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LA CONCEPTION POLITIQUE DE LA RESPONSABILIT SOCIALE
DEL'ENTREPRISE : VERS UN NOUVEAU RLE DE L'ENTREPRISE DANSUNE SOCIT
GLOBALISE
Ins Dhaouadi
ESKA | Revue de l'organisation responsable
2008/2 - Vol. 3pages 19 32
ISSN 1951-0187
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Pour citer cet article
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Dhaouadi Ins , La conception politique de la responsabilit
sociale de l'entreprise : Vers un nouveau rle del'entreprise dans
une socit globalise , Revue de l'organisation responsable, 2008/2
Vol. 3, p. 19-32. DOI :
10.3917/ror.032.0019--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
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ORGANIZATION REVIEW N 2 NOVEMBRE 2008
ROR, N 2, 2008, 19-32
RSUMLes travaux et les dbats sur la responsabilit sociale de
lentreprise (RSE) sont domins par une conceptionlibrale de la RSE
qui accorde un rle conomique aux entreprises qui sengagent dans le
domaine social etenvironnemental dans le seul objectif de maximiser
leurs profits long terme alors que ltat est considrcomme le seul
acteur politique qui a pour rle de garantir le bien-tre de la
socit. Lobjectif de cet articleest de montrer que cette sparation
entre les responsabilits conomiques et les responsabilits
politiques estremise en cause par la conception politique de la
RSE. Cette conception constitue une nouvelle approche quidfinit la
responsabilit sociale de lentreprise comme un acteur politique dans
un monde globalis caract-ris par la diminution de la capacit des
tats-nations rguler les activits des entreprises et prendre
encharge la rsolution des dfis mondiaux.Mots-cls : Globalisation,
Conception politique de la RSE, Citoyennet de lentreprise.
ABSTRACTThe debates on corporate social responsibility (CSR) are
dominated by a liberal conception of CSR that confersan economic
role to the corporations whose objective is only to increase their
profits while the state is theonly political actor who has for role
to guarantee the well-being of society. The aim of this article is
to showthat the separation of political and economic
responsibilities is challenged by the political conception of
CSR.This conception is a new approach that defines the corporate
social responsibility as a political actor in a glo-balized society
characterized by the weakening of the capacity of the state to
regulate the activities of the cor-porations and to solve the
environmental and social challenges.Key-words: Globalization,
Political conception of CSR, Corporate citizenship.
LA CONCEPTION POLITIQUEDE LA RESPONSABILIT SOCIALE
DE LENTREPRISE :VERS UN NOUVEAU RLE
DE LENTREPRISEDANS UNE SOCIT GLOBALISE
Ins DHAOUADIUNIVERSIT DE TOULOUSE 1 LIRHEPLACE ANATOLE FRANCE,
BT. J, 31042 TOULOUSE [email protected]
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Nous remarquons ces dernires annes quunnombre important
dentreprises, essentielle-ment des multinationales et des
grandsgroupes mondiaux, se substitue ltat-nation en par-ticipant
aux processus de dlibration politique et ensengageant dans la
rsolution des problmes environ-nementaux et sociaux globaux
(Scherer et Palazzo,2007 ; 2008 ; Igalens, 2007). Ces entreprises
senga-gent dans la sant publique, lducation, la scuritsociale et la
protection des droits de lhomme dans lespays rgime rpressif. Elles
sattaquent des pro-blmes sociaux tels que le sida, la malnutrition
etlillettrisme ou encore sengagent dans lautorgula-tion afin de
combler un vide dans la rgulation lgaleau niveau national ou
international (Margolis etWalsh, 2003). En France, nous pouvons
citerlexemple de Lafarge qui sest engag dans la luttecontre le
rchauffement climatique et laide aux popu-lations touches par des
catastrophes ou par des pan-dmies, celui de Carrefour et de Casino
qui se sontengages dans laide la rinsertion de populationsexclues
et finalement nous pouvons citer lexemple deAGF, BNP et Sanofi qui
se sont engages dans laide la recherche fondamentale (Igalens,
2007).Ces activits vont au-del de la comprhension tra-ditionnelle
de la responsabilit sociale de lentreprise(RSE) telle que prconise
par la conception libralede la RSE et qui consiste pour une
entreprise sen-gager dans des actions dans le domaine social et
envi-ronnemental qui permettent de maximiser ses profits long terme
tout en se conformant aux normes etattentes de ses parties
prenantes (Jensen, 2002). Cesactivits traduisent en effet une
redfinition de la rela-tion entre lentreprise et la socit.
Lmergence dunenouvelle conception politique de la RSE renvoie
laparticipation de lentreprise aux processus publics deprise de
dcisions politiques. Paradoxalement, lana-lyse des travaux sur la
RSE dans la littrature manag-riale francophone rvle que la
conception politiquede la RSE na pas fait lobjet dtude jusqu
aujour-dhui. Pour lucider cette conception, cet article pour-suit
un double objectif. Il vise tout dabord montrerquil y a eu une
volution historique de la conceptionde la responsabilit de
lentreprise vis--vis de lasocit qui a men lmergence de la
conceptionpolitique de la RSE et que cette conception sest
dve-loppe pour dpasser les limites de la conception lib-rale et de
la conception que nous appellerons contractualiste de la RSE qui
dominent le champacadmique de recherche Business and Society
depuisles annes 1960. Ensuite, il montre que le concept de
citoyennet de lentreprise qui a connu un impor-tant dveloppement
thorique dans les annes 2000ne sinscrit pas dans la continuit des
dbats sur la res-ponsabilit sociale de lentreprise mais il
constitue unerupture fondamentale avec les analyses des
courantsprcdents dans le champ acadmique Business andSociety en
accordant un rle politique lentreprise.Pour atteindre ces deux
objectifs, nous prsenterons
dans une premire section la conception librale de laRSE qui
considre lentreprise comme un acteur co-nomique et opportuniste.
Nous montrerons dans unedeuxime section que les postulats de cette
concep-tion ont t remis en cause par une nouvelle concep-tion
contractualiste de la RSE dont les reprsen-tants se basent sur la
thorie des parties prenantespour mettre laccent sur le rle social
de lentreprise etlobligation pour les cadres dirigeants daugmenter
lebien-tre dans la socit. Dans la troisime section,nous
argumenterons que la conception politique de laRSE constitue une
alternative aux deux conceptionslibrale et contractualiste de la
RSE en considrantlentreprise la fois comme un acteur conomique
etpolitique. Pour cela, nous commencerons par unebrve prsentation
du cadre thorique sur lequel estbtie la conception politique de la
RSE savoir lathorie de la dmocratie dlibrative de JrgenHabermas.
Nous soulignerons ensuite le rle jou parla globalisation de
lconomie dans le dveloppementde cette conception. Ceci nous
permettra enfin deproposer un essai de dfinition de la conception
poli-tique de la RSE qui a t dveloppe en 2007 parAndreas Georg
Scherer et Guido Palazzo. Dans laquatrime et dernire section, nous
montrerons que leconcept de citoyennet de lentreprise a jou unrle
important dans le dveloppement de cette nou-velle conception de la
RSE en confrant lentrepriseun nouveau rle dans la socit qui
sapparente auxfonctions qui sont normalement assignes
ltat-nation.
1. LA CONCEPTION LIBRALE DE LA RSE :LENTREPRISE COMME ACTEUR
CONOMIQUEET OPPORTUNISTE
Mme si nous pouvons affirmer lexistence dun soclecommun de
savoirs et de principes la conceptionlibrale de la RSE, deux
positions diffrentes peuventtre distingues. La plus connue tant la
positionradicale lencontre de la RSE reprsente par Levitt(1958) et
Friedman (1962, 1970) qui considrent ladoctrine de la RSE comme
fondamentalement sub-versive en soulignant que la seule
responsabilitsociale de lentreprise est de faire des profits.
Ladeuxime position que nous pouvons qualifier de position
instrumentale de la RSE est reprsentepar Jensen (2002), Sundaram et
Inkpen (2004),Mitchell et al., (1997), Odgen et Watson (1999)
etMcWilliams et Siegel (2001) qui apprhendent laRSE comme un moyen
stratgique pour la cration dela richesse. Aprs avoir rappel les
deux postulats debase qui sous-tendent la conception librale de
len-treprise, nous passerons en revue les deux positionsqui
caractrisent la conception librale de la RSE ainsique les
principaux travaux qui dominent cetteconception. Nous soulignerons
enfin les trois limites
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qui ont t adresses cette conception savoir lins-trumentalisation
de la RSE, labsence dun cadre nor-matif du rle de lentreprise dans
la socit et la naturedu rle accord ltat.
1.1. Les deux postulats de la conception libralede
lentreprise
Deux postulats de base sous-tendent la conceptionlibrale de
lentreprise. Premirement, lEtat est le seulacteur politique et
public et les entreprises sont desacteurs privs et par consquent
des acteurs non poli-tiques qui nont pas lobligation dexposer leurs
dci-sions lexamen public ou de justifier leur comporte-ment dans la
mesure o elles se conforment larglementation en vigueur et la
morale dusage(Friedman, 1962, 1970). Deuximement, les entre-prises
en tant quacteurs conomiques privs contri-buent au bien-tre de la
socit en menant des actionssur le march dans leur propre intrt. Ces
actionssont lgitimes par les rsultats quelles produisent(Jensen,
2002).
1.2. La position radicale lencontre de la RSE :la seule
responsabilit sociale de lentreprise estde faire des profits
Dans son clbre article, The Social Responsibility ofBusiness is
to Increase its Profits , lconomiste MiltonFriedman (1970), a remis
en cause la doctrine de laRSE1 en la qualifiant de fondamentalement
subver-sive. Selon cet auteur, les hommes daffaires croientquils
dfendent lentreprise prive lorsquils dcla-ment que lentreprise nest
pas seulement concernepar le profit mais aussi par la promotion
desfins socialement dsirables ; que lentreprise a une conscience
sociale et assume srieusement ses res-ponsabilits pour fournir de
lemploi, liminer la dis-crimination, viter la pollution (). Les
hommesdaffaires qui sont partisans de ce point de vue sontsans le
savoir des marionnettes des forces intellec-tuelles qui ont sap les
bases dune socit libre cesdernires dcennies (p. 1). Dans une socit
libre etouverte, Friedman (1962) indique que seuls les indi-vidus
physiques peuvent avoir des responsabilits etnon pas des entits
abstraites comme les entreprises.Ces dernires nont quune seule
responsabilitsociale : celle dutiliser leurs ressources et de
sengager
dans des activits destines accrotre leurs profitstout en
respectant les rgles du jeu savoir quellessimpliquent dans une
concurrence ouverte et libresans tromperie ni fraude. Dans un
entretien ralisdans le film The Corporation2, qui critique le
pouvoirdmesur dont dispose les entreprises multinationalesde nos
jours, cet conomiste se demande pourquoilentreprise dirait ce qui
est responsable. Il affirme quece nest pas ce que lui demande ses
actionnaires. Enoutre, en adoptant la doctrine de la RSE,
lentreprisescarte de sa mission et ce nest pas dmocratique.Cette
position radicale lencontre de la RSE est par-tage par Levitt
(1958) qui, en se basant sur la fonc-tion institutionnelle des
entreprises, stipule quedautres institutions telles que les
gouvernements, lesglises et les syndicats existent pour promouvoir
lestypes de fonctions requis par la responsabilit
sociale.Lentreprise doit fonctionner pour maximiser ses pro-fits
long terme et reconnatre les fonctions du gou-vernement qui est le
seul garant du bien-tre social. Le bien-tre et la socit ne sont pas
laffaire de len-treprise. Son affaire est de faire de largent, pas
de lamusique douce (). Dans un systme de libre entre-prise, le
bien-tre est cens tre automatique ; et sil nelest pas, cela devient
laffaire du gouvernement. Cestle concept de pluralisme. La fonction
du gouverne-ment nest pas de faire des affaires, et la fonction
desentreprises nest pas de gouverner (Levitt, 1958 :47). Cet auteur
dfend enfin son point de vue selonlequel les entreprises ont
seulement deux responsabi-lits : la conformit aux principes
fondamentaux de lavie civile (lhonntet, avoir de la bonne foi,
etc.) et larecherche du gain matriel.
1.3. La position instrumentale de la RSE :la RSE comme un moyen
stratgique pourla cration de la richesse
Les partisans de la position instrumentale de laRSE considrent
seulement laspect conomique desinteractions entre lentreprise et la
socit. Par cons-quent, toute activit sociale est accepte si, et
seule-ment si, elle est compatible avec lobjectif de crationde la
richesse et la RSE est considre simplementcomme un moyen stratgique
pour atteindre lesobjectifs conomiques de lentreprise et pour
faireplus de profit (Garriga et Mel, 2004 ; McWilliams etSiegel,
2001). De ce point de vue, la maximisation desprofits qui est
lobjectif ultime de lentreprise nest pas
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1. La RSE est une doctrine qui sest dveloppe aux Etats-Unis
partir de la fin du 19e sicle. Au cours de son histoire de
dveloppement, la RSE aconnu plusieurs transitions thoriques et une
multiplication doutils et de pratiques de gestion (Frederick,
1978). Lide qui sous-tend la responsabi-lit sociale suppose que
lentreprise na pas seulement des obligations conomiques et lgales
mais aussi un ensemble de responsabilits vis--vis de lasocit au-del
de ces obligations (McGuire, 1963 : 144).
2. The Corporation est un documentaire canadien sorti en 2004.
Ce film est bas sur le livre The corporation, the pathological
pursuit of profit and powerde Joel Bakan (2004).
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contradictoire avec la prise en considration des int-rts de ses
diffrentes parties prenantes et, sous cer-taines conditions, la
satisfaction de ces intrts peutcontribuer la maximisation de la
valeur des action-naires (Mitchell et al., 1997 ; Odgen et
Watson,1999 ; Sundaram et Inkpen, 2004). Ce point de vueest partag
par Jensen (2002) qui reconnat que laperspective partenariale de la
gouvernance, qui se basesur la thorie des parties prenantes, peut
contribuer enrichir lobjectif de maximisation de la valeur demarch
de lentreprise, ce qui la conduit proposer laconception de la
maximisation de la valeur claire ( enlightened value maximization
). Selon cetteconception, la maximisation de la valeur de
lentre-prise long terme constitue le critre qui assure lqui-libre
requis parmi ses parties prenantes et dsigne lamaximisation de la
valeur long terme comme lob-jectif de lentreprise. La prise en
compte de lensembledes parties prenantes dans une perspective
longterme aide les gestionnaires mieux formuler etmettre en uvre la
stratgie de lentreprise. Jensen(2002) souligne galement que la
conception de lamaximisation claire de la valeur de march de
len-treprise peut contribuer sous certaines conditions
lamaximisation du bien-tre social. Cet objectif peut eneffet tre
atteint si pour chaque dollar supplmentairede ressources dpenses
par lentreprise pour satisfaireles attentes de chaque partie
prenante, lentreprise ra-lise un gain suprieur un dollar.Les
partisans de la position instrumentale de laRSE sont pourtant tous
daccord sur le fait quelorsquun problme social ou environnemental
sur-vient, lentreprise doit continuer sa course vers lamaximisation
du profit. Cest lEtat qui veille lap-plication de la loi et des
contrats privs et la pro-mulgation de nouvelles rgulations pour
protgerles intrts lgitimes des parties prenantes de
len-treprise.
1.4. Les tudes qui dominent la conception libralede la RSE
Les travaux qui sinscrivent dans la conception libralede la RSE
sont domins par des tudes sur les modlesde performance sociale de
lentreprise et sur le lienentre la performance sociale et la
performance finan-cire de lentreprise. La performance sociale de
len-treprise (PSE) constitue en effet une synthse des tra-vaux
antrieurs qui portent sur la RSE et la sensibilit
sociale de lentreprise3 et une rponse aux questions dela mesure
des actions mises en uvre par les entre-prises pour grer les
problmes sociaux et les intrtsdiffrents de leurs parties prenantes
(Igalens et Gond,2003). La contribution la plus importante dans
ceteffort de synthse est le modle tridimensionnel de laPSE prsent
par Carroll (1979). Ce modle prsentetrois aspects qui sont
interrelis : une dfinition fon-damentale de la RSE qui renvoie aux
obligations co-nomiques, lgales, thiques et discrtionnaires
duneentreprise lgard de la socit, une numration desproblmes sociaux
rencontrs et une prcision de lastratgie de rponse adopter (ractive
ou proactivepar exemple). Ce modle pourtant synthtique a tcritiqu
parce quil ne permet pas de capturer lvolu-tion dynamique des
composantes de la PSE. Pourdpasser cette limite, Watrick et Cochran
(1985) ontpropos un modle de la PSE qui reflte une inter-action
sous-jacente entre les principes de la responsa-bilit sociale, les
processus de la sensibilit sociale etles politiques dveloppes pour
aborder les problmessociaux (p. 758). En 1991, Wood a propos
unmodle intgrateur de PSE reliant principes, mise enuvre et effets
de la RSE et a dfini la PSE comme une configuration
organisationnelle de principes deresponsabilit sociale, de
processus de sensibilitsociale et de politiques, programmes et des
rsultatsobservables qui touchent aux relations socitales
delentreprise (Wood, 1991 : 693). Lide qui sous-tend les modles de
PSE est que les attentes socitalesqui dfinissent le rle de
lentreprise dans la socitvont aligner les processus de formulation
et la mise enuvre de la stratgie de lentreprise avec les
aspectssociaux du management de telle sorte que les rsultatsvont
tres socialement acceptables. Un autre groupedtudes qui a domin la
conception librale de laRSE est fond sur largument empirique selon
lequella performance sociale contribue la performancefinancire de
lentreprise (Aupperle et al., 1985).Ltude de ce lien a fait lobjet
dune littrature trsriche qui stale sur une trentaine dannes sans
pourautant quun consensus ne se dgage au sein de lacommunaut
acadmique. Une synthse de la littra-ture effectue sur la base de
122 tudes ralises entre1971 et 2001 confirme cette constatation en
prsen-tant des rsultats ambigus : 51 tudes associent posi-tivement
la performance sociale et la performancefinancire de lentreprise, 7
montrent un lien ngatif,20 tudes sont mitiges et 27 indiquent quil
ny a pasde lien (Margolis et Walsh, 2003).
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3. Les annes 1970 ont connu une transition conceptuelle et
thorique importante dans le domaine dtude Business and Society.
Cette transition sestmanifeste par le passage du concept
philosophique et thique de responsabilit sociale de lentreprise
(Corporate Social Responsibility ou CSR1) qui ren-voie aux
obligations dune entreprise duvrer pour le bien-tre social au
concept de sensibilit sociale de lentreprise (Corporate Social
Responsiveness ouCSR2) qui renvoie la capacit de lentreprise
rpondre aux pressions sociales (Frederick, 1978). Lapproche de la
sensibilit sociale de lentreprise estdonc plus pragmatique et
renvoie la mise en place dun processus de rponse aux problmes
sociaux qui sarticule selon Ackerman (1973) autour detrois phases :
lactualisation de la politique de lentreprise en intgrant les
proccupations socitales, la dsignation dun expert pour assurer sa
mise enuvre et limplication de tous les managers dans la ralisation
de cette politique.
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1.5. Les limites de la conception librale de la RSE
Trois principales limites ont t reproches laconception librale
de la RSE. La premire renvoie linstrumentalisation de la RSE. En
effet, les reprsen-tants de cette conception sont tous des
partisans dunevision conomique de la firme et rejettent ainsi
lidedune raison intrinsque la responsabilit sociale(Margolis et
Walsh, 2003). La RSE est seulementconsidre comme un instrument pour
assurer lamaximisation de la valeur de lentreprise long termeet par
consquent cette conception prconise uneentreprise opportuniste. Un
autre argument en faveurde linstrumentalisation de la RSE est avanc
parScherer et Palazzo (2007). Selon ces deux auteurs,dans le cas de
principes moraux conflictuels, laconception conomique de la firme
stipule que lesdirigeants dune entreprise considrent simplementles
points de vue des parties prenantes qui exercent lespressions
conomiques ou lgales les plus impor-tantes. Mitchell et al., (1997)
ont montr cependantque le comportement socialement responsable
duneentreprise sexplique non seulement par le pouvoirquexercent sur
elle ses parties prenantes mais aussi parlurgence et la lgitimit de
leurs revendications. Dansun contexte dattentes conflictuelles,
lentreprise doitdonc accepter la moralit de la partie prenante la
pluspuissante pour assurer sa prennit. Les autres partiesprenantes
qui ne peuvent pas dvelopper des sanc-tions potentielles pour les
entreprises travers lappli-cation de la loi ou le lobbying
politique, trouvent queleurs intrts ne sont pas pris en
considration. Il estdonc clair que cette conception rduit la
responsabi-lit sociale de lentreprise un nouveau facteur de suc-cs
dans la course de lentreprise vers la cration de larichesse (Jones,
1995). La deuxime limite adresse la conception librale de la RSE
est son incapacit dfinir un cadre normatif du rle que doit
assumerlentreprise dans la socit qui peut aider dterminersi
certaines activits de lentreprise sont acceptablesdun point de vue
thique. En effet, la conceptionlibrale de la RSE tant base sur la
thorie cono-mique de la firme est critique pour labsence de
jus-tifications thiques et de questionnements critiquesdes attentes
des parties prenantes, ce que Jones (1996)appelle la vacuit
normative de la RSE . Lobjectifimplicite de cette conception est
surtout de produireun savoir technique sur la manire avec laquelle
lesentreprises fonctionnent et assurent leur survie dansun
environnement trs comptitif, tout en assurant lesintrts
particuliers des parties prenantes les plus puis-santes sans que
leurs enjeux ne soient thiquementremis en cause (Scherer et
Palazzo, 2007). La troi-sime limite a trait au rle quaccorde la
conceptionlibrale de la RSE ltat qui est cens protger lesdroits de
citoyennet des individus et rguler le sys-tme conomique permettant
ainsi de garantir lalibert prive, de protger les intrts lgitimes
des
parties prenantes et par consquent dassurer le bien-tre social
(Levitt, 1958 ; Friedman, 1962 ; Sundaramet Inkpen, 2004). Ce mode
dinteraction entre ltat,lentreprise et la socit peut bien
fonctionner dans uncontexte o ltat est rellement capable de prdire
lesproblmes et les conflits dans la socit, de formulerles
rgulations et de promulguer les rgles travers lesystme lgal et
administratif. Ce modle dinterac-tion devient cependant plus
compliqu dans uncontexte de globalisation, o la capacit de
ltat-nation rguler les activits de lentreprise diminue(Beck, 2003)
et o les entreprises sont en train das-sumer un nouveau rle dans la
socit qui sapparenteaux fonctions qui sont normalement dvolues
ltat-nation (Zadek, 1999 ; Matten et Crane, 2005 ;Champion et
Gendron, 2005 ; Scherer et al., 2006).Pour dpasser ces limites,
certains chercheurs dans ledomaine Business and Society ont procd
au rexa-men de la relation entre lentreprise et la socit
enmobilisant des cadres thoriques dinspiration philo-sophique
dveloppant ainsi des nouvelles conceptionsde la responsabilit
sociale de lentreprise. Dans la sec-tion suivante, nous prsenterons
une nouvelleconception que nous appellerons la
conceptioncontractualiste de la RSE qui, en se basant sur lathorie
des parties prenantes dveloppe par Freeman(1984) et la thorie des
contrats sociaux intgrs dve-loppe par Donaldson et Dunfee (1994),
accorde unrle conomique et social lentreprise. Nous souli-gnerons
ensuite les limites de cette conception ;limites qui expliquent le
dveloppement duneconception politique de la RSE.
2. LA CONCEPTION CONTRACTUALISTEDE LA RSE : LENTREPRISE COMME
ACTEURCONOMIQUE ET SOCIAL
La conception contractualiste de la RSE est porteusedune
critique interne de la vision actionnariale de lafirme sur laquelle
se base la conception librale de laRSE et dfend un mode plus
partenarial de gouver-nance. Elle se base sur la thorie des parties
prenantesafin de fournir un cadre normatif au rle que doitassumer
les entreprises dans la socit.
2.1. La thorie des parties prenantes : un cadrenormatif pour la
dfinition de la responsabilitde lentreprise vis--vis de la
socit
La thorie des parties prenantes qui propose une ana-lyse des
relations noues entre lentreprise et son envi-ronnement est devenue
lune des rfrences tho-riques dominantes dans la littrature
foisonnanteportant sur la responsabilit sociale de lentreprise.Elle
est considre comme une vritable thorie alter-
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native aux approches conomiques en visant refor-muler les
objectifs organisationnels pour y intgrerune dimension thique (Gond
et Mercier, 2004). Lathorie des parties prenantes remet en cause la
visionde lentreprise comme acteur priv dont le seul objec-tif est
la maximisation du profit, telle que vhiculepar la conception
librale de la RSE, et lui oppose unevision de lentreprise comme un
nud de contrats.Selon Clarkson (1995), la nature des contrats
quirelient les managers aux parties prenantes est variableet peut
renvoyer une relation de proprit desdroits ou des intrts dans une
entreprise et ses activi-ts passes, prsentes ou venir. Ces droits
ou intrtsrevendiqus rsultent de transactions ou dactionsentreprises
par la firme et peuvent tre caractrelgal ou dordre moral,
individuel ou collectif (p.97). Nous voulons ici souligner que le
terme de partieprenante qui a merg dans les annes 1960 et qui
aconnu une grande popularisation travers louvragefondateur de
Freeman (1984) est dfini comme toutindividu ou groupe dindividus
qui peut affecter outre affect par les actions, les dcisions, les
politiques,les pratiques ou les objectifs dune organisa-tion
(Carroll et Buchholtz, 2000 : 6).Les premiers travaux qui ont port
sur la thorie desparties prenantes et qui se sont bass sur louvrage
deFreeman (1984) avaient une orientation opration-nelle et
managriale. Leur objectif tait de rendrecompte des rapports
quentretenait lentreprise avecles diffrents groupes dacteurs qui
peuvent menacersa survie ou influer sur sa performance.
SelonFreeman (1984), la prise en considration des partiesprenantes
au niveau managrial est trs importante etdoit tre effectue de
manire volontaire par les entre-prises parce que a leur permet
dviter quon leurimpose des solutions lgislatives qui sont coteuses
etqui rduisent la libert dcisionnelle des managers.Dans cette
perspective, la responsabilit sociale delentreprise nest pas
universelle mais elle est contin-gente et relative et sexerce en
fonction des parties pre-nantes identifies comme importantes par
lentreprise(Dupuis, 2007). Lenjeu selon cet auteur est de
slec-tionner les parties prenantes importantes pour lentre-prise,
didentifier leurs attentes, de dfinir les engage-ments leur gard et
de mettre en uvre les moyensadquats pour y rpondre. Durant les
annes 1990, lathorie des parties prenantes a connu des
dveloppe-ments thoriques importants qui ont eu pour
objectifdasseoir ses fondements normatifs. Parmi les articlesles
plus importants publis durant cette dcennie estcelui de Donaldson
et Preston (1995). Ces deuxauteurs ont dvelopp une taxonomie des
thories desparties prenantes en les classant en trois
grandesapproches : lapproche descriptive, lapproche instru-mentale
et lapproche normative. Alors que les deuxapproches descriptive et
instrumentale de la thoriedes parties prenantes ont pour objectif
de dcrire lesrelations entre lentreprise et son environnement
afinde fournir un outil daide aux dirigeants pour grer les
parties prenantes de lentreprise de faon stratgique,lapproche
normative a conduit llargissement delobjectif de lentreprise de la
seule maximisation duprofit la coordination des intrts de ses
diffrentesparties prenantes. Ainsi, en visant lgitimer les int-rts
des parties prenantes autres que les actionnaires,cette approche
normative fournit un cadre thoriquequi justifie la reconnaissance
des responsabilits delentreprise envers ses parties prenantes. Pour
justifierle fondement normatif de la thorie des parties pre-nantes,
les auteurs se sont bass sur des approches phi-losophiques telles
que la thorie de la justice de Rawls(Freeman, 1994) ou les thories
du contrat social(Donaldson et Dunfee, 1994). Ces approches
nedcrivent pas simplement les faits moraux mais ten-tent de dfinir
des principes ou des critres qui aident examiner, justifier ou
amliorer la qualit morale ducomportement de lentreprise dans des
socits demarch. Dans ce qui suit, nous prsenterons la tho-rie des
contrats sociaux intgrs qui a t formulepar Donaldson et Dunfee
(1994) et qui accorde unrle social lentreprise.
2.2. La thorie des contrats sociaux intgrs :lentreprise comme
agent conomique socialementresponsable
Dans la thorie des contrats sociaux intgrs,Donaldson et Dunfee
(1994) ont propos uneapproche normative pour la conduite thique
desentreprises. Cette approche se base sur lide duncontrat social
qui est tabli implicitement par lesmembres de la socit. Ce contrat
social est constitupar les rgles du jeu par lesquelles les membres
de lasocit oprent. Il implique que les dirigeants des entre-prises
ont lobligation thique de contribuer laug-mentation du bien-tre de
la socit et de satisfaire lesintrts de leurs parties prenantes sans
violer les prin-cipes de justice. Lide de lexistence dun contrat
socialou implicite entre lentreprise et la socit impliquegalement
que la socit reconnat lexistence de cetteentit la condition quelle
serve ses intrts. Par cons-quent, la thorie des contrats sociaux
intgrs considreque la RSE dcoule dun contrat social entre
lentre-prise et la socit et cherche tablir la nature ducontrat
fixant les obligations de lentreprise au regarddes bnfices quelle
tire de lutilisation des bienssociaux. Dans cette perspective,
lentreprise est consi-dre la fois comme un acteur conomiquement
etsocialement responsable (Donaldson et Dunfee, 1994).
2.3. Les limites de la conception contractualistede la RSE
Deux critiques ont t adresses la conceptioncontractualiste de la
RSE. La premire renvoie lab-
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sence dune analyse du processus de communicationet de dlibration
entre lentreprise et ses parties pre-nantes qui dtermine la
lgitimit morale dune dci-sion. En effet, la lgitimit dune dcision
donnepeut seulement tre base sur un processus communi-catif de
construction de sens et du consensus construitpar les acteurs
impliqus. Dans cette perspective,Suchman (1995) prcise que la
lgitimit moralersulte de la participation de lentreprise dans
unediscussion publique explicite (p. 585). Ceci est dau-tant plus
vrai que lentreprise volue dans un contextede pluralisme culturel
et de fragmentation des valeurset des intrts qui caractrisent la
socit globalise(Scherer et Palazzo, 2008). Lapproche
contractualistede la RSE est galement critique parce quelle ne
per-met pas de saisir lentire porte de la RSE cause delincompltude
de la thorie des parties prenantes surlaquelle elle se base
(Dupuis, 2007). En effet, en foca-lisant son attention sur la seule
dimension institu-tionnelle de lentreprise et en omettant de
prendre encompte lvolution de ses frontires, la
conceptioncontractualiste de la RSE ne permet pas danalyser
laresponsabilit sociale de lentreprise dans un contextede
globalisation de lconomie caractris par lmer-gence de nouveaux
acteurs privs qui constituent desnouvelles parties prenantes pour
lentreprise tellesque : les organisations non gouvernementales
(ONG),les associations cologiques ou humanitaires et
lesinvestisseurs socialement responsables. Ces acteursont des
nouvelles attentes vis--vis de lentreprise quidoit les prendre en
considration dans la formulationde sa stratgie RSE. Nous montrerons
dans la sectionsuivante que la conception politique de la RSE
sestdveloppe ces dernires annes pour dpasser cesdeux limites et
pour rpondre lappel actuel dunnombre croissant dauteurs pour une
conceptualisa-tion politiquement largie de la RSE dans un
contextede globalisation (Margolis et Walsh, 2003 ; Dubbink,2004 ;
Matten et Crane, 2005 ; Scherer et al., 2006).
3. LA CONCEPTION POLITIQUE DE LA RSE :LENTREPRISE COMME ACTEUR
POLITIQUE DANSUNE SOCIT GLOBALISE
En 1999, Simon Zadek le fondateur et le directeurexcutif
dAccountability, une ONG britannique qui apour mission de
promouvoir un systme comptablepropre aux thmatiques du dveloppement
durable adclar que la fin du 20e sicle a connu un change-ment dans
les valeurs des entreprises qui sont prpa-res assumer un rle
historique diffrent dans lasocit () au moment o les rles qui taient
assu-rs avec succs par lEtat sont de plus en plus mena-cs (p.
23-24). Matten et Crane (2005) partagent cemme point de vue en
observant que dans uncontexte de globalisation, les entreprises
mnent desactivits volontaires dans le domaine social et envi-
ronnemental qui vont au-del de la comprhensioncommune de la
responsabilit sociale de lentreprise etde la RSE telle que
conceptualise dans la traditionlibrale. En effet, certaines
entreprises ne rpondentpas seulement aux attentes de leurs parties
prenantesles plus influentes en se conformant aux standardslgaux et
moraux de la socit mais sengagent dansdes discours qui ont pour
objectif de redfinir cesstandards et ces attentes dans un monde
globalis etassurent par consquent une co-responsabilit poli-tique
largie (Scherer et al., 2006). Cependant, cesont Scherer et Palazzo
(2007) qui ont t les premiers jeter les bases dune conception
politique de la RSEdans leur article fondateur Toward a
PoliticalConception of Corporate Responsibility Business andSociety
seen from a Habermasian Perspective publidans lAcademy of
Management Review. Dans cetarticle, les deux auteurs ont montr que
la thorie dela dmocratie dlibrative de Jrgen Habermasfournit des
bases thoriques solides pour le dvelop-pement dune conception
politique de la RSE dans uncontexte de globalisation. Cette
conception constitueen effet une re-conceptualisation de la
relation entrelentreprise et la socit et une redfinition du rle
quedoit jouer lentreprise dans une socit globalise.Pour lucider la
conception politique de la RSE, nouscommencerons tout dabord par la
prsentation de lathorie de la dmocratie dlibrative de Habermasqui
nous fournira les outils conceptuels pour mieuxcomprendre la
dynamique changeante de la relationentre ltat, les entreprises et
les acteurs de la socitcivile dans un contexte de globalisation et
le change-ment de mode de gouvernance globale qui endcoule. Cette
analyse nous permettra par la suitedapprhender le rle politique que
joue un grandnombre dentreprises multinationales dans uncontexte de
globalisation. Ce qui nous mnera enfin proposer une dfinition de la
nouvelle conceptionpolitique de la RSE et lillustrer par des
exemplespratiques.
3.1. La thorie de la dmocratie dlibrative :limportance de la
participation des acteursde la socit civile dans le processus de
prisede dcision politique
La thorie librale considre que les activits cono-miques et
politiques sont deux domaines opposs.Elle se base sur lhypothse
selon laquelle lEtat estcapable de rguler le systme conomique en
garantis-sant la stabilit du contexte lgal dans lequel les
entre-prises oprent de telle sorte que les rsultats de
leursactivits contribuent au bien commun (Levitt, 1958 ;Friedman,
1962, 1970). La conception librale de ladmocratie qui sinspire de
cette thorie fonde la lgi-timit des dcisions politiques sur le
rsultat des lec-tions mais nglige lapport procdural qui prcde
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prise de ces dcisions. Selon Scherer et Palazzo(2007), cette
approche est remise en question par lathorie dlibrative de la
dmocratie dveloppe parJrgen Habermas qui se base essentiellement
sur lestrois postulats suivants :1- La lgitimit des dcisions
politiques se base sur laqualit discursive du processus de prise de
dcision.Selon cette thorie, il ny a pas de prfrences fixes oudes
intrts personnels exclusifs. A travers lchangeet la concertation,
le discours peut mener une trans-formation des prfrences. Par
consquent, la prise dedcision politique sur la base du dialogue et
de la jus-tification publique accessible tous les citoyensmnera des
rsultats rationnels et mieux informs,augmentera lacceptation des
dcisions, promouvra lerespect mutuel entre les acteurs impliqus et
rendraplus facile la correction des dcisions errones qui ontt
commises dans le pass ;
2- Limportance de la dlibration des acteurs de lasocit civile.
Pour Habermas, il est impossible deparler de dmocratie radicale o
tous les citoyensparticipent tous les processus de prise de
dci-sions publiques dans les socits modernes. Cestpourquoi, il
roriente lattention vers les formesdassociations des citoyens
telles que les ONG etles mouvements sociaux ou cologiques qui
ontpour objectif de dfendre les causes des citoyensdans un contexte
public largi. travers cette pers-pective, les associations
mergentes de la socitcivile qui transmettent les valeurs, les
besoins et lesproblmes des citoyens sont les acteurs cls dans
leprocessus de formation dmocratique ;
3- Dans une socit pluraliste, les institutions dmo-cratiques
existantes ont besoin dun lien plus fortavec les acteurs de la
socit civile. Un tel encastre-ment dlibratif de la prise de dcision
politiquepeut tre atteint en rendant aussi bien les processusque
les rsultats de la concertation et du vote ainsique dautres
activits politiques importantes plusaccessibles aux citoyens.
Pour Scherer et Palazzo (2007), la thorie de la dmo-cratie
dlibrative de Habermas fournit des bases tho-riques solides pour
conceptualiser une nouvelleapproche de la RSE dans un contexte de
globalisationcaractris par le changement de la dynamique
dinter-action entre ltat, les entreprises et les acteurs de lasocit
civile et o les entreprises multinationales parti-culirement
assurent de plus en plus un rle politique.Aprs avoir prsent
brivement le concept de globalisa-tion et son impact sur le
changement de mode de gou-vernance globale, nous montrerons son rle
danslmergence dune conception politique de la RSE.
3.2. Limpact du processus de globalisationsur le mode de
gouvernance globale
La globalisation dcrit un processus dintensificationdes
relations sociales transfrontalires entre des acteurs
gographiquement distants et dinterdpendancetransnationale
croissante entre les activits sociales etconomiques. Elle recouvre
essentiellement deux ph-nomnes importants (Gond, 2006). Le premier
ph-nomne est celui de la libralisation qui renvoie lasuppression
des obstacles tarifaires et non tarifaires(douaniers ou autres) aux
changes entre pays enmatire de marchandises et de services. Le
deuximephnomne qui est celui de la dterritorialisationconsiste
garantir le droit des entreprises investir etdonc simplanter sur le
territoire de tout tat. Cecidit, la globalisation de lconomie
constitue une trans-formation radicale de lquilibre reposant sur
lestats-nations qui ont beaucoup perdu de leur capacitde
gouvernance politique et de leur pouvoir de rgu-lation des activits
des entreprises qui tendent leursoprations au niveau transnational.
Selon Scherer etPalazzo (2008), la diminution du pouvoir de
rgula-tion des tats-nations a trois implications majeures :(1) le
dveloppement dun mta-pouvoir pour lesentreprises multinationales,
(2) lapparition dun videde rgulation cause de lincapacit des
tats-nations rsoudre les problmes environnementaux etsociaux
globaux et (3) laugmentation du pouvoir desacteurs de la socit
civile qui comblent le vide dergulation en exerant un
contre-pouvoir celui dve-lopp par les multinationales.
3.2.1. Le dveloppement dun mta-pouvoirpour les entreprises
multinationales
Dans un contexte transnational, les entreprises multi-nationales
ont dvelopp un mta-pouvoir quellestirent non seulement de lnorme
quantit de res-sources quelles contrlent mais surtout de leur
capa-cit de choisir dans quel pays elles vont investir et cecisans
avoir se justifier auprs de quel que acteur quece soit (Beck, 2003
; Scherer et al., 2006). Le mta-pouvoir des entreprises
multinationales leur permetde comparer les systmes juridiques
nationaux etdopter pour celui qui leur prsente le plus davan-tages.
Ce mta-pouvoir permet galement aux entre-prises de crer ou
supprimer des emplois, de dvelop-per de nouveaux produits, douvrir
des marchs, decontourner ou saper les rglementations et lescontrles
tatiques. Les entreprises multinationales setransforment ainsi en
quasi-tats qui relvent delconomie prive et qui prennent des
dcisions poli-tiques (Beck, 2003).
3.2.2. Lincapacit des tats-nations rsoudreles problmes
environnementaux et sociaux glo-baux
Alors que la souverainet des tats-nations reste limi-te au
niveau national, les problmes majeurs qui sontapparus dans le monde
tels que le rchauffement cli-matique, le sida, la corruption, la
malnutrition, ladforestation ou la violation des droits de
lhommesont des problmes qui ont une dimension transna-tionale. Par
consquent, ces problmes ne peuvent pas
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tre rsolus de manire unilatrale par les tats-nations dans leurs
sphres dinfluence gographique-ment limite (Scherer et Palazzo,
2008). En outre, lesentreprises multinationales sont critiques pour
tre lasource majeure de ces problmes. Dans ce contexte dediminution
de la capacit de ltat-nation rguler lesactivits des entreprises et
prendre en charge les dfismondiaux, il nexiste pas une institution
de gouver-nance globale suffisamment puissante qui peut dfinirou
imposer des rgles ou des mcanismes qui permet-tent de faire face
ces dfis et dimposer des sanctionsaux entreprises qui prsentent des
comportementsdviants. Nous montrerons dans ce qui suit que cevide
de rgulation va tre combl par dautres institu-tions et acteurs de
la socit civile qui ont dveloppune influence politique sur le
processus de prise dedcision des entreprises et des
gouvernements.
3.2.3. Le pouvoir de contrle dvelopp par lesONG et les
mouvements de la socit civile
Beck (2003) confirme que le mta-pouvoir dont dis-pose les
multinationales nest pas lgitim dmocrati-quement. Plus ce pouvoir
augmente, plus son dficitde lgitimit est reconnu et par consquent
il devientla cible des critiques des mouvements de la socitcivile.
Ceci explique lmergence de contre-pouvoirssociaux qui compensent la
diminution du pouvoir deltat-nation vis--vis des entreprises
multinationales.Ces contre-pouvoirs sexpriment travers les
associa-tions de dfense des consommateurs, les ONG ou
lesassociations cologiques qui contribuent la mdiati-sation des
scandales aussi bien politico-financiers (telsque Enron, WorldCom
ou Vivendi Universal) quco-logiques et sociaux (celui de Mtaleurop
par exemple)et qui ont le pouvoir dexercer un certain contrle
surles activits des entreprises et leurs stratgies (Capronet
Quairel-Lanoizele, 2004 ; Descolonges et Saincy,2004 ; Attara et
Jacquot, 2005).Il ressort de cette analyse que lun des effets
majeursde la globalisation de lconomie est le changement
delinteraction entre ltat, les entreprises et les acteursde la
socit civile ; ce qui a contribu lmergencedune nouvelle forme de
rgulation qui est la gouver-nance globale. Ce changement se
manifeste essentiel-lement par une dcentralisation de lautorit
etlmergence dun pouvoir politique pour des acteursqui sont lorigine
non politiques et non tatiques telsque les ONG, les organisations
intergouvernemen-tales et les entreprises multinationales (Scherer
etPalazzo, 2007). Ces acteurs privs sont dots dunelgitimit
croissante dans la dfinition et le contrledes normes sociales qui
taient autrefois soumises aucontrle de ltat. Un deuxime effet
majeur de laglobalisation de lconomie, qui peut tre considrcomme
tant le corollaire du premier effet, est lerenouvellement de la
manire de concevoir la respon-sabilit de lentreprise vis--vis de la
socit. En effet,la RSE doit tre discute par rapport un
contextedmergence de procdures et dinstitutions de gou-
vernance au-del de ltat-nation (Rondinelli, 2002).En outre, dans
un contexte de globalisation, il ny apas de standards lgaux ou
moraux largement parta-gs. Par consquent, les questions de
responsabilitsociale de lentreprise sont dun niveau de
complexitplus lev que dans des contextes nationaux homo-gnes. Pour
faire face cette complexit et rpondreraisonnablement aux
changements des demandessocitales, lentreprise doit remplacer la
conformitimplicite aux normes et aux attentes socitales par
uneparticipation explicite aux processus publics de prise dedcision
politique (Scherer et Palazzo, 2007). Un telchangement est considr
par ces deux auteurscomme une politisation de lentreprise qui
constituedailleurs un troisime effet majeur de la globalisationde
lconomie.
3.3. Le rle politique des entreprisesmultinationales dans un
contexte de globalisation
Dans un contexte transnational caractris par unergulation lgale
et morale fragile et incomplte, lesentreprises ont une
responsabilit politique suppl-mentaire afin de contribuer au bon
fonctionnementde la gouvernance globale. Les responsabilits
socialessont analyses comme rsultant dun encastrement delentreprise
dans un contexte dinstitutions socitaleschangeantes et lentreprise
est perue comme unacteur politique (Walsh et al., 2003 ; Scherer et
al.,2006). La politisation de lentreprise se manifeste dedeux
manires. Premirement, par sa participationaux processus de
dlibration politique et son engage-ment dans la rsolution des dfis
socitaux lchellemondiale en coopration avec ltat et les acteurs
dela socit civile. Deuximement, par la soumission delentreprise de
son pouvoir croissant et de son engage-ment politique aux processus
dmocratiques decontrle et de lgitimit (Fung, 2003 ; Scherer
etPalazzo, 2008). Ainsi, un nombre important dentre-prises labore
des codes de conduite en collaborationavec les ONG critiques,
expose leur performancesociale au contrle dune tierce partie et
intgre lesattentes des acteurs de la socit civile dans leur
pro-cessus de prise de dcision. Dautres entreprises sen-gagent dans
des domaines dintervention qui rele-vaient autrefois de la stricte
souverainet de ltat telsque la sant publique, lducation, la scurit
socialeet la protection des droits de lhomme dans les pays rgime
rpressif (Kinley et Tadaki, 2004 ; Matten etCrane, 2005) ou encore
prennent leur charge larsolution des dfis socitaux une chelle
mondialetels que la lutte contre le sida, la malnutrition,
lillet-trisme ou le rchauffement climatique. Dautresentreprises
vont encore plus loin en promouvant lapaix et la stabilit socitale
(Margolis et Walsh, 2003).Dans cette perspective, les actions menes
par Lafargeet Arcelor en matire de dialogue avec les
riverainsdpassent les comptences et le champ dintervention
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traditionnel dun service environnement. De mme,la conduite des
projets de restructuration mens parLafarge-Maroc ou Arcelor dborde
du cadre dinter-vention et des comptences des directions des
res-sources humaines. La gestion du sida dans une entre-prise comme
Lafarge dpasse galement lescomptences du service hygine, sant et
scurit. Cesactions menes dans le domaine social et environne-mental
refltent une reconfiguration du champ dusocial dans lentreprise et
constituent autantdexemples qui indiquent la politisation de
lentre-prise (Aggeri et al., 2005 ; Scherer et Palazzo, 2007
;2008).
3.4. La conception politique de la RSE : un essaide
dfinition
Les exemples dengagement socital des entreprisesque nous venons
de prsenter vont au-del dunsimple soutien des causes
environnementales etsociales et dune simple gestion des pressions
exercespar les parties prenantes. Ils vont galement au-deldune
comprhension traditionnelle de la responsabi-lit de lentreprise
vis--vis de la socit telle quereprsente par la conception librale
ou contractua-liste. Les exemples prcdemment cits montrent eneffet
que la RSE se manifeste de plus en plus par len-gagement des
entreprises dans un processus politiquede rsolution des problmes et
des dfis souvent unechelle globale. Mais Walsh (2005) prcise que
cenest pas seulement lengagement lui-mme qui necorrespond pas la
conception traditionnelle de la
RSE. Cet engagement est encastr dans des mca-nismes dmocratiques
de dlibration, de transpa-rence et de responsabilit.En nous basant
sur lanalyse de Scherer et Palazzo(2007), qui mobilisent la thorie
de la dmocratiedlibrative de Jrgen Habermas afin de mettre lac-cent
sur le lien discursif entre ltat, les entreprises etles acteurs de
la socit civile, nous pouvons propo-ser la dfinition suivante de la
conception politiquede la RSE : cest le mouvement des entreprises
versla rsolution des dfis environnementaux et sociauxglobaux en
cooprant de manire continue avec lesorganisations et les
institutions nationales et inter-nationales et leur participation
aux processus de dli-bration politique . Cette conception se
manifestepar le changement des entreprises du mode dexer-cice de
leurs responsabilits sociales en passant dunmodle ractif o elles se
conforment passivementaux pressions de leurs parties prenantes,
caractrisantla conception librale de la RSE, un modle proac-tif
dengagement socital o elles simpliquent dansun processus politique
de rsolution des problmessocitaux et dans la garantie de la
transparence dansla mise en uvre de ce processus. Nous
pouvonsillustrer cette conception politique de la RSE par
lesexemples des activits menes par les multinationalessuivantes :
linstitutionnalisation par Novartis dundialogue public large et
transparent sur les responsa-bilits des entreprises
pharmaceutiques, lempresse-ment de Chiquita exposer ses activits
aux mca-nismes de contrle indpendants, lengagement deBritish
Petroleum (BP) appliquer les critres duprotocole de Kyoto et la
rvlation par le groupe
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Tableau 1 : Comparaison entre les trois conceptions de la
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Nike de son rseau de fournisseurs (Scherer etPalazzo, 2007).Le
tableau 1 prsente une comparaison entre les troisconceptions
librale, contractualiste et politique de laresponsabilit sociale de
lentreprise.
4. LA CITOYENNET DE LENTREPRISE :UN NOUVEAU CONCEPT POURLA
REDFINITION DU RLE DE LENTREPRISECOMME ACTEUR POLITIQUE DANSUN
CONTEXTE DE GLOBALISATION
En nous basant sur les travaux de Matten et Crane(2005) et
Champion et Gendron (2005), nous mon-trerons que le concept de
citoyennet de lentreprisene sinscrit pas dans la continuit des
dbats sur laRSE mais quil constitue une rupture fondamentaleavec
les analyses des courants prcdents en confrant lentreprise un
nouveau rle politique et en contri-buant lmergence dune conception
politique de laRSE.
4.1. La conceptualisation thorique tenduede la Citoyennet de
lentreprise : un cadredanalyse pour ltude du changement du rlede
lentreprise dans la socit
Matten et Crane (2005) remettent en cause la pers-pective quils
appellent conventionnelle de la citoyen-net de lentreprise qui
domine le champ acadmiquede recherche Business and Society. Pour
les reprsen-tants de cette perspective, le concept de citoyennetde
lentreprise sinscrit dans la ligne des travaux sur laRSE (Carroll,
1999 ; Logsdon et Wood, 2002) et sedfinit comme le degr auquel les
entreprises rpon-dent leurs responsabilits conomique, lgale,thique
et discrtionnaire imposes par leurs partiesprenantes (Maignan, 2000
: 284). Cette perspectiveest critique parce quelle fonde la
dfinition de lacitoyennet de lentreprise sur les conceptions
exis-tantes de la RSE sans aucune dfinition du nouveaurle de
lentreprise dans la socit et sans aucune pr-cision de la
signification du terme de citoyennet.Pour dpasser ces deux limites,
Matten et Crane(2005) proposent une conceptualisation
thoriquetendue de la citoyennet de lentreprise en se basantsur la
notion de citoyennet telle quelle est abordedans sa discipline
dorigine qui est la science politiqueet en mobilisant une cole de
pense particulire savoir la citoyennet librale. La nouvelle
conceptua-lisation permet en effet de montrer quune compr-hension
plus prcise de la citoyennet de lentreprisenous aide mieux
comprendre les changements signi-ficatifs du rle de lentreprise
dans la socit durantces dernires annes.
Nous montrerons dans ce qui suit que cette
nouvelleconceptualisation a deux implications majeures.Premirement,
elle permet de dpasser la superficialitavec laquelle est prsente la
notion de citoyennetdans la perspective conventionnelle qui domine
lechamp acadmique Business and Society. Dans cetteperspective, la
citoyennet implique ladhsion unecommunaut politique limite (qui est
normalementnationale). En se basant sur ce point de vue, la
citoyen-net de lentreprise implique que les entreprises sont des
entits lgales qui ont des droits et des devoirs, enralit, des
citoyens des tats dans lesquels elles op-rent (Marsden ; 2000 :
11). Cette dfinition estremise en cause par la perspective de la
citoyennet lib-rale selon laquelle la citoyennet comprend trois
aspectsdiffrents de droits : les droits sociaux, les droits
civilset les droits politiques (Matten et Crane, 2005). Lesdroits
sociaux fournissent aux individus la libert departiciper la socit.
Parmi ces droits, figurent le droit lducation et le droit la sant.
Les droits civils four-nissent quant eux aux individus une
protection contreles abus et les interfrences par une troisime
partie(notamment les gouvernements). Parmi lesquels, nouspouvons
citer le droit de possder une proprit, lexer-cice de la libert
dexpression et lengagement dans desmarchs libres. Lacteur cl ici
est le gouvernement quirespecte et accorde les droits civils aux
citoyens et quisoccupe, travers les institutions de
ltat-providence,de la ralisation et de la protection des droits
sociaux.Contrairement ces deux premiers ensembles de droitspassifs,
puisque ltat est lacteur qui veille leuraccomplissement, les droits
politiques dpassent lasimple protection de la sphre prive des
individus versleur participation active dans la socit. Ces
droitsincluent le droit de vote et le droit de faire partie
dunprocessus de formation collective dans la sphrepublique.La
deuxime implication majeure de la conceptualisa-tion thorique
tendue de la citoyennet de lentrepriseest quelle permet dtablir la
relation entre les entre-prises et la citoyennet dans un contexte
caractris parles changements rcents dans les relations entre
lesentreprises et la socit et o les entreprises ont reprisbeaucoup
de rles et dactions qui ont t prcdem-ment associs ltat-nation
(Hertz, 2001b). Lanalysede la transition vers la terminologie de la
citoyennetde lentreprise et le nouveau rle quelle confre
len-treprise fera lobjet dtude de la sous-section suivante.
4.2. Le rle de la globalisation dans la participationdes
entreprises la protection des droits decitoyennet des individus
Comme nous lavons prcis auparavant, dans la pers-pective librale
de la citoyennet ltat-nation protgeles droits sociaux et civils des
individus et fournit ainsilespace dans lequel les droits politiques
sont exercs et
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les dcisions collectives sont prises. La citoyennetapparat par
consquent comme tant insparable-ment lie un territoire national qui
est gouvern parun tat souverain qui constitue le seul garant de
cesdroits de citoyennet. La transition vers la terminolo-gie de
citoyennet de lentreprise se traduit par laparticipation des
entreprises la protection des droitsde citoyennet (Matten et Crane,
2005). Cette transi-tion sexplique essentiellement par lchec des
tats-nations tre les seuls garants de ces droits. Cet
affai-blissement du pouvoir des tats-nations sexpliqueselon Falk
(2000) par le processus de globalisationdont la principale
caractristique est la dterritoriali-sation de linteraction
conomique, sociale et poli-tique. Ce processus de globalisation a
deux principauxeffets. Premirement, il modifie largement les
qui-libres de pouvoirs. De ce fait, lentreprise transnatio-nale,
plus particulirement, bnficie dune puissanceconomique suprieure de
nombreux tats. Ainsi, lecumul des ventes des cinq premires
multinationales, savoir General Motors, Wal-Mart, Exxon Mobil,Ford
Motor et DaimlerChrysler dpassait en 1999 lecumul des PIB de 182
pays (Champion et Gendron,2005). Ces deux auteurs citent galement
un autreexemple significatif celui de General Motors dont lesventes
annuelles sont maintenant plus importantesque le PIB du Danemark.
Un autre effet majeur duprocessus de globalisation est
laffaiblissement de lacapacit des tats-nations rsoudre les
problmessociaux et environnementaux globaux tels que la pau-vret,
la famine ou encore le rchauffement clima-tique et par consquent la
diminution de leur capacit prendre en charge lintrt gnral. Ces
effets mon-trent que la globalisation a aid dplacer la
respon-sabilit de la protection des droits de citoyennet loindes
tats-nations et a rorganis les demandes quisont places sur les
entreprises multinationales qui, depar leur pouvoir, constituent
les institutions les plusaptes prendre en charge les dfis sociaux
et environ-nementaux lchelle globale (Marsden, 2000).
Dans ce contexte, la citoyennet de lentreprisedcrit le rle de
lentreprise dans ladministration desdroits de citoyennet pour les
individus (Matten etCrane, 2005 : 173). Cette dfinition remet en
causelide dfendue par Logsdon et Wood (2002) selonlaquelle la
notion de citoyennet de lentreprise dfi-nit lentreprise en tant que
citoyen (comme cest le caspour les individus) et reconnat que
lentreprise grecertains aspects de la citoyennet pour
dautresgroupes dintrts qui incluent les diffrentes patriesprenantes
de lentreprise.Cette nouvelle conceptualisation thorique tenduede
la notion de citoyennet de lentreprise exprime latransition du rle
social au rle politique que jouentde plus en plus dentreprises dans
un contexte de glo-balisation. Une telle transition est lorigine
delmergence dune conception politique de la RSEtelle que reprsente
dans la figure 1.
CONCLUSION
Dans cet article, nous avons poursuivi un doubleobjectif. Dune
part, nous avons montr quil y a euune volution historique de la
conception de la res-ponsabilit de lentreprise vis--vis de la socit
qui amen au dveloppement dune conception politiquede la RSE, et que
chaque conception sest dveloppepour dpasser les limites de celle
qui la prcdait.Nous avons galement soulign que chaque concep-tion
de la RSE est porteuse dune conceptualisationdiffrente du rle que
doit jouer lentreprise dans lasocit. Ainsi, nous avons montr que la
conceptionlibrale de la RSE considre lentreprise comme unacteur
conomique et opportuniste qui a pour rle defaire des profits tout
en se conformant la loi et latradition morale. La conception
contractualiste de laRSE considre lentreprise comme un acteur
cono-mique et social qui doit augmenter le bien-tre de la
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Figure 1 : Les deux dates transitoires dans lvolution historique
de la conception de la RSE.
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socit en se rfrant aux normes thiques et aux prin-cipes de
justice. Ces deux conceptions ne permettentpas cependant de dfinir
le rle que doit assumer len-treprise dans une socit globalise
caractrise par ladiminution du pouvoir des tats-nations protgerles
droits de citoyennet des individus et prendre encharge lintrt
gnral.Dautre part, nous avons montr que dans ce contextede
transformation de lquilibre de pouvoir, la transi-tion vers le
concept de citoyennet de lentreprise a confr lentreprise un nouveau
rle politique. Lesentreprises considres de cette manire,
assumentparfois un rle semblable celui de ltat et devien-nent des
acteurs politiques (Matten et Crane, 2005 ;Walsh, 2005). Elles ne
sont pas seulement les destina-trices de la rgulation mais aussi
les auteurs de rglesavec un impact politique. La conception
politique dela RSE constitue donc une re-conceptualisation de
larelation entre lentreprise et la socit dans uncontexte de
globalisation de lconomie caractrisepar lmergence de procdures et
dinstitutions degouvernance au-del de ltat-nation et une
redfini-tion du rle de lentreprise dans la socit. Cetteconception
consiste pour une entreprise remplacerla conformit implicite aux
normes et aux attentessocitales par une participation explicite aux
processuspublics de prise de dcision politique. Une telleconception
constitue un changement paradigmatiquedans les tudes sur la RSE en
remettant en cause lasparation entre les responsabilits conomiques
et lesresponsabilits politiques (Scherer et Palazzo, 2008).
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