Si la musique grecque m’était contée en quinze dates Sylvain Perrot CNRS – UMR 7044 Archimède Directeur adjoint de la MISHA Secrétaire de l’ARELAS Nos connaissances sur la pratique de la musique en Grèce remontent au moins aux temps minoens et mycéniens, grâce aux textes, images et vestiges que nous avons conservés. La poésie d’Homère est riche de références à des musiques qui se veulent déjà plurielles, formant un lien entre les hommes et les dieux mais aussi entre les Grecs et leurs voisins. La musique grecque ne s’est jamais déclinée au singulier, elle est forte de multiples héritages et échanges culturels. Il est vain de faire ici une histoire complète de ces musiques, qui requiert des connaissances encyclopédiques. L’objectif de cette page est plutôt d’inviter le lecteur à un petit voyage à travers les siècles, autour de quelques dates-clefs que peuvent accompagner des airs qui se sont transmis par voie écrite ou orale. J’espère susciter de l’intérêt et de la curiosité pour ce patrimoine en bonne partie immatériel, qui s’offre comme un bien commun à toutes et tous. 408 avant Jésus-Christ : Euripide produit son Oreste à Athènes Une des plus anciennes partitions que nous ayons conservées de l’Antiquité a été composée pour cette tragédie. C’est un chant du chœur, interprété par les femmes d’Argos qui déplorent la folie qui frappe Oreste. La mélodie, inquiète et poignante, correspond à ce que nous savons du style d’Euripide, empreint de chromatismes. Le texte et son accompagnement musical sont conservés sur un papyrus de Vienne, connu et transposé depuis 1890, le système de notation grec nous étant parvenu grâce à quelques traités antiques. Si la mélodie et le rythme sont sûrs, toute reconstitution de musique antique fait appel à une part d’incertitude et d’imagination. Par exemple, en 2017, un chœur d’enseignants-chercheurs et d’étudiants a interprété la reconstitution établie par A. d’Angour à l’Ashmolean Museum d’Oxford, accompagné d’un aulos, copie exacte d’un exemplaire qui se trouve dans les réserves du musée du Louvre (à partir de 13’15). https://www.youtube.com/watch?v=4vVN748-GJ0 128 avant Jésus-Christ : deux hymnes athéniens à Apollon retentissent à Delphes Les plus longues partitions antiques ont été trouvées en 1893 par l’École française d’Athènes dans les ruines du trésor des Athéniens à Delphes et déchiffrées par Théodore Reinach. Toute une série d’inscriptions nous renseigne sur le contexte de leur exécution. Une cinquantaine de chanteurs et une dizaine d’instrumentistes ( aulos et cithare), tous membres de la puissante corporation des musiciens d’Athènes, sont venus à Delphes dans le cadre d’une grande procession pour interpréter deux péans au dieu Apollon, d’une part exaltant les victoires du dieu contre le serpent Python et l’invasion galate de 279 avant Jésus-Christ, et d’autre part vantant les liens ancestraux qui unissent Athènes et Delphes. Nous sommes en 128 avant Jésus-Christ, à un moment où ces artistes sont en grande rivalité avec la corporation de l’Isthme et de Némée. A. Bélis a proposé en 1992 l’édition de référence de ces deux hymnes, qu’elle interprète avec l’ensemble Kérylos. https://www.youtube.com/watch?v=R_KmlIX3aHc
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Si la musique grecque m’était contée en quinze dates
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Si la musique grecque m’était contée en quinze dates
Sylvain Perrot
CNRS – UMR 7044 Archimède
Directeur adjoint de la MISHA
Secrétaire de l’ARELAS
Nos connaissances sur la pratique de la musique en Grèce remontent au moins aux temps
minoens et mycéniens, grâce aux textes, images et vestiges que nous avons conservés. La poésie
d’Homère est riche de références à des musiques qui se veulent déjà plurielles, formant un lien
entre les hommes et les dieux mais aussi entre les Grecs et leurs voisins. La musique grecque
ne s’est jamais déclinée au singulier, elle est forte de multiples héritages et échanges culturels.
Il est vain de faire ici une histoire complète de ces musiques, qui requiert des connaissances
encyclopédiques. L’objectif de cette page est plutôt d’inviter le lecteur à un petit voyage à
travers les siècles, autour de quelques dates-clefs que peuvent accompagner des airs qui se sont
transmis par voie écrite ou orale. J’espère susciter de l’intérêt et de la curiosité pour ce
patrimoine en bonne partie immatériel, qui s’offre comme un bien commun à toutes et tous.
408 avant Jésus-Christ : Euripide produit son Oreste à Athènes
Une des plus anciennes partitions que nous ayons conservées de l’Antiquité a été composée
pour cette tragédie. C’est un chant du chœur, interprété par les femmes d’Argos qui déplorent
la folie qui frappe Oreste. La mélodie, inquiète et poignante, correspond à ce que nous savons
du style d’Euripide, empreint de chromatismes. Le texte et son accompagnement musical sont
conservés sur un papyrus de Vienne, connu et transposé depuis 1890, le système de notation
grec nous étant parvenu grâce à quelques traités antiques. Si la mélodie et le rythme sont sûrs,
toute reconstitution de musique antique fait appel à une part d’incertitude et d’imagination. Par
exemple, en 2017, un chœur d’enseignants-chercheurs et d’étudiants a interprété la
reconstitution établie par A. d’Angour à l’Ashmolean Museum d’Oxford, accompagné d’un
aulos, copie exacte d’un exemplaire qui se trouve dans les réserves du musée du Louvre (à
partir de 13’15).
https://www.youtube.com/watch?v=4vVN748-GJ0
128 avant Jésus-Christ : deux hymnes athéniens à Apollon retentissent à Delphes
Les plus longues partitions antiques ont été trouvées en 1893 par l’École française d’Athènes
dans les ruines du trésor des Athéniens à Delphes et déchiffrées par Théodore Reinach. Toute
une série d’inscriptions nous renseigne sur le contexte de leur exécution. Une cinquantaine de
chanteurs et une dizaine d’instrumentistes (aulos et cithare), tous membres de la puissante
corporation des musiciens d’Athènes, sont venus à Delphes dans le cadre d’une grande
procession pour interpréter deux péans au dieu Apollon, d’une part exaltant les victoires du dieu
contre le serpent Python et l’invasion galate de 279 avant Jésus-Christ, et d’autre part vantant
les liens ancestraux qui unissent Athènes et Delphes. Nous sommes en 128 avant Jésus-Christ,
à un moment où ces artistes sont en grande rivalité avec la corporation de l’Isthme et de Némée.
A. Bélis a proposé en 1992 l’édition de référence de ces deux hymnes, qu’elle interprète avec