’. Mais le
gouvernement français a tiré profit de cette vente puisqu
´il a loué, à un tarif confidentiel, à Christie´s, le
splendide espace public parisien d´expositions, le Grand
Palais, et les enchères de cette collection d´art ont
dépassé 373 millions d´euros.
Les exemples d´interventions militaires punitives
spoliant le patrimoine culturel d´un pays sont nombreuses,
telles les interventions de l´armée britannique en4
Ethiopie (Magdala) en 1868, au Ghana (Kumasi) en 1874, au
Bénin (royaume d´Edo) en 1897.
En temps de paix, au XIXème siècle, ce sont les
diplomates qui s´improvisent antiquaires et archéologues.
Les collections de Sir William Hamilton, plénipotentiaire
anglais à la Cour de Naples pendant 37 ans, sont au
British Museum qui doit à Henry Salt, consul général en
Egypte, la statue de Ramses II de Thèbes. Lord Elgin,
ambassadeur de sa Majesté à la Cour ottomane, est à l
´origine de la déprédation des frises du Parthénon. Elles
sont restées plusieurs années dans l´humidité sur le
terrain de sa propriété à Londres en attendant un
acquéreur et une partie de cette frise se trouve, aujourd
´hui, au British Museum. La Grèce en demande la
restitution depuis 1830.
Les archéologues ont, par formation et vocation,
quelles que soient leurs spécialités et nationalités, pour
intérêt premier la préservation du site, du monument, de
la stèle et de l´objet antique afin de comprendre et d
´interpréter l´histoire des civilisations. Les missions
archéologiques obéissent à des codes éthiques que l´on
retrouve dans les principales organisations
représentatives (The Society of American Archeology, l
´Ecole Française d´Extrême Orient, l´Institut Allemand d
5
´Archéologie, la Mission Archéologique italienne en
Egypte, Archeological Survey of India, etc.).
En raison des infrastructures de qualité qu´offrent
les départements spécialisés (recherches, restauration,
préservation, identification, codification) des principaux
musées occidentaux, le transfert d´objets – mais non leur
propriété – était opportun d´un point de vue scientifique.
Les quelque 5.000 pièces trouvées au Machu Pichu par
l´archéologue anglais Hiram Bingham, professeur à l
´université de Yale, prêtés formellement pour une période
de 12 mois par le gouvernement du Pérou pour être étudiées
et restaurées, et que le Pérou réclame avec constance
depuis 1920, sont toujours abusivement retenues dans le
musée Peabody à New Haven, en dépit du soutien apporté au
Pérou par feu Hiran Bingham, par la National Geographic
Society qui avait financé les fouilles et par le sénateur
pour le Connecticut, Christopher Dodd. L´université de
Yale n´a pas autorisé l´accés á ces objets aux
archéologues péruviens.
Le buste de Nefertiti (3.400 avant J.C.), découvert
par l´archéologue allemand Ludgwig Borchardt en 1912 et
rapporté à Berlin pour y être étudié, est toujours au
Neues Museum de Berlin en dépit des demandes de dévolution
de l´Egypte.
6
Le choix muséographique de transférer des pièces
monumentales altère l´harmonie, la compréhension et,
surtout, l´intégrité des sites.
Le Zodiac de Dendarah, qui ornait le plafond du
temple d´Athor en Egypte, a été arraché, lors de la
campagne napoléonienne, à l´aide d´explosifs et la statue
d´Osiris, qui la jouxtait, détruite. Il se trouve au
Louvre et sa restitution est demandée par l´Egypte.
La frise du Parthénon, qui se trouve encore au
British Museum, soustraite du temple d´Athéna par Lord
Elgin en 1801, fait partie d´un ensemble plus vaste, la
procession des Panthénées, désormais défigurée, que les
autorités grecques, à la faveur de l´inauguration du
nouveau musée de l´Acropole, s´efforcent de reconstituer
(des fragments de cette procession ont été restitués en
2008 par l´Italie, par le Vatican et par l´université de
Heidelberg).
Les mosaïques de Kanakia, proposées au musée Paul
Getty de Los Angeles en 1988 par des marchands sans
scrupules, dérobées comme toutes les mosaïques et icônes
(plus de 15.000) aux églises byzantines cypriotes depuis l
´invasion turque en 1974 – comme celles acquises en 1984
par la Fondation Menil de Houston – ont été découpées afin
de faciliter leur transport et très abimées par ce
vandalisme, oeuvre du ‘’marchand’’ Aydin Dikman, en
détention depuis 1997. Ainsi, trouve-t-on aujourd´hui, au7
nord de Chypre, des chapelles au choeur défiguré et à
Houston une église byzantine apocryphe et factice
construite par la Fondation Meril pour abriter des
mosaïques du XIIème siècle en exil.
Au Musée National des Arts Asiatiques à Paris (Musée
Guimet) se trouve l´original du porche ouest en grés rose
du troisième groupe du temple Khmer de Banteay Srei,
temple dédié à Shiva, dont André Malraux avait soustrait à
la scie, en 1923, quatre belles sculptures d´Asparas.
Il arrive que les archéologues se méprennent sur
leur ministère et s´égarent dans des fonctions d
´orpailleur ou d´antiquaire.
L´archéologue autrichien Norbert Hadrawa pille Capri
à la fin du XVIIIème siècle de ses trésors romains qu´il
disperse aux quatre vents. L´archéologue britannique,
James Mellaart, ancien directeur de l´Institut Britannique
d´Archéologie, sis à Ankara, et qui explorait le site
néolithique de Catalhöyük en Turquie, a été expulsé du
pays et son permis révoqué, après avoir exposé
publiquement des pièces que le conversateur du musée
archéologique d´Istambul soupçonne d´avoir été dérobées du
site en 1965. Plus récemment (2007), l´Egypte annonçait qu
´elle n´accueillerait plus d´archéologues du musée du
Louvre tant que ne lui seraient pas restituées cinq stèles
pharaoniques acquises par le Louvre au début des années
2000 et que le Caire estimait avoir été dérobées en marge8
des fouilles officielles dans les années 80. Les stèles
ont été finalement restituées en décembre 2009.
Le directeur général des antiquités de Thèbes-Ouest,
Mohammed A. El Bialy, me disait, en 2001, à l´occasion d
´une exposition d´égyptologie au Brésil, organisée par la
Fondation Armando Alvares Penteado, le département des
Antiquités Egyptiennes du Musée du Louvre et le Conseil
Suprême des Antiquités en Egypte, que les archéologues
égyptiens ne sont pas autorisés à pénétrer dans une tombe
sans la présence d´un agent de sécurité du gouvernement
égyptien.
L´UNESCO a élaboré des codes de déontologie à l
´attention des musées, regroupés au sein du Conseil
International des Musées, en 1986 (amendé en 2004) et à l
´adresse des marchands (1990). Mais certains musées ont
manifesté leur agacement à l´égard de ces concepts d
´éthique et d´équité.
Le groupe de Bizot – du nom de l´ancienne directrice
de la Réunion des Musées Nationaux de France – composé des
directeurs d´importants musées et galeries d´art, animé
par son mentor le président du British Museum, Neil Mac
Gregor, développe des arguments de plusieurs ordres pour
conserver des oeuvres acquises de manière douteuse ou
illicite.
9
Ces responsables estiment être à l´origine de la
restauration et de la valorisation de ces oeuvres. Le fait
qu´un objet ait été sélectionné pour faire partie de leurs
collections lui confère une valeur marchande bien
supérieure que sa restitution, sans autre forme de procés,
ne prend pas en considération. Ils ont développé l´idée
que la stabilité de leurs administrations et leur
notoriété offrent une garantie de sécurité et une densité
de fréquentation qu´un musée de la ‘’périphérie’’ n´est
pas en mesure d´offrir.
Certes, cet argument serait peu pertinent lorqu´il s
´agit de manuscrits dont la lecture ou la compréhension n
´est guère possible que dans le pays d´origine. Ainsi des
297 manuscrits coréens , pillés á Seoul en 1866 par les
troupes françaises, que la Bibliothéque Nationale de
France refuse de restituer à la Corée du Sud.
Le Musée du Louvre reçoit en moyenne chaque année
8,5 millions de visiteurs, le British Museum 9 millions.
La Fondation Solomon Guggenheim maintient des musées à
Venise (collection Peggy Guggenheim), à Bilbao, à Berlin,
à Abu Dhabi. Le Musée du Louvre inaugure en 2012, sur l
´île de Saadiyat à Abu Dhabi, son premier établissement
extra-muros. Le British Museum se joindra à lui et
participera avec ses collections au Zayed National Museum
á Abu Dhabi dont l´ouverture est prévue en 2013.
10
Mais le monde s´est globalisé et le Machu Pichu
reçoit chaque année plus de 800 000 visiteurs, alors que
le musée de l´université de Yale retient, au Connecticut,
abusivement, les trésors archéologiques de ce site unique.
Les exemples de l´Irak et de l´Afghanistan sont
cités le plus fréquemment avec le pillage du Musée de
Bagdad en 2003, après l´intervention militaire américaine
et les exactions commises par le régime des Talibans en
Afghanistan contre le patrimoine boudhiste (destruction à
la dynamite des boudhas de Bamiyan) pour illustrer la
garantie offerte par les collectionneurs et les musées
occidentaux.
Ainsi, le collectionneur norvégien Martin Schayen,
qui possède une collection de manuscrits boudhistes
trouvés dans les grottes de Bamiyan en 1993-1995 et
achetés par ses soins à Londres, estime avoir sauvé ces
piéces menacées par le régime des Talibans et exclue
clairement sur le site informatique de sa collection toute
restitution.
Ce même argument de préservation est utilisé par le
British Museum à l´égard des bronzes du Bénin, dont le
Nigéria demande avec constance la restitution (5.000
bronzes avaient été pillés en 1897 par les troupes
britanniques lors de l´invasion du royaume du Bénin et
près de 700 se trouvent au British Museum) et à l´égard
des frises du Parthénon, un argument, dans ce dernier cas,11
qui a beaucoup perdu de sa pertinence depuis l
´inauguration du magnifique musée grec de l´Acropole.
En ce qui concerne l´identification et la
codification, l´argument est moins convaincant. Tous les
pays disposent, aujourd´hui, de spécialistes, d´experts et
d´archéologues de qualité. Ce n´est plus l´apanage des
grands musées d´Occident. La plupart des fouilles
archéologiques sont conduites, désormais, en coopération
avec des équipes locales et comportent un important volet
de formation. Plus de cent archéologues étrangers ont été
formés en France au cours de ces dix dernières années,
pays qui co-finance, en 2010, avec des institutions
locales quelque 154 missions archéologiques dans 75 pays
(de la paléontologie à l´époque médiévale). Le British
Museum apporte une assistance technique aux musées
nationaux du Soudan et de l´Ethiopie et anime une série d
´ateliers de formation en faveur des pays d´Afrique de l
´ouest, financé par la Fondation Ford.
Mais l´argument principal du groupe de Bizot est
plus spécieux. L´objet d´art n´appartient à aucun pays. Il
fait partie du patrimoine de l´humanité. Le lieu où il se
trouve préservé, sa propriété légale ou légitime,
importent peu : l´oeuvre d´art appartient à tous. La
déclaration publiée en 2002, inspirée par le British
Museum pour l´aider dans son contentieux avec la Grèce
sur les frises du Parthénon et signée par 37 conservateurs12
du musées et directeurs de galeries d´art , soutient la
thèse suivante : ‘’Avec le temps, les objets acquis – par
achat, comme cadeau ou à titre de partage – sont devenus
parties du musée qui les a préservés et, par extension,
partie de l´héritage des nations qui les abritent’’. C´est
de l´anthropophagie muséographique ! Le quotidien
britannique ‘’The Guardian’’ a publié un sondage d´opinion
auprés de ses lecteurs le 8 juillet 2009 au terme duquel
94,8 % se prononçaient en faveur du retour des frises du
Parthénon à la Grèce.
La position du British Museum rappelle l´approche
nationaliste de la législation espagnole qui considère que
les collections maintenues plus de dix ans en Espagne font
désormais partie de l´héritage national et ont besoin dès
lors d´une licence d´exportation pour sortir légalement du
pays.
L´ancien conservateur du Musée Paul Getty de Los
Angeles, Marion True, conservatrice de 1986 à 2005, et le
marchand américain Robert Hecht ont été traduits, en mars
2009, devant le tribunal de Rome pour acquisition illégale
d´antiquités provenant du site étrusque de Cerveteri,
situé à proximité de Rome. L´inculpation fait suite à une
dénonciation et à un raid de la police helvétique dans l
´entrepôt du marchand italien Giacomo Medici, condamné à
10 ans de détention en 2005.
13
Tant que les musées seront désireux d´acquérir des
antiquités dans le commerce d´art, les collusions entre
conservateurs et marchands, et les errements, sont
inévitables. Un musée comme le Paul Getty dispose d´une
budget annuel d´acquisition de 100 millions de dollars.
Les musées ont des dificultés à reconnaître que leur
commerce, les donations reçues et leurs acquisitions
encouragent – ou se nourrissent – de la contrebande et du
fric-frac de sites archéologiques. Le musée Paul Getty a
acquis au cours des années 90 la collection privé d
´antiquités de Lawrence et Barbara Fleischman dont le
principal pourvoyeur était Giacomo Medici. Le musée
Carlsberg Glyptotec de Copenhague a, dans ses collections,
de nombreuses pièces étrusques et gréco-romaines, achetées
au marchand Robert Hecht, et dont l´Italie a demandé la
restitution.
C´est dans ce sens qu´il faut interpréter la
plaidoirie d´Alex Nyerges, directeur du Musée des Beaux-
Arts de Virginie, à l´occasion de la session au mois de
mai 2011 du comité consultatif du Département d´Etat pour
la propriété culturelle (State Department Cultural
Property Advisory Comittee), pour que l´Italie ouvre
davantage le commerce des oeuvres d´art en surnombre dans
ses musées, lesquelles ne sont pas exposées faute d
´espace.
14
Philippe de Montebello, ancien conservateur en chef
du MET (Musée d´Art de New York), estimait récemment que
le temps des grandes acquisitions était révolu pour les
musées et ceux-ci doivent s´en convaincre et s´en
accommoder.
A la suite des soucis du Museum Paul Getty et de la
démission de son conseiller en chef, Marion True, les
musées nord-américains ont abordé plus ouvertement les
demandes de restitution qui leur étaient présentées par l
´Italie.
Le Metropolitan Museum of Art de New York a ouvert
des négociations avec l´Italie en février 2006 et a rendu
une quarantaine de pièces dont l´une des plus belles
pièces de ses collections, l´urne signée par l´artiste
athénien Euphronios, acheté en 1972 au marchand Robert
Hecht pour un million de dollars, après avoir été dérobée
sur le site de Cerveteri. Le MET s´est engagé à restituer
en 2012 la statue d´Aphrodite provenant du site de
Morgantina, achetée en 1988 pour 18 millions de dollars au
marchand Robin Symes.
L´Italie a également sollicité plusieurs musées
américains de prestige (Musée des Beaux-Arts de Boston,
Musée de l´Art de Princeton, Musée de Cleveland, Musée des
Beaux-Art de Virginie). Ces institutions se sont montrées
ouvertes, en dépit de l´absence d´une législation
contraignante, à la mise en oeuvre de programmes de prêts15
et d´échanges qui permettent la restitution des oeuvres
dont l´acquisition est estimée et prouvée comme illicite
par l´Italie.
Les Etats-Unis et l´Italie ont renouvelé en janvier
2006 un accord pour cinq ans par lequel les douanes
américaines interdisent l´importation en provenance d
´Italie d´oeuvres d´art datées du IXème siècle avant J.C.
jusqu´au IVème siècle après J.C. Le nouveau conservateur
du Musée Paul Getty, Karol Wight, s´est déclarée
satisfaite de la coopération avec l´Italie lors de l
´audience organisée en mai dernier par le comité
consultatif du Département d´Etat.
Les Etats-Unis ont signé des accords de ce type avec
11 pays (Bolivie, Pérou, Chypre, Mali, Guatemala, etc...)
dont la République Populaire de Chine. L´accord avec la
Chine impose désormais une licence d´exportation pour
toute oeuvre de l´époque paléolithique à la dynastie Tang
(907 après J.C.) et pour toute peinture ou gravure de plus
de 250 ans. Une mission d´experts chinois chargée de
rechercher et d´identifier les oeuvres pillées lors du sac
du Palais d´Eté a été reçue au MET (Metropolitan Museum of
Art) en décembre 2009.
L´Italie a montré l´exemple. Elle a restitué en 2008
à la Lybie, sous la forme d´un prêt permanent, la Venus de
Cyrème (IIème avant J.C.), rapportée en Italie en 1913 ;
une restitution s´inscrivant dans le cadre d´un accord de16
dédommagement pour l´occupation du pays par ses troupes
(1912-1943). Elle a restitué à l´Ethiopie en 2008 l
´obélisque d´Axoum, volé en 1937 par les troupes de
Mussolini. C´est également sous la forme d´un ‘’prêt
permanent’’ que le Musée Archéologique Antonio Salinas de
Palerme (Sicile) a restitué à la Grèce un fragment des
frises du Parthénon représentant le pied de la déesse
Artémis (2.500 avant J.C.) que Lord Elgin avait
généreusement offert, en 1816, au consul britannique en
Sicile.
Les Etats-Unis ont encouragé ces accords. Le
directeur des antiquités au sein du Ministère de la
culture italien, Stefan de Carlo, est invité aux réunions
du comité consultatif sur la propriété culturelle que le
Département d´Etat a mis sur pied en 1983 et dont les
audiences régulières rassemblent conservateurs,
archéologues et experts.
L´Italie a réuni, dans le cadre de l´exposition
présentée symboliquement à l´occasion de l´inauguration du
nouveau musée grec de l´Acropole, une soixantaine d
´oeuvres d´art qui lui ont été restituées récemment par
des musées, des galeries et des collectionneurs des Etats-
Unis (Boston Museum of Arts, New York Shelby White
Collection, Princeton University Museum of Art, New York
Royal Athena Gallery, New York MET, Malibu Paul Getty
Museum). L´exposition emprunte son titre à un poème épique17
grec qui raconte le retour difficile à sa patrie du héros
après la guerre de Troie (¨ nostoi capolavori
ritrovati ¨).
Le Federal Bureau of Investigation (FBI) a créé un
département spécialisé spécialisé (Art Theft Program) à la
suite du pillage des musées nationaux de Bagdad et de
Mossoul en 2003-2004. Ce département est dirigé depuis
2005 par une archéologue, Magness-Gardiner. C´est grâce à
elle qu´a été retrouvée aux Etats-Unis, en juillet 2006,
la statue du roi Entemens, joyau du musée National de
Bagdad, qui avait été decouvert à Ur (Irak) au XXème
siècle lors des fouilles menées par l´université de
Pennsylvanie et le British Museum. En 2008, Interpol, qui
a élaboré une liste noire d´oeuvres volées, a pu arrêter
sur le site e-Bay la vente de deux tablettes babyloniennes
provenant du musée de Bagdad. La même année, le FBI a
saisi chez un marchand de Floride plus de 600 statuettes
qui ont été, depuis, restituées à l´Equateur. Le Pérou a
pu récupérer 300 pièces pré-colombiennes de la collection,
à l´origine douteuse, du marchand américain Leonardo
Patterson.
L´université de Yale est restée à contre-courant de
ces initiatives. Ses exigences – royalties sur les
collections du Machu Pichu pendant 99 ans, restitution
partielle, non-reconnaissance de la propriété du Pérou – n
´ont pas permis de mettre en oeuvre le projet d´accord qui18
avait été signé en septembre 2007 par l´ancien président
péruvien, Alejandro Toledo, assisté de son épouse, l
´anthropologue Elian Karp.
Le pillage d´oeuvres d´art par les officiers nazis
en Europe pendant le second conflit mondial et par l´armée
soviétique, notamment la saisie illégale des collections
et d´oeuvres appartenant à des marchands et à des familles
d´origine juive, ont conduit la communauté internationale
à adopter une législation destinée à recouvrer les oeuvres
d´art acquises de manière illégale et à éviter le commerce
illicite.
Pendant la Seconde Guerre, Hermann Goering, qui
était collectionneur comme Hitler, avait désigné un
marchand, Bruno Lohse, pour sélectionner des oeuvres d´art
dans la France occupée. Les nazis ont saisi, entre 1937 et
1945, quelque 600.000 oeuvres d´art en Allemagne et dans l
´Europe occupée, parmi lesquelles 100.000 n´ont pas été
retrouvées à ce jour. L´URSS, dont 110 musées ont été
détruits pendant la guerre, a perdu 140.000 peintures de
maîtres
La Convention de La Haye, adoptée par une centaine
de pays (1er protocole en 1954, 2ème protocole en 1994),
entrée en vigueur en 2004, porte sur la protection des
oeuvres d´art en cas de conflit armé.19
L´UNESCO a adopté en 1970 une convention qui déclare
illégale l´importation et l´exportation d´oeuvres d´art
acquises de manière illicite et qui incite les pays
signataires à restituer les oeuvres d´art illégitimes à
leur pays d´origine. Cette convention n´est contraignante
qu´après sa ratification. Elle n´a pas d´effet rétroactif.
Le comité ad-hoc, mis sur pied par l´UNESCO – ‘’Comité
inter-gouvernemental pour la promotion du retour des biens
culturels à leur pays d´origine ou de leur restitution en
cas d´appropriation illicite’’ - se réunit pratiquement
chaque année (il a tenu sa 16ème session en 2010), mais n
´émet que des recommandations. Le deuxième sphinx de
Bogazkoy, capitale de l´ancien empire hittite (XXème –XIIème
siècle avant notre ère), qui se trouve au musée de Berlin,
a fait l´objet de recommandations en faveur de sa
restitution à la Turquie, lors de sept sessions de ce
comité de l´UNESCO au cours des dix dernières années, sans
résultat à ce jour.
L´UNESCO a fait appel à l´Institut International du
Droit Privé (UNIDROIT) afin d´élaborer une charte, adoptée
à Rome en 1995 (‘’Convention UNIDROIT sur les objets
culturels dérobés et exportés illégalement’’). Celle-ci
étend la convention de 1970 aux institutions et aux
personnes privées. Elle autorise un Etat à engager des
poursuites judiciaires contre l´acquéreur illégitime de
20
ses biens devant les tribunaux du pays de sa résidence. Le
délai de prescription est passé à 50 ans.
A ce jour, seuls 11 Etats ont ratifié la charte
UNIDROIT – aucun grand pays ‘’receleur’’ – et 12 y ont
simplement adhéré. Elle fait l´objet de vives critiques de
la part des marchands et des antiquaires.
La recherche et la restitution des oeuvres d´art
volées aux juifs pendant la deuxième guerre mondiale fait
l´objet d´un consensus. Quarante quatre pays ont adopté en
1998 un texte non-contraignant connu comme ‘’les principes
de Washington’’. Il encourage les signataires à tout
mettre en oeuvre afin de retrouver ou d´identifier des
oeuvres d´art disparues ou spoliées. Il recommande aux
musées de trouver une solution équitable. Un registre
recense 70.000 oeuvres d´art disparues et recherchées par
leurs propriétaires et leurs héritiers.
En juin 2009, s´est tenue à Prague la Conférence
internationale sur les biens liés à l´Holocaust, chargée
du suivi des décisions prises à Washington (1998) et au
Forum de Vilnus en (2000), lequel était placé sous les
auspices du Conseil de l´Europe. Les 47 pays présents se
sont engagés à poursuivre le processus de restitution. L
´Allemagne a souligné, à cette occasion, qu´elle n´était
pas favorable à ce que soit fixé une échéance à ce
processus comme le souhaitent les musées et les galeries.
Interpol a constitué une base de données on-line de 34.00021
oeuvres d´art volées à des familles et marchands juifs,
administrée par le gouvernement allemand. Une commission,
‘’Commission for looted Arts in Europe’’, dépendant du
Conseil Européen des Communautés Juives, basée à Londres,
assiste les musées.
Certains pays, au demeurant, se sont montrés
réticents à évaluer de manière critique les collections de
leurs principaux musées publics. La Pologne et la
Lithuanie n´ont pas élaboré de politique d´indemnisation
ou de restitution. L´Union Soviétique disposait d´une
brigade (la ‘’brigade des Trophées’’) spécialisée dans le
pillage d´oeuvres d´art sur le territoire allemand à titre
de dédommagement des ravages causés en Russie par la
Wehrmacht. Hormis une politique plus ouverte à l´égard de
la Hongrie, de la Pologne et de la République Démocratique
Allemande (entre 1955 et 1960, la RDA a bénéficié du
retour de plus de 1,5 million de pièces de musée, dont des
collections entières de peinture européenne notamment du
musée de Dresde), elle a observé une approche rigide,
poursuivie par la Fédération russe : archives closes,
restitutions refusées. Le Parlement russe (Douma) a
adopté, le 15 avril 1987, une loi qui déclare patrimoine
national de la Fédération russe les oeuvres d´art
transférées en Union Soviétique après la Seconde Guerre.
La législation n´envisage pas de restitution des
oeuvres, mentionne des dédommagements en instituant une22
distinction entre pays alliés pendant la Seconde Guerre
(Pologne, Yougoslavie, France, Belgique, Pays Bas) et pays
ennemis (Allemagne, Hongrie, Roumanie). Elle n´accepte de
revendication qu´au niveau des gouvernements et exclue
toute revendication de personne juridique ou physique
(art. 18/1), mais mentionne dans son préambule le principe
de réciprocité dans le réglement des contentieux. L´Agence
fédérale russe pour la Culture a mis en place on-line une
liste de 1.148.100 objets d´art disparus pendant la
deuxième guerre mondiale en Union Soviétique.
Moscou a refusé de restituer les 362 dessins de
maîtres (Van Gogh, Goya, Delacroix, Rembrandt, Titien...)
volés par l´officier russe Viktor Baldin dans le musée
Kunsthalle de Brême le 29 mai 1945. Le tribunal de Moscou
a débouté l´Allemagne dans sa tentative de récupérer le
chef d´oeuvre de Rubens ‘’Taquinius et Lucrecia’’, découpé
dans son cadre par un officier soviétique à Berlin le 25
avril 1945 et trouvé, à sa mort en 1998, dans le grenier
de sa maison. Ce tableau, offert á la vente á l´Allemagne
par un homme d´affaire russe, assez abimé, se trouve
aujourd´hui au musée Pouchkine aprés avoir été restauré
par le département spécialisé du musée de L´Hermitage.
Les trésors de Piam, rapportés illégalement du site
d´Hissarik (où se trouvait Troie) en Turquie, en 1873, par
l´archéologue allemand Heinrich Schliemann, cédés au Musée
Impérial de Berlin en 1880 et rafflés par l´Armée Rouge,23
se trouvent encore au Musée Pouchkine de Moscou, malgré un
accord signé avec l´Allemagne.
La Cour de Justice anglaise, dans son arrêt de mai
2005, avait conforté le British Museum Act de 1983 (qui
interdit toute restitution à quelque titre que ce soit) en
soulignant qu´aucune obligation d´ordre moral ne pouvait
imposer à une institution une restitution .Mais en
décembre 2009, le Parlement britannique a adopté une
légistation spécifique concernant les oeuvres d´art volés
aux juifs entre 1933 et 1945 (Holocaust Stolen Art
Restitution Act). Le British Museum possède des dessins
provenant de la collection d´Arthur Feldman, saisie par la
Gestapo en 1939.
Les Pays-Bas ont mis sur pied en 2001 un comité
consultatif composé d´avocats, d´historiens et de
spécialistes chargés d´assister les musées confrontés à
des demandes de restitution, parfois abusives. A ce titre,
des tableaux réclamés par les héritiers du marchand juif,
Jacques Goudstikker, ont été restitués en 2006 et 28
tableaux ont été rendus aux héritiers des frères Nathan et
Benjamin Katz (sur les 225 revendiqués) dont celui de
Rembrandt, ‘’Portrait d´un homme’’, qui avait été échangé
par l´intermédiaire du banquier allemand Alois Miedl,
chargé par Herman Goering du pillage d´oeuvres d´art aux
Pays-Bas, contre la libération de la mère de Nathan et
24
Benjamin , Eva Franken Katz, détenue dans un camp de
concentration.
Les principaux musées français ont organisé à Paris,
en 2008, au Musée d´Art et d´Histoire du Judaisme, une
exposition d´une cinquantaine de tableaux dérobés à des
familles juives par le régime collaborateur de Vichy,
intitulée ‘’A qui appartenaient ces tableaux ?’’.
L`Autriche a transformé le musée Leopold de Vienne
en une fondation de statut privé en 1994 afin d´échapper
plus aisément aux demandes de restitution présentées par
les héritiers, notamment de Walter Westfeld, marchand et
collectionneur juif, mort à Auschwitz en 1943, et Heinrich
Rieger, assassiné avec son épouse Berta au camp de
concentration de Theresienstadt en 1942, et dont le musée
Leopold possède des oeuvres de leurs collections spoliées.
Les musées, les galeries et les collectionneurs se
sont montrés réticents à respecter une procédure qui, sans
que soit fixé d´échéance, fragilise, selon eux, leurs
catalogues, leurs collections et leur vocation.
Par exemple, un tableau comme celui de Lucas Cranach
(1527), ‘’Cupide se plaint à Venus’’, acquis par la
National Gallery dans les années soixante, avait été vu
dans la collection privée d´Hitler et pourrait faire l
´objet d´une revendication.
Ce sentiment de précariété est allé de pair avec
celui d´une légitime frustration de la part des25
conservateurs et des collectionneurs lorsque, une fois l
´oeuvre restituée aux héritiers, ceux-ci s´empressent de
la placer en salles de ventes.
Le tableau de Turner, ‘’Glaucus et Scylla’’, saisi
par le régime de Vichy en 1943 et acheté par le Kimbell
Art Museum (Fortworth) en 1980 d´une galerie new yorkaise,
a été restitué en 2006 par le musée Kimbell aux héritiers
de John et Anna Jaffé, vendu quelques mois plus tard par
Christie´s (Rockfeller Galleries) pour 6,4 millions de
dollars.
La peinture ‘’Scène de rue berlinoise’’ (¨Berliner
Strassenszene¨) du peintre Ernst L. Kirchner, restitutée
par le Musée Brücke de Berlin en juillet 2006, a été
vendue par Christie´s au mois de novembre de la même année
pour 38 millions de dollars. Cette vente a suscité un
débat parlementaire en Allemagne parce que la famille de
Alfred Hess, collectionneur et propriétaire de l´oeuvre,
réfugiée en Suisse, l´avait déjà vendue en 1936 pour une
somme importante. Le musée Brücke a obtenu des héritiers,
au moment de la restitution, le remboursement du prix payé
pour l´oeuvre en 1980 (un million de dollars), une somme
qui s´est avérée plus tard avoir été avancée aux héritiers
par la maison Christie´s.
En raison de la valorisation très importante des
oeuvres d´art depuis la Seconde Guerre, les musées publics
ont demandé la création d´un fonds financier qui leur26
permettrait de négocier des accords de dédommagement et
conserver les oeuvres.
Les héritiers de Paul von Mendelssohn-Bartholdy,
banquier juif, qui réclamaient avec des arguments
contestables, à la Fondation Solomon Guggenheim, au musée
d´Art Moderne de New York et à la Fondation Andrew Lloyd
Webber des oeuvres aussi prestigieuses de Picasso comme,
respectivement, ‘’Le Moulin de la Galette’’ (1900),
‘’Enfant menant un cheval’’ (1905), le ‘’Buveur d
´absinthe’’ (Portrait d´Angel Fernandez de Soto – 1903)
ont accepté le versement d´une indemnité, à ce jour
confidentielle, qui a permis aux musées de garder ces
tableaux. Mais le 24 juin dernier, Christie´s vendait á
Londres, á la demande de la Fondation Andrew Lloyd Webber,
le Portrait d´ Angel Fernandez de Soto pour 31 millions de
livres sterling.
La restitution est, généralement, le résultat d
´enquêtes et de procés et, rarement, le fruit d´une
décision volontaire du musée. Le musée ethnographique de
Leyden aux Pays-Bas a restitué à la Nouvelle Zélande des
objets de ses collections. La France a restitué, le 10
juin dernier, à l´initiative du Musée d´Histoire Naturelle
de Rouen, 16 têtes maories à la Nouvelle-Zélande, à la
suite d´un vote favorable de l´Assemblée Nationale.
27
La prise de conscience des pays d´anciennes
civilisations sur l´importance de la mémoire collective et
de l´héritage culturel, qui va de pair avec leur émergence
sur la scène internationale (Chine, Inde, Iran, Egypte,
Turquie, Corée...) conduisent ces pays à exercer des
pressions croissantes et à interpeller de façon constante
musées, marchands et collectionneurs qui ne peuvent plus
ignorer ou traiter avec condescendance les questionnements
dont ils font l´objet.
Dans un monde plus rapproché, plus globalisé, mais
où les nationalismes culturels qui procèdent généralement
du patrimoine sont, paradoxalement, plus prononcés, ces
pays ont bénéficié d´une approche constructive des
institutions internationales et des instances judiciaires
et d´une posture désormais plus prudente des grands
musées, notamment aux Etats-Unis, à l´égard de l
´acquisition d´oeuvres d´art dont l´origine est illicite.
Le musée Barbier Mueller de Genève a accepté le 10
mai dernier, dans le cadre d´un accord parrainé par le
Conseil International des Musées, de rendre à la Tanzanie
le masque de Makonde acheté à Paris en 1985, qui avait été
dérobé au National Museum de Dar-Es-Salam en 1984.
Cette évolution est irréversible et disqualifie l
´illusoire concept du patrimoine culturel universel
défendu par le conservateur du British Museum.
28
Au mois d´avril dernier s´est tenu au Caire, à l
´initiative de Zahi Hawass, directeur des antiquités
égyptiennes, une conférence internationale sur la
protection et la restitution du patrimoine, à laquelle
participaient 22 pays (la France, la Grande-Bretagne et l
´Allemagne n´avaient pas été invitées). Les pays
participants se sont entendus sur l´élaboration de listes
d´oeuvres d´art argumentées dont la restitution est
considérée comme primordiale pour leur patrimoine.
Le 1er juin dernier, le directeur général des
antiquités indiennes (Archeological Survey of India),
Gautan Sengupta, a annoncé avoir pris l´initiative, avec
le soutien de l´UNESCO, d´une campagne internationale
centrée sur la restitution d´une liste d´oeuvres d´art
considérées comme uniques dans le patrimoine des pays
mobilisés (Mexique, Pérou, Chine, Bolivie, Chypre,
Guatémala, Corée, Egypte...) /.
Patrick
Howlett-Martin
Diploma
te
Minist
ère des Affaires Etrangères.
Paris.
France.29