Chapitre 11 Item 149 – UE 6 – Endocardite infectieuse I. Définition II. Épidémiologie III. Physiopathologie IV. Clinique V. Évolution : complications, pronostic VI. Traitement VII. Prévention ______________________________________________________________________________ __ ______________________________________________________________________________ __ Objectifs pédagogiques Nationaux Diagnostiquer une endocardite infectieuse. Connaître les portes d’entrées et les agents infectieux les plus fréquemment en cause. Connaître les grands principes du traitement médical et chirurgical. Connaître la prévention des endocardites infectieuses. CNEC Connaître la définition d’une endocardite infectieuse. Connaître le terrain de l’endocardite et les situations à risque. Connaître les germes responsables des endocardites.
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Chapitre 11 Item 149 – UE 6 – Endocardite infectieuse ......Chapitre 11 Item 149 – UE 6 – Endocardite infectieuse I. Définition II. Épidémiologie III. Physiopathologie IV.
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– diagnostic par des prélèvements spécifiques pour cultures cellulaires et amplification
génique.
IV Clinique
A EI = maladie systémique de présentation polymorphe Les manifestations cliniques sont très variées, diversement associées, à l’origine de présentations
parfois très trompeuses.
L’apparition ou la majoration d’un souffle cardiaque dans un contexte fébrile est très évocatrice
du diagnostic. Le diagnostic doit également être évoqué devant un accident vasculaire cérébral,
un purpura ou des lombalgies fébriles.
1 Syndrome infectieux • Fièvre, le plus constant des symptômes.
• Altération de l’état général.
• Splénomégalie dans 20 à 40 % des cas.
2 Signes cardiaques Devant un syndrome infectieux inexpliqué, le souffle cardiaque a une valeur diagnostique
considérable.
La plus grande valeur est à l’apparition d’un nouveau souffle ou à la modification d’un souffle
connu.
L’absence de souffle ne permet cependant pas d’exclure le diagnostic.
On peut retrouver une insuffisance cardiaque, le plus souvent gauche.
Toute insuffisance cardiaque fébrile doit faire évoquer le diagnostic d’endocardite +++.
Les autres complications plus rares sont : péricardite, troubles de conduction (un bloc
auriculoventriculaire au cours d’une EI doit faire évoquer un abcès septal).
3 Manifestations extracardiaques Elles sont :
• cutanées dans 5 à 15 % des cas : purpura pétéchial, nodosités d’Osler (ou « faux panaris
»), pathognomoniques, placards érythémateux palmoplantaires de Janeway, plus rares ;
• respiratoires : toux ; dyspnée témoignant d’une IVG ; toux et dyspnée fébrile, témoins
d’emboles septiques pulmonaires multiples chez le toxicomane ;
• ophtalmologiques : purpura conjonctival, taches de Roth au fond d’œil ;
• rhumatologiques fréquentes : arthralgies des membres, lombalgies devant faire rechercher
une spondylodiscite, myalgies, parfois arthrites ;
• neurologiques : parfois inaugurales. Infarctus, hémorragies cérébrales ou
cérébroméningées, abcès cérébral ;
• rénales : atteintes spécifiques de l’EI, protéinurie ou hématurie isolée mais aussi
insuffisance rénale par atteinte glomérulaire. Autres causes possibles d’atteinte rénale
(néphrotoxicité des antibiotiques, embolie septique).
B Diagnostic Les deux piliers du diagnostic des EI sont les hémocultures et l’échocardiographie.
1 Hémocultures Elles permettent d’isoler le micro-organisme responsable dans 90 % des cas.
Trois prélèvements sanguins veineux en moyenne doivent être réalisés. Le sang ne doit pas être
prélevé au travers d’un cathéter.
Ils sont à répéter durant 2 ou 3 jours si les hémocultures initiales sont négatives, notamment chez
les sujets ayant reçu des antibiotiques.
La suspicion d’EI est à signaler au laboratoire de microbiologie, car il faut parfois un temps de
culture long pour les micro-organismes à croissance difficile (groupe HACEK, Brucella,
streptocoques déficients, levures).
Si la présomption d’EI est forte et si les hémocultures restent négatives, envisager les étiologies
des EI à hémocultures négatives et recourir à d’autres méthodes diagnostiques parfois combinées
qui incluent des techniques spéciales d’hémoculture, la sérologie (levures notamment) et
l’amplification génique.
2 Échocardiographie Elle affirme le diagnostic devant une des lésions caractéristiques : végétation, abcès, perforation
valvulaire ou désinsertion de prothèse.
• La végétation est une masse mobile, finement vibratile, attenante aux valves, et de taille
variable. Elle est identifiée par l’échocardiographie transthoracique (ETT) ou
l’échographie transœsophagienne (ETO) surtout en cas de prothèse valvulaire. Il faut
savoir répéter l’ETO, la végétation pouvant apparaître secondairement après un premier
examen normal (cf. fig. 11.1 et fig. 11.2 cf. cahier couleur, vidéo 11.1 ).
• L’abcès péri-annulaire, sur valve native ou sur prothèse, est présent dans 30 % des cas,
visible le plus souvent en ETO et sur l’anneau aortique plutôt que mitral (fig. 11.3 cf.
cahier couleur et vidéo 11.2 ).
• Les dégâts et la présence d’éventuelles complications sont appréciés : capotage ou
désinsertion d’une valve, perforation valvulaire (fig. 11.4, cf. cahier couleur), rupture de
cordage, anévrisme du sinus de Valsalva.
• Sur les prothèses valvulaires, abcès péri-annulaires et désinsertion de prothèse (fig. 11.5,
cf. cahier couleur) sont fréquents.
Le retentissement des dysfonctions valvulaires ou prothétiques est évalué à l’aide de l’étude de la
dilatation et de la fonction ventriculaire gauche, des pressions droites, et le risque embolique des
végétations (taille et mobilité) est apprécié.
Le diagnostic d’EI est confirmé chez plus de 90 % des malades, mais les faux négatifs sont
possibles. De plus, l’échocardiographie ne permet pas de distinguer une végétation « active »
d’une végétation séquellaire, stérilisée.
3 Autres examens • NFS plaquettes, recherche d’anémie hémolytique.
• Bilan inflammatoire : CRP, électrophorèse des protéines.
• Bilan immunitaire : complexes immuns circulants.
• Urée et créatinine, recherche d’hématurie et de protéinurie, ECBU.
• BNP pour évaluer le retentissement ventriculaire gauche (non systématique).
4 Recherche de la porte d’entrée • Panoramique dentaire et avis stomatologique.
• Fibroscopie gastrique ou coloscopie en cas de germe d’origine digestive.
• Échographie ou scanner abdominopelvien en cas de germe d’origine urinaire.
• Scintigraphie rachidienne au gallium ou IRM ou scanner en cas de suspicion de
spondylodiscite.
5 Classification diagnostique des endocardites infectieuses L’affirmation du diagnostic d’EI peut être difficile. Les manifestations cliniques de l’endocardite
sont très variées, peu spécifiques et peuvent toucher plusieurs organes. De ce fait, l’EI est un
diagnostic différentiel de nombreuses affections avec manifestations systémiques.
De plus, une antibiothérapie préalable avant les hémocultures est fréquente.
Démontrer l’existence d’une végétation n’est pas non plus toujours aisé. La démonstration
formelle repose sur l’examen histologique de la végétation, ce qui suppose l’intervention
chirurgicale ou l’autopsie. La visualisation des végétations reste parfois difficile, notamment
lorsqu’elles sont de petite taille ou situées sur des valves prothétiques.
Pour toutes ces raisons, des erreurs diagnostiques, le plus souvent par excès mais aussi par
défaut, sont possibles, aussi on utilise la classification diagnostique dite classification de Duke
(tableau 11.2).
Tableau 11.2 Classification diagnostique des endocardites infectieuses (présentation simplifiée
des critères de Duke).
Endocardite certaine si deux critères majeurs ou un critère majeur et trois critères mineurs ou
cinq critères mineurs.
Critères majeurs Hémocultures positives
Micro-organisme typique d’une endocardite,
isolé d’au moins deux hémocultures
OU
Hémocultures positives de façon persistante à
plus de 12 heures d’intervalle
OU
Une hémoculture positive à Coxiella burnetii
Démonstration de l’atteinte endocardique
Échocardiographie montrant des lésions
caractéristiques d’endocardite : végétation,
abcès ou désinsertion prothétique
OU
Nouveau souffle de régurgitation valvulaire
(l’aggravation ou la modification d’un souffle
connu ne sont pas suffisantes)
Critères mineurs Prédisposition : cardiopathie à risque ou
toxicomanie intraveineuse
Fièvre ≥ 38,0 °C
Complication vasculaire : cérébrale, embolie
pulmonaire septique, anévrisme mycotique…
Phénomènes immunologiques :
glomérulonéphrite, faux panaris d’Osler, taches
de Roth…
Arguments microbiologiques : hémocultures
positives, mais ne vérifiant pas la définition ci-
dessus, ou sérologie positive
V Évolution : complications, pronostic
A Complications L’insuffisance cardiaque est la première cause de mortalité de l’EI à la phase aiguë, suivie des
complications neurologiques (ischémiques d’origine embolique ou hémorragiques) :
• insuffisance cardiaque par délabrement valvulaire et fuite massive ou par fistulisation
entre différentes cavités. Rarement embolie coronaire d’une végétation ou myocardite
infectieuse ;
• embolies septiques, cérébrales, spléniques, rénales, coronaires pour les EI du cœur
gauche, pulmonaires pour les EI du cœur droit. Survenue surtout en début de traitement
ou avant traitement pour des végétations (> 15 mm) plus souvent mitrales ;
1 Principes généraux • Le traitement doit être choisi avec l’aide d’un infectiologue, le patient doit être suivi
conjointement avec un chirurgien cardiaque.
• La bactéricidie doit être obtenue le plus rapidement possible et maintenue en
permanence. Les doses d’antibiotiques doivent être importantes pour assurer en
permanence des concentrations élevées +++.
• Le traitement antibiotique doit être habituellement de longue durée car la diffusion de
certains antibiotiques peut être difficile au sein des végétations.
• Le traitement antibiotique doit être administré par voie intraveineuse (i.v.) qui est la voie
qui assure une biodisponibilité totale.
• Le traitement doit consister en une bithérapie synergique.
• La durée de traitement est identique même si une intervention chirurgicale est nécessaire.
• La disparition de la fièvre et le maintien de l’apyrexie, la négativation des hémocultures
et la disparition du syndrome inflammatoire biologique sont les meilleurs garants de
l’efficacité de l’antibiothérapie.
• La surveillance de la fonction rénale se fait sous aminosides et vancomycine.
• Les doses doivent être adaptées à la clairance de la créatinine, aux fonctions hépatiques et
mesures des concentrations plasmatiques (pics et résiduel d’aminosides).
• L’ETT et l’ETO doivent être répétées fréquemment surtout si le processus infectieux ne
semble pas maîtrisé ou en cas d’apparition d’insuffisance cardiaque.
• La prescription simultanée d’héparine aggrave le risque d’hémorragie cérébrale et est
donc à proscrire.
2 Antibiothérapie des endocardites infectieuses à streptocoques oraux et du groupe D • Amoxicilline 200 mg/kg/j associée à gentamicine 3 mg/kg/j, qu’il s’agisse d’EI
compliquée ou non, sur valve native ou sur prothèse.
• En cas de souche très sensible à la pénicilline G, dans les endocardites sur valve native, la
dose d’amoxicilline peut être réduite à 100 mg/kg/j.
• La durée est de 2 semaines de bithérapie suivies de 4 semaines (4 à 6 semaines en cas
d’EI compliquée ou sur prothèse) de monothérapie pour les endocardites non
compliquées sur valves natives.
• En cas d’allergie aux β-lactamines : vancomycine 30 mg/kg/j ou teicoplanine 6 mg/kg/j
en général associée à gentamicine 3 mg/kg/j.
3 Antibiothérapie des endocardites infectieuses à entérocoques • Amoxicilline 200 mg/kg/j associée à gentamicine ou ceftriaxone (2 × 2 g/j).
• Ou, en cas d’allergie à la pénicilline, vancomycine associée à gentamicine.
4 Antibiothérapie des endocardites infectieuses à staphylocoques • Si la souche est sensible à l’oxacilline : cloxacilline 200 mg/kg/j, l’association avec la
gentamicine 3 mg/kg/j est facultative dans les endocardites sur valve native et ne doit pas
excéder 3 jours ; en cas d’EI sur prothèse, on utilise une trithérapie cloxacilline,
gentamicine, rifampicine.
• Si la souche est résistante à l’oxacilline ou en cas d’allergie vraie à la pénicilline, la
cloxacilline est remplacée par la vancomycine (+ gentamicine et rifampicine).
• Durée totale de traitement de 4 à 6 semaines pour EI sur valves natives et au moins 6
semaines pour EI sur prothèse.
5 Antibiothérapie des endocardites infectieuses à hémocultures négatives • Situation clinique délicate qui nécessite une démarche diagnostique rigoureuse en
collaboration étroite avec le laboratoire de bactériologie.
• En attendant la documentation microbiologique, l’association amoxicilline-clavulanate +
gentamicine est commencée dans l’hypothèse d’une EI à streptocoques déficients.
• En cas d’EI sur prothèse valvulaire datant de moins d’un an, on doit suspecter un SCN
résistant à l’oxacilline et recourir à l’association triple de type vancomycine + rifampicine
+ aminoside.
• En cas d’EI sur prothèse valvulaire datant de plus d’un an, un staphylocoque reste
possible, mais d’autres micro-organismes peuvent être responsables, notamment les
streptocoques et les bactéries du groupe HACEK. Le schéma recommandé est celui des
endocardites sur valve native.
B Traitement chirurgical
1 Méthodes Le traitement chirurgical permet d’améliorer la survie des malades présentant une destruction
valvulaire d’origine infectieuse par rapport au traitement médical seul.
Il est réalisé en deux temps opératoires : débridement des tissus infectés ou nécrosés, puis
reconstruction des dégâts anatomiques.
En cas d’EI simple, limitée aux sigmoïdes ou aux valves, on procède à la réparation ou au
remplacement valvulaire.
Il est possible d’effectuer un remplacement valvulaire en présence d’une infection active, sans
contamination de la nouvelle prothèse. De bons résultats sont obtenus aussi bien avec les valves
mécaniques qu’avec les valves biologiques.
La préservation et la réparation de valve native mitrale ou tricuspide sont pratiquées à chaque
fois que cela est possible.
2 Indications sur valves natives La chirurgie valvulaire durant la phase aiguë d’une EI est recommandée en cas de :
• insuffisance cardiaque persistante sous traitement médical, en rapport avec une fuite
valvulaire ou l’apparition d’une communication anormale ;
• persistance d’un syndrome infectieux non contrôlé sous antibiothérapie adaptée ;
• endocardite fungique.
On accepte aussi l’indication en cas de :
• lésions para-annulaires sévères ou évolutives (abcès) de végétation volumineuse (> 15
mm) après un épisode embolique ;
• insuffisance cardiaque régressive sous traitement médical avec fuite valvulaire sévère.
3 Indications sur prothèses valvulaires La chirurgie valvulaire durant la phase aiguë d’une EI est recommandée en cas de :
• insuffisance cardiaque liée à une dysfonction prothétique ;
• persistance d’un syndrome infectieux malgré une antibiothérapie adaptée.
Compléments en ligne Vous pouvez accéder aux compléments numériques de ce chapitre en vous connectant sur
http://www.em-consulte.com/e-complement/471550 et suivre les instructions.
Pour en savoir plus AmericanCollegeofcardiology.Guidelinesforthemanagementofpatientswithvalvularheartdisease.(Recommandationsnord-
américaines 2008 ACC/AHA. Mise à jour des recommandations 2006). Circulation 2008, 118, e523–661, Journal of theAmericanCollegeofCardiology2008;52:e1-142.
Société européenne de cardiologie. Guidelines on the prevention, diagnosis, and treatment of infective endocarditis – newversion2009.EurHeartJ2009,30,2369–413.