LES CONSTRUCTIONS VERBALES EN WOLOF VERS UNE …

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UNIVERSITEacute SORBONNE NOUVELLE - PARIS 3

ED268 - Langage et langues description theacuteorisation transmissionUMR 7528 - Mondes iranien et indien

UMR 8135 - Langage Langues et Cultures dAfrique Noire

Thegravese de Doctorat Sciences du Langage

Maximilien GUEacuteRIN

LES CONSTRUCTIONS VERBALES EN WOLOFVERS UNE TYPOLOGIE DE LA PREacuteDICATION

DE LAUXILIATION ET DES PEacuteRIPHRASES

Thegravese dirigeacutee parPollet SAMVELIAN amp Konstantin POZDNIAKOV

Soutenue le 3 juin 2016

Jury

Oliver BONAMI (Professeur Universiteacute Paris Diderot - Paris 7)Denis CREISSELS (Professeur eacutemeacuterite Universiteacute Lumiegravere Lyon 2)Maarten MOUS (Professeur Universiteit Leiden)Konstantin POZDNIAKOV (Professeur Inalco)Pollet SAMVELIAN (Professeure Universiteacute Sorbonne Nouvelle - Paris 3)Sylvie VOISIN (Maicirctre de confeacuterences Universiteacute dAix-Marseille)

Reacutesumeacute

Les constructions verbales en wolof

Vers une typologie de la preacutedication de lauxiliation et des peacuteriphrases

Le principal objectif de cette eacutetude est de situer les constructions verbales du wolof dans une

perspective typologique Il sagit tout dabord de proposer une description syntheacutetique du systegraveme de

preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique en nous appuyant sur les travaux de

reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Contrairement agrave ce que lon observe dans un tregraves

grand nombre de langues en wolof la majeure partie des cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe est

exprimeacutee par des constructions peacuteriphrastiques Lanalyse typologique de ces constructions

peacuteriphrastiques nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de la notion

dauxiliaire Nous consideacuterons que dans une perspective typologique lauxiliaire ne doit pas ecirctre

deacutefini comme une cateacutegorie lexicale speacutecifique ni comme une eacutetape dans un chemin de

grammaticalisation mais plutocirct comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonome ayant une fonction

speacutecifique Par ailleurs nous proposons une analyse constructionnelle de lorganisation du systegraveme

de preacutedication verbale du wolof Nous consideacuterons que les constructions verbales du wolof ne

forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme

extrecircmement structureacute (un reacuteseau de constructions) En outre nous montrons que certaines

idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du wolof peuvent sexpliquer agrave la

lumiegravere de la diachronie Enfin nous proposons une analyse comparative des constructions verbales

des langues atlantiques afin de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du wolof est issu du proto-

atlantique

Mots cleacutes Wolof Typologie Auxiliaires Peacuteriphrases Grammaticalisation Grammaire de

construction

- 3 -

Abstract

Verbal Constructions in Wolof Towards a Typology of Predication Auxiliation and Periphrasis

This thesis is a study of Wolof verbal constructions in a typological perspective Based on available

descriptions of Wolof verbal conjugation I first provide a summary of the system of verbal

predication in the light of the typological literature Contrary to what is observed in many

languages most Wolof verbal categories are expressed periphrastically The typological analysis of

these periphrastic constructions provides us with the empirical basis to propose a new approach to

the notion of ldquoauxiliaryrdquo I argue that auxiliaries should not be cross-linguistically defined as items

belonging to a specific lexical class or as items on a grammaticalisation path but rather as

autonomous predicative elements with a specific function In addition I propose a constructional

analysis of the organisation of the verbal predication system of Wolof The entirety of Wolof verbal

constructions is not assumed to form an unstructured set of independent entities but it is instead

taken to constitute a highly structured system (a network of constructions) Furthermore some

apparent idiosyncrasies in the conjugation paradigm of Wolof can be explained from a diachronic

point of view Finally I provide a comparative analysis of verbal constructions in Atlantic languages

in order to determine which elements of the Wolof conjugation are inherited from Proto-Atlantic

Keywords Wolof Typology Auxiliaries Periphrasis Grammaticalization Construction Grammar

- 4 -

al Ludoviko Lazaro Zamenhof

kies la vivo kaj la verko instigis min

al la studado de la lingvo

agrave Ludwik Lejzer Zamenhof

dont la vie et lœuvre mont pousseacute

agrave eacutetudier le langage

di ko jagleel Ludowiko Lasaro Samenxof

mi nga xam ne dundam ak liggeacuteeyam ntildeoo ma ntildeaax

ci geumlstu xam-xamu lagravekk

Εἴ τίς με ἐλέγξαι καὶ παραστῆσαί μοιὅτι οὐκ ὀρθῶς ὑπολαμβάνω ἢ πράσσωδύναται χαίρων μεταθήσομαι ζητῶγὰρ τὴν ἀλήθειαν ὑφ ἧς οὐδεὶς πώποτεἐβλάβη βλάπτεται δὲ ὁ ἐπιμένων ἐπὶτῆς ἑαυτοῦ ἀπάτης καὶ ἀγνοίας

Si quelquun veut bien me convaincre et silmarrecircte en me prouvant que ma penseacutee nestpas juste ou que mon action nest pas bonneje suis agrave la joie de mon cœur de me redresser car je ne cherche que la veacuteriteacute qui na jamaisnui agrave personne tandis qursquoon se fait le plusgrand tort en perseacuteveacuterant dans son erreur etdans son ignorance

Marc-Auregravele Livre VI XXI

- 5 -

- 6 -

Remerciements

Je remercie tout dabord Pollet Samvelian et Konstantin Pozdniakov davoir accepteacute de diriger ce

travail Leurs conseils et remarques mont eacutenormeacutement aideacute dans leacutelaboration de cette thegravese

Je remercie eacutegalement Olivier Bonami Denis Creissels Maarten Mous et Sylvie Voisin davoir

accepteacute de participer agrave mon jury de thegravese Les eacutechanges et discussions avec Denis Creissels et

Sylvie Voisin mont eacuteteacute dune aide preacutecieuse dans ma compreacutehension de la grammaire du wolof

Ma reconnaissance sadresse eacutegalement aux membres des laboratoires LLACAN (UMR 8135) et

lsquoMondes iranien et indienrsquo (UMR 7528) pour leur soutien leurs conseils et pour les formidables

conditions de travail quils mont offerts Je remercie notamment Nicolas Quint pour ses nombreux

et tregraves preacutecieux conseils

Je remercie vivement Jean-Leacuteopold Diouf El Hadji Diegraveye et Serigne Ibnou Seck pour avoir

accepteacute de partager avec moi leurs connaissances et leur expertise de la langue wolof

Je remercie mes collegravegues jeunes chercheurs pour leur soutien ainsi que pour les discussions

enrichissantes que nous avons eues Je remercie notamment Marine Le Meneacute Julien Heurdier

Gwendoline Fox Aureacutelia Elalouf Linh Huy Dao Marie Lorin Pegah Faghiri Opheacutelie Gandon

Ariel Gutman Jean Franccedilois Nunez Tom Durand Olivier Bondeacuteelle et bien dautres

Un grand merci agrave toutes les personnes qui mont aideacute dune maniegravere ou dune autre dans la

reacutealisation de ce travail Je remercie tout particuliegraverement Michegravele Lalande

Merci infiniment agrave ma femme Ceacutecilia Gueacuterin pour mavoir accompagneacute et soutenu durant la

reacutealisation de cette thegravese

Enfin je remercie Ceacutecilia Deckmyn et Dominique Gueacuterin pour avoir accepteacute dassurer la

relecture orthographique et typographique de ce travail

- 7 -

- 8 -

TABLE DES MATIEgraveRESTABLE DES MATIEgraveRES

Table des figures19

Liste des tableaux21

Gloses amp Abreacuteviations25

Introduction29

01 Objectifs29

02 Cadre theacuteorique30

021 Une approche typologique30

0211 Les limites de la dichotomie formalisme-fonctionnalisme30

0212 Typologie et modegraveles theacuteoriques31

0213 Le problegraveme de la comparabiliteacute translinguistique32

0214 Le caractegravere explicatif de la diachronie33

022 Une approche constructionnelle34

0221 La notion de construction35

0222 Le continuum lexico-grammatical35

0223 La place des constructions dans la grammaire36

0224 Une approche reacutealiste36

0225 Les diffeacuterentes theacuteories constructionnelles37

03 Corpus et sources des exemples37

04 La langue wolof39

041 Situation actuelle39

042 Variantes dialectales41

043 Classification42

044 Phonologie46

0441 Le systegraveme phonologique46

0442 La structure syllabique48

0443 Les processus phonologiques48

0444 La prosodie49

0445 Lorthographe50

045 Morphologie52

- 9 -

0451 Lalternance consonantique52

0452 Laffixation53

0453 La conversion53

0454 La reacuteduplication54

0455 La composition54

05 Plan geacuteneacuteral55

Partie I Le systegraveme de preacutedication verbale du wolof57

Chapitre 1 - Preacutesentation geacuteneacuterale du systegraveme de preacutedication verbale59

11 Eacutetat de lart59

111 Les pionniers les grammaires du XIXe siegravecle59

112 Le renouveau les travaux fonctionnalistes60

113 Leacutemergence dune tradition seacuteneacutegalaise61

114 Existe-t-il une tradition franccedilaise 62

115 La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle et la tradition ameacutericaine63

116 Synthegravese63

12 Approche typologique de la flexion verbale64

13 La conjugaison du wolof67

131 Les constructions preacutedicatives67

132 Lexpression de la neacutegation71

133 Lopposition aspectuelle perfectif imperfectif71

134 Lexpression du passeacute72

135 Lexpression de la personne et du nombre72

14 Synthegravese73

Chapitre 2 - Les constructions preacutedicatives77

21 Les constructions exprimant le parfait77

211 Le parfait78

212 Le parfait neacutegatif82

22 Les constructions exprimant le futur84

221 Le futur84

222 Le futur neacutegatif89

23 Les constructions injonctives98

231 Limpeacuteratif99

232 Loptatif102

- 10 -

233 Le prohibitif104

24 Le minimal106

241 Un cas probleacutematique106

242 Le subjonctif-conseacutecutif112

243 Linfinitif115

244 Le relatif123

245 Le cas des subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques129

25 Les constructions focalisantes134

251 La notion de focus135

252 La focalisation du sujet137

253 Le preacutesentatif141

254 La focalisation du compleacutement147

255 La focalisation du verbe150

256 Le statut des constructions focalisantes153

257 Synthegravese161

Chapitre 3 - Lexpression des autres cateacutegories verbales165

31 La neacutegation165

311 Les constructions neacutegatives syntheacutetiques165

3111 Le parfait neacutegatif165

3112 La neacutegation affixale166

312 Les constructions neacutegatives agrave marqueur preacutedicatif168

3121 Le futur neacutegatif168

3122 Le prohibitif169

313 La construction neacutegative agrave verbe auxiliaire169

314 Les constructions neacutegatives agrave copule171

3141 La copule neacutegative171

3142 La neacutegation des preacutedicats locatifs172

315 Synthegravese173

32 Limperfectif174

321 Le statut du marqueur dimperfectif174

322 Les reacutealisations du verbe auxiliaire dimperfectif177

323 Valeur et emplois du verbe auxiliaire dimperfectif179

33 Le passeacute181

331 Le marqueur de passeacute (w)oon182

- 11 -

332 Le passeacute reculeacute190

333 Lanteacuterieur ou passeacute relatif193

334 Passeacute et conditionnel194

34 La voix196

Chapitre 4 - La structure argumentale199

41 Les arguments et satellites lexicaux199

411 Le sujet lexical201

412 Lobjet lexical202

413 Le satellite lexical204

42 Les arguments pronominaux206

421 Les pronoms forts207

422 Les pronoms sujets211

423 Les pronoms objets218

43 La voix impersonnelle224

44 Les schegravemes de preacutedications verbales226

Conclusion de la Partie I229

Partie II Les peacuteriphrases verbales du wolof analyse et enjeux typologiques237

Chapitre 5 - Les peacuteriphrases verbales du wolof239

51 Les constructions agrave marqueur preacutedicatif du wolof239

511 Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP240

512 Les critegraveres phonologiques242

5121 La place de laccent lexical242

5122 La direction de lattachement phonologique242

5123 Les pauses244

513 Les critegraveres morphologiques244

5131 La deacuterivation verbale244

5132 La seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat245

5133 Les preacutedicats non verbaux246

5134 Les lacunes arbitraires247

5135 Les idiosyncrasies morphophonologiques247

514 Les critegraveres seacutemantiques248

5141 La formation dun preacutedicat seacutemantique248

5142 La compositionnaliteacute seacutemantique248

- 12 -

515 Le cas du parfait248

516 Synthegravese252

52 La diversiteacute des peacuteriphrases verbales du wolof253

521 La notion de peacuteriphrase flexionnelle253

522 Inventaire des peacuteriphrases verbales du wolof254

523 Typologie des peacuteriphrases verbales du wolof258

5231 Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique259

5232 Inteacutegration au paradigme flexionnel263

5233 Les critegraveres de la typologie canonique267

524 Synthegravese269

Chapitre 6 - Des constructions agrave auxiliaires 271

61 La cateacutegorie laquo auxiliaire raquo271

611 Deacutefinition cateacutegorielle271

612 Deacutefinition fonctionnelle273

613 Deacutefinition panchronique274

62 Pour une nouvelle approche typologique des auxiliaires277

621 Le poids des traditions278

622 Les limites de la deacutefinition panchronique278

623 Typologie des auxiliaires280

63 Les constructions agrave auxiliaire du wolof284

631 Selon la deacutefinition panchronique284

632 Selon la deacutefinition fonctionnelle286

Chapitre 7 - La tecircte des constructions agrave auxiliaire du wolof289

71 Le concept de laquo tecircte raquo289

72 La typologie des patrons flexionnels291

73 Les patrons flexionnels du wolof293

Chapitre 8 - Typologie verbale du wolof301

81 Les verbes pleins301

82 Les verbes cateacutenatifs302

83 Les verbes semi-auxiliaires305

84 Les verbes auxiliaires307

85 Les marqueurs preacutedicatifs308

86 Les relativiseurs309

87 Compleacutementeur et quotatif311

- 13 -

88 Synthegravese313

Chapitre 9 - Typologie des marqueurs preacutedicatifs317

91 Problegravemes terminologiques318

92 La typologie des seacutelecteurs de Mous (2005)320

93 Eacutebauche dune typologie des marqueurs preacutedicatifs322

931 Organisation322

932 Neacutecessiteacute324

933 Cateacutegories exprimeacutees325

934 Position327

935 Forme328

936 Statut morphosyntaxique329

937 Origine329

94 Les marqueurs preacutedicatifs du wolof330

Conclusion de la Partie II333

Partie III Lorganisation du systegraveme de preacutedication verbale du wolof337

Chapitre 10 - Approche constructionnelle de larchitecture des langues339

101 Repreacutesentation des constructions339

102 Les principes cognitifs339

103 Les liens dheacuteritage entre les constructions340

104 Larchitecture de la langue343

105 Liens diachroniques et restructuration du reacuteseau346

Chapitre 11 - Les constructions agrave verbe auxiliaire349

111 La Construction agrave Verbe Auxiliaire349

112 La Construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire350

113 La Construction Imperfectif351

114 La Construction Focalisation du Verbe353

1141 Caracteacuteristiques formelles353

11411 Structure de la construction353

11412 Forme du MP354

1142 Analyse de la construction355

11421 Hypothegravese laquo da-fa raquo356

11422 Hypothegravese laquo def-a raquo358

1143 Synthegravese362

- 14 -

115 La Construction Passeacute Clitique364

116 Synthegravese365

Chapitre 12 - Les constructions agrave extraction369

121 La Construction Extraction369

122 La Construction Focalisation du Sujet372

123 La Construction Preacutesentatif373

1231 Caracteacuteristiques formelles et variations du MP376

1232 Un heacuteritage geacuteneacutetique378

1233 Hypothegravese de grammaticalisation380

1234 Synthegravese381

124 La Construction Focalisation du Compleacutement383

125 La Construction Relatif384

126 Les Constructions Temporelle et Hypotheacutetique387

127 Synthegravese388

Chapitre 13 - La polygrammaticalisation de lsquonarsquo393

131 Problegravemes dans lanalyse du marqueur preacutedicatif lsquonarsquo393

132 De la Focalisation du Verbe au Parfait394

1321 Analogie des formes des marqueurs preacutedicatifs396

1322 Identiteacute des paradigmes396

1323 Alignement syntaxique397

1324 Un processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique400

133 La Construction Futur401

134 La Construction Optatif402

1341 Les traces dun processus de grammaticalisation402

1342 Les eacutetapes de la grammaticalisations405

1343 Une grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute 411

1344 Synthegravese414

135 Synthegravese415

Chapitre 14 - Les constructions neacutegatives419

141 La Construction Parfait Neacutegatif419

142 La Construction Futur Neacutegatif422

143 La Construction Neacutegation Affixale425

144 La Construction Prohibitif426

1441 Caracteacuteristiques formelles426

- 15 -

1442 Analyse de la construction430

14421 Hypothegravese 1 le marqueur du Prohibitif est issu dun relativiseur431

14422 Hypothegravese 2 le marqueur du Prohibitif est issu dun verbe auxiliaire431

14423 Synthegravese436

145 Synthegravese436

Chapitre 15 - Inteacutegration et constructions non finies439

151 Finitude et inteacutegration439

1511 La notion de laquo finitude raquo439

1512 Finitude en wolof441

152 Les constructions agrave extraction442

153 La Construction Subjonctif-Conseacutecutif444

154 La Construction Infinitif445

155 La construction Impeacuteratif448

156 Synthegravese449

Conclusion de la Partie III451

Partie IV Eacutetude comparative de la preacutedication verbale des langues atlantiques459

Chapitre 16 - Locatif preacutesentatif et progressif dans les langues atlantiques463

161 Structure des constructions463

162 Statut du marqueur472

163 Forme du marqueur475

164 Origine de la construction485

1641 Un heacuteritage geacuteneacutetique485

1642 Grammaticalisation et hypothegraveses de reconstruction491

Chapitre 17 - Les autres cateacutegories verbales des langues atlantiques493

171 Les marques personnelles493

172 Infinitif et nom verbal495

173 Le marqueur de passeacute498

174 Lexpression de la neacutegation499

175 Minimal aoriste narratif et subjonctif502

176 Autres distinctions encodeacutees dans la conjugaison504

1761 Distinctions aspecto-temporelles505

17611 Lopposition perfectif imperfectif505

17612 Lhabituel506

- 16 -

17613 Le futur507

1762 Formes verbales inteacutegratives marqueacutees509

17621 Marques dinteacutegration509

17622 Emplois des formes verbales inteacutegratives marqueacutees511

1763 Focalisation513

17631 Porteacutee du focus514

17632 Reacutealisation du focus514

Chapitre 18 - Les peacuteriphrases verbales des langues atlantiques519

181 Cateacutegories encodeacutees par les constructions agrave auxiliaire519

182 Constructions agrave amalgame auxiliaire-personne522

183 Les patrons flexionnels523

1831 Patron agrave tecircte auxiliaire524

1832 Patron agrave tecircte lexicale525

1833 Patrons scindeacutes525

184 Synthegravese526

Conclusion de la Partie IV527

Conclusion531

Bibliographie537

- 17 -

- 18 -

TTABLEABLE DESDES FIGURESFIGURES

Figure 01 - Structure symbolique dune construction35

Figure 02 - Localisation des principaux anciens royaumes wolof40

Figure 03 - Reacutepartition des wolophones en Seacuteneacutegambie40

Figure 04 - Classification des langues atlantiques selon Wilson (1989)43

Figure 05 - Classification des langues atlantiques selon Pozdniakov amp Segerer45

Figure 21 - Cateacutegories pragmatiques selon Lambrecht (1994)136

Figure 31 - Classification des oppositions aspectuelles180

Figure 61 - Origine et eacutevolution des constructions agrave verbe auxiliaire selon Anderson (2006)276

Figure 101 - Heacuteritage entre constructions341

Figure 102 - Heacuteritage multiple341

Figure 103 - Lien dInstanciation342

Figure 104 - Lien de Sous-partie342

Figure 105 - Lien de Polyseacutemie343

Figure 106 - Lien dextension Meacutetaphorique343

Figure 107 - Repreacutesentation partielle du reacuteseau des types de proposition en franccedilais344

Figure 108 - Exemple de construction agrave plusieurs parents en franccedilais344

Figure 109 - Reacuteseau taxonomique345

Figure 1010 - Reacuteseau eacutetendu345

Figure 1011 - Champ de constructions346

Figure 1012 - Lien Diachronique347

Figure 111 - Reacuteseau des constructions agrave verbe auxiliaire367

Figure 121 - Reacuteseau des constructions agrave extraction391

Figure 131 - Eacutetapes reconstitueacutees de la grammaticalisation de lOptatif410

Figure 132 - Polygrammaticalisation de lancienne construction Focalisation du Verbe418

Figure 141 - Reacuteseau des constructions neacutegatives438

Figure 151 - Reacuteseau des constructions non finies447

Figure III1 - Organisation fonctionnelle des constructions preacutedicatives en synchronie451

Figure III2 - Reacuteseau des constructions preacutedicatives455

Figure 161 - Structure du marqueur locatifprogressif dans les langues atlantiques475

- 19 -

- 20 -

LLISTEISTE DESDES TABLEAUXTABLEAUX

Tableau 01 - Inventaire consonantique46

Tableau 02 - Inventaire vocalique46

Tableau 03 - Regravegles de coalescence vocalique49

Tableau 04 - Normes orthographiques51

Tableau 05 - Reacutegulariteacutes de lalternance consonantique initiale53

Tableau 11 - Formes de limperfectif indicatif preacutesent actif en latin66

Tableau 12 - Traits du paradigme des verbes en wolof75

Tableau 13 - Formes de 1SG du verbe lekk (manger)75

Tableau 21 - Paradigme personnel du parfait78

Tableau 22 - Paradigme personnel du parfait neacutegatif82

Tableau 23 - Paradigme personnel du futur85

Tableau 24 - Formes du parfait et du futur affirmatif du verbe lekk (manger)87

Tableau 25 - Paradigme personnel du futur neacutegatif90

Tableau 26 - Formes du parfait neacutegatif et du futur neacutegatif du verbe lekk (manger)91

Tableau 27 - Idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur de futur neacutegatif92

Tableau 28 - Les trois paradigmes du futur neacutegatif passeacute93

Tableau 29 - Paradigme personnel de limpeacuteratif100

Tableau 210 - Reacutealisation du suffixe de limpeacuteratif100

Tableau 211 - Paradigme personnel de loptatif103

Tableau 212 - Paradigme personnel du prohibitif104

Tableau 213 - Paradigme personnel du minimal107

Tableau 214 - Inventaire des relativiseurs126

Tableau 215 - Paradigme personnel de la focalisation du sujet138

Tableau 216 - Paradigme personnel du preacutesentatif141

Tableau 217 - Paradigme personnel de la focalisation du compleacutement147

Tableau 218 - Paradigme personnel de la focalisation du verbe150

Tableau 219 - Paramegravetres des constructions focalisantes163

Tableau 31 - Expression de la neacutegation en wolof173

Tableau 32 - Statut du marqueur de passeacute (w)oon190

- 21 -

Tableau 33 - Liste des suffixes de voix197

Tableau 41 - Inventaire des pronoms personnels206

Tableau 42 - Inventaire des pronoms personnels forts209

Tableau 43 - Inventaire des pronoms forts non personnels210

Tableau 44 - Inventaire des pronoms sujets213

Tableau 45 - Syntaxe et morphologie des affixes pronominaux216

Tableau 46 - Statut des pronoms sujets217

Tableau 47 - Inventaire des pronoms objets218

Tableau 48 - Inventaire des schegravemes de preacutedication227

Tableau I1 - Paradigmes de conjugaison du wolof231

Tableau 51 - Inventaire des marqueurs preacutedicatifs239

Tableau 52 - Distinctions entre Affixe Clitique et Mot241

Tableau 53 - Statut morphosyntaxique des marqueurs preacutedicatifs253

Tableau 54 - Formes du 1SG imperfectif actif du verbe latin facio (faire)254

Tableau 55 - Formes syntheacutetiques et peacuteriphrastiques du verbe lekk (manger)255

Tableau 56 - Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique des peacuteriphrases verbales du wolof263

Tableau 57 - Inteacutegration des peacuteriphrases verbales au paradigme flexionnel264

Tableau 58 - Les peacuteriphrases verbales du wolof selon la typologie canonique268

Tableau 61 - Chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM selon Heine (1993)275

Tableau 62 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs282

Tableau 63 - Les constructions agrave auxiliaire du wolof selon la deacutefinition panchronique285

Tableau 71 - Les patrons flexionnels selon Anderson (2006)292

Tableau 72 - Patrons flexionnels des constructions agrave auxiliaire du wolof299

Tableau 81 - Formes verbales des compleacutements phrastiques en wolof305

Tableau 82 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn verbe]313

Tableau 83 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn auxiliaire]314

Tableau 84 - Typologie des verbes en wolof315

Tableau 91 - Cateacutegories pouvant ecirctre exprimeacutees par des MP dans la typologie de Mous (2005)321

Tableau 92 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en mandinka323

Tableau 93 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en koyra chiini324

Tableau 111 - Variantes du paradigme personnel de la Focalisation du Verbe355

Tableau 112 - Paradigme personnel de la Focalisation du Verbe selon Boilat (1858)356

Tableau 113 - Paradigme personnel de la Focalisation du Verbe selon Kobegraves (1869)358

Tableau 114 - Structure du MP de la Focalisation du Verbe360

- 22 -

Tableau 121 - Analogie des paradigmes personnels

des constructions Focalisation du Sujet et Preacutesentatif374

Tableau 122 - Analogie des paradigmes personnels

des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Preacutesentatif375

Tableau 123 - Freacutequences des variantes des pronoms sujet au Preacutesentatif377

Tableau 124 - Caracteacuteristiques formelles des constructions Focus et Relatif389

Tableau 131 - Affixes sujets lieacutes aux marqueurs preacutedicatifs la et na397

Tableau 132 - Paradigme personnel de la Focalisation du Sujet397

Tableau 141 - Comparaison du paradigme personnel du Parfait Neacutegatif avec celui du Parfait420

Tableau 142 - Comparaison du paradigme personnel

du Futur Neacutegatif avec ceux du Futur et du Parfait Neacutegatif423

Tableau 143 - Comparaison du paradigme personnel

du Futur Neacutegatif avec celui des Subordonneacutees Hypotheacutetiques et Temporelles425

Tableau 144 - Comparaison des paradigmes personnels

du Prohibitif avec ceux de lOptatif de lImpeacuteratif du Parfait Neacutegatif et du Relatif428

Tableau 151 - Finitude des constructions agrave extraction du wolof443

Tableau IV1 - Convention de transcription utiliseacutee pour les langues atlantiques461

Tableau 161 - Structure des constructions locative et preacutesentativeprogressive

dans plusieurs langues atlantiques471

Tableau 162 - Origine des pronoms locatifs en sereer478

Tableau 163 - Forme du marqueur locatifprogressif dans plusieurs langues atlantiques484

Tableau 171 - Deacuterivation des formes 2PL agrave partir des formes 2SG en wolof494

Tableau 172 - Infinitif et classe(s) nominale(s) dans plusieurs langues atlantiques497

Tableau 173 - Forme de la marque de passeacute dans plusieurs langues atlantiques498

Tableau 174 - Expression de la neacutegation dans plusieurs langues atlantiques500

Tableau 175 - Emplois du minimal dans plusieurs langues atlantiques503

Tableau 176 - Expression de lhabituel et du futur dans plusieurs langues atlantiques508

Tableau 177 - Suffixes des formes inteacutegratives en pulaar510

Tableau 178 - Formes verbales inteacutegratives dans plusieurs langues atlantiques512

Tableau 179 - Constructions focalisantes dans plusieurs langues atlantiques513

Tableau 181 - Cateacutegories encodeacutees par les MP dans plusieurs langues atlantiques520

Tableau 182 - Amalgames auxiliaire-personne dans plusieurs langues atlantiques523

- 23 -

- 24 -

GGLOSESLOSES amp A amp ABREacuteVIATIONSBREacuteVIATIONS

1 Principes geacuteneacuteraux de preacutesentations des exemples

Nous respectons les Leipzig Glossing Rules1 proposeacutees par le Deacutepartement de Linguistique de

lInstitut Max Planck et le Deacutepartement de Linguistique de lUniversiteacute de Leipzig

Nous nous eacutecartons de ces regravegles dans la notation des clitiques en wolof Dans cette langue un

grand nombre de mots grammaticaux sont des clitiques Ainsi pour des raisons de lisibiliteacute nous

avons utiliseacute la notation suivante si le clitique est seacutepareacute de son hocircte dans lorthographe alors il est

preacuteceacutedeacute dun signe eacutegal (=) et aligneacute avec sa glose si le clitique et son hocircte sont eacutecrit en un seul

mot dans lorthographe alors ils sont uniquement seacutepareacutes par un signe eacutegal (=)

Ex Omar a koy gis

Omar =a =ko=y gis

Omar =FOCS =O3SG=IPF voir

lsquoCest Omar qui le voitrsquo

2 Notation des classes nominales

Pour la notation des classes nominales nous avons suivi les normes utiliseacutees par Creissels (2014)

pour les langues atlantiques Ainsi pour le wolof le marqueur de classe est gloseacute CL suivi de la

consonne speacutecifique agrave ce marqueur en minuscule

Ex cin =l-i a-b teacuteere fas w-u weex

marmite =CLl-DFPX IDF-CLb livre cheval CLw-REL ecirctre_blanc

lsquola marmitersquo lsquoun livrersquo lsquocheval blancrsquo

En wolof il existe une cateacutegorie de marqueurs que nous appelons laquo classes fonctionnelles raquo Ces

marqueurs sont susceptibles de rentrer dans les mecircmes types de constructions que les autres

marqueurs mais ne constituent pas agrave proprement parler des classes nominales puisque aucun nom

nappartient agrave lune de ces classes Ces marqueurs sont gloseacutes CL suivi de labreacuteviation

1 Version reacuteviseacutee de feacutevrier 2008 lthttpwwwevampgdelinguaresourcesglossing-rulesphpgt

- 25 -

correspondante au sens quils expriment

Ex F-an =la dem

CLLOC-Q =FOCCS3SG partir

lsquoOugrave est-il alleacute rsquo

Enfin en plus de leur rocircle dans la classification des substantifs certains marqueurs de classe

nominale ont un sens speacutecifique Ils peuvent ecirctre utiliseacutes dans des contextes ougrave ils ne renvoient agrave

aucun nom speacutecifique Ainsi leur fonctionnement les rapproche des classes fonctionnelles Dans

ces contextes nous avons donc deacutecideacute de ne pas les noter comme des classes nominales mais plutocirct

dutiliser la notation des classes fonctionnelles cest-agrave-dire quils sont gloseacutes CL suivi de labreacuteviation

correspondante au sens quils expriment

Ex L-an =la=y def

CLCHSG-Q =FOCCS3SG=IPF faire

lsquoQue fait-il rsquo

3 Liste des abreacuteviations

Les gloses utiliseacutees sont essentiellement issues de la liste des abreacuteviations standards des Leipzig

Glossing Rules etou de la liste de gloses proposeacutee par le projet CorpTypo2 Dans le cas ougrave

labreacuteviation seacuteloigne trop du mot correspondant en franccedilais nous avons emprunteacute les abreacuteviations

de Creissels (2006a xiii-xviii) Lorsque labreacuteviation correspond agrave une cateacutegorie eacutetudieacutee dans ce

travail nous avons ajouteacute entre parenthegravese le numeacutero de la section ougrave cette cateacutegorie est deacutecrite

1 premiegravere personne

2 deuxiegraveme personne

3 troisiegraveme personne

AGT agentif agent

ALT alteacuteriteacute (421)

ANAPH anaphorique

AND andatif

ANT anteacuterieur (333)

ANTIP antipassif

APPL applicatif

ASP aspect (14)

ATR advanced tongue root

AUX auxiliaire (623)

BEN beacuteneacutefactif

CAUS causatif

CH chose (41)

CL marque de classe nominale (41)

COMP compleacutementeur (87)

2 Projet de recherche sur constitution et lannotation de corpus oraux pour des recherches typologiqueslthttpcortypohuma-numfrgt

- 26 -

COMPL compleacutetive

COND conditionnel (334)

COP copule

C-PRED construction preacutedicative (131)

DEIC deacuteictique

DEM deacutemonstratif

DEP marque de deacutependancesubordination

DET deacuteterminant

DF deacutefini

DT distal (deixis) (41)

DV deacutependance verbale (243)

EMPH particule emphatique

EXCL exclusif (1PL)

EXPL expleacutetif

FOC focus focalisation

FOCC focalisation du compleacutement (254)

FOCS focalisation du sujet (252)

FOCV focalisation du verbe (255)

FUT futur (22)

GEN geacutenitif

GER geacuterondif

HAB habituel

HUM humain (41)

HYP subordonneacutee subordonnant

hypotheacutetique (245)

IDEO ideacuteophone

IDF indeacutefini

IMP impeacuteratif (231)

IMPS voix impersonnelle (43)

INCL inclusif (1PL)

INDET indeacutetermineacute

INF infinitif (243)

INGR ingressif

INTR intransitif

INV inversif

IPF imperfectif (~inaccompli) (32)

IRR irrealis

ITER iteacuteratif

litt litteacuteralement

LOC locatif (41)

M masculin

MD meacutedial (deixis)

MNR maniegravere (41)

MOY voix moyenne (34)

MP marqueur preacutedicatif (51)

N neutre

na non attesteacute

NEG neacutegation (31)

NPAS non passeacute (33)

NREF non reacutefeacuterentiel (244)

O pronom objet (423)

OBJ objet

OBLIG obligatif

OPT optatif (232)

PAS passeacute (331)

PASR passeacute reculeacute (332)

PAT patient

PERS personne (14)

PF perfectif (~accompli) (32)

PL pluriel

POL polariteacute (14)

POSS possessif

POSTP postposition

PRED preacutedicat

PRO pronom fort (421)

PRF parfait (21)

PROH prohibitif (233)

PRST preacutesentatif (253)

- 27 -

PRTF partitif (423)

PX proximal (deixis) (41)

Q interrogatif

RECP reacuteciproque (34)

REF reacutefeacuterentiel (244)

REL relativiseur relatif

S indice ou pronom sujet (422)

SG singulier

SING singulatif (421)

SUBJ subjonctif (242)

SUJ sujet

TEMP subordonneacutee subordonnant

temporel (245)

TIRV tiroir verbal (14)

TOP topique

TOT totaliseur (421)

TPS temps (14)

TR transitif

TAM temps aspect mode

V verbe

VEN veacutenitif

V-INF construction infinitivale (5231)

- 28 -

INTRODUCTIONINTRODUCTION

01 Objectifs

Le wolof est une langue dAfrique de lOuest parleacutee essentiellement au Seacuteneacutegal en Gambie et au

sud de la Mauritanie Elle appartient agrave la famille atlantique du phylum Niger-Congo La

conjugaison et dune maniegravere plus geacuteneacuterale le systegraveme de preacutedication verbale est lun des points les

plus eacutetudieacutes de cette langue En effet depuis la premiegravere grammaire du wolof (Dard 1826) jusquagrave la

grammaire de Diouf (2009) en passant par des travaux de reacutefeacuterence comme Dialo (1981a) Church

(1981) ou Robert (1991) ce sont plus dune douzaine danalyses diffeacuterant agrave des degreacutes divers qui

ont eacuteteacute proposeacutees pour le systegraveme de preacutedication verbale du wolof

Lobjectif principal de notre travail nest pas de proposer une nouvelle analyse de la conjugaison

et du systegraveme de preacutedication verbale du wolof mais plutocirct de situer les constructions verbales du

wolof dans une perspective typologique Cet objectif geacuteneacuteral peut se deacutecliner en plusieurs objectifs

preacutecis Premiegraverement nous nous donnons pour objectif de proposer une description syntheacutetique du

systegraveme de preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique en nous appuyant sur les

travaux de reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Par ailleurs nous aspirons aussi agrave montrer

linteacuterecirct des donneacutees du wolof dans le cadre de la typologie linguistique et la linguistique geacuteneacuterale

notamment pour leacutetude des peacuteriphrases des auxiliaires et de lauxiliation

Nous nous fixons eacutegalement un second objectif agrave savoir celui de rendre compte de lorganisation

du systegraveme de preacutedication verbale du wolof en nous fondant sur lapproche constructionnelle Les

constructions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes

mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute dinformations Certains regroupements savegraverent

neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences entre constructions Le cadre fourni

par les grammaires de construction permet de rendre compte de faccedilon relativement simple et claire

des liens entre les constructions verbales du wolof

Enfin notre dernier objectif est de proposer une analyse comparative des constructions verbales

des langues atlantiques afin de deacuteterminer notamment ce qui dans la conjugaison du wolof est issu

du proto-atlantique

- 29 -

02 Cadre theacuteorique

021 Une approche typologique

Dans ce travail nous adoptons une approche typologique Par laquo approche typologique raquo nous

faisons reacutefeacuterence agrave lapproche deacuteveloppeacutee notamment par Croft (1990) Haspelmath (2001)

Creissels (2006a 2006b) ou Shopen (2007) La typologie linguistique peut ecirctre deacutefinie comme

laquo leacutetude systeacutematique de la variation de la structure des langues et des limites de cette variation raquo3

(Comrie et al 2013) Ainsi la diversiteacute des langues (ou diversiteacute translinguistique4) constitue le

cœur de leacutetude typologique En outre lapproche typologique est intimement lieacutee agrave la linguistique

descriptive En ce sens nous pouvons consideacuterer que la Theacuteorie Linguistique de Base (Basic

Linguistic Theory) deacuteveloppeacutee par Dixon (2010) sinscrit eacutegalement dans une approche typologique

Fournir une preacutesentation geacuteneacuterale et deacutetailleacutee de la ou des approches typologiques deacutepasse

largement le cadre de cette section Pour cela nous renvoyons le lecteur agrave louvrage de Croft (1990)

aux premiers chapitres des ouvrages eacutediteacutes par Haspelmath (2001) ou encore agrave larticle de Lazard

(1998) Lobjectif de cette section est de preacutesenter les eacuteleacutements de lapproche typologique pertinents

pour appreacutehender notre travail

0211 Les limites de la dichotomie formalisme-fonctionnalisme

Un grand nombre de travaux typologiques posent une dichotomie entre fonctionnalisme et

formalisme La typologie serait intimement lieacutee au fonctionnalisme au point de parler dapproche

typologico-fonctionnelle (functional-typological approach) Elle sopposerait agrave lapproche formelle

deacutefendue par leacutecole chomskyenne Cette vision est notamment deacutefendue par Croft (1990) ou Givoacuten

(1990 2001)

Suivant Creissels (2006a 3-5) nous rejetons cette dichotomie dont les termes ont eacuteteacute mal

poseacutes En effet elle repose sur une confusion entre laquo formalisme raquo laquo grammaire geacuteneacuterative raquo et

laquo grammaire geacuteneacuterative transformationnelle raquo Ces trois termes bien que plus ou moins lieacutes les uns

aux autres ne sont pas assimilables La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle cest-agrave-dire

3 laquo the systematic study of the ways in which the languages of the world vary structurally and of the limits to thisvariation raquo

4 Nous employons le terme laquo translinguistique raquo comme un eacutequivalent du terme laquo cross-linguistic raquo Nous preacutefeacuteronseacuteviter le terme laquo interlinguistique raquo en raison de son utilisation en sciences du langage pour deacutesigner des notionstregraves diffeacuterentes

- 30 -

lensemble des theacuteories deacuteveloppeacutees au sein de leacutecole chomskyenne (Theacuteorie du Gouvernement et

du Liage Programme Minimaliste) ne constitue quune partie des theacuteories geacuteneacuterativistes Agrave partir

de la fin des anneacutees 1970 des courants proposant des grammaires geacuteneacuteratives non

transformationnelles ont commenceacute agrave eacutemerger Cest notamment le cas de la Grammaire

Syntagmatique guideacutee par les Tecirctes (Head-driven Phrase Structure Grammar) Par ailleurs les

grammaires geacuteneacuteratives ne sont pas les seules theacuteories formelles Par exemple la Theacuteorie Sens-

Texte (Meaning-Text Theory) propose un modegravele formel dans le cadre des grammaires de

deacutependance En outre laquo il existe des theacuteories notamment celles deacuteveloppeacutees autour de Dik

(Functional Grammar) et de Van Valin (Role and Reference Grammar) qui saffichent comme

lsquofonctionnalistesrsquo tout en proposant une preacutecision dans la formalisation largement supeacuterieure agrave ce

quon trouve dans le courant chomskyen raquo (Creissels 2006a 3-5)

Il ny a donc aucune incompatibiliteacute theacuteorique reacuteelle entre laquo fonctionnalisme raquo et laquo formalisme raquo

Au sens strict le formalisme peut ecirctre entendu comme laquo le souci de proposer des descriptions aussi

preacutecises explicites et logiquement coheacuterentes que possible raquo (Creissels 2006a 4) Ainsi ces deux

approches ne sopposent pas mais sont plutocirct compleacutementaires

Ainsi nous consideacuterons que lapproche typologique ne sinscrit pas neacutecessairement dans un cadre

fonctionnaliste strict et ne soppose pas neacutecessairement aux theacuteories proposant des formalisations

Il ny a aucune opposition de principe entre typologie et formalisation

0212 Typologie et modegraveles theacuteoriques

Dans ce travail nous adoptons la mecircme approche eacuteclectique que Creissels (2006a 2006b) Cette

approche laquo consiste agrave examiner agrave la fois dune part les descriptions de langues aussi varieacutees que

possible dautre part les propositions de theacuteoriciens dorientations diverses pour essayer de deacutegager

les notions qui dans leacutetat actuel des choses semblent permettre de rendre compte de faccedilon optimale

des connaissances deacutejagrave acquises sur la diversiteacute des structures syntaxiques des langues sans perdre

de vue bien sucircr la neacutecessiteacute dinteacutegrer ces notions en une synthegravese coheacuterente raquo (Creissels 2006a 2)

Dans les faits la plupart des travaux relevant de la typologie ou de la linguistique descriptive

adoptent ce type dapproche

Cette approche en ne sinscrivant explicitement dans aucun cadre theacuteorique preacutecis est parfois

preacutesenteacutee comme laquo atheacuteorique raquo par ceux qui lemploient Cependant selon Dryer (2006) cette

approche correspond en fait agrave celle de la Theacuteorie Linguistique de Base (Basic Linguistic Theory)

deacuteveloppeacutee par Dixon (2010) Mecircme sils ne le disent pas explicitement la plupart des typologues

- 31 -

travaillent de facto dans le cadre de cette theacuteorie Ainsi selon Creissels (2015b 20)

laquo Une caracteacuteristique essentielle de la theacuteorie linguistique de base est son caractegravere

cumulatif Elle a eacutemergeacute de la pratique de la description des langues de plus en plus

nombreuses et diverses et chaque description dune nouvelle langue est susceptible de

lenrichir On insiste souvent sur les querelles theacuteoriques en linguistique mais si on observe

la pratique de la description des langues ce qui frappe au contraire cest la convergence

remarquable entre des descripteurs qui pourtant dans lensemble ne sont pas

particuliegraverement soucieux dexpliquer leur cadre theacuteorique (et qui preacutetendent mecircme

souvent ne pas en avoir) Le meacuterite de Dixon et de quelques autres theacuteoriciens se situant

dans la mecircme perspective a eacuteteacute de tenter dexpliciter cette convergence ainsi que la

coheacuterence theacuteorique qui la sous-tend raquo

Ainsi la Theacuteorie Linguistique de Base correspond agrave lapproche adopteacutee de facto par la plupart

des typologues et des linguistes pratiquant la description de langues Le rocircle de Dixon (2010) a eacuteteacute

de deacutevelopper cette approche de maniegravere explicite et systeacutematique

Notre travail sinscrit donc essentiellement dans le cadre de cette theacuteorie notamment pour les

Parties I II et IV Dans la Partie III nous adoptons une approche constructionnelle Ces deux

approches ne sopposent pas mais sont compleacutementaires (sect 022)

0213 Le problegraveme de la comparabiliteacute translinguistique

Dans le cadre dune eacutetude typologique il est neacutecessaire de sassurer de la comparabiliteacute des

donneacutees (Croft 1990 11-18) laquo Chaque langue dispose de sa propre seacutelection de notions

grammaticaliseacutees et sa maniegravere speacutecifique de les organiser en un systegraveme grammatical Mais il y a

des similitudes entre les systegravemes grammaticaux raquo (Lazard 1992 58) La question quon est alors

tenu de se poser est la suivante existe-t-il des cateacutegories translinguistiques Suivant Lazard (1992)

et Haspelmath (2010) nous consideacuterons quil nexiste pas agrave proprement parler de cateacutegories

translinguistiques mais plutocirct laquo des notions invariantes autour desquelles les cateacutegories des langues

particuliegraveres en quelque sorte se cristalliseraient preacutefeacuterentiellement raquo (Lazard 1992 61)

Chaque langue dispose de ses propres cateacutegories Pour deacutecrire une langue le linguiste doit creacuteer

un ensemble de cateacutegories descriptives adeacutequates (Haspelmath 2010 664) Ces cateacutegories sont

souvent similaires dune langue agrave lautre laquo Mais cette ressemblance nest jamais une identiteacute raquo

(Lazard 1992 59) Consideacuterer que la mecircme cateacutegorie est commune agrave plusieurs langues ne permet

- 32 -

pas de rendre compte des similitudes et des diffeacuterences entre ces langues (Haspelmath 2010 664)

Ainsi le typologue doit agrave la fois prendre en compte la speacutecificiteacute des langues particuliegraveres

(diffeacuterences entre les cateacutegories grammaticales agrave travers les langues) et deacutepasser ces diffeacuterences

pour permettre la comparaison Pour ce faire il convient dutiliser ce que Haspelmath (2010)

appelle des laquo concepts comparatifs raquo

Les concepts comparatifs sont des concepts creacuteeacutes par le linguiste dans le but preacutecis deffectuer

des comparaisons translinguistiques Agrave la diffeacuterences des cateacutegories descriptives les concepts

comparatifs ne sont pas lieacutes au systegraveme grammatical dune langue particuliegravere En outre les

concepts comparatifs sont souvent nommeacutes de la mecircme faccedilon que les cateacutegories descriptives mais

leur relation nest pas biunivoque Un concept comparatif peut preacutesenter un ensemble de proprieacuteteacutes

plus large que la cateacutegorie descriptive laquo correspondante raquo dans une langue donneacutee et inversement

la cateacutegorie descriptive dune langue peut correspondre agrave plusieurs concepts comparatifs Enfin les

concepts comparatifs sont universellement applicables et sont deacutefinis sur la base dautres concepts

universellement applicables concepts seacutemantico-conceptuels universels concepts formels

geacuteneacuteraux et autres concepts comparatifs (Haspelmath 2010 665)

0214 Le caractegravere explicatif de la diachronie

Depuis Saussure (1916 114-140) la linguistique a coutume de nettement seacuteparer lapproche

synchronique de lapproche diachronique Selon cet auteur ces deux approches reposent sur des

meacutethodologies et des objectifs distincts Neacuteanmoins si cette distinction semble bien convenir agrave une

eacutetude purement descriptive (reacutedaction de grammaire description dun aspect preacutecis dune langue

etc) elle ne doit pas ecirctre perccedilue comme une barriegravere theacuteorique infranchissable De fait le recours agrave

la diachronie savegravere souvent indispensable pour expliquer les proprieacuteteacutes de certaines constructions

ou la place quelle occupe au sein de la langue

Comme le note Bybee (2010 110) les constructions dune langue sont le reacutesultat de plusieurs

changements ayant eu lieu au cours de leacutevolution de cette langue Elles peuvent donc preacutesenter

plusieurs proprieacuteteacutes idiosyncrasiques en synchronie qui ne peuvent ecirctre expliqueacutees sans avoir

recours agrave la diachronie Dune maniegravere geacuteneacuterale la diachronie peut ecirctre prise en compte pour

expliquer des situations observables en synchronie laquo les langues sont en perpeacutetuel changement ce

qui autorise agrave penser que si un type dorganisation est peu ou pas du tout attesteacute cest probablement

parce quil nest pas laboutissement dun type freacutequent de changement linguistique alors que les

types dorganisation particuliegraverement bien attesteacutes doivent constituer laboutissement de

- 33 -

changements qui tendent agrave se produire freacutequemment dans lhistoire raquo (Creissels 2006a 6)

Les travaux eacutelaboreacutes dans le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation ont permis de montrer

quil existe des reacutegulariteacutes dans les changements grammaticaux expliquant ainsi pourquoi certains

types dorganisation sont largement attesteacutes alors que dautres semblent napparaicirctre dans aucune

langue (Bybee 1988 Bybee et al 1994 Heine amp Kuteva 2002) Par exemple dans les langues

posseacutedant une syntaxe rigide le verbe est soit en position initiale soit en position finale soit situeacute

apregraves un (plus rarement deux) eacuteleacutements de la constructions mais il nexiste aucune langue ougrave il soit

situeacute en position peacutenultiegraveme (Creissels 2006a 6)

Plusieurs travaux eacutelaboreacutes notamment dans le cadre de la linguistique cognitive considegraverent la

langue comme un systegraveme complexe adaptatif (Ellis amp Larsen-Freeman 2009) Selon cette

approche la langue est un systegraveme en perpeacutetuelle eacutevolution faccedilonneacute par divers facteurs comme les

interactions sociales ou des processus cognitifs (Beckner et al 2009) Cette approche permet une

analyse unifieacutee des divers pheacutenomegravenes linguistiques qui semblent a priori non lieacutes les uns aux

autres Elle permet notamment dinteacutegrer les observations synchroniques avec les modegraveles

diachroniques (Bybee 2010 194) En effet la langue eacutetant un systegraveme en perpeacutetuelle eacutevolution il

semble a priori difficile de lanalyser sans prendre en compte les diverses eacutetapes de son eacutevolution

ainsi que les facteurs agrave lorigine de ces eacutetapes laquo le changement linguistique nest pas uniquement

un pheacutenomegravene peacuteripheacuterique que lon peut ajouter agrave une theacuteorie synchronique il faut consideacuterer que

la synchronie et la diachronie forment un tout raquo (Bybee 2010 105) Ainsi au delagrave du cadre de la

typologie seule la diachronie nous fournit des arguments pour expliquer le caractegravere arbitraire de

certaines constructions observables en synchronie (Bybee 2010 110)

022 Une approche constructionnelle

Comme nous lavons indiqueacute plus haut lapproche adopteacutee dans ce travail est essentiellement

typologique Neacuteanmoins dans la Partie III nous adoptons eacutegalement une approche

constructionnelle cest-agrave-dire que nous nous placcedilons dans le cadre des grammaires de construction

Ces deux approches ne sont pas incompatibles mais compleacutementaires5

Fournir une preacutesentation geacuteneacuterale et deacutetailleacutee des grammaires de construction deacutepasse largement

le cadre de cette section Pour cela nous renvoyons le lecteur agrave Goldberg (2003) Croft amp Cruse

(2004 Ch 10) Franccedilois (2008) ou Guignard (2012) Lobjectif de cette section est de preacutesenter les

5 Ainsi Croft (2001) ou Bybee (2010) adoptent explicitement les deux approches dans leurs travaux

- 34 -

eacuteleacutements de lapproche constructionnelle pertinents pour appreacutehender notre travail

0221 La notion de construction

La notion de laquo construction raquo constitue la notion centrale des grammaires de construction Une

construction est une uniteacute composeacutee dune forme et dun sens Cette notion est assez similaire agrave la

notion saussurienne de laquo signe linguistique raquo cest-agrave-dire la combinaison dun signifieacute (sens) et dun

signifiant (forme) (Saussure 1916 97-100) Neacuteanmoins la plupart des grammaires de construction

ajoutent eacutegalement un critegravere de non compositionnaliteacute Ainsi Goldberg (1995 4) propose la

deacutefinition suivante

laquo C est une construction si et seulement si C est une paire forme-sens ltFi Sigt telle que

certains aspects de Fi ou de Si ne sont pas strictement preacutedictibles agrave partir des parties qui

composent C ou agrave partir dautres constructions raquo

La forme dune construction englobe toutes ses proprieacuteteacutes formelles proprieacuteteacutes syntaxiques

proprieacuteteacutes morphologiques et proprieacuteteacutes phonologiques Le sens dune construction renvoie agrave

lensemble des aspects conventionnels lieacutes agrave sa fonction ce qui inclut ses proprieacuteteacutes seacutemantiques

ses proprieacuteteacutes pragmatiques et ses proprieacuteteacutes discursives (Croft 2001 18-19)

CONSTRUCTION

Proprieacuteteacutes syntaxiques

Proprieacuteteacutes morphologiques

Proprieacuteteacutes phonologiques

FORME

lien symbolique

Proprieacuteteacutes seacutemantiques

Proprieacuteteacutes pragmatiques

Proprieacuteteacutes discursives

SENS

Figure 01 - Structure symbolique dune construction

0222 Le continuum lexico-grammatical

Selon lapproche constructionnelle tous les niveaux de description doivent ecirctre analyseacutes comme

des constructions ce qui inclut la morphologie deacuterivationnelle et flexionnelle des uniteacutes lexicales

des phrasegravemes plus ou moins figeacutes des structures syntaxiques sans speacutecification lexicale ou encore

- 35 -

des cateacutegories syntaxiques abstraites (Goldberg 2003 219 Franccedilois 2008 7-8)

Le corollaire de cette position est quil ny a pas de diffeacuterence de nature entre le lexique les

structures phrastiques et les laquo regravegles grammaticales raquo Le savoir grammatical repreacutesente un

continuum agrave deux dimensions (Croft amp Cruse 2004 255-256 Guignard 2012 24-25) Dune part

on reconnaicirct un axe atomique-complexe Par exemple le mot table est une construction atomique

alors que le mot porte-avion est une construction complexe Dautre part on reconnaicirct un axe

substantiel-scheacutematique Par exemple le mot porte-avion est une construction substantielle cest-agrave-

dire entiegraverement instancieacutee En revanche laquo agrave condition de SV raquo est une construction partiellement

scheacutematique dont le SV nest pas speacutecifieacute

0223 La place des constructions dans la grammaire

La faccedilon dont les constructions sorganisent pour constituer la grammaire dune langue est une

question fondamentale pour lapproche constructionnelle Les constructions dune langue ne forment

pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement

structureacute dinformations (Goldberg 1995 5) Ce point sera traiteacute en deacutetail au Chapitre 10 Il sert de

base theacuteorique pour notre preacutesentation de lorganisation des constructions verbales du wolof

(Partie III)

0224 Une approche reacutealiste

Les grammaires de constructions adoptent une approche que Creissels (2006a 2) qualifie de

reacutealiste et que Goldberg (2003 219) qualifie de laquo what you see is what you get raquo Autrement dit

cette approche est non deacuterivationnelle et non transformationnelle

laquo Les reacutegulariteacutes dans la construction des phrases doivent se deacutecrire par reacutefeacuterence aux phrases

telles que nous les percevons et non pas comme le reacutesultat de la transformation de structures

syntaxiques abstraites dans lesquelles les mots pourraient ecirctre rangeacutes dans un ordre diffeacuterent de

celui quil est possible dobserver ou dans lesquelles des eacuteleacutements morphologiques figureraient

deacutetacheacutes du mot dont ils font partie raquo (Creissels 2006a 2) Nous ne ferons laquo pas non plus appel

pour expliquer les reacutegulariteacutes syntaxiques agrave la preacutesence deacuteleacutements lsquoeffaceacutesrsquo ou lsquoinvisiblesrsquo qui bien

que napparaissant pas dans les phrases telles quelles sont produites seraient susceptibles

drsquointeragir avec les autres eacuteleacutements de la phrase exactement comme pourrait le faire un mot

concret raquo (Creissels 2006a 2-3)

- 36 -

0225 Les diffeacuterentes theacuteories constructionnelles

Les grammaires de construction ne constituent pas un cadre theacuteorique unique mais plutocirct un

ensemble de theacuteories partageant plusieurs principes fondamentaux Parmi les grammaires de

construction on peut distinguer quatre grands courants (Croft amp Cruse 2004 Ch 10 Franccedilois

2008) la Grammaire de Construction par Unification (Unification Construction Grammar) ou

laquo Eacutecole de Berkeley raquo deacuteveloppeacutee par Fillmore amp Kay (1993) la Grammaire de Construction

Cognitive (Cognitive Construction Grammar) deacuteveloppeacutee par Lakoff (1987) et Goldberg (1995) la

Grammaire Cognitive (Cognitive Grammar) deacuteveloppeacutee par Langacker (2008) et la Grammaire de

Construction Radicale (Radical Construction Grammar) deacuteveloppeacutee par Croft (2001) Ces

diffeacuterents courants se distinguent sur plusieurs points (compositionnaliteacute rocircle de la polyseacutemie etc)

dont deux vont particuliegraverement nous inteacuteresser la diversiteacute translinguistique et la formalisation

La Grammaire de Construction Radicale (Croft 2001) est le seul courant agrave avoir explicitement

une viseacutee typologique Concernant la comparabiliteacute translinguistique Croft (2001) adopte la

position que nous avons preacutesenteacutee en (sect 0213) laquo Pour Croft aucun test syntaxique ne pourra

seacutelectionner toutes et rien que les entiteacutes quon pourrait vouloir appeler verbes noms adjectifs

sujets objets etc agrave travers les langues Les geacuteneacuteralisations existantes sont deacutetermineacutees par la

motivation fonctionnelle agrave laquelle les constructions de chaque langue sont soumises raquo (Franccedilois

2008 12) De fait Goldberg (1995) approuve explicitement cette position (Franccedilois 2008 12)

Concernant la formalisation on constate de grandes divergences dun courant agrave lautre Il ny a

pas de mode de repreacutesentation uniforme commun agrave toutes les grammaires de construction La

Grammaire de Construction par Unification fait une utilisation systeacutematique dun mode de

repreacutesentation formel similaire agrave celui de HPSG structures de traits sous forme de matrices

attribut-valeur (Matthieu 2003) En revanche les autres courants nutilisent pas de formalisation

clairement deacutefinie Ils font usage de notations scheacutematiques plus ou moins formelles dans un but

dillustration

Lapproche adopteacutee dans notre eacutetude eacutetant essentiellement typologique nous nous placcedilons plutocirct

dans le cadre de la Grammaire de Construction Radicale (Croft 2001)

03 Corpus et sources des exemples

Comme la plupart des langues autochtones dAfrique subsaharienne le wolof est essentiellement

- 37 -

une langue agrave tradition orale Ainsi malgreacute son importance deacutemographique et sociolinguistique

(sect 041) il existe relativement peu de textes eacutecrits dans cette langue En outre une part importante

des textes reacutedigeacutes en wolof est difficilement exploitable pour une analyse linguistique en raison de

lorthographe adopteacutee (sect 0445) Par ailleurs agrave lheure actuelle il nexiste pas de corpus de

reacutefeacuterence pour le wolof6

Pour ce travail notre corpus est constitueacute de plusieurs types de textes

bull Les recueils de contes de Ma Cisseacute (1994) et Diouf et al (2009) Nous avons exclu le

recueil de Kesteloot amp Dieng (1989) en raison de nombreuses erreurs de transcriptions7

bull Un recueil de poegravemes de Ndiaye (1999)

bull Un roman de Boubacar Boris Diop (Joacuteob 2003)

bull Le recueil de proverbes tregraves exhaustif compileacute par Shawyer (2009)

bull Les exemples issus du dictionnaire de Diouf (2003) Ces exemples sont issus dun large

corpus pluridialectal collecteacute sur le terrain

Agrave ces sources principales nous avons ajouteacute

bull Les exemples issus de travaux preacutesentant explicitement lorigine de leur corpus ainsi que la

deacutemarche adopteacutee pour le recueil etou la seacutelection Church (1981) Robert (1991) Fal

(1999)

bull Les exemples issus des autres travaux sur le wolof Nous utilisons ces exemples

essentiellement pour illustrer les analyses deacutefendues par leurs auteurs

bull Des textes traduits en wolof la Bible la laquo Deacuteclaration Universelles des Droits de

lHomme raquo (Organisation des Nations Unies 1998) un roman de Camara Laye (Laay 2007)

bull Des eacutenonceacutes obtenus par eacutelicitation aupregraves de nos informateurs Nous utilisons ce type

deacutenonceacutes uniquement pour controcircler la grammaticaliteacute de formes non attesteacutees dans notre

corpus

Nous illustrons nos arguments et analyses essentiellement avec des exemples issus de Diouf

(2003) Il sagit dun choix pragmatique ces exemples sont fiables et relativement courts Tous ces

exemples ont eacuteteacute veacuterifieacutes par nos informateurs

6 Il nexiste pas de corpus comparable au Corpus Bambara de Reacutefeacuterence (httpcormandhuma-numfr)7 La 3e eacutedition revue et corrigeacutee par Jean-Leacuteopold Diouf (Kesteloot amp Dieng 2015) est parue trop tardivement pour

ecirctre inteacutegreacutee agrave notre corpus

- 38 -

Concernant les autres langues les donneacutees sont essentiellement issues de descriptions

grammaticales deacutetailleacutees (grammaires de reacutefeacuterences) Pour les langues bien documenteacutees nous

utilisons eacutegalement des donneacutees issues darticles reacutedigeacutes par des speacutecialistes de la langue en

question et traitant speacutecifiquement des points que nous preacutesentons mais si possible en

compleacutement dune description complegravete de la langue Les sources de troisiegraveme main (ex travaux

typologiques citant des grammaires) ne sont jamais exploiteacutees telles quelles Les donneacutees sont

veacuterifieacutees (voir reacuteanalyseacutees) agrave partir de la source originelle

04 La langue wolof

041 Situation actuelle

Le wolof est une langue essentiellement parleacutee en Seacuteneacutegambie Seacuteneacutegal Gambie sud de la

Mauritanie On trouve eacutegalement dimportantes communauteacutes au Mali en Guineacutee en Cocircte dIvoire

au Gabon en France et aux Eacutetats-Unis (Ka 2001 816) Au Seacuteneacutegal la langue est principalement

parleacutee dans les reacutegions issues des anciens royaumes wolof (Cayor Djolof Baol Walo et Saloum8)

cest-agrave-dire sur la cocircte atlantique entre Dakar et Saint-Louis sur la Petite-Cocircte ainsi quau nord-

ouest du fleuve Gambie (Figures 029 amp 0310)

Selon Lewis et al (2013) le wolof est la principale langue du Seacuteneacutegal En 2006 elle compterait

3 976 500 locuteurs natifs dont 3930000 au Seacuteneacutegal et 12 000 en Mauritanie auxquels il convient

dajouter les 185000 locuteurs du dialecte de Gambie Leclerc (2014)11 donne des chiffres

relativement proches Selon lui il y aurait 5208000 wolophones12 au Seacuteneacutegal (repreacutesentant 397

de la population) 225 790 en Gambie (repreacutesentant 179 de la population) et 15000 en

Mauritanie (repreacutesentant 04 de la population)

8 Le nom de ces royaumes en wolof est respectivement Kajoor Jolof Bawol Waalo et Saalum9 Extrait de Diop (1981 6)10 Extrait de Fal et al (1990 6)11 cf les pages

lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquesenegalhtmgt actualiseacutee le 5 feacutevrier 2013 lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquegambiehtmgt actualiseacutee le 27 avril 2010 lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquemauritaniehtmgt actualiseacutee le 28 avril 2010

12 Suivant Leacuteopold Seacutedar Senghor (Dumont 1983 13) nous preacutefeacuterons la forme wolophone agrave la forme wolofophone

- 39 -

- 40 -

Figure 03 - Reacutepartition des wolophones en Seacuteneacutegambie

Figure 02 - Localisation des principaux anciens royaumes wolof

Au Seacuteneacutegal le wolof sert de langue veacutehiculaire Leclerc (2014) estime quil est compris par plus

de 90 de la population totale du pays et est la principale langue utiliseacutee agrave la radio (70 des

eacutemissions des radios priveacutees sont en wolof) Ainsi on estime quenviron 10000000 de personnes

sont capables de parler le wolof

Dun point de vue politique le wolof nest la langue officielle daucun eacutetat Il jouit cependant du

statut de langue nationale au Seacuteneacutegal et en Mauritanie statut reconnu par la Constitution dans ces

deux pays

042 Variantes dialectales

La dialectologie du wolof reste un domaine relativement peu deacuteveloppeacute Certains auteurs placent

explicitement leurs travaux dans le cadre de leacutetude dun dialecte preacutecis comme le laquo parler du

Dyolof raquo pour Sauvageot (1965) ou le laquo wolof de Gambie raquo pour Njie (1982) Neacuteanmoins les

travaux reacuteellement dialectologiques restent peu nombreux

Selon Robert (2011 23-24) le wolof est une langue peu dialectaliseacutee Le seul dialecte

clairement identifiable serait le parler leacutebou utiliseacute dans la presquicircle du Cap-Vert Dans leacutetat actuel

de la langue la diffeacuterenciation sopeacutererait plus entre un laquo wolof des villes raquo idiome veacutehiculaire

parsemeacute demprunts franccedilais et ayant subi divers laquo simplifications raquo grammaticales (dont une

reacuteduction du nombre de classes nominales) et un laquo wolof des campagnes raquo idiome vernaculaire

consideacutereacute comme eacutetant grammaticalement et lexicalement plus laquo pur raquo13

Ka (2001 816) sil admet que la grammaire de la langue varie peu au sein de laire linguistique

affirme quil existe de nombreuses varieacuteteacutes reacutegionales ou dialectes dont les diffeacuterences sont surtout

phoneacutetiques et lexicales Il identifie quatre zones dialectales majeures Nord (comprenant les

dialectes du Djolof et du Walo) Central (comprenant les dialectes du Cayor et du Baol) Cap-Vert

(comprenant le dialecte leacutebou) et Saloum (comprenant le dialecte de Gambie) Il signale par

ailleurs que le dialecte du Cayor est consideacutereacute comme eacutetant le plus laquo pur raquo et constitue donc le

dialecte standard

Selon Drameacute (2012) si les diffeacuterences entre les varieacuteteacutes reacutegionales ne posent pas de problegraveme

dincompreacutehension elles doivent neacuteanmoins ecirctre traiteacutees comme des dialectes distincts Son analyse

phonologique et morphologique lui permet disoler clairement trois dialectes le wolof de Dakar le

faana-faana et le leacutebou Le wolof de Dakar constitue le dialecte veacutehiculaire parleacute dans les centres

13 Torrence (2013a 7) parle de wolof bu xoacuteot (wolof profond)

- 41 -

urbains issu des brassages de population et marqueacute par de nombreux emprunts et par une tendance

agrave simplifier son systegraveme de classification nominale Le fanaa-fanaa est une variante dialectale du

Saloum dont les speacutecificiteacutes sont dues agrave son eacuteloignement geacuteographique son enclavement et la

seacutedentariteacute de ses locuteurs Le dialecte leacutebou constitue un ensemble de parlers reacutepartis dans la

reacutegion de Dakar

043 Classification

Dans toutes les classifications reacutecentes le wolof est classeacute dans la branche nord des langues

atlantiques Les langues atlantiques appartiennent agrave la famille Niger-Congo Elles laquo forment un

groupe dune quarantaine de langues parleacutees essentiellement le long de la cocircte de loceacutean Atlantique

du Seacuteneacutegal au Liberia raquo (Pozdniakov 2011 20) En se basant sur les listes Swadesh de 100 mots

dune trentaine de langues Sapir (1971) propose une classification interne de la famille atlantique

Cette classification sera en grande partie reprise par Wilson (1989) (Figure 04) et servira de base agrave

la plupart des classifications preacutesenteacutees dans la litteacuterature notamment Williamson amp Blench (2004)

et Lewis et al (2013)14

Agrave partir de Doneux (1975) et Wilson (1989) Williamson amp Blench (2004 32) reacutesument ainsi les

principales caracteacuteristiques linguistiques des langues atlantiques

1) Classification nominale Complegravete Preacutefixes originels Deacutegradeacutee renouvellement par

suffixes ou augments Alternance consonantique initiale avec conditionnement

grammatical

2) Deacuterivation verbale Reacutepandue

3) Pronoms Opposition inclusif exclusif freacutequente

4) Ordre des mots SVOX preacutepositions

5) Constituant nominal Geacuten + N N + Num N + Deacutem

14 Pour une preacutesentation complegravete des eacutetudes sur la famille atlantique voir lintroduction de Doneux (1991)

- 42 -

- 43 -

Figure 04 - Classification des langues atlantiques selon Wilson (1989)

Nord

Seacuteneacutegambie

Cangin

Bak

Joola

Tenda

Peul

Sereer

Wolof

Laalaa Ndut

Fonyi Banjal

Seacuteneacutegal Oriental Guineacutee

Sud

Balant

Manjaku Pepel

Basari Bedik

Konyagi

Biafada Pajade

Buy

Nyun

Bijogo

Sua

Mel

Temne

Sherbro

Gola

Limba

Nalu Baga Foreacute

Le wolof respecte clairement la premiegravere caracteacuteristique puisquil dispose dune classification

nominale complegravete (Pozdniakov 1993 75-102)15 avec pour certains noms des preacutefixes deacutegradeacutes

renouveleacutes par des suffixes ou des augments comme pour jigeacuteen ji (la femme) qui semble contenir

un preacutefixe ji- renouveleacute par le deacuteterminant deacutefini postposeacute ji Il dispose eacutegalement pour certains

noms dune alternance consonantique initiale avec conditionnement grammatical po (jeu) fo

(jouer) beumlt (œil) geumlt (yeux) Il respecte eacutegalement la seconde caracteacuteristique puisquil dispose dun

grand nombre de suffixes de deacuterivations verbales (Ka 1981 13-52) Le wolof respecte eacutegalement la

quatriegraveme caracteacuteristique (sect 44) En revanche le wolof ne marque pas dopposition inclusif

exclusif dans son systegraveme pronominal16 et la construction du constituant nominal dans cette langue

ne respecte que partiellement la cinquiegraveme caracteacuteristique (Gueacuterin 2011 54-143)

Cependant la classification des langues atlantiques heacuteriteacutee de Sapir (1971) et Wilson (1989) est

aujourdhui remise en cause Pozdniakov (2011 20) note que laquo la seule certitude en ce qui

concerne la classification est lappartenance des langues atlantiques agrave la famille Niger-Congo La

distance linguistique entre les langues est si grande que mecircme aujourdhui lidentification dun

groupe atlantique au sein du Niger-Congo nest pas justifieacutee du point de vue de la meacutethode

comparative classique et repose uniquement sur des critegraveres dordre geacuteographique raquo Cela explique

les diffeacuterences entre les diverses classifications proposeacutees pour cette famille

En se basant sur des comparaisons lexicales morphologiques morphophonologiques et

phoneacutetiques Pozdniakov amp Segerer (agrave paraicirctre) proposent une nouvelle classification interne de la

famille atlantique Cette derniegravere seacutecarte de la classification classique sur plusieurs points Ainsi le

peul et le sereer forment un groupe Ce point est en adeacutequation avec les reacutesultats de Sapir (1971) Le

wolof constitue un groupe isoleacute dans la branche Nord tout comme le groupe Nyun-Buy Le groupe

Tenda-Jaad est rapprocheacute du groupe Peul-Sereer Par ailleurs Pozdniakov amp Segerer introduisent

une nouvelle branche Centre qui regroupe les langues classiquement nommeacutees bak et le bijogo

Enfin la branche Sud est supprimeacutee Les langues du groupes Nalu ainsi que le limba et le sua sont

consideacutereacutes comme de possibles isolats et les langues Mel sont exclues de la famille atlantique

15 La traduction franccedilaise de cet extrait (Les classes nominales et le traitement des consonnes initiales atlantiques enwolof) est disponible sur le site de lauteur lthttppozdniakovfreefrgt

16 Neacuteanmoins selon Pozdniakov amp Segerer (2004 153) laquo il ny a pas de raison de reconstruire lopposition 1plinclusif ~ 1pl exclusif en atlantique raquo

- 44 -

- 45 -

Figure 05 - Classification des langues atlantiques selon Pozdniakov amp Segerer

Nord

Cangin

Joola

Tenda-Jaad

Peul

Sereer

Wolof

Laalaa Ndut

Fogny KwaatayCentre

Kentohe Ganja

Manjaku Pepel

Basari Konyagi

Biafada Pajade

Buy

Nyun

Bijogo

Sua

Limba

Nalu Baga Foreacute

Peul-Sereer

Nyun-Buy

Manjaku

Nalu

Wolof

Bijogo

Balant

044 Phonologie

0441 Le systegraveme phonologique

Dans ce travail nous reprenons linventaire phonologique de MT Cisseacute (2006) que nous avons

leacutegegraverement modifieacute en tenant compte de Creissels (1994 73-74) Le wolof compte 60 phonegravemes

dont 45 consonnes (Tableau 01) et 15 voyelles (Tableau 02)

Tableau 01 - Inventaire consonantique17

Labiale Dentale Palatale Veacutelaire Uvulaire Glottale

Occ

lusi

ve ForteGeacutemineacutee

Orale pː bː tː dː cː ɟː kː gː qː

Nasale mː nː ɲː ŋː

Preacutenasale mp mb nt nd ɲc ɲɟ ŋk ŋg ɴq

Faible Orale p b t d c ɟ k g ʔ

Nasale m n ɲ ŋ

Con

tin

ue Non-approximante f r s χ

ApproximanteForte lː jː wː

Faible l j w

Tableau 02 - Inventaire vocalique

Bregraveve Longue

Anteacuterieure Centrale Posteacuterieure Anteacuterieure Centrale Posteacuterieure

Fermeacutee+ATR

i u iː uː

e ə o eː oː

-ATRɛ ↄ ɛː ↄː

Ouverte ɐ aː

La preacutesentation des tableaux ci-dessus peut sembler un peu heacuteteacuterodoxe mais elle reacutepond agrave un

souci de rigueur dans lanalyse phonologique de la langue En effet il est pertinent de diviser les

consonnes du wolof en laquo faibles raquo correspondant agrave des phones simples et en laquo fortes raquo

correspondant agrave des phones que lon pourrait qualifier de complexes les geacutemineacutees et les preacutenasales

17 Dans une mecircme case les symboles de droite repreacutesentent des consonnes sonores et ceux de gauche repreacutesentent desconsonnes sourdes

- 46 -

Cette pertinence est visible dans certains processus morphophonologiques Certaines liberteacutes ont eacuteteacute

prises dans la preacutesentation de cet inventaire Le phonegraveme s deacutefini comme une consonne fricative

alveacuteolaire sourde a eacuteteacute placeacute dans la colonne laquo palatale raquo car il entretient une relation

morphophonologique avec le phonegraveme c De mecircme le phonegraveme r deacutefini comme une consonne

rouleacutee alveacuteolaire voiseacutee a eacuteteacute placeacute dans la mecircme ligne que les fricatives car il entretient le mecircme

type de relation morphophonologique avec le phonegraveme d Enfin le phonegraveme ʔ deacutefini comme

une consonne occlusive glottale semble entretenir le mecircme type de relation avec le phonegraveme k

mais nous avons preacutefeacutereacute ne pas le deacuteplacer dans le tableau pour ne pas trop nous eacuteloigner de la

reacutealiteacute phoneacutetique Il faut eacutegalement noter que le phonegraveme q correspondrait au phonegraveme χ doncː ː

agrave leacutequivalent fort du phonegraveme χ Idem pour le phonegraveme Nq qui correspondrait au phonegraveme Nχ

Nous avons choisi de conserver les notations q et ː Nq car χ est la seule fricative de la langue agrave

avoir une correspondante geacutemineacutee et parce que cette consonne forte se reacutealise toujours comme

locclusive geacutemineacutee [q ]ː 18

Le wolof connaicirct une opposition de longueur tant pour les voyelles que pour les consonnes

Cependant la voyelle ə na pas de contre-partie longue Par ailleurs il est important de garder agrave

lesprit que le wolof bien que peu dialectaliseacute connaicirct des variations quant agrave lutilisation des

voyelles et linventaire vocalique (Calvet 1965 4) Cette variation est suffisamment marqueacutee pour

que certains dialectes (par exemple celui de Banjul) aient un systegraveme diffeacuterent de celui preacutesenteacute plus

haut le [ə] nexiste pas dans leur inventaire vocalique (Njie 1982 25-27 Creissels 1994 73-74)

Les consonnes ont une reacutealisation diffeacuterente en fonction de leur place dans un mot Certaines

consonnes napparaissent pas dans toutes les positions Cest notamment le cas des geacutemineacutees et des

preacutenasales sourdes qui napparaissent jamais en position initiale Cest eacutegalement le cas des

occlusives faibles sourdes (agrave lexception de t) qui napparaissent jamais en position finale

Concernant cette derniegravere cateacutegorie on observe que les occlusives faibles ont une reacutealisation non-

audible en position finale (1a) ce qui implique quil y a effacement de lopposition de sonoriteacute dans

cette position (Cisseacute MT 2006 38-39) La suffixation nous permet de deacuteterminer quelles

occlusives peuvent apparaicirctre en position finale Par ailleurs les occlusives fortes ont une

reacutealisation particuliegravere en position finale les sonores sont suivies dune voyelle dappui laquo ə raquo (1b et

les sourdes sont suivies dune aspirations laquo h raquo (1c)

18 Cependant selon MT Cisseacute (2006 41) les reacutealisations [xə] [xxə] [qh] [qx] ou [xqx] sont eacutegalement possibles enfonctions de lorigine et des habitudes linguistiques des locuteurs Le [x] de lauteur correspondant agrave notre [χ]

- 47 -

1) a fab ~ fab-al (Cisseacute MT 2006 39)

fɐb fɐbɐl[fɐb] [fɐbɐl]prendre prendre-IMP2SG

b tabb ~ tabb-al (Cisseacute MT 2006 39)

tɐbː tɐbːɐl[tɐbːᵊ] [tɐbːɐl]placer placer-IMP2SG

c tapp ~ tapp-al (Cisseacute MT 2006 39)

tɐpː tɐpːɐl[tɐpːʰ] [tɐpːɐl]fixer fixer-IMP2SG

0442 La structure syllabique

La structure syllabique de base est CV(C) Ainsi on remarque que le hiatus est impossible En

cas de suite de voyelles due agrave la morphosyntaxe un processus phonologique empecircche le hiatus

(eacutepenthegravese ou coalescence vocalique) Par ailleurs on observe une variation libre entre zeacutero et une

semi-consonne agrave lattaque de syllabe initiale Le lieu darticulation de la semi-consonne est indexeacute

au lieu darticulation de la voyelle qui suit Par exemple eble ~ yeble (preacutecepte) oto ~ woto

(voiture) (Creissels 1994 56-57) Enfin les suites consonantiques sont relativement rares au sein

des mots Le nombre de possibiliteacutes est reacuteduit et est soumis agrave deux contraintes lune des deux

consonnes doit ecirctre une fricative et aucune des deux consonnes ne peut ecirctre une consonne forte

(Sauvageot 1965 47-48)

0443 Les processus phonologiques

Comme un grand nombre de langues Niger-Congo le wolof connaicirct un pheacutenomegravene dharmonie

vocalique reposant sur le trait ATR Ainsi au sein dun radical toutes les voyelles ont le mecircme trait

ATR En wolof lharmonie vocalique est toujours progressive la voyelle dun suffixe sharmonise

avec la voyelle du radical19 et la voyelle dun clitique sharmonise avec la voyelle du lexegraveme qui le

19 Neacuteanmoins il convient de noter que la voyelle de certains suffixes ne subit pas lharmonie vocalique

- 48 -

preacutecegravede (Ka 1994 7-62)

Il existe eacutegalement un pheacutenomegravene de neutralisation de quantiteacute Mis agrave part pour le ɐ il ny a pas

dopposition de longueur pour les voyelles preacuteceacutedant une consonne complexe On observe

eacutegalement des pheacutenomegravenes dapocope et de syncope touchant essentiellement les voyelles ainsi

quun pheacutenomegravene dapheacuteregravese pouvant toucher des syllabes entiegraveres (Diouf 2009 25-39) Enfin il

existe un pheacutenomegravene de coalescence vocalique (Tableau 03) (Njie 1982 52 Diouf 2009 37

Sall 2005 42 Fal 1999 15-16) Dans ces cas la seconde voyelle ne peut ecirctre que -a ou -e et la

voyelle longue reacutesultant de cette fusion est uniquement deacutetermineacutee par la premiegravere voyelle

Tableau 03 - Regravegles de coalescence vocalique

Voyelle 2

a e

Voy

elle

1

iee

e

a aa

ooo

u

0444 La prosodie

Laccent tombe sur la syllabe initiale du mot sauf dans les mots ougrave la premiegravere syllabe est agrave

voyelle bregraveve et la suivante agrave voyelle longue dans ce cas les deux syllabes semblent ecirctre

prononceacutees avec la mecircme intensiteacute (Sauvageot 1965 41-44) Rialland amp Robert (2001 931)

preacutecisent quil sagit dun accent de mot mais pas dun accent de hauteur Par exemple xorom (sel)

est prononceacute [xↄrↄm]

Les mecircmes auteurs listent les patrons intonatifs de la langue20 montrant ainsi que les eacutenonceacutes

deacuteclaratifs simples ont une intonation basse et plate les questions sans morphegraveme interrogatif une

intonation descendante les questions avec morphegraveme interrogatif une intonation montante et les

exclamations une intonation haute et plate

20 Pour une description exhaustive du systegraveme intonatif voir Rialland amp Robert (2001)

- 49 -

0445 Lorthographe

Lorthographe est relativement phonologique Il faut noter que le redoublement dune voyelle

note son allongement et de mecircme le redoublement dune consonne note sa geacutemination Lorsque

dans lorthographe une occlusive orale bilabiale est preacuteceacutedeacutee dun laquo m raquo ou une occlusive orale

dentale palatale veacutelaire ou uvulaire est preacuteceacutedeacutee dun laquo n raquo cela note une consonne preacutenasale

Devant une consonne forte le graphegraveme agrave note un a Eacutetant donneacute quil ny a pas ː dopposition de

longueur dans cette position pour les autres voyelles elles sont toujours eacutecrites comme des bregraveves

mecircme si elles sont phoneacutetiquement longues

Cependant les conventions orthographiques officielles21 ne respectent pas certains aspects de la

phonologie de la langue

bull Les graphegravemes atilde atildea eumle et h correspondent agrave des phonegravemes qui nexistent pas22

bull La distinction entre les graphegravemes agrave et aa bien que pertinente dun point de vue

phoneacutetique ne semble reposer sur aucune reacutealiteacute phonologique

bull Le phonegraveme ʔ nest pas noteacute dans lorthographe

bull Par soucis deacuteconomie certains pheacutenomegravenes dharmonie vocalique ne sont pas noteacutes dans

lorthographe par exemple teacuteere (livre) se prononce [te re] et non [te rː ː ε]

Par ailleurs il convient decirctre prudent quant agrave la seacuteparation des mots dans lorthographe En effet

lorsquil preacutesida les commissions chargeacutees deacutetablir lorthographe et la seacuteparation des mots dans les

langues nationales le preacutesident seacuteneacutegalais Leacuteopold Seacutedar Senghor posa le principe suivant laquo Il

sagissait sagissant de langues agglutinantes de faciliter leur enseignement et leur eacutecriture en y

seacuteparant tout ce qui est seacuteparable raquo (Dumont 1983 17) Les critegraveres explicitement retenus eacutetant

peacutedagogiques avant decirctre linguistiques certaines normes ou traditions deacutecriture peuvent ecirctre plus

ou moins arbitraires

21 cf le deacutecret ndeg 2005-992 du 21 octobre 2005 relatif agrave lorthographe et la seacuteparation des mots en wolof (publieacute auJournal Officiel du Seacuteneacutegal)

22 Lasteacuterisque note les sons nappartenant pas au systegraveme phonologique de la langue Ils semblent ecirctre attesteacutes danscertaines variantes dialectales (ils ne sont dans ce cas que des variantes dautres phonegravemes preacutesents dans notreinventaire) ou dans certains emprunts ou interjections

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Tableau 04 - Normes orthographiques

Graphegraveme Phonegraveme i i ntildentilde ɲː

a ɐ ii iː ŋ ŋ

agrave aː j ɟ ŋŋ ŋː

atilde atilde jj ɟː o ↄ

aa aː k k oacute o

atildea atildeː kk kː oo ↄː

b b l l oacuteo oː

bb bː ll lː p p

c c m m pp pː

cc cː mb mb q qː

d d mm mː r r

dd dː mp mp s s

e ɛ n n t t

eacute e nc ɲc tt tː

euml ə nd nd u u

ee ɛː ng ŋg uu uː

eacutee eː nj ɲɟ w w

eumle əː nk ŋk ww wː

f f nn nː x χ

g g nq Nq y j

gg gː nt nt yy jː

h h ntilde ɲ ʔ

Enfin on notera quagrave cocircteacute de cette orthographe officielle coexistent deux autres systegravemes de

transcription Le premier pourrait ecirctre qualifieacute de laquo graphie populaire raquo il sagit dune transcription

non standardiseacutee et baseacutee sur les normes orthographique du franccedilais Ce systegraveme de transcription est

largement utiliseacute dans les affiches publicitaires les enseignes de magasin les inscriptions sur les

veacutehicules (voitures et bateaux) ainsi que dans les communications meacutediatiseacutees (messagerie

instantaneacutee forum SMS courriel Facebook etc) (Lexander 2010 99-101) Le fait de ne pas

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utiliser lorthographe officielle dans tous ces contextes peut avoir plusieurs causes meacuteconnaissance

de lorthographe officielle absence de lorthographe officielle de lenvironnement graphique des

locuteurs absence dabreacuteviations permettant deacutecrire rapidement dans le cadre de la communication

meacutediatiseacutee impression de complexiteacute de lorthographe officielle ressentie par les locuteurs

alphabeacutetisation des locuteurs en franccedilais et utilisation de normes orthographiques franccedilaises pour

transcrire les noms propres (noms de famille ou noms de lieu) (Lexander 2010) Enfin le plus

ancien systegraveme de transcription est le wolofal Il sagit dun ajami cest-agrave-dire une transcription du

wolof avec lalphabet arabe datant de lexpansion de populations arabo-berbegraveres musulmanes en

Afrique de lOuest (Bao-Diop 2007) Ce systegraveme de transcription non encore standardiseacute est utiliseacute

dans des textes religieux diffuseacutes par des confreacuterie soufies pour les inscriptions sur les veacutehicules

(voitures et bateaux) et pour la gestion courante de commerccedilants dartisans et dagriculteurs ayant

appris agrave lire et agrave eacutecrire dans les eacutecoles coraniques (Cisseacute Ma 2006 70-73) De fait lorthographe

officielle reste assez peu utiliseacutee par les locuteurs natifs Elle est principalement utiliseacutee dans les

milieux acadeacutemiques pour leacutedition dun grand nombre douvrages (romans recueils de contes

poeacutesie etc) et dans certains sites Internet comme Wikipeacutedia

045 Morphologie

Le wolof est une langue morphologiquement agglutinante faisant un usage important de la

deacuterivation principalement verbale Cette langue dispose eacutegalement dun nombre relativement

important de proceacutedeacutes de construction morphologique qui sont tregraves productifs (Ka 1981 Ndiaye

2004)

0451 Lalternance consonantique

Lalternance consonantique initiale est un processus morphophonologique servant agrave construire

des deacuteverbaux Ce processus est reacutegulier il fait alterner la consonne initiale du verbe avec une

consonne laquo plus forte raquo

bull Fricative rarr Occlusive faible sourde sagravecc (voler) rarr cagravecc (voleur)

bull Occlusive faible sonore rarr Preacutenasale sonore geumlm (croire) rarr ngeumlm (foi)

Cependant le processus est limiteacute pour les dentales et le phonegraveme ʔ laquo fait office de fricative raquo

pour les veacutelaires Ce proceacutedeacute morphologique ne semble plus ecirctre productif en wolof contemporain

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Tableau 05 - Reacutegulariteacutes de lalternance consonantique initiale

Labiale Dentale Palatale Veacutelaire

Preacutenasale mb nd ɲɟ ŋg

uarr uarr uarr uarr

Occlusive faible p b d c ɟ k g

uarr uarr uarr

Fricative f s ʔ

0452 Laffixation

Laffixation est le proceacutedeacute morphologique le plus productif Il sagit essentiellement de

suffixation la preacutefixation ne semble plus ecirctre productive en synchronie La suffixation verbale est

plus riche que la suffixation nominale Plusieurs suffixes impliquent des changements

phonologiques dans la racine Cest notamment le cas du suffixe inversif -i qui entraicircne un

renforcement de la consonne finale ainsi quune harmonisation de la voyelle de la racine teg

(poser) rarr teggi (enlever ce qui est poseacute) geumlmm (fermer les yeux) rarr gimmi (ouvrir les yeux) Il

faut noter quun verbe peut prendre plusieurs suffixes Cependant lordre de succession de ces

suffixes est contraint (Ka 1981 7-9)

0453 La conversion

Le wolof connaicirct deux types de conversion la conversion cateacutegorielle et la conversion de classe

morphologique

La conversion cateacutegorielle est un processus morphologique qui laquo permet dobtenir un lexegraveme

dune cateacutegorie agrave partir dun lexegraveme dune autre cateacutegorie raquo laquo elle peut saccompagner dun

changement de la phonologie du lexegraveme mais cela nest pas obligatoire et deacutepend du marquage

flexionnel dans la langue raquo (Fradin 2003 157-161) En wolof ce pheacutenomegravene touche

essentiellement ce que certains auteurs nomment les bases verbo-nominales (Nouguier-Voisin

2002 12) Selon Bondeacuteelle (2009 88) en wolof laquo ces bases preacutesentent une polyseacutemie reacuteguliegravere du

type action nom daction ou action nom dactant raquo teumlb (sauter) teumlb bi (le saut) lekk (manger)

lekk bi (la nourriture)

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La conversion de classe morphologique permet dobtenir un lexegraveme nominal agrave partir dun lexegraveme

nominal en changeant sa classe nominale Ce processus a pour conseacutequence de rendre certains noms

polyseacutemiques saxaar si (la fumeacutee) saxaar gi (le train)

0454 La reacuteduplication

La reacuteduplication sert tout comme lalternance consonantique initiale agrave construire des deacuteverbaux

Elle ne concerne quun nombre limiteacute de verbes Elle permet eacutegalement de former des noms

dhabitants agrave partir de nom de lieux23 Enfin elle a une fonction dintensif sur certains verbes Selon

les dimensions listeacutees par Melčuk (1996 41-44) il sagit dune reacuteduplication simple (un seul signe

est reacutedupliqueacute) complegravete (linteacutegraliteacute du signe est reacutedupliqueacute) exacte (le signe de deacutepart et la copie

de ce signe sont identiques) continue (la copie du signe suit immeacutediatement le signe de deacutepart) et

non peacuteneacutetrante (la copie du signe ninterrompt pas un signe quelconque au sein du mot forme

reacutedupliqueacute) xam-xam (connaissance litt savoir-savoir)

0455 La composition

La composition consiste en la combinaison de lexegravemes pour obtenir un mot plus long (Booij

2012 77) Ce processus est relativement freacutequent en wolof Les mots composeacutes les plus freacutequents

sont des noms mbaam-agravell (phacochegravere litt porc-brousse) mais ce processus permet eacutegalement

dobtenir des verbes weex-beumlt (ecirctre indeacutecis litt ecirctre blanc-œil) ou des adverbes xef-ak-xippi (en

un clin dœil litt cil-et-ouvrir les yeux) (Ka 1981 77-95 Ndiaye 2004 73-89)

Ka (1981 75-77) dresse une liste de critegraveres permettant didentifier un mot composeacute et de

lopposer agrave des formes construites en syntaxe

bull Paradigmatique la commutation permet didentifier la cateacutegorie lexicale du composeacute

bull Syntagmatique lordre des termes du composeacute diffegravere de celui des constructions

syntaxiques et il est impossible dinseacuterer un eacuteleacutement nouveau agrave linteacuterieur du composeacute

bull Seacutemantique le sens du composeacute ne se reacuteduit pas agrave la somme des sens de ses composants

bull Prosodique le composeacute comporte un seul accent lexical

23 Ce pheacutenomegravene est cependant limiteacute aux noms des anciens royaumes wolofs

- 54 -

05 Plan geacuteneacuteral

Ce travail se compose de quatre parties Pour chacune delles une introduction preacutesente les

probleacutematiques et le plan deacutetailleacute et une conclusion syntheacutetise les principaux points deacuteveloppeacutes

Dans la Partie I nous proposons une description syntheacutetique du systegraveme de preacutedication verbale

du wolof dans une perspective typologique Cette description est en grande partie baseacutee sur les

travaux de reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Cependant cette partie nest pas un

simple eacutetat de lart En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions en nous

appuyant notamment sur des travaux typologiques

Dans la Partie II nous proposons une analyse typologique des peacuteriphrases verbales du wolof

Cette analyse typologique nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de la

notion dauxiliaire Agrave partir des donneacutees du wolof et dautres langues africaines nous montrons

quune approche laquo fonctionnelle raquo des auxiliaires permet de mieux rendre compte des constructions

peacuteriphrastiques dans une perspective typologique

Dans la Partie III nous proposons une analyse de lorganisation des constructions verbales du

wolof Nous consideacuterons que les constructions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non

structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute Certains

regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences entre

constructions Les constructions verbales sorganisent au sein dun reacuteseau de constructions Par

ailleurs certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du wolof peuvent

sexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie Les caracteacuteristiques idiosyncrasiques en synchronie

peuvent ecirctre analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant entraicircneacute une

restructuration du reacuteseau

La Partie IV est une eacutetude comparative des constructions verbales des langues atlantiques Le

principal objectif de cette partie est de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du wolof est issu du

proto-atlantique Dans les langues la morphologie verbale tend agrave se renouveler de faccedilon

relativement rapide Ainsi il nest pas surprenant de trouver de grandes diffeacuterences entre les

morphologies verbales des langues atlantiques Neacuteanmoins on peut relever plusieurs similitudes

dont certaines semblent relever dune origine commune

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- 56 -

PARTIE IPARTIE I

LE SYSTEgraveME DE PREacuteDICATIONLE SYSTEgraveME DE PREacuteDICATION

VERBALE DU WOLOFVERBALE DU WOLOF

Lobjectif de cette partie est de deacutecrire la preacutedication verbale du wolof dans son rapport avec ce

que lon appelle communeacutement la conjugaison24 Nous deacutecrivons en deacutetail le systegraveme de flexion

verbale de la langue cest-agrave-dire lexpression des cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe temps

aspect mode polariteacute voix et personne Contrairement agrave ce que lon observe dans un tregraves grand

nombre de langues en wolof la majeure partie de ces cateacutegories grammaticales est exprimeacutee par des

constructions peacuteriphrastiques Seul un petit nombre de cateacutegories est exprimeacute morphologiquement

cest-agrave-dire par des constructions syntheacutetiques

Ce travail de synthegravese est en grande partie baseacute sur les travaux de reacutefeacuterence concernant la

conjugaison du wolof agrave savoir Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) mais eacutegalement sur

les travaux traitant speacutecifiquement de certaines cateacutegories verbales tels que Perrin (2005 2012)

Voisin (2006 2010) ou Robert (1990) ou encore sur les diverses grammaires de la langue

notamment Sauvageot (1965) Fal (1999) ou Diouf (2009) Cependant cette partie nest pas un

simple eacutetat de lart En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions agrave la lumiegravere

des travaux les plus reacutecents tel que Torrence (2013a) mais eacutegalement de travaux typologiques

Nous proposons des analyses (et des eacutetiquettes) moins laquo idiosyncrasiques raquo25 afin de rendre la

description plus accessible et donc plus facilement exploitable pour les typologues etou les

linguistes non speacutecialistes du wolof quils soient ou non africanistes Lun des objectifs de cette

partie est donc de proposer des descriptions et des analyses claires et syntheacutetiques afin de permettre

24 Ce qui est traditionnellement appeleacute laquo systegraveme verbal raquo dans les travaux de reacutefeacuterence sur le wolof (Church 1981 Robert 1991)

25 En effet comme nous lavions mentionneacute dans notre eacutetude du syntagme nominal (Gueacuterin 2011 12-13) beaucoupdauteurs travaillant sur le wolof creacuteent des eacutetiquettes originales pour deacutecrire certains aspects de la langue etoutendent agrave preacutesenter certaines constructions comme eacutetant typologiquement marqueacutees

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une comparaison du wolof avec dautres langues que ce soit dans une perspective typologique ou

historique Les descriptions et analyses preacutesenteacutees servent de base agrave leacutelaboration des chapitres

suivants

Cette partie est organiseacutee comme suit Dans le Chapitre 1 nous commenccedilons par preacutesenter la

flexion verbale ainsi que la terminologie relative agrave cette question dans une perspective typologique

(sect 12) Puis nous preacutesentons briegravevement lensemble de la conjugaison du wolof (sect 13) Lobjectif

de ce chapitre est de fournir un panorama geacuteneacuteral du systegraveme avant de traiter en deacutetail de chaque

construction Le Chapitre 2 consiste en une analyse deacutetailleacutee des constructions eacuteleacutementaires de la

conjugaison que nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo Le Chapitre 3 traite des autres

cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe la neacutegation (sect 31) limperfectif (sect 32) le passeacute (sect 33) et

la voix (sect 34) Le Chapitre 4 eacutetudie lexpression et le comportement des arguments du verbe Enfin

nous concluons cette partie en preacutesentant le paradigme complet de la conjugaison de la langue

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CCHAPITREHAPITRE 1 - 1 - PPREacuteSENTATIONREacuteSENTATION GEacuteNEacuteRALEGEacuteNEacuteRALE

DUDU SYSTEgraveMESYSTEgraveME DEDE PREacuteDICATIONPREacuteDICATION VERBALEVERBALE

11 Eacutetat de lart

La bibliographie sur le wolof est relativement abondante surtout en ce qui concerne la

morphologie verbale et le systegraveme verbal en geacuteneacuteral Lobjectif de cette section est de proposer une

synthegravese de lhistoire de la production et de la transmission de savoir scientifique sur le wolof en

nous centrant sur leacutetude de la conjugaison et du systegraveme verbal (Gueacuterin 2014a)

111 Les pionniers les grammaires du XIXe siegravecle

Comme la plupart des langues dAfrique subsaharienne le wolof est essentiellement une langue agrave

tradition orale Cela implique que les premiegraveres sources eacutecrites dont nous disposons aujourdhui

sont le fruit de contact avec des populations arabo-berbegraveres ou europeacuteennes Par conseacutequent nous

ne disposons malheureusement de presque aucune source linguistique sur le wolof qui soit

anteacuterieure au XVIIIe siegravecle Les premiers travaux entiegraverement consacreacutes agrave cette langue apparaissent

au XIXe siegravecle Ce siegravecle sera relativement prolifique pour leacutetude du wolof puisquil verra la

publication dun grand nombre de grammaires (Dard 1826 Roger 1829 Boilat 1858 Kobegraves

1869 Rambaud 1903) et de plusieurs dictionnaires Lensemble de ces publications constitue ce

quon peut qualifier de laquo tradition grammaticale raquo Ces travaux forment un ensemble relativement

coheacuterent les auteurs citent geacuteneacuteralement les travaux anteacuterieurs teacutemoignant ainsi dune relative

cumulativiteacute du savoir laquo acadeacutemique raquo On peut distinguer deux peacuteriodes au sein de cette tradition

La premiegravere peacuteriode est celle des pionniers cest-agrave-dire que ces auteurs ont eu un laquo rocircle de

deacutefricheurs et de fondateurs dun savoir sur le wolof raquo (Bonvini 2001 112) Il sagit des travaux de

Dard (1826) et Roger (1829) qui laquo ont preacuteceacutedeacute de plus de deux deacutecennies les grands travaux

classiques de description et de comparatisme sur les langues africaines reacutealiseacutes autour des anneacutees

1850 mais ils sont pratiquement tombeacutes dans loubli depuis Ils sont aussi lœuvre de fonctionnaires

de leacutetat franccedilais et non pas de missionnaires comme ce fut le cas pour la majoriteacute des ouvrages qui

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les ont suivis raquo (Bonvini 2001 102) Ces travaux sont largement influenceacutes par la grammaire

geacuteneacuterale (Bonvini 2001) Leur preacutesentation de la conjugaison reprend les principes et les eacutetiquettes

grammaticales propres au franccedilais (indicatif subjonctif impeacuteratif geacuterondif conditionnel preacutesent

futur) et elle ne tient pas compte des constructions focalisantes

La seconde peacuteriode concerne essentiellement les grammaires de Boilat (1858) et de Kobegraves

(1869) deux eccleacutesiastiques Contrairement aux travaux pionniers ces grammaires (notamment

celle de Boilat) figurent dans la bibliographie de presque tous les auteurs contemporains

Neacuteanmoins la grammaire de Boilat est essentiellement citeacutee agrave titre dillustration et est rarement

exploiteacutee Si lanalyse de la conjugaison de Boilat reste tregraves influenceacute par la grammaire geacuteneacuterale

celle de Kobegraves est bien plus novatrice En effet cet auteur introduit de nouvelles eacutetiquettes pour

rendre compte de constructions nayant pas deacutequivalents stricts en franccedilais (causatif eacutenonciatif) et

il integravegre les constructions focalisantes au systegraveme notamment en leur donnant des noms (subjectif

objectif)26 Cette grammaire aura une influence relativement importante sur les eacutetudes posteacuterieures

112 Le renouveau les travaux fonctionnalistes

Mis agrave part quelques articles aucun nouveau travail geacuteneacuteral ne verra le jour avant les anneacutees

1960 Agrave partir de cette eacutepoque leacutecole fonctionnaliste franccedilaise a eu une grande influence sur la

linguistique africaine (Doneux 2003 216-221) Louvrage le plus embleacutematique de cette peacuteriode

pour leacutetude du wolof est certainement la grammaire de Sauvageot (1965) cette derniegravere faisant

aujourdhui encore office de grammaire de reacutefeacuterence27 Sauvageot propose une analyse du systegraveme

verbal relativement novatrice par rapport aux travaux de la laquo tradition grammaticale raquo En effet il

propose de seacuteparer les constructions verbales en deux cateacutegories les aspects (accompli zeacutero

duratif et duratif-accompli) et les modaliteacutes (eacutetat acquis emphatique et preacutesentatif) auxquels

viennent sajouter lobligatif et linjonctif

Linfluence de leacutecole fonctionnaliste franccedilaise se sentira eacutegalement agrave travers lun des deux

premiers travaux consacreacutes exclusivement au systegraveme verbal agrave savoir Church (1981) La thegravese de

cet auteur marquera durablement la linguistique wolof au point de devenir une reacutefeacuterence

incontournable notamment en France Church liste douze constructions verbales quil classe en

modes emphatiques de lindicatif (emphatique du sujet emphatique du compleacutement emphatique du

verbe preacutesentatif) modes non-emphatiques de lindicatif (eacutenonciatif minimal neacutegatif) et modes

26 Pour une eacutetude deacutetailleacutee de la grammaire de Kobegraves voir Ma Cisseacute (2005)27 On peut eacutegalement citer la grammaire de Diagne (1971) mais elle a eacuteteacute peu reprise par les auteurs posteacuterieurs

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injonctifs (obligatifoptatif impeacuteratif injonctif neacutegatif) Lune des principales innovations de

Church consiste en la seacuteparation nette du mode de laspect et du temps dans la preacutesentation de la

conjugaison En effet toutes les constructions mentionneacutees plus haut relegravevent du mode Par deacutefaut

toutes ces constructions ont un aspect accompli et un temps non-passeacute Pour exprimer laspect

inaccompli il faut ajouter leacuteleacutement di ~ y ~ a agrave lune des constructions et pour exprimer le passeacute il

faut ajouter le suffixe -oon Cette organisation symeacutetrique du systegraveme verbal wolof constitue ce que

Robert (1991 29) nomme la laquo preacutesentation classique raquo De plus agrave la diffeacuterence des auteurs

anteacuterieurs Church ne se restreint pas agrave leacutetude dun seul dialecte mais tente de rendre compte de

toute la variation dialectale observable

113 Leacutemergence dune tradition seacuteneacutegalaise

En 1981 paraicirct une autre eacutetude consacreacutee exclusivement au systegraveme verbal Dialo (1981a) Cet

ouvrage constituera le point de deacutepart de ce que nous pouvons qualifier de laquo tradition seacuteneacutegalaise raquo

Au premier abord cette tradition peut paraicirctre assez heacuteteacuterogegravene dans son approche du systegraveme

verbal En effet les auteurs seacuteneacutegalais saccordent relativement peu sur les eacutetiquettes grammaticales

utiliseacutees pour nommer les constructions verbales Par exemple la construction nommeacutee

laquo emphatique du verbe raquo par Dialo (1981a) sera nommeacutee laquo causatif raquo28 par Samb (1983)

laquo processif raquo par Fal (1999) et laquo mise en relief du procegraves raquo par Ma Cisseacute (2007) Neacuteanmoins cette

heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute nest quapparente car tous ces travaux ont plusieurs caracteacuteristiques communes

Tout dabord la majoriteacute des eacutetudes que lon peut rattacher agrave la tradition seacuteneacutegalaise a eacuteteacute

eacutelaboreacutee dans le cadre de leacutecole fonctionnaliste franccedilaise En teacutemoigne le vocabulaire employeacute par

Ma Cisseacute (2007) laquo monegraveme raquo laquo les nominaux raquo laquo les verbaux raquo etc ou le titre de la grammaire

dArame Fal (1999)

Par ailleurs si les eacutetiquettes grammaticales utiliseacutees pour nommer les constructions verbales

varient dun auteur agrave lautre elles recouvrent geacuteneacuteralement des analyses similaires En effet les

eacutetiquettes laquo emphatique du sujet raquo (Dialo 1981a) laquo subjectif raquo (Samb 1983 Fal 1999) et laquo mise en

relief du sujet raquo (Cisseacute Ma 2007) renvoient toutes agrave lideacutee dune emphase sur le sujet de la

proposition

Enfin tous les auteurs seacuteneacutegalais proposent une organisation symeacutetrique des paradigmes de

conjugaison En effet ils considegraverent que par deacutefaut les constructions verbales ont un aspect

28 Terme vraisemblablement emprunteacute agrave Kobegraves (1869)

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accompli et un temps non-passeacute Pour exprimer laspect inaccompli il faut ajouter leacuteleacutement di ou y

agrave lune des constructions et pour exprimer le passeacute il faut ajouter le suffixe -oon La tradition

seacuteneacutegalaise est donc caracteacuteriseacutee par une laquo preacutesentation classique raquo du systegraveme verbal

Le seul auteur seacuteneacutegalais agrave seacuteloigner de ce type danalyse est NDiaye-Correacuteard (2003) Cet

auteur propose de repenser entiegraverement lanalyse du systegraveme verbal Elle propose de reacuteduire toutes

les constructions verbales agrave quatre laquo types de proposition raquo caracteacuteriseacutes par une liste de proprieacuteteacutes

Ainsi larticle de NDiaye-Correacuteard se veut avant tout une simplification de la laquo preacutesentation

classique raquo

114 Existe-t-il une tradition franccedilaise

La question de lexistence dune tradition franccedilaise est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards En effet

si lon pose lexistence dune telle tradition elle sera le fait de seulement deux auteurs (Robert 1991

Perrin 2005) alors que les traditions preacuteceacutedentes se sont constitueacutees autour de lœuvre dune demi-

douzaine dauteurs chacune De plus leacutetude de Robert (1991) nest pas une remise en cause radicale

de la preacutesentation classique Lobjectif de lauteur est laquo dessayer de retrouver lorganisation geacuteneacuterale

dont toutes les analyses preacutesentent un aperccedilu pourtant contradictoire agrave partir de leacutetude

systeacutematique des emplois et contextes demplois des conjugaisons sans preacutejuger daucune

cateacutegorisation en aspect ou mode raquo (Robert 1991 33) Ainsi si louvrage de Steacutephane Robert nest

pas totalement novateur dans sa preacutesentation du systegraveme verbal il lest indubitablement dans son

point de vue theacuteorique et dans la finesse de son analyse En effet il sagit dun travail eacutelaboreacute dans

un cadre theacuteorique tregraves diffeacuterent du fonctionnalisme la theacuteorie des opeacuterations preacutedicatives et

eacutenonciatives dAntoine Culioli De plus Steacutephane Robert est le premier auteur agrave fournir une analyse

seacutemantique et pragmatique deacutetailleacutee des constructions verbales notamment en listant tous les

contextes demplois Enfin cet auteur propose une analyse diffeacuterente des morphegravemes di et y

permettant dexprimer linaccompli Lanalyse proposeacutee par Robert (1991) sera reprise et

approfondie par Perrin (2005) dans son eacutetude de lexpression du temps en wolof Ainsi on peut voir

avec lœuvre de ces deux auteurs les jalons dune laquo tradition franccedilaise raquo encore naissante

Parallegravelement aux travaux eacutelaboreacutes dans le cadre de leacutecole culiolienne plusieurs travaux seront

eacutelaboreacutes selon une approche plutocirct typologique Cest notamment le cas des travaux de Nouguier-

Voisin (2002 2006 2010) et de Sall (2005)

- 62 -

115 La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle et la tradition ameacutericaine

Paradoxalement la laquo tradition ameacutericaine raquo sera initieacutee par deux chercheurs seacuteneacutegambiens (Njie

1982 Diouf 1982) En effet les thegraveses de ces deux auteurs seront les premiers travaux eacutelaboreacutes

dans le cadre de la grammaire geacuteneacuterative transformationnelle Dans son ouvrage consacreacute au

systegraveme verbal Diouf (1985) laquo preacutesente une organisation tout agrave fait originale car elle repose sur une

forme de renversement le paradigme classiquement deacutesigneacute comme ldquoEmphatique du Verberdquo est au

contraire consideacutereacute comme la forme de base du systegraveme verbal (hellip) dougrave sont deacuteriveacutees les autres

conjugaisons par transformation de ldquoclivagerdquo agrave valeur de mise en relief raquo (Robert 1991 31)

Neacuteanmoins la principale source des auteurs geacuteneacuterativistes sera incontestablement la thegravese de

Dunigan (1994) Cette approche sera ensuite largement deacuteveloppeacutee par Torrence (2003 2005

2013a 2013b) Ces travaux constitueront eacutegalement les principales reacutefeacuterences des linguistes

geacuteneacuterativistes franccedilais29

Toutes ces eacutetudes se caracteacuterisent par une preacutesentation radicalement diffeacuterente du systegraveme verbal

La proposition est repreacutesenteacutee sous la forme dun arbre syntaxique conforme agrave la theacuteorie X-barre et

chaque construction sera vue comme le reacutesultat de la transformation dune structure sous-jacente

cest-agrave-dire par le deacuteplacement deacuteleacutements syntaxiques au sein de la proposition Les travaux

geacuteneacuterativistes sur le wolof se caracteacuterisent eacutegalement par lattention porteacutee au morphegraveme na et agrave sa

place dans la conjugaison Ainsi Dunigan (1994) lanalysera comme un marqueur de laffirmation

alors que Zribi-Hertz amp Diagne (2003) lanalysent comme un marqueur de finitude et Torrence

(2013a) considegraverent la construction en na comme eacutetant la construction neutre du systegraveme

116 Synthegravese

Ainsi il nexiste pas de consensus sur lanalyse de la conjugaison du wolof Lanalyse de certains

paradigmes varie consideacuterablement dun auteur agrave lautre Cest notamment le cas du morphegraveme na

qui sera analyseacute comme marquant laspect accompli lindicatif eacutenonciatif le parfait laffirmation

ou la finitude Cette absence de consensus constitue un problegraveme pour les typologues qui ont besoin

de donneacutees fiables pour leurs analyses comparatives

Ainsi le principal objectif de la Partie I est de proposer des descriptions et des analyses claires et

syntheacutetiques afin de permettre une comparaison du wolof avec dautres langues que ce soit dans

une perspective typologique ou historique Cependant cette partie nest pas un simple eacutetat de lart

29 Voir par exemple Kihm (1999) et Zribi-Hertz amp Diagne (1999 2002 2003)

- 63 -

En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions agrave la lumiegravere des travaux les plus

reacutecents tel que Torrence (2013a) mais eacutegalement de travaux typologiques Nous proposons des

analyses (et des eacutetiquettes) moins laquo idiosyncrasiques raquo afin de rendre la description plus accessible

et donc plus facilement exploitable pour les typologues etou les linguistes non speacutecialistes du

wolof quils soient ou non africanistes

12 Approche typologique de la flexion verbale

Dun point de vue typologique la preacutedication verbale neacutecessite geacuteneacuteralement une forme fleacutechie

du verbe portant une ou plusieurs informations grammaticales La flexion verbale peut ecirctre deacutefinie

comme le marquage morphologique de ces informations (ou cateacutegories) grammaticales sur un

lexegraveme verbal (Booij 2012 101) Il nexiste pas de liste laquo universelle raquo de cateacutegories grammaticales

encodeacutees dans la flexion verbale Neacuteanmoins certaines cateacutegories sont particuliegraverement freacutequentes

accord temps aspect mode30 polariteacute voix (Bybee 2000 804-805 Givoacuten 2001 69 Creissels

2006a Ch 10 Booij 2012 sect 62)

bull Laccord consiste en des indices pronominaux repreacutesentant un ou plusieurs arguments du

verbe geacuteneacuteralement le sujet plus rarement lobjet (Creissels 2006a 169 Booij 2012

141) Laccord concerne essentiellement la personne (locuteur [1er] allocutaire [2e] reacutefeacuterent

exteacuterieur agrave la situation deacutenonciation [3e]) le nombre (singulier pluriel) et le genre (ou la

classe nominale) (Corbett 2006 125-132 Givoacuten 2001 399)

bull La cateacutegorie laquo temps raquo peut ecirctre deacutefinie comme lexpression grammaticale de la localisation

du preacutedicat dans le temps (Comrie 1985a 9) ou plus preacuteciseacutement comme laquo la relation entre

le moment de leacutenonciation et le moment ougrave est situeacute leacuteveacutenement que repreacutesente leacutenonceacute raquo

(Creissels 2006a 181) Ainsi on distingue geacuteneacuteralement le passeacute le preacutesent et le futur

(Comrie 1985a 36)

bull Laspect renvoie aux diffeacuterentes maniegraveres de concevoir le deacuteroulement temporel du procegraves

(Comrie 1976 3) On peut ainsi opeacuterer une distinction entre le perfectif qui indique que la

situation est vue comme un tout sans distinction des diverses phases qui la constituent et

limperfectif qui explicite la structure interne de la situation (Comrie 1976 16)

bull Le mode concerne le statut de la proposition qui deacutenote le procegraves (Palmer 2001 1) ou laquo la

30 Les cateacutegories laquo temps raquo laquo aspect raquo et laquo mode raquo sont geacuteneacuteralement rassembleacutees sous leacutetiquette TAM ou TMAsuivant les auteurs

- 64 -

faccedilon dont leacutenonciateur prend en charge leacutenonciation raquo (Creissels 2006a 181) On peut

ainsi opeacuterer une distinction entre le realis et lirrealis Le realis renvoie agrave une situation qui a

lieu ou qui a eu lieu et dont on peut prendre connaissance par une perception directe

Lirrealis renvoie agrave une situation purement imaginaire dont on peut prendre connaissance

uniquement par le biais de limagination (Palmer 2001 1)

bull La polariteacute renvoie agrave lopposition neacutegatif affirmatif (ou positif) Lexpression de la polariteacute

dans le systegraveme de flexion verbale est tregraves courant dans les langues africaines (Creissels et

al 2008 104)

bull La voix deacutesigne une relation reacuteguliegravere entre un changement morphologique du verbe et un

changement dans sa valence (Creissels 2006a 173) Par exemple on peut identifier dans

certaines langues une voix passive cest-agrave-dire laquo un meacutecanisme qui opeacuterant sur un verbe

transitif produit une forme intransitive deacuteriveacutee dont le sujet reccediloit exactement le mecircme rocircle

seacutemantique que lobjet de la construction transitive raquo (Creissels 2006b 9)

Dans certaines langues dautres cateacutegories grammaticales sont eacutegalement encodeacutees dans la

flexion verbale la modaliteacute eacutenonciative (deacuteclaratif interrogatif impeacuteratif) la structure

informationnelle (notamment la focalisation dun argument du verbe) leacutevidentialiteacute (faccedilon dont

leacutenonciateur a accegraves agrave linformation quil livre)31 ou encore la familiariteacute (forme familiegravere forme de

respect forme neutre) (Creissels 2006a 170-172 Givoacuten 2001 78) Lexpression de la

focalisation dans le systegraveme de flexion verbale est tregraves rare agrave leacutechelle mondiale mais est

particuliegraverement freacutequente dans les langues africaines Dans un grand nombre de langues

appartenant agrave diffeacuterentes branches de la famille Niger-Congo ou agrave la famille couchitique les

constructions de focalisation du preacutedicat ou dun argument du verbe sont inteacutegreacutees au systegraveme de

flexion verbale (Creissels et al 2008 104-105)

Lensemble des cateacutegories grammaticales encodeacutees dans la flexion verbale dune langue ainsi

que la faccedilon dont ces cateacutegories se reacutealisent morphosyntaxiquement constituent le systegraveme verbal

de cette langue (Perrot 2002 335) chaque cateacutegorie grammaticale formant un sous-systegraveme au

sein de ce systegraveme verbal (Givoacuten 2001)32 Par exemple le systegraveme verbal du latin33 est constitueacute de

plusieurs sous-systegravemes la personne laspect (perfectif imperfectif)34 le temps (preacutesent passeacute

31 Leacutevidentialiteacute peut aussi ecirctre consideacutereacutee comme un type particulier de mode (Creissels 2006a 170 Palmer 2001)32 Ces sous-systegravemes peuvent ecirctre rapprocheacutes de la notion de laquo trait morphosyntaxique raquo de la Paradigm Function

Morphology (Stump 2001 38-43)33 Pour cette introduction nous utilisons essentiellement des exemples en latin car cette langue preacutesente un systegraveme

verbal relativement bien connu et particuliegraverement adapteacute pour illustrer les notions lieacutees agrave la flexion verbale34 Dans les descriptions laquo classiques raquo du latin ces aspects sont traditionnellement nommeacutes perfectum et infectum

(Bortolussi 1999 82-138)

- 65 -

futur)35 le mode (indicatif subjonctif impeacuteratif)36 et la voix (actif passif) En latin un lexegraveme

verbal contient donc potentiellement autant de mots grammaticaux37 que de combinaisons possibles

entre ces cinq sous-systegravemes Linventaire structureacute de toutes ces combinaisons constitue le

paradigme des verbes latins (Carstairs-McCarthy 2000a 596 Booij 2012 320) Formellement le

paradigme dun lexegraveme peut ecirctre deacutefini comme un ensemble de cellules chaque cellule eacutetant un

couple ltmot grammatical proprieacuteteacutes morphosyntaxiquesgt (Stump 2001 43 Bonami 2014 135)

Par exemple en latin le couple formeacute du mot-forme facerem et des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques

PERS 1sg ASP imperfectif TPS passeacute MODE subjonctif VOIX actif constitue une cellule du paradigme

du lexegraveme FACIO

Dans un grand nombre de langues la reacutealisation des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques nest pas la

mecircme pour tous les verbes Dans ces langues les verbes peuvent geacuteneacuteralement ecirctre classeacutes en

classes flexionnelles eacutegalement appeleacutees conjugaisons38 (Booij 2012 104-105) Chaque

conjugaison correspond agrave un ensemble de verbes preacutesentant le mecircme patron flexionnel cest-agrave-dire

la mecircme faccedilon de reacutealiser les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques (Booij 2012 312) Par exemple le

latin preacutesente cinq conjugaisons diffeacuterentes cest-agrave-dire quil existe cinq classes de verbes

preacutesentant chacune un patron flexionnel diffeacuterent (Bortolussi 1999 83-109)

Tableau 11 - Formes de limperfectif indicatif preacutesent actif en latin

1er conjugaison(aimer)

2e conjugaison(deacutetruire)

3e conjugaison(lire)

3e conj mixte(prendre)

4e conjugaison(eacutecouter)

1SG amo deleo lego capio audio

2SG amās delēs legis capis audīs

35 Dans les descriptions laquo classiques raquo du latin chaque combinaison temps-aspect porte un nom speacutecifique parfait(perfectif preacutesent) plus-que-parfait (perfectif passeacute) futur anteacuterieur (perfectif futur) preacutesent (imperfectif preacutesent)imparfait (imperfectif passeacute) et futur (imperfectif futur) (Bortolussi 1999 82)

36 Auxquels on ajoute traditionnellement les modes laquo impersonnels raquo infinitif participe geacuterondif et supin (Bortolussi1999 82)

37 Dans ce contexte le terme laquo mot grammatical raquo renvoie agrave lune des formes dun lexegraveme dans un paradigmeflexionnel (Booij 2012 316) Il doit ecirctre distingueacute du laquo mot-forme raquo qui correspond agrave la reacutealisation dun motgrammatical Ces deux notions se confondent parfois car geacuteneacuteralement un mot grammatical na quune reacutealisationpossible Neacuteanmoins il existe des cas ougrave plusieurs mots-formes correspondent agrave un mecircme mot grammatical Parexemple pour certains anglophones les mots-formes dreamed [dri md] et ː dreamt [dremt] sont en variation libre etlon peut donc dire quils constituent deux reacutealisations possibles du mot grammatical dream-PAS (Carstairs-McCarthy2000 595-596)

38 Les classes flexionnelles nominales quant agrave elles sont appeleacutees laquo deacuteclinaisons raquo (Booij 2012 104)

- 66 -

13 La conjugaison du wolof

La conjugaison du wolof combine trois proceacutedeacutes dont deux peuvent ecirctre consideacutereacutes comme

peacuteriphrastiques constructions agrave marqueur preacutedicatif constructions agrave verbe auxiliaire et

constructions affixales

Nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo les constructions eacuteleacutementaires de la conjugaison Agrave

lexception de trois dentre elles il sagit de constructions agrave marqueur preacutedicatif cest-agrave-dire de

constructions constitueacutees du lexegraveme verbal et dun mot grammatical speacutecifique que nous appelons

laquo marqueur preacutedicatif raquo Les constructions preacutedicatives encodent diffeacuterents types de cateacutegories

grammaticales distinction relevant de la focalisation distinction modale (realis irrealis) le

parfait le futur et la polariteacute

En plus de lexpression de ces distinctions les constructions preacutedicatives ont par deacutefaut une

valeur de perfectif non-passeacute et non-neacutegatif39 Ainsi pour exprimer limperfectif le passeacute ou la

neacutegation il est neacutecessaire dajouter un auxiliaire ou un affixe verbal agrave la construction preacutedicative

131 Les constructions preacutedicatives

Les constructions preacutedicatives constituent la base sur laquelle se construit la preacutedication verbale

Cela signifie que linstanciation dune construction preacutedicative correspond agrave une uniteacute phrastique de

base cest-agrave-dire une uniteacute phrastique qui a la laquo proprieacuteteacute de pouvoir agrave elle seule constituer un

eacutenonceacute assertif et de fournir un point de deacutepart permettant de deacutecrire de la faccedilon la plus simple

possible la correspondance entre les diffeacuterentes uniteacutes phrastiques qui repreacutesentent le mecircme

eacuteveacutenement conceptualiseacute raquo (Creissels 1995 36)

Nous identifions douze constructions preacutedicatives Elles encodent diffeacuterents types de cateacutegories

grammaticales

bull Focalisation focus eacutetroit (ou constrastif) focus large (ou preacutesentationnel)

bull Aspect uniquement le parfait

bull Temps uniquement le futur

bull Mode realis irrealis (notamment deacuteontique)

39 La valeur de non-neacutegatif ne concerne que certaines constructions

- 67 -

bull Polariteacute neacutegatif non-neacutegatif

Quatre constructions preacutedicatives encodent des traits lieacutes agrave la focalisation (2a-d) Comme nous

lavons signaleacute en (sect 12) lexpression de la focalisation dans la conjugaison est particuliegraverement

freacutequente dans les langues africaines (Creissels et al 2008 104-105)

2) a Focalisation du sujet

Omar =a lekk ceeb

Omar =FOCS manger riz

lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

b Preacutesentatif

Omar =a ng-i lekk ceeb

Omar =PRST-PX manger riz

lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

c Focalisation du compleacutement

Ceeb =la Omar lekk

riz =FOCC Omar manger

lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

d Focalisation du verbe

Omar =dafa lekk ceeb

Omar =FOCVS3SG manger riz

lsquo(Le fait est que) Omar a mangeacute du rizrsquo

Deux constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct de laspect Il sagit du parfait

(3a) et de son eacutequivalent neacutegatif (3b)

3) a Parfait

Omar lekk =na ceeb

Omar manger =PRFS3SG riz

lsquoOmar a mangeacute du rizrsquo

- 68 -

b Parfait neacutegatif

Omar lekk-ul ceeb

Omar manger-PRFNEGS3SG riz

lsquoOmar na pas mangeacute de rizrsquo

Deux constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct du temps Il sagit du futur

(4a) et de son eacutequivalent neacutegatif (4b)40 On notera que le passeacute et le preacutesent ne sont pas exprimeacutes par

des constructions preacutedicatives speacutecifiques (sect 134) Le fait davoir un marquage du futur diffeacuterent

de celui du passeacute et du preacutesent nest pas rare Meillet (1921 181-182) remarque que ce pheacutenomegravene

est attesteacute en allemand et en anglais Il note eacutegalement que les langues romanes ont conserveacute le

passeacute et le preacutesent latins mais quelles ont remplaceacute le futur par de nouvelles formes Nous pouvons

supposer que ces diffeacuterences formelles sont dues au fait que le futur nest pas une cateacutegorie

strictement temporelle En effet le futur fait reacutefeacuterence agrave un eacuteveacutenement nayant pas encore eu lieu et

est donc lexpression dune intention ou dune preacutediction de la part du locuteur ce qui le rapproche

des cateacutegories modales (notamment de lirrealis) (Dahl 1985 103 Dixon 2010 154)

4) a Futur

Omar =dina lekk ceeb

Omar =FUTS3SG manger riz

lsquoOmar mangera du rizrsquo

b Futur neacutegatif

Omar du lekk ceeb

Omar FUTNEGS3SG manger riz

lsquoOmar ne mangera pas de rizrsquo

Quatre constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct du mode Il sagit de loptatif

(5a) de limpeacuteratif (5b) du prohibitif (5c) et dans une certaine mesure du minimal (5d) Loptatif

limpeacuteratif et le prohibitif relegravevent clairement de la modaliteacute deacuteontique cest-agrave-dire dune obligation

ou dune permission eacutemanant dune source exteacuterieure (Palmer 2001 9) Le minimal relegraveve dans

certains de ces emplois dun mode subjonctif (sect 24)

40 Analyser cette construction comme un laquo futur neacutegatif raquo est contestable Nous justifions notre analyse en (sect 222)

- 69 -

5) a Optatif

Na Omar lekk ceeb

OPT Omar manger riz

lsquoQue Omar mange du rizrsquo

b Impeacuteratif

Lekk-al ceeb

Manger-IMPS2SG riz

lsquoMange du riz rsquo

c Prohibitif

Bul lekk ceeb

PROHS2SG manger riz

lsquoNe mange pas de riz rsquo

d Minimal (subjonctif)

(hellip) Omar lekk ceebhellip

Omar manger riz

lsquo(hellip) Omar mangea du rizhelliprsquo

Les constructions preacutedicatives du wolof constituent lun des aspects de la langue les plus eacutetudieacutes

notamment agrave travers les grammaires ainsi que les travaux portant sur le systegraveme verbal Plusieurs

auteurs les analysent comme des laquo modes raquo ou des laquo modaliteacutes raquo (Sauvageot 1965 Church 1981

Dialo 1981a Diouf 1985) Cependant nous consideacuterons que le choix des termes laquo mode raquo ou

laquo modaliteacute raquo pour qualifier ces constructions nest pas tregraves heureux En effet les traits encodeacutes par

ces constructions ne relegravevent pas uniquement du mode mais eacutegalement de la structure

informationnelle de laspect ou du temps41 Robert (1991) est le premier auteur agrave utiliser un terme

choisi pour ecirctre le moins probleacutematique possible conjugaison Cependant comme nous lavons vu

en (sect 12) ce terme est couramment utiliseacute en morphologie dans un sens tregraves diffeacuterent Il deacutesigne les

classes flexionnelles verbales cest-agrave-dire des classes de verbes preacutesentant le mecircme patron

flexionnel (Haspelmath 2002 115 Booij 2012 312 Carstairs-McCarthy 2000b 631) Aussi la

notion qui nous semble la moins probleacutematique pour caracteacuteriser ces constructions est celle de

41 De fait lutilisation faite par la plupart des auteurs travaillant sur le wolof de la notion de laquo mode raquo estprobablement due agrave linfluence de la grammaire traditionnelle qui seacuteparait les formes verbales en laquo modes raquo eux-mecircmes diviseacutes en laquo temps raquo (Creissels 1995 166)

- 70 -

laquo tiroir verbal raquo42 cest-agrave-dire laquo un ensemble de formes verbales qui ne diffegraverent entre elles que par

le choix du lexegraveme dont elles sont issues etou par la valeur des indices pronominaux quelles

comportent raquo (Creissels 1995 165-171) Cette notion a lavantage denglober toutes les

constructions preacutedicatives sans preacutejuger de la nature de linformation grammaticale veacutehiculeacutee

132 Lexpression de la neacutegation

Nous pouvons remarquer que trois constructions preacutedicatives encodent la polariteacute neacutegative le

parfait neacutegatif (eacutequivalent neacutegatif du parfait) le futur neacutegatif (eacutequivalent neacutegatif du futur) et le

prohibitif (eacutequivalent neacutegatif de loptatif et de limpeacuteratif)

En revanche il nexiste pas de constructions preacutedicatives neacutegatives qui soient eacutequivalentes aux

autres constructions preacutedicatives agrave savoir les constructions focalisantes et le minimal Dans les

constructions de focalisation du sujet focalisation du compleacutement focalisation du verbe et dans

certains emplois du minimal la neacutegation est exprimeacutee par lajout dun suffixe verbal -(w)ul (6a) Au

preacutesentatif et dans certains emplois du minimal la neacutegation est exprimeacutee par lajout dun verbe

auxiliaire bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (6b)

6) a Dama lekk-ul ceeb

FOCVS1SG manger-NEG riz

lsquoJe nai pas mangeacute de rizrsquo

b (hellip) ndax mu bantilde=a lekk ceeb

pour S3SG refuser=DV manger riz

lsquo(hellip) pour quil ne mange pas de rizrsquo

Dans ces constructions laffirmation est simplement exprimeacutee par une absence de marqueur

speacutecifique

133 Lopposition aspectuelle perfectif imperfectif

La principale distinction aspectuelle de la langue (perfectif imperfectif) nest pas encodeacutee par

des constructions preacutedicatives speacutecifiques Limperfectif est exprimeacute par lajout du verbe auxiliaire

42 Terme initialement introduit par Damourette amp Pichon (1933)

- 71 -

di (ou de sa forme clitique =y) agrave une construction preacutedicative (7a) alors que le perfectif est

simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique (7b)

7) a Dangeen di lekk ceeb

FOCVS2PL IPF manger riz

lsquoVous mangez du rizrsquo

b Dangeen lekk ceeb

FOCVS2PL manger riz

lsquoVous avez mangeacute du rizrsquo

134 Lexpression du passeacute

Le passeacute et le preacutesent ne sont pas exprimeacutes par des constructions preacutedicatives speacutecifiques Le

passeacute est exprimeacute par lajout dun suffixe verbal -(w)oon agrave une construction preacutedicative (8a) et le

preacutesent est simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique (8b)43

8) a Dama lekk-oon ceeb

FOCVS1SG manger-PAS riz

lsquoJavais mangeacute du rizrsquo

b Dama lekk ceeb

FOCVS1SG manger riz

lsquoJai mangeacute du rizrsquo

135 Lexpression de la personne et du nombre

Dans les constructions preacutedicatives agrave marqueur preacutedicatif le morphegraveme encodant la personne et

le nombre forme un amalgame avec le marqueur preacutedicatif (9a) Dans les constructions preacutedicatives

syntheacutetiques le morphegraveme encodant la personne et le nombre forme un amalgame avec le suffixe

verbal (10a) Dans ces deux cas la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee (9b-10b)

43 La situation est en reacutealiteacute un peu plus complexe (sect 33)

- 72 -

9) a Ceeb la-a lekk

riz FOCC-S1SG manger

lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo

b Ceeb la-Oslash lekk

riz FOCC-S3SG manger

lsquoCest du riz quil a mangeacutersquo

10) a Lekk-u-ma ceeb

manger-PRFNEG-S1SG riz

lsquoJe nai pas mangeacute de rizrsquo

b Lekk-ul-Oslash ceeb

manger-PRFNEG-S3SG riz

lsquoIl na pas mangeacute de rizrsquo

Au minimal le morphegraveme encodant la personne et le nombre se reacutealise sous la forme dun

pronom personnel (11a) En labsence de sujet lexical la troisiegraveme personne du singulier est

marqueacutee (11b)

11) a (hellip) ma lekk ceebhellip

S1SG manger riz

lsquo(hellip) je mangeai du rizhelliprsquo

b (hellip) mu lekk ceebhellip

S3SG manger riz

lsquo(hellip) il mangea du rizhelliprsquo

14 Synthegravese

Le systegraveme verbal du wolof est caracteacuteriseacute par un enchevecirctrement des cateacutegories grammaticales

lieacutees au verbe En effet comme nous venons de le voir des informations relevant de la mecircme

cateacutegorie peuvent ecirctre exprimeacutees de diffeacuterentes faccedilons Cest notamment le cas pour le temps

- 73 -

laspect le mode la structure informationnelle et la polariteacute

Le systegraveme verbal du wolof est constitueacute de plusieurs sous-systegravemes Contrairement agrave ce quon a

pu voir pour le latin en (sect 12) en wolof il ny a pas de relation biunivoque entre les cateacutegories

grammaticales lieacutees au verbe et les sous-systegravemes En effet le systegraveme verbal de cette langue eacutetant

caracteacuteriseacute par un enchevecirctrement des cateacutegories verbales seacuteparer chacune de ces cateacutegories ne

permet pas de rendre compte de maniegravere eacuteleacutegante de lorganisation du systegraveme verbal Ainsi nous

consideacuterons que le systegraveme verbal est constitueacute de cinq sous-systegravemes

bull Tiroir verbal Ce sous-systegraveme est exprimeacute par les constructions preacutedicatives Ces

constructions relegravevent de diffeacuterentes cateacutegories grammaticales focus (focalisation du sujet

preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe) aspect (parfait) temps

(futur) et modaliteacute (optatif impeacuteratif subjonctif)

bull Polariteacute La polariteacute na que deux valeurs possibles affirmatifpositif (+) ou neacutegatif (-) Ce

sous-systegraveme est exprimeacute de diffeacuterentes maniegraveres et est partiellement imbriqueacute dans le sous-

systegraveme des tiroirs verbaux Neacuteanmoins distinguer un sous-systegraveme laquo polariteacute raquo est

pertinent car dun point de vue fonctionnel chaque construction preacutedicative neacutegative est

leacutequivalent neacutegatif dune autre construction preacutedicative (ou de deux constructions dans le

cas du prohibitif)

bull Aspect Ce sous-systegraveme est exclusivement exprimeacute par la preacutesence (imperfectif) ou

labsence (perfectif) du verbe auxiliaire di ou de sa forme clitique =y

bull Temps Ce sous-systegraveme est essentiellement exprimeacute par la preacutesence (passeacute) ou labsence

(non-passeacute) du suffixe verbal -(w)oon44 Suivant Timberlake (2007 305) et Dixon (2010

154) nous preacutefeacuterons le terme laquo non-passeacute raquo agrave laquo preacutesent raquo car en labsence du suffixe

- (w)oon un eacutenonceacute imperfectif peut avoir un sens de preacutesent ou de futur

bull Personne Ce sous-systegraveme est exprimeacute par la preacutesence (1SG 2SG 1PL 2PL 3PL et dans

certains cas 3SG) ou labsence (3SG) de marque personnelle

En reprenant la terminologie proposeacutee par Stump (2001) dans le cadre de la Paradigm Function

Morphology45 nous pouvons preacutesenter ces sous-systegravemes de maniegravere formelle et syntheacutetique sous la

forme dune liste de traits morphosyntaxiques ayant plusieurs valeurs possibles

44 Nous pouvons eacutegalement mentionner le passeacute reculeacute marqueacute par le suffixe -(w)aan Nous traitons de ce cas plus endeacutetails en (sect 33)

45 Lobjectif de ce chapitre nest pas de fournir une analyse du systegraveme verbal wolof dans le cadre de la ParadigmFunction Morphology Nous utilisons uniquement une partie de la terminologie et des repreacutesentations proposeacutees parce cadre theacuteorique car elles permettent de preacutesenter de maniegravere claire et syntheacutetique la structure du systegraveme verbal

- 74 -

Tableau 12 - Traits du paradigme des verbes en wolof

Trait Valeurs

Tiroir verbal focs prst focc focv prf fut opt imp subj

Polariteacute affirmatif (+) neacutegatif (ndash)

Aspect perfectif (pf) imperfectif (ipf)

Temps non-passeacute (npas) passeacute (pas) passeacute reculeacute (pasr)

Personne 1sg 2sg 3sg 1pl 2pl 3pl

Poser lexistence dun trait laquo tiroir verbal raquo peut paraicirctre discutable eacutetant donneacute lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute

des valeurs possibles Neacuteanmoins cela est parfaitement justifieacute dans le systegraveme verbal du wolof En

effet les constructions qui encodent ce trait agrave savoir les constructions preacutedicatives sont en

opposition Ainsi au sein du paradigme des verbes du wolof aucune forme ne pourra porter

simultaneacutement plusieurs valeurs du trait laquo tiroir verbal raquo mecircme si aucune contrainte seacutemantique ne

semble sy opposer Par exemple aucune forme verbale ne pourra porter simultaneacutement des valeurs

de parfait et de focalisation du sujet

Tableau 13 - Formes de 1SG du verbe lekk (manger)

POLPERFECTIF IMPERFECTIF

NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

FOCS+ maa lekk maa lekkoon maay lekk maa doon lekk

ndash maa lekkul maa lekkuloon maa dul lekk maa duloon lekk

PRST+ maa ngi lekk maa ngi lekkoon maa ngiy lekk maa ngi doon lekk

ndash maa ngi bantildea lekk maa ngi bantildeoona lekk maa ngiy bantildea lekk maa ngi doon bantildea lekk

FOCC+ laa lekk laa lekkoon laay lekk laa doon lekk

ndash laa lekkul laa lekkuloon laa dul lekk laa duloon lekk

FOCV+ dama lekk dama lekkoon damay lekk dama doon lekk

ndash dama lekkul dama lekkuloon dama dul lekk dama duloon lekk

PRF+ lekk naa lekkoon naa dinaa lekk doon naa lekk

ndash lekkuma lekkuma woon duma lekk duma woon lekk

FUT+ dinaa lekk doon naa lekk dinaay lekk na

ndash duma lekk duma woon lekk dumay lekk na

OPT+ naa lekk na naay lekk na

ndash bu ma lekk na bu may lekk na

SUBJ+ ma lekk ma lekkoon may lekk ma doon lekk

ndash ma bantildea lekk ma bantildeoona lekk may bantildea lekk na

- 75 -

Suivant la terminologie proposeacutee par Stump (2001 43) chaque cellule du paradigme des verbes

du wolof correspond agrave un couple formeacute dun mot grammatical et de ces cinq proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques46 Par exemple le couple formeacute du mot-forme lekkuma et des proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques TIRV prf POL ndash ASP pf TPS npas PERS 1sg constitue une cellule du paradigme du

lexegraveme LEKK

46 Le paradigme complet des verbes du wolof est preacutesenteacute en Conclusion de la Partie I

- 76 -

CCHAPITREHAPITRE 2 - 2 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS PREacuteDICATIVESPREacuteDICATIVES

Lobjectif de ce chapitre est de fournir une description complegravete de chaque construction

preacutedicative47 Nous preacutesentons les caracteacuteristiques morphosyntaxiques seacutemantiques et pragmatiques

de chacune dentre elles Ces caracteacuteristiques sont principalement reprises des grammaires ainsi que

des travaux portant sur le systegraveme verbal essentiellement Dialo (1981a) Church (1981) et Robert

(1991)48 La structure syntaxique de chaque construction est preacutesenteacutee sous la forme de schegravemes

repreacutesenteacutes par une suite de lettres correspondant chacune agrave une uniteacute syntaxique49

V = verbe

S = sujet lexical

O = objet lexical

X = nominal autre que le sujet ou lobjet

p = marque flexionnelle marqueur preacutedicatif

s = sujet pronominal

o = objet pronominal

x = pronom correspondant agrave X

La majeure partie des termes que nous utilisons pour nommer ces constructions est directement

reprise de Robert (1991) et de Church (1981) Cependant pour certaines dentre elles nous avons

fait le choix dutiliser des eacutetiquettes correspondant agrave des concepts comparatifs identifieacutees par

certains travaux typologiques tels que Dahl (1985) Bybee et al (1994) Creissels (2006a) ou

Timberlake (2007) Retenons que ces eacutetiquettes ont pour unique fonction de nommer les

constructions en rendant compte de leur valeur la plus eacutevidente (Creissels 1995 168-169) Elles ne

rendent absolument pas compte de linteacutegraliteacute du sens de la construction

21 Les constructions exprimant le parfait

Le parfait est exprimeacute par deux constructions preacutedicatives distinctes parfait (affirmatif) et

parfait neacutegatif Ainsi contrairement aux constructions focalisantes (FOCS FOCC FOCV) ougrave le trait

laquo tiroir verbal raquo est exprimeacute par une construction preacutedicative et le trait laquo polariteacute raquo par un suffixe

47 Nous avons eacutegalement ajouteacute les trois constructions preacutedicatives neacutegatives preacutesentant une structure particuliegravere48 Dialo (1981a) fournit une description exhaustive des formes des constructions preacutedicatives Church (1981) apporte

en plus une description des emplois et des hypothegraveses diachroniques Robert (1991) fournit une descriptiondeacutetailleacutee des proprieacuteteacutes seacutemantiques et pragmatiques de ces constructions

49 Linventaire des lettres utiliseacutees pour les schegravemes de preacutedication est tireacute de Creissels (1991 405) et Creissels(2008 77)

- 77 -

verbal au parfait ces deux traits sont indissociables

211 Le parfait

Cette construction est appeleacutee laquo terminatif raquo par Fal (1999) laquo aspect accompli raquo par Sauvageot

(1965) laquo eacutenonciatif raquo par Dialo (1981a) et Church (1981) et laquo mise en relief du verbe raquo par Diouf

(2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo parfait raquo emprunteacute agrave Robert (1991) en raison de sa

pertinence seacutemantique ainsi que de son utilisation dans la plupart des travaux typologiques de

reacutefeacuterence tels que Comrie (1976 Ch 3) Dahl (1985 129-153) Bybee amp Dahl (1985 67-77) et

Timberlake (2007 289-292)

Le parfait se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif na placeacute immeacutediatement apregraves le

verbe ce dernier se situant en tecircte de phrase On note que le marqueur preacutedicatif tombe agrave la

deuxiegraveme personne du singulier et du pluriel et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas

marqueacutee pour la personne

Tableau 21 - Paradigme personnel du parfait

SG PLSG PL

MP SUJ MP SUJ

1 na -a na -nu naa nanu

2 Oslash -nga Oslash -ngeen rarr nga ngeen

3 na -Oslash na -ntildeu na nantildeu

Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V p-s O avec des arguments lexicaux

(12a) et V p-s =o avec des arguments pronominaux (12b)

12) a S V =p-s O

Xale =yi lekk =na-ntildeu ceeb

enfant =CLyDFPX manger =PRF-S3PL riz

lsquoLes enfants ont mangeacute du rizrsquo

b V =p-s =o

Lekk =na-a =ko

manger =PRF-S1SG =O3SG

lsquoJe lai mangeacutersquo

- 78 -

La valeur principale de cette construction est celle dun parfait cest-agrave-dire une cateacutegorie qui

indique quune situation est deacutecrite comme eacutetant pertinente (relevant) au moment de leacutenonciation

ou agrave un autre moment de reacutefeacuterence (Bybee amp Dahl 1985)50 Tous les emplois identifieacutes par Robert

(1991 41-59) sont coheacuterents avec cette valeur

Comme cest le cas dans dautres langues (Schaden 2007 17) le parfait wolof a plusieurs

lectures cest-agrave-dire quil nest pas toujours interpreacuteteacute de la mecircme faccedilon Il peut ecirctre utiliseacute pour

indiquer quune situation a eu lieu au moins une fois avant le moment de reacutefeacuterence (13a-b) Cette

lecture correspond au laquo parfait expeacuterientiel raquo de Comrie (1976 58-59) ou agrave la laquo lecture

existentielle raquo de Schaden (2007 17)

13) a Tux =na (Robert 1991 46)

fumer =PRFS3SG

lsquoIl a (deacutejagrave) fumeacute (inutile lui offrir une cigarette)rsquo

b Dem =na Magravekka juroacuteomi yoon (Diouf 2003 177)

partir =PRFS3SG La_Mecque cinqGENPL fois

lsquoIl est alleacute cinq fois agrave La Mecquersquo

Le parfait peut eacutegalement ecirctre utiliseacute pour indiquer que le point de reacutefeacuterence est perccedilu comme le

reacutesultat dune situation qui lui est anteacuterieure ou comme le reacutesultat dune attente En (14a) nelaw

(dormir) est perccedilu comme le reacutesultat de la situation jooy nantildeu xiif (ils ont pleureacute de faim) En (14b)

bu yagravegg (depuis longtemps) mesure leacutetat reacutesultant dune situation anteacuterieure agrave savoir larriveacutee de

lenfant En (14c) lekk naa (jai mangeacute) est perccedilu comme le reacutesultat dune attente ou dun objectif

que le locuteur sest fixeacute En (14d) neacuteeg bi set na (la chambre est propre) est agrave la fois perccedilu comme

un changement deacutetat et comme le reacutesultat dune attente du locuteur En (14e) par contre buum bi

gudd na (la corde est longue) ne peut pas ecirctre perccedilu comme un changement deacutetat mais uniquement

comme le reacutesultat dune attente du locuteur (Robert 1991 41-59) Cette lecture correspond au

laquo parfait de reacutesultat raquo de Comrie (1976 56-58) ou agrave la laquo lecture reacutesultative raquo de Schaden (2007

18)

14) a Jooy =na-ntildeu xiif ba nelaw (Robert 1991 44)

pleurer =PRF-S3PL avoir_faim jusque dormir

lsquoIls ont pleureacute de faim jusquagrave en tomber de sommeilrsquo

50 Cette deacutefinition complegravete et preacutecise la deacutefinition proposeacutee par Comrie (1985a Ch 3)

- 79 -

b Xale =bi agsi =na bu yagravegg (Diouf amp Yaguello 1991 172)

enfant =CLbDFPX arriver =PRFS3SG CLbREL durer

lsquoLenfant est arriveacute depuis longtempsrsquo

c Demb ba tey meumlnuma lekk (Robert 1991 44)

hier jusque aujourdhui pouvoirPRFNEGS1SG manger

wande tey lekk =naa

mais aujourdhui manger =PRFS1SG

lsquoDepuis hier je narrivais pas agrave manger mais aujourdhui jai (reacuteussi agrave) mangeacutersquo

d Neacuteeg =bi set =na (Robert 1991 56)

chambre =CLbDFPX ecirctre_propre =PRFS3SG

lsquo(Ccedila y est) la chambre est propre rsquo

e Buum =bi gudd =na (Robert 1991 57)

corde =CLbDFPX ecirctre_long =PRFS3SG

lsquo(Ccedila va) la corde est assez longuersquo

En revanche le parfait wolof na pas de laquo lecture universelle raquo (Schaden 2007 17-18) ou

demploi de laquo parfait de situation persistante raquo (Comrie 1976 60) cest-agrave-dire quil nest pas la

construction non marqueacutee pour indiquer quune situation a deacutebuteacute avant le moment de reacutefeacuterence

mais continue decirctre en cours au moment de reacutefeacuterence Notons que labsence de laquo lecture

universelle raquo nest pas propre au parfait wolof Selon Comrie (1976 60) cette lecture semble

caracteacuteristique de langlais En franccedilais et en allemand ce type de situation est plutocirct exprimeacute par le

preacutesent simple (Schaden 2007 18) En wolof ce type de situation est exprimeacute par une autre

construction preacutedicative geacuteneacuteralement un preacutesentatif (15a) ou une focalisation du verbe (15b) Le

parfait reste possible mais il semble que son emploi soit uniquement attesteacute avec certains verbes

comme yagravegg (durer) (15c) Dans ce cas la laquo situation persistante raquo nest pas exprimeacutee par le parfait

mais plutocirct par le verbe

15) a Ndox =ma=a ngi=y wal ca suba ba leacuteegi (Diouf 2003 359)

eau =CLmDF=PRSTPX=IPF couler PREPDT matin jusque maintenant

lsquoLeau coule depuis ce matinrsquo

- 80 -

b Ba nga =ko teree foyi ba tey (Diouf 2003 359)

TEMP S2SG =O3SG interdireANT jouerAND jusque aujourdhui

dafa singali Omar

FOCVS3SG ecirctre_deacutesagreacuteable_avec Omar

lsquoDepuis que tu lui as deacutefendu daller jouer il est deacutesagreacuteable avec Omarrsquo

c Ndaw =sii yagravegg =na=a jaay gerte-caaf (Diouf 2003 145)

dame =CLsDEMPX durer =PRFS3SG=DV vendre cacahuegravete

lsquoCette dame vend des cacahuegravetes depuis longtempsrsquo

Le parfait wolof nest pas non plus la construction non marqueacutee pour exprimer un passeacute proche

ce que Comrie (1976 60-61) nomme laquo parfait de passeacute reacutecent raquo et Schaden (2007 18-19) nomme

laquo parfait danteacuterioriteacute immeacutediate raquo En effet ce type de situation est geacuteneacuteralement exprimeacute par le

verbe sog (venir de) (16a-b) Comme pour la laquo lecture universelle raquo cette situation nest pas propre

au wolof En franccedilais ou en espagnol lanteacuterioriteacute immeacutediate est eacutegalement exprimeacutee par une

peacuteriphrase verbale (ce qui est visible dans la traduction des exemples (16a-b)) De plus en anglais

ou en allemand lintroduction dun adverbe (respectivement just et gerade) semble indispensable

pour cette lecture (Schaden 2007 18)

16) a Ndaje =ma=a ngi sog=a tagravembali (Diouf 2003 586)

reacuteunion =CLmDF=PRSTPX venir_de=DV commencer

lsquoLa reacuteunion vient de commencerrsquo

b Mu =ngi=y sog=a ntildeoacutew (Dialo 1981a 14)

PRO3SG =PRSTPX=IPF venir_de=DV venir

lsquoIl vient darriverrsquo

Par ailleurs le parfait est la seule construction preacutedicative (avec le minimal) agrave ne pas pouvoir

former des preacutedicats non verbaux (17a) (Robert 1991 38) Enfin on remarque quavec le verbe

auxiliaire dimperfectif cette construction exprime un futur (17b) Cette forme tend agrave se

grammaticaliser et peut ecirctre analyseacutee comme une nouvelle construction preacutedicative en wolof

contemporain (sect 22)

- 81 -

17) a Kii di=na sama xarit

CLHUMSGDEMPX COP=PRFS3SG POSS1SG ami

b Di=na-a =fa dem eumllleumlg (Diouf 2003 114)

IPF=PRF-S1SG =CLLOCDFDT partir demain

lsquoJirai lagrave-bas demainrsquo

212 Le parfait neacutegatif

Cette construction est appeleacutee laquo neacutegatif accompli raquo par Sauvageot (1965) laquo eacutenonciatif neacutegatif raquo

par Dialo (1981a) laquo neacutegatif accompli raquo par Church (1981) et laquo neacutegatif raquo par Robert (1991) Nous

preacutefeacuterons utiliser le terme laquo parfait neacutegatif raquo car cette construction est leacutequivalent neacutegatif du parfait

(Robert 1991 292)

Le parfait neacutegatif est lune des deux seules (avec limpeacuteratif) constructions preacutedicatives

syntheacutetiques de la langue Il se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur -u(l) amalgameacute au pronom

sujet et suffixeacute au verbe Le suffixe -u(l) occupe donc une position morphosyntaxique similaire agrave

celle du marqueur preacutedicatif na Par ailleurs le -l final du suffixe tombe devant les indices

pronominaux et les pronoms clitiques (Diouf 2009 165) On note que la troisiegraveme personne du

singulier nest pas marqueacutee pour la personne

Tableau 22 - Paradigme personnel du parfait neacutegatif

SG PLSG PL

NEG SUJ NEG SUJ

1 -u -ma -u -nu -uma -unu

2 -ul -oo -ul -een rarr -uloo -uleen

3 -u(l) -Oslash -u -ntildeu -u(l) -untildeu

Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V-p-s O avec des arguments lexicaux

(18a) et V-p-s =o avec des arguments pronominaux (18b)

- 82 -

18) a S V-p-s O

Xale =yi lekk-u-ntildeu ceeb

enfant =CLyDFPX manger-PRFNEG-S3PL riz

lsquoLes enfants nont pas mangeacute de rizrsquo

b V-p-s =o

Lekk-u-ma =ko

manger-PRFNEG-S1SG =O3SG

lsquoJe ne lai pas mangeacutersquo

On peut sinterroger sur la pertinence danalyser cette construction comme un laquo parfait neacutegatif raquo

En effet le marqueur preacutedicatif du parfait na napparaicirct pas le paradigme des pronoms sujets est

formellement diffeacuterent (19a-b) De plus le marqueur du parfait neacutegatif -ul semble occuper la mecircme

position que celle du marqueur du parfait affirmatif na mais leurs statuts morphosyntaxiques

diffegraverent -ul est clairement un suffixe alors que na doit plutocirct ecirctre analyseacute comme un clitique

(sect 515) Enfin le marqueur de passeacute (w)oon est suffixeacute au verbe lexical au parfait affirmatif (20a)

alors quil se place apregraves les clitiques pronominaux au parfait neacutegatif (20b)

19) a Dem =na-a

partir =PRF-S1SG

lsquoJe suis partirsquo

b Dem-u-ma

partir-PRFNEG-S1SG

lsquoJe ne suis pas partirsquo

20) a Gis-oon =na-a =ko

partir-PAS =PRF-S1SG =O3SG

lsquoJe lavais vursquo

b Gis-u-ma =ko =woon

partir=PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS

lsquoJe ne lavais pas vursquo

- 83 -

Neacuteanmoins la valeur principale de cette construction est celle dun parfait neacutegatif Comme pour

le parfait affirmatif le parfait neacutegatif a plusieurs lectures Il peut avoir une laquo lecture existentielle raquo

cest-agrave-dire quil peut ecirctre utiliseacute pour quune situation na pas eu lieu avant le moment de reacutefeacuterence

(21a) Il peut eacutegalement avoir une laquo lecture reacutesultative raquo cest-agrave-dire quil peut ecirctre utiliseacute pour

indiquer que le reacutesultat dune attente (21b) ou dune situation anteacuterieure au moment de reacutefeacuterence

(21c)

21) a Dem-u-ma ca suul =ba (Diouf 2003 324)

partir-PRFNEG-S1SG PREPDT enterrement =CLbDFDT

lsquoJe ne suis pas alleacute agrave lenterrementrsquo

b Fecc-ul (Robert 1991 290)

danser-PRFNEGS3SG

lsquoElle ne danse pas Elle ne veut pas danserrsquo

c Garab =gi magravegg-ul (Robert 1991 290)

arbre =CLgDFPX grandir-PRFNEGS3SG

lsquoLarbre na pas grandirsquo

De plus le parfait neacutegatif constitue la seule maniegravere dexprimer agrave la fois le parfait et la neacutegation

Cette construction occupe donc les cellules correspondant aux proprieacuteteacutes morphosyntaxiques

TIRV prf POL ndash dans le paradigme des verbes du wolof

22 Les constructions exprimant le futur

Comme pour le parfait le futur est exprimeacute par deux constructions preacutedicatives distinctes futur

(affirmatif) et futur neacutegatif Cette analogie entre le futur et le parfait sexplique par lorigine des

constructions exprimant le futur En effet le futur est issu de la grammaticalisation du verbe

auxiliaire di et du marqueur preacutedicatif na Neacuteanmoins cette grammaticalisation nest pas encore

acheveacutee et lanalyse de plusieurs cellules du paradigme est relativement probleacutematique

221 Le futur

Cette construction est appeleacutee laquo duratif-accompli raquo par Sauvageot (1965) et laquo projectif raquo par

- 84 -

Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo futur raquo en raison de sa pertinence seacutemantique ainsi

que de son utilisation dans la plupart des travaux typologiques de reacutefeacuterence tels que Comrie

(1985a 43-48) Dahl (1985 103-112) Bybee et al (1994 243-280) et Timberlake (2007 304-

315)

Le futur se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif dina placeacute immeacutediatement avant le

verbe On note que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

Tableau 23 - Paradigme personnel du futur

SG PLSG PL

MP SUJ MP SUJ

1 dina -a dina -nu dinaa dinanu

2 di -nga di -ngeen rarr dinga dingeen

3 dina -Oslash dina -ntildeu dina dinantildeu

Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux

(22a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (22b)

22) a S =p-s V O

Xale =yi =dina-ntildeu lekk ceeb

enfant =CLyDFPX =FUT-S3PL manger riz

lsquoLes enfants mangeront du rizrsquo

b p-s =o V

Dina-a =ko lekk

FUT-S1SG =O3SG manger

lsquoJe le mangerairsquo

Il y a un consensus dans la litteacuterature sur le fait que le marqueur preacutedicatif du futur dina est

constitueacute du verbe auxiliaire di et du marqueur preacutedicatif na Neacuteanmoins lanalyse de cette

construction en synchronie varie sensiblement dun auteur agrave lautre De fait peu dauteurs preacutesentent

le futur comme une construction autonome Dialo (1981a 22) et Church (1981 107-116)

lanalysent simplement comme un parfait avec le verbe auxiliaire dimperfectif di (23a-b)

- 85 -

23) a Bey =na-a ceeb (Dialo 1981a 19)

cultiver =PRF-S1SG riz

lsquoJai cultiveacute du rizrsquo

b Di=na-a bey ceeb (Dialo 1981a 22)

IPF=PRF-S1SG cultiver riz

lsquoJe cultiverai du rizrsquo

Sauvageot (1965 105-106) et Diouf (2009 198) en revanche considegraverent le futur comme une

construction preacutedicative agrave part entiegravere Lune des raisons de ce choix reacuteside dans la possibiliteacute

dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire dimperfectif di (24a-b)51 aucune autre construction

preacutedicative ne permet ce type de construction laquo surcomposeacutee raquo

24) a Dina-a=y tux (Sauvageot 1965 106)

FUT-S1SG=IPF fumer

lsquoJai lhabitude de fumerrsquo

b Dina=y feacuteex ci ngoon =si (Diouf 2003 123)

FUTS3SG=IPF ecirctre_frais PREPPX soir =CLsDFPX

lsquoIl fait frais le soirrsquo

Nous pouvons donc consideacuterer que le futur est une construction preacutedicative issue de la

grammaticalisation dune construction mettant en jeu le verbe auxiliaire di et le marqueur preacutedicatif

na Neacuteanmoins si lon eacutetudie le paradigme complet de ces formes (Tableau 24) on constate que

cette grammaticalisation nest pas complegravete

Comme la totaliteacute des auteurs la remarqueacute les formes du futur (perfectif) sont formellement

identiques aux formes du parfait imperfectif et ce quelque soit la personne Cela tend agrave montrer que

le futur est issu du parfait

51 Robert (1991 270-273) et Perrin (2005 155-161) tiennent compte de cette construction en di-na=y neacuteanmoins ilsne preacutesentent pas le futur comme une construction preacutedicative agrave part entiegravere Selon leur analyse di et =y constituentdeux morphegravemes distincts

- 86 -

Tableau 24 - Formes du parfait et du futur affirmatif du verbe lekk (manger)

PERFECTIF IMPERFECTIF

NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

PRF

lekk=naalekk=ngalekk=nalekk=nanulekk=ngeenlekk=nantildeu

lekkoon=naalekkoon=ngalekkoon=nalekkoon=nanulekkoon=ngeenlekkoon=nantildeu

di=naa lekkdi=nga lekkdi=na lekkdi=nanu lekkdi=ngeen lekkdi=nantildeu lekk

doon=naa lekkdoon=nga lekkdoon=na lekkdoon=nanu lekkdoon=ngeen lekkdoon=nantildeu lekk

FUT

dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk

doon=naa lekkdoon=nga lekkdoon=na lekkdoon=nanu lekkdoon=ngeen lekkdoon=nantildeu lekk

dinaay lekkdingay lekkdinay lekkdinanuy lekkdingeen di lekkdinantildeuy lekk

na

Comme nous lavons eacutevoqueacute plus haut les formes du futur imperfectif sont construites en

ajoutant le verbe auxiliaire di (ou sa forme clitique =y) aux formes du futur perfectif Cela tend agrave

montrer quen wolof contemporain leacuteleacutement di dans dina nest plus consideacutereacute comme un verbe

auxiliaire dimperfectif On peut donc supposer que di=na sest grammaticaliseacute en un nouveau

marqueur preacutedicatif dina

Neacuteanmoins si lon considegravere que dina est un marqueur preacutedicatif au mecircme titre que na dafa

etc les formes du futur passeacute ne correspondent pas aux formes attendues En effet si la

grammaticalisation du futur eacutetait complegravete le suffixe du passeacute -(w)oon devrait se placer sur le verbe

lexical (25a) Or cette forme est impossible Les seules formes attesteacutees sont identiques aux formes

du parfait imperfectif passeacute ougrave le suffixe du passeacute -(w)oon se place sur lauxiliaire dimperfectif di

(25b)

25) a Mbantilde-gagravecce dina =fi baax-oon

rideau FUTS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien-PAS

b Mbantilde-gagravecce d-oon =na =fi baax (Diouf 2003 563)

rideau IPF-PAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien

lsquoUn rideau serait bien icirsquo

Par ailleurs on remarque quil y a un trou dans le paradigme des formes du futur Aucune forme

ne correspond aux proprieacuteteacutes TIRV fut POL + ASP ipf TPS pas Ce trou nest pas surprenant Comme

- 87 -

nous venons de le voir il ny a pas de formes speacutecifiques pour le futur passeacute puisque ces formes

sont identiques aux formes du parfait imperfectif passeacute Or les formes du parfait imperfectif passeacute

sont deacutejagrave marqueacutees pour limperfectif elles ne peuvent donc pas prendre agrave nouveau le verbe

auxiliaire di Ainsi le trou dans le paradigme sexplique par le fait que la grammaticalisation du

futur nest pas complegravete Aux formes du non-passeacute dina est un marqueur preacutedicatif agrave part entiegravere

alors quaux formes du passeacute di et na sont deux eacuteleacutements distincts

Le futur constitue donc une construction preacutedicative en cours de grammaticalisation La valeur

principale de cette construction est celle dun futur (26a) Cette construction peut eacutegalement avoir

une lecture gnomique ou geacuteneacuterique cest-agrave-dire quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une veacuteriteacute

geacuteneacuterale (26b)

26) a Dina dem Magravekka deacuteweacuten (Diouf 2003 106)

FUTS3SG aller La_Mecque an_prochain

lsquoIl ira agrave La Mecque lan prochainrsquo

b Leacutereacuten =dina fanqal liir yaram wu ntildeaawlu (Diouf 2003 118)

colostrum =FUTS3SG eacutepargner beacutebeacute corps CLwREL ecirctre_avilissant

lsquoLe colostrum eacutepargne au nourrisson un corps indeacutesirablersquo

Avec le marqueur de passeacute cette construction peut avoir deux lectures conditionnel (27a) ou

imparfait (27b) Le conditionnel pouvant ecirctre deacutefini comme un laquo futur dans le passeacute raquo (Comrie

1985a 75) la lecture conditionnelle est coheacuterente avec les formes du futur perfectif passeacute Par

contre limparfait eacutetant geacuteneacuteralement deacutefini comme un passeacute imperfectif (Comrie 1976 Dahl

1985) la seconde lecture correspond plutocirct aux formes du parfait imperfectif passeacute

27) a D-oon =na baax (Diouf 2003 482)

IPF-PAS =PRFS3SG ecirctre_bien

su =ntildeu yokk-oon tali =yi

HYP =S3PL agrandir-PAS chausseacutee =CLyDFPX

lsquoCe serait bien si on eacutelargissait les routesrsquo

b D-oon =na liggeacuteey ba ma ntildeeumlw-ee (Perrin 2005 412)

IPF-PAS =PRFS3SG travailler TEMP S1SG venir-ANT

lsquoIl travaillait lorsque je suis arriveacutersquo

- 88 -

Avec le verbe auxiliaire dimperfectif cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour indiquer quune

situation est occasionnelle (28a-b) ou habituelle (24a-b) Ces deux lectures sont coheacuterentes avec la

lecture gnomique du futur En effet le gnomique et loccasionnel sont des cateacutegories aspectuelles

lieacutees agrave lhabituel (Dahl 1985 95-102 Bertinetto amp Lenci 2012)

28) a Kii =dina=y soxor de (Robert 1991 273)

CLHUMSGDEMPX =FUTS3SG=IPF ecirctre_meacutechant EMPH

lsquoLui il lui arrive decirctre vraiment meacutechantrsquo

b Magravengo =gi doom bu ci nekk (Diouf 2003 109)

manguier =CLgDFPX fruit CLbREL PREPPX ecirctre

=dina=y mat liibeumlr

=FUTS3SG=IPF valoir livre

lsquoChacun des fruits de ce manguier peut peser une livrersquo

Malgreacute une apparente diversiteacute de valeurs les diffeacuterentes lectures du futur sont toutes lieacutees agrave

laspect imperfectif Lutilisation dun preacutesent imperfectif pour exprimer un futur est relativement

freacutequente dans les langues et ce type de construction tend geacuteneacuteralement agrave avoir dautres lectures

aspectuelles dont le gnomique et lhabituel (Bybee et al 1994 275-278)

222 Le futur neacutegatif

Cette construction est appeleacutee laquo neacutegatif duratif-accompli raquo par Sauvageot (1965) laquo neacutegatif

inaccompli raquo par Church (1981) et laquo neacutegatif emphatique raquo par Robert (1991) Nous preacutefeacuterons

utiliser le terme laquo futur neacutegatif raquo car cette construction peut ecirctre analyseacutee comme leacutequivalent

neacutegatif du futur

Le futur neacutegatif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif du placeacute immeacutediatement

avant le verbe On note que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

- 89 -

Tableau 25 - Paradigme personnel du futur neacutegatif

SG PLSG PL

MP SUJ MP SUJ

1 du -ma du -nu duma dunu

2 du -a du -ngeen rarr doo dungeen

3 du -Oslash du -ntildeu du duntildeu

Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux

(29a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (29b)

29) a S p-s V O

Xale =yi du-ntildeu lekk ceeb

enfant =CLyDFPX FUTNEG-S3PL manger riz

lsquoLes enfants ne mangeront pas de rizrsquo

b p-s =o V

Du-ma =ko lekk

FUTNEG-S1SG =O3SG manger

lsquoJe ne le mangerai pasrsquo

Il y a un consensus dans la litteacuterature sur le fait que le marqueur preacutedicatif du futur neacutegatif du

est constitueacute du verbe auxiliaire di et du suffixe du parfait neacutegatif -u(l) Neacuteanmoins lanalyse de

cette construction en synchronie varie sensiblement dun auteur agrave lautre Contrairement au futur la

plupart des auteurs preacutesentent le futur neacutegatif comme une construction autonome Dialo (1981a

23) est lun des rares auteurs agrave lanalyser simplement comme un parfait neacutegatif avec le verbe

auxiliaire dimperfectif di (30a-b)

30) a Bey-u-ma ceeb (Dialo 1981a 21)

cultiver=PRFNEG-S1SG riz

lsquoJe nai pas cultiveacute de rizrsquo

b D-u-ma bey ceeb

IPF=PRFNEG-S1SG cultiver riz

lsquoJe ne cultiverai pas de rizrsquo

- 90 -

Plusieurs arguments peuvent ecirctre avanceacutes pour justifier lanalyse du futur neacutegatif comme une

construction preacutedicative agrave part entiegravere la possibiliteacute dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire

dimperfectif les idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur preacutedicatif et les

emplois de cette construction pour former des preacutedicats non verbaux

Comme pour le futur il est possible dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire dimperfectif di (31a-

b) Nous pouvons donc supposer que le futur neacutegatif est une construction preacutedicative agrave part entiegravere

issue de la grammaticalisation dune construction mettant en jeu le verbe auxiliaire di et le suffixe

neacutegatif -u(l)

31) a Duma-a=y tux (Sauvageot 1965 118)

FUTNEG-S1SG=IPF fumer

lsquoJe nai pas lhabitude de fumerrsquo

b Du=y def suukar ci kafeem (Diouf 2003 114)

FUTNEGS3SG=IPF faire sucre PREPPX cafeacutePOSS3SG

lsquoHabituellement il ne met pas de sucre dans son cafeacutersquo

Neacuteanmoins si lon eacutetudie le paradigme complet (Tableau 26) on constate que la situation est

plus complexe que pour le futur affirmatif

Tableau 26 - Formes du parfait neacutegatif et du futur neacutegatif du verbe lekk (manger)

PERFECTIF IMPERFECTIF

NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

PRF

NEG

lekkumalekkuloolekkullekkunulekkuleenlekkuntildeu

lekkuma=woonlekkuloo=woonlekkuloonlekkunu=woonlekkuleen=woonlekkuntildeu=woon

duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk

duma=woondoo=woondu=woondunu=woondungeen=woonduntildeu=woon

FUT

NEG

duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk

duma=woondoo=woondu=woondunu=woondungeen=woonduntildeu=woon

dumay lekkdooy lekkduy lekkdunuy lekkdungeen di lekkduntildeuy lekk

na

Comme pour le futur affirmatif on peut consideacuterer que les formes du futur neacutegatif (perfectif)

- 91 -

sont formellement identiques aux formes du parfait neacutegatif imperfectif et ce quelque soit la

personne De plus les formes du futur neacutegatif imperfectif sont construites en ajoutant le verbe

auxiliaire di (ou sa forme clitique =y) aux formes du futur neacutegatif perfectif

Dans toutes les constructions preacutedicatives que nous avons vues plus haut les formes

imperfectives sont construites en ajoutant le verbe auxiliaire di aux formes perfectives Or si lon

considegravere que les formes du parfait neacutegatif imperfectif (et donc du futur neacutegatif) sont construites sur

le mecircme modegravele que les formes du parfait neacutegatif perfectif on constate quagrave plusieurs personnes les

formes observeacutees ne correspondent pas aux formes attendues

Tableau 27 - Idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur de futur neacutegatif

Parfait neacutegatif perfectif Futur neacutegatif

Exemple Modegravele Formes attendues Formes attesteacutees

1SG

2SG

3SG

1PL

2PL

3PL

lekk-umalekk-uloolekk-ullekk-unulekk-uleenlekk-untildeu

V-umaV-uloo V-ooV-u(l)V-unuV-uleenV-untildeu

d-umad-uloo d-ood-u(l) d-unud-uleen d-untildeu

d-umad-ood-ud-unud-ungeend-untildeu

Dans les formes du parfait neacutegatif imperfectif (ou du futur neacutegatif) on sattendrait agrave ce que le

verbe auxiliaire di prenne le suffixe du parfait neacutegatif Or on constate que

bull Au perfectif 2SG le suffixe laquo standard raquo et le plus reacutepandu est -uloo Le suffixe -oo est

eacutegalement attesteacute mais est plus rare (Diouf 2009 199) Or agrave limperfectif la forme d-uloo

est impossible seule la forme d-oo est attesteacutee

bull Au perfectif 3SG le suffixe est -u(l) Le -l final du suffixe tombe uniquement devant les

pronoms clitiques (Diouf 2009 165) Or agrave limperfectif la forme est d-u quelque soit le

mot qui suit

bull Au perfectif 2PL le suffixe est -uleen Or agrave limperfectif la forme est d-ungeen

Ces idiosyncrasies tendent donc agrave montrer que le parfait neacutegatif imperfectif (ou le futur neacutegatif)

doit ecirctre analyseacute comme une construction preacutedicative agrave part entiegravere en synchronie En effet son

paradigme personnel ne peut pas (ou plus) ecirctre deacuteduit de celui du parfait neacutegatif ou du futur

affirmatif

Un autre point probleacutematique dans lanalyse de ce paradigme concerne les formes du passeacute En

- 92 -

effet si lon consulte la litteacuterature on constate que trois paradigmes distincts ont eacuteteacute proposeacutes pour

le futur neacutegatif passeacute (ou le parfait neacutegatif imperfectif passeacute) (Tableau 28) De plus il nexiste pas

de consensus concernant les contextes demploi de ces paradigmes

Tableau 28 - Les trois paradigmes du futur neacutegatif passeacute

Paradigme Modegravele

A

d-uma=woond-oo=woond-u=woond-unu=woond-ungeen=woond-untildeu=woon

larr

V-uma=woonV-uloo=woonV-uloonV-unu=woonV-uleen=woonV-untildeu=woon

TIRV POL ASP TPS

prfndashpfpas

B

d-oon-umad-oon-ulood-oon-uld-oon-unud-oon-uleend-oon-untildeu

larr

d-oon=naad-oon=ngad-oon=nad-oon=nanud-oon=ngeend-oon=nantildeu

TIRV POL ASP TPS

prf+ipfpas

C

d-aa-w-uma d-aa-w-uloo d-aa-w-ul d-aa-w-unu d-aa-w-uleen d-aa-w-untildeu

larr

d-aan=naad-aan=ngad-aan=nad-aan=nanud-aan=ngeend-aan=nantildeu

TIRV POL ASP TPS

prf+ipfpasr

Le paradigme A semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait neacutegatif perfectif passeacute le verbe

auxiliaire di occupant la place du verbe lexical Dialo et al (1984 31) le preacutesentent comme lun des

paradigmes possibles pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute et Fal et al (1990 25) le preacutesentent

comme le seul paradigme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Church (1981 147-149) en

revanche considegravere que ces formes sont incompatibles avec un preacutedicat verbal et ne peuvent donc

pas ecirctre analyseacutees comme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Ainsi leacuteleacutement di ne doit pas ecirctre

analyseacute comme le verbe auxiliaire dimperfectif mais comme une copule verbale52 A contrario

Diagne (1971 116) considegravere que ce paradigme est compatible avec les preacutedicats verbaux et les

preacutedicats non verbaux Dans notre corpus ces formes sont tregraves peu freacutequentes et se trouvent

essentiellement dans des preacutedicats non verbaux (32a) Nous navons trouveacute des exemples de

preacutedicats verbaux que dans la traduction de la Bible (32b) sur Internet ou dans les descriptions

grammaticales citeacutees plus haut

52 La mecircme copule verbale que lon peut rencontrer dans les constructions FOCS (sect 252) et FOCV (sect 255)

- 93 -

32) a Jeacutendal =na =ko lu ne (Diouf 2003 139)

acheterCAUS =PRFS3SG =O3SG CLCHSGREL ecirctre

ganu-ganu d-u =woon bitik bu mag

encore_que COP-PRFNEGS3SG =PAS boutique CLbREL ecirctre_grand

lsquoIl lui a acheteacute toutes sortes de choses encore que ceacutetait un petit magasinrsquo

b Waaye gannaaw yoonu Musaa (Bible 2004 161)

mais puisque loiGEN Moiumlse

teumlddagul =woon bagravekkaar d-u=woon jagravedd yoon

seacutetendredeacutejagravePRFNEGS3SG =PAS peacutecheacute IPF-PRFNEG=PAS bifurquer loi

lsquoOr le peacutecheacute nest pas imputeacute quand il ny a point de loirsquo (Romains 513)

(litt lsquoMais puisque la loi de Moiumlse ne seacutetait pas encore eacutetendue

le peacutecheacute ne seacuteloignait pas de la loirsquo)

Le paradigme B semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait imperfectif passeacute le suffixe du

parfait neacutegatif remplaccedilant le marqueur preacutedicatif du parfait Dialo et al (1984 31) le preacutesentent

comme lun des paradigmes possible pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute et Diouf amp Yaguello

(1991 217-219) et Torrence (2003) le preacutesentent comme le seul paradigme du parfait neacutegatif

imperfectif passeacute Aucun autre auteur ne semble le mentionner Dans notre corpus ces formes ne

sont pas attesteacutees En revanche nous avons releveacute quelques occurrences de preacutedicats non verbaux

formellement semblables (33a-b) Neacuteanmoins dans ces exemples doon ne peut pas ecirctre analyseacute

comme le verbe auxiliaire di au passeacute mais correspond agrave un verbe laquo ecirctre raquo (existentiel) (Diouf

2003 110) De plus en dehors des descriptions grammaticales nous navons releveacute ce type

dexemples que dans la traduction de la Bible (33a) ou dans un proverbe (33b)

33) a Doon-u-nu lu moy (Bible 2009 32)

ecirctre-PRFNEG-S1PL CLCHSGREL manquer

ay doxandeacuteem ci moom de

IDFCLy eacutetranger PREPPX PRO3SG EMPH

lsquoNe sommes-nous pas regardeacutees par lui comme des eacutetrangegraveresrsquo (Genegravese 3115)

(litt lsquoNe sommes-nous pas autre chose que des eacutetrangegraveres pour lui rsquo)

- 94 -

b Loo doon-ul ndongoom (Shawyer 2009 63)

CLCHSGRELS2SG ecirctre-NEG eacutelegravevePOSS3SG

doo doon ub seumlrintildeam

FUTNEGS2SG ecirctre IDFCLb maraboutPOSS3SG

lsquoOn ne peut devenir maicirctre dune chose quon na pas eacutetudieacuteersquo

(litt lsquoCe dont tu nas pas eacuteteacute leacutelegraveve tu nen seras pas le maraboutrsquo)

Le paradigme C semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait imperfectif passeacute reculeacute le

suffixe du parfait neacutegatif remplaccedilant le marqueur preacutedicatif du parfait Dialo et al (1984 31) le

preacutesentent comme lun des paradigmes possible pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute Diouf

(2009 182) le preacutesente comme le seul paradigme du futur neacutegatif passeacute et Dialo (1981a 69) le

preacutesente comme le seul paradigme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Selon Church (1981 147-

149) les formes des paradigmes A et C sont en distribution compleacutementaire En effet les formes du

paradigmes C sont incompatibles avec les preacutedicats non verbaux mais sont possibles dans les

preacutedicats verbaux (34a) Dans notre corpus nous avons releveacute plusieurs occurrences de ces formes

Neacuteanmoins bien que le paradigme C soit le plus attesteacute nous consideacuterons quil ne peut pas ecirctre

analyseacute comme le paradigme du futur neacutegatif passeacute (ou du parfait neacutegatif imperfectif passeacute) En

effet les formes de ce paradigme ne sont pas des formes de passeacute mais des formes de passeacute reculeacute

Or le passeacute reculeacute est attesteacute avec dautres constructions preacutedicatives (34b) Ainsi les formes C

occupent dautres cellules du paradigme des verbes agrave savoir TIRV fut POL ndash ASP pf TPS pasr et

TIRV prf POL ndash ASP ipf TPS pasr

34) a D-aa-wu-nu dem ekool alxames (Diouf 2003 48)

IPF-PASR-PRFNEG-S1PL partir eacutecole jeudi

lsquoNous nallions pas agrave leacutecole le jeudirsquo

b Ay fett =lantildeu d-aan yoacutebbu xare (Diouf 2003 114)

IDFCLy flegraveche =FOCCS3PL IPF-PASR emmener guerre

lsquoIls amenaient des flegraveches agrave la guerrersquo

Pour reacutesumer les formes de futur neacutegatif passeacute sont relativement rares Les paradigmes A et B

sont essentiellement attesteacutes dans des preacutedicats non verbaux Le paradigme C est plus freacutequent

mais ne correspond pas agrave du passeacute mais plutocirct agrave du passeacute reculeacute

Apregraves avoir deacutecrit les caracteacuteristiques morphosyntaxiques du futur neacutegatif penchons-nous sur

- 95 -

ses proprieacuteteacutes seacutemantiques La valeur principale de cette construction est celle dun futur neacutegatif

(35a) Comme le futur cette construction peut eacutegalement avoir une lecture gnomique ou geacuteneacuterique

(35b)

35) a Du-ma naan sa keumlsit (Diouf 2003 186)

FUTNEG-S1SG boire POSS2SG reste

lsquoJe ne boirai pas ce que tu as laisseacutersquo

b Bukki kenn du =ko deacutenk seel (Diouf 2003 307)

hyegravene CLHUMSGSING FUTNEGS3SG =O3SG confier viande_seacutecheacutee

lsquoOn ne confie pas des filets de viande seacutecheacutee agrave une hyegravenersquo

Avec le verbe auxiliaire dimperfectif cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour indiquer quune

situation est occasionnelle (36a) ou habituelle (36b)

36) a Dina-a=y dem Cees waaye (Robert 1990 176)

FUT-S1SG=IPF partir Thiegraves mais

du-ma=y agravegg ci Duudu

FUTNEG-S1SG=IPF arriver PREPPX Doudou

lsquoJe vais souvent agrave Thiegraves mais il marrive de ne pas aller voir Doudoursquo

b Meram du=y yagravegg (Diouf 2003 109)

colegraverePOSS3SG FUTNEGS3SG=IPF durer

lsquoSa colegravere ne dure pas longtempsrsquo

Avec le marqueur de passeacute cette construction a une lecture de conditionnel (37a-b) selon Diagne

(1971 116) et Diouf amp Yaguello (1991 218) ou dimparfait (38a-b) selon Torrence (2005 55)

Avec le marqueur de passeacute reculeacute seul la lecture dimparfait semble attesteacutee (39a-b)

37) a Doonul lekk (Diouf amp Yaguello 1991 218)

FUTNEGPASS3SG manger

lsquoIl ne mangerait pasrsquo

- 96 -

b Du-ngeen =woon ntildeeumlw (Diagne 1971 116)

FUTNEG-S2PL =PAS venir

lsquoVous ne seriez pas venusrsquo

38) a Doonu-ntildeu lekk gato =bi (Torrence 2005 55)

FUTNEGPAS-S3PL manger gacircteau =CLbDFPX

lsquoIl ne mangeaient pas le gacircteaursquo

b Du-ntildeu =woon lekk gato =bi (Torrence 2005 55)

FUTNEG-S3PL =PAS manger gacircteau =CLbDFPX

lsquoIl ne mangeaient pas le gacircteaursquo

39) a Dantildeu =ko folli ndax (Diouf 2003 129)

FOCVS3PL =O3SG destituer parce_que

daawul taxawu liggeacuteeykat =yi

FUTNEGPASRS3SG assister travaillerAGT =CLyDFPX

lsquoOn la destitueacute car il ne deacutefendait pas les travailleursrsquo

b Sa doom =ji =dafa cappe (Diouf 2003 80)

POSS2SG enfant =CLbDFPX =FOCVS3SG ecirctre_cheacutetif

Xanaa daawuloo =ko nagravempal

est-ce_donc_que FUTNEGPASRS2SG =O3SG allaiter

lsquoTon enfant est cheacutetif Est-ce que tu ne lallaitais pas rsquo

Enfin plusieurs auteurs considegraverent que cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des

preacutedicats non verbaux Neacuteanmoins nous supposons quil sagit lagrave dune confusion entre di utiliseacute

comme verbe auxiliaire dimperfectif et di utiliseacute comme copule Ainsi dans les preacutedicats non

verbaux il sagit en fait de la copule verbale di au parfait neacutegatif53 Cette construction permet de

construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (40a-b) ou un preacutedicat eacutequatif (40c)

40) a Man d-u-ma como (Diouf 2003 84)

PRO1SG COP-PRFNEG-S1SG individu_sans_importance

lsquoMoi je ne suis pas nimporte quirsquo

53 Notons neacuteanmoins que la copule verbale di est incompatible avec le parfait non neacutegatif

- 97 -

b D-u deumlgg (Diouf 2003 97)

COP-PRFNEGS3SG veacuteriteacute

lsquoCe nest pas la veacuteriteacutersquo

c Kor d-u yeumlfu gor (Diouf 2003 189)

trahison COP-PRFNEGS3SG choseGEN homme_libre

lsquoLa trahison nest pas une affaire de noblersquo

On constate que dans cet emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus

contrastif Ainsi cette construction est geacuteneacuteralement employeacutee comme leacutequivalent neacutegatif des

preacutedicats non verbaux exprimeacutes par la focalisation du compleacutement (41a-b)

41) a D-u ag njaambaar ag ndof =la (Diouf 2003 461)

COP-PRFNEGS3SG IDFCLg bravoure IDFCLg folie =FOCC

lsquoCe nest pas du courage cest de la foliersquo

b Deacuteedeacuteet man d-u-ma turist (Diouf amp Yaguello 1991 40)

non PRO1SG COP-PRFNEG-S1SG touriste

koperaŋ la-a

coopeacuterant FOCC-S1SG

lsquoNon moi je ne suis pas un touriste je suis coopeacuterantrsquo

23 Les constructions injonctives

Sous leacutetiquette laquo injonctif raquo plusieurs auteurs regroupent limpeacuteratif (42a) et loptatif (42b)

(Dialo 1981a 24-26 Church 1981 97-105 Robert 1991 235-256) Plusieurs caracteacuteristiques

justifient un tel regroupement la valeur seacutemantique de ces constructions leur forme neacutegative et

leur incompatibiliteacute avec le passeacute

Ces constructions relegravevent de la modaliteacute deacuteontique cest-agrave-dire dune obligation ou dune

permission eacutemanant dune source exteacuterieure (Palmer 2001 9) Plus preacuteciseacutement elles relegravevent de

ce que Bybee et al (1994 179) nomment la laquo modaliteacute orienteacutee vers le locuteur raquo (speaker-

oriented modality) En effet ces constructions ne sont pas utiliseacutees pour indiquer lexistence de

conditions (obligation ou permission) mais plutocirct pour permettre au locuteur dimposer de telles

- 98 -

conditions agrave un allocutaire (42a-b)

42) a Dem-al ca biti (Diouf 2003 71)

partir-IMPS2SG PREPDT dehors

lsquoVa dehors rsquo

b Na dem suba mboog (Diouf 2003 220)

OPTS3SG partir demain alors

lsquoQuil parte demain alors rsquo

En plus de relever de la mecircme cateacutegorie verbale limpeacuteratif et loptatif partagent la mecircme forme

neacutegative le prohibitif (43a-b)

43) a Bul dem leacuteegi (Diouf 2003 76)

PROHS2SG partir maintenant

lsquoNe ten va pas maintenant rsquo

b Bu-ntildeu dem ca keumlr =ga (Diouf 2009 77)

PROH-S3PL partir PREPDT maison =CLgDFDT

lsquoQuil parte demain alors rsquo

Enfin on remarque que ces constructions sont les seules constructions preacutedicatives

incompatibles avec le passeacute (Dialo 1981a 30 Diouf 2009 179-184)

231 Limpeacuteratif

Cette construction est appeleacutee laquo impeacuteratif raquo par tous les auteurs (Dialo 1981a Church 1981

Robert 1991 Diouf 2009)

La structure de limpeacuteratif se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe verbal -(a)l au singulier ou

-leen au pluriel Limpeacuteratif se conjugue uniquement agrave la deuxiegraveme personne du singulier et du

pluriel

- 99 -

Tableau 29 - Paradigme personnel de limpeacuteratif

SG PL

2 -(a)l -leen

Au singulier le suffixe se reacutealise -al si le verbe se termine par une consonne (44a) -l si le verbe

se termine par une voyelle fermeacutee (44b) ou une voyelle longue (44c) et il se reacutealise -l et allonge la

derniegravere voyelle du verbe sil ne sagit pas dune voyelle fermeacutee (44d) (Dialo 1981a 25 Diouf

2009 84)

44) a Wax-al b Indi-l (Diouf amp Yaguello 1991 20)

parler-IMPS2SG apporter-IMPS2SG

lsquoParle rsquo lsquoApporte rsquo

c Woo-l d Boole-el

appeler-IMPS2SG rassembler-IMPS2SG

lsquoAppelle rsquo lsquoRassemble rsquo

Tableau 210 - Reacutealisation du suffixe de limpeacuteratif54

SG PL

Consonne -al -leen

Voyelle fermeacutee etou longue -l -leen

Voyelle non fermeacutee bregraveve (v) -vl -leen

Cette construction preacutesente une structure syntaxique V O avec des arguments lexicaux (45a-b) et

V =o avec des arguments pronominaux (46a-b) Devant un objet pronominal le suffixe de

limpeacuteratif tombe au singulier (46a) mais pas au pluriel (46b)

45) V O

a Lekk-al ceeb

manger-IMPS2SG riz

lsquoMange du riz rsquo

54 Tableau adapteacute de Diouf amp Yaguello (1991 20)

- 100 -

b Lekk-leen ceeb

manger-IMPS2PL riz

lsquoMangez du riz rsquo

46) V =o

a Lekk-Oslash =ko

manger-IMPS2SG =O3SG

lsquoMange-le rsquo

b Lekk-leen =ko

manger-IMPS2PL =O3SG

lsquoMangez-le rsquo

Certains verbes preacutesentent des particulariteacutes idiosyncrasiques agrave limpeacuteratif Le verbe kaay est

exclusivement utiliseacute agrave limpeacuteratif (Diouf 2009 185) Il ne prend pas de suffixe au singulier (47a)

mais prend le suffixe -leen au pluriel (47b) (Dialo 1981a 25) Ce verbe est synonyme du verbe

ntildeeumlw (venir) agrave limpeacuteratif (48a-b)

47) a Kaay fii (Diouf 2003 586)

venir(IMP)[S2SG] CLLOCDEMPX

lsquoViens ici rsquo

b Kaay-leen fii (Diouf 2003 586)

venir(IMP)-S2PL CLLOCDEMPX

lsquoVenez ici rsquo

48) a Ntildeeumlw-al fii (Diouf 2003 586)

venir-IMPS2SG CLLOCDEMPX

lsquoViens ici rsquo

b Ntildeeumlw-leen fii (Diouf 2003 586)

venir-IMPS2PLCLLOCDEMPX

lsquoVenez ici rsquo

Le verbe am (avoir) ne prend pas de suffixe au singulier lorsquil est utiliseacute laquo dans le sens dune

- 101 -

invitation agrave recevoir ce quon tend raquo (49a) (Diouf 2009 185) En revanche il prend le suffixe -al

dans tous les autres contextes (49b)

49) a Am lii (Diouf 2003 48)

tiens[IMPS2SG] CLCHSGDEMPX

lsquoTiens ccedila rsquo

b Soo beumlggee xam lu=y laabiir (Diouf 2003 48)

HYPs2SG vouloirANT savoir CLCHSGREL=COP geacuteneacuterositeacute

am-al doom

avoir-IMPS2SG enfant

lsquoSi tu veux savoir ce quest la geacuteneacuterositeacute fais un enfant rsquo

Comme dans la plupart des langues limpeacuteratif est utiliseacute pour exprimer un ordre direct (50a)

une permission (50b) ou un conseil (50c)

50) a Wagravecc-leen maraaj =bi (Diouf 2003 213)

descendre-IMPS2PL mur =CLbDFPX

lsquoDescendez du mur rsquo

b Agsi-l (Diouf amp Yaguello 1991 18)

entrer-IMPS2SG

lsquoEntre (je ten prie) rsquo

c Moytu-leen Bocci =na paaka (Diouf 2003 220)

se_meacutefier-IMPS2PL deacutegainer =PRFS3SG couteau

lsquoFaites attention Il a deacutegaineacute un couteaursquo

232 Loptatif

Cette construction est appeleacutee laquo deacutesideacuteratif raquo par Fal (1999) laquo obligatif raquo par Sauvageot (1965)

Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et laquo incitatif raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons

utiliser le terme laquo optatif raquo eacutegalement utiliseacute par Church (1981) en raison de son utilisation par

Bybee (1985 171) Selon la terminologie de Palmer (2001 80-82) cette construction est un jussif

- 102 -

Loptatif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif na placeacute en tecircte de phrase On note

que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

Tableau 211 - Paradigme personnel de loptatif

SG PLSG PL

MP SUJ MP SUJ

1 na -a na -nu naa nanu

2 na -nga na -ngeen rarr nanga nangeen

3 na -Oslash na -ntildeu na nantildeu

Cette construction preacutesente une structure syntaxique p S V O avec des arguments lexicaux (51a)

et p-s =o V avec des arguments pronominaux (51b)

51) a p S V O

Na Omar lekk ceeb

OPTS3SG Omar manger riz

lsquoQue Omar mange du riz rsquo

b p-s =o V

Na-a =ko lekk

OPT-S1SG =O3SG manger

lsquoQue jen mange rsquo

Loptatif peut ecirctre deacutefini comme une modaliteacute orienteacutee vers le locuteur preacutesentant un paradigme

personnel complet (Bybee 1985 171) De fait agrave lexception de limpeacuteratif cette construction

couvre la plupart des modaliteacutes orienteacutees vers le locuteur identifieacutees par Bybee et al (1994 179)

optatif hortatif et permissif

Cette construction peut correspondre agrave un optatif au sens strict cest-agrave-dire quelle peut ecirctre

utiliseacutee pour exprimer un souhait (52a) Elle peut eacutegalement avoir une lecture hortative cest-agrave-dire

quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une incitation agrave faire quelque chose (52b) Enfin elle peut

avoir une lecture permissive cest-agrave-dire quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une permission

(52c)

- 103 -

52) a Yagravella =na sa liggeacuteey =bi am barke (Diouf 2003 62)

Dieu =OPT POSS2SG travail =CLbDFPX avoir beacuteneacutediction

lsquoQue ton travail soit beacuteni rsquo

b Na-nu dem seelu ci bitig =bi (Diouf 2003 307)

OPT-S1PL partir sabriter PREPPX boutique =CLbDFPX

lsquoAllons dans la boutique nous abriter de la pluie rsquo

c Na dem suba mboog (Diouf 2003 220)

OPTS3SG partir demain alors

lsquoQuil parte demain alors rsquo

233 Le prohibitif

Cette construction est appeleacutee laquo injonctif neacutegatif raquo par Dialo (1981a) et Church (1981) Nous

preacutefeacuterons utiliser le terme laquo prohibitif raquo en raison de son utilisation dans la plupart des travaux

typologiques de reacutefeacuterence tels que Palmer (2001 180) Bybee et al (1994 179) et Heine amp Kuteva

(2002 24)

Le prohibitif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif bul ou bu placeacute en tecircte de

phrase55

Tableau 212 - Paradigme personnel du prohibitif

SG PLSG PL

MP SUJ MP SUJ

1 bu -ma bu -nu buma bunu

2 bu -l bu -leen rarr bul buleen

3 bu -mu bu -ntildeu bumu buntildeu

Cette construction preacutesente une structure syntaxique identique agrave celle de loptatif cest-agrave-dire

p S V O avec des arguments lexicaux (53a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (53b)

55 Le deacutecoupage des formes de deuxiegraveme personne peut sembler contestable Nous deacutefendons cette analyse en(sect 144)

- 104 -

53) a p S V O

Bu Omar lekk ceeb

PROHS3SG Omar manger riz

lsquoQuOmar ne mange pas de riz rsquo

b p-s =o V

Bu-ntildeu =ko lekk

PROH-S3PL =O3SG manger

lsquoQuils ne le mangent pas rsquo

Par ailleurs similairement au suffixe de limpeacuteratif le -l final du marqueur preacutedicatif bul agrave la

deuxiegraveme personne du singulier tombe devant un objet pronominal (54a-b)

54) a Bu =ko dandal (Diouf 2003 91)

PROHS2SG =O3SG eacuteloigner

lsquoNe leacuteloigne pas rsquo

b Bul boxom xaalis =bi (Diouf 2003 75)

PROHS2SG froisser argent =CLbDFPX

lsquoNe froisse pas largent rsquo

Le prohibitif peut ecirctre analyseacute comme leacutequivalent neacutegatif de limpeacuteratif et de loptatif Ainsi

comme limpeacuteratif il est utiliseacute pour exprimer un ordre direct (55a) ou un conseil (55b)

55) a Bul daw dox-al (Diouf 2003 94)

PROHS2SG courir marcher-IMPS2PL

lsquoNe cours pas marche rsquo

b Dafa=y caaxaan bul mer (Diouf 2003 78)

FOCVS3SG=IPF blaguer PROHS2SG ecirctre_facirccheacute

lsquoIl blague ne te facircche pasrsquo

En tant queacutequivalent neacutegatif de loptatif le prohibitif peut ecirctre utiliseacute pour exprimer un souhait

(eacutequivalent de la lecture optative) (56a) une incitation agrave ne pas faire quelque chose (eacutequivalent de

la lecture hortative) (56b) ou une interdiction (eacutequivalent de la lecture permissive) (56c)

- 105 -

56) a Yagravella bu-ma tase =ak jinne (Diouf 2003 171)

Dieu PROH-S1SG rencontrer =avec djinn

lsquoDieu fasse que je ne rencontre pas de djinn rsquo

b Bu-nu tuumaal kenn (Fal 1999 86)

PROH-S2PL accuser CLHUMSGSING

lsquoNaccusons personne rsquo

c Bu-mu dem leacuteegi (Diouf 2003 75)

PROHS3SG partir maintenant

lsquoQuil ne parte pas maintenant rsquo

24 Le minimal

Cette construction est appeleacutee laquo narratif raquo par Dialo (1981a) et Robert (1991) laquo aspect zeacutero raquo par

Sauvageot (1965) et Njie (1982) laquo aoriste raquo par Robert (1996) laquo mode virtuel raquo par Fal (1999) et

laquo neutre raquo par Ma Cisseacute (2007) Toutes ces eacutetiquettes sont pertinentes et justifieacutees car elles rendent

compte dune partie des emplois de la construction Neacuteanmoins elles ne recouvrent pas tous les

emplois de la construction et peuvent renvoyer agrave des emplois dautres constructions En effet

leacutetiquette laquo mode virtuel raquo pourrait renvoyer agrave la construction irrealis mettant en jeu le mot koon

(Perrin 2005 177-179) De mecircme leacutetiquette laquo aoriste raquo pourrait renvoyer aux emplois daoriste de

discours du parfait (Robert 1991 47-48) Nous preacutefeacuterons donc utiliser le terme laquo minimal raquo

emprunteacute agrave Church (1981) et Diouf (2009) car il fait essentiellement reacutefeacuterence agrave la forme de la

construction et eacutevite ainsi les ambiguiumlteacutes lieacutees au sens de la construction

241 Un cas probleacutematique

Lidentification dune construction laquo minimal raquo en wolof est probleacutematique Certains auteurs

identifient clairement une seule construction laquo minimal raquo (Church 1981 87-95 Robert 1991 199-

234) Selon ces auteurs le minimal se caracteacuterise par labsence de marqueur speacutecifique (en

opposition agrave toutes les autres constructions preacutedicatives) ce qui implique que son paradigme

personnel correspond au paradigme des pronoms personnels sujets libres (sect 422)

- 106 -

Tableau 213 - Paradigme personnel du minimal

SG PL

1 ma nu

2 nga ngeen

3 mu ntildeu

Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V O avec des arguments lexicaux (57a)

Avec des arguments pronominaux la structure diffegravere en fonction du type de proposition (Voisin

2010 145) On observe la structure s V o dans les propositions indeacutependantes les compleacutetives et

les subordonneacutees daboutissement introduites pas ba (jusque) (57b) alors quon observe la structure

s o V dans les autres types de subordonneacutees (57c)

57) a S V O

Omar lekk ceeb

Omar manger riz

lsquoOmar a mangeacute du rizrsquo

b s V =o

Ma lekk =ko

S1SG manger =O3SG

lsquoJen ai mangeacutersquo

c s =o V

ma =ko lekk

S1SG =O3SG manger

lsquo(hellip) jen ai mangeacutersquo

Dautres auteurs distinguent deux constructions diffeacuterentes Ainsi Zribi-Hertz amp Diagne (2003)

distinguent les propositions f-deacuteficientes des propositions non finies Les propositions f-deacuteficientes

sont incompatibles avec toutes les marques flexionnelles et correspondent aux emplois du minimal

en proposition indeacutependante (aoriste de reacutecit exclamation etc) Les propositions non finies quant

agrave elles preacutesentent une flexion appauvrie et incluent les emplois du minimal dans les propositions

relatives Par ailleurs Dialo (1981a 27) distingue le minimal agrave proprement parler du mode

subordinatif qui est speacutecifique aux propositions subordonneacutees temporelles ou hypotheacutetiques

- 107 -

Deux raisons permettent dexpliquer ces divergences danalyse la premiegravere eacutetant lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute

des emplois du minimal En effet le minimal peut semployer en proposition indeacutependante avec une

valeur daoriste de reacutecit dexclamation dinstruction ou dinterrogation mais il est eacutegalement

obligatoire dans plusieurs types de propositions subordonneacutees successives relatives temporelles

hypotheacutetiques de maniegravere de but ainsi que certaines compleacutetives Il peut sembler difficile voir

impossible de lier tous ces emplois et donc de deacuteterminer le sens de cette construction Church

(1981) propose de lanalyser comme une construction agrave valeur neutre deacutependante et irreacuteelle Ainsi

le minimal serait la construction preacutedicative non marqueacutee dont le sens deacutepend toujours du contexte

dans lequel elle semploie Cette analyse a lavantage de justifier labsence de marqueur preacutedicatif

dans cette construction mais elle a linconveacutenient de preacutesenter le minimal du wolof comme une

construction typologiquement marqueacutee

La seconde raison permettant dexpliquer les divergences danalyse du minimal concerne la

diversiteacute de ses formes En effet contrairement agrave toutes les autres constructions preacutedicatives le

minimal preacutesente un unique schegraveme de preacutedication avec des arguments lexicaux (S V O) mais deux

schegravemes distincts avec des arguments pronominaux (s V o et s o V) en fonction du type de

proposition On observe le schegraveme s V o dans les propositions narratives (58a) conseacutecutives (58b)

exclamatives (58c) injonctives (58d) les propositions introduites par un adverbe (58e) les

compleacutetives sans compleacutementeur (58f)56 et les subordonneacutees de but (58g)

58) a (hellip) [mu gis =ko] ne =kohellip (Church 1981 53)

S3SG voir =O3SG dire =O3SG

lsquo(alors) il le vit lui ditrsquo

b Soowam =dafa lamb [mu maye =ko] (Church 1981 53)

laitPOSS3SG =FOCVS3SG rester S3SG donner =O3SG

lsquoSon lait restait invendu (donc) elle la donneacutersquo

c Ma def =ko (Church 1981 53)

S1SG faire =O3SG

lsquoJe le ferai (inutile de me le reacutepeacuteter) rsquo

56 Les compleacutetives introduites par le compleacutementeur ne ne sont pas au minimal (i) Xam =naa ne [dina ntildeoacutew] (Diouf 2003 245)

savoir =PRFS1SG COMP FUTS3SG venirlsquoJe sais quil viendrarsquo

- 108 -

d Mu def =ko (Church 1981 53)

S3SG faire =O3SG

lsquoQuil le fasse rsquo

e Leacuteegi [ma gis =ko] (Church 1981 53)

bientocirct S1SG voir =O3SG

lsquoBientocirct je le verrairsquo

f Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)

FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL

lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo

g Danga war=a muddaarante (Diouf 2003 229)

FOCVS2SG devoir=DV neacutegocier

ngir [mu jaay =la =ko]

pour S3SG vendre =O2SG =O3SG

lsquoTu dois neacutegocier pour quil te le vendersquo

En revanche le schegraveme s o V est attesteacute dans les relatives (59a) les relatives sans anteacuteceacutedent

(59b) les subordonneacutees de lieu (59c) les subordonneacutees de maniegravere (59d) les interrogatives

partielles (59e)57 les subordonneacutees temporelles (59f) et les subordonneacutees hypotheacutetiques (59g)

59) a [Weacutentilde =gi =ko lonk] (Diouf 2003 579)

fer =CLbDFPX =O3SG accrocher

=a =ko teree xagravewwiku

=FOCS =O3SG empecirccher tomber

lsquoCest le fer auquel il est accrocheacute qui lempecircche de tomberrsquo

b Dina am [lu mu =la yoacutennee] (Sall 2005 167)

FUTS3SG avoir CLCHSGREL S3SG =O2SG envoyer

lsquoIl tenverra quelque chosersquo (litt lsquoIl y aura quelque chose quil tenverrarsquo)

57 Les interrogatives partielles contenant un pronom interrogatif ne sont pas au minimal (sect 244)

- 109 -

c [Fu =mu =ko fekk] toroxal =ko (Diouf 2003 350)

CLLOCREL =S3SG =O3SG trouver humilier =O3SG

lsquoOugrave quil le trouve il lhumiliersquo

d Deful liggeacuteey =bi (Church 1981 90)

fairePRFNEGS3SG travail =CLbDFPX

[na mu =ko ware=a def]

CLMNRDFDT S3SG =O3SG devoirAPPL=DV faire

lsquoIl na pas fait le travail comme il convenait de le fairersquo

e Ku =ko yoacutebbu (NDiaye-Correacuteard 2003 173)

CLHUMSGREL =O3SG emporter

lsquoQui la emporteacute rsquo

f Dafa ntildeagravelli [bi mu =la seacuteen-ee] (Diouf 2003 265)

FOCVS3SG deacutetaller TEMP S3SG =O2SG apercevoir-ANT

lsquoIl a deacutetaleacute quand il ta aperccedilursquo

g [Su =ma =ko gisat-ee] dinaa =ko jeacutend (Diouf 2003 555)

HYP =S1SG =O3SG voir-ANT FUTS1SG =O3SG acheter

lsquoSi je le revois je lachegraveterairsquo

Par ailleurs le schegraveme s V o semble incompatible avec le suffixe de neacutegation -ul les

propositions preacutesentant ce schegraveme doivent ecirctre nieacutees lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser)

ou ntildeagravekk (manquer) (60a-b) (sect 31) Par contre le schegraveme s o V est toujours compatible avec le

suffixe -ul (61a-b)

60) a Beumlgg =naa [Ayda bantildentildeagravekk =ko togg] (Torrence 2013a 35)

vouloir =PRFS1SG Aiumlda refusermanquer =S3SG cuisiner

lsquoJe ne veux pas quAiumlda le cuisinersquo

b Beumlgg =naa [Ayda togg-ul =ko]

vouloir =PRFS1SG Aiumlda cuisiner-NEG =O3SG

- 110 -

61) a Daqaar du wuum [ku =ko macc-ul] (Diouf 2003 93)

tamarin FUTNEGS3SG agacer CLHUMSGREL =O3SG sucer-NEG

lsquoLe tamarin nagace pas les dents de celui qui ne la pas suceacutersquo

b [Su =ma =ko xam-ul] yow waxi noppi (Diouf 2003 363)

HYP =S1SG =O3SG savoir-NEG PRO2SG agrave_plus_forte_raison

lsquoSi je ne le sais pas toi non plus agrave plus forte raisonrsquo

Enfin agrave limperfectif la diffeacuterence dordre du minimal laquo selon le type de proposition est

neutraliseacutee raquo (Voisin 2010 146) En effet si lon ajoute lauxiliaire dimperfectif le schegraveme est

s o V quelque soit le type de proposition (62-63) le schegraveme s V o nest jamais attesteacute agrave limperfectif

(63a-b)

62) a Xamuma [fu =mu =ko jeacutele] (Diouf 2003 79)

savoirPRFNEGS1SG CLLOCREL =S3SG =O3SG prendreAPPL

lsquoJe ne sais pas ougrave il la prisrsquo

b Xamuma [lu mu =ko=y doye] (Diouf 2003 292)

savoirPRFNEGS1SG CLCHSGREL =S3SG =O3SG=IPF faireAPPL

lsquoJe ne sais pas ce quil va en fairersquo

63) a Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)

FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL

lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo

b Dama beumlgg [nga =ko=y deumlglu] (Voisin 2010 146)

FOCVS1SG vouloir S2SG =O3SG=IPF eacutecouter

lsquoJe veux que tu leacutecoutes souventrsquo

Ainsi le minimal preacutesente deux schegravemes distincts (s V o et s o V) correspondant chacun agrave des

emplois diffeacuterents dans la langue En effet le changement dans lordre des mots ne repose pas sur

des diffeacuterences dordre pragmatique ou discursive mais est deacutetermineacute par le type de proposition

Dun point de vue constructionnel nous devons donc consideacuterer que nous sommes en preacutesence dau

moins deux constructions diffeacuterentes puisque nous avons deux formes diffeacuterentes (les schegravemes

- 111 -

s V o et s o V) correspondant agrave des sens diffeacuterents En tenant compte de lensemble des diffeacuterences

de forme et de sens nous identifions en fait quatre constructions diffeacuterentes Subjonctif-Conseacutecutif

Infinitif Relatif et Hypotheacutetique-Temporel

242 Le subjonctif-conseacutecutif

Nous avons retenu leacutetiquette laquo subjonctif-conseacutecutif raquo pour deacutesigner la construction preacutesentant

le schegraveme s V o Cette eacutetiquette nest pas traditionnelle dans les descriptions du wolof58 Neacuteanmoins

elle permet de rendre compte de tous les emplois de cette construction

Nous empruntons le terme laquo subjonctif raquo agrave Creissels amp Sambou (2013) Dans leur description du

mandinka59 ces auteurs identifient un couple de marqueurs preacutedicatifs yeacute~ŋaacute (positif) kaacutena

(neacutegatif) quils deacutesignent sous le terme laquo subjonctif raquo Ce choix nest pas traditionnel dans la

description des parlers mandingues En effet la plupart des auteurs preacutefegraverent geacuteneacuteralement utiliser

des termes eacutevoquant la valeur injonctive de ces marqueurs preacutedicatifs lorsquils sont utiliseacutes en

proposition indeacutependante Cest notamment le cas de Dumestre (2003 214) qui les analyse comme

des marqueurs de limpeacuteratif Neacuteanmoins Creissels amp Sambou (2013 74) justifient leur choix

laquo Il nous semble en deacutefinitive preacutefeacuterable de retenir une eacutetiquette qui deacutesigne ces marqueurs

non pas comme eacutetant lexpression directe dune modaliteacute eacutenonciative particuliegravere mais

plutocirct comme des marques de deacutependance qui en labsence dinsertion agrave une phrase matrice

prennent par deacutefaut une valeur hortative ou prohibitive Et il se trouve preacuteciseacutement que le

terme de subjonctif est celui que les grammairiens utilisent le plus couramment pour des

formes reacutepondant agrave cette caracteacuterisation raquo60

Le subjonctif du mandinka a des emplois similaires agrave ceux de la construction preacutesentant le

schegraveme s V o en wolof61 En effet il est utiliseacute dans des propositions indeacutependantes injonctives

(64a-b) des compleacutetives (65a-b) des subordonneacutees de but (66a-b) et des propositions conseacutecutives

(67a-b)

58 Agrave lexception de Kobegraves (1869 114) et Torrence (2013a 30) qui utilisent le terme laquo subjonctif raquo pour deacutesigner unepartie des emplois du minimal

59 Variante du mandingue parleacutee en Gambie Casamance (Seacuteneacutegal) et Guineacutee-Bissau (Creissels amp Sambou 2013 5)60 Cette utilisation du terme laquo subjonctif raquo est similaire agrave celle de Palmer (2001)61 Neacuteanmoins tous les emplois ne se recoupent pas Dans plusieurs cas on utilise un subjonctif en mandinka lagrave ougrave on

utilise une autre construction en wolof et reacuteciproquement

- 112 -

64) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 75)

Musoacuteolu yeacute naa

femmeDETPL SUBJ venir

lsquoQue les femmes viennent rsquo

b Wolof (Church 1981 53)

Mu def =ko

S3SG faire =O3SG

lsquoQuil le fasse rsquo

65) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 453)

A buacuteka lafiacute [a diacutensuacuteŋkuacutetoacuteo ye jamfaacute a la]

3SG IPFNEG vouloir 3SG filleDET SUBJ seacuteloigner 3SG POSTP

lsquoIl ne veut jamais que sa fille seacuteloigne de luirsquo

b Wolof (Voisin 2010 146)

Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen]

FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL

lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo

66) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 494)

I ye keacuteeraacutembaacutealu samba

3PL MP reacutecipientgrandDETPL emporter

puacuteruacute [i yeacute i faacutendiacute kiacuteloacuteo la]

pour_que 3PL SUBJ 3PL semplirCAUS œufDET POSTP

lsquoIls emportegraverent les grands reacutecipients pour les emplir dœufsrsquo

b Wolof (Diouf 2003 229)

Danga war=a muddaarante ngir [mu jaay =la =ko]

FOCVS2SG devoir=DV neacutegocier pour S3SG vendre =O2SG =O3SG

lsquoTu dois neacutegocier pour quil te le vendersquo

- 113 -

67) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 494)

Tiyocirco tuacute jěe [a yeacute jăa domandiacuteŋ tiloacuteo la]

arachideDET laisser lagrave 3SG SUBJ seacutecher un_peu soleilDET POSTP

lsquoLaisse larachide lagrave quelle segraveche un peu au soleilrsquo

b Wolof (Diouf 2003 71)

Yoacutebbuleen =ko ca billoacuteoji =ba [mu faj =ko]

emmenerIMPS2PL =O3SG PREPDT sorcier =CLbDFDT S3SG soigner =O3SG

lsquoEmmenez-le chez le sorcier quil le gueacuterissersquo

Ainsi leacutetiquette laquo subjonctif raquo permet de rendre compte de tous les emplois du minimal s V o du

wolof agrave lexception de son utilisation dans les propositions narratives On notera que ce point

diffeacuterencie le minimal s V o du wolof et le subjonctif du mandinka En effet en mandinka les

propositions narratives ne sont pas au subjonctif mais agrave laccompli-statif (Creissels amp Sambou

2013 71-72) Afin de rendre compte de cet emploi du minimal s V o en wolof nous avons preacutefeacutereacute

leacutetiquette laquo conseacutecutif raquo agrave laquo narratif raquo suivant ainsi la terminologie de Longacre (1990) Selon cet

auteur le temps narratif (narrative tense) nest jamais deacutependant dune autre forme alors que le

temps conseacutecutif (consecutive tense) est soit deacutependant dune autre forme soit doit apparaicirctre apregraves

une autre forme dans le discours (Longacre 1990 109-110) Or en wolof le minimal s V o

laquo nouvre jamais un reacutecit il deacuteveloppe une narration agrave partir dun ancrage preacutealable dans le passeacute

marqueacute par une autre proposition raquo (Robert 1995 377) Par exemple dans les contes la premiegravere

proposition nest jamais au minimal s V o mais agrave une autre construction (68a-b)

68) a Amoon =na =fi ab deumlkk (Cisseacute Ma 1994 10)

avoirPAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX IDFCLb village

bu tuddoon Mbagravebba Kumba

CLbREL appelerPAS Mbaba Coumba

lsquoIl eacutetait une fois un village qui sappelait Mbaba Coumbarsquo

b Benn reumlbb =la =woon (Diouf et al 2009 40)

CLbSING chasseur =FOCC =PAS

lsquoIl eacutetait une fois un chasseurrsquo

Pour reacutesumer le subjonctif-conseacutecutif preacutesente un schegraveme S s V o O cest-agrave-dire un schegraveme

- 114 -

S V O avec des arguments lexicaux et s V o avec des arguments pronominaux Eacutetant donneacute que cette

construction ne peut pas cumuler un sujet lexical et un sujet pronominal (Church 1981 88) et que

les arguments lexicaux semblent occuper la mecircme position que les arguments pronominaux on

pourrait ecirctre tenteacute de repreacutesenter le schegraveme geacuteneacuteral ainsi Ss V Oo Neacuteanmoins dans une

construction ditransitive lobjet pronominal se place toujours avant lobjet lexical (sect 423) Par

ailleurs le sujet lexical et le sujet pronominal noccupent pas la mecircme position syntaxique En effet

on peut inseacuterer ladverbe tamit (aussi) entre le sujet lexical et le verbe (69a) mais pas entre le sujet

pronominal et le verbe (69b) agrave moins dutiliser un pronom fort (69c) (Creissels 1991 194)

69) a Faatu tamit gis Samba (Creissels 1991 194)

Fatou aussi voir Samba

lsquoFatou aussi a vu Sambarsquo

b Mu tamit gis Samba (Creissels 1991 194)

S3SG aussi voir Samba

c Moom tamit gis Samba (Creissels 1991 194)

PRO3SG aussi voir Samba

lsquoElle aussi a vu Sambarsquo

Le subjonctif-conseacutecutif semploie dans les propositions narratives conseacutecutives exclamatives

injonctives les propositions introduites par un adverbe les compleacutetives sans compleacutementeur et les

subordonneacutees de but (58a-g) Il semble incompatible avec le suffixe de neacutegation -ul mais peut ecirctre

nieacute lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (60a-b) Enfin agrave

limperfectif le pronom objet se place avant le verbe lexical (63a-b)

243 Linfinitif

La question des formes verbales non finies du wolof na presque jamais eacuteteacute abordeacutee Neacuteanmoins

les grammairiens du XIXe siegravecle considegraverent geacuteneacuteralement que le radical nu dun verbe correspond agrave

linfinitif (Dard 1826 39 Kobegraves 1869 256-257) Par ailleurs Church (1981 37) eacutemet lhypothegravese

selon laquelle le morphegraveme a de deacutependance verbale correspondrait agrave la marque de linfinitif Seul

Voisin (2006) propose une analyse deacutetailleacutee de linfinitif

Linfinitif nest pas agrave proprement parler une construction preacutedicative En effet contrairement agrave

- 115 -

toutes les constructions que nous avons eacutetudieacutees jusquici il ne peut jamais constituer un eacutenonceacute

syntaxiquement autonome Il est toujours deacutependant dune construction preacutedicative et ne prend pas

dargument sujet Neacuteanmoins sa forme et ses emplois le rapprochent clairement du subjonctif-

conseacutecutif

On peut distinguer deux infinitifs en wolof linfinitif nu et linfinitif en a (Voisin 2006)

Linfinitif nu consiste en la base verbale nue Il a une fonction strictement nominale cest-agrave-dire

quil occupe une position syntaxique pouvant toujours ecirctre occupeacutee par un syntagme nominal Il

peut occuper la position syntaxique et la fonction de sujet dun verbe (70a-b) les positions

syntaxiques et les fonctions de sujet et dobjet du verbe geumln (ecirctre mieux) dans les constructions

comparatives (71a-b) (Voisin 2006) ainsi que la position syntaxique et la fonction de compleacutement

dune preacuteposition de but (72a-b)

70) a [Naan sagravengara] =dafa araam ci jullit (Diouf 2003 510)

boire alcool =FOCVS3SG ecirctre_illicite PREPPX musulman

lsquoBoire de lalcool est illicite pour un musulmanrsquo

b [Tagravepparka =gi] =dafa diis ci yow (Diouf 2003 333)

battoir =CLgDFDT =FOCVS3SG ecirctre_lourd PREPPX PRO2SG

lsquoLe battoir est lourd pour toirsquo

71) a [Wor sa ŋaamaan] =a geumln (Diouf 2003 271)

trahir POSS2SG circonciseur =FOCS ecirctre_mieux

[wor sa leacutettkat]

trahir POSS2SG tresserAGT

lsquoIl vaut mieux trahir ton circonciseur que trahir ton coiffeurrsquo

b [Peumlndub tagravenk] =a geumln [peumlndub taat] (Diouf 2003 278)

poussiegravereGEN pied =FOCS ecirctre_mieux poussiegravereGEN fesse

lsquoLa poussiegravere aux pieds est meilleure que la poussiegravere aux fessesrsquo

72) a Dantildeu =ko def ngir [baaxental suntildeu moom-sa-reacuteew] (Diouf 2003 58)

FOCVS1PL =O3SG faire pour commeacutemorer POSS1PL indeacutependance

lsquoNous lavons fait pour commeacutemorer notre indeacutependancersquo

- 116 -

b Dafay sagravekku ndimmal ngir [jumaa =ji] (Diouf 2003 243)

FOCVS3SGIPF collecter aide pour mosqueacutee =CLjDFPX

lsquoIl fait une collecte pour la mosqueacuteersquo

Agrave linfinitif nu lobjet lexical (70a-72a) et lobjet pronominal (73a-c) se placent apregraves le verbe

Cette construction preacutesente donc un schegraveme V o O cest-agrave-dire un schegraveme identique agrave celui du

subjonctif-conseacutecutif mais sans argument sujet

73) a [Wax =ko =ko] tiis =na =ma (Diouf 2003 504)

dire =O3SG =O3SG ennuyer =PRFS3SG =O1SG

lsquoCcedila me gecircne de le lui dirersquo

b Taal bu Yagravella taal (Diouf 2003 214)

foyer CLbREL Dieu allumer

sagravenni =ci matt =a geumln [fey =ko]

jeter =PRTFPX bois =FOCS ecirctre_mieux eacuteteindre =O3SG

lsquoUn feu que Dieu a allumeacute il vaut mieux y jeter du bois que de leacuteteindrersquo

c Dinaa =la telefone ngir [woacuteoral =ko] (Diouf 2003 372)

FUTS1SG =O2SG teacuteleacutephoner pour confirmer =O3SG

lsquoJe te teacuteleacutephonerai pour le confirmerrsquo

Par ailleurs les verbes agrave linfinitif nu peuvent porter des suffixes de deacuterivation (74a) (Voisin

2006) ainsi que le suffixe de passeacute (74b)

74) a [Def-al ntildeeneen =ntildei]=a =ko (Diouf 2003 301)

faire-BEN CLHUMPLALT =CLHUMPLDFPX=FOCS =O3SG

geumln-al [def-al =ma]

ecirctre_mieux-BEN faire-BEN =O1SG

lsquoIl preacutefegravere ecirctre geacuteneacutereux avec les autres plutocirct quavec moirsquo

(litt lsquoFaire pour les autres est mieux pour lui que faire pour moirsquo)

- 117 -

b [Wax-oon =la ne duma ntildeoacutew] (Diouf 2003 486)

dire-PAS =O2SG COMP FUTNEGS1SG venir

tiis-oon =na =ma

ennuyer-PAS =PRFS3SG =O1SG

lsquoTe dire que je ne viendrai pas mennuyaitrsquo

Linfinitif en a quant agrave lui est caracteacuteriseacute par une marque de deacutependance verbale a placeacutee

immeacutediatement avant le verbe (75a-b) Cet infinitif semploie exclusivement pour former des

preacutedicats complexes (Voisin 2006) Il occupe la fonction de compleacutement dun verbe (sect 82) Il peut

sagir soit dun verbe dont lobjet est obligatoirement un compleacutement phrastique agrave linfinitif (75a)

soit dun verbe dont lobjet peut ecirctre un compleacutement phrastique agrave linfinitif (75b) une compleacutetive

(75c) ou un syntagme nominal (75d)

75) a Dama xaw=a [sonn] (Diouf 2003 383)

FOCVS1SG ecirctre_un_peu=DV ecirctre_fatigueacute

lsquoJe suis un peu fatigueacutersquo

b Dama beumlgg=a [jubbanti tagravenku siis =bi] (Diouf 2003 175)

FOCVS1SG vouloir=DV redresser piedGEN chaise =CLbDFPX

lsquoJe veux redresser le pied de la chaisersquo

c Dama beumlgg [nga benn-bennal wax =ji] (Diouf 2003 67)

FOCVS1SG vouloir S2SG deacutetailler propos =CLjDFPX

lsquoJe veux que tu eacutenonces les propos point par pointrsquo

d Dama beumlgg [piis bu xonq] (Robert 1999 108)

FOCVS1SG vouloir tissu CLbREL ecirctre_rouge

lsquoJe veux un tissu qui soit rougersquo

Les preacutedicats complexes mettant en jeu un infinitif en a sont des constructions agrave monteacutee En

effet la structure argumentale de ces constructions deacutepend uniquement des proprieacuteteacutes de rection du

verbe agrave linfinitif (V2) alors que les arguments deacutependent syntaxiquement du verbe principal (V1)

Autrement dit il y a une imposition de la valence du V2 sur le V162 Ce pheacutenomegravene est mis en

62 Certains preacutedicats complexes fonctionnent diffeacuteremment Si V1 est un verbe de qualiteacute on constate que cest le V1

qui impose sa valence au preacutedicat complexe Lobjet attendu du V2 devient le sujet du V1 (Voisin 2006)

- 118 -

eacutevidence par la position des objets pronominaux (Voisin 2006) Dans les exemples (76a-c) les

arguments objets deacutependent seacutemantiquement du V2 mais leur position indique clairement quils sont

reacutegis syntaxiquement par le V1 ils occupent la position normale de lobjet pronominal du verbe fini

(76d)

76) a Xaw =nga =ma=a xantilde sama lam =yi (Diouf 2003 380)

faillir =PRFS2SG =O1SG=DV priver POSS1SG bracelet =CLyDFPX

lsquoTu as failli me priver de mes braceletsrsquo

b Beumlgg =naa =ko =ko=a xamal (Church 1981 38)

vouloir =PRFS1SG =O3SG =O3SG=DV savoirCAUS

lsquoJe veux le lui faire savoirrsquo

c Dama =ko beumlgg=a ji (Diouf 2003 97)

FOCVS1SG =O3SG vouloir=DV semer

lsquoJe veux la semerrsquo

d Dama =ko jagravepp (Diouf 2003 71)

FOCVS1SG =O3SG attraper

lsquoJe lai attrapeacutersquo

Ainsi le V1 perd ses proprieacuteteacutes de rection Ce pheacutenomegravene nest pas limiteacute aux arguments objets

mais concerne eacutegalement largument sujet Par exemple le verbe beumlgg (vouloir) a comme proprieacuteteacute

de rection de pouvoir prendre comme argument sujet uniquement une entiteacute animeacutee (77a) Or dans

les preacutedicats complexes mettant en jeu un infinitif en a le sujet syntaxique de beumlgg peut ecirctre une

entiteacute inanimeacutee deacutependant seacutemantiquement du V2 (77b-c) (Voisin 2006)

77) a Sawoor beumlgg =na dugub waaye du bay (Diouf 2003 305)

moineau vouloir =PRFS3SG mil mais FUTNEGS3SG cultiver

lsquoLe moineau aime le mil mais il ne cultive pasrsquo

(i) Woy wii neex =na=a deacuteggchant CLWDEMPX ecirctreagreacuteable =PRFS3SG=DV entendrelsquoCe chant est agreacuteable agrave entendrersquo

- 119 -

b Saxaar =a ngi beumlgg=a deqi (Diouf 2003 66)

train =PRSTPX vouloir=DV deacutemarrer

lsquoLe train est sur le point de deacutemarrerrsquo

c Saxaar deqi =na (Diouf 2003 102)

train deacutemarrer =PRFS3SG

lsquoLe train a deacutemarreacutersquo

Ce pheacutenomegravene de monteacutee des clitiques pourrait expliquer la position de lobjet pronominal dans

les eacutenonceacutes au subjonctif-conseacutecutif imperfectif Comme nous lavons vu plus haut le schegraveme s V o

nest jamais attesteacute agrave limperfectif Au subjonctif-conseacutecutif imperfectif lobjet pronominal se place

entre le verbe auxiliaire di et le verbe (78a-b) En fait le verbe auxiliaire di fonctionne comme le

verbe principal dune construction agrave monteacutee Si on le remplace par un verbe prenant un compleacutement

infinitival on constate que lobjet pronominal occupe la mecircme position (78c)

78) a Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)

FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL

lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo

b Dafa beumlgg [ma di =ko uuf] (Voisin 2010 146)

FOCVS3SG vouloir S1SG IPF =O3SG prendre_sur_les_genoux

lsquoIl veut que je le prenne souvent sur mes genouxrsquo

c Danga sarxolle [mu beumlgg =la toppandoo] (Diouf 2003 590)

FOCVS2SG faire_des_youyous S3SG vouloir =O2SG imiter

lsquoTu as fait des youyous et il a voulu timiterrsquo

La monteacutee des clitiques objets avec le verbe auxiliaire di ne se limite pas au subjonctif-

conseacutecutif On observe le mecircme pheacutenomegravene avec les autres constructions preacutedicatives (79-80) La

construction imperfective peut donc ecirctre analyseacutee comme un preacutedicat complexe dans lequel le verbe

auxiliaire di prend un compleacutement phrastique agrave linfinitif

79) a Dafa =leen di foacuteoxal (Diouf 2003 130)

FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer

lsquoIl les bluffersquo

- 120 -

b Dafa =leen beumlgg=a tuur leumlndeumlm (Diouf 2003 202)

FOCVS3SG =O2PL vouloir=DV verser obscuriteacute

lsquoIl veut vous duperrsquo

80) a Samay kanaara cox =laa =leen di dundale (Diouf 2003 85)

POSS1SGPL canard son =FOCCS1SG =O3PL IPF nourrir

lsquoMes canards je les nourris au sonrsquo

b Loolu rekk =laa =leen (Diouf 2003 378)

CLCHSGDEMPX seulement =FOCCS1SG =O2PL

beumlggoon=a xamal

vouloirPAS=DV savoirCAUS

lsquoCest seulement ccedila que je voulais vous faire savoirrsquo

Par ailleurs les verbes agrave linfinitif en a semblent incompatibles avec les suffixes flexionnels Seul

le verbe principal peut porter le suffixe de passeacute (81a-b) ou le suffixe de neacutegation (82a-b) (Diouf

2009 176)

81) a Dafa beumlgg-oon=a neumlpp-neumlppal biiru doom =ji (Diouf 2003 248)

FOCVS3SG vouloir-PAS=DV camoufler ventreGEN enfant =CLjDFPX

lsquoElle voulait garder secret la grossesse de sa fillersquo

b Dafa d-oon wat saaku =bi (Diouf 2003 362)

FOCVS3SG IPF-PAS traicircner sac =CLbDFPX

lsquoIl traicircnait le sacrsquo

82) a Dama beumlgg-ul=a dem (Diouf 2003 79)

FOCVS1SG vouloir-NEG=DV partir

lsquoJe ne veux pas partirrsquo

b Dama d-ul gis Omar (Diouf 2009 70)

FOCVS1SG IPF-NEG voir Omar

lsquoJe ne vois pas Omarrsquo

- 121 -

Enfin la marque de deacutependance verbale a est en distribution compleacutementaire avec le verbe

auxiliaire dimperfectif di (83a-b) ou sa forme clitique -y (84a-b) (Church 1981 38 Voisin 2006)

Eacutetant donneacute quaucun processus phonologique ne permet dexpliquer lincompatibiliteacute de a et di

Church (1981 39) considegravere que cette incompatibiliteacute est dordre seacutemantique Lopposition a di

serait une opposition aspectuelle ce qui implique que a serait une marque de perfectif

83) a Dafa beumlgg=a seacutey =ak moom (Diouf 2003 489)

FOCVS3SG vouloir=DV eacutepouser =avec PRO3SG

lsquoElle veut leacutepouserrsquo

b Dafa beumlgg di agravend =ak teumlggkat =yi (Diouf 2003 460)

FOCVS3SG vouloir IPF accompagner =avec musicien =CLyDFPX

lsquoIl aime cocirctoyer les musiciensrsquo

84) a Meumln =nga =ko=a indi (Diouf 2003 52)

pouvoir =PRFS2SG =O3SG=DV apporter

saa su =la neex-ee

moment CLsREL =O2SG plaire-ANT

lsquoTu peux lapporter quand tu voudrasrsquo

b Leacuteegi man =nga =ko=y (Diouf 2009 97)

maintenant pouvoir =PRFS2SG =O3SG=IPF

jox ntildeam yu deumlgeumlraale

donner aliment CLyREL ecirctre_relativement_solide

lsquoMaintenant tu peux lui donner des aliments relativement consistantsrsquo

Cependant la situation nest pas aussi claire En effet la marque de deacutependance verbale a est

parfois omise (Fal 1999 102) surtout en wolof veacutehiculaire (85a-b) De plus lopposition

aspectuelle entre les eacutenonceacutes comportant la marque a et ceux comportant le verbe auxiliaire di est

loin decirctre eacutevidente en quoi la proposition infinitive de lexemple (84a) est-elle perfective et celle

de lexemple (84b) imperfective Enfin selon Diouf (2009 174) di et a peuvent apparaicirctre dans la

mecircme proposition (notamment dans le parler gambien) (85c) Afin dexpliquer ce dernier cas Diouf

(2009 175) propose de distinguer la marque verbale a (qui apparaicirct dans les preacutedicats complexes)

de la marque de limperfectif a (allomorphe de di et -y)63 (85d)

63 Cette allomorphie est particuliegraverement freacutequente dans le wolof de Mauritanie (Dialo et al 1984 8)

- 122 -

85) a Dafa beumlgg wonewu (Diouf 2003 557)

FOCVS3SG vouloir montrerMOY

lsquoIl aime se faire remarquerrsquo

b Meumln =na =ko taneel (Diouf 2003 423)

pouvoir =PRFS3SG =O3SG ameacuteliorer

lsquoCcedila peut lameacuteliorerrsquo

c Bunt =bi =la Omar di=a ubbi (Diouf 2009 174)

porte =CLbDFPX =FOCC Omar IPF=DV fermerINV

lsquoCest la porte quOmar ouvrersquo

d Nantildeu=a ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)

OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX

lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo

On observe de grandes variations pour ces formes dun locuteur agrave lautre ou dun corpus agrave lautre

Cette variabiliteacute ne permet pas de confirmer ou dinfirmer avec certitude les hypothegraveses proposeacutees

par Church (1981) ou Diouf (2009) Dans leacutetat actuel de la langue nous pouvons dire que les

preacutedicats complexes peuvent contenir une marque a que nous analysons comme une marque de

deacutependance verbale (Voisin 2006) Par ailleurs certains locuteurs utilisent un allomorphe a du

verbe auxiliaire dimperfectif

244 Le relatif

Nous avons retenu leacutetiquette laquo relatif raquo pour deacutesigner la construction preacutesentant le schegraveme s o V

Cette eacutetiquette nest pas traditionnelle dans les descriptions du wolof Neacuteanmoins elle permet de

rendre compte de tous les emplois de cette construction En effet la construction preacutesentant le

schegraveme s o V peut toujours ecirctre analyseacutee comme une construction relative introduite par un

relativiseur

Comme nous lavons vu plus haut le relatif est utiliseacute dans les propositions relatives Il peut

sagir dune proposition relative agrave anteacuteceacutedent (86a-b)64 dune relative sans anteacuteceacutedent (86c) ou dune

64 Le relativiseur disparaicirct si lanteacuteceacutedent de la proposition relative est deacutetermineacute par un article deacutefini ou undeacuteterminant deacutemonstratif (Sall 2005 165)

- 123 -

relative eacutepitheacutetique (86d) (Sall 2005 165-171)

86) a Caabi =ji [nga =ma joxoon] reacuteer =na (Sall 2005 155)

cleacute =CLjDFPX S2SG =O1SG donnerPAS disparaicirctre =PRFS3SG

lsquoLa cleacute que tu mavais donneacutee a disparursquo

b Jaloore [ju =mu =fi def] (Diouf 1992 18)

exploit CLjREL =S3SG =CLLOCDFPX faire

dootu =fi am

FUTNEGITERS3SG =CLLOCDFPX avoir

lsquoUn exploit quil fait ici ne se reproduira pas icirsquo

c Demleen seeti [ku =leen neex] (Sall 2005 167)

allerIMPS2PL chercherAND CLHUMSGREL =O3PL plaire

lsquoAllez voir qui vous voulezrsquo

d Yeacutere [bu xonq] =la sol (Diouf 2003 391)

habit CLbREL ecirctre_rouge =FOCCS3SG porter

lsquoCest un habit rouge quil portersquo

Les relatives eacutepitheacutetiques se distinguent des autres relatives par la position du deacuteterminant deacutefini

Dans les relatives eacutepitheacutetiques le deacuteterminant deacutefini se place agrave la fin du syntagme (87a) alors que

dans les autres relatives il remplace le relativiseur (87b) (Nouguier-Voisin 2002 30)

87) a Reacuteeral =nga kayit [gu weex =gi] (Nouguier-Voisin 2002 30)

se_perdreCAUS =PRFS2SG papier CLgREL ecirc_blanc =CLgDFPX

lsquoTu as eacutegareacute le papier blancrsquo

b Reacuteeral =nga kayit =gi (Nouguier-Voisin 2002 30)

se_perdreCAUS =PRFS2SG papier =CLgDFPX

[ma tegoon =fii]

S1SG poserPAS =CLLOCDEMPX

lsquoTu as eacutegareacute le papier que javais poseacute icirsquo

Le relatif est eacutegalement utiliseacute dans les subordonneacutees de lieu (88a-b) et les subordonneacutees de

- 124 -

maniegravere (89a-b) Ces subordonneacutees sont formellement identiques aux relatives sans anteacuteceacutedent (Sall

2005 167) ne sen distinguant que dans le choix de la marque de classe du relativiseur En effet le

relativiseur est un joncteur65 (Creissels 2006a 207) constitueacute dune marque de classe et dune

voyelle deacuteictique La marque de classe peut soit saccorder avec lanteacuteceacutedent (86b) soit ecirctre une

marque de classe fonctionnelle Les classes fonctionnelles du wolof sont la classe des locatifs

(88a-b) la classe exprimant la maniegravere (89a-b) la classe des humains (90a-b) et la classe des

laquo choses raquo (91a-b) (Sall 2005 167-168)

88) a [Fu =mu =ko fekk] toroxal =ko (Diouf 2003 350)

CLLOCREL =S3SG=O3SG trouver ecirctre_miseacuterableCAUS =O3SG

lsquoOugrave quil le trouve il lhumiliersquo

b Xamuloo sax [fi =nga =ko jeacutel-e] (Diouf 2003 167)

savoirPRFNEGS2SG mecircme CLLOCDFPX =S2SG=O3SG prendre-APPL

lsquoTu ne peux pas timaginer de quelle situation tu las tireacutersquo

(litt lsquoTu ne sais mecircme pas dougrave tu las tireacutersquo)

89) a Defleen [nu =ngeen =ko beumlgg-e] (Diouf 2003 487)

faireIMPS2PL CLMNRREL =S2PL =O3SG vouloir-APPL

lsquoFaites comme vous lentendezrsquo

b Deful liggeacuteey =bi (Church 1981 90)

fairePRFNEGS3SG travail =CLbDFPX

[na mu =ko war-e=a def]

CLMNRDFDT S3SG =O3SG devoir-APPL=DV faire

lsquoIl na pas fait le travail comme il convenait de le fairersquo

90) a [Ku =ko gis] dinaa =ko neexal (Diouf 2003 246)

CLHUMSGREL =O3SG voir FUTS1SG =O3SG ecirctre_agreacuteableCAUS

lsquoCelui qui le voit je le reacutecompenserairsquo

65 laquo Les joncteurs relatifs comme les pronoms relatifs peuvent varier en accord avec le nom de domaine eteacuteventuellement le repreacutesenter dans des relatives libres mais agrave la diffeacuterence des pronoms relatifs ils ne varient passelon le rocircle relativiseacute et napparaissent jamais agrave linteacuterieur dun syntagme devant sanalyser comme un constituantde la relative en position non canonique raquo (Creissels 2006b 229)

- 125 -

b Won =ma [ki =la =ko jaay] (Diouf 2003 472)

monterIMPS2SG =O1SG CLHUMSGDFPX =O2SG =O3SG vendre

lsquoDeacutesigne-moi celui qui te la vendursquo

91) a [Lu =ma =ko wax] mu suufental =ko (Diouf 2003 527)

CLCHSGREL =S1SG =O3SG dire S3SG minimiser =O3SG

lsquoTout ce que je lui dis il le minimisersquo

b Yaa xam [la nga =ko wax] (Diouf 2003 191)

PRO2SGFOCS savoir CLCHSGDFDT S2SG =O3SG dire

lsquoCest toi qui sais ce que tu lui as disrsquo

La voyelle du relativiseur est lieacutee agrave la reacutefeacuterentialiteacute La voyelle est -i ou -a lorsquil est reacutefeacuterentiel

(88b-91b) alors que la voyelle est -u lorsquil est non reacutefeacuterentiel (88a-91a) (Nouguier-Voisin 2002

27 Sall 2005 156)

Tableau 214 - Inventaire des relativiseurs66

Humain ChoseLocatif Maniegravere Autre

SG PL SG PL

k ntilde l y f n b

Non reacutefeacuterentiel -u ku ntildeu lu yu fu nu bu

Reacutefeacuterentiel -i ki ntildei li yi fi ni bi

-a ka ntildea la ya fa na ba

Le relatif est eacutegalement utiliseacute dans certaines interrogatives partielles Il existe deux types

dinterrogative partielle en wolof Le premier met en jeu un pronom interrogatif CL-an en position

focus la construction est donc soit une focalisation du sujet (92a) soit une focalisation du

compleacutement (92b) Le second type dinterrogative partielle est formellement identique aux relatives

sans anteacuteceacutedent En effet il met en jeu un pronom interrogatif identique au relativiseur dans une

construction relative (93a-b)

92) a Kan =moo =ko def (Diouf amp Yaguello 1991 95)

CLHUMSGQ =PRO3SGFOCS =O3SG faire

lsquoQui la fait rsquo

66 Pour un inventaire complet des relativiseurs voir Fal et al (1990 20) ou Ma Cisseacute (2007 56-57)

- 126 -

b Lan =nga =ko defare (Diouf 2003 96)

CLCHSGQ =FOCCS2PL =O3SG fabriquer

lsquoAvec quoi las-tu fait rsquo

93) a Ku =ko def (Diouf amp Yaguello 1991 95)

CLHUMSGREL =O3SG faire

lsquoQui la fait rsquo

b Lu =mu =la dig (Diouf 2003 104)

CLCHSGREL =S3SG =O2SG promettre

lsquoQuest-ce quil ta promis rsquo

Concernant la forme de la construction relative on remarque que le pronom sujet de deuxiegraveme

personne du singulier forme un amalgame avec le relativiseur non reacutefeacuterentiel Le ng- initial du

pronom nga chute et la voyelle -a fusionne avec la voyelle -u du relativiseur (94a-c) (Sall 2005

194-195) Cet amalgame sobserve freacutequemment avec les classes fonctionnelles (94a-b) (Sall 2005

194) ainsi que dans la locution CL-oo xam ne (94c) (Diouf 1992 15-16)

94) a Loo =ko tontu (Diouf 2003 559)

CLCHSGRELs2SG =O3SG reacutepondre

lsquoQue lui as-tu reacutepondu rsquo

b Xawma foo =ko jeacutel-e (Diouf 2003 355)

savoirPRFNEGS1SG CLLOCRELS2SG =O3SG prendre-APPL

lsquoJe ne sais pas ougrave tu las trouveacutersquo

c Jeacutend =naa woto boo xam ne (Diouf 2009 61)

acheter =PRFS1SG voiture CLbRELS2SG savoir COMP

dina =la neex

FUTS3SG =O2SG plaire

lsquoJai acheteacute une voiture qui te plairarsquo

(litt lsquoJai acheteacute une voiture qui tu sais quelle te plairarsquo)

Par ailleurs la position des arguments du verbe dans la construction relative est identique agrave celle

- 127 -

de loptatif du prohibitif et de la focalisation du compleacutement (sect 44) En effet si le sujet de la

construction est lexical et lobjet est pronominal alors lobjet se place avant le sujet (95a-b)

95) a Yelloo =nga [li =la sa jeumlkkeumlr defal] (Diouf 2003 559)

meacuteriter =PRFS2SG CLCHSGDFPX =o2SG POSS2SG eacutepoux faireBEN

lsquoTu es digne de ce que ton eacutepoux a fait pour toirsquo

b Mu =ngi ne duŋŋ (Diouf 2003 355)

PRO3SG=PRSTPX dire IDEO

[ni =ko ndeyam jur-e =woon]

CLMNRDFPX =O3SG megraverePOSS3SG faire_naicirctre-APPL =PAS

lsquoIl est tout nu tel que sa megravere lavait mis au mondersquo

La contraction du pronom de deuxiegraveme personne du singulier ainsi que la position des arguments

du verbe rapprochent le relatif des constructions preacutedicatives En effet le relativiseur a un

comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des marqueurs preacutedicatifs na (optatif) bu

(prohibitif) et la (focalisation du compleacutement) De plus comme ces marqueurs il sagit dun

morphegraveme monosyllabique de structure CV Neacuteanmoins la construction relative nest pas agrave

proprement parler une construction preacutedicative Comme linfinitif le relatif ne peut jamais

constituer un eacutenonceacute syntaxiquement autonome Agrave lexception de ses emplois dans les interrogatives

partielles il est toujours deacutependant dune construction preacutedicative

Enfin le relatif est compatible avec le suffixe de passeacute (96a) le suffixe de neacutegation (96b) ainsi

quavec lauxiliaire dimperfectif (96c-d) Lajout de ces morphegravemes naltegravere pas la forme de la

construction

96) a Mbiskit =mi [nga =ko jox-oon] =la ŋeumlb (Diouf 2003 272)

biscuit =CLmDFPX S2SG =o3SG donner-PAS =FOCCS3SG fermer_le_poing

lsquoCest le biscuit que tu lui avais donneacute quil serre dans la mainrsquo

b Daqaar du wuum [ku =ko macc-ul] (Diouf 2003 93)

tamarin FUTNEGS3SG agacer CLHUMSGREL =O3SG sucer-NEG

lsquoLe tamarin nagace pas les dents de celui qui ne la pas suceacutersquo

- 128 -

c Loolu =laa amoon (Diouf 2003 362)

CLCHSGDEMPX =FOCCS1SG avoirPAS

[lu =ma =leen di wax]

CLCHSGREL =S1SG =O2PL IPF dire

lsquoCest ccedila que javais agrave vous dirersquo

d Xamuma [lu =mu =ko=y doye] (Diouf 2003 292)

savoirPRFNEGS1SG CLCHSGREL =S3SG =O3SG=IPF faire_de

lsquoJe ne sais pas ce quil va en fairersquo

Pour reacutesumer le relatif preacutesente un schegraveme p s o S V O cest-agrave-dire un schegraveme p S V O avec des

arguments lexicaux et p s o V avec des arguments pronominaux le relativiseur ayant un

comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des marqueurs preacutedicatifs Il est compatible avec

le suffixe de neacutegation -ul (96b) et la preacutesence de lauxiliaire dimperfectif di naltegravere pas sa structure

(96c-d) Toutes ces caracteacuteristiques rapprochent le relatif des constructions preacutedicatives

Neacuteanmoins contrairement agrave ces derniegraveres il ne peut jamais constituer un eacutenonceacute autonome Il

semploie uniquement dans les propositions relatives (86a-d) les subordonneacutees de lieu (88a-b) les

subordonneacutees de maniegravere (89a-b) et les interrogatives partielles (93a-b)

245 Le cas des subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques

Les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques constituent lun des aspects de la langue les plus

eacutetudieacutes Church (1981) Sall (2005) et Perrin (2005) leur consacrent chacun un chapitre et Dialo

(1981a) et Diouf (2009) considegraverent quelles constituent des constructions preacutedicatives agrave part

entiegravere Ces constructions ont eacuteteacute beaucoup eacutetudieacutees car elles preacutesentent certaines caracteacuteristiques

qui posent des problegraveme agrave lanalyse En effet dun point de vue morphosyntaxique elles sont assez

similaires aux constructions relatives mais elles preacutesentent eacutegalement des particulariteacutes qui les

distinguent clairement des relatives

Les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont formellement semblables au relatif En effet

il sagit de propositions deacutependantes introduites par des ldquoconjonctionsrdquo morphologiquement

identiques aux relativiseurs (97a-d) De plus le pronom sujet de deuxiegraveme personne du singulier

forme un amalgame avec cette conjonction si elle finit par la voyelle -u (97c) On remarque

eacutegalement quelles preacutesentent un schegraveme p s o S V O (97a-b) Enfin elles sont compatibles avec le

- 129 -

suffixe de neacutegation (97c) et lauxiliaire dimperfectif (97d)

97) a Dafa ntildeagravelli [bi mu =la seacuteen-ee] (Diouf 2003 265)

FOCVS3SG deacutetaller TEMP S3SG =O2SG apercevoir-ANT

lsquoIl a deacutetaleacute quand il ta aperccedilursquo

b [Su =ko baay =ji xul-ee] (Diouf 2003 50)

HYP =O3SG pegravere =CLjDFPX sermonner-ANT

mu jagraveng bu baax

S3SG eacutetudier CbREL ecirctrebien

lsquoSi son pegravere le sermonne il eacutetudie bienrsquo

c [Boo am-ul-ee ndox] (Diouf 2003 344)

TEMPs2SG avoir-NEG-ANT eau

meumln =nga=a tiim

pouvoir =PRFS2SG=DV se_purifier_au_sable

lsquoQuand tu nas pas deau tu peux te purifier en appliquant les mains au solrsquo

d [Ba nga=y jeacutend keumlr =gi] (Diouf 2003 204)

TEMP S2SG=IPF acheter maison =CLgDFPX

maa lijjanti leacutepp

PRO1SGFOCS deacutemecircler CLCHSGTOT

lsquoQuand tu achetais la maison cest moi qui ai fait toutes les deacutemarchesrsquo

Neacuteanmoins les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques preacutesentent plusieurs particulariteacutes qui

les distinguent du relatif Tout dabord le verbe de ces propositions doit prendre un suffixe -ee (97a-

c) Lanalyse de ce suffixe est relativement probleacutematique dans la mesure ougrave il est incompatible

avec le morphegraveme de passeacute -oon dont il occupe la place (98a) mais eacutegalement avec le verbe

auxiliaire -y (98b) ou di (98c) sauf lorsque celui-ci est utiliseacute comme copule (98d) (Sall 2005

193) De plus le suffixe -ee est compatible avec le suffixe de neacutegation -ul (97c) mais il est

facultatif (98e) (Dialo 1981a 28) Nous adoptons lanalyse de Fal (1999 122) et Perrin (2005

369) agrave savoir que le suffixe -ee est un marqueur danteacuterioriteacute cest-agrave-dire que laquo loccurrence agrave

laquelle reacutefegravere la proposition subordonneacutee succegravede dans le temps agrave loccurrence agrave laquelle reacutefegravere la

proposition principale raquo (Perrin 2005 369) Par opposition lauxiliaire dimperfectif laquo marque la

concomitance entre les deux propositions raquo (Perrin 2005 369) Enfin dans les subordonneacutees

- 130 -

hypotheacutetiques le suffixe -oon fait office de marqueur dirrealis (passeacute ou preacutesent) (Fal 1999 122-

123 Perrin 2005 373)67

98) a Man [su =ma am-oon abiyoŋ] may =la =ko (Perrin 2008 82)

PRO1SG HYP =S1SG avoir-PAS avion offrir =O2SG =O3SG

lsquoMoi si javais un avion je te laurais donneacutersquo

b [Su =ma=y daŋ-daŋi] yaa tax (Diouf 2003 93)

HYP =S1SG=IPF se_deacutemener PRO2SGFOCS causer

lsquoSi je me deacutemegravene cest agrave cause de toirsquo

c Xaritoo =ngi geumln=a neex [su =ngeen di demlante] (Diouf 2003 100)

amitieacute=PRSTPX ecirc_plus=DV ecirc_bien HYP =S2PL IPF allerRECP

lsquoLamitieacute cest encore mieux si vous vous freacutequentezrsquo

d [Su d-ee sa weumlrseumlg] dinga =ci jot (Diouf 2003 368)

HYPS3SG COP-ANT POSS2SG chance FUTS2SG =PRTFPX atteindre

lsquoSi cest ta chance tu laurasrsquo

e [Soo ntildeoacutew-ul] dinantildeu =la alamaan (Diouf 2003 47)

HYPS2SG venir-NEG FUTS3PL =O2SG mettre_agrave_lamende

lsquoSi tu ne viens pas tu seras mis agrave lamendersquo

Comme nous lavons vu plus haut les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont

introduites par des conjonctions morphologiquement identiques aux relativiseurs Il sagit de ba bi

et bu dans les subordonneacutees temporelles et bu et su dans les subordonneacutees hypotheacutetiques (97a-d)

(Perrin 2008) Agrave la diffeacuterence des relativiseurs des relatives sans anteacuteceacutedent les consonnes b- et s-

de ces conjonctions ne correspondent pas agrave des marques de classes fonctionnelles b- ne correspond

pas agrave une classe exprimant le temps et s- ne correspond pas agrave une classe exprimant lhypothegravese

Cependant plusieurs indices tendent agrave montrer que les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques

sont des issues de la grammaticalisation de propositions relatives En effet laquo on observe en wolof

un certain nombre deacutenonceacutes ougrave un substantif fonctionnant comme circonstant temporel apparaicirct

suivit dune proposition relative en fonction de compleacutement du nom raquo (Perrin 2005 469) Ce nom

doit neacutecessairement faire reacutefeacuterence agrave une peacuteriode de temps et le verbe porte le suffixe danteacuterioriteacute

67 Pour une analyse deacutetailleacutee de ces constructions voir Perrin (2008)

- 131 -

(99a-b)68

99) a Beacutes [boo ntildeeumlw-ee sama keumlr] (Church 1981 132)

jour CLbREL2SG venir-ANT POSS1SG maison

dinanu antildee ceebu jeumln

FUTS1PL deacutejeunerAPPL rizGEN poisson

lsquoLe jour ougrave tu viendras chez moi nous deacutejeunerons de riz au poissonrsquo

b Saa [soo reacuteccu-ee] Yagravella baal =la (Church 1981 132)

moment CLsREL2SG se_repentir-ANT Dieu pardonner =O2SG

lsquoSi tu te repends Dieu te pardonnersquo

(litt lsquoLe moment ougrave tu te repends Dieu te pardonnersquo)

Par ailleurs dans les subordonneacutees temporelles le passeacute se marque agrave laide du marqueur

deacuteictique sur la conjonction (sect 33) Ainsi laquo la conjonction bi localise la proposition subordonneacutee

temporelle dans le preacutesent ou le passeacute immeacutediat La conjonction ba localise la proposition dans le

passeacute lointain ou reacutevolu La conjonction bu quant agrave elle marque une indeacutetermination une

neutralisation spatio-temporelle raquo (Sall 2005 211) En reacutealiteacute la voyelle de la conjonction nest pas

agrave proprement parler une marque de temps mais doit plutocirct ecirctre analyseacutee comme une marque de

reacutefeacuterentialiteacute (Church 1981 135-137) Les voyelles -i et -a eacutetant reacutefeacuterentielles les conjonctions bi

et ba se reacutefegraverent agrave un eacuteveacutenement qui a deacutejagrave eu lieu agrave un moment preacutecis (97ad) Cela explique

pourquoi le suffixe -oon dirrealis est incompatible avec ces deux conjonctions La voyelle -u eacutetant

non reacutefeacuterentielle la conjonction bu reacutefegravere agrave un eacuteveacutenement habituel ou pas encore reacutealiseacute (97c)

(Church 1981 135) Ces donneacutees sont parfaitement coheacuterentes avec notre hypothegravese selon laquelle

les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont issues de la grammaticalisation de propositions

relatives En effet les conjonctions bi et ba sont issues des deacuteterminants deacutefinis bi et ba et renvoient

donc agrave un moment preacutecis et deacutefini (100a-b) alors que la conjonction bu est issue du relativiseur non

reacutefeacuterentiel bu et renvoie donc agrave un moment non speacutecifieacute (100c)

68 Dautres noms sont attesteacutes waxtu w- (moment) jamano j- (eacutepoque) yoon w- (fois) ngoon g- (apregraves-midi) at m-(anneacutee) (Church 1981 132 Perrin 2005 470)

- 132 -

100) a Beacutes =bi [mu ntildeeumlw-ee] ci man (Perrin 2005 472)

jour =CLbDFPX S3SG venir-ANT PREPPX PRO1SG

ma ne =ko dinaa =la consulter

S1SG dire =O3SG FUTS1SG =O2SG consulter

lsquoLe jour ougrave il est venu me voir je lui ai dit que je te consulterairsquo

b Beacutes =ba [mu agsi-ee] (Perrin 2005 472)

jour =CLbDFDT S3SG arriver-ANT

indil =na =ma ndawtal

apporterBEN =PRFS3SG =O1SG cadeau

lsquoLe jour ougrave il est venu il ma apporteacute un cadeaursquo

c Beacutes [boo am-ee xaalis] jox =ma =ci (Perrin 2005 471)

jour CLbRELS2SG avoir-ANT argent donner =O1SG =PRTFPX

lsquoLe jour ougrave tu auras de largent tu men donnerasrsquo

Enfin contrairement au relatif on remarque que le pronom de troisiegraveme personne du singulier

nest pas exprimeacute dans les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques si la conjonction est non

reacutefeacuterentielle (101a-b) mais il apparaicirct si la conjonction est reacutefeacuterentielle (101c-d)

101) a [Bu dikk-ee] nga ne =ko (Diouf 2003 123)

TEMPS3SG venir-ANT S2SG dire =O3SG

mu fej garab =yi

S3SG eacutelaguer arbre =CLyDFPX

lsquoQuand il viendra tu lui diras deacutelaguer les arbresrsquo

b [Su dem-ee ci agravell =bi] (Diouf 2003 474)

HYPS3SG partir-ANT PREPPX brousse =CLbDFPX

gaynde =yi yagravepp =ko

lion =CLyDFPX deacutevorer =O3SG

lsquoSil va dans la brousse les lions vont le deacutevorerrsquo

c [Bi mu agsi-ee] ntildeeacutepp jog (Diouf 2003 70)

TEMP S3SG arriver-ANT CLHUMPLTOT se_lever

lsquoQuand il arriva tous se levegraverentrsquo

- 133 -

d [Ba mu dem-ee Popongin daaw] (Diouf 2003 386)

TEMP S3SG partir-ANT Popenguine an_dernier

dafa xeumlmoon

FOCVS3SG seacutevanouirPAS

lsquoQuand il est alleacute agrave Popenguine lan dernier il seacutetait eacutevanouirsquo

Pour reacutesumer les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont formellement semblables au

relatif il sagit de propositions deacutependantes introduites par des conjonctions morphologiquement

identiques aux relativiseurs le pronom sujet de deuxiegraveme personne du singulier forme un amalgame

avec cette conjonction si elle est non reacutefeacuterentielle elles preacutesentent un schegraveme p s o S V O et elles

sont compatibles avec le suffixe de neacutegation et lauxiliaire dimperfectif Cependant elles preacutesentent

plusieurs particulariteacutes qui les distinguent du relatif preacutesence dun suffixe verbal danteacuterioriteacute -ee

valeur dirrealis donneacutee au suffixe -oon valeur speacutecifique des marques de classe b- et s- et absence

du pronom personnel de troisiegraveme personne avec les conjonctions non reacutefeacuterentielles Par ailleurs on

peut relever des constructions formellement identiques aux subordonneacutees temporelles et

hypotheacutetiques mais ougrave lon note la preacutesence dun nom anteacuteceacutedent faisant reacutefeacuterence agrave une peacuteriode de

temps Ces constructions tendent agrave montrer que les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont

issues de la grammaticalisation de propositions relatives

25 Les constructions focalisantes

Le wolof dispose de constructions speacutecifiques pour exprimer le focus Ces constructions

focalisantes sont probablement les constructions preacutedicatives les plus eacutetudieacutees Cependant il ny a

pas de consensus sur la liste des constructions consideacutereacutees comme focalisantes Church (1981)

identifie quatre constructions focalisantes focalisation du sujet preacutesentatif focalisation du

compleacutement et focalisation du verbe Robert (1991 170-171 2000 231) nen identifie que trois

rejetant lanalyse du preacutesentatif comme une construction focalisante Diouf (2009) propose une

analyse tregraves diffeacuterente Il traite la construction que nous avons appeleacutee laquo parfait raquo comme une

focalisation du verbe69 et ne considegravere pas notre construction laquo focalisation du verbe raquo comme une

construction focalisante lanalysant mecircme dans une preacuteceacutedente publication (Diouf 1985 39-44)

comme la forme de base du systegraveme verbal non marqueacutee du point de vue de la focalisation et

69 Nous reviendrons sur cette analyse de Diouf (2009) en (sect 132)

- 134 -

correspondant agrave un laquo mode deacutenonciation neutre raquo

Il ny a pas non plus de consensus concernant lanalyse de la structure de ces constructions Ainsi

deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees Selon lanalyse laquo classique raquo (Dialo 1981a Church 1981 Robert

1991 Fal 1999) les constructions focalisantes sont des constructions preacutedicatives correspondant agrave

des tiroirs verbaux de la langue et doivent donc ecirctre traiteacutees comme les autres constructions

preacutedicatives Selon lanalyse deacutefendue par NDiaye-Correacuteard (2003) Kihm (1999) et Torrence

(2013b) les constructions focalisantes ne correspondent pas agrave des tiroirs verbaux dans la langue

Ces auteurs considegraverent que le focus est exprimeacute par une construction syntaxique complexe cest-agrave-

dire une cliveacutee

Suivant Church (1981) nous identifions quatre constructions preacutedicatives focalisantes

focalisation du sujet preacutesentatif focalisation du compleacutement et focalisation du verbe Concernant

lanalyse de la structure de ces constructions nous deacutefendons lanalyse classique Nous justifions ces

choix dans la synthegravese en (sect 257)

251 La notion de focus

Lambrecht (1994 213) deacutefini le focus comme la composante seacutemantique dune proposition

pragmatiquement structureacutee ougrave lassertion (la ldquonouvellerdquo information) diffegravere de la preacutesupposition

(information consideacutereacutee comme deacutejagrave connue) Il distingue trois types de focus (ou structures

focales)

bull Focus sur le preacutedicat (predicate focus) porte sur le preacutedicat de la phrase

bull Focus sur un argument (argument focus) porte sur un argument ou un satellite du verbe de

la phrase

bull Focus sur la phrase (sentence focus) porte sur la phrase dans son ensemble

Lambrecht (1994) propose une typologie des phrases selon leur structure informationnelle Il

identifie trois types de phrases (ou cateacutegories pragmatiques) correspondant aux trois structures

focales cateacutegoriques identificationnelles et theacutetiques

Dans les phrases cateacutegoriques ou topique-commentaire (topic-comment) le sujet est preacutesupposeacute

(topique) et le preacutedicat est en focus (commentaire) Elles preacutesentent donc une structure focale de

type laquo focus sur le preacutedicat raquo

- 135 -

Type de phrase

Cateacutegorique(Focus Preacutedicat)

Theacutetique(Focus Phrase)

Identificationnelle(Focus Argument)

Eacuteveacutenementielle Preacutesentationnelle

Deacuteictique Existentielle

Figure 21 - Cateacutegories pragmatiques selon Lambrecht (1994)

Les phrases identificationnelles quant agrave elles servent agrave identifier un reacutefeacuterent comme largument

manquant dune proposition Dans ce type de phrase le focus porte sur largument manquant Elles

preacutesentent donc une structure focale de type laquo focus sur un argument raquo

Les phrases theacutetiques servent laquo agrave preacutesenter une entiteacute une proposition ou un eacutetat de choses en

tant queacuteleacutement dinformation nouveau pour le discours raquo (Cornish 2008 122) Dans ce type de

phrase aucun eacuteleacutement nest preacutesupposeacute le focus porte sur lensemble de la proposition elles

preacutesentent donc une structure focale de type laquo focus sur la phrase raquo Parmi les phrases theacutetiques

Lambrecht (1994 144) distingue les phrases preacutesentationelles et les phrases eacuteveacutenementielles Les

phrases eacuteveacutenementielles (event-reporting) introduisent un eacuteveacutenement qui implique un reacutefeacuterent qui

est nouveau dans le discours ou qui est consideacutereacute comme tel dapregraves le contexte (Lambrecht 2000a

623) Les phrases preacutesentationnelles introduisent un nouveau reacutefeacuterent dans le discours Elles

comprennent les phrases deacuteictiques qui indiquent un reacutefeacuterent dans le monde externe du discours et

les phrases existentielles qui introduisent un reacutefeacuterent dans le monde interne du discours (Lambrecht

1994 179)

Le concept des laquo deux mondes du discours raquo permet de rendre compte de certaines proprieacuteteacutes

formelles et pragmatiques des eacutenonceacutes preacutesentationnels (Lambrecht 2000b 54) Selon Fillmore

(1976) repris par Lambrecht (1994 36-43 2000b 54-55) lunivers du discours est diviseacute en deux

mondes discursifs le monde externe et le monde interne Le monde externe du discours correspond

- 136 -

au monde dans lequel le discours est produit Il comprend les participants cest-agrave-dire le locuteur et

le(s) allocutaire(s) ainsi que la situation deacutenonciation cest-agrave-dire le temps le lieu et les

circonstances dans lesquelles se deacuteroule le discours (Lambrecht 1994 36) Le monde interne du

discours correspond au monde produit par le discours Il comprend les uniteacutes linguistiques (mots

locutions phrases) ainsi que leur sens Il sagit dun monde abstrait de repreacutesentations linguistiques

creacuteeacute dans la tecircte des allocutaires via le processus de communication (Lambrecht 1994 37)

Hyman amp Watters (1984 237-244) proposent une typologie du focus Ils distinguent quatre

paramegravetres reacutealisation type porteacutee et controcircle

Reacutealisation du focus Le focus peut se reacutealiser de trois maniegraveres diffeacuterentes La reacutealisation peut ecirctre

prosodique geacuteneacuteralement en placcedilant un accent sur leacuteleacutement focaliseacute Elle peut eacutegalement ecirctre

morphologique un affixe ou un mot grammatical est utiliseacute pour marquer le focus Enfin elle peut

ecirctre syntaxique par une modification de lordre des mots ou par le biais dune construction

speacutecifique comme la cliveacutee

Type de focus Hyman amp Watters (1984 239-241) distinguent deux types de focus assertif et

contrastif Le focus assertif permet de mettre une emphase sur une information nouvelle consideacutereacutee

comme non connue de linterlocuteur En revanche le focus contrastif permet deacutetablir un contraste

entre leacuteleacutement focaliseacute et un autre eacuteleacutement consideacutereacute comme connu de linterlocuteur

Porteacutee du focus Comme nous lavons vu plus haut on peut distinguer trois types de focus selon

leur porteacutee Le focus peut porter sur un argument ou un satellite du verbe de la phrase (focus

argument) sur le preacutedicat de la phrase (focus preacutedicat) ou sur la phrase dans son ensemble (focus

phrase)

Controcircle du focus Hyman amp Watters (1984 242-244) distinguent le controcircle pragmatique du

controcircle grammatical Dans le premier cas le locuteur deacutetermine leacuteleacutement qui doit ecirctre focaliseacute

alors que dans le second cas des contraintes grammaticales imposent la focalisation dun eacuteleacutement

252 La focalisation du sujet

Cette construction est appeleacutee laquo subjectif raquo par Fal (1999) laquo modaliteacute ldquoemphatiquerdquo raquo par

Sauvageot (1965) laquo emphatique du sujet raquo par Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et

laquo mise en relief du sujet raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du

sujet raquo emprunteacute agrave Robert (2010a) et Ndiaye-Correacuteard (2003) en raison de son utilisation dans les

- 137 -

travaux portant sur la structure informationnelle tels que Lambrecht (1994) Lutilisation du terme

laquo focalisation raquo est plus preacutecise alors que les termes laquo emphatique raquo et laquo mise en relief raquo pourraient

englober la topicalisation

La focalisation du sujet se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif a placeacute

immeacutediatement apregraves le sujet ce dernier se situant en tecircte de phrase

Tableau 215 - Paradigme personnel de la focalisation du sujet

SG PLSG PL

SUJ MP SUJ MP

1 ma= a nu= a maa noo

2 ya= a yeen= a rarr yaa yeena

3 mu= a ntildeu= a moo ntildeoo

Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p V O avec des arguments lexicaux (102a)

et s-p =o V avec des arguments pronominaux (102b)

102) a S =p V O

Omar =a lekk ceeb

Omar =FOCS manger riz

lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

b s=p =o V

Ma=a =ko lekk

PRO1SG=FOCS =O3SG manger

lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

La valeur principale de cette construction est une focalisation du sujet du preacutedicat Elle est

utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (103a) ou contrastif du sujet (103b)

103) a Ku =la bind bataaxal bii (Robert 1991 123)

CLHUMSGREL =O2SG eacutecrire lettre =CLbDEMPX

Daba =mu=a =ma =ko bind

Daba =PRO3SG=FOCS =O1SG =O3SG eacutecrire

lsquoQui ta eacutecrit cette lettre Cest Daba qui me la eacutecritersquo

- 138 -

b Meumlnuma =leen=a fey (Church 1981 69)

pouvoirPRFNEGS1SG =O2PL=DV payer

Yagravella =mu=a =leen man=a fey

Dieu =PRO3SG=FOCS =O2PL pouvoir=DV payer

lsquoJe ne peux pas vous le rendre cest Dieu (seul) qui peut vous le rendrersquo

Robert (1991 122-129 2000 238-240) identifie plusieurs autres emplois de cette construction

qui bien que lieacutes agrave la valeur de focalisation ne peuvent ecirctre analyseacutes comme des cas de focalisation

du sujet Cette construction peut ecirctre utiliseacutee dans des phrases eacuteveacutenementielles (event-reporting)

pour justifier ou expliquer une situation (104a-b)

104) a Lutax nga=y liggeacuteeysi =fi (Robert 1991 125)

pourquoi S2SG=IPF travaillerVEN =CLLOCDFPX

Patron =bi =mu=a =ma taamu

patron =CLbDFPX =PRO3SG=FOCS =O1SG preacutefeacuterer

lsquoPourquoi viens-tu travailler ici Cest le patron qui ma deacutesigneacutersquo

b Lu xeew =fi (Robert 1991 127)

CLCHSGREL avoir_lieu =CLLOCDFPX

Musaa =mu=a doacuteor Ndey

Moussa =PRO3SG=FOCS frapper Ndegraveye

lsquoQuest-ce qui se passe ici Cest Moussa qui a frappeacute Ndegraveye rsquo

Elle peut eacutegalement ecirctre utiliseacutee pour former une exclamative avec une emphase sur le preacutedicat

(105a-b) ce type demploi eacutetant limiteacute aux verbes deacutenotant une qualiteacute Ces phrases peuvent

eacutegalement ecirctre analyseacutees comme des phrases eacuteveacutenementielles selon la deacutefinition que nous avons

poseacutee en (sect 251) En effet comme le remarque Robert (2000 243) ces phrases ne sarticulent agrave

aucun eacutenonceacute preacutealable Elles introduisent donc un eacuteveacutenement qui implique un reacutefeacuterent qui est

nouveau dans le discours Les phrases eacuteveacutenementielles eacutetant des phrases theacutetiques la construction a

ici une valeur de focalisation de phrase70

105) a Ceeb =bii =mu=a neex (Robert 1991 127)

riz =CLbDEMPX =PRO3SG=FOCS ecirctre_agreacuteable

lsquoQuest-ce quil est bon ce riz rsquo

70 Nous reviendrons sur cette valeur (sect 257)

- 139 -

b Xale bii =mu=a luqnjuur (Diouf 2003 207)

enfant =CLbDEMPX =PRO3SG=FOCS ecirctre_impertinent

lsquoComme il est impertinent cet enfant rsquo

De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Avec la

copule verbale di elle permet de construire un preacutedicat eacutequatif (106a) Dans cet emploi la valeur de

la construction est comparable agrave un focus contrastif Plusieurs auteurs eacutevoquent eacutegalement la

possibiliteacute dutiliser cette construction pour former un preacutedicat eacutequatif (106b) (Church 1981 77

Fal 1999 144-145 NDiaye-Correacuteard 2003 179) ou un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (106c)

(Torrence 2013b 195) Neacuteanmoins cette derniegravere option nest eacutevoqueacutee par aucun autre auteur et

napparaicirct pas dans les corpus

106) a Kii =mu=a=y sama xarit =bi (Robert 1991 161)

CLHUMSGDEMPX =PRO3SG=FOCS=COP POSS1SG ami =CLbDFPX

lsquoLui cest mon amirsquo

b Moom =a de moonte (Joacuteob 2003 75)

PRO3SG =FOCS EMPH pourtant

lsquoPourtant cest vraiment elle rsquo

c Maryam jagravengalekat =a (Torrence 2013b 195)

Marie enseignant =FOCS

lsquoMarie est enseignantersquo

Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Elle est impossible avec les

verbes avalents (107a) ce qui est coheacuterent avec sa valeur de focalisation du sujet Elle est

obligatoire avec les verbes comparatifs (107b) (Robert 1991 137-139) Enfin elle est obligatoire

dans les interrogatives partielles si le sujet est un pronom interrogatif (107c) ou contient un

deacuteterminant interrogatif (107d)

107) a Mu=a taw (Robert 1991 138)

PRO3SG=FOCS pleuvoir

- 140 -

b Mu=a =ko dagraveq liggeacuteey (Robert 1991 124)

PRO3SG=FOCS =O3SG surpasser travailler

lsquoIl travaille mieux que luirsquo

c Kan =mu=a ntildeeumlwul (Robert 1991 123)

CLHUMSGQ =PRO3SG=FOCS venirNEG

lsquoQui est-ce qui nest pas venu rsquo

d Ban waxtu =mu=a jot (Robert 1991 124)

CLbQ heure =PRO3SG=FOCS atteindre

lsquoQuelle heure est-il rsquo

253 Le preacutesentatif

Cette construction est appeleacutee laquo situatif raquo par Fal (1999) laquo progressif raquo par Torrence (2013a)

laquo focus de phrase raquo (sentence-focus) par Ka (1994) et laquo preacutesentatif raquo par la plupart des autres

auteurs (Sauvageot 1965 Dialo 1981a Church 1981 Robert 1991 Diouf 2009) Nous avons

deacutecideacute de conserver cette derniegravere eacutetiquette en raison de son utilisation par Hetzron (1975) et

Lambrecht (2000b)

La structure du preacutesentatif est similaire agrave celle de la focalisation du sujet Il se caracteacuterise par la

preacutesence du marqueur preacutedicatif -a ng- placeacute immeacutediatement apregraves le sujet ce dernier se situant en

tecircte de phrase On note que le a initial du marqueur preacutedicatif tombe agrave la troisiegraveme personne du

singulier la premiegravere personne du pluriel et la troisiegraveme personne du pluriel71

Tableau 216 - Paradigme personnel du preacutesentatif

SG PLSG PL

SUJ MP SUJ MP

1 ma= a ng- nu= ng- maa ng- nu ng-

2 ya= a ng- yeen= a ng- rarr yaa ng- yeena ng-

3 mu= ng- ntildeu= ng- mu ng- ntildeu ng-

Par ailleurs un marqueur deacuteictique (sect 41) se suffixe agrave ce morphegraveme Ce dernier peut ecirctre

71 Neacuteanmoins plusieurs variantes sont attesteacutees pour ce paradigme (sect 123)

- 141 -

proximal (108a)72 distal (108b) indeacutetermineacute (108c) ou anaphorique (108d)73

108) a Ma=a ng-i bey (Church 1981 73)

PRO1SG=PRST-PX cultiver

lsquoMe voici qui cultive la terrersquo

b Mu =ng-a =fale (Church 1981 73)

PRO3SG=PRST-DT =CLLOCDEMDT

lsquoIl est lagrave-basrsquo

c Mu =ng-u =fu (Robert 1991 168)

PRO3SG=PRST-INDET =CLLOCINDET

lsquoIl est lagrave quelque partrsquo

d Ma=a ng-oog (Robert 1991 168)

PRO1SG=PRST-ANAPH

lsquoMe voilagrave (maintenant vous savez qui je suis)rsquo

Comme la focalisation du sujet cette construction preacutesente une structure syntaxique S p V O

avec des arguments lexicaux (109a) et s-p =o V avec des arguments pronominaux (109b)

109) a S =p V O

Omar =a ngi lekk ceeb

Omar =PRSTPX manger riz

lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

b s=p =o V

Ma=a ngi =ko lekk

PRO1SG-PRSTPX =O3SG manger

lsquoMe voici qui en ai mangeacutersquo

Plusieurs analyses ont eacuteteacute proposeacutees pour rendre compte de la valeur et des emplois du

preacutesentatif Selon Sauvageot (1965) et Church (1981) la valeur principale de cette construction est

72 Forme la plus freacutequente73 Selon Diouf (2009 149) tous les autres marqueurs propres aux deacuteterminants deacutemonstratifs peuvent eacutegalement

apparaicirctre

- 142 -

de focaliser le sujet et de le laquo situer dans lespace raquo Selon Robert (1991) et Perrin (2005) cette

construction ne peut pas ecirctre analyseacutee comme une focalisation du sujet et doit plutocirct ecirctre rapprocheacutee

du minimal Selon Torrence (2013a) la valeur principale de cette construction est un aspect

progressif Nous reviendrons sur les arguments respectifs de ces auteurs en (sect 123) Dans le preacutesent

chapitre nous proposons une analyse de cette construction en nous basant uniquement sur sa valeur

seacutemantique et sur ses contextes demploi

Indeacutependamment des analyses proposeacutees les eacutenonceacutes au preacutesentatif sont souvent traduits en

franccedilais par ce que Lambrecht (2000b 61-65) appelle des constructions relatives preacutesentatives en

voilagrave (110a-b)

110) a Nit =a ngi ntildeeumlw (Church 1981 74)

personne =PRSTPX venir

lsquoVoici une personne qui arriversquo

b Mu =ngi lekk xar (Diouf amp Yaguello 1991 217)

PRO3SG=PRSTPX manger mouton

lsquoLe voilagrave qui a mangeacute du moutonrsquo

Cette traduction bien que parfois forceacutee nous semble pertinente en raison de la proximiteacute

seacutemantique du preacutesentatif wolof et de la construction relative preacutesentative en voilagrave du franccedilais74

Ces deux constructions partagent les mecircmes fonctions discursives agrave savoir introduire une entiteacute ou

une situation nouvelle dans le discours (fonction preacutesentative) et exprimer une information

nouvelle sur cette entiteacute ou situation (fonction preacutedicative) (Lambrecht 2000b 51) Ces deux

constructions partagent eacutegalement lexpression dune distinction deacuteictique Les deux langues

disposent dune forme proximale (voici a ngi) et dune forme distale (voilagrave a nga)75

Comme la construction relative preacutesentative en voilagrave du franccedilais le preacutesentatif wolof connaicirct

deux types demploi deacuteictique et eacuteveacutenementiel Notons que laquo lattribution agrave lune ou agrave lautre de ces

sous-cateacutegories nest pas toujours eacutevidente mais il existe des cas clairs qui rendent la distinction

neacutecessaire raquo (Lambrecht 2000b 61)

74 Nous consideacuterons comme Robert (1991 171) que ce type de traduction est souvent forceacutee Nous pouvonssupposer que le preacutesentatif wolof est utiliseacute dans un plus grand nombre de contextes car il sagit dune constructionmono-propositionnelle inteacutegreacutee au systegraveme verbal alors que la construction preacutesentative en voilagrave du franccedilais estune construction bi-propositionnelle (comprenant une relative) et relativement indeacutependante de la conjugaison de lalangue

75 En franccedilais voici et voilagrave sont des formes figeacutees constitueacutees dune forme fleacutechie du verbe laquo voir raquo et des adverbeslocatifs ci et la (Oppermann-Marsaux 2006)

- 143 -

Dans les eacutenonceacutes preacutesentatifs deacuteictiques laquo une entiteacute discursive est preacutesenteacutee dans le monde

externe du discours gracircce agrave une perception directe eacutemanant dun centre de perspective implicite Par

deacutefaut ce centre de perspective est le locuteur qui rend compte de sa perception agrave linterlocuteur raquo

(Lambrecht 2000b 61) Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute pour localiser un reacutefeacuterent (111a-b) Il est

geacuteneacuteralement utiliseacute dans les reacuteponses aux questions comprenant la copule locative interrogative

ana (111b) (Fal 1999 80)

111) a Gisuloo Abdu Mu =ngi jeumlm (Robert 1991 173)

voirPRFNEGS2SG Abdou PRO3SG=PRSTPX se_rendre

ca deumlkk =ba leacuteegi laa tase =ak moom

PREPDT village =CLbDFDT maintenant FOCCS1SG rencontrer =avec PRO3SG

lsquoTu nas pas vu Abdou Il est en route pour le village je viens juste de le croiserrsquo

b Ana Musaa (Robert 1991 173)

COPLOCQDT Moussa

Mu =ngi dellu deumlkk =bi

PRO3SG=PRSTPX revenir village =CLbDFPX

lsquoOugrave est Moussa Le voilagrave (justement) qui revient du village (on le voit arriver)rsquo

Dans ce type demploi le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats non verbaux

locatifs (112a) Ce type de preacutedicat non verbal est eacutegalement utiliseacute dans les reacuteponses aux formules

employeacutees pour demander des nouvelles de quelquun (112b-c) (Robert 1991 174)

112) a Ana xale =ya (Fal 1999 80)

COPLOCQDT enfant =CLyDFDT

Ntildeu =nga ca keumlr =ga

PRO3SG=PRSTDT PREPDT maison =CLgDFDT

lsquoOugrave sont les enfants Ils sont agrave la maisonrsquo

b Ana waa keumlr =ga (Diouf amp Yaguello 1991 18)

COPLOCQDT gens maison =CLgDFDT

Ntildeu =nga =fa

PRO3PL=PRSTDT =CLLOCDFDT

lsquoComment va la famille Ils vont bien rsquo

(litt lsquoOugrave sont les gens de la maison Ils sont lagrave rsquo)

- 144 -

c Na nga def (Diouf amp Yaguello 1991 18)

CLMNRDFDT S2SG faire

Ma=a ngi =fi rekk

PRO1SG=PRSTPX =CLLOCDFPX seulement

lsquoComment vas-tu Ccedila va bien rsquo (litt lsquoComment fais-tu Je suis ici seulement rsquo)

Dans un eacutenonceacute preacutesentatif deacuteictique agrave preacutedicat verbal lentiteacute preacutesenteacutee est perccedilue en tant que

participant au procegraves deacutenoteacute par le verbe Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute dans les didascalies (par

exemple dans les piegraveces de theacuteacirctre) (113a) ou pour exprimer un constat (113b-c) Lentiteacute preacutesenteacutee

est donc agrave la fois un objet de perception et un sujet de preacutedication Cest de cette caracteacuteristique que

deacutecoule la neacutecessiteacute souvent releveacutee dune simultaneacuteiteacute temporelle entre la situation deacutenonciation

et le procegraves (Lambrecht 2000b 55-56) En effet malgreacute le fait quelle soit au perfectif une phrase

au preacutesentatif est geacuteneacuteralement interpreacuteteacutee comme un procegraves en cours et non comme un procegraves

acheveacute au moment de leacutenonciation (113b) Neacuteanmoins cette interpreacutetation nest pas systeacutematique

une phrase au preacutesentatif perfectif peut eacutegalement ecirctre interpreacuteteacutee comme un procegraves acheveacute au

moment de leacutenonciation (113c) Ces deux lectures aspectuelles deacutependent du verbe ainsi que du

contexte discursif

113) a Pierre Dumas =a ngi=y wax (Diouf amp Yaguello 1991 76)

Pierre Dumas =PRSTPX=IPF parler

=ak gard =bi

=avec garde =CLbDFPX

(Didascalie initiale) lsquoPierre Dumas parle avec le gardersquo

b Mu =ngi fey boram ci waxtu (Robert 1991 177)

PRO3SG=PRSTPX payer dettePOSS3SG PREPPX moment

(En voyant la personne sortir son porte-feuille) lsquoIl paie sa dette agrave tempsrsquo

c Mu =ngi =nii guujal ndox (Diouf 2003 151)

PRO3SG=PRSTPX =CLMNRDEMPX remplir_sa_bouche_de eau

di ma waaj=a tooyal

IPF S1SG se_preacuteparer=DV ecirctre_mouilleacuteCAUS

lsquoLe voici qui sest rempli la bouche deau et sapprecircte agrave me mouillerrsquo

- 145 -

Dans les eacutenonceacutes preacutesentatifs eacuteveacutenementiels la construction laquo est marqueacutee comme preacutesentant

non pas lentiteacute par elle-mecircme mais lentiteacute en tant que participant agrave une situation surprenante ou

inattendue raquo (Lambrecht 2000b 64) Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute pour exprimer une surprise face

agrave une situation inattendue (114a) ou nouvelle (114b)

114) a Ndaxam mu =ngi ne cocc =ak teacuteemeacuteeri atam (Diouf 2003 83)

pourtant PRO3SG=PRSTPX dire IDEO =avec centGENPL anPOSS3SG

lsquoPourtant il a bon pied bon œil pour ses cent ansrsquo

b Leacuteegi mu =ngi=y goacuteor-goacuteorlu (Diouf 2003 148)

maintenant PRO3SG=PRSTPX=IPF se_deacutebrouiller

ci njagraveng =mi

PREPPX eacutetude =CLmDFPX

lsquoMaintenant il fait des efforts dans les eacutetudesrsquo

Loccurrence dun sujet pronominal dans une construction au preacutesentatif peut sembler

paradoxale En effet lune des fonction de ces constructions est de preacutesenter une entiteacute dans le

discours Or le preacutesentatif admet un sujet pronominal renvoyant agrave une entiteacute identifiable et deacutejagrave

activeacutee dans le discours (115a-b) Selon Lambrecht (2000b 62) la solution agrave ce paradoxe est agrave

chercher dans les proprieacuteteacutes de contextualisation propre agrave cette construction Pour que les eacutenonceacutes

(115a-b) soient acceptables pragmatiquement il est neacutecessaire que le pronom sujet ait eacuteteacute un

topique eacutetabli dans le monde interne du discours avant decirctre preacutesenteacute dans le monde externe du

discours76

115) a Faatu lu =mu=y def (Robert 1991 175)

Fatou CLCHSGREL =S3SG=IPF faire

Mu =ngi raxas waantilde =wi

PRO3SG=PRSTPX laver cuisine =CLwDFPX

lsquoQue fait Fatou Elle est en train de laver la cuisinersquo

76 Sur le plan de lanalyse formelle nous pouvons dire empruntant la terminologie des Grammaires dUnification quela construction preacutesentative en inteacutegrant le pronom sujet heacuterite de celui-ci le trait pragmatique laquo topique eacutetablidans le discours raquo et le substitue au trait laquo entiteacute nouvelle dans le discours raquo attacheacute au SN tout en preacuteservant letrait global laquo preacutesentation dun reacutefegraverent nouveau raquo qui est inheacuterent agrave la construction Cest lunification du traitparticulier avec le trait global qui donne lieu au caractegravere laquo mixte raquo de la structure informationnelle de ce sous-typede construction [adaptation dun paragraphe de Lambrecht (2000b 62)]

- 146 -

b Dama beumlgg=a wax =ak Musaa (Robert 1991 175)

FOCVS1SG vouloir=DV parler =avec Moussa

Mu =ngi antilde leacuteegi

PRO3SG=PRSTPX deacutejeuner maintenant

xaaral ba mu pare

attendreIMPS2SG jusque S3SG ecirctre_precirct

lsquoJe voudrais parler agrave Moussa

Pour linstant il est en train de deacutejeuner attends quil ait finirsquo

Pour reacutesumer le preacutesentatif est essentiellement utiliseacute pour construire des phrases

preacutesentationnelles Ces phrases eacutetant des phrases theacutetiques nous pouvons consideacuterer que la valeur

principale de cette construction est une focalisation de la phrase Il peut sagir dun focus assertif

lorsque lensemble de la situation deacutenoteacutee par la phrase est consideacutereacute comme non connu de

linterlocuteur (113a-c) ou dun focus contrastif lorsque la situation deacutenoteacutee par la phrase contraste

avec une situation anteacuterieure consideacutereacutee comme connue de linterlocuteur (114a-b)

254 La focalisation du compleacutement

Cette construction est appeleacutee laquo objectif raquo par Fal (1999) laquo emphatique du compleacutement raquo par

Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et laquo mise en relief du compleacutement raquo par Diouf

(2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du compleacutement raquo pour les mecircmes raisons que

celles exposeacutees pour la focalisation du sujet

La focalisation du compleacutement se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif la placeacute

immeacutediatement apregraves le compleacutement (objet dun verbe transitif ou adjoint) ce dernier se situant en

tecircte de phrase On note que le marqueur preacutedicatif tombe agrave la deuxiegraveme personne du singulier et du

pluriel et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

Tableau 217 - Paradigme personnel de la focalisation du compleacutement

SG PLSG PL

MP SUJ MP SUJ

1 la -a la -nu laa lanu

2 Oslash -nga Oslash -ngeen rarr nga ngeen

3 la -Oslash la -ntildeu la lantildeu

- 147 -

La structure syntaxique de cette construction deacutepend de la fonction syntaxique de leacuteleacutement

focaliseacute En effet si leacuteleacutement focaliseacute est attendu par le verbe la structure syntaxique est O p S V

avec des arguments lexicaux (116a) et o p-s V avec des arguments pronominaux (116b) Si leacuteleacutement

focaliseacute est un adjoint la structure syntaxique est X p S V O avec des arguments lexicaux (117a) et

X p-s =o V avec des arguments pronominaux (117b)

116) a O =p S V

Ceeb =la Omar lekk

riz =FOCC Omar manger

lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

b o =p-s V

Moom =la-a lekk

PRO3SG =FOCC-S1SG manger

lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo

117) a X =p S V O

Deacutemb =la Omar lekk ceeb

hier =FOCC Omar manger riz

lsquoCest hier quOmar a mangeacute du rizrsquo

b X =p-s =o V

Deacutemb =la-a =ko lekk

hier =FOCC-S1SG =O3SG manger

lsquoCest hier que jen ai mangeacutersquo

La valeur principale de cette construction est une focalisation dun eacuteleacutement non preacutedicatif et non

sujet Elle est utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (118a) ou contrastif (118b)

118) a Loo lekk Ceeb =la-a lekk (Robert 1991 156)

CLCHSGRELs2SG manger riz =FOCC-S1SG manger

lsquoQuest-ce que tu as mangeacute Cest du riz que jai mangeacutersquo

- 148 -

b Lekkuma mburu =mi (Robert 1991 154)

mangerPRFNEGS1SG pain =CLmDFPX

ceeb =bi =la-a lekk

riz =CLbDFPX =FOCC-S1SG manger

lsquoJe nai pas mangeacute le pain cest le riz que jai mangeacutersquo

De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Elle permet

de construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (119a-b) ou un preacutedicat eacutequatif (119c) Dans cet

emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus contrastif

119) a Man nit =la-a (Robert 1991 160)

PRO1SG humain =FOCC-S1SG

lsquoMoi je suis un ecirctre humainrsquo

b Ndaw su jekk =la (Diouf 2003 166)

dame CLsREL ecirctre_eacuteleacutegant =FOCC

lsquoCest une dame eacuteleacutegantersquo

c Tugeumll deumlkku tubaab =yi =la (Robert 1991 160)

Europe villeGEN homme_blanc =CLyDFPX =FOCC

lsquoLEurope cest lendroit ougrave habitent les blancsrsquo

Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Elle est obligatoire dans les

interrogatives partielles si leacuteleacutement focaliseacute (objet ou adjoint) est un pronom interrogatif (120a-b)

ou contient un deacuteterminant interrogatif (121a-b) Elle est eacutegalement obligatoire dans les

interrogatives partielles agrave preacutedicat non verbal (122a-b)

120) a Lan =la doktor =bi wax (Robert 1991 157)

CLCHSGQ =FOCC docteur =CLbDFPX dire

lsquoQua dit le docteur rsquo

b Kantilde =nga ntildeoacutew Ndakaaru (Robert 1991 157)

quand =FOCCS2SG venir Dakar

lsquoDepuis quand es-tu arriveacute agrave Dakar rsquo

- 149 -

121) a Wan fas =la jaay (Diouf 2003 552)

CLwQ cheval =FOCCS3SG vendre

lsquoQuel cheval a-t-il vendu rsquo

b Ban waxtu =la dem (Diouf 2003 363)

CLbQ moment =FOCCS3SG partir

lsquoAgrave quel moment est-il parti rsquo

122) a Leumlf =ki ci taabal =bi lan =la (Diouf 2003 200)

chose =CLkDFPX PREPPX table =CLbDFPX CLCHSGQ =FOCC

lsquoLa chose sur la table quest-ce que cest rsquo

b Ngente =li kantilde =la (Diouf 2003 252)

baptecircme =CLlDFPX quand =FOCC

lsquoLe baptecircme cest quand rsquo

255 La focalisation du verbe

Cette construction est appeleacutee laquo processif raquo par Fal (1999) laquo modaliteacute ldquoeacutetat acquisrdquo raquo par

Sauvageot (1965) laquo emphatique du verbe raquo par Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et

laquo explicatif raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du verbe raquo pour les

mecircmes raisons que celles exposeacutees pour la focalisation du sujet

La focalisation du verbe se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif da ou dafa placeacute

immeacutediatement avant le verbe On note que le fa final est uniquement preacutesent agrave la troisiegraveme

personne du singulier et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

Tableau 218 - Paradigme personnel de la focalisation du verbe

SG PLSG PL

MP SUJ MP SUJ

1 da -ma da -nu dama danu

2 da -nga da -ngeen rarr danga dangeen

3 dafa -Oslash da -ntildeu dafa dantildeu

- 150 -

Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux

(123a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (123b)

123) a S =p-s V O

Xale =yi =da-ntildeu lekk ceeb

enfant =CLyDFPX =FOCV-S3PL manger riz

lsquoLes enfants ont mangeacute du rizrsquo

b p-s =o V

Da-ma =ko lekk

FOCV-S1SG =O3SG manger

lsquoJe lai mangeacutersquo

La valeur principale de cette construction est une focalisation du verbe ou du preacutedicat Elle est

utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (124a) ou contrastif (124b)

124) a Lu =mu def ba gis =ko (Robert 1991 81)

CLCHSGREL =S3SG faire jusque voir =O3SG

Dafa =ko wut

FOCVS3SG =O3SG chercher

lsquoQuest-ce quil a fait pour arriver agrave le voir Il la chercheacutersquo

b Waxuma =la sax rekk lekk (Robert 1991 80)

direPRFNEGS1SG =O2SG mecircme seulement manger

da-ma =ko wann

FOCV-S1SG =O3SG deacutevorer

lsquoJe ne lai pas mangeacute je lai deacutevoreacutersquo

(litt lsquoJe ne te dis pas seulement laquo manger raquo je lai laquo deacutevoreacute raquorsquo)

Selon Robert (2000 248-256) les diffeacuterents emplois de cette construction peuvent ecirctre rameneacutes

agrave trois grands cas valeur de preacutedication qualitative valeur intensive et valeur explicative La

laquo valeur de preacutedication qualitative raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour exprimer une

qualiteacute permanente ou deacutefinitoire du sujet (125a) ce type demploi eacutetant limiteacute aux verbes deacutenotant

une qualiteacute Elle soppose ainsi au parfait qui exprimera plutocirct une qualiteacute temporaire etou

deacutependante du contexte (125b)

- 151 -

125) a Meumlnul dox ndax dafa lafantilde (Church 1981 84)

pouvoirPRFNEGS3SG marcher parce_que FOCVS3SG ecirctre_paralyseacute

lsquoIl ne peut pas marcher car il est paralytiquersquo

b Meumlnatul dox ndax lafantilde =na (Church 1981 84)

pouvoirITERPRFNEGS3SG marcher parce_que ecirc_paralyseacute =PRFS3SG

lsquoIl ne peut plus marcher car il est paralyseacute devenu paralytiquersquo

La laquo valeur intensive raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour exprimer une emphase

sur le verbe ou sur le preacutedicat (126a-b)

126) a Dafa =ko xam (Robert 1991 78)

FOCVS3SG =O3SG savoir

lsquoIl le sait (pertinemment)rsquo

b Dafa guddee (Robert 1991 79)

FOCVS3SG ecirctre_tard

lsquoIl est (trop) tardrsquo

La laquo valeur explicative raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour justifier ou expliquer

une situation (127a-b) Dans cet emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus

contrastif (127a) ou assertif (127b)

127) a Sama jeumlkkeumlr nekku =fi (Church 1981 83)

POSS1SG mari ecirctreNEG =CLLOCDFPX

dafa dem agravell =ba

FOCVS3SG partir brousse =CLbDFDT

lsquoMon mari nest pas lagrave il est parti en broussersquo

b Dafa sagravecc ntildeu kaaf =ko (Church 1981 84)

FOCVS3SG voler S3PL emprisonner =O3SG

lsquoIl a voleacute (donc) on la mis en prisonrsquo

De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Avec la

copule verbale di elle permet de construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (128a) ou un

- 152 -

preacutedicat eacutequatif (128b) Neacuteanmoins cet emploi semble limiteacute aux propositions agrave laquo valeur

explicative raquo (Robert 2000 264)

128) a Da-ma=y naar rekk (Robert 1991 162)

FOCV-S1SG=COP maure seulement

moo tax mu suufeel =ma

PRO3SGFOCS causer S3SG deacutenigrer =O1SG

lsquoCest parce que je suis maure quil me meacuteprisersquo

b Kii =dafa=y sama xarit (Robert 1991 162)

CLHUMSGDEMPX =FOCVS3SG=COP POSS1SG ami

moo tax ma woo =ko

PRO3SGFOCS causer S1SG appeler =O3SG

lsquoCest mon ami cest pour cela que je lai appeleacutersquo

Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Avec les verbes daction elle ne

permet pas agrave elle seule de constituer un eacutenonceacute complet Une proposition de ce type est

neacutecessairement lieacutee soit agrave une autre proposition (127a-b) soit au contexte discursif (124a) (Robert

2000 251)

256 Le statut des constructions focalisantes

Lanalyse de la structure morphosyntaxique des constructions focalisantes ainsi que leur statut

vis-agrave-vis de la conjugaison de la langue ne font pas lobjet dun consensus dans la litteacuterature Deux

types danalyse ont eacuteteacute proposeacutes celles qui considegraverent que les constructions focalisantes sont des

constructions mono-propositionnelles (analyse laquo classique raquo) et celles qui les analysent comme des

constructions complexes

Selon lanalyse laquo classique raquo chaque construction preacutedicative correspond agrave un tiroir verbal est

caracteacuteriseacutee par un paradigme personnel et est en distribution compleacutementaire avec les autres

constructions preacutedicatives Les constructions focalisantes respectent ces critegraveres et sont donc traiteacutees

comme les autres constructions preacutedicatives cest-agrave-dire comme des constructions eacuteleacutementaires de

la conjugaison Il sagit donc de constructions mono-propositionnelles Lanalyse laquo classique raquo a eacuteteacute

initialement proposeacutee par Kobegraves (1869) et a ensuite eacuteteacute deacutefendue dans la majoriteacute des travaux de

reacutefeacuterence sur le systegraveme verbal tels que Dialo (1981a) Church (1981) Robert (1991 2000) ou Fal

- 153 -

(1999) avec neacuteanmoins quelques variations selon les auteurs

Dautres auteurs ont proposeacute une analyse alternative selon laquelle les constructions focalisantes

ne constituent pas des constructions eacuteleacutementaires de la conjugaison mais doivent plutocirct ecirctre

analyseacutees comme des constructions complexes Selon Diouf (1985 38-47) la focalisation du verbe

(quil appelle laquo indicatif-reacuteel raquo) constitue la forme de base du systegraveme agrave partir de laquelle est

deacuteriveacutee la plupart des autres constructions par clivage Les constructions focalisantes sont donc des

cliveacutees obtenues par anteacuteposition de leacuteleacutement focaliseacute ce dernier pouvant ecirctre lobjet (129a) le

sujet (129b-c) ou le verbe (129d)77

129) a Gaynde =la-a gis (Diouf 1985 44)

lion =MP-S1SG voir

lsquoCest un lion que jai vursquo

b Ma=a gis gaynde (Diouf 1985 44)

PRO1SG=MP voir lion

lsquoCest moi qui ai vu un lionrsquo

c Ma=a ngi gis gaynde (Diouf 1985 44)

PRO1SG=MP voir lion

lsquoMe voici qui ai vu un lionrsquo

d Gis =na-a gaynde (Diouf 1985 44)

voir =MP-S1SG lion

lsquoJai vu un lionrsquo

Cette analyse a lavantage doffrir une preacutesentation relativement plus simple du systegraveme

puisquune unique laquo transformation raquo agrave savoir lanteacuteposition permet de rendre compte de toutes les

constructions Elle permet eacutegalement de rendre compte de la structure de la construction que nous

avons appeleacutee laquo parfait raquo en lanalysant comme une anteacuteposition du preacutedicat Neacuteanmoins comme le

note Robert (1991 32) cette analyse preacutesente plusieurs problegravemes Premiegraverement si elle permet de

rendre compte de la structure morphosyntaxique des constructions elle ne permet pas dexpliquer

leur valeur En effet analyser le preacutesentatif comme une focalisation du sujet et le parfait comme

une focalisation du preacutedicat est contestable Dautre part Diouf (1985) considegravere la focalisation du

77 Afin de ne pas introduire une glose idiosyncrasique nous glosons MP les morphegravemes que Diouf (1985 44) nommelaquo indicateurs de schegravemes eacutenonciatifs secondaires raquo

- 154 -

verbe comme la forme de base mais il reste flou sur la fonction du marqueur dafa ou sur son

absence des cliveacutees

Kihm (1999) et Torrence (2013b) traitent eacutegalement les constructions focalisantes comme des

cliveacutees mais ils proposent une analyse diffeacuterente Selon ces auteurs il existe un verbe copule a

permettant de focaliser le sujet (130a) lobjet (130b) ou un satellite (130c) Dans ces deux derniers

cas le l- preacutefixeacute agrave la copule est analyseacute comme un pronom expleacutetif issu de la classe nominale des

choses78 Torrence (2005 Ch 4) eacutetend cette analyse agrave la focalisation du verbe consideacuterant que le

marqueur de cette construction est constitueacute du verbe def (faire) de lindice de personne et de la

copule a (130d)

130) a Xale =yi (ntildeu) a sagravecc cin =li (Torrence 2013b 191)

enfant =CLyDFPX S3PL COP voler marmite =CLlDFPX

lsquoCe sont les enfants qui ont voleacute la marmitersquo

b Cin =li l-a-ntildeu sagravecc (Torrence 2013b 191)

marmite =CLlDFPX EXPL-COP-S3PL voler

lsquoCest la marmite quils ont voleacuteersquo

c Ca lekkool =ba l-a-a gise Isaa (Torrence 2013b 191)

PREPDT eacutecole =CLbDFDT EXPL-COP-S1SG voirAPPL Issa

lsquoCest agrave leacutecole que jai vu Issarsquo

d Xale =yi da-ntildeu-a lekk gato =bi (Torrence 2005 225)

enfant =CLyDFPX faire-S3PL-COP manger gacircteau =CLbDFPX

lsquoManger le gacircteau est ce que les enfants ont faitrsquo

Cette analyse est tregraves inteacuteressante dun point de vue diachronique car elle fournit des arguments

pour une origine commune des marqueurs preacutedicatifs a et la Cependant lhypothegravese dune copule

verbale a en wolof contemporain est contestable En effet les arguments retenus par les auteurs

pour deacutefendre le statut verbal de a ne nous semblent pas suffisamment convaincants Le premier

argument avanceacute par Kihm (1999) est que cette copule peut porter lindice de personne (131a) Or

en wolof le fait de porter la marque de personne ne caracteacuterise pas les verbes En effet dans

plusieurs types de propositions le verbe ne porte pas dindice pronominal Par exemple agrave loptatif le

78 cf (sect 41) pour une preacutesentation des classes nominales Bondeacuteelle (2015 47-49) propose une analyse similaire

- 155 -

sujet pronominal est amalgameacute au marqueur preacutedicatif (131b) et au minimal (subjonctif) il se

reacutealise comme un pronom indeacutependant (131c)

131) a Jaaykat l-a-ntildeu (Kihm 1999 247)

vendeur EXPL-COP-S3PL

lsquoIls sont commerccedilantsrsquo

b Na-ntildeu dem (Diouf 2003 236)

OPT-S3PL partir

lsquoQuils sen aillentrsquo

c Leacuteegi ntildeu war=a tagravembali bal-balal (Diouf 2003 60)

maintenant S3PL devoir=DV commencer deacutesherber

lsquoBientocirct on va devoir commencer agrave deacutesherberrsquo

Le second argument avanceacute par Kihm (1999) repose sur la capaciteacute de ce mot agrave porter le

morphegraveme de passeacute (132a) Or le statut de suffixe de ce morphegraveme est discutable En effet dans

plusieurs contextes le morphegraveme de passeacute se comporte comme un clitique (132b) ou comme un

verbe (132c) et non comme un suffixe de flexion verbale Il en va de mecircme du morphegraveme diteacuteratif

preacutesenteacute dans largumentation de Torrence (2013b) (133a) Dans plusieurs contextes ce morphegraveme

se comporte comme un adverbe et non comme un suffixe de deacuterivation verbale (133b)

132) a Fas l-a-woon (Kihm 1999 247)

cheval EXPL-COP-PAS

lsquoCeacutetait un chevalrsquo

b Soacuteoraalewuma =ko =woon (Diouf 2009 548)

preacutevoirPRFNEGS1SG =O3SG =PAS

lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo

c Yuri =na siddeacuteem =si woon (Diouf 2009 587)

vider =PRFS3SG jujube =CLsDFPX ecirctrePAS

ci poosam yeacutepp

PREPPX pochePOSS3SG CLyTOT

lsquoIl a videacute tous les jujubes qui eacutetaient dans sa pochersquo

- 156 -

133) a Gagravellaay l-a-ati (Torrence 2013b 197)

Galaye EXPL-COP-ITER

lsquoCest encore Galayersquo

b Lan ati (Diouf 2003 54)

CLCHSGQ encore

lsquoQuoi encore rsquo

Par ailleurs analyser la focalisation du sujet comme une cliveacutee comportant la copule a pose

problegraveme pour lanalyse de certains eacutenonceacutes En effet comme nous lavons vu en (sect 252) il est

possible de construire des preacutedicats non verbaux eacutequatifs avec la focalisation du sujet et la copule di

(134a-b) Si lon considegravere suivant Kihm (1999) et Torrence (2013b) que a est eacutegalement une

copule quelle analyse peut-on proposer pour les exemples (134a-b) Il semble eacutevident que di ne

peut pas ecirctre analyseacute comme un auxiliaire dimperfectif dans ces contextes mais quil sagit bien

dune copule

134) a Mu=a=y mbeumlru deumlkk =bi (Diouf 2003 219)

PRO3SG=FOCS=COP championGEN village =CLbDFPX

lsquoCest le champion du villagersquo

b Sama ngeumlm =a=y sama gagravennaay (Diouf 2003 500)

POSS1SG foi =FOCS=COP POSS1SG arme

lsquoMa foi est mon armersquo

Analyser la focalisation du verbe comme une cliveacutee comportant la copule a pose le mecircme type

de problegravemes En effet comme nous lavons vu en (sect 255) il est possible de construire des

preacutedicats nominaux non reacutefeacuterentiels avec la focalisation du verbe et la copule di (135a-b) Si lon

considegravere suivant Torrence (2005) que da(fa) est constitueacute du verbe def (faire) et dune copule a

quelle analyse peut-on proposer pour les exemples (135a-b) Comme dans les exemples

preacuteceacutedents di ne peut pas ecirctre analyseacute comme un auxiliaire dimperfectif mais doit plutocirct ecirctre

analyseacute comme une copule

- 157 -

135) a Ntildeii =da-ntildeu=y ay gan (Diouf amp Yaguello 1991 82)

CLHUMPLDEMPX =FOCV-S3PL=COP IDFCLy hocircte

te beumlgg=a mos toggu Senegaal

et vouloir=DV goucircter cuisineGEN Seacuteneacutegal

lsquoLe fait est quils sont des eacutetrangers et ils veulent goucircter le cuisine seacuteneacutegalaisersquo

(litt lsquoCeux-ci cest que ce sont des eacutetrangers et ils veulent goucircter la cuisine du Seacuteneacutegalrsquo)

b Dafa di taseeguloo =ak gaynde (Diouf 2003 88)

FOCVS3SG COP rencontrerdeacutejagravePRFNEGS2SG =avec lion

lsquoLe fait est que tu nas pas encore rencontreacute de lionrsquo

(litt lsquoCest que tu nas pas encore rencontreacute de lionrsquo)

De plus la preacutesence du morphegraveme a nest pas systeacutematique dans les eacutenonceacutes agrave la focalisation du

verbe En fait dans les corpus les cas ougrave ce morphegraveme est absent sont beaucoup plus freacutequents que

ceux ougrave il est preacutesent Par ailleurs lorsquil est preacutesent ce morphegraveme napparaicirct pas sur da(fa) mais

immeacutediatement avant le verbe lexicale (136a) On note eacutegalement quil peut apparaicirctre agrave la

troisiegraveme personne du singulier apregraves dafa (136b) Ces occurrences tendent agrave montrer que ce a nest

pas une copule mais doit plutocirct ecirctre rapprocheacute de la marque de deacutependance verbale (Diouf 2009

175)79

136) a Da-ntildeu =ko=a dagraveq (Diouf 2009 175)

FOCV-S3PL =O3SG=DV renvoyer

lsquoOn la licencieacutersquo

b Meumlnuma=a nelaw ndax (Diouf 2009 175)

pouvoirPRFNEG1SG=DV dormir parce_que

dafa=a ubbi bunt =bi

FOCVS3SG=DV fermerINV porte =CLbDFPX

lsquoJe narrive pas agrave mendormir parce quil a ouvert la portersquo

Enfin lanalyse des constructions focalisantes comme des constructions complexes a eacutegalement

eacuteteacute deacutefendue par NDiaye-Correacuteard (1989 2003) Cependant ses arguments sont tregraves diffeacuterents de

ceux proposeacutes par Diouf (1985) Kihm (1999) ou Torrence (2013b) En effet son argumentation

79 cf (sect 243) pour une preacutesentation de la marque de deacutependance verbale Nous reviendrons sur lanalyse de dafa en(sect 114)

- 158 -

repose exclusivement sur les schegravemes morphosyntaxiques des diffeacuterentes constructions En se

basant essentiellement sur ce critegravere elle considegravere que le systegraveme verbal du wolof ne comprend

que quatre tiroirs verbaux lindicatif (notre laquo subjonctif-conseacutecutif raquo) limpeacuteratif lassertif (notre

laquo parfait raquo) et le subjonctif (qui rassemble toutes les autres constructions preacutedicatives) Ainsi les

propositions au laquo subjonctif raquo sont caracteacuteriseacutees par un schegraveme s o S V O quon retrouve dans les

relatives (137a) loptatif (137b) le prohibitif (137c) la focalisation du compleacutement (137d) la

focalisation du sujet (137e) et le preacutesentatif (137f) Dans ces deux derniegraveres constructions

NDiaye-Correacuteard (2003 181) considegravere que le sujet est extrait de sa position canonique

137) a (hellip) na =ko =ko buur santewoon (NDiaye-Correacuteard 2003 171)

CLMNRDFDT =O3SG =O3SG roi ordonnerPAS

lsquo(hellip) comme le roi le lui avait ordonneacutersquo

b (hellip) na =ko samay doom doŋŋ lekk (NDiaye-C 2003 174)

OPT =O3SG POSS1SGPL enfant seulement manger

lsquo(hellip) que seulement mes enfants en mangent rsquo

c Bu =la sa doole jey (NDiaye-Correacuteard 2003 174)

PROH =O2SG POSS2SG force flatter

lsquoQue ta force ne te grise pas rsquo

d [Fii =la] [=ko ndaw =si gis] (NDiaye-C 2003 175)

CLLOCDEMPX =FOCC =O3SG femme =CLsDFPX voir

lsquoCest ici que la femme la vursquo

e [Maalig =a] [=ko gis] (NDiaye-Correacuteard 2003 178)

Malick =FOCS =O3SG voir

lsquoCest Malick qui la vursquo

f [Maalig =a nga] [=fa gis genn garab] (NDiaye-C 2003 181)

Malick =PRSTDT =CLLOCDFDT voir CLgSING arbre

lsquoVoilagrave que Malick y a vu un arbrersquo

Ces trois constructions focalisantes sont donc analyseacutees comme des constructions complexes

constitueacutees dune proposition non verbale suivie dune proposition au laquo subjonctif raquo Par contre la

- 159 -

focalisation du verbe preacutesente une structure diffeacuterente NDiaye-Correacuteard (2003 183) rapproche

cette construction de lassertif (notre laquo parfait raquo) (138a-c) Elle analyse ainsi le marqueur da(fa)

comme un type speacutecifique de verbe auxiliaire ne pouvant servir de support aux suffixes de neacutegation

et de passeacute mais pouvant entraicircner lapparition de la marque de deacutependance verbale a

138) a War =na-a =ko=a soacuteob (Diouf 2003 318)

devoir =PRF-S1SG =O3SG=DV redorer

lsquoJe dois le redorerrsquo

b Meumln-u-ma =ko=a gis (NDiaye-Correacuteard 2003 169)

pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG=DV voir

lsquoJe ne peux pas le voirrsquo

c Da-ma =ko=a jeacutellale (Diouf 2003 167)

FOCV-S1SG =O3SG=DV passer_sous_silence

lsquoJe le passe sous silencersquo

Tout comme les analyses de Diouf (1985) Kihm (1999) ou Torrence (2013b) lanalyse proposeacutee

par NDiaye-Correacuteard (1989 2003) a lavantage doffrir une preacutesentation plus simple du systegraveme

verbal De plus elle propose une explication de la similariteacute des schegravemes morphosyntaxiques de

plusieurs constructions preacutedicatives Neacuteanmoins cette analyse preacutesente plusieurs problegravemes Le

premier reacuteside dans le traitement des diffeacuterents marqueurs grammaticaux En effet NDiaye-

Correacuteard choisit des eacutetiquettes floues ou idiosyncrasiques quelle nexplique pas Ainsi les

marqueurs la a et a ngi sont analyseacutes comme des laquo preacutedicatifs non verbaux raquo dafa comme un

laquo focalisateur verbal raquo et na (OPT) et bu comme des laquo particules raquo Le traitement de la focalisation

du verbe pose eacutegalement problegraveme En effet sil sagit dune construction au parfait avec un verbe

dafa pourquoi le marqueur de parfait est-il absent Lexplication fournie par NDiaye-Correacuteard

(2003 183) ne nous semble pas convaincante Elle explique que la marque napparaicirct pas car le

verbe dafa laquo est intrinsegravequement assertif et nadmet aucune opposition modale raquo Mais le problegraveme

le plus important reacuteside dans lanalyse seacutemantique du tiroir verbal quelle nomme laquo subjonctif raquo La

valeur de ce tiroir verbal est une valeur par deacutefaut Lauteure ne fournit aucune analyse seacutemantique

preacutecise de cette construction Elle indique uniquement quil sagit toujours de propositions

deacutependantes (dougrave le choix de leacutetiquette laquo subjonctif raquo) Cependant le tiroir verbal quelle nomme

laquo indicatif raquo (notre laquo subjonctif-conseacutecutif raquo) peut eacutegalement ecirctre utiliseacute dans des propositions

- 160 -

deacutependantes Ce trait ne suffit donc pas agrave caracteacuteriser la construction

En plus des problegravemes speacutecifiques que nous avons citeacutes toutes ces analyses preacutesentent plusieurs

autres problegravemes Premiegraverement elles ne permettent pas dexpliquer la distribution compleacutementaire

des constructions preacutedicatives En effet si les constructions focalisantes sont des cliveacutees pourquoi

la proposition verbale qui suit ne peut-elle pas ecirctre au parfait ou au futur Une solution possible

serait que le choix de TAM est reacuteduit dans ce type de propositions etou que le verbe est agrave une

forme inteacutegrative Mais cette solution ne nous semble pas eacuteconomique De plus elle pose problegraveme

avec le subjonctif-conseacutecutif qui est eacutegalement une construction deacutependante mais qui ne preacutesente

pas les mecircmes caracteacuteristiques que les constructions focalisantes Deuxiegravemement ces analyses ne

permettent pas dexpliquer les paradigmes personnels des diffeacuterentes constructions preacutedicatives En

effet si les constructions focalisantes sont des cliveacutees la forme du pronom sujet devrait ecirctre

identique agrave celle de la relative ou au moins ecirctre preacutedictible en connaissant les processus

phonologiques de la langue Or les paradigmes personnels sont idiosyncratiques la forme des

pronoms sujets ainsi que les trous dans le paradigme ne sont pas preacutedictibles Par ailleurs ces

analyses ne permettent pas dexpliquer lidentiteacute formelle des paradigmes personnels du parfait et de

la focalisation du compleacutement (sect 254 et sect 211)

Nous avons donc deacutecideacute dadopter lanalyse laquo classique raquo Ainsi suivant Robert (2000 230)

nous consideacuterons que la focalisation est inteacutegreacutee agrave la conjugaison en wolof contemporain Notons

que cette situation nest pas propre au wolof En effet la focalisation est exprimeacutee de faccedilon

analogue dans dautres langues africaines (Hyman amp Watters 1984 Bearth 1999) notamment dans

la famille atlantique (Robert 2010a) Neacuteanmoins nous ne rejetons pas lensemble des analyses

proposeacutees par Diouf (1985) Kihm (1999) Torrence (2013b) et NDiaye-Correacuteard (1989 2003) En

effet nous consideacuterons que ces travaux permettent de mettre en eacutevidence des chemins de

grammaticalisation possibles pouvant expliquer linteacutegration de la focalisation dans le systegraveme

verbal en wolof contemporain

257 Synthegravese

Le wolof dispose de quatre constructions speacutecifiques pour exprimer le focus focalisation du

sujet (FOCS) preacutesentatif (PRST) focalisation du compleacutement (FOCC) et focalisation du verbe (FOCV)

Ces constructions se distinguent essentiellement par la porteacutee la reacutealisation et le controcircle du focus

Ces constructions se distinguent par la porteacutee du focus Dans la construction FOCV le focus porte

- 161 -

sur le preacutedicat de la phrase Dans la construction FOCC le focus porte sur un argument objet ou un

satellite du verbe de la phrase Dans la construction PRST le focus porte sur la phrase entiegravere Dans la

construction FOCS le focus porte soit sur largument sujet du verbe soit sur la phrase entiegravere

Concernant la reacutealisation du focus il convient de noter une singulariteacute typologique du wolof

labsence de marquage prosodique de la focalisation En effet lintonation utiliseacutee comme marque

de la focalisation dans la plupart des langues ne joue pas ce rocircle en wolof (Rialland amp Robert 2001

2003) Lintonation peut neacuteanmoins permettre de distinguer les deux porteacutees possibles de FOCS On

observe une intonation assertive normale (courbe plate ou descendante et intonegraveme final bas)

lorsque le focus porte sur le sujet et une intonation intensive caracteacuteriseacutee par un point haut

demphase portant sur le verbe dans le cas de lexclamative avec emphase sur le preacutedicat (Rialland

amp Robert 2003 182) En revanche dans les quatre constructions focalisantes le focus est reacutealiseacute

morphologiquement par la preacutesence dun marqueur speacutecifique a a ng- la da(fa) Il est eacutegalement

reacutealiseacute syntaxiquement dans FOCC FOCS et PRST Dans ces constructions on peut identifier une

position syntaxique focus situeacutee en tecircte de phrase immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif

Cette position est occupeacutee par lobjet ou le satellite focaliseacute dans FOCC ou par le sujet dans FOCS et

PRST Par contre un tel marquage syntaxique de la focalisation est absent de FOCV

Ainsi FOCV se distingue des autres constructions par une absence de reacutealisation syntaxique du

focus De plus lexpression du focus sur largument sujet et lexpression du focus sur la phrase

semblent lieacutees En effet le focus portant sur la phrase est soit reacutealiseacute par une construction dont la

principale valeur est de focaliser le sujet agrave savoir FOCS soit par une construction preacutesentant une

structure formellement similaire agrave FOCS agrave savoir PRST Cette situation nest pas propre au wolof

Selon Lambrecht (1994 235) la reacutealisation du focus sur le preacutedicat se distingue geacuteneacuteralement des

autres structures focales alors que la reacutealisation du focus sur un argument ne se distingue pas

neacutecessairement de la reacutealisation du focus sur la phrase En fait la similariteacute ou lidentiteacute formelle

entre ces deux derniegraveres structures focales est un pheacutenomegravene courant dans les langues (Lambrecht

1994 321) Par exemple en somali le focus sur la phrase (139a) est geacuteneacuteralement reacutealiseacute de la

mecircme maniegravere que le focus sur le sujet (139b) alors que le focus sur le preacutedicat est reacutealiseacute

autrement (Tosco 2002)

139) Somali (Tosco 2002)

a Maxaa dhacay Cali baa Maryam dilay

quoi avoir_lieuPAS3M Ali FOC Marie frapperPAS3M

lsquoQuest-ce qui sest passeacute Cest Ali qui a frappeacute Mariersquo

- 162 -

b Yaa Maryam dilay Cali baa Maryam dilay

qui Marie frapperPAS3M Ali FOC Marie frapperPAS3M

lsquoQui a frappeacute Marie Cest Ali qui a frappeacute Mariersquo

Le controcircle du focus diffegravere dune construction agrave lautre Dans chacune des quatre constructions

focalisantes le controcircle peut ecirctre pragmatique (le locuteur deacutetermine leacuteleacutement qui doit ecirctre focaliseacute

en fonction du contexte discursif) En revanche seules les constructions focalisant un argument

preacutesentent un controcircle grammatical (des contraintes grammaticales imposent la focalisation dun

eacuteleacutement) Comme nous lavons vu FOCS est obligatoire avec les verbes comparatifs et dans les

interrogatives partielles si le sujet est un pronom interrogatif ou contient un deacuteterminant

interrogatif et FOCC est obligatoire dans les interrogatives partielles si leacuteleacutement focaliseacute (objet ou

satellite) est un pronom interrogatif ou contient un deacuteterminant interrogatif et dans les interrogatives

partielles agrave preacutedicat non verbal Les deux autres constructions focalisantes preacutesentent eacutegalement des

contraintes demploi lieacutees agrave la grammaire de la langue mais aucune ne semble imposer lutilisation

de la construction en question Ainsi comme nous lavons vu PRST est geacuteneacuteralement utiliseacute dans les

reacuteponses aux questions comprenant la copule locative interrogative et FOCV avec les verbes

daction ne permet pas de constituer un eacutenonceacute complet (ce type de proposition doit ecirctre lieacute soit agrave

une autre proposition soit au contexte discursif)

Le type de focus ne permet pas de distinguer les constructions focalisantes du wolof En effet

comme nous lavons vu les constructions FOCV FOCC FOCS et PRST peuvent toutes les quatre ecirctre

utiliseacutees pour exprimer un focus assertif ou contrastif

Tableau 219 - Paramegravetres des constructions focalisantes

Reacutealisation Type Porteacutee Controcircle

FOCSmorphologiqueet syntaxique

assertifou contrastif

argument (sujet)ou phrase

pragmatiqueou grammatical

PRSTmorphologiqueet syntaxique

assertifou contrastif

phrasepragmatique

(ou grammatical)

FOCCmorphologiqueet syntaxique

assertifou contrastif

argument(objet ou satellite)

pragmatiqueou grammatical

FOCV morphologiqueassertif

ou contrastifpreacutedicat

pragmatique(ou grammatical)

- 163 -

- 164 -

CCHAPITREHAPITRE 3 - 3 - LLEXPRESSIONEXPRESSION

DESDES AUTRESAUTRES CATEacuteGORIESCATEacuteGORIES VERBALESVERBALES

31 La neacutegation

La neacutegation est marqueacutee de faccedilon relativement diffeacuterente selon les constructions preacutedicatives On

deacutenombre cinq faccedilons distinctes dexprimer ce trait Ces cinq constructions neacutegatives peuvent ecirctre

classeacutees en trois types les constructions neacutegatives syntheacutetiques les constructions neacutegatives agrave

marqueur preacutedicatif et la construction neacutegative agrave verbe auxiliaire Les deux derniers types peuvent

ecirctre analyseacutes comme des constructions peacuteriphrastiques On note eacutegalement lexistence de

constructions neacutegatives agrave copule servant notamment deacutequivalents neacutegatifs des preacutedicats non

verbaux

311 Les constructions neacutegatives syntheacutetiques

La majoriteacute des constructions preacutedicatives ont une reacutealisation syntheacutetique de la neacutegation Ces

constructions neacutegatives sont caracteacuteriseacutees par la preacutesence dun suffixe verbal encodant la neacutegation

Dans le cas du parfait neacutegatif il sagit dun suffixe suppleacutetif qui remplace le marqueur preacutedicatif

alors que dans toutes les autres constructions il sagit dun suffixe qui sajoute au verbe sans

modifier le reste de la construction

3111 Le parfait neacutegatif

Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetails en (sect 212) Cette construction est leacutequivalent

neacutegatif du parfait Elle se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe verbal -u(l) amalgameacute agrave lindice

sujet qui remplace le marqueur preacutedicatif na (140a-b) Le -l final du suffixe tombe devant les

indices pronominaux (140c) et les pronoms clitiques (140d) (Diouf 2009 165) Un w- eacutepentheacutetique

est inseacutereacute si le verbe finit par une voyelle (140e) (Diouf 2009 144)

- 165 -

140) a Lekk =na meeb =bi (Diouf 2003 223)

manger =PRFS3SG appacirct =CLbDFPX

lsquoIl a mangeacute lappacirctrsquo

b Lekk-ul yax =yi (Diouf 2003 442)

manger-PRFNEGS3SG brin =CLyDFPX

lsquoIl na pas mangeacute les brins de paillersquo

c Lekk-u-ma (Diouf 2003 20)

manger-PRFNEG-S1SG

lsquoJe nai pas mangeacutersquo

d Lekk-u =ko (Diouf 2003 204)

manger-PRFNEGS3SG =O3SG

lsquoIl ne la pas mangeacutersquo

e Fagravette-wu-ma =ko benn yoon (Diouf 2003 532)

oublier-PRFNEG-S1SG =O3SG CLbSING chemin

lsquoJe ne lai nullement oublieacutersquo

3112 La neacutegation affixale

Cette construction neacutegative se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe -ul80 sur le premier verbe de

la proposition Ce proceacutedeacute permet de construire leacutequivalent neacutegatif de trois constructions

preacutedicatives focalisation du compleacutement (141a) focalisation du sujet (141b) et focalisation du

verbe (141c)

141) a Yow =la Omar gis-ul (Diouf 2009 93)

PRO2SG =FOCC Omar voir-NEG

lsquoCest toi quOmar na pas vursquo

80 Fal (1999 85) et Diouf (2009 104) notent eacutegalement lexistence dune variante dialectale -ut

- 166 -

b Omar =a gis-ul Faatu (Diouf 2009 86)

Omar =FOCS voir-NEG Fatou

lsquoCest Omar qui na pas vu Fatoursquo

c Dama gis-ul Omar (Diouf 2009 70)

FOCVS1SG voir-NEG Omar

lsquoJe nai pas vu Omarrsquo

Ce proceacutedeacute est eacutegalement utiliseacute pour exprimer la neacutegation dans les subordonneacutees relatives

(142a) et dans les subordonneacutees temporelles (142b) et hypotheacutetiques (142c)

142) a Am =na ntildeaari yeumlf (Diouf 2003 403)

avoir =PRFS3SG deuxGENPL choses

yu =ma sopp-ul ci moom

CLyREL =S1SG aimer-NEG PREPPX PRO3SG

lsquoIl y a deux choses que je naime pas en luirsquo

b Ceacutey sama njagraveqare =ja (Diouf 2003 483)

EMPH POSS1SG embarras =CLjDFDT

ba ma =la gis-ul-ee

TEMP S1SG =O2SG voir-NEG-ANT

lsquoQuel ne fut mon embarras quand je ne tai pas vursquo

c Su =ma =ko ping-ul dafa=y ubbiku (Diouf 2003 355)

HYP =S1SG =O3SG eacutepingler-NEG FOCVS3SG=IPF fermerINVMOY

lsquoSi je ne le fixe pas avec une eacutepingle ccedila va souvrirrsquo

Comme au parfait neacutegatif un w- eacutepentheacutetique est inseacutereacute si le verbe finit par une voyelle (143a)

(Diouf 2009 144) Neacuteanmoins si la proposition est agrave limperfectif -ul se suffixe au verbe auxiliaire

di provoquant la chute de la voyelle finale du verbe au lieu de linsertion de la consonne

eacutepentheacutetique (143b)

143) a Danga woacuteolu-wul sa bopp rekk (Diouf 2003 166)

FOCVS2SG avoir_confiance-NEG POSS2SG tecircte seulement

lsquoSimplement tu nas pas confiance en toirsquo

- 167 -

b Fenn =laa d-ul dem (Diouf 2003 125)

CLLOCSING =FOCCS1SG IPF-NEG partir

lsquoJe nirai nulle partrsquo

Contrairement au parfait neacutegatif la neacutegation affixale nest pas suppleacutetive Ainsi le morphegraveme

encodant la neacutegation ne remplace pas le marqueur preacutedicatif etou les affixes de flexion verbale

Comme le note Church (1981 145) cette construction neacutegative est beaucoup plus rare que le

parfait neacutegatif La consultation de notre corpus a confirmeacute cette remarque Nous navons releveacute que

une ou deux occurrences pour certaines constructions preacutedicatives

312 Les constructions neacutegatives agrave marqueur preacutedicatif

Ces constructions sont caracteacuteriseacutees par la preacutesence dun marqueur preacutedicatif suppleacutetif

Autrement dit il sagit de constructions preacutedicatives dans lesquelles la neacutegation est encodeacutee par un

marqueur preacutedicatif qui remplace le marqueur preacutedicatif de la construction preacutedicative non neacutegative

eacutequivalente

3121 Le futur neacutegatif

Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetail en (sect 222) Cette construction est leacutequivalent

neacutegatif du futur Elle se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif du qui remplace le

marqueur preacutedicatif dina (144a-b) La proximiteacute de cette forme avec celle du parfait neacutegatif est due

au fait que le futur neacutegatif est issu de la grammaticalisation du verbe auxiliaire di au parfait neacutegatif

144) a Dina-a gis Omar (Diouf 2009 75)

FUT-S1SG voir Omar

lsquoJe verrai Omarrsquo

b Du-ma gis Omar (Diouf 2009 75)

FUTNEG-S1SG voir Omar

lsquoJe ne verrai pas Omarrsquo

- 168 -

3122 Le prohibitif

Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetails en (sect 233) Cette construction est leacutequivalent

neacutegatif de loptatif et de limpeacuteratif Elle se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif bu

(1SG 3SG 1PL 3PL) ou bul (2SG 2PL) qui remplace le marqueur preacutedicatif de loptatif na (145a-c)

Similairement au suffixe de limpeacuteratif le -l final du marqueur preacutedicatif bul agrave la deuxiegraveme

personne du singulier tombe devant un objet pronominal (145d)

145) a Na-ntildeu dem ca keumlr =ba (Diouf 2009 76)

OPT-S3PL partir PREPDT maison =CLbDFDT

lsquoQuils aillent agrave la maison rsquo

b Bu-ntildeu dem ca keumlr =ba (Diouf 2009 77)

PROH-S3PL partir PREPDT maison =CLbDFDT

lsquoQuils naillent pas agrave la maison rsquo

c Bul dem leacuteegi (Diouf 2003 76)

PROHS2SG partir maintenant

lsquoNe ten va pas maintenant rsquo

d Bu =ko jentilde (Diouf 2003 168)

PROHS2SG =O3SG pousser

lsquoNe le pousse pas rsquo

313 La construction neacutegative agrave verbe auxiliaire

Le preacutesentatif (146a) et le subjonctif-conseacutecutif (147a) semblent incompatibles avec le suffixe de

neacutegation (Robert 1990 171-172 Torrence 2013a 34-35) Neacuteanmoins selon Robert (1990 171)

certains locuteurs acceptent la forme agrave condition quelle soit suivie dune proposition coordonneacutee

(146b) Pour nier une proposition au preacutesentatif (146c) ou au subjonctif-conseacutecutif (147b-c) on

utilise le verbe bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (Robert 1990 171-172 Torrence 2013a 34-35)

146) a Mi ngi lekk-ul (Robert 1990 171)

PRO3SGPRSTPX manger-NEG

- 169 -

b Mi ngi lekk-ul te beumlgg dem (Robert 1990 171)

PRO3SGPRSTPX manger-NEG et vouloir partir

lsquoIl na pas mangeacute et il veut partir rsquo

c Mu ngi di bantildentildeakk=a nelaw (Torrence 2013a 34)

PRO3SGPRSTPX IPF refusermanquer=DV dormir

lsquoIl na pas mangeacute et il veut partir rsquo

147) a Mu lekk-ul (Robert 1990 172)

S3SG manger-NEG

b Mu bantilde=a lekk (Robert 1990 172)

S3SG refuser=DV manger

lsquoIl na quagrave arrecircter de manger rsquo

c Beumlgg =naa mu bantildentildeakk=a lekk ceeb (Torrence 2013a 34)

vouloir =PRFS1SG S3SG refusermanquer=DV manger riz

lsquoJe ne veux pas quil mange du rizrsquo

Ce proceacutedeacute est eacutegalement utiliseacute pour exprimer la neacutegation dans les propositions infinitives

(148a) Neacuteanmoins dans certains eacutenonceacutes le suffixe de neacutegation -ul semble se suffixer agrave un verbe agrave

linfinitif (148b) Cependant dans ce type de proposition la traduction franccedilaise induit en erreur En

effet le verbe portant ce suffixe nest pas agrave linfinitif mais au parfait neacutegatif (sect 3111) comme le

montre la traduction litteacuterale proposeacutee notamment par Diouf (2003 192)

148) a Bantilde=a fonk sa lagravekk ngecceel =la (Diouf 2003 251)

refuser=DV estimer POSS2SG langue complexe =FOCC

lsquoNe pas estimer sa langue est un complexe dinfeacuterioriteacutersquo

b Xam-ul aay =na (Diouf 2003 192)

savoir-PRFNEGS3SG ecirctre_mal =PRFS3SG

wagravente laajte-wul =a =ko yeacutees

mais demander-PRFNEGS3SG =FOCS =O3SG ecirctre_pire

lsquoNe pas savoir est mal mais ne pas demander est pirersquo

(litt lsquoIl ne sait pas est mal mais il na pas demandeacute est pirersquo)

- 170 -

314 Les constructions neacutegatives agrave copule

Les constructions neacutegatives agrave copules sont utiliseacutees comme des eacutequivalents neacutegatifs des preacutedicats

non verbaux ou lorsque la porteacutee de la neacutegation se limite agrave un argument ou satellite du verbe

3141 La copule neacutegative

Comme nous lavons vu en (sect 222) la copule verbale di au parfait neacutegatif (du) est utiliseacutee pour

former des preacutedicats non verbaux Elle permet notamment dexprimer la neacutegation dans un preacutedicat

nominal non reacutefeacuterentiel (149a) ou un preacutedicat eacutequatif (150a) Cette construction est donc

leacutequivalent neacutegatif des preacutedicats non verbaux exprimeacutes par la focalisation du compleacutement (149b-

150b)

149) a Man du-ma como (Diouf 2003 84)

PRO1SG COPPRFNEG-S1SG individu_sans_importance

lsquoMoi je ne suis pas nimporte quirsquo

b Seacuteereacuteer piir =la-a (Diouf 2003 280)

seacuteregravere ecirctrepur =FOCC-S1SG

lsquoJe suis un seacuteregravere bon teintrsquo

150) a Buur du mbokk (Diouf 2003 220)

roi COPPRFNEGS3SG parent

lsquoLe roi nrsquoest pas un parent (la peacuterenniteacute de son regravegne passe avant la parenteacute)rsquo

b Leacuteebeacuteer rab wu am doole =la (Diouf 2003 199)

hippopotame animal CLwREL avoir force =FOCC

lsquoLhippopotame est un animal fortrsquo

Par ailleurs dans les constructions focalisantes la copule neacutegative du permet dexprimer une

neacutegation dont la porteacutee se limite agrave un argument ou satellite du verbe En effet la focalisation du

sujet (151a) et la focalisation du compleacutement (152a) sont compatibles avec le suffixe verbal -ul

mais la neacutegation porte alors sur le preacutedicat (Robert 2000 258) Pour exprimer une neacutegation dont la

porteacutee se limite agrave leacuteleacutement focaliseacute il faut ajouter la copule neacutegative du immeacutediatement avant

leacuteleacutement mis en focus (151b-152b)

- 171 -

151) a Ma=a teumlj-ul palanter =bi (Robert 1990 171)

PRO1SG=FOCS fermer-NEG fenecirctre =CLbDFPX

lsquoCest moi qui nest pas fermeacute la fenecirctrersquo

b Du man ma=a =ko wax de (Cisseacute Ma 1994 48)

COPPRFNEGS3SG PRO1SG PRO1SG-FOCS =O3SG dire EMPH

lsquoCe nest pas moi qui vous le disrsquo (litt lsquoCe nest pas moi cest moi qui vous le disrsquo)

152) a Astu =la-a gis-ul (Diouf 2009 104)

Astou =FOCC-S1SG voir-NEG

lsquoCest Astou que je nai pas vursquo

b Du Ndar =la-a dem (Diouf amp Yaguello 1991 214)

COPPRFNEGS3SG Saint-Louis =FOCC-S1SG partir

lsquoCe nest pas agrave Saint-Louis que je suis alleacutersquo

3142 La neacutegation des preacutedicats locatifs

Comme nous lavons vu en (sect 253) le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats non

verbaux locatifs (153a) Leacutequivalent neacutegatif de ce type de preacutedicat se construit avec le verbe nekk

(ecirctre se trouver) au parfait neacutegatif (153b-c) (Diouf amp Yaguello 1991 216)

153) a Feek ya=a ngi =fi du wonewu (Diouf 2009 371)

tantque PRO2SG=PRSTPX =CLLOCDFPX FUTNEGS3SG montrerMOY

lsquoTant que tu seras lagrave il ne se montrera pasrsquo

b Yoacutennee =naa =la ndaw (Diouf 2009 240)

envoyer =PRFS1SG =O2SG messager

nekk-uloo =fa =woon

ecirctre-PRFNEGS2SG =CLLOCDFDT =PAS

lsquoJe tai envoyeacute un messager tu ny eacutetais pasrsquo

- 172 -

c Borom tool =bi nekk-u =fi (Diouf 2009 162)

proprieacutetaire champs =CLbDFPX ecirctre-PRFNEGS3SG =CLLOCDFPX

waaye jawrintilde =ba=a ngi =fi

mais intendant =CLbDF=PRSTPX =CLLOCDFPX

lsquoLe proprieacutetaire du champ nest pas lagrave mais le surveillant est lagraversquo

315 Synthegravese

Pour reacutesumer lexpression de la neacutegation diffegravere selon la construction consideacutereacutee Dans le cas du

parfait du futur de loptatif et de limpeacuteratif la neacutegation est exprimeacutee par une construction

suppleacutetive cest-agrave-dire que le marqueur encodant la neacutegation remplace le marqueur encodant le

tiroir verbal de ces constructions En revanche dans les autres constructions preacutedicatives le

morphegraveme encodant la neacutegation sajoute sans modifier la structure de la construction

Tableau 31 - Expression de la neacutegation en wolof

Construction Expression de la neacutegation Type

ParfaitSuffixe verbal -u(l)agrave la place du marqueur na

Construction neacutegativesyntheacutetique

Focalisation du sujet

Suffixe verbal -ulFocalisation du compleacutement

Focalisation du verbe

Relatif

FuturMarqueur duagrave la place du marqueur dina

Construction neacutegativeagrave marqueur preacutedicatif

OptatifMarqueur buagrave la place du marqueur na

ImpeacuteratifMarqueur bul anteacuteposeacute au verbeagrave la place du suffixe -al

PreacutesentatifVerbe auxiliairebantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer)

Construction neacutegativeagrave verbe auxiliaire

Subjonctif-Conseacutecutif

Infinitif

Preacutedicat non verbalnon locatif

Copule verbale neacutegative duConstruction neacutegative

agrave copulePreacutedicat non verballocatif

Copule verbale neacutegative nekk-ul

- 173 -

Par ailleurs la nature du marqueur de la neacutegation diffegravere selon la construction consideacutereacutee En

effet il peut sagir dun affixe verbal (parfait focalisation du sujet focalisation du compleacutement

focalisation du verbe relatif) dun marqueur preacutedicatif speacutecifique (futur prohibitif) dun verbe

auxiliaire (subjonctif-conseacutecutif infinitif preacutesentatif) ou dune copule verbale (preacutedicat non

verbal)

Enfin agrave lexception de la construction neacutegative agrave verbe auxiliaire on remarque que toutes les

formes de neacutegation ont en commun un eacuteleacutement -u-81 dans leur marque de flexion agrave toutes les

personnes (Robert 1990 168)

32 Limperfectif

Le wolof connaicirct une opposition aspectuelle entre perfectif (ou accompli) et imperfectif (ou

inaccompli)82 Le perfectif constitue la forme non marqueacutee (154a) alors que limperfectif est

marqueacute par le verbe auxiliaire di (154b)

154) a Omar =a =leen boole (Diouf 2003 73)

Omar =FOCS =O3PL semer_la_zizanie

lsquoCest Omar qui a semeacute la discorde entre euxrsquo

b Yagravella rekk =a =leen di musal (Diouf 2003 550)

Dieu seulement =FOCS =O3PL IPF proteacuteger

lsquoSeul Dieu les protegravegersquo

321 Le statut du marqueur dimperfectif

Il nexiste pas de consensus dans la litteacuterature concernant la nature de di Suivant entre autres

Diagne (1971 112-118) et Voisin (2010 153-158) nous lanalysons comme un verbe auxiliaire

En effet di preacutesente une grande partie des proprieacuteteacutes propres aux verbes Il peut servir de support au

suffixe de passeacute (155a) au suffixe de neacutegation (156a) et au suffixe dimpeacuteratif (157a)

81 Selon Robert (1990 168) la marque -u- pourrait peut-ecirctre ecirctre rapprocheacutee de la marque dindeacutetermination spatiale-u (sect 41) Cette hypothegravese est inteacuteressante mais leacutetat actuel des connaissances diachroniques ne nous permet pasde linfirmer ou de la confirmer

82 Nous utilisons les termes laquo perfectif raquo et laquo imperfectif raquo dans le sens que leur donne Comrie (1976)

- 174 -

155) a Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)

FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX

lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo

b Dama dem-oon Faas (Diouf 2003 117)

FOCVS1SG partir-PAS Fegraves

lsquoJeacutetais alleacute agrave Fegravesrsquo

156) a Am =na ay beumlreumlb yu =ma d-ul dem (Diouf 2003 48)

avoir =PRFS3SG IDFCLy endroit CLyREL =S1SG IPF-NEG partir

lsquoIl y a des endroits ougrave je ne pars pasrsquo

b Am =na rab yu beumlgg-ul leer (Diouf 2003 199)

avoir =PRFS3SG animal CLyREL aimer-NEG lumiegravere

lsquoIl y a des animaux qui naiment pas la lumiegraverersquo

157) a Di-l deacuteglu xabaar =yi ci wolof (Diouf 2003 376)

IPF-IMPS2SG eacutecouter information =CLyDFPX PREPPX wolof

lsquoIl faut eacutecouter les nouvelles en wolof rsquo

b Indi-l antilde =bi (Diouf 2003 52)

apporter-IMPS2SG deacutejeuner =CLbDFPX

lsquoApporte le deacutejeuner rsquo

Par ailleurs il occupe la mecircme position que le verbe au parfait (158a-b) et au parfait neacutegatif

(159a-b) (Torrence 2003) Comme nous lavons vu en (sect 22) ces formes sont aujourdhui figeacutees et

correspondent respectivement au futur et au futur neacutegatif

158) a Di -na-a sarale ntildeaari nopp =yi (Diouf 2003 304)

IPF -PRF-S1SG transpercer deuxGENPL oreille =CLyDFPX

lsquoJe transpercerai de bout en bout les deux oreillesrsquo

b War =na-a soacuteoblu sama lam =bi (Diouf 2003 318)

devoir =PRF-S1SG dorerCAUS POSS1SG bracelet =CLbDFPX

lsquoJe dois faire redorer mon braceletrsquo

- 175 -

159) a D-u-ma naan sa keumlsit (Diouf 2003 186)

IPF-PRFNEG-S1SG boire POSS2SG reste

lsquoJe ne boirai pas ce que tu as laisseacutersquo

b Meumln-u-ma deacutekku mettit =woowu (Diouf 2003 225)

pouvoir-PRFNEG-S1SG supporter douleur =CLwDEMPX

lsquoJe ne peux pas supporter cette douleurrsquo

De fait cette observation ne se limite pas au parfait En effet comme nous lavons vu en

(sect 243) la position du pronom objet tend agrave prouver que di occupe la mecircme position quun verbe

prenant un compleacutement infinitival quelque soit la construction (Voisin 2010 153-154) Ainsi la

position de lobjet pronominal par rapport agrave di est identique agrave celle de ce pronom par rapport agrave un

verbe prenant un compleacutement infinitival (160a-b) La seule diffeacuterence reacuteside dans labsence de

marque de deacutependance verbale avec di

160) a Dafa =leen di foacuteoxal (Diouf 2003 130)

FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer

lsquoIl les bluffersquo

b Dafa =leen beumlgg=a tuur leumlndeumlm (Diouf 2003 202)

FOCVS3SG =O2PL vouloir=DV verser obscuriteacute

lsquoIl veut vous duperrsquo

Un dernier argument en faveur dune analyse de di comme un verbe est son utilisation comme

copule (161a) (Voisin 2010 156-158) Dans cet emploi di est clairement une copule verbale

puisquil est compatible avec le suffixe de passeacute (161b) le suffixe de neacutegation (161c) et le suffixe

danteacuterioriteacute (161d)

161) a Ku di sa xarit leacuteegi (Diouf 2003 104)

CLHUMSGREL COP POSS2SG ami maintenant

lsquoQui est ton ami maintenant rsquo

b Moo d-oon farba (Diouf 2003 119)

PRO3SGFOCS COP-PAS premier_ministre

lsquoCest lui qui eacutetait premier ministrersquo

- 176 -

c Lu d-ul Yagravella neen =la (Diouf 2003 246)

CLCHSGREL COP-NEG Dieu neacuteant =FOCCS3SG

lsquoTout ce qui nest pas Dieu est du neacuteantrsquo

d Su d-ee sa weumlrseumlg dinga =ci jot (Diouf 2003 368)

HYPS3SG COP-ANT POSS2SG chance FUTS2SG =PRTFPX atteindre

lsquoSi cest ta chance tu laurasrsquo

322 Les reacutealisations du verbe auxiliaire dimperfectif

Le verbe auxiliaire dimperfectif connaicirct quatre reacutealisations allomorphiques di d- =y et =a La

variante di correspond agrave la forme pleine du verbe La variante d- est la forme obligatoire lorsque le

verbe prend un suffixe flexionnel (155a 156a 159a 161b-d) agrave lexception du suffixe dimpeacuteratif

(157a) La variante =y constitue la forme normale du verbe si le mot qui le preacutecegravede est agrave finale

vocalique Ce dernier pouvant ecirctre un indice sujet (162a) un pronom clitique (162b) un marqueur

preacutedicatif (162c) un deacuteterminant (162d-e) ou un relativiseur (162f) Neacuteanmoins cette variante est

facultative apregraves un deacuteterminant (163a) dans une proposition au subjonctif-conseacutecutif (163b) et

elle est rare lorsque le verbe est utiliseacute comme copule (163c)

162) a Da-ma=y defar sama dagravell (Diouf 2003 96)

FOCV-S1SG=IPF reacuteparer POSS1SG chaussure

lsquoJe reacutepare ma chaussurersquo

b Da-ngeen =ko=y suufu (hellip) (Diouf 2003 324)

FOCV-S2PL =O3SG=IPF se_placer_sous

lsquoIl faut vous placer dessous (hellip)rsquo

c Omar =a=y saytu keumlr =gi (Diouf 2003 306)

Omar =FOCS=IPF veiller_sur maison =CLgDFPX

lsquoCest Omar qui veille sur la maisonrsquo

d Solom =bi =la saasfaam =bi=y seet (Diouf 2003 317)

uregravetre =CLbDFPX =FOCC sage-femme =CLbDFPX=IPF regarder

lsquoLa sage-femme examine luregravetrersquo

- 177 -

e Picc =moomu=y sab de coy =la (Diouf 2003 297)

oiseau =CLmDEMPX=IPF chanter EMPH perroquet =FOCCS3SG

lsquoCet oiseau qui chante est un perroquetrsquo

f Am =na fas wu=y dikk (Diouf 2003 374)

avoir =PRFS3SG cheval CLwREL=IPF arriver

lsquoIl y a un cheval qui arriversquo

163) a Ci portaat =mi =la (Diouf 2003 281)

PREPPX glanage =CLmDFPX =FOCC

xaram =yi di dunde

moutonPOSS3SG =CLyDFPX IPF vivreAPPL

lsquoCest du glanage que vivent ses moutonsrsquo

b Lu =mu =la def (Diouf 2003 289)

CLCHSGREL =S3SG =O2SG faire

ba nga di =ko reumlkk

jusque S2SG IPF =O3SG frapper_dans_le_dos

lsquoQuest-ce quil ta fait pour que tu le frappes dans le dos rsquo

c Sama jabar =a di sama deacuteeyandoo (Diouf 2003 96)

POSS1SG eacutepouse =FOCS COP POSS1SG confident

lsquoMon eacutepouse est ma confidentersquo

La variante =y peut ecirctre analyseacutee comme un clitique speacutecial (Voisin 2010 146-147) En effet

elle correspond parfaitement agrave la deacutefinition proposeacutee par Zwicky (1977) Il sagit dune forme lieacutee

utiliseacutee comme variante dune forme libre ayant le mecircme sens et une structure phonologique

similaire mais preacutesentant une distribution syntaxique diffeacuterente Ainsi di et =y ont bien le mecircme

sens puisquils sont tous deux utiliseacutes comme marqueur dimperfectif ou comme copule La

structure phonologique de =y peut aiseacutement ecirctre rapprocheacutee de celle de la forme libre di [di] gt i [i]

gt =y [j] Enfin comme le note Voisin (2010 146) au subjonctif-conseacutecutif la position des deux

variantes diffegraverent La forme di se place normalement83 entre le pronom sujet et les autres pronoms

83 Diouf (2009 103) mentionne eacutegalement la possibiliteacute de placer di apregraves tous les pronoms Neacuteanmoins nousnavons retrouveacute que peu doccurrences de ce type de structure dans les propositions au subjonctif-conseacutecutif

- 178 -

(164a) alors que la forme =y se place exclusivement apregraves tous les pronoms cest-agrave-dire

immeacutediatement avant le verbe lexical (164b)

164) a Dantildeu beumlgg ngeen di =leen=ko =fa yoacutebbul (Diouf 2009 103)

FOCVS3PL vouloir S2PL IPF =O3PL=O3SG=CLLOCDFDT apporterBEN

lsquoIls veulent que vous le leur apportiez lagrave-basrsquo

b Dantildeu beumlgg ngeen=leen=ko =fa=y yoacutebbul (Diouf 2009 103)

FOCVS3PL vouloir S2PL =O3PL=O3SG=CLLOCDFDT=IPF apporterBEN

lsquoIls veulent que vous le leur apportiez lagrave-basrsquo

La variante =a est beaucoup plus rare sauf dans le wolof de Mauritanie ougrave elle est assez

freacutequente (Dialo et al 1984 8 28) Elle semble ecirctre une variante libre de =y (165-166)

165) a Nantildeu=y ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)

OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX

lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo

b Nantildeu=a ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)

OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX

lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo

166) a Mu =ngi=y nelaw (Diouf 2003 478)

PRO3SG=PRSTPX=IPF dormir

lsquoIl est en train de dormirrsquo

b Mu =ngi=a nelaw (Diouf 2003 251)

PRO3SG=PRSTPX=IPF dormir

lsquoIl est en train de dormirrsquo

323 Valeur et emplois du verbe auxiliaire dimperfectif

Le perfectif indique que la situation est vue comme un tout deacutelimiteacute dans le temps alors que

limperfectif indique que la situation nest pas deacutelimiteacutee dans le temps mais explicite la structure

- 179 -

interne de la situation (Bybee et al 1994) Ainsi limperfectif regroupe plusieurs cateacutegories

aspectuelles (Comrie 1976 25)

Aspect

Perfectif Imperfectif

Habituel Continu

Non-progressif Progressif

Figure 31 - Classification des oppositions aspectuelles

Le verbe auxiliaire dimperfectif di (et ses allomorphes d- =y et =a) a une valeur geacuteneacuterale

dimperfectif Comme le note Voisin (2010 144) laquo il preacutesente le procegraves comme non acheveacute au

point de reacutefeacuterence temporelle raquo Ainsi en fonction du contexte etou de son interaction avec les

diffeacuterents marqueurs preacutedicatifs il pourra renvoyer agrave une valeur de progressif (167a) dhabituel

(167b) ou de futur (167c) Ainsi ce verbe laquo recouvre les diffeacuterents champs que donne Comrie

(1976) agrave laspect imperfective raquo (Voisin 2010 144)

167) a Sama jaaro =laa=y jeacuteex (Diouf 2003 281)

POSS1SG bague =FOCCS1SG=IPF chercher_en_fouillant

lsquoJe fouille pour trouver ma baguersquo

b Bu =ma=y dem tefes (Diouf 2003 395)

TEMP =S1SG=IPF partir plage

carax =yii =laa=y sol

sandale =CLyDEMPX =FOCCS1SG=IPF porter

lsquoQuand il marrive daller agrave la plage je porte ces sandalesrsquo

- 180 -

c Deacuteweacuten laa=y dem Sapoŋ (Diouf 2003 103)

an_prochain FOCCS1SG=IPF partir Japon

lsquoCest lan prochain que je vais aller au Japonrsquo

33 Le passeacute

Comme un grand nombre de langues (Timberlake 2007 305 Dixon 2010 154) le wolof

connaicirct une opposition temporelle entre non-passeacute et passeacute Le non-passeacute constitue la forme non

marqueacutee Selon le contexte la construction preacutedicative etou la preacutesence du verbe auxiliaire

dimperfectif il peut avoir une valeur de preacutesent (168a-b) ou de futur (169a-b)

168) a Dama =la nob (Diouf 2003 260)

FOCVS1SG =O2SG aimer

lsquoJe taimersquo

b Dama =ko=y nettali sama geacutent =gi (Diouf 2003 144)

FOCVS1SG =O3SG=IPF raconter POSS1SG recircve =CLgDFPX

lsquoJe lui raconte mon recircversquo

169) a Dama=y dem Gore eumllleumlg (Diouf 2003 395)

FOCVS1SG=IPF partir Goreacutee demain

lsquoJe vais agrave Goreacutee demainrsquo

b Eumllleumlg nga wat =leen (Diouf 2003 362)

demain S2SG couper_les_cheveux =O3PL

lsquoDemain tu leur couperas les cheveuxrsquo

Certaines propositions non marqueacutees semblent avoir une valeur de passeacute Ainsi dans les

exemples (170a-b) la situation a clairement eu lieu avant le moment deacutenonciation Ce fait est

mecircme explicitement affirmeacute en (170b) via le nom biig (nuit derniegravere) Neacuteanmoins si ces

propositions renvoient agrave une situation ayant eu lieu dans le passeacute du point de vue du temps physique

(time) elles ne relegravevent pas du passeacute du point de vue du temps grammatical (tense) En effet dans

ce type deacutenonceacutes laspect importe plus que le temps Autrement dit le locuteur deacutecrit une situation

- 181 -

qui certes a lieu dans le passeacute mais surtout qui est finie au moment de reacutefeacuterence (qui est ici

identique au moment deacutenonciation) Grammaticalement il sagit donc bien de propositions au

perfectif preacutesent Dailleurs on notera que dans une certaine mesure ce deacutecalage entre time et tense

est eacutegalement preacutesent dans les traductions franccedilaises des exemples lauxiliaire eacutetant conjugueacute au

preacutesent de lindicatif

170) a Dama lagravembaatu ba daj caabi =ji (Diouf 2003 195)

FOCVS1SG tacirctonner jusque trouver cleacute =CLjDFPX

lsquoJai tacirctonneacute pour trouver la clefrsquo

b Dama birale biig yeacutepp (Diouf 2003 71)

FOCVS1SG rester_eacuteveilleacute nuit_derniegravere CLyTOT

lsquoJe suis resteacute eacuteveilleacute toute la nuit derniegraverersquo

Si le non-passeacute constitue la forme non marqueacutee le passeacute est toujours explicitement marqueacute

Lexpression de ce trait connaicirct quelques variations en fonction de leacuteloignement temporel

(remoteness) et du type de proposition

331 Le marqueur de passeacute (w)oon

La plupart des auteurs considegraverent que le passeacute est exprimeacute par le marqueur (w)oon (Perrin

2005 162) Ce marqueur est compatible avec toutes les constructions preacutedicatives (agrave lexception

des injonctives) Neacuteanmoins lanalyse de ce marqueur est relativement probleacutematique En effet il

ne semble pas avoir le mecircme statut morphosyntaxique dans toutes les constructions

Dans les constructions preacutedicatives focalisantes au parfait au subjonctif-conseacutecutif et dans les

relatives il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe -oon apparaissant sur le premier verbe de la

proposition (171a-b) Comme le suffixe de neacutegation (sect 3112) un w- eacutepentheacutetique est inseacutereacute si le

verbe fini par une voyelle (171c) et si la proposition est agrave limperfectif -oon se suffixe au verbe

auxiliaire di provoquant la chute de la voyelle finale du verbe au lieu de linsertion de la consonne

eacutepentheacutetique (171d)

171) a Dama dem-oon Faas (Diouf 2003 117)

FOCVS1SG partir-PAS Fegraves

lsquoJeacutetais alleacute agrave Fegravesrsquo

- 182 -

b Dafa =la beumlgg-oon=a mbalentildefaŋŋ (Diouf 2009 216)

FOCVS3SG =O2SG vouloir-PAS=DV tromper

lsquoIl voulait te tromperrsquo

c Dafa bagraveyyi -woon ay waa-juram (Diouf 2009 48)

FOCVS1SG abandonner-PAS IDFCLy parentPOSS3SG

lsquoIl avait abandonneacute ses parentsrsquo

d Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)

FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX

lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo

Avec la neacutegation affixale il peut apparaicirctre comme un suffixe verbal se situant apregraves le suffixe

de neacutegation (172a) Neacuteanmoins dans ce contexte le w- est eacutegalement attesteacute (172b-c) (Church

1981 117) Or une telle eacutepenthegravese nest pas justifieacutee par le systegraveme phonologique de la langue

(sect 0442) Ainsi dans ces cas woon ne peut pas ecirctre analyseacute comme un affixe La voyelle de ce

marqueur sharmonise avec la voyelle du verbe (173a-b) (cf Ka 1994 Ch 1) ce qui tend agrave montrer

quil sagit dun clitique

172) a Soo =ko fuuf-ul-oonhellip (Diouf 2003 121)

HYPS2SG =O3SG souffler-NEG-PAS

lsquoSi tu navais pas souffleacute dessushelliprsquo

b Bu Maam Xaadim julli-wul =woon ci geacuteej =gihellip (Cisseacute Mo 2006 600)

TEMP Mame Khadim prier-NEG=PAS PREPPX mer =CLgDFPX

lsquoSi Mame Khadim navait pas prieacute en merhelliprsquo

173) a xaal =wa ntildeor-ul =woon (Torrence 2005 196)

[χɐːl =wɐ ɲɔr-ul =wɔːn][-ATR] [-ATR]

melon =CLwDFDT ecirc_mucircr-NEG =PAS

lsquole melon qui neacutetait pas mucircrrsquo

- 183 -

b xaal =wa ma jeumlnd-ul =woon (Torrence 2005 196)

[χɐːl =wɐ mɐ ɟənd-ul =woːn][+ATR] [+ATR]

melon =CLwDFDT S1SG acheter-NEG =PAS

lsquole melon que je navais pas acheteacutersquo

Au parfait neacutegatif agrave la troisiegraveme personne du singulier et en labsence de pronom objet le

marqueur de passeacute peut apparaicirctre comme un suffixe verbal se situant apregraves le suffixe de neacutegation

(174a) Dans tous les autres contextes le marqueur de passeacute se reacutealise comme un mot (ou un

clitique) woon En effet aux autres personnes etou en preacutesence dun ou plusieurs pronoms clitiques

le marqueur woon ne se suffixe pas au verbe lexical mais se place apregraves lindice de personne et les

pronoms clitiques (174b-c) contrairement au parfait (non neacutegatif) ou le marqueur de passeacute se

suffixe au verbe lexical (174d)

174) a Bokk-ul-oon ca mbojj =ma (Diouf 2003 220)

participer-PRFNEGS3SG-PAS PREPDT battage =CLmDFDT

lsquoIl navait pas pris part au battagersquo

b Dem-u-ma =woon ca lagravemb =ja (Diouf 2003 195)

partir-PRFNEG-S1SG =PAS PREPDT lutte =CLjDFDT

lsquoJe navais pas eacuteteacute aux jeux de luttersquo

c Meumln-u-ma =fa =woon ntildeagravekk=a dem (Diouf 2003 484)

pouvoir-PRFNEG-S1SG =CLLOCDFDT =PAS manquer=DV partir

lsquoJe ne pouvais pas mempecirccher dy allerrsquo

d Loolu xam-oon =na-a =ko (Diouf 2003 256)

CLCHSGDEMPX savoir-PAS =PRF-S1SG =O3SG

ca njalbeacuteen =ga

PREPDT origine =CLgDFDT

lsquoJe le savais degraves le deacutebutrsquo

Par ailleurs dans plusieurs contextes le marqueur de passeacute woon semble se comporter comme

un verbe (Fal 1999 88 Diouf 2009 62-63) dont le sens est laquo avoir cours exister (dans le

- 184 -

passeacute) raquo (Diouf 2003 372) En effet dans certaines relatives woon peut apparaicirctre en labsence

dun verbe et occupe la position du verbe de la proposition Il peut ecirctre analyseacute comme un verbe

laquo ecirctre raquo au passeacute agrave valeur existentielle (175a) ou locative (175b)

175) a Seef =ba woon =a =ko geumln-oon=a ubbeeku (Diouf 2003 141)

chef =CLbDFDT ecirctrePAS =FOCS =O3SG ecirc_plus-PAS=DV fermerINVMOY

lsquoLancien chef eacutetait plus ouvert que luirsquo

(litt lsquoCest le chef qui existait qui eacutetait plus ouvert que luirsquo)

b Yuri =na siddeacuteem =si woon (Diouf 2009 587)

vider =PRFS3SG jujube =CLsDFPX ecirctrePAS

ci poosam yeacutepp

PREPPX pochePOSS3SG CLCHPLTOT

lsquoIl a videacute tous les jujubes qui eacutetaient dans sa pochersquo

Lexistence du verbe wonni (ne plus avoir cours) est un argument suppleacutementaire en faveur de

cette analyse En effet ce verbe est deacuteriveacute du verbe woon par ajout du suffixe verbal dinversif -i

(176a) (Fal 1999 88 Diouf 2009 62) On constate que le radical woon subit eacutegalement plusieurs

changements morphophonologiques reacuteduction de la longueur de la voyelle et geacutemination de la

consonne finale (176b) Il sagit de changements attendus pour cette deacuterivation lajout du suffixe de

linversif entraicircne ce type de changements morphophonologiques du radical (176c) (Ka 1981 16-

18)

176) a La woon wonn-i =na (Diouf 2003 371)

CLCHSGDFDT ecirctrePAS ecirctrePASINV-INV =PRFS3SG

lsquoCe qui avait cours na plus coursrsquo

b woon gt wonn-i (Diouf 2003 371)

ecirctrePAS ecirctrePASINV-INV

lsquoeacutetaitrsquo lsquonest plusrsquo

c suul gt sull-i (Ka 1981 17)

enterrer enterrerINV-INV

lsquoenterrerrsquo lsquodeacuteterrerrsquo

- 185 -

Nous pouvons eacutegalement analyser woon comme un verbe dans leacutequivalent passeacute de certains

preacutedicats non verbaux Comme nous lavons vu en (sect 254) la construction focalisation du

compleacutement peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux (177a) Au passeacute le marqueur

woon se place apregraves le marqueur preacutedicatif la (177b) Agrave partir de ces exemples on pourrait supposer

que la est une copule pouvant prendre le suffixe de neacutegation -(w)oon Neacuteanmoins au moins deux

arguments viennent infirmer cette hypothegravese Premiegraverement aucun autre suffixe verbal nest

possible dans ce type de construction Par exemple il est impossible dajouter le suffixe -(w)ul au

marqueur preacutedicatif la Pour nier ce type de preacutedicat il faut utiliser la copule neacutegative du

(sect 3141) Deuxiegravemement le marqueur woon ne se place pas immeacutediatement apregraves le marqueur

preacutedicatif la mais apregraves lindice de personne (178a) et les pronoms clitiques (179a) Or cette

position est celle quoccupe le verbe lexical dans les preacutedicats verbaux (178b-179b) Ainsi dans ce

type de construction nous pouvons analyser woon comme un verbe

177) a Ndaw su jekk =la (Diouf 2003 166)

dame CLsREL ecirctre_eacuteleacutegant =FOCC

lsquoCest une dame eacuteleacutegantersquo

b Xarekat bu aaytal =la woon (Diouf 2003 44)

guerrier CLbREL ecirctre_brave =FOCC ecirctrePAS

lsquoCeacutetait un brave combattantrsquo

178) a Sunu maam =yi ay ceddo =la-ntildeu woon (Diouf 2003 81)

POSS1PL ancecirctre =CLyDFPX IDFCLy animiste =FOCC-S3PL ecirctrePAS

lsquoNos ancecirctre eacutetaient des animistesrsquo

b Ntildei deacutee barsagraveq =la-ntildeu nekk (Diouf 2003 63)

CLHUMPLDFPX ecirctre_mort au-delagrave =FOCC-S3PL se_trouver

lsquoLes deacutefunts sont au seacutejour des mortsrsquo

179) a Benn jinne =la =fi woon (Diouf et al 2009 36)

CLbSING djinn =FOCC =CLLOCDFPX ecirctrePAS

lsquoIl eacutetait une fois un djinnrsquo (litt lsquoCeacutetait ici un djinnrsquo)

- 186 -

b Beumlcceumlgu ndarakagravemm =la =fi agsi (Diouf 2003 240)

en_plein_jour =FOCCS3SG =CLLOCDFPX arriver

lsquoIl est arriveacute ici en plein jourrsquo

Cette analyse fonctionne aussi avec les preacutedicats non verbaux locatifs Comme nous lavons vu

en (sect 253) le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats locatifs (180a) Au passeacute le

marqueur woon se place apregraves le marqueur preacutedicatif a ng- (180b) Agrave partir de ces exemples on

pourrait supposer que a ng- est une copule pouvant prendre le suffixe de neacutegation -(w)oon

Neacuteanmoins comme pour la focalisation du compleacutement deux arguments viennent infirmer cette

hypothegravese Premiegraverement aucun autre suffixe verbal nest possible dans ce type de construction Par

exemple il est impossible dajouter le suffixe -(w)ul au marqueur preacutedicatif a ng- Pour nier ce type

de preacutedicat il faut introduire le verbe nekk (se trouver) (sect 3142) Deuxiegravemement le marqueur

woon ne se place pas immeacutediatement apregraves le marqueur preacutedicatif a ng- mais apregraves les pronoms

clitiques (181a) Or cette position est celle quoccupe le verbe lexical dans les preacutedicats verbaux

(181b)

180) a Sama baay =a nga ca tool =ba (Diouf 2003 349)

POSS1SG pegravere =PRSTDT PREPDT champ =CLbDFDT

lsquoMon pegravere est au champrsquo

b Ndakaaru yeacutepp =a nga woon ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 81)

Dakar CLCHPLTOT =PRSTDT ecirctrePAS PREPDT noces =CLgDFDT

lsquoTout Dakar eacutetait aux nocesrsquo

181) a Mu =ngi =fi woon leacuteegi (Diouf 2003 513)

PRO3SG=PRSTPX =CLLOCDFPX ecirctrePAS maintenant

lsquoIl eacutetait lagrave il y a un instantrsquo

b Mu =ngi =ko takk ci kojoacuter =bi (Diouf 2003 188)

PRO3SG=PRSTPX =O3SG attacher PREPPX cou-de-pied =CLbDFPX

lsquoIl la attacheacute au cou-de-piedrsquo

Cette analyse semble eacutegalement pertinente avec le dernier type de preacutedicats non verbaux

nutilisant pas la copule di Comme nous lavons vu en (sect 252) la construction focalisation du sujet

- 187 -

peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats eacutequatifs (182a) Au passeacute le marqueur woon se place

apregraves le marqueur preacutedicatif a (182b) Or cette position est celle quoccupe le verbe lexical dans les

preacutedicats verbaux (182c)

182) a Ku meumln te defoo (Shawyer 2009 50)

CLHUMSGREL pouvoir et fairePRFNEGS2SG

lu yagravequ yaw =a

CLCHSGREL gacircterMOY PRO2SG =FOCS

lsquoQui peut et nempecircche pegravechersquo

(litt lsquoQui peut et tu ne fais pas ce qui est endommageacute cest toirsquo)

b Jeumlkkeumlr =ji Yagravembaadu di =ko xool xam ni (Diouf et al 2009 96)

eacutepoux =CLjDFPX Yambadou IPF =O3SG regarder savoir COMP

kii jabaram =a woon leegi garab =lahellip

CLHUMSGDEMPX femmePOSS3SG =FOCS ecirctrePAS maintenant arbre =FOCC

lsquoLe mari Yambadou le regardait sachant que

ccedila avait eacuteteacute son eacutepouse et que maintenant ceacutetait un arbrehelliprsquo

c Guy gu reacutey =a nekk (Diouf 2003 290)

baobab CLgREL ecirctre_gros =FOCS se_trouver

ca buntu keumlram

PREPDT porteGEN maisonPOSS3SG

lsquoIl y a un gros baobab devant sa maisonrsquo

Par ailleurs analyser woon comme un verbe permettrait dexpliquer sa position dans les

propositions au parfait neacutegatif En effet comme nous lavons vu plus haut le marqueur woon se

place apregraves lindice de personne et les pronoms clitiques (183a) Or cette position est celle

quoccupe le verbe dans les compleacutements phrastiques agrave linfinitif (183b) Neacuteanmoins contrairement

au verbe agrave linfinitif (184b) woon nentraicircne jamais lapparition du marqueur de deacutependance verbale

(184a) De plus dans ce contexte il semble difficile de consideacuterer woon comme un verbe laquo ecirctre raquo

au passeacute comme dans les preacutedicats non verbaux

183) a Soacuteoraale-wu-ma =ko =woon (Diouf 2003 488)

preacutevoir-PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS

lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo

- 188 -

b Meumln-u-ma =ko lekk su amul beumlgeumlj (Diouf 2003 66)

pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG manger si avoirNEG pureacutee_doseille

lsquoJe ne peux pas en manger sil nrsquoy a pas de pureacutee doseillersquo

184) a Meumln-u-ma =woon=a seacuteentu jafe-jafe =yii (Diouf 2003 488)

pouvoir-PRFNEG-S1SG =PAS=DV pressentir difficulteacute =CLyDEMPX

lsquoJe ne pouvais pas entrevoir ces difficulteacutesrsquo

b Meumln-u-ma=a bantilde=a dem ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 522)

pouvoir-PRFNEG-S1SG=DV refuser=DV partir PREPDT noces =CLgDFDT

lsquoJe ne peux pas manquer daller aux nocesrsquo

Enfin notons que le marqueur de passeacute est incompatible avec les constructions preacutedicatives

injonctives cest-agrave-dire limpeacuteratif loptatif et le prohibitif (Dialo 1981a 30 Diouf 2009 179-

184)

Pour reacutesumer le marqueur de passeacute est compatible avec toutes les constructions preacutedicatives agrave

lexception des constructions preacutedicatives injonctives Il est eacutegalement possible dans les

propositions subordonneacutees relatives et compleacutetives et est compatible avec un verbe agrave linfinitif

Neacuteanmoins le statut morphosyntaxique de ce marqueur diffegravere selon le type de proposition Dans

une proposition non neacutegative il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe verbal -(w)oon Agrave limperfectif

il se suffixe au verbe auxiliaire di Avec la neacutegation affixale il peut se comporter soit comme un

suffixe verbal -oon soit comme un clitique =woon Par ailleurs il peut apparaicirctre sans verbe

support dans plusieurs types de propositions Dans ces cas il peut ecirctre analyseacute comme un verbe

woon (laquo ecirctre raquo au passeacute) Au parfait neacutegatif agrave la troisiegraveme personne du singulier et en labsence de

pronom objet il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe verbal -oon Dans tous les autres contextes il

se reacutealise comme un mot pouvant ecirctre analyseacute comme un verbe Enfin au futur son statut est plus

complexe En effet comme nous lavons vu en (sect 22) cette construction est issue de la

grammaticalisation du parfait imperfectif Ce processus neacutetant pas acheveacute le marqueur de passeacute

tend agrave se comporter comme un suffixe -oon sur le verbe auxiliaire di84

84 Fal (1999 88) mentionne eacutegalement la possibiliteacute dajouter woon directement sur un nom (i) mais nous navonstrouveacute aucune occurrence de ce type de construction dans les corpus(i) sama jabar woon

POSS1SG eacutepouse PAS

lsquomon eacutepouse dalors mon ex-eacutepousersquo

- 189 -

Tableau 32 - Statut du marqueur de passeacute (w)oon

Preacutedicat verbal Preacutedicatnon verbalNon-neacutegatif Neacutegatif

ImpeacuteratifIncompatible

Optatif

Subjonctif-Conseacutecutif

Suffixe verbal -(w)oon

Suffixe -oon surlauxiliaire bantildeInfinitif

Parfait(Futur)

Suffixe verbal -oon(ou Verbe woon )

Focalisation du verbe

Suffixe verbal -oonou Clitique =woon

Focalisation du sujet

Verbe woonFocalisation du compleacutement

Preacutesentatif

Relatif

332 Le passeacute reculeacute

En plus du marqueur de passeacute (w)oon on note lexistence dun autre marqueur de passeacute -(w)aan

ou -aa Contrairement au marqueur (w)oon le marqueur -(w)aan ou -aa peut toujours ecirctre analyseacute

comme un suffixe et a des emplois tregraves limiteacutes Au perfectif il nest attesteacute que dans les

subordonneacutees temporelles (185a-b) (Church 1981 122)

185) a Bu =nu joacutege-waan ekool (Diouf 2003 164)

TEMP =S1PL provenir-PASR eacutecole

dem jeacuteexaatu gerte ci tool =yi

partir fouiller arachide PREPPX champs =CLyDFPX

lsquoEn revenant de leacutecole nous allions fouiller dans les champs pour trouver des arachidesrsquo

b Bu =nu jagravengi-wul-aan (Diouf 2003 390)

TEMP =S1PL apprendreAND-NEG-PASR

danu d-aan reumlbbi xodd

FOCVS1PL IPF-PASR chasserAND aigrette

lsquoQuand nous nallions pas en classe nous allions chasser laigrettersquo

- 190 -

En revanche agrave limperfectif il est attesteacute dans tous les types de propositions agrave lexception des

injonctives (Church 1981 122) Dans ce cas -aan se suffixe au verbe auxiliaire di provoquant la

chute de la voyelle finale du verbe (186a-d)

186) a Ntildei ntildeu=y wooye wolof tey (Diouf 2003 46)

CLHUMPLDFPX S3PL=IPF nommer wolof aujourdhui

am =na jamano joo xam ne

avoir =PRFS3SG eacutepoque CLjRELS2SG savoir COMP

ajab =lantildeu =leen d-aan wooye

ajab =FOCCS3PL =O3PL IPF-PASR appeler

lsquoCeux quon appelle laquo Wolof raquo actuellement il fut un temps ougrave on les appelait laquo Ajab raquorsquo

b Danu d-aan reumlbbi jaar (Diouf 2003 153)

FOCVS1PL IPF-PASR chasserAND rat_palmiste

ba nu=y xale

TEMP S1PL=COP enfant

lsquoNous allions chasser des rats palmistes quand nous eacutetions enfantsrsquo

c Sama yaay d-aan =na =ma ntildeawal yeacutere ndeumlll (Diouf 2003 242)

POSS1SG megravere IPF-PASR =PRFS3SG =O1SG coudreBEN habit molleton

lsquoMa megravere me cousait des habits en molletonrsquo

d Am-oon =na ay buur yu d-aan tagravepp (Diouf 2003 449)

avoir-PAS =PRFS3SG IDFCLy roi CLyREL IPF-PASR chacirctrer

ntildeenn ci seeni jaam

CLHUMPLSING PREPPX POSS3PLPL esclave

lsquoIl y avait des rois qui chacirctraient certains de leurs esclavesrsquo

Agrave limperfectif neacutegatif il est essentiellement attesteacute dans des propositions au parfait neacutegatif

Neacuteanmoins il ne se place pas apregraves le suffixe de neacutegation comme au perfectif (185b) ni apregraves

lindice de personne et les pronoms clitiques comme le marqueur woon Il perd sa consonne finale

se reacuteduisant agrave -aa et se suffixe au verbe auxiliaire di provoquant la chute de la voyelle finale du

verbe Le suffixe du parfait neacutegatif lindice de personne et les pronoms clitiques se placent apregraves lui

(187a-b)

- 191 -

187) a Sa doom =ji dafa cappe (Diouf 2003 80)

POSS2SG enfant =CLjDFPX FOCVS3SG ecirctre_cheacutetif

Xanaa d-aa-wuloo =ko nagravempal

est-ce_donc_que IPF-PASR-PRFNEGS2SG =O3SG teacuteterCAUS

lsquoTon enfant est cheacutetif Est-ce que tu ne lallaitais pas rsquo

b Dantildeu =ko folli ndax (Diouf 2003 129)

FOCVS3PL =O3SG eacutelireINV parce_que

d-aa-wul taxawu liggeacuteeykat =yi

IPF-PASR-PRFNEGS3SG assister travaillerAGT =CLyDFPX

lsquoOn la destitueacute car il ne deacutefendait pas les travailleursrsquo

Deacuteterminer la valeur de ce suffixe en wolof contemporain est relativement difficile Certains

auteurs lanalysent comme une marque de passeacute reculeacute85 utiliseacutee pour indiquer que la situation a eu

lieu agrave un moment tregraves eacuteloigneacute du moment deacutenonciation (Sauvageot 1965 127 Nussbaum et al

1970 375) Pour dautres auteurs ce suffixe a une valeur habituelle ou iteacuterative dans le passeacute

(Church 1981 124 Diouf 2009 144 Perrin 2005 165)

Ces divergences danalyse sont essentiellement dues aux contraintes demploi de ce marqueur

Notre hypothegravese est la suivante le suffixe -(w)aan est un suffixe de passeacute reculeacute utiliseacute

essentiellement agrave limperfectif etou dans des subordonneacutees temporelles Ces contraintes demploi

tendent agrave reacuteanalyser ce suffixe comme une marqueur de passeacute habituel86 Ainsi dans les exemples

(185a-b) le suffixe -(w)aan exprime uniquement le passeacute reculeacute le caractegravere habituel de la

situation est exprimeacute par bu (quand) De mecircme dans les exemples (186a-d) et (187a-b) la valeur

habituelle ou iteacuterative est exprimeacutee par le verbe auxiliaire dimperfectif di Neacuteanmoins dans

lexemple (186d) le verbe de la principal porte le suffixe du passeacute -oon alors que le verbe de la

relative porte le suffixe du passeacute reculeacute -aan Or la situation deacutecrite dans la relative nest pas

anteacuterieure agrave celle de la principale elles sont neacutecessairement concomitantes Deux analyses peuvent

ecirctre proposeacutees pour expliquer cette situation Premiegraverement le suffixe -aan ne pouvant apparaicirctre

sur un verbe au parfait la seule maniegravere dexprimer le passeacute dans la principale est le suffixe -oon

Deuxiegravemement le suffixe -aan nexprime pas le passeacute reculeacute mais le passeacute habituel La distinction

entre -oon et -aan nest plus temporelle mais aspectuelle De fait on pourrait pousser cette analyse

85 Terme emprunteacute agrave Benveniste (1965 75) correspondant au remote past de Bybee et al (1994 98)86 Cette reacuteanalyse a eacutegalement pu ecirctre renforceacutee par la proximiteacute formelle entre le suffixe -(w)aan et le suffixe

diteacuteratif -(w)aat

- 192 -

en consideacuterant que daan nest plus deacutecomposable en synchronie mais doit plutocirct sanalyser comme

un adverbe exprimant le passeacute habituel Neacuteanmoins lexistence dun suffixe verbal -aan dans

certaines propositions (185a-b) et la position syntaxique de daan (186a-d) rend cette derniegravere

analyse contestable

333 Lanteacuterieur ou passeacute relatif

Comme nous lavons vu en (sect 245) dans les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques le

verbe de ces propositions doit prendre un suffixe -ee Suivant Fal (1999 122) et Perrin (2005

369) nous analysons ce suffixe comme un marqueur danteacuterioriteacute cest-agrave-dire que laquo loccurrence agrave

laquelle reacutefegravere la proposition subordonneacutee succegravede dans le temps agrave loccurrence agrave laquelle reacutefegravere la

proposition principale raquo (Perrin 2005 369) Il sagit donc dune marque de passeacute relatif au sens de

Comrie (1985a Ch 3) En effet la situation deacutecrite dans la subordonneacutee nest pas anteacuterieure au

moment de leacutenonciation (ce qui est la deacutefinition dun passeacute absolu) mais est anteacuterieure agrave un

moment de reacutefeacuterence deacutefini dans la principale (188a-c)

188) a Bi ma agsi-ee dafa teumlb langaamu =ma (Diouf 2003 196)

TEMP S1SG arriver-ANT FOCVS3SG sauter sagripper =O1SG

lsquoQuand je suis arriveacute il a sauteacute et sest accrocheacute agrave moirsquo

b Bu =nu deacutegg-ee sab deumlnnu (Diouf 2003 102)

TEMP =S1PL entendre-ANT POSS2SGCLb rugissement

gaajo =ga dina tas

danse =CLgDFDT FUTS3SG prendre_fin

lsquoQuand nous entendrons ton rugissement la partie de danse prendra finrsquo

c Su =ma =la =ko jaay-ee (Diouf 2003 133)

HYP =S1SG =O2SG =O3SG vendre-ANT

ci njeacuteg =loolu dina =ma gaantilde

PREPPX prix =CLlDEMPX FUTS3SG =O1SG blesser

lsquoSi je te le vends agrave ce prix cela me portera preacutejudicersquo

- 193 -

334 Passeacute et conditionnel

En wolof lexpression du conditionnel est lieacutee agrave lexpression du passeacute En effet comme nous

lavons vu en (sect 221) avec le marqueur de passeacute (w)oon un eacutenonceacute au futur (ou au parfait

imperfectif) peut avoir une lecture conditionnelle (189a-b) Exprimer le conditionnel comme un

laquo futur dans le passeacute raquo est un proceacutedeacute relativement freacutequent dans les langues (Comrie 1985a 75)

189) a Digaale =bi ci diggante reacuteewi (Diouf 2003 537)

partenariat =CLbDFPX PREPPX intervalle paysGENPL

Afrik =yi d-oon =na baax

Afrique =CLyDFPX IPF-PAS =PRFS3SG ecirctrebon

lsquoLe partenariat entre les pays africains serait une bonne chosersquo

b Mbantilde-gagravecce d-oon =na =fi baax (Diouf 2003 563)

rideau IPF-PAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien

lsquoUn rideau serait bien icirsquo

Par ailleurs avec le marqueur de passeacute (w)oon (190a-b) ou le suffixe de passeacute reculeacute -(w)aan

(190c) une subordonneacutee hypotheacutetique aura une valeur de subordonneacutee contrefactuelle (Perrin

2005 173-176) Lagrave encore ce proceacutedeacute est attesteacute dans dautres langues comme langlais ou le

franccedilais (Perrin 2012 86) Ainsi dans la traduction franccedilaise des exemples (190a-c) le verbe de la

subordonneacutee est eacutegalement au passeacute

190) a Su =ma yore -woon caabi =ji (Diouf 2003 434)

HYP =S1SG avoir_avec_soi-PAS cleacute =CLjDFPX

nu dem ci neacuteeg =bi

S1PL partir PREPPX chambre =CLbDFPX

lsquoSi javais la cleacute nous irions dans la chambrersquo

b Su mbaxana d-oon naan yoacuteor (Diouf 2003 409)

HYP coiffe IPF-PAS boire cerveau

kenn du =ko sol

CLHUMSGSING FUTNEGS3SG =O3SG porter

lsquoSi la coiffure buvait le cerveau personne ne la porteraitrsquo

- 194 -

c Soo beumlgg-aan dugal woto ci reacuteew =mi (hellip) (Diouf 2003 201)

HYPS2SG vouloir-PASR entrerCAUS voiture PREPPX pays =CLmDFPX

lsquoSi tu voulais importer une voiture dans le pays (hellip)rsquo

Comme nous lavons vu en (sect 245) bu introduit geacuteneacuteralement une subordonneacutee temporelle

Cependant avec le marqueur (w)oon la subordonneacutee aura une valeur de subordonneacutee

contrefactuelle (191a) dans ce contexte bu et su sont synonymes (Perrin 2008 75) Ainsi les

subordonneacutees temporelles sont incompatibles avec le marqueur de passeacute Dans ce type de

subordonneacutees le passeacute absolu se marque agrave laide du marqueur deacuteictique sur le subordonnant Le

marqueur -i indique le passeacute (191a) et le marqueur -a indique le passeacute reculeacute (191b) (Perrin 2008

74)87

191) a Boo xam-oon caay-caay =gi ci gone =gii (Diouf 2003 78)

TEMPS2SG savoir-PAS espiegraveglerie =CLgDFPX PREPPX enfant =CLgDEMPX

lsquoSi tu savais lesprit coquin qui anime cet enfant rsquo

b B-i ma =ko gis-ee keroog (Diouf 2003 216)

TEMP-PAS S1SG =O3SG voir-ANT lautre_jour

dafa d-oon mbaaru

FOCVS3SG IPF-PAS marcher_comme_une_marionette

lsquoQuand je lai vu lautre jour il marchait comme une marionnettersquo

c B-a mu dem-ee Popongin (Diouf 2003 386)

TEMP-PASR S3SG partir-ANT Poponguine

daaw dafa xeumlm-oon

an_dernier FOCVS3SG seacutevanouir-PAS

lsquoQuand il eacutetait alleacute agrave Popenguine lan dernier il seacutetait eacutevanouirsquo

Enfin il existe un morphegraveme koon (ou konte) qui peut ecirctre analyseacute comme un marqueur

dirrealis (Perrin 2005 177-179) Ce marqueur apparaicirct dans un nombre tregraves limiteacute de contextes Il

est uniquement attesteacute dans les subordonneacutees contrefactuelles neacutegatives dont le verbe est une copule

(192a) et dans les propositions principales au parfait suivant une subordonneacutee contrefactuelle

(192b)

87 cf (sect 245) pour une explication de ce pheacutenomegravene

- 195 -

192) a Su d-ul koon jat julli aay (Diouf 2003 162)

HYPS3SG COP-NEG IRR pantalon prier ecirctre_mal

lsquoSans le port du pantalon il serait mal de prierrsquo

b Su =ma =ko xam-oon wax koon =naa =ko (Perrin 2005 177)

HYP =S1SG =O3SG savoir-PAS dire IRR =PRFS1SG =O3SG

lsquoSi je lavais su je laurais ditrsquo

Le marqueur koon tend agrave disparaicirctre en wolof contemporain (Church 1981 138-139 Perrin

2005 178) Neacuteanmoins si lon en croit les grammaires du XIXe siegravecle son emploi eacutetait beaucoup

plus eacutetendu dans un eacutetat anteacuterieur de la langue Selon Kobegraves (1869 254-257) ce marqueur est

compatible avec le parfait le parfait neacutegatif le futur le futur neacutegatif la focalisation du sujet la

focalisation du compleacutement la focalisation du verbe De plus il est geacuteneacuteralement deacutecrit comme

eacutetant en distribution compleacutementaire avec le marqueur de passeacute (w)oon

34 La voix

La voix peut ecirctre deacutefini comme un meacutecanisme dans lequel une modification du syntagme verbal

(affixation ou auxiliation) provoque une reacuteorganisation de la relation entre les fonctions syntaxiques

et les rocircles seacutemantiques lieacutes au preacutedicat (Nouguier-Voisin 2002 72) Le wolof a cinq voix

marqueacutees essentiellement par des suffixes de deacuterivation (Tableau 33) la voix moyenne (193a) la

voix causative (193b) la voix applicative (193c) la voix de co-participation (193d) et la voix

antipassive (193e)88

193) a Gaynde =yi sang-u =nantildeu (Nouguier-Voisin 2002 113)

lion =CLyDFPX laver-MOY =PRFS3PL

ci deumlx =gii

PREPPX fleuve =CLgDEMPX

lsquoLes lions se sont laveacutes dans ce fleuversquo

b Bax-al =na ntildeebbe =ji (Nouguier-Voisin 2002 152)

bouillir-CAUS =PRFS3SG nieacutebeacute =CLjDFPX

lsquoIl a fait bouillir les nieacutebeacutesrsquo

88 Pour une description complegravete du systegraveme des voix en wolof voir Nouguier-Voisin (2002)

- 196 -

c Mu teg-al =leen xeex =wi jeumlkk (Nouguier-Voisin 2002 218)

S3SG poser-APPL =O3PL pierre =CLwDFPX ecirctre_premier

ci taax =mi

PREPPX construction =CLmDFPX

lsquoIl a poseacute pour eux la premiegravere pierre sur la constructionrsquo

d Rey-ante =nantildeu (Nouguier-Voisin 2002 286)

tuer-RECP =PRFS3PL

lsquoIls se sont entre-tueacutesrsquo

e Xaj =bii du magravett-e (Nouguier-Voisin 2002 310)

chien =CLbDEMPX FUTNEGS3SG mordre-ANTIP

lsquoCe chien ne mord pasrsquo

Tableau 33 - Liste des suffixes de voix89

Voix moyenne -u

Voix causative -e -al -le -lu -loo

Voix applicative -e -al

Voix de co-participation -oo -e -ante -andoo -aale

Voix antipassive -e

Il convient de noter que si la majoriteacute des voix sont exprimeacutees par des suffixes de deacuterivation

verbale le reacutefleacutechi (194a) et le causatif (194b) peuvent ecirctre exprimeacutes lexicalement

194) a Beumlgg =na bopp-am (Nouguier-Voisin 2002 100)

aimer =PRFS3SG tecircte-POSS3SG

lsquoIl saimersquo

b Yaa tax =ma dem (Nouguier-Voisin 2002 137)

PRO2SGFOCS causer =S1SG partir

lsquoCest agrave cause de toi que je parsrsquo

89 Extrait de Nouguier-Voisin (2002 91)

- 197 -

- 198 -

CCHAPITREHAPITRE 4 - 4 - LLAA STRUCTURESTRUCTURE ARGUMENTALEARGUMENTALE

Les arguments (sujet et objet) et satellites du verbe sont susceptibles dapparaicirctre soit sous forme

lexicale (noteacutes respectivement S O X dans les schegravemes preacutesenteacutes au Chapitre 2) soit sous forme

pronominale (noteacutes respectivement s o x)

41 Les arguments et satellites lexicaux

Par argument (ou satellite) lexical nous deacutesignons un argument (ou satellite) du verbe ayant la

forme dun syntagme geacuteneacuteralement nominal90 Il convient tout dabord de noter que les noms sont

reacutepartis en classes nominales91 Il existe dix marqueurs de cateacutegorisation nominale huit au

singulier k b g m w j l s et deux au pluriel ntilde y Ces marqueurs napparaissent jamais sur le

nom mais uniquement sur les deacuteterminants et le relativiseur En plus de leur rocircle dans la

classification des substantifs certains marqueurs de classe ont un sens speacutecifique Cest le cas des

classes k- (qui reacutefegravere agrave un individu humain) ntilde- (qui reacutefegravere agrave des individus humains pluriel de k-) et

l- (qui reacutefegravere agrave une chose) Il faut ajouter agrave cette liste les marqueurs f- (locatif) n- (qui reacutefegravere agrave la

maniegravere) et c- (partitif preacuteposition92) qui bien que neacutetant pas (ou plus) des marqueurs de classe

sont susceptibles de rentrer dans les mecircmes types de construction que les autres marqueurs

La structure du syntagme nominal peut ecirctre plus ou moins complexe Il peut se reacuteduire agrave sa tecircte

soit sous la forme dun nom propre (195a) soit sous la forme dun nom nu (195b)

195) a [Omar] =lantildeuy teeru (Diouf 2003 338)

Omar =FOCCS3PLIPF accueillir

lsquoOn accueille Omarrsquo

b [Cere] =laay togg (Diouf 2003 338)

couscous =FOCCS1SGIPF cuisiner

lsquoJe preacutepare du couscousrsquo

90 Pour une description plus complegravete du syntagme nominal voir Gueacuterin (2011)91 Pour un traitement approfondi de la notion de laquo classe nominale raquo voir Creissels (1999) Kihm (2003) et

Aikhenvald (2000)92 Pour une une analyse deacutetailleacutee de cica voir Perrin (2005 484-535)

- 199 -

Il peut eacutegalement sagir dun syntagme nominal simple constitueacute dun nom et dun ou plusieurs

deacuteterminants (196a-b) Il existe plusieurs types de deacuteterminants individualisateur augmentatif

totaliseur article deacutefini article indeacutefini deacutemonstratif et interrogatif93 Tous ces deacuteterminants se

construisent agrave partir dun marqueur de classe et dans le cas des deacuteterminants deacutefinis indeacutefinis et

deacutemonstratifs dun marqueur deacuteictique94 Le marqueur proximal (-i) indique que lentiteacute deacutetermineacutee

est proche dans lespace ou dans le temps le marqueur distal (-a) indique que lentiteacute deacutetermineacutee est

eacuteloigneacutee dans lespace ou dans le temps le marqueur dindeacutetermination (-u) indique que lentiteacute

deacutetermineacutee se situe dans un espace ou un temps indeacutetermineacute

196) a [Magravengo =bii] =laa beumlgg (Diouf 2003 70)

mangue =CLbDEMPX =FOCCS1SG vouloir

lsquoCest cette mangue que je veuxrsquo

b Wool [beneen xale =bi] (Diouf 2003 67)

appelerIMPS2SG CLbALT enfant =CLbDFPX

lsquoAppelle lautre enfant rsquo

Enfin le syntagme nominal peut ecirctre complexe Il peut sagir dune construction geacutenitive (197a)

relative (197b-c) ou de syntagmes coordonneacutes (197d) Le geacutenitif est formeacute agrave laide dun morphegraveme

geacutenitif suffixeacute au nom tecircte immeacutediatement suivi par le syntagme geacutenitif95 La relative neacutecessite un

relativiseur qui se situe apregraves le nom de domaine et avant le verbe de la relative96

197) a [Ndox-um teen] =a =ko geumlnal (Diouf 2009 139)

eau-GEN puits =FOCS =O3SG ecirctre_mieuxBEN

lsquoLeau de puits est meilleure pour luirsquo

b [Jeumlkkeumlr ju baax] =laa =ko yeacuteene (Diouf 2003 571)

mari CLjREL ecirctre_bon =FOCCS1SG =O3SG souhaiter

lsquoJe lui souhaite un bon marirsquo

93 Pour une liste exhaustive des deacuteterminants du wolof voir Fal et al (1990 20) Ma Cisseacute (2007 56-57) Diouf(2009 173) ou Gueacuterin (2011 111)

94 Ce type de marqueur entre eacutegalement dans la construction des preacutepositions du relativiseur du marqueur preacutedicatifdu preacutesentatif ainsi que dans une certaine mesure du geacutenitif

95 Pour une une analyse deacutetailleacutee des constructions geacutenitive et possessive en wolof voir Gueacuterin (2015a)96 Pour une une analyse deacutetailleacutee des relatives en wolof voir Sall (2005)

- 200 -

c [Xaalis =bi nga =ko may] (Diouf 2003 284)

argent =CLbDFPX S2SG =O3SG offrir

=a =ko tax=a ragravekkaaju

=FOCS =O3SG causer=DV ecirctre_surexciteacute

lsquoCest agrave cause de largent que tu lui as donneacute quil est surexciteacutersquo

d Deacutenku =naa [Yagravella =ak yonent =bi] (Diouf 2003 101)

confierMOY =PRFS1SG Dieu =avec prophegravete =CLbDFPX

lsquoJe men remets agrave Dieu et agrave son prophegravetersquo

411 Le sujet lexical

La position syntaxique du sujet lexical nest pas la mecircme dans toutes les constructions

preacutedicatives Il se place entre le marqueur preacutedicatif et le verbe dans les constructions optatif

focalisation du compleacutement et prohibitif (198a) alors quil se place avant le marqueur preacutedicatif

dans toutes les autres constructions (198b) (Ch 2)

198) a Bu xaj =bi dugg (Church 1981 104)

PROH chien =CLbDFPX entrer

lsquoQue le chien nentre pas rsquo

b Rajo =bi =dafa yagravequ (Diouf 2003 399)

radio =CLbDFPX =FOCVS3SG gacircterMOY

lsquoLa radio est casseacuteersquo

Par ailleurs lorsque le sujet lexical est topicaliseacute il se place en tecircte de phrase (199a-b) (Sall

2005 107-119)

199) a Lawbe =bi =moo gaantildeu (Sall 2005 108)

bucirccheron =CLbDFPX =PRO3SGFOCS blesserMOY

lsquoLe bucirccheron il sest blesseacutersquo

- 201 -

b Mool yu bare (Diouf 2003 227)

pecirccheur CLyREL ecirctre_nombreux

gaalu motoor =lantildeu am

bateauGEN moteur =FOCCS3PL avoir

lsquoBeaucoup de pecirccheurs ont des bateaux agrave moteurrsquo

(litt lsquoBeaucoup de pecirccheurs ceux sont des bateaux agrave moteur quils ontrsquo)

412 Lobjet lexical

Quelque soit la construction preacutedicative lobjet lexical est placeacute sur le bord droit du preacutedicat

(200a-b) (Ch 2) Neacuteanmoins lorsque lobjet lexical est focaliseacute il est placeacute immeacutediatement avant le

marqueur preacutedicatif la (200c) Lorsquil est topicaliseacute lobjet lexical se place en tecircte de phrase et est

repris par un pronom objet (200d) (Sall 2005 114)

200) a Max =yi lekk =nantildeu matt meacutepp (Diouf 2003 214)

termite =CLyDFPX manger =PRFS3PL bois CLmTOT

lsquoLes termites ont rongeacute tout le boisrsquo

b Eumllleumlg =lantildeuy indi warugar =wi (Diouf 2003 362)

demain =FOCCS3PLIPF apporter dot =CLwDFPX

lsquoCest demain quils vont apporter la dotrsquo

c Kaabar =wi =laa jaay (Diouf 2003 178)

brebis =CLwDFPX =FOCCS1SG vendre

lsquoCest la brebis que jai venduersquo

d Sa mbeumlr =mi (Diouf 2003 167)

POSS2SG champion =CLmDFPX

jeacutellam =bi =dafa =ko bett

chutePOSS3SG =CLbDFPX =FOCVS3SG =O3SG surprendre

lsquoTon champion a eacuteteacute surpris par sa chutersquo (litt lsquoTon champion sa chute la surprisrsquo)

Par ailleurs le wolof ne distingue pas formellement les deux objets dun verbe ditransitif

Neacuteanmoins plusieurs regravegles reacutegissent lordre lineacuteaire et linterpreacutetation seacutemantique des objets

- 202 -

lexicaux (Becher 2005 19-21)

bull Ordre lineacuteaire = Nom propre gt SN deacutefini gt SN indeacutefini (201a-b)

bull Les objets [+animeacute] sont interpreacuteteacutes comme beacuteneacuteficiaires les [-animeacute] comme thegravemes

(201a)

bull Si les deux objets sont [+animeacute] lobjet deacutefini est consideacutereacute comme beacuteneacuteficiaire lobjet

indeacutefini comme thegraveme (201c)

bull Si les caracteacuteristiques des objets sont identiques (deacutefinitude et animaciteacute) lobjet en

premiegravere position est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (201d-e)

201) a Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)

donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX

[benn velo]

CLbSING veacutelo

lsquoJai donneacute un veacutelo agrave la fillersquo

b Jox =naa [Faatu] [gaynde =gi] (Becher 2005 20)

donner =PRFS1SG Fatou lion =CLgDFPX

lsquoJai donneacute le lion agrave Fatoursquo

c Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)

donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX

[genn gaynde]

CLgSING lion

lsquoJai donneacute un lion agrave la fillersquo

d Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)

donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX

[gaynde =gi]

lion =CLgDFPX

lsquoJai donneacute le lion agrave la fillersquo

- 203 -

e Jox =naa [gaynde =gi] (Becher 2005 19)

donner =PRFS1SG lion =CLgDFPX

[xale bu jigeacuteen =ji]

enfant CLbREL ecirctre_femelle =CLjDFPX

lsquoJai donneacute la fille au lionrsquo

Si les caracteacuteristiques des objets (deacutefinitude et animaciteacute) rentrent en conflit avec ces regravegles

lobjet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel introduit par

la preacuteposition ci Par exemple si le beacuteneacuteficiaire est deacutefini alors que le thegraveme est indeacutefini lobjet

ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (202a) ou si le

beacuteneacuteficiaire est deacutefini alors que le thegraveme est un nom propre lobjet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire

est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (202b) (Becher 2005 19-21)

202) a Jox =naa [velo =bi] (Becher 2005 19)

donner =PRFS1SG veacutelo =CLbDFPX

[ci benn xale bu jigeacuteen]

PREPPX CLbSING enfant CLbREL ecirctre_femelle

lsquoJai donneacute le veacutelo agrave une fillersquo

b Jox =naa [Faatu] [ci gaynde =gi] (Becher 2005 20)

donner =PRFS1SG Fatou PREPPX lion =CLgDFPX

lsquoJai donneacute Fatou au lionrsquo

413 Le satellite lexical

Les satellites (ou adjoints) du verbe ou de la proposition laquo ajoutent des informations dont la

nature ne deacutepend pas du type preacutecis de procegraves signifieacute par le verbe raquo (Creissels 2006a 274) Le

satellite peut ecirctre un syntagme preacutepositionnel (203a) un adverbe (203b) un syntagme nominal

(203c) ou un nom nu (203d)

203) a Dinaa =fa ntildeoacutew ci ngoon =gi (Diouf 2003 253)

FUTS1SG =CLLOCDFDT venir PREPPX apregraves-midi =CLgDFPX

lsquoJe viendrai lagrave-bas dans lapregraves-midirsquo

- 204 -

b Duma =ko def mukk (Diouf 2003 515)

FUTNEGS1SG =O3SG faire jamais

lsquoJe ne le ferai jamaisrsquo

c Bii yoon duma =la woo (Diouf 2003 408)

CLbDEMPX fois FUTNEGS1SG =O2SG appeler

lsquoCette fois-ci je ne tappellerai pasrsquo

d Dina dem Magravekka deacuteweacuten97 (Diouf 2003 106)

FUTS3SG aller La_Mecque an_prochain

lsquoIl ira agrave La Mecque lan prochainrsquo

Le satellite est geacuteneacuteralement placeacute en tecircte ou en fin de proposition (203a-d) Neacuteanmoins certains

adverbes peuvent se placer entre le verbe et lobjet lexical (204a) On remarque eacutegalement que

ladverbe rekk (seulement) peut apparaicirctre entre le marqueur preacutedicatif dafa et le verbe lexical

(204b) Enfin la particule dirrealis koon apparaicirct geacuteneacuteralement entre le verbe et le marqueur

preacutedicatif na (204c) (Perrin 2005 177)

204) a Woacuteolu-wuma lool tirngeumll =bi (Diouf 2003 345)

sefier-PRFNEGS1SG trop corde =CLbDFPX

lsquoJe ne me fie pas trop agrave la cordersquo

b Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)

POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCVS3SG seulement ecirctre_sans_gecircne

lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo

c Su =ma =ko xam-oon wax koon =naa =ko (Perrin 2005 177)

HYP =S1SG =O3SG savoir-PAS dire IRR =PRFS1SG =O3SG

lsquoSi je lavais su je laurais ditrsquo

97 Le mot deacuteweacuten nest pas un adverbe mais un nom appartenant agrave la classe j- (Diouf 2003 103) ou agrave la classe s- (Falet al 1990 60)

- 205 -

42 Les arguments pronominaux

Les pronoms peuvent ecirctre deacutefinis comme des morphegravemes dont les reacutefeacuterents seraient susceptibles

decirctre repreacutesenteacutes par des syntagmes nominaux Leur sens lexical est fondamentalement relatif au

contexte discursif et ne met en jeu que secondairement les caracteacuteristiques seacutemantiques intrinsegraveques

de leur reacutefeacuterent (Creissels 2006a 81)

Comme dans de nombreuses langues (Creissels 2006a 92-95) on peut distinguer en wolof des

pronoms personnels forts (ou emphatiques) et des pronoms personnels faibles Les pronoms faibles

se subdivisent en pronoms sujets et pronoms objets

Tableau 41 - Inventaire des pronoms personnels98

Pronom fortPronom faible

SujetObjet

Libre Lieacute Libre Lieacute

SG

1 man ma- ma -(m)a ma

2 yow ya- nga -(ng)a la

3 moom mu- mu Oslash ko

PL

1 nun nu- nu -nu nu

2 yeen yeen- ngeen -(ng)een leen

3 ntildeoom ntildeu- ntildeu -ntildeu leen

Notons que le reacuteflexivisation nest pas exprimeacutee par un pronom La construction reacutefleacutechie est

constitueacutee dun syntagme nominal comprenant un deacuteterminant possessif accordeacute au sujet et le mot

bopp (tecircte) (205a-b)

205) a Yaa =ko def-al sa bopp (Diouf 2003 525)

PRO2SGFOCS =O3SG faire-BEN POSS2SG tecircte

lsquoTu las fait toi-mecircmersquo

b Moo dem-al bopp-am (Diouf 2003 525)

PRO3SGFOCS partir-BEN tecircte-POSS3SG

lsquoElle est partie delle-mecircmersquo

98 Nous pouvons remarquer que le paradigme des deacuteterminants possessifs est morphologiquement lieacute au paradigmedes pronoms personnels sama (1SG) sa (2SG) -am (3SG) sunu (1PL) seen (2-3PL)

- 206 -

421 Les pronoms forts

Les pronoms forts sont aptes agrave occuper les mecircmes positions syntaxiques que les syntagmes

nominaux (206-207) Lemploi de ces pronoms implique toujours une emphase puisquils

apparaissent uniquement en position de topique (206a-b) ou de focus (207a-b)

206) a Moom duma =ko woo (Diouf 2003 227)

PRO3SG FUTNEGS1SG =O3SG appeler

lsquoLui je ne lappellerai pasrsquo

b Ndull =mi duma =ko jaay (Diouf 2003 245)

mil =CLmDFPX FUTNEGS1SG =O3SG vendre

lsquoLe mil je ne le vendrai pasrsquo

207) a Yow =la woo (Diouf 2003 410)

PRO2SG =FOCCS3SG appeler

lsquoCest toi quil a appeleacutersquo

b Xeacutedd bu mag =la jeacutend (Diouf 2003 384)

brochet CLbREL ecirctregrand =FOCCS3SG acheter

lsquoCest un grand brochet quil a acheteacutersquo

Nous consideacuterons comme Diouf (1985 15-20) que les pronoms sujets des constructions

focalisation du sujet et preacutesentatif sont des formes contracteacutees des pronoms forts Deux arguments

viennent soutenir cette hypothegravese Premiegraverement comme nous lavons vu en (sect 25) dans ces deux

constructions le sujet est focaliseacute et est placeacute en premiegravere position (208a-b) Ces caracteacuteristiques le

rapprochent de lobjet de la focalisation du compleacutement qui occupe eacutegalement la premiegravere position

syntaxique (208c)

208) a Ma=a =ko def (Diouf 2003 208)

PRO1SG=FOCS =O3SG faire

lsquoCest moi qui lai faitrsquo

- 207 -

b Ma=a ngi=y ntildeoacutew (Diouf 2003 565)

PRO1SG=PRSTPX=IPF venir

lsquoJarriversquo

c Man =la=y waxal (Diouf 2003 358)

PRO1SG =FOCCS3SG=IPF parlerAPPL

lsquoCest agrave moi quil parlersquo

Par ailleurs la forme contracteacutee des pronoms forts est attesteacutee dans dautres contextes En effet

lorsquun pronom fort est suivi de la conjonction de coordination ak (avec et) il peut apparaicirctre

sous une forme contacteacutee (209a-c) (Diouf 2009 36 Torrence 2013a 47)

209) a Mook Omar la (Diouf 2003 227)

mu=ak Omar =la

PRO3SG=avec Omar =FOCC

lsquoCest lui et Omarrsquo

b Yaak Omar dangeen di dem Pari (Diouf amp Yaguello 1991 99)

ya=ak Omar =dangeen di dem Pari

PRO2SG=avec Omar =FOCVS2PL IPF aller Paris

lsquoOmar et toi vous allez agrave Parisrsquo

c Ntildeook yeenay agravend (Diouf 2003 269)

ntildeu=ak yeen=a=y agravend

PRO3PL=avec PRO3PL=FOCS=IPF aller_avec

lsquoCe sont eux et vous qui irez ensemblersquo

Ainsi les pronoms forts apparaissent sous une forme libre cest-agrave-dire morphologiquement

autonome lorsquils sont en fonction de topique (206a) ou dobjet de la construction focalisation du

compleacutement (207a) Par contre ils apparaissent sous une forme lieacutee lorsquils sont en fonction de

sujet des constructions focalisation du sujet (208a) et preacutesentatif (208b) ou lorsquils sont suivis de

la conjonction de coordination ak (209a-c) Dans ces trois derniers cas le pronom fort samalgame

au marqueur preacutedicatif ou agrave la conjonction Notons que le pronom de deuxiegraveme personne du pluriel

na pas de forme lieacutee il apparaicirct toujours en forme libre yeen

- 208 -

Tableau 42 - Inventaire des pronoms personnels forts

Pronom fort Formes contracteacutees

Libre Lieacute + ak (avec) + a (FOCS) + a ngi (PRST)

SG

1 ma-n rarr man ma- maak maa maa ngi

2 ya-w rarr yow ya- yaak yaa yaa ngi

3 mu-am rarr moom mu- mook moo mu (a) ngi

PL

1 nu-n rarr nun nu- nook noo nu (a) ngi

2 ya-een rarr yeen yeen- yeen ak yeena yeena ngi

3 ntildeu-am rarr ntildeoom ntildeu- ntildeook ntildeoo ntildeu (a) ngi

Ces formes contracteacutees mettent en eacutevidence la structure interne des pronoms forts En effet les

pronoms de premiegravere personne prennent un -n final et les pronoms de troisiegraveme personne prennent

un -am final99 (Sauvageot 1965 92 Njie 1982 114-115 Torrence 2013a 54) Concernant le

pronom de deuxiegraveme personne du singulier nous pouvons supposer que le -w final est une

consonne eacutepentheacutetique100 inseacutereacutee pour fermer la syllabe et le lieu darticulation de la voyelle

sharmonise avec le [w]101 Le pronom de deuxiegraveme personne du pluriel est constitueacute du pronom de

seconde personne ya- et du morphegraveme -een

Par ailleurs on peut eacutegalement identifier un ensemble de pronoms non personnels ayant un

comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des pronoms personnels forts En effet la plupart

des deacuteterminants construits agrave partir dune classe nominale peuvent ecirctre utiliseacutes comme pronoms Il

peut sagir dun deacutemonstratif (210a) dun singulatif (210b) dune forme exprimant lalteacuteriteacute (210c)

dun totalisateur (210d) ou dun interrogatif (210e)102

210) a N-ale =lantildeu =ko=y defe (Diouf 2003 234)

CLMNR-DEMDT =FOCCS3PL =O3SG=IPF faireAPPL

lsquoCest comme cela quon le faitrsquo

b F-enn =laa dul dem (Diouf 2003 125)

CLLOC-SING =FOCCS1SG IPFNEG aller

lsquoJe nirai nulle partrsquo

99 Ce -am final est formellement identique au deacuteterminant possessif de troisiegraveme personne du singulier -am keumlr-amlsquosa maisonrsquo (Torrence 2013a 59)

100 Le [w] est lune des consonnes eacutepentheacutetiques les plus reacutepandues en wolof (Diouf 2009 38)101 La variante yaw est eacutegalement attesteacutee en wolof contemporain (Diouf 2003 410)102 Pour une description complegravete des deacuteterminants voir Gueacuterin (2011 Ch 4)

- 209 -

c Ndare k-eneen =la woonhellip (Diouf 2003 240)

mecircme_si CLHUMSG-ALT =FOCC3SG ecirctrePAS

lsquoMecircme si ceacutetait un autrehelliprsquo

d Ntilde-eacutepp =a dellu gannaaw (Diouf 2003 77)

CLHUMPL-TOT =FOCS retourner arriegravere

lsquoTout le monde recularsquo

e L-an =nga=y def (Diouf 2003 195)

CLCHSG-Q =FOCCS2SG=IPF faire

lsquoQue fais-tu rsquo

Tableau 43 - Inventaire des pronoms forts non personnels103

Humain ChoseLocatif Maniegravere

Autreclasse104

SG PL SG PL

k ntilde l y f n b

Deacutem

onst

rati

f

Deacutei

ctiq

ue kii ntildeii lii yii fii nii bii

kile ntildeile lile yile file nile bile

kee ntildeee lee yee fee nee bee

kale ntildeale lale yale fale nale bale

An

aph

oriq

ue

kookii ntildeoontildeii loolii yooyii foofii noonii boobii

kooku ntildeoontildeu loolu yooyu foofu noonu boobu

kookule ntildeoontildeule loolule yooyule foofule noonule boobule

kooka ntildeoontildea loola yooya foofa noona booba

kookale ntildeoontildeale loolale yooyale foofale noonale boobale

kookee ntildeoontildeee loolee yooyee foofee noonee boobee

Singulatif kenn ntildeenn lenn yenn fenn nenn benn

Alteacuteriteacute keneen ntildeeneen leneen yeneen feneen neneen beneen

Totalisateur keacutepp ntildeeacutepp leacutepp yeacutepp feacutepp beacutepp

Interrogatif kan ntildean lan yan fan nan ban

Toutes les classes nominales sont attesteacutees dans ces pronoms mais les classes fonctionnelles sont

103 Pour un inventaire complet de ces pronomsdeacuteterminants voir Fal et al (1990 20) ou Ma Cisseacute (2007 56-57)104 La classe b- est uniquement donneacutee agrave titre dillustration Toutes les autres classes sont possibles

- 210 -

particuliegraverement freacutequentes Il peut sagir de la classe des humains (210c-d) des laquo choses raquo (210e)

des locatifs (210b) ou de le classe exprimant la maniegravere (210a)

Enfin on peut ajouter agrave cette liste les pronoms interrogatifs kantilde (quand) ntildeaata (combien) et

naka (comment)105 qui ont eacutegalement un comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des

pronoms personnels forts

422 Les pronoms sujets

Les pronoms faibles sujets semploient dans toutes les constructions preacutedicatives qui ne

focalisent pas le sujet Ils apparaissent sous une forme libre cest-agrave-dire morphologiquement

indeacutependante au subjonctif-conseacutecutif (211a) et dans les relatives introduites par un relativiseur

finissant par -i ou -a (211b)

211) a Mu tagraveggook jeumlkkeumlram (Diouf et al 2009 10)

s3SG divorceravec mariPOSS3SG

lsquoElle avait divorceacute de son marirsquo

b Ba nga solee sama dagravell =yihellip (Diouf 2003 397)

TEMP S2SG porterANT POSS1SG chaussure =CLyDFPX

lsquoQuand tu as mis mes chaussureshelliprsquo

Par contre les pronoms sujets apparaissent sous une forme lieacutee dans toutes les autres

constructions preacutedicatives (212a-g) ainsi que dans les relatives introduites par un relativiseur

(213a) ou un subordonnant (213b) finissant par -u Dans toutes ces constructions le pronom sujet

samalgame au marqueur preacutedicatif ou au relativiseur

212) a Ceeb =la-a togg (Diouf 2003 81)

riz =FOCC-S1SG cuisiner

lsquoCest du riz que jai cuisineacutersquo

b Gis =na-a xale =bi (Diouf 2003 70)

voir =PRF-S1SG enfant =CLbDFPX

lsquoJai vu lenfantrsquo

105 naka est synonyme de nan (cf Tableau 43)

- 211 -

c Dina-a fomm sama yoon (Diouf 2003 129)

FUT-S1SG surseoir POSS1SG chemin

lsquoJe remettrai mon voyage agrave plus tardrsquo

d Na-a am xaalis (Church 1981 103)

OPT-S1SG avoir argent

lsquoQue jaie de largent rsquo

e Da-nga deumlpp sa simis (Diouf 2003 102)

FOCV-S2SG mettre_agrave_lenvers POSS2SG chemise

lsquoTu as mis ta chemise agrave lenversrsquo

f Doo dem (Diouf 2003 183)

du-a dem

FUTNEG-S2SG partir

lsquoTu ne partiras pasrsquo

g Meumln-u-ma feacuteey (Diouf 2003 123)

pouvoir-PRFNEG-S1SG nager

lsquoJe ne sais pas nagerrsquo

213) a Jeacuteego boo defhellip (Diouf 2003 164)

jeacuteego bu-a def

pas CLbREL-S2SG faire

lsquoChaque pas que tu faishelliprsquo

b Soo demee seen keumlrhellip (Diouf 2003 68)

su-a dem-ee seen keumlr

HYP-S2SG partir-ANT POSS3PL maison

lsquoSi tu vas chez euxhelliprsquo

En regardant la liste complegravete des paradigmes de conjugaison du wolof (Church 1981 43 Njie

1982 101-102 Torrence 2013a 39) on constate que presque toutes les constructions preacutedicatives

preacutesentent un paradigme de pronoms sujets lieacutes diffeacuterent

- 212 -

Tableau 44 - Inventaire des pronoms sujets106

SG PL

1 2 3 1 2 3

Libre ma nga mu nu ngeen ntildeu

Lieacute -(m)a -(ng)a -Oslash -nu -(ng)een -ntildeu

FOCC (la) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

PRF (na) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

FUT di(na) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

OPT na -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

FOCV da(fa) -ma -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

FUTNEG du -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

HYP su -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

TEMP bu -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

REL CL-u -ma -a -mu -nu -ngeen -ntildeu

PRFNEG -u(l)- -ma -a -Oslash -nu -een -ntildeu

PROH bu(l) -ma -Oslash -mu -nu -een -ntildeu

IMP -(a)l -Oslash -een

La diversiteacute des paradigmes nest pas aussi importante quon pourrait le penser En effet

quelques regravegles simples permettent de rendre compte de la plupart de ces formes

bull Le pronom 1SG -ma perd sa consonne initiale sauf lorsque la voyelle du marqueur est [u] ainsi

que dans la construction Focalisation du verbe107

bull Le pronom 2SG -nga perd sa consonne initiale dans les constructions dont la voyelle du

marqueur est [u] Il y a alors coalescence vocalique u-a rarr oo108 La seule exception concerne

la forme du parfait neacutegatif qui est geacuteneacuteralement -uloo en wolof contemporain (214a)

Neacuteanmoins la forme -oo est eacutegalement attesteacutee (214b) Church (1981 144) et Fal (1999 85)

signalent eacutegalement la forme -ula qui se trouve ecirctre la seule forme attesteacutee dans les

grammaires du XIXe siegravecle (Dard 1826 64 Roger 1829 83 Boilat 1858 113 Kobegraves

106 La seconde ligne du tableau preacutesente le paradigme geacuteneacuteral des pronoms sujets lieacutes Les lignes suivantes preacutesententles paradigmes de toutes les constructions preacutedicatives La premiegravere colonne indique le nom de la construction et laseconde donne la forme du marqueur Le indique que le marqueur apparaicirct sous sa forme complegravete danslamalgame avec le pronom sujet et le indique que le marqueur apparaicirct sous sa forme tronqueacutee (la partie entreparenthegraveses disparaicirct) Par exemple la deuxiegraveme personne du singulier du futur est -nga cest-agrave-dire que lemarqueur di(na) apparaicirct sous sa forme tronqueacutee di-nga

107 Nous reviendrons sur le paradigme de la construction Focalisation du verbe en (sect 114)108 Le -l final de la marque de la neacutegation (-ul) tombe devant un pronom faible (Diouf 2009 198)

- 213 -

1869 256) Nous pouvons donc supposer que la forme -ula est devenue -oo en raison de la

chute du -l La forme -oo aurait ensuite eacuteteacute reacuteanalyseacutee comme le pronom 2SG entraicircnant une

reacuteintroduction du suffixe -ul

bull Le pronom 3SG nest jamais exprimeacute le marqueur apparaicirct seul sous sa forme complegravete La

seule exception est le prohibitif ougrave le pronom apparaicirct sous la forme mu Deux raisons peuvent

expliquer cette exception Premiegraverement cette forme permet deacuteviter une homophonie avec la

subordonneacutee temporelle Deuxiegravemement le prohibitif eacutetant leacutequivalent neacutegatif de limpeacuteratif il

est attendu que la forme non marqueacutee soit la forme de deuxiegraveme personne du singulier

bull Le pronom 1PL est -nu dans toutes les constructions109

bull Le pronom 2PL -ngeen perd sa consonne initiale dans les constructions dont la consonne finale

est -l

bull Le pronom 3PL est -ntildeu dans toutes les constructions

214) a Xam-ul-oo jeumlreumljeumlf (Diouf 2003 169)

savoir-PRFNEG-S2SG merci

lsquoTu ne sais pas dire mercirsquo

b Xam-oo ne doktoor =boobu liggeacuteeyatul (Diouf 2003 494)

savoir-PRFNEGS2SG COMP docteur =CLbDEMPX travaillerITERNEG

lsquoTu ne sais pas que ce meacutedecin nexerce plusrsquo

Indeacutependamment de leur forme les paradigmes de pronoms sujets se distinguent par leur

distribution (Robert 2000 233 Gueacuterin 2015b 151-153) En effet on constate que le pronom sujet

occupe la mecircme position syntaxique que le sujet lexical agrave loptatif la focalisation du compleacutement le

prohibitif le relative et le subjonctif-conseacutecutif alors que dans toutes les autres constructions le

pronom sujet se place immeacutediatement apregraves le marqueur preacutedicatif alors que le sujet lexical se

place en tecircte deacutenonceacute (Ch 2) Par conseacutequent agrave loptatif la focalisation du compleacutement le

prohibitif le relative et le subjonctif-conseacutecutif il est impossible davoir agrave la fois le sujet

pronominal et le sujet lexical (215a-c) agrave moins que ce dernier ne soit topicaliseacute (215d) Ainsi dans

ces constructions le pronom sujet se comporte reacuteellement comme un pronom cest-agrave-dire quil

remplace un nom

109 Un grand nombre de locuteurs ne distinguent plus la premiegravere et la troisiegraveme personne du pluriel Ils prononcerontntildeu dans les deux cas (Church 1981 Ch 7)

- 214 -

215) a Na-ntildeu dem

OPT-S3PL partir

lsquoQuils partent rsquo

b Na xale =yi dem

OPT enfant =CLyDFPX partir

lsquoQue les enfants partent rsquo

c Na-ntildeu xale =yi dem

OPT-S3PL enfant =CLyDFPX partir

d Xale =yi =na-ntildeu dem

enfant =CLyDFPX =OPT-S3PL partir

lsquoLes enfants quils partent rsquo

En revanche dans les autres constructions la preacutesence du sujet lexical implique neacutecessairement

la preacutesence du sujet pronominal (216a-c) Par ailleurs on remarque que la place du sujet lexical en

tecircte de phrase est analogue agrave celle du sujet topicaliseacute

216) a Dem =na-ntildeu

partir =PRF-S3PL

lsquoIls sont partisrsquo

b Xale =yi dem =na-ntildeu

enfant =CLyDFPX partir =PRF-S3PL

lsquoLes enfants sont partisrsquo

c Xale =yi dem =na

enfant =CLyDFPX partir =PRF

Si lon applique les critegraveres deacutefinis par Zwicky amp Pullum (1983)110 aux pronoms sujets on

constate quils se comportent plutocirct comme des affixes (agrave lexception du pronom sujet libre) En

effet ils ont un degreacute eacuteleveacute de seacutelection par rapport agrave leur hocircte puisquil ne peut sagir que du

marqueur preacutedicatif ou dun relativiseur Le paradigme preacutesente une lacune arbitraire puisque la

110 cf (sect 515) pour la liste deacutetailleacutee des critegraveres

- 215 -

troisiegraveme personne du singulier est non marqueacutee111 Ils preacutesentent de nombreuses idiosyncrasies

morphophonologiques puisque leur forme diffegravere en fonction du marqueur preacutedicatif (Tableau 44)

De plus ils ne peuvent pas sattacher agrave une seacutequence contenant des clitiques Tous ces critegraveres

tendent agrave montrer que les pronoms sujets du wolof sont des affixes sujets

Il convient maintenant de sinterroger sur la nature exacte de ces affixes sujets Corbett (2003

2006 99-112) propose de distinguer les laquo pures raquo marques daccord les affixes pronominaux et les

pronoms libres Les affixes pronominaux occupent une position intermeacutediaire entre les marques

daccord et les pronoms libres puisquils se comportent syntaxiquement comme des pronoms libres

(ils sont arguments du verbe) mais ils se comportent morphologiquement comme des marques

daccord (ils ne sont pas autonomes)

Tableau 45 - Syntaxe et morphologie des affixes pronominaux

syntaxe non argument argument

eacuteleacutementlinguistique

lsquopurersquo marquedaccord

affixepronominal

pronomlibre

morphologie forme flexionelle forme libre

Corbett propose cinq critegraveres permettant de distinguer les marques daccord les affixes

pronominaux et les pronoms libres

bull Rocircles casuels Les affixes pronominaux marquent les principales positions argumentales

(geacuteneacuteralement deux) les marques daccord nen marquent quune seule et les pronoms libres

les marquent toutes

bull Reacutefeacuterentialiteacute Les marques daccord ont le plus faible degreacute de reacutefeacuterentialiteacute les affixes

pronominaux sont freacutequemment reacutefeacuterentiels et les pronoms libres sont geacuteneacuteralement

reacutefeacuterentiels

bull Contenu descriptif Les marques daccord ont un faible contenu descriptif alors que celui

des pronoms est eacuteleveacute

bull Eacutequilibre de linformation La marque daccord et le SN auquel elle reacutefegravere partagent le

mecircme nombre de traits alors que les pronoms et les affixes pronominaux peuvent exprimer

des traits qui ne sont pas porteacutes par le SN

bull Multirepreacutesentation La marque daccord et le SN indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent sont

111 Cette lacune est cependant freacutequente dans les langues eacutetant donneacute que la troisiegraveme personne laquo a pour fonctiondexprimer la non-personne raquo (Benveniste 1946 228)

- 216 -

geacuteneacuteralement tous les deux preacutesents dans la mecircme proposition laffixe pronominal et le SN

indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent peuvent ecirctre tous les deux preacutesents dans la mecircme proposition

alors que le pronom libre et le SN indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent sont en distribution

compleacutementaire

En appliquant les critegraveres de Corbett aux pronoms sujets du wolof on constate quils expriment

tous une seule fonction celle de sujet Concernant la reacutefeacuterentialiteacute on peut dire que les affixes

utiliseacutes agrave loptatif la focalisation du compleacutement le prohibitif et le relatif sont plutocirct reacutefeacuterentiels

puisquils sont incompatibles avec un sujet lexical alors que les affixes utiliseacutes dans les autres

constructions sont moins reacutefeacuterentiels Quelque soit la construction les pronoms sujets ont peu de

contenu descriptif car ils ne marquent aucune diffeacuterence de genre de classe nominale etc seule la

personne et le nombre sont marqueacutes Pour les mecircmes raisons nous pouvons dire que le contenu

informatif est relativement eacutequilibreacute entre un SN sujet et les pronoms sujets Enfin la

multirepreacutesentation est impossible (ou plutocirct possible uniquement lorsque que le sujet lexical est

topicaliseacute) dans les constructions optatif focalisation du compleacutement et prohibitif alors quelle est

normale dans les autres constructions (Guerin 2015b 151-153)

Tableau 46 - Statut des pronoms sujets

Libre REL FOCC OPT PROH PRF FUTPRF

NEG

FUT

NEGFOCV

Morphologie Libre Lieacute

Rocircles casuels1

(sujet)

Reacutefeacuterentialiteacute Max Eacuteleveacutee Faible

Contenu descriptif

Faible

Eacutequilibre de linformation

Agrave peu pregraves eacutegal

Multi-repreacutesentation

ExcluePossible(topique)

Normale

StatutPronom

libreAffixe pronominal Marque daccord

Le marquage des rocircles casuels le contenu descriptif et leacutequilibre de linformation tendent agrave

montrer que tous les pronoms sujets sont plutocirct des marques daccord Neacuteanmoins le degreacute de

reacutefeacuterentialiteacute ainsi que la multirepreacutesentation permettent dopeacuterer une distinction entre les affixes

sujets de loptatif la focalisation du compleacutement et le prohibitif et les autres Les premiers se

- 217 -

rapprochent des affixes pronominaux alors que les autres sont clairement des marques daccord Le

seul cas ambigueuml concerne les relatives introduites par un relativiseur finissant par -u En effet dans

ces constructions le degreacute de reacutefeacuterentialiteacute ainsi que la multirepreacutesentation tendent agrave montrer que le

pronom sujet est un pronom libre mais le critegravere morphologique nous indique clairement quil sagit

dune forme lieacutee Nous proposons donc de lanalyser eacutegalement comme un affixe pronominal

423 Les pronoms objets

Lobjet dun verbe transitif apparaicirct sous la forme dun pronom faible objet dans toutes les

constructions preacutedicatives (217a) sauf lorsquil est focaliseacute (217b) (Ch 2)

217) a Beumlkk-deacutemb =la =ko jeacutend (Diouf 2003 66)

avant-hier =FOCCS3SG =O3SG acheter

lsquoCest avant-hier quil la acheteacutersquo

b Moom =laa woacuteolu (Diouf 2003 456)

PRO3SG =FOCCS1SG avoir_confiance

lsquoCest en lui que jai confiancersquo

Le paradigme des pronoms objets est identique pour toutes les constructions preacutedicatives

Tableau 47 - Inventaire des pronoms objets

Pronomobjet

SG

1 ma

2 la

3 ko

PL

1 nu

2 leen

3 leen

Il convient dajouter agrave cette liste le pronom partitif cica (218a) ainsi que le pronom locatif fifa

(218b) qui ont un comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des pronoms objets faibles

(Church 1981 60)

- 218 -

218) a Dama =ci mos (Diouf 2003 494)

FOCVS1SG =PRTFPX goucircter

lsquoJen ai goucircteacutersquo

b Dinaa =fa dem eumllleumlg (Diouf 2003 114)

FUTS1SG =CLLOCDT aller demain

lsquoJirai lagrave-bas demainrsquo

Comme pour le pronom sujet la distribution du pronom nest pas la mecircme dans toutes les

constructions preacutedicatives Dans la plupart des constructions le pronom objet se place entre le

marqueur preacutedicatif et le verbe (219a-d)

219) a Xaj =bi =dafa =ko magravett (Diouf 2003 214)

chien =CLbDFPX =FOCVS3SG =O3SG mordre

lsquoLe chien la mordursquo

b Dinaa =ko seeti agravellarba (Diouf 2003 48)

FUTS1SG =O3SG voirAND mercredi

lsquoJirai le voir mercredirsquo

c Ngagravengoor =la-a ngi =ko topp (Diouf 2003 250)

foule =CLlDF=PRSTPX =O3SG suivre

lsquoLa foule le suitrsquo

d Maa =ko def (Diouf 2003 208)

PRO1SGFOCS =O3SG faire

lsquoCest moi qui lai faitrsquo

Comme nous lavons vu en (sect 411) le sujet lexical se place eacutegalement entre le marqueur

preacutedicatif et le verbe agrave loptatif la focalisation du compleacutement et le prohibitif Dans ces

constructions le pronom objet se place avant le sujet lexical (220a-c)

220) a Yagravella =na =ma Yagravella baal (Diouf 2003 56)

Dieu =OPT =O1SG Dieu pardonner

lsquoQue Dieu me pardonne rsquo

- 219 -

b Ci teumlsteumln =la =ko pont =bi jam (Diouf 2003 343)

PREPPX talon =FOCC =O3SG pointe =CLbDFPX piquer

lsquoCest au talon que la pointe la piqueacutersquo

c Bu =la sa taar jay (Diouf 2003 326)

PROH =O2SG POSS2SG beauteacute flatter

lsquoNe te laisse pas entraicircner par ta beauteacute rsquo (litt lsquoQue ta beauteacute ne te flatte pas rsquo)

Les propositions relatives ainsi que les propositions temporelles et hypotheacutetiques preacutesentent une

structure similaire En effet dans ces constructions le pronom objet se place entre le relativiseur et

le verbe mais avant le sujet lexical (221a-b)

221) a njeacutebbal =li =la sa doom =yi tagravellal (Diouf 2003 257)

offrande =CLlDFPX =O2SG POSS2SG enfant =CLyDFPX preacutesenter

lsquoloffrande que tes enfants te preacutesententrsquo

b Su =ko sa baay yeacutegeehellip (Diouf 2003 407)

HYP =O3SG POSS2SG pegravere ecirctre_au_courantANT

lsquoSi ton pegravere lapprendhelliprsquo

En revanche la place du pronom objet est diffeacuterente au parfait (222a) agrave limpeacuteratif (222b) ainsi

quau subjonctif-conseacutecutif (222c-e) (Voisin 2010 145) En effet dans ces constructions le pronom

objet se place apregraves le verbe cest-agrave-dire dans la mecircme position que lobjet lexical (sect 412)

222) a Gis =nanu =ko (Diouf 2009 91)

voir =PRFS1PL =O3SG

lsquoNous lavons vursquo

b Jeacutel =ko (Diouf 2009 84)

prendreIMPS2SG =O3SG

lsquoPrends-le rsquo

c Mu def =ko (Church 1981 53)

S3SG faire =O3SG

lsquoQuil le fasse rsquo

- 220 -

d Dafa beumlgg nu gis =ko (Diouf 2003 262)

FOCVS3SG vouloir S1PL voir =O3SG

lsquoIl veut que nous le voyionsrsquo

e Ntildeeumlw =na ngir mu jaay =ko (Church 1981 53)

venir =PRFS3SG pour S3SG vendre =O3SG

lsquoElle est venue pour le vendrersquo

Lobjet pronominal est une uniteacute phonologiquement faible En effet il ne porte pas daccent

lexical et sa voyelle sharmonise avec celle du mot qui le preacutecegravede (223a-d) (Ka 1994 55)

223) a Dangeen =fa geacutenn (Ka 1994 56)

[dɐnɡɛːn =fɐ ɡenː][-ATR] [-ATR] [+ATR]

FOCVS2PL =CLLOCDFDT sortir

lsquoVous ecirctes sortis de lagraversquo

b Moacuteodu =dafa =fa xam (Ka 1994 57)

[moːdu =dəfə =fə χɐm][+ATR] [+ATR] [+ATR] [-ATR]

Modou =FOCVS3SG =CLLOCDFDT savoir

lsquoModou connaicirct cet endroitrsquo

c Xale =ya =dinantildeu =ko doacuteor (Ka 1994 57)

[χɐlɛ =jɐ =dinɐɲu =kɔ doːr][-ATR] [-ATR] [-ATR] [-ATR] [+ATR]

enfant =CLyDFDT =FUTS3PL =O3SG frapper

lsquoLes enfants le frapperontrsquo

d Gis =na =ko (Ka 1994 55)

[ɡis =nə =ko][+ATR] [+ATR] [+ATR]

voir =PRFS3SG =O3SG

lsquoIl le voitrsquo

- 221 -

Il convient donc de sinterroger sur son statut morphosyntaxique exact dans la langue sagit-il

dun affixe ou dun clitique Si lon se fie aux critegraveres de Zwicky amp Pullum (1983)112 le pronom

objet est un clitique En effet il ne preacutesente aucune lacune arbitraire dans la combinaison avec son

hocircte puisquil peut apparaicirctre avec tous les verbes transitifs Il ne preacutesente pas non plus

didiosyncrasie morphophonologique ou seacutemantique puisquil a toujours la mecircme forme et le mecircme

sens quelque soit son hocircte113 Enfin luniteacute quil forme avec son hocircte ne peut ecirctre affecteacutee par des

regravegles syntaxiques

Plus preacuteciseacutement on peut analyser les pronoms objets comme des clitiques speacuteciaux114 (Zribi-

Hertz amp Diagne 2002 872) En effet ce sont des morphegravemes monosyllabiques (ma la ko nu

leen leen) phonologiquement faibles qui remplissent une fonction grammaticale susceptible decirctre

remplie par un eacuteleacutement non clitique (en loccurrence un SN) mais qui napparaissent pas dans la

mecircme position syntaxique Nous pouvons consideacuterer que lhocircte de ce clitique est la tecircte syntaxique

de la proposition cest-agrave-dire le marqueur preacutedicatif ou agrave deacutefaut (au subjonctif-conseacutecutif et agrave

limpeacuteratif) le verbe lexical Cette regravegle de placement permet dexpliquer pourquoi le pronom objet

se trouve dans la mecircme position syntaxique que lobjet lexical au parfait au subjonctif-conseacutecutif et

agrave limpeacuteratif (222a-e) alors quil se place avant le verbe dans toutes les autres constructions

Par ailleurs comme nous lavons vu en (sect 412) le wolof ne distingue pas formellement les deux

objets dun verbe ditransitif Neacuteanmoins plusieurs regravegles reacutegissent lordre lineacuteaire et linterpreacutetation

seacutemantique des pronoms objets (Becher 2005 22-24 Church 1981 59-60)

bull Ordre lineacuteaire = manu gt la gt leen gt ko gt fifacica (224a-b)

bull Le pronom objet en premiegravere position est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (224a-b)

224) a Jox =na =ma =ko (Becher 2005 22)

donner =PRFS3SG =O1SG =O3SG

lsquoIl me la donneacutersquo

b Dama =la =ko =fa beumlgg=a yoacutebbul (Diouf 2009 100)

FOCVS1SG =O2SG =O3SG =CLLOCDFDT vouloir=DV emmenerBEN

lsquoJe veux te ly emmenerrsquo

112 cf (sect 515) pour la liste deacutetailleacutee des critegraveres113 Agrave lexception des variations dues agrave lharmonie vocalique Mais ces variations sont preacutevisibles et ne peuvent donc

pas ecirctre consideacutereacutees comme idiosyncrasiques114 cf Zwicky (1977) pour une preacutesentation deacutetailleacutee de lopposition clitiques simples clitiques speacuteciaux

- 222 -

Selon ces regravegles plusieurs combinaisons de pronoms objets sont impossibles Dans ces cas le

pronom objet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel

introduit par la preacuteposition ci Par exemple si le beacuteneacuteficiaire est agrave la troisiegraveme personne du singulier

alors que le thegraveme est agrave la premiegravere personne du singulier le pronom objet ayant la fonction de

beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (225a) ou si le beacuteneacuteficiaire est agrave la

troisiegraveme personne du pluriel alors que le thegraveme est agrave la deuxiegraveme personne du singulier le pronom

objet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (225b) (Becher

2005 22-23)

225) a Jaay =na =ma [ci moom] (Becher 2005 23)

donner =PRFS3SG =O1SG PREPPX PRO3SG

lsquoIl ma vendu agrave luirsquo

b Jaay =na =la [ci ntildeoom] (Becher 2005 23)

donner =PRFS3SG =O2SG PREPPX PRO3PL

lsquoIl ta vendu agrave euxrsquo

Enfin si lun des objets est un pronom objet alors que lautre est un objet lexical on relegraveve les

regravegles suivantes (Becher 2005 21-22)

bull Ordre lineacuteaire = Objet pronominal gt Objet lexical (226a)

bull Le pronom objet est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (226a)

Selon ces regravegles il est impossible davoir un beacuteneacuteficiaire exprimeacute par un objet lexical et un

thegraveme exprimeacute par un pronom objet Dans ce cas lobjet lexical ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire

doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel introduit par la preacuteposition ci (226b)

226) a Jox =naa =ko benn velo (Becher 2005 21)

donner =PRFS1SG =O3SG CLbSING veacutelo

lsquoJe lui ai donneacute un veacutelorsquo

b Jox =naa =ko [ci benn xale bu jigeacuteeacuten](Becher 2005 22)

donner =PRFS1SG =O3SG PREPPX CLbSING enfant CLbREL ecircfemelle

lsquoJe lai donneacute agrave une fillersquo

- 223 -

43 La voix impersonnelle

Le wolof dispose dun morphegraveme -ees qui bloque lexpression de largument sujet et donne une

valeur impersonnelle au preacutedicat115 Ce marqueur a donc une valeur similaire agrave celle dun passif

impersonnel Neacuteanmoins les marqueurs de passif impersonnel ont eacutegalement des emplois de passif

canonique Or le marqueur -ees est uniquement utiliseacute dans des constructions impersonnelles Cest

pour cette raison que Creissels et al (2015 64-65) preacutefegraverent parler de laquo voix impersonnelle raquo

Ce marqueur a un comportement morphosyntaxique idiosyncratique En effet au parfait il se

suffixe au verbe lexical comme les suffixes de diathegravese (227a-c) Neacuteanmoins au futur (ou parfait

imperfectif) il ne se placera pas sur le verbe lexical mais sur le verbe auxiliaire di comme les

suffixes flexionnels de passeacute ou de neacutegation (227d-e)

227) a Xam=ees =na =ko (Creissels et al 2015 64)

savoir=IMPS =PRF =O3SG

lsquoOn sait ccedilarsquo

b (hellip) bu =ma =ci duggee leegi (Diouf et al 2009 108)

TEMP =1SG =PRTFPX entrerANT maintenant

man=ees =na =ma def dara

pouvoir=IMPS =PRF =O1SG faire quelque_chose

lsquo(hellip) si jentre maintenant quelquun peut me creacuteer des ennuisrsquo

c Meumln-ees-u =ko beumltt (Creissels et al 2015 64)

pouvoir-IMPS-PRFNEG =O3SG percer

lsquoOn ne peut pas porter atteinte agrave celarsquo

d Santildesantilde =yooyu d=ees =na =leen doxal (Creissels et al 2015 65)

droit =CLyDEMPX IPF=IMPS =PRF =O3PL marcherCAUS

lsquoLes droits en question on les met en œuvrersquo

e Ntildeam d-ees-u =ko xeentildetu (Diouf 2003 558)

aliment IPF-IMPS-PRFNEG =O3SG renifler

lsquoLes aliments on ne les renifle pasrsquo

115 Il est geacuteneacuteralement traduit par le pronom laquo on raquo en franccedilais

- 224 -

Ces exemples pourraient laisser supposer que -ees est un suffixe flexionnel Cependant dans

dautres constructions il napparaicirct pas sur le verbe Ainsi agrave la focalisation du compleacutement il

samalgame au marqueur preacutedicatif la faisant chuter sa voyelle finale (228a-b) Dans les relatives il

samalgame au relativiseur faisant chuter sa voyelle finale (le reacuteduisant ainsi agrave une marque de

classe) (229a-c) Dans ces deux cas -ees occupe la mecircme position que lindice sujet

228) a Noonu =l=ees di doxale (Creissels et al 2015 64)

CLMNRDEMPX =FOCC=IMPS IPF marcherCAUSAPPL

lsquoCest ainsi que lon procegravedersquo

b Foofu =l=ees (Perrin 2005 122)

CLLOCDEMPX =FOCC=IMPS

lsquoCest ougrave rsquo

229) a N=ees =ko=y jeumlfandikoo (Creissels et al 2015 65)

CLMNRREL=IMPS =O3SG=IPF utiliser

lsquoLa faccedilon dont on lutilisersquo

b F=ees di dem (Creissels et al 2015 65)

CLLOCREL=IMPS IPF aller

lsquoLendroit ougrave on varsquo

c L=ees wax-ul (Diouf 2003 199)

CLCHSGREL=IMPS dire-NEG

lsquoCe quon na pas ditrsquo

Selon Creissels et al (2015 65) laquo ce morphegraveme -ees ne peut donc ecirctre deacutecrit que comme un

clitique qui occupe obligatoirement la deuxiegraveme position dans la seacutequence formeacutee par le lexegraveme

verbal et les clitiques qui sattachent agrave sa gauche si aucun autre clitique ne se place agrave gauche du

lexegraveme verbal -ees sattache immeacutediatement agrave droite du lexegraveme verbal sinon il se place en

deuxiegraveme position dans la chaicircne des proclitiques raquo Comme le notent les auteurs aucun autre

morphegraveme ne preacutesente un comportement semblable en wolof En effet aucun autre morphegraveme de la

langue ne preacutesente ce type de placement ou ne provoque ce type deacutelision vocalique (228-229) Par

ailleurs tous les autres clitiques de la langue sont agrave attaque consonantique -ees serait le seul

clitique agrave attaque vocalique De plus dans les eacutenonceacutes au futur neacutegatif (ou parfait neacutegatif

- 225 -

imperfectif) il se place entre le verbe et le suffixe de neacutegation (227ce) lanalyser comme un

clitique pose donc problegraveme En effet soit il faut revoir lanalyse de -ul et consideacuterer quil sagit dun

clitique et non dun suffixe soit il faut consideacuterer que -ul se suffixe agrave -ees dans les deux cas

lanalyse est peu eacuteconomique et discutable Enfin du point de vue de sa fonction ce marqueur peut

ecirctre rapprocheacute des marqueurs de diathegravese ou des indices de personne mais son comportement

morphosyntaxique lexclut de ces deux paradigmes

44 Les schegravemes de preacutedications verbales

Creissels (1991 405) deacutefinit un schegraveme de preacutedication comme eacutetant laquo la structure commune agrave

un ensemble homogegravene de preacutedicats cest-agrave-dire lensemble des proprieacuteteacutes combinatoires qui

caracteacuterisent la saturation des valences de ces preacutedicats par des constituants nominaux ou des

indices pronominaux raquo116 Par exemple Creissels (2008 77) preacutesente le schegraveme canonique de

preacutedication verbale pour le mandinka

230) S p (O) V (X)

Koacutedoo buacuteka neacuteemoo diacutei mograveolu laacute

argentDET HABNEG bonheurDET donner personneDETPL POSTP

lsquoLargent ne fait pas le bonheurrsquo

Il ne semble pas possible de deacutefinir un schegraveme canonique pour le wolof en synchronie En effet

comme nous lavons vu en (sect 41) et (sect 42) la position des arguments lexicaux et des arguments

pronominaux varie dune construction preacutedicative agrave lautre (Tableau 48)

On note neacuteanmoins que certaines constructions ont des schegravemes formellement identiques

bull Focalisation du sujet Preacutesentatif S=s=p=o V O

bull Focalisation du verbe Futur Futur neacutegatif S=p-s=o V O

bull Optatif Prohibitif Relatif117 Focalisation du compleacutement118 p-s=o S V O

116 Creissels (1983 1991) introduit la notion de laquo schegraveme de preacutedication raquo afin dapprofondir la notion de laquo schegravemedeacutenonceacute raquo proposeacutee par Houis (1977 1981)

117 Dans les propositions relatives le relativiseur a un comportement morphosyntaxique semblable agrave celui dunmarqueur preacutedicatif (sect 244)

118 Si lon ne tient pas compte de leacuteleacutement focaliseacute

- 226 -

Tableau 48 - Inventaire des schegravemes de preacutedication

ArgumentsGeacuteneacuteral

Lexicaux Pronominaux

Subjonctif-Conseacutecutif S V O s V=o S s V=o O

Impeacuteratif V-p-s O V-p-s=o V-p-s=o O

Parfait S V=p-s O V=p-s=o S V=p-s=o O

Parfait Neacutegatif S V-p-s O V-p-s=o S V-p-s=o O

Focalisation du sujet S=p V O s-p=o V S=s=p=o V O

Preacutesentatif S=p V O s-p=o V S=s=p=o V O

Focalisation du verbe S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O

Futur S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O

Futur Neacutegatif S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O

Focalisation du compleacutement

X=p S V OO=p S V

X=p-s=o VO=p-s V

X=p-s=o S V OO=p-s S V

Optatif p S V O p-s=o V p-s=o S V O

Prohibitif p S V O p-s=o V p-s=o S V O

Relatif p S V O p-s=o V p-s=o S V O

Par ailleurs on remarque que leacuteleacutement focaliseacute dans les constructions focalisation du sujet

preacutesentatif et focalisation du compleacutement se place immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif Ces

constructions ayant un impact sur la structure informationnelle de leacutenonceacute on peut consideacuterer que

ces eacuteleacutements mis en focus noccupent pas une position canonique mais une position speacutecifique au

focus situeacutee immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif

231) FOC =p-s =o S V O

a Ceeb =la Omar lekk lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

riz =FOCC Omar manger

b Deacutemb =la Omar lekk ceeb lsquoCest hier quOmar a mangeacute du rizrsquo

hier =FOCC Omar manger riz

c Deacutemb =la-a =ko lekk lsquoCest hier que je lai mangeacutersquo

hier =FOCC-S1SG =O3SG manger

d Omar =a lekk ceeb lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

Omar =FOCS manger riz

e Ma =a =ko lekk lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

PRO1SG =FOCS =O3SG manger

- 227 -

f Omar =a ngi lekk ceeb lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

Omar =PRSTPX manger riz

g Ma =a ngi =ko lekk lsquoMe voici qui en ai mangeacutersquo

PRO1SG =PRSTPX =O3SG manger

Neacuteanmoins ce schegraveme ne sapplique pas agrave la focalisation du verbe et ne peut donc pas ecirctre

geacuteneacuteraliseacute agrave toutes les constructions focalisantes

- 228 -

CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE I I

La conjugaison du wolof sorganise autour dun nombre limiteacute de constructions eacuteleacutementaires que

nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo Ces constructions encodent diffeacuterents types de

cateacutegories grammaticales focalisation aspect temps mode etou polariteacute Nous identifions douze

constructions preacutedicatives focalisation du sujet (FOCS) preacutesentatif (PRST) focalisation du

compleacutement (FOCC) focalisation du verbe (FOCV) parfait (PRF) parfait neacutegatif (PRFNEG) futur (FUT)

futur neacutegatif (FUTNEG) impeacuteratif (IMP) optatif (OPT) prohibitif (PROH) et subjonctif-conseacutecutif (SUBJ)

Ces constructions sont en distribution compleacutementaire Par exemple aucune forme verbale ne

pourra porter simultaneacutement des valeurs de parfait et de focalisation du sujet mecircme si aucune

contrainte seacutemantique ne semble sy opposer Chaque construction se caracteacuterise par un schegraveme

morphosyntaxique speacutecifique un paradigme personnel ainsi quun marqueur speacutecifique (ou une

absence de marqueur)

Les constructions preacutedicatives constituent la base sur laquelle se construit la preacutedication verbale

Ainsi linstanciation dune construction preacutedicative constitue une proposition syntaxiquement

autonome Par ailleurs nous pouvons identifier quatre constructions preacutesentant eacutegalement un

schegraveme morphosyntaxique speacutecifique mais utiliseacutee uniquement pour former des propositions

deacutependantes infinitif (INF) relatif (REL) et les subordonneacutees hypotheacutetiques (HYP) et temporelles

(TEMP)

Toutes les cateacutegories verbales du wolof ne sont pas exprimeacutees par des constructions preacutedicatives

Ainsi limperfectif le passeacute et dans certains cas la polariteacute sont exprimeacutees par dautres proceacutedeacutes

venant sajouter agrave une construction preacutedicative

La polariteacute neacutegative est exprimeacutee de diffeacuterentes maniegraveres selon la construction preacutedicative

consideacutereacutee Certaines constructions preacutedicatives disposent dune construction preacutedicative neacutegative

eacutequivalente PRFNEG FUTNEG et PROH (cest-agrave-dire IMPNEG et OPTNEG) Avec dautres constructions la

neacutegation est exprimeacutee par le suffixe -(w)ul sur le verbe lexical FOCS FOCC FOCV REL HYP et TEMP

Enfin avec dautres constructions la neacutegation est exprimeacutee par le verbe auxiliaire bantilde (refuser)

PRST SUBJ et INF

Laspect imperfectif est exprimeacute par lajout du verbe auxiliaire di (ou de sa forme clitique =y) agrave

- 229 -

une construction preacutedicative Laspect perfectif est simplement exprimeacute par une absence de

marqueur speacutecifique En outre le futur est issu de la grammaticalisation du verbe auxiliaire di au

parfait ce qui explique lidentiteacute des formes du parfait imperfectif et du futur perfectif

Le passeacute est exprimeacute par lajout du marqueur (w)oon agrave une construction preacutedicative Le statut de

ce marqueur (affixe clitique verbe auxiliaire) varie en fonction de la construction Le passeacute reculeacute

est exprimeacute par le suffixe -(w)aan sur le verbe lexical Neacuteanmoins ses emplois sont tregraves limiteacutes Il

est attesteacute uniquement dans les subordonneacutees temporelles ou suffixeacute agrave lauxiliaire dimperfectif Le

non-passeacute est simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique En outre les

constructions injonctives (IMP OPT PROH) sont incompatibles avec les marques de passeacute et de passeacute

reculeacute

La personne et le nombre sont exprimeacutes de diffeacuterentes maniegraveres selon la construction preacutedicative

consideacutereacutee Ces cateacutegories sont exprimeacutees par une marque daccord avec PRF PRFNEG FUT FUTNEG

et FOCV Dans toutes les autres constructions lindice ou le pronom sujet nest exprimeacute quen

labsence de sujet lexical Dans la plupart de ces constructions la marque de personne peut ecirctre

analyseacutee comme un affixe pronominal REL FOCC OPT et PROH Seules deux constructions expriment

la personne par un pronom sujet libre SUBJ et les relatives introduites par un relativiseur reacutefeacuterentiel

Par ailleurs deux constructions mettent le sujet en position focus FOCS et PRST Dans ces

constructions le pronom sujet peut ecirctre analyseacute comme un pronom fort lieacute au marqueur preacutedicatif

Enfin 3SG est exprimeacute par une absence de marque speacutecifique sauf avec PROH SUBJ et dans les

relatives introduites par un relativiseur reacutefeacuterentiel

Le Tableau (II1) preacutesente le paradigme complet de la conjugaison des verbes du wolof en

prenant comme exemple le verbe lekk (manger)119 Le wolof eacutetant une langue agglutinante on

observe peu didiosyncrasies Ainsi ce paradigme est geacuteneacuteralisable agrave presque tous les verbes

Neacuteanmoins si le verbe est agrave finale vocalique lajout dun affixe deacuteclenche un processus

phonologique preacutedictible (eacutepenthegravese consonnantique ou fusion) Enfin quelques rares verbes

peuvent preacutesenter quelques idiosyncrasies morphophonologiques di (ecirctre) ne (dire) am (avoir) et

xam (savoir)

119 Pour des raisons de lisibiliteacute nous avons respecteacute la seacuteparation des mots imposeacutee par lorthographe officielle(sect 0445)

- 230 -

Tableau I1 - Paradigmes de conjugaison du wolof

PERFECTIF IMPERFECTIF

POL NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

FO

CA

LIS

AT

ION

FO

CS

+

maa lekkyaa lekkmoo lekknoo lekkyeena lekkntildeoo lekk

maa lekkoonyaa lekkoonmoo lekkoonnoo lekkoonyeena lekkoonntildeoo lekkoon

maay lekkyaay lekkmooy lekknooy lekkyeenay lekkntildeooy lekk

maa doon lekkyaa doon lekkmoo doon lekknoo doon lekkyeena doon lekkntildeoo doon lekk

-

maa lekkulyaa lekkulmoo lekkulnoo lekkulyeena lekkulntildeoo lekkul

maa lekkuloonyaa lekkuloonmoo lekkuloonnoo lekkuloonyeena lekkuloonntildeoo lekkuloon

maa dul lekkyaa dul lekkmoo dul lekknoo dul lekkyeena dul lekkntildeoo dul lekk

maa duloon lekkyaa duloon lekkmoo duloon lekknoo duloon lekkyeena duloon lekkntildeoo duloon lekk

PR

ST

+

maa ngi lekkyaa ngi lekkmu ngi lekknu ngi lekkyeena ngi lekkntildeu ngi lekk

maa ngi lekkoonyaa ngi lekkoonmu ngi lekkoonnu ngi lekkoonyeena ngi lekkoonntildeu ngi lekkoon

maa ngiy lekkyaa ngiy lekkmu ngiy lekknu ngiy lekkyeena ngiy lekkntildeu ngiy lekk

maa ngi doon lekkyaa ngi doon lekkmu ngi doon lekknu ngi doon lekkyeena ngi doon lekkntildeu ngi doon lekk

-

maa ngi bantildea lekkyaa ngi bantildea lekkmu ngi bantildea lekknu ngi bantildea lekkyeena ngi bantildea lekkntildeu ngi bantildea lekk

maa ngi bantildeoona lekkyaa ngi bantildeoona lekkmu ngi bantildeoona lekknu ngi bantildeoona lekkyeena ngi bantildeoona lekkntildeu ngi bantildeoona lekk

maa ngiy bantildea lekkyaa ngiy bantildea lekkmu ngiy bantildea lekknu ngiy bantildea lekkyeena ngiy bantildea lekkntildeu ngiy bantildea lekk

maa ngi doon bantildea lekkyaa ngi doon bantildea lekkmu ngi doon bantildea lekknu ngi doon bantildea lekkyeena ngi doon bantildea lekkntildeu ngi doon bantildea lekk

FO

CC

+

ceeb laa lekkceeb nga lekkceeb la lekkceeb lanu lekkceeb ngeen lekkceeb lantildeu lekk

ceeb laa lekkoonceeb nga lekkoonceeb la lekkoonceeb lanu lekkoonceeb ngeen lekkoonceeb lantildeu lekkoon

ceeb laay lekkceeb ngay lekkceeb lay lekkceeb lanuy lekkceeb ngeen di lekkceeb lantildeuy lekk

ceeb laa doon lekkceeb nga doon lekkceeb la doon lekkceeb lanu doon lekkceeb ngeen doon lekkceeb lantildeu doon lekk

-

ceeb laa lekkulceeb nga lekkulceeb la lekkulceeb lanu lekkulceeb ngeen lekkulceeb lantildeu lekkul

ceeb laa lekkuloonceeb nga lekkuloonceeb la lekkuloonceeb lanu lekkuloonceeb ngeen lekkuloonceeb lantildeu lekkuloon

ceeb laa dul lekkceeb nga dul lekkceeb la dul lekkceeb lanu dul lekkceeb ngeen dul lekkceeb lantildeu dul lekk

ceeb laa duloon lekkceeb nga duloon lekkceeb la duloon lekkceeb lanu duloon lekkceeb ngeen duloon lekkceeb lantildeu duloon lekk

FO

CV

+

dama lekkdanga lekkdafa lekkdanu lekkdangeen lekkdantildeu lekk

dama lekkoondanga lekkoondafa lekkoondanu lekkoondangeen lekkoondantildeu lekkoon

damay lekkdangay lekkdafay lekkdanuy lekkdangeen di lekkdantildeuy lekk

dama doon lekkdanga doon lekkdafa doon lekkdanu doon lekkdangeen doon lekkdantildeu doon lekk

-

dama lekkuldanga lekkuldafa lekkuldanu lekkuldangeen lekkuldantildeu lekkul

dama lekkuloondanga lekkuloondafa lekkuloondanu lekkuloondangeen lekkuloondantildeu lekkuloon

dama dul lekkdanga dul lekkdafa dul lekkdanu dul lekkdangeen dul lekkdantildeu dul lekk

dama duloon lekkdanga duloon lekkdafa duloon lekkdanu duloon lekkdangeen duloon lekkdantildeu duloon lekk

- 231 -

PAR

FAIT

PR

F+

lekk naalekk ngalekk nalekk nanulekk ngeenlekk nantildeu

lekkoon naalekkoon ngalekkoon nalekkoon nanulekkoon ngeenlekkoon nantildeu

dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk

doon naa lekkdoon nga lekkdoon na lekkdoon nanu lekkdoon ngeen lekkdoon nantildeu lekk

PR

FN

EG

-

lekkumalekkuloolekkullekkunulekkuleenlekkuntildeu

lekkuma woonlekkuloo woonlekkuloonlekkunu woonlekkuleen woonlekkuntildeu woon

duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk

duma woon lekkdoo woon lekkdu woon lekkdunu woon lekkdungeen woon lekkduntildeu woon lekk

FU

TU

R

FU

T

+

dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk

doon naa lekkdoon nga lekkdoon na lekkdoon nanu lekkdoon ngeen lekkdoon nantildeu lekk

dinaay lekkdingay lekkdinay lekkdinanuy lekkdingeen di lekkdinantildeuy lekk

na

FU

TN

EG

-

duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk

duma woon lekkdoo woon lekkdu woon lekkdunu woon lekkdungeen woon lekkduntildeu woon lekk

dumay lekkdooy lekkduy lekkdunuy lekkdungeen di lekkduntildeuy lekk

na

INJO

NC

TIO

N

OP

T

+

naa lekknanga lekkna lekknanu lekknangeen lekknantildeu lekk

na

naay lekknangay lekknay lekknanuy lekknangeen di lekknantildeuy lekk

na

IMP

+ lekkallekkleen

nadil lekkdileen lekk

na

PR

OH

-

bu ma lekkbul lekkbu mu lekkbu nu lekkbuleen lekkbu ntildeu lekk

na

bu may lekkbul di lekkbu muy lekkbu nuy lekkbuleen di lekkbu ntildeuy lekk

na

SU

BJ

+

ma lekknga lekkmu lekknu lekkngeen lekkntildeu lekk

ma lekkoonnga lekkoonmu lekkoonnu lekkoonngeen lekkoonntildeu lekkoon

may lekkngay lekkmuy lekknuy lekkngeen di lekkntildeuy lekk

ma doon lekknga doon lekkmu doon lekknu doon lekkngeen doon lekkntildeu doon lekk

-

ma bantildea lekknga bantildea lekkmu bantildea lekknu bantildea lekkngeen bantildea lekkntildeu bantildea lekk

ma bantildeoona lekknga bantildeoona lekkmu bantildeoona lekknu bantildeoona lekkngeen bantildeoona lekkntildeu bantildeoona lekk

may bantildea lekkngay bantildea lekkmuy bantildea lekknuy bantildea lekkngeen di bantildea lekkntildeuy bantildea lekk

na

INF + lekk lekkoon di lekk doon lekk

- bantildea lekk bantildeoona lekk di bantildea lekk doon bantildea lekk

- 232 -

SU

BO

RD

ON

NEacute

E

RE

L R

EF

+

li ma lekkli nga lekkli mu lekkli nu lekkli ngeen lekkli ntildeu lekk

li ma lekkoonli nga lekkoonli mu lekkoonli nu lekkoonli ngeen lekkoonli ntildeu lekkoon

li may lekkli ngay lekkli muy lekkli nuy lekkli ngeen di lekkli ntildeuy lekk

li ma doon lekkli nga doon lekkli mu doon lekkli nu doon lekkli ngeen doon lekkli ntildeu doon lekk

-

li ma lekkulli nga lekkulli mu lekkulli nu lekkulli ngeen lekkulli ntildeu lekkul

li ma lekkuloonli nga lekkuloonli mu lekkuloonli nu lekkuloonli ngeen lekkuloonli ntildeu lekkuloon

li ma dul lekkli nga dul lekkli mu dul lekkli nu dul lekkli ngeen dul lekkli ntildeu dul lekk

li ma duloon lekkli nga duloon lekkli mu duloon lekkli nu duloon lekkli ngeen duloon lekkli ntildeu duloon lekk

RE

L N

RE

F

+

lu ma lekkloo lekklu mu lekklu nu lekklu ngeen lekklu ntildeu lekk

lu ma lekkoonloo lekkoonlu mu lekkoonlu nu lekkoonlu ngeen lekkoonlu ntildeu lekkoon

lu may lekklooy lekklu muy lekklu nuy lekklu ngeen di lekklu ntildeuy lekk

lu ma doon lekkloo doon lekklu mu doon lekklu nu doon lekklu ngeen doon lekklu ntildeu doon lekk

-

lu ma lekkulloo lekkullu mu lekkullu nu lekkullu ngeen lekkullu ntildeu lekkul

lu ma lekkuloonloo lekkuloonlu mu lekkuloonlu nu lekkuloonlu ngeen lekkuloonlu ntildeu lekkuloon

lu ma dul lekkloo dul lekklu mu dul lekklu nu dul lekklu ngeen dul lekklu ntildeu dul lekk

lu ma duloon lekkloo duloon lekklu mu duloon lekklu nu duloon lekklu ngeen duloon lekklu ntildeu duloon lekk

HY

P

+

su ma lekkeesoo lekkeesu lekkeesu nu lekkeesu ngeen lekkeesu ntildeu lekkee

su ma lekkoonsoo lekkoonsu lekkoonsu nu lekkoonsu ngeen lekkoonsu ntildeu lekkoon

su may lekksooy lekksuy lekksu nuy lekksu ngeen di lekksu ntildeuy lekk

su ma doon lekksoo doon lekksu doon lekksu nu doon lekksu ngeen doon lekksu ntildeu doon lekk

-

su ma lekkul(ee)soo lekkul(ee)su lekkul(ee)su nu lekkul(ee)su ngeen lekkul(ee)su ntildeu lekkul(ee)

su ma lekkuloonsoo lekkuloonsu lekkuloonsu nu lekkuloonsu ngeen lekkuloonsu ntildeu lekkuloon

su ma dul lekksoo dul lekksu dul lekksu nu dul lekksu ngeen dul lekksu ntildeu dul lekk

su ma duloon lekksoo duloon lekksu duloon lekksu nu duloon lekksu ngeen duloon lekksu ntildeu duloon lekk

TE

MP

+

bu ma lekkeeboo lekkeebu lekkeebu nu lekkeebu ngeen lekkeebu ntildeu lekkee

bi ma lekkeebi nga lekkeebi mu lekkeebi nu lekkeebi ngeen lekkeebi ntildeu lekkee

bu may lekkbooy lekkbuy lekkbu nuy lekkbu ngeen di lekkbu ntildeuy lekk

bi may lekkbi ngay lekkbi muy lekkbi nuy lekkbi ngeen di lekkbi ntildeuy lekk

-

bu ma lekkul(ee)boo lekkul(ee)bu lekkul(ee)bu nu lekkul(ee)bu ngeen lekkul(ee)bu ntildeu lekkul(ee)

bi ma lekkul(ee)bi nga lekkul(ee)bi mu lekkul(ee)bi nu lekkul(ee)bi ngeen lekkul(ee)bi ntildeu lekkul(ee)

bu ma dul lekkboo dul lekkbu dul lekkbu nu dul lekkbu ngeen dul lekkbu ntildeu dul lekk

bi ma duloon lekkbi nga duloon lekkbi mu duloon lekkbi nu duloon lekkbi ngeen duloon lekkbi ntildeu duloon lekk

Notre preacutesentation de la conjugaison du wolof est en grande partie baseacutee sur lanalyse

laquo classique raquo Cette analyse a eacuteteacute initialement proposeacutee par Kobegraves (1869) et a ensuite eacuteteacute reprise

affineacutee etou en partie modifieacutee par Dialo (1981a) Church (1981) Robert (1991) Fal (1999) ou

- 233 -

Diouf (2009) Cependant nous nous deacutemarquons de ces travaux sur plusieurs points soit en placcedilant

lanalyse classique dans une perspective typologique plus large soit en proposant une reacuteanalyse de

certaines constructions

Nous conservons leacutetiquette laquo parfait raquo proposeacutee par Robert (1991) Neacuteanmoins nous apportons

de nouveaux arguments en faveur de ce choix terminologique en comparant les valeurs de cette

construction avec les valeurs lieacutees agrave la cateacutegorie laquo parfait raquo en typologie Comme cest le cas dans

dautres langues le parfait wolof a plusieurs lectures une lecture existentielle (indique quune

situation a eu lieu au moins une fois avant le moment de reacutefeacuterence) et une lecture reacutesultative

(indique que le point de reacutefeacuterence est perccedilu comme le reacutesultat dune situation qui lui est anteacuterieure)

Ces arguments permettent eacutegalement de justifier le choix de leacutetiquette laquo parfait neacutegatif raquo

La plupart des auteurs considegraverent le futur soit comme un parfait imperfectif soit comme une

construction preacutedicative autonome Nous deacutefendons une analyse plus nuanceacutee En nous appuyant

notamment sur la structure et la valeur des formes de ce paradigme au passeacute nous consideacuterons que

la grammaticalisation de di-na nest pas encore acheveacutee

Contrairement agrave la plupart des travaux nous avons choisi leacutetiquette laquo futur neacutegatif raquo pour la

construction mettant en jeu le marqueur du Deux arguments nous permettent de deacutefendre ce choix

Premiegraverement les valeurs de cette construction sont eacutequivalentes agrave celles de la construction future

Deuxiegravemement elle occupe clairement les cellules du paradigme verbal correspondant aux

proprieacuteteacutes morphosyntaxiques TIRV fut POL ndash Par ailleurs nous avons mis en eacutevidence plusieurs

idiosyncrasies notamment sur la structure et la valeur des formes de ce paradigme au passeacute

Notre analyse de la construction laquo minimale raquo (cest-agrave-dire la construction ne preacutesentant pas de

morphegraveme speacutecifique) se distingue nettement de lanalyse classique En effet nous nions lexistence

dune unique construction laquo minimale raquo en wolof Notre argumentation sappuie essentiellement sur

les diffeacuterentes structures et valeurs preacutesenteacutees par la construction laquo minimale raquo On constate que le

minimal preacutesente deux schegravemes distincts (s V o et s o V) ainsi que deux formes neacutegatives distinctes

correspondant chacun agrave des emplois diffeacuterents dans la langue En tenant compte de lensemble des

diffeacuterences de forme et de sens nous identifions en fait quatre constructions diffeacuterentes

Subjonctif-Conseacutecutif Infinitif Relatif et Hypotheacutetique-Temporel Seul le subjonctif-conseacutecutif

peut ecirctre analyseacute comme une construction preacutedicative Les autres constructions permettent

uniquement de construire des propositions deacutependantes

Nous avons repris lanalyse classique des constructions focalisantes en la replaccedilant dans la

typologie de Lambrecht (1994) Nous consideacuterons donc les constructions focalisantes comme des

- 234 -

constructions preacutedicatives agrave part entiegravere et non comme des constructions relevant uniquement de la

syntaxe Nous deacutefendons cette position agrave laide de plusieurs arguments distribution

compleacutementaire des constructions diffeacuterences formelles avec la structure des cliveacutees idiosyncrasies

des paradigmes personnels identiteacute formelle de certains paradigmes

Nous avons leacutegegraverement revu la description de la neacutegation de Robert (1990) De plus nous

proposons une typologie des constructions neacutegatives

Concernant lexpression du passeacute le marqueur (w)oon peut ecirctre analyseacute comme un affixe un

clitique ou un verbe en fonction de la construction consideacutereacutee Par ailleurs nous analysons le

suffixe -aan comme un marqueur de passeacute reculeacute Nous reacutefutons lanalyse geacuteneacuteralement proposeacutee

selon laquelle ce suffixe exprime un passeacute habituel En effet ce suffixe est employeacute exclusivement

agrave limperfectif etou dans des subordonneacutees temporelles Ainsi le sens habituel nest pas veacutehiculeacute

par ce suffixe mais plutocirct par les marqueurs propres agrave ces types de proposition

Nous proposons une description des pronoms personnels beaucoup plus simple que celle

preacutesenteacutee dans la plupart des travaux de reacutefeacuterences Nous reacuteduisons linteacutegraliteacute des formes agrave cinq

paradigmes pronoms forts (libres et lieacutes) pronoms faibles sujets (libres et lieacutes) et pronoms faibles

objets Suivant Diouf (1985) nous analysons les marques de personne de la focalisation du sujet et

du preacutesentatif comme des pronoms forts En outre la forme des pronoms faibles sujets lieacutes nest pas

totalement idiosyncrasique mais est en grande partie preacutedictible En effet la chute de la consonne

initiale de certains de ces pronoms est essentiellement due agrave la voyelle ou consonne finale du

marqueur auquel ils se lient Par ailleurs en utilisant les critegraveres de Corbett (2006) nous pouvons

consideacuterer que dans certaines constructions les pronoms faibles sujets lieacutes peuvent ecirctre analyseacutes

comme des affixes pronominaux alors que dans dautres ils se comportent plus comme des

marques daccord

- 235 -

- 236 -

PARTIE IIPARTIE II

LES PEacuteRIPHRASES VERBALES DULES PEacuteRIPHRASES VERBALES DU

WOLOFWOLOF ANALYSE ET ENJEUX ANALYSE ET ENJEUX

TYPOLOGIQUESTYPOLOGIQUES

Le premier objectif de cette partie est de proposer une analyse typologique des peacuteriphrases

flexionnelles du wolof Comme nous lavons vu dans la Partie I en wolof la majeure partie des

cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe est exprimeacutee par des constructions peacuteriphrastiques On en

distingue deux types les constructions agrave marqueur preacutedicatif et les constructions agrave verbe auxiliaire

Notre objectif est deacutetudier en quoi ces constructions se distinguent les unes des autres et de les

situer dans une typologie des peacuteriphrases en nous appuyant sur les critegraveres retenus par Bonami amp

Samvelian (2015) et Brown et al (2012)

Cette analyse typologique nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de

la notion dauxiliaire De nombreuses deacutefinitions etou critegraveres deacutefinitoires ont eacuteteacute proposeacutes pour

tenter de circonscrire cette notion Neacuteanmoins nous pouvons identifier trois types de deacutefinition

cateacutegorielle(s) fonctionnelle et panchronique Agrave partir des donneacutees du wolof et dautres langues

africaines nous montrons les avantages ainsi que les limites de ces deacutefinitions Nous montrons

quune approche laquo fonctionnelle raquo des auxiliaires permet de mieux rendre compte des constructions

peacuteriphrastiques dans une perspective typologique

Cette partie est organiseacutee comme suit Nous commenccedilons par eacutetudier le statut morphosyntaxique

des constructions agrave marqueur preacutedicatif en wolof (Chapitre 5) Nous montrons que ces constructions

doivent ecirctre analyseacutees comme des constructions peacuteriphrastiques (sect 51) Dans la section (sect 52)

nous dressons linventaire des peacuteriphrases flexionnelles verbales du wolof et nous en proposons une

analyse typologique Dans le Chapitre 6 nous proposons une nouvelle approche typologique de la

- 237 -

notion dauxiliaire en nous appuyant sur les donneacutees du wolof et dautres langues africaines Dans

le Chapitre 7 nous eacutetudions la tecircte des peacuteriphrases verbales du wolof en nous appuyant sur la

typologie proposeacutee par Anderson (2006) Dans le Chapitre 8 nous proposons une typologie des

eacuteleacutements preacutedicatifs du wolof Enfin dans le Chapitre 9 nous proposons une eacutebauche de typologie

geacuteneacuterale des marqueurs preacutedicatifs en nous appuyant sur la typologie proposeacutee par Mous (2005)

pour les langues couchitiques

- 238 -

CCHAPITREHAPITRE 5 - 5 - LLESES PEacuteRIPHRASESPEacuteRIPHRASES VERBALESVERBALES DUDU WOLOFWOLOF

51 Les constructions agrave marqueur preacutedicatif du wolof

En wolof peu de constructions preacutedicatives peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions

syntheacutetiques Seules les formes du parfait neacutegatif et de limpeacuteratif correspondent agrave des verbes

fleacutechis la marque morphologique de ces constructions eacutetant un suffixe verbal Par ailleurs le

subjonctif-conseacutecutif est caracteacuteriseacute par labsence de marque morphologique

En revanche toutes les autres constructions preacutedicatives sarticulent autour dun morphegraveme

speacutecifique que nous appelons laquo marqueur preacutedicatif raquo (MP) Il sagit dun eacuteleacutement preacutedicatif deacutenueacute

de sens lexical mais portant la majoriteacute des informations grammaticales Les marqueurs preacutedicatifs

forment une classe fermeacutee

Tableau 51 - Inventaire des marqueurs preacutedicatifs

Construction Marqueur

Focalisation du sujet a

Preacutesentatif a ng-

Focalisation du compleacutement la

Focalisation du verbe da(fa)

Parfait na

Futur dina

Futur neacutegatif du

Optatif na

Prohibitif bu(l)

Il nexiste pas de consensus concernant leacutetiquette donneacutee agrave ces morphegravemes Dialo (1981a) et

Church (1981) parlent uniquement de laquo marques distinctives raquo Diouf (2009) parle de

laquo modalisateurs raquo et Robert (1991) et Perrin (2005) parlent laquo dIndices Personne Aspect-temps

Mode (IPAM) raquo120 Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo marqueur preacutedicatif raquo proposeacutee par Creissels

(2006a)121

120 Terme emprunteacute agrave la terminologie de la linguistique tchadique121 Nous justifions ce choix en (sect 91)

- 239 -

511 Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP

La question du statut lexical ou syntaxique de certaines constructions agrave MP a eacuteteacute eacutevoqueacutee par

plusieurs auteurs Comme nous lavons vu en (sect 256) les constructions focalisantes ont eacuteteacute

analyseacutees comme des constructions relevant de la morphologie par Robert (2000) alors que dautres

auteurs tels que Diouf (1985) Kihm (1999) Torrence (2013b) et NDiaye-Correacuteard (1989 2003) les

traitent comme des constructions syntaxiques Par contre le statut des autres constructions

preacutedicatives na presque jamais eacuteteacute explicitement traiteacute122 Neacuteanmoins la plupart des auteurs

proposent une analyse implicite de ces constructions au travers des gloses Ainsi suivant les

conventions orthographiques actuellement en vigueur123 certains auteurs considegraverent le MP et le

verbe comme deux mots distincts (232a) alors que dautres traitent plutocirct le MP comme un affixe

du verbe (232b)

232) a Tool yi rafet nantildeu (Robert 1991 39)

champs CLyDF ecirctre_joli PRF3PL

lsquoLes champs sont jolisrsquo

b Xale-yi lekk-na-ntildeu ceeb-bi (Zribi-Hertz amp Diagne 2002 829)

enfant-CLyDF manger-PRF-3PL riz-CLbDF

lsquoLes enfants ont mangeacute le rizrsquo

En fait la deacutetermination du statut de ce type de constructions ne se limite pas aux donneacutees du

wolof mais constitue un problegraveme reacutecurrent en linguistique africaine En effet comme le note

Nurse (2008 169) les laquo auteurs francophones raquo ont tendance agrave consideacuterer comme des mots

distincts ce que les laquo auteurs anglophones raquo considegraverent comme un seul mot Cette remarque se

confirme pour le wolof puisque les auteurs anglophones (etou travaillant dans le cadre de la

grammaire geacuteneacuterative transformationnelle) utilisent la glose de (232b) alors que les auteurs

francophones utilisent plutocirct la glose de (232a) (Gueacuterin 2014a)

En wolof le verbe peut clairement ecirctre consideacutereacute comme un mot indeacutependant En effet il peut

occuper la mecircme position quun syntagme (comme la position sujet) (233a) et il peut former un

eacutenonceacute indeacutependant (233b) Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP revient

donc agrave deacuteterminer le statut morphosyntaxique du MP ces marqueurs sont-ils des mots ou des

122 Mis agrave part Gueacuterin (2014b) qui constitue la seule analyse systeacutematique traitant explicitement de cette question pourlensemble des constructions preacutedicatives

123 cf (sect 0445)

- 240 -

affixes de flexion verbale

233) a Wax yomb =na wagravente def yomb-ul (Shawyer 2009 100)

parler ecirctre_facile =PRFs3sg mais faire ecirctre_facile-PRFNEGS3SG

lsquoParler est facile mais agir ne lest pasrsquo

b Dem-al

partir-IMPS2SG

lsquoVa-ten rsquo

Par laquo mot raquo nous entendons laquo mot grammatical raquo cest-agrave-dire une uniteacute linguistique composeacutee

dun ensemble coheacuterent de morphegravemes et relativement autonome dun point de vue

morphosyntaxique (Dixon amp Aikhenvald 2002 18-25) Il soppose agrave laffixe qui est deacutefini comme

un morphegraveme lieacute ne pouvant pas apparaicirctre isoleacutement En prenant en compte le critegravere

phonologique on peut distinguer deux types de mots les mots indeacutependants phonologiquement

autonomes et les clitiques phonologiquement deacutependants dun autre mot (Dixon amp Aikhenvald

2002 Haspelmath 2002 Booij 2012)

Tableau 52 - Distinctions entre Affixe Clitique et Mot124

AffixeMot grammatical

Clitique Mot indeacutependant

Morphosyntaxe Lieacute Libre

Phonologie Lieacute Libre

Afin de deacuteterminer le statut morphosyntaxique des marqueurs preacutedicatifs nous utilisons

plusieurs types de critegraveres (Haspelmath 2011 34-37 Zwicky amp Pullum 1983) Nous commenccedilons

par des critegraveres phonologiques place de laccent lexical direction de lattachement phonologique

pauses (sect 512) Nous utilisons ensuite des critegraveres morphologiques deacuterivation verbale

seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat structure des preacutedicats non verbaux existence de lacunes

arbitraires ou didiosyncrasies morphophonologiques dans la combinaison entre un clitique (ou

affixe) et son hocircte (sect 513) Enfin nous finissons par les critegraveres dordre seacutemantique formation dun

preacutedicat seacutemantique et compositionnaliteacute seacutemantique (sect 514)125

124 Tableau adapteacute de Haspelmath (2002 149)125 Cette section reprend lanalyse que nous avons proposeacutee dans Gueacuterin (2014b)

- 241 -

512 Les critegraveres phonologiques

5121 La place de laccent lexical

Comme nous lavons vu en (sect 0444) laccent lexical tombe laquo sur la premiegravere syllabe du mot

isoleacute contenant des voyelles de mecircme longueur phonologique ou sur la premiegravere syllabe agrave voyelle

longue raquo (Ka 1978 70) Les marqueurs preacutedicatifs dafa (234a) et dina (234b) sont polysyllabiques

et portent leur propre accent (Sauvageot 1965 41-51) Ils constituent donc des mots phonologiques

selon les critegraveres deacutefinis par Dixon amp Aikhenvald (2002 13) cest-agrave-dire des uniteacutes phonologiques

plus grandes que la syllabe et preacutesentant plusieurs caracteacuteristiques segmentales (structure syllabique

interne) et prosodiques (accent lexical propre) Neacuteanmoins ce critegravere est relativement peu pertinent

En effet depuis Dixon (1977 27) il est geacuteneacuteralement admis que au sein dune mecircme langue mots

phonologiques et mots grammaticaux ne coiumlncident pas toujours (Dixon amp Aikhenvald 2002 27-

31 Haspelmath 2011 37)

234) a Daˈ fa doˈ fadi (Sauvageot 1965 42)

FOCVS3SG ecirctre_un_peu_fou

lsquoIl est un peu foursquo

b diˈ na amˈ (Sauvageot 1965 49)

FUTS3SG avoir

lsquoil y aurarsquo

5122 La direction de lattachement phonologique

Agrave lexception du parfait tous les MP sont placeacutes juste avant le verbe lexical mais sont attacheacutes

phonologiquement au mot qui les preacutecegravede Deux processus attestent de la direction de cet

attachement lharmonie vocalique et la coalescence vocalique

Comme nous lavons vu en (sect 0443) le wolof connaicirct un pheacutenomegravene dharmonie vocalique

reposant sur le trait ATR les voyelles des morphegravemes phonologiquement faibles (clitiques ou

affixes) sharmonisent avec la cateacutegorie ATR du mot qui les preacutecegravedent (Ka 1994 12-62) Ainsi la

voyelle du MP sharmonise avec le mot qui le preacutecegravede quelle que soit sa cateacutegorie (235a-d)

- 242 -

235) a Ndar =lanu joacutege (Ka 1994 53)

[ndɐr =lɐnu ɟoɡe][-ATR] [-ATR] [+ATR]

Saint-Louis =FOCCS1PL provenir

lsquoCest de Saint-Louis que nous sommes venusrsquo

b Moacuteodu =dafa feebar (Ka 1994 54)

[moːdu =dəfə fɛːbɐr][+ATR] [+ATR] [-ATR]

Modou =FOCV3SG ecirctre_malade

lsquoModou est maladersquo

c Xale =ya =dinantildeu ntildeoacutew (Ka 1994 55)

[χɐlɛ =jɐ =dinɐɲu ɲow][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]

enfant =CLyDFDT =FUTS3PL venir

lsquoLes enfants viendrontrsquo

d Jigeacuteen =ntildea =nantildeu dem (Ka 1994 54)

[ɟiɡeːn =ɲə =nəɲu dɛm][+ATR] [+ATR] [+ATR] [-ATR]

femme =CLntildeDFDT =OPTS3PL partir

lsquoQue les femmes partentrsquo

Par ailleurs si le mot qui les preacutecegravede se termine par une syllabe ouverte les MP a et a ngi

fusionnent avec la derniegravere voyelle de ce mot (236a-b) (Church 1981 68-72)

236) a Koacutelleumlree baax (Church 1981 68)

koacutelleumlre=a baax

fideacuteliteacute=FOCS ecirctre_bon

lsquoCest la fideacuteliteacute qui est bonnersquo

- 243 -

b Gunee ngi fo (Church 1981 72)

gune=a ngi fo

enfant=PRSTPX jouer

lsquoVoici un enfant qui jouersquo

La direction de lattachement phonologique tend donc agrave montrer que agrave lexception du parfait les

MP ne peuvent pas ecirctre analyseacutes comme des affixes du verbe lexical En effet contrairement aux

suffixes flexionnels et deacuterivationnels les MP ne forment pas une uniteacute phonologique avec le verbe

lexical

5123 Les pauses

Agrave lexception dune pause forte (loud pause) marqueacutee par un allongement vocalique sur le MP de

la focalisation du compleacutement la (237) aucune pause nest attesteacutee entre le MP et le verbe (Rialland

amp Robert 2001 925-929)

237) Loolu =laaa Mari Danel dekk (Rialland amp Robert 2001 929)

CLCHSGDEMPX =FOCC Marie Daniel vivre

lsquoCeeest Marie Daniel qui vitrsquo

Neacuteanmoins labsence de pause entre deux eacuteleacutements nest pas un critegravere suffisant pour conclure

quils ne forment quun seul mot En effet bien que les clitiques soient geacuteneacuteralement consideacutereacutes

comme des mots grammaticaux aucune pause nest attesteacutee entre un clitique et son hocircte

(Haspelmath 2011 39)

513 Les critegraveres morphologiques

5131 La deacuterivation verbale

Comme nous lavons vu en (sect 0452) laffixation est un proceacutedeacute morphologique extrecircmement

courant en wolof Neacuteanmoins si la suffixation est le proceacutedeacute morphologique le plus productif la

preacutefixation est inexistante (Ka 1981 Ndiaye 2004 18-19 Diouf 2009 31) Quils soient

flexionnels ou deacuterivationnels tous les morphegravemes clairement identifieacutes comme des affixes sont des

- 244 -

suffixes dund (vivre) dund-aat (revivre) dund-al (faire vivre) dund-ul (ne pas vivre) Or agrave

lexception du parfait tous les marqueurs preacutedicatifs sont anteacuteposeacutes au verbe (Ch 2) Ainsi

analyser les MP comme des affixes va agrave lencontre des traits typologiques du wolof En effet les MP

seraient les seuls preacutefixes productifs126 et auraient donc un fonctionnement relativement marginal

au sein du systegraveme morphologique de la langue

5132 La seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat

Dans la plupart des constructions preacutedicatives les membres du preacutedicat ne peuvent ecirctre seacutepareacutes

que par des morphegravemes pronominaux Ainsi les eacuteleacutements attesteacutes entre le MP et le verbe sont soit

des affixes (indices sujets) soit des clitiques (pronoms objets pronoms locatifs) (238) (sect 42)

238) Da-ma =la =ko =fa beumlgg=a yoacutebbul (Diouf 2009 100)

FOCV-S1SG =O2SG =O3SG =CLLOCDFDT vouloir=DV emmenerBEN

lsquoJe veux te ly emmenerrsquo

Neacuteanmoins dans les eacutenonceacutes agrave loptatif (239a) au prohibitif (239b) ou avec focalisation du

compleacutement (239c) le sujet lexical se place entre le marqueur preacutedicatif et le verbe (Ch 2) On

remarque eacutegalement que ladverbe rekk (seulement) peut apparaicirctre entre le MP et le verbe lexical

dans les eacutenonceacutes avec focalisation du verbe (239d)

239) a Na nit =ntildei dem (Church 1981 100)

OPT personne =CLntildeDFPX partir

lsquoQue les gens partent rsquo

b Bu xaj =bi dugg (Church 1981 104)

PROH chien =CLbDFPX entrer

lsquoQue le chien nentre pas rsquo

c Yow =la Omar gis (Diouf 2009 93)

PRO2SG =FOCC Omar voir

lsquoCest toi quOmar a vursquo

126 Diouf (2009 54) dresse une liste des preacutefixes en wolof Il recense sept preacutefixes nominaux non productifsCependant lidentification de certains de ces morphegravemes comme preacutefixes est discutable En effet certains semblentplus relever de la composition ou ecirctre des calques de structures arabes

- 245 -

d Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)

POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCV3SG seulement ecirctre_sans_gecircne

lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo

Selon le principe dinteacutegriteacute lexicale (Anderson 1992 84 Bresnan amp Mchombo 1995) les

eacuteleacutements constitutifs dun mot grammatical ne peuvent ecirctre interrompus par une autre entiteacute

syntaxique Les MP la na (OPT) et dafa ne peuvent donc pas ecirctre analyseacutes comme des affixes du

verbe lexical En revanche le fait que tous les preacutedicats des autres constructions preacutedicatives ne

puissent pas ecirctre interrompus par un syntagme nest pas un critegravere suffisant pour conclure quils ne

forment quun seul mot En effet il existe de nombreux exemples de combinaisons inseacuteparables qui

ne peuvent pas ecirctre analyseacutees comme des mots grammaticaux (Haspelmath 2011 45)

5133 Les preacutedicats non verbaux

Certains MP apparaissent dans des eacutenonceacutes agrave preacutedicat non verbal cest-agrave-dire sans verbe lexical

En effet les MP la (240a) et a (240b) permettent de construire des eacutenonceacutes didentification ou de

cateacutegorisation et le MP a ngi (240c) permet de construire des eacutenonceacutes de localisation (Robert

1991 159-163 Torrence 2013b)

240) a Man nit =la-a (Robert 1991 160)

PRO1SG humain =FOCC-S1SG

lsquoMoi je suis un ecirctre humainrsquo

b Maryam jagravengalekat =a (Torrence 2013b 195)

Marie enseignant =FOCS

lsquoMarie est enseignantersquo

c Ma-a ngi ci neacuteeg =bi (Diouf 2009 149)

PRO1SG-PRSTPX PREPPX chambre =CLbDFPX

lsquoJe suis dans la chambrersquo

Comme nous lavons vu en (sect 256) deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees pour rendre compte de ces

constructions Selon Kihm (1999) et Torrence (2013a 2013b) il sagit de constructions cliveacutees

mettant en jeu une copule a pouvant ecirctre preacuteceacutedeacutee dun expleacutetif l- alors que Fal (1999 139-146) et

- 246 -

Diouf (2009 149) suivant lanalyse classique les traitent comme preacutedicats verbaux dans lesquels

le verbe doon (ecirctre) ou nekk (ecirctre se trouver) est sous-entendu Quelle que soit lanalyse retenue

ces constructions tendent agrave montrer que les MP a la et a ngi ne peuvent pas ecirctre analyseacutes comme

des affixes verbaux En effet mecircme si lon admet que le verbe nekk est sous-entendu ces

constructions prouvent que le MP peut apparaicirctre en labsence de verbe lexical cest-agrave-dire sans

hocircte pour laffixation Or par deacutefinition les affixes sont des morphegravemes lieacutes ne pouvant pas

apparaicirctre isoleacutement

Toutefois dans certaines langues des morphegravemes clairement identifieacutes comme des affixes

peuvent apparaicirctre sans leur hocircte Il sagit du pheacutenomegravene dellipse (ou gapping) de lhocircte dans la

coordination daffixes (Booij 2012 292) comme par exemple en franccedilais mono- et

polysyllabique Cependant ces constructions se distinguent nettement des preacutedicats non verbaux du

wolof En effet dans les cas de coordination daffixes lhocircte nest pas sous-entendu il doit soit

apparaicirctre dans le syntagme et servir de support pour lun des affixes soit ecirctre reacutecupeacuterable quelque

part dans le discours (ex Le mot lion est-il mono- ou polysyllabique Mono)

5134 Les lacunes arbitraires

Selon Zwicky amp Pullum (1983) il ny a geacuteneacuteralement pas de lacune arbitraire dans la

combinaison entre un clitique et son hocircte cest-agrave-dire quil nexiste pas de cas ougrave un clitique soit

arbitrairement incompatible avec un mot hocircte alors que de telles lacunes sont attesteacutees dans la

combinaison entre un affixe et son hocircte Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce critegravere tend

agrave montrer que les MP sont des clitiques En effet tous les verbes semblent ecirctre compatibles avec

tous les MP

5135 Les idiosyncrasies morphophonologiques

Selon Zwicky amp Pullum (1983) les idiosyncrasies morphophonologiques sont caracteacuteristiques

des affixes mais sobservent plus rarement avec les clitiques cest-agrave-dire quil nexiste pas de cas ougrave

la combinaison entre un clitique et son hocircte preacutesente une forme phonologique non preacutedictible

Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce critegravere tend agrave montrer que les MP sont des clitiques

En effet aucune combinaison entre un MP et un verbe ne preacutesente dirreacutegulariteacutes phonologiques

les formes attesteacutees sont toujours les formes attendues (Church 1981 Robert 1991)

- 247 -

514 Les critegraveres seacutemantiques

5141 La formation dun preacutedicat seacutemantique

Le fait que le MP et le verbe forment un preacutedicat seacutemantique et projettent une seule structure

argumentale ne constitue pas un argument suffisant pour consideacuterer que les constructions agrave MP du

wolof sont des mots En effet cest eacutegalement le cas de constructions idiomatiques telles que

casser sa pipe (Samvelian 2012 53) ou des constructions agrave coverbes127 (Baker amp Harvey 2010

14) Or ces constructions ne constituent pas des mots

5142 La compositionnaliteacute seacutemantique

Selon Zwicky amp Pullum (1983) les idiosyncrasies seacutemantiques sont caracteacuteristiques des affixes

mais sobservent plus rarement avec les clitiques Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce

critegravere tend agrave montrer que les MP sont des clitiques En effet la contribution seacutemantique dun MP

est toujours la mecircme quel que soit le verbe La principale variation attesteacutee concerne le MP du

parfait na qui na pas la mecircme valeur en combinaison avec les verbes daction ou avec les verbes

deacutetat (Robert 1991 41-59) Neacuteanmoins cette variation deacutepend du type de verbe et nest donc pas

idiosyncrasique

Le fait que les constructions agrave MP soient compositionnelles nest cependant pas un critegravere fiable

pour deacuteterminer leur statut En effet certains mots deacuteriveacutes sont seacutemantiquement compositionnels

alors que certains syntagmes idiomatiques ne le sont pas (Haspelmath 2011 36) Par exemple en

wolof le sens du verbe liggeacuteeysi (venir travailler) peut ecirctre deacuteduit du sens de ses composantes le

verbe liggeacuteey (travailler) et le suffixe -si (veacutenitif) alors que le sens du syntagme gis boppam (se

sentir toucher dans son amour-propre) est idiomatique ses composantes eacutetant le verbe gis (voir) le

nom bopp (tecircte) et le possessif -am (POSS3SG)

515 Le cas du parfait

Le parfait constitue un cas relativement probleacutematique En effet la majoriteacute des critegraveres que nous

avons retenus soit ne sappliquent pas agrave cette construction (seacuteparabiliteacute preacutedicats non verbaux) soit

127 Les constructions agrave coverbes sarticulent autour de deux types de verbes le coverbe ndash verbe non fini contribuant ausens lexical de la preacutedication ndash et un verbe fini qui porte la majoriteacute de linformation grammaticale (temps aspectmode accord) et deacutetermine la structure argumentale (Baker amp Harvey 2010 14-15)

- 248 -

fournissent des reacutesultats peu convaincants (place de laccent lexical pauses) soit opposent le

marqueur na aux autres MP (direction de lattachement phonologique deacuterivation verbale lacunes

arbitraires)

Contrairement aux autres MP le marqueur na partage plusieurs caracteacuteristiques avec les suffixes

verbaux En effet il forme une uniteacute prosodique avec le verbe (Sauvageot 1965 43) et sa voyelle

sharmonise avec la cateacutegorie ATR du verbe (241a) comme les suffixes de deacuterivation (241b) ou de

flexion verbale (241c) (Ka 1994 Ch 1) Neacuteanmoins ce critegravere nest pas suffisant En effet le

deacuteterminant deacutefini forme eacutegalement une uniteacute prosodique avec le mot qui preacutecegravede mais il sagit

clairement dun clitique (Ka 1994 50-51 Gueacuterin 2011 103-104)

241) a raw na ~ gis na

[rɐw nɐ] [ɡis nə][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]

deacutepasser PRFS3SG voir PRFS3SG

lsquoil a remporteacute la victoirersquo lsquoil a vursquo

b raw -ante ~ gis -ante

[rɐw -ɐntɛ] [ɡis -ənte][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]

deacutepasser -RECP voir -RECP

lsquofaire une compeacutetitionrsquo lsquose voir mutuellementrsquo

c raw -oon ~ gis -oon

[rɐw -ɔːn] [ɡis -oːn][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]

deacutepasser -PAS voir -PAS

lsquodeacutepassaitrsquo lsquovoyaitrsquo

Agrave la diffeacuterence de tous les autres MP na se place immeacutediatement apregraves le verbe comme les

suffixes de deacuterivation et de flexion verbale En outre ces suffixes sont les seuls eacuteleacutements attesteacutes

entre na et le verbe aucun mot ou clitique ne peut apparaicirctre dans cette position Par ailleurs le

marqueur du parfait ne peut pas apparaicirctre en labsence du verbe lexical (Robert 1991 38) En

outre la construction mettant en jeu ce MP et le verbe auxiliaire dimperfectif di a subi un processus

de morphologisation (Hopper amp Traugott 2003 140-159) ces deux mots ont fusionneacute pour donner

- 249 -

le MP du futur dina (Voisin 2010 148) Enfin na est le seul MP agrave disparaicirctre dans les eacutenonceacutes

neacutegatifs En effet la construction neacutegative du parfait est constitueacutee dune forme verbale syntheacutetique

les marques de la neacutegation et de personne eacutetant suffixeacutees au verbe (242a) Ainsi le marqueur du

parfait semble occuper la mecircme position morphosyntaxique que le suffixe de neacutegation (242a-b)

(sect 212)

242) a Dox-u-ntildeu

marcher-PRFNEG-S3PL

lsquoIls nont pas marcheacutersquo

b Dox =na-ntildeu

marcher =PRF-S3PL

lsquoIls ont marcheacutersquo

Par ailleurs en wolof la grande majoriteacute des suffixes ont une attaque vocalique Les seuls

suffixes agrave attaque consonantique de la langue commencent tous par une consonne coronale Il sagit

du suffixe veacutenitif -si de suffixes deacuteverbaux non-productifs commenccedilant par un [t] et de quelques

suffixes de diathegravese qui commencent par un [l] (Diouf 2009 54-57) Ainsi le fait que le MP du

parfait na commence par une consonne coronale constitue un argument suppleacutementaire permettant

de rapprocher ce MP des affixes de la langue

Cependant en appliquant les critegraveres proposeacutes par Zwicky amp Pullum (1983) pour distinguer les

clitiques post-lexicaux des affixes on constate que na se comporte plutocirct comme un clitique

bull Les clitiques manifestent un faible degreacute de seacutelection par rapport agrave leur hocircte alors que les

affixes manifestent un haut degreacute de seacutelection par rapport agrave leur radical

Le MP du parfait manifeste un haut degreacute de seacutelection par rapport agrave son hocircte ce dernier ne

pouvant ecirctre quun verbe En effet agrave la diffeacuterence des autres constructions preacutedicatives au

parfait les seuls eacuteleacutements attesteacutes entre le MP et le verbe sont des affixes Selon ce critegravere

na se comporte comme un affixe

bull Les lacunes arbitraires dans les combinaisons sont plus caracteacuteristiques des mots affixeacutes

que des groupes de clitiques

Agrave la diffeacuterence des autres constructions preacutedicatives la construction parfait connaicirct une

lacune arbitraire avec le verbe sog (venir de) (Diouf 2009 185) Le fait que la construction

- 250 -

parfait ne connaisse quune seule lacune tend agrave montrer que na se comporte plutocirct comme un

clitique mais lexistence dune telle lacune rapproche neacuteanmoins ce MP des affixes

bull Les idiosyncrasies morphophonologiques sont plus caracteacuteristiques des mots affixeacutes que des

groupes de clitiques

La construction parfait ne preacutesente aucune idiosyncrasie morphophonologique Selon ce

critegravere na se comporte comme un clitique

bull Les idiosyncrasies seacutemantiques sont plus caracteacuteristiques des mots affixeacutes que des groupes

de clitiques

La construction parfait ne preacutesente aucune idiosyncrasie seacutemantique Selon ce critegravere na se

comporte comme un clitique

bull Les regravegles syntaxiques peuvent affecter les mots affixeacutes mais pas les groupes de clitiques

Lensemble formeacute par le MP du parfait et un verbe lexical ne semble pas pouvoir ecirctre affecteacute

par des regravegles syntaxiques Selon ce critegravere na se comporte comme un clitique

bull Les clitiques peuvent sattacher agrave une seacutequence contenant deacutejagrave des clitiques mais les affixes

ne peuvent pas srsquoattacher agrave de telles seacutequences

Eacutetant donneacute que les seuls eacuteleacutements attesteacutes entre le MP du parfait et le verbe sont des

affixes il apparaicirct que le MP na ne peut pas sattacher agrave une seacutequence contenant des

clitiques Selon ce critegravere na se comporte comme un affixe Neacuteanmoins si na se place

immeacutediatement apregraves le verbe comme les suffixes de deacuterivation et de flexion verbale ces

derniers se placeront tous avant lui (243a-b) Ce pheacutenomegravene pourrait laisser supposer que na

est un clitique cest-agrave-dire une uniteacute syntaxique qui vient sattacher agrave un verbe deacutejagrave deacuteriveacute et

fleacutechi

243) a Mii moom jar-al-oon =na =ko (Cisseacute Ma 1994 16)

CLmDEMPX PRO3SG valoir-BEN-PAS =PRFS3SG =O3SG

waa keumlr Mbagravebba

gens maison Mbaba

lsquoCelui-lagrave en valait la peine pour les gens de Mbabarsquo

- 251 -

b Yeacuteesu dund-al-aat =na ab neacuteew (Diouf 2003 561)

Jeacutesus vivre-CAUS-ITER =PRF3SG IDFCLb deacutefunt

lsquoJeacutesus a ressusciteacute un mortrsquo

Le statut de na est donc relativement ambigu En effet si la majoriteacute des tests tendent agrave montrer

quil sagit dun clitique ce MP preacutesente des proprieacuteteacutes propres aux affixes Nous pouvons donc

supposer que na est en cours de grammaticalisation

516 Synthegravese

La batterie de tests mise agrave leacutepreuve dans ce chapitre tend agrave montrer que les MP doivent ecirctre

analyseacutes comme des clitiques En effet les critegraveres phonologiques montrent que les MP sont des

uniteacutes phonologiquement deacutependantes avec un doute concernant la dafa et dina De plus la

direction de lattachement phonologique tend agrave montrer que agrave lexception de na (PRF) il sagirait

plutocirct de clitiques Les critegraveres morphologiques viennent confirmer ces reacutesultats En effet bien que

plusieurs tests morphologiques soient inopeacuterants avec certains MP tous ceux qui fournissent des

reacutesultats tendent agrave monter que agrave lexception de na (PRF) les MP sont des clitiques (ou des mots

indeacutependants) Enfin la compositionnaliteacute seacutemantique plaide plutocirct pour un statut de clitique des

MP Neacuteanmoins les critegraveres seacutemantiques restent relativement peu fiables

Ainsi les critegraveres morphologiques montrent que les MP sont des mots et les critegraveres

phonologiques montrent quils sont phonologiquement deacutependants ce qui nous pousse agrave conclure

que les MP doivent ecirctre analyseacutes comme des clitiques De plus si le MP du parfait apparaicirct comme

relativement ambigu au regard des critegraveres que nous avons retenus les critegraveres proposeacutes par Zwicky

amp Pullum (1983) tendent agrave montrer quil sagit eacutegalement dun clitique

Pour conclure les constructions preacutedicatives agrave MP preacutesentent clairement des caracteacuteristiques de

seacutequences syntaxiques (syntagmes) et ne peuvent donc pas ecirctre consideacutereacutees comme des uniteacutes

relevant de la morphologie (mots) En effet ces constructions sarticulent autour de deux eacuteleacutements

le verbe lexical et le marqueur preacutedicatif Or le verbe est clairement identifieacute comme eacutetant un

lexegraveme et les proprieacuteteacutes des MP permettent de les analyser comme des clitiques Ainsi les

constructions preacutedicatives agrave MP sont des constructions syntaxiques constitueacutees de deux mots

grammaticaux

- 252 -

Tableau 53 - Statut morphosyntaxique des marqueurs preacutedicatifs128

FOCS PRST FOCC FOCV PRF FUT FUTNEG OPT PROH

a a ng- la da(fa) na dina du na bu(l)

Place de laccent lexical C~A C~A C~A (M) C~A (M) (M) C~A C~A

Attachement phonologique C C C C A C C C C

Pauses C~A C~A M C~A C~A C~A C~A C~A C~A

Deacuterivation verbale (C) (C) (C) (C) A (C) (C) (C) (C)

Seacuteparabiliteacute - - C~M - - - - C~M C~M

Preacutedicats non verbaux C~M C~M C~M - - - C~M - -

Lacunes arbitraires C C C C C~(A) C C C C

Idiosyncrasies morpho C C C C C C C C C

Preacutedicat seacutemantique - - - - - - - - -

Compositionnaliteacute (C) (C) (C) (C) (C) (C) (C) (C) (C)

Statut C C C C C~A C C C C

52 La diversiteacute des peacuteriphrases verbales du wolof

521 La notion de peacuteriphrase flexionnelle

Dans les langues toutes les cellules du paradigme flexionnel dun lexegraveme (ou dune classe de

lexegravemes) ne sont pas neacutecessairement occupeacutees par un mot fleacutechi mais peuvent eacutegalement ecirctre

occupeacutees par des constructions peacuteriphrastiques La notion de peacuteriphrase flexionnelle peut ecirctre

deacutefinie de deux faccedilons diffeacuterentes (Bonami amp Samvelian 2015)

bull Deacutefinition typologique Au sens large une construction peacuteriphrastique est une construction

syntaxique qui reacutealise une proprieacuteteacute consideacutereacutee comme typiquement flexionnelle (Brown et

al 2012) Selon Haspelmath (2000) cette deacutefinition deacutesigne un type de constructions

peacuteriphrastiques quil nomme laquo peacuteriphrases cateacutegorielles raquo

bull Deacutefinition formelle Dun point de vue plus formel on peut deacutefinir une peacuteriphrase comme

une construction constitueacutee de plusieurs mots qui sert agrave lexpression pour un lexegraveme donneacute

dun des membres dune opposition paradigmatique dont un autre membre au moins est

128 C = clitique A = affixe M = mot indeacutependant laquo - raquo indique que le critegravere nest pas pertinent et les parenthegraveses in-diquent que le reacutesultat du test est relativement peu convainquant

- 253 -

exprimeacute par un mot fleacutechi (Bonami 2014 163) Selon Haspelmath (2000) cette deacutefinition

deacutesigne un type de constructions peacuteriphrastiques quil nomme laquo peacuteriphrases suppleacutetives raquo

Une peacuteriphrase suppleacutetive occupe une cellule vide dun paradigme flexionnel geacuteneacuteralement

pour conserver la symeacutetrie du paradigme (Haspelmath 2000 656) Si des lexegravemes

appartenant agrave certaines classes flexionnelles sont incompatibles avec une reacutealisation

syntheacutetique une peacuteriphrase suppleacutetive peut combler ce trou dans le paradigme (Haspelmath

2000 657)

Par exemple dans le paradigme des verbes en latin les cellules correspondant aux proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques ASP imperfectif TPS futur MODE subjonctif VOIX actif sont occupeacutees par des

constructions peacuteriphrastiques constitueacutees du participe futur actif du verbe et du subjonctif preacutesent

du verbe sum (ecirctre)129 (Bonami 2014 163)

Tableau 54 - Formes du 1SG imperfectif actif du verbe latin facio (faire)

Indicatif Subjonctif

Preacutesent faciō faciam

Passeacute (imparfait) faciēbam facerem

Futur faciam facturus sim

Suivant la terminologie proposeacutee par Bonami (2014 163) la forme fleacutechie du lexegraveme verbal est

leacuteleacutement principal de la peacuteriphrase et les autres mots (dans ce cas le verbe sum) sont les eacuteleacutements

ancillaires

522 Inventaire des peacuteriphrases verbales du wolof

Comme on peut le voir dans le Tableau (55) la plupart des cellules du paradigme des verbes du

wolof est occupeacutee par une construction syntaxique constitueacutee dau moins deux mots

Seules quatre cellules sont occupeacutees par des formes syntheacutetiques le parfait neacutegatif perfectif

non-passeacute limpeacuteratif perfectif et le subjonctif-conseacutecutif affirmatif perfectif Toutes les autres

cellules sont occupeacutees par des constructions complexes constitueacutees de deux trois ou quatre mots

129 Cet exemple est emprunteacute agrave Haspelmath (2000 655)

- 254 -

Tableau 55 - Formes syntheacutetiques et peacuteriphrastiques du verbe lekk (manger)130

POLPERFECTIF IMPERFECTIF

NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

FOCS+ maa lekk maa lekkoon maa =y lekk maa doon lekk

ndash maa lekkul maa lekkuloon maa dul lekk maa duloon lekk

PRST+ maangi lekk maangi lekkoon maangi =y lekk maangi doon lekk

ndash maangi bantildea lekk maangi bantildeoona lekk maangi =y bantildea lekk maangi doon bantildea lekk

FOCC+ laa lekk laa lekkoon laa =y lekk laa doon lekk

ndash laa lekkul laa lekkuloon laa dul lekk laa duloon lekk

FOCV+ dama lekk dama lekkoon dama =y lekk dama doon lekk

ndash dama lekkul dama lekkuloon dama dul lekk dama duloon lekk

PRF+ lekk =naa lekkoon =naa di =naa lekk doon =naa lekk

ndash lekkuma lekkuma =woon duma lekk duma =woon lekk

FUT+ dinaa lekk doon =naa lekk dinaa =y lekk na

ndash duma lekk duma =woon lekk duma =y lekk na

OPT+ naa lekk na naa =y lekk na

ndash buma lekk na buma =y lekk na

IMP+ lekkal na dil lekk na

ndash bul lekk na bul di lekk na

SUBJ+ ma lekk ma lekkoon ma =y lekk ma doon lekk

ndash ma bantildea lekk ma bantildeoona lekk ma =y bantildea lekk na

On constate que la plupart des constructions preacutedicatives sont des constructions syntaxiques

constitueacutees de la forme fleacutechie du lexegraveme verbal et dun mot qui amalgame le marqueur preacutedicatif agrave

la marque de personne131 FOCS PRST FOCC FOCV FUT FUTNEG OPT et PROH Pour le parfait la situation

est discutable Comme nous lavons vu en (sect 515) deacutefinir le statut morphosyntaxique de na est

relativement probleacutematique Neacuteanmoins si lon admet quil sagit dun clitique alors le parfait (non

neacutegatif) est eacutegalement une construction syntaxique Par ailleurs on peut isoler deux constructions

syntaxiques constitueacutees du verbe lexical et de la forme fleacutechie dun verbe auxiliaire Il sagit des

formes neacutegatives du subjonctif et du preacutesentatif marqueacutees par le verbe auxiliaire bantilde et

130 Ce tableau preacutesente le paradigme des formes de 1SG sauf pour limpeacuteratif ougrave la forme est au 2SG Les cases en blanccorrespondent agrave des formes syntheacutetiques ou non attesteacutees les cases en gris clair agrave des formes peacuteriphrastiquesconstitueacutees de deux eacuteleacutements et les cases en gris fonceacute agrave des formes peacuteriphrastiques constitueacutees de trois eacuteleacutementsou plus

131 Pour deacutesigner ce type de mots Creissels (2005 57-58) utilise leacutetiquette laquo tense-person complex raquo et Anderson(2006 289) parle de laquo tense marked pronouns raquo Notons que nous ne pouvons pas parler laquo damalgame raquo dans lecas du subjonctif-conseacutecutif dans la mesure ougrave aucune marque de tiroir verbal nest preacutesente dans la construction le premier mot eacutetant uniquement un pronom personnel sujet (sect 242)

- 255 -

limperfectif marqueacute par le verbe auxiliaire di Enfin dans les formes de parfait neacutegatif le

marqueur de passeacute woon nest pas un affixe mais un clitique ces formes peuvent donc eacutegalement

ecirctre consideacutereacutees comme des constructions complexes

Toutes les constructions constitueacutees de trois ou quatre mots sont en fait issues de la conjonction

de plusieurs des constructions complexes que nous venons de lister Par exemple dama doon lekk

est constitueacutee de trois mots le verbe lexical lamalgame MP-personne et la forme fleacutechie du verbe

auxiliaire dimperfectif Il sagit donc de la conjonction de deux constructions la focalisation du

verbe et limperfectif

Ces constructions complexes peuvent-elles ecirctre analyseacutees comme des constructions

peacuteriphrastiques Si lon sen tient agrave la deacutefinition formelle que nous avons donneacutee en (sect 12) il sagit

bien de constructions peacuteriphrastiques En effet le paradigme des verbes du wolof fait intervenir des

formes syntheacutetiques au parfait neacutegatif et agrave limpeacuteratif Ainsi toutes les autres cellules du paradigme

font intervenir des constructions syntaxiques qui servent agrave lexpression de membres dune

opposition paradigmatique dont un autre membre au moins est exprimeacute par un mot fleacutechi Dans ces

constructions peacuteriphrastiques la forme fleacutechie du lexegraveme verbal est leacuteleacutement principal et le MP le

verbe auxiliaire ou le marqueur clitique de passeacute est leacuteleacutement ancillaire Neacuteanmoins cette analyse

peut paraicirctre discutable Est-il leacutegitime de parler de constructions peacuteriphrastiques si un seul membre

du paradigme (ou deux en comptant limpeacuteratif) est reacutealiseacute morphologiquement Cette question est

dautant plus pertinente que cette deacutefinition formelle de la laquo peacuteriphrase raquo sapplique agrave un type de

constructions peacuteriphrastiques que Haspelmath (2000) nomme laquo peacuteriphrases suppleacutetives raquo et dont la

fonction est geacuteneacuteralement de conserver la symeacutetrie du paradigme Selon Haspelmath (2000 657)

on pourrait donc plutocirct consideacuterer que nous sommes en preacutesence dun paradigme syntaxique dont

lun des membres (agrave savoir le parfait neacutegatif) est exprimeacute par une forme laquo anti-peacuteriphrastique raquo

Mais il sagit lagrave de problegravemes terminologiques qui ne remettent pas en cause lanalyse Nous

pouvons donc identifier douze constructions peacuteriphrastiques

244) a Focalisation du sujet (FOCS)

Maa lekk ceeb

S1SGFOCS manger riz

lsquoCest moi qui ai mangeacute du rizrsquo

- 256 -

b Preacutesentatif (PRST)

Maangi lekk ceeb

S1SGPRST-PX manger riz

lsquoMe voici qui ai mangeacute du rizrsquo

c Focalisation du compleacutement (FOCC)

Ceeb =laa lekk

riz =FOCCS1SG manger

lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo

d Focalisation du verbe (FOCV)

Dama lekk ceeb

FOCVS1SG manger riz

lsquo(Le fait est que) jai mangeacute du rizrsquo

e Futur (FUT)

Dinaa lekk ceeb

FUTS1SG manger riz

lsquoJe mangerai du rizrsquo

f Futur neacutegatif (FUTNEG)

Duma lekk ceeb

FUTNEGS1SG manger riz

lsquoJe ne mangerai pas de rizrsquo

g Optatif (OPT)

Naa lekk ceeb

OPTS1SG manger riz

lsquoQue je mange du riz rsquo

h Prohibitif (PROH)

Buma lekk ceeb

PROHS1SG manger riz

lsquoQue je ne mange pas de riz rsquo

- 257 -

i Parfait (PRF)

Lekk =naa ceeb

manger =PRFS1SG riz

lsquoJai mangeacute du rizrsquo

j Imperfectif (IPF)

(hellip) ma =y lekk ceeb

S1SG =IPF manger riz

lsquo(hellip) je mange du rizrsquo

k Neacutegation agrave verbe auxiliaire (NEGAUX)

(hellip) (ndax) ma bantilde=a lekk ceeb

(pour) S1SG refuser=DV manger riz

lsquo(hellip) (pour) que je ne mange pas de rizrsquo

l Passeacute clitique (PASCLT)

Lekk-uma =woon ceeb

manger-PRFNEGS1SG =PAS riz

lsquoJe navais pas mangeacute de rizrsquo

523 Typologie des peacuteriphrases verbales du wolof

Les douze constructions deacutecrites plus haut peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions

peacuteriphrastiques dun point de vue formel Neacuteanmoins elles ne constituent pas un ensemble

homogegravene de constructions Lobjectif de cette section est deacutetudier en quoi ces constructions se

distinguent les unes des autres et de les situer dans une typologie des peacuteriphrases Suivant Bonami

amp Samvelian (2009 2015) nous avons retenu trois angles deacutetude le degreacute de coheacutesion

morphosyntaxique des membres de la construction linteacutegration des constructions au paradigme

flexionnel et la proximiteacute des constructions avec les laquo peacuteriphrases canoniques raquo telles quelles sont

deacutefinies par la typologie canonique (Brown et al 2012)

- 258 -

5231 Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique

Les constructions mettant en jeu deux uniteacutes linguistiques peuvent ecirctre situeacutees sur une eacutechelle de

coheacutesion morphosyntaxique Agrave une extreacutemiteacute de leacutechelle on trouve les constructions syntheacutetiques

cest-agrave-dire des constructions ougrave les deux uniteacutes preacutesentent la coheacutesion la plus forte Agrave lautre

extreacutemiteacute on trouve les constructions analytiques cest-agrave-dire des constructions purement

syntaxiques ougrave les deux uniteacutes constituent deux mots distincts Entre ces deux extrecircmes on peut

distinguer (au moins) trois types de constructions Les constructions quasi-analytiques sont des

constructions syntaxiques preacutesentant quelques caracteacuteristiques des constructions syntheacutetiques Les

constructions quasi-syntheacutetiques sont des constructions syntaxiques dont les mots preacutesentent une

coheacutesion proche de celle des constructions syntheacutetiques Enfin les (vraies) constructions

peacuteriphrastiques occupent une position centrale sur cette eacutechelle (Bonami amp Samvelian 2009 2015)

Avant de deacuteterminer la position de chacune des douze constructions du wolof sur leacutechelle de

coheacutesion morphosyntaxique il nous semble important didentifier la structure des constructions

syntheacutetiques et des constructions analytiques dans cette langue Comme nous lavons vu la seule

construction syntheacutetique est le parfait neacutegatif (245a) Les constructions analytiques sont (par

deacutefinition) plus nombreuses Les constructions infinitivales132 peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des

constructions analytiques archeacutetypales Il sagit de constructions syntaxiques constitueacutees dun verbe

prenant pour objet une proposition infinitive (245b)133 Ces deux constructions vont nous servir

deacutetalon afin deacutetablir les critegraveres permettant de deacuteterminer le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique

de chaque construction

245) a Parfait neacutegatif (PRFNEG)

Lekk-uma ceeb

manger-PRFNEGS1SG riz

lsquoJe nai pas mangeacute de rizrsquo

b Construction infinitivale (V-INF)

(hellip) ma beumlgg=a lekk ceeb

S1SG vouloir=DV manger riz

lsquo(hellip) je veux manger du rizrsquo

132 Nous empruntons ce terme agrave Creissels (2006b)133 Nous illustrons cette construction par une proposition au subjonctif-conseacutecutif mais la construction infinitivale est

compatible avec dautres constructions preacutedicatives

- 259 -

Dans la construction infinitivale les deux verbes peuvent ecirctre seacutepareacutes par un pronom objet

(246a) ou un adverbe (246b) De plus on note geacuteneacuteralement la preacutesence dune marque de

deacutependance verbale (246c) Par ailleurs les deux verbes sont morphologiquement et

phonologiquement autonomes Enfin il nexiste aucune idiosyncrasie dans la combinaison dun

verbe et dun compleacutement infinitif

246) a Danga sarxolle mu beumlgg =la toppandoo (Diouf 2003 590)

FOCVS2SG faire_des_youyous S3SG vouloir =O2SG imiter

lsquoTu as fait des youyous et il a voulu timiterrsquo

b Dama beumlgg rekk woacuteorliku ne dinga ntildeoacutew (Diouf 2003 372)

FOCVS2SG vouloir seulement veacuterifier COMP FUTS2SG venir

lsquoJe veux seulement massurer que tu viendrasrsquo

c Dama beumlgg=a jubbanti tagravenku siis =bi (Diouf 2003 175)

FOCVS1SG vouloir=DV redresser piedGEN chaise =CLbDFPX

lsquoJe veux redresser le pied de la chaisersquo

En revanche au parfait neacutegatif ni les pronoms objets ni les adverbes ni la marque de

deacutependance verbale ne peuvent ecirctre inseacutereacutes entre le verbe et le suffixe flexionnel Par ailleurs le

suffixe na aucune autonomie et est morphologiquement et phonologiquement deacutependant du verbe

Enfin il existe des idiosyncrasies dans la combinaison de certains verbes avec ce suffixe xawma

au lieu de xam-uma (je ne sais pas)

En appliquant ces critegraveres on constate que le parfait doit ecirctre analyseacute comme une construction

syntheacutetique En effet ni les pronoms objets ni les adverbes ni la marque de deacutependance verbale ne

peuvent ecirctre inseacutereacutes entre le verbe et le suffixe flexionnel le marqueur na est un clitique

phonologiquement deacutependant du verbe il existe des idiosyncrasies dans la combinaison de certains

verbes avec ce suffixe (sect 515) Neacuteanmoins deux choses distinguent le parfait du parfait neacutegatif

Premiegraverement le marqueur du parfait neacutegatif est clairement un suffixe alors que le marqueur du

parfait est plutocirct un clitique Deuxiegravemement lidiosyncrasie est morphophonologique dans le cas du

parfait neacutegatif alors quelle est combinatoire (impossibiliteacute de certains verbes) dans le cas du

parfait

Le passeacute clitique est une construction quasi-syntheacutetique En effet ni les adverbes ni la marque

- 260 -

de deacutependance verbale ne peuvent ecirctre inseacutereacutes entre le verbe et le suffixe flexionnel et le marqueur

woon est un clitique phonologiquement deacutependant du verbe Neacuteanmoins le verbe et woon peuvent

ecirctre seacutepareacutes par un pronom objet et il nexiste aucune idiosyncrasie dans la combinaison dun verbe

et de ce clitique

Selon les critegraveres que nous avons proposeacutes la neacutegation agrave verbe auxiliaire doit ecirctre analyseacute

comme une construction analytique (247a) Neacuteanmoins on note que le verbe auxiliaire de neacutegation

peut se placer avant le pronom sujet (247b) ce qui semble impossible pour tous les autres verbes

247) a Bind =ko ngir nga bantilde =ko=a fagravette (Diouf 2003 545)

eacutecrireIMPS2SG =O3SG pour S2SG refuser =O3SG=DV oublier

lsquoEacutecris-le pour ne pas loublierrsquo

b Dafa limboo =woon ay sagar (Diouf 2003 587)

FOCVS3SG se_vecirctir=PAS IDFCLy haillon

ngir bantilde ntildeu xagravemme =ko

pour refuser S3PL reconnaicirctre =O3SG

lsquoIl seacutetait vecirctu de haillons pour quon ne le reconnaisse pasrsquo

Limperfectif est une construction quasi-analytique Comme nous lavons vu en (sect 322) le

verbe auxiliaire peut se reacutealiser soit sous une forme pleine di soit sous une forme clitique =y Sous

sa forme pleine di est morphologiquement et phonologiquement autonome et il peut ecirctre seacutepareacute du

verbe lexical par un pronom objet Par contre sous sa forme clitique rien ne peut se placer entre lui

et le verbe lexical De plus =y eacutetant un clitique il nest pas phonologiquement autonome

cependant il nest pas lieacute au verbe mais au mot qui se trouve avant lui Par ailleurs quelque soit la

forme du verbe auxiliaire dimperfectif la marque de deacutependance verbale napparaicirct jamais entre lui

et le verbe lexical Enfin limperfectif ne connaicirct aucune idiosyncrasie combinatoire

La focalisation du verbe est eacutegalement une construction quasi-analytique En effet le MP dafa et

le verbe peuvent ecirctre seacutepareacutes par un pronom objet la marque de deacutependance verbale (248a) ou un

adverbe (248b) De plus cette construction ne connaicirct aucune idiosyncrasie combinatoire Par

contre dafa nest pas phonologiquement autonome cependant il nest pas lieacute au verbe mais au mot

qui se trouve avant lui

- 261 -

248) a Kooku dama =ko=a jeacutellalehellip (Diouf 2003 167)

CLHUMSGDEMPX FOCVS1SG =O3SG=DV passer_sous_silence

lsquoCelui-lagrave je le passe sous silencehelliprsquo

b Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)

POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCV3SG seulement ecirctre_sans_gecircne

lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo

Selon les six critegraveres que nous avons proposeacutes toutes les autres constructions (FUT FUTNEG OPT

PROH FOCC FOCS PRST) sont des laquo vraies raquo constructions peacuteriphrastiques Dans chacune dentre elles

le MP et le verbe peuvent ecirctre seacutepareacutes par un pronom objet mais pas par un adverbe ni par la

marque de deacutependance verbale Le MP nest pas phonologiquement autonome cependant il nest

pas lieacute au verbe mais au mot qui se trouve avant lui Enfin aucune de ces constructions ne connaicirct

didiosyncrasie combinatoire

Cependant ces laquo vraies raquo constructions peacuteriphrastiques ne constituent pas une classe homogegravene

dautres eacuteleacutements permettent de nuancer cette analyse Tout dabord la question de lautonomie des

MP du futur et du futur neacutegatif nest pas claire Ka (1994) les analyse parfois comme des eacuteleacutements

phonologiquement lieacutes au mot qui preacutecegravede parfois comme des mots autonomes Le fait quil

sagisse deacuteleacutements linguistiques en cours de grammaticalisation est probablement lune des causes

de cette difficulteacute danalyse Une eacutetude preacutecise de ce pheacutenomegravene reste agrave faire pour clarifier ce point

Par ailleurs un autre critegravere peut ecirctre pris en compte pour deacuteterminer le degreacute de coheacutesion

morphosyntaxique de chaque construction Il sagit de la possibiliteacute dinseacuterer le sujet lexical entre le

MP et le verbe Trois constructions preacutesentent cette possibiliteacute optatif prohibitif et focalisation du

compleacutement Nous navions pas utiliseacute ce critegravere car il ne caracteacuterise pas les constructions

analytiques que nous avons retenues comme eacutetalon agrave savoir les constructions infinitivales

Neacuteanmoins la possibiliteacute dintroduire un syntagme nominal entre le MP et le verbe tend agrave montrer

que ces trois constructions sont plus analytiques que les autres

- 262 -

Tableau 56 - Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique des peacuteriphrases verbales du wolof

V-INFNEG

AUXIPF FOCV FUT

FUT

NEGOPT PROH FOCC FOCS PRST

PAS

CLTPRF

PRF

NEG

Seacuteparabiliteacute (pronom objet)

+ + plusmn + + + + + + + + + ndash ndash

Seacuteparabiliteacute (adverbe)

+ + ndash + ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash

Marque de deacutependance verbale

+ + ndash plusmn ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash

Eacuteleacutement ancillaire autonome

+ + plusmn ndash plusmn plusmn ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash

Eacuteleacutement ancillaire ne deacutepend pas du verbe

+ + + + + + + + + + + ndash ndash ndash

Absence idiosyncrasie combinatoire

+ + + + + + + + + + + + plusmn ndash

Seacuteparabiliteacute (sujet lexical)

ndash ndash ndash ndash ndash ndash + + + ndash ndash ndash ndash ndash

analytique syntheacutetique

5232 Inteacutegration au paradigme flexionnel

Si lon sen tient agrave la deacutefinition formelle de la peacuteriphrase flexionnelle les douze constructions

wolof que nous avons deacutecrites peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions peacuteriphrastiques En

revanche si lon retient la deacutefinition typologique lanalyse est plus compliqueacutee Selon cette

deacutefinition une construction peacuteriphrastique (cateacutegorielle)134 est une construction syntaxique qui

reacutealise une proprieacuteteacute consideacutereacutee comme typiquement flexionnelle Lidentification dune peacuteriphrase

cateacutegorielle est relativement probleacutematique dans la mesure ougrave elle deacutepend de lidentification de ces

proprieacuteteacutes laquo typiquement flexionnelles raquo (Haspelmath 2000 660)

En se basant sur Ackerman amp Stump (2004) et Haspelmath (2000) Bonami amp Samvelian (2015)

proposent cinq critegraveres permettant didentifier les peacuteriphrases cateacutegorielles et de les distinguer des

constructions relevant uniquement de la syntaxe

134 Selon la terminologie de Haspelmath (2000)

- 263 -

bull Intersectiviteacute Si une construction syntaxique exprime des proprieacuteteacutes grammaticales qui

sont exprimeacutees de maniegravere syntheacutetique ailleurs dans le paradigme alors il sagit dune

construction peacuteriphrastique

bull Non-compositionnaliteacute Si des traits encodeacutes par une construction syntaxique sont en

contradiction avec des traits porteacutes par des eacuteleacutements de cette construction alors il sagit

dune construction peacuteriphrastique

bull Exponence distribueacutee Si lexponence135 des traits dune construction syntaxique est reacutepartie

entre plusieurs eacuteleacutements de cette construction alors il sagit dune construction

peacuteriphrastique

bull Deacutefectiviteacute Si leacuteleacutement ancillaire dune construction syntaxique ne preacutesente pas certaines

formes qui sont attesteacutees pour les autres lexegravemes appartenant agrave la mecircme cateacutegorie alors il

sagit dune construction peacuteriphrastique

bull Neacutecessiteacute Si une construction syntaxique est neacutecessaire agrave lexpression de certains traits

morphosyntaxiques alors il sagit dune construction peacuteriphrastique

Lapplication de ces critegraveres aux constructions du wolof est reacutesumeacutee dans le Tableau (57)

Tableau 57 - Inteacutegration des peacuteriphrases verbales au paradigme flexionnel

IntersectiviteacuteNon

compositionnaliteacuteExponencedistribueacutee

Deacutefectiviteacute Neacutecessiteacute

FOCS ndash ndash + () () +

PRST ndash ndash + () () +

FOCC ndash ndash + () +

FOCV ndash ndash + () +

PRF ndash ndash + () +

FUT ndash () ndash () ndash () () ndash ()

FUTNEG ndash () ndash () ndash () () ndash ()

OPT ndash ndash ndash () ndash

PROH ndash ndash ndash () ndash

NEGAUX + + ndash + + ()

IPF ndash ndash ndash ndash () +

PASCLT + ndash + + + ()

135 Lexponence peut ecirctre deacutefinie comme lexpression de cateacutegories grammaticales par des marqueurs morphologiques ces marqueurs eacutetant appeleacutes laquo exposants raquo (Booij 2012 315) Nous empruntons la terminologie franccedilaise agrave Bonami(2014)

- 264 -

Ce tableau amegravene plusieurs remarques Tout dabord le critegravere dintersectiviteacute est probleacutematique

En effet il est assez difficile de deacuteterminer agrave quelle cateacutegorie grammaticale chaque construction

doit ecirctre rattacheacutee (Haspelmath 2000 660-661) En wolof le futur est-il une construction

temporelle (par opposition au passeacute) modale (lieacutee agrave lirrealis) ou aspectuelle (lieacutee agrave limperfectif)

De plus ce critegravere pousse agrave effectuer des comparaisons dont la leacutegitimiteacute est discutable Par

exemple peut-on reacuteellement dire que limperfectif respecte le critegravere dintersectiviteacute parce que le

parfait est exprimeacute de maniegravere syntheacutetique au neacutegatif Bonami amp Samvelian (2009 2015) adoptent

une position plus preacutecise Ils ne tentent pas de deacuteterminer le type de cateacutegories (temps aspect

mode etc) mais sinteacuteressent uniquement aux proprieacuteteacutes grammaticales exprimeacutees par la

construction Dans ce cas seules deux constructions respectent le critegravere sintersectiviteacute la neacutegation

agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique En effet la neacutegation et le passeacute sont exprimeacutes par des suffixes

dans plusieurs cellules du paradigme

Le critegravere de non-compositionnaliteacute nest respecteacute que par une seule construction la neacutegation agrave

verbe auxiliaire En effet le trait de neacutegation encodeacutee par ma bantilde=a lekk est en contradiction avec

les traits porteacutes par le verbe bantilde qui signifie laquo manquer refuser raquo

Le critegravere dexponence distribueacutee est clairement respecteacute par la focalisation du compleacutement la

focalisation du verbe et le parfait Dans ces trois constructions le MP exprime le trait speacutecifique agrave la

construction ainsi que la personne alors que le temps et la polariteacute sont exprimeacutes sur le verbe Ce

critegravere est eacutegalement respecteacute par la focalisation du sujet et le preacutesentatif Dans ces deux

constructions le MP exprime le trait speacutecifique agrave la construction alors que le temps et la polariteacute

sont exprimeacutes sur le verbe la personne eacutetant exprimeacutee par un pronom fort lieacute au MP Le passeacute

clitique respecte eacutegalement le critegravere dexponence distribueacutee puisque leacuteleacutement ancillaire exprime le

passeacute alors que le verbe exprime tous les autres traits grammaticaux Aucune des autres

constructions ne respecte ce critegravere En effet dans ces constructions tous les traits

morphosyntaxiques sont exprimeacutes sur leacuteleacutement ancillaire

Le critegravere de deacutefectiviteacute est respecteacute par deux constructions la neacutegation agrave verbe auxiliaire et le

passeacute clitique En effet les eacuteleacutements ancillaires de ces deux constructions sont incompatibles avec

la plupart des MP136 Limperfectif ne semble pas ecirctre deacutefectif En effet le verbe auxiliaire di

preacutesente un paradigme flexionnel complet Neacuteanmoins on note quil ne prend pas la marque de

deacutependance verbale dans les propositions infinitives et il est incompatible avec la construction

136 Comme le notent Bonami amp Samvelian (2015 48) le critegravere de deacutefectiviteacute est lieacute au critegravere dintersectiviteacute Si unepeacuteriphrase est intersective par deacutefinition elle ne couvre quune sous-partie du paradigme

- 265 -

future au passeacute Le critegravere de deacutefectiviteacute est difficilement applicable aux autres constructions En

effet dans ces constructions leacuteleacutement ancillaire est un marqueur preacutedicatif Or il sagit dun petit

nombre deacuteleacutements formant une classe fermeacutee Ainsi se demander si un MP ne preacutesente pas

certaines formes qui sont attesteacutees pour les autres MP na pas beaucoup de sens

Le critegravere de neacutecessiteacute nest pas respecteacute par le futur le futur neacutegatif loptatif et le prohibitif En

effet dans plusieurs contextes le futur peut ecirctre exprimeacute par limperfectif (249a) Cette situation est

coheacuterente avec lorigine de la construction future comme forme imperfective dune des

constructions preacutedicatives Par ailleurs la modaliteacute deacuteontique nest pas neacutecessairement exprimeacutee par

loptatif (ou le prohibitif) mais peut eacutegalement ecirctre exprimeacutee par le subjonctif-conseacutecutif (249b)

Neacuteanmoins les contextes demploi de ces deux constructions diffegraverent et on peut se demander sil

est pertinent de consideacuterer quelles expriment toutes les deux un trait laquo optatif raquo

249) a Sapoŋ =laa=y lollikoo (Diouf 2003 205)

Japon =FOCC1SG=IPF passer_lautomne

lsquoJe passerai lautomne au Japonrsquo

b Mu def =ko (Church 1981 53)

S3SG faire =O3SG

lsquoQuil le fasse rsquo

Lapplication des critegraveres au futur est relativement probleacutematique En effet comme nous lavons

vu en (sect 22) le futur est issu de la grammaticalisation de di (IPF) + na Le processus de

grammaticalisation neacutetant pas complegravetement acheveacute en wolof contemporain on peut soit deacutecider

danalyser le futur comme du parfait perfectif soit consideacuterer le futur comme une construction

preacutedicative agrave part entiegravere et dina comme un marqueur preacutedicatif Lexistence de formes de futur

imperfectif nous pousse agrave choisir la seconde option Selon cette analyse le futur ne respecte pas les

critegraveres de non-compositionaliteacute dexponence distribueacutee et de deacutefectiviteacute

Pour reacutesumer suivant les critegraveres deacutefinis plus haut la neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute

clitique peuvent clairement ecirctre analyseacutes comme des constructions peacuteriphrastiques Le cas de

limperfectif est plus ambigu En effet cette construction respecte uniquement le critegravere de neacutecessiteacute

(et dans une certaine mesure le critegravere de deacutefectiviteacute) Parmi les constructions agrave MP la focalisation

du sujet le preacutesentatif la focalisation du compleacutement et le parfait sont peacuteriphrastiques puisquelles

respectent chacune les critegraveres dexponence distribueacutee et de neacutecessiteacute En revanche le futur le futur

- 266 -

neacutegatif loptatif et le prohibitif ne respectent aucun des critegraveres et ne peuvent donc pas ecirctre

analyseacutes comme des peacuteriphrases cateacutegorielles

Ainsi ces quatre constructions devraient plutocirct ecirctre analyseacutees comme des constructions relevant

uniquement de la syntaxe comme par exemple les constructions infinitivales Cependant deux

autres critegraveres peuvent ecirctre pris en compte pour nuancer cette analyse les idiosyncrasies du

paradigme personnel et la distribution des constructions En effet ces quatre constructions

preacutesentent chacune un paradigme personnel speacutecifique De plus ces constructions sont en

distribution compleacutementaire avec les autres constructions agrave MP Or sil sagissait de constructions

relevant uniquement de la syntaxe on sattendrait agrave ce quelles soient compatibles avec au moins

certains tiroirs verbaux et que leur paradigme personnel deacutepende du tiroir verbal en question Ces

critegraveres tendent agrave montrer que ces quatre constructions ont un statut particulier au sein de la langue

et ne sont pas des constructions relevant uniquement de la syntaxe

5233 Les critegraveres de la typologie canonique

Brown et al (2012) proposent une nouvelle approche de la typologie des peacuteriphrases dans le

cadre de la typologie canonique Selon cette approche une peacuteriphrase flexionnelle canonique

preacutesente des caracteacuteristiques de la morphologie flexionnelle canonique et de la syntaxe

fonctionnelle canonique Ainsi les auteurs proposent quatre proprieacuteteacutes caracteacuteristiques des

peacuteriphrases canoniques

bull Reacutealisation Une construction peacuteriphrastique canonique reacutealise un trait grammatical

(canonique)

bull Inteacutegration paradigmatique Une construction peacuteriphrastique canonique occupe une

cellule dans un paradigme flexionnel

bull Transparence Dans une construction peacuteriphrastique canonique la relation entre forme et

sens est transparente

bull Syntaxe fonctionnelle Une construction peacuteriphrastique canonique est une construction

syntaxique fonctionnelle canonique

La terminologie employeacutee par Brown et al (2012) seacutecarte de celle que nous avons adopteacutee Un

trait grammatical (canonique) est un trait morphosyntaxique telle que nous lavons deacutefini en

(sect 14) et un paradigme flexionnel doit ici ecirctre compris comme un paradigme de formes

- 267 -

syntheacutetiques On notera que le critegravere de transparence exprime linverse du critegravere de non-

compositionnaliteacute ce qui peut sembler contre-intuitif Mais ce choix est justifieacute par le fait que la

morphologie canonique et la syntaxe canonique sont toutes deux transparentes Enfin une

construction syntaxique fonctionnelle canonique est une construction syntaxique dans laquelle lun

des mots est un mot portant un sens grammatical etou dans laquelle lexpression dun sens

grammatical joue un rocircle important dans linterpreacutetation de la construction Lapplication de ces

critegraveres aux constructions du wolof est reacutesumeacutee dans le Tableau (58)

Tableau 58 - Les peacuteriphrases verbales du wolof selon la typologie canonique

ReacutealisationInteacutegration

paradigmatiqueTransparence

Syntaxefonctionnelle

FOCS + ndash + +

PRST + ndash + +

FOCC + ndash + +

FOCV + ndash + +

PRF + + + +

FUT + ndash + +

FUTNEG + ndash + +

OPT + ndash + +

PROH + ndash + +

NEGAUX + + + +

IPF + ndash + +

PASCLT + + + +

La neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent ecirctre analyseacutes comme des constructions

peacuteriphrastiques canoniques Ce reacutesultat est coheacuterent avec les analyses preacutesenteacutees plus haut Le

parfait preacutesente eacutegalement les proprieacuteteacutes des peacuteriphrases canoniques Neacuteanmoins le fait que cette

construction respecte le critegravere dinteacutegration paradigmatique est sans doute lieacute au fait quil sagisse

dune construction (quasi-)syntheacutetique (sect 5231)

On constate que toutes les constructions respectent les critegraveres de reacutealisation de transparence et

de syntaxe fonctionnelle En effet toutes ces constructions sont des constructions syntaxiques

fonctionnelles canoniques qui reacutealisent chacune un trait grammatical (canonique) et dont la

relation entre forme et sens est transparente Ainsi le seul critegravere discriminant est linteacutegration

paradigmatique Ce seul critegravere ne permet pas de mettre en eacutevidence la diversiteacute des constructions

- 268 -

peacuteriphrastiques du wolof137 En effet il ne permet absolument pas de rendre compte du degreacute de

coheacutesion morphosyntaxique de ces constructions ni de leur degreacute dinteacutegration au paradigme

flexionnel

524 Synthegravese

Au sein du paradigme des formes verbales du wolof on peut identifier douze constructions

syntaxiques Si lon sen tient agrave la deacutefinition formelle que nous avons donneacutee en (sect 12) ces

constructions peuvent ecirctre analyseacutees comme des peacuteriphrases flexionnelles Neacuteanmoins elles ne

constituent pas un ensemble homogegravene mais preacutesentent des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques

relativement diffeacuterentes

Ces constructions diffegraverent en ce qui concerne le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique de

leacuteleacutement principal et de leacuteleacutement ancillaire Selon cette dimension le parfait est syntheacutetique sa

structure eacutetant quasiment identique agrave celle du parfait neacutegatif Le passeacute clitique est quasi-syntheacutetique

La neacutegation agrave verbe auxiliaire limperfectif et la focalisation du verbe sont quasi-analytiques leurs

structures eacutetant comparables agrave celle des constructions infinitivales Toutes les autres constructions

peuvent ecirctre analyseacutees comme de laquo vraies raquo peacuteriphrases

Par ailleurs plusieurs auteurs ont proposeacute un ensemble de critegraveres permettant didentifier les

peacuteriphrases cateacutegorielles de les distinguer des constructions relevant uniquement de la syntaxe et

de les situer dans un espace typologique (Ackerman amp Stump 2004 Haspelmath 2000 Bonami amp

Samvelian 2015) Selon ces critegraveres la neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent

clairement ecirctre analyseacutes comme des constructions peacuteriphrastiques Le cas de limperfectif est

ambigu puisque cette construction ne respecte quun ou deux critegraveres Parmi les constructions agrave MP

la focalisation du sujet le preacutesentatif la focalisation du compleacutement et le parfait sont plutocirct

peacuteriphrastiques puisquelles respectent chacune deux critegraveres En revanche le futur le futur neacutegatif

loptatif et le prohibitif ne respectent aucun des critegraveres Neacuteanmoins elles preacutesentent plusieurs

proprieacuteteacutes qui empecircchent de les analyser comme des constructions relevant uniquement de la

syntaxe En effet toutes les constructions agrave MP preacutesentent des idiosyncrasies au sein de leur

paradigme personnel Ainsi bien que lon puisse mettre en eacutevidence certaines reacutegulariteacutes la forme

de lindice de personne varie dune construction agrave lautre et est donc rarement preacutedictible (sect 422)

Par ailleurs on constate que les constructions agrave MP sont en distribution compleacutementaire Ainsi

aucune proposition ne peut contenir deux MP Ces deux arguments tendent agrave montrer que les

137 Bonami amp Samvelian (2015 52) font la mecircme remarque pour les peacuteriphrases verbales en persan

- 269 -

constructions agrave MP sont inteacutegreacutees au sein du paradigme verbal de la langue Il semble donc plus

pertinent et plus eacuteconomique de les analyser comme des peacuteriphrases flexionnelles plutocirct que

comme des constructions relevant uniquement de la syntaxe

Selon les critegraveres proposeacutees par Brown et al (2012) dans le cadre de la typologie canonique

seuls la neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent ecirctre analyseacutes comme des

constructions peacuteriphrastiques canoniques Neacuteanmoins seul un critegravere est reacuteellement discriminant ce

qui ne permet pas de mettre en eacutevidence la diversiteacute des constructions peacuteriphrastiques du wolof

Pour reacutesumer les constructions agrave MP peuvent ecirctre analyseacutees comme des peacuteriphrases

flexionnelles Parmi ces constructions le parfait constitue un cas limite puisquil est plutocirct

syntheacutetique La neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent eacutegalement ecirctre analyseacutes

comme des peacuteriphrases Neacuteanmoins le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique tend agrave montrer quelles

sont respectivement quasi-analytique et quasi-syntheacutetique Enfin limperfectif est une construction

quasi-analytique preacutesentant certaines caracteacuteristiques des peacuteriphrases flexionnelles De plus elle

correspond agrave la deacutefinition typologique de la peacuteriphrase puisquil sagit dune construction

syntaxique reacutealisant une proprieacuteteacute consideacutereacutee comme typiquement flexionnelle

- 270 -

CCHAPITREHAPITRE 6 - 6 - DDESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS AgraveAgrave AUXILIAIRESAUXILIAIRES

61 La cateacutegorie laquo auxiliaire raquo

La notion dlaquo auxiliaire raquo est une notion relativement probleacutematique en linguistique Depuis la

grammaire classique jusquaux travaux les plus reacutecents de nombreuses deacutefinitions etou critegraveres

deacutefinitoires ont eacuteteacute proposeacutes pour tenter de circonscrire cette notion Malgreacute cette diversiteacute nous

pouvons ramener ces deacutefinitions agrave trois grands types

bull Deacutefinition(s) cateacutegorielle(s) Les auxiliaires constituent une sous-classe de verbes ou

forment une classe lexicale agrave part entiegravere

bull Deacutefinition fonctionnelle Un auxiliaire est un eacuteleacutement preacutedicatif dont la fonction est

dexprimer une ou plusieurs cateacutegories lieacutees au verbe (temps aspect mode etc)

bull Deacutefinition panchronique Un auxiliaire est une entiteacute linguistique occupant une position

intermeacutediaire dans la chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM

Ces deacutefinitions ne sont pas neacutecessairement incompatibles les unes avec les autres En effet elles

se distinguent surtout par le point de vue adopteacute Ainsi les deacutefinitions cateacutegorielles cherchent agrave

situer les auxiliaires au sein des classes lexicales alors que la deacutefinition fonctionnelle sinteacuteresse

essentiellement aux valeurs quils veacutehiculent et la deacutefinition panchronique tend agrave se focaliser sur

leur origine

611 Deacutefinition cateacutegorielle

Ce type de deacutefinition tend agrave consideacuterer les auxiliaires comme constituant une classe ou une sous-

classe lexicale On peut distinguer plusieurs deacutefinitions cateacutegorielles Selon la plus souvent attesteacutee

dans la litteacuterature un auxiliaire est un type particulier de verbe permettant de construire avec un

autre verbe une peacuteriphrase verbale Selon Creissels (2006a 161) laquo ce qui justifie de reconnaicirctre

quon a affaire agrave une combinaison auxiliaire + auxilieacute plutocirct que simplement agrave deux verbes dans

une relation de deacutependance cest que lauxiliaire ne manifeste aucune proprieacuteteacute preacutedicative

dassignation de rocircles seacutemantiques agrave des arguments seul intervenant agrave ce niveau lauxilieacute raquo La

- 271 -

majoriteacute des auteurs deacutecrivent les auxiliaires comme des verbes deacutenueacutes de sens lexical mais qui

marquent diverses cateacutegories grammaticales comme le temps laspect le mode ou la voix Ainsi les

auxiliaires sont des verbes adjuvants (helping verbs)138 par opposition aux verbes lexicaux

Cette deacutefinition est probablement la plus reacutepandue En effet cest celle que lon retrouve dans la

majoriteacute des dictionnaires de linguistique tels que Dubois et al (2002 60-61) Matthews (2007

33) Neveu (2011 66-67) ou les dictionnaires consulteacutes par Heine (1993 20-21) On la trouve

eacutegalement dans plusieurs articles de reacutefeacuterences tels que Ross (1969) Huddleston (1974) ou Palmer

(1979) De fait cette deacutefinition repose en grande partie sur des donneacutees issues de langues indo-

europeacuteennes (notamment romanes et germaniques) dans lesquelles les eacuteleacutements identifieacutes comme

des auxiliaires ont clairement des caracteacuteristiques propres aux verbes Par exemple en anglais

laquo have raquo est un auxiliaire marquant le parfait (250a) mais peut aussi ecirctre utiliseacute comme verbe

lexical (250b) De plus il est compatible avec la morphologie flexionnelle des verbes de langlais

puisquil preacutesente une forme de 3SG (has) et une forme au preacuteteacuterit (had) En franccedilais laquo aller raquo peut

ecirctre utiliseacute comme auxiliaire marquant le futur (251a) mais il est aussi utiliseacute comme verbe lexical

(251b) Il est compatible avec la morphologie flexionnelle des verbes notamment avec les marques

de personne

250) a He has left

b He has a new car

251) a Je vais le faire

b Je vais agrave luniversiteacute

Cependant plusieurs uniteacutes linguistiques traditionnellement analyseacutees comme des auxiliaires ne

preacutesentent pas ou peu de caracteacuteristiques propres aux verbes de la langue Cest notamment le cas

des auxiliaires modaux de langlais qui preacutesentent une distribution comparable agrave celle des verbes

mais sont incompatibles avec la flexion verbale (Anderson 2000 817-818) Plusieurs propositions

ont eacuteteacute faites pour tenter de reacutesoudre ce problegraveme (Heine 1993 11-14)139

Pullum amp Wilson (1977) proposent de consideacuterer les verbes et les auxiliaires comme deux

cateacutegories distinctes mais appartenant agrave la mecircme laquo super-cateacutegorie raquo De fait cette proposition est

assez similaire dans son fond agrave la deacutefinition cateacutegorielle que nous avons donneacutee plus haut verbes

138 Terme introduit par Falk (1984)139 Un assez grand nombre de solutions ont eacuteteacute proposeacutees Nous ne les preacutesentons pas toutes car soit elles seront

preacutesenteacutees dans les sections suivantes soit elles ne sont pas pertinentes pour la suite de ce chapitre Pour uninventaire complet voir Heine (1993 8-16)

- 272 -

(lexicaux) et auxiliaires sont deux types de laquo verbes raquo

Une seconde solution serait de distinguer les verbes auxiliaires qui preacutesentent des

caracteacuteristiques verbales des laquo purs raquo ou laquo vrais raquo auxiliaires qui ne preacutesentent pas de

caracteacuteristiques verbales Ainsi formuleacutee cette proposition est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards

Elle empecircche une analyse unifieacutee des verbes auxiliaires et des vrais auxiliaires Soit elle remet en

cause la pertinence dune cateacutegorie laquo auxiliaire raquo soit elle restreint cette eacutetiquette aux seuls vrais

auxiliaires et en exclut les verbes auxiliaires

Une autre solution consiste agrave consideacuterer que les auxiliaires ne sont pas des verbes mais forment

une classe lexicale agrave part entiegravere Cette solution est notamment deacutefendue par Schachter amp Shopen

(2007 40-44) Selon ces auteurs les auxiliaires constituent une classe fermeacutee de mots Il sagit de

lune des deux classes lexicales dadjoints du verbe (verb adjuncts)140 cest-agrave-dire des mots qui

forment un constituant avec un verbe Ils deacutefinissent les auxiliaires comme des mots qui expriment

le temps laspect le mode la voix ou la polariteacute du verbe auquel ils sont associeacutes Selon Schachter

amp Shopen il est preacutefeacuterable de ne pas analyser les auxiliaires comme des verbes en raison de

lexistence de mots quils identifient comme des auxiliaires mais qui ne peuvent pas ecirctre analyseacutes

comme des verbes en synchronie (ils citent lexemple du haoussa)

612 Deacutefinition fonctionnelle

Selon la deacutefinition fonctionnelle les auxiliaires sont des uniteacutes linguistiques ayant une fonction

speacutecifique dans la grammaire de la langue On trouve ce type de deacutefinition dans le dictionnaire de

Mounin (2004 48)

laquo Auxiliaire ndash Uniteacute grammaticale qui appartient au systegraveme de la conjugaison et qui se

combine avec un lexegraveme verbal pour marquer tantocirct le temps (hellip) tantocirct le mode (hellip)

tantocirct la voix (hellip) raquo

Linventaire des cateacutegories verbales retenues par les auteurs du dictionnaire agrave savoir le temps

laspect et le mode est essentiellement ducirc au fait que tous les exemples sont issus du franccedilais et de

langlais On peut eacutetendre cette liste agrave dautres cateacutegories verbales mentionneacutees par dautres auteurs

tels que laspect la polariteacute (Schachter amp Shopen 2007 41) lemphase ou leacutevidentialiteacute (Steele et

al 1981) Selon Heine (1993 22) les principales cateacutegories marqueacutees par les auxiliaires sont le

140 Les laquo particules verbales raquo constituent lautre classe dadjoints du verbe Cette classe rassemble des mots similairesaux preacutepositions et qui accompagnent le verbe Par exemple les particules des phrasal verbs de langlais comme updans wake up

- 273 -

temps laspect et la modaliteacute mais dautres cateacutegories peuvent ecirctre marqueacutees de faccedilon similaire la

neacutegation et la voix

La deacutefinition fonctionnelle peut ecirctre rapprocheacutee de la deacutefinition cateacutegorielle proposeacutee par

Schachter amp Shopen (2007) En effet dans les deux cas les auxiliaires sont analyseacutes comme des

mots exprimant diverses cateacutegories verbales du verbe auquel ils sont associeacutes Neacuteanmoins elles

diffegraverent dans la place quelles attribuent aux auxiliaires dans la grammaire de la langue

Contrairement agrave la deacutefinition de Schachter amp Shopen (2007) la deacutefinition fonctionnelle ne

considegravere pas que les auxiliaires constituent une classe lexicale agrave part entiegravere De fait dans plusieurs

des langues citeacutees par Schachter amp Shopen (2007 41) telles que le bambara ou le haoussa il

semble difficile voir impossible de trouver un ensemble de critegraveres permettant de reacuteunir tous les

mots analysables comme des auxiliaires dans une seule classe lexicale en synchronie Agrave moins de

consideacuterer quil sagit dune classe tregraves heacuteteacuterogegravene ce qui remet en cause la pertinence dune telle

classe

613 Deacutefinition panchronique

Selon la deacutefinition panchronique141 un auxiliaire est une entiteacute linguistique occupant une

position intermeacutediaire dans la chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM Cette deacutefinition a eacuteteacute

initialement proposeacutee par Heine (1993 70) et a ensuite eacuteteacute reprise dans plusieurs travaux

typologiques de reacutefeacuterence tels que Kuteva (2001) ou Anderson (2006 2011)

La deacutefinition panchronique repose sur lexistence dune chaicircne de grammaticalisation tregraves

courante agrave travers les langues Verbe rarr TAM Il sagit de la chaicircne de grammaticalisation dont la

premiegravere eacutetape est un verbe lexical et la derniegravere eacutetape est un morphegraveme flexionnel exprimant une

cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe (temps aspect mode etc) Heine (1993 53-66) pose

lhypothegravese dune chaicircne de grammaticalisation Verbe rarr Affixe TAM dans laquelle on peut isoler

sept eacutetapes (noteacutees de A agrave G) Chacune de ces eacutetapes est deacutetermineacutee par leacutetat (noteacute de I agrave V) atteint

par lauxiliaire selon quatre paramegravetres la deacuteseacutemantisation (le verbe perd son sens lexical au profit

dune fonction grammaticale) la deacutecateacutegorialisation (le verbe perd les attributs propres aux classes

lexicales majeures pour acqueacuterir des attributs propres agrave des classes lexicales secondaires) la

clitisation (le verbe tend agrave devenir un morphegraveme lieacute) et leacuterosion (le verbe perd son autonomie

phonologique)

141 Nous empruntons cette appellation agrave Anderson (2006 1)

- 274 -

Tableau 61 - Chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM selon Heine (1993)

Eacutetape A B C D E F G

Deacuteseacutemantisation I II III

Deacutecateacutegorialisation I II III IV V

Clitisation I II III

Eacuterosion I II III

Chaque eacutetape de ce continuum peut ecirctre rapprocheacutee dune entiteacute linguistique typologiquement

reconnue Nous pouvons reacutesumer ainsi les correspondances proposeacutees par Heine (1993 59-66)

bull Leacutetape A correspond aux verbes lexicaux (ou verbes pleins)

bull Leacutetape B correspond agrave des verbes preacutesentant des caracteacuteristiques distinctives notamment la

possibiliteacute de prendre des compleacutements phrastiques speacutecifiques (subjonctif infinitif etc)

Ainsi cette eacutetape peut ecirctre rapprocheacutee de ce que plusieurs auteurs appellent laquo verbes

cateacutenatifs raquo

bull Leacutetape C correspond agrave des verbes qui tendent agrave perdre le sens lexical au profit dun sens

grammatical Ainsi cette eacutetape correspond agrave ce que plusieurs auteurs appellent laquo semi-

auxiliaires raquo

bull Leacutetape D correspond agrave des verbes qui tendent agrave perdre plusieurs proprieacuteteacutes propres aux

verbes telles que la capaciteacute de former un impeacuteratif ou decirctre passiveacute Ainsi cette eacutetape

correspond agrave des verbes deacutefectifs ou agrave ce que plusieurs auteurs appellent laquo verbes

auxiliaires raquo

bull Leacutetape E correspond agrave des eacuteleacutements preacutesentant encore quelques proprieacuteteacutes verbales mais

qui en ont perdues la majoriteacute au point decirctre parfois analyseacutes comme une classe lexicale

distincte Ils tendent eacutegalement agrave perdre leur autonomie morphologique etou phonologique

Ainsi cette eacutetape correspond eacutegalement agrave ce que plusieurs auteurs appellent laquo verbes

auxiliaires raquo Par exemple les modaux de langlais sont des eacuteleacutements agrave leacutetape E

bull Leacutetape F correspond agrave des eacuteleacutements qui ne preacutesentent plus aucune proprieacuteteacute verbale Il sagit

deacuteleacutements grammaticaux Ainsi cette eacutetape correspond agrave ce que plusieurs auteurs appellent

laquo particules raquo

bull Leacutetape G correspond agrave un eacuteleacutement grammatical deacutenueacute dautonomie morphologique etou

phonologique cest-agrave-dire un affixe de flexion verbale

- 275 -

La deacutefinition retenue par Anderson (2006 4-7) est assez proche de celle de Heine (1993) En

effet il appelle laquo verbe auxiliaire raquo (auxiliary verb) un eacuteleacutement sur le continuum verbe lexical-

affixe fonctionnel qui tend agrave avoir au moins partiellement perdu son sens lexical et secirctre

grammaticaliseacute pour exprimer une ou plusieurs cateacutegories verbales telles que des cateacutegories

relevant de laspect du mode du temps de la polariteacute ou de la voix Cependant Anderson (2006) se

place dans une approche constructionnelle Il ne sinteacuteresse pas aux auxiliaires en tant quentiteacutes

linguistiques mais aux auxiliaires en tant queacuteleacutements constitutifs dun type de constructions les

constructions agrave verbe auxiliaire (auxiliary verb constructions) Ainsi dans son analyse

diachronique Anderson (2006 Ch 7) preacutesente des hypothegraveses de grammaticalisation permettant

dexpliquer lorigine des constructions agrave verbe auxiliaire au lieu de se focaliser sur lorigine des

auxiliaires Ces hypothegraveses sont reacutesumeacutees dans la Figure (61)

Figure 61 - Origine et eacutevolution des constructions agrave verbe auxiliaire selon Anderson (2006)

Anderson (2006 331) identifie quatre principales sources possibles pour les constructions agrave

verbe auxiliaire les constructions constitueacutees dun verbe prenant une subordonneacutee (geacuteneacuteralement

non finie) les constructions constitueacutees de deux propositions coordonneacutees partageant le mecircme sujet

(clause chaining constructions) les constructions agrave copule et les constructions seacuterielles Il note que

- 276 -

Constructionagrave verbe

auxiliaire

ConstructionVerbe

+ Subordonneacutee

Constructionseacuterielle

Constructionagrave copule

Constructionagrave propositionscoordonneacutees

Constructionagrave verbe support

Constructionagrave co-verbe

Constructionverbale

complexe

Constructionagrave amalgame

TAM-personne

Constructionagrave verbe fleacutechi

ces derniegraveres peuvent eacutegalement eacutevoluer en constructions agrave verbe support qui peuvent agrave leur tour

eacutevoluer en constructions agrave verbe auxiliaire Anderson (2006 Ch 6) identifie deux eacutevolutions

possibles pour les constructions agrave verbe auxiliaire Elles peuvent eacutevoluer en constructions verbales

complexes cest-agrave-dire en constructions syntheacutetiques issues de la fusion du verbe lexical et de

lauxiliaire Ces constructions complexes se grammaticalisent ensuite en constructions agrave verbe

fleacutechi ougrave lancien auxiliaire doit ecirctre analyseacute comme un affixe flexionnel Par ailleurs les

constructions agrave verbe auxiliaire peuvent eacutevoluer en constructions dans lesquelles lauxiliaire

fusionne avec lindice pronominal sujet pour former un amalgame TAM-personne Ces

constructions peuvent ensuite eacutevoluer en constructions verbales complexes ougrave lamalgame TAM-

personne fusionne avec le verbe lexical

62 Pour une nouvelle approche typologique des auxiliaires

Comme nous lavons vu les auxiliaires ont fait lobjet de tregraves nombreux travaux Certains se

preacutesentent comme des apports agrave la linguistique geacuteneacuterale tout en sappuyant essentiellement (voir

exclusivement) sur des donneacutees issues de langlais ou du franccedilais (Ross 1969 Huddleston 1974

Palmer 1979 Gross 1999 etc) Dautres se placent plutocirct dans une perspective typologique et dans

le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation Parmi ces derniers Heine (1993) constitue

certainement la principale reacutefeacuterence Il sert notamment de base agrave leacutelaboration dautres travaux

typologiques de reacutefeacuterence tels que Kuteva (2001) ou Anderson (2006) Ainsi la deacutefinition

panchronique de la notion dlaquo auxiliaire raquo est celle qui semble aujourdhui privileacutegieacutee par la

typologie linguistique Cependant cette deacutefinition pose plusieurs problegravemes pour leacutelaboration dune

typologie des auxiliaires etou des constructions agrave verbes auxiliaires

Notre objectif est de deacutefendre une nouvelle approche typologique des auxiliaires en nous

appuyant essentiellement sur la deacutefinition fonctionnelle Nous commenccedilons pas eacutevoquer briegravevement

les traditions qui se sont instaureacutees concernant leacutetude des auxiliaires parmi les speacutecialistes de

certaines aires ou familles linguistiques Ensuite nous preacutesentons les limites de la deacutefinition

panchronique Nous illustrons les problegravemes poseacutes par cette deacutefinition agrave partir du cas des langues

mandeacute Enfin nous proposons une typologie des auxiliaires

- 277 -

621 Le poids des traditions

Comme le fait remarquer Heine (1993 7) les speacutecialistes de certaines aires ou familles

linguistiques ont adopteacute leur propre deacutefinition du terme laquo auxiliaire raquo Ainsi dans la tradition indo-

europeacuteaniste lauxiliaire est neacutecessairement un verbe et est geacuteneacuteralement lunique forme fleacutechie de

la proposition Cette deacutefinition cateacutegorielle de lauxiliaire est coheacuterente avec les donneacutees de la

plupart des langues indo-europeacuteennes dans lesquelles les eacuteleacutements identifieacutes comme des auxiliaires

ont clairement des caracteacuteristiques propres aux verbes Cette tradition a eu une influence

consideacuterable sur leacutelaboration dune analyse de lauxiliaire en linguistique geacuteneacuterale (cf Ross 1969

Huddleston 1974 Palmer 1979 Gross 1999 etc)

Dans certaines traditions africanistes par contre les auxiliaires sont des eacuteleacutements geacuteneacuteralement

invariables se combinant avec un verbe fleacutechi (Heine 1993 7) Ainsi Gensler (1994) deacutefend

lhypothegravese dun schegraveme S-Aux-O-V-X en proto-Niger-Congo Il deacutefinit lauxiliaire (Aux) comme un

eacuteleacutement seacutepareacute du verbe qui appartient agrave une petite classe paradigmatique fermeacutee et qui exprime

des traits relevant du temps de laspect du mode etou de la polariteacute (Gensler 1994 2) Cette

deacutefinition est adopteacutee dans dautres travaux comparatistes tels que Guumlldemann (2008) Childs

(2005) ou Zima (2006) Ce type de deacutefinition est eacutegalement adopteacute par Kastenholz (2003) pour les

langues mandeacute On pourrait sinterroger sur la pertinence de revoir la deacutefinition proposeacutee par la

tradition indo-europeacuteaniste et aujourdhui largement ancreacutee en linguistique geacuteneacuterale De fait ce

choix fait par plusieurs linguistes africanistes a (au moins) trois vertus Premiegraverement il permet de

rendre compte de marqueurs TAM indeacutependants du verbe lexical et ne preacutesentant pas de proprieacuteteacutes

verbales Deuxiegravemement il permet deacuteviter lutilisation de leacutetiquette laquo particule raquo qui est beaucoup

trop geacuteneacuterale Une particule est geacuteneacuteralement deacutefinie comme un petit mot invariable non autonome

(Matthews 2007 289) Ce terme recouvre donc un ensemble heacuteteacuterogegravene de mots appartenant agrave

divers paradigmes etou classes lexicales Troisiegravemement il permet de rapprocher ces mots des

verbes auxiliaires dont ils partagent la fonction

622 Les limites de la deacutefinition panchronique

Notre objectif nest pas de remettre en cause la deacutefinition panchronique dans son ensemble mais

plutocirct den montrer les limites Selon cette deacutefinition un auxiliaire est une entiteacute linguistique

occupant une position intermeacutediaire dans la chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM Ainsi pour

quun mot soit consideacutereacute comme un auxiliaire il faut soit quil ait des proprieacuteteacutes propres aux verbes

- 278 -

soit quil soit issu de la grammaticalisation dun verbe Prise au sens strict cette deacutefinition pose

plusieurs problegravemes

Elle introduit un critegravere diachronique pour deacutefinir une cateacutegorie lexicale Ce choix fait sens dans

le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation Neacuteanmoins il est discutable lorsquon se place dans

le cadre plus large de la linguistique geacuteneacuterale De plus il nest pas vraiment pertinent pour la

description et lanalyse strictement synchroniques dune langue

Par ailleurs lutilisation dun critegravere diachronique est possible uniquement si lon a accegraves agrave des

donneacutees historiques ou si lon peut effectuer des reconstructions fiables Or pour la majoriteacute des

langues africaines nous ne disposons daucune donneacutee anteacuterieure au XVIIIe siegravecle De plus la

distance geacuteneacutetique entre certaines langues est parfois si grande quelle empecircche la reconstruction de

proto-formes fiables et rend mecircme difficile la classification de ces langues Ainsi si un marqueur

TAM est un mot indeacutependant mais ne preacutesente aucune proprieacuteteacute verbale il est difficile de

deacuteterminer sil sagit dun auxiliaire ou non

Enfin prise au sens strict cette deacutefinition panchronique ne permet pas de rendre compte de la

distribution des marqueurs TAM dans certaines langues En effet il existe des langues dans

lesquelles les marqueurs TAM sont des mots indeacutependants ne preacutesentant pas de proprieacuteteacutes verbales

Ils sont en opposition et partagent plusieurs proprieacuteteacutes morphosyntaxiques Neacuteanmoins plusieurs

analyses tendent agrave prouver que certains de ces marqueurs sont issus de la grammaticalisation de

verbes alors que dautres ont une origine diffeacuterente Cest notamment le cas dans les langues mandeacute

(Claudi 1994 Creissels 1997 Babaev 2011) Dans ces langues on peut identifier une classe

fermeacutee de marqueurs TAM speacutecifiques traditionnellement appeleacutes laquo marqueurs preacutedicatifs raquo En

mandinka ces marqueurs sont invariables142 et occupent toujours la mecircme position syntaxique selon

le schegraveme S p (O) V (X) (Creissels amp Sambou 2013 67) Par exemple laccompli-statif

(~ perfectif) positif est exprimeacute par le marqueur yeacute (252a) et linaccompli (~ imperfectif) positif par

le marqueur kaacute (252b) Bien quils aient un comportement identique en synchronie ces deux

marqueurs nont absolument pas la mecircme origine En effet kaacute est vraisemblablement issu de la

grammaticalisation du verbe kariacute ~ kaliacute (faire quelque chose de faccedilon habituelle) (Creissels amp

Sambou 2013 67) alors que yeacute est issu de la postposition homonyme (Creissels 1997)

252) a Jatoacuteo ye daacutennoacuteo barama (Creissels amp Sambou 2013 58)

lionDET PF chasseurDET blesser

lsquoLe lion a blesseacute le chasseurrsquo

142 Sauf pheacutenomegravenes morphophonologiques

- 279 -

b Saayaacutea ka mǒolu kumbondi (Creissels amp Sambou 2013 81)

mortDET IPF personneDETPL pleurerCAUS

lsquoLa mort fait pleurer les gensrsquo

Heine (1993 76-79) a remarqueacute ce type de situation dans plusieurs langues dAfrique de lOuest

Il explique que si les verbes constituent la principale source de nouvelles cateacutegories TAM dautres

sources sont possibles Ainsi un marqueur TAM peut eacutegalement ecirctre issu des chaicircnes de

grammaticalisation Adposition-TAM ou Adverbe-TAM Neacuteanmoins selon lui les entiteacutes

linguistiques occupant une position intermeacutediaire dans ces chaicircnes de grammaticalisation ne

peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des auxiliaires car elles preacutesentent un comportement

morphosyntaxique radicalement diffeacuterent de celles de la chaicircne Verbe-TAM Ce dernier argument

est sans doute pertinent pour les marqueurs de certaines langues143 mais il est en contradiction avec

les donneacutees de langues comme le mandinka En effet les marqueurs kaacute et yeacute sont respectivement

issus des chaicircnes Verbe-TAM et Adposition-TAM or ils preacutesentent un comportement

morphosyntaxique quasiment identique en synchronie

Si lon applique strictement la deacutefinition proposeacutee par Heine (1993) le marqueur kaacute est un

auxiliaire mais pas le marqueur yeacute Cette analyse est probleacutematique pour une analyse synchronique

car elle nous force agrave seacuteparer deux mots qui appartiennent clairement agrave la mecircme classe Cependant

si lon considegravere que kaacute nest pas un auxiliaire cela implique que les entiteacutes linguistiques occupant

une position intermeacutediaire dans la chaicircne Verbe-TAM ne sont pas toutes des auxiliaires ce qui est

en contradiction avec la deacutefinition panchronique Si lon considegravere que yeacute est un auxiliaire cela

implique que des entiteacutes nayant aucune origine verbale peuvent eacutegalement ecirctre des auxiliaires ce

qui contredit eacutegalement la deacutefinition panchronique

Ces problegravemes poseacutes par la deacutefinition panchronique ne se limitent pas aux langues mandeacute De

fait on peut les rencontrer pour toutes les langues posseacutedant des marqueurs preacutedicatifs notamment

les langues songhay ainsi que certaines langues atlantiques tchadiques ou couchitiques

623 Typologie des auxiliaires

Comme nous lavons vu plus haut la deacutefinition panchronique est relativement bien adapteacutee agrave une

analyse dans le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation En revanche elle pose plusieurs

143 Notamment les langues kru (Marchese 1986 24)

- 280 -

problegravemes si lon souhaite effectuer une analyse synchronique Notamment elle est probleacutematique

pour les langues pour lesquelles on ne peux pas retrouver lorigine des marqueurs TAM et elle ne

permet pas de rendre compte simplement des donneacutees des langues agrave marqueurs preacutedicatifs Ces

problegravemes constituent des entraves agrave leacutelaboration dune typologie des auxiliaires ou des

constructions agrave verbes auxiliaires En effet la deacutefinition panchronique induit agrave seacuteparer des mots qui

appartiennent agrave la mecircme classe lexicale en synchronie dans certaines langues De plus elle empecircche

la comparaison de certains marqueurs preacutedicatifs avec des verbes auxiliaires Enfin si elle est

strictement appliqueacutee elle empecircche de tenir compte de marqueurs TAM dont lorigine est

incertaine

Si la deacutefinition panchronique est inadapteacutee agrave une approche typologique des auxiliaires quelle

deacutefinition est-il preacutefeacuterable dadopter Les deacutefinitions cateacutegorielles sont probleacutematiques En effet

soit lon considegravere que les auxiliaires forment une sous-classe de verbe et on en exclut donc les

marqueurs preacutedicatifs soit lon considegravere que les auxiliaires constituent une classe lexicale

speacutecifique et on en exclut donc les verbes auxiliaires

Ce que tendent agrave montrer les problegravemes poseacutes par les deacutefinitions cateacutegorielles et panchronique

cest que leacutetiquette laquo auxiliaire raquo ne renvoie pas agrave une cateacutegorie lexicale mais plutocirct agrave une fonction

Ladoption dune deacutefinition fonctionnelle semble donc ecirctre le choix le plus adapteacute pour leacutelaboration

dune typologie des auxiliaires Nous proposons la deacutefinition suivante

Auxiliaire ndash Eacuteleacutement preacutedicatif autonome inteacutegreacute au paradigme de conjugaison qui se

combine avec un lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe

telle que le temps laspect le mode la polariteacute la voix etc

De fait cette deacutefinition est relativement proche de celle retenue par Gensler (1994) Guumlldemann

(2008) Childs (2005) ou Zima (2006) De plus notons que Anderson (2011) semble eacutegalement

adopter ce type de deacutefinition au lieu dune deacutefinition strictement panchronique pour lanalyse de

certains exemples Cest notamment le cas dans son eacutetude des amalgames TAM-personne des

langues du Sprachbund ouest-africain Selon lui ce type damalgame reacutesulte de la fusion dun verbe

auxiliaire avec un indice pronominal sujet (Anderson 2011 215) Or dans les donneacutees quil

preacutesente pour le wolof (253a-b)144 rien ne permet daffirmer que lamalgame soit issu dun verbe

auxiliaire

144 Anderson (2011 220) emprunte ces exemples agrave Comrie (1985b 316) Nous avons modifieacute les exemples afin quilsrespectent les normes de transcription actuelles En revanche nous avons conserveacute les gloses de lauteur

- 281 -

253) a Mungi jagravengal eleew yi teacuteeram (Anderson 2011 220)

PRS3SG lireAPPL eacutelegraveve DETPL livrePOSS3SG

lsquoIl lit son livre aux eacutelegravevesrsquo

b Nga dem (Anderson 2011 220)

PAS2SG partir

lsquoTu es partirsquo

En nous appuyant sur la deacutefinition fonctionnelle nous pouvons proposer une premiegravere typologie

des eacuteleacutements preacutedicatifs Cette typologie repose sur deux critegraveres le caractegravere plusmn verbal et le

caractegravere plusmn auxiliaire de leacuteleacutement Cette typologie est reacutesumeacutee dans le Tableau (62)

Tableau 62 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs

Verbeplein

Verbecateacutenatif

Verbesemi-auxiliaire

Verbeauxiliaire

Marqueurpreacutedicatif

+ Verbe ndash Verbe

ndash Auxiliaire + Auxiliaire

En utilisant dautres critegraveres nous pouvons distinguer cinq types deacuteleacutements preacutedicatifs

bull Verbe plein Preacutesente toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Son sens est

pleinement lexical

bull Verbe cateacutenatif145 Preacutesente toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Peut

prendre des compleacutements phrastiques speacutecifiques (subjonctif infinitif etc) Son sens est

pleinement lexical

bull Verbe semi-auxiliaire Preacutesente toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Peut

ecirctre deacutefectif Peut (ou doit) prendre des compleacutements phrastiques speacutecifiques (subjonctif

infinitif etc) Son sens est pleinement lexical Peut eacutegalement exprimer des cateacutegories

grammaticales (temps aspect mode etc) Peut ecirctre inteacutegreacute au paradigme de conjugaison

bull Verbe auxiliaire Ne preacutesente pas toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Peut

ecirctre deacutefectif ou preacutesenter des idiosyncrasies morphophonologiques ou combinatoires Doit

prendre des compleacutements phrastiques speacutecifiques A une fonction essentiellement (voir

exclusivement) grammaticale Est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison

145 Nous empruntons cette terminologie agrave Palmer (1987) et Huddleston (1976)

- 282 -

bull Marqueur preacutedicatif Ne preacutesente aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes Peut

preacutesenter des idiosyncrasies morphophonologiques ou combinatoires Le verbe avec lequel

il se combine est fini A une fonction exclusivement grammaticale Est inteacutegreacute au paradigme

de conjugaison

Ainsi les verbes pleins correspondent aux verbes canoniques ou prototypiques de la langue Les

verbes cateacutenatifs sont des verbes pouvant prendre un compleacutement phrastique speacutecifique comme

voir dans Marie a vu [Pierre courir dans la rue] Les verbes semi-auxiliaires constituent une

cateacutegorie intermeacutediaire entre les verbes cateacutenatifs et les verbes auxiliaires En effet ils peuvent

prendre un compleacutement phrastique speacutecifique comme les verbes cateacutenatifs et ils peuvent exprimer

des cateacutegories grammaticales comme les auxiliaires Le verbe aller dans Pierre va [lire ce livre] est

un exemple de verbe semi-auxiliaire Les verbes auxiliaires sont des verbes dont la principale

caracteacuteristique est davoir une fonction dauxiliaire Il sagit des verbes inteacutegreacutes au paradigme de

conjugaison et qui napportent aucun sens lexical au preacutedicat Le verbe avoir dans Pierre a mangeacute

une pomme est un exemple de verbe auxiliaire Enfin les marqueurs preacutedicatifs sont des eacuteleacutements

non verbaux qui ont une fonction dauxiliaire Selon Creissels (2006a 168) un marqueur preacutedicatif

est laquo un eacuteleacutement grammatical neacutecessaire agrave la preacutedication verbale [qui] bien que non attacheacute au verbe

nest pas reconnaissable de maniegravere aussi eacutevidente comme verbe auxiliaire et les donneacutees

comparatives confirment quil nest pas neacutecessairement dorigine verbale raquo

Notons que la frontiegravere entre ces diffeacuterents types deacuteleacutements preacutedicatifs nest pas toujours tregraves

claire Par exemple le verbe devoir dans Pierre doit ecirctre dans son bureau preacutesente toutes les

caracteacuteristiques dun verbe cateacutenatif mais il peut eacutegalement ecirctre analyseacute comme un verbe semi-

auxiliaire marquant une modaliteacute eacutepisteacutemique Autre exemple le verbe aller preacutesente toutes les

caracteacuteristiques dun verbe semi-auxiliaire Neacuteanmoins en franccedilais contemporain (de France) le

futur syntheacutetique tend agrave disparaicirctre au profit dun futur peacuteriphrastique noteacute par ce verbe Si lon tient

compte de ce fait on peut consideacuterer que le verbe aller est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison de

la langue et donc quil pourrait ecirctre analyseacute comme un verbe auxiliaire

La typologie que nous proposons est presque identique agrave celle de Heine (1993) En effet

chacune de nos cateacutegories correspond (plus ou moins) agrave une ou plusieurs eacutetapes de la chaicircne de

grammaticalisation Verbe-TAM verbe plein (eacutetape A) verbe cateacutenatif (eacutetape B) verbe semi-

auxiliaire (eacutetape C) verbes auxiliaires (eacutetapes D amp E) marqueur preacutedicatif (eacutetape F) Cependant

elle sen eacuteloigne sur ses principes La typologie de Heine correspond au deacutecoupage dune chaicircne de

grammaticalisation Par contre notre typologie ne tient pas compte de la diachronie mais repose

- 283 -

sur des critegraveres morphosyntaxiques et seacutemantiques synchroniques

63 Les constructions agrave auxiliaire du wolof

Comme nous lavons vu en (sect 52) le wolof dispose de douze peacuteriphrases verbales focalisation

du sujet preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe futur futur neacutegatif optatif

prohibitif parfait imperfectif neacutegation agrave verbe auxiliaire passeacute clitique Notons que le parfait

constitue un cas limite puisquil preacutesente la plupart des proprieacuteteacutes dune construction syntheacutetique

Dans le cadre dune approche typologique des constructions verbales du wolof il convient de

sinterroger sur le statut de ces peacuteriphrases verbales Notre objectif est de deacuteterminer si ces

peacuteriphrases peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave auxiliaire afin notamment de les

situer dans une typologie des constructions agrave auxiliaire comme celle proposeacutee par Anderson (2006)

Les peacuteriphrases verbales que nous avons identifieacutees sarticulent autour dun verbe lexical qui en est

leacuteleacutement principal et dun eacuteleacutement ancillaire Deacuteterminer si ces peacuteriphrases verbales sont des

constructions agrave auxiliaire revient donc agrave deacuteterminer si leacuteleacutement ancillaire peut ecirctre analyseacute comme

un auxiliaire

631 Selon la deacutefinition panchronique

Si lon sen tient agrave la deacutefinition panchronique seul un petit nombre de constructions

peacuteriphrastiques peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave auxiliaire Selon cette deacutefinition

pour quun mot soit consideacutereacute comme un auxiliaire il faut soit quil ait des proprieacuteteacutes propres aux

verbes soit quil soit issu de la grammaticalisation dun verbe Cest clairement le cas pour leacuteleacutement

ancillaire de neacutegation bantilde qui est un verbe signifiant laquo refuser raquo Cest eacutegalement le cas de leacuteleacutement

ancillaire dimperfectif di qui preacutesente la plupart des proprieacuteteacutes verbales et qui est aussi utiliseacute

comme verbe copule Les eacuteleacutements dina (futur) et du (futur neacutegatif) peuvent eacutegalement ecirctre

consideacutereacutes comme des auxiliaires puisquils sont issus de la grammaticalisation du verbe di et du

marqueur na

Le cas de dafa est plus ambigu En effet comme nous lavons vu en (sect 5231) cet eacuteleacutement

preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes qui tendent agrave le rapprocher des verbes De plus plusieurs auteurs ont

suggeacutereacute que dafa est issu de la grammaticalisation du verbe def (faire) (Kobegraves 1869 Senghor

1963 Creissels 1994 Torrence 2013)146 Neacuteanmoins dafa ne peut pas ecirctre analyseacute comme un

146 Nous reviendrons en deacutetail sur lorigine de dafa en (sect 114)

- 284 -

verbe en synchronie et aucune donneacutee historique ou comparative ne permet de confirmer une

eacuteventuelle origine verbale Nous pouvons donc seulement supposer que dafa est un auxiliaire

Aucun autre marqueur preacutedicatif ne peut ecirctre analyseacute comme un auxiliaire En effet les

marqueurs a a ng- la na (OPT) et bul ne preacutesentent aucune proprieacuteteacutes propres aux verbes De plus

le marqueur na (PRF) tend agrave se comporter comme un suffixe Par ailleurs lorigine de ces marqueurs

reste aujourdhui inconnue Neacuteanmoins comme nous lavons vu en (sect 256) Kihm (1999) et

Torrence (2013b) considegraverent que les marqueurs a et la sont issus dun verbe copule mais aucune

donneacutee historique ou comparative ne permet de confirmer cette hypothegravese

Leacuteleacutement ancillaire woon nest pas issu de la grammaticalisation dun verbe il est clairement

issu de lexicalisation du suffixe de passeacute -(w)oon Neacuteanmoins comme nous lavons vu en (sect 331)

woon preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes verbales Selon lapproche panchronique proposeacutee par Heine

(1993) nous ne pouvons pas analyser cet eacuteleacutement comme un auxiliaire En effet il noccupe pas une

position intermeacutediaire dans la chaicircne de grammaticalisation Verbe rarr Affixe TAM

Tableau 63 - Les constructions agrave auxiliaire du wolof selon la deacutefinition panchronique

Eacuteleacutementancillaire

Proprieacuteteacutesverbales

Origineverbale

Neacutegation agrave verbe auxiliaire bantilde + +

Imperfectif di + +

Focalisation du verbe da(fa) plusmn + ()

Futur dina plusmn +

Futur neacutegatif du plusmn +

Focalisation du sujet a ndash

Preacutesentatif a ng- ndash

Focalisation du compleacutement la ndash

Optatif na ndash

Prohibitif bu(l) ndash

Parfait na ndash

Passeacute clitique woon plusmn ndash

De fait les donneacutees du wolof illustrent bien les limites de la deacutefinition panchroniques que nous

avons preacutesenteacutees plus haut En effet labsence de donneacutees historiques nous empecircche de deacuteterminer

avec certitude si les MP ont une origine verbale De plus limportante distance geacuteneacutetique entre le

wolof et les autres langues atlantiques nous empecircche deffectuer des reconstructions fiables pour ces

- 285 -

marqueurs Par ailleurs la deacutefinition panchronique nous pousse agrave seacuteparer des mots qui

appartiennent visiblement agrave la mecircme classe lexicale en wolof mais eacutegalement agrave regrouper des mots

qui appartiennent clairement agrave des classes lexicales diffeacuterentes Selon cette deacutefinition les eacuteleacutements

ancillaires bantilde di dafa dina et du peuvent ecirctre consideacutereacutes comme des auxiliaires mais pas les

eacuteleacutements a a ng- la na (OPT) bul na (PRF) et woon Ainsi certains MP sont des auxiliaires alors

que dautres appartiennent agrave une autre classe Or plusieurs eacuteleacutements tendent agrave montrer que les MP

appartiennent agrave la mecircme classe ce sont des clitiques ils forment un amalgame avec lindice sujet

et ils sont en opposition Par ailleurs les eacuteleacutements consideacutereacutes comme des auxiliaires nappartiennent

pas agrave la mecircme classe lexicale Par exemple di a la mecircme distribution quun verbe et sert de support

aux affixes de passeacute et de neacutegation mais pas agrave lindice de personne A contrario dafa ne preacutesente

pas la mecircme distribution quun verbe et sert de support agrave lindice de personne mais pas aux affixes

de passeacute et de neacutegation

632 Selon la deacutefinition fonctionnelle

Si lon adopte la deacutefinition fonctionnelle que nous avons proposeacutee en (sect 623) presque toutes les

peacuteriphrases verbales du wolof peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave auxiliaire En

effet les eacuteleacutements ancillaires bantilde di dafa dina du a a ng- la na (OPT) et bul sont des eacuteleacutements

preacutedicatifs autonomes qui se combinent avec un verbe lexical pour marquer une cateacutegorie verbale

Le cas de na (PRF) et woon est un peu plus probleacutematique car la question de leur autonomie est

discutable

Comme nous lavons vu ces auxiliaire preacutesentent des proprieacuteteacutes diffeacuterentes Ces diffeacuterences nous

permettent de les situer dans une typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs Ainsi les eacuteleacutements a a ng- la

na (OPT) et bul sont clairement des marqueurs preacutedicatifs En effet ils ont une fonction

exclusivement grammaticale ils sont inteacutegreacutes au paradigme de conjugaison ils ne preacutesentent

aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes mais ils preacutesentent des idiosyncrasies

morphophonologiques et combinatoires (notamment dans lamalgame avec lindice sujet)

Leacuteleacutement di est clairement un verbe auxiliaire En effet il preacutesente des idiosyncrasies

morphophonologiques (chute de la voyelle finale) il doit prendre un compleacutement phrastique

speacutecifique (infinitif) il ne preacutesente pas toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe (absence

de marque de deacutependance verbale) il a une fonction essentiellement grammaticale (imperfectif) et

il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison

- 286 -

Le type des autres eacuteleacutements nest pas aussi clair Le verbe bantilde preacutesente toutes les proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques dun verbe son sens est pleinement lexical mais il peut eacutegalement exprimer une

cateacutegorie grammaticale (la neacutegation) comme les verbes semi-auxiliaires Neacuteanmoins il est inteacutegreacute

au paradigme de conjugaison ce qui tend agrave le rapprocher des verbes auxiliaires

Les eacuteleacutements dina et du ont une fonction exclusivement grammaticale et preacutesentent des

idiosyncrasies morphophonologiques et combinatoires (notamment dans lamalgame avec lindice

sujet) comme les marqueurs preacutedicatifs Neacuteanmoins ils preacutesentent certaines proprieacuteteacutes verbales (ils

servent de support aux marqueurs de passeacute et de neacutegation) ce qui tend agrave les rapprocher des verbes

auxiliaires

Leacuteleacutement dafa a une fonction exclusivement grammaticale et preacutesente des idiosyncrasies

morphophonologiques et combinatoires (notamment dans lamalgame avec lindice sujet) comme

les marqueurs preacutedicatifs Neacuteanmoins il preacutesente certaines proprieacuteteacutes verbales (il peut ecirctre seacutepareacute

du verbe lexical par un adverbe) ce qui tend agrave le rapprocher des verbes auxiliaires

Si lon considegravere que na (PRF) est un mot et non un affixe alors il doit ecirctre analyseacute comme un

MP En effet il a une fonction exclusivement grammaticale il est inteacutegreacute au paradigme de

conjugaison il ne preacutesente aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes mais il preacutesente des

idiosyncrasies morphophonologiques et combinatoires (notamment dans lamalgame avec lindice

sujet)

Si lon considegravere que woon est un mot et non un affixe alors il doit plutocirct ecirctre analyseacute comme

un verbe auxiliaire Il preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes verbales il est deacutefectif il a une fonction

essentiellement grammaticale et il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison Neacuteanmoins il a un

comportement idiosyncrasique au sein de la conjugaison En effet il se place apregraves le verbe lexical

contrairement agrave tous les autres auxiliaires de la langue147 ce qui implique que le verbe lexical ne

peut pas ecirctre consideacutereacute comme le compleacutement de woon En revanche comme nous lavons vu en

(sect 331) le marqueur woon occupe la mecircme position que le verbe dans les compleacutements

phrastiques agrave linfinitif Agrave partir de ces eacuteleacutements nous pourrions proposer danalyser woon comme

un verbe auxiliaire apparaissant neacutecessairement comme compleacutement infinitif du verbe lexical

Cependant cet eacuteleacutement apparaicirct eacutegalement avec des verbes intransitifs ce qui nuance cette analyse

Nous proposons donc danalyser woon comme un eacuteleacutement dorigine affixal qui tend agrave devenir un

verbe auxiliaire apparaissant comme compleacutement infinitif du verbe lexical

Pour reacutesumer les eacuteleacutements a a ng- la na (OPT) et bul sont des marqueurs preacutedicatifs Les

147 Agrave lexception du na (PRF) dont lautonomie est discutable

- 287 -

eacuteleacutements dina du et dafa sont eacutegalement des marqueurs preacutedicatifs mais preacutesentant quelques

caracteacuteristiques des verbes auxiliaires Leacuteleacutement di est un verbe auxiliaire Leacuteleacutement bantilde est un

verbe semi-auxiliaire preacutesentant quelques caracteacuteristiques des verbes auxiliaires Si lon traite na

(PRF) et woon comme des mots et non comme des affixes alors on peut les analyser respectivement

comme un MP et un verbe auxiliaire Ainsi tous les eacuteleacutements ancillaires des peacuteriphrases verbales du

wolof peuvent ecirctre consideacutereacutes comme des auxiliaires Les peacuteriphrases verbales du wolof peuvent

donc ecirctre consideacutereacutees comme des constructions agrave auxiliaire

- 288 -

CCHAPITREHAPITRE 7 - 7 - LLAA TEcircTETEcircTE DESDES

CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS AgraveAgrave AUXILIAIREAUXILIAIRE DUDU WOLOFWOLOF

71 Le concept de laquo tecircte raquo

La notion de laquo tecircte raquo est une notion importante pour un grand nombre de theacuteories linguistiques

notamment les grammaires de deacutependance ou les grammaires syntagmatiques dont la Head-driven

Phrase Structure Grammar (HPSG) qui en fait une notion centrale (Corbett et al 1993) La majoriteacute

des auteurs semblent sentendre sur ce quest globalement une tecircte agrave savoir laquo le mot qui gouverne

ou qui est sous-cateacutegoriseacute pour ndash ou bien qui deacutetermine la possibiliteacute de loccurrence de ndash lautre

mot Elle deacutetermine la cateacutegorie de son syntagme raquo (Nichols 1986 57) Neacuteanmoins il nexiste

aucun consensus sur les critegraveres permettant de deacutefinir cette notion avec exactitude (Corbett et al

1993)

Comme le note Croft (2001 241) les critegraveres les plus rigoureux permettant de deacutefinir ce quest

une tecircte ont eacuteteacute eacutelaboreacutes par Zwicky (1985a 1993) et Hudson (1987) Dans la derniegravere version de

son analyse Zwicky considegravere que les proprieacuteteacutes classiquement attribueacutees agrave la tecircte sont en fait

reacuteparties sur trois cateacutegories distinctes le foncteur seacutemantique la base et la tecircte Le foncteur est la

cible de laccord porte le cadre de sous-cateacutegorisation et gouverne les autres eacuteleacutements du syntagme

La base est leacuteleacutement obligatoire du syntagme et a agrave peu pregraves la mecircme distribution que la totaliteacute du

syntagme Enfin la tecircte est essentiellement le locus morphosyntaxique cest-agrave-dire leacuteleacutement qui

porte les marques morphosyntaxiques le liant agrave dautres eacuteleacutements du syntagme dont elle deacutetermine

la cateacutegorie Ainsi la tecircte serait une uniteacute morphosyntaxique deacutenueacutee de proprieacuteteacutes seacutemantiques

(Croft 2001 245) Cependant si ces critegraveres sont relativement preacutecis et rigoureux ils posent de

nombreux problegravemes dun point de vue typologique (Croft 2001 246-254) Par exemple on

constate que dans les constructions geacutenitives la cible de laccord est le syntagme geacutenitif dans

certaines langues (comme le bulgare) alors que cest le nom dans dautres langues (comme le mam)

Le caractegravere obligatoire de leacuteleacutement pose eacutegalement problegraveme En effet si le nom est geacuteneacuteralement

leacuteleacutement obligatoire du syntagme nominal ce nest pas le cas dans des langues comme le franccedilais

ou le quechua ougrave le nom peut ecirctre omis dans ce type de syntagme Un autre problegraveme concerne la

- 289 -

question du locus morphosyntaxique En effet ce critegravere est inutilisable pour les langues disposant

de peu de morphologie flexionnelle De plus les marques de flexions peuvent ecirctre reacuteparties entre

plusieurs eacuteleacutements cest notamment le cas des constructions agrave auxiliaire en basque (Croft 2001

246-254)

Cette analyse critique des critegraveres de Zwicky amegravene Croft (2001 254-259) agrave preacutefeacuterer une

deacutefinition seacutemantique de la tecircte Pour ce faire il se base sur la notion de laquo deacuteterminant de profil raquo

(profile determinant) quil emprunte agrave Langacker (2008 192-197) Cet auteur appelle laquo profil raquo la

partie de la structure seacutemantique symboliseacutee par la construction et explique que dans la plupart des

cas une construction composeacutee heacuterite du profil de lun des eacuteleacutements qui la compose le deacuteterminant

de profil Par exemple le syntagme laquo chien de chasse raquo profile la mecircme entiteacute que laquo chien raquo un

laquo chien de chasse raquo eacutetant une sorte de chien et non une sorte de chasse le deacuteterminant de profil est

donc laquo chien raquo Agrave partir de cette notion Croft (2001 257) eacutelabore la notion laquo deacutequivalent de

profil raquo (profile equivalent) qui se trouve ecirctre un renversement du sens de la deacutetermination En

effet il rejette lanalyse lsquomot rarr constructionrsquo pour une analyse lsquoconstruction rarr motrsquo laquo Dans une

combinaison X + Y X est leacutequivalent de profil si X deacutecritprofile un type de lentiteacute deacutecriteprofileacutee

par X + Y raquo Cependant cette notion nest pas suffisante pour rendre compte de tous les faits

observables Cest notamment le cas pour le verbe et lauxiliaire En franccedilais ou en anglais une

construction agrave auxiliaire ne peut pas deacutenoter une preacutedication complegravete si lauxiliaire est absent Les

deux eacuteleacutements eacutetant indispensables lanalyse la plus simple est de consideacuterer que ces constructions

ont deux eacutequivalents de profil (Croft 2001 258) Neacuteanmoins ces deux eacuteleacutements nont pas les

mecircmes proprieacuteteacutes seacutemantiques Le verbe dispose dun contenu seacutemantique qui fait deacutefaut agrave

lauxiliaire Le verbe est laquo luniteacute portant linformation primaire raquo (Primary Information-Bearing

Unit ou PIBU) de la construction Ainsi Croft propose une deacutefinition essentiellement seacutemantique de

la tecircte

laquo Une tecircte (seacutemantique) est leacutequivalent de profil portant linformation primaire cest-agrave-dire

leacuteleacutement lexical dont le profil se rapproche le plus dun type de lentiteacute profileacutee par

lensemble de la construction raquo

Selon cette deacutefinition le verbe est donc la tecircte dans les constructions mettant en jeu un verbe et un

auxiliaire Cette deacutefinition de la notion de laquo tecircte raquo est renforceacutee par un pheacutenomegravene grammatical

courant la grammaticalisation de la laquo tecircte fonctionnelle raquo laquo Si un syntagme ou une proposition

contient plus dun eacutequivalent de profil celui qui nest pas luniteacute portant linformation primaire finira

par subir un processus de reacuteduction et sattachera leacutequivalent de profil portant linformation

- 290 -

primaire raquo (Croft 2001 258) Cest ce que lon observe dans les cas dauxiliation ougrave un verbe tend agrave

se grammaticaliser pour devenir un affixe verbal (Heine 1993 53-66)

Pour reacutesumer Zwicky adopte une deacutefinition purement morphosyntaxique de la tecircte alors que

Croft lui preacutefegravere une deacutefinition essentiellement seacutemantique Dans sa typologie des constructions agrave

auxiliaire Anderson (2006 21-23) propose une deacutefinition plus geacuteneacuterale Il conserve la notion de

laquo tecircte raquo mais distingue trois niveaux de capitaliteacute (headedness) afin de rendre compte de toutes les

proprieacuteteacutes identifieacutees par Zwicky et Croft

bull Tecircte morphosyntaxique (ou flexionnelle) porte la flexion et encode les informations

grammaticales notamment la personne et les distinctions TAM148

bull Tecircte syntaxique (ou syntagmatique) deacutetermine lordre lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat149

bull Tecircte seacutemantique deacutetermine la valence le rocircle seacutemantique des arguments associeacutes au

preacutedicat ainsi que le sens lexical150

Cette approche de la tecircte des constructions agrave auxiliaire preacutesente plusieurs avantages Elle permet

deacuteviter lintroduction de nouveaux termes (comme laquo base raquo ou laquo foncteur raquo) pour rendre compte

deacuteleacutements que plusieurs auteurs considegraverent de facto comme des tecirctes Par ailleurs comme nous le

verrons dans la section suivante elle peut servir de point de deacutepart agrave leacutelaboration dune typologie

des constructions agrave auxiliaire

72 La typologie des patrons flexionnels

Les peacuteriphrases verbales sarticulent autour dun eacuteleacutement ancillaire que nous appelons auxiliaire

(AUX) et dun verbe lexical (V) Le verbe lexical est la tecircte seacutemantique puisquil deacutetermine la

valence le rocircle seacutemantique des arguments associeacutes au preacutedicat ainsi que le sens lexical de la

construction Lauxiliaire est geacuteneacuteralement la tecircte syntaxique En effet cest geacuteneacuteralement (mais pas

neacutecessairement) lauxiliaire qui deacutetermine lordre lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat Enfin en

fonction de la langue ou de la construction consideacutereacutee lauxiliaire et le verbe lexical peuvent tous

les deux servir de support aux marques de personne etou de TAM (Anderson 2006 24-25)

Ainsi parmi les trois niveaux de capitaliteacute la tecircte flexionnelle est la seule qui permette de

reacuteellement distinguer les constructions agrave auxiliaire En se basant sur ce critegravere Anderson (2006 23-

148 Notion agrave rapprocher de la laquo tecircte raquo de Zwicky (1993)149 Notion agrave rapprocher de la laquo base raquo de Zwicky (1993)150 Notion agrave rapprocher du laquo foncteur raquo de Zwicky (1993) et de la laquo tecircte seacutemantique raquo de Croft (2001 254-259)

- 291 -

27) distingue cinq configurations possibles quil nomme laquo patrons flexionnels raquo

Tableau 71 - Les patrons flexionnels selon Anderson (2006)

Tecircte AUX V

Patron agrave tecircte auxiliaire Syntaxique + ndash

Seacutemantique ndash +

Morphosyntaxique + ndash

Patron agrave tecircte lexicale Syntaxique + ndash

Seacutemantique ndash +

Morphosyntaxique ndash +

Patron double Syntaxique + ndash

Seacutemantique ndash +

Morphosyntaxique + +

Patron scindeacute Syntaxique + ndash

Seacutemantique ndash +

Morphosyntaxique +i ndashj ndashi +j

Patron scindeacutedouble Syntaxique + ndash

Seacutemantique ndash +

Morphosyntaxique +i +j ndashi +j

(ndashi +j +i +j)

Dans le patron agrave tecircte auxiliaire lauxiliaire est la tecircte flexionnelle de la construction Dans le

patron agrave tecircte lexicale le verbe lexical est la tecircte flexionnelle de la construction Dans le patron

double lauxiliaire et le verbe lexical sont tous les deux les tecirctes flexionnelles de la construction

Cela signifie que les marques flexionnelles apparaissent deux fois dans la construction sur

lauxiliaire et sur le verbe lexical Dans le patron scindeacute le statut de tecircte flexionnelle est partageacute

entre lauxiliaire et le verbe lexical Cela signifie que certaines marques flexionnelles sont porteacutees

par lauxiliaire alors que dautres sont porteacutees par le verbe lexical Enfin le patron scindeacutedouble est

un meacutelange des deux preacuteceacutedents Dans ce patron certaines marques flexionnelles apparaissent agrave la

fois sur lauxiliaire et sur le verbe lexical alors que dautres sont porteacutees uniquement par lauxiliaire

ou le verbe lexical

Les constructions agrave auxiliaire peuvent eacutevoluer en constructions verbales complexes cest-agrave-dire

en constructions syntheacutetiques issues de la fusion du verbe lexical et de lauxiliaire (sect 613) Elles

- 292 -

peuvent eacutegalement eacutevoluer en constructions dans lesquelles lauxiliaire fusionne avec la marque de

personne pour former un amalgame auxiliaire-personne Dans ces deux types de constructions le

patron flexionnel de la construction originelle est souvent transparent (Anderson 2006 249) Dans

les constructions verbales complexes tous les patrons flexionnels sont attesteacutes En revanche dans

les constructions agrave amalgame auxiliaire-personne seuls les patrons dans lesquels lauxiliaire est

fleacutechi sont possibles (Anderson 2006 298) Par ailleurs notons que quelque soit la deacutefinition

adopteacutee (panchronique ou fonctionnelle) les constructions agrave amalgame auxiliaire-personne peuvent

ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave auxiliaire

La typologie des patrons flexionnels proposeacutee par Anderson (2006) a eacuteteacute eacutelaboreacutee en utilisant la

deacutefinition panchronique de lauxiliaire Pour cet auteur lauxiliaire est un verbe ou est dorigine

verbale Par exemple dans le patron agrave tecircte lexical lauxiliaire apparaicirct comme un eacuteleacutement invariable

assimilable agrave une particule en synchronie mais son origine verbale doit ecirctre claire Nous avons

montreacute les limites de la deacutefinition panchronique et nous lui preacutefeacuterons une deacutefinition fonctionnelle

Cependant ce choix ne remet pas en cause la pertinence ni la validiteacute de la typologie dAnderson

Dans le cadre dune approche typologique des constructions agrave auxiliaire il est parfaitement possible

de comparer les structures grammaticales attesteacutees en synchronie indeacutependamment de leur origine

Par exemple dans plusieurs cas de grammaticalisation induite par contact deux langues non

geacuteneacutetiquement lieacutees peuvent preacutesenter des structures (et donc des patrons flexionnels) identiques

mais ayant des origines tregraves diffeacuterentes (cf Heine amp Kuteva 2005 Ch 3) Ainsi la question de

lorigine des auxiliaires nest quun critegravere suppleacutementaire permettant daffiner la typologie des

constructions agrave auxiliaires ou deacutetablir une typologie des processus de grammaticalisation

73 Les patrons flexionnels du wolof

La conjugaison du wolof dispose de douze constructions agrave auxiliaire focalisation du sujet

preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe futur futur neacutegatif optatif

prohibitif parfait imperfectif neacutegation agrave verbe auxiliaire passeacute clitique (sect 632) Notons que le

parfait et le passeacute clitique constituent des cas limites puisque la question de lautonomie de na et

woon est discutable

Comme dans les autres langues la tecircte seacutemantique des constructions agrave auxiliaire du wolof est le

verbe lexical En effet cest le verbe lexical qui deacutetermine la valence le rocircle seacutemantique des

arguments associeacutes au preacutedicat ainsi que le sens lexical de la construction (254a-c)

- 293 -

254) a [Meumlbokk]1 dina liggeacuteey

Mebok FUTS3SG travailler

lsquoMebok travaillerarsquo

b [Meumlbokk]1 dina lekk [ceeb]2

Mebok FUTS3SG manger riz

lsquoMebok mangera du rizrsquo

c [Meumlbokk]1 dina jox [Astu]2 [ceeb]3

Mebok FUTS3SG donner Astou riz

lsquoMebok donnera du riz agrave Astoursquo

Lidentification de la tecircte syntaxique est un peu plus probleacutematique Dans les constructions agrave MP

le MP peut clairement ecirctre identifieacute comme la tecircte syntaxique En effet comme nous lavons vu en

(sect 44) chaque MP est lieacute agrave un schegraveme speacutecifique (255a-b) De plus le choix du verbe lexical

ninflue pas sur lordre des mots (254a-c) On peut donc consideacuterer que le MP deacutetermine lordre

lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat

255) a Ceeb =la Meumlbokk lekk

riz =FOCC Mebok manger

lsquoCest du riz que Mebok a mangeacutersquo

b Na Meumlbokk lekk ceeb

OPT Mebok manger riz

lsquoQue Mebok mange du riz rsquo

Concernant la neacutegation agrave verbe auxiliaire la tecircte syntaxique est le verbe auxiliaire bantilde En effet

comme les autres constructions complexes mettant en jeu un infinitif151 la neacutegation agrave verbe

auxiliaire est une construction agrave monteacutee La structure argumentale deacutepend uniquement des

proprieacuteteacutes de rection du verbe lexical agrave linfinitif alors que les arguments deacutependent syntaxiquement

de bantilde Par exemple au subjonctif-conseacutecutif les pronoms objets se placent apregraves le verbe dont ils

deacutependent (256a) Or dans la neacutegation agrave verbe auxiliaire le rocircle seacutemantique du pronom objet

deacutepend du verbe agrave linfinitif mais sa position indique quil deacutepend syntaxiquement de bantilde (256b)

151 cf (sect 243)

- 294 -

Ainsi le verbe auxiliaire deacutetermine lordre lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat

256) a (hellip) ngir mu jaay =la =ko (Diouf 2003 229)

pour S3SG vendre =O2SG =O3SG

lsquo(hellip) pour quil te le vendersquo

b (hellip) ngir nga bantilde =ko=a fagravette (Diouf 2003 545)

pour S2SG refuser =O3SG=DV oublier

lsquo(hellip) pour que tu ne loublies pasrsquo

En ce qui concerne limperfectif lordre lineacuteaire des eacuteleacutements deacutepend en premier lieu de la

construction preacutedicative dans laquelle elle sinsegravere Neacuteanmoins indeacutependamment de la construction

preacutedicative le verbe auxiliaire di ne joue presque aucun rocircle dans lordre des mots Comme nous

lavons vu en (sect 32) sous sa forme pleine di tend agrave se comporter comme un verbe prenant un

compleacutement phrastique agrave linfinitif (257a) Cependant contrairement aux constructions infinitivales

la marque de deacutependance verbale nest jamais attesteacutee dans la construction imperfective De plus

Diouf (2009 103) mentionne eacutegalement la possibiliteacute de placer di immeacutediatement avant le verbe

lexical Enfin sous sa forme clitique =y il ne peut que preacuteceacuteder immeacutediatement le verbe lexical

(257b) Ainsi bien quhistoriquement le verbe auxiliaire di ait probablement eacuteteacute la tecircte syntaxique

de la construction imperfective cette analyse ne semble plus possible en wolof contemporain Dans

leacutetat actuel de la langue la place de lauxiliaire di semble deacutependre de celle du verbe lexical Pour

reacutesumer indeacutependamment de la construction preacutedicative dans la construction Imperfectif lordre

lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat deacutepend plutocirct du verbe lexical La tecircte syntaxique de cette

construction est donc plutocirct le verbe lexical

257) a (hellip) ngeen di =leen =ko =fa yoacutebbul (Diouf 2009 103)

S2PL IPF =O3PL =O3SG =CLLOCDFDT apporterBEN

lsquo(hellip) vous le leur apportiez lagrave-basrsquo

b (hellip) ngeen =leen =ko =fa=y yoacutebbul (Diouf 2009 103)

S2PL =O3PL =O3SG =CLLOCDFDT=IPF apporterBEN

lsquo(hellip) vous le leur apportiez lagrave-basrsquo

Dans la construction que nous avons appeleacutee laquo passeacute clitique raquo lidentification de la tecircte

- 295 -

syntaxique deacutepend du choix danalyse de la construction En (sect 632) nous avons proposeacute

danalyser leacuteleacutement woon comme un eacuteleacutement dorigine affixal qui tend agrave devenir un verbe auxiliaire

apparaissant comme compleacutement infinitif du verbe lexical Si lon accepte cette analyse alors le

verbe lexical deacutetermine lordre lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat et est donc la tecircte syntaxique de la

construction

Nous avons identifieacute la tecircte seacutemantique ainsi que la tecircte syntaxique des constructions agrave auxiliaire

Il nous reste donc agrave identifier la tecircte flexionnelle afin de deacuteterminer le patron flexionnel de

chacune Comme nous lavons vu en (sect 13) en wolof les marques de flexion relegravevent de cinq

traits tiroir verbal (TIRV) polariteacute (POL) aspect (ASP) temps (TPS) et personne (PERS)

Dans la focalisation du compleacutement lauxiliaire encode le trait tiroir verbal et forme un

amalgame avec la marque de personne Le verbe lexical porte les marques de polariteacute et de temps

(258a) La focalisation du verbe preacutesente une configuration presque identique la seule diffeacuterence

eacutetant la preacutesence possible de la marque de deacutependance verbale (~ infinitif) (258b) Ces deux

constructions sont donc des constructions agrave amalgame auxiliaire-personne preacutesentant un patron

scindeacute

258) a AUX(TIRV)PERS V-POL-TPS

Ceeb =laa lekk-ul-oon

riz =FOCCS1SG manger-NEG-PAS

lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo

b AUX(TIRV)PERS (INF) V-POL-TPS

Dama (=a) lekk-ul-oon

FOCVS1SG =DV manger-NEG-PAS

lsquo(Le fait est que) je navais pas mangeacutersquo

Dans la focalisation du sujet lauxiliaire encode le trait tiroir verbal et forme un amalgame avec

le pronom personnel Le verbe lexical porte les marques de polariteacute et de temps (259a) Lamalgame

MP-personne eacutetant facilement segmentable on peut soit consideacuterer que la construction preacutesente un

patron agrave tecircte lexicale soit consideacuterer quil sagit dune construction agrave amalgame auxiliaire-personne

preacutesentant un patron scindeacute Le preacutesentatif preacutesente une configuration presque identique On peut

noter deux diffeacuterences la polariteacute nest pas marqueacutee par une marque flexionnelle et le paradigme

de lamalgame MP-personne preacutesente plusieurs idiosyncrasies (259b) Il sagit donc dune

- 296 -

construction agrave amalgame auxiliaire-personne preacutesentant un patron scindeacute

259) a PERS=AUX(TIRV) V-POL-TPS

Ma=a lekk-ul-oon

S1SG=FOCS manger-NEG-PAS

lsquoCest moi qui navais pas mangeacutersquo

b PERS=AUX(TIRV) V-TPS

Ma=a ngi lekk-oon

S1SG=PRST manger-PAS

lsquoMe voici qui avais mangeacutersquo

Agrave loptatif et au prohibitif lauxiliaire encode les traits tiroir verbal et polariteacute et forme un

amalgame avec la marque de personne Le verbe lexical ne porte aucune marque flexionnelle (260a-

b) Ces deux constructions sont donc des constructions agrave amalgame auxiliaire-personne preacutesentant

un patron agrave tecircte auxiliaire

260) a AUX(TIRVPOL)PERS V

Naa lekk

OPTS1SG manger

lsquoQue je mange rsquo

b AUX(TIRVPOL)PERS V

Buma lekk

PROHS1SG manger

lsquoQue je ne mange pas rsquo

Au futur et au futur neacutegatif lauxiliaire encode les traits tiroir verbal et polariteacute et forme un

amalgame avec la marque de personne Le verbe lexical ne porte aucune marque flexionnelle (261a-

b) De plus comme nous lavons vu en (sect 22) on peut eacutegalement consideacuterer que le trait temps est

eacutegalement porteacute par le MP Ces deux constructions sont donc des constructions agrave amalgame

auxiliaire-personne preacutesentant un patron agrave tecircte auxiliaire

- 297 -

261) a AUX(TIRVPOL)PERS V

Dinaa lekk

FUTS1SG manger

lsquoJe mangerairsquo

b AUX(TIRVPOL)PERS V

Duma lekk

FUTNEGS1SG manger

lsquoJe ne mangerai pasrsquo

Dans la construction imperfective lauxiliaire encode le trait aspect et porte les marques de

polariteacute et de temps Le verbe lexical ne porte aucune marque flexionnelle (262a) La neacutegation agrave

verbe auxiliaire preacutesente une configuration similaire Neacuteanmoins elle sen distingue puisque

lauxiliaire encode le trait polariteacute et porte les marques de temps On note eacutegalement la preacutesence de

la marque de deacutependance verbale (~ infinitif) (262b) Ces deux constructions preacutesentent donc un

patron agrave tecircte auxiliaire

262) a AUX(ASP)-POL-TPS V

(hellip) ma d-ul-oon lekk

S1SG IPF-NEG-PAS manger

lsquo(hellip) je ne mangeais pasrsquo

b AUX(POL)-TPS INF V

(hellip) ma bantilde-oon =a lekk

S1SG refuser-PAS =DV manger

lsquo(hellip) je ne mangeai pasrsquo

Au parfait lauxiliaire forme un amalgame avec la marque de personne Il encode le trait tiroir

verbal ainsi que le trait polariteacute puisquil est absent des eacutenonceacutes au parfait neacutegatif Le verbe lexical

porte les marques de temps (263a) Comme nous lavons vu dans les sections preacuteceacutedentes

lauxiliaire na est peu autonome vis-agrave-vis du verbe Nous pouvons donc consideacuterer que le parfait est

une construction verbale complexe preacutesentant un patron scindeacute

Au passeacute clitique lauxiliaire encode le passeacute Le verbe lexical porte les marques de tiroir verbal

de polariteacute et de personne (263b) Comme nous lavons vu dans les sections preacuteceacutedentes lauxiliaire

- 298 -

woon est peu autonome vis-agrave-vis du verbe Nous pouvons donc consideacuterer que le passeacute clitique est

une construction verbale complexe preacutesentant un patron agrave tecircte lexicale

263) a V-TPS =AUX(TIRVPOL)PERS

Lekk-oon =naa

manger-PAS =PRFS1SG

lsquoJavais mangeacutersquo

b V-TIRVPOLPERS =AUX(TPS)

Lekk-uma =woon

manger-PRFNEGS1SG =PAS

lsquoJe navais pas mangeacutersquo

La distribution des marques flexionnelles ainsi que le patron flexionnel de chaque construction agrave

auxiliaire du wolof sont reacutesumeacutees dans le Tableau (72)

Tableau 72 - Patrons flexionnels des constructions agrave auxiliaire du wolof

Structure Patron

Focalisation du sujet PERS=AUX(TIRV) V-POL-TPS Scindeacute (Amalgame Aux-Pers)

Preacutesentatif PERS=AUX(TIRV) V-TPS Scindeacute (Amalgame Aux-Pers)

Focalisation du compleacutement AUX(TIRV)PERS V-POL-TPS Scindeacute (Amalgame Aux-Pers)

Focalisation du verbe AUX(TIRV)PERS (INF) V-POL-TPS Scindeacute (Amalgame Aux-Pers)

Parfait V-TPS =AUX(TIRVPOL)PERS Scindeacute (Construction complexe)

Futur AUX(TIRVPOL)TPSPERS V Tecircte-Aux (Amalgame Aux-Pers)

Futur neacutegatif AUX(TIRVPOL)TPSPERS V Tecircte-Aux (Amalgame Aux-Pers)

Optatif AUX(TIRVPOL)PERS V Tecircte-Aux (Amalgame Aux-Pers)

Prohibitif AUX(TIRVPOL)PERS V Tecircte-Aux (Amalgame Aux-Pers)

Neacutegation agrave verbe auxiliaire AUX(POL)-TPS INF V Tecircte-Aux

Imperfectif AUX(ASP)-POL-TPS V Tecircte-Aux

Passeacute clitique V-TIRVPOLPERS =AUX(TPS) Tecircte-Lex (Construction complexe)

Pour reacutesumer la tecircte seacutemantique des constructions agrave auxiliaire du wolof est le verbe lexical La

tecircte syntaxique est lauxiliaire sauf pour limperfectif et le passeacute clitique ougrave la tecircte syntaxique est

plutocirct le verbe lexical La tecircte flexionnelle nest pas la mecircme dans toutes les constructions Ainsi

dans les constructions focalisantes et au parfait certaines marques flexionnelles sont porteacutees par

- 299 -

lauxiliaire alors que dautres sont porteacutees par le verbe lexical ces constructions preacutesentent donc un

patron scindeacute Au passeacute clitique le verbe lexical porte toutes les marques flexionnelles cette

construction preacutesente donc un patron agrave tecircte lexicale Dans toutes les autres constructions lauxiliaire

porte toutes les marques flexionnelles ces constructions preacutesentent donc un patron agrave tecircte auxiliaire

On remarque que les deux seules constructions preacutesentant un ordre V AUX peuvent ecirctre

analyseacutees comme des constructions verbales complexes Par ailleurs toutes les constructions agrave MP

(et seulement elles) sont des constructions agrave amalgame auxiliaire-personne

- 300 -

CCHAPITREHAPITRE 8 - 8 - TTYPOLOGIEYPOLOGIE VERBALEVERBALE DUDU WOLOFWOLOF

Lobjectif de ce chapitre est de proposer une typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs du wolof en nous

appuyant notamment sur la typologie que nous avons preacutesenteacutee en (sect 623)

81 Les verbes pleins

Les verbes pleins correspondent aux verbes canoniques ou prototypiques de la langue Ils

preacutesentent toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques propres aux verbes de la langue et leur sens est

pleinement lexical

En wolof le verbe preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes morphosyntaxiques qui lui sont propres Il

occupe une position speacutecifique dans les schegravemes de preacutedication verbale (sect 44) Dans une

subordonneacutee infinitive le verbe agrave linfinitif est immeacutediatement preacuteceacutedeacute de la marque de deacutependance

verbale =a (264a) De plus le verbe est le seul mot apte agrave porter les suffixes flexionnels de passeacute

(264b) et de neacutegation (264c) Enfin le verbe est le seul eacuteleacutement compatible avec un grand nombre

de suffixes de deacuterivation notamment le suffixe agentif -kat ou les suffixes de diathegravese (sect 34)

264) a Dama =ko beumlgg=a ji (Diouf 2003 97)

FOCVS1SG =O3SG vouloir=DV semer

lsquoJe veux la semerrsquo

b Dama dem-oon Faas (Diouf 2003 117)

FOCVS1SG partir-PAS Fegraves

lsquoJeacutetais alleacute agrave Fegravesrsquo

c Dama gis-ul Omar (Diouf 2009 70)

FOCVS1SG voir-NEG Omar

lsquoJe nai pas vu Omarrsquo

On peut identifier plusieurs types de verbes pleins Par exemple on peut distinguer les verbes

selon leur transitiviteacute (intransitif transitif ditransitif) Certains auteurs proposent eacutegalement de

- 301 -

distinguer les verbes daction (ou dactiviteacute) des verbes deacutetat Cette distinction repose

essentiellement sur une diffeacuterence de lecture temporelle etou aspectuelle de la construction

preacutedictive dans laquelle le verbe est inseacutereacute Cette typologie deacutepassant le cadre de ce travail nous

vous renvoyons agrave Church (1981 Ch 3) ou Robert (1991) pour une preacutesentation deacutetailleacutee152

82 Les verbes cateacutenatifs

Comme les verbes pleins les verbes cateacutenatifs preacutesentent toutes les proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques propres aux verbes de la langue et leur sens est pleinement lexical Ils sen

distinguent par leur capaciteacute de prendre soit un compleacutement nominal soit un compleacutement

phrastique speacutecifique (infinitif etou subjonctif-conseacutecutif)

En wolof on relegraveve trois types de compleacutements phrastiques les infinitives les compleacutetives au

subjonctif-conseacutecutif et les compleacutetives introduites par un compleacutementeur Dans les infinitives le

verbe preacutesente clairement une forme verbale deacuteclasseacutee (deranked verb form) cest-agrave-dire une forme

verbale qui ne peut pas apparaicirctre dans une proposition indeacutependante Dans les compleacutetives

introduites par un compleacutementeur le verbe preacutesente clairement une forme verbale eacutequilibreacutee

(balanced verb form) cest-agrave-dire une forme verbale qui peut apparaicirctre dans une proposition

indeacutependante Dans les compleacutetives au subjonctif-conseacutecutif le verbe preacutesente plutocirct une forme

verbale deacuteclasseacutee En effet le subjonctif-conseacutecutif est attesteacute dans des propositions indeacutependantes

mais son emploi est tregraves limiteacute Il est beaucoup plus freacutequent dans des propositions deacutependantes153

En nous basant sur la typologie des preacutedicats prenant un compleacutement phrastique proposeacutee par

Noonan (2007) nous pouvons distinguer diffeacuterents types de verbes cateacutenatifs en wolof Les verbes

modaux (265a-b) ainsi que les verbes de phase (266a-b) peuvent prendre un compleacutement

phrastique agrave linfinitif

265) a Dafay wis rekk meumln =nga[=a dem] (Diouf 2003 462)

FOCVS3SGIPF crachiner seulement pouvoir =PRFS2SG=DV partir

lsquoIl ne pleut que leacutegegraverement tu peux partirrsquo

152 Notons juste que ce quun grand nombre de langues expriment par un adjectif est exprimeacute en wolof par un typeparticulier de verbe deacutetat (Mc Laughlin 2004)

153 Pour une preacutesentation de lopposition derankingbalancing voir Cristofario (2003 54-60)

- 302 -

b War =nga[=a yar] sa doom =ji de (Diouf 2003 399)

devoir = PRFS2SG=DV eacuteduquer POSS2SG enfant =CLjDFPX EMPH

lsquoTu devrais vraiment eacuteduquer ton enfantrsquo

266) a Ndaw =sii yagravegg =na[=a jaay] gerte-caaf (Diouf 2003 145)

dame =CLsDEMPX durer =PRFS3SG=DV vendre cacahuegravete

lsquoCette dame vend des cacahuegravetes depuis longtempsrsquo

b Tagravembali =na[=a deacuteqi] gerte (Diouf 2003 473)

commencer = PRFS3SG=DV deacuteterrer arachide

lsquoA-t-il commenceacute agrave deacuteterrer les arachides rsquo

Les verbes deacutesideacuteratifs peuvent prendre un compleacutement phrastique agrave linfinitif (267a) ou une

compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif (267b)154

267) a Dama beumlgg[=a jubbanti tagravenku siis =bi] (Diouf 2003 175)

FOCVS1SG vouloir=DV redresser piedGEN chaise =CLbDFPX

lsquoJe veux redresser le pied de la chaisersquo

b Dama beumlgg [nga benn-bennal wax =ji] (Diouf 2003 67)

FOCVS1SG vouloir S2SG deacutetailler propos =CLjDFPX

lsquoJe veux que tu eacutenonces les propos point par pointrsquo

Les verbes de manipulation peuvent prendre une compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif (268a-b)

268) a Kantildentildeaan rekk =a tax [mu sagravenni =ko] (Diouf 2003 182)

jalousie seulement =FOCS causer S3SG jeter =O3SG

lsquoCest seulement par jalousie quil la jeteacutersquo

b Ku =la sant [nga def =ko] (Diouf 2003 533)

CLHUMSGREL =O2SG ordonner S2SG faire =O3SG

lsquoQui ta ordonneacute de faire ccedila rsquo

154 Les verbes modaux de phase et deacutesideacuteratifs peuvent donc prendre un compleacutement nominal ou un compleacutementphrastique agrave linfinitif Ainsi ils correspondent aux laquo verbes opeacuterateurs semi-primaires raquo et au second groupe delaquo verbes opeacuterateurs secondaires raquo selon la terminologie de Church (1981 Ch 4) ainsi quaux laquo verbes semi-auxiliaires raquo ou laquo verbes-opeacuterateurs raquo selon la terminologie de Dialo (1981a 15-17)

- 303 -

Les verbes de perception peuvent prendre une compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif (269a) ou

une compleacutetive introduite par un compleacutementeur (269b)

269) a Gis =naa =ko [mu lagravemboo ay sagar] (Diouf 2003 488)

voir =PRFS1SG =O3SG S3SG senvelopper IDFCLy haillon

lsquoJe lai vu qui seacutetait enveloppeacute de haillonsrsquo

b Gis =naa ne [jeumlnd =nga piis =bi] (Sall 2005 182)

voir =PRFS1SG que acheter =PRFS2SG tissu =CLbDFPX

lsquoJai vu que tu as acheteacute le tissursquo

Les verbes de connaissance (270a) les verbes dattitude propositionnelle (270b) ainsi que les

verbes deacutenonciation (270c) peuvent prendre une compleacutetive introduite par un compleacutementeur

270) a Dinga xam ne [man =nga digaaleel] (Diouf 2003 104)

FUTS2SG savoir COMP moi =FOCC2SG avoir_affaireAPPL

lsquoTu sauras que tu as affaire agrave moirsquo

b Defe =naa ne [dina dem] (Diouf 2003 96)

penser =PRFS1SG COMP FUTS3SG partir

lsquoJe pense quil partirarsquo

c Wax =na =ma ne [dafay tukki] (Sall 2005 124)

dire =PRFS3SG =O1SG COMP FOCVS3SGIPF voyager

lsquoIl ma dit quil voyagersquo

Les types de compleacutement phrastique en fonction du type de verbe en wolof sont reacutesumeacutes dans le

Tableau (81)155 On constate que les donneacutees du wolof respectent la hieacuterarchie de deacuteclassement du

compleacutement (Complement Deranking Hierarchy) eacutetablie par Cristofario (2003 125)

Verbes modaux Verbes de phase gt Verbes deacutesideacuteratifs Verbes de manipulation gt Verbes

de perception gt Verbes de connaissance Verbes dattitude propositionnelle Verbes

deacutenonciation

155 Dans le tableau INF = infinitives SUBJ = compleacutetives au subjonctif-conseacutecutif COMP = compleacutetives introduites parun compleacutementeur D = forme verbale deacuteclasseacutee Eacute = forme verbale eacutequilibreacutee

- 304 -

Selon Cristofario (2003 125) si une forme verbale deacuteclasseacutee est utiliseacutee avec un type de verbe

alors tous les verbes situeacutes plus haut dans la hieacuterarchie prennent eacutegalement une forme verbale

deacuteclasseacutee Cest exactement ce quon observe pour le wolof En effet les verbes dont lobjet est une

infinitive (forme verbale strictement deacuteclasseacutee) sont tout en haut de la hieacuterarchie Les verbes dont

lobjet est une compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif (forme verbale plutocirct deacuteclasseacutee) occupent une

position intermeacutediaire dans la hieacuterarchie Enfin les verbes dont lobjet est une compleacutetive introduite

par un compleacutementeur (forme verbale eacutequilibreacutee) sont tout en bas de la hieacuterarchie

Tableau 81 - Formes verbales des compleacutements phrastiques en wolof

Compleacutement phrastique FormeverbaleINF SUBJ COMP

Verbes modaux + ndash ndash D

Verbes de phase + ndash ndash D

Verbes deacutesideacuteratifs + + ndash D

Verbes de manipulation ndash + ndash D

Verbes de perception ndash + + DEacute

Verbes de connaissance ndash ndash + Eacute

Verbes dattitude propositionnelle ndash ndash + Eacute

Verbes deacutenonciation ndash ndash + Eacute

Par deacutefinition un verbe cateacutenatif peut prendre un compleacutement phrastique speacutecifique cest-agrave-dire

une infinitive ou une compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif Les formes verbales des compleacutetives

introduites par un compleacutementeur eacutetant des formes verbales eacutequilibreacutees les verbes prenant ce type

de compleacutement phrastique ne peuvent pas ecirctre consideacutereacutes comme des verbes cateacutenatifs Ainsi les

verbes cateacutenatifs du wolof sont des verbes modaux des verbes de phase des verbes deacutesideacuteratifs et

dans une certaine mesure des verbes de manipulation et des verbes de perception

83 Les verbes semi-auxiliaires

Comme les verbes cateacutenatifs les verbes semi-auxiliaires preacutesentent toutes les proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques propres aux verbes de la langue leur sens est pleinement lexical et ils ont la

capaciteacute de prendre un compleacutement phrastique speacutecifique (infinitif etou subjonctif-conseacutecutif)

Neacuteanmoins ils sen distinguent sur plusieurs points ils peuvent exprimer une cateacutegorie

grammaticale lieacutee au verbe ils peuvent preacutesenter un paradigme deacutefectif et ils ne peuvent

- 305 -

geacuteneacuteralement pas prendre un compleacutement nominal

En wolof il est assez difficile deacutetablir une cateacutegorie homogegravene de verbes semi-auxiliaire

Neacuteanmoins on peut ranger dans cette cateacutegorie tous les verbes devant obligatoirement prendre un

compleacutement phrastique agrave linfinitif Selon Church (1981 Ch 4) et Dialo (1981a 8-14) seuls trois

verbes sont dans ce cas faral sog xaw (271a-c)156 Notons que ces verbes expriment des

cateacutegories grammaticales identifieacutees dans les travaux typologiques Le verbe faral (avoir lhabitude

de) exprime lhabituel le verbe sog (venir de) exprime le passeacute proche et le verbe xaw (faillir)

exprime lavertif Par ailleurs le verbe sog est incompatible avec le parfait (Diouf 2009 185) il

preacutesente donc un paradigme deacutefectif

271) a Ndax dinga=y faral dem tefes (Diouf 2003 119)

est-ce_que FUTS2SG=IPF avoir_lhabitude partir plage

lsquoEst-ce que tu vas souvent agrave la plage rsquo

b Ndaje =ma=a ngi sog=a tagravembali (Diouf 2003 586)

reacuteunion =CLmDF=PRSTPX venir_de=DV commencer

lsquoLa reacuteunion vient de commencerrsquo

c Dama xaw=a sonn (Diouf 2003 383)

FOCVS1SG ecirctre_un_peu=DV ecirctre_fatigueacute

lsquoJe suis un peu fatigueacutersquo

Comme nous lavons vu en (sect 632) le verbe bantilde occupe une position intermeacutediaire entre les

verbes cateacutenatifs et les verbes auxiliaires Dans certains contextes le verbe bantilde a un sens lexical

(deacutetester craindre refuser) et peut prendre soit un compleacutement nominal (272a) soit un

compleacutement phrastique agrave linfinitif (272b) ou au subjonctif-conseacutecutif (272c)

272) a Maa bantilde [jigeacuteen ju jeacutedd] (Diouf 2003 163)

PRO1SGFOCS deacutetester femme CLjREL parler_fort

lsquoJai horreur dune femme qui a lhabitude de parler hautrsquo

156 Church (1981 39) ajoute eacutegalement mos (faire une fois) mais ce verbe est cateacutenatif puisquil peut prendre uncompleacutement nominal Church (1981 39) et Dialo (1981a 12) ajoutent aussi laata (avant de) mais ce mot doitplutocirct ecirctre analyseacute comme un adverbe

- 306 -

b Mbaam =mi =dafa bantilde[=a dem] (Diouf 2003 61)

acircne =CLmDFPX =FOCVS3SG refuser=DV partir

lsquoLacircne refuse de partirrsquo

c Dafa bantilde nga fagravette ko (Diouf 2003 61)

FOCVS3SG craindre S2SG oublier O2SG

lsquoIl craint que tu ne loubliesrsquo

Dans dautres contextes le verbe bantilde exprime une cateacutegorie grammaticale (neacutegation) est deacutefectif

(il est compatible uniquement avec le subjonctif-conseacutecutif le preacutesentatif et linfinitif) et prend

neacutecessairement un compleacutement phrastique agrave linfinitif (273a-b)

273) a Bind =ko ngir nga bantilde =ko=a fagravette (Diouf 2003 545)

eacutecrireIMPS2SG =O3SG pour S2SG NEG =O3SG=DV oublier

lsquoEacutecris-le pour ne pas loublierrsquo

b Bantilde=a fonk sa lagravekk ngecceel =la (Diouf 2003 251)

NEG=DV estimer POSS2SG langue complexe =FOCC

lsquoNe pas estimer sa langue est un complexe dinfeacuterioriteacutersquo

Ainsi le verbe bantilde peut ecirctre analyseacute comme un verbe semi-auxiliaire Neacuteanmoins le fait quil

soit inteacutegreacute au paradigme de conjugaison tend agrave le rapprocher des verbes auxiliaires

84 Les verbes auxiliaires

Contrairement aux autres types de verbes les verbes auxiliaires ne preacutesentent pas toutes les

proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Ils sont deacutefectifs et preacutesentent des idiosyncrasies

morphophonologiques ou combinatoires Ils doivent prendre un compleacutement phrastique speacutecifique

Ils ont une fonction essentiellement grammaticale Enfin ils sont inteacutegreacutes au paradigme de

conjugaison

En wolof un seul verbe peut clairement ecirctre analyseacute comme un verbe auxiliaire di Comme

nous lavons eacutevoqueacute en (sect 632) il doit prendre un compleacutement phrastique speacutecifique (infinitif) il

ne preacutesente pas toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe (absence de marque de

- 307 -

deacutependance verbale) il preacutesente des idiosyncrasies morphophonologiques (chute de la voyelle

finale) il a une fonction essentiellement grammaticale (imperfectif)157 et il est inteacutegreacute au paradigme

de conjugaison (274a-b)

274) a Dafa =leen di foacuteoxal (Diouf 2003 130)

FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer

lsquoIl les bluffersquo

b Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)

FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX

lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo

Comme nous lavons eacutevoqueacute en (sect 632) au parfait neacutegatif le marqueur de passeacute woon peut ecirctre

analyseacute comme un verbe auxiliaire En effet il preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes verbales il est deacutefectif

il a une fonction essentiellement grammaticale et il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison Ce

marqueur occupe la mecircme position que le verbe dans les compleacutements phrastiques agrave linfinitif

(275a-b) Nous proposons donc danalyser woon comme un eacuteleacutement dorigine affixal qui tend agrave

devenir un verbe auxiliaire apparaissant comme compleacutement infinitif du verbe lexical

275) a Soacuteoraale-wu-ma =ko =woon (Diouf 2003 488)

preacutevoir-PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS

lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo

b Meumln-u-ma =ko lekk su amul beumlgeumlj (Diouf 2003 66)

pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG manger si avoirNEG pureacutee_doseille

lsquoJe ne peux pas en manger sil nrsquoy a pas de pureacutee doseillersquo

Enfin comme nous lavons montreacute dans la section preacuteceacutedente le verbe bantilde est un verbe semi-

auxiliaire preacutesentant quelques caracteacuteristiques des verbes auxiliaires

85 Les marqueurs preacutedicatifs

Comme les verbes auxiliaires les marqueurs preacutedicatifs preacutesentent des idiosyncrasies

157 Neacuteanmoins il peut eacutegalement ecirctre utiliseacute comme copule (sect 321)

- 308 -

morphophonologiques ou combinatoires ils ont une fonction essentiellement grammaticale et ils

sont inteacutegreacutes au paradigme de conjugaison Neacuteanmoins agrave la diffeacuterence de tous les eacuteleacutements

preacutedicatifs que nous venons de voir les MP ne peuvent pas ecirctre analyseacutes comme des verbes et le

verbe avec lequel ils se combinent est fini

Comme nous lavons vu dans les sections preacuteceacutedentes en wolof les MP forment un amalgame

avec lindice sujet Cet amalgame preacutesente des idiosyncrasies morphophonologiques et

combinatoires Par ailleurs ils sont incompatibles avec les affixes verbaux Ainsi les eacuteleacutements a

a ng- la na (OPT) et bul sont clairement des MP Si lon considegravere que na (PRF) est un mot et non un

affixe alors il doit eacutegalement ecirctre analyseacute comme un MP Leacuteleacutement dafa est eacutegalement un MP

mais il preacutesente certaines proprieacuteteacutes verbales (il peut ecirctre seacutepareacute du verbe lexical par un adverbe) ce

qui permet de supposer une origine verbale

Agrave la diffeacuterence des autres MP les eacuteleacutements dina et du servent de support aux marqueurs de passeacute

et de neacutegation Cette particulariteacute sexplique par le fait quil sont en cours de grammaticalisation Ils

sont issus du verbe auxiliaire di au parfait ou au parfait neacutegatif

86 Les relativiseurs

Les relativiseurs ne constituent pas agrave proprement parler des eacuteleacutements preacutedicatifs Neacuteanmoins en

wolof ces eacuteleacutements preacutesentent plusieurs proprieacuteteacutes qui les rapprochent des marqueurs preacutedicatifs

Comme les MP (276a) le relativiseur forme un amalgame avec lindice sujet Ce pheacutenomegravene est

clairement visible avec le relativiseur non reacutefeacuterentiel et lindice 2SG (276b)

276) a Doo dem (Diouf 2003 183)

du-a dem

FUTNEG-S2SG partir

lsquoTu ne partiras pasrsquo

b Jeacuteego boo defhellip (Diouf 2003 164)

jeacuteego bu-a def

pas CLbREL-S2SG faire

lsquoChaque pas que tu faishelliprsquo

- 309 -

Le relativiseur occupe une position morphosyntaxique identique agrave celle du MP dans plusieurs

constructions preacutedicatives (277a-b) Ainsi le relativiseur se place avant le verbe Lindice sujet et

lobjet pronominal se placent entre le relativiseur et le verbe (278a) et si le sujet est lexical et lobjet

est pronominal alors lobjet se place avant le sujet (278b)

277) a Jeumlkkeumlr ju baax [=la-a =ko yeacuteene] (Diouf 2003 571)

mari CLjREL ecirctre_bon =FOCC-S1SG =O3SG souhaiter

lsquoJe lui souhaite un bon marirsquo

b Ci teumlsteumln [=la =ko pont =bi jam] (Diouf 2003 343)

PREPPX talon =FOCC =O3SG pointe =CLbDFPX piquer

lsquoCest au talon que la pointe la piqueacutersquo

278) a [Lu =ma =ko wax] mu suufental =ko (Diouf 2003 527)

CLCHSGREL =S1SG =O3SG dire S3SG minimiser =O3SG

lsquoTout ce que je lui dis il le minimisersquo

b Yelloo =nga [li =la sa jeumlkkeumlr defal] (Diouf 2003 559)

meacuteriter =PRFS2SG CLCHSGDFPX =o2SG POSS2SG eacutepoux faireBEN

lsquoTu es digne de ce que ton eacutepoux a fait pour toirsquo

La place du marqueur de la voix impersonnelle permet eacutegalement de rapprocher le relativiseur

des eacuteleacutements preacutedicatifs Comme nous lavons vu en (sect 43) le marqueur -ees se suffixe au verbe au

parfait (279a) samalgame avec le MP de la focalisation du compleacutement (279b) ou samalgame

avec le relativiseur dans les relatives (279c) Comme le MP la le relativiseur perd sa voyelle finale

en samalgamant avec -ees Ainsi on pourrait expliquer le placement du marqueur de la voix

impersonnelle de la maniegravere suivante il se suffixe au premier eacuteleacutement preacutedicatif (au sens large

incluant les relativiseurs) de la proposition

279) a Xam=ees =na =ko (Creissels et al 2015 64)

savoir=IMPS =PRF =O3SG

lsquoOn sait ccedilarsquo

- 310 -

b Noonu =l=ees di doxale (Creissels et al 2015 64)

CLMNRDEMPX =FOCC=IMPS IPF marcherCAUSAPPL

lsquoCest ainsi que lon procegravedersquo

c L=ees wax-ul (Diouf 2003 199)

CLCHSGREL=IMPS dire-NEG

lsquoCe quon na pas ditrsquo

Enfin les relativiseurs sont en distribution compleacutementaire avec les MP En effet aucun MP ne

peut apparaicirctre dans une proposition relative et les constructions agrave MP sont neacutecessairement des

propositions indeacutependantes ou des compleacutetives introduites par un compleacutementeur

87 Compleacutementeur et quotatif

En wolof le verbe ne (dire) a un comportement particulier En effet il preacutesente une des

idiosyncrasies morphophonologiques du verbe auxiliaire di (280a) agrave savoir la chute de la voyelle

finale en preacutesence du suffixe de passeacute (280b)

280) a Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)

FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX

lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo

b Dafa n-oon du dem (Diouf 2003 211)

FOCVS3SG dire-PAS FUTNEGS3SG partir

lsquoIl avait dit quil nirait pasrsquo

Par ailleurs contrairement aux autres verbes deacutenonciation (281a) la compleacutetive compleacutetant le

verbe ne nest pas introduite par un compleacutementeur (281b)

281) a Wax =na =ma ne dafay tukki (Sall 2005 124)

dire =PRFS3SG =O1SG COMP FOCVS3SGIPF voyager

lsquoIl ma dit quil voyagersquo

- 311 -

b Ne =nantildeu =ma Oslash danu juuyoo (Diouf 2003 178)

dire =PRFS3PL =O1SG FOCVS1PL se_manquer

lsquoOn ma dit que nous nous sommes manqueacutesrsquo

Cette absence de compleacutementeur dans la compleacutetive est lieacutee au fait que le compleacutementeur ne est

issu de la grammaticalisation du verbe ne (Sall 2005 125-136) En plus de lhomophonie des deux

formes la prosodie teacutemoigne eacutegalement de lorigine verbale de ce compleacutementeur En effet du

point de vue intonatif le compleacutementeur ne appartient agrave la proposition principale (282a) alors que

les autres subordonnants appartiennent agrave la subordonneacutee (282b) (Sall 2005 129)

282) a Xam =naa ne dina dem (Sall 2005 129)

savoir =PRFS1SG COMP FUTS3SG partir

lsquoJe sais quil partirarsquo

b Damay laajte ndax dina dem (Sall 2005 129)

FOCVS1SGIPF demander si FUTS3SG partir

lsquoJe me demande sil partirarsquo

Lexistence dun verbe deacutenonciation particulier nest pas speacutecifique au wolof En effet dans de

nombreuses langues un verbe deacutenonciation de sens geacuteneacuterique se speacutecialise comme quotatif

(introducteur de discours) (Heine amp Kuteva 2002 261-265) Par exemple en tswana le verbe re

(dire) fonctionne comme quotatif (283a) et son infinitif gore fonctionne comme compleacutementeur

(283b) (Creissels 2006b 258)

283) a Lorato o rile Kitso o tsile (Creissels 2006b 258)

Lorato S3SG direPRF Kitso S3SG venirPRF

lsquoLorato a dit que Kitso est venursquo

b Lorato o re boleletse gore Kitso o tsile (Creissels 2006b 258)

Lorato S3SG O1PL raconterPRF direINF Kitso S3SG venirPRF

lsquoLorato nous a raconteacute que Kitso eacutetait venursquo

On peut supposer que le wolof preacutesente une structure similaire agrave celle du tswana Le

compleacutementeur ne correspondrait donc agrave linfinitif du verbe deacutenonciation ne Comme nous lavons

- 312 -

vu en (sect 243) et contrairement au tswana le verbe ne porte aucune marque de linfinitif en wolof

La seule marque pouvant ecirctre rapprocheacutee dune marque dinfinitif est la marque de deacutependance

verbale Or cette marque est un clitique rattacheacute au mot preacuteceacutedant le verbe agrave linfinitif et elle est

parfois omise surtout en wolof veacutehiculaire De plus on constate quavec le verbe auxiliaire di elle

napparaicirct jamais Son absence avant ne ne remet donc pas en cause lhypothegravese selon laquelle ce

compleacutementeur est issu de la grammaticalisation du verbe ne (dire) agrave linfinitif

88 Synthegravese

En wolof nous pouvons identifier les eacuteleacutements preacutedicatifs suivants verbes pleins verbes

cateacutenatifs verbes semi-auxiliaires verbes auxiliaires et marqueurs preacutedicatifs Nous pouvons

eacutegalement ajouter les relativiseurs qui bien que neacutetant pas des eacuteleacutements preacutedicatifs au sens strict

partagent plusieurs caracteacuteristiques avec les MP

On peut distinguer les eacuteleacutements preacutedicatifs selon leur caractegravere plusmn verbal Les eacuteleacutements [+ Verbe]

se caracteacuterisent par leur capaciteacute agrave porter les suffixes de passeacute et de neacutegation et agrave prendre un

compleacutement nominal etou un compleacutement phrastique agrave linfinitif Les eacuteleacutements [ndash Verbe] se

caracteacuterisent par leur capaciteacute agrave servir de support agrave lindice sujet et agrave se combiner avec un verbe

fini La classification des eacuteleacutements preacutedicatifs selon ce critegravere est reacutesumeacutee dans le Tableau (82)

Tableau 82 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn verbe]

Verbeplein

Verbecateacutenatif

Verbesemi-

auxiliaire

Verbeauxiliaire

Marqueurpreacutedicatif

Relativiseur

Suffixe passeacute + + + + ndash ndash

Suffixe neacutegation + + + + ndash ndash

+ compleacutement nominal + + ndash ndash ndash ndash

+ infinitif ndash + + + ndash ndash

+ verbe fini ndash ndash ndash ndash + +

Indice sujet ndash ndash ndash ndash + +

Statut + Verbe ndash Verbe

On peut eacutegalement distinguer les eacuteleacutements preacutedicatifs selon leur caractegravere plusmn auxiliaire Les

eacuteleacutements [+ Auxiliaire] sont inteacutegreacutes au paradigme de conjugaison sont deacutefectifs expriment une

cateacutegorie grammaticale et sont deacutenueacutes de sens lexical Par opposition les eacuteleacutements [ndash Auxiliaire] ne

- 313 -

sont pas inteacutegreacutes agrave la conjugaison nexpriment pas de cateacutegorie grammaticale mais ont un sens

lexical La classification des eacuteleacutements preacutedicatifs selon ce critegravere est reacutesumeacutee dans le Tableau (83)

Les verbes semi-auxiliaires constituent des cas limites En effet ils peuvent preacutesenter certaines

caracteacuteristiques des auxiliaires Le cas des relativiseurs est discutable En effet comme les

auxiliaires ils sont deacutefectifs (ils sont incompatibles avec les MP) ils sont deacutenueacutes de sens lexical et

dans une certaine mesure on peut consideacuterer quils expriment une cateacutegorie grammaticale (la

relativisation) En revanche ils ne sont pas agrave proprement parler laquo inteacutegreacutes raquo au paradigme de

conjugaison Ils sont en distribution compleacutementaire avec les MP ce qui pourrait laisser supposer

quils constituent un tiroir verbal speacutecifique Neacuteanmoins ils apparaissent uniquement dans un type

speacutecifique de subordonneacutee (les relatives) ce qui met agrave mal cette analyse Dun point de vue formel

et selon la deacutefinition des laquo auxiliaires raquo que nous avons adopteacutee les relativiseurs peuvent ecirctre

analyseacutes comme des auxiliaires en wolof Cependant dun point de vue typologique cette analyse

est discutable Comme nous lavons vu en (sect 244) les relativiseurs sont des joncteurs ce qui

signifie quils ont pour fonction de repreacutesenter le nom de domaine dans la subordonneacutee De plus ils

portent une marque de classe nominale Ainsi ces deux caracteacuteristiques tendent plutocirct agrave les

rapprocher des pronoms

Tableau 83 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn auxiliaire]

Verbeplein

Verbecateacutenatif

Verbesemi-

auxiliaire

Verbeauxiliaire

Marqueurpreacutedicatif

Relativiseur

Deacutefectif ndash ndash plusmn + + + ()

Inteacutegration agrave la conjugaison ndash ndash plusmn + + plusmn ()

Sens lexical + + + ndash ndash ndash

Cateacutegorie grammaticale ndash ndash plusmn + + plusmn ()

Statut ndash Auxiliaire + Auxiliaire

Enfin les quatre types de verbes se distinguent essentiellement selon le type de compleacutement

quils peuvent prendre Ainsi les verbes pleins prennent un compleacutement nominal (sauf les verbes

intransitifs) Les verbes cateacutenatifs prennent soit un compleacutement nominal soit un compleacutement

phrastique agrave linfinitif preacuteceacutedeacute de la marque de deacutependance verbale Les verbes semi-auxiliaires

prennent neacutecessairement un compleacutement phrastique agrave linfinitif preacuteceacutedeacute de la marque de deacutependance

verbale Les verbes auxiliaires prennent neacutecessairement un compleacutement phrastique agrave linfinitif mais

pas la marque de deacutependance verbale

- 314 -

Tableau 84 - Typologie des verbes en wolof

Verbeplein

Verbecateacutenatif

Verbesemi-auxiliaire

Verbeauxiliaire

Compleacutement nominal plusmn + ndash ndash

Compleacutement phrastique agrave linfinitif ndash + + +

Marque de deacutependance verbale (ndash) + + ndash

- 315 -

- 316 -

CCHAPITREHAPITRE 9 - 9 - TTYPOLOGIEYPOLOGIE DESDES

MARQUEURSMARQUEURS PREacuteDICATIFSPREacuteDICATIFS

Nous avons preacutesenteacute les marqueurs preacutedicatifs (MP) comme des eacuteleacutements non verbaux qui ont

une fonction dauxiliaire Ainsi un MP est un eacuteleacutement preacutedicatif autonome qui se combine avec un

lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe (temps aspect mode

polariteacute etc) Il ne preacutesente aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes il peut preacutesenter des

idiosyncrasies morphophonologiques ou combinatoires le verbe avec lequel il se combine est fini

il a une fonction exclusivement grammaticale et il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison Selon

Creissels (2006a 168) un MP est laquo un eacuteleacutement grammatical neacutecessaire agrave la preacutedication verbale

[qui] bien que non attacheacute au verbe nest pas reconnaissable de maniegravere aussi eacutevidente comme verbe

auxiliaire et les donneacutees comparatives confirment quil nest pas neacutecessairement dorigine verbale raquo

Les MP sont donc des mots grammaticaux exprimant des distinctions seacutemantiques que la plupart

des langues encodent agrave travers la morphologie verbale Selon Creissels et al (2008 103) les MP

sont attesteacutes dans deux laquo groupes raquo de langues africaines en Afrique de lOuest ils sont freacutequents

dans les langues preacutesentant un ordre SOVX (ce qui inclut des langues kru kwa gur mandeacute et

songhay) en Afrique de lEst ils sont freacutequents dans plusieurs branches de la famille couchitique

Ce type de marqueurs est eacutegalement attesteacute hors du continent africain On en trouve entre autres

dans des langues austroasiatiques comme le vietnamien (Brunelle 2015 944-945) des langues

malayo-polyneacutesiennes comme le tahitien (Lazard amp Peltzer 2000 205) des langues maya comme

le yukatek (Tozzer 1977 43-48) des creacuteoles agrave base portugaise comme le casamanccedilais (Biagui

2012 158-164) et le capverdien (Quint 2000a 235-266) des creacuteoles agrave base franccedilaise comme le

creacuteole haiumltien (Spears 1990) ou des creacuteoles agrave base anglaise comme le aku (Abourizk 1986)

Les MP sont donc attesteacutes dans un assez grand nombre de langues notamment africaines Malgreacute

cet eacutetat de fait il nexiste pas agrave notre connaissance de typologie geacuteneacuterale pour ce type de

marqueurs Selon nous deux raisons peuvent expliquer cette absence la diversiteacute des MP et le

poids des diffeacuterentes traditions descriptives En effet dune langue agrave lautre ces marqueurs ont des

formes fonctions et origines assez variables ce qui peut constituer un frein pour la comparaison

typologique (sect 93) Par ailleurs les choix notamment terminologiques faits par les diverses

- 317 -

traditions descriptives peuvent parfois masquer des similitudes typologiques entre diffeacuterentes

langues (sect 91)

91 Problegravemes terminologiques

Il nexiste pas deacutetiquette communeacutement accepteacutee par la typologie linguistique ou la linguistique

geacuteneacuterale pour deacutesigner ce que nous appelons laquo marqueur preacutedicatif raquo Il ne sagit pas uniquement

dun problegraveme terminologique Comme le note Creissels (1991 301) ces marqueurs laquo ne

correspondent (hellip) agrave aucune notion de la nomenclature grammaticale traditionnelle raquo Ainsi cette

absence deacutetiquette nest que la conseacutequence de labsence de reconnaissance (ou didentification)

dune cateacutegorie translinguistique

Dune langue agrave lautre ou parfois pour la mecircme langue dune description agrave lautre ces marqueurs

vont recevoir des eacutetiquettes assez diverses On peut identifier deux choix terminologiques Soit

lauteur opte pour une eacutetiquette assez geacuteneacuterale utilisant des termes de la nomenclature grammaticale

traditionnelle soit il propose une eacutetiquette idiosyncrasique plus ou moins transparente De fait quel

que soit le choix retenu aucune des eacutetiquettes attesteacutees dans la litteacuterature ne nous semble vraiment

convenir pour deacutesigner cette partie du discours Toutes sont susceptibles de geacuteneacuterer des

malentendus en raison notamment des diffeacuterences terminologiques entre les diverses traditions

descriptives etou eacutecoles theacuteoriques

Plusieurs auteurs ayant opteacute pour une eacutetiquette plutocirct transparente utilisent le terme laquo particule raquo

Par exemple Faye amp Mous (2006) utilise leacutetiquette laquo particule raquo pour le sereer Quint (2000a 235)

et Biagui (2012 158) utilisent leacutetiquette laquo particule verbale raquo pour le capverdien et le casamanccedilais

et Tozzer (1977 43-48) utilise leacutetiquette laquo particule temporelle raquo (time particle) pour le maya

yukatek Cependant ces choix ne fournissent aucune indication sur la cateacutegorie lexicale de ces

mots En effet le terme laquo particule raquo est geacuteneacuteralement utiliseacute pour deacutesigner diffeacuterentes classes de

mots invariables geacuteneacuteralement courts ayant parfois le statut de clitique158 et nappartenant agrave aucune

des parties du discours traditionnelles (Matthews 2007 289) Cette deacutefinition est relativement

proche de celle proposeacutee par Jespersen (1924 87-90) Pour cet auteur la classe des particules

regroupe tous les mots invariables de la langue cest-agrave-dire les adverbes les preacutepositions les

conjonctions et les interjections Cette classe peut donc ecirctre deacutefinie neacutegativement comme celle qui

rassemble les mots neacutetant ni des substantifs ni des adjectifs ni des pronoms ni des verbes

158 Pour la question du lien entre clitiques et particules voir notamment Zwicky (1985b)

- 318 -

(Jespersen 1924 91) Par ailleurs leacutetiquette laquo particule verbale raquo est une source potentielle de

malentendus En effet dans la tradition descriptive de langlais elle deacutesigne le second eacuteleacutement des

phrasal verbs (Matthews 2007 289 Schachter amp Shopen 2007 44-45) dont la fonction est

radicalement diffeacuterente des laquo particules verbales raquo des creacuteoles afroportugais du Cap-Vert et de

Casamance

Le terme le plus freacutequemment utiliseacute dans la litteacuterature est laquo marqueur raquo Ainsi les speacutecialistes

des langues mandeacute parlent de laquo marqueur preacutedicatif raquo (Vydrine 1999 88-89 Creissels amp Sambou

2013 66-70 Khachaturyan 2011) les speacutecialistes du songhay de laquo marqueur mode-aspect-

neacutegation raquo159 (Heath 1999 154 Christiansen-Bolli 2010 74) et Mohamadou (2012 42) de

laquo marqueur modal raquo pour le pulaar Leacutetiquette laquo marqueur TAM raquo est utiliseacutee par Bassegravene (2006

116) pour le joola banjal Lefebvre amp Brousseau (2002 89-102) pour le fongbe ou encore Brunelle

(2015 944-945) pour le vietnamien Cependant le terme laquo marqueur raquo preacutesente un inconveacutenient

majeur il ne donne aucune information sur le statut morphosyntaxique de leacuteleacutement en question Il

sagit dun terme ayant un sens tregraves large deacutesignant tout eacuteleacutement qui reacutealise une cateacutegorie Il peut

donc aussi bien renvoyer agrave un mot un clitique un affixe ou mecircme une uniteacute suprasegmentale

Enfin certains auteurs ont opteacute pour un terme idiosyncrasique cest-agrave-dire non issu de la

nomenclature grammaticale traditionnelle Par exemple les speacutecialistes des langues couchitiques

comme Mous (2005) utilisent le terme laquo seacutelecteur raquo Diouf (2009 147-151) propose le terme

laquo modalisateur raquo pour le wolof et Lazard amp Peltzer (2000 205) utilisent le terme laquo preacutedicateur raquo

pour le tahitien Ce type de choix preacutesente lavantage de montrer que ces eacuteleacutements appartiennent

tous agrave une seule et mecircme cateacutegorie lexicale speacutecifique Cependant les eacutetiquettes retenues sont

relativement peu transparentes mais surtout elles varient dune langue (ou dun auteur) agrave lautre Par

conseacutequent on pourrait croire que chacune de ces eacutetiquettes idiosyncrasiques renvoie agrave une

cateacutegorie idiosyncrasique cest-agrave-dire agrave une cateacutegorie propre agrave une seule langue ou famille de

langues Or selon nous il sagit de la mecircme laquo partie du discours raquo dans toutes ces langues quelque

soit leacutetiquette retenue

Nous consideacuterons que les marqueurs preacutedicatifs forment ce que Croft (2000 95) appelle une

laquo partie du discours universelle raquo Croft (2000 65) rejette le point de vue couramment admis en

typologie linguistique selon lequel laquo nom raquo laquo verbe raquo etc sont des cateacutegories propres agrave certaines

langues mais ne sont pas des universaux du langage puisquils ne sont pas attesteacutes dans toutes les

langues Il deacutefend une position radicalement opposeacutee laquo nom raquo laquo verbe raquo etc ne sont pas des

cateacutegories propres agrave certaines langues mais sont des universaux du langage Selon Croft (2000

159 mood-aspect-negation marker ou MAN marker

- 319 -

85) les cateacutegories dune langue sont deacuteduites de ses constructions ces derniegraveres eacutetant propres agrave

chaque langue les cateacutegories le sont eacutegalement Neacuteanmoins si les constructions sont propres agrave

chaque langue elles preacutesentent des proprieacuteteacutes formelles comparables agrave celles dautres langues (Croft

2000 95) Ces comparaisons permettent de mettre en lumiegravere des universaux du langage qui ne

doivent pas ecirctre vus comme des cateacutegories absolues mais plutocirct comme des laquo modegraveles de variation

translinguistiques raquo (cross-linguistic patterns of variation) ou plus preacuteciseacutement des prototypes

(Croft 2000 90)

Pour conclure aucune des eacutetiquettes proposeacutees ne nous semble convenir pour deacutesigner cette

partie du discours Neacuteanmoins proposer une eacuteniegraveme eacutetiquette ne ferait quaccroicirctre le problegraveme

terminologique Aussi nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo marqueur preacutedicatif raquo pour deux raisons

Premiegraverement il sagit du terme traditionnellement employeacute dans la linguistique des langues mandeacute

Ce terme est donc connu des africanistes et des typologues travaillant sur les langues dAfrique de

lOuest Deuxiegravemement il sagit du terme retenu par Creissels (2006a 168) dans un ouvrage qui

constitue la principale reacutefeacuterence en langue franccedilaise pour la typologie syntaxique Il nous semble

donc opportun de favoriser la peacuterennisation de ce terme en typologie linguistique

92 La typologie des seacutelecteurs de Mous (2005)

Comme nous lavons vu les MP sont attesteacutes dans de nombreuses langues Cependant agrave notre

connaissance aucun auteur na proposeacute de typologie pour ce type de marqueurs agrave lexception de

Mous (2005) Dans cet article lauteur propose une typologie deacutetailleacutee des marqueurs preacutedicatifs

(quil nomme seacutelecteurs) des langues couchitiques Lobjectif de Mous (2005) nest pas de proposer

une typologie geacuteneacuterale directement utilisable pour toutes les langues mais plutocirct de rendre compte

des proprieacuteteacutes et de la diversiteacute des MP des langues couchitiques Neacuteanmoins sa deacutemarche est

explicitement typologique et na pas pour but de fournir des hypothegraveses de reconstruction (Mous

2005 303) De plus la plupart des critegraveres proposeacutes sont de fait applicables agrave des langues

nappartenant pas agrave la famille couchitique Ainsi si la typologie de Mous (2005) ne constitue pas

une typologie geacuteneacuterale des MP elle constitue neacuteanmoins le point de deacutepart incontournable pour

leacutelaboration dune telle typologie

La typologie proposeacutee par Mous (2005) repose essentiellement sur lidentification des cateacutegories

grammaticales exprimeacutees par ou sur le marqueur preacutedicatif

- 320 -

Tableau 91 - Cateacutegories pouvant ecirctre exprimeacutees par des MP dans la typologie de Mous (2005)

Cateacutegorie Rocircle du MP Distinctions

Type de phrase Deacutetermine le type de propositionPrincipale SubordonneacuteeIndeacutependante Deacutependante

Mode Porte des distinctions modales Neacutegation Prohibitif Interrogatif

Focus Marque le focusFocus NeutreFOCV FOCA

Sujet Porte lindice sujet1-2-3 SG PLMasculin Feacuteminin

Sujetimpersonnel

Porte le sujet impersonnel -

Objet Porte lindice objet1-2-3 SG PLMasculin FeacutemininDirect Indirect

CasPorte une marque indiquant le cas dun eacuteleacutement de la phrase

Datif Ablatif Instrumentalhellip

Deixis Porte des marques de direction Hors vers le centre deacuteictique

TempsAspect Porte des marques de tempsaspect 160

En plus de ces critegraveres cateacutegoriels Mous (2005) utilise eacutegalement plusieurs critegraveres relatifs agrave la

position des diffeacuterents eacuteleacutements dans la phrase Ainsi il note que dans certaines langues la position

du MP exprimant le focus nest pas fixe dans ces langues la position du marqueur indique la

porteacutee du focus (Mous 2005 307) Par ailleurs la position des marques personnelles est aussi un

critegravere pertinent En fonction des langues lindice sujet peut soit ecirctre suffixeacute (ou postposeacute) au MP

soit se confondre avec le MP (Mous 2005 313-314) Enfin le fait que le MP et le verbe puisse ou

non ecirctre seacutepareacutes par un objet est eacutegalement un critegravere pertinent (Mous 2005 316) En revanche la

position du sujet lexical nest pas pertinente En effet agrave de tregraves rares exceptions pregraves le sujet lexical

preacutecegravede toujours le MP

En appliquant ces diffeacuterents critegraveres aux langues couchitiques Mous (2005 321-322) relegraveve

plusieurs tendances typologiques dont deux sont particuliegraverement nettes En premier lieu il

apparaicirct que la principale fonction des MP est dexprimer des informations relatives agrave la structure

informationnelle En effet dans presque toutes les langues de la famille le MP exprime la

focalisation etou sert agrave deacuteterminer le type de proposition (certains types eacutetant en partie relieacutes avec

la structure informationnelle) Deuxiegravemement le sujet est presque toujours exprimeacute sur le MP

160 Mous (2005) ne deacutetaille pas les distinctions de temps et daspect exprimeacutees par ou sur les MP

- 321 -

93 Eacutebauche dune typologie des marqueurs preacutedicatifs

Afin deacutetablir une typologie geacuteneacuterale des MP rigoureuse il serait neacutecessaire de proceacuteder agrave une

comparaison systeacutematique de ce type de marqueurs dans un eacutechantillon de langues repreacutesentatif

cest-agrave-dire dans un grand nombre de langues issues du plus grand nombre de familles possible

Leacutelaboration dune telle typologie deacutepasse largement le cadre de ce travail Aussi nous preacutesentons

uniquement une eacutebauche de typologie baseacutee sur un nombre restreint de langues wolof (atlantique-

nord) joola banjal (atlantique-centre) mandinka (mandingue mandeacute-ouest161) mano (mandeacute-

sud175) yorugravebaacute (deacutefoiumlde) koyra chiini (songhay nilo-saharien) somali (couchitique) tahitien

(malayo-polyneacutesien) cap-verdien et casamanccedilais (creacuteoles afroportugais) haiumltien (creacuteole franccedilais) et

aku (creacuteole anglais)

Les MP sont des eacuteleacutements non verbaux exprimant une cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe

Neacuteanmoins dune langue agrave lautre les MP ont des formes fonctions et origines assez variables La

comparaison des MP des langues eacutevoqueacutees plus haut nous permet de proposer une typologie

permettant de rendre compte de cette diversiteacute Nous avons identifieacute sept critegraveres permettant de

distinguer les MP organisation neacutecessiteacute cateacutegories exprimeacutees position forme statut

morphosyntaxique et origine

931 Organisation

Par laquo organisation raquo nous faisons reacutefeacuterence agrave la distribution des MP ainsi que le rapport entre les

diffeacuterents MP de la langue Nous pouvons distinguer deux types de configuration

bull Systegraveme dopposition Les MP sorganisent dans un systegraveme dopposition paradigmatique

cest-agrave-dire quune proposition ne peut contenir quun seul MP agrave la fois

bull Systegraveme dadjonction Les MP sont indeacutependants les uns des autres une proposition peut

contenir plusieurs MP simultaneacutement

Le systegraveme dopposition est attesteacute dans plusieurs langues appartenant agrave diverses familles Cest

notamment le cas des laquo marqueurs preacutedicatifs raquo du mandinka (Creissels amp Sambou 2013 66-70)

des laquo marqueurs preacutedicatifs pronominaux raquo du mano (Khachaturyan 2011) des laquo marqueurs TAM raquo

du joola banjal (Bassegravene 2006 139-140) ou des laquo particules aspectuelles raquo du tahitien (Lazard amp

Peltzer 2000 27-32)

161 Selon la classification de Vydrine (2009)

- 322 -

En revanche aucune langue ne preacutesente un systegraveme dadjonction stricto sensu En effet les MP

ne sont jamais tous indeacutependants les uns des autres Il existe toujours des incompatibiliteacutes entre

certains MP Cependant dans la plupart des cas il semble plutocirct sagir dincompatibiliteacutes

seacutemantiques et non dune opposition paradigmatique Par exemple en aku plusieurs MP peuvent

apparaicirctre simultaneacutement dans la mecircme proposition (284a) (Abourizk 1986 25-47) Les quelques

cas dincompatibiliteacutes semblent clairement relever de la seacutemantique ainsi bin (PAS) ne peut pas se

combiner avec go (FUT) On retrouve une configuration assez similaire en haiumltien (Spears 1990

124) en capverdien (Quint 2003 245) ou en yorugravebaacute (284b) (Sachnine 2014 146)

284) a Aku

I bin fo de r nɔ evri dej (Abourizk 1986 41)

3SG PAS OBLIG IPF courir tous jours

lsquoIl aurait ducirc courir tous les joursrsquo

b Yorugravebaacute

Yoacuteograve ti maacutea sugraven (Sachnine 2014 157)

3SGFUT PRF INGR dormir

lsquoIl aura commenceacute agrave dormirrsquo

Lorsque lon cherche agrave deacuteterminer le type dorganisation des MP le cas des marqueurs de

neacutegation est relativement probleacutematique Dans certaines langues les marqueurs de neacutegation

appartiennent clairement au mecircme paradigme que les MP Cest notamment le cas en mandinka ougrave

laquo les marqueurs preacutedicatifs vont par couples selon une opposition positif vs neacutegatif mais il nest

pas possible disoler dans leur forme un eacuteleacutement qui veacutehiculerait la valeur aspecto-modale et un

autre qui exprimerait speacutecifiquement la distinction positif vs neacutegatif raquo (Creissels amp Sambou 2013

66) Les marqueurs de neacutegation sont donc pleinement inteacutegreacutes au systegraveme dopposition

Tableau 92 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en mandinka

Positif Neacutegatif

Accompli-statif162 yeacute ~ ŋaacute maacuteŋ

Inaccompli kaacute ~ kariacute ~ kaliacute buacuteka ~ muacuteka

Potentiel siacute ~ seacute na

Subjonctif yeacute ~ ŋaacute kaacutena

162 En mandinka la transitiviteacute a un impact sur la forme du marqueur de laccompli-statif Pour des raisons de lisibiliteacutenous avons uniquement indiqueacute la forme apparaissant dans les constructions transitives

- 323 -

Dans dautres langues preacutesentant un systegraveme dopposition les marqueurs de neacutegation ne sont que

partiellement inteacutegreacutes agrave ce systegraveme Cest notamment le cas du koyra chiini ougrave agrave chaque MP positif

correspond un MP neacutegatif sauf au subjonctif Pour ce tiroir verbal la marque de neacutegation

(identique agrave la marque dimperfectif neacutegatif) sajoute agrave la marque de subjonctif (Heath 1999 155)

Cette langue preacutesente donc un systegraveme laquo mixte raquo adjonction pour le subjonctif opposition pour le

reste du systegraveme

Tableau 93 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en koyra chiini

Positif Neacutegatif

Perfectif Oslash na

Imperfectif o ~ go si

Subjonctif ma ma si

Dans plusieurs langues preacutesentant un systegraveme dadjonction le marqueur de neacutegation sajoute aux

MP De plus il semble preacutesenter les mecircmes proprieacuteteacutes morphosyntaxiques que les MP Neacuteanmoins

on constate quil occupe geacuteneacuteralement une position particuliegravere Par exemple en aku le marqueur de

neacutegation no apparaicirct avant tous les MP (284a-b) (Abourizk 1986 47) On retrouve une

configuration similaire en capverdien (Quint 2003 249) ou en yorugravebaacute (Sachnine 2014 147)

285) Aku

a A no bin de ple (Abourizk 1986 31)

1SG NEG PAS IPF jouer

lsquoJe neacutetais pas en train de jouerrsquo

b A no go d nɔ ple (Abourizk 1986 31)

1SG NEG FUT PRF jouer

lsquoJe naurai pas fini de jouerrsquo

932 Neacutecessiteacute

Par laquo neacutecessiteacute raquo nous faisons reacutefeacuterence agrave la preacutesence dun MP dans les propositions verbales

Nous pouvons distinguer deux types de configuration

bull Obligatoire Toutes les propositions verbales doivent contenir un MP sauf cas restreints

- 324 -

marqueacutes

bull Possible Certaines propositions verbales ne contiennent pas de MP il sagit geacuteneacuteralement

des propositions les moins marqueacutees

Le caractegravere obligatoire des MP est attesteacute dans plusieurs langues appartenant agrave diverses

familles Cest notamment ce quon observe en mandinka (et en mandingue en geacuteneacuteral) laquo dans les

phrases indeacutependantes assertives ou interrogatives le verbe est obligatoirement accompagneacute dun

marqueur preacutedicatif raquo (Creissels amp Sambou 2013 66) Les seuls cas dabsence de MP concernent

des types de propositions marqueacutees (non assertif etou deacutependant) comme par exemple les

propositions agrave limpeacuteratif (Creissels amp Sambou 2013 75-76) On observe une situation similaire en

mano (Khachaturyan 2011 19) en somali (Saeed 1999 183-208) en haoussa (Caron 1991 144)

ou en tahitien (Lazard amp Peltzer 2000 31-32)

Dans dautres langues le MP nest pas un eacuteleacutement obligatoire des propositions verbales Par

exemple en koyra chiini les propositions agrave lindicatif perfectif positive ne contiennent aucun MP

(Heath 1999 155) On observe une situation similaire en aku (Abourizk 1986 14-15) en haiumltien

(Spears 1990 124) en casamanccedilais (Biagui 2012 158-159) en capverdien (Quint 2000a 238) ou

en yorugravebaacute (Sachnine 2014 147) Ainsi dans ces langues les propositions sans MP constituent les

propositions les moins marqueacutees Cette caracteacuteristique les distingue nettement des langues deacutecrites

plus haut ougrave les propositions sans MP constituent les propositions les plus marqueacutees

Enfin dans dautres langues le MP nest pas un eacuteleacutement obligatoire des propositions verbales

mais les propositions sans MP ne constituent pas les propositions les moins marqueacutees Dans ces

langues les MP sont en distribution compleacutementaire avec des marqueurs TAM morphologiquement

lieacutes au verbe Cest notamment le cas du joola banjal Dans cette langue certaines cateacutegories

verbales sont exprimeacutees par des MP alors que dautres sont exprimeacutees par des processus

morphologiques (affixes ou reacuteduplication) (Bassegravene 2006 116-136) La construction ne preacutesentant

aucun marqueur est le narratif attesteacutee uniquement dans des propositions deacutependantes (Bassegravene

2006 119-120)

933 Cateacutegories exprimeacutees

Selon la langue consideacutereacutee les MP expriment diffeacuterents types de cateacutegories Il peut sagir de

cateacutegories relevant du temps de laspect du mode de la structure informationnelle ou de la

modaliteacute eacutenonciative

- 325 -

Plusieurs langues expriment des distinctions temporelles via les marqueurs preacutedicatifs En aku le

MP bin exprime le passeacute et go exprime le futur (Abourizk 1986 19-21) En haiumltien le MP te

exprime le passeacute et ap et va peuvent ecirctre analyseacutes comme des marqueurs de futur (Spears 1990

120-125) En haoussa le MP zacirca exprime le futur (Caron 1991 147) En yorugravebaacute le MP yoacuteograve

exprime le futur (Sachnine 2014 151-154) En revanche dans dautres langues le marqueur de

passeacute nappartient clairement pas au paradigme des MP Cest notamment le cas du suffixe de passeacute

-ba en capverdien (Quint 2000a 229) ou du marqueur de passeacute nǔŋ en mandinka (Creissels amp

Sambou 2013 82-83)

Lexpression de distinctions aspectuelles via les marqueurs preacutedicatifs est attesteacutee dans un grand

nombre de langues En haoussa (Caron 1991 147) en koyra chiini (Heath 1999 155) en

mandinka (Creissels amp Sambou 2013 67) et en yorugravebaacute (Sachnine 2014 147) lopposition

perfectifimperfectif est exprimeacutee via les MP En capverdien le MP ta exprime lhabituel et sata

exprime le progressif (Quint 2000a 235-240) On trouve des MP de valeur similaire en

casamanccedilais (Biagui 2012 163) Tous les MP du tahitien expriment des valeurs aspectuelles

(Lazard amp Peltzer 2000 27-31)

Quelques langues expriment des cateacutegories relevant du mode notamment deacuteontique par des

marqueurs preacutedicatifs En aku lobligation et la possibiliteacute sont exprimeacutees par des MP (Abourizk

1986 32-35) Cest eacutegalement le cas du potentiel en capverdien (Quint 2000a 240) et de loptatif

et du potentiel en somali (Saeed 1999 119)

Lexpression de distinctions relevant de la structure informationnelle via les marqueurs

preacutedicatifs est attesteacutee dans plusieurs langues couchitiques (Mous 2005 309-313) Par exemple en

somali les MP bagravea et ayagravea marquent la focalisation dun argument et waa est traditionnellement

analyseacute comme un marqueur de focalisation du verbe (Saeed 1999 230) En revanche dans

dautres langues les marqueurs de focalisation nappartiennent clairement pas au paradigme des MP

Cest notamment le cas du marqueur le en mandinka (Creissels amp Sambou 2013 419) du marqueur

na en koyra chiini (Heath 1999 166-174) ou du marqueur ki~ku en casamanccedilais (Biagui 2012

295-301)

Lexpression via les marqueurs preacutedicatifs de distinctions relevant de la modaliteacute eacutenonciative

est eacutegalement attesteacutee dans plusieurs langues couchitiques (Mous 2005 308-309) Par exemple le

somali dispose dun MP ma utiliseacute pour marquer les propositions interrogatives opposeacute au MP waa

qui peut ecirctre analyseacute comme le marqueur des propositions deacuteclaratives (Saeed 1999 119) En

revanche dans la plupart des autres langues que nous avons eacutetudieacutees la modaliteacute eacutenonciative nest

- 326 -

pas exprimeacutee par les MP

Enfin comme nous lavons vu en (sect 931) le cas de la polariteacute est plus probleacutematique La

neacutegation semble ecirctre une cateacutegorie pouvant ecirctre exprimeacutee par un MP mais pas de la mecircme faccedilon

que les cateacutegories relevant du temps de laspect du mode de la structure informationnelle ou de la

modaliteacute eacutenonciative En effet dans aucune des langues que nous avons eacutetudieacutees il nexiste de MP

exprimant exclusivement la neacutegation Dans les langues preacutesentant un strict systegraveme dopposition

comme le mandinka les MP neacutegatifs portent eacutegalement des valeurs TAM Dans les langues

preacutesentant un systegraveme laquo mixte raquo comme le koyra chiini soit les MP neacutegatifs portent eacutegalement des

valeurs TAM soit le marqueur de neacutegation vient sajouter agrave un MP et ne semble donc pas appartenir

au mecircme paradigme Dans les langues preacutesentant un systegraveme dadjonction comme le aku le

marqueur de neacutegation occupe geacuteneacuteralement une position particuliegravere et ne semble donc pas non plus

appartenir au mecircme paradigme

934 Position

Par laquo position raquo nous faisons reacutefeacuterence agrave la place occupeacutee par le MP au sein de la proposition

Dans un premier temps nous pouvons distinguer deux types de configuration

bull Fixe Tous les MP occupent toujours la mecircme position dans la proposition

bull Variable La position du MP varie soit en fonction du MP consideacutereacute soit en fonction du

type de proposition

Ensuite nous pouvons identifier la position absolue (initiale finale seconde) ou relative

(preacuteverbale postverbale etc) des MP

Dans un grand nombre de langues les MP ont une position fixe preacuteverbale geacuteneacuteralement entre

le sujet et le verbe Cest notamment ce quon observe en koyra chiini (Heath 1999 155) en yorugravebaacute

(Sachnine 2014 146) en aku (Abourizk 1986) ou en haiumltien (Spears 1990) Cest eacutegalement ce

quon observe en mandinka ougrave le MP occupe toujours la mecircme place dans le schegraveme de preacutedication

verbale S p (O) V (X) (286a) Neacuteanmoins dans cette langue une des cellules du paradigme de

conjugaison preacutesente un schegraveme diffeacuterent Agrave laccompli-statif positif intransitif le marqueur TAM

nest pas un MP mais un suffixe verbal (286b)

- 327 -

286) Mandinka

a Diacutendiacuteŋ-o-lu ka kiacutebiacuteri (Creissels amp Sambou 2013 60)

enfant-DET-PL IPF faire_du_tapage

lsquoLes enfants font du tapagersquo

b Diacutendiacuteŋ-o-lu kiacutebiacuteri-ta (Creissels amp Sambou 2013 60)

enfant-DET-PL faire_du_tapage-PF

lsquoLes enfants ont fait du tapagersquo

Dans dautres langues ougrave les MP ont une position fixe ces derniers se situent en position initiale

preacuteceacutedant le verbe et le sujet Cest notamment ce quon observe en tahitien (Lazard amp Peltzer

2000 27-31) ou en joola banjal (Bassegravene 2006 117)

Dans certaines langues on observe des variations dans la place du MP selon la construction Par

exemple en haoussa le marqueur de limperfectif nagravea se place immeacutediatement apregraves le pronom

sujet alors que le marqueur du futur zacirca se place avant le pronom sujet (Caron 1991 146-147) De

mecircme en capverdien les MP se placent entre le sujet et le verbe agrave lexception de dja qui se place

avant le pronom sujet (Quint 2000a 235-240) Dans les langues ougrave les MP expriment des valeurs

lieacutees agrave la structure informationnelle la position du MP varie en fonction de leacuteleacutement focaliseacute (Mous

2005 310-313)

935 Forme

Par laquo forme raquo nous faisons reacutefeacuterence agrave la structure morphologique des MP Nous pouvons

distinguer trois types de forme

bull Invariable La forme du MP est toujours la mecircme

bull Contextuelle La forme du MP varie en fonction du contexte morphophonologique

bull Complexe Le MP forme un amalgame avec un autre eacuteleacutement

Les MP invariables sont attesteacutes dans plusieurs langues appartenant agrave diverses familles Cest

notamment le cas en aku (Abourizk 1986) en tahitien (Lazard amp Peltzer 2000 124-142) en

casamanccedilais (Biagui 2012 158-163) ou en yorugravebaacute (Sachnine 2014 146-161)

Dans certaines langues le MP subit des modifications morphophonologiques en fonction du

- 328 -

contexte En haiumltien le choix de lallomorphe du MP deacutepend du verbe quil preacutecegravede (Spears 1990

120-121) En mandinka on observe des variations dans le ton des MP en fonction du contexte

(Creissels amp Sambou 2013 53-54) De plus le MP de laccompli-statif yeacute a une variante ŋaacute

lorsquil est preacuteceacutedeacute par une nasale (Creissels amp Sambou 2013 70)

Enfin dans plusieurs langues le MP forme un amalgame avec un autre eacuteleacutement geacuteneacuteralement un

pronom sujet Cest notamment le cas en mano (Khachaturyan 2011) en somali (Saeed 1999 35-

37) en haoussa (Caron 1991 144) ou du marqueur dja en capverdien (Quint 2000a 165)

936 Statut morphosyntaxique

A priori nous pouvons distinguer deux types de statut morphosyntaxique pour le MP clitique

ou mot plein Dans les langues que nous avons eacutetudieacutees aucun MP ne semble pouvoir ecirctre analyseacute

comme un mot plein En effet soit lauteur preacutesente explicitement les MP comme des clitiques

(Creissels amp Sambou 2013 53 Khachaturyan 2011 19) soit il naborde pas la question du statut

morphosyntaxique de ces eacuteleacutements

Dun point de vue typologique le fait que les MP soient plutocirct des clitiques nest pas surprenant

En effet les MP sont des mots grammaticaux exprimant des distinctions seacutemantiques que la plupart

des langues encodent agrave travers la morphologie verbale On peut donc supposer que ces eacuteleacutements

tendent agrave se grammaticaliser en affixes de flexion verbale Ils perdent progressivement leur

autonomie phonologique (devenant ainsi des clitiques) avant de perdre leur autonomie

morphosyntaxique (Hopper amp Traugott 2003 143)

937 Origine

Peu de descriptions fournissent des informations concernant lorigine des MP En consultant les

quelques reacutefeacuterences qui abordent cette question on constate que selon la langue consideacutereacutee les MP

ont des origines diverses Un MP peut ecirctre issu de la grammaticalisation dun verbe dun adverbe

ou encore dune adposition

En capverdien certains MP ont une origine verbale En effet le marqueur de lhabituel ta est issu

du verbe portugais estar (ecirctre) et le marqueur du potentiel al est issu du verbe haver (avoir) (Quint

2000a 257-258) Dautres ont une origine adverbiale comme le marqueur dja issu de ladverbe

portugais jaacute (deacutejagrave) (Quint 2000a 261) En casamanccedilais le marqueur ta a vraisemblablement la

- 329 -

mecircme origine verbale quen capverdien alors que le marqueur dimperfectif na semble ecirctre issu du

portugais na amalgame de la preacuteposition em et de larticle deacutefini feacuteminin a (Rougeacute 2004 212) En

mandinka le marqueur de linaccompli kaacute est vraisemblablement issu de la grammaticalisation du

verbe kariacute ~ kaliacute (faire quelque chose de faccedilon habituelle) (Creissels amp Sambou 2013 67) alors

que le marqueur de laccompli-statif yeacute est issu de la postposition homonyme (Creissels 1997)

94 Les marqueurs preacutedicatifs du wolof

Selon notre typologie nous pouvons caracteacuteriser les MP du wolof de la maniegravere suivante

Organisation En wolof les MP sorganisent dans un systegraveme dopposition paradigmatique une

proposition ne peut contenir quun seul MP agrave la fois Les marqueurs de neacutegation ne sont que

partiellement et tregraves marginalement inteacutegreacutes agrave ce systegraveme Seules deux constructions preacutedicatives

(futur et optatif) disposent dun MP neacutegatif suppleacutetif (sect 312) Dans toutes les autres constructions

lexpression de la neacutegation est hors du paradigme des MP Selon ce critegravere le wolof pourrait ecirctre

rapprocheacute du koyra chiini ou dans une moindre mesure des langues mandeacute

Neacutecessiteacute En wolof toutes les propositions verbales doivent contenir un MP Les seuls cas

dabsence de MP concernent des types de propositions marqueacutees comme par exemple les

propositions au Subjonctif-Conseacutecutif ou agrave lImpeacuteratif Selon ce critegravere le wolof pourrait ecirctre

rapprocheacute des langues mandeacute du somali du haoussa ou du tahitien

Cateacutegories exprimeacutees En wolof les MP expriment des cateacutegories relevant du temps (futur) de

laspect (parfait) du mode (optatif) ou de la structure informationnelle (preacutesentatif focalisation du

sujet du compleacutement du verbe) Lutilisation des MP dans lexpression de la focalisation tend agrave

rapprocher le wolof des langues couchitiques

Position En wolof la position MP nest pas fixe mais varie en fonction de la construction

preacutedicative Neacuteanmoins on note que la plupart des MP occupe une position preacuteverbale soit entre le

sujet et le verbe soit en tecircte de proposition (sect 44) Selon ce critegravere le wolof pourrait ecirctre rapprocheacute

des langues couchitiques ou du haoussa

Forme En wolof le MP forme un amalgame avec le pronom sujet Selon ce critegravere le wolof

pourrait ecirctre rapprocheacute du mano du somali ou du haoussa

Statut morphosyntaxique En wolof les MP sont des clitiques (sect 516)

- 330 -

Origine En wolof deux MP ont vraisemblablement une origine verbale (dina dafa) mais tous les

autres ont une origine indeacutetermineacutee (sect 631)

Pour conclure selon les critegraveres que nous avons retenus les MP du wolof sont typologiquement

assez proches des MP des langues couchitiques En effet on constate des similitudes concernant la

neacutecessiteacute les cateacutegories exprimeacutees la position et la forme Malgreacute une proximiteacute geacuteographique le

rapprochement avec les langues mandeacute est moins eacutevident On retrouve assez peu de similitudes si

ce nest la neacutecessiteacute et dans une moindre mesure lorganisation et pour certaines langues mandeacute la

forme

- 331 -

- 332 -

CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE II II

En wolof les constructions preacutedicatives agrave MP preacutesentent clairement des caracteacuteristiques de

seacutequences syntaxiques (syntagmes) et ne peuvent donc pas ecirctre consideacutereacutees comme des uniteacutes

relevant de la morphologie (mots) En effet les proprieacuteteacutes des MP permettent de les analyser

comme des clitiques et non comme des affixes Ainsi on constate que la plupart des cellules du

paradigme de conjugaison sont occupeacutees par une construction syntaxique constitueacutee dau moins

deux mots

Leacutetude du paradigme de conjugaison nous permet didentifier douze peacuteriphrases flexionnelles

cest-agrave-dire douze constructions syntaxiques qui servent agrave lexpression de membres dune opposition

paradigmatique dont un autre membre au moins est exprimeacute par un mot fleacutechi Focalisation du

sujet Preacutesentatif Focalisation du compleacutement Focalisation du verbe Futur Futur neacutegatif Optatif

Prohibitif Parfait Imperfectif Neacutegation agrave verbe auxiliaire Passeacute clitique

Ces constructions ne constituent pas un ensemble homogegravene Nous avons eacutetabli une typologie de

ces constructions en nous appuyant sur deux critegraveres le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique des

membres de la construction et linteacutegration des constructions au paradigme flexionnel Selon ces

critegraveres les constructions agrave MP peuvent clairement ecirctre analyseacutees comme des peacuteriphrases

flexionnelles Parmi ces constructions le parfait constitue un cas limite puisquil est plutocirct

syntheacutetique La neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent eacutegalement ecirctre analyseacutes

comme des peacuteriphrases Neacuteanmoins le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique tend agrave montrer quelles

sont respectivement quasi-analytique et quasi-syntheacutetique Enfin limperfectif est une construction

quasi-analytique preacutesentant certaines caracteacuteristiques des peacuteriphrases flexionnelles De plus elle

correspond agrave la deacutefinition typologique de la peacuteriphrase puisquil sagit dune construction

syntaxique reacutealisant une proprieacuteteacute consideacutereacutee comme typiquement flexionnelle

Les peacuteriphrases flexionnelles du wolof nous servent de base empirique pour proposer une

nouvelle approche de la notion dauxiliaire Dans la litteacuterature trois types de deacutefinition ont eacuteteacute

proposeacutes pour cette notion cateacutegorielle(s) fonctionnelle et panchronique Les donneacutees du wolof et

dautres langues dAfrique (notamment mandeacute) nous permettent de mettre en eacutevidence les

avantages ainsi que les limites de ces deacutefinitions Lanalyse critique ainsi que la confrontation aux

donneacutees de ces deacutefinitions nous amegravenent agrave privileacutegier dans une perspective typologique une

- 333 -

approche laquo fonctionnelle raquo des auxiliaires eacuteleacutement preacutedicatif autonome inteacutegreacute au paradigme de

conjugaison qui se combine avec un lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie grammaticale lieacutee

au verbe Ainsi suivant cette deacutefinition les douze peacuteriphrases flexionnelles que nous avons

identifieacutees en wolof peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des constructions agrave auxiliaire

En nous basant sur Anderson (2006) nous proposons une typologie des patrons flexionnels du

wolof La tecircte seacutemantique des constructions agrave auxiliaire du wolof est le verbe lexical La tecircte

syntaxique est lauxiliaire sauf pour limperfectif et le passeacute clitique ougrave la tecircte syntaxique est plutocirct

le verbe lexical La tecircte flexionnelle nest pas la mecircme dans toutes les constructions Ainsi dans les

constructions focalisantes et au parfait certaines marques flexionnelles sont porteacutees par lauxiliaire

alors que dautres sont porteacutees par le verbe lexical ces constructions preacutesentent donc un patron

scindeacute Au passeacute clitique le verbe lexical porte toutes les marques flexionnelles cette construction

preacutesente donc un patron agrave tecircte lexicale Dans toutes les autres constructions lauxiliaire porte toutes

les marques flexionnelles ces constructions preacutesentent donc un patron agrave tecircte auxiliaire

En nous appuyant sur notre deacutefinition fonctionnelle nous proposons une typologie des eacuteleacutements

preacutedicatifs Verbe plein Verbe cateacutenatif Verbe semi-auxiliaire Verbe auxiliaire Marqueur

preacutedicatif Notre typologie peut ecirctre rapprocheacutee de celle proposeacutee par Heine (1993) Cependant elle

sen eacuteloigne sur ses principes La typologie de Heine correspond au deacutecoupage dune chaicircne de

grammaticalisation alors que notre typologie ne tient pas compte de la diachronie mais repose sur

des critegraveres morphosyntaxiques et seacutemantiques synchroniques En appliquant cette typologie on

constate quen wolof tous les types deacuteleacutements preacutedicatifs sont attesteacutes Par ailleurs dans cette

langue les relativiseurs constituent des cas limites En effet bien que neacutetant pas des eacuteleacutements

preacutedicatifs au sens strict on constate quils partagent plusieurs caracteacuteristiques avec les MP

Les MP cest-agrave-dire les auxiliaires non verbaux ne sont pas propres au wolof Ce type deacuteleacutements

preacutedicatifs est attesteacute dans un assez grand nombre de langues notamment africaines Malgreacute cet eacutetat

de fait il nexiste pas agrave notre connaissance de typologie des MP La seule exception notable est la

typologie proposeacutee par Mous (2005) pour les MP des langues couchitiques Dune maniegravere geacuteneacuterale

on ne dispose actuellement daucune eacutetude typologique dune certaine ampleur consacreacutee aux MP

La diversiteacute des eacutetiquettes attesteacutees dans la litteacuterature pour deacutesigner les MP illustre cette quasi

absence de consideacuteration typologique Il ne sagit pas uniquement dun problegraveme terminologique

Comme le note Creissels (1991 301) ces marqueurs laquo ne correspondent (hellip) agrave aucune notion de la

nomenclature grammaticale traditionnelle raquo Ainsi cette absence deacutetiquette nest que la

conseacutequence de labsence de reconnaissance (ou didentification) dune cateacutegorie translinguistique

- 334 -

ou plutocirct de labsence de creacuteation dun concept comparatif approprieacute

En nous appuyant sur la typologie de Mous (2005) et agrave partir de donneacutees issues dun nombre

restreint de langues nous proposons une eacutebauche de typologie geacuteneacuterale des MP Nous avons

identifieacute sept critegraveres distinctifs pertinents pour leacutelaboration dune typologie des MP organisation

neacutecessiteacute cateacutegories exprimeacutees position forme statut morphosyntaxique et origine Cette premiegravere

typologie nest quune eacutebauche Afin deacutetablir une typologie geacuteneacuterale des MP rigoureuse il sera

neacutecessaire de proceacuteder agrave une comparaison systeacutematique de ce type de marqueurs dans un

eacutechantillon de langues repreacutesentatif

- 335 -

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PARTIE IIIPARTIE III

LORGANISATION DU SYSTEgraveMELORGANISATION DU SYSTEgraveME

DE PREacuteDICATION VERBALEDE PREacuteDICATION VERBALE

DU WOLOFDU WOLOF

Lobjectif de cette partie est de proposer une analyse de lorganisation des constructions verbales

du wolof Comme nous lavons vu dans la Partie I la conjugaison du wolof sarticule autour dun

nombre limiteacute de constructions preacutedicatives Chacune de ces constructions correspond agrave un tiroir

verbal Elles encodent diffeacuterents types de cateacutegories grammaticales (focalisation modaliteacute parfait

futur) En plus de lexpression de ces distinctions les constructions preacutedicatives ont par deacutefaut une

valeur de perfectif non-passeacute et non-neacutegatif Ainsi pour exprimer limperfectif le passeacute ou la

neacutegation il est neacutecessaire dajouter un auxiliaire ou un affixe verbal agrave la construction preacutedicative

En tenant compte de tous ces eacuteleacutements le paradigmes des verbes du wolof peut ecirctre repreacutesenteacute

sous la forme dun tableau de conjugaison ougrave chaque ligne correspond agrave une construction

preacutedicative (ou agrave un tiroir verbal) (sect 14) Cette analyse preacutesente lavantage de rendre compte de

lopposition des constructions preacutedicatives et de prendre en compte toutes les possibiliteacutes offertes

par la conjugaison de la langue Cependant elle tend eacutegalement agrave occulter certains eacuteleacutements

factuels Elle ne permet pas de rendre compte des diffeacuterences dans lordre des eacuteleacutements selon la

construction preacutedicative consideacutereacutee Elle ne permet pas non plus de rendre compte des proximiteacutes

formelles de certaines constructions Enfin elle ne permet pas dexpliquer lopposition entre

certaines constructions preacutedicatives alors quaucune contrainte seacutemantique ne semble sy opposer

Nous consideacuterons que les constructions preacutedicatives ne peuvent pas ecirctre toutes placeacutees au mecircme

niveau Certains regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et

diffeacuterences entre constructions Les constructions preacutedicatives sorganisent au sein dun reacuteseau

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hieacuterarchiseacute Par ailleurs certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du

wolof peuvent sexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie Les caracteacuteristiques idiosyncrasiques en

synchronie peuvent ecirctre analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant

entraicircneacute une restructuration du reacuteseau

Cette partie est organiseacutee comme suit Dans le Chapitre 10 nous preacutesentons lapproche

constructionnelle de larchitecture des langues Lobjectif de ce chapitre est de preacutesenter les

eacuteleacutements pertinents pour appreacutehender notre travail la faccedilon dont les constructions sorganisent les

types de relation quelles entretiennent entre elles et linfluence de la diachronie sur lorganisation

actuelle des constructions Les chapitres suivants preacutesentent lorganisation des constructions

verbales du wolof Le Chapitre 11 traite des constructions agrave verbe auxiliaire Le Chapitre 12 traite

des constructions agrave extraction (constructions focalisantes et Relatif) Dans le Chapitre 13 nous

proposons une hypothegravese de polygrammaticalisation permettant de rendre compte des similitudes

formelles du Parfait du Futur et de lOptatif Le Chapitre 14 traite des constructions neacutegatives Dans

le Chapitre 15 nous nous appuyons sur la notion de laquo finitude raquo pour rendre compte des similitudes

formelles et fonctionnelles du Subjonctif-Conseacutecutif et de lInfinitif Enfin nous concluons cette

partie en preacutesentant le reacuteseau des constructions verbales du wolof163

163 Dans cette partie les noms des constructions commencent par une majuscule les tiroirs verbaux et cateacutegoriescommencent par une minuscule

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CCHAPITREHAPITRE 10 - 10 - AAPPROCHEPPROCHE CONSTRUCTIONNELLECONSTRUCTIONNELLE

DEDE LLARCHITECTUREARCHITECTURE DESDES LANGUESLANGUES

Les constructions dune langue ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes

indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute dinformations (Goldberg 1995 5) Il

convient donc de sinterroger sur la faccedilon dont les constructions sorganisent sur les relations

quelles entretiennent entre elles ainsi que sur linfluence de la diachronie sur lorganisation actuelle

des constructions

101 Repreacutesentation des constructions

Comme nous lavons signaleacute dans lintroduction (sect 0225) il nexiste pas de mode de

repreacutesentation uniforme des constructions qui soit commun agrave toutes les grammaires de construction

Dans ce travail nous nutilisons pas de formalisation similaire agrave celle utiliseacutee par lEacutecole de

Berkeley Ce mode de repreacutesentation est difficilement utilisable lorsquon souhaite rendre compte

des liens diachroniques entre les constructions Nous avons deacutecideacute de repreacutesenter les constructions

sous la forme dune liste de traits caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit donc pas de formalisation

mais plutocirct de repreacutesentation syntheacutetique Les scheacutemas que nous preacutesentons ont pour unique but de

donner une vision globale et syntheacutetique des reacuteseaux de constructions

102 Les principes cognitifs

Larchitecture dune langue est baseacutee sur plusieurs principes cognitifs ou principes

psychologiques pertinents (Goldberg 1995 67 Guignard 2012 52)

Principe de motivation Si la forme dune construction C1 est lieacutee agrave celle dune construction C2

alors ce lien est motiveacute proportionnellement au degreacute de correspondance de sens qui lie C1 et C2

(Haiman 1985 71 Goldberg 1995 67 Guignard 2012 53-57)

Corollaire Plus il y a de proprieacuteteacutes communes entre C1 et C2 plus la motivation de C2 est grande

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(Lakoff 1987 464 Guignard 2012 56) Ce principe permet dexpliquer les relations dheacuteritage

entre les constructions (sect 103)

Principe de non synonymie Si la forme dune construction C1 diffegravere de celle dune construction

C2 alors le sens de C1 doit eacutegalement diffeacuterer de celui de C2 (Haiman 1985 19 Goldberg 1995

67 Guignard 2012 57-59) Ce principe correspond agrave lhypothegravese geacuteneacuteralement admise selon

laquelle la synonymie absolue nexiste pas et donc que toute synonymie est neacutecessairement

partielle (Nyckees 1998 181)

Principe dexpressiviteacute maximale Linventaire des constructions doit ecirctre maximiseacute pour la

communication (Goldberg 1995 67 Guignard 2012 59)

Principe deacuteconomie Le nombre de constructions distinctes doit ecirctre minimiseacute en tenant compte

du principe dexpressiviteacute maximale (Goldberg 1995 67-68 Guignard 2012 60) Ainsi

linventaire des constructions dune langue reacutesulte dun eacutequilibre entre les principes dexpressiviteacute

maximale et deacuteconomie (Goldberg 1995 69)

103 Les liens dheacuteritage entre les constructions

Comme nous lavons eacutevoqueacute plus haut le principe de motivation constitue la base des relations

entre les constructions (Goldberg 1995 69-72) Le concept de laquo motivation raquo a eacuteteacute introduit par

Saussure (1916 180-184) afin de nuancer le caractegravere arbitraire du signe linguistique

laquo Tout ce qui a trait agrave la langue en tant que systegraveme demande cest notre conviction agrave ecirctre

abordeacute de ce point de vue qui ne retient guegravere les linguistes la limitation de larbitraire

Cest la meilleure base possible En effet tout le systegraveme de la langue repose sur le principe

irrationnel de larbitraire du signe qui appliqueacute sans restriction aboutirait agrave la complication

suprecircme mais lesprit reacuteussit agrave introduire un principe dordre et de reacutegulariteacute dans

certaines parties de la masse des signes et cest lagrave le rocircle du relativement motiveacute raquo

En sappuyant sur la deacutefinition de Lakoff (1987) Goldberg (1995 72-73) pose que les relations

de motivation peuvent ecirctre appreacutehendeacutees par des liens dheacuteritage (L) une construction C1 motive

une construction C2 si et seulement si C2 heacuterite de caracteacuteristiques de C1 (Figure 101164) la

construction C1 eacutetant plus scheacutematique que la construction C2

164 Cette figure est une adaptation de la Figure (31) de Goldberg (1995 73)

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Figure 101 - Heacuteritage entre constructions

Il convient de noter quune construction peut heacuteriter des caracteacuteristiques de plusieurs

constructions (Figure 102) (Goldberg 1995 97-98) Par exemple en franccedilais la construction laquo il

ne court pas raquo est linstance dau moins deux constructions laquo SUJ VINTR raquo et laquo ne V pas raquo (Croft

2001 26)

Figure 102 - Heacuteritage multiple

Flickinger et al (1985) distinguent le mode dheacuteritage complet du mode dheacuteritage normal Le

premier mode implique quune construction C1 heacuterite de toutes les caracteacuteristiques des constructions

qui la motivent Ce mode utiliseacute dans la Grammaire de Construction (Kay amp Fillmore 1999

Mathieu 2003) est agrave rapprocher du meacutecanisme dunification utiliseacute dans divers cadres formels

appeleacutes laquo grammaires dunification raquo (Abeilleacute 2007) Ce mode dheacuteritage pose deux problegravemes pour

une analyse constructionnelle il est trop restrictif ne permet pas dexception et induit donc une

relation de laquo tout ou rien raquo entre les constructions (Croft amp Cruse 2004 271) certaines

constructions peuvent ne pas ecirctre des paires forme-sens ce qui est en contradiction avec la

deacutefinition du concept de laquo construction raquo tel que nous lavons adopteacute dans ce travail Ainsi suivant

Goldberg (1995 73-74) nous adoptons le mode dheacuteritage normal qui permet les exceptions En

effet ce mode implique quune construction C1 heacuterite des caracteacuteristiques des constructions qui la

motivent sauf si ces derniegraveres entrent en conflit avec les caracteacuteristiques propres de C1

Goldberg (1995 74-81) distingue quatre types de liens dheacuteritage le lien dinstanciation le lien

de sous-partie le lien de polyseacutemie et le lien dextension meacutetaphorique

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Construction C1

Construction C2

motivation L

Construction C1

Construction C3

Construction C2

L L

Lien dInstanciation (LI) Cest le lien qui permet de relier une construction scheacutematique agrave une

construction plus speacutecifieacutee La construction C2 est une instance de la construction C1 si et seulement

si C2 est plus speacutecifieacutee que C1 (Figure 103) Par exemple en franccedilais la construction laquo SUJ

travailler raquo est une instanciation de la construction intransitive165 Les liens dinstanciation

constituent les liens dheacuteritage fondamentaux certains auteurs considegraverent uniquement ces liens

dans leur description de lorganisation du savoir constructionnel (Croft 2001 25-29 Croft amp Cruse

2004 262-265)

Lien de Sous-partie (LS) Cest le lien qui est poseacute lorsquune construction indeacutependante constitue

une sous-partie dune autre construction La forme et le sens de C2 sont partiellement heacuteriteacutes de C1

(Figure 104) Par exemple en franccedilais la forme et le sens de la construction intransitive de

mouvement (ex La bouteille roule sur la table) sont des sous-parties de la forme et du sens de la

Construction Mouvement Provoqueacute (ex Jean roule la bouteille sur la table)

Figure 103 - Lien dInstanciation Figure 104 - Lien de Sous-partie

Lien de Polyseacutemie (LP) Cest le lien qui permet de relier les diffeacuterents sens attacheacutes agrave une forme

polyseacutemique La forme de C2 est directement heacuteriteacutee de C1 et le sens de C2 est une extension du

sens de C1 consideacutereacute comme le sens central (Figure 105) Par exemple en franccedilais la construction

agrave verbe de refus (ex Jean refuse un gacircteau agrave Marie) est syntaxiquement identique agrave la construction

ditransitive (ex Jean donne un gacircteau agrave Marie) et son sens est une extension de celui de cette

derniegravere

Lien dextension Meacutetaphorique (LM) Cest le lien qui est poseacute lorsque le sens dune construction

constitue une extension meacutetaphorique dune autre La forme de C2 est directement heacuteriteacutee de C1 et

165 Les exemples sont emprunteacutes ou adapteacutes de Goldberg (1995 74-81)

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instanciation LI

Forme A

Sens A

Forme a

Sens a

C1

C2

heacuteritage partiel

LS

Forme A-B-C

Sens A-B-C

Forme B-C

Sens B-C

C1

C2

le sens de C2 est une extension meacutetaphorique du sens de C1 consideacutereacute comme le sens central

(Figure 106) Par exemple en anglais la construction reacutesultative (ex Joe kicked Bob black and

blue) est syntaxiquement identique agrave la construction de mouvement provoqueacute (ex Joe kicked the

bottle into the yard) et son sens est une extension meacutetaphorique de celui de cette derniegravere

Figure 105 - Lien de Polyseacutemie Figure 106 - Lien dextension Meacutetaphorique

104 Larchitecture de la langue

La notion de laquo reacuteseau raquo constitue la base de larchitecture En effet dans chaque langue les

constructions sorganisent en reacuteseaux hieacuterarchiseacutes (Goldberg 2003 222) Chaque construction

constitue un nœud indeacutependant au sein de ces reacuteseaux (Croft 2001 25 Croft amp Cruse 2004 262

Langacker 2008 237) et chaque lien dheacuteritage constitue une branche Par exemple les

propositions du franccedilais constituent un reacuteseau comprenant les constructions scheacutematiques laquo SUJ

VINTR raquo et laquo SUJ VTR OBJ raquo qui dominent des constructions plus speacutecifieacutees telles que laquo SUJ courir raquo

ou laquo SUJ prendre OBJ raquo qui elles-mecircmes dominent des constructions plus speacutecifieacutees pouvant ecirctre

soit des idiotismes laquo SUJ prendre son pied raquo soit de simples instances laquo SUJ prendre des notes raquo

(Figure 107166)

166 Cette figure est une adaptation de la Figure (111) de Croft (2001 26)

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heacuteritageLP

Forme A

Sens A

Forme A

Sens A

extension de sens

C1

C2

heacuteritageLM

Forme A

Sens A

Forme A

Sens A

meacutetaphore

C1

C2

Figure 107 - Repreacutesentation partielle du reacuteseau des types de proposition en franccedilais

Neacuteanmoins comme le note Croft (2001 25-26) les reacuteseaux de constructions ne sont pas

strictement taxonomiques en raison de lheacuteritage multiple Si lon reprend lexemple preacuteceacutedent on

note que le seul critegravere retenu dans ce reacuteseau est la structure argumentale agrave lexclusion du TAM ou

de la polariteacute De fait une construction comme laquo il ne court pas raquo est linstance dau moins deux

constructions laquo SUJ VINTR raquo et laquo ne V pas raquo (Figure 108167)

Figure 108 - Exemple de construction agrave plusieurs parents en franccedilais

Ainsi pour des raisons meacutethodologiques nous distinguons deux types de reacuteseaux le reacuteseau

taxonomique et le reacuteseau eacutetendu On parlera de reacuteseau taxonomique lorsque lon sinteacuteresse agrave une

construction C1 et agrave toutes les constructions qui heacuteritent delle Le reacuteseau taxonomique peut donc

ecirctre repreacutesenteacute sous la forme dune arborescence cest-agrave-dire dun graphe acyclique orienteacute

posseacutedant une seule racine et dont tous les autres nœuds ont un seul parent (Figures 107 amp 109)

167 Cette figure est une adaptation de la Figure (112) de Croft (2001 26)

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Proposition

SUJ prendre son pied

SUJ VINTR SUJ VTR OBJ

SUJ dormir SUJ courir SUJ prendre OBJ SUJ avaler OBJ

SUJ prendre des notes

SUJ VINTR

il ne court pas

ne V pas

En revanche on parlera de reacuteseau eacutetendu lorsque lon sinteacuteresse agrave une construction C1 agrave toutes les

constructions qui heacuteritent delle ainsi quagrave leurs autres constructions megraveres cest-agrave-dire que lon

prend en compte lheacuteritage multiple Le reacuteseau eacutetendu peut donc ecirctre repreacutesenteacute sous la forme dun

graphe acyclique orienteacute (Figure 1010) (Goldberg 1995 73)

Figure 109 - Reacuteseau taxonomique Figure 1010 - Reacuteseau eacutetendu

Ces reacuteseaux de constructions ne sont pas indeacutependants les uns des autres Lensemble de notre

connaissance linguistique est organiseacute au sein dun reacuteseau de reacuteseaux de constructions le

constructique168 (Goldberg 2003 219) Ce terme a eacuteteacute creacuteeacute par Jurafsky (1992 8) sur le modegravele de

laquo lexique raquo pour deacutesigner linventaire des constructions dune langue169 Agrave lorigine sa structure

interne eacutetait consideacutereacutee comme similaire agrave celle du lexique selon Bloomfield (1933 274) laquo une

liste dirreacutegulariteacutes basiques raquo Cependant la plupart des auteurs utilisent aujourdhui le terme

laquo constructique raquo pour deacutesigner le reacuteseau structureacute comprenant lensemble des constructions dune

langue (Goldberg 2003 Fillmore 2008) Du point de vue de sa structure le constructique est

comparable agrave Internet il sagit dun reacuteseau de reacuteseaux deacutepourvu de centre neacutevralgique

Kuzar (2012 133-139) introduit un concept suppleacutementaire pour rendre compte de

lorganisation des constructions le champ Un champ de constructions est deacutefini comme une

section coheacuterente du constructique contenant agrave la fois des entiteacutes ordonneacutees et non-ordonneacutees les

constructions appartenant au mecircme champ ne sont donc pas neacutecessairement relieacutees entre elles

(Figure 1011) Lauteur considegravere que certaines constructions peuvent appartenir agrave un mecircme type

sans avoir de parents communs Par exemple il explique que les constructions quil nomme

laquo patrons phrastiques raquo en anglais et en heacutebreu sorganisent au sein dun champ de constructions

Les patrons majeurs tombent dans deux reacuteseaux non-lieacutes les patrons phrastiques agrave sujet initial et

les patrons phrastiques agrave preacutedicat initial

168 Ce concept est agrave rapprocher de la deacutefinition saussurienne de la langue comme systegraveme de signes (Saussure 1916 33)

169 Le terme laquo constructique raquo correspond au terme anglais laquo constructicon raquo Nous empruntons la terminologiefranccedilaise agrave Guignard (2012)

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C1

C3C2

C5 C7C6 C8 C9 C10 C11

C4

C1

C3C2

C5 C7C6 C8 C9 C10 C11

C4

C12 C13

C14 C15 C16

Figure 1011 - Champ de constructions

Nous pouvons donc distinguer trois niveaux dorganisation des constructions le constructique

les reacuteseaux de constructions et les champs de constructions Il convient de noter que seul les limites

du constructique ont une existence theacuteorique (mecircme si cette derniegravere est impossible agrave appreacutehender

empiriquement en raison de la constante eacutevolution des langues et des variations inter-individuelles)

Les limites des reacuteseaux et des champs mecircme si elles reposent sur des critegraveres linguistiques etou

meacutethodologiques ont toujours une part darbitraire

105 Liens diachroniques et restructuration du reacuteseau

Comme nous lavons vu en (sect 0214) le recours agrave la diachronie savegravere souvent indispensable

pour expliquer les proprieacuteteacutes de certaines constructions ou la place quelle occupe au sein de la

langue Cet aspect a eacuteteacute pris en compte dans plusieurs travaux constructionnels On note une

convergence theacuteorique entre les grammaires de construction et la theacuteorie de la grammaticalisation

(Noeumll 2007) La grammaticalisation creacutee de nouvelles formes et structures dans la langues cest-agrave-

dire quil sagit dun processus qui entraicircne la creacuteation de nouvelles constructions (Bybee 2010

106-107)170 Ainsi la construction nouvellement creacuteeacutee heacuterite de caracteacuteristiques de lancienne

construction

Nous pouvons donc repreacutesenter ce pheacutenomegravene par un lien diachronique (LD) Cette

repreacutesentation ne donne aucune information sur le type dheacuteritage il permet juste de justifier les

caracteacuteristiques dune construction C2 en la liant agrave une construction C1 avec laquelle elle aurait eacuteteacute

lieacutee dans un eacutetat anteacuterieur de la langue Ainsi le lien diachronique nest pas un lien dheacuteritage au

sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques de C2 sont historiquement heacuteriteacutees de C1

Dans le cas ougrave la construction C1 nexiste plus en synchronie (quelle soit attesteacutee dans des sources

170 Traugott amp Trousdale (2013) preacutefegraverent parler de laquo constructionalisation raquo choix terminologique plus coheacuterent dansle cadre de lapproche constructionnelle

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C1

C3C2

C5 C7C6 C8 C9 C10 C11

C4

C12

C13

C15 C16 C17 C18 C19

C14

anciennes ou quelle soit hypotheacutetique) nous la repreacutesentons en ligne pointilleacutee et en gris

(Figure 1012)171

Figure 1012 - Lien Diachronique

171 Ainsi les pointilleacutes et le gris ont agrave peu pregraves la mecircme fonction que le laquo raquo devant des exemples reconstruits

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grammaticalisation LD

Forme A

Sens A

Forme A

Sens A

C1

C2

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CCHAPITREHAPITRE 11 - 11 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS

AgraveAgrave VERBEVERBE AUXILIAIREAUXILIAIRE

Nous avons eacutetudieacute en deacutetail les constructions agrave auxiliaire du wolof dans la Partie II La majoriteacute

des auxiliaires du wolof ne preacutesente aucune des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques des verbes et ils

doivent donc ecirctre analyseacutes comme des MP Neacuteanmoins plusieurs auxiliaires preacutesentent des

proprieacuteteacutes verbales Il sagit essentiellement du verbe auxiliaire di (IPF) et du verbe semi-auxiliaire

bantilde (NEG) auxquels on peut ajouter les MP dina (FUT) du (FUTNEG) et dafa (FOCV) qui preacutesentent

eacutegalement plusieurs proprieacuteteacutes verbales Lune des caracteacuteristiques qui semble commune agrave ces

auxiliaires concerne la structure de la construction dont ils sont la tecircte Toutes ces constructions

semblent soit pouvoir sanalyser comme des constructions complexes dans lesquelles lauxiliaire

prend un compleacutement phrastique agrave linfinitif soit conserver des traces indiquant quelles sont issues

de ce type de construction complexe

Afin de rendre compte des similitudes formelles de toutes ces constructions nous proposons

lanalyse suivante ces constructions heacuteritent de leurs caracteacuteristiques communes dune construction

plus scheacutematique que nous appelons construction agrave Verbe Auxiliaire

111 La Construction agrave Verbe Auxiliaire

La construction agrave Verbe Auxiliaire est une construction complexe dont la tecircte est un eacuteleacutement

preacutesentant plusieurs des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques verbales mais qui est totalement ou

partiellement deacutepourvu de sens lexical et qui prend un compleacutement phrastique agrave linfinitif Cette

construction peut donc ecirctre analyseacutee comme une instanciation dune construction plus scheacutematique

la construction Infinitivale

Dans la construction Infinitivale la valence objet du verbe principal (V1) est satureacutee par une

proposition infinitive En outre la proposition infinitive preacutesente une marque de deacutependance

verbale =a placeacutee immeacutediatement avant le verbe agrave linfinitif (V2) Cette marque est parfois omise

surtout en wolof veacutehiculaire (sect 243) Par ailleurs il sagit dune construction agrave monteacutee La structure

argumentale deacutepend uniquement des proprieacuteteacutes de rection du verbe agrave linfinitif alors que les

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arguments deacutependent syntaxiquement du verbe principal (sect 243) Enfin lordre des eacuteleacutements de la

phrase deacutepend du schegraveme de preacutedication de la construction preacutedicative dans laquelle sinsegravere le

verbe principal (sect 44)

287) a [Beumlgg]V1 =naa =ko =ko=a [xamal]V2 (Church 1981 38)

vouloir =PRFS1SG =O3SG =O3SG=DV savoirCAUS

lsquoJe veux le lui faire savoirrsquo

b Dama =ko [beumlgg]V1 =a [ji]V2 (Diouf 2003 97)

FOCVS1SG =O3SG vouloir=DV semer

lsquoJe veux la semerrsquo

c (hellip) mu [beumlgg]V1 =la [toppandoo]V2 (Diouf 2003 590)

S3SG vouloir =O2SG imiter

lsquo(hellip) il a voulu timiterrsquo

En tant quinstanciation de la construction Infinitivale la construction agrave Verbe Auxiliaire heacuterite

de ses caracteacuteristiques Neacuteanmoins elle preacutesente plusieurs speacutecificiteacutes essentiellement en ce qui

concerne la nature du verbe principal Le verbe principal peut preacutesenter des idiosyncrasies

morphophonologiques etou morphosyntaxiques De plus mecircme si le verbe peut avoir un sens

lexical ce sens disparaicirct dans la construction agrave Verbe Auxiliaire au profit dune fonction

essentiellement grammaticale En outre les constructions agrave verbe auxiliaire sont inteacutegreacutees au

paradigme de conjugaison

112 La Construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire

La construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire (288a) preacutesente toutes les caracteacuteristiques de la

construction Infinitivale (288b) La valence objet du verbe principal bantilde est satureacutee par une

proposition infinitive la proposition infinitive peut preacutesenter une marque de deacutependance verbale

=a placeacutee immeacutediatement avant le verbe agrave linfinitif il sagit dune construction agrave monteacutee et

lordre des eacuteleacutements de la phrase deacutepend du schegraveme de preacutedication

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288) a (hellip) ngir nga [bantilde]V1 =ko=a [fagravette]V2 (Diouf 2003 545)

pour S2SG refuser =O3SG=DV oublier

lsquo(hellip) pour que tu ne loublies pasrsquo

b (hellip) ndax mu [man]V1 =ko=a [lekk]V2 (Diouf 2003 135)

pour S3SG pouvoir =O3SG=DV manger

lsquo(hellip) pour quil puisse le mangerrsquo

La construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire preacutesente plusieurs speacutecificiteacutes qui nous permettent

de lanalyser comme une construction agrave verbe auxiliaire Le verbe principal bantilde a un sens lexical en

wolof (deacutetester craindre refuser) mais ce sens disparaicirct dans la construction Neacutegation agrave Verbe

Auxiliaire au profit dune fonction essentiellement grammaticale agrave savoir exprimer la neacutegation De

plus dans cet emploi le verbe bantilde est deacutefectif puisquil est compatible uniquement avec le

subjonctif-conseacutecutif le preacutesentatif et linfinitif En outre cette construction est inteacutegreacutee au

paradigme de conjugaison (sect 52)

Il sagit donc dune instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire qui est elle-mecircme une

instanciation de la construction Infinitivale Le verbe bantilde constitue le verbe principal de cette

construction

113 La Construction Imperfectif

La construction Imperfectif (289a) preacutesente la plupart des caracteacuteristiques de la construction

Infinitivale (289b) La valence objet du verbe principal di est satureacutee par une proposition semblable

agrave une proposition infinitive il sagit dune construction agrave monteacutee et lordre des eacuteleacutements de la

phrase deacutepend essentiellement du schegraveme de preacutedication Neacuteanmoins contrairement agrave la

construction Infinitivale la marque de deacutependance verbale =a nest jamais attesteacutee dans la

construction Imperfectif (sect 321)

289) a Dafa =leen [di]V1 [foacuteoxal]V2 (Diouf 2003 130)

FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer

lsquoIl les bluffersquo

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b Dafa =leen [beumlgg]V1 =a [tuur]V2 leumlndeumlm (Diouf 2003 202)

FOCVS3SG =O2PL vouloir=DV verser obscuriteacute

lsquoIl veut vous duperrsquo

La construction Imperfectif preacutesente plusieurs speacutecificiteacutes qui nous permettent de lanalyser

comme une construction agrave verbe auxiliaire Le verbe principal di na pas veacuteritablement de sens

lexical172 mais a une fonction essentiellement grammaticale agrave savoir exprimer limperfectif

Comme nous lavons vu en (sect 322) le verbe di preacutesente un grand nombre didiosyncrasies

morphophonologiques et morphosyntaxiques Il peut se reacutealiser soit sous une forme pleine di soit

sous une forme clitique =y Sous sa forme pleine il peut ecirctre seacutepareacute du verbe lexical par un pronom

objet alors que sous sa forme clitique rien ne peut se placer entre lui et le verbe lexical En outre

cette construction est inteacutegreacutee au paradigme de conjugaison (sect 52)

Il sagit donc dune instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire qui est elle-mecircme une

instanciation de la construction Infinitivale Le verbe di constitue le verbe principal de cette

construction Cependant la construction Imperfectif semble ecirctre un cas limite de construction agrave

Verbe Auxiliaire En effet labsence de marque de deacutependance verbale semble indiquer que la

construction tend agrave ecirctre reacuteanalyseacutee comme une construction monoclausale en wolof contemporain

Enfin les constructions exprimant le futur sont issues de la grammaticalisation du verbe

auxiliaire di et du marqueur preacutedicatif na (sect 22) Cette origine permet dexpliquer les similitudes

formelles entre la construction Futur (290a) et la construction Infinitivale (290b) ainsi quentre la

construction Futur Neacutegatif (291a) et la forme neacutegative de la construction Infinitivale (291b)

290) a [Di]V1 =na-a =ko [seeti]V2 agravellarba (Diouf 2003 48)

IPF =PRF-S1SG =O3SG regarderAND mercredi

lsquoJirai le voir mercredirsquo

b [Meumln]V1 =na-a =ko=a [ntildeaan]V2 njekk (Diouf 2003 50)

pouvoir =PRF-S1SG =O3SG=DV demander conciliation

lsquoJe peux lui demander une faveurrsquo

172 Agrave moins de consideacuterer quil a un sens lexical dans ses emplois de copule existentielle

- 352 -

291) a [D]V1 -u-ma =ko [weddi]V2 (Diouf 2003 364)

IPF -PRFNEG-S1SG =O3SG nier

lsquoJe ne le nierai pasrsquo

b [Meumln]V1 -u-ma =ko=a [muntilde]V2 (Diouf 2003 229)

pouvoir -PRFNEG-S1SG =O3SG=DV endurer

lsquoJe ne peux pas le supporterrsquo

114 La Construction Focalisation du Verbe

1141 Caracteacuteristiques formelles

Lanalyse de la construction Focalisation du Verbe est probleacutematique La structure de cette

construction ainsi que la forme de son MP da(fa) preacutesentent plusieurs caracteacuteristiques

idiosyncrasiques

11411 Structure de la construction

Le schegraveme de la construction Focalisation du Verbe la distingue nettement des autres

constructions focalisantes En effet contrairement aux constructions Focalisation du Sujet

Preacutesentatif et Focalisation du Compleacutement la construction Focalisation du Verbe ne place pas

leacuteleacutement focaliseacute (en loccurrence le verbe ou le preacutedicat) dans une position focus situeacutee

immeacutediatement avant le MP (sect 44) Neacuteanmoins ce pheacutenomegravene nest pas rare dun point de vue

typologique dans un grand nombre de langues la reacutealisation du focus sur le preacutedicat se distingue

des autres structures focales (Lambrecht 1994 235)

De fait le schegraveme de la construction Focalisation du Verbe est identique agrave celui du Futur et du

Futur Neacutegatif S=p-s=o V O (sect 44) Neacuteanmoins ces constructions se distinguent par leurs patrons

flexionnels (sect 73) Dans la construction Focalisation du Verbe le MP encode le trait tiroir verbal et

forme un amalgame avec la marque de personne et le verbe lexical porte les marques de polariteacute et

de temps (292a) En revanche dans les constructions futures le MP encode les traits tiroir verbal et

polariteacute et forme un amalgame avec la marque de personne et le verbe lexical ne porte aucune

marque flexionnelle (292b)

- 353 -

292) a Da-ma =ko gis-ul-oon (Diouf 2009 71)

FOCV-S1SG =O3SG voir-NEG-PAS

lsquoJe ne lavais pas vursquo

b Du-ma =ko gis (Diouf 2009 75)

FUTNEG-S1SG =O3SG voir

lsquoJe ne le verrai pasrsquo

Par ailleurs la Focalisation du Verbe est la seule construction preacutedicative dans laquelle le MP et

le verbe peuvent ecirctre seacutepareacutes par la marque de deacutependance verbale (293a) (Diouf 2009 175) ou

par un adverbe (293b) (sect 5132)

293) a Kooku da-ma =ko=a jeacutellalehellip (Diouf 2003 167)

CLHUMSGDEMPX FOCV-S1SG =O3SG=DV passer_sous_silence

lsquoCelui-lagrave je le passe sous silencehelliprsquo

b Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)

POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCV3SG seulement ecirctre_sans_gecircne

lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo

11412 Forme du MP

Comme tous les MP le marqueur da(fa) est un clitique et forme un amalgame avec lindice sujet

(sect 516) Cependant sa forme le distingue des autres MP En effet il sagit dun marqueur

disyllabique alors que la plupart des MP sont monosyllabiques Les seuls autres MP disyllabiques

dina (sect 221) et a ng- (sect 123) sont clairement constitueacutes de deux eacuteleacutements

En outre le MP preacutesente un eacuteleacutement fa final uniquement agrave la troisiegraveme personne du singulier

Cependant il convient de nuancer ce constat Le paradigme que nous avons preacutesenteacute en (sect 255)

correspond uniquement aux formes les plus courantes du wolof standard Dans les faits ce

paradigme connaicirct des variations notamment dialectales (Tableau 111)

Le wolof standard a trois paradigmes pour la Focalisation du Verbe les formes de base les

formes apocopeacutees et les formes longues Les formes apocopeacutees sont des formes tronqueacutees des

formes de bases Elles apparaissent en discours notamment si le mot qui suit est un pronom objet

- 354 -

(Sauvageot 1965 107 Church 1981 82 Munro amp Gaye 1997 35) Les formes longues

correspondent aux formes de base auxquelles a eacuteteacute ajouteacute une marque a Ces formes sont

particuliegraverement freacutequentes au Cayor (Church 1981 82) Agrave la troisiegraveme personne du singulier la

forme dafaa est attesteacutee mais elle est relativement rare la forme dafa eacutetant beaucoup plus

freacutequente (Church 1981 64) Enfin la forme de base 3SG connaicirct une variante da (Fal 1999 76-

77) Certains auteurs eacutevoquent eacutegalement une variante daa (Church 1981 64 Diouf 2003 86)

mais cette variante peut sanalyser comme la forme longue correspondant agrave la forme de base da

Certains dialectes du wolof preacutesentent des paradigmes assez diffeacuterents de celui du wolof

standard En leacutebou dialecte de la presquicircle du Cap-Vert (Dakar) la forme de base du MP est da

comme en wolof standard En revanche lindice sujet est relativement diffeacuterent sauf aux premiegraveres

personnes (Diouf 2016) En faana-faana dialecte du Saloum la forme de base du MP nest pas da

mais fa De plus on note que lindice sujet 1SG est -a alors que la forme -ma est attesteacutee dans les

autres dialectes (Church 1981 64 Dialo 1981b 309) Le reste du paradigme des indices sujets est

identique agrave celui du wolof standard

Tableau 111 - Variantes du paradigme personnel de la Focalisation du Verbe

Wolof standard Leacutebou

Faana-faanaBase Apocopeacutee Longue

SG

1 dama dam damaa dama faa

2 danga daŋ dangaa dahaa fanga

3 dafa da daf dafa(a) daa daha fa

PL

1 danu dan danoo danu fan(u)

2 dangeen dangeen dangeena daheen fangeen

3 dantildeu dantilde dantildeoo dantildea fantilde(u)

1142 Analyse de la construction

Deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees afin de rendre compte des caracteacuteristiques idiosyncrasiques de

la Focalisation du Verbe notamment de la forme de son MP da(fa) Selon la premiegravere analyse le

MP dafa serait constitueacute dun morphegraveme da apparenteacute au verbe auxiliaire di et du pronom locatif

fa Nous proposons de nommer cette analyse lhypothegravese laquo da-fa raquo Selon la seconde analyse le MP

dafa serait constitueacute du verbe def (faire) et de la marque de deacutependance verbale =a Nous

proposons de nommer cette analyse lhypothegravese laquo def-a raquo

- 355 -

11421 Hypothegravese laquo da-fa raquo

Lhypothegravese laquo da-fa raquo a eacuteteacute initialement proposeacutee par Boilat (1858 307-308) Pour cet auteur la

construction que nous appelons Focalisation du Verbe sarticule autour du verbe deacute allomorphe du

verbe auxiliaire di suivi dun pronom personnel Il analyse donc la marque fa comme un pronom

personnel 3SG De plus lauteur signale la variante da agrave la troisiegraveme personne

Tableau 112 - Paradigme personnel de laFocalisation du Verbe selon Boilat (1858)

Orthographede lauteur

Orthographestandard

SG

1 deacute-maelig deacute-ma

2 deacute-ngaelig deacute-nga

3 deacute-faelig daelig deacute-fa da

PL

1 deacute-nou deacute-nu

2 deacute-ngegravene deacute-ngen

3 deacute-gnou deacute-ntildeu

Church (1981 80-82) considegravere eacutegalement que dafa est constitueacute de deux eacuteleacutements mais son

analyse diffegravere de celle de Boilat Pour Church da est le marqueur de Focalisation du Verbe et fa

est un eacuteleacutement ayant pour fonction de renforcer le marqueur da agrave la troisiegraveme personne Selon lui

cet eacuteleacutement fa est agrave rapprocher du marqueur fa attesteacute en faana-faana (Tableau 111) Ce marqueur

initialement restreint au dialecte du Saloum se serait eacutetendu aux autres parlers

Njie (1982 106) propose une autre analyse pour la marque fa Pour cette auteure cette marque

pourrait ecirctre rapprocheacutee du pronom locatif fa (sect 423) Church (1981 81) avait eacutegalement envisageacute

cette solution Neacuteanmoins il lavait rejeteacute car si cette hypothegravese semble parfaitement fonctionner

avec les verbes daction ou de deacuteplacement (294a) elle semble beaucoup plus discutable avec les

verbes deacutetat (294b)

294) a Da =fa dem gt Dafa dem (Church 1981 81)

FOCVS3SG =CLLOCDT partir FOCVS3SG partir

lsquoIl y est alleacutersquo lsquoIl est partirsquo

b Da =fa sonn gt Dafa sonn (Church 1981 81)

FOCVS3SG =CLLOCDT ecirc_fatigueacute FOCVS3SG ecirc_fatigueacute

lsquoIl y est fatigueacutersquo lsquoIl est fatigueacutersquo

- 356 -

Contrairement agrave Church (1981) et Njie (1982) Robert (1991 71) ne propose pas danalyse pour

la marque fa En revanche elle propose une nouvelle analyse de da Elle rapproche ce marqueur du

verbe auxiliaire di ainsi que du marqueur du Futur Neacutegatif du Selon cette auteure ces trois

eacuteleacutements auraient la mecircme structure Ils seraient constitueacutes du verbe d- quelle nomme laquo marque de

centre de preacutedication dissocieacute du verbe raquo et dune marque deacuteictique Dans le cas de da la marque

deacuteictique distale -a permettrait dexprimer laquo la preacuteconstruction de leacuteveacutenement du procegraves comme un

preacutealable acquis raquo (Robert 1991 276-277)

Bondeacuteelle (2015 120-122) ne propose pas danalyse pour dafa En revanche il propose une

nouvelle analyse pour les formes de toutes les autres personnes (dama danga danu dangeen

dantildeu) Selon lui ces formes sont constitueacutees du verbe d- de la marque de focalisation a et dun

pronom sujet la marque de focalisation eacutetant rapprocheacutee des marqueurs a (FOCS) et la (FOCC)

Pour reacutesumer selon lhypothegravese laquo da-fa raquo le MP dafa serait constitueacute dun morphegraveme da

apparenteacute au verbe auxiliaire di et du pronom locatif fa Dans lensemble cette hypothegravese est

probleacutematique Elle ne permet pas de rendre compte de la plupart des caracteacuteristiques de la

construction Focalisation du Verbe

Le fait de rapprocher da de di et du pourrait expliquer lidentiteacute formelle entre le schegraveme de la

construction Focalisation du Verbe et celui du Futur et du Futur Neacutegatif Cependant cela nexplique

pas pourquoi les marques de polariteacute et de temps sont porteacutees par le MP au futur alors quelles sont

porteacutees par le verbe dans la construction Focalisation du Verbe En outre consideacuterer da comme un

verbe au mecircme titre que di pourrait expliquer la preacutesence possible de la marque de deacutependance

verbale a apregraves da Cependant comme nous lavons vu en (sect 113) di nest jamais suivi de la

marque de deacutependance verbale De plus cette hypothegravese ne permet pas dexpliquer le fait que la

forme dafaa soit rarement attesteacutee Elle ne permet pas non plus dexpliquer les diffeacuterences dans les

paradigmes personnels de la Focalisation du Verbe et du Futur Dans la construction Futur dina

contient clairement le MP na En revanche il semble impossible didentifier ce MP na dans dafa

Le fait de rapprocher le fa de dafa du pronom locatif homonyme permet dexpliquer

lidiosyncrasie formelle de dafa Neacuteanmoins cela nexplique pas pourquoi cet eacuteleacutement fa est limiteacute agrave

la troisiegraveme personne du singulier Enfin lhypothegravese laquo da-fa raquo ne permet pas vraiment de rendre

compte du paradigme personnel du faana-faana Si da est un eacuteleacutement preacutedicatif et fa un pronom

locatif comment est-il possible que la forme de base du marqueur preacutedicatif soit fa en faana-faana

- 357 -

11422 Hypothegravese laquo def-a raquo

Lhypothegravese laquo def-a raquo a eacuteteacute initialement proposeacutee par Kobegraves (1869 113) Pour cet auteur la

construction que nous appelons Focalisation du Verbe sarticule autour dun eacuteleacutement def homonyme

du verbe auxiliaire def (faire) Ce marqueur apparaicirct sous cette forme uniquement agrave la troisiegraveme

personne du singulier Agrave toutes les autres personnes on trouve lallomorphe da (Kobegraves 1869 256)

Tableau 113 - Paradigme personnel de laFocalisation du Verbe selon Kobegraves (1869)

Orthographede lauteur

Orthographestandard

SG

1 dă mă da ma

2 dă ngă da nga

3 degravefă defa

PL

1 dă nu da nu

2 dă ngeumln da ngeacuteen

3 dă ntildeu da ntildeu

Cette analyse a eacuteteacute deacutetailleacutee par Senghor (1963 129) Pour cet auteur la construction sappuie

clairement sur le verbe auxiliaire def (faire) Il est inteacuteressant de constater que Senghor transcrit les

marqueurs dama (1SG) et dafa (3SG) de la maniegravere suivante dema defa On pourrait penser quil

sagit dune volonteacute de lauteur de proposer une transcription en accord avec son analyse au

deacutetriment de la prononciation reacuteelle de ces eacuteleacutements Cependant cette transcription se retrouve

eacutegalement dans dautres sources geacuteneacuteralement assez anciennes dont les auteurs ne formulent

aucune hypothegravese concernant lorigine de dafa comme Labouret (1935 296-298) ou Gamble

(1963 145-146)

Selon Nouguier-Voisin (2002 41) le marqueur de Focalisation du Verbe a pu laquo agrave lorigine ecirctre

composeacute du verbe def faire qui de part sa valeur seacutemantique permet dexpliquer les fonctions

demphase de cette conjugaison mecircme si synchroniquement un tel deacutecoupage nest pas possible raquo

En effet la grammaticalisation dun verbe laquo faire raquo pour exprimer une emphase sur le preacutedicat est

attesteacutee dans un grand nombre de langues (Heine amp Kuteva 2002 119)

Becher (2001 104-107) soutient eacutegalement cette hypothegravese Selon cette auteure dafa est issu du

verbe auxiliaire def suivi de la marque de deacutependance verbale a La forme defa serait devenue dafa

en raison dun pheacutenomegravene dharmonie vocalique

- 358 -

Torrence (2013a 52-53) propose une analyse diffeacuterente pour le a final de dafa Il propose de

lanalyser comme une copule Cette analyse lui permet de poser lexistence dune copule dans toutes

les constructions focalisantes du wolof contemporain a (FOCS) = copule la (FOCC) = pronom

expleacutetif l- + copule dafa (FOCV) = verbe def + copule (sect 256) Cependant cette hypothegravese est

probleacutematique En wolof contemporain on peut trouver des occurrences de preacutedicats nominaux non

reacutefeacuterentiels avec le MP dafa et la copule di (sect 256) Si lon admet lhypothegravese de Torrence de tels

eacutenonceacutes auraient deux copules ce qui semble tregraves peu probable Par ailleurs il nexiste agrave notre

connaissance aucune langue qui exprime une emphase sur le preacutedicat avec le verbe laquo faire raquo et une

copule simultaneacutement

Pour reacutesumer selon lhypothegravese laquo da-fa raquo le MP dafa serait constitueacute du verbe def (faire) et de la

marque de deacutependance verbale =a Cette hypothegravese permet de rendre compte de la plupart des

caracteacuteristiques de la construction Focalisation du Verbe notamment en ce qui concerne la forme du

marqueur preacutedicatif

Tout dabord lhypothegravese laquo def-a raquo semble confirmeacutee par certaines sources historiques Comme

nous lavons vu plus haut on trouve dans plusieurs sources des formes dema et defa au lieu des

formes dama et dafa

Par ailleurs cette hypothegravese permet dexpliquer lidiosyncrasie formelle de dafa (def=a) En

outre elle permet dexpliquer le fait que la forme dafaa soit rarement attesteacutee En effet le second a

de dafa eacutetant historiquement une marque de deacutependance verbale on peut supposer que le dernier a

de dafaa reacutesulte dune reacuteanalyse reacutecente de dafa comme une forme simple agrave laquelle il manque la

marque de deacutependance verbale

Le fait que leacuteleacutement -f- soit limiteacute agrave la troisiegraveme personne du singulier peut sexpliquer par les

contraintes concernant la structure syllabique En wolof les suites consonantiques sont relativement

rares et aucune des deux consonnes ne peut ecirctre une consonne forte (sect 0442) Si lon accepte

lhypothegravese laquo def-a raquo on peut supposer que le marqueur est constitueacute du verbe def et dun pronom

personnel sujet lieacute Tous les pronoms sujets eacutetant agrave attaque consonantique on peut supposer que le

-f de def est tombeacute pour eacuteviter une suite consonantique La freacutequence eacuteleveacutee de ce MP a

probablement favoriseacute cette eacuterosion phoneacutetique La troisiegraveme personne neacutetant pas marqueacutee le -f a

pu sy maintenir mais il peut eacutegalement disparaicirctre par analogie avec les autres personnes

Une autre hypothegravese est envisageable pour expliquer cette eacuterosion phoneacutetique En wolof les MP

sont tous constitueacutes de moins de trois syllabes173 Ce fait est relativement simple agrave expliquer Les

173 Les seuls exceptions concernent les formes futures dinanu et dinantildeu Neacuteanmoins comme nous lavons vu plus haut

- 359 -

mots grammaticaux freacutequents tendent agrave ecirctre courts dans les langues On peut supposer que def-a a

eacuteteacute reacuteinterpreacuteteacute en un MP dafa Dans ce cas la plupart des formes du paradigme devraient ecirctre

constitueacutees de trois syllabes dafama dafanga dafanu dafangeen dafantildeu Lusage a favoriseacute

leacuterosion phoneacutetique de ces formes en les reacuteduisant agrave deux syllabes comme les autres MP

Tableau 114 - Structure du MP de la Focalisation du Verbe

AUX -S =DV

SG

1 da -ma (=a)

2 da -nga (=a)

3 daf Oslash =a

PL

1 da -nu (=a)

2 da -ngeen (=a)

3 da -ntildeu (=a)

Les donneacutees issues des autres dialectes sont conformes agrave ces hypothegraveses deacuterosion phoneacutetique

En leacutebou le -f(a) est tombeacute agrave toutes les personnes le MP est constitueacute de da et dun pronom

personnel sujet lieacute Dans ce dialecte la consonne [h] de daha nest pas leacutequivalent du [f] du wolof

standard mais est un allophone de [ʔ] cest-agrave-dire un consonne eacutepentheacutetique utiliseacutee pour eacuteviter un

hiatus (Drameacute 2012 334) En faana-faana leacuterosion phoneacutetique na pas affecteacute la mecircme syllabe du

marqueur Dans ce dialecte cest la syllabe initiale de dafa qui est tombeacutee

Cependant si lon sen tient agrave lhypothegravese laquo def-a raquo certaines caracteacuteristiques de la Focalisation

du Verbe sont moins eacutevidentes agrave expliquer Cest notamment le cas du changement de voyelle de

def-a en dafa Supposer que ce changement est ducirc agrave un pheacutenomegravene dharmonie vocalique est

probleacutematique En wolof lharmonie vocalique repose sur le trait ATR (sect 0443) Or les voyelles e

[ε] et a [ɐ] sont toutes les deux [-ATR] En outre en wolof standard (ainsi quen leacutebou) lharmonie

vocalique est toujours progressive jamais reacutegressive (Drameacute 2012 134) Dans certains dialectes

comme le faana-faana on peut trouver quelques cas dharmonie vocalique reacutegressive Neacuteanmoins

dans ce dialecte cette assimilation reacutegressive est limiteacutee agrave deux cas a [ɐ] devient euml [ə] sous

linfluence de i [i] comme dans farintilde [fɐriɲ] rarr feumlrintilde [fəriɲ] (farine) et i [i] devient a [ɐ] sous

linfluence de a [ɐ] comme dans dina [dinɐ] rarr dana [dɐnɐ] (FUT3SG) (Drameacute 2012 124-127)

Lhypothegravese laquo def-a raquo est eacutegalement probleacutematique si lon souhaite expliquer le schegraveme de la

Focalisation du Verbe S=p-s=o V O Agrave la troisiegraveme personne du singulier cela ne semble pas

poser de problegraveme Le verbe auxiliaire def prend comme compleacutement une proposition agrave linfinitif

ces marqueurs peuvent encore ecirctre deacutecomposeacutes en di-nanu et di-nantildeu en wolof contemporain

- 360 -

preacuteceacutedeacutee de la marque de deacutependance verbale =a Les constructions infinitivales eacutetant des

constructions agrave monteacutee lobjet pronominal du verbe agrave linfinitif se place entre le verbe def et le

verbe agrave linfinitif Cette hypothegravese permet dexpliquer la preacutesence de =a labsence du pronom 3SG et

la place du pronom objet

En revanche pour les autres personnes aucune solution ne semble viable On pourrait supposer

une structure similaire le verbe auxiliaire def prend comme compleacutement une proposition

compleacutetive Ainsi la construction preacutesenterait une structure similaire agrave celle des causatives en def

(295a) (Nouguier-Voisin 2002 140-141) Cette hypothegravese permet dexpliquer la preacutesence ainsi que

la place du sujet pronominal Cependant elle ne permet pas dexpliquer la place du pronom objet

En effet les propositions compleacutetives non introduites par un compleacutementeur sont toujours au

subjonctif-conseacutecutif (sect 242) Or dans ce type de construction le pronom objet se place apregraves le

verbe En outre si le verbe est conjugueacute pour quelle raison la marque de deacutependance verbale peut-

elle ecirctre preacutesente Enfin avec un sujet lexical pluriel le sujet pronominal -ntildeu est preacutesent sur le MP

dantildeu (295b) Si le sujet lexical et le sujet pronominal renvoient au mecircme reacutefeacuterent et que def est un

verbe auxiliaire pourquoi son compleacutement nest-il pas une proposition infinitive

295) a Dinaa =ko def nga am doom (Nouguier-Voisin 2002 140)

FUTS1SG =O3SG faire S2SG avoir enfant

lsquoJe ferai (ccedila) que tu aies un enfantrsquo

b Leacutebu =yi =dantildeu am seen waxinu wolof (Diouf 2003 199)

leacutebou =CLyDFPX =FOCVS3PL avoir PRO3PL parlerGEN wolof

lsquoLes Leacutebou ont leur parler wolofrsquo

Une autre solution est envisageable les indices sujets du paradigme de la Focalisation du Verbe

sont danciens pronoms objets qui ont eacuteteacute reacuteanalyseacutes en indices sujets Cette hypothegravese permet

dexpliquer la preacutesence de =a la preacutesence ainsi que la place du sujet pronominal et la place du

pronom objet Cependant elle est en contradiction avec les donneacutees En wolof contemporain et ce

dans tous les dialectes les indices sujets du paradigme de la Focalisation du Verbe sont clairement

des pronoms sujets lieacutes et non des pronoms objets Cest particuliegraverement clair avec les formes de

deuxiegraveme personne

Enfin si lon admet que def est un verbe auxiliaire prenant un compleacutement phrastique (infinitive

ou compleacutetive) plusieurs questions se posent Tout dabord quel est le sujet de def Si lon admet

- 361 -

que def prend comme compleacutement une proposition infinitive cela ne pose aucun problegraveme car la

phrase na quun seul constituant assurant la fonction sujet En revanche si lon considegravere que def

prend comme compleacutement une proposition compleacutetive lindice sujet amalgameacute agrave da(fa) est le sujet

du verbe de la compleacutetive On peut supposer que le verbe def prenait un sujet impersonnel non

marqueacute Cette hypothegravese est coheacuterente avec le fait que les causatives en def sont souvent utiliseacutees

pour exprimer une causation indirecte dans laquelle le causateur nest pas identifieacute dans ces cas le

causateur deacutesigneacute est Dieu (296) (Nouguier-Voisin 2002 194-195)

296) Yagravella def mu am jenn jabar (Nouguier-Voisin 2002 194)

Dieu faire S3SG avoir CLjSING femme

ju dee bagraveyyi fi doomam

CLjREL mourir laisser CLLOCDFPX enfantPOSS3SG

lsquoDieu fit quil avait une eacutepouse qui mourut en laissant son enfantrsquo

La seconde question qui se pose est la suivante agrave quel tiroir verbal le verbe auxiliaire def est-il

conjugueacute En labsence de MP preacuteceacutedant da(fa) on pourrait supposer que def est au parfait

Neacuteanmoins comme nous lavons vu plus haut rien dans les formes du paradigme ne permet de

supposer la preacutesence du marqueur du Parfait na et ce dans tous les dialectes La seconde option

serait de consideacuterer que def est au subjonctif-conseacutecutif Cette solution permet dexpliquer labsence

de MP dans la construction ainsi que la place du pronom objet En outre on remarque que les

causatives indirectes en def sont eacutegalement au subjonctif-conseacutecutif

1143 Synthegravese

La structure de la construction Focalisation du Verbe ainsi que la forme de son MP da(fa)

preacutesentent plusieurs caracteacuteristiques idiosyncrasiques Deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees afin de

rendre compte de ces idiosyncrasies

bull Hypothegravese laquo da-fa raquo Le MP dafa est constitueacute dun morphegraveme da apparenteacute au verbe

auxiliaire di et du pronom locatif fa

bull Hypothegravese laquo def-a raquo Le MP dafa est constitueacute du verbe def (faire) et de la marque de

deacutependance verbale =a

Aucune de ces deux hypothegraveses ne permet de rendre compte aiseacutement de lensemble des

caracteacuteristiques de la construction Neacuteanmoins elles ne preacutesentent pas la mecircme force explicative

- 362 -

Lhypothegravese laquo da-fa raquo ne rend compte de presque aucune des caracteacuteristiques propres agrave la

Focalisation du Verbe En revanche lhypothegravese laquo def-a raquo permet dexpliquer la plupart des

caracteacuteristiques formelles du MP et est coheacuterente avec les donneacutees historiques et les donneacutees

dialectales Nous privileacutegions donc lhypothegravese laquo def-a raquo

Nous proposons lanalyse suivante La construction Focalisation du Verbe est issue dune

ancienne construction agrave verbe auxiliaire dont le verbe principal eacutetait def (faire) et qui preacutesentait une

structure similaire agrave celle de lactuelle causative indirecte en def Cette construction sest ensuite

grammaticaliseacutee La seacutequence def + =a (DV) a subi une morphologisation pour devenir le marqueur

dafa Ce marqueur a subi une eacuterosion phoneacutetique provoquant la chute de leacuteleacutement -fa agrave toutes les

personnes autres que 3SG (sauf en faana-faana ougrave cest leacuteleacutement da- qui est tombeacute) Cette

grammaticalisation a entraicircneacute une reacuteanalyse de dafa en MP et du verbe infinitif en verbe principal

Ce pheacutenomegravene permet dexpliquer la preacutesence possible des marques de flexion du passeacute et de la

neacutegation sur le verbe lexical

Agrave toutes les personnes autres que 3SG le compleacutement du verbe def devait ecirctre une proposition

compleacutetive La reacuteanalyse de lauxiliaire en MP a entraicircneacute une reacuteanalyse du pronom sujet de la

compleacutetive en indice sujet du MP ce qui a entraicircneacute une reacuteanalyse de cette construction complexe en

construction monoclausale Nous pouvons supposer que la preacutesence possible du =a agrave toutes les

personnes reacutesulte dune extension de lutilisation de cette marque par analogie avec la forme 3SG

Il sagit donc historiquement dune instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire qui est

elle-mecircme une instanciation de la construction Infinitivale Le verbe def (faire) constitue le verbe

principal de cette construction

Nous faisons lhypothegravese quil existait une autre construction Focalisation du Verbe dans un eacutetat

anteacuterieur de la langue (sect 132) Leacutemergence de lactuelle construction Focalisation du Verbe via la

grammaticalisation de def-a serait donc un exemple de stratification (layering) cest-agrave-dire une

situation ougrave plusieurs constructions ont la mecircme fonction (Bybee et al 1994 21-22) Lancienne

construction se serait ensuite grammaticaliseacutee en parfait faisant de la nouvelle construction lunique

construction Focalisation du Verbe

Enfin nous souhaitons signaler un fait assez eacutetonnant La Focalisation du Verbe nest pas

eacutevoqueacutee dans les grammaires de Dard (1826) et de Roger (1829) cest-agrave-dire les plus anciennes

grammaires de wolof Il est possible que ces auteurs pionniers ne soient pas parvenus agrave identifier

cette construction Linfluence des structures grammaticales des langues indo-europeacuteennes est

probablement responsable de la plupart des choix de ces auteurs dans leurs analyses dautant quils

- 363 -

neacutetaient pas grammairiens (sect 111) Neacuteanmoins indeacutependamment de leurs analyses on constate

que cette construction est totalement absente de leurs ouvrages Ce point est particuliegraverement

flagrant dans louvrage de Dard qui comprend un corpus de textes relativement important Mecircme si

lon admet que ce corpus a eacuteteacute en grande partie obtenu par eacutelicitation il est eacutetrange de ne trouver

aucune occurrence de da(fa) Nous pouvons supposer que cette construction eacutetait moins freacutequente

au deacutebut du XIXe siegravecle quelle ne lest en wolof contemporain

115 La Construction Passeacute Clitique

Au parfait neacutegatif le marqueur de passeacute woon nest pas un affixe mais un clitique (sect 331) Les

formes de Parfait Neacutegatif passeacute peuvent donc ecirctre consideacutereacutees comme des instanciations dune

construction complexe que nous appelons construction Passeacute Clitique (sect 522)

Lanalyse de cette construction en wolof contemporain est relativement probleacutematique Comme

nous lavons vu en deacutetail en (sect 331) dans la construction Passeacute Clitique la position occupeacutee par

woon est identique agrave celle quoccupe le verbe agrave linfinitif dans les compleacutements phrastiques agrave

linfinitif (297a-b) Neacuteanmoins contrairement au verbe agrave linfinitif woon nest jamais preacuteceacutedeacute de la

marque de deacutependance verbale =a (298a-b) Par ailleurs dans plusieurs contextes woon peut ecirctre

analyseacute comme un verbe dont le sens est laquo avoir cours exister (dans le passeacute) raquo

297) a Soacuteoraale-wu-ma =ko =woon (Diouf 2003 488)

preacutevoir-PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS

lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo

b Meumln-u-ma =ko lekk su amul beumlgeumlj (Diouf 2003 66)

pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG manger si avoirNEG pureacutee_doseille

lsquoJe ne peux pas en manger sil nrsquoy a pas de pureacutee doseillersquo

298) a Meumln-u-ma =woon=a seacuteentu jafe-jafe =yii (Diouf 2003 488)

pouvoir-PRFNEG-S1SG =PAS=DV pressentir difficulteacute =CLyDEMPX

lsquoJe ne pouvais pas entrevoir ces difficulteacutesrsquo

b Meumln-u-ma=a bantilde=a dem ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 522)

pouvoir-PRFNEG-S1SG=DV refuser=DV partir PREPDT noces =CLgDFDT

lsquoJe ne peux pas manquer daller aux nocesrsquo

- 364 -

Deux hypothegraveses sont envisageables pour rendre compte des proprieacuteteacutes de woon soit il sagit

dun verbe qui tend agrave se grammaticaliser en suffixe de passeacute soit il sagit dun suffixe qui tend agrave se

lexicaliser en verbe deacutetat etou en verbe auxiliaire Plusieurs eacuteleacutements plaident plutocirct en faveur de

la seconde hypothegravese absence de la marque de deacutependance verbale caractegravere idiosyncrasique du

sens de woon lorsquil est utiliseacute en tant que verbe deacutetat preacutesence dun suffixe de passeacute

formellement similaire dans dautres langues atlantiques (sect 173)

Comme nous lavons vu en (sect 632) woon peut ecirctre analyseacute comme un verbe auxiliaire En effet

il preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes verbales il est deacutefectif il a une fonction essentiellement

grammaticale et il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison

Neacuteanmoins en tant quauxiliaire son comportement est idiosyncrasique Dans la construction

Passeacute Clitique il occupe la mecircme position que le verbe dun compleacutement phrastique agrave linfinitif

Ainsi dans cette construction le verbe lexical ne peut pas ecirctre consideacutereacute comme le compleacutement de

woon Agrave partir de ces eacuteleacutements nous pourrions proposer danalyser woon comme un verbe

auxiliaire apparaissant neacutecessairement comme compleacutement infinitif du verbe lexical Neacuteanmoins

woon peut eacutegalement apparaicirctre avec des verbes intransitifs ce qui nuance cette analyse Nous

proposons donc danalyser woon comme un eacuteleacutement dorigine affixale qui tend agrave devenir un verbe

auxiliaire apparaissant comme compleacutement infinitif du verbe lexical

Ainsi en wolof contemporain la construction Passeacute Clitique peut ecirctre analyseacutee comme une

instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire qui est elle-mecircme une instanciation de la

construction Infinitivale Neacuteanmoins contrairement aux autres constructions agrave verbe auxiliaire le

verbe principal de cette construction nest pas le verbe auxiliaire mais le verbe lexical

116 Synthegravese

On peut identifier en wolof une construction agrave Verbe Auxiliaire Cette construction peut ecirctre

analyseacutee comme une instanciation de la construction Infinitivale dont elle heacuterite des caracteacuteristiques

suivantes

bull La valence objet du verbe principal (V1) est satureacutee par une proposition infinitive

bull Le verbe de la proposition infinitive (V2) peut ecirctre immeacutediatement preacuteceacutedeacute de la marque de

deacutependance verbale =a

- 365 -

bull Il sagit dune construction agrave monteacutee cest-agrave-dire que la structure argumentale deacutepend

uniquement des proprieacuteteacutes de rection du verbe agrave linfinitif alors que les arguments

deacutependent syntaxiquement du verbe principal

bull Lordre des eacuteleacutements de la phrase deacutepend du schegraveme de preacutedication de la construction

preacutedicative dans laquelle sinsegravere le verbe principal

Neacuteanmoins la construction agrave Verbe Auxiliaire preacutesente eacutegalement plusieurs caracteacuteristiques qui

la distinguent des autres constructions infinitivales

bull Le verbe principal peut preacutesenter des idiosyncrasies morphophonologiques etou

morphosyntaxiques

bull Dans la construction le verbe principal a une fonction essentiellement grammaticale et est

deacutenueacute de sens lexical (ce verbe peut neacuteanmoins avoir un sens lexical ailleurs dans la langue)

bull La construction est inteacutegreacutee au paradigme de conjugaison Corollaire le choix de la

construction preacutedicative dans laquelle sinsegravere le verbe principal est geacuteneacuteralement restreint

De fait le wolof contemporain dispose de peu de constructions agrave verbe auxiliaire La seule

construction respectant toutes les caracteacuteristiques formelles est la construction Neacutegation agrave Verbe

Auxiliaire Il sagit donc dune simple instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire dans

laquelle la position du verbe principal est occupeacutee par le verbe semi-auxiliaire bantilde

La construction Imperfectif est eacutegalement une instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire

dans laquelle la position du verbe principal est occupeacutee par le verbe auxiliaire di Neacuteanmoins elle

nheacuterite pas de tous les traits de la construction agrave Verbe Auxiliaire En effet la marque de

deacutependance verbale ne peut jamais apparaicirctre avant le V2

La construction Focalisation du Verbe ne peut pas ecirctre analyseacutee comme une construction agrave verbe

auxiliaire en synchronie Neacuteanmoins elle preacutesente plusieurs caracteacuteristiques propres agrave la

construction agrave Verbe Auxiliaire et qui la distinguent des autres constructions preacutedicatives Afin den

rendre compte nous soutenons lhypothegravese selon laquelle cette construction est issue de la

grammaticalisation du verbe def (faire) suivie dune proposition infinitive Il sagirait donc

historiquement dune instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire dans laquelle la position

du verbe principal est occupeacutee par le verbe def

Enfin la construction Passeacute Clitique occupe une place particuliegravere dans la grammaire du wolof

En effet il sagit dune construction complexe preacutesentant presque toutes les caracteacuteristiques

- 366 -

formelles de la construction agrave Verbe Auxiliaire (agrave lexception de la marque de deacutependance verbale)

Cependant V1 et V2 sont inverseacutes Cest-agrave-dire que le verbe auxiliaire woon occupe la position du

verbe de la proposition infinitive et la position du verbe principal est occupeacutee par le verbe lexical

Dans la Figure (111) les constructions sont repreacutesenteacutees sous la forme dune liste de traits

- 367 -

Figure 111 - Reacuteseau des constructions agrave verbe auxiliaire

LI

LD

Construction Infinitivale

- Objet de V1 = proposition infinitive- (V2 immeacutediatement preacuteceacutedeacute de DV)- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

Construction agrave Verbe Auxiliaire

- V1 = verbe auxiliaire- Objet de V1 = proposition infinitive- (V2 immeacutediatement preacuteceacutedeacute de DV)- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

ConstructionNeacutegation agrave Verbe Auxiliaire

- V1 = verbe semi-auxiliaire bantilde- Objet de V1 = proposition infinitive- (V2 immeacutediatement preacuteceacutedeacute de DV)- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = SUBJ INF PRST- Schegraveme imposeacute par C-PRED

Construction Imperfectif

- V1 = verbe auxiliaire di- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

Construction Emphatiqueagrave Verbe Auxiliaire

- V1 = verbe def- Objet de V1 = proposition infinitive- (V2 immeacutediatement preacuteceacutedeacute de DV)- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = SUBJ- Schegraveme imposeacute par C-PRED

ConstructionFocalisation du Verbe

- Construction preacutedicative- MP = dafa- Schegraveme S p-s =o V O

ConstructionPasseacute Clitique

- V2 = verbe auxiliaire woon- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = PRFNEG- Schegraveme imposeacute par C-PRED

Construction Passeacute

- Suffixe -(w)oon sur le verbe- Construction syntheacutetique- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

LI

LI

LD

LI

LI

caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit pas de formalisation mais plutocirct de repreacutesentation

syntheacutetique Dans ce scheacutema les flegraveches pleines sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en pointilleacutes

sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions Le lien

diachronique nest pas un lien dheacuteritage au sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques

de la construction fille sont historiquement heacuteriteacutees de la construction megravere

- 368 -

CCHAPITREHAPITRE 12 - 12 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS AgraveAgrave EXTRACTIONEXTRACTION

Les constructions Focalisation du Sujet Preacutesentatif Focalisation du Compleacutement et Relatif

preacutesentent plusieurs caracteacuteristiques communes Il sagit de constructions dans lesquelles un

eacuteleacutement est extrait de sa position canonique pour ecirctre placeacute en premiegravere position De plus on

constate que toutes ces constructions preacutesentent le mecircme schegraveme p-s =o S V O En outre elles sont

toutes compatibles avec la mecircme construction neacutegative agrave savoir la Neacutegation Affixale

Afin de rendre compte de toutes ces similitudes formelles nous pouvons consideacuterer que ces

constructions constituent un type particulier de constructions les constructions agrave extraction Ainsi

nous proposons lanalyse suivante ces constructions heacuteritent de leurs caracteacuteristiques communes

dune construction plus scheacutematique que nous appelons construction Extraction

121 La Construction Extraction

Dans les constructions Focalisation du Sujet Preacutesentatif et Focalisation du Compleacutement

leacuteleacutement focaliseacute se place immeacutediatement avant le MP (sect 44) Sagissant de constructions

focalisantes on peut supposer que leacuteleacutement mis en focus noccupe pas une position canonique mais

une position speacutecifique au focus situeacutee sur le bord gauche du preacutedicat Ces constructions peuvent

donc ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave extraction cest-agrave-dire des constructions dans

lesquelles un eacuteleacutement laquo extrait raquo (le filler) est suivi par une construction phrastique preacutesentant un

trou syntaxique (gap) correspondant agrave ce filler (Ginzburg amp Sag 2000 174) Cette analyse permet

de reacuteduire la forme de ces constructions agrave un schegraveme unique FOC =p-s =o S V O (299-300)

299) FOC =p S V O

a [Ceeb]Filler =la Omar lekk [Oslash]Gap

riz =FOCC Omar manger

lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

b [Omar]Filler =a [Oslash]Gap lekk ceeb

Omar =FOCS manger riz

lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

- 369 -

c [Omar]Filler =a ngi [Oslash]Gap lekk ceeb

Omar =PRSTPX manger riz

lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

300) FOC =p -s =o V

a [Lii]Filler =la -a [Oslash]Gap lekk

CLCHSGDEMPX =FOCC -S1SG manger

lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo

b [Ma]Filler =a [Oslash]Gap =ko lekk

PRO1SG =FOCS =O3SG manger

lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

c [Ma]Filler =a ngi [Oslash]Gap =ko lekk

PRO1SG =PRSTPX =O3SG manger

lsquoVoici que je lai mangeacutersquo

Les constructions focalisantes ne sont pas les seules constructions agrave extraction en wolof En effet

la construction Relatif implique eacutegalement une deacutependance filler-gap et preacutesente un schegraveme

formellement identique NOM REL=s =o S V O (301a-d)

301) NOM REL =s =o S V O

a [ceeb]Filler bu Omar lekk [Oslash]Gap

riz CLbREL Omar manger

lsquodu riz quOmar a mangeacutersquo

b [ceeb]Filler bu =ma lekk [Oslash]Gap

riz CLbREL =S1SG manger

lsquodu riz que jai mangeacutersquo

c [xale]Filler bu [Oslash]Gap lekk ceeb

enfant CLbREL manger riz

lsquoun enfant qui a mangeacute du rizrsquo

d [xale]Filler bu =ko [Oslash]Gap lekk

enfant CLbREL =O3SG manger

lsquoun enfant qui la mangeacutersquo

- 370 -

Ces donneacutees nous permettent de consideacuterer que les constructions Focalisation du Sujet

Preacutesentatif Focalisation du Compleacutement et Relatif heacuteritent la deacutependance filler-gap ainsi que le

schegraveme FILLER =p-s =o S V O dune construction plus scheacutematique que nous appelons construction

Extraction

Dans la construction Extraction le filler nest pas neacutecessairement un argument du verbe Dans la

construction Focalisation du Compleacutement il peut sagir dun satellite (302a) dont la position

canonique est en fin de proposition (302b) Dans la construction Relatif il peut sagir dun

compleacutement geacutenitif dun des arguments du verbe (302c)

302) a [Leacuteegi]Filler =la-a=ko=fi teg [Oslash]Gap (Diouf 2003 354)

maintenant =FOCC-S1SG=O3SG=CLLOCDFPX poser

lsquoJe viens tout juste de le poser lagraversquo

b Keumlr =gi beneen melokaan =la am leacuteegi (Diouf 2003 423)

maison =CLgDFPX CLgALT aspect =FOCCS3SG avoir maintenant

lsquoLa maison a une autre allure maintenantrsquo

c [Keumlr =gi]Filler neacuteeg =yi [Oslash]Gap weex (Sall 2005 177)

maison =CLgDFPX chambre =CLyDFPX ecirctre_blanc

=dafa rafet

=FOCV-S3SG ecirctre_beau

lsquoLa maison dont les chambres sont blanches est bellersquo

Enfin notons que contrairement agrave ce quon observe dans dautres langues telles que langlais

(Ginzburg amp Sag 2000 174-177) la topicalisation en wolof nest pas une construction agrave extraction

En effet ces constructions ne preacutesentent pas de deacutependance filler-gap largument topicaliseacute doit

ecirctre repris par un pronom en position canonique (303a-b) (Sall 2005 113-114) (sect 41)

303) a [Mool yu bare] (Diouf 2003 227)

pecirccheur CLyREL ecirctre_nombreux

gaalu motoor =la-ntildeu am

bateauGEN moteur =FOCC-S3PL avoir

lsquoBeaucoup de pecirccheurs ont des bateaux agrave moteurrsquo

(litt lsquoBeaucoup de pecirccheurs ceux sont des bateaux agrave moteur quils ontrsquo)

- 371 -

b [Sa mbeumlr =mi] (Diouf 2003 167)

POSS2SG champion =CLmDFPX

jeacutell-am =bi =dafa =ko bett

chute-POSS3SG =CLbDFPX =FOCVS3SG =O3SG surprendre

lsquoTon champion a eacuteteacute surpris par sa chutersquo (litt lsquoTon champion sa chute la surprisrsquo)

122 La Construction Focalisation du Sujet

La construction Focalisation du Sujet ne pose aucun problegraveme particulier dans le cadre de notre

analyse Nous pouvons lanalyser comme une construction agrave extraction dans laquelle le sujet lexical

(304a) ou pronominal (304b) est extrait de la structure canonique et laisse un trou syntaxique dans

cette derniegravere

304) a S FILLER =p (S)GAP V O

[Omar]Filler =a [Oslash]Gap lekk ceeb

Omar =FOCS manger riz

lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

b s FILLER =p (-S)GAP =o V

[Ma]Filler =a [Oslash]Gap =ko lekk

1SG =FOCS =O3SG manger

lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

Il sagit donc dune instanciation de la construction Focus qui est elle-mecircme une instanciation de

la construction Extraction Le sujet (lexical ou pronominal) est extrait de la structure canonique et

laisse un trou syntaxique dans cette derniegravere et le marqueur preacutedicatif est a (304a-b)

Le fait de consideacuterer la construction Focalisation du Sujet comme une construction agrave extraction

semble compatible avec lanalyse proposeacutee par Kihm (1999) et Torrence (2013b) Selon ces auteurs

la construction Focalisation du Sujet est une cliveacutee articuleacutee autour dun verbe copule a Comme

nous lavons vu en (sect 256) cette analyse est contestable dans le cadre dune eacutetude synchronique du

wolof Neacuteanmoins elle fournit une piste inteacuteressante concernant lorigine de la construction

- 372 -

Focalisation du Sujet De plus elle permet de rendre compte des emplois non verbaux de cette

construction (sect 252)

123 La Construction Preacutesentatif

Au premier abord lanalyse de la construction Preacutesentatif ne semble pas poser problegraveme En

effet cette construction peut ecirctre rapprocheacutee de la construction Focalisation du Sujet (Sauvageot

1965 109-111 Church 1981 71-76 Diouf 1985 43 Bondeacuteelle 2015 118-120) La principale

fonction discursive du Preacutesentatif est dintroduire une entiteacute ou une situation nouvelle dans le

discours et dexprimer une information nouvelle sur cette entiteacute ou situation (sect 253) ce qui est

coheacuterent avec la structure dune construction agrave extraction du sujet En outre comme nous lavons

signaleacute en (sect 44) ces deux constructions preacutesentent le mecircme schegraveme S=s=p=o V O cest-agrave-dire

S=p V O avec des arguments lexicaux (305a-b) et s=p=o V avec des arguments pronominaux

(306a-b)

305) S =p V O

a Omar =a lekk ceeb lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

Omar =FOCS manger riz

b Omar =a ngi lekk ceeb lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

Omar =PRSTPX manger riz

306) S =p =o V

a Ma =a =ko lekk lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

PRO1SG =FOCS =O3SG manger

b Ma =a ngi =ko lekk lsquoMe voici qui en ai mangeacutersquo

PRO1SG =PRSTPX =O3SG manger

Par ailleurs le MP du Preacutesentatif a ng- preacutesente un eacuteleacutement a identique au MP de la Focalisation

du Sujet Enfin les paradigmes personnels des constructions Preacutesentatif et Focalisation du Sujet

sont formellement analogues (Tableau 121) Comme nous lavons deacutemontreacute en (sect 421) les

pronoms sujets de ces deux constructions sont des formes contracteacutees des pronoms forts

- 373 -

Tableau 121 - Analogie des paradigmes personnelsdes constructions Focalisation du Sujet et Preacutesentatif

FOCS PRSTFOCS PRST

SUJ MP SUJ MP

SG

1 maa maa ngi ma= a ma= a ng-

2 yaa yaa ngi ya= a ya= a ng-

3 moo mu ngilarr

mu= a mu= (a) ng-

PL

1 noo nu ngi nu= a nu= (a) ng-

2 yeena yeena ngi yeen= a yeen= a ng-

3 ntildeoo ntildeu ngi ntildeu= a ntildeu= (a) ng-

On pourrait donc supposer que la construction Preacutesentatif est deacuteriveacutee de la construction

Focalisation du Sujet par lajout dun eacuteleacutement ng- immeacutediatement apregraves le MP a Cependant cette

analyse ne permet pas de rendre compte de toutes les caracteacuteristiques de cette construction

Robert (1991) et Perrin (2005) rapprochent plutocirct le Preacutesentatif du Minimal (ou plus preacuteciseacutement

du Subjonctif-Conseacutecutif) Le premier argument avanceacute par ces auteurs est dordre formel Ils notent

que leacuteleacutement a du marqueur du Preacutesentatif a ng- nest pas preacutesent agrave toutes les personnes il est

absent agrave 3SG 1PL et 3PL174 Agrave ces personnes le pronom est identique au pronom sujet libre attesteacute

avec le Subjonctif-Conseacutecutif (Robert 1991 169) Selon Perrin (2012 58-59) laquo le paradigme du

preacutesentatif nest autre que le paradigme du narratif auquel on a ajouteacute le marqueur deacuteictique du

preacutesentatif ngi lsquovoicirsquo raquo (Tableau 122) Concernant les formes 2SG et 2PL il explique quelles sont

laquo obtenues par mutation des consonnes ng g en y raquo en sappuyant sur une hypothegravese de

reconstruction proposeacutee par Dialo (1981b 307)

Le second argument avanceacute par Robert (1991) et Perrin (2005) est dordre seacutemantique Selon ces

auteurs le Preacutesentatif et le Minimal ont une valeur daoristique renvoyant agrave une saisie globale du

procegraves (Perrin 2012 59)175 De plus selon Robert (1991 170) il sagit des deux seules

constructions avec lesquelles laquo les verbes daction peuvent agrave laccompli avoir valeur de preacutesent

voire de futur raquo Par ailleurs lexpression de la neacutegation permet eacutegalement de rapprocher le

Preacutesentatif du Subjonctif-Conseacutecutif En effet ces deux constructions sont les seules dont les

formes neacutegatives sarticulent autour dun verbe auxiliaire bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (sect 313)

174 Du moins dans la paradigme laquo standard raquo (sect 1231)175 cf (sect 175) pour une preacutesentation du concept laquo aoristique raquo

- 374 -

Tableau 122 - Analogie des paradigmes personnelsdes constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Preacutesentatif176

SUBJPRST

FormeHypothegravese decomposition

SG

1 ma maa ngi ma a ng-

2 nga yaa ngi nga a ng-

3 mu mu ngi mu ng-

PL

1 nu nu ngi nu ng-

2 ngeen yeena ngi ngeen a ng-

3 ntildeu ntildeu ngi ntildeu ng-

Enfin Torrence (2013a) propose une analyse diffeacuterente Il reconnaicirct que le Preacutesentatif utilise le

mecircme paradigme pronominal que la Focalisation du Sujet (Torrence 2013a 45) Neacuteanmoins il

neacutetablit pas dautres liens entre ces deux constructions Il analyse le Preacutesentatif comme une

construction progressive exprimant une action en cours ou un eacutetat preacutesent (Torrence 2013a 30)

Pour reacutesumer la construction Preacutesentatif semble tregraves proche de la construction Focalisation du

Sujet fonction discursive comparable schegraveme identique preacutesence dun eacuteleacutement a dans le MP

paradigmes personnels similaires On pourrait donc supposer que la construction Preacutesentatif est

deacuteriveacutee de la construction Focalisation du Sujet par lajout dun eacuteleacutement ng- immeacutediatement apregraves le

MP a Cependant cette analyse ne permet pas de rendre compte des idiosyncrasies du paradigme

personnel releveacutees par Robert (1991) et Perrin (2005) Elle ne permet pas non plus dexpliquer

pourquoi le suffixe de neacutegation est compatible avec la Focalisation du Sujet (sect 3112) mais pas

avec le Preacutesentatif (sect 313) En outre cette analyse pose lexistence dun eacuteleacutement ng- qui nest

attesteacute nulle part ailleurs dans la langue

Afin dexpliquer les caracteacuteristiques de la construction Preacutesentatif nous proposons lanalyse

suivante la construction Preacutesentatif est issue de la grammaticalisation dune construction locative

mettant en jeu un deacutemonstratif de forme DEIC1-CL-DEIC2 La forme de cet eacuteleacutement sest figeacutee et par

analogie avec la construction Focalisation du Sujet le marqueur deacuteictique 1 a eacuteteacute reacuteanalyseacute en

marqueur de Focalisation du Sujet

Plusieurs arguments viennent soutenir cette hypothegravese les variations attesteacutees dans la formes du

MP et le paradigme personnel du Preacutesentatif (sect 1231) ainsi que les donneacutees issues de la

comparaison des langues de la famille atlantique (sect 1232)

176 Tableau adapteacute de Perrin (2012 58)

- 375 -

1231 Caracteacuteristiques formelles et variations du MP

Nous avons deacutecrit en deacutetail la forme et le sens de la construction Preacutesentatif en (sect 253)

Neacuteanmoins nous avons preacutesenteacute le paradigme laquo standard raquo de cette construction sans nous attarder

sur le cas des variantes ou des idiosyncrasies

La structure du marqueur du Preacutesentatif diffegravere de celle des autres MP Au-delagrave des normes

orthographiques il semble ecirctre constitueacute de deux eacuteleacutements distincts a + ng- Leacuteleacutement ng- a une

structure morphologique semblable agrave celle dun deacuteterminant En effet il est constitueacute de ng suivi

dun marqueur deacuteictique proximal (-i) ou distal (-a) or le deacuteterminant deacutefini est constitueacute dune

marque de classe nominale et des mecircmes marqueurs deacuteictiques (307a-b) Il peut eacutegalement se

construire comme un deacuteterminant deacutemonstratif deacuteictique (307c) ou anaphorique (307d) On

remarque que le deacuteterminant deacutemonstratif anaphorique preacutesente une structure CL-oo-CL-DEIC (307e)

(Fal 1999 52-53) cest-agrave-dire une forme ougrave la marque de classe apparaicirct deux fois Or dans le cas

du marqueur du Preacutesentatif leacuteleacutement ng- apparaicirct agrave linitial mais cest un -g- qui apparaicirct lors de la

seconde occurrence ng-oo-g-DEIC (307d) Ce pheacutenomegravene nous permet de supposer que ng est

probablement issu de la marque de classe nominale g- qui regroupe entre autres les toponymes et

les arbres (Gueacuterin 2011 76) Lalternance g rarr ng agrave linitial pourrait ecirctre le reacutesultat dun processus

morphophonologique (sect 0451)

307) a Am ndoacuteomaar =a ng-i c-i mbaal =m-i (Diouf 2003 244)

IDFCLm tortue_de_mer =A NG-PX PREP-PX filet =CLm-DFPX

lsquoIl y a une tortue de mer dans le filetrsquo

b Sama jabar =a ng-a c-a waantilde =w-a (Diouf 2003 357)

POSS1SG femme =A NG-DT PREP-DT cuisine =CLw-DFDT

lsquoMa femme est agrave la cuisinersquo

c Omar =a ng-ale di dem ~ paaka =b-ale (Diouf 2003 51 60)

Omar =A NG-DEMDT IPF partir couteau =CLb-DEMDT

lsquoVoilagrave Omar qui sen varsquo lsquoce couteau-lagraversquo

- 376 -

d Aw doj =a ng-oo-g-ule (Diouf 2003 51)

IDFCLw caillou =A NG-DEMANAPH-G-DEMANAPHPX

ci sa wetu tagravenk

PREPPX POSS2SG cocircteacuteGEN pied

lsquoVoilagrave un caillou agrave cocircteacute de ton piedrsquo

e Meumln =nantildeoo teumlkkale leacuteeb =y-oo-y-ulehellip (Diouf 2003 340)

pouvoir =PRFS3PLDV comparer conte =CLy-DEMANAPH-CLy-DEMANAPHPX

lsquoOn peut comparer ces conteshelliprsquo

Par ailleurs lamalgame entre le pronom sujet et la voyelle initiale du marqueur connaicirct plusieurs

variations (Church 1981 62-63) Agrave la troisiegraveme personne du singulier agrave la premiegravere personne du

pluriel et agrave la troisiegraveme personne du pluriel on observe trois variantes possibles soit la voyelle a

du MP est preacutesente et fusionne avec la voyelle finale du pronom (moo ngi noo ngi ntildeoo ngi) soit

la voyelle finale -u du pronom est remplaceacutee par un -i (mi ngi ni ngi ntildei ngi) soit la voyelle a du

MP est absente (mu ngi nu ngi ntildeu ngi) Par contre aux autres personnes la voyelle a du MP est

toujours preacutesente (maa ngi yaa ngi yeena ngi) Church (1981 63) donne la freacutequence

dutilisation des diffeacuterentes variantes

Tableau 123 - Freacutequences des variantes des pronoms sujet au Preacutesentatif177

-a -i -Oslash

1SG ma 100 0 0

2SG ya 100 0 0

3SG m(u) 4 40 56

1PL n(u) 31 8 61

2PL yeen 100 0 0

3PL ntilde(u) 22 15 63

On constate que le paradigme laquo standard raquo du Preacutesentatif tel quil est preacutesenteacute dans la plupart des

grammaires (sect 253) correspond aux freacutequences les plus eacuteleveacutees maa ngi yaa ngi mu ngi

nu ngi yeena ngi ntildeu ngi Neacuteanmoins la variation est beaucoup plus importante que ce que ces

grammaires pourraient laisser croire Aux personnes 3SG 1PL et 3PL les formes ougrave la voyelle a du

MP est absente sont certes les plus freacutequentes mais elles repreacutesentent moins des deux tiers des

177 Tableau adapteacute de Church (1981 63) Les freacutequences sont exprimeacutees en

- 377 -

emplois (1PL 3PL) voire juste un peu plus de la moitieacute (3SG) des occurrences Par ailleurs agrave ces

personnes les formes les plus freacutequentes ne sont pas les formes attendues En effet la voyelle a du

MP eacutetant systeacutematiquement preacutesente apregraves un pronom 1SG 2SG et 2PL ainsi quapregraves un sujet lexical

on sattendrait agrave ce quelle le soit eacutegalement apregraves un pronom 3SG 1PL et 3PL Or les formes noo ngi

et ntildeoo ngi sont relativement peu freacutequentes (respectivement 31 et 22 ) La forme moo ngi

quant agrave elle est tregraves rare Church (1981 63) ne la releveacutee que chez sept locuteurs dont six avaient

entre 7 et 17 ans ce qui pourrait laisser supposer quil sagit dune forme novatrice etou fautive

Enfin les formes mi ngi ni ngi et ntildei ngi reacutesultent vraisemblablement dune reacuteinterpreacutetation de la

voyelle finale du pronom en marqueur deacuteictique (qui saccorde avec le marqueur deacuteictique de ng-)

Selon les observations de Church (1981 63) ces formes (notamment mi ngi) sont essentiellement

attesteacutees au Cayor au Dyolof au Baol et au Walo cest-agrave-dire dans les reacutegions les plus

anciennement peupleacutees par les wolofs Cette situation pourrait laisser supposer quil sagit de formes

relativement anciennes dans lhistoire de la langue etou quil sagit de formes plus conservatrices

que les deux autres

1232 Un heacuteritage geacuteneacutetique

Comme nous lavons vu en (sect 164) la plupart des langues atlantiques dispose dune construction

locative pouvant eacutegalement ecirctre utiliseacutee comme construction preacutesentative etou progressive La

structure de ces constructions ainsi que la forme du marqueur utiliseacute sont similaires dune langue

atlantique agrave lautre alors quelles sont diffeacuterentes dans les langues de Seacuteneacutegambie appartenant agrave

dautres familles Nous pouvons donc supposer que les constructions locatives-preacutesentatives des

langues atlantiques modernes ont une origine commune

La comparaison des langues atlantiques nous a permis de reconstruire la forme suivante en

proto-atlantique PRO=DEIC1-CL-DEIC2 (sect 1642) Ainsi le marqueur est constitueacute dune base

comprenant une marque de classe nominale (CL) et une marque deacuteictique (DEIC2) Cette base

preacutesente une structure similaire agrave celle dun deacuteterminant deacutemonstratif Le marqueur peut eacutegalement

comprendre une marque deacuteictique (DEIC1) pouvant servir de lien avec le pronom sujet Cette

marque deacuteictique est rare dans les langues atlantiques mais sa preacutesence dans des langues

appartenant agrave diffeacuterents groupes de la famille tend agrave prouver quelle existait dans la proto-langue

Enfin si le sujet est un pronom il aura geacuteneacuteralement la forme dun pronom fort pouvant

samalgamer avec le marqueur preacutesentatif

Les donneacutees du wolof sont parfaitement coheacuterentes avec cette reconstruction Comme nous

- 378 -

lavons vu plus haut le marqueur du Preacutesentatif du wolof a ng- comprend une base ng- preacutesentant

une structure morphologique semblable agrave celle dun deacuteterminant En effet cette base est constitueacutee

dun eacuteleacutement ng- probablement issu du figement dune ancienne marque de classe (CL) et dune

marque deacuteictique (DEIC2)

Par ailleurs leacuteleacutement a du marqueur a ng- est probablement issu du figement dune marque

deacuteictique (DEIC1) Plusieurs arguments viennent eacutetayer cette hypothegravese Pour commencer cet

eacuteleacutement a est formellement identique agrave la marque deacuteictique distale du wolof En outre le figement

dune marque distale dans le marqueur de preacutesentatif est attesteacute dans dautres langues atlantiques

notamment plusieurs langues joola (sect 163) Par ailleurs les variations du paradigme personnel du

Preacutesentatif viennent eacutegalement agrave lappui de notre hypothegravese Comme nous lavons vu plus haut aux

personnes 3SG 1PL et 3PL les formes mi ngi ni ngi et ntildei ngi sont eacutegalement attesteacutees Dans ces

formes leacuteleacutement a du marqueur a ng- ainsi que la voyelle finale du pronom sont remplaceacutes par une

voyelle -i marque formellement identique agrave la marque deacuteictique proximale Ces formes eacutetant

essentiellement attesteacutees dans les reacutegions les plus anciennement peupleacutees par les wolofs nous

pouvons supposer quil ne sagit pas dinnovations reacutecentes mais plutocirct de formes conservatrices

Ainsi ces donneacutees tendent agrave montrer que lopposition proximaledistale de la marque deacuteictique 1

eacutetait productive dans un eacutetat anteacuterieur de la langue Cette hypothegravese est confirmeacutee par la description

de Boilat (1858 81-82) cet auteur note que la marque deacuteictique 1 saccorde avec le deacuteictique 2 agrave

la troisiegraveme personne du singulier

Enfin comme nous lavons deacutemontreacute en (sect 421) si le sujet est un pronom il sagit de la forme

contracteacutee dun pronom fort amalgameacutee avec le marqueur preacutesentatif Ainsi la structure

PRO=DEIC1-CL-DEIC2 que nous avons reconstruite pour le proto-atlantique est compatible avec les

donneacutees du wolof (308a-c)

308) PRO= DEIC1 -CL -DEIC2

a Ya= a -ng -i ci neacuteeg =bi (Diouf 2009 149)

PRO2SG= (DT) PRST -PX PREPPX chambre =CLbDFPX

lsquoTu es dans la chambrersquo

b Ntildeu= Oslash -ng -a =fa joacutege deacutemb (Dialo 1981a 21)

PRO3PL= PRST -DT =CLLOCDFDT provenir hier

lsquoIls sont partis de lagrave-bas hierrsquo

- 379 -

c M= i -ng -i =fi (Dialo et al 1984 39)

PRO3SG= PX PRST -PX =CLLOCDFPX

lsquoIl est icirsquo

Pour reacutesumer la construction Preacutesentatif du wolof semble clairement issue de la construction

locative-preacutesentative du proto-atlantique La proto-forme PRO=DEIC1-CL-DEIC2 sest grammaticaliseacutee

en PRO=(a) ng-DEIC2 en wolof contemporain

1233 Hypothegravese de grammaticalisation

Le chemin de grammaticalisation agrave lorigine de la construction Preacutesentatif en wolof est similaire

agrave celui que nous avons deacutecrit pour les langues atlantiques (sect 1642)

Deacutemonstratif rarr Deacutefini rarr Copule locative rarr Preacutesentatif (rarr Progressif)

Un ancien deacuteterminant deacutemonstratif (ou deacutefini) sest dabord grammaticaliseacute en copule

locative178 Puis cette copule sest grammaticaliseacutee en marqueur preacutesentatif179 On note que ce

marqueur tend eacutegalement agrave ecirctre utiliseacute comme marqueur de progressif (cf Torrence 2013a)

En se grammaticalisant le marqueur DEIC1-CL-DEIC2 a subi plusieurs transformations formelles

Tout dabord la marque de classe sest figeacutee et correspond agrave la marque de classe g- Nous ignorons

la raison dun figement dans cette classe Dans toutes les autres langues atlantiques soit la marque

de classe saccorde avec le sujet soit elle sest figeacutee dans la classe des humains Or la classe des

humains en wolof est classe k- la classe g- quant agrave elle regroupe entre autres les toponymes et

les arbres (Gueacuterin 2011 76)

La base CL-DEIC2 a ensuite subi un processus morphophonologique comparable agrave une alternance

consonantique g rarr ng (sect 0451) Nous ignorons la raison de ce processus En wolof

contemporain lalternance consonantique initiale est un processus morphophonologique servant

essentiellement agrave construire des deacuteverbaux et qui nest plus productif

La marque deacuteictique 1 sest figeacutee en marque distale a agrave toutes les personnes sauf 3SG ce qui

correspond au paradigme preacutesenteacute par Boilat (1858 81-82) Agrave la troisiegraveme personne du singulier la

marque deacuteictique 1 qui saccorde avec le deacuteictique 2 sest substitueacutee agrave la voyelle finale du pronom

mu probablement en raison dune eacuterosion phoneacutetique Ce pheacutenomegravene a entraicircneacute une reacuteanalyse de la

178 Ce type de grammaticalisation est attesteacute dans plusieurs langues (Heine amp Kuteva 2002 108-109)179 Ce pheacutenomegravene est attesteacute dans plusieurs langues (Gelderen 2011 133)

- 380 -

voyelle -u du pronom mu (3SG) en marque deacuteictique Cette reacuteanalyse a eacuteteacute eacutetendue par analogie

aux autres pronoms finissant par un -u cest-agrave-dire nu (1PL) et ntildeu (3PL) Par la suite lopposition

deacuteictique a commenceacute agrave disparaicirctre eacutegalement agrave ces personnes ce qui a entraicircneacute un retour agrave la

voyelle originelle du pronom et agrave la disparition complegravete de la marque deacuteictique 1

Le fait que lopposition deacuteictique soit resteacutee productive uniquement avec 3SG est coheacuterent avec sa

fonction situer le sujet dans lespace ou le temps Pour les personnes deacutesignant le locuteur (1SG1PL)

ou lallocutaire (2SG2PL) cette distinction semble plus accessoire ce qui pourrait expliquer sa

disparition progressive de la langue Par ailleurs notre hypothegravese permet dexpliquer les reacutesultats

statistiques de Church (1981) (Tableau 123) notamment les eacutecarts de freacutequence entre les formes

3SG dune part et 1PL et 3PL dautre part Pour ces trois personnes les formes les plus freacutequentes sont

celles ougrave la marque deacuteictique 1 est absente ce qui correspond agrave la derniegravere eacutetape de la

grammaticalisation que nous avons preacutesenteacutee au paragraphe preacuteceacutedent En revanche on remarque

des eacutecarts significatifs pour les autres formes Concernant 3SG les cas ougrave la marque deacuteictique sest

substitueacutee agrave la voyelle du pronom (mi ngi) sont freacutequents alors que les cas ougrave la marque deacuteictique

figeacutee vient sajouter au pronom (moo ngi) sont tregraves rares et semblent ecirctre des innovations reacutecentes

En revanche pour 1PL et 3PL les cas ougrave la marque deacuteictique figeacutee vient sajouter au pronom

(noo ngi ntildeoo ngi) sont relativement freacutequents il sagit de formes anciennes attesteacutees par Boilat

(1858) Par contre les cas ougrave la marque deacuteictique sest substitueacutee agrave la voyelle du pronom (ni ngi

ntildei ngi) sont plus rares il sagit de formes plus reacutecentes construites par analogie avec 3SG

Enfin en se grammaticalisant la construction Preacutesentatif a commenceacute agrave assumer une fonction

discursive relativement proche de celle de la Focalisation du Sujet introduire une entiteacute ou une

situation nouvelle dans le discours et exprimer une information nouvelle sur cette entiteacute ou

situation Cette eacutevolution seacutemantique a provoqueacute une reacuteanalyse de la construction Preacutesentatif par

analogie avec la construction Focalisation du Sujet La marque deacuteictique 1 a eacuteteacute reacuteanalyseacutee en

marque de focalisation du sujet Il est eacutegalement possible que cette analogie ait entraicircneacute une

reacuteorganisation du schegraveme de la construction Preacutesentatif notamment en ce qui concerne la position

des pronoms objets Neacuteanmoins nous ne disposons pas de suffisamment de donneacutees historiques

pour pouvoir confirmer ou infirmer cette hypothegravese

1234 Synthegravese

En wolof contemporain la construction Preacutesentatif peut ecirctre analyseacutee comme une construction agrave

extraction analogue agrave la construction Focalisation du Sujet le sujet lexical (309a) ou pronominal

- 381 -

(309b) est extrait de la structure canonique et laisse un trou syntaxique dans cette derniegravere

309) a S FILLER =p (S)GAP V O

[Omar]Filler =a ngi [Oslash]Gap lekk ceeb

Omar =PRSTPX manger riz

lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

b s FILLER =p (-S)GAP =o V

[Ma]Filler =a ngi [Oslash]Gap =ko lekk

1SG =PRSTPX =O3SG manger

lsquoVoici que je lai mangeacutersquo

Cette construction peut donc ecirctre analyseacutee comme une instanciation de la construction

Focalisation du Sujet qui est elle-mecircme une instanciation de la construction Focus elle-mecircme

instanciation de la construction Extraction Le sujet (lexical ou pronominal) est extrait de la

structure canonique et laisse un trou syntaxique dans cette derniegravere (309a-b) Le marqueur preacutedicatif

a ng- semble pouvoir sanalyser comme le marqueur de Focalisation du Sujet a auquel sajoute une

marque ng-

Cependant si cette analyse semble valide en synchronie elle ne permet pas de rendre compte de

plusieurs idiosyncrasies de la construction Preacutesentatif notamment les variations formelles attesteacutees

aux personnes 3SG 1PL et 3PL ou lincompatibiliteacute avec le suffixe de neacutegation -ul Afin dexpliquer

ces idiosyncrasies nous posons lhypothegravese diachronique suivante la construction Preacutesentatif du

wolof contemporain est issue de la grammaticalisation dune construction locative du proto-

atlantique mettant en jeu un deacutemonstratif de forme DEIC1-CL-DEIC2 La forme de cet eacuteleacutement sest

figeacutee et par analogie avec la construction Focalisation du Sujet le marqueur deacuteictique 1 a eacuteteacute

reacuteanalyseacute en marqueur de focalisation du sujet Comme nous lavons vu en (sect 1233) cette

hypothegravese permet de rendre compte des variations formelles attesteacutees dans le paradigme De plus

elle permet dexpliquer lincompatibiliteacute avec le suffixe de neacutegation En effet il semblerait que dans

les langues atlantiques modernes disposant dune construction locative-preacutesentative analogue cette

construction ne soit pas compatible avec le marquage laquo standard raquo de la neacutegation mais preacutesente

plutocirct une forme neacutegative speacutecifique Cest notamment le cas en noon (Soukka 2000 229) ou en

joola banjal (Bassegravene 2006 133) Ainsi cette incompatibiliteacute semble ecirctre une proprieacuteteacute de la proto-

forme

- 382 -

Le wolof contemporain dispose donc de deux constructions focalisant largument sujet

Focalisation du Sujet et Preacutesentatif La construction Focalisation du Sujet permet dexprimer un

focus assertif ou contrastif du sujet alors que la construction Preacutesentatif permet dexprimer un focus

preacutesentationnel du sujet Ces deux constructions preacutesentent une structure formellement identique

S=s=p=o V O Elles se distinguent concernant trois points

bull Forme du marqueur preacutedicatif a pour la Focalisation du Sujet et a ng- pour le Preacutesentatif

bull Paradigme personnel reacutegulier pour la Focalisation du Sujet variations avec 3SG 1PL et 3PL

pour le Preacutesentatif

bull Forme neacutegative Neacutegation Affixale pour la Focalisation du Sujet Neacutegation agrave Verbe

Auxiliaire pour le Preacutesentatif

124 La Construction Focalisation du Compleacutement

La construction Focalisation du Compleacutement ne pose aucun problegraveme particulier dans le cadre

de notre analyse Nous pouvons lanalyser comme une construction agrave extraction dans laquelle

lobjet (310a-b) ou un satellite du verbe (311a-b) est extrait de la structure canonique et laisse un

trou syntaxique dans cette derniegravere

310) a O FILLER =p S V (O)GAP

[Ceeb]Filler =la Omar lekk

riz =FOCC Omar manger

lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

b o FILLER =p -s (o)GAP V

[Moom]Filler =la -a lekk

PRO3SG =FOCC -S1SG manger

lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo

311) a X FILLER =p S V O (X)GAP

[Deacutemb]Filler =la Omar lekk ceeb

hier =FOCC Omar manger riz

lsquoCest hier quOmar a mangeacute du rizrsquo

- 383 -

b x FILLER =p -s =o (x)GAP V

[Fii]Filler =la -a =ko lekk

CLLOCDEMPX =FOCC -S1SG =O3SG manger

lsquoCest ici que jen ai mangeacutersquo

Il sagit donc dune instanciation de la construction Focus qui est elle-mecircme une instanciation de

la construction Extraction Lobjet ou le satellite est extrait de la structure canonique et laisse un

trou syntaxique dans cette derniegravere et le marqueur preacutedicatif est la (310-311)

Le fait de consideacuterer la construction Focalisation du Compleacutement comme une construction agrave

extraction semble compatible avec lanalyse proposeacutee par Kihm (1999) et Torrence (2013b) Selon

ces auteurs la construction Focalisation du Compleacutement est une cliveacutee articuleacutee autour dun verbe

copule a auquel est preacutefixeacute un pronom expleacutetif l- issu de la classe nominale des choses180 Ainsi le

marqueur la du wolof aurait une fonction et une structure similaires agrave la locution cest du franccedilais

(cf traductions de 310-311) Les donneacutees du dialecte leacutebou nous permettent de poser une hypothegravese

similaire Dans ce dialecte Diouf (2016) identifie une copule verbale (l)a pouvant eacutegalement ecirctre

utiliseacutee comme auxiliaire dimperfectif Nous pouvons donc supposer que le MP la est issu de la

copule homonyme Le l- de ce marqueur ne semble donc pas ecirctre la trace dun pronom expleacutetif

mais est simplement la consonne initiale de la copule Neacuteanmoins une eacutetude plus approfondie des

donneacutees du dialecte leacutebou est neacutecessaire pour veacuterifier cette hypothegravese

Comme nous lavons vu en (sect 256) ces hypothegraveses sont contestables dans le cadre dune eacutetude

synchronique du wolof Neacuteanmoins elles fournissent une piste inteacuteressante concernant lorigine de

la construction Focalisation du Compleacutement De plus elles permettent de rendre compte des

emplois non verbaux de cette constructions (sect 252)

125 La Construction Relatif

Comme nous lavons signaleacute en (sect 121) il existe deux types de constructions agrave extraction en

wolof les constructions focalisantes et les constructions relatives Comme la construction Focus la

construction Relatif est une instanciation de la construction Extraction dont elle heacuterite des

principales caracteacuteristiques structure impliquant une deacutependance filler-gap et schegraveme

FILLER p-s=o S V O

180 cf (sect 41) pour une preacutesentation des classes nominales

- 384 -

Ainsi la construction Relatif preacutesente une structure formellement analogue agrave celle de la

construction Focus La relativisation du sujet preacutesente une structure similaire agrave la Focalisation du

Sujet Nous pouvons lanalyser comme une construction agrave extraction dans laquelle le sujet (312a-b)

est extrait de la structure canonique et laisse un trou syntaxique dans cette derniegravere

312) a S FILLER p (S)GAP V O

[xale]Filler bu [Oslash]Gap lekk ceeb

enfant CLbREL manger riz

lsquoun enfant qui a mangeacute du rizrsquo

b s FILLER p (S)GAP =o V

[xale]Filler bu [Oslash]Gap =ko lekk

enfant CLbREL =O3SG manger

lsquoun enfant qui la mangeacutersquo

De mecircme la relativisation du compleacutement preacutesente une structure similaire agrave la Focalisation du

Compleacutement Nous pouvons lanalyser comme une construction agrave extraction dans laquelle lobjet

du verbe (313a-b) est extrait de la structure canonique et laisse un trou syntaxique dans cette

derniegravere

313) a O FILLER p S V (O)GAP

[ceeb]Filler bu Omar lekk

riz CLbREL Omar manger

lsquodu riz quOmar a mangeacutersquo

b O FILLER p =s V (O)GAP

[ceeb]Filler bu =ma lekk

riz CLbREL =S1SG manger

lsquodu riz que jai mangeacutersquo

Neacuteanmoins la construction Relatif preacutesente plusieurs caracteacuteristiques qui la distinguent

nettement de la construction Focus Contrairement aux constructions focalisantes linstanciation de

la construction Relatif ne constitue pas une phrase indeacutependante mais une proposition subordonneacutee

(312-313) Par ailleurs si la construction Relatif preacutesente un schegraveme FILLER p-s=o S V O la position

- 385 -

laquo p raquo nest pas occupeacutee par un MP mais par un relativiseur (312-313) (sect 244) De plus dans la

construction Relatif la position laquo p raquo peut ne pas ecirctre remplie En effet le relativiseur disparaicirct si

lanteacuteceacutedent de la proposition relative est deacutetermineacute par un article deacutefini (314a) ou un deacuteterminant

deacutemonstratif (314b) (Sall 2005 160-165)

314) a Nit =ki [Oslash ntildeeumlw tey] dafa gumba (Sall 2005 161)

personne =CLkDFPX venir aujourdhui FOCVS3SG ecirctre_aveugle

lsquoLa personne qui est venue aujourdhui est aveuglersquo

b Jamono =jooja [Oslash mu=y wax] (Sall 2005 158)

eacutepoque =CLjDEMANAPHDT S3SG=IPF parler

neexoon =na

ecirctre_agreacuteablePAS =PRFS3SG

lsquoCette eacutepoque lagrave dont il parle eacutetait tregraves agreacuteablersquo

Par ailleurs on note que les cas ougrave la position filler est occupeacutee par un pronom sont relativement

rares Ils semblent limiteacutes aux relatives explicatives (315a-b) (Sall 2005 187)181

315) a Abdu moom mi muus ntildeeumlw =na (Sall 2005 187)

Abdou PRO3SG CLmRELPX ecirctre_ruseacute venir =PRFS3SG

lsquoAbdou lui qui est intelligent est venursquo

b moom mi beumlggoon=a dem (Diouf 2003 13)

PRO3SG CLmRELPX vouloirPAS=DV partir

lsquolui qui voulait partirrsquo

Enfin la construction Relatif est la seule construction agrave extraction dans laquelle le filler peut ecirctre

omis Dans les relatives sans anteacuteceacutedent (316a) et les interrogatives partielles (316b) la position

filler est vide Cette omission est rendue possible par le sens veacutehiculeacute par la marque de classe du

relativiseur Comme nous lavons vu en (sect 41) certaines marques reacutefegraverent speacutecifiquement agrave une

chose (l-) un individu humain (k-) un lieu (f-) ou une maniegravere (n-) Avec ce type de marque

lexpression du nom de domaine devient redondante et donc inutile182

181 Ce pheacutenomegravene nest pas propre au wolof Il est attesteacute dans plusieurs autres langues notamment en franccedilais182 La preacutesence de ce nom est facultative avec les classes l- et k- mais elle est impossible avec les classes f- et n- En

effet en wolof contemporain ces classes sont purement fonctionnelles Elles ne peuvent pas ecirctre analyseacutees commedes classes nominales dans le sens ougrave aucun nom nappartient agrave ces classes Il sagit vraisemblablement danciennesclasses nominales qui se sont grammaticaliseacutees en marqueurs locatif et de maniegravere

- 386 -

316) a [Oslash]Filler lu =ma =ko wax [Oslash]Gap (Diouf 2003 527)

CLCHREL =S1SG =O3SG dire

lsquoce que je lui disrsquo

b [Oslash]Filler Lu =mu =la dig [Oslash]Gap (Diouf 2003 104)

CLCHREL =S3SG =O2SG promettre

lsquoQuest-ce quil ta promis rsquo

126 Les Constructions Temporelle et Hypotheacutetique

Comme nous lavons vu en (sect 245) les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont

formellement semblables aux relatives sans anteacuteceacutedent En effet il sagit de propositions

deacutependantes introduites par une conjonction morphologiquement identique aux relativiseurs et elles

preacutesentent un schegraveme p-s=o S V O Plusieurs eacuteleacutements tendent agrave montrer que ces subordonneacutees sont

issues de la grammaticalisation de propositions relatives

Cependant elles preacutesentent plusieurs particulariteacutes qui les distinguent du Relatif preacutesence dun

suffixe verbal danteacuterioriteacute -ee valeur dirrealis donneacutee au suffixe -oon valeur speacutecifique des

marques de classe b- et s- et absence du pronom personnel de troisiegraveme personne avec les

conjonctions non reacutefeacuterentielles

Dans le cadre de notre analyse nous proposons didentifier deux constructions Subordonneacutee

Temporelle (317a-b) et Subordonneacutee Hypotheacutetique (318a-b) Ces constructions se distinguent lune

de lautre essentiellement en ce qui concerne la forme et les possibiliteacutes de variation de la

conjonction (sect 245)

317) a (X FILLER) p S V O (X)GAP

[beacutes]Filler bi Omar lekk-ee ceeb [Oslash]Gap

jour TEMP Omar manger-ANT riz

lsquoquand (le jour ougrave) Omar a mangeacute du rizrsquo

- 387 -

b (X FILLER) p =s =o V (X)GAP

[beacutes]Filler bi =ma =ko lekk-ee [Oslash]Gap

jour TEMP =S1SG =O3SG manger-ANT

lsquoquand (le jour ougrave) je lai mangeacutersquo

318) a (X FILLER) p S V O (X)GAP

[saa]Filler su Omar lekk-ee ceeb [Oslash]Gap

moment HYP Omar manger-ANT riz

lsquosi (chaque fois que) Omar a mangeacute du rizrsquo

b (X FILLER) p =s =o V (X)GAP

[saa]Filler su =ma =ko lekk-ee [Oslash]Gap

moment HYP =S1SG =O3SG manger-ANT

lsquosi (chaque fois que) je lai mangeacutersquo

Ces deux constructions peuvent ecirctre analyseacutees comme des instanciations de la construction

Relatif dont le nom de domaine est un satellite du verbe

127 Synthegravese

On peut identifier en wolof une construction Extraction Du point de vue du sens cette

construction se caracteacuterise par le fait de seacutelectionner et disoler un eacuteleacutement de la phrase en lui

confeacuterant une position informationnelle forte (foreground) (Croft 2001 153 Neveu 2011 156)

Du point de vue formel cette construction se caracteacuterise par plusieurs traits

bull Structure impliquant une deacutependance filler-gap cest-agrave-dire une structure dans laquelle un

eacuteleacutement laquo extrait raquo (le filler) est suivi par une construction phrastique preacutesentant un trou

syntaxique (gap) correspondant agrave ce filler (cf Ginzburg amp Sag 2000 174)

bull Schegraveme FILLER =p-s=o S V O La position respective de lobjet pronominal (o) et du sujet

lexical (S) est notamment caracteacuteristique de la construction Extraction

bull Neacutegation exprimeacutee par le suffixe de neacutegation -ul La Neacutegation Affixale (sect 3112) est

compatible uniquement avec la construction Extraction et la construction Focalisation du

Verbe

- 388 -

On peut identifier deux types de construction Extraction en wolof la construction Focus et la

construction Relatif Ces deux constructions se distinguent en premier lieu par leur sens La

construction Focus exprime un contraste entre leacuteleacutement mis en filler (le focus) et un ou plusieurs

autres eacuteleacutements susceptibles doccuper la mecircme place La construction Relatif exprime une

proprieacuteteacute permettant de restreindre lensemble des reacutefeacuterents potentiels de leacuteleacutement mis en filler (le

nom de domaine) ou dajouter un commentaire agrave propos du reacutefeacuterent auquel renvoie cet eacuteleacutement

(Creissels 2006b 207) En outre ces deux constructions se distinguent par certaines

caracteacuteristiques formelles

Tableau 124 - Caracteacuteristiques formelles des constructions Focus et Relatif

Construction Focus Construction Relatif

Instanciation correspond agraveune phrase indeacutependante

Instanciation correspond agraveune proposition subordonneacutee

Position laquo p raquo occupeacutee parun marqueur preacutedicatif

Position laquo p raquo occupeacutee parun relativiseur de type joncteur

Position laquo p raquo est toujours pleinePosition laquo p raquo peut ecirctre vide

(relativiseur disparaicirct si le nom de domaineest deacutetermineacute par un deacuteterminant deacutefini)

Filler toujours preacutesentFiller peut ecirctre absent(relatives sans anteacuteceacutedentet interrogatives partielles)

On peut eacutegalement distinguer plusieurs types de constructions en fonction de leacuteleacutement extrait

sujet objet ou satellite Dans le cas de la construction Relatif cette distinction naura aucun impact

sur la forme du relativiseur En revanche dans le cas de la construction Focus cette distinction aura

un impact sur la forme du MP On peut ainsi distinguer deux constructions focalisantes la

construction Focalisation du Sujet (MP a) lorsque leacuteleacutement extrait est le sujet et la construction

Focalisation du Compleacutement (MP la) lorsque leacuteleacutement extrait est un objet ou satellite

Enfin on peut identifier plusieurs constructions plus speacutecifiques La construction Preacutesentatif

peut en synchronie ecirctre analyseacutee comme un cas particulier de la construction Focalisation du Sujet

dont elle heacuterite la plupart des traits De mecircme les constructions Subordonneacutee Temporelle et

Subordonneacutee Hypotheacutetique peuvent ecirctre analyseacutees comme des cas particuliers de la construction

Relatif dont elles heacuteritent la plupart des traits

Le lien entre constructions focalisantes et constructions relatives via le processus dextraction

nest pas limiteacute au wolof Schachter (1973) a montreacute que dans un grand nombre de langues ces

deux types de construction preacutesentent des similitudes formelles Cest notamment le cas en anglais

- 389 -

(germanique indo-europeacuteen) en akan (Niger-Congo) en haoussa (tchadique afro-asiatique) ou en

ilongo (malayo-polyneacutesien) Cest eacutegalement le cas en peul ougrave les mecircmes marques de flexion

verbale sont utiliseacutees dans les constructions focalisantes et relatives (Gottschligg 2006 155)

Dans la Figure (121) les constructions sont repreacutesenteacutees sous la forme dune liste de traits

caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit pas de formalisation mais plutocirct de repreacutesentation

syntheacutetique Dans ce scheacutema les flegraveches pleines sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en pointilleacutes

sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions Le lien

diachronique nest pas un lien dheacuteritage au sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques

de la construction fille sont historiquement heacuteriteacutees de la construction megravere Nous avons repreacutesenteacute

le gap par un gris clair dans le schegraveme de la construction Pour des raisons de lisibiliteacute nous navons

pas repreacutesenteacute la liste complegravete des traits pour chaque construction Une absence de trait explicite

signifie heacuteritage du trait de la construction megravere

- 390 -

- 391 -

Figure 121 - Reacuteseau des constructions agrave extraction

Construction Extraction

- Construction filler-gap- Schegraveme FILLER =p-s =o S V O- Compatible Neacutegation affixale- Sens = emphase sur le filler

Construction Locative

- Schegraveme S =DEM (V)- DEM = DEIC1-CL-DEIC2 (DEIC1 = a CL = ng)- Incompatible Neacutegation affixale- Sens = situer le sujet

LD LI

Construction Focus

- Schegraveme FOC =MP-s =o S V O - filler = eacuteleacutement focaliseacute - p = MP- p toujours preacutesent- filler toujours preacutesent- Proposition indeacutependante- Sens = focalisation du filler

Construction Relatif

- Schegraveme NOM =REL-s =o S V O - filler = eacuteleacutement relativiseacute - p = relativiseur- p peut ecirctre absent- filler peut ecirctre absent- Proposition deacutependante- Sens = relativisation du filler

ConstructionFocalisation du Sujet

- Schegraveme S =a-s =o S V O - filler = sujet - p = MP a- Sens = focus sujet

ConstructionFocalisation du Compleacutement

- Schegraveme FOC =la-s =o S V O - filler = objet ou satellite - p = MP la- Sens = focus compleacutement

ConstructionFocalisation de lObjet

- Schegraveme O =la-s =o S V O - filler = objet- Sens = focus objet

ConstructionFocalisation de Satellite

- Schegraveme X =la-s =o S V O - filler = satellite- Sens = focus satellite

ConstructionPreacutesentatif

- Schegraveme S =angi-s =o S V O - filler = sujet - p = MP a ng-- Incompatible Neacutegation affixale- Sens = focus preacutesentationnel

Construction Relatif Sujet

- Schegraveme S =REL-s =o S V O - filler = sujet- Sens = relativisation du sujet

Construction Relatif Objet

- Schegraveme O =REL-s =o S V O - filler = objet- Sens = relativisation de lobjet

Construction Relatif Satellite

- Schegraveme X =REL-s =o S V O - filler = satellite- Sens = relativisation dun satellite

Construction SubordonneacuteeTemporelle-Hypotheacutetique

- Schegraveme (X) =REL-s =o S V-ee O - filler = beacutes saahellip - p = busu- p toujours preacutesent- filler geacuteneacuteralement absent- Sens = subordonneacutee circonstancielle

ConstructionSubordonneacutee Hypotheacutetique

- Schegraveme (X) =REL-s =o S V-ee O - filler = beacutes saahellip - p = subu- Sens = subordonneacutee hypotheacutetique

ConstructionSubordonneacutee Temporelle

- Schegraveme (X) =REL-s =o S V-ee O - filler = beacuteshellip - p = bu- Incompatible passeacute (w)oon- Sens = subordonneacutee temporelle

LI

LI LI

LI

LI

LILI

LI LI

LI

LI

LI

- 392 -

CCHAPITREHAPITRE 13 - 13 - LLAA POLYGRAMMATICALISATIONPOLYGRAMMATICALISATION DEDE lsquo lsquoNANArsquorsquo

Les constructions Parfait Futur et Optatif diffegraverent du point de vue seacutemantique et

morphosyntaxique (Ch 2) Neacuteanmoins on constate que leurs MP respectifs sont similaires na

(parfait) dina (futur) et na (optatif) Selon nous cette similitude nest pas une coiumlncidence mais

peut ecirctre expliqueacutee en ayant recours agrave la diachronie Nous posons lhypothegravese dune

polygrammaticalisation cest-agrave-dire que ces trois constructions reacutesultent de la grammaticalisation

dune seule et mecircme construction (Hopper amp Traugott 2003 114-115)

131 Problegravemes dans lanalyse du marqueur preacutedicatif lsquonarsquo

Depuis les premiegraveres grammaires jusquaux travaux les plus reacutecents le systegraveme de preacutedication

verbale a connu plusieurs analyses plus ou moins proches les unes des autres Parmi les diffeacuterences

que lon peut relever lune des plus importantes concerne lanalyse du marqueur du Parfait na En

effet il nexiste pas de consensus concernant cet eacuteleacutement que ce soit sur le plan morphosyntaxique

ou seacutemantique

Concernant le statut morphosyntaxique de na on trouve plusieurs types danalyse dans la

litteacuterature La premiegravere consiste agrave traiter na comme un pronom personnel (Dard 1826 38 Roger

1829 47 Kobegraves 1869 90 Njie 1982 101-102) La seconde analyse traite na comme un mot ou

un morphegraveme dont le statut est plus ou moins expliciteacute par lauteur morphegraveme (Sauvageot 1965

100) marque (Dialo 1981a Church 1981) ou particule (Dunigan 1994 12) Seuls trois auteurs

fournissent une analyse relativement explicite de na Boilat (1858 86) considegravere quil sagit dun

verbe a (ecirctre) preacuteceacutedeacute dun n eacutepentheacutetique Robert (1991 21-23) le rapproche des laquo Indices

Personne Aspect-temps Mode (IPAM) raquo de la linguistique tchadique et Diouf (2009 147-151)

considegravere quil appartient agrave une cateacutegorie lexicale speacutecifique les modalisateurs

Concernant le statut seacutemantique de na leacutecart entre les analyses est parfois tregraves important et met

en lumiegravere la difficulteacute de situer ce morphegraveme et la construction qui lui est lieacutee au sein du systegraveme

de preacutedication verbale Dard (1826 38-41) et Boilat (1858 77-165) analysent implicitement ce

morphegraveme comme un marqueur du mode indicatif Kobegraves (1869 112) considegravere eacutegalement quil

marque un mode mais un mode relativement neutre qui laquo expose ou eacutenonce purement et

- 393 -

simplement le fait attributif dans ses rapports avec le temps et les personnes raquo quil nomme

eacutenonciatif cette analyse sera reprise par Dialo (1981a) et Church (1981) Pour Roger (1829 67)

cette construction doit ecirctre analyseacutee comme un preacutesent indeacutefini Sauvageot (1965 100-101)

propose quant agrave lui une analyse aspectuelle puisquil considegravere cette construction comme un aspect

accompli cette analyse sera reprise par Njie (1982 140) Robert (1991 35-68) insiste eacutegalement

sur la valeur aspectuelle de la construction mais son analyse deacutetailleacutee lamegravene agrave lanalyser comme

un parfait183 Diouf (2009 150) met en avant le caractegravere accompli de la construction mais

lanalyse plutocirct comme une focalisation du verbe Dunigan (1994 12-17) analyse na comme la

marque de la polariteacute affirmative ou de la modaliteacute eacutepisteacutemique Enfin Zribi-Hertz amp Diagne

(1999) analysent ce morphegraveme comme la marque de finitude du verbe Ainsi pour reacutesumer le

morphegraveme na a fait lobjet danalyses extrecircmement varieacutees et parfois contradictoires puisquil a eacuteteacute

consideacutereacute comme une marque de mode (indicatif ou eacutenonciatif) de temps (preacutesent) daspect

(accompli ou parfait) de structure informationnelle (focalisation du verbe) de polariteacute (affirmative)

ou de finitude

Lobjectif de ce chapitre est de fournir une analyse unifieacutee et coheacuterente qui permette eacutegalement

de justifier les choix des auteurs qui ont abordeacute cette question En effet si la majeure partie des

analyses anteacuterieures ne peuvent ecirctre reprises inteacutegralement les choix des auteurs reposent souvent

sur des eacuteleacutements importants qui ne sauraient ecirctre occulteacutes

132 De la Focalisation du Verbe au Parfait

La construction Parfait preacutesente plusieurs caracteacuteristiques qui la distinguent des autres

constructions preacutedicatives la principale eacutetant lalignement syntaxique des eacuteleacutements En effet agrave la

diffeacuterence de tous les autres MP na se place immeacutediatement apregraves le verbe (sect 515) Par ailleurs le

Parfait est lune des seules constructions agrave ne pas pouvoir former de preacutedicat non verbal (sect 211)

Enfin on remarque quavec lauxiliaire dImperfectif la construction Parfait exprime un futur Or

cette lecture est probleacutematique le sens de la construction Futur nest absolument pas

compositionnel en synchronie (un parfait imperfectif na a priori pas un sens de futur) et nous ne

connaissons aucune langue dans laquelle un parfait imperfectif sest grammaticaliseacute en futur (Heine

amp Kuteva 2002)

Afin dexpliquer ces pheacutenomegravenes nous proposons lanalyse suivante la construction Parfait en

183 Cest lanalyse que nous avons retenue dans ce travail (sect 211)

- 394 -

wolof contemporain servait agrave noter une focalisation du verbe dans un eacutetat anteacuterieur de la langue 184

Plusieurs arguments viennent soutenir cette hypothegravese

bull La forme du marqueur na est analogue agrave celle des marqueurs des constructions focalisantes

bull Le paradigme personnel du Parfait est identique agrave celui des constructions focalisantes

bull Le schegraveme de preacutedication du Parfait peut ecirctre rapprocheacute du schegraveme des constructions

focalisantes avec le verbe dans une position comparable agrave la position focus

bull Le changement seacutemantique entre lancienne construction et lactuel Parfait est coheacuterent avec

lhypothegravese dun processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique

bull Lhypothegravese dune telle origine permet dexpliquer plusieurs caracteacuteristiques du Futur

Avant de preacutesenter nos arguments nous souhaitons insister sur le fait que notre hypothegravese nest

quune hypothegravese permettant dexpliquer plusieurs pheacutenomegravenes observables en synchronie Il est

impossible de deacuteterminer avec certitude que la construction Parfait exprimait une focalisation du

verbe dans un eacutetat anteacuterieur de la langue et cela pour deux raisons La premiegravere raison est que le

wolof eacutetant une langue agrave tradition orale nous ne disposons que de tregraves peu de textes anciens dans

cette langue Les textes les plus anciens remontent au deacutebut du XIXe siegravecle et sont principalement

lœuvre de missionnaires ou autres membres de ladministration coloniale comme par exemple les

grammaires de Dard (1826) et Boilat (1858) Cependant la culture arabo-musulmane est entreacutee en

contact avec les peuples dAfrique de lOuest agrave partir du VIIIe siegravecle et la transcription en alphabet

arabe des langues locales comme le wolof est probablement ancienne (Cisseacute Ma 2006)

Malheureusement laccegraves agrave ces textes potentiels et leur deacutechiffrement nest pas encore dactualiteacute

La seconde raison est que la linguistique historique ne peut malheureusement pas nous ecirctre dune

grande aide En effet le wolof dispose dune parenteacute relativement bien eacutetablie avec dautres langues

comme le peul ou le seacuteregravere (sect 043) Cependant la distance geacuteneacutetique entre ces langues est

significativement supeacuterieure agrave celle que lon observe par exemple entre des langues indo-

europeacuteennes (Pozdniakov 2007) Ainsi en labsence de tradition eacutecrite cela implique que plusieurs

milliers danneacutees deacutevolution de la langue wolof sont inaccessibles

Neacuteanmoins leacutevolution dune construction syntaxique laisse des traces dans la langue moderne

notamment dans la morphologie la syntaxe et la seacutemantique La mise en lumiegravere de lensemble de

ces traces constitue une argumentation relativement solide pour confirmer leacutevolution de la

184 Cette hypothegravese rejoint lanalyse de Diouf (2009 150) qui traite cette construction comme une focalisation duverbe en synchronie

- 395 -

construction verbale en question

1321 Analogie des formes des marqueurs preacutedicatifs

Notre premier argument concerne lanalogie formelle des MP de la Focalisation du Sujet (a) de

la Focalisation du Compleacutement (la) et du Parfait (na) En effet ces trois MP ont pour forme [(C)a]

Cette forme contraste avec celles des autres MP a ngi (Preacutesentatif) dafa (Focalisation du Verbe)

dina (Futur) du (Futur Neacutegatif) et bul (Prohibitif) Notons que le marqueur de lOptatif est

eacutegalement na alors quil semble a priori navoir aucun lien seacutemantique avec les constructions

focalisantes Neacuteanmoins ce marqueur a la mecircme origine que celui du Parfait (sect 134)

Comme nous lavons vu en (sect 256) Kihm (1999) et Torrence (2013b) ont proposeacute une analyse

permettant de regrouper les marqueurs a (Focalisation du Sujet) et la (Focalisation du

Compleacutement) Selon ces auteurs les constructions focalisantes mettent en jeu un verbe copule a

Dans le cas ougrave leacuteleacutement focaliseacute nest pas le sujet le l- preacutefixeacute agrave la copule est analyseacute comme un

pronom expleacutetif issu de la classe nominale des choses185 Comme nous lavons vu en (sect 124) les

donneacutees du dialecte leacutebou nous permettent de poser une hypothegravese similaire Dans ce dialecte

Diouf (2016) identifie une copule verbale (l)a pouvant eacutegalement ecirctre utiliseacutee comme auxiliaire

dimperfectif Nous pouvons donc supposer que les MP a et la sont deux allomorphes de la copule

(l)a En admettant que lune ou lautre de ces analyses soit exacte on pourrait rapprocher le MP na

des copules a et la

Cette analogie formelle des MP ne constitue pas un argument suffisant pour nous permettre de

rapprocher la construction Parfait des constructions focalisantes Cette similitude pourrait ecirctre due agrave

une eacutevolution par analogie ou simplement ecirctre une coiumlncidence Neacuteanmoins en appui des autres

arguments que nous allons preacutesenter cette analogie semble confirmer notre hypothegravese

1322 Identiteacute des paradigmes

Notre second argument concerne lidentiteacute des paradigmes personnels Le paradigme des affixes

sujets lieacutes au MP de la Focalisation du Compleacutement (la) et le paradigme des affixes sujets lieacutes au

MP du Parfait (na) sont identiques (Tableau 131) alors quils diffegraverent pour tous les autres MP De

plus labsence de MP agrave la deuxiegraveme personne du singulier et du pluriel est eacutegalement une

caracteacuteristique partageacutee uniquement par ces deux constructions (sect 422)

185 cf (sect 41) pour une preacutesentation des classes nominales

- 396 -

Tableau 131 - Affixes sujets lieacutes aux marqueurs preacutedicatifs la et na

FOCC PRF

MP SUJ MP SUJ

SG

1 la -a na -a

2 Oslash -nga Oslash -nga

3 la Oslash na Oslash

PL

1 la -nu na -nu

2 Oslash -ngeen Oslash -ngeen

3 la -ntildeu na -ntildeu

Nous pourrions donc consideacuterer que ce paradigme est typique des constructions focalisantes

Cependant le paradigme personnel de la Focalisation du Sujet est diffeacuterent (Tableau 132)

Tableau 132 - Paradigme personnel de la Focalisation du Sujet

FOCS

SUJ MP

SG 1 ma- a

2 ya- a

3 mu- a

PL 1 nu- a

2 yeen- a

3 ntildeu- a

Cette diffeacuterence est facilement explicable par la fonction mecircme de la Focalisation du Sujet En

effet cette construction ayant pour fonction de mettre en emphase le sujet il ne peut pas y avoir de

lacune dans le paradigme des pronoms sujets De plus la position syntaxique du sujet est diffeacuterente

puisque selon la grammaire de la langue la position focus se situe en tecircte de phrase Dans la

construction Focalisation du Sujet il ny a pas agrave proprement parler de laquo paradigme des affixes

sujets raquo puisque le sujet pronominal placeacute en position focus est neacutecessairement un pronom fort

(sect 421)

1323 Alignement syntaxique

Lalignement syntaxique fournit un argument suppleacutementaire Comme nous lavons vu en (sect 44)

- 397 -

dans les constructions focalisantes leacuteleacutement focaliseacute occupe une position syntaxique unique situeacutee

immeacutediatement avant le MP (319a-b) Or la construction Parfait est la seule construction ougrave le verbe

preacutecegravede le MP se trouvant ainsi dans une position comparable agrave la position focus (319c) Ainsi le

schegraveme de preacutedication du Parfait peut ecirctre rapprocheacute du schegraveme des constructions focalisantes avec

le verbe en position focus

319) FOC =p -s =o V

a [Lii]Filler =la -a [Oslash]Gap lekk

CLCHSGDEMPX =FOCC -S1SG manger

lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo

b [Ma]Filler =a [Oslash]Gap =ko lekk

PRO1SG =FOCS =O3SG manger

lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

c [Lekk]Filler =na -a =ko [Oslash]Gap

manger =PRF -S1SG =O3SG

lsquoJe lai mangeacutersquo

Agrave notre connaissance aucune analyse na encore eacuteteacute proposeacutee pour expliquer lincoheacuterence de cet

alignement syntaxique par rapport aux autres constructions preacutedicatives Notre hypothegravese selon

laquelle la construction Parfait servait agrave noter une focalisation du verbe dans un eacutetat anteacuterieur de la

langue est coheacuterente avec cet alignement La construction a pu subir une eacutevolution seacutemantique

(perte du trait focus) sans que sa structure morphosyntaxique ne soit alteacutereacutee (maintien du verbe dans

la position focus)

Neacuteanmoins la position du sujet lexical pose problegraveme avec cette analyse Si lon considegravere que la

construction Parfait preacutesente la structure dune construction focalisante seul leacuteleacutement mis en focus

devrait ecirctre extrait tous les autres eacuteleacutements devraient rester dans leurs positions canoniques Ainsi

dans la construction Parfait seul le verbe devrait ecirctre extrait le sujet lexical devrait donc se situer

apregraves le MP (320a) Or cette structure est impossible le sujet lexical se place neacutecessairement en

tecircte de proposition (320b)

320) a V FILLER =p S (V)GAP O

[Lekk]Filler =na Omar [Oslash]Gap ceeb

manger =PRF Omar riz

- 398 -

b S V =p O

Omar [lekk]Filler =na ceeb

Omar manger =PRF riz

lsquoOmar a mangeacute du rizrsquo

Nous pouvons envisager deux solutions pour expliquer ce pheacutenomegravene Premiegraverement on peut

supposer que le sujet et le verbe forment un constituant et que cest ce constituant qui est extrait

Cette hypothegravese ne fonctionne pas Rien dans la grammaire du wolof ne nous permet de consideacuterer

que le sujet et le verbe forment un constituant En outre selon notre hypothegravese initiale le Parfait est

issu dune construction Focalisation du Verbe Pourquoi le sujet serait-il eacutegalement mis en focus

La seconde solution serait de supposer lexistence dune contrainte syntaxique concernant la

place respective du sujet lexical et du verbe le sujet lexical doit neacutecessairement preacuteceacuteder le verbe

Cette hypothegravese est parfaitement viable En effet si lon regarde lensemble des schegravemes de

preacutedication verbale du wolof on constate que le sujet lexical preacutecegravede toujours le verbe quelle que

soit la construction (sect 44) Selon cette analyse le sujet lexical nest pas extrait dune supposeacutee

position canonique Dans la construction Parfait il fonctionne plutocirct comme un sujet topicaliseacute

puisquil doit neacutecessairement ecirctre repris par un sujet pronominal (321a) (sect 211 amp sect 422)

321) a S TOPIC V FILLER =p-s (V)GAP O

[Xale =yi]Topic [lekk]Filler =na-ntildeu [Oslash]Gap ceeb

enfant =CLyDFPX manger =PRF-S3PL riz

lsquoLes enfants ont mangeacute du rizrsquo

b V FILLER =p-s =o (V)GAP

[Lekk]Filler =na-a =ko [Oslash]Gap

manger =PRF-S1SG =O3SG

lsquoJe lai mangeacutersquo

Lalignement syntaxique semble donc constituer un argument suppleacutementaire en faveur de notre

hypothegravese selon laquelle la construction Parfait est issue dune construction Focalisation du Verbe

En effet le schegraveme du Parfait peut ecirctre rapprocheacute de celui des constructions focalisantes Nous

pouvons donc supposer que dans un eacutetat anteacuterieur de la langue le verbe aurait eacuteteacute extrait de sa

position canonique pour ecirctre placeacute en position focus Le sujet lexical noccupe pas la mecircme position

- 399 -

que dans le schegraveme de la construction Focus en raison dune contrainte syntaxique selon laquelle le

sujet lexical doit neacutecessairement preacuteceacuteder le verbe

1324 Un processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique

Notre dernier argument est dordre seacutemantique Nous posons lhypothegravese selon laquelle le

changement seacutemantique entre lancienne construction et lactuel Parfait est ducirc agrave un processus de

geacuteneacuteralisation seacutemantique (ou bleaching) cest-agrave-dire agrave la perte dun trait seacutemantique (Bybee et al

1994 6 Hopper amp Traugott 2003 94-98) Selon Bybee (2007 339) lhabituation constitue le

meacutecanisme sous-jacent agrave ce type deacutevolution Cela signifie que plus la freacutequence dune construction

est eacuteleveacutee plus son sens deviendra geacuteneacuteral (via la perte de traits seacutemantiques speacutecifiques) Ce type

deacutevolution largement attesteacute dans les langues du monde a notamment eacuteteacute observeacute dans le cas de

morphegravemes emphatiques perdant leur valeur emphatique (Bybee et al 1994 293) Selon Heine

(2003 578-579) la geacuteneacuteralisation constitue la premiegravere eacutetape du processus de grammaticalisation

1) Geacuteneacuteralisation perte de traits seacutemantiques

2) Extension utilisation dans de nouveaux contextes pragmatiques

3) Deacutecateacutegorialisation perte de traits morphosyntaxiques pouvant entraicircner une perte de statut

lexical (cliticisation affixation)

4) Eacuterosion perte deacuteleacutements phoneacutetiques186

En wolof le Parfait constitue la construction preacutedicative privileacutegieacutee par les locuteurs (Nouguier-

Voisin 2002 38) En effet si lon consulte leacutetude statistique eacutelaboreacutee par Diop et al (1971) on

constate que le marqueur preacutedicatif na est sensiblement plus freacutequent que les autres187

Comme nous lavons vu en (sect 131) la majeure partie des auteurs ont de fait consideacutereacute le Parfait

comme eacutetant une construction relativement neutre dun point de vue seacutemantique En effet les

auteurs ayant adopteacute une analyse modale de cette construction tendent agrave laquo consideacuterer na comme

indiquant le fait pur et simple de laction ou de leacutetat raquo (Church 1981) Dautres auteurs ont analyseacute

na comme une marque de preacutesent daccompli ou de polariteacute affirmative Or il sagit respectivement

du temps de laspect et de la polariteacute non marqueacutes en wolof toutes les constructions preacutedicatives

186 Il est possible que le processus sarrecircte agrave leacutetape 2 (Heine 2003 579)187 Il convient cependant de rester prudent avec ces donneacutees car la nature du corpus nest pas preacuteciseacutee et le na du

parfait et le na de loptatif ne sont pas clairement diffeacuterencieacutes Nous navons pas tenu compte des donneacutees dusubjonctif-conseacutecutif afin de ne pas fausser les reacutesultats car il sagit dune construction essentiellement attesteacutee dansdes subordonneacutees (sect 242)

- 400 -

portent ces traits par deacutefaut De plus comme nous lavons vu en (sect 515) les caracteacuteristiques

morphosyntaxiques de na tendent agrave prouver quil sagit dun clitique en cours de morphologisation

Ainsi toutes ces caracteacuteristiques sont coheacuterentes avec notre hypothegravese La construction

Focalisation du Verbe a une freacutequence dusage de plus en plus eacuteleveacutee Ce meacutecanisme dhabituation

entraicircne une perte progressive de sa valeur emphatique engendrant ainsi une construction

relativement neutre dun point de vue seacutemantique Enfin le marqueur preacutedicatif tend agrave se cliticiser

133 La Construction Futur

Tous les auteurs considegraverent que le marqueur preacutedicatif du Futur dina est formeacute du verbe

auxiliaire de lImperfectif di et du marqueur preacutedicatif na (322a) Sauvageot (1965 105-106) et

Diouf (2009 182) preacutesentent eacutegalement le caractegravere figeacute de cette construction via la possibiliteacute

dajouter un second morphegraveme dimperfectif ce qui les amegravene agrave analyser dina comme un marqueur

preacutedicatif agrave part entiegravere (322b)

322) a Di =na-a bind teacuteere (Kobegraves 1869 175)

ecirctre =PRF-S1SG eacutecrire lettre

lsquoJeacutecrirai une lettrersquo

b Dina-a=y tux (Sauvageot 1965 106)

FUT-S1SG=IPF fumer

lsquoJai lhabitude de fumerrsquo

Ainsi la construction Futur serait issue dun processus de grammaticalisation Le meacutecanisme agrave

lorigine de cette construction est une morphologisation cest-agrave-dire la reacuteanalyse dune seacutequence

syntaxique en un mot (Hopper amp Traugott 2003 140-159) di + na rarr dina Neacuteanmoins cette

analyse est probleacutematique dun point de vue seacutemantique En effet si lon considegravere le sens de ces

morphegravemes en wolof moderne cela revient agrave dire que la grammaticalisation du parfait imperfectif

correspond au Futur di (IPF) + na (PRF) rarr dina (FUT) Ce type deacutevolution semble necirctre attesteacute dans

aucune langue (Heine amp Kuteva 2002) et semble incoheacuterent et injustifiable Une faccedilon dexpliquer

cette incoheacuterence serait de consideacuterer que cest le di en tant que copule qui se grammaticalise ce

type deacutevolution eacutetant attesteacute en russe et en mongole (Heine amp Kuteva 2002 96-97) Cependant

cette hypothegravese ne permet pas dexpliquer la preacutesence du marqueur preacutedicatif na (PRF)

- 401 -

Notre hypothegravese est que ce processus de grammaticalisation a eu lieu agrave une eacutepoque ougrave le

marqueur preacutedicatif na correspondait encore agrave une focalisation du verbe Cette analyse semble plus

coheacuterente dun point de vue seacutemantique En effet dans ce cas le marqueur preacutedicatif dina

correspond agrave la focalisation de lauxiliaire de lImperfectif cest-agrave-dire agrave la mise en emphase du

caractegravere inacheveacute du procegraves ce qui est seacutemantiquement proche du Futur Ainsi il y a dabord eu

une instanciation de lancienne construction Focalisation du Verbe avec lauxiliaire di puis la

seacutequence di + na a subi une morphologisation

134 La Construction Optatif

Depuis la grammaire de Kobegraves (1869) tous les auteurs reconnaissent lexistence dune

construction Optatif caracteacuteriseacutee par un marqueur preacutedicatif na Cependant malgreacute lidentiteacute

formelle entre ce marqueur et le MP du Parfait presque aucun auteur na tenteacute deacutetablir une relation

entre ces deux constructions En partant de lhypothegravese selon laquelle ces deux constructions sont

lieacutees188 nous proposons lhypothegravese suivante la construction Optatif est issue dun processus de

grammaticalisation dune instanciation de la construction Parfait Les principaux meacutecanismes agrave

lorigine de cette construction sont la chute dun eacuteleacutement lexical ainsi quun changement seacutemantique

par infeacuterence (Bybee et al 1994 285-289)

1341 Les traces dun processus de grammaticalisation

Parmi les nombreux tiroirs verbaux identifieacutes dans leurs grammaires Dard (1826 38-41) Roger

(1829 64-65) et Boilat (1858 79) distinguent un paradigme impeacuteratif et un paradigme subjonctif

Le premier correspond agrave un meacutelange entre notre construction Impeacuteratif (323ad) et notre

construction Optatif (323bce)189

323) a Sopp-al (Dard 1826 40)190

aimer-IMPS2SG

lsquoAimersquo

188 Nous remercions Konstantin Pozdniakov de nous avoir fait part de cette hypothegravese189 cf (sect 232) amp (sect 231)190 Pour des raisons de lisibiliteacute nous avons transcrit les exemples en utilisant les conventions orthographiques

actuelles En revanche nous avons conserveacute la segmentation et lanalyse de lauteur

- 402 -

b Na sopp (Dard 1826 40)

IMPS1SG aimer

lsquoQuil aimersquo

c Nanu sopp (Dard 1826 40)

IMPS1PL aimer

lsquoAimonsrsquo

d Sopp-leen (Dard 1826 40)

aimer-IMPS2PL

lsquoAimezrsquo

e Nantildeu sopp (Dard 1826 40)

IMPS3PL aimer

lsquoQuils aimentrsquo

Le paradigme que ces auteurs nomment laquo subjonctif raquo est composeacute du verbe yell (convenir)191

du marqueur preacutedicatif na suivi dune proposition au subjonctif-conseacutecutif Ainsi il sagit dune

construction figeacutee composeacutee de deux propositions yell na + compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif

(324a-f)

324) a Yell na ma sopp (Dard 1826 40)

convenir SUBJ S1SG aimer

lsquo(Il faut) que jaimersquo

b Yell na nga sopp (Dard 1826 40)

convenir SUBJ S2SG aimer

lsquo(Il faut) que tu aimesrsquo

c Yell na mu sopp (Dard 1826 40)

convenir SUBJ S3SG aimer

lsquo(Il faut) quil aimersquo

191 Ce verbe est traduit par laquo falloir ecirctre de neacutecessiteacute ecirctre de devoir ecirctre de bienseacuteance raquo (Dard 1825 181)laquo convenir raquo (Fal et al 1990 268) laquo ecirctre juste ecirctre digne ecirctre convenable raquo (Diouf 2003 404)

- 403 -

d Yell na nu sopp (Dard 1826 40)

convenir SUBJ S1PL aimer

lsquo(Il faut) que nous aimionsrsquo

e Yell na ngeen sopp (Dard 1826 40)

convenir SUBJ S2PL aimer

lsquo(Il faut) que vous aimiezrsquo

f Yell na ntildeu sopp (Dard 1826 40)

convenir SUBJ S3PL aimer

lsquo(Il faut) quils aimentrsquo

Lexistence de cette construction dans les plus anciennes grammaires nous permet de supposer

que le na du Parfait et le na de lOptatif ont une origine commune et que le processus de

grammaticalisation agrave lorigine de la construction Optatif eacutetait presque acheveacute au XIXe siegravecle (en

raison de la coexistence de la forme figeacutee avec yell et de la forme actuelle de la construction

Optatif)

De plus on note lexistence dune forme particuliegravere pour les eacutenonceacutes de souhait ou de vœu en

wolof contemporain Presque tous ces eacutenonceacutes preacutesentent la structure laquo Yagravella na Yagravella + Verbe raquo

(Franke 2004 67-68) (325a) le premier Yagravella pouvant se reacuteduire agrave Yal (325b) Or cette structure

ne semble pas respecter la grammaire de la langue sil sagit dun eacutenonceacute au parfait le mot

preacuteceacutedant na devrait ecirctre un verbe et sil sagit dun eacutenonceacute agrave loptatif il ny a aucune raison

apparente de reacutepeacuteter le sujet lexical Neacuteanmoins on remarque une similitude formelle entre le verbe

yell et le nom de Dieu Yagravella notamment dans sa forme reacuteduite Yal Il semblerait que le premier

Yagravella soit en fait une reacuteinterpreacutetation du verbe yell (Becher 2001 155-156) Cette hypothegravese permet

dexpliquer la position syntaxique des arguments du verbe dans la construction Optatif notamment

le fait que le sujet lexical se place entre na et le verbe lexical (325c-d)

325) a Yagravella na Yagravella far sunuy baakaar (Diouf 2003 119)

Dieu OPT Dieu effacer POSS1PLPL peacutecheacute

lsquoQue Dieu efface nos peacutecheacutes rsquo

- 404 -

b Yal na Yagravella nangu sa ntildeaan (Diouf 2003 493)

Dieu OPT Dieu exaucer POSS2SG priegravere

lsquoQue Dieu exauce ta priegravere rsquo

c Yagravella na [sa liggeacuteey =bi] am barke (Diouf 2003 62)

Dieu OPT POSS2SG travail =CLbDFPX avoir beacuteneacutediction

lsquoQue ton travail soit beacuteni rsquo

d Na [bufta =yi] jib (Diouf 2003 75)

OPT trompette =CLyDFPX reacutesonner

lsquoQue reacutesonnent les trompettes rsquo

1342 Les eacutetapes de la grammaticalisations

En nous fondant sur le processus proposeacute par Becher (2001 153-157) nous proposons

lhypothegravese suivante concernant le processus de grammaticalisation192

Eacutetape 1 Dans une premier temps il y a eu une instanciation de la construction Parfait avec le verbe

yell Cette construction va servir de base agrave une construction reacutegissant une subordonneacutee compleacutetive

de vœu ou de souhait avec Yagravella (Dieu) comme sujet Cette subordonneacutee est au subjonctif-

conseacutecutif et nest pas introduite par une conjonction193 (326a) comme cest le cas avec dautres

verbes tel que aaju (ecirctre neacutecessaire) (326b)

326) a Yell =na Yagravella nangul tool =bi

convenir =PRF Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoIl convient que Dieu rende le champ fertilersquo

b Ndax aaju =na nu seeti =ko (Diouf 2003 43)

est-ce_que ecirctre_neacutecessaire =PRF S1PL regarderAND =O3SG

lsquoEst-il neacutecessaire que nous allions le voir rsquo

Agrave noter que la grammaticalisation dun verbe signifiant laquo convenir raquo comme source dune

192 Les eacutetapes de la grammaticalisation sont illustreacutees agrave partir de la phrase Yagravella na Yagravella nangul tool bi laquo que Dieurende le champ fertile raquo (Cisseacute Mo 2006 253)

193 cf Sall (2005 142-148) pour une analyse deacutetailleacutee de ce type de compleacutetive

- 405 -

construction exprimant lobligation est attesteacutee dans dautres langues notamment nilotiques (Bavin

1995) Heine amp Kuteva (2002 285-286) supposent quil sagit dun pheacutenomegravene areacuteal propre agrave

lAfrique

Eacutetape 2 Cette construction complexe va se figer de faccedilon analogue agrave la construction mettant en jeu

le verbe xeacutej194 (pouvoir ecirctre contenu dans) et le marqueur preacutedicatif na (327)195

327) Xeumly =na ma dem Ndar eumllleumlg (Fal et al 1990 259)

pouvoir_ecirctre =PRF S1SG partir Saint-Louis demain

lsquoIl se peut que jaille agrave Saint-Louis demainrsquo

Eacutetape 3 Cette construction complexe figeacutee a ensuite subi un processus de grammaticalisation

mettant en jeu plusieurs meacutecanismes interdeacutependants Dans un premier temps le verbe yell va ecirctre

reacuteinterpreacuteteacute par les locuteurs en Yagravella Cette reacuteinterpreacutetation est provoqueacutee par la proximiteacute

phonologique des deux mots [jεlː] ~ [jalːɐ] ainsi que le fait que Yagravella soit le sujet de la

subordonneacutee Le premier Yagravella occupe alors une fonction de sujet topique (328a) la possibiliteacute de

topicaliser le sujet en le placcedilant en tecircte de proposition est attesteacutee dans dautres eacutenonceacutes agrave loptatif

(328b)

328) a Yagravella na Yagravella nangul tool =bi (Cisseacute Mo 2006 253)

Dieu OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoQue Dieu rende le champ fertile rsquo

b Ndimbal na ci fekk loxol boroom (Diouf 2003 243)

aide OPT PRTFPX trouver mainGEN proprieacutetaire

lsquoLaide quelle y trouve la main de linteacuteresseacutersquo

Comme le notent Bybee et al (1994 294) le meacutecanisme qui permet dinterpreacuteter labsence dun

eacuteleacutement comme eacutetant porteuse de sens est linfeacuterence Ce meacutecanisme repose sur le fait que le

locuteur insinue plus que ce quil dit et que lallocutaire deacuteduit des choses quil nentend pas (Bybee

et al 1994 285) Ainsi la reacuteinterpreacutetation de yell en Yagravella va entraicircner un changement seacutemantique

par infeacuterence du marqueur na le sens du verbe yell est deacutesormais porteacute par ce marqueur preacutedicatif

(329a-b)

194 Le verbe xeacutej dispose de nombreuses variantes xaj xeumlj xeacutey xeumly195 Notons que lensemble xeacutej na tend agrave ecirctre reacuteinterpreacuteteacute en wolof contemporain comme une locution adverbiale

signifiant laquo peut-ecirctre raquo (Diouf 2003 385)

- 406 -

329) a Yell =na Yagravella nangul tool =bi

convenir =PRF Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoIl convient que Dieu rende le champ fertilersquo

b Yagravella na Yagravella nangul tool =bi

Dieu OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

Ce processus va eacutegalement entraicircner une reacuteanalyse de la construction complexe en une

construction monoclausale (330a-b) Le marqueur na de la proposition principale eacutetant reacuteanalyseacute en

marqueur optatif et la subordonneacutee en proposition principale196

330) a [Yell =na] [Yagravella nangul tool =bi]

convenir =PRF Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoIl convient que Dieu rende le champ fertilersquo

b [Yagravella na Yagravella nangul tool =bi]

Dieu OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

Eacutetape 4 Cette reacuteanalyse de la construction complexe en une construction monoclausale va

entraicircner une restructuration du schegraveme de preacutedication Le schegraveme originel est celui dune

proposition au parfait suivie dune subordonneacutee au subjonctif-conseacutecutif agrave savoir V na + Ss V oO

Ce schegraveme va se restructurer en na s o S V O (331a) peut-ecirctre par analogie avec la construction

Focalisation du Compleacutement (331b) ou la construction Relatif (331c) qui se trouvent ecirctre les seules

autres constructions preacutedicatives ougrave le sujet lexical se place apregraves le MP

331) a Yagravella na =ko Yagravella xaare agravejjana (Diouf 2003 46)

Dieu OPT =O3SG Dieu reacuteserver paradis

lsquoQue Dieu lui accorde le paradisrsquo

b Ci teumlsteumln =la =ko pont =bi jam (Diouf 2003 343)

PREPPX talon =FOCC =O3SG pointe =CLbDFPX piquer

lsquoCest au talon que la pointe la piqueacutersquo

196 Ce type de grammaticalisation est attesteacute dans dautres langues africaines (Heine amp Reh 1984 104-105)

- 407 -

c (hellip) ni =ko ndeyam jure =woon (Diouf 2003 355)

CLMNRDFPX =O3SG megraverePOSS3SG engendrerAPPL =PAS

lsquo(hellip) tel que sa megravere lavait mis au mondersquo

Eacutetape 5 Parallegravelement agrave cette reacuteanalyse le mot Yagravella va subir un processus deacuterosion ou de

reacuteduction phoneacutetique (Heine amp Reh 1984 17-25) La voyelle [a] correspondant phonologiquement

agrave un ɐː (sect 0441) va se reacuteduire en [ɐ] et la consonne finale geacutemineacutee du verbe va se simplifier

yell na[jεlːnɐ]

rarryagravella na[jalːɐnɐ]

rarryal na[jɐlnɐ]

Eacutetape 6 En raison de la reacuteanalyse de yell en Yagravella le premier Yagravella~Yal devient redondant (332a)

Cette situation va rendre possible un processus de chute (Heine amp Reh 1984 27-28) Yagravella~Yal

placeacute en position de topique va devenir facultatif (332b)

332) a Yagravella na Yagravella nangul tool =bi

Dieu OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

b Oslash Na Yagravella nangul tool =bi

TOP OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

Notons que dans les cas ougrave Dieu nest pas le sujet de la proposition le second Yagravella est remplaceacute

par un autre sujet alors que le premier Yagravella peut se maintenir (333) Dans ce contexte Yagravella

semble plutocirct fonctionner comme une interjection

333) Yagravella na sa liggeacuteey =bi am barke (Diouf 2003 62)

Dieu OPT POSS2SG travail =CLbDFPX avoir beacuteneacutediction

lsquoQue ton travail soit beacuteni rsquo

Eacutetape 7 Cette construction initialement limiteacutee aux eacutenonceacutes de vœu ou de souhait (334a) va subir

un processus dexpansion (Heine amp Reh 1984 39-41) ou danalogie (Hopper amp Traugott 2003 63-

68) cest-agrave-dire quelle va ecirctre utiliseacutee dans dautres types deacutenonceacutes (334b) Ce processus est

- 408 -

similaire agrave celui qua subi la neacutegation en franccedilais ougrave lutilisation du mot pas initialement limiteacutee aux

verbes de mouvement a progressivement eacuteteacute eacutetendue aux autres verbes (Hopper amp Traugott 2003

63-68)

334) a Na Yagravella nangul tool =bi

OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

b Na xale =yi teumlri (Diouf 2009 137)

OPT enfants =CLyDFPX se_coucherAND

lsquoQue les enfants aillent se coucherrsquo

Eacutetape 8 Ce processus dexpansion va entraicircner une morphologisation du sujet pronominal (335a-

b) par analogie avec les paradigmes personnels des autres constructions preacutedicatives (336a-b)

335) a Na ma lekk rarr Na-a lekk

OPT S1SG manger OPT-S1SG manger

lsquoIl faut que je mangersquo

b Na ntildeu lekk rarr Na-ntildeu lekk

OPT S3PL manger OPT-S3PL manger

lsquoQuils mangentrsquo

336) a Ceeb =la-a lekk

riz =FOCC-S1SG manger

lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo

b Ceeb =la-ntildeu lekk

riz =FOCC-S3PL manger

lsquoCest du riz quils ont mangeacutersquo

Ainsi on peut identifier huit eacutetapes pour ce processus de grammaticalisation mettant en jeu des

processus morphosyntaxiques et seacutemantiques

- 409 -

Eacutetape 1 (instanciation) yell na Yagravella nangul tool bi

convenir PRF COMPL

Eacutetape 2 (figement) yell na Yagravella nangul tool bi

convenir PRF COMPL

Eacutetape 34 (reacuteanalyse changementseacutemantique par infeacuterenceet restructuration du schegraveme)

Yagravella na Yagravella nangul tool bi

Dieu OPT SUJ PRED

Eacutetape 5 (eacuterosion phoneacutetique) yal na Yagravella nangul tool bi

Dieu OPT SUJ PRED

Eacutetape 6 (chute du sujet topique) Oslash na Yagravella nangul tool bi

OPT SUJ PRED

Eacutetape 7 (analogie) na ntildeu dem

OPT SUJ PRED

Eacutetape 8 (morphologisationdu pronom sujet)

na -ntildeu dem

OPT -SUJ PRED

Figure 131 - Eacutetapes reconstitueacutees de la grammaticalisation de lOptatif197

Notons que toutes les phrases donneacutees en illustration dans la Figure (131) sont grammaticales en

wolof contemporain Par ailleurs les eacutetapes 3 et 4 semblent avoir eacuteteacute plus ou moins concomitantes

nous navons trouveacute aucune occurrence de phrase preacutesentant une reacuteanalyse de yell en Yagravella mais ne

preacutesentant pas la restructuration du schegraveme

Enfin il subsiste une interrogation concernant lidentification de la construction agrave lorigine de la

construction Optatif cest-agrave-dire la construction ayant eacuteteacute instancieacutee dans leacutetape 1 Nous avons

supposeacute quil sagit de la construction Parfait Neacuteanmoins on pourrait supposer quil sagit plutocirct de

lancienne construction Focalisation du Verbe cest-agrave-dire la construction agrave lorigine de la

construction Futur De fait deux arguments plaident plutocirct en faveur de la premiegravere hypothegravese

Premiegraverement comme nous lavons vu en (sect 1341) des eacutenonceacutes correspondant agrave leacutetape 2 sont

attesteacutes dans les plus anciennes grammaires (Dard 1826 38-41 Roger 1829 64-65 Boilat 1858

79) ce qui permet de supposer que la grammaticalisation neacutetait pas encore totalement acheveacutee au

197 Cette figure est inspireacutee de la figure (32) de Hopper amp Traugott (2003 69)

- 410 -

deacutebut du XIXe siegravecle Or dans ces mecircmes grammaires la construction laquo V na raquo correspond

clairement agrave lactuelle construction Parfait et ne semble pas pouvoir ecirctre analyseacutee comme une

Focalisation du Verbe ce qui implique que le changement seacutemantique FOCV rarr PRF eacutetait deacutejagrave acheveacute

Ainsi agrave cette eacutepoque la construction yell na semble devoir ecirctre analyseacutee comme une instanciation

de la construction Parfait

Deuxiegravemement il ny a a priori aucune raison de supposer que yell na soit linstanciation dune

construction Focalisation du Verbe Contrairement agrave ce quon a pu constater avec le Futur (sect 133)

le fait de consideacuterer quil sagit dune instanciation de la construction Parfait ne pose aucun

problegraveme seacutemantique

1343 Une grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute

Nous pouvons remarquer que plusieurs langues mandeacute-ouest disposent de constructions de sens

et de forme similaires agrave lOptatif wolof Ainsi la plupart des varieacuteteacutes de mandingue disposent dune

construction Optatif speacuteciale Cette construction sarticule autour dun mot preacutedicatif speacutecifique

dont la forme varie selon les parlers mu en maninka du Niokolo (337a) mǎa en mandinka (337b)

magrave en bambara (337c) et ma en dioula (337d) Le sujet de ce marqueur est neacutecessairement Ala

(Dieu) et son compleacutement est une proposition dont le verbe est agrave linfinitif (Creissels amp Sambou

2013 433)198

337) a Maninka du Niokolo

Alaacute mu dindiacuteŋ-o baluacuteu-la (Creissels 2013 121)

Dieu OPT enfant-DET vivre-INF

lsquoQue Dieu donne vie agrave lenfant rsquo

198 Lanalyse de la structure interne de cette construction est probleacutematique Dans plusieurs exemples on peutconsideacuterer que le sujet du verbe agrave linfinitif est Ala (Dieu) et leacuteleacutement situeacute entre le marqueur et le verbe peut ecirctreanalyseacute comme lobjet du verbe (337c-d) Ces cas ne posent pas de problegraveme danalyse En effet laquo en principelinfinitif en -laacute entre dans une construction agrave controcircle dans laquelle son sujet non exprimeacute sidentifie au sujet dupreacutedicat principal raquo (Creissels amp Sambou 2013 433) et en mandingue lobjet se place immeacutediatement avant leverbe En revanche dans dautres exemples leacuteleacutement situeacute entre le marqueur et le verbe ne peut pas ecirctre analyseacutecomme lobjet du verbe mais semble clairement assumer la fonction de sujet (337a-b) (Idiatov 2000 45-46) Eneffet dans ces exemples le verbe est intransitif Deux solutions sont envisageables pour reacutesoudre ce problegraveme laquo soit admettre que les verbes intransitifs peuvent se comporter dans la construction optative comme sils eacutetaient P-labiles soit admettre quexceptionnellement linfinitif en -laacute a dans la construction optative un sujet exprimeacute raquo(Creissels amp Sambou 2013 433)

- 411 -

b Mandinka

Aacutelaacute maa diacutendiacuteŋ-o baacuteluacuteu-la (Creissels amp Sambou 2013 434)

Dieu OPT enfant-DET vivre-INF

lsquoQue Dieu donne vie agrave lenfant rsquo

c Bambara

Aacutela maacute aacuten kiacutesi-ra ǒ magrave (Idiatov 2000 45)

Dieu OPT 1PL sauver-INF 3SG POSTP

lsquoQue Dieu nous en preacuteserve rsquo

d Dioula

Ala ma kεnεya di-ra (Diallo 2001 14)

Dieu OPT santeacute donner-INF

lsquoQue Dieu donne la santeacute rsquo

Des constructions analogues agrave celles du mandingue sont attesteacutees dans dautres langues mandeacute-

ouest Cest notamment le cas en jalonkeacute Dans cette langue le subjonctif preacutesente la mecircme

structure que le subjonctif mandingue (338a) et son MP xa peut ecirctre rapprocheacute du MP ka du dioula

ou kaacute du bambara De plus comme en mandingue cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour les

formules de beacuteneacutediction dont le sujet est Alla (Dieu) (338b)

338) Jalonkeacute

a A xa a tongo (Luumlpke 2005 125)

3SG SUBJ 3SG prendre

lsquoIl devrait le prendre Quil le prennersquo

b Alla x ii kanta (Luumlpke 2005 125)

Dieu SUBJ 2SG proteacuteger

lsquoQue Dieu te protegravege rsquo

Le soninkeacute (mandeacute-ouest) preacutesente eacutegalement des constructions semblables Dans cette langue

la construction privileacutegieacutee pour les formules de beacuteneacutediction sarticule autour du nom sujet Haacuterigrave et

du MP na (339a)199 Selon Diagana (1995 237) Haacuterigrave serait le nom employeacute pour deacutesigner Dieu (ou

199 Diagana (1995 237) identifie ce marqueur avec le MP du laquo prospectif raquo cest-agrave-dire lun des marqueursdinaccompli Neacuteanmoins le soninkeacute dispose de plusieurs marqueurs na ayant des emplois relativement diffeacuterents

- 412 -

le deacutemiurge) avant lavegravenement de lislam En soninkeacute contemporain il nest plus utiliseacute que dans les

formules de beacuteneacutediction Ce nom connaicirct plusieurs variantes qui reacutesultent dun processus deacuterosion

ou de reacuteduction phoneacutetique et peut mecircme ecirctre omis dans certains contextes (339b) (Diagana 1995

237) Par ailleurs cette construction dispose dun eacutequivalent neacutegatif preacutesentant la mecircme structure

Dans cette construction le MP na est remplaceacute par son eacutequivalent neacutegatif nta et le nom sujet Haacuterigrave

est remplaceacute par le theacuteonyme musulman Aacutellagrave (339c) (Diagana 1995 237)200

339) Soninkeacute

a Haacuterigrave naacute aacute yeru xoacutetograve (Diagana 2013 246)

Dieu MP 3SG mecircme ecirctre_difficile

lsquoDieu fasse que ccedila ne se reproduise plusrsquo

b (Aacuter) nagrave wugraveroacute n xegraveeriacute n gagravebogravendiacute (Diagana 1995 238)

Dieu MP nuit DF bonheur DF augmenter

lsquoQue Dieu augmente le bonheur (la paix) de la nuitrsquo

c Aacutellagrave ntaacute keacute koacuteotaacute kogravey[igrave] oacute yigrave (Diagana 1995 238)

Dieu MPNEG DEM jour montrer 1PL POSTP

lsquoQue Dieu ne nous montre ce jourrsquo

En revanche dans presque toutes les langues atlantiques les constructions agrave valeur optative sont

formellement assez diffeacuterentes de lOptatif wolof Dans quelques langues atlantiques optatif et

impeacuteratif sont lieacutes Les deux constructions preacutesentent la mecircme structure la seule diffeacuterence reacutesidant

dans lexpression des marques personnelles Cest notamment le cas dans plusieurs langues cangin

comme le laalaa (340a-b) Dans dautres langues atlantiques loptatif est exprimeacute par un marqueur

speacutecifique comme en wolof Cependant ces marqueurs sont formellement trop diffeacuterents pour

permettre le moindre rapprochement Cest notamment le cas en joola banjal (341a) ou en sereer

(341b)

Les sources que nous avons consulteacutees ne sont pas suffisamment explicites concernant le statut de ces eacuteleacutementsSagit-il dun seul marqueur polyfonctionnel ou de plusieurs marqueurs homonymes De plus Diagana (1995)glose systeacutematiquement ce marqueur laquo preacuted raquo (pour laquo preacutedicatif raquo) Nayant pas suffisamment deacuteleacutements pourchoisir une analyse plus preacutecise nous preacutefeacuterons conserver leacutetiquette geacuteneacuterique MP

200 Dans les exemples en soninkeacute les voyelles subissant un pheacutenomegravene damuiumlssement sont noteacutees entre crochets(Diagana 1995 25)

- 413 -

340) Laalaa

a aƁ alaɓ ɓ-at cales =c-aa (Diegraveye 2011 198)

S3PL ramasser-OPT ordure =CLcDFDT

lsquoQuelles ramassent les ordures rsquo

b Ntildeam-at (Diegraveye 2011 198)

manger-IMP

lsquoMangez rsquo

341) a Joola banjal

Api u-teb a-ntildentildeil axume bi ja-ol (Bassegravene 2006 130)

OPT S2SG-porter CLa-enfant CLaDEMPX jusquagrave [CLa]megravere-POSS3SG

lsquoVeuille porter cet enfant-ci agrave sa megravere rsquo

b Sereer

Fat da ndet (Faye 1982 38)

OPT S3PL partir

lsquoQuils partent rsquo

Pour reacutesumer lexistence dune construction agrave valeur optative ou hortative est attesteacutee dans la

plupart des langues atlantiques Neacuteanmoins aucune de ces constructions ne preacutesente suffisamment

de similitudes formelles avec lOptatif du wolof pour pouvoir supposer une origine commune En

revanche on remarque que toutes les langues mandeacute-ouest de Seacuteneacutegambie disposent dune

construction formellement similaire agrave lOptatif du wolof Nous pourrions donc supposer que

lOptatif du wolof reacutesulte dun contact avec les langues mandeacute-ouest ou plus preacuteciseacutement dune

grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute-ouest Neacuteanmoins nous ne

disposons pas deacuteleacutements suffisants pour confirmer ou infirmer cette hypothegravese

1344 Synthegravese

Pour reacutesumer nous faisons lhypothegravese que la construction Optatif du wolof est issue de la

grammaticalisation de la forme yell (convenir) + na (PRF) + Compleacutetive Les principaux

meacutecanismes agrave lorigine de cette construction sont la reacuteinterpreacutetation de yell en Yagravella (Dieu)

entraicircnant une reacuteanalyse de la construction complexe en construction monoclausale ougrave na exprime

- 414 -

loptatif Cette hypothegravese de grammaticalisation est eacutetayeacutee par lattestation dans les grammaires du

XIXe siegravecle dune telle forme figeacutee agrave valeur optative ainsi que par lutilisation de la forme laquo Yagravella

na Yagravella raquo dans les formules de beacuteneacutediction en wolof contemporain

Par ailleurs plusieurs eacuteleacutements pourraient laisser supposer quil sagit dun cas de

grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute-ouest notamment le mandingue

Neacuteanmoins nous ne disposons pas deacuteleacutements suffisants pour eacutetayer cette hypothegravese

135 Synthegravese

Nous faisons lhypothegravese que les constructions Parfait Futur et Optatif ont une origine commune

Nous proposons le processus suivant Dans un eacutetat anteacuterieur de la langue il existait une

construction Focalisation du Verbe formellement identique agrave lactuel Parfait cest-agrave-dire preacutesentant

une structure laquo S V na-s o O raquo Sous sa forme imperfective laquo S di na-s o V O raquo cette construction

sest grammaticaliseacutee pour devenir la construction Futur laquo S dina-s o V O raquo Sous sa forme

perfective lancienne construction Focalisation du Verbe a subi un processus de geacuteneacuteralisation (ou

bleaching) pour devenir la construction Parfait cest-agrave-dire une construction relativement neutre du

point de vue de la structure informationnelle Cette grammaticalisation na semble-t-il entraicircneacute

aucun changement formel Enfin la forme laquo yell na + Compleacutetive raquo (il convient quehellip)

instanciation du verbe yell (convenir) au parfait sest figeacutee dans les formules de beacuteneacutedictions

invoquant Yagravella (Dieu) Cette construction figeacutee sest ensuite grammaticaliseacutee pour devenir la

construction Optatif laquo na-s o S V O raquo En outre plusieurs eacuteleacutements pourraient laisser supposer que

la grammaticalisation agrave lorigine de lOptatif a eacuteteacute induite par le contact avec les langues mandeacute-

ouest notamment le mandingue

Plusieurs caracteacuteristiques des constructions Parfait Futur et Optatif viennent eacutetayer notre

hypothegraveses et reacuteciproquement notre hypothegravese permet de rendre compte de ces caracteacuteristiques

Pour le Parfait

bull La forme du marqueur na est analogue agrave celle des marqueurs des constructions focalisantes

bull Le paradigme personnel du Parfait est identique agrave celui de la construction Focalisation du

Compleacutement

bull Le Parfait est la seule construction preacutedicative dont le MP se place apregraves le verbe Ainsi le

schegraveme de preacutedication du Parfait est comparable au schegraveme des constructions focalisantes

- 415 -

avec le verbe dans une position semblable agrave la position focus

bull Le Parfait est une construction extrecircmement freacutequente et relativement neutre dun point de

vue seacutemantique Cette situation est coheacuterente avec un processus de geacuteneacuteralisation

seacutemantique reposant sur un meacutecanisme dhabituation

Pour le Futur

bull Le marqueur dina est clairement issu de la morphologisation de di (IPF) + na Si lon analyse

na comme marqueur du Parfait cela revient agrave dire que la grammaticalisation du Parfait

imperfectif correspond au Futur ce qui semble incoheacuterent et injustifiable En revanche si

on le traite comme marqueur de focalisation du verbe dina correspond agrave la focalisation de

lauxiliaire de lImperfectif cest-agrave-dire agrave la mise en emphase du caractegravere inacheveacute du

procegraves ce qui est seacutemantiquement proche du Futur

bull Dans certains contextes la forme neacutegative de dina na pas une valeur de futur neacutegatif mais a

clairement une valeur de neacutegatif emphatique

Pour lOptatif

bull Le marqueur du Parfait et le marqueur de lOptatif sont homonymes na

bull Le sujet lexical se place entre le MP et le verbe lexical

bull Il existe une construction figeacutee laquo (Yagravella) na + Proposition raquo utiliseacutee pour les formules de

beacuteneacutediction en wolof contemporain

bull Les grammairiens du XIXe siegravecle signalent lexistence dune forme laquo yell na + Proposition raquo

agrave valeur optative

bull La forme du verbe yell (convenir) est similaire agrave Yagravella (Dieu)

Agrave notre connaissance aucune hypothegravese na jamais eacuteteacute proposeacutee pour expliquer ces

caracteacuteristiques Notre hypothegravese de polygrammaticalisation permet den rendre compte En outre

cette hypothegravese est compatible avec lanalyse que nous avons proposeacutee pour le reste du systegraveme de

preacutedication verbale Elle permet de lier plusieurs constructions preacutedicatives entre elles permettant

ainsi dexpliquer certaines idiosyncrasies de la langue

Neacuteanmoins les donneacutees actuellement disponibles ne nous permettent pas de confirmer notre

hypothegravese avec certitude Nous ne disposons daucun texte anteacuterieur au XIXe ce qui nous empecircche

de veacuterifier si les eacutetapes du chemin de grammaticalisation proposeacute sont attesteacutees dans un eacutetat

- 416 -

anteacuterieur de la langue De plus la distance geacuteneacutetique entre le wolof et les autres langues atlantiques

est si grande que les donneacutees comparatives sont relativement peu utiles dans ce cas

Cependant nous pouvons envisager plusieurs pistes de recherche pour veacuterifier notre hypothegravese

Comme nous lavons eacutevoqueacute plus haut la culture arabo-musulmane est entreacutee en contact avec les

peuples dAfrique de lOuest agrave partir du VIIIe siegravecle et la transcription en alphabet arabe des langues

locales comme le wolof est probablement ancienne (Cisseacute Ma 2006) La collecte le recensement

larchivage et la transcription de ces textes pourraient permettre de constituer un corpus

diachronique En outre il est possible que plusieurs sources anteacuterieures agrave la preacutesence franccedilaise

notamment des sources portugaises ou neacuteerlandaises naient pas encore eacuteteacute deacutecouvertes ou

publieacutees Une seconde piste envisageable concerne leacutetude des creacuteoles de Seacuteneacutegambie Plusieurs

creacuteoles sont (ou ont eacuteteacute) attesteacutes dans cette reacutegion trois creacuteoles portugais (creacuteole de Joal cap-

verdien et casamanccedilais) et un creacuteole anglais (aku) Ces creacuteoles sont apparus avant lheacutegeacutemonie

franccedilaise dans la reacutegion soit bien avant le XIXe Ces creacuteoles ont pu conserver certains traits issus

dun eacutetat ancien du wolof Ces questions ont deacutejagrave eacuteteacute eacutetudieacutees pour les creacuteoles portugais (Lang

2004 Quint 2008) mais pas encore pour le aku Enfin la dialectologie du wolof pourrait constituer

une troisiegraveme piste de recherche

Dans la Figure (132) les constructions sont repreacutesenteacutees sous la forme dune liste de traits

caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit pas de formalisation mais plutocirct de repreacutesentation

syntheacutetique Dans ce scheacutema les flegraveches pleines sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en pointilleacutes

sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions Le lien

diachronique nest pas un lien dheacuteritage au sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques

de la construction fille sont historiquement heacuteriteacutees de la construction megravere Nous avons repreacutesenteacute

le gap des constructions agrave extraction par un gris clair dans le schegraveme de la construction

- 417 -

- 418 -

Figure 132 - Polygrammaticalisation de lancienne construction Focalisation du Verbe

LI

Construction Focus

- Construction filler-gap- Schegraveme FOC =MP-s =o S V O - filler = eacuteleacutement focaliseacute - p = MP- p toujours preacutesent- filler toujours preacutesent- Sens = focalisation du filler

ConstructionFocalisation du Verbe

- Construction filler-gap- Schegraveme (S) V =na-s =o V O - filler = verbe - p = MP na- p toujours preacutesent- filler toujours preacutesent- Sens = focus verbe

Construction Imperfectif

- Construction agrave verbe auxiliaire- V1 = verbe auxiliaire di- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Schegraveme imposeacute par C-PRED

Construction Parfait

- Schegraveme S V =na-s =o O- Sens = parfait

Construction Futur

- Schegraveme S dina-s =o V O- Sens = futur

ConstructionFocalisation Imperfectif

- Schegraveme S di =na-s =o V2 O- Sens = focus imperfectif

Construction Compleacutetive

- Objet de V1 = proposition compleacutetive- Compleacutetive au Subjonctif-Conseacutecutif - Schegraveme S s V o O

Construction Compleacutetive(dont le sujet est Yagravella)

- Objet de V1 = proposition compleacutetive- Compleacutetive au Subjonctif-Conseacutecutif - Schegraveme Yagravella V o O

Construction Figeacuteede Souhait

- Schegraveme yell =na-s Yagravella V o O - V1 = yell - Compleacutetive = Yagravella V o O- Sens = lsquoil convient que Dieuhelliprsquo

ConstructionFormule de Souhait

- Schegraveme Yagravella =na-s Yagravella o V O- Sens = lsquoque Dieuhelliprsquo

Construction Optatif

- Schegraveme na-s S o V O- Sens = optatif hortatif permissif

LI

LI

LI

LI

LI

LD

LD

LD

LS

CCHAPITREHAPITRE 14 - 14 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS NEacuteGATIVESNEacuteGATIVES

En wolof agrave lexception de la construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire toutes les constructions

neacutegatives preacutesentent un eacuteleacutement -u(l) Ainsi cet eacuteleacutement est preacutesent dans le suffixe du Parfait

Neacutegatif -u(l)- agrave toutes les personnes Il est eacutegalement preacutesent dans le suffixe de neacutegation -ul dans le

MP du Futur Neacutegatif du dans le MP du Prohibitif bu(l) et dans les copules verbales neacutegatives du et

nekku(l) (sect 31)

Afin de rendre compte de ces similitudes formelles nous pouvons supposer que ces

constructions sont lieacutees Notre hypothegravese est la suivante Dans un eacutetat anteacuterieur de la langue il

nexistait quune seule construction neacutegative correspondant formellement agrave lactuel Parfait Neacutegatif

(sect 141) Les formes du Futur Neacutegatif (sect 142) et des copules neacutegatives peuvent ecirctre analyseacutees

comme des instanciations de cette construction Leacuteleacutement -u(l) de cette construction a ensuite vu

son usage eacutetendu agrave dautres constructions preacutedicatives notamment les constructions agrave extraction

(sect 143) Enfin le MP du Prohibitif bu(l) a une origine diffeacuterente Nous faisons lhypothegravese quil

reacutesulte de la grammaticalisation de la forme impeacuterative du verbe ba (laisser) Le remplacement de la

voyelle de ce marqueur est ducirc agrave une reacuteanalyse de cette forme neacutegative par analogie avec le suffixe

du Parfait Neacutegatif -u(l) (sect 144)

Avant de preacutesenter nos arguments nous souhaitons insister sur le fait que nos hypothegraveses ne sont

que des hypothegraveses permettant dexpliquer plusieurs pheacutenomegravenes observables en synchronie Il est

impossible de confirmer ou dinfirmer avec certitude ces hypothegraveses notamment en raison de

labsence de donneacutees historiques fiables

141 La Construction Parfait Neacutegatif

La construction Parfait Neacutegatif preacutesente quelques caracteacuteristiques qui la distinguent des autres

constructions preacutedicatives (sect 212) Elle est avec lImpeacuteratif lune des deux seules constructions

preacutedicatives syntheacutetiques de la langue Ainsi elle ne preacutesente pas de MP mais un suffixe sur le

verbe En outre contrairement aux autres constructions preacutedicatives elle connaicirct des idiosyncrasies

dans la combinaison de certains verbes avec ce suffixe awma et xawma au lieu de am-uma (je nai

pas) et xam-uma (je ne sais pas)

- 419 -

En wolof contemporain la construction Parfait Neacutegatif semble fonctionner comme leacutequivalent

neacutegatif de la construction Parfait En effet la valeur et les emplois de ces deux constructions sont

relativement similaires (sect 21) Cependant plusieurs caracteacuteristiques formelles les distinguent lune

de lautre Premiegraverement la forme ainsi que le statut du marqueur de la construction diffegraverent

clitique na au parfait mais suffixe -u(l) au parfait neacutegatif Ensuite le paradigme personnel de ces

deux constructions est diffeacuterent Ces diffeacuterences concernent les formes 1SG 2SG et 2PL

Tableau 141 - Comparaison du paradigme personnel du Parfait Neacutegatif avec celui du Parfait

Parfait Parfait Neacutegatif

Forme Deacutecoupage Forme Deacutecoupage

SG

1 naa na -a -uma -u -ma

2 nga Oslash -nga-ula-oo

-uloo

-ul-u

-ul

-a201

-a-oo

3 na na -Oslash -u(l) -u(l) -Oslash

PL

1 nanu na -nu -unu -u -nu

2 ngeen Oslash -ngeen -uleen -ul -een

3 nantildeu na -ntildeu -untildeu -u -ntildeu

Par ailleurs ces deux constructions se distinguent par le statut et la position occupeacutee par le

marqueur de passeacute (w)oon Au parfait ce marqueur est un suffixe sur le verbe lexical (sect 331) En

revanche au parfait neacutegatif il sagit dun verbe auxiliaire occupant la mecircme position que le verbe

dune proposition infinitive en fonction de compleacutement du verbe lexical (sect 115) Enfin la copule di

peut ecirctre employeacutee au parfait neacutegatif (342a) (sect 222) mais elle semble incompatible avec le parfait

(342b) (sect 211)

342) a Kor d-u yeumlfu gor (Diouf 2003 189)

trahison COP-PRFNEGS3SG choseGEN homme_libre

lsquoLa trahison nest pas une affaire de noblersquo

b Kor di-na yeumlfu gor

trahison COP-PRFS3SG choseGEN homme_libre

En raison de ces diffeacuterences formelles les formes du Parfait Neacutegatif ne peuvent pas ecirctre deacuteduites

201 Nous supposons que la forme de base est -ula Cette forme est devenue -oo en raison de la chute du -l La forme-oo aurait ensuite eacuteteacute reacuteanalyseacutee comme un indice sujet 2SG entraicircnant une reacuteintroduction du suffixe -ul -uloo(sect 422)

- 420 -

des formes du Parfait Ainsi au parfait il semble plus opportun de consideacuterer que la neacutegation est

exprimeacutee par une construction suppleacutetive

Pour reacutesumer les constructions Parfait et Parfait Neacutegatif ont un sens eacutequivalent mais nont pas la

mecircme forme Afin de rendre compte de cette apparente contradiction nous posons lhypothegravese

suivante Dans un eacutetat anteacuterieur de la langue la construction correspondant formellement agrave lactuel

Parfait Neacutegatif neacutetait pas un eacutequivalent neacutegatif de la construction Parfait Il sagissait dune

construction preacutedicative autonome Cette construction eacutetait la seule construction neacutegative de la

langue (hors modes injonctifs) Deux arguments viennent soutenir cette hypothegravese la freacutequence

respective des diffeacuterentes constructions neacutegatives et lexpression de la neacutegation dans les autres

langues atlantiques

Le Parfait Neacutegatif est la construction neacutegative la plus freacutequente (Fal 1999 64) laquo il repreacutesente au

moins 95 des cas releveacutes raquo (Church 1981 145) Les donneacutees de notre corpus confirment ce

constat Parmi les formes neacutegatives les formes autres que le Parfait Neacutegatif ne repreacutesentent quune

infime minoriteacute doccurrences En dehors des grammaires nous navons releveacute aucune occurrence

des formes neacutegatives des constructions focalisantes pour certaines personnes (notamment 2PL) alors

quon trouve plusieurs occurrences du Parfait Neacutegatif pour toutes les personnes Ainsi dans les faits

le Parfait Neacutegatif semble pouvoir ecirctre utiliseacute comme correspondant neacutegatif de toutes les

constructions preacutedicatives non injonctives Plus preacuteciseacutement le Parfait Neacutegatif semble fonctionner

comme une construction exprimant juste la neacutegation cest-agrave-dire une construction indiquant laquo que

laction na pas eu lieu que leacutetat nexiste pas sans autre preacutecision raquo (Church 1981 145)

Dans les langues atlantiques lexpression de la neacutegation est rarement symeacutetrique (sect 174) La

neacutegation est rarement exprimeacutee par un marqueur unique pouvant ecirctre ajouteacute agrave toutes les

constructions preacutedicatives Par exemple en pulaar la construction neacutegative est une construction

preacutedicative agrave part entiegravere qui soppose agrave toutes les autres constructions preacutedicatives (Labatut 1990

Mohamadou 2012) En outre dans la plupart des langues atlantiques le marqueur de neacutegation est

geacuteneacuteralement un suffixe verbal constitueacute dune voyelle et dune consonne coronale Ainsi Doneux

(1991 186) propose de reconstruire un suffixe neacutegatif -ud pour le proto-atlantique Nous pouvons

supposer que le marqueur -u(l) du Parfait Neacutegatif du wolof est issu du suffixe neacutegatif -ud du proto-

atlantique Nous pouvons eacutegalement supposer que le Parfait Neacutegatif du wolof fonctionnait comme

la construction neacutegative de plusieurs autres langues atlantiques agrave savoir une construction

preacutedicative autonome

Agrave un moment de lhistoire de la langue le suffixe -u(l) du Parfait Neacutegatif aurait commenceacute agrave ecirctre

- 421 -

employeacute comme une simple marque de neacutegation notamment dans les constructions agrave extraction

(sect 143) Cette eacutevolution aurait entraicircneacute une reacuteanalyse de lancienne construction neacutegative en une

construction Parfait Neacutegatif Plusieurs eacuteleacutements auraient faciliteacute cette reacuteanalyse Premiegraverement la

proximiteacute seacutemantique des constructions Parfait et Parfait Neacutegatif En effet le Parfait est une

construction relativement neutre dun point de vue seacutemantique (sect 1324) ce qui est eacutegalement le

cas du Parfait Neacutegatif qui semble fonctionner comme une construction exprimant juste la neacutegation

En outre lapparition de la Neacutegation Affixale aurait entraicircneacute une reacuteorganisation du paradigme de

conjugaison La neacutegation est devenue une cateacutegorie agrave part entiegravere potentiellement compatible avec

toutes les constructions preacutedicatives En conseacutequence de nouvelles cellules seraient apparues au

sein du paradigme dont les cellules correspondant aux proprieacuteteacutes morphosyntaxiques TIRV prf

POL ndash (sect 212) Le Parfait Neacutegatif eacutetant la seule maniegravere dexprimer agrave la fois le parfait et la

neacutegation ces cellules auraient donc eacuteteacute occupeacutees par cette construction Enfin les schegravemes de

preacutedication de ces deux constructions sont similaires S V=p-s=o O pour le Parfait et S V-p-s=o O

pour le Parfait Neacutegatif Ainsi le suffixe -u(l) semble occuper la mecircme position que celle du

marqueur preacutedicatif na

Pour reacutesumer historiquement la construction Parfait Neacutegatif naurait pas eacuteteacute un simple

eacutequivalent neacutegatif de la construction Parfait Nous supposons quil sagissait dune construction

preacutedicative autonome dont lunique fonction eacutetait dexprimer la neacutegation Par la suite le suffixe -u(l)

du Parfait Neacutegatif aurait commenceacute agrave ecirctre employeacute comme simple marque de neacutegation notamment

dans les constructions agrave extraction Cette eacutevolution aurait entraicircneacute une reacuteanalyse de lancienne

construction neacutegative en une construction Parfait Neacutegatif

142 La Construction Futur Neacutegatif

En wolof contemporain la construction Futur Neacutegatif semble fonctionner comme leacutequivalent

neacutegatif de la construction Futur En effet la valeur et les emplois de ces deux constructions sont

relativement similaires (sect 22) Neacuteanmoins dun point de vue formel le Futur Neacutegatif preacutesente

plusieurs idiosyncrasies

Le paradigme du Futur est formellement identique aux formes imperfectives du Parfait il est

constitueacute du verbe auxiliaire di et du MP na amalgameacute agrave lindice sujet (sect 133) Au futur neacutegatif le

MP semble ecirctre constitueacute du verbe auxiliaire di et du suffixe du Parfait Neacutegatif Neacuteanmoins on note

que le verbe auxiliaire di perd sa voyelle et le paradigme personnel ne correspond pas au

- 422 -

paradigme attendu (sect 222) Ces diffeacuterences concernent les formes 2SG 3SG et 2PL

Tableau 142 - Comparaison du paradigme personnel du Futur Neacutegatifavec ceux du Futur et du Parfait Neacutegatif

Futur Futur Neacutegatif Parfait Neacutegatif

Forme Deacutecoupage Forme Deacutecoupage Forme Deacutecoupage

SG

1 dinaa di- na -a duma d- u -ma -uma -u -ma

2 dinga di- Oslash -nga doo d- u -a-ula-oo

-uloo

-ul-u

-ul

-a-a-oo

3 dina di- na -Oslash du d- u -Oslash -u(l) -u(l) -Oslash

PL

1 dinanu di- na -nu dunu d- u -nu -unu -u -nu

2 dingeen di- Oslash -ngeen dungeen d- u -ngeen -uleen -ul -een

3 dinantildeu di- na -ntildeu duntildeu d- u -ntildeu -untildeu -u -ntildeu

Par ailleurs on constate que quelque soit la personne la forme du verbe copule di au parfait

neacutegatif est identique au MP du Futur Neacutegatif (343a-b)

343) a Du suma gan (Diouf amp Yaguello 1991 43)

COPPRFNEGS3SG POSS1SG hocircte

lsquoCe nest pas mon inviteacutersquo

b Dungeen sumay mbokk (Diouf amp Yaguello 1991 43)

COPPRFNEGS2PL POSS1SGPL parent

lsquoVous necirctes pas mes parentsrsquo

Le verbe di est le seul verbe de la langue agrave perdre sa voyelle finale devant le suffixe de neacutegation

Avec tous les autres verbes finissant par une voyelle un w- eacutepentheacutetique est inseacutereacute avant le suffixe

(344a-b) Neacuteanmoins ce type de pheacutenomegravene nest pas rare dun point de vue typologique Dans les

langues il est freacutequent quun verbe comme di cest-agrave-dire un verbe auxiliaire etou copule preacutesente

des idiosyncrasies morphophonologiques

344) a dellusi + -uma rarr dellusiwuma (Diouf 2003 101)

revenir -PRFNEGS1SG lsquoje ne suis pas revenursquo

- 423 -

b ne + -uma rarr newuma (Diouf 2003 163)

dire -PRFNEGS1SG lsquoje nai pas ditrsquo

Concernant le paradigme personnel nous supposons que les idiosyncrasies sont issues de divers

changements par analogie Au futur neacutegatif on constate que le -l du suffixe napparaicirct agrave aucune

personne En revanche au parfait neacutegatif le -l du suffixe apparaicirct dans les formes 2PL certains

allomorphes de 2SG et avec 3SG sauf si le verbe est suivi de pronoms clitiques Ainsi les formes 1SG

1PL et 3PL du Futur Neacutegatif correspondent bien aux formes attendues alors que les formes 2SG 3SG

et 2PL preacutesentent des idiosyncrasies

Concernant 2PL on note que plusieurs grammaires anciennes donnent la forme duleen (Dard

1826 65 Roger 1829 83 Kobegraves 1869 256) cest-agrave-dire la forme attendue Concernant 2SG les

premiegraveres grammaires donnent soit la forme attendue dula (Roger 1829 83) soit la forme attendue

doo (Dard 1826 65 Boilat 1858 114 Kobegraves 1869 256) soit la forme dunga (Dard 1826 65

Boilat 1858 94) Ainsi nous supposons que dans un eacutetat anteacuterieur de la langue les formes 2SG et

2PL correspondaient aux formes attendues dula et duleen La forme 2SG dula est devenue doo en

raison de la chute du -l comme ce fut le cas pour le Parfait Neacutegatif -ula rarr -oo La forme 2PL

duleen est devenue dungeen par analogie avec les formes dingeen (FUT2PL) dangeen (FOCV2PL) ou

encore su ngeen (HYP 2PL) Lattestation dune forme dunga dans plusieurs grammaires du XIXe

siegravecle semble montrer que ce changement par analogie affectait eacutegalement 2SG Neacuteanmoins cette

forme na pas eacuteteacute retenue par lusage

Concernant 3SG toutes les anciennes grammaires donnent la forme actuelle du (Dard 1826 65

Roger 1829 83 Boilat 1858 114 Kobegraves 1869 256) Il semblerait donc que la chute du -l agrave cette

personne soit plus ancienne que les eacutevolutions ayant affecteacute les formes 2SG et 2PL Nous disposons

de trop peu de donneacutees pour deacuteterminer lorigine de labsence du -l dans forme 3SG Il pourrait sagir

dun changement par analogie avec la forme 3SG des Subordonneacutees Temporelles et Hypotheacutetiques

De fait on constate quen wolof contemporain le paradigme personnel du Futur Neacutegatif est

identique au paradigme personnel des Subordonneacutees Temporelles et Hypotheacutetiques De plus les

marqueurs de ces constructions sont formellement similaires su bu du Nous pouvons donc

supposer que lun des paradigmes a pu influencer lautre Cependant nous ne disposons pas de

suffisamment de donneacutees historiques fiables pour deacuteterminer la direction de cette influence

- 424 -

Tableau 143 - Comparaison du paradigme personnel du Futur Neacutegatifavec celui des Subordonneacutees Hypotheacutetiques et Temporelles

Futur Neacutegatif Hypotheacutetique

Forme Deacutecoupage Forme Deacutecoupage

SG

1 duma du -ma su ma su -ma

2 doo du -a soo su -a

3 du du -Oslash su su -Oslash

PL

1 dunu du -nu su nu su -nu

2 dungeen du -ngeen su ngeen su -ngeen

3 duntildeu du -ntildeu su ntildeu su -ntildeu

Nous supposons que historiquement la construction Futur Neacutegatif neacutetait pas un eacutequivalent

neacutegatif de la construction Futur Comme nous lavons vu en (sect 141) la copule di peut ecirctre

employeacutee au parfait neacutegatif alors quelle semble incompatible avec le parfait De plus la forme du

verbe copule di au parfait neacutegatif est identique au MP du Futur Neacutegatif En tenant compte de ces

eacuteleacutements nous supposons quil sagissait dans un eacutetat anteacuterieur de la langue dune instanciation de

lancienne construction neacutegative avec le verbe di La reacuteanalyse de lancienne construction neacutegative

en une construction Parfait Neacutegatif aurait entraicircneacute une reacuteanalyse de cette instanciation en une

construction Futur Neacutegatif Cette reacuteanalyse de di au neacutegatif en une construction preacutedicative

inteacutegreacutee agrave la conjugaison aurait favoriseacute les changements par analogie affectant son paradigme

personnel

143 La Construction Neacutegation Affixale

La construction Neacutegation Affixale se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe -ul sur le premier

verbe de la proposition Ce proceacutedeacute permet de construire leacutequivalent neacutegatif des constructions agrave

extraction (Focalisation du Compleacutement Focalisation du Sujet Relatif) et de la construction

Focalisation du Verbe Contrairement au Parfait Neacutegatif la Neacutegation Affixale nest pas suppleacutetive

le suffixe -ul ne remplace pas le MP (sect 3112)

Comme nous lavons vu plus haut (sect 141) nous supposons que dans un eacutetat anteacuterieur de la

langue la construction correspondant formellement agrave lactuel Parfait Neacutegatif neacutetait pas un

eacutequivalent neacutegatif de la construction Parfait il sagissait dune construction preacutedicative autonome

dont lunique fonction eacutetait dexprimer la neacutegation Le marqueur de cette construction (-ul) aurait

- 425 -

ensuite commenceacute agrave ecirctre employeacute comme simple marque de neacutegation dans les constructions agrave

extraction Deux arguments viennent soutenir cette hypothegravese la freacutequence respective des

diffeacuterentes constructions neacutegatives et lexpression de la neacutegation dans les autres langues atlantiques

Comme nous lavons vu le Parfait Neacutegatif est de loin la construction neacutegative la plus freacutequente

La Neacutegation Affixale est beaucoup moins freacutequente De fait elle est peu attesteacutee dans les corpus

Ainsi le Parfait Neacutegatif semble ecirctre le correspondant neacutegatif de toutes les constructions preacutedicatives

non injonctives Ce constat est coheacuterent avec ce que lon observe dans un grand nombre de langues

atlantiques Dans les langue de cette famille lexpression de la neacutegation est rarement symeacutetrique

(sect 174) La neacutegation est rarement exprimeacutee par un marqueur unique pouvant ecirctre ajouteacute agrave toutes les

constructions preacutedicatives En revanche dans plusieurs langues la construction neacutegative est une

construction preacutedicative agrave part entiegravere qui est eacutegalement employeacutee comme eacutequivalent neacutegatif des

constructions agrave extraction Cest notamment le cas en pulaar (Labatut 1990) ou en ndut (Morgan

1996 99)

En tenant compte de ces eacuteleacutements nous pouvons supposer que la construction Neacutegation Affixale

est plus reacutecente que la construction Parfait Neacutegatif En effet les emplois de la construction

Neacutegation Affixale sont plus restreints sa freacutequence est plus faible et elle na pas deacutequivalent dans

la plupart des autres langues atlantiques Ainsi nous supposons que la construction Neacutegation

Affixale serait issue de la geacuteneacuteralisation du marqueur -ul de lancienne construction neacutegative aux

constructions agrave extraction Cette geacuteneacuteralisation aurait ensuite eacuteteacute eacutetendue agrave la construction

Focalisation du Verbe par analogie avec les autres constructions focalisantes En effet comme nous

lavons vu en (sect 114) la construction Focalisation du Verbe serait une construction relativement

reacutecente issue de la reacuteanalyse dune ancienne construction agrave verbe auxiliaire

144 La Construction Prohibitif

1441 Caracteacuteristiques formelles

En wolof contemporain la construction Prohibitif preacutesente des affiniteacutes formelles etou

seacutemantiques avec diverses autres constructions preacutedicatives Impeacuteratif Optatif Parfait Neacutegatif et

Relatif

Dun point de vue seacutemantique la construction Prohibitif peut ecirctre analyseacutee comme leacutequivalent

- 426 -

neacutegatif des constructions Impeacuteratif et Optatif En effet la valeur et les emplois du Prohibitif sont

identiques agrave ceux des deux constructions injonctives (sect 233)

Dun point de vue formel deux points doivent ecirctre consideacutereacutes le paradigme personnel et le

schegraveme de preacutedication Le paradigme personnel que nous avons preacutesenteacute en (sect 233) correspond au

paradigme donneacute dans la plupart des travaux reacutecents sur le wolof (Sauvageot 1965 Church 1981

Diouf 2009) Ce paradigme ne semble pas preacutesenter la mecircme coheacuterence interne que les paradigmes

personnels des autres constructions preacutedicatives Aux premiegraveres et troisiegravemes personnes (1SG 3SG

1PL 3PL) la forme semble ecirctre constitueacutee dun marqueur bu suivi dun pronom personnel sujet En

revanche les formes de deuxiegraveme personne bul (2SG) et buleen (2PL) ne peuvent pas ecirctre analyseacutees

ainsi Neacuteanmoins cette incoheacuterence apparente reacutesulte uniquement dune preacutesentation trompeuse du

paradigme Le paradigme personnel du Prohibitif tel quil est geacuteneacuteralement preacutesenteacute est en reacutealiteacute

un meacutelange entre le paradigme personnel de lOptatif Neacutegatif (pour 1SG 3SG 1PL et 3PL) et celui de

lImpeacuteratif Neacutegatif (pour 2SG et 2PL) En effet on peut identifier en wolof contemporain des formes

dOptatif Neacutegatif 2SG (345a) et 2PL (345b) distinctes de celles de lImpeacuteratif

345) a Yagravella boo gaaw=a seumlngeacuteem (Diouf 2003 311)

Dieu OPTNEGS2SG ecirctre_rapide=DV ecirctre_triste

lsquoPuisse Dieu faire que tu ne sois pas facilement tristersquo

b Yagravella bu-ngeen tase ak jinne (Eacutelicitation)

Dieu OPTNEG-S2PL rencontrer avec djinn

lsquoDieu fasse que vous ne rencontriez pas de djinn rsquo

Ces formes sont tregraves rares dans notre corpus (nous navons trouveacute aucune occurrence pour 2PL)

et semblent limiteacutees aux formules de souhait Neacuteanmoins elles existent et semblent ecirctre les seules

formes possibles dans les formules de souhait En outre Boilat (1858 96) et Kobegraves (1869 127)

indiquent les formes bu-nga (2SG) et bu-ngeen (2PL) dans le paradigme personnel de lOptatif

Neacutegatif des verbes copules Nous pouvons donc distinguer deux paradigmes diffeacuterents Optatif

Neacutegatif et Impeacuteratif Neacutegatif

Ces deux paradigmes ont en commun un eacuteleacutement bu(l) Cet eacuteleacutement semble contenir le suffixe

-u(l) du Parfait Neacutegatif Le -l de bu(l) chute devant un pronom objet comme le suffixe -u(l) En

outre on constate des similitudes entre les formes du Prohibitif et du Parfait Neacutegatif agrave la deuxiegraveme

personne boo -oo (2SG) buleen -uleen (2PL) Neacuteanmoins un examen plus preacutecis montre

- 427 -

clairement que bu(l) na pas le comportement morphosyntaxique dun verbe au parfait neacutegatif mais

plutocirct dun verbe agrave limpeacuteratif

Tableau 144 - Comparaison des paradigmes personnels du Prohibitifavec ceux de lOptatif de lImpeacuteratif du Parfait Neacutegatif et du Relatif

ProhibitifOPT IMP PRFNEG REL

PROH OPTNEG IMPNEG

SG

1 bu ma bu ma naa -uma bu ma

2 bu(l) boo bu(l) nanga (-al) -oo boo

3 bu mu bu mu na -u(l) bu mu

PL

1 bu nu bu nu nanu -unu bu nu

2 buleen bu ngeen buleen nangeen -leen -uleen bu ngeen

3 bu ntildeu bu ntildeu nantildeu -untildeu bu ntildeu

Le suffixe du Parfait Neacutegatif nest pas le seul agrave connaicirctre une reacuteduction phoneacutetique devant un

pronom objet En effet le suffixe 2SG de lImpeacuteratif -al tombe devant un pronom objet (sect 231) De

fait le paradigme personnel de lImpeacuteratif Neacutegatif est identique au paradigme personnel de

lImpeacuteratif dun verbe finissant par la voyelle [u] Avec ce type de verbe le suffixe de lImpeacuteratif se

reacutealise -leen au pluriel (346a) et -l au singulier (346b) sauf si le verbe est suivi dun pronom objet

(346c)

346) a Yoacutebbu-leen =ko ca billoacuteoji =ba (Diouf 2003 71)

emmener-IMPS2PL =O3SG PREPDT sorcier =CLbDFDT

lsquoEmmenez-le chez le sorcierrsquo

b Yoacutebbu-l ndugg =mi ca waantilde =wa (Diouf 2003 245)

emmener-IMPS2SG victuailles =CLmDFPX PREPDT cuisine =CLwDFDT

lsquoApporte les victuailles agrave la cuisinersquo

c Yoacutebbu-Oslash =ko ca taatu garab =ga (Diouf 2003 326)

emmener-IMPS2SG =O3SG PREPDT fondGEN arbre =CLgDFDT

lsquoApporte-le au pied de larbrersquo

347) a Bu-leen =ko deacuteglu (Diouf 2003 546)

IMPNEG-S2PL =O3SG eacutecouter

lsquoNe leacutecoutez pasrsquo

- 428 -

b Bu-l dem leacuteegi (Diouf 2003 76)

IMPNEG-S2SG partir maintenant

lsquoNe ten va pas maintenant rsquo

c Bu-Oslash =ko jentilde (Diouf 2003 168)

IMPNEG-S2SG =O3SG pousser

lsquoNe le pousse pas rsquo

La forme boo (OPTNEG) nest pas uniquement comparable au suffixe -oo (PRFNEG) mais

eacutegalement aux formes 2SG des relatives introduites par un relativiseur non reacutefeacuterentiel CL-u En wolof

contemporain la forme de lindice sujet 2SG est -a dans les constructions dont la voyelle du

marqueur est [u] quil sagisse du suffixe neacutegatif ou dune marque de reacutefeacuterentialiteacute (sect 422) De

fait le paradigme personnel de lOptatif Neacutegatif est identique au paradigme personnel du Relatif

(Tableau 144)

En ce qui concerne le schegraveme de preacutedication lOptatif Neacutegatif (348a) preacutesente la mecircme structure

que lOptatif (348b) p-s=o S V O Ainsi le sujet lexical se place entre le marqueur preacutedicatif et le

verbe et le pronom objet se place avant le sujet lexical Neacuteanmoins notons que la construction

Relatif preacutesente exactement le mecircme schegraveme (348c) (sect 44)

348) a Bu =la sa taar jay (Diouf 2003 326)

OPTNEG =O2SG POSS2SG beauteacute flatter

lsquoNe te laisse pas entraicircner par ta beauteacute rsquo (litt lsquoQue ta beauteacute ne te flatte pas rsquo)

b Yagravella =na =ma Yagravella baal (Diouf 2003 56)

Dieu =OPT =O1SG Dieu pardonner

lsquoQue Dieu me pardonne rsquo

c (hellip) lu =ma Yagravella weumlrseumlgalehellip (Diouf 2003 368)

CLCHREL =O1SG Dieu gratifier

lsquo(hellip) tout ce dont Dieu me gratifierahelliprsquo

LImpeacuteratif Neacutegatif (349a) preacutesente un schegraveme similaire agrave celui de limpeacuteratif imperfectif (349b)

Le marqueur bu occupe la mecircme position que le verbe auxiliaire dImperfectif di

- 429 -

349) a Bu-leen =ko deacuteglu (Diouf 2003 546)

IMPNEG-S2PL =O3SG eacutecouter

lsquoNe leacutecoutez pasrsquo

b Di-leen =fa dem (Diouf 2009 84)

IPF-IMPS2PL =CLLOCDFDT partir

lsquoIl faut y allerrsquo202

Pour reacutesumer il nexiste pas une mais deux constructions prohibitives en wolof lImpeacuteratif

Neacutegatif et lOptatif Neacutegatif LImpeacuteratif Neacutegatif est leacutequivalent neacutegatif de lImpeacuteratif Sa valeur et

ses emplois sont similaires agrave ceux de lImpeacuteratif Son marqueur bu semble se comporter comme un

verbe portant le suffixe de lImpeacuteratif

LOptatif Neacutegatif est leacutequivalent neacutegatif de lOptatif Sa valeur et ses emplois sont similaires agrave

ceux de lOptatif Son marqueur bu occupe la mecircme position que le MP na de loptatif Neacuteanmoins

cette position est eacutegalement similaire agrave celle occupeacutee par le relativiseur dans les relatives De plus

le paradigme personnel de lOptatif Neacutegatif est identique agrave celui du Relatif mais est distinct de celui

de lOptatif

Bien quils preacutesentent plusieurs diffeacuterences formelles lImpeacuteratif Neacutegatif et lOptatif Neacutegatif

tendent agrave fusionner en une seule construction preacutedicative en wolof contemporain le Prohibitif En

effet les formes 2SG et 2PL de lOptatif Neacutegatif sont tregraves rares et semblent limiteacutees aux formules de

souhait Dans tous les autres contextes elles semblent avoir eacuteteacute remplaceacutees par les formes de

lImpeacuteratif Neacutegatif En outre le marqueur de ces deux constructions est identique (bu)

1442 Analyse de la construction

Comme nous lavons vu plus haut les constructions prohibitives preacutesentent des affiniteacutes

formelles etou seacutemantiques avec quatre constructions preacutedicatives relativement diffeacuterentes

Impeacuteratif Optatif Parfait Neacutegatif et Relatif Il est donc relativement difficile de proposer une

analyse du Prohibitif permettant de rendre compte de toutes ses caracteacuteristiques

Nous envisageons deux hypothegraveses

bull Le marqueur bu est issu du relativiseur homonyme le Prohibitif correspond donc agrave une

202 En wolof la forme imperfective de limpeacuteratif a une valeur freacutequentative (Diouf 2009 84)

- 430 -

ancienne construction relative

bull Le marqueur bu est issu du verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif qui sest grammaticaliseacute en MP

par analogie avec lOptatif

14421 Hypothegravese 1 le marqueur du Prohibitif est issu dun relativiseur

On pourrait rapprocher le marqueur bu du relativiseur homonyme Ainsi on pourrait supposer

que le Prohibitif est issu dune ancienne construction relative Cette hypothegravese permet dexpliquer

les similitudes formelles entre le Prohibitif (ou plutocirct lOptatif Neacutegatif) et la construction Relatif En

effet ces deux constructions preacutesentent le mecircme schegraveme de preacutedication ainsi que le mecircme

paradigme personnel et le marqueur bu est formellement identique au relativiseur non reacutefeacuterentiel de

classe nominale b- Cette hypothegravese est eacutegalement coheacuterente avec les donneacutees du dialecte leacutebou

Dans ce dialecte le marqueur du Prohibitif est ba(l) et les relativiseurs non reacutefeacuterentiels sont de

forme CL-a (Diouf 2016)

Cependant cette hypothegravese pose plusieurs problegravemes Premiegraverement elle ne permet pas

dexpliquer le paradigme de lImpeacuteratif Neacutegatif Comme nous lavons vu preacuteceacutedemment agrave

limpeacuteratif neacutegatif le marqueur semble ecirctre constitueacute de bu et du suffixe dImpeacuteratif Si bu est un

relativiseur comment est-il possible quil puisse porter un suffixe de flexion verbale En outre

cette analyse pose problegraveme dun point de vue seacutemantique Comment une construction relative

introduite par un relativiseur non reacutefeacuterentiel de la classe b- (classe nominale rassemblant un

ensemble tregraves heacuteteacuterogegravene de noms et nayant donc pas de signifieacute preacutecis) a-t-elle pu devenir une

construction injonctive neacutegative Nous ne voyons pas dans quel contexte une telle interpreacutetation

serait possible En outre nous navons releveacute aucun cas de grammaticalisation de ce type dans la

litteacuterature (Heine amp Kuteva 2002)

14422 Hypothegravese 2 le marqueur du Prohibitif est issu dun verbe auxiliaire

On pourrait rapprocher le marqueur bu du verbe ba (laisser) Notre hypothegravese est la suivante

Eacutetape 1 Dans un premier temps le verbe ba (laisser abandonner renoncer cesser) agrave limpeacuteratif se

serait grammaticaliseacute en verbe auxiliaire exprimant limpeacuteratif neacutegatif La grammaticalisation dun

verbe lexical en auxiliaire de prohibitif est un pheacutenomegravene relativement reacutepandu dans les langues du

monde (Croft 1991 14-16) Ainsi la grammaticalisation dun verbe laquo cesser arrecircter raquo en auxiliaire

de prohibitif est attesteacutee dans plusieurs langues (Heine amp Kuteva 2002 283-284) Dans dautres

- 431 -

langues on constate quun verbe laquo laisser abandonner raquo sest grammaticaliseacute en marqueur dhortatif

ou de neacutegation (Heine amp Kuteva 2002 190-193)

Eacutetape 2 Par la suite les formes bal (laisserIMPS2SG) et baleen (laisserIMPS2PL) seraient devenues

bul et buleen par analogie avec le suffixe de neacutegation Le -l de ces formes auraient eacuteteacute reacuteinterpreacuteteacute

comme la consonne finale du suffixe -ul Nous pouvons supposer que le fait que ba(l) ait perdu son

sens lexical pour devenir un auxiliaire neacutegatif a pu favoriser cette reacuteinterpreacutetation En outre cette

reacuteinterpreacutetation a eacutegalement pu ecirctre favoriseacutee par le fait que le -l final du suffixe -ul chute devant un

pronom objet tout comme le suffixe -(a)l de lImpeacuteratif

Eacutetape 3 Le verbe auxiliaire bul aurait ensuite eacuteteacute utiliseacute dans les formules de souhait pour

introduire un souhait neacutegatif Il aurait eacuteteacute placeacute apregraves la forme figeacutee yell na ou Yal na203 Cette eacutetape

du processus de grammaticalisation pourrait correspondre agrave certains exemples (350a) donneacutes par

Boilat (1858 98-99)

Eacutetape 4 Son usage aurait eacuteteacute eacutetendu aux autres personnes Il aurait alors cesseacute decirctre consideacutereacute

comme un verbe auxiliaire pour devenir un marqueur grammatical exprimant la neacutegation Cette

eacutetape du processus de grammaticalisation pourrait correspondre agrave certains exemples (350b) donneacutes

par Dard (1826 65-66) Boilat (1858 98-99) ou Guy-Grand (1923 35)

Eacutetape 5 Par la suite dans les formules de souhait neacutegatives le marqueur optatif na aurait disparu

Ce pheacutenomegravene a pu ecirctre favoriseacute par le fait que le marqueur bu porte deacutejagrave un sens injonctif Cette

eacutetape du processus de grammaticalisation pourrait correspondre agrave certains exemples (350c) donneacutes

par Kobegraves (1869 284) et correspond agrave ce quon observe en wolof contemporain

350) a Yal na buleen agum di Peer (Boilat 1858 98)

Dieu OPT PROHS2PL pour_le_moment ecirctre Pierre

lsquo(Quil soit) que vous ne soyez pas encore Pierrersquo

b Yal na bu leen Yagravella fey (Guy-Grand 1923 35)

Dieu OPT PROH O2PL Dieu payer

lsquoQue Dieu ne vous punisse pas rsquo

c Yagravella bu ma dee (Kobegraves 1869 284)

Dieu PROH S1SG mourir

lsquoQue je ne meure pas rsquo

203 Nous avons deacutetailleacute la structure de ce type de construction en (sect 134)

- 432 -

Eacutetape 6 Cette reacuteanalyse de bu comme MP va entraicircner une morphologisation du sujet pronominal

essentiellement agrave la deuxiegraveme personne du singulier (351a) par analogie avec le paradigme

personnel dautres constructions notamment la construction relative (351b)

351) a Yagravella boo gaaw=a seumlngeacuteem (Diouf 2003 311)

Dieu OPTNEGS2SG ecirctre_rapide=DV ecirctre_triste

lsquoPuisse Dieu faire que tu ne sois pas facilement tristersquo

b Jeacutend =naa woto boo xam ne (Diouf 2009 61)

acheter =PRFS1SG voiture CLbRELS2SG savoir COMP

dina =la neex

FUTS3SG =O2SG plaire

lsquoJai acheteacute une voiture qui te plairarsquo

(litt lsquoJai acheteacute une voiture qui tu sais quelle te plairarsquo)

Eacutetape 7 La chute de na aurait entraicircneacute une reacuteanalyse de bu comme un eacutequivalent neacutegatif de na

cest-agrave-dire comme un marqueur doptatif neacutegatif Cet optatif neacutegatif aurait alors subi le mecircme

processus dexpansion que lOptatif cest-agrave-dire quil naurait plus eacuteteacute limiteacute aux formules de souhait

(352a-b) (sect 1342)

352) a Bu-nu tuumaal kenn (Fal 1999 86)

PROH-S2PL accuser CLHUMSGSING

lsquoNaccusons personne rsquo

b Bu-mu dem leacuteegi (Diouf 2003 75)

PROHS3SG partir maintenant

lsquoQuil ne parte pas maintenant rsquo

Eacutetape 8 En dehors des formules de souhait les formes optatives boo (2SG) et bungeen (2PL)

auraient eacuteteacute remplaceacutees par les formes impeacuteratives bul (2SG) et buleen (2PL) Le fait que ces formes

soient en concurrence a pu favoriser cette substitution En effet agrave la seconde personne la structure

dun eacutenonceacute optatif neacutegatif et celle dun eacutenonceacute impeacuteratif neacutegatif semblent identiques bien que leur

- 433 -

schegraveme soit diffeacuterent (353a-b)204 En outre leur valeur est identique

353) a V1-s =o V2

Bu-leen =ko lekk

laisser-IMPS2PL =O3SG manger

lsquoQuils ne le mangent pas rsquo

b p-s =o V

Bu-ngeen =ko lekk

OPTNEG-S2PL =O3SG manger

lsquoQuils ne le mangent pas rsquo

Cette hypothegravese permet dexpliquer toutes les caracteacuteristiques de la construction Prohibitif Elle

rend compte de la valeur de la construction de son paradigme personnel et de son schegraveme de

preacutedication Elle tient compte des donneacutees issues des grammaires du XIXe siegravecle et permet de lier

la construction Prohibitif agrave la construction Optatif et agrave la construction Impeacuteratif Par ailleurs cette

hypothegravese repose sur un type de grammaticalisation (laisser rarr PROH) attesteacute dans dautres langues

Elle semble eacutegalement compatible avec les donneacutees du leacutebou Les formes bal (2SG) et baleen (2PL)

de ce dialecte (Diouf 2016) peuvent ecirctre rapprocheacutees des formes impeacuteratives du verbe ba (laisser)

Neacuteanmoins cette hypothegravese pose quelques problegravemes Tout dabord la fiabiliteacute et la pertinence

des donneacutees historiques sur lesquelles elle sappuie sont discutables Ces donneacutees sont issues des

mecircmes sources que celles que nous avons utiliseacutees pour la construction Optatif (sect 1342)

Neacuteanmoins dans le cas de lOptatif les donneacutees sont agrave quelques deacutetails pregraves identiques dun auteur

agrave lautre En outre les eacutetapes de la grammaticalisation suivent la chronologie des descriptions

grammaticales Ainsi les exemples correspondant aux premiegraveres eacutetapes sont attesteacutes dans les deux

premiegraveres grammaires (Dard 1826 38-41 Roger 1829 64-65) mais sont absents des grammaires

suivantes (Boilat 1858 Kobegraves 1869) En revanche dans le cas du Prohibitif les donneacutees semblent

plus incoheacuterentes En effet les paradigmes personnels varient dun auteur agrave lautre et certains

auteurs preacutesentent parfois plusieurs formes pour le mecircme paradigme Par exemple Boilat (1858

97 114) donne la forme optative neacutegative 2PL bungeen dans le paradigme du verbe di (ecirctre) mais

buleen dans le paradigme du verbe baax (ecirctre bon) En outre les eacutetapes de la grammaticalisation ne

suivent pas vraiment la chronologie des descriptions grammaticales Ainsi les exemples

204 Lexemple (353b) ne semble plus possible en wolof contemporain Neacuteanmoins ce type dexemple est attesteacute dansles grammaires de Boilat (1858 114) et Kobegraves (1869 256)

- 434 -

correspondant agrave leacutetape 3 sont attesteacutes uniquement dans la grammaire de Boilat (1858 98-99) alors

que des exemples correspondant agrave leacutetape 4 sont attesteacutes dans la grammaire de Dard (1826 65-66)

On pourrait supposer que ces incoheacuterences sont dues au fait que les formules de souhait sont des

constructions figeacutees preacutesentant des structures conservatrices voire archaiumlques Il est eacutegalement

possible que les paradigmes preacutesenteacutes par les auteurs deacutependent des informateurs quils ont

consulteacutes Il est aussi possible que certains auteurs aient geacuteneacuteraliseacute certaines formes pour construire

leurs paradigmes sans faire veacuterifier le reacutesultat par un informateur Enfin il est possible que

certaines formes reacutesultent derreurs danalyse ou deacutelicitations mal formuleacutees Dans tous les cas

nous manquons de donneacutees historiques pour pouvoir eacutetablir la validiteacute des analyses fournies par les

grammairiens du XIXe siegravecle

Enfin cette hypothegravese ne permet pas dexpliquer lune des formes attesteacutees dans certaines

grammaires anciennes Pour la seconde personne du singulier Dard (1826 124) Boilat (1858

114) et Kobegraves (1869 119) preacutesentent une forme bulu allomorphe de bul Ces auteurs ne donnent

aucune regravegle reacutegissant la distribution de ces allomorphes mais les exemples quils donnent semblent

indiquer quils sont en variation libre Lhypothegravese que nous avons formuleacutee dans cette section ne

permet pas de rendre compte de la forme bulu En effet si le marqueur du Prohibitif est issu de la

grammaticalisation du verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif dougrave provient la voyelle finale de bulu

Selon Becher (2001 165) bulu serait constitueacute du marqueur du Prohibitif bu et dun indice sujet

2SG lu Cet indice sujet serait agrave rapprocher du suffixe du Parfait Neacutegatif 2SG -ula et du pronom objet

la La voyelle serait devenue [u] par harmonie vocalique avec bu Cette hypothegravese semble coheacuterente

avec leacutetape 2 du chemin de grammaticalisation que nous avons proposeacute La forme bal

(laisserIMPS2SG) serait devenue bul(u) par analogie avec le suffixe du Parfait Neacutegatif bal rarr bul rarr

bula rarr bulu Lharmonie vocalique ne permet pas dexpliquer le changement de voyelle En effet

lharmonie vocalique du wolof aurait transformeacute la voyelle en euml [ə] et non en u [u] (Ka 1994 12)

Neacuteanmoins dans certains mots reacutesultant de la grammaticalisation de deux mots grammaticaux il

est possible que lune des deux voyelles devienne homorganique avec lautre Ce pheacutenomegravene est

attesteacute dans dana allomorphe de dina (FUTS3SG) La forme bulu na pas eacuteteacute maintenue dans lusage

peut-ecirctre pour des raisons deacuteconomie En effet comme nous lavons vu avec le paradigme

personnel de la Focalisation du Verbe (sect 11412) plusieurs amalgames MP-sujet subissent leacutelision

de leur voyelle finale

- 435 -

14423 Synthegravese

Afin de rendre compte des caracteacuteristiques formelles et seacutemantiques de la construction Prohibitif

nous avons envisageacute deux hypothegraveses Selon la premiegravere hypothegravese le marqueur du Prohibitif bu

serait issu du relativiseur homonyme le Prohibitif correspondrait donc agrave une ancienne construction

relative Selon la seconde hypothegravese le marqueur bu serait issu du verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif

qui sest grammaticaliseacute en MP par analogie avec lOptatif

Aucune de ces deux hypothegraveses ne permet de rendre compte aiseacutement de lensemble des

caracteacuteristiques de la construction Neacuteanmoins elles ne preacutesentent pas la mecircme force explicative

La premiegravere hypothegravese ne permet pas dexpliquer le paradigme de lImpeacuteratif Neacutegatif et ne rend pas

vraiment compte de la valeur ou des emplois de la construction En revanche la seconde hypothegravese

permet dexpliquer presque toutes les caracteacuteristiques formelles de la construction et est coheacuterente

avec les donneacutees historiques Nous privileacutegions donc la seconde hypothegravese

Ainsi nous supposons que le verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif se serait grammaticaliseacute en verbe

auxiliaire exprimant limpeacuteratif neacutegatif Il sagirait donc historiquement dune instanciation de la

construction agrave Verbe Auxiliaire dont le verbe principal est ba (laisser) En effet elle preacutesente la

plupart des caracteacuteristiques propres aux constructions agrave auxiliaire (sect 116) La valence objet du

verbe principal ba (laisser) est satureacutee par une proposition infinitive Elle semble preacutesenter la

structure dune construction agrave monteacutee (353a-b) Lordre des eacuteleacutements de la phrase deacutepend du schegraveme

de preacutedication de la construction preacutedicative dans laquelle sinsegravere le verbe principal ba (laisser) agrave

savoir lImpeacuteratif Le verbe principal preacutesente des idiosyncrasies morphophonologiques (bul

buleen au lieu de bal baleen) Dans cette construction le verbe principal a une fonction

essentiellement grammaticale (exprimer le prohibitif) et est deacutenueacute de sens lexical La construction

est inteacutegreacutee au paradigme de conjugaison et le choix de la construction preacutedicative dans laquelle

sinsegravere le verbe principal est restreint agrave la construction impeacuterative

Neacuteanmoins ce lien entre construction Prohibitif et construction agrave Verbe Auxiliaire est

essentiellement diachronique En wolof contemporain le Prohibitif tend agrave ecirctre reacuteanalyseacute comme

une construction agrave MP dont la structure est identique agrave celle de lOptatif

145 Synthegravese

Nous faisons lhypothegravese que toutes les constructions neacutegatives du wolof (Parfait Neacutegatif Futur

- 436 -

Neacutegatif Neacutegation Affixale et Prohibitif) sont historiquement lieacutees Dans un eacutetat anteacuterieur de la

langue il ny aurait eu quune seule construction neacutegative correspondant formellement agrave lactuel

Parfait Neacutegatif Le Futur Neacutegatif pourrait ecirctre analyseacute comme une instanciation de cette

construction Leacuteleacutement -u(l) de cette construction aurait ensuite vu son usage eacutetendu agrave dautres

constructions preacutedicatives notamment les constructions agrave extraction Enfin le Prohibitif aurait une

origine diffeacuterente mais aurait subi un changement formel par analogie avec la neacutegation Le MP du

Prohibitif bu(l) reacutesulterait de la grammaticalisation de la forme impeacuterative du verbe ba (laisser) Le

remplacement de la voyelle de ce marqueur serait ducirc agrave une reacuteanalyse de cette forme neacutegative par

analogie avec le suffixe du Parfait Neacutegatif -u(l)

Nos hypothegraveses permettent de rendre compte de la preacutesence de leacuteleacutement -u(l) dans toutes les

constructions neacutegatives En outre elles permettent dexpliquer presque toutes les caracteacuteristiques

formelles de ces constructions et sont coheacuterentes avec les donneacutees historiques

Dans la Figure (141) les constructions sont repreacutesenteacutees sous la forme dune liste de traits

caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit pas de formalisation mais plutocirct de repreacutesentation

syntheacutetique Dans ce scheacutema les flegraveches pleines sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en pointilleacutes

sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions Le lien

diachronique nest pas un lien dheacuteritage au sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques

de la construction fille sont historiquement heacuteriteacutees de la construction megravere

- 437 -

- 438 -

Figure 141 - Reacuteseau des constructions neacutegatives

Construction agrave Verbe Auxiliaire

- V1 = verbe auxiliaire- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

Construction Neacutegation

- Schegraveme S V-u(l)-s =o O- Sens = neacutegation- Construction preacutedicative autonome

ConstructionParfait Neacutegatif

- Schegraveme S V-u(l)-s =o O- Sens = parfait neacutegatif- Eacutequivalent neacutegatif du Parfait

Construction Imperfectif

- V1 = verbe auxiliaire di- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Schegraveme imposeacute par C-PRED- Sens = imperfectif

ConstructionNeacutegation Imperfectif

- Schegraveme S di-u(l)-s =o V O- Sens = imperfectif neacutegatif

ConstructionFutur Neacutegatif

- Schegraveme S du-s =o V O- Sens = futur neacutegatif- Eacutequivalent neacutegatif du Futur

ConstructionNeacutegation Affixale

- Suffixe -ul sur le verbe- Construction syntheacutetique- Compatibiliteacute = Extraction FOCV- Schegraveme imposeacute par C-PRED

Construction Impeacuteratif

- Construction preacutedicative- Suffixe -(a)l-leen sur le verbe- Schegraveme V-p-s =o O- Restreint 2SG 2PL- Sens = impeacuteratif

Construction Prohibitifagrave Verbe Auxiliaire

- V1 = verbe ba- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Schegraveme ba-p-s =o V O- Restreint 2SG 2PL- Sens = impeacuteratif neacutegatif

ConstructionImpeacuteratif Neacutegatif

- Schegraveme bu-s =o V O- Restreint 2SG 2PL - Forme 2SG = bul - Forme 2PL = buleen- Sens = impeacuteratif neacutegatif- Eacutequivalent neacutegatif de lImpeacuteratif

ConstructionOptatif Neacutegatif

- Schegraveme bu-s =o S V O- Compatible toutes personnes - Forme 2SG = boo - Forme 2PL = bungeen- Sens = optatif neacutegatif- Eacutequivalent neacutegatif de lOptatif

Construction Prohibitif

- Schegraveme bu-s =o S V O- Compatible toutes personnes - Forme 2SG = bul - Forme 2PL = buleen- Sens = injonction neacutegative- Eacutequivalent neacutegatif de lOptatif et de lImpeacuteratif

LI

LI

LI

LI

LD

LD

LD

LD

LD

LD

LD

LI

CCHAPITREHAPITRE 15 - 15 - IINTEacuteGRATIONNTEacuteGRATION

ETET CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS NONNON FINIESFINIES

En wolof contemporain les propositions deacutependantes sont caracteacuteriseacutees par labsence de MP (agrave

lexception des compleacutetives introduites par un compleacutementeur) Dans la litteacuterature les formes

verbales sans MP sont geacuteneacuteralement analyseacutees comme eacutetant toutes des instanciations dune seule et

mecircme construction appeleacutee laquo minimal raquo ou laquo narratif raquo Comme nous lavons vu en (sect 241) la

construction laquo minimale raquo nexiste pas mais recouvre en reacutealiteacute plusieurs constructions diffeacuterentes

Subjonctif-Conseacutecutif Infinitif Relatif Subordonneacutee Hypotheacutetique et Subordonneacutee Temporelle

Ces constructions peuvent ecirctre regroupeacutees en deux ensembles distincts On peut rassembler les

constructions Relatif Subordonneacutee Hypotheacutetique et Subordonneacutee Temporelle Ces constructions

preacutesentent un schegraveme p-s=o S V O sont compatibles avec la Neacutegation Affixale (le verbe peut porter

le suffixe -ul) et peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave extraction (Ch 12)

Par ailleurs on peut rassembler les constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif Ces

constructions se caracteacuterisent par la position de lobjet pronominal apregraves le verbe (schegraveme

(S s) V o O) En outre elles sont incompatibles avec la Neacutegation Affixale (le verbe ne peut pas

porter le suffixe -ul) Elles doivent ecirctre nieacutees lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) cest-agrave-

dire via la construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire (sect 313)

Afin de rendre compte des similitudes entre les constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif

nous proposons danalyser ces constructions comme des constructions non (complegravetement) finies205

151 Finitude et inteacutegration

1511 La notion de laquo finitude raquo

Parler de laquo construction non complegravetement finie raquo pour le Subjonctif peut sembler contestable

En effet leacutetiquette laquo subjonctif raquo est utiliseacutee pour deacutesigner des formes qui sont geacuteneacuteralement

205 Nous empruntons cette eacutetiquette laquo forme non complegravetement finie raquo (not-fully-finite form) agrave Carlson (1992 83)

- 439 -

consideacutereacutees comme finies notamment dans les langues indo-europeacuteennes (Koptjevskaja-Tamm

1999 146) Cette analyse est en adeacutequation avec la deacutefinition traditionnelle de la notion de finitude

(finiteness) Selon cette deacutefinition une forme verbale finie porte des marques flexionnelles

(personne nombre temps aspect mode) et peut constituer le preacutedicat dune proposition

indeacutependante A contrario une forme verbale non finie preacutesente une flexion plus limiteacutee voir

inexistante et ne peut constituer le preacutedicat dune proposition indeacutependante (Koptjevskaja-Tamm

1999 146 Matthews 2007 139 Neveu 2011 161) En outre la combinaison avec le sujet est

parfois consideacutereacutee comme un critegravere crucial Les formes finies se combinent avec un sujet alors que

les formes non finies soit ne peuvent pas se combiner avec un sujet explicite soit se combinent avec

un sujet dont la forme est diffeacuterente du sujet des propositions indeacutependantes (Koptjevskaja-Tamm

1999 146-147)

Cette approche classique est probleacutematique En effet selon cette approche la finitude est une

proprieacuteteacute du verbe Cette position limite la pertinence de la notion de finitude aux laquo langues qui ont

agrave la fois une morphologie verbale riche et une contrainte syntaxique selon laquelle largument sujet

dune forme verbale indeacutependante doit se manifester neacutecessairement soit sous forme de constituant

nominal soit sous forme dindice pronominal raquo (Creissels 2006a 218) Par ailleurs cette approche

preacutesente la finitude comme un trait binaire une forme est soit finie soit non finie Cette position

induit des regroupements de formes preacutesentant des proprieacuteteacutes assez diffeacuterentes Par exemple

infinitif geacuterondif et participe sont tous trois consideacutereacutes comme des formes non finies Mais surtout

cette position ne permet pas de rendre vraiment compte de cas limites Par exemple le subjonctif

dune langue comme le franccedilais est compatible avec la morphologie flexionnelle et se combine avec

un sujet mais il est essentiellement employeacute dans des propositions deacutependantes Ses emplois en

proposition indeacutependante se limitent aux eacutenonceacutes agrave valeur hortative et neacutecessitent la preacutesence de la

conjonction que (ex Quil parte ) Limpeacuteratif dune langue comme le franccedilais est exclusivement

employeacute dans des propositions indeacutependantes mais il preacutesente une morphologie flexionnelle

limiteacutee et ne se combine pas avec un sujet explicite Traditionnellement les formes subjonctives et

impeacuteratives sont consideacutereacutees comme des formes finies alors quelles preacutesentent plusieurs

caracteacuteristiques propres aux formes non finies

Givoacuten (1990 852-891) propose une autre approche de la notion de finitude Selon lui la

finitude est une proprieacuteteacute de la proposition (et non du verbe) La finitude nest pas un trait binaire

mais est plutocirct un pheacutenomegravene complexe (multifactoriel) et scalaire Ainsi la finitude repose sur

plusieurs traits distincts (personne TAM etc) et les formes consideacutereacutees peuvent ecirctre situeacutees sur

une eacutechelle de finitude Enfin la finitude est lexpression du degreacute dinteacutegration de la proposition

- 440 -

Ainsi moins une forme est finie plus la proposition dont elle est issue est inteacutegreacutee (~ deacutependante)

Les travaux consacreacutes agrave la finitude ne se limitent pas agrave lapproche de la grammaire traditionnelle

ou agrave lapproche de Givoacuten (1990) Ces trente derniegraveres anneacutees un deacutebat sest ouvert dans la

litteacuterature concernant la notion de finitude et dautres approches ont eacuteteacute proposeacutees parfois en

reacuteaction agrave lapproche de Givoacuten (Nikolaeva 2007) Ainsi Bisang (2007) propose une approche

opposeacutee permettant de deacutecrire la finitude comme une notion discregravete et binaire Selon Queixaloacutes

(2011 106-107) la finitude est discregravete mais eacutetant multifactorielle elle ne saurait ecirctre binaire Une

forme est plus ou moins finie en fonction de son degreacute deacuteloignement agrave une forme finie

prototypique qui sert deacutetalon pour une langue donneacutee Par ailleurs selon Cristofario (2007 107-

109) les entiteacutes relevant de la finitude preacutesentent tant de variations dune langue agrave lautre que la

finitude nest pas un concept comparatif pertinent en typologie

Rendre compte de toutes ces approches deacutepasse largement le cadre de ce travail Neacuteanmoins il

apparaicirct que lapproche initialement proposeacutee par Givoacuten (1990) et enrichie par divers travaux

posteacuterieurs tels que Queixaloacutes (2011) permet de rendre compte de faccedilon relativement simple des

similitudes formelles des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif du wolof

1512 Finitude en wolof

Selon lapproche deacutefendue par Givoacuten (1990) et Queixaloacutes (2011) deacuteterminer la finitude dune

forme dans une langue donneacutee neacutecessite lidentification dun eacutetalon Cet eacutetalon doit correspondre agrave

une forme finie prototypique

Pour le wolof Zribi-Hertz amp Diagne (2003 206-208) proposent le Parfait En effet les

propositions au parfait sont compatibles avec les marqueurs daspect (verbe auxiliaire di) de temps

(suffixe -oon) de polariteacute (suffixe -ul) et de personne De plus les propositions au parfait sont

laquo ldquosimplesrdquo (modaliteacute assertive aucune topicalisation ni focalisation) et ldquocomplegravetesrdquo (car capables

de constituer agrave elles seules un eacutenonceacute) raquo (Zribi-Hertz amp Diagne 2003 208) En outre ils proposent

danalyser le MP na comme un marqueur de finitude Ce dernier point est contestable dautant que

les auteurs analysent le na (PRF) et le na (OPT) comme le mecircme marqueur de finitude Neacuteanmoins cet

article propose plusieurs critegraveres permettant didentifier un eacutetalon en wolof

En reprenant et en eacutelargissant les critegraveres proposeacutes par Zribi-Hertz amp Diagne (2003) et par

Queixaloacutes (2011 106-107) on peut consideacuterer que la proposition finie prototypique en wolof

preacutesente les caracteacuteristiques suivantes

- 441 -

bull Elle preacutesente un preacutedicat verbal elle contient un verbe

bull Elle peut constituer une phrase indeacutependante

bull Elle est deacuteclarative

bull La structure argumentale de son verbe est satureacutee

bull Elle contient un marqueur preacutedicatif

bull Elle contient un indice sujet amalgameacute au MP ayant le statut de marque daccord (sect 422)

bull Elle est compatible avec le verbe auxiliaire dImperfectif di

bull Son verbe peut porter le suffixe de passeacute -oon

bull Elle est compatible avec le marqueur de neacutegation -ul

Selon ces critegraveres leacutetalon en wolof est la construction Focalisation du Verbe En effet il sagit de

la seule construction respectant sans ambiguiumlteacute tous les critegraveres La construction Parfait est tregraves

proche de leacutetalon La seule exception concerne sa forme neacutegative qui ne contient pas de MP agrave

proprement parler La construction Futur eacutetant issue de la construction Parfait elle est eacutegalement

tregraves proche de leacutetalon La seule exception concerne le marqueur de neacutegation porteacute par le MP et non

par le verbe

152 Les constructions agrave extraction

Suivant les critegraveres que nous avons retenus les constructions agrave extraction du wolof sont plutocirct

finies La structure argumentale de leur verbe est satureacutee elles sont compatibles avec le verbe

auxiliaire dImperfectif di et leur verbe peut porter le suffixe de passeacute -oon Agrave lexception du

Preacutesentatif elles sont compatibles avec le marqueur de neacutegation -ul En outre agrave lexception du

Relatif elles peuvent constituer des phrases indeacutependantes deacuteclaratives et elles contiennent un MP

Neacuteanmoins elles preacutesentent quelques caracteacuteristiques qui les eacuteloignent de leacutetalon Leur indice

sujet nest pas une marque daccord Il sagit soit dun affixe pronominal (FOCC REL) (sect 422) soit

dun pronom fort (FOCS PRST) En outre agrave lexception du Relatif elles peuvent former des preacutedicats

non verbaux (sect 25)

Parmi les constructions agrave extraction la construction Relatif preacutesente une situation particuliegravere

concernant la finitude En effet elle ne permet pas constituer des phrases indeacutependantes

- 442 -

deacuteclaratives Les instanciations de la construction Relatif sont soit des propositions subordonneacutees

relatives soit des propositions subordonneacutees circonstancielles soit des phrases interrogatives

partielles (sect 244) Il sagit donc soit de propositions preacutesentant une deacutependance syntaxique

(subordonneacutees) soit des propositions preacutesentant une deacutependance discursive (interrogatives)

Par ailleurs la construction Relatif doit neacutecessairement contenir un verbe et elle ne contient pas

de MP Neacuteanmoins ce dernier point doit ecirctre nuanceacute Comme nous lavons vu en (sect 86) si les

relativiseurs ne constituent pas agrave proprement parler des eacuteleacutements preacutedicatifs ils preacutesentent plusieurs

proprieacuteteacutes qui les rapprochent des MP

Enfin le statut de lindice sujet de la construction Relatif peut sembler discutable En effet les

indices sujets du Relatif sont formellement similaires aux pronoms sujets libres Neacuteanmoins

lindice 2SG forme un amalgame avec le relativiseur En outre leur comportement

morphosyntaxique est identique agrave celui des indices sujets des autres constructions agrave extraction Il

sagit donc eacutegalement daffixes pronominaux

Tableau 151 - Finitude des constructions agrave extraction du wolof

PreacutesentatifFocalisation

du SujetFocalisation

du CompleacutementRelatif

Verbe Possible Possible Possible Obligatoire

Phrase indeacutependante Oui Oui Oui UniquementinterrogativesDeacuteclarative Oui Oui Oui

Marqueur preacutedicatif Oui Oui OuiRelativiseur

~ MP

Indice sujet Pronom fort Pronom fortAffixe

pronominalAffixe

pronominal

Structure argumentale Satureacutee Satureacutee Satureacutee Satureacutee

Imperfectif di Compatible Compatible Compatible Compatible

Passeacute -oon Compatible Compatible Compatible Compatible

Neacutegation -ul Incompatible Compatible Compatible Compatible

Pour reacutesumer les constructions focalisantes sont relativement proches de leacutetalon et sont donc

plutocirct finies Elles sont notamment compatibles avec tous les marqueurs TAM (agrave lexception notable

de la neacutegation pour le Preacutesentatif) Neacuteanmoins elles se distinguent des formes finies prototypiques

par leur capaciteacute de former des preacutedicats non verbaux et par la forme de leur sujet pronominal Ces

proprieacuteteacutes sont lieacutees au fait quil sagit de constructions marquant la structure informationnelle En

outre ces proprieacuteteacutes speacutecifiques aux constructions focalisantes sont coheacuterentes avec lhypothegravese

- 443 -

selon laquelle elles seraient issues de constructions cliveacutees (sect 256)

La construction Relatif est plus eacuteloigneacutee de leacutetalon En effet elle ne permet pas constituer des

phrases indeacutependantes deacuteclaratives Neacuteanmoins tous les autres critegraveres la rapprochent des autres

constructions agrave extraction Elle est notamment compatible avec toutes les marqueurs TAM En

outre le relativiseur preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes qui le rapproche des MP

153 La Construction Subjonctif-Conseacutecutif

La construction Subjonctif-Conseacutecutif preacutesente peu de caracteacuteristiques des propositions finies

Elle preacutesente un preacutedicat verbal la structure argumentale de son verbe est satureacutee elle est

compatible avec le verbe auxiliaire dImperfectif di et son verbe peut porter le suffixe de passeacute

-oon Tous les autres critegraveres tendent agrave leacuteloigner de leacutetalon

La construction Subjonctif-Conseacutecutif est fondamentalement une construction deacutependante

(Robert 2010b 491) cest-agrave-dire quune proposition au subjonctif-conseacutecutif peut toujours

sanalyser comme une proposition deacutependante (Robert 1996 2010 490-492) En effet le

Subjonctif-Conseacutecutif est employeacute pour former des propositions narratives des propositions

exclamatives des propositions injonctives des propositions introduites par un adverbe des

propositions subordonneacutees conseacutecutives des propositions subordonneacutees compleacutetives et des

propositions subordonneacutees de but (sect 24) Certaines de ces propositions preacutesentent une deacutependance

syntaxique (subordonneacutees) Dautres propositions bien que syntaxiquement autonomes preacutesentent

neacutecessairement une deacutependance pragmatique (exclamatives injonctives) Enfin les propositions

narratives preacutesentent une deacutependance discursive En effet dans cet emploi le Subjonctif-Conseacutecutif

laquo nouvre jamais un reacutecit il deacuteveloppe une narration agrave partir dun ancrage preacutealable dans le passeacute

marqueacute par une autre proposition raquo (Robert 1995 377) Dans les reacutecits la premiegravere proposition

nest jamais au subjonctif-conseacutecutif (Robert 2010b 490) En outre ce type de propositions peut

souvent ecirctre rendu par un infinitif de narration en franccedilais (354) (Fal 1999 75 Zribi-Hertz amp

Diagne 2003 210)

354) Mbagravebba Kumba jeumlnd um xaram (Fal 1999 75)

Mbaba Coumba acheter IDFCLm moutonPOSS3SG

dem di ko yafal

partir IPF O3SG engraisser

lsquo(hellip) Mbaba Coumba dacheter son mouton et de lengraisserrsquo

- 444 -

Ainsi comme le Relatif le Subjonctif-Conseacutecutif ne permet pas de constituer des phrases

indeacutependantes Neacuteanmoins la structure de la construction Subjonctif-Conseacutecutif est bien plus

eacuteloigneacutee de leacutetalon que celle de la construction Relatif La construction Subjonctif-Conseacutecutif ne

preacutesente aucun MP De fait une proposition au subjonctif-conseacutecutif ne contient aucun autre

eacuteleacutement preacutedicatif en dehors du verbe une proposition de ce type eacutetant minimalement constitueacutee

du verbe et de ses arguments (sect 242) En outre le sujet pronominal dune proposition au

subjonctif-conseacutecutif nest pas une marque daccord ni mecircme un affixe pronominal mais il sagit

dun pronom sujet libre (sect 422) Par ailleurs cette construction est incompatible avec la Neacutegation

Affixale (le verbe ne peut pas porter le suffixe -ul) Elle doit ecirctre nieacutee lexicalement en ajoutant le

verbe bantilde (refuser) cest-agrave-dire via la construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire (sect 313)

Le Subjonctif-Conseacutecutif est donc une construction deacutependante preacutesentant plusieurs

caracteacuteristiques qui la distinguent nettement des formes finies prototypiques de la langue dont une

absence de MP Nous proposons donc de consideacuterer le Subjonctif-Conseacutecutif comme une

construction non complegravetement finie

De fait cette situation nest pas propre au wolof De nombreuses langues notamment africaines

disposent dune construction ayant des emplois similaires au Subjonctif-Conseacutecutif du wolof

(Carlson 1992) En outre dans plusieurs langues cette construction est eacutegalement laquo minimale raquo

cest-agrave-dire quelle ne preacutesente aucune marque formelle exprimant le subjonctif-conseacutecutif Cest

notamment le cas dans plusieurs langues gur comme le cebaara (seacutenoufo) ou le mograveoreacute (Oti-Volta

(Carlson 1992 65-69) Cest eacutegalement le cas de la construction laquo injonctive raquo en sanskrit veacutedique

(Kiparsky 2005) ou encore du subjonctif en haoussa (Caron 1980 Newman 2000 591-593)

154 La Construction Infinitif

Comme nous lavons vu en deacutetail en (sect 243) on peut distinguer deux infinitifs en wolof

linfinitif nu et linfinitif en a (Voisin 2006) Linfinitif en a nest pas une construction agrave proprement

parler Il sagit plutocirct dune composante de la construction Infinitivale Dans la construction

Infinitivale la valence objet du verbe principal est satureacutee par une proposition infinitive preacutesentant

une marque de deacutependance verbale =a placeacutee immeacutediatement avant le verbe agrave linfinitif Il sagit

dune construction agrave monteacutee la structure argumentale deacutepend uniquement des proprieacuteteacutes de rection

du verbe agrave linfinitif alors que les arguments deacutependent syntaxiquement du verbe principal (sect 111)

- 445 -

Ainsi la structure morphosyntaxique de linfinitif en a ne peut sanalyser indeacutependamment de la

construction Infinitivale dans laquelle il sinscrit

En revanche linfinitif nu peut ecirctre consideacutereacute comme une construction agrave part entiegravere Comme la

construction Subjonctif-Conseacutecutif cette construction Infinitif preacutesente peu de caracteacuteristiques des

propositions finies Elle preacutesente un preacutedicat verbal elle est compatible avec le verbe auxiliaire

dImperfectif di et son verbe peut porter le suffixe de passeacute -oon Tous les autres critegraveres tendent agrave

leacuteloigner de leacutetalon

La construction Infinitif est une construction deacutependante En effet une proposition agrave linfinitif est

exclusivement employeacutee comme argument dun verbe (sujet ou objet) ou dune preacuteposition

(compleacutement) (sect 243) En outre la construction Infinitif ne preacutesente aucun MP De fait une

proposition agrave linfinitif ne contient aucun autre eacuteleacutement preacutedicatif en dehors du verbe Par ailleurs

cette construction est incompatible avec la Neacutegation Affixale (le verbe ne peut pas porter le suffixe

-ul) Elle doit ecirctre nieacutee lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) cest-agrave-dire via la

construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire (sect 313)

Contrairement au Subjonctif-Conseacutecutif la structure argumentale du verbe dune proposition agrave

linfinitif nest pas satureacutee En effet le verbe de ce type de propositions na pas dargument sujet En

conseacutequence pour ce type de propositions la question du statut de lindice sujet (marque daccord

ou autre) ne se pose pas puisquelles ne contiennent pas dindice sujet

La saturation de la structure argumentale est le seul point qui distingue lInfinitif du Subjonctif-

Conseacutecutif Pour tous les autres critegraveres que nous avons listeacutes ces deux constructions ont un

fonctionnement identique De plus il sagit des deux seules constructions deacutenueacutees de MP et dans

lesquelles lobjet pronominal se place apregraves le verbe lexical (sect 423) Ainsi la construction Infinitif

preacutesente un schegraveme V o O cest-agrave-dire un schegraveme identique agrave celui du Subjonctif-Conseacutecutif mais

sans argument sujet (Fal 1999 75)

Dun point de vue constructionnel on peut donc consideacuterer que la construction Infinitif et la

construction Subjonctif-Conseacutecutif sont lieacutees par un lien de sous-partie En effet la construction

Infinitif heacuterite des caracteacuteristiques de la construction Subjonctif-Conseacutecutif agrave lexception de

largument sujet

- 446 -

LInfinitif est donc une construction deacutependante ne preacutesentant presque aucune des

caracteacuteristiques des formes finies prototypiques de la langue Il sagit de la construction la plus

eacuteloigneacutees de leacutetalon Nous proposons donc de consideacuterer lImpeacuteratif comme une construction non

finie Par ailleurs la forme et le sens de cette construction sont similaires agrave ceux de la construction

Subjonctif-Conseacutecutif au point que lInfinitif peut ecirctre deacutecrit comme un subjonctif-conseacutecutif sans

argument sujet ou reacuteciproquement le Subjonctif-Conseacutecutif comme un infinitif avec un argument

sujet

Ce lien entre infinitif et subjonctif nest pas propre au wolof Par exemple en anglais au

subjonctif (355a) comme agrave linfinitif (355b-c) le verbe sera agrave la forme simple (plain form)

(Huddleston amp Pullum 2002 90)

355) a It is essential [that he take great care] (Huddleston amp Pullum 2002 51)

b I advise you [to take great care]

c You must [take great care]

- 447 -

Figure 151 - Reacuteseau des constructions non finies

ConstructionSubjonctif-Conseacutecutif

- Schegraveme S s V o O- Deacutependance syntaxique ou pragmatique- Absence de MP (verbe = seul eacuteleacutement preacutedicatif)- Sujet pronominal = pronom sujet libre- Incompatible neacutegation affixale (neacutecessite Neacutegation agrave Verbe auxiliaire)

Construction Infinitif

- Schegraveme V o O- Deacutependance syntaxique- Absence de MP (verbe = seul eacuteleacutement preacutedicatif)- Incompatible neacutegation affixale (neacutecessite Neacutegation agrave Verbe auxiliaire)

LS

155 La construction Impeacuteratif

Dans un grand nombre de langues limpeacuteratif constitue un cas limite concernant la finitude

(Givoacuten 1990 808-811) Par exemple en franccedilais limpeacuteratif est traditionnellement consideacutereacute

comme une construction finie or il preacutesente une morphologie flexionnelle limiteacutee et ne se

combine pas avec un sujet explicite Dans certaines langues limpeacuteratif preacutesente des affiniteacutes

formelles avec le subjonctif etou linfinitif Par exemple en anglais agrave limpeacuteratif le verbe sera agrave la

forme simple (plain form) comme au subjonctif ou agrave linfinitif (Huddleston amp Pullum 2002 89-

90) On trouve une situation comparable dans dautres langues telles que lingouche (est-caucasique)

(Auwera et al 2013)

En wolof lImpeacuteratif preacutesente assez peu de caracteacuteristiques de leacutetalon il contient un preacutedicat

verbal et il est compatible avec le verbe auxiliaire dImperfectif di Ainsi on pourrait ecirctre tenteacute de

rapprocher cette construction du Subjonctif-Conseacutecutif et de lInfinitif Neacuteanmoins les

caracteacuteristiques qui eacuteloignent lImpeacuteratif des formes finies prototypiques ne sont pas les mecircmes que

celles que nous avons releveacutees pour le Subjonctif-Conseacutecutif et lInfinitif

Les propositions agrave limpeacuteratif constituent des phrases syntaxiquement autonomes Neacuteanmoins

elles ne sont pas deacuteclaratives Par ailleurs cette construction est incompatible avec le marqueur de

neacutegation -ul mais contrairement au Subjonctif-Conseacutecutif et agrave lInfinitif elle nest pas nieacutee

lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) Sa forme neacutegative implique le marqueur du

Prohibitif bu(l) probablement issu de la grammaticalisation du verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif

(sect 144) Contrairement au Subjonctif-Conseacutecutif et agrave lInfinitif elle est incompatible avec le suffixe

de passeacute -oon En outre elle ne contient pas de MP mais son verbe porte un suffixe flexionnel

exprimant agrave la fois limpeacuteratif et la personne Au sens strict la structure argumentale de son verbe

est satureacutee Cependant son paradigme personnel est limiteacute agrave la deuxiegraveme personne (singulier et

pluriel) Lindice sujet peut donc difficilement ecirctre analyseacute comme une marque daccord Ainsi

lImpeacuteratif preacutesente peu daffiniteacutes avec le Subjonctif-Conseacutecutif et lInfinitif

LImpeacuteratif a plusieurs caracteacuteristiques communes avec lOptatif Leur forme neacutegative est

similaire (sect 144) et ils sont tous deux incompatibles avec le suffixe de passeacute -oon Cependant il

sagit de similitudes contingentes lieacutees agrave la proximiteacute seacutemantique de ces constructions et non agrave un

lien dheacuteritage En effet en dehors de deux caracteacuteristiques que nous venons deacutevoquer lImpeacuteratif

et lOptatif sont formellement tregraves diffeacuterents

Pour reacutesumer en wolof lImpeacuteratif constitue une construction preacutedicative agrave part En synchronie

- 448 -

elle nest lieacutee agrave aucune autre construction preacutedicative De fait cette situation nest pas propre au

wolof laquo Il est courant que les langues aient des formes verbales speacuteciales dimpeacuteratif raquo (Creissels

2006a 171)

156 Synthegravese

La pertinence dun concept comparatif laquo finitude raquo en typologie linguistique est discutable

(Cristofario 2007 107-109) Neacuteanmoins cette notion est pertinente pour leacutetude du wolof

Lapproche de la notion de finitude proposeacutee par Givoacuten (1990) et enrichie par divers travaux

posteacuterieurs tels que Queixaloacutes (2011) permet notamment de rendre compte de faccedilon relativement

simple des similitudes formelles des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif du wolof

Selon cette approche deacuteterminer la finitude dune forme dans une langue donneacutee neacutecessite

lidentification dun eacutetalon Cet eacutetalon doit correspondre agrave une forme finie prototypique En wolof

cet eacutetalon correspond agrave la construction Focalisation du Verbe et dans une moindre mesure aux

constructions Parfait et Futur Ainsi les instanciations de ces constructions peuvent ecirctre consideacutereacutees

comme des formes finies prototypiques Suivant la terminologie proposeacutee par Zribi-Hertz amp Diagne

(2003) il sagit de propositions agrave flexion satureacutee (ou finie)

Les constructions agrave extraction du wolof preacutesentent la plupart des caracteacuteristiques propres aux

formes finies prototypiques Neacuteanmoins quelques caracteacuteristiques les eacuteloignent de leacutetalon Ainsi

les instanciations de ces constructions peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des formes plutocirct finies

Suivant la terminologie proposeacutee par Zribi-Hertz amp Diagne (2003) il sagit de propositions agrave

flexion appauvrie (ou non finie)

Les constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif preacutesentent peu de caracteacuteristiques de leacutetalon

Il sagit de constructions deacutependantes deacutenueacutees de MP et incompatibles avec le morphegraveme de

neacutegation -ul Ainsi les instanciations de ces constructions peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des

formes non (complegravetement) finies Suivant la terminologie proposeacutee par Zribi-Hertz amp Diagne

(2003) il sagit de propositions agrave absence de flexion (ou f-deacuteficientes) Selon la terminologie

utiliseacutee par Cristofario (2003 54-60) il sagit de formes verbales deacuteclasseacutees (deranked verb forms)

Enfin lImpeacuteratif preacutesente assez peu de caracteacuteristiques de leacutetalon Neacuteanmoins les

caracteacuteristiques qui eacuteloignent limpeacuteratif des formes finies prototypiques ne sont pas les mecircmes que

celles que nous avons releveacutees pour le Subjonctif-Conseacutecutif et lInfinitif En outre lImpeacuteratif a

- 449 -

plusieurs caracteacuteristiques communes avec lOptatif206 Cependant il sagit de similitudes

contingentes lieacutees agrave la proximiteacute seacutemantique de ces constructions et non agrave un lien dheacuteritage

LImpeacuteratif constitue donc une construction preacutedicative agrave part En synchronie elle nest lieacutee agrave

aucune autre construction preacutedicative

206 Zribi-Hertz amp Diagne (2003 208) considegraverent les instanciations de limpeacuteratif et de loptatif comme un type depropositions agrave flexion appauvrie

- 450 -

CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE III III

Les constructions preacutedicatives du wolof ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes

indeacutependantes mais sorganisent au sein dun reacuteseau hieacuterarchiseacute Neacuteanmoins si lon se place dans

une perspective strictement synchronique il semble impossible de proposer une organisation

coheacuterente du reacuteseau des constructions preacutedicatives En effet aucune organisation ne permet de

rendre compte agrave la fois des caracteacuteristiques formelles et seacutemantiques des constructions preacutedicatives

Si lon tient compte uniquement des caracteacuteristiques seacutemantiques des constructions on pourrait

proposer lorganisation suivante (cette organisation correspond agrave celle de la description du systegraveme

de preacutedication verbale preacutesenteacutee dans la Partie I)

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Figure III1 - Organisation fonctionnelle des constructions preacutedicatives en synchronie

Focus

Relatif

Focalisationdu Sujet

Focalisationdu Compleacutement

Preacutesentatif

SubordonneacuteeTemporelle-

Hypotheacutetique

Subjonctif-Conseacutecutif

Infinitif

Focalisationdu Verbe

ParfaitFutur

Optatif

ParfaitNeacutegatif

FuturNeacutegatif

NeacutegationImpeacuteratif

Prohibitif

Construction Preacutedicative

IndeacutependanteDeacutependante

Injonction

Cette organisation permet de rendre compte de lopposition des constructions preacutedicatives et de

prendre en compte toutes les possibiliteacutes offertes par la conjugaison de la langue Elle permet

eacutegalement de rendre compte de la proximiteacute seacutemantique etou fonctionnelle des constructions

Cependant elle tend agrave occulter certains eacuteleacutements Elle ne permet pas dexpliquer lopposition entre

certaines constructions preacutedicatives alors quaucune contrainte seacutemantique ne semble sy opposer

(par exemple lopposition Parfait~Focus) Par ailleurs cette organisation de permet pas de rendre

compte des diffeacuterences et similitudes formelles entre les constructions preacutedicatives Ainsi elle place

la construction Focalisation du Verbe avec les autres constructions focalisantes alors que son

schegraveme est totalement diffeacuterent Elle regroupe les constructions Impeacuteratif et Optatif alors que leurs

structures morphosyntaxiques respectives sont tregraves diffeacuterentes Elle ne permet pas deacutetablir le

moindre lien entre les constructions Parfait et Futur En outre elle seacutepare les constructions Relatif et

Focus malgreacute leur tregraves forte similitude formelle et fonctionnelle

Dautres regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences

entre constructions Ces similitudes et diffeacuterences ne peuvent pas ecirctre expliqueacutees sans avoir recours

agrave la diachronie Les caracteacuteristiques qui semblent idiosyncrasiques en synchronie peuvent ecirctre

analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant entraicircneacute une restructuration

du reacuteseau

Nous proposons de regrouper certaines constructions en reacuteseaux speacutecifiques constructions agrave

verbe auxiliaire constructions agrave extraction et constructions neacutegatives Par ailleurs nous posons

lhypothegravese dune polygrammaticalisation afin dexpliquer les similitudes formelles entre les

constructions Parfait Futur et Optatif Enfin nous consideacuterons que la notion de laquo finitude raquo permet

de rendre compte de faccedilon relativement simple des similitudes formelles des constructions

Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif du wolof

On peut identifier une construction agrave Verbe Auxiliaire instanciation de la construction

Infinitivale preacutesentant les caracteacuteristiques suivantes la valence objet du verbe principal est satureacutee

par une proposition infinitive le verbe de la proposition infinitive peut ecirctre preacuteceacutedeacute de la marque

de deacutependance verbale il sagit dune construction agrave monteacutee lordre des eacuteleacutements de la phrase

deacutepend du schegraveme de preacutedication de la construction preacutedicative dans laquelle sinsegravere le verbe

principal la construction est inteacutegreacutee au paradigme de conjugaison Deux constructions peuvent

ecirctre analyseacutees comme des instanciations de la construction agrave Verbe Auxiliaire la construction

Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire et la construction Imperfectif La construction Focalisation du Verbe ne

peut pas ecirctre analyseacutee comme une construction agrave verbe auxiliaire en synchronie Neacuteanmoins nous

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soutenons lhypothegravese selon laquelle cette construction serait issue de la grammaticalisation dune

instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire dans laquelle la position du verbe principal est

occupeacutee par le verbe def (faire) Enfin la construction Passeacute Clitique occupe une place particuliegravere

dans le systegraveme Elle reacutesulte de la reacuteanalyse de la construction Passeacute en instanciation de la

construction agrave Verbe Auxiliaire

On peut identifier une construction Extraction Du point de vue du sens cette construction se

caracteacuterise par le fait de seacutelectionner et disoler un eacuteleacutement de la phrase en lui confeacuterant une

position informationnelle forte Du point de vue formel cette construction se caracteacuterise par une

structure impliquant une deacutependance filler-gap un schegraveme FILLER =p-s=o S V O une compatibiliteacute

avec la construction Neacutegation Affixale On peut identifier deux types de construction Extraction la

construction Focus et la construction Relatif On peut distinguer plusieurs types de construction agrave

extraction en fonction de leacuteleacutement extrait sujet objet ou satellite En outre les constructions

Subordonneacutee Temporelle et Subordonneacutee Hypotheacutetique peuvent ecirctre analyseacutees comme des

instanciations de la construction Relatif Enfin la construction Preacutesentatif reacutesulte de la reacuteanalyse

dune construction locative en instanciation de la construction Focalisation du Sujet

Nous soutenons lhypothegravese selon laquelle il existait dans un eacutetat anteacuterieur de la langue une

construction Focalisation du Verbe instanciation de la construction Focus Cette ancienne

construction Focalisation du Verbe se serait grammaticaliseacutee en une construction moins marqueacutee du

point de vue de la structure informationnelle la construction Parfait La construction Futur serait

issue de la grammaticalisation dune instanciation de lancienne construction Focalisation du Verbe

et de la construction Imperfectif Enfin la construction Optatif serait issue de la grammaticalisation

dune construction laquo Formule de souhait raquo elle-mecircme instanciation de la construction Parfait

Nous soutenons lhypothegravese selon laquelle il existait dans un eacutetat anteacuterieur de la langue une

unique construction Neacutegation caracteacuteriseacutee par le suffixe -u(l) amalgameacute agrave lindice sujet Cette

ancienne construction Neacutegation se serait grammaticaliseacutee en construction Parfait Neacutegatif La

construction Futur Neacutegatif serait issue de la grammaticalisation dune instanciation de lancienne

construction Neacutegation et de la construction Imperfectif La construction Neacutegation Affixale

reacutesulterait dune reacuteanalyse du suffixe -u(l) en simple marque de neacutegation indeacutependante de la

construction preacutedicative Enfin la construction Prohibitif reacutesulterait de la grammaticalisation dune

instanciation de la construction Impeacuteratif dans laquelle le verbe est ba (laisser) Le remplacement

de la voyelle du marqueur du Prohibitif bu serait ducirc agrave une reacuteanalyse de cette forme neacutegative par

analogie avec le suffixe du Parfait Neacutegatif -u(l)

- 453 -

Nous consideacuterons que la finitude est un critegravere pertinent pour situer les constructions Infinitif et

Subjonctif-Conseacutecutif au sein du reacuteseau des constructions preacutedicatives Selon lapproche deacutefendue

par Givoacuten (1990) et Queixaloacutes (2011) deacuteterminer la finitude dune forme dans une langue donneacutee

neacutecessite lidentification dun eacutetalon correspondant agrave une forme finie prototypique Selon les critegraveres

que nous avons retenus pour leacutetalon la construction Subjonctif-Conseacutecutif preacutesente peu de

caracteacuteristiques des propositions finies Il sagit dune construction deacutependante ne preacutesentant aucune

marque morphologique speacutecifique (ni MP ni affixe de flexion verbale) incompatible avec le suffixe

de neacutegation -ul et dont le sujet pronominal nest pas une marque daccord ni un affixe pronominal

mais est un pronom sujet libre Nous proposons donc de consideacuterer la construction Subjonctif-

Conseacutecutif comme une construction non complegravetement finie La construction Infinitif est

formellement identique agrave la construction Subjonctif-Conseacutecutif agrave lexception de la valence sujet

non satureacutee Ainsi nous pouvons analyser la construction Infinitif comme une sous-partie de la

construction Subjonctif-Conseacutecutif

Enfin la construction Impeacuteratif constitue une construction preacutedicative agrave part dans le reacuteseau Elle

nest lieacutee agrave aucune autre construction preacutedicative LImpeacuteratif a plusieurs caracteacuteristiques communes

avec lOptatif forme neacutegative similaire et incompatibiliteacute avec le suffixe de passeacute -oon

Cependant il sagit de similitudes contingentes lieacutees agrave la proximiteacute seacutemantique de ces

constructions et non agrave un lien dheacuteritage En effet en dehors de ces deux caracteacuteristiques les

constructions Impeacuteratif et Optatif sont formellement tregraves diffeacuterentes

En tenant compte de ces regroupements et de ces hypothegraveses de reconstructions nous proposons

une repreacutesentation scheacutematique de lensemble du reacuteseau des constructions verbales du wolof (Figure

III2) Dans cette repreacutesentation les flegraveches pleines noires sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en

pointilleacutes sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions

Ainsi tout ce qui est repreacutesenteacute en pointilleacutes na plus dexistence en wolof contemporain Les

flegraveches rouges sont des nouveaux liens dheacuteritage dues agrave une reacuteanalyse des construction en

synchronie Au cours de leacutevolution du systegraveme les liens dheacuteritage de certaines constructions ont

disparu Cette construction a alors eacuteteacute reacuteanalyseacute comme une instanciation dune autre construction

du reacuteseau Ainsi les flegraveches rouges sont issues dune restructuration du reacuteseau

La repreacutesentation de la Figure (III2) integravegre les reacuteseaux speacutecifiques que nous avons preacutesenteacutes

dans les chapitres 11 agrave 15 Neacuteanmoins certains points neacutecessitent une explication compleacutementaire

notamment en ce qui concerne les nouveaux liens

- 454 -

- 455 -

Figure III2 - Reacuteseau des constructions preacutedicatives

Ext

ract

ion

Loc

atif

Foc

us

Rel

atif

Foc

alis

atio

ndu

Suj

et

Foca

lisa

tion

du C

ompl

eacutemen

t

Preacutes

enta

tif

Rel

atif

Suj

et

Rel

atif

Obj

et

Rel

atif

Sate

llite

Sub

ordo

nneacutee

Tem

pore

lle-

Hyp

otheacute

tique

Sub

jonc

tif-

Con

seacutecu

tif

Infi

nitif

Infi

niti

vale

Ver

be A

uxili

aire

Neacuteg

atio

nagrave

Ver

be A

uxili

aire

Impe

rfec

tif

Em

phat

ique

agrave V

erbe

Aux

ilia

ire

Foca

lisa

tion

du V

erbe

Pass

eacuteC

litiq

ue

Pass

eacute

Foc

alis

atio

ndu

Ver

be(e

xtra

ctio

n)

Par

fait

Futu

r

Foca

lisa

tion

Impe

rfec

tifC

ompl

eacutetiv

e

Form

e Fi

geacutee

de S

ouha

it

Form

ule

de S

ouha

it

Opt

atif

Neacuteg

atio

n Parf

ait

Neacuteg

atif

Neacuteg

atio

nIm

perf

ecti

f

Fut

urN

eacutegat

if

Neacuteg

atio

nA

ffix

ale

Impeacute

ratif

Proh

ibit

ifagrave

Ver

be A

uxil

iair

e

Impeacute

rati

fN

eacutegat

if Opt

atif

Neacuteg

atif

Pro

hibi

tif

Con

stru

ctio

n P

reacutedi

cati

ve

Con

stru

ctio

n Fi

nie

Neacuteg

atio

n

Nous consideacuterons que toutes les constructions preacutedicatives constituent un reacuteseau taxonomique

cest-agrave-dire quelles heacuteritent toutes directement ou indirectement de caracteacuteristiques dune unique

construction scheacutematique que nous nommons laquo Construction Preacutedicative raquo Cette construction

motive trois constructions Subjonctif-Conseacutecutif Impeacuteratif et Construction Finie Cette partie du

reacuteseau est coheacuterente avec lanalyse que nous avons proposeacutee au Chapitre 15

La construction Finie preacutesente deux caracteacuteristiques son instanciation est une proposition finie

et elle a un MP Cette construction motive quatre constructions Focus Parfait Futur et Optatif

Pour le Parfait le lien avec la construction Focus nexiste plus en synchronie elle a eacuteteacute reacuteanalyseacutee

comme une instanciation de la construction Finie La situation est similaire pour la construction

Futur On pourrait ecirctre tenteacute de repreacutesenter un lien dheacuteritage avec le Parfait Neacuteanmoins lexistence

dun tel lien en synchronie nest pas justifieacute On a une situation comparable pour lOptatif On

pourrait ecirctre tenteacute de lier cette construction agrave lImpeacuteratif Cependant nous consideacuterons que les

similitudes entre ces deux constructions sont contingentes (lieacutees agrave leur proximiteacute seacutemantique) et ne

sont pas dues agrave un lien dheacuteritage

La place de la construction Extraction dans le reacuteseau est discutable Au sens strict la

construction Relatif nest pas une construction preacutedicative Il ny a donc a priori pas de raison de

situer la construction Extraction au sein du reacuteseau taxonomique des constructions preacutedicatives

Neacuteanmoins nous avons vu que le relativiseur preacutesente plusieurs caracteacuteristiques communes avec les

MP Ainsi il est possible de supposer que la construction Relatif tend agrave ecirctre reacuteanalyseacutee comme une

construction Finie Dans ce cas toutes les constructions agrave extraction serait des constructions finies

et nous devrions donc analyser la construction Extraction comme une instanciation de la

construction Finie

Nous consideacuterons que la construction Focalisation du Verbe est une instanciation de la

construction Focus en synchronie Elle heacuterite de deux traits la focalisation et la compatibiliteacute avec

la Neacutegation Affixale En revanche toutes ses autres caracteacuteristiques lui sont propres

La situation des constructions neacutegatives est un peu plus compliqueacutee Nous posons lexistence

dune nouvelle construction Neacutegation dont lunique caracteacuteristique formelle est la preacutesence dune

marque -u(l) Cette construction motive toutes les constructions neacutegatives agrave lexception de la

construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire Lutiliteacute dune telle construction peut paraicirctre discutable

notamment en raison de lexistence dune ancienne construction Neacutegation dans la langue

Neacuteanmoins cette ancienne construction est formellement identique au Parfait Neacutegatif Il nest donc

pas possible de consideacuterer que cette construction existe en synchronie ou mecircme quelle motive la

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construction Prohibitif Les constructions Parfait Neacutegatif et Futur Neacutegatif ont eacuteteacute reacuteanalyseacutees en

synchronie comme des instanciations des constructions Parfait et Futur Enfin la construction

Prohibitif a eacuteteacute reacuteanalyseacutee comme une instanciation de la construction Optatif dont elle heacuterite du

schegraveme et de la valeur injonctive Nous pourrions eacutegalement consideacuterer quelle est aussi lieacutee agrave la

construction Impeacuteratif Neacuteanmoins dans ce cas lheacuteritage en synchronie se limite agrave des traits

seacutemantiques

Le reacuteseau complet des constructions verbales du wolof que nous proposons est un reacuteseau eacutetendu

En effet il sagit du reacuteseau taxonomique des constructions preacutedicatives auquel nous avons ajouteacute

dautres constructions qui motivent directement ou indirectement certaines constructions

preacutedicatives (Verbe Auxiliaire Extraction Neacutegation etc) Neacuteanmoins lexistence mecircme dun

reacuteseau de constructions preacutedicatives est discutable Organiser les constructions preacutedicatives en

reacuteseau taxonomique suppose quelles heacuteritent toutes directement ou indirectement de

caracteacuteristiques dune unique laquo Construction Preacutedicative raquo Dun point de vue formel cette

construction se caracteacuterise par la preacutesence dune proposition agrave preacutedicat verbal Mais comment

pourrait-on deacutefinir son sens La Construction Preacutedicative est une construction tregraves scheacutematique

dont le sens est sous-speacutecifieacute Une solution alternative serait de consideacuterer que les constructions

preacutedicatives ne constituent pas un reacuteseau mais plutocirct un champ cest-agrave-dire une section coheacuterente

du constructique contenant agrave la fois des entiteacutes ordonneacutees et non-ordonneacutees les constructions

appartenant au mecircme champ ne sont donc pas neacutecessairement relieacutees entre elles (Kuzar 2012 133-

139)

- 457 -

- 458 -

PARTIE IVPARTIE IV

EacuteTUDE COMPARATIVE DE LAEacuteTUDE COMPARATIVE DE LA

PREacuteDICATION VERBALE DESPREacuteDICATION VERBALE DES

LANGUES ATLANTIQUESLANGUES ATLANTIQUES

Le principal objectif de cette partie est de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du wolof est

issu du proto-atlantique Nous comparons plusieurs aspects de la conjugaison du wolof avec leurs

eacutequivalents dans plusieurs langues atlantiques

La classification des langues atlantiques est loin decirctre consensuelle (sect 043) En effet plusieurs

auteurs (Pozdniakov amp Segerer agrave paraicirctre) remettent aujourdhui en cause la classification

laquo classique raquo heacuteriteacutee de Sapir (1971) et Wilson (1989) Ainsi cette partie a eacutegalement pour objectif

de fournir de nouvelles donneacutees comparatives permettant une meilleure compreacutehension de la

classification interne de la famille atlantique Nous nous inteacuteressons notamment agrave la place du wolof

au sein de cette famille

Cependant leacutetude compareacutee de la morphologie verbale est souvent difficile En effet laquo mecircme

entre des langues quon sait ecirctre apparenteacutees de tregraves pregraves il nest pas rare dobserver des diffeacuterences

importantes dans les distinctions qui sexpriment dans la morphologie verbale et les marques qui

servent agrave les exprimer (la morphologie nominale preacutesentant geacuteneacuteralement plus de stabiliteacute) raquo

(Creissels 2006a 163) et laquo sur ce point les observations que lon peut faire sur les langues Niger-

Congo vont tout agrave fait dans le mecircme sens que ce qui peut ecirctre observeacute dans dautres familles de

langues raquo (Creissels 1991 297) Ainsi il nest pas surprenant de trouver de grandes diffeacuterences

entre les morphologies verbales des langues atlantiques Neacuteanmoins on peut relever plusieurs

similitudes dont certaines semblent relever dune origine commune

Cette partie est organiseacutee comme suit Le Chapitre 16 est consacreacute aux constructions locatives

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preacutesentatives et progressives des langues atlantiques Presque toutes les langues atlantiques

disposent dune construction locative pouvant eacutegalement ecirctre utiliseacutee comme construction

preacutesentative etou progressive Si ce pheacutenomegravene nest pas propre aux langues atlantiques la

structure de ces constructions ainsi que la forme du marqueur utiliseacute caracteacuterisent clairement la

famille Le Chapitre 17 traite des autres cateacutegories verbales exprimeacutees dans la conjugaison des

langues atlantiques Contrairement au locatif-preacutesentatif-progressif lexpression des cateacutegories

verbales traiteacutees dans ce chapitre preacutesente une diversiteacute formelle relativement importante Les

similitudes se limitent geacuteneacuteralement agrave un nombre reacuteduit de langues (ou de groupes de langues) et

formuler des hypothegraveses de reconstruction est souvent speacuteculatif notamment pour les cateacutegories

eacutetudieacutees en (sect 176) Enfin le Chapitre 18 est une eacutetude comparative des peacuteriphrases verbales des

langues atlantiques et plus speacutecifiquement des constructions agrave MP

Note sur le nom et la transcription des langues atlantiques

En consultant la litteacuterature on constate que le nom de la plupart des langues atlantiques varie

dun auteur agrave lautre Ces diffeacuterences peuvent ecirctre uniquement dordre orthographique Dans ce cas

on a geacuteneacuteralement une opposition entre un nom eacutecrit suivant lorthographe du franccedilais ou de

langlais et un nom eacutecrit suivant les conventions de transcription etou la nouvelle orthographe de la

langue en question Par exemple diola (orthographe franccedilaise) ~ joola (orthographe standardiseacutee)

Ces diffeacuterences de nomenclature peuvent aussi ecirctre dues agrave lutilisation dun ethnonyme exogegravene Par

exemple le terme laquo basari raquo semble ecirctre emprunteacute au mandingue le peuple en question utilise le

terme laquo oniyan raquo pour se deacutesigner (Ferry 1991 4 Winters amp Winters 2004 3) Dans plusieurs

travaux reacutecents (Pozdniakov 2011 Creissels amp Pozdniakov 2015) la plupart des auteurs tendent agrave

utiliser le nom autochtone de la langue mais sans utiliser les diacritiques (ntilde = ny oacute = o etc) sauf

pour certaines langues ougrave un nom exogegravene est bien eacutetabli (comme laquo basari raquo) Cest cette convention

que nous utilisons dans ce travail

Lorthographe dun grand nombre de langues atlantiques nest pas encore fixeacutee Neacuteanmoins au

Seacuteneacutegal la Direction de la Promotion des Langues Nationales effectue un travail de codification des

langues du pays Ainsi un grand nombre de langues atlantiques seacuteneacutegalaises se sont vues doteacutees

dune orthographe officielle en alphabet latin Les conventions orthographiques sont les mecircmes pour

toutes les langues (y compris le wolof) et on peut donc parler dun laquo alphabet national seacuteneacutegalais raquo

Cet alphabet respecte lAPI sauf pour les consonnes suivantes ntilde [ɲ] ƴ [ʄ] ŧ [θ] ŝ [ʃ] ţ [ʈ] ş [ʂ]

rsquo [ʔ] La preacutenasalisation dune consonne est noteacutee par lajout dun m- si elle est labiale ou dun n-

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dans les autres cas La geacutemination est noteacutee par le redoublement de la consonne Pour les voyelles

laccent aigu note le trait +ATR uacute [u] ~ u [ʊ] oacute [o] ~ o [ɔ] etc Le [ə] est noteacute euml La longueur

vocalique est noteacutee par le redoublement de la voyelle Si elle porte un diacritique il napparaicirct que

sur la premiegravere occurrence

Tableau IV1 - Convention de transcription utiliseacutee pour les langues atlantiques

Branche Groupe Langue Transcription

Nord

isolat Wolof Alphabet seacuteneacutegalais

Nyun-Buy

Buy Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

Nyun de Niamone Alphabet seacuteneacutegalais

Nyun de Djifanghor Alphabet seacuteneacutegalais

Tenda-Jaad

Bedik Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

Basari Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

Wey Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

Biafada Alphabet seacuteneacutegalais

Badiaranke Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

Peul-SereerPeul ~ Pulaar Alphabet seacuteneacutegalais

Sereer Alphabet seacuteneacutegalais

Cangin

Laalaa Alphabet seacuteneacutegalais

Noon Alphabet seacuteneacutegalais

Palor Alphabet seacuteneacutegalais

Ndut Alphabet seacuteneacutegalais

Centre

ManjakuMankanya Alphabet seacuteneacutegalais

Pepel Alphabet seacuteneacutegalais

Joola

Joola banjal Alphabet seacuteneacutegalais

Joola fonyi Alphabet seacuteneacutegalais

Kwatay Alphabet seacuteneacutegalais

BalantBalant kentohe Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

Balant ganja Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

isolat Bijogo Alphabet seacuteneacutegalais

Dans ce travail nous privileacutegions lalphabet seacuteneacutegalais pour transcrire les langues atlantiques

Neacuteanmoins comme le notent Biaye amp Creissels (2015 213) laquo en ce qui concerne les voyelles la

graphie officielle note correctement les distinctions de timbre mais preacutesente linconveacutenient

consideacuterable dutiliser laccent aigu pour noter le trait +ATR ce qui est incompatible avec

- 461 -

lutilisation des accents pour noter les tons raquo Ainsi dans les langues ougrave les tons sont pertinents (et

noteacutes par lauteur des reacutefeacuterences que nous avons consulteacutees) nous utilisons lalphabet seacuteneacutegalais

uniquement pour la notation des consonnes et nous transcrivons les voyelles en API Par ailleurs

afin de faciliter la comparaison nous avons fait le choix de transcrire les exemples du bijogo

suivant les conventions de lalphabet seacuteneacutegalais bien quil ne sagisse pas dune langue du Seacuteneacutegal

La liste des langues atlantiques eacutetudieacutees dans cette partie ainsi que le systegraveme de transcription

utiliseacute sont reacutesumeacutes dans le Tableau (IV1) Notre eacutechantillon de langues a eacuteteacute eacutetabli de maniegravere agrave

repreacutesenter tous les groupes de la famille atlantique selon la classification proposeacutee par Pozdniakov

amp Segerer (sect 043)

- 462 -

CCHAPITREHAPITRE 16 - 16 - LLOCATIFOCATIF PREacuteSENTATIFPREacuteSENTATIF ETET PROGRESSIFPROGRESSIF

DANSDANS LESLES LANGUESLANGUES ATLANTIQUESATLANTIQUES

Pozdniakov (2011 20) note que laquo la seule certitude en ce qui concerne la classification est

lappartenance des langues atlantiques agrave la famille Niger-Congo La distance linguistique entre les

langues est si grande que mecircme aujourdhui lidentification dun groupe atlantique au sein du

Niger-Congo nest pas justifieacutee du point de vue de la meacutethode comparative classique raquo Ainsi il

nest pas eacutetonnant dobserver des diffeacuterences importantes dans les distinctions qui sexpriment dans

la morphologie verbale et les marques qui servent agrave les exprimer parmi ces langues Dautant plus

que laquo les processus historiques qui renouvellent la morphologie verbale opegraverent geacuteneacuteralement agrave une

cadence relativement rapide raquo (Creissels 2006a 163)

Cependant il existe une construction preacutedicative attesteacutee dans tous les groupes de la famille

atlantique et qui semble propre agrave cette famille Presque toutes les langues atlantiques disposent

dune construction locative pouvant eacutegalement ecirctre utiliseacutee comme construction preacutesentative etou

progressive Le fait dutiliser une construction locative pour exprimer un progressif est un

pheacutenomegravene assez courant dans les langues (Bybee et al 1994 129) Il est notamment attesteacute en

godieacute (Niger-Congo Kru) tyurama (Niger-Congo Gur) maninka (Niger-Congo Mandeacute) lingala

(Niger-Congo Bantou) basque (isolat) birman (Sino-tibeacutetain Tibeacuteto-birman) thaiuml (Tai-kadai

Thay-yay) ou mandarin (Sino-tibeacutetain Sinitique) (Heine amp Kuteva 2002 97-99) Lexistence de

constructions de ce type nest donc pas propre aux langues atlantiques En revanche la structure de

ces constructions ainsi que la forme du marqueur utiliseacute caracteacuterisent clairement la famille

161 Structure des constructions

Le wolof utilise la mecircme construction pour former des preacutedicats non verbaux locatifs (356a) et

des eacutenonceacutes preacutesentatifs (356b) (sect 253) Dans les deux cas la structure est identique Sujet (SN ou

pronom fort) + Marqueur (portant une marque deacuteictique) + Syntagme locatif ou Syntagme verbal

- 463 -

356) a Wolof Construction locative S=a ng-DEIC + LOC

Ma=a ng-i ci neacuteeg =b-i (Diouf 2009 149)

PRO1SG=PRST-PX PREPPX chambre =CLb-DFPX

lsquoJe suis dans la chambrersquo

b Wolof Construction preacutesentative S=a ng-DEIC + SV

Ma=a ng-i sopp xale =b-ii (Diouf amp Yaguello 1991 38)

PRO1SG=PRST-PX aimer enfant =CLb-DEMPX

lsquoMe voici qui aime cet enfant rsquo

Les langues cangin preacutesentent une situation similaire En laalaa la structure est la suivante

Sujet (SN ou pronom fort) + Marqueur (constitueacute dune marque deacuteictique facultative dune marque

de classe nominale et dune seconde marque deacuteictique) + Syntagme locatif ou Syntagme verbal

(357a-b) (Diegraveye 2011 185-188) En noon la structure est identique agrave lexception de la premiegravere

marque deacuteictique (358a-b) (Soukka 2000 178-180 237-238) En palor la structure est un peu

diffeacuterente Dans cette langue le marqueur est constitueacute dun coup de glotte rsquo [ʔ] suivi dune marque

deacuteictique On note eacutegalement la preacutesence dune marque de deacutependance en position finale (359a-b)

(Alton 1987 128-129)207 La structure en ndut est presque identique agrave celle du palor agrave lexception

de locclusive glottale (360a-b) (Morgan 1996 104-107)

357) a Laalaa Construction locative S (DEIC) CL-DEIC + LOC

Mi y-uu ga kaan (Diegraveye 2011 246)

PRO1SG CLy-PRSTPX PREP maison

lsquoJe suis agrave la maisonrsquo

b Laalaa Construction preacutesentative S (DEIC) CL-DEIC + SV

Mi (i) y-uu tiacutek ceumlen (Diegraveye 2011 186)

PRO1SG PX CLy-PRSTPX cuisiner dicircner

lsquoJe preacutepare le dicircnerrsquo

207 Cette marque de deacutependance apparaicirct dans plusieurs types de subordonneacutees Ce type de marque est attesteacute dansplusieurs langues atlantiques (sect 1762)

- 464 -

358) a Noon Construction locative S CL-DEIC + LOC

Kodu y-aa ga kaan (Soukka 2000 238)

Codou CLy-PRSTDT PREP maison

lsquoCodou est agrave la maisonrsquo

b Noon Construction progressive S CL-DEIC + SV

Mi y-ii tiacutek (Soukka 2000 180)

PRO1SG CLy-PRSTPX cuisiner

lsquoJe cuisinersquo

359) a Palor Construction preacutesentativelocative S rsquo-DEIC + DEP208

Koyso rsquo-e na (Alton 1987 128)

enfantPOSS1SG PRST-PX DEP

lsquoMon enfant est icirsquo

b Palor Construction preacutesentative S ʼ-DEIC + SV + DEP

aƁ rsquo-iacuten nexuacute ra (Alton 1987 129)

PRO3PL PRST-DT puiser DEP

lsquoLes voilagrave qui puisent de leaursquo

360) a Ndut Construction locative S DEIC + LOC

Mustafa ee filiɓ ota (Morgan 1996 105)

Moustapha PRSTPX dans voiture

lsquoMoustapha est dans la voiturersquo

b Ndut Construction preacutesentative S DEIC + SV + DEP

Mustafa ee nee ra (Morgan 1996 105)

Moustapha PRSTPX dormir DEP

lsquoMoustapha est en train de dormirrsquo

On retrouve une structure eacutequivalente dans la construction preacutesentative en buy Sujet +

Marqueur (constitueacute dune marque de classe nominale et dune marque deacuteictique) (361a) (Doneux

1991 60) ainsi que dans la construction locativepreacutesentative en nyun de Niamone Sujet (SN ou

pronom fort) + Marqueur (constitueacute dune marque deacuteictique dune marque de classe nominale

208 Alton (1987) ne donne pas dexemple de construction non verbale locative comportant un syntagme preacutepositionnel

- 465 -

pouvant ecirctre reacutedupliqueacutee et dune seconde marque deacuteictique) + Syntagme locatif (361b) (Bao-Diop

2013 259-261) Pour ces deux langues nos sources ne mentionnent pas de constructions verbales

preacutesentant cette structure En revanche en nyun de Djifanghor la mecircme construction est utiliseacutee

pour former des preacutedicats non verbaux locatifs (362a) et des eacutenonceacutes progressifs (362b) Dans cette

langue le marqueur porte une marque de classe nominale (Quint 2015 417)

361) a Buy Construction preacutesentative S CL-DEIC

Uacuteligrave oacute-ograve (Doneux 1991 60)

homme CL-PX

lsquoVoici lhommersquo

b Nyun de Niamone Construction locativepreacutesentative S DEIC-CL-DEIC + LOC

Siidi um-moo-bim Dakaar (Bao-Diop 2013 260)

Sidy PX-CL-DT Dakar

lsquoSidy est agrave Dakarrsquo

362) a Nyun de Djifanghor Construction locative S CLCOP + LOC

Buacute-jonkah-o mboŋ raafo buacute-nohom-o (Quint 2015 417)

CLbu-manioc-DF CLbuCOP sur CLbu-banc-DF

lsquoLe manioc est sur le bancrsquo

b Nyun de Djifanghor Construction progressive S CLCOP + SV

Miacuten meŋ biacute-feacuteg Piacutedruacute (Quint 2015 417)

S1PLEXCL CLCOP IPF-voir Pierre

lsquoNous sommes en train de voir Pierrersquo

En sereer eacutegalement la mecircme construction est utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux

locatifs (363a) et des eacutenonceacutes progressifs (363b) Sujet (pronom fort) amalgameacute au Marqueur

(constitueacute de la marque de classe nominale des humains et dune marque deacuteictique) + Syntagme

locatif ou Syntagme verbal (Renaudier 2012 58-60)

363) a Sereer Construction locative S-CLHUM-DEIC + LOC

Me-x-e meen (Renaudier 2012 60)

PRO1SG-CLHUMSG-PX CLLOCDEMPX

lsquoJe suis icirsquo

- 466 -

b Sereer Construction progressive S-CLHUM-DEIC + SV

Me-x-e ntildeaam-aa (Renaudier 2012 58)

PRO1SG-CLHUMSG-PX manger-IPF

lsquoJe suis en train de mangerrsquo

En peul le lien entre construction locative et construction progressive a eacuteteacute noteacute par plusieurs

auteurs (Ard 1979 Miyamoto 1993) Par exemple en peul de Gombe (Nigeria) la construction

locative (364a) et la construction progressive (364b) preacutesentent une structure quasiment identique

(Ard 1979 129-131) Sujet (SN ou pronom sujet) + Marqueur locatif (distal) + Syntagme locatif

ou Syntagme verbal

364) a Peul de Gombe Construction locative S DEIC + LOC

rsquoo onɗ nder gelle jooni (Arnott 1970 32)

S3SG LOCDT dans ville maintenant

lsquoIl est dans la ville maintenantrsquo

b Peul de Gombe Construction progressive S-DEIC + SV

rsquoo- onɗ huw-a (Arnott 1970 282)

S3SG-LOCDT travailler-IPF

lsquoIl est en train de travaillerrsquo

Neacuteanmoins il convient de noter que cette identiteacute formelle nest pas aussi claire dans tout le

continuum dialectal Dans les dialectes orientaux (comme le peul de Gombe) il existe deux

paradigmes distincts de pronoms permettant dexprimer le progressif Les formes du premier

paradigme sont constitueacutees du pronom sujet amalgameacute au marqueur locatif distal onɗ (364b) alors

que les formes du second paradigme sont constitueacutees de la preacuteposition rsquoe amalgameacutee au pronom

sujet (Arnott 1970 195) En revanche dans les dialectes occidentaux (comme le pulaar du Fouta-

Toro) ces deux paradigmes ont fusionneacute En effet la forme 1SG mi oɗ (et dans certains dialectes la

forme 1PLEXCL) est issue de lamalgame pronom sujet (mi) + marqueur locatif ( oɗ ) alors que les

formes de toutes les autres personnes semblent plutocirct provenir de lamalgames preacuteposition +

pronom sujet (Ard 1979 129) Par exemple la forme 3PL en pulaar du Jolof est he- eɓ (Ka 1986

393) Neacuteanmoins dans les formes 1PLINCL 2SG et 2PL il est difficile de seacuteparer leacuteleacutement pronominal

de la preacuteposition (Miyamoto 1993 223) De plus ces formes semblent avoir subi un changement

- 467 -

par analogie avec le paradigme utilisant le marqueur locatif o(n)ɗ Par exemple en pulaar du Fouta

Toro la forme 1PLINCL est e enɗ alors que le pronom sujet pour cette personne est en (Sylla 1982

74-76) or on sattendrait plutocirct agrave trouver la forme e-en Par ailleurs les constructions locatives non

verbales utilisant un marqueur locatif deacuteictique (364a) ne semblent pas attesteacutees dans les dialectes

occidentaux (Diallo 2014 38) Ainsi si le lien entre construction locative et construction

progressive est clair dans les dialectes orientaux il est moins eacutevident dans les dialectes occidentaux

Dans les langues joola les constructions locative et preacutesentativeprogressive preacutesentent

eacutegalement des structures identiques En joola banjal la structure est la suivante Sujet (SN ou

pronom fort) + Marqueur (laquo copule raquo locative constitueacutee dun [u] dune marque de classe nominale

et dune marque deacuteictique) + Syntagme locatif ou Syntagme verbal agrave linfinitif (introduit par une

preacuteposition) (365a-b) (Bassegravene 2006 185-186 231-234) En kwatay la structure est similaire

mais la forme du marqueur est diffeacuterente Dans cette langue la laquo copule raquo locative est constitueacutee

dun eacuteleacutement -end- preacuteceacutedeacute dune marque de classe et suivi dune marque deacuteictique (366a-b) (Payne

1992 58)

365) a Joola banjal Construction locative S u-CL-DEIC + PREP LOC

Atejo u-m-u buacutesol y-aŋ y-a-y-u (Bassegravene 2006 231)

Ateacutejo COP-CL-PX derriegravere CLe-maison CLe-DF-CLe-DF

lsquoAteacutejo est derriegravere la maisonrsquo

b Joola banjal Construction preacutesentativeprogressive S u-CL-DEIC + PREP INF-SV

Atejo u-m-u ni bu-rokk (Bassegravene 2006 132)

Ateacutejo COP-CL-PX PREP INF-travailler

lsquoAteacutejo est en train de travaillerrsquo

366) a Kwatay Construction locative S CL-ond-DEIC + PREP LOC

E-sabun i y-end-u haacutegila e-nuuf i (Payne 1992 51)

CLe-puits CLeDFMDCLe-COP-MD derriegravere CLe-maison CLeDFMD

lsquoLe puits est derriegravere la maisonrsquo

b Kwatay Construction progressive S CL-ond-DEIC + PREP INF-SV

Buacute-suus b-u b-ond-u ti ka-neyu (Payne 1992 58)

CLb-feuille CLb-DFMD CLb-COP-MD PREP INF-tomber

lsquoLes feuilles sont en train de tomberrsquo

- 468 -

Dans les langues manjaku la situation est assez similaire En mankanya la construction

progressive preacutesente la structure Sujet (SN ou pronom fort) + Marqueur (laquo copule raquo locative) +

Syntagme verbal agrave linfinitif (introduit par une preacuteposition) (367a) (Trifkovič 1969 117-119) En

pepel la construction locative preacutesente la mecircme structure (367b) (Ndao 2011 171-172) Dans ces

langues la laquo copule raquo wo ne semble pas porter de marque de classe ou de marque deacuteictique

367) a Mankanya Construction progressive S wo + PREP INF-SV

Ba wo ţi p-jan (Trifkovič 1969 118)

S3PL COP PREP INF-chasser

lsquoIls sont en train de chasserrsquo

b Pepel Construction locative S wo + PREP LOC

Muacutesa wo şeuml o-feacuteeruacute (Ndao 2011 171)

Moussa COP PREP CLo-marcheacute

lsquoMoussa est au marcheacutersquo

En balant kentohe la structure est assez similaire agrave celle attesteacutee dans les langues manjaku

Sujet (SN ou pronom) + Marqueur (laquo copule raquo locative) + Syntagme verbal ou Syntagme locatif

(368a-b) (Wilson 1961 152 Doneux 1984 74) Selon Gomes (2008) la construction progressive

en balant ganja preacutesente une structure assez semblable agrave celle attesteacutee dans les langues joola

Neacuteanmoins les donneacutees de Gomes (2008) sont sujettes agrave caution (Biaye amp Creissels 2015 210) et

NDiaye-Correacuteard (1973) ne mentionne pas ces formes Ainsi nous ne disposons pas de

suffisamment de donneacutees concernant cette langue

368) a Balant kentohe Construction locative S ka + LOC

Ŋ-ka Bsaaw (Wilson 1961 161)

S1SG-COP Bissau

lsquoJe suis agrave Bissaursquo

b Balant kentohe Construction progressive S ka + SV

Beuml-ka tooh-arsquo (Wilson 1961 152)

S3PL-COP aller-INF

lsquoIls sont en train de partirrsquo

Dans les langues tenda-jaad la situation semble ecirctre un peu diffeacuterente En effet si on peut noter

- 469 -

un lien entre les constructions locative et progressive la structure de ces constructions est assez

diffeacuterente de celles des langues atlantiques que nous avons vues Par exemple en bedik la structure

est la suivante Syntagme locatif ou Syntagme verbal agrave linfinitif suivi par une adposition + Sujet

pronominal (369a-b) (Ferry 1991 24-26) En badiaranke la structure est similaire Les seules

diffeacuterences sont labsence de ladposition ainsi que la preacutesence dune copule portant lindice sujet

(370a-b) (Cover 2010 126-132) Ainsi dans les langues tenda-jaad la structure est comparable agrave

celle attesteacutee dans les langues manjaku mais lordre des mots est inverseacute Neacuteanmoins nous ne

disposons pas de suffisamment de donneacutees concernant les langues de ce groupe Une recherche plus

approfondie serait neacutecessaire pour deacuteterminer avec preacutecision la structure de ces constructions

369) a Bedik Construction locative LOC + S

Luacuteŋɔɔ ɛ ɔmeacute (Ferry 1991 26)

lagrave S1SG

lsquoJe suis icirsquo

b Bedik Construction progressive INF-SV PREP + S

Ugrave-ŝas laacuteŋ ɛɔwɔɔ (Ferry 1991 26)

INF-parler sur S3SG

lsquoIl est en train de parlerrsquo

370) a Badiaranke Construction locative LOC + (ja)k-S

Fe paadiyatilde k-əə (Cover 2010 132)

PREP chambrePOSS3SG COP-S3SG

lsquoIl est dans sa chambrersquo

b Badiaranke Construction progressive SV + (ja)k-S

Aamadu ŋka Binta ka-safiŋ-e kǝ-bəə leetar (Cover 2010 127)

Amadou et Binta INF-eacutecrire-INF COP-S3PL lettre

lsquoAmadou et Binta sont en train deacutecrire une lettrersquo

En bijogo il ne semble pas y avoir de lien entre les constructions locative progressive et

preacutesentative La construction locative emploie geacuteneacuteralement le verbe ko (ecirctre se trouver) (371a)

(Segerer 2002 34-41) La construction progressive emploie le verbe te (ecirctre debout) (371b)

(Segerer 2002 273) Enfin la construction preacutesentative emploie un marqueur issu de la

grammaticalisation du verbe joŋ (voir) agrave limpeacuteratif auquel on a ajouteacute un suffixe veacutenitif ou andatif

- 470 -

njam lt n-joŋ-am (IMP2SG-voir-AND) (371c) (Segerer 2002 215)

371) a Bijogo Construction locative

Ntildeoacute-oacutek eacuteti-bene (Segerer 2002 34)

S1SGPF-se_trouver PREP-face

lsquoJe suis devantrsquo

b Bijogo Construction progressive

Ntildeeacute-teacute n-kpay (Segerer 2002 273)

S1SGPF-ecirctre_debout DV-tirer_le_vin_de_palme

lsquoJe suis en train de tirer du vin de palmersquo

c Bijogo Construction preacutesentative

Njam bapor eacuteri Bisaw (Segerer 2002 215)

voilagrave bateau CLeGEN Bissau

lsquoVoilagrave le bateau de Bissaursquo

Les structures des constructions locative et preacutesentativeprogressive des langues atlantiques que

nous avons eacutetudieacutees sont reacutesumeacutees dans le Tableau (161)

Tableau 161 - Structure des constructions locative etpreacutesentativeprogressive dans plusieurs langues atlantiques

Branche Groupe Langue Locative PreacutesentativeProgressive

Nord

isolat Wolof S=a ng-DEIC + LOC S=a ng-DEIC + SV

Nyun-Buy

Buy S CL-DEIC (donneacutees insuffisantes)

Niamone S DEIC-CL-DEIC + LOC (donneacutees insuffisantes)

Djifanghor S CLCOP + LOC S CLCOP + INF-SV

Tenda-JaadBedik LOC + S INF-SV PREP + S

Badiaranke LOC + (ya)k-S SV + (ya)k-S

Peul-SereerPeul S DEIC + LOC S DEIC + SV

Sereer S-CLHUM-DEIC + LOC S-CLHUM-DEIC + SV

Cangin

Laalaa S (DEIC) CL-DEIC + LOC S (DEIC) CL-DEIC + SV

Noon S CL-DEIC + LOC S CL-DEIC + SV

Palor S rsquo-DEIC + DEP S rsquo-DEIC + SV + DEP

Ndut S DEIC + LOC S DEIC + SV + DEP

- 471 -

Centre

ManjakuMankanya (donneacutees insuffisantes) S wo + PREP INF-SV

Pepel S wo + PREP LOC (donneacutees insuffisantes)

JoolaBanjal S u-CL-DEIC + PREP LOC S u-CL-DEIC + PREP INF-SV

Kwatay S CL-ond-DEIC + PREP LOC S CL-ond-DEIC + PREP INF-SV

Balant Kentohe S ka + LOC S ka + SV

isolat Bijogo (non pertinent) (non pertinent)

162 Statut du marqueur

Le marqueur des constructions locative et progressive ne preacutesente pas les mecircmes proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques dans toutes les langues atlantiques Dans certaines langues il preacutesente des

caracteacuteristiques verbales et peut donc ecirctre analyseacute comme un verbe auxiliaire (dans la construction

progressive) et comme un verbe copule (dans la construction locative) Dans dautres langues il ne

preacutesente aucune caracteacuteristique verbale

En badiaranke le marqueur (ya)k est clairement un verbe En effet il est compatible avec les

marques de flexion verbale comme la neacutegation ou les indices pronominaux (372a-b)

372) Badiaranke

a Ka-re-man ka-jeen-e (Monteacutebran 2015 51)

COP-NEG-S1SG INF-voir-INF

lsquoJe ne suis pas en train de voirrsquo

b Kab-re-man (Monteacutebran 2015 48)

connaicirctre-NEG-S1SG

lsquoJe ne connais pasrsquo

En balant kentohe le marqueur ka peut eacutegalement ecirctre analyseacute comme un verbe En effet il

occupe la mecircme position syntaxique et prend les mecircmes indices pronominaux que les autres verbes

auxiliaires (373a-b)

- 472 -

373) Balant kentohe

a Beuml-ka tooh-arsquo (Wilson 1961 152)

S3PL-COP aller-INF

lsquoIls sont en train de partirrsquo

b Beuml-ŋan tooh-arsquo (Wilson 1961 152)

S3PL-vouloir aller-INF

lsquoIls veulent partirrsquo

Les langues manjaku semblent preacutesenter une situation identique En pepel le marqueur wo

occupe la mecircme position syntaxique et prend les mecircmes indices pronominaux que les autres verbes

(373a-b)

374) Pepel

a Nji-wo Aliacute (Ndao 2011 171)

S1SG-COP Ali

lsquoJe suis Alirsquo

b Nji-ka opi (Ndao 2011 96)

S1SG-avoir chegravevre

lsquoJai une chegravevrersquo

Dans les langues joola le marqueur preacutesente certaines proprieacuteteacutes verbales En joola banjal le

marqueur umu peut porter le suffixe de passeacute (375a) comme les verbes (375b) Neacuteanmoins

contrairement aux verbes ce marqueur ne porte jamais le preacutefixe daccord ni les autres affixes

flexionnels (375a-b)

375) Joola banjal

a Atejo u-m-u-en ni bu-rokk (Bassegravene 2006 132)

Ateacutejo COP-CL-PX-PAS PREP INF-travailler

lsquoAteacutejo est en train de travaillerrsquo

b E-beacute-om e-lim-en-ehellip (Bassegravene 2006 118)

CLe-vache-POSS1SG CLe-perdre-PAS-TAM

lsquoMa vache eacutetait perduehelliprsquo

- 473 -

En wolof le marqueur a ng- ne peut pas ecirctre analyseacute comme un verbe (sect 63) Dans les

constructions locatives il semble pouvoir porter le suffixe de passeacute (376a) comme les verbes

(376b) Neacuteanmoins comme nous lavons vu en (sect 331) et (sect 632) dans ce type de constructions

le marqueur de passeacute tend agrave se comporter comme un verbe et non comme un suffixe verbal (377a-

b)

376) Wolof

a Ndakaaru yeacutepp =a ng-a woon ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 81)

Dakar CLCHPLTOT =PRST-DT PAS PREPDT noces =CLgDFDT

lsquoTout Dakar eacutetait aux nocesrsquo

b Dafa bagraveyyi -woon ay waa-juram (Diouf 2009 48)

FOCVS1SG abandonner-PAS IDFCLy parentPOSS3SG

lsquoIl avait abandonner ses parentsrsquo

377) Wolof

a Mu =ng-i =fi woon leacuteegi (Diouf 2003 513)

PRO3SG=PRST-PX =CLLOCDFPX ecirctrePAS maintenant

lsquoIl eacutetait lagrave il y a un instantrsquo

b Mu =ng-i =ko takk ci kojoacuter =bi (Diouf 2003 188)

PRO3SG=PRST-PX =O3SG attacher PREPPX cou-de-pied =CLbDFPX

lsquoIl la attacheacute au cou-de-piedrsquo

En peul le marqueur locatif ne peut pas ecirctre analyseacute comme un verbe Dans certains dialectes

comme le peul de Gombe le marqueur de passeacute se suffixe sur le marqueur onɗ (378a) Neacuteanmoins

dans dautres dialectes comme le pulaar du Fouta Toro le marqueur de passeacute se suffixe sur le verbe

(378b) De plus le marqueur locatif ne preacutesente aucune proprieacuteteacute verbale

378) a Peul de Gombe

o-ʼ onɗ -no war-a (Arnott 1970 216)

S3SG-LOCDT-PAS venir-IPF

lsquoIl eacutetait en train de venirrsquo

- 474 -

b Pulaar

O- onɗ loot-at-noo (Mohamadou 2012 84)

S3SG-LOCDT laver-IPF-PAS

lsquoIl eacutetait en train de laverrsquo

En sereer ainsi que dans les langues cangin le marqueur ne peut pas ecirctre analyseacute comme un

verbe En effet il ne preacutesente aucune proprieacuteteacute verbale

Les donneacutees dont nous disposons pour les langues nyun-buy sont insuffisantes pour deacuteterminer

le statut du marqueur des constructions locative et progressive Cest eacutegalement le cas pour la

plupart des langues tenda-jaad ainsi que pour plusieurs langues manjaku joola et balant

163 Forme du marqueur

La forme du marqueur des constructions locative progressive etou preacutesentative est similaire

dans la plupart des langues atlantiques Une comparaison de langues issues des diverses branches de

la famille nous permet de proposer la structure geacuteneacuterale suivante

Figure 161 - Structure du marqueur locatifprogressif dans les langues atlantiques

Le marqueur peut former un amalgame avec le pronom sujet Le marqueur agrave proprement parler

comprend geacuteneacuteralement une marque deacuteictique pouvant servir de lien avec le pronom sujet ainsi

quune base comprenant une marque de classe nominale et une (seconde) marque deacuteictique La

marque de classe saccorde geacuteneacuteralement avec le sujet et le deacuteictique 1 saccorde geacuteneacuteralement avec

le deacuteictique 2

- 475 -

Amalgame

Sujet Marqueur

Lien Base

S DEIC 1 DEIC 2CL

En laalaa le marqueur preacutesente exactement cette structure Le sujet est soit un syntagme nominal

(379a) soit un pronom fort (379b) La marque de classe saccorde avec le sujet (379a) ou

correspond agrave la classe des humains si le sujet est un pronom personnel (379b) Le deacuteictique 2 est

identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutefinis agrave savoir -aa pour le distal (379a) et -ii

pour le proximal (379b)209 Le deacuteictique 1 est facultatif dans les eacutenonceacutes agrave preacutedicat verbal Il

saccorde avec le deacuteictique 2 de la maniegravere suivante e pour le distal (379a) et i pour le proximal

(379b) (Diegraveye 2011 185-186) En noon la structure est presque identique On ne note que deux

diffeacuterences absence du deacuteictique 1 et possibiliteacute dune troisiegraveme marque -um (proche de

lallocutaire) pour le deacuteictique 2 (Soukka 2000 178-179)

379) Laalaa

a Oomah-c-aa (e) c-aa neh ga tua (Diegraveye 2011 186)

enfant-CLc-DFDT DT CLc-DT dormir PREP caseCLw-DFDT

lsquoLes enfants dorment dans la casersquo

b Mi (i) y-uu tiacutek ceumlen (Diegraveye 2011 186)

PRO1SG PX CLHUMSG-PX cuisiner dicircner

lsquoJe preacutepare le dicircnerrsquo

En palor la structure est un peu diffeacuterente Le sujet est soit un syntagme nominal (380a) soit un

pronom fort (380b) Le marqueur ne preacutesente pas de marque de classe mais une consonne rsquo [ʔ]

Neacuteanmoins cette consonne peut ecirctre rapprocheacutee de lattaque du deacuteterminant indeacutefini de la classe

des humains rsquoo Le deacuteictique 2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutefinis agrave

savoir -iacuten pour le distal (380a) et -e pour le proximal (380b) Le marqueur rsquoe peut samalgamer avec

les pronoms personnels singuliers entraicircnant la chute de la consonne glottale et lassimilation

reacutegressive de la consonne finale du pronom (380b) (Alton 1987 128-129) En ndut la structure est

presque identique On note la possibiliteacute dune troisiegraveme marque -a (meacutedial) pour le deacuteictique 2 De

plus la consonne glottale est absente mais la voyelle du deacuteictique proximal ou meacutedial est longue

(Morgan 1996 104-107) Il est possible quil sagisse lagrave dun allongement compensatoire provoqueacutee

par la chute de locclusive glottale

209 laquo Par dissimilation le morphegraveme de proximiteacute -ii devient -uu lorsquil est suffixeacute agrave lindice de classe y- raquo (Diegraveye2011 186)

- 476 -

380) Palor

a Tedox-a rsquo-iacuten ten fan-fa ra (Alton 1987 129)

berger-CLoslash-DFPX CL-DT traire vache-CLf-DFPX DEP

lsquoVoilagrave le berger qui trait la vachersquo

b Fe-e yaaɓ aɗ (Alton 1987 129)

PRO2SG-PX avoir_faim DEP

lsquoTe voici qui a faimrsquo

En sereer le sujet est un pronom fort aux premiegravere et deuxiegraveme personnes (381a) ou un indice

pronominal agrave la troisiegraveme personne (381b) La marque de classe neacutecessairement celle des humains

saccorde en nombre et forme un amalgame avec le pronom sujet (381a-b) (Renaudier 2012 59)

Le deacuteictique 2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutefinis agrave savoir -e pour le

proximal (forme la plus freacutequente) (381a) et -aa pour le distal (381b) (Faye 1982 39-40) Il ny a

pas de deacuteictique 1

381) Sereer

a Me-x-e ntildeaam-aa (Renaudier 2012 58)

PRO1SG-CLHUMSG-PX manger-IPF

lsquoJe suis en train de mangerrsquo

b O-w-aa njaal-aa (Faye 1982 39)

PRO3PL-CLHUMPL-DT travailler-IPF

lsquoIls sont en train de travaillerrsquo

Notons que la marque de classe des humains au singulier nest pas -x mais -ox Nous supposons

que la voyelle initiale de cette marque sest amalgameacutee avec la voyelle finale des pronoms de

premiegravere et deuxiegraveme personne et a eacuteteacute reacuteinterpreacuteteacutee comme indice pronominal agrave la troisiegraveme

personne Ensuite lindice pronominal a- (3PL) est devenu o- dans la plupart des dialectes par

analogie avec la forme 3SG Cette hypothegravese permet dexpliquer la preacutesence dun indice pronominal

o- attesteacute nulle part ailleurs dans la langue ainsi que la modification de la voyelle du pronom 1SG

- 477 -

Tableau 162 - Origine des pronoms locatifs en sereer

Pronom Marqueur Amalgame

SG

1 mi

-oxe

mi-oxe rarr meexe rarr mexe

2 wo wo-oxe rarr wooxe rarr woxe

3 Oslash Oslash-oxe rarr oxe rarr oxe

PL

1 in

-we

in-we rarr inwe rarr inwe

2 nuun nuun-we rarr nuunwe rarr nuunwe

3 a- a-we rarr awe rarr owe

En peul le marqueur ne comporte ni marque de classe ni deacuteictique 1 Le sujet est soit un

syntagme nominal (382a) soit un pronom sujet (382b) Dans les dialectes orientaux le deacuteictique 2

est identique au marqueur locatif distal on ɗ (382a-b) alors quil est identique au marqueur locatif

proximal oɗ dans les dialectes occidentaux (Ard 1979 129-130) En pulaar cette marque deacuteictique

est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs (Sylla 1982 45-50)

382) Peul de Gombe

a Hoore rsquoam onɗ naaw-a (Arnott 1970 283)

tecircte POSS1SG DT faire_mal-IPF

lsquoJai mal agrave la tecirctersquo

b rsquoo- onɗ huw-a (Arnott 1970 282)

S3SG-DT travailler-IPF

lsquoIl est en train de travaillerrsquo

En nyun de Niamone le sujet est soit un syntagme nominal (383a) soit un pronom fort (383b)

La marque de classe saccorde avec le sujet (383a) ou correspond agrave la classe des humains si le sujet

est un pronom personnel (383b) Elle forme un amalgame avec le pronom sujet (383b) Le deacuteictique

1 est identique agrave la marque deacuteictique proximale des deacuteterminants deacutemonstratifs cest-agrave-dire in-

(383a-b) (Bao-Diop 2013 259-261)210 Le deacuteictique 2 est similaire aux marqueurs locatifs agrave savoir

bim pour le distal (383a) et na pour le proximal (383b) (Bao-Diop 2013 237-238) Notons que le

deacuteictique 1 ne saccorde pas avec le deacuteictique 2 seul la marque proximale in- est attesteacutee quelque

soit la marque deacuteictique 2 (383a-b) En nyun de Djifanghor la situation est similaire bien que les

210 La voyelle sharmonise avec celle de la marque de classe La nasale subit une assimilation de lieu darticulation parrapport agrave la consonne de la marque de classe si cette derniegravere est une occlusive ou samenuit et nasalise la voyellesi la consonne suivante est une fricative (Bao-Diop 2013 146)

- 478 -

formes soient plus difficilement segmentables Le deacuteictique 1 est geacuteneacuteralement identique agrave la

marque deacuteictique proximale des deacuteterminants deacutemonstratifs mais la marque est plus courte et

semble moins reacuteguliegravere quen nyun de Niamone Le deacuteictique 2 se reacutesume le plus souvent agrave un -ŋ

correspondant probablement agrave la forme tronqueacutee dun marqueur locatif Par exemple on peut

deacutecouper le marqueur mbaŋ ainsi m- (PX) + ba (CLba) + -ŋ (PX) Notons que le paradigme contient

plusieurs idiosyncrasies et que le deacutecoupage nest pas toujours possible (Quint 2015 413)

383) Nyun de Niamone

a Siidi um-moo-bim Dakaar (Bao-Diop 2013 260)

Sidy PX-CLu-DT Dakar

lsquoSidy est agrave Dakarrsquo

b F-um-moo-na (Bao-Diop 2013 74)

PRO2SG-PX-CLHUMSG-PX

lsquoTu es lagrave rsquo

En buy le sujet est soit un syntagme nominal (384a) soit un pronom fort (384b) Le deacuteictique 2

est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs agrave savoir -o pour le proximal

(384a) et -k pour le distal (384b) (Doneux 1991 60) La voyelle de base du marqueur peut ecirctre

rapprocheacutee de la marque de la classe des humains au singulier o- Neacuteanmoins notons que le

marqueur preacutesentatif se distingue du deacuteterminant deacutemonstratif par son schegraveme tonal uacuteligrave oacuteograve (voici

lhomme) ~ uacuteligrave ograveo (cet homme-ci) Par ailleurs le marqueur ne comporte pas de deacuteictique 1

384) Buy

a Geacutendeacuteŋ oacute-ograve (Doneux 1991 60)

nuit CLHUMSG-PX

lsquoVoici la nuitrsquo

b Naacuteagraven oacute-ogravek (Doneux 1991 60)

PRO3PL CLHUMSG-PX

lsquoLes voilagraversquo

En joola banjal le sujet est soit un syntagme nominal (385a) soit un pronom fort (385b) La

marque de classe saccorde avec le sujet (385a) ou correspond agrave la classe des humains si le sujet est

un pronom personnel (385b) Le deacuteictique 2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants

- 479 -

deacutemonstratifs agrave savoir -u pour le distal (385a) -e pour le proximal (385b) et -ua pour le meacutedial

(Bassegravene 2006 231-234) Le deacuteictique 1 ne saccorde pas avec le deacuteictique 2 mais semble

identique agrave la marque deacuteictique distale des deacuteterminants deacutemonstratifs Neacuteanmoins une autre

analyse est envisageable On constate que le marqueur preacutesentatif semble correspondre agrave une forme

tronqueacutee du deacuteterminant deacutemonstratif Par exemple j-au-j-u (CLj-DEM-CLj-DT) ~ u-j-u (DEIC-CLj-DT)

Oslash-a(x)u-m-e (CLHUMSG-DEM-CLHUMSG-PX) ~ u-m-e (DEIC-CLHUMSG-PX) Cependant cette analyse ne

fonctionne pas avec la classe des humains au pluriel g-au-m-e (CLHUMPL-DEM-CLHUMPL-PX) ~

u-bug-e (DEIC-CLHUMPL-PX) Le joola fonyi preacutesente une situation similaire (Sapir 1969 71)

385) Joola banjal

a Ji-iba j-a-j-u u-j-u ni e-vvantilde y-a-y-u (Bassegravene 2006 231)

CLj-couteau CLj-DF-CLj-DF DEM-CLj-DT PREP CLe-cuisine CLe-DF-CLe-DF

lsquoLe couteau est dans la cuisinersquo

b Iacutenje u-m-e tiyaŋ ni-robo-e (Bassegravene 2006 233)

PRO1SG DEM-CLHUMSG-PX dehors S1SG-sasseoir-TAM

lsquoJe suis assis dehorsrsquo

En kwatay le sujet est soit un syntagme nominal (386a) soit un pronom fort (386b) La marque

de classe saccorde avec le sujet (386a) sauf sil sagit dun pronom personnel dans ce cas la

marque de classe est omise et le marqueur forme un amalgame avec le pronom (386b) Le deacuteictique

2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs agrave savoir -ondu pour le meacutedial

(cas le plus freacutequent) (386a) -onde pour le proximal (386b) et -onda pour le distal (Payne 1992

58) Par ailleurs le marqueur ne comporte pas de deacuteictique 1

386) Kwatay

a Buacute-suus b-u b-ond-u ti ka-neyu (Payne 1992 58)

CLb-feuille CLb-DFMD CLb-DEM-MD PREP INF-tomber

lsquoLes feuilles sont en train de tomberrsquo

b Iacutenj-end-u tu bu-ntildeoofo (Payne 1992 58)

PRO1SG-DEM-MD PREP INF-manger

lsquoJe suis en train de mangerrsquo

En wolof le sujet est soit un syntagme nominal (387a) soit un pronom fort (387b-d) Le

- 480 -

deacuteictique 2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutefinis agrave savoir -i pour le proximal

(cas le plus freacutequent) (387a) et -a pour le distal (387b) Il peut eacutegalement ecirctre identique agrave la marque

deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs deacuteictiques agrave savoir -ii ou -ile pour le proximal (387c) et

-ee ou -ale pour le distal ou agrave celle des deacuteterminants deacutemonstratifs anaphoriques (387d)211

Le marqueur ne preacutesente pas de marque de classe mais un eacuteleacutement ng On remarque que le

deacuteterminant deacutemonstratif anaphorique preacutesente une structure CL-oo-CL-DEIC (387e) (Fal 1999 52-

53) cest-agrave-dire une forme ougrave la marque de classe apparaicirct deux fois Or dans le cas du marqueur du

preacutesentatif leacuteleacutement ng- apparaicirct agrave linitial mais cest un -g- qui apparaicirct lors de la seconde

occurrence ng-oo-g-DEIC (387d) Ce pheacutenomegravene nous permet de supposer que ng est probablement

issu de la marque de classe nominale g- qui regroupe entre autres les toponymes et les arbres

(Gueacuterin 2011 76) Lalternance g ~ ng agrave linitial pourrait ecirctre le reacutesultat dun processus

morphophonologique (sect 0451)

387) Wolof

a Ma=a-ng-i c-i neacuteeg =b-i (Diouf 2009 149)

PRO1SG=DT-CL-PX PREP-PX chambre =CLb-DFPX

lsquoJe suis dans la chambrersquo

b Sama jabar =a-ng-a c-a waantilde =w-a (Diouf 2003 357)

POSS1SG femme =DT-CL-DT PREP-DT cuisine =CLw-DFDT

lsquoMa femme est agrave la cuisinersquo

c Omar =a-ng-ale di dem (Diouf 2003 51)

Omar =DT-CL-DEMDT IPF partir

lsquoVoilagrave Omar qui sen varsquo

d Aw doj =a-ng-oo-g-ule (Diouf 2003 51)

IDFCLw caillou =DT-CL-DEMANAPH-CL-DEMANAPHPX

ci sa wetu tagravenk

PREPPX POSS2SG cocircteacuteGEN pied

lsquoVoilagrave un caillou agrave cocircteacute de ton piedrsquo

211 Pour une liste exhaustive des deacuteterminants du wolof voir Fal et al (1990 20) Ma Cisseacute (2007 56-57) Diouf(2009 173) ou Gueacuterin (2011 111)

- 481 -

e Meumln =nantildeoo teumlkkale leacuteeb =y-oo-y-ulehellip (Diouf 2003 340)

pouvoir =PRFS3PLDV comparer conte =CLy-DEMANAPH-CLy-DEMANAPHPX

lsquoOn peut comparer ces conteshelliprsquo

Par ailleurs le deacuteictique 1 est geacuteneacuteralement identique agrave une marque distale a Neacuteanmoins avec

les pronoms 3SG 1PL et 3PL trois cas sont attesteacutes soit la voyelle a du marqueur est preacutesente et

fusionne avec la voyelle finale du pronom (moo ngi noo ngi ntildeoo ngi) soit la voyelle finale -u du

pronom est remplaceacutee par un -i cest-agrave-dire une marque proximale (mi ngi ni ngi ntildei ngi) soit la

voyelle a du marqueur est absente (mu ngi nu ngi ntildeu ngi) (Church 1981 62-63)212

Dans les langues manjaku le sujet est soit un pronom fort (388a) soit un syntagme nominal

(388b) Contrairement aux langues que nous venons de voir le marqueur ne semble pas preacutesenter la

structure que nous avons proposeacutee plus haut En effet en mankanya ou en pepel le marqueur est un

verbe reacutegulier wo On pourrait supposer que w- est une marque de classe et -o une marque

deacuteictique mais cette hypothegravese ne cadre pas avec les donneacutees de la langue Si w- est une marque de

classe elle doit ecirctre rapprocheacutee de la classe u- En pepel cette classe regroupe entre autres les

arbres (Ndao 2011 66) comme la classe g- du wolof que nous avons vue plus haut En mankanya

cette classe regroupe entre autres les animaux (Trifkovič 1969 75) Selon les statistiques eacutetablies

par Trifkovič (1969 78) il sagit de la classe la plus freacutequente Neacuteanmoins elle note que cette

freacutequence sexplique par la nature de son corpus constitueacute essentiellement de contes animaliers

Enfin -o ne peut pas ecirctre rapprocheacute des marques deacuteictiques des langues manjaku En mankanya les

marques deacuteictiques des deacuteterminants deacutemonstratifs sont -i (proximal) et -uŋ (distal) (Trifkovič

1969 81 Gaved amp Gaved 2007 15) En pepel ces marques sont -i (proximal) et -u (distal) (Ndao

2011 96)

388) a Mankanya

Ba wo ţi p-jan (Trifkovič 1969 118)

S3PL COP PREP INF-chasser

lsquoIls sont en train de chasserrsquo

b Pepel

Muacutesa wo şeuml o-feacuteeruacute (Ndao 2011 171)

Moussa COP PREP CLo-marcheacute

lsquoMoussa est au marcheacutersquo

212 Nous reviendrons plus en deacutetail sur cette marque deacuteictique en (sect 123)

- 482 -

Ainsi dans les langues manjaku le marqueur des constructions locative et progressive ne semble

pas preacutesenter la structure que nous avons proposeacutee plus haut En revanche le marqueur de la

construction preacutesentative sen approche En mankanya le preacutesentatif est exprimeacute par le

redoublement du deacuteterminant deacutemonstratif constitueacute dune marque de classe et dune marque

deacuteictique (389a) (Gaved 2007 13) En pepel il est exprimeacute par une marque deacuteictique postposeacutee

(389b) (Ndao 2011 201)

389) a Mankanya

Ba-buk naan bik-i bik-i (Gaved 2007 13)

CLba-enfant POSS1SG CLba-PX CLba-PX

lsquoVoici mes enfantsrsquo

b Pepel

Iacute-ntildei o-wul i (Ndao 2011 201)

CLiacute-dent CLo-chien PX

lsquoVoici des dents de chienrsquo

En balant kentohe comme dans les langues manjaku le marqueur ne semble pas preacutesenter la

structure que nous avons proposeacutee plus haut Dans cette langue le marqueur est un verbe ka qui ne

semble pas ecirctre constitueacute dune marque de classe et dune marque deacuteictique Concernant le balant

ganja nous ne disposons pas de donneacutees suffisantes pour pouvoir nous prononcer

Dans les langues tenda-jaad le marqueur ne semble pas non plus preacutesenter la structure que nous

avons proposeacutee plus haut En badiaranke le marqueur est un verbe (ya)k qui ne semble pas ecirctre

constitueacute dune marque de classe et dune marque deacuteictique (390a) En bedik il ny a pas agrave

proprement parler de marqueur Le locatif et le progressif sont exprimeacutes par le choix du pronom

sujet ainsi que par la preacuteposition (390b)

390) a Badiaranke

Fe paadiyatilde k-əə (Cover 2010 132)

PREP chambrePOSS3SG COP-S3SG

lsquoIl est dans sa chambrersquo

- 483 -

b Bedik

Ugrave-ŝas laacuteŋ ɛɔwɔɔ (Ferry 1991 26)

INF-parler sur S3SG

lsquoIl est en train de parlerrsquo

La forme du marqueur des constructions locative et preacutesentativeprogressive des langues

atlantiques que nous avons eacutetudieacutees sont reacutesumeacutees dans le Tableau (163)

Tableau 163 - Forme du marqueur locatifprogressif dans plusieurs langues atlantiques

Branche Groupe Langue

Amalgame

Sujet Marqueur

S

Lien Base

DEIC 1 CL DEIC 2

Nord

isolat Wolof PRO- DFDT (PX) CLLOC DF DEM

Nyun-Buy

Buy PRO - CLHUMSG DEM

Niamone PRO- DEMPX SUJ LOC

Djifanghor PRO DEMPX SUJ LOC

Tenda-JaadBedik absence de marqueur

Badiaranke marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

Peul-SereerPulaar S- - - LOC (DEM)

Sereer PRO- - CLHUM DF

Cangin

Laalaa PRO (DEIC 2) SUJ DF

Noon PRO - SUJ DF

Palor PRO- - CLHUMSG DF

Ndut PRO- - CLHUMSG DF

Centre

ManjakuMankanya marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

Pepel marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

JoolaBanjal PRO DEMDT SUJ DEM

Kwatay PRO- - SUJ DEM

Balant Kentohe marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

isolat Bijogo marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

Pour reacutesumer dans la plupart des langues atlantiques le marqueur des constructions locative et

preacutesentativeprogressive preacutesente une structure DEIC1-CL-DEIC2 Seules les langues tenda-jaad

manjaku balant et le bijogo ont un marqueur diffeacuterent

- 484 -

Dans les autres langues le deacuteictique 2 est identique aux marques deacuteictiques des deacuteterminants

deacutemonstratifs ou deacutefinis sauf en peul et dans les langues nyun ougrave il est identique aux marqueurs

locatifs Le deacuteictique 1 est beaucoup moins freacutequent Il sagit dune marque figeacutee identique agrave la

marque proximale (nyun) ou distale (wolof joola) des deacuteterminants deacutemonstratifs ou deacutefinis

excepteacute en laalaa ougrave il saccorde avec le deacuteictique 2

La marque de classe saccorde avec le sujet dans les langues nyun joola ainsi que dans certaines

langues cangin (laalaa noon) En sereer la marque est celle de la classe des humains et saccorde

en nombre avec le sujet Dans certaines langues cangin (palor ndut) et en buy la marque est figeacutee

et est similaire agrave la marque de classe des humains au singulier En wolof la marque est eacutegalement

figeacutee mais elle ne peut pas ecirctre rapprocheacutee de la classe des humains En peul la marque de classe

est absente

Si le sujet est un pronom il aura geacuteneacuteralement la forme dun pronom fort Dans certaines

langues ce pronom forme un amalgame avec le marqueur (wolof nyun de Niamone sereer palor-

ndut kwatay) alors que dans dautres il est indeacutependant (buy nyun de djifanghor laalaa noon

banjal) Le peul est la seule langue employant un pronom sujet faible

164 Origine de la construction

1641 Un heacuteritage geacuteneacutetique

La plupart des langues atlantiques disposent dune construction locative pouvant eacutegalement ecirctre

utiliseacutee comme construction preacutesentative etou progressive La structure de ces constructions ainsi

que la forme du marqueur utiliseacute sont relativement similaires dune langue agrave lautre De plus leacutetude

et la comparaison de la forme du marqueur est coheacuterente avec la classification actuelle Ainsi toutes

les langues ne preacutesentant pas de marqueur appartiennent agrave certains groupes (tenda-jaad manjaku

balant bijogo) et dans les langues appartenant au mecircme groupe le marqueur tend agrave avoir une

structure similaire Par exemple dans les langues joola le marqueur saccorde en classe avec le

sujet et porte la mecircme marque deacuteictique que les deacuteterminants deacutemonstratifs Tous ces eacuteleacutements

tendent agrave montrer que ces constructions ont une origine commune Le fait quelles soient attesteacutees

dans des groupes appartenant aux deux principales branches (Nord et Centre) laisse supposer quil

sagit dune construction ancienne issue du proto-atlantique

- 485 -

Les hypothegraveses dune convergence typologique ou dun contact de langues semblent donc peu

probables Neacuteanmoins il convient deacutetudier les autres langues de la reacutegion pour sen assurer Nous

nous limitons aux langues actuellement en contact avec les langues atlantiques agrave savoir

bull des langues mandeacute soninkeacute mandingue (notamment le mandinka) et jalonkeacute

bull le casamanccedilais (creacuteole afro-portugais de Casamance)

bull le zeacutenaga (langue berbegravere du sud de la Mauritanie)

bull des langues mel kisi mani (eacutegalement appeleacute bullom) et temne

En soninkeacute la copule locative waacute (391a) est aussi utiliseacutee comme marqueur dimperfectif (391b)

(Creissels 2015a 2-4) On note eacutegalement que haacuteayiacute est utiliseacute comme marqueur preacutesentatif (392a-

b) ou progressif (392c) (Diagana 1995 386-388) Cependant ces marqueurs nont pas la mecircme

origine que ceux des langues atlantiques La copule waacute est probablement issue du verbe wagraveriacute (voir)

(Creissels 2015a 6-7) et haacuteayiacute est clairement issu du verbe haacuteayiacute (regarder) (Diagana 1995 386-

388)

391) Soninkeacute

a Muacuteusaacute waacute koacutenpegrave-n diacute (Creissels 2015a 4)

Moussa COP chambre-DET POSTP

lsquoMoussa est dans la chambrersquo

b Oacute waacute taacuteaxuacute-nuacute dagraveagoacute-n kagravenmaacute (Creissels 2015a 3)

1PL COP sasseoir-GER natte-DET sur

lsquoNous nous assieacuterons sur la nattersquo

392) Soninkeacute

a Leacutemiacutenegrave-n haacuteayiacute (Diagana 1995 387)

enfant-DET PRST

lsquoVoici lenfantrsquo

b Leacutemiacutenegrave-n haacuteayiacute xuacutebegrave-n diacute (Diagana 1995 388)

enfant-DET PRST chambre-DET POSTP

lsquoVoilagrave lenfant dans la chambrersquo ou lsquoLenfant est (en ce moment) dans la chambrersquo

- 486 -

c Agrave haacuteayiacute raacutegegrave-neacute yagrave (Diagana 2013 169)

3SG PRST faire_ses_ablutions-GER FOC

lsquoIl est en train de faire ses ablutionsrsquo

En mandinka la copule locative beacute (393a) est aussi utiliseacutee comme marqueur de progressif

(393b) (Creissels amp Sambou 2013 139-145) Par ailleurs le preacutesentatif est exprimeacute par feacuteleacute (394a)

ou haacuteyiacutenaacute(ŋ) (394b) (Creissels amp Sambou 2013 151-152) Cependant ces marqueurs nont pas la

mecircme origine que ceux des langues atlantiques Les marqueurs sont clairement issus des verbes

homonymes signifiant respectivement laquo regarder raquo et laquo apercevoir raquo Lorigine de la copule locative

beacute est plus difficile agrave deacuteterminer mais il est possible quelle soit issue dun ancien verbe (Kastenholz

2003 Babaev 2011) De fait elle ne preacutesente aucune similitude avec les deacutemonstratifs ntildeǐŋ wǒ ou

les locatifs jǎŋ (PX) jěe (DT) du mandinka contemporain (Creissels amp Sambou 2013 194-197

311-313)

393) Mandinka

a Y iacuter-oacuteo be siacutel-ocirco daacuteala (Creissels amp Sambou 2013 139)

arbre-DET COP chemin-DET au_bord

lsquoLarbre est au bord du cheminrsquo

b Y iacuter-oacuteo be boy-oacuteo la (Creissels amp Sambou 2013 144)

arbre-DET COP tomber-DET POSTP

lsquoLarbre est en train de tomberrsquo

394) Mandinka

a Iacute laacute doacutemoacuter-ocirco feacutele (Creissels amp Sambou 2013 151)

2SG GEN nourriture-DET PRST

lsquoVoici ton repas rsquo

b A-teacute le haacuteyiacutenaacute kew-oacute-lu ntildeaacuteato (Creissels amp Sambou 2013 151)

3SG-EMPH FOC PRST homme-DET-PL devant

lsquoLe voilagrave agrave la tecircte des hommesrsquo

En jalonkeacute il ne semble pas y avoir de lien entre les constructions locative progressive et

preacutesentative La construction locative est geacuteneacuteralement exprimeacutee par la simple juxtaposition des

- 487 -

deux termes (395a) (Luumlpke 2005 133-134) La construction progressive est exprimeacutee par le suffixe

-ma probablement issu de la postposition homonyme (395b) (Luumlpke 2005 122-123) Le

preacutesentatif peut ecirctre exprimeacute par le marqueur jεε (395c) qui est peut-ecirctre issu du deacutemonstratif

proximal ji (Luumlpke 2005 134) Cette construction pourrait donc ecirctre rapprocheacutee de celles des

langues atlantiques Neacuteanmoins elle sen distingue par la preacutesence obligatoire du marqueur de

focus par le figement de la deixis ainsi que par son incapaciteacute agrave former un eacutenonceacute autonome

395) Jalonkeacute

a Biniir-εε taabal-na fari (Luumlpke 2005 133)

bouteille-DF table-DF sur

lsquoLa bouteille est sur la tablersquo

b A dii-na xun-na bii-ma (Luumlpke 2005 122)

S3SG enfant-DF tecircte-DF couper-IPF

lsquoElle est en train de raser le cracircne de lenfantrsquo

c Banxi nan jεεhellip (Luumlpke 2005 134)

maison FOC PRST

lsquoVoici une maisonhelliprsquo

En casamanccedilais la construction locative emploie geacuteneacuteralement la copule saacute (396a) peut-ecirctre

issue du verbe portugais estar (Biagui 2012 188-189) La construction progressive emploie le

marqueur imperfectif na (396b) (Biagui 2012 160) Il existe eacutegalement une construction que Quint

(2000a 264) nomme laquo geacuterondif raquo exprimeacutee par la copule locative suivie de la preacuteposition na

(396c) probablement issue de la forme contracteacutee portugaise na ~ em-a (dans la) (Quint 2000a

204-205) Selon Quint (2000a 265) le geacuterondif serait agrave lorigine du marqueur dimperfectif La

preacuteposition na sest grammaticaliseacutee en marqueur dimperfectif suite agrave la chute de la copule Enfin

la construction preacutesentative emploie un marqueur constitueacute dune marque emphatique a- dun

locatif li (PX) ou la (DT) pouvant ecirctre renforceacute par un second locatif (396d-e) (Biagui 2012 260-

261) Ces formes semblent tregraves proches des marqueurs des langues atlantiques Cependant leur

structure et leur origine sont diffeacuterentes Contrairement aux marqueurs des langues atlantiques le

marqueur preacutesentatif du casamanccedilais se place avant le sujet De plus en casamanccedilais la

constructions preacutesentative na aucun lien avec le locatif ou le progressif En effet en (396e) le trait

progressif est exprimeacute par le marqueur imperfectif na et non par le marqueur preacutesentatif Par

- 488 -

ailleurs ce marqueur nest absolument pas issu dun deacutemonstratif En effet les locatifs sont

clairement issus du portugais ali (ici) et alaacute (lagrave) (Quint 2000a 219) Leacuteleacutement a- a probablement la

mecircme origine mais il tend agrave ecirctre reacuteinterpreacuteteacute comme une marque emphatique similaire agrave celles des

pronoms sujet (Quint 2000a 219) Cette marque est probablement issue de la preacuteposition

portugaise a (agrave) (Quint 2000a 162) qui sest grammaticaliseacutee en marque emphatique peut-ecirctre sur

le modegravele des marques emphatiques du mandinka (394b) (Quint 2000b 47-48)

396) Casamanccedilais

a Pidru ku Mariya saacute na kasa (Biagui 2012 269)

Pierre avec Marie COP PREP maison

lsquoPierre et Marie sont agrave la maisonrsquo

b I na kumeacute karna di purku (Biagui 2012 160)

S3SG IPF manger viande de porc

lsquoIl est en train de manger de la viande de porcrsquo

c Pidru saacute na kantaacute (Biagui 2012 214)

Pierre COP PREP chanter

lsquoPierre est en train de chanterrsquo

d A-li Pidru li (Biagui 2012 260)

EMPH-PX Pierre PX

lsquoVoici Pierrersquo

e A-leacute-m na kusntildeaacute (Biagui 2012 260)

EMPH-PX-S1SG IPF cuisiner

lsquoJe suis en train de cuisinerrsquo

En zeacutenaga le preacutesentatif se forme agrave partir de la copule aumlđ et dun pronom deacutemonstratif neutre

portant une marque deacuteictique (397a-b) (Taine-Cheikh 2010 364-365) Notons que la copule est

formellement identique au deacutemonstratif masculin singulier proximal (Taine-Cheikh 2010 363)

Ces formes semblent donc assez proches des marqueurs des langues atlantiques Cependant leur

structure et leurs contextes demploi sont diffeacuterentes En effet contrairement aux langues

atlantiques le syntagme nominal se place apregraves le marqueur De plus en zeacutenaga ce marqueur nest

pas employeacute dans les constructions locatives ou progressives Enfin la copule aumlđ permet dexprimer

- 489 -

lidentification ou la caracteacuterisation alors que le marqueur des langues atlantiques se limite agrave la

localisation

397) Zeacutenaga

a Aumlđ-aumlyđ Kumbauml (Taine-Cheikh 2010 364)

COP-DEMNPX Coumba

lsquoVoici Coumbarsquo

b Aumlđ-ān i ym-aumlnʔ (Taine-Cheikh 2010 365)

COP-DEMNDT chameau-PL

lsquoVoilagrave des chameauxrsquo

Dans la plupart des langues mel il ne semble pas y avoir de lien entre les constructions locative

progressive et preacutesentative Cest notamment le cas en kisi (Childs 1995) ou en mani (Childs 2011)

Neacuteanmoins le temne preacutesente une situation tregraves proche de celle des langues atlantiques Dans cette

langue le mecircme marqueur est utiliseacute dans les constructions preacutesentative (398a-b) et progressive

(398c) (Bai-Sheka 1991) Il est constitueacute dune marque de classe et dune marque deacuteictique La

marque de classe saccorde avec le sujet (398b-c) ou correspond agrave la classe des humains si le sujet

est un pronom personnel (398a) Par ailleurs elle peut former un amalgame avec le pronom sujet

(398b) La marque deacuteictique est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs agrave

savoir -ε pour le proximal (398a) et -aŋ pour le distal (398b-c) Ainsi comme dans les langues

atlantiques le marqueur a la mecircme structure quun deacutemonstratif Cependant il sen distingue par sa

position syntaxique Dans les langues atlantiques le marqueur se place entre le sujet et le verbe

alors quen temne il se place apregraves le verbe

398) Temne

a Minɛ ɔw-ɛ (Bai-Sheka 1991 121)

PRO1SG CLHUMSG-PX

lsquoMe voicirsquo

b Kə-gbɛngbɛ k-ak-aŋ (Bai-Sheka 1991 122)

CLk-piment PROCLk-CLk-DT

lsquoVoilagrave un pimentrsquo

- 490 -

c Kaacute-gbɛngbɛ kə fuacutempɔ k-aŋ (Bai-Sheka 1991 122)

CLkDF-piment PROCLk tomber CLk-DT

lsquoLe piment est en train de tomberrsquo

Pour reacutesumer on peut identifier une construction locative ~ preacutesentative ~ progressive dans la

plupart des langues atlantiques La structure de ces constructions ainsi que la forme du marqueur

utiliseacute sont relativement similaires dune langue agrave lautre Le lien entre constructions locative

preacutesentative et progressive eacutetant relativement commun dans les langues du monde on pourrait

supposer quil sagit dun pheacutenomegravene areacuteal Cependant aucune des autres langues de la reacutegion ne

semble preacutesenter une situation identique Seul le marqueur du temne est formellement similaire agrave

celui des langues atlantiques Eacutetant donneacute quaucune autre langue mel ne semble preacutesenter une telle

situation et que le temne constitue la langue la plus septentrionale de cette famille deux solutions

sont envisageables Soit le temne nest pas une langue mel mais plutocirct une langue atlantique

(hypothegravese peu probable au vu des connaissances actuelles sur la langue) Soit le temne a acquis

cette construction au contact des langues atlantiques213 Cette hypothegravese est renforceacutee par le fait que

le temne est une langue veacutehiculaire (au Sierra Leone) et donc dans une situation favorable aux

emprunts Ainsi la construction locative ~ preacutesentative ~ progressive attesteacutee dans les langues

atlantiques semble clairement issue du proto-atlantique

1642 Grammaticalisation et hypothegraveses de reconstruction

Dans plusieurs langues atlantiques le marqueur a une forme similaire agrave celle dun deacuteterminant

deacutemonstratif Or la grammaticalisation dun deacutemonstratif en copule locative est attesteacutee dans

plusieurs langues (Heine amp Kuteva 2002 108-109) Dans les autres langues atlantiques le

marqueur a une forme similaire agrave celle dun deacuteterminant deacutefini Or la grammaticalisation dun

deacuteterminant deacutemonstratif en deacuteterminant deacutefini est attesteacutee dans plusieurs langues (Heine amp Kuteva

2002 109-111) Dans toutes les langues atlantiques concerneacutees le marqueur est utiliseacutee agrave la fois

comme copule locative et comme marqueur preacutesentatif ou progressif Or lutilisation dune copule

locative comme marqueur preacutesentatif (Gelderen 2011 133) ou sa grammaticalisation en marqueur

progressif (Heine amp Kuteva 2002 97-99) est attesteacutee dans plusieurs langues Ainsi nous pouvons

proposer le chemin de grammaticalisation suivant

Deacutemonstratif (rarr Deacutefini) rarr Copule locative (rarr Preacutesentatif) rarr Progressif

213 Nous remercions Konstantin Pozdniakov pour nous avoir suggeacutereacute cette hypothegravese

- 491 -

Dans les langues joola le deacutemonstratif sest grammaticaliseacute en copule locative Dans les langues

cangin et en sereer il sest dabord grammaticaliseacute en deacuteterminant deacutefini Dans un grand nombre de

langues en se grammaticalisant le deacutemonstratif sest figeacute Il devait initialement saccorder en classe

avec le sujet comme cest encore le cas dans les langues nyun joola et dans certaines langues

cangin (laalaa noon) En sereer cet accord sest limiteacute au nombre et la classe des humains est

devenue lunique classe possible probablement en raison de sa freacutequence En palor-ndut en buy et

en wolof la marque sest totalement figeacutee et correspond agrave la marque de classe des humains au

singulier sauf en wolof ougrave lorigine de la marque est incertaine La copule locative a ensuite eacuteteacute

utiliseacutee comme marqueur preacutesentatif ou sest grammaticaliseacutee en marqueur progressif Dans les

langues de la branche Nord le marqueur ne preacutesente pas de proprieacuteteacutes verbales et est suivi dun

verbe fini alors que dans les langues joola le marqueur tend agrave se comporter comme un verbe et est

suivi dun verbe agrave linfinitif introduit par une preacuteposition

Les donneacutees que nous avons preacutesenteacutees en (sect 163) nous permettent de formuler une hypothegravese

de reconstruction pour le marqueur en proto-atlantique DEIC1-CL-DEIC2 Le deacuteictique 2 correspond

agrave la marque deacuteictique des deacuteterminant deacutemonstratif Deacuteterminer la forme du deacuteictique 1 est plus

probleacutematique en raison de son absence de la majoriteacute des langues Neacuteanmoins le fait quil soit

attesteacute dans quatre groupes diffeacuterents (wolof nyun cangin joola) tend agrave montrer quil existait en

proto-atlantique Dans cette langue il semblerait que le deacuteictique 1 soit identique etou saccorde

avec le deacuteictique 2 Par ailleurs la marque de classe saccorde avec la classe du sujet Le figement

en CLHUM dans plusieurs langues est probablement ducirc agrave une surrepreacutesentation des sujets humains

dans le discours Enfin si le sujet est un pronom il aura la forme dun pronom fort

- 492 -

CCHAPITREHAPITRE 17 - 17 - LLESES AUTRESAUTRES CATEacuteGORIESCATEacuteGORIES VERBALESVERBALES

DESDES LANGUESLANGUES ATLANTIQUESATLANTIQUES

171 Les marques personnelles

La reconstruction des systegravemes pronominaux des langues atlantiques est relativement difficile

non seulement en raison de la distance geacuteneacutetique entre ces langues mais eacutegalement en raison de laquo la

freacutequence et la varieacuteteacute des processus dunification des systegravemes par analogie raquo (Pozdniakov amp

Segerer 2004 160) Neacuteanmoins la comparaison des systegravemes pronominaux des langues atlantiques

fait ressortir plusieurs similitudes soutenant lhypothegravese dune origine commune (Pozdniakov amp

Segerer 2004 151-153)

Comme dans un grand nombre de langues Niger-Congo les formes 3SG et 3PL de la plupart des

langues atlantiques sont issues des marques de classes nominales Les formes 3SG sont geacuteneacuteralement

issues de la marque de classe des humains au singulier214 et les formes 3PL sont issues de la marque

de classe des humains au pluriel215 (Pozdniakov amp Segerer 2004 152) Ce pheacutenomegravene est attesteacute en

wolof En effet dans cette langue on peut rapprocher le pronom objet 3SG ko de la marque de classe

k- (HUMSG) ainsi que le pronom sujet 3PL ntildeu de la marque de classe ntilde- (HUMPL) En revanche cela

ne semble pas fonctionner avec le pronom objet 3PL leen et le pronom sujet 3SG mu Dans le cas de

leen il sagit clairement dune substitution de la cellule du paradigme par analogie avec la forme 2PL

leen Dans le cas de mu on peut rapprocher cette forme de la marque de classe m- qui se trouve

ecirctre la classe regroupant les anthroponymes (Gueacuterin 2011 93) Neacuteanmoins nous ne disposons pas

de suffisamment de donneacutees permettant dinfirmer ou de confirmer ce lien

Par ailleurs Pozdniakov amp Segerer (2004 152) mettent en eacutevidence un pheacutenomegravene propre aux

langues atlantiques et qui peut donc ecirctre reconstruit pour le proto-atlantique Les formes 2PL sont

geacuteneacuteralement issues des formes 2SG par suffixation de -en En wolof ce pheacutenomegravene est clairement

attesteacute pour tous les types de pronoms

214 Cette classe est traditionnellement appeleacutee CL1 en linguistique bantoue215 Cette classe est traditionnellement appeleacutee CL2 en linguistique bantoue

- 493 -

Tableau 171 - Deacuterivation des formes 2PL agrave partir des formes 2SG en wolof

2SG 2PL

Pronom fortLibre yow ya-en rarr yeen

Lieacute ya- ya-en rarr yeen-

Pronom faibleSujet

Libre nga nga-en rarr ngeen

Lieacute -(ng)a -(ng)a-en rarr -(ng)een

Objet la la-en rarr leen

Possessif sa sa-en rarr seen

En (sect 421) nous avons eacutemis lhypothegravese suivante concernant la forme du pronom fort libre Le

-w final est une consonne eacutepentheacutetique inseacutereacutee pour fermer la syllabe et le lieu darticulation de la

voyelle sharmonise avec le [w] (la variante yaw est eacutegalement attesteacutee en wolof contemporain)

ya gt yaw gt yow Ainsi pour tous les types de pronoms les formes 2SG ont une finale -a et les

formes 2PL une finale -een Suivant Pozdniakov amp Segerer (2004 152) on peut donc supposer que

ce -een est issu de -a + en Neacuteanmoins si cette fusion peut sembler parfaitement logique dun point

de vue phoneacutetique il convient de noter quelle ne respecte pas les regravegles de coalescence vocalique

du wolof En effet en wolof contemporain la fusion a+e donne aa et non ee (sect 0443) Nous

pouvons donc soit supposer que les regravegles de coalescence vocalique eacutetaient diffeacuterentes dans un eacutetat

anteacuterieur de la langue soit consideacuterer que -een se substitue agrave -a

La marque 2PL -een peut ecirctre rapprocheacutee du suffixe de pluriel associatif -een et de la marque du

deacuteterminant dalteacuteriteacute -eneen Le suffixe -een se place sur un nom de famille pour deacutesigner

lensemble des membres de cette famille (Torrence 2013a 44) Par exemple le terme ntildeaseen

deacutesigne la communauteacute soufie (branche de la Tijaniyya) fondeacutee par Baay Ntildeas (Baye Niass) La

marque dalteacuteriteacute -eneen semble ecirctre formeacutee de la marque du singulatif -enn + een (Diouf 2009

160) On constate que dans ces trois cas la marque -een veacutehicule plus ou moins une ideacutee de pluriel

En effet dans le systegraveme pronominal -een exprime 2PL le suffixe nominal -een permet de deacutesigner

un ensemble dindividus et le deacuteterminant dalteacuteriteacute est employeacute pour ajouter une entiteacute

suppleacutementaire

En outre dans plusieurs atlantiques (nyun limba sua baga Fore) un suffixe agrave nasale -n -ŋ dans

les formes de pluriel est correacuteleacute avec les deacutesignations dhumains et danimaux Selon Pozdniakov

(2015) laquo il est tout agrave fait possible que le suffixe de pluriel associatif pour les noms de personnes et

le suffixe de pluriel qui se deacutegage dans une seacuterie de langues pour les deacutesignations de personnes et

danimaux soient eacutetymologiquement lieacutes On imagine que ce suffixe a pu se deacutevelopper agrave partir du

- 494 -

modegravele particulier de pluriel collectif existant dans la langue proto-atlantique peut ecirctre dans le

cadre de la classe 2A cest-agrave-dire la classe de pluriel personnel destineacutee en particulier aux termes

de parenteacute ayant au singulier un preacutefixe zeacutero raquo Ainsi il propose la reconstruction suivante pour la

classe 2A Oslash--ni

172 Infinitif et nom verbal

La plupart des langues atlantiques disposent de formes infinitives cest-agrave-dire laquo des formes

verbales non finies fonctionnant comme tecircte de constituants signifiant des contenus propositionnels

et aptes notamment agrave assumer les rocircles syntaxiques nucleacuteaires de maniegravere eacutequivalente agrave des

constituants nominaux raquo (Creissels 2006a 224) Linfinitif des langues atlantiques peut

geacuteneacuteralement ecirctre analyseacute comme une cateacutegorie mixte216 preacutesentant des caracteacuteristiques verbales et

nominales Dans la famille atlantique linfinitif est geacuteneacuteralement exprimeacute par une marque de classe

nominale sur le radical verbal Neacuteanmoins on observe quelques diffeacuterences entre les langues

Dans certaines langues tous les verbes portent la mecircme marque de classe Cest notamment le

cas en bijogo (classe ŋo-) (Segerer 2002 144-146) en mankanya (classe p-) (Gaved 2007 20) ou

dans les langues tenda-jaad comme le basari (classe a-) (Winters amp Winters 2004 44) le wey

(classe i-) (Jenkins amp Jenkins 2000 25) ou le badiaranke (classe ka-) (Ducos 1971 199) En peul

eacutegalement tous les verbes portent la mecircme marque de classe mais cette classe diffegravere selon les

dialectes Ainsi dans les dialectes occidentaux les verbe portent la marque -de alors que dans les

dialectes orientaux on trouvera plutocirct les suffixes -go ou -ki (Arnott 1974 15 Mohamadou 2012

32)

Dans certaines langues cangin la marque de linfinitif est la mecircme pour tous les verbes

Neacuteanmoins si cette marque peut effectivement ecirctre rapprocheacutee dune marque de classe elle ne peut

pas ecirctre analyseacutee comme une marque de classe en synchronie Par exemple en noon la marque de

linfinitif ki- peut ecirctre rapprocheacutee de la marque de classe k- (Soukka 2000 175-176) Il en va de

mecircme en laalaa ougrave linfinitif ka- peut ecirctre rapprocheacute de la classe k- (Diegraveye 2011 178-179)

Dans dautres langues atlantiques plusieurs classes sont attesteacutees mais une ou deux classes sont

beaucoup plus freacutequentes que les autres Cest notamment le cas en pepel (classe peuml-) (Ndao 2011

138-139) dans les langues joola comme le banjal (classe e-) (Bassegravene 2006 243-249) le fonyi

(classe e- si le verbe est monosyllabique classe ka- sil est polysyllabique) (Sapir 1969 77) ou le

216 Nous empruntons ce terme agrave Creissels (2006a 228-231)

- 495 -

kwatay (classe ka-) (Payne 1992 66) ainsi que dans les langues nyun-buy comme le buy (classe

bu- ou gu-) (Doneux 1991 67) ou le nyun de Niamone (classe bu-) (Bao-Diop 2013 170)

Dans les langues balant la situation est un peu plus complexe En effet dans ce groupe on peut

opposer une forme infinitive agrave une forme de laquo noms verbaux raquo217 Ces deux formes sont susceptibles

dassurer des fonctions geacuteneacuteralement occupeacutees par un infinitif telles quobjet dun verbe cateacutenatif

Neacuteanmoins lemploi de lune ou lautre de ces formes aura une incidence seacutemantique (NDiaye-

Correacuteard 1973 179-180) Les noms verbaux sont formeacutes par lajout dun preacutefixe de classe au

radical verbal (NDiaye-Correacuteard 1973 179 Doneux 1984 31-38) En revanche linfinitif est une

forme totalement diffeacuterente marqueacutee par un suffixe flexionnel -arsquo sur le verbe (NDiaye-Correacuteard

1973 184 Wilson 1961 152-153)

En sereer aussi on peut opposer une forme infinitive agrave une forme de laquo noms verbaux raquo Les

noms verbaux sont formeacutes par lajout dun preacutefixe de classe geacuteneacuteralement a- (classe a-al) au

radical verbal (Faye 1982 28-29) Linfinitif quant agrave lui nest pas marqueacute morphologiquement et

correspond donc agrave la forme nue du verbe Neacuteanmoins dans les constructions infinitivales on note la

preacutesence dune marque de deacutependance verbale o (Renaudier 2012 49-51) Cette marque pourrait

ecirctre rapprocheacutee dune classe nominale agrave savoir la classe ol (cf Faye 1980 5-14 Fal 1980 82-92

Renaudier 2015)

Linfinitif wolof est assez similaire agrave celui du sereer En effet comme nous lavons vu en

(sect 243) linfinitif nest pas marqueacute morphologiquement et correspond donc agrave la forme nue du

verbe Dans les constructions infinitivales on note la preacutesence dune marque de deacutependance verbale

a Comme pour le sereer il sagit peut-ecirctre dune ancienne marque de classe nominale Cependant

en wolof les noms ne portent pas de preacutefixe de classe218 De plus les marques de classe sont

exclusivement consonantique en wolof contemporain219 Il est donc impossible de rapprocher cette

marque de deacutependance verbale dune marque de classe en synchronie

Enfin en palor et en ndut linfinitif nest pas marqueacute morphologiquement et correspond donc agrave

la forme nue du verbe (Alton 1987 123 Morgan 1996 109)

Notons que dans certaines langues le verbe agrave linfinitif portent eacutegalement un suffixe vocalique

Cest notamment le cas en badiaranke (-e) ou en kwatay (-u) Lorigine de cette marque reste agrave

deacuteterminer

217 Nous empruntons ce terme agrave Doneux (1984) NDiaye-Correacuteard (1973) parle de laquo substantifs verbaux raquo et Biaye ampCreissels (2015 211) parlent simplement de laquo noms apparenteacutes agrave des verbes et se reacutefeacuterant au procegraves deacutesigneacute par leverbe raquo

218 Certains noms conservent neacuteanmoins des traces danciens preacutefixes ji-geacuteen (femme)219 cf (sect 41)

- 496 -

On constate quil existe une correacutelation entre lexpression de la classe nominale sur le nom et la

forme de linfinitif Dans les langues ougrave la classe nominale nest pas exprimeacutee sur le nom linfinitif

nest pas marqueacute morphologiquement sur le verbe (palor ndut wolof) Dans les langues ougrave la classe

nominale est exprimeacutee par une marque suffixeacutee au nom linfinitif est exprimeacute par un suffixe

(dialectes du peul) Enfin dans les langues ougrave la classe nominale est exprimeacutee par une marque

preacutefixeacutee au nom linfinitif (ou le laquo nom verbal raquo) est exprimeacute par un preacutefixe (toutes les autres

langues atlantiques)

Tableau 172 - Infinitif et classe(s) nominale(s) dans plusieurs langues atlantiques

Branche Groupe LangueMarquede classe

Infinitif Classe(s) de linfinitif

Nord

isolat Wolof Aucune (DV) V ndash

Nyun-BuyBuy Preacutefixe CL-V CLbu CLgu (surtout)

Niamone Preacutefixe CL-V CLbu (surtout)

Tenda-Jaad

Basari Preacutefixe CL-V CLa

Wey Preacutefixe CL-V CLi

Badiaranke Preacutefixe CL-V-e CLka

Peul-SereerPeul Suffixe V-CL CLde CLgo CLki (selon dialecte)

Sereer PreacutefixeCL-V(DV) V

CLal (surtout)Similaire CLol ()

Cangin

Laalaa Preacutefixe ka-V Similaire CLk

Noon Preacutefixe ki-V Similaire CLk

Palor Aucune V Aucune

Ndut Aucune V Aucune

Centre

ManjakuMankanya Preacutefixe CL-V CLp

Pepel Preacutefixe CL-V CLpeuml (surtout)

Joola

Banjal Preacutefixe CL-V CLe (surtout)

Fonyi Preacutefixe CL-V CLe CLka (surtout)

Kwatay Preacutefixe CL-V-u CLka (surtout)

BalantKentohe Preacutefixe

CL-VV-arsquo

Deacutepend du verbendash

Ganja PreacutefixeCL-VV-arsquo

Deacutepend du verbendash

isolat Bijogo Preacutefixe CL-V CLŋo

Notons que ce type dinfinitif nest pas propre aux langues atlantiques Dans dautres branches de

la famille Niger-Congo linfinitif preacutesente une structure similaire Cest notamment le cas des

- 497 -

langues bantu ougrave linfinitif est marqueacute par un preacutefixe de classe nominal sur le verbe Comme pour

les langues atlantiques certaines classes sont beaucoup plus freacutequentes que les autres (Nurse amp

Philippson 2003 80) On trouve eacutegalement ce type dinfinitif (ou de laquo nom verbal raquo) dans les

langues kwa comme le tuwuli (Harley 2008 303-304) ou les langues mel comme le mani (Childs

2011 184-185) Le fait que le mecircme type de structure soit attesteacute dans diffeacuterentes branches du

Niger-Congo laisse supposer quil sagit peut-ecirctre dune construction relativement ancienne heacuteriteacutee

du proto-Niger-Congo

173 Le marqueur de passeacute

Comme pour la plupart des autres parties de la morphologie verbale il est probablement

impossible de reconstruire une marque de passeacute en proto-atlantique Neacuteanmoins on relegraveve plusieurs

similitudes concernant lexpression du passeacute entre le wolof et plusieurs autres langues atlantiques

Agrave partir des donneacutees dont nous disposons il semblerait que la plupart des langues atlantiques

expriment le passeacute par un (ou plusieurs) suffixe(s) sur le verbe lexical La forme de ces suffixes

varie dune langue agrave lautre

Tableau 173 - Forme de la marque de passeacute dans plusieurs langues atlantiques

Branche Groupe Langue Marque de passeacute Reacutefeacuterence

Nord

isolat Wolof -(w)oon -(w)aa(n) (sect 33)

Nyun-BuyBuy (calque manjaku) (Doneux 1991 70)

Niamone -eer (Bao-Diop 2013 190-192)

Tenda-JaadWey -xo -ak (Santos 1996 222-224)

Badiaranke -ako (Cover 2010 165-169)

Peul-SereerPulaar -no(o) (Sylla 1982 89-90)

Sereer -rsquo -oog (Faye 1982 34 42)

CanginLaalaa -iacute (Diegraveye 2011 195-197)

Noon -ee (Soukka 2000 183-184)

Centre

Manjaku Mankanya (construction analytique) (Trifkovič 1969 120-124)

JoolaBanjal -en (Bassegravene 2006 117-119)

Fonyi -een (Sapir 1969 93)

Balant Kentohe -ke (Doneux 1984 75)

isolat Bijogo -en (Segerer 2002 242)

- 498 -

La comparaison de ces marques est relativement difficile En effet dans plusieurs langues

lexpression du temps et lexpression de laspect sont imbriqueacutees Ainsi dans certaines langues

comme le sereer on trouve deux suffixes de passeacute le suffixe -rsquo [ʔ] est utiliseacute au perfectif alors que

le suffixe -oog est utiliseacute agrave limperfectif Dans dautres langues le suffixe de passeacute peut ecirctre analyseacute

comme une marque de perfectif ou de parfait Cest notamment le cas en joola banjal ougrave laquo le

morphegraveme -en indique le caractegravere reacutevolu du procegraves cest-agrave-dire soit lsquoune action dont les

conseacutequences ne jouent plus dans lactuelrsquo soit lsquoun eacutetat qui nexiste plusrsquo raquo (Bassegravene 2006 117)

Cest eacutegalement le cas dans les langues cangin Par exemple en ndut le marqueur de perfectif -e est

eacutegalement utiliseacute pour marquer le passeacute (Morgan 1996 87)

Cependant indeacutependamment de ces problegravemes on peut remarquer certaines similitudes entre les

langues En effet dans plusieurs langues le suffixe de passeacute est constitueacute dune voyelle suivie de la

nasale alveacuteolaire [n] On retrouve cette structure en wolof (-oon) dans les langues joola (-en -een)

et en bijogo (-en) En pulaar la structure est eacutegalement similaire (-no) Ces similitudes pourraient

peut-ecirctre laisser supposer une origine commune de ce marqueur Cependant nous ne disposons pas

de suffisamment de donneacutees historiques pour infirmer ou confirmer cette hypothegravese

174 Lexpression de la neacutegation

Les langues atlantiques preacutesentent une assez grande diversiteacute dans lexpression de la neacutegation

Cette diversiteacute sobserve tant sur la nature ou la forme du marqueur neacutegatif que sur la structure des

des constructions neacutegatives Neacuteanmoins on relegraveve plusieurs similitudes

Dans la plupart des langues atlantiques on remarque des variations dans lexpression de la

neacutegation selon les cateacutegories TAM Les distinctions les plus reacutepandues sont dune part lopposition

aspectuelle perfectif~imperfectif et dautre part lexistence dune forme speacutecifique pour les

injonctifs (Doneux 1991 192 Monteacutebran 2015 125) Ce dernier point nest pas tregraves surprenant

Comme le note Creissels (2006b 145) laquo lexistence dun marquage de la neacutegation propre agrave des

tiroirs verbaux exprimant lordre ou le souhait (impeacuteratif optatif jussif hellip) est particuliegraverement

freacutequente raquo dans les langues Notons que dans plusieurs langues atlantiques lexpression de la

neacutegation ne se limite pas aux trois formes preacutesenteacutees dans le Tableau (174) Dautres interfeacuterences

entre la neacutegation et les marques de TAM (progressif imparfait etc) sont eacutegalement attesteacutees

- 499 -

Tableau 174 - Expression de la neacutegation dans plusieurs langues atlantiques220

Branche Groupe Langue Perfectif Imperfectif Prohibitif

Nord

isolat Wolof V-u(l)(-S) di(COP)-u(l)(-S) V bu(l)-S V

Nyun-BuyBuy S-V-i-i(l) S-go(COP)-il V-a (k)aka-S V

Niamone V-vr-S gvrv(ŋ) S-V(-e) jah-S-V

Tenda-JaadBiafada V-al-S nd-add-S V (mutation)V-d-S

Badiaranke V-re-S kaa-S V nte S V-a

Peul-SereerPulaar S V-aa(ni) S V-ataa woto S V

Sereer V-ee(r)-S V-k-ee(r)-S ba-S V

CanginLaalaa S V-ri S V-ri caa V(-at)

Noon S V-rii S V-rii kaa V(-at)

Centre

Manjaku Mankanya S-v n-V S-v nkeuml V S keuml V

Joola Banjal S-V-ut S-let(COP) ni INF-V jambi S-V

Balant Ganja S-vc-V S-vti-n-V S-mbagi V

isolat Bijogo S-nkv-V a-S-V S-nkv-V

Dans la plupart des langues atlantiques le marqueur de neacutegation est geacuteneacuteralement un suffixe

verbal (Monteacutebran 2015 126) En effet au perfectif toutes les langues de la branche Nord ainsi

que les langues joola expriment la neacutegation de cette maniegravere De plus on note que la forme de ce

suffixe est assez semblable dans toutes ces langues Il est constitueacute dune voyelle et dune consonne

coronale ([l] [r] [t] ou [n]) Doneux (1991 186) propose de reconstruire un suffixe neacutegatif -ud

pour le proto-atlantique

Agrave limperfectif la situation est un peu plus complexe Les langues peul-sereer et cangin

expriment la neacutegation de la mecircme maniegravere quau perfectif Le biafada emploie un marqueur

similaire agrave celui du perfectif mais placeacute entre le marqueur aspectuel et le verbe Le wolof le buy et

les langues joola emploient une copule neacutegative (Doneux 1991 189-192 Monteacutebran 2015 126-

127) Dans le cas du wolof il sagit dun verbe copule di eacutegalement utiliseacute comme verbe auxiliaire

dimperfectif auquel on ajoute le suffixe de neacutegation -ul (sect 32) En buy il sagit dun verbe copule

go eacutegalement utiliseacute dans les peacuteriphrases progressives auquel on ajoute le suffixe de neacutegation -il

(Doneux 1991 71) En joola banjal et en joola fonyi il sagit dune copule neacutegative peut-ecirctre issue

de la grammaticalisation dune copule verbale portant le suffixe de neacutegation -ut comme cest le cas

220 Les donneacutees du tableau sont essentiellement issues de Monteacutebran (2015) auxquelles nous avons ajouteacute celles dunyun de Niamone du sereer et du noon Dans la transcription des formes un laquo v raquo et un laquo c raquo droits (non italiques)notent respectivement une voyelle et une consonne non speacutecifieacutees dont la reacutealisation deacutepend du contextephonologique Les majuscules laquo S raquo et laquo V raquo notent respectivement la position du sujet pronominal (ou de lindicesujet) et du verbe La marque de neacutegation est en gras

- 500 -

en kwatay (Payne 1992 63)

Dans les constructions injonctives toutes les langues de la branche Nord (sauf le biafada) ainsi

que les langues joola expriment la neacutegation par un marqueur speacutecifique placeacute en tecircte de proposition

Les autres langues de la branche Centre emploient eacutegalement un marqueur speacutecifique mais il se

place entre lindice sujet et le verbe Agrave lexception notable du wolof du mankanya et du bijogo le

marqueur de prohibitif ne semble avoir aucun lien avec les autres marqueurs de neacutegation

Selon Monteacutebran (2015 130) laquo dans les langues atlantiques (hellip) la neacutegation fonctionne le plus

souvent comme un paradigme suppleacutementaire qui sajoute au formes positives sous la forme dune

marque zeacutero agrave laquelle soppose une forme neacutegative marqueacutee raquo Neacuteanmoins lexpression de la

neacutegation est rarement symeacutetrique En effet laquo plusieurs langues ont aussi recours agrave la neacutegation au

sein du paradigme de TAM raquo pour certains tiroirs verbaux (Monteacutebran 2015 130) Par exemple en

sereer ou en pulaar la polariteacute nest pas un trait pertinent dans lorganisation du paradigme de

conjugaison Dans ces langues la construction neacutegative est une construction preacutedicative agrave part

entiegravere qui soppose agrave toutes les autres constructions preacutedicatives221 Le wolof semble ecirctre lune des

rares langues de la famille atlantique agrave preacutesenter un paradigme symeacutetrique Neacuteanmoins si chaque

construction preacutedicative dispose dune construction neacutegative eacutequivalente la structure de cette

derniegravere est rarement reacuteguliegravere Le wolof ne dispose pas dune unique marque de neacutegation

permettant de nier toutes les constructions preacutedicatives mais dispose de cinq constructions

neacutegatives diffeacuterentes (sect 31) De fait cette situation est comparable avec celle du joola banjal ougrave la

neacutegation est exprimeacutee de diffeacuterentes maniegraveres (ajout ou substitution dun marqueur) en fonction de

la construction (Monteacutebran 2015 130)222

Pour reacutesumer concernant lexpression de la neacutegation le wolof peut ecirctre rapprocheacute de plusieurs

autres langues atlantiques Au perfectif le wolof emploie un suffixe constitueacute dune voyelle et dune

consonne coronale Au prohibitif il emploie un marqueur speacutecifique placeacute en tecircte de proposition

Ces deux structures sont semblables agrave celles que lon trouve dans les langues de la branche Nord et

les langues joola Agrave limperfectif le wolof emploie une copule verbale neacutegative comme le buy et

les langues joola Ainsi les constructions neacutegatives du wolof sont assez proches de celles que lon

trouve dans les langues atlantiques Nord notamment le buy Par ailleurs on notera que sur ce point

les langues joola semblent plus proches des langues de la branche Nord que de celles de la branche

Centre

221 Pour une preacutesentation du paradigme de conjugaison du sereer voir Faye (1982 26-49) et Renaudier (2012 347-348) Pour le pulaar voir Mohamadou (2012 43-44) et Ka (1986 406)

222 Pour une preacutesentation du paradigme de conjugaison du joola banjal voir Bassegravene (2006 110-136)

- 501 -

175 Minimal aoriste narratif et subjonctif

La plupart des langues atlantiques disposent dune construction preacutedicative laquo minimale raquo cest-agrave-

dire ne preacutesentant aucune marque morphologique (affixe ou mot) La valeur dune telle construction

diffegravere dune langue agrave lautre Neacuteanmoins on constate certaines tendances

Dans un grand nombre de langues atlantiques le minimal est attesteacute dans les compleacutetives Cest

notamment le cas en wolof (sect 242) dans les langues nyun-buy comme le buy (Doneux 1991 79)

ou le nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 178-179) dans les langues tenda comme le basari

(Winters amp Winters 2004 53-54) ou le wey (Santos 1996 416) dans les langues cangin comme le

laalaa (Diegraveye 2011 182-183) ou le noon (Soukka 2000 274) ainsi que dans les langues joola

comme le kwatay (Payne 1992 59-60)

Le minimal est freacutequemment utiliseacute dans des propositions indeacutependantes injonctives Cest

notamment le cas en wolof (sect 242) dans les langues tenda comme le basari (Winters amp Winters

2004 53-54) ou le wey (Santos 1996 238) dans certaines langues cangin comme le palor (Alton

1987 125-126) ainsi que dans les langues joola comme le kwatay (Payne 1992 59-60) ou le joola

banjal (Bassegravene 2006 128-129)

Un autre emploi reacutepandu du minimal concerne les narrations Dans plusieurs langues atlantiques

les propositions conseacutecutives sont au minimal223 Cest notamment le cas en wolof (sect 242) dans les

langues nyun-buy comme le buy (Doneux 1991 83) ou le nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 178-

179) dans les langues tenda comme le wey (Santos 1996 236-238) ainsi que dans les langues

joola comme le kwatay (Payne 1992 59-60) ou le joola banjal (Bassegravene 2006 119-120) Dans

certaines langues le minimal semble pouvoir ecirctre utiliseacute agrave la fois dans les propositions narratives et

conseacutecutives Cest notamment le cas en sereer (Renaudier 2012 72-73) ainsi quen palor (Alton

1987 125-126) ou en ndut (Morgan 1996 87-88) Dans dautres langues le narratif est

morphologiquement marqueacute Cest notamment le cas dans certaines langues cangin comme le laalaa

(Diegraveye 2011 188-190) ou le noon (Soukka 2000 183) ainsi que dans les langues manjaku comme

le mankanya (Gaved 2007 20)

Enfin le minimal peut eacutegalement avoir une lecture gnomique ou geacuteneacuterique cest-agrave-dire quil peut

ecirctre utiliseacute pour exprimer une veacuteriteacute geacuteneacuterale Cest notamment le cas en sereer (Renaudier 2012

72-73) dans les langues cangin comme le laalaa (Diegraveye 2011 180) le palor (Alton 1987 125-

223 Suivant la terminologie de Longacre (1990 109-110) le temps narratif (narrative tense) nest jamais deacutependantdune autre forme alors que le temps conseacutecutif (consecutive tense) est soit deacutependant dune autre forme soit doitapparaicirctre apregraves une autre forme dans le discours

- 502 -

126) ou le ndut (Morgan 1996 87-88) ainsi que dans les langues manjaku comme le pepel (Ndao

2011 142-143)

Dans certaines langues atlantiques la forme minimale (ou la forme la moins marqueacutee) nest

attesteacutee dans aucun des emplois que nous avons citeacutes Cest notamment le cas en badiaranke (Ducos

1971) en bijogo (Segerer 2002) ainsi que dans les langues balant (NDiaye-Correacuteard 1973) Cest

eacutegalement le cas en pulaar Neacuteanmoins dans cette langue la forme non marqueacutee du verbe est

attesteacutee apregraves un marqueur speacutecifique dans les constructions que Mohamadou (2012 42) rassemble

sous leacutetiquette laquo subjonctif raquo

Les emplois du minimal dans les langues atlantiques que nous avons eacutetudieacutees sont reacutesumeacutes dans

le Tableau (175) Le minimal neacutetant pas deacutecrit avec suffisamment de deacutetails pour toutes les

langues nous ne savons pas toujours si certains emplois sont possibles Dans certains cas les

exemples donneacutes par lauteur nous permettent de supposer certains emplois nous les avons noteacutes

entre parenthegraveses

Tableau 175 - Emplois du minimal dans plusieurs langues atlantiques

Branche Groupe LangueGnomique

Narration Subjonctif

Narratif Conseacutecutif Injonctif Compleacutetive

Nord

isolat Wolof ndash ndash + + +

Nyun-BuyBuy ndash ndash + ndash +

Niamone ndash ndash + ndash +

Tenda-JaadBasari (ndash) (ndash) + +

Wey (ndash) ndash + + +

Badiaranke ndash ndash ndash ndash ndash

Peul-SereerPulaar ndash ndash ndash plusmn ndash

Sereer + + + ndash ndash

Cangin

Laalaa + ndash ndash ndash +

Noon (+) ndash ndash ndash +

Palor + + (+) +

Ndut + + (+)

Centre

ManjakuMankanya (+) + ndash ndash (+)

Pepel + (ndash)

JoolaBanjal ndash + + (+)

Kwatay ndash + + +

Balant Kentohe ndash ndash ndash ndash ndash

isolat Bijogo ndash ndash ndash ndash ndash

- 503 -

Pour reacutesumer dans les langues atlantiques le minimal est freacutequemment utiliseacute comme une forme

de subjonctif cest-agrave-dire une forme essentiellement deacutependante mais pouvant veacutehiculer une valeur

injonctive lorsquelle est utiliseacutee dans une proposition indeacutependante Par ailleurs il est souvent

employeacute dans les narrations surtout dans les propositions conseacutecutives Enfin il peut avoir une

valeur gnomique

Robert (1995 1996) propose de rassembler tous ces emplois sous leacutetiquette laquo aoriste raquo Elle

sappuie sur le concept laquo daoristique raquo deacuteveloppeacute par Culioli (1999) qui renvoie agrave laquo un aspect par

deacutefaut cest-agrave-dire laspect de tout preacutedicat en labsence de point de vue de leacutenonciateur raquo (Neveu

2011 41-42)224 Ainsi une forme aoriste serait laquo neutre raquo du point de vue aspectuel Sa valeur

deacutependrait du contexte eacutenonciatif dans lequel elle sinsegravere ce qui semble bien convenir aux emplois

du minimal

176 Autres distinctions encodeacutees dans la conjugaison

Le passeacute la neacutegation et le progressif semblent ecirctre les seules cateacutegories verbales pour lesquelles

on peut poser lhypothegravese dune origine geacuteneacutetique En effet la plupart des autres distinctions

encodeacutees dans la morphologie verbale ainsi que les marques qui servent agrave les exprimer semblent

preacutesenter une bien plus grande heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute dans les langues atlantiques Neacuteanmoins on peut

relever quelques similitudes concernant certaines cateacutegories

Cependant il convient decirctre prudent avec ces comparaisons Il semble difficile (et souvent

speacuteculatif) de deacuteterminer lorigine de ces distinctions Elles peuvent effectivement ecirctre heacuteriteacutees du

proto-atlantique (ou de la proto-langue dun groupe) Leurs similitudes peut aussi tout simplement

ecirctre dues au hasard (ou agrave une convergence typologique) Enfin il est eacutegalement possible que ces

similitudes ne soient quapparentes Nous sous-entendons par lagrave que certains auteurs peuvent avoir

eacuteteacute influenceacutes par les travaux anteacuterieurs portant sur dautres langues atlantiques (ou dautres langues

africaines) Par ailleurs il est important de signaler leacutecart quantitatif et qualitatif entre les

224 Ce concept est eacutevidemment lieacute agrave la cateacutegorie laquo aoriste raquo attesteacutee dans plusieurs langues indo-europeacuteennes telles quele grec ancien Dans cette langue laquo laoriste soppose au preacutesent (non-accompli) et au parfait (accompli) quipreacutesentent laction dans son deacuteveloppement par rapport au sujet la valeur aspectuelle de laoriste est celle duneaction indeacutependante dune relation avec le sujet deacutenonciation (laoriste est non deacutetermineacute par rapport au temps delaction) cest la forme non marqueacutee de laspect en grec Il exprime soit laction arriveacutee agrave son terme (aoristeproprement dit ou reacutesultant) soit laction agrave son deacutebut (aoriste ingressif ou inchoatif) ou encore une action decaractegravere geacuteneacuteral universel et atemporel puisquil nimplique pas de localisation dans le temps (aoriste gnomique) raquo(Dubois et al 2002 41)

- 504 -

descriptions des diffeacuterentes langues atlantiques Cet eacutecart est particuliegraverement manifeste dans

linventaire des paradigmes de conjugaison ou dans la valeur des tiroirs verbaux Cet eacutetat de fait

complique consideacuterablement une comparaison solide des cateacutegories verbales

Ainsi si lon peut effectivement relever plusieurs similitudes parmi les langues atlantiques

concernant les cateacutegories verbales que nous eacutetudions dans cette section nous ne formulons pas

dhypothegravese geacuteneacuterale quant agrave leur origine Neacuteanmoins pour certaines dentre elles nous pouvons

proposer quelques hypothegraveses plus ponctuelles

1761 Distinctions aspecto-temporelles

La comparaison exhaustive et systeacutematique des distinctions aspecto-temporelles exprimeacutees dans

les langues atlantiques deacutepasse largement le cadre de ce travail Nous nous limitons agrave un bref aperccedilu

de la situation dans un nombre limiteacute de langues Notons que les divergences entre les auteurs

concernant la preacutesentation des paradigmes verbaux et les eacutetiquettes des tiroirs verbaux compliquent

consideacuterablement la comparaison Par exemple selon Sylla (1982) le pulaar dispose de trois

paradigmes perfectifs et de quatre paradigmes imperfectifs deacutefinis uniquement par la forme du

suffixe flexionnel Selon Mohamadou (2012) qui prend eacutegalement en compte les marqueurs

preacutedicatifs le pulaar dispose de sept paradigmes perfectifs et de sept paradigmes imperfectifs

auxquels sajoutent les formes de linfinitif du participe de limpeacuteratif et du subjonctif Selon Ka

(1986) le paradigme des verbes du pulaar est symeacutetrique cest-agrave-dire quagrave chaque forme perfective

correspond une forme imperfective Agrave ces diffeacuterences de preacutesentation sajoute le fait que les auteurs

utilisent le plus souvent des eacutetiquettes diffeacuterentes pour deacutesigner les mecircmes formes

17611 Lopposition perfectif imperfectif

Dans certaines langues atlantiques la conjugaison preacutesente une dichotomie entre perfectif (ou

accompli) et imperfectif (ou inaccompli) Cest notamment le cas en wolof ougrave limperfectif est

exprimeacute par le verbe auxiliaire di compatible avec tous les tiroirs verbaux (sect ) De fait agrave

lexception du palor il semblerait quaucune autre langue atlantique ne preacutesente une telle dichotomie

de maniegravere aussi symeacutetrique et reacuteguliegravere Cette opposition semble geacuteneacuteralement ecirctre neutraliseacutee

dans les formes verbales deacutependantes (subjonctif conseacutecutif etc) etou injonctives (impeacuteratif

optatif) Cest notamment ce quon observe en balant kentohe ougrave limperfectif est exprimeacute par un

marqueur ka anteacuteposeacute au verbe et un suffixe verbal -a (Doneux 1984 74-82) ou en bijogo ougrave

- 505 -

limperfectif est exprimeacute par un marqueur -i amalgameacute agrave lindice de personne preacutefixeacute au verbe

(Segerer 2002 227-270) Le buy semble eacutegalement preacutesenter une situation analogue (Doneux

1991 73-79)

Dans dautres langues la conjugaison preacutesente une dichotomie perfectif imperfectif mais les

marques aspectuelles sont amalgameacutees agrave dautres marques TAM Cest le cas en sereer ougrave la plupart

des tiroirs verbaux preacutesentent cette opposition (Renaudier 2012 347-348) mais ougrave il est presque

impossible disoler une marque dimperfectif (ou de perfectif) Ainsi le paradigme de conjugaison

du sereer est symeacutetrique (presque toutes les cellules sont occupeacutees) mais il nest pas reacutegulier (mecircme

si certaines reacutegulariteacutes sont attesteacutees dans certaines parties du paradigme) Le pulaar si lon admet la

preacutesentation proposeacutee par Ka (1986) preacutesente une situation analogue

Enfin dans la plupart des autres groupes de la famille atlantique la dichotomie entre perfectif et

imperfectif ne permet pas de rendre compte de lorganisation du systegraveme verbal Dans ces langues

il nexiste pas de marqueur de limperfectif (ou du perfectif) et le paradigme de conjugaison nest

pas symeacutetrique selon laspect Cest notamment le cas dans certaines langues cangin comme le laalaa

(Diegraveye 2011 199-200) ou le noon (Soukka 2000 174) dans les langues joola comme le banjal

(Bassegravene 2006 116-136) ou le kwatay (Payne 1992 53) dans les langues manjaku comme le

mankanya (Gaved 2007 27) ou le pepel (Ndao 2011 138-158) ainsi que dans les langues nyun

comme le nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 178)

17612 Lhabituel

Lhabituel semble ecirctre lune des distinctions aspectuelles les plus freacutequemment attesteacutees dans les

langues atlantiques La plupart des langues disposent dune construction speacutecifique pour exprimer

lhabituel Cependant la structure de cette construction son origine ainsi que son degreacute

dinteacutegration au paradigme de conjugaison varient consideacuterablement dune langue agrave lautre225

Dans les langues cangin lhabituel est exprimeacute par un suffixe sur le verbe En laalaa (Diegraveye

2011 191-192) et en noon (Soukka 2000 182) cette construction constitue un tiroir verbal agrave part

entiegravere En revanche en palor (Alton 1987 144) et en ndut (Morgan 1996 115) le suffixe

dhabituel semble plutocirct fonctionner comme un affixe deacuterivationnel

En nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 186-187) et en joola banjal (Bassegravene 2006 122-123)

lhabituel est exprimeacute par la reacuteduplication du verbe et lajout dune marque speacutecifique Dans le cas

225 La liste des formes est preacutesenteacutee dans le tableau (176)

- 506 -

du nyun le preacutefixe g- est identique agrave la marque de focalisation

Dans les langues manjaku (Trifkovič 1969 119-120 Ndao 2011 154) et en sereer (Faye 1980

71) lhabituel est exprimeacute par un verbe auxiliaire En buy (Doneux 1991 74) en badiaranke

(Cover 2010 132-141) en kwatay (Payne 1992 58) et en balant kentohe (Doneux 1984 76) il

est exprimeacute par un marqueur non verbal anteacuteposeacute (ou preacutefixeacute) au verbe La forme du verbe lexical

diffegravere dune langue agrave lautre Il peut sagir dun infinitif (sereer pepel) dune forme imperfective

(buy) ou dune forme perfective (kentohe)

Enfin en wolof en pulaar et en bijogo lhabituel nest pas exprimeacute par une construction

speacutecifique En wolof il peut ecirctre exprimeacute par la forme imperfective de la construction future

(sect 22) en pulaar il est geacuteneacuteralement exprimeacute par la construction progressive (Ard 1979 137-138)

et en bijogo par limperfectif (Segerer 2002 238)

Pour reacutesumer lhabituel est tregraves souvent reacutealiseacute par une construction speacutecifique dans les langues

atlantiques (agrave lexception du wolof du pulaar et du bijogo) Cependant il nexiste aucune uniteacute

concernant la forme de cette construction Il peut sagir dune construction analytique (verbe

auxiliaire ou marqueur preacutedicatif) ou dune construction syntheacutetique (affixe reacuteduplication du radical

verbal) Par ailleurs dans certaines langues cette construction est inteacutegreacutee au paradigme de

conjugaison (langues cangin langues joola) alors que dans dautres il sagit dune construction

deacuteriveacutee dune autre construction preacutedicative (toutes les autres langues)

17613 Le futur

La plupart des langues atlantiques disposent dune construction speacutecifique pour exprimer le futur

Comme pour lhabituel la structure de cette construction son origine ainsi que son degreacute

dinteacutegration au paradigme de conjugaison varient dune langue agrave lautre

Une maniegravere relativement freacutequente dexprimer le futur dans les langues atlantiques est lemploi

dune construction agrave verbe auxiliaire Lutilisation du verbe laquo venir raquo est attesteacutee en palor-ndut

(Alton 1987 131-133 Morgan 1996 107-109) dans les langues manjaku (Gaved 2007 34

Ndao 2011 151-152) ainsi quen badiaranke (Ducos 1971 130-131) Lutilisation dun verbe

copule est attesteacutee en wolof (sect 22) Le balant kentohe preacutesente la particulariteacute dutiliser agrave la fois une

copule et un verbe laquo venir raquo (Doneux 1984 77) En buy lorigine de lauxiliaire est indeacutetermineacutee

(Doneux 1991 75)

Dans certaines langues le futur est exprimeacute par un marqueur non verbal anteacuteposeacute (ou preacutefixeacute) au

- 507 -

verbe Cest notamment le cas en pulaar (Mohamadou 2012 68) en sereer (Faye 1982 34-35) ou

en joola banjal (Bassegravene 2006 127)

Dans dautres langues atlantiques le futur est exprimeacute par un suffixe verbal Cest notamment le

cas en nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 188-189) en basari (Winters amp Winters 2004 48) en

laalaa (Diegraveye 2011 194-195) et en noon (Soukka 2000 182-183)

Enfin en kwatay le futur est simplement exprimeacute par lutilisation dun pronom fort suivi de

linfinitif (Payne 1992 57) En bijogo il est exprimeacute par lemploi du preacutefixe dirrealis sur une forme

verbale imperfective (Segerer 2002 247-248)

Tableau 176 - Expression de lhabituel et du futur dans plusieurs langues atlantiques226

Branche Groupe Langue Habituel Futur

Nord

isolat Wolof dina-S di V dina-S V

Nyun-BuyBuy S-maacuten V-agrave S-βita S-VIPF

Niamone g-S-V-vv-V S-V-hvne

Tenda-JaadBasari S V-eumlnd S V-eumlɗ

Badiaranke kəd-S V de ree + V227

Peul-SereerPulaar (progressif) ma S V-SUBJ

Sereer nang + V xan S V

Cangin

Laalaa V-e S V-an

Noon V-i S V-an

Palor V-an S rsquoaƴ V-PF

Ndut V-a S ay V-PF

Centre

ManjakuMankanya S-ji S-V S-bi IPF-V

Pepel jon + INF-V S-bi INF-V

JoolaBanjal S-V-e-V pan S-V

Kwatay vŋ-S-V PRO INF-V

Balant Kentohe S mat V S ka bin-IPF V-IPF

isolat Bijogo (imperfectif) S-IPF-ba-V

Pour reacutesumer comme pour lhabituel le futur est geacuteneacuteralement reacutealiseacute par une construction

speacutecifique dans les langues atlantiques Cependant il nexiste aucune uniteacute concernant la forme de

226 Dans la transcription des formes un laquo v raquo droit (non italique) note une voyelle non speacutecifieacutee dont la reacutealisationdeacutepend du contexte phonologique Les majuscules laquo S raquo et laquo V raquo notent respectivement la position de lindice sujetet du verbe

227 Les descriptions et analyses proposeacutees par Ducos (1971 130-131) et Cover (2010 141-150) sont contradictoiresNeacuteanmoins les deux auteurs saccordent sur lutilisation (possible) du verbe laquo venir raquo dans lexpression du futur

- 508 -

cette construction Lutilisation dun verbe auxiliaire laquo venir raquo est relativement freacutequente

Neacuteanmoins lutilisation dun tel verbe pour exprimer le futur est attesteacute dans un grand nombre de

langues (Heine amp Kuteva 2002 75-78) notamment en Afrique (Anderson 2011 52-56) Il ne sagit

donc pas dune construction caracteacuteristiques de la famille atlantique

1762 Formes verbales inteacutegratives marqueacutees

Comme nous lavons vu en (sect 175) un grand nombre de langues atlantiques utilisent une forme

verbale non marqueacutee dans les propositions compleacutetives Cette forme laquo minimale raquo nest

geacuteneacuteralement pas employeacutee dans les autres types de propositions deacutependantes Dans la plupart des

langues les propositions relatives ont une structure morphosyntaxique speacutecifique En plus du

relativiseur introduisant la proposition on note la preacutesence dune laquo marque dinteacutegration raquo228 Cette

marque est soit suffixeacutee au verbe soit situeacutee sur le bord droit de la proposition Par ailleurs dans

certaines langues ce type de proposition preacutesente un schegraveme speacutecifique Cette structure

morphosyntaxique nest geacuteneacuteralement pas limiteacutee aux seules relatives mais peut eacutegalement ecirctre

utiliseacutee dans dautres types de propositions notamment les subordonneacutees temporelles ou plus

rarement les subordonneacutees hypotheacutetiques et les propositions ougrave lun des arguments est focaliseacute

17621 Marques dinteacutegration

En sereer une marque dinteacutegration -na est suffixeacutee au verbe de la relative (Faye 1982 82-84)

En bijogo il sagit dune marque -o eacutegalement suffixeacutee au verbe de la relative (Segerer 2002 179)

Dans certaines langues manjaku-joola les relatives ne preacutesentent pas agrave proprement parler de

marque dinteacutegration mais un deacuteterminant saccordant en classe est preacutesent sur le bord droit des

relatives Cest notamment le cas en manjako (Buis 1990 56 66) ou en kwatay (Payne 1992 71-

79) Dans dautres langues de ce groupe une marque dinteacutegration est suffixeacutee au verbe de la

relative Cest notamment le cas du suffixe -me en joola banjal (Bassegravene 2006 126-127) ou du

suffixe -uŋ en mankanya (Gaved 2007 45) Dans ces deux langues le suffixe semble ecirctre issu dun

ancien deacuteterminant En effet en joola banjal il est obligatoire lorsque lanteacuteceacutedent est deacutefini

228 Suivant Creissels (2006a) nous parlons de laquo formes inteacutegratives raquo plutocirct que de laquo formes deacutependantes raquo laquo Leterme de forme verbale deacutependante eacutevoque une relation de tecircte agrave deacutependant (ou si on preacutefegravere de subordination) etpeut donc saveacuterer ambigu si on lapplique agrave des formes verbales qui sont certes deacutependantes au sens ougrave elles ne fontpas de luniteacute phrastique dont elles sont la tecircte une uniteacute autonome deacutenonciation mais qui nimpliquent pas nonplus que cette uniteacute phrastique entre dans une relation de deacutependance au sens le plus eacutetroit du terme (cest-agrave-direpuisse ecirctre reconnue comme subordonneacutee) raquo (Creissels 2006a 174)

- 509 -

(Bassegravene 2006 256) il se place apregraves lindice pronominal objet (Bassegravene 2006 139) et sa forme

peut ecirctre rapprocheacutee de celle de certains deacutemonstratifs (Bassegravene 2006 139) En mankanya il se

place apregraves lindice pronominal objet (Gaved 2007 47) et sa forme peut ecirctre rapprocheacutee du

deacutemonstratif distal (Gaved amp Gaved 2007 15)

Les langues balant preacutesentent une situation similaire En kentohe (Doneux 1984 86-87) et en

ganja (NDiaye-Correacuteard 1985) la marque dinteacutegration n(i) se suffixe au verbe de la relative Il se

place apregraves tous les affixes TAM et indices objets (NDiaye-Correacuteard 1985 49) Contrairement aux

langues manjaku-joola la marque dinteacutegration des langues balant ne semble pas issue dun

deacuteterminant NDiaye-Correacuteard (1985 49) la rapproche plutocirct de la marque de geacutenitif Par ailleurs

le nyun de Niamone preacutesente eacutegalement une structure similaire La marque dinteacutegration preacutesente

une forme presque identique (-ne) et occupe la mecircme position que celle des langues balant (Bao-

Diop 2013 265-271) Ces langues eacutetant parleacutees dans des reacutegions tregraves proches (sud de la

Casamance) il est possible que ces similitudes soient dues agrave un contact de langues

En pulaar on ne peut pas agrave proprement parler de marque dinteacutegration Neacuteanmoins le verbe de la

construction relative porte un suffixe flexionnel speacutecifique (Sylla 1982 173) Ce suffixe amalgame

les traits daspect de voix et dinteacutegration sans quil ne soit possible de les distinguer

Tableau 177 - Suffixes des formes inteacutegratives en pulaar

Actif Moyen Passif

Perfectif -i -ii -aa

Imperfectif -ata -otoo -etee

Dans les langues cangin la situation est un peu diffeacuterentes En noon une marque dinteacutegration

aɗ est placeacutee sur le bord droit de la proposition (Soukka 2000 244) En palor (Alton 1987 160-

161) et en ndut (Morgan 1996 132-137) la marque dinteacutegration est de forme ra (allomorphes aɗ

~ na ~ la) et est eacutegalement placeacutee sur le bord droit de la proposition Cependant agrave la diffeacuterence du

noon en palor-ndut lordre des mots dans la proposition est diffeacuterent de lordre canonique attesteacute

dans les propositions indeacutependantes En effet les propositions indeacutependantes preacutesentent un schegraveme

S V O (comme dans la quasi totaliteacute des langues atlantiques) alors que les propositions relatives

preacutesentent un schegraveme V S O

Contrairement agrave la plupart des langues atlantiques le wolof ne dispose pas de marque

dinteacutegration dans les relatives Neacuteanmoins comme nous lavons vu en (sect 24) les propositions de

ce type preacutesentent un schegraveme speacutecifique s o S V O

- 510 -

Enfin certaines langues ne semblent pas avoir de marquage speacutecifique pour les relatives Cest

notamment le cas du buy (Doneux 1991 80-82) ou du laalaa (Diegraveye 2011 269-276) ougrave ne sont

attesteacutes ni marque dinteacutegration ni schegraveme speacutecifique

17622 Emplois des formes verbales inteacutegratives marqueacutees

Les constructions que nous avons deacutecrites dans la section preacuteceacutedente ne sont pas uniquement

employeacutees pour former des propositions relatives Dans presque toutes les langues atlantiques les

subordonneacutees temporelles preacutesentent la mecircme structure et le cas eacutecheacuteant la mecircme marque

dinteacutegration que les subordonneacutees relatives Les seules exceptions semblent ecirctre les subordonneacutees

temporelles du noon (Soukka 2000 248) et du bijogo (Segerer 2002 61-62) ougrave la marque

dinteacutegration napparaicirct pas

Lemploi de la mecircme construction dans les subordonneacutees hypotheacutetiques semblent beaucoup plus

rare Nous ne lavons releveacute que dans quatre langues wolof (sect 245) ndut (Morgan 1996 132-

137) palor (Alton 1987 160-161) et joola banjal (Bassegravene 2006 273) En revanche plusieurs

langues atlantiques notamment dans la branche Nord disposent dune construction hypotheacutetique

speacutecifique Par exemple en sereer le verbe des subordonneacutees hypotheacutetiques ne prend pas de

marque dinteacutegration mais porte un suffixe -ang (Faye 1982 42-43) En laalaa (Diegraveye 2011 280-

281) et en noon (Soukka 2000 281-283) le verbe des subordonneacutees hypotheacutetiques ne prend pas

non plus de marque dinteacutegration mais porte un suffixe -(n)aa

Dans certaines langues les constructions focalisant un argument preacutesentent une structure

analogue agrave celle des relatives Cest notamment le cas en nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 289-

292) en pulaar (Sylla 1982 168-177) ou en mankanya (Gaved 2007 13) Cest eacutegalement le cas

en wolof puisque les constructions focalisant un argument preacutesentent eacutegalement le schegraveme

s o S V O (sect 44)

Par ailleurs comme nous lavons vu plus haut le laalaa ne dispose pas de marque dinteacutegration

Neacuteanmoins dans une subordonneacute temporelle le verbe prend geacuteneacuteralement le suffixe applicatif -oh

(Diegraveye 2011 276-277) De mecircme le wolof ne dispose pas non plus de marque dinteacutegration mais

le verbe des subordonneacutes temporelles prend geacuteneacuteralement le suffixe danteacuterioriteacute -ee (sect 245) Les

donneacutees du laalaa nous permettent de supposer que ce suffixe est peut-ecirctre lieacute au suffixe applicatif

-e229

229 Voir Nouguier-Voisin (2002 226-235) pour une preacutesentation du suffixe applicatif -e

- 511 -

Tableau 178 - Formes verbales inteacutegratives dans plusieurs langues atlantiques

Branche Groupe Langue

Forme Emplois

Marque Schegraveme REL TEMP HYP FOC

Nord

isolat Wolof ndash s o S V O + + + +

Nyun-BuyBuy ndash Canonique +

Niamone -ne Canonique + + ndash +

Tenda-JaadBasari

(donneacutees insuffisantes)230

Badiaranke

Peul-SereerPulaar ~i Canonique + + ndash +

Sereer -na Canonique + + ndash ndash

Cangin

Laalaa ndash Canonique + + ndash +

Noon aɗ Canonique + ndash ndash ndash

Palor ra V Ss o O + + plusmn ndash

Ndut ra V Ss o O + + + ndash

Centre

ManjakuMankanya -uŋ Canonique + + ndash +

Manjako CL-REL Canonique + + ndash ndash

JoolaBanjal -me Canonique + + + ndash

Kwatay CL-u Canonique + + ndash ndash

BalantKentohe ni Canonique + + ndash ndash

Ganja -n(i) Canonique + + ndash ndash

isolat Bijogo -o Canonique + ndash ndash ndash

Pour reacutesumer dans la plupart des langues atlantiques les relatives contiennent une marque

dinteacutegration Cette marque est soit suffixeacutee au verbe de la relative soit situeacutee sur le bord droit de la

proposition Cette marque napparaicirct pas uniquement dans les relatives mais peut eacutegalement ecirctre

utiliseacutee dans dautres types de propositions notamment les subordonneacutees temporelles ou plus

rarement les subordonneacutees hypotheacutetiques et les propositions ougrave lun des arguments est focaliseacute

Cependant la diversiteacute de structure ou demploi de ces formes inteacutegratives ne nous permet pas de

supposer que toutes ces formes sont issues dune mecircme construction du proto-atlantique

Neacuteanmoins on peut formuler ce type dhypothegravese pour certains groupes En effet dans les langues

manjaku-joola la marque dinteacutegration semble clairement ecirctre issue dun deacuteterminant De mecircme

dans le groupe cangin la marque dinteacutegration a la mecircme forme et occupe la mecircme position dans

toutes les langues (agrave lexception du laalaa qui en est deacutepourvu)

230 Les donneacutees dont nous disposons pour les langues tenda-jaad sont soit contradictoires soit incomplegravetes Nousavons donc deacutecideacute de ne pas inclure ce groupe dans la comparaison

- 512 -

1763 Focalisation

La comparaison exhaustive et systeacutematique de lexpression de la focalisation dans les langues

atlantiques deacutepasse largement le cadre de ce travail Nous nous limitons agrave un bref aperccedilu de la

situation dans un nombre limiteacute de langues

La plupart des langues atlantiques disposent de constructions speacutecifiques pour exprimer la

focalisation Cependant on observe une assez grande diversiteacute entre les langues concernant la

porteacutee ainsi que la reacutealisation du focus Ainsi il ne semble pas y avoir deux langues preacutesentant le

mecircme type de constructions (Robert 2010a 234) agrave lexception des langues geacuteneacutetiquement tregraves

proches

Tableau 179 - Constructions focalisantes dans plusieurs langues atlantiques231

Branche Groupe Langue

FOCV

FOCA

FOCSFOCC

FOCO FOCX

Nord

isolat Wolof S dafa-s V O S a V O O la S V X la S V O

Nyun-Buy Niamone INF-V S g-s-AUX-ne O S (g-)s-V-ne O O S g-s-V-ne X S g-s-V-ne O

Tenda-Jaad Wey S aacute-IIIV-s O S IV-IMPS O S O I~IIIV-s S X IIIV-s O

Peul-SereerPulaar S V-(u) O

S V-a O(ko) S V-i O

(ko) S V-ata O(ko) O S V-i

(ko) O S V-ata(ko) X S V-i O

(ko) X S V-ata O

Sereer kaa S V Okaa S V-aa O

S V-u OS naa V-aa O

O S V-uO S V-aa

X S V-u OX S V-aa O

Cangin

Laalaa yaa S V O yaa O S V yaa X S V-APPL O

Noon S V O () S CL-eumlri V O O S CL-eumlri V X S CL-eumlri V-APPL O

Palor S V O V-o S aaɗ V O

Ndut S V O V-o S daa V O

Centre

Manjaku Mankanya S s-V-uŋ O O REL S s-V-uŋ X REL S s-V-uŋ O

JoolaBanjal S s-V-V O S s-V-e O O S s-V-e X S s-V-e O

Karon S s-V-V O S s-V-e O O S s-V-e X S s-V-e O

Balant Soofa S na V O O na S V X na S V O

isolat Bijogo S a-s-V O COP O s-V-o S COP X s-V-o S O

231 Ce tableau preacutesente les schegravemes des constructions focalisantes Pour des raisons de lisibiliteacute nous avons deacutecideacute dene pas tenir compte des pronoms Les majuscules laquo S raquo laquo V raquo laquo O raquo et laquo X raquo notent respectivement la position dusujet du verbe de lobjet et du satellite La minuscule laquo s raquo note la position de lindice sujet il est indiqueacuteuniquement sil est obligatoire mecircme en preacutesence dun sujet lexical Pour le pulaar et le sereer la premiegravere lignecorrespond aux formes perfectives et la seconde aux formes imperfectives

- 513 -

17631 Porteacutee du focus

Comme nous lavons vu en (sect 251) on peut distinguer plusieurs types de focus selon leur

porteacutee Le focus peut porter sur le preacutedicat ou le verbe de la phrase (FOCV) ou sur un argument ou un

satellite du verbe de la phrase (FOCA)232 Parmi ce dernier type le focus peut porter soit sur le sujet

du verbe (FOCS) soit sur un compleacutement du verbe (FOCC) ce dernier pouvant ecirctre un compleacutement

objet attendu par la valence du verbe (FOCO) ou un satellite du verbe (FOCX)

Dans presque toutes les langues atlantiques la construction exprimant un focus sur le verbe est

formellement distincte de celle(s) exprimant un focus sur un argument (Robert 2010a 234) Nous

navons trouveacute quune seule exception le nyun de Niamone Dans cette langue il est possible

dexprimer une focalisation du verbe en utilisant la mecircme structure que pour la focalisation du

compleacutement Neacuteanmoins ce type de constructions semble ecirctre limiteacute aux cas des constructions

infinitivales En effet elle consiste agrave placer en position focus le verbe agrave linfinitif compleacutetant un

verbe fleacutechi (Bao-Diop 2013 293)

Dans certaines langues atlantiques la construction exprimant un focus sur le sujet est

formellement distincte de celle exprimant un focus sur un compleacutement (Robert 2010a 234) Cest

notamment le cas du wolof qui utilise deux marqueurs preacutedicatifs diffeacuterents (sect 25) Cest

eacutegalement le cas du bijogo ougrave la focalisation du sujet est exprimeacutee dans la morphologie verbale

alors que la focalisation du compleacutement est exprimeacutee par une cliveacutee (Segerer 2002 77-78) Cest

aussi le cas dans une certaine mesure en sereer Dans cette langue agrave limperfectif on note la

preacutesence dun marqueur naa dans la construction exprimant un focus sur le sujet mais pas dans

celle exprimant un focus sur un compleacutement (Renaudier 2012 74-77)

Enfin peu de langues distinguent la construction exprimant un focus sur lobjet de celle

exprimant un focus sur un satellite Le wey est un cas exceptionnel preacutesentant quatre constructions

distinctes selon que leacuteleacutement focaliseacute est le verbe le sujet lobjet ou un satellite (Robert 2010a

234)

17632 Reacutealisation du focus

Les langues atlantiques preacutesentent une assez grande diversiteacute concernant la reacutealisation du focus

Neacuteanmoins plusieurs proceacutedeacutes sont relativement reacutecurrents anteacuteposition de leacuteleacutement focaliseacute

preacutesence dun marqueur indeacutependant du verbe expression dans la morphologie verbale (affixation

232 Nous naborderons pas les cas de focus de phrase car ces constructions nentrent geacuteneacuteralement pas dans leparadigme des constructions focalisantes

- 514 -

changement morphophonologique reacuteduplication) etou construction cliveacutee233

Lanteacuteposition de leacuteleacutement focaliseacute est attesteacutee dans presque toutes les langues atlantiques Ce

proceacutedeacute est utiliseacute dans les constructions exprimant un focus sur un argument mais pas dans celles

exprimant un focus sur le verbe (agrave lexception du nyun de Niamone) Dans les langues atlantiques

lordre canonique des eacuteleacutements eacutetant SVO on ne peut pas agrave proprement parler danteacuteposition dans le

cas de la focalisation du sujet Neacuteanmoins la comparaison des diffeacuterentes constructions exprimant

un focus sur un argument (FOCS FOCO FOCX) nous permet de mettre en eacutevidence lexistence dune

position focus situeacutee avant le verbe Notons que dans le cas du pulaar lanteacuteposition est facultative

Il est possible de maintenir leacuteleacutement focaliseacute dans sa position canonique voire de le placer ailleurs

dans la proposition le marqueur ko suffisant agrave exprimer la focalisation (Sylla 1982 168-171)

Dans plusieurs langues on note la preacutesence dun marqueur de focalisation indeacutependant du verbe

cest-agrave-dire neacutetant pas affixeacute agrave ce dernier La forme la nature ainsi que la position de ces marqueurs

varient dune langue agrave lautre Dans certaines langues il sagit dun marqueur autonome et

invariable Cest notamment le cas du marqueur ko (FOCA) en pulaar (Sylla 1982 168-171) du

marqueur yaa (FOCA) en laalaa (Diegraveye 2011 292-297) ou du marqueur aaɗ (FOCS) en palor (Alton

1987 129-130) Dans dautres langues le marqueur peut former un amalgame avec lindice sujet

Cest notamment le cas des marqueurs dafa (FOCV) a (FOCS) et la (FOCC) en wolof (sect 25) ou du

marqueur kaa (FOCV) en sereer (Renaudier 2012 77-78) En noon le marqueur CL-eumlri (FOCA) est un

pronom qui saccorde en classe avec le sujet (Soukka 2000 301-305)

Dans un grand nombre de langues la focalisation est exprimeacutee dans la morphologie verbale La

reacuteduplication du verbe est attesteacutee dans diffeacuterents groupes de la famille atlantique toujours dans des

constructions exprimant un focus sur le verbe Cest notamment le cas en joola banjal (Bassegravene

2006 120-121) en joola karon (Sambou 2008) en palor (Alton 1987 127-128) ou en ndut

(Morgan 1996 123-124)234 Dans toutes ces langues des marques flexionnelles (TAM) ainsi que

lobjet pronominal peuvent ecirctre inseacutereacutes entre les occurrences du verbe Dans les langues palor-ndut

il est eacutegalement possible dinseacuterer un objet lexical

Les cas de changements morphophonologiques semblent assez rares Nous en avons releveacute

uniquement en wey Cette langue comme la plupart des langues atlantiques Nord connaicirct un

233 Nous neacutevoquerons pas la reacutealisation prosodique car un grand nombre dauteurs ny font pas (ou peu) allusion dansleur description

234 Dans ces langues cette construction nest pas traditionnellement deacutecrite comme une laquo focalisation du verbe raquo Pourle palor Alton (1987 127-128) parle de laquo modaliteacute eacutetat acquis raquo Neacuteanmoins Alton sappuie sur la grammaire dewolof de Sauvageot (1965) qui utilise cette eacutetiquette pour deacutesigner la focalisation du verbe Pour les langues joolaBassegravene (2006 120-121) montre que cette construction a la mecircme valeur seacutemantique ainsi que les mecircmescontextes demploi que la focalisation du verbe en wolof

- 515 -

pheacutenomegravene dalternance consonantique En wey comme dans les autres langues atlantiques

preacutesentant ce pheacutenomegravene laquo les consonnes sont groupeacutees en seacuteries ternaires Chaque eacuteleacutement dune

seacuterie caracteacuterise un degreacute dalternance raquo traditionnellement noteacute par des chiffres romains I

(continue) II (occlusive faible) et III (occlusive forte) (Pozdniakov 2007 99) En wey le degreacute

dalternance de la consonne initiale du radical verbal permet de distinguer la focalisation du sujet

(degreacute I) la focalisation de lobjet (degreacute I ou III en fonction de la personne) et la focalisation dun

satellite (degreacute III) (Santos 1996 272-275)

Laffixation est un proceacutedeacute relativement reacutepandu dans les constructions focalisantes des langues

atlantiques Par exemple en nyun de Niamone le verbe de toutes les constructions focalisantes

porte un preacutefixe g- et un suffixe -ne (Bao-Diop 2013 289-293) En pulaar le verbe porte un suffixe

amalgamant les traits de focus et daspect (Sylla 1982 168-171) En bijogo le preacutefixe de

focalisation du sujet samalgame avec dautres marques flexionnelles (Segerer 2002 259-266)

Dans certaines langues laffixation est limiteacutee aux cas de focalisation du verbe Cest notamment le

cas du suffixe -o en palor (Alton 1987 127-128) et en ndut (Morgan 1996 123-124) ou du preacutefixe

aacute- en wey (Santos 1996 272-273) A contrario dans dautres langues laffixation est limiteacutee aux

cas de focalisation dun argument Cest notamment le cas du suffixe -e dans les langues joola

(Bassegravene 2006 121-122 Sambou 2008 40) ou du suffixe -u en sereer (Renaudier 2012 74-77)

Selon Robert (2010a 242-244) il sagit de suffixes de laquo deacutefocalisation raquo (defocusing) Elle sappuie

sur lanalyse proposeacutee par Sapir (1969 35) pour le joola fonyi selon laquelle la fonction de ce

suffixe est dindiquer que le focus ne porte pas sur le verbe mais sur un autre eacuteleacutement de la

proposition

Enfin dans certaines langues la focalisation dun argument est reacutealiseacutee par une cliveacutee Cest

notamment le cas de la focalisation du compleacutement en bijogo (Segerer 2002 78) ou de la

focalisation dun argument en mankanya (Gaved 2007 16-17) Cest eacutegalement lanalyse proposeacutee

par Morgan (1996 69-70) pour la focalisation du sujet en ndut

Par ailleurs on constate que dans la plupart des langues (agrave lexception de celles utilisant des

cliveacutees) la focalisation est inteacutegreacutee de maniegravere plus ou moins forte au paradigme de conjugaison

Dans certaines langues linteacutegration est totale cest-agrave-dire que les constructions focalisantes

peuvent ecirctre analyseacutees comme des tiroirs verbaux speacutecifiques Ces constructions focalisantes sont

en distribution compleacutementaire avec les autres constructions preacutedicatives mecircme si aucune

contrainte seacutemantique ou morphosyntaxique ne semble sy opposer Cest notamment le cas du

wolof (sect 14) ou du pulaar (Mohamadou 2012) Cest eacutegalement le cas des constructions exprimant

- 516 -

la focalisation dun argument en sereer (Renaudier 2012 347-348)

Cependant linteacutegration de la focalisation dans la conjugaison nest pas un pheacutenomegravene propre agrave

la famille atlantique En effet sil sagit dun pheacutenomegravene rare agrave leacutechelle mondiale il est

particuliegraverement freacutequent dans les langues africaines On le retrouve dans un grand nombre de

langues appartenant agrave diffeacuterentes branches de la famille Niger-Congo ou agrave la famille couchitique

(Creissels et al 2008 104-105)

Pour reacutesumer la plupart des langues atlantiques disposent de constructions speacutecifiques pour

exprimer la focalisation Ces constructions sont geacuteneacuteralement inteacutegreacutees agrave la conjugaison

Cependant la diversiteacute de structure ou demploi de ces constructions ne nous permet pas de

supposer quelles sont issues du proto-atlantique De plus linteacutegration de la focalisation dans la

conjugaison est attesteacutee dans dautres familles de langues et ne caracteacuterise donc pas la famille

atlantique

- 517 -

- 518 -

CCHAPITREHAPITRE 18 - 18 - LLESES PEacuteRIPHRASESPEacuteRIPHRASES VERBALESVERBALES

DESDES LANGUESLANGUES ATLANTIQUESATLANTIQUES

Dans un grand nombre de langues atlantiques toutes les cellules du paradigme de conjugaison ne

sont pas neacutecessairement occupeacutees par un mot fleacutechi mais peuvent ecirctre occupeacutees par des

constructions peacuteriphrastiques Comme nous lavons vu en (sect 521) une peacuteriphrase flexionnelle peut

ecirctre deacutefinie comme une construction constitueacutee de plusieurs mots qui sert agrave lexpression pour un

lexegraveme donneacute dun des membres dune opposition paradigmatique dont un autre membre au moins

est exprimeacute par un mot fleacutechi (Bonami 2014 163)

Lobjectif de cette section est de proposer un aperccedilu typologique des peacuteriphrases verbales dans

les langues atlantiques Dans leacutetat actuel de la documentation il nous semble impossible de

proposer une comparaison exhaustive et systeacutematique En effet la qualiteacute et la finesse des

descriptions sont beaucoup trop ineacutegales dune langue agrave lautre pour constituer un eacutechantillon de

langues repreacutesentatif de tous les groupes de la famille atlantique De plus comme le note Nurse

(2008 169) les auteurs francophones ont tendance agrave consideacuterer comme des mots distincts ce que

les auteurs anglophones considegraverent comme un seul mot Ces choix sils ne sont pas justifieacutes par les

auteurs peuvent entraicircner une confusion entre constructions syntheacutetiques et constructions

analytiques

Pour limiter au maximum les risques derreurs dans notre typologie nous ne tenons compte que

des langues pour lesquelles les descriptions sont suffisamment fiables et preacutecises Ainsi nous

nincluons pas (ou peu) les donneacutees des langues tenda-jaad nyun-buy ou manjaku Par ailleurs nous

ne traitons pas des constructions agrave verbe auxiliaire En effet dans la plupart des descriptions il est

souvent difficile deacutetablir le degreacute dinteacutegration au paradigme de conjugaison de ce type de

constructions et donc de deacuteterminer sil sagit de peacuteriphrases flexionnelles

181 Cateacutegories encodeacutees par les constructions agrave auxiliaire

En (sect 623) nous avons deacutefini lauxiliaire comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonome qui se

combine avec un lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe (temps

- 519 -

aspect mode polariteacute voix etc) Nous avons distingueacute les auxiliaires preacutesentant des proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques dun verbe (verbes auxiliaires) de ceux qui nen preacutesentent pas (marqueurs

preacutedicatifs) Comme nous lavons signaleacute en introduction nous nous concentrons essentiellement

sur les marqueurs preacutedicatifs En (sect 623) nous avons proposeacute plusieurs caracteacuteristiques permettant

didentifier un marqueur preacutedicatif il ne preacutesente aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes

il peut preacutesenter des idiosyncrasies morphophonologiques ou combinatoires le verbe avec lequel il

se combine est fini il a une fonction exclusivement grammaticale il est inteacutegreacute au paradigme de

conjugaison

Une grande partie des langues atlantiques dispose de constructions mettant en jeu un eacuteleacutement

pouvant ecirctre analyseacute comme un marqueur preacutedicatif La forme etou les proprieacuteteacutes

morphosyntaxiques de ces marqueurs peuvent varier consideacuterablement dune langue agrave lautre En

revanche la diversiteacute est moins importante en ce qui concerne les cateacutegories verbales exprimeacutees par

ces marqueurs En effet certaines cateacutegories sont particuliegraverement freacutequentes alors que dautres ne

semblent jamais ecirctre encodeacutees par une construction agrave MP dans les langues atlantiques

Tableau 181 - Cateacutegories encodeacutees par les MP dans plusieurs langues atlantiques

Branche Groupe Langue Temps Aspect Mode Focus Prst

Nord

isolat Wolof FUT(NEG) PRF() PROH OPT FOCV FOCS FOCC PRST

Nyun-BuyBuy (donneacutees insuffisantes)

Niamone PROH() OPT PRST

Tenda-JaadBasari

(donneacutees insuffisantes)Badiaranke

Peul-SereerPulaar FUT PROH OPT (FOCA) PROG

Sereer FUT PROH OPT (FOCV) PROG

Cangin

Laalaa FUTNEG PROH (FOCA) PRST

Noon (FUT) PROH PROG

Palor FUT(NEG) IPF PROH FOCS PRST

Ndut FUT(NEG) IPF PROH FOCS PRST

Centre

Manjaku Mankanya (donneacutees insuffisantes)

Joola Banjal FUT(NEG) HAB(NEG) PROH OPT PRST

Balant Kentohe HAB PROH OPT

isolat Bijogo aucune

Le prohibitif constitue lune des cateacutegories les plus freacutequemment exprimeacutees par un MP Comme

nous lavons vu en (sect 174) presque toutes les langues de la branche Nord ainsi que les langues

- 520 -

joola expriment la neacutegation par un marqueur speacutecifique placeacute avant le verbe

Loptatif (ou jussif) est eacutegalement souvent exprimeacute par un MP Cest notamment le cas des

marqueurs na en wolof (sect 232) ki en nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 186) yoo en pulaar

(Mohamadou 2012 64-67) fat en sereer (Faye 1982 37-38) api et imbi en joola banjal (Bassegravene

2006 129-130) ou ta en balant kentohe (Wilson 1961 151)

Un grand nombre de langues atlantiques exprime le futur de maniegravere peacuteriphrastique (sect 17613)

Dans certaines langues il est exprimeacute par un marqueur anteacuteposeacute au verbe Cest notamment le cas

des marqueurs maa en pulaar (Mohamadou 2012 68) xan en sereer (Faye 1982 34-35) ou pan et

ban en joola banjal (Bassegravene 2006 127) Dans dautres langues le marqueur est clairement issu de

la grammaticalisation dun verbe auxiliaire Cest notamment le cas de dina en wolof issu du verbe

copule di (sect 22) ou de rsquoaƴ en palor (Alton 1987 131-133) et ay en ndut (Morgan 1996 107-109)

issus du verbe laquo venir raquo En noon et en laalaa le futur est geacuteneacuteralement exprimeacute par un suffixe

verbal Neacuteanmoins dans ces deux langues il existe un marqueur hay eacutegalement issu du verbe

laquo venir raquo En noon ce marqueur est utiliseacute pour exprimer un futur incertain (Soukka 2000 182-

183) alors quen laalaa il est exclusivement utiliseacute pour exprimer un futur neacutegatif (Diegraveye 2011

241-242) Enfin dans certaines langues le futur neacutegatif est exprimeacute par un marqueur diffeacuterent

mati en joola banjal du en wolof dii en palor et ƴii en ndut

Dans un grand nombre de langues atlantiques la focalisation est exprimeacutee (entre autres) par un

marqueur speacutecifique indeacutependant du verbe (sect 1763) Cest notamment le cas des marqueurs ko

(FOCA) en pulaar (Sylla 1982 168-171) yaa (FOCA) en laalaa (Diegraveye 2011 292-297) aaɗ (FOCS) en

palor (Alton 1987 129-130) dafa (FOCV) a (FOCS) et la (FOCC) en wolof (sect 25) ou kaa (FOCV) en

sereer (Renaudier 2012 77-78) Neacuteanmoins on pourrait se demander si ces marqueurs de

focalisation peuvent ecirctre analyseacutes comme des marqueurs preacutedicatifs Si pour le wolof cette analyse

est pertinente (Ch 6) dans le cas des autres langues elle est discutable En effet en pulaar le

marqueur ko est facultatif ne preacutesente aucune idiosyncrasie combinatoire et le verbe avec lequel il

se combine porte les mecircmes marques de flexion que le verbe des relatives De mecircme le marqueur

yaa du laalaa ne preacutesente aucune idiosyncrasie combinatoire et le verbe avec lequel il se combine

est au minimal Ainsi dans ces deux langues on peut difficilement dire que le marqueur est inteacutegreacute

au paradigme de conjugaison il semble plutocirct se comporter comme une conjonction Le cas du

sereer est plus probleacutematique Le marqueur kaa se combine neacutecessairement avec un verbe au

narratif Neacuteanmoins ce marqueur preacutesente une idiosyncrasie combinatoire en preacutesence de lindice

1SG et 2SG (Renaudier 2012 78)

- 521 -

La plupart des langues atlantiques disposent dune construction progressive ou preacutesentative

peacuteriphrastique (Ch 16) Agrave lexception des langues tenda-jaad manjaku balant et bijogo cette

cateacutegorie est exprimeacutee par un marqueur speacutecifique indeacutependant du verbe

Enfin dans quelques langues certaines cateacutegories aspectuelles sont exprimeacutees par un MP En

palor (Alton 1987 126-127) et en ndut (Morgan 1996 89-92) limperfectif est exprimeacute par le

marqueur na En joola banjal lhabituel peut ecirctre exprimeacute par le marqueur naxi (Bassegravene 2006

123) En balant kentohe lhabituel est exprimeacute par le marqueur mat (Wilson 1961 151)

182 Constructions agrave amalgame auxiliaire-personne

Plusieurs langues atlantiques disposent de constructions ougrave lindice sujet forme un amalgame

avec le marqueur preacutedicatif Neacuteanmoins la forme ainsi que la valeur de ces amalgames varient

dune langue agrave lautre

Dans quelques langues atlantiques tous les MP samalgament avec la marque de personne Cest

notamment le cas en wolof (sect 73) Cela semble eacutegalement ecirctre le cas en balant kentohe (Wilson

1961 151)235

A contrario dans certaines langues les MP ne samalgament jamais avec la marque de personne

Cest notamment le cas du laalaa (Diegraveye 2011) du noon (Soukka 2000) ou du joola banjal (Bassegravene

2006)

Dans dautres langues ce type damalgame nest attesteacute quavec certains MP En sereer le

marqueur de prohibitif ba samalgame avec lindice de personne (Faye 1982 37)236 le marqueur de

focalisation du verbe kaa eacutegalement mais uniquement agrave 1SG et 2SG (Renaudier 2012 78) et le

marqueur de preacutesentatifprogressif forme un amalgame avec le pronom sujet (sect 163) En palor les

marqueurs dimperfectif na et de preacutesentatif rsquoe peuvent samalgamer avec les pronoms sujets

singuliers (Alton 1987 126-129) En ndut ce type damalgame semble ecirctre limiteacute au marqueur de

futur (Morgan 1996 107-109) En pulaar le marqueur de preacutesentatifprogressif samalgame avec le

pronom sujet (sect 163) Par ailleurs les marqueurs de futur (maa) et doptatif (yoo) ne forment pas agrave

proprement parler damalgame avec la marque de personne neacuteanmoins la voyelle de ces

marqueurs sabregravege devant un pronom sujet avec lequel ils forment une uniteacute accentuelle

(Mohamadou 2012 64-71)

235 Nous ne disposons pas de suffisamment de donneacutees sur le balant kentohe pour pouvoir laffirmer avec certitude236 Faye (1982) est le seul auteur agrave deacutecrire cet amalgame Faye (1980) et Renaudier (2012) ne le mentionnent pas

- 522 -

Enfin le nyun de Niamone preacutesente une situation un peu diffeacuterente En labsence de sujet lexical

le marqueur de loptatif ki perd sa voyelle et samalgame agrave lindice sujet preacutefixeacute au verbe (Bao-Diop

2013 186) Par ailleurs le marqueur de preacutesentatif forme un amalgame avec le pronom sujet

(sect 163)

Tableau 182 - Amalgames auxiliaire-personne dans plusieurs langues atlantiques

Branche Groupe Langue Constructions

Nord

isolat Wolof Toutes

Nyun-BuyBuy (donneacutees insuffisantes)

Niamone PRST

Tenda-JaadBasari

(donneacutees insuffisantes)Badiaranke

Peul-SereerPulaar PROG

Sereer PROG PROH FOCV (12SG)

Cangin

Laalaa Aucune

Noon Aucune

Palor IPF (123SG) PRST (123SG)

Ndut FUT

Centre

Manjaku Mankanya (donneacutees insuffisantes)

Joola Banjal Aucune

Balant Kentohe Toutes

isolat Bijogo (non pertinent)

183 Les patrons flexionnels

Comme nous lavons vu en (sect 72) Anderson (2006 23-27) propose une typologie des

constructions agrave auxiliaire en identifiant la laquo tecircte flexionnelle raquo cest-agrave-dire leacuteleacutement servant de

support aux marques flexionnelles Il distingue ainsi cinq laquo patrons flexionnels raquo patron agrave tecircte

auxiliaire patron agrave tecircte lexicale patron double patron scindeacute et patron scindeacutedouble

Dans les langues atlantiques trois patrons sont extrecircmement freacutequents Tecircte-Aux Tecircte-Lex et

Scindeacute La nature de lauxiliaire est lieacutee au type de patron En effet si lauxiliaire est un verbe (ou

preacutesente certaines proprieacuteteacutes morphosyntaxiques verbales) alors la construction preacutesente

geacuteneacuteralement un patron agrave tecircte auxiliaire En revanche si lauxiliaire est un marqueur preacutedicatif

- 523 -

alors la construction preacutesente geacuteneacuteralement soit un patron agrave tecircte lexicale soit un patron scindeacute ougrave

lauxiliaire porte la marque de personne et le verbe toutes les autres marques flexionnelles Enfin on

note quelques cas marginaux de patrons scindeacutes preacutesentant une autre reacutepartition ou de patrons

doubles

1831 Patron agrave tecircte auxiliaire

Le patron agrave tecircte auxiliaire semble ecirctre attesteacute dans toutes les langues atlantiques Dans presque

toutes les langues de la famille si la construction sarticule autour dun verbe semi-auxiliaire dun

verbe auxiliaire ou dun eacuteleacutement preacutesentant certaines proprieacuteteacutes morphosyntaxiques verbales alors

elle preacutesente geacuteneacuteralement un patron agrave tecircte auxiliaire Ainsi le verbe auxiliaire porte toutes les

marques flexionnelles et le verbe lexical apparaicirct sous une forme deacutependante (infinitif lexegraveme nu

ou lexegraveme preacuteceacutedeacute dune marque de deacutependance) La forme deacutependante du verbe lexical deacutepend de

la langue et de la construction

Une forme verbale infinitive est attesteacutee apregraves un verbe semi-auxiliaire en peul (Stennes 1967

213-214) en bijogo (Segerer 2002 144-146) et en balant kentohe (Wilson 1961 152-15) apregraves un

verbe semi-auxiliaire ou lauxiliaire de futur (neacutegatif) hay en laalaa (Diegraveye 2011 241-242) et en

noon (Soukka 2000 182-183) ou encore apregraves lauxiliaire de preacutesentatif en joola banjal (Bassegravene

2006 131-134) Un verbe lexical preacuteceacutedeacute dune marque de deacutependance est attesteacute apregraves un verbe

semi-auxiliaire en sereer (Renaudier 2012 49-51) ou apregraves un verbe semi-auxiliaire ou lauxiliaire

de neacutegation bantilde en wolof (sect 73) Enfin un verbe lexical nu est attesteacute apregraves un verbe semi-

auxiliaire en palor (Alton 1987 123) et en ndut (Morgan 1996 109) ou apregraves lauxiliaire

dimperfectif di et les auxiliaires de futur qui en sont issus dina et du en wolof (sect 73)

Par ailleurs en wolof les constructions Optatif et Prohibitif preacutesentent eacutegalement un patron agrave

tecircte auxiliaire le marqueur preacutedicatif forme un amalgame avec lindice sujet et le verbe apparaicirct

sous une forme nue (sect 73) Neacuteanmoins dans ces constructions il est abusif de consideacuterer que le

verbe est incompatible avec les marques flexionnelles En effet les seuls affixes flexionnels du

wolof sont le suffixe de neacutegation -ul et le suffixe de passeacute -oon Or le prohibitif est leacutequivalent

neacutegatif de loptatif ce qui explique limpossibiliteacute dutiliser le suffixe -ul dans ces constructions Par

ailleurs pour des raisons seacutemantiques ces constructions injonctives ne peuvent pas ecirctre au passeacute

Ainsi ce nest pas le verbe lexical qui est incompatible avec les suffixes flexionnels mais plutocirct les

constructions De plus agrave loptatif et au prohibitif le verbe lexical peut geacuteneacuteralement porter les

suffixes de voix ou diteacuteratif cest-agrave-dire des suffixes qui bien que plutocirct deacuterivationnels en wolof

- 524 -

sont typologiquement lieacutes agrave des cateacutegories flexionnelles Ainsi il semble plus pertinent de

rapprocher ces constructions de celles preacutesentant un patron scindeacute (sect 1833)

1832 Patron agrave tecircte lexicale

Dans les constructions preacutesentant un patron agrave tecircte lexicale le verbe lexical porte toutes les

marques flexionnelles et lauxiliaire est invariable Dans les langues atlantiques ce patron est

particuliegraverement freacutequent si lauxiliaire est un marqueur preacutedicatif

En pulaar ce patron est attesteacute avec les auxiliaires de futur maa doptatif yoo et de prohibitif

woto (Mohamadou 2012 42) En laalaa (Diegraveye 2011 242-243) en noon (Soukka 2000 188-189)

et en palor (Alton 1987 137-138) la construction prohibitive preacutesente ce patron Par ailleurs si

lon analyse les marqueurs de focalisation de ces langues comme des marqueurs preacutedicatifs alors

les constructions focalisantes preacutesentent eacutegalement un patron agrave tecircte lexicale En joola banjal toutes

les constructions agrave marqueur preacutedicatif preacutesentent un patron agrave tecircte lexicale (Bassegravene 2006 139)

Le cas du sereer est un peu plus complexe Certaines constructions preacutesentent clairement un

patron agrave tecircte lexicale le futur (Renaudier 2012 71-73) et loptatif (Faye 1980 66-67) En

revanche comme nous lavons vu plus haut les auxiliaires de focalisation du verbe kaa et de

prohibitif ba peuvent former un amalgame avec lindice sujet notamment agrave 1SG et 2SG Selon

Renaudier (2012 51) laquo ces amalgames ne sont probablement que le reacutesultat de la chaicircne parleacutee et

non une preuve du fait que les particules puissent porter les indices de personnes raquo Si lon accepte

cette analyse alors ces deux constructions preacutesentent eacutegalement un patron agrave tecircte lexical Sinon elles

doivent ecirctre consideacutereacutees comme des constructions agrave patron scindeacute

1833 Patrons scindeacutes

Un type de patron scindeacute est relativement freacutequent dans les langues atlantiques Il sagit des cas

ougrave lauxiliaire porte la marque de personne et le verbe toutes les autres marques flexionnelles La

construction preacutesentativeprogressive preacutesente ce type de patron en wolof pulaar sereer ou palor

En laalaa et en noon lauxiliaire de preacutesentatif ne porte pas la marque de personne mais il porte une

marque de classe qui saccorde avec le sujet (sect 163) Ce type de patron scindeacute est eacutegalement attesteacute

dans les constructions focalisantes du wolof (sect 73) ou dans la construction imperfective en palor

(Alton 1987 126-127)

- 525 -

En palor certaines constructions preacutesentent un autre type de patron scindeacute Au futur (et futur

neacutegatif) lauxiliaire rsquoaƴ porte les marques de nombre et de passeacute et peut former un amalgame avec

le marqueur dimperfectif alors que le verbe lexical porte un suffixe -e (dont la valeur nest pas

clair) et porte la marque de la focalisation du verbe (qui est exprimeacutee par reacuteduplication du lexegraveme)

(Alton 1987 132-133)

Contrairement agrave la plupart des langues atlantiques en joola banjal les constructions agrave verbe

auxiliaire ne preacutesentent pas un patron agrave tecircte auxiliaire mais un patron scindeacute (ou scindeacutedouble)

Dans ce type de construction lauxiliaire porte lindice sujet et les marques TAM alors que le verbe

lexical porte lindice objet Ce dernier pouvant ecirctre soit agrave linfinitif (patron scindeacute) soit porter

lindice sujet (patron scindeacutedouble) (Bassegravene 2006 140-158)

184 Synthegravese

Au sein de la famille atlantique les peacuteriphrases flexionnelles preacutesentent plusieurs points

communs Les cateacutegories verbales exprimeacutees par ce type de constructions sont souvent les mecircmes

prohibitif optatif futur focalisation et preacutesentatifprogressif De plus les constructions ougrave lindice

sujet forme un amalgame avec le marqueur preacutedicatif sont relativement freacutequentes Par ailleurs les

mecircmes types de patron flexionnel sont attesteacutes Si lauxiliaire est un verbe la construction preacutesente

un patron agrave tecircte auxiliaire alors que si lauxiliaire est un MP la construction preacutesente geacuteneacuteralement

soit un patron agrave tecircte lexicale soit un patron scindeacute ougrave lauxiliaire porte la marque de personne et le

verbe toutes les autres marques flexionnelles

Cependant la forme de lauxiliaire ainsi que la structure de la construction peuvent varier

consideacuterablement dune langue agrave lautre Ainsi mis agrave part le cas du preacutesentatifprogressif (Ch 16)

les similitudes observeacutees parmi les langues atlantiques ne semblent pas ecirctre dues agrave une origine

commune Lhypothegravese dune convergence typologique etou de contact de langues semble plus

probable

- 526 -

CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE IV IV

La distance geacuteneacutetique entre les langues atlantiques est si grande que laquo lidentification dun groupe

atlantique au sein du Niger-Congo nest pas justifieacutee du point de vue de la meacutethode comparative

classique raquo (Pozdniakov 2011 20) Par ailleurs la morphologie flexionnelle verbale constitue un

systegraveme relativement instable et qui tend agrave se renouveler rapidement (Creissels 2006a 163) On

sattendrait donc en comparant la conjugaison des langues atlantiques agrave ne pouvoir identifier

aucune construction etou marque issue de la proto-langue Il est vrai que la morphologie verbale

des langues atlantiques preacutesente une tregraves grande diversiteacute Neacuteanmoins certains eacuteleacutements preacutesentent

une grande similitude formelle etou fonctionnelle et semblent propres aux langues atlantiques Une

origine commune de ces eacuteleacutements constitue donc lhypothegravese la plus vraisemblable

Parmi les marques et constructions attesteacutees dans les langues atlantiques les eacuteleacutements suivants

semblent ecirctre issus du proto-atlantique

bull Construction preacutesentative (ou progressive) issue dune construction PRO DEIC1-CL-DEIC2 + V

dont le marqueur est lui-mecircme issu dun ancien deacutemonstratif

bull Suffixe 2PL -Vn eacutetymologiquement lieacute au suffixe de pluriel associatif et vraisemblablement

issu de la classe de pluriel personnel Oslash--ni

bull Suffixe de passeacute -Vn ()

bull Suffixe de neacutegation -VC[coronale] issu dun suffixe -ud

bull Construction minimale (ne preacutesentant aucune marque morphologique) utiliseacutee comme une

forme de subjonctif cest-agrave-dire une forme essentiellement deacutependante mais pouvant

veacutehiculer une valeur injonctive lorsquelle est utiliseacutee dans une proposition indeacutependante

Cette forme est eacutegalement souvent employeacutee dans les narrations surtout dans les

propositions conseacutecutives et peut eacutegalement avoir une valeur gnomique

Dautres marques et constructions attesteacutees dans les langues atlantiques sont eacutegalement attesteacutees

dans un grand nombre dautres langues Niger-Congo et semblent donc ecirctre issues du proto-Niger-

Congo

bull Formes 3SG et 3PL issues des marques de classes nominales

- 527 -

bull Infinitif exprimeacute par une marque de classe nominale sur le radical verbal

Ces marques etou constructions semblent ecirctre les seules pour lesquelles on peut poser

lhypothegravese dune origine geacuteneacutetique La plupart des autres distinctions encodeacutees dans la morphologie

verbale ainsi que les marques qui servent agrave les exprimer semblent preacutesenter une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute bien

plus importante au sein de la famille atlantique Neacuteanmoins plusieurs constructions preacutesentant des

similitudes formelles etou fonctionnelles sont attesteacutees dans un grand nombre de langues

atlantiques

bull Dichotomie perfectif imperfectif ougrave la forme marqueacutee est limperfectif

bull Construction exprimant lhabituel

bull Construction exprimant le futur geacuteneacuteralement peacuteriphrastique

bull Forme verbale inteacutegrative geacuteneacuteralement marqueacutee par une marque dinteacutegration suffixeacutee ou

postposeacutee au verbe et geacuteneacuteralement employeacutee dans les relatives les subordonneacutees

temporelles et plus rarement dans les subordonneacutees hypotheacutetiques et les constructions

focalisantes

bull Constructions focalisantes inteacutegreacutees au paradigme verbal

La plupart de ces constructions (ou distinctions) ne sont pas limiteacutees aux langues atlantiques

mais sont attesteacutees dans plusieurs autres langues notamment africaines (Creissels et al 2008)

Comme le note Creissels (2006a 163) laquo les distinctions encodeacutees dans la morphologie verbale

sont souvent eacutetonnamment semblables dans des langues tregraves eacuteloigneacutees geacuteographiquement et

geacuteneacutetiquement Ceci suggegravere dune part que les processus historiques qui renouvellent la

morphologie verbale opegraverent geacuteneacuteralement agrave une cadence relativement rapide et dautre part que

ces processus obeacuteissent agrave leacutechelle des langues du monde agrave des reacutegulariteacutes dont lexplication serait agrave

chercher au niveau cognitif raquo Ainsi il est possible que ces constructions soient issues dune

convergence typologique dont la cause laquo serait agrave chercher au niveau cognitif raquo

Enfin on remarque que les peacuteriphrases flexionnelles des langues atlantiques preacutesentent plusieurs

similitudes typologiques

bull Elles encodent souvent les mecircmes cateacutegories verbales prohibitif optatif futur focalisation

et preacutesentatifprogressif

bull Les constructions ougrave lindice sujet forme un amalgame avec le marqueur preacutedicatif sont

freacutequentes

- 528 -

bull Les mecircmes types de patron flexionnel sont attesteacutes

Si lauxiliaire est un verbe la construction preacutesente un patron agrave tecircte auxiliaire

Si lauxiliaire est un MP la construction preacutesente soit un patron agrave tecircte lexicale soit un

patron scindeacute ougrave lauxiliaire porte la marque de personne et le verbe toutes les autres

marques flexionnelles

- 529 -

- 530 -

CONCLUSIONCONCLUSION

Le principal objectif de cette eacutetude eacutetait de situer les constructions verbales du wolof dans une

perspective typologique Il sagissait de proposer une description syntheacutetique du systegraveme de

preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique et de montrer linteacuterecirct des donneacutees

du wolof pour la typologie linguistique et la linguistique geacuteneacuterale notamment pour leacutetude des

peacuteriphrases des auxiliaires et de lauxiliation Le second objectif que nous nous eacutetions fixeacute eacutetait de

rendre compte du systegraveme de preacutedication verbale du wolof en nous appuyant sur des arguments

diachroniques Pour cela nous avons proposeacute une analyse constructionnelle du systegraveme mettant en

eacutevidence les restructurations du reacuteseau ndash dues agrave des pheacutenomegravenes de grammaticalisation ndash des

constructions verbales du wolof Par ailleurs nous avons proposeacute une analyse comparative des

constructions verbales des langues atlantiques afin de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du

wolof est issu du proto-atlantique

Nous avons proposeacute une description syntheacutetique du systegraveme de preacutedication verbale du wolof en

grande partie fondeacutee sur les principaux travaux de reacutefeacuterence notamment Dialo (1981a) Church

(1981) et Robert (1991) Cependant il ne sagit pas dun simple eacutetat de lart En effet nous nous

sommes deacutemarqueacute de ces travaux en adoptant une perspective typologique Notre objectif eacutetait de

proposer une description qui mette clairement en eacutevidence les caracteacuteristiques typologiques des

constructions verbales du wolof En outre cette approche typologique nous a ameneacute agrave revoir ou agrave

approfondir lanalyse de certains eacuteleacutements du systegraveme notamment le minimal (ou narratif) la

focalisation la neacutegation le passeacute et les indices personnels

La conjugaison du wolof sorganise autour de constructions eacuteleacutementaires que nous appelons

laquo constructions preacutedicatives raquo Nous identifions douze constructions preacutedicatives focalisation du

sujet preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe parfait parfait neacutegatif futur

futur neacutegatif impeacuteratif optatif prohibitif et subjonctif-conseacutecutif Chaque construction se

caracteacuterise par un schegraveme morphosyntaxique speacutecifique un paradigme personnel ainsi quun

marqueur speacutecifique (ou une absence de marqueur) Par ailleurs nous pouvons identifier quatre

constructions preacutesentant eacutegalement un schegraveme morphosyntaxique speacutecifique mais utiliseacutees

- 531 -

uniquement pour former des propositions deacutependantes infinitif relatif subordonneacutee hypotheacutetique

et subordonneacutee temporelle

Toutes les cateacutegories verbales du wolof ne sont pas exprimeacutees par des constructions preacutedicatives

Ainsi limperfectif le passeacute et dans certains cas la polariteacute sont exprimeacutees par dautres proceacutedeacutes

venant sajouter agrave une construction preacutedicative Laspect imperfectif est exprimeacute par lajout du verbe

auxiliaire di (ou de sa forme clitique =y) agrave une construction preacutedicative laspect perfectif eacutetant

simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique Le passeacute est exprimeacute par lajout du

marqueur (w)oon agrave une construction preacutedicative le non-passeacute eacutetant simplement exprimeacute par une

absence de marqueur speacutecifique La polariteacute neacutegative est exprimeacutee de diffeacuterentes maniegraveres selon la

construction preacutedicative consideacutereacutee La polariteacute est soit exprimeacutee par une construction preacutedicative

neacutegative speacutecifique (parfait neacutegatif futur neacutegatif prohibitif) soit par le suffixe -(w)ul sur le verbe

lexical (focalisation relatif) soit par le verbe semi-auxiliaire bantilde (refuser) (preacutesentatif subjonctif-

conseacutecutif infinitif) Enfin la personne et le nombre sont exprimeacutes de diffeacuterentes maniegraveres selon la

construction preacutedicative consideacutereacutee Ces cateacutegories sont exprimeacutees soit par une marque daccord

(parfait futur focalisation du verbe) soit par un affixe pronominal (relatif focalisation du

compleacutement optatif prohibitif) soit par un pronom sujet libre (subjonctif-conseacutecutif) soit par un

pronom fort (focalisation du sujet preacutesentatif)

Contrairement agrave ce que lon observe dans un tregraves grand nombre de langues en wolof la majeure

partie des cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe est exprimeacutee par des constructions

peacuteriphrastiques Ces constructions peacuteriphrastiques ne constituent pas un ensemble homogegravene Nous

avons eacutetabli une typologie de ces constructions en nous appuyant sur deux critegraveres (i) le degreacute de

coheacutesion morphosyntaxique des membres de la construction et (ii) linteacutegration des constructions au

paradigme flexionnel

Cette analyse typologique nous a servi de base empirique pour proposer une nouvelle approche

de la notion dauxiliaire Trois types de deacutefinition ont eacuteteacute proposeacutes pour cette notion cateacutegorielle

fonctionnelle et panchronique La deacutefinition cateacutegorielle est la plus courante dans les travaux de

linguistique geacuteneacuterale et la deacutefinition panchronique est celle adopteacutee dans les principaux travaux

typologiques de reacutefeacuterence (Heine 1993 Kuteva 2001 Anderson 2006) Agrave partir des donneacutees du

wolof et dautres langues africaines nous avons montreacute les avantages ainsi que les limites de ces

deacutefinitions Lanalyse critique ainsi que la confrontation aux donneacutees de ces deacutefinitions nous ont

ameneacute agrave privileacutegier dans une perspective typologique une approche laquo fonctionnelle raquo des

- 532 -

auxiliaires Nous avons proposeacute la deacutefinition suivante eacuteleacutement preacutedicatif autonome inteacutegreacute au

paradigme de conjugaison qui se combine avec un lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie

grammaticale lieacutee au verbe Ainsi nous consideacuterons que lauxiliaire ne doit pas ecirctre deacutefini comme

une cateacutegorie lexicale speacutecifique (deacutefinition cateacutegorielle) ni comme une eacutetape dans un chemin de

grammaticalisation (deacutefinition panchronique) mais plutocirct comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonome

ayant une fonction speacutecifique Les donneacutees du wolof et dautres langues dAfrique (notamment

mandeacute) nous ont permis de montrer la pertinence de cette deacutefinition de lauxiliaire dans le cadre

dune approche typologique

En nous appuyant sur notre deacutefinition fonctionnelle nous avons proposeacute une typologie geacuteneacuterale

des eacuteleacutements preacutedicatifs Verbe plein Verbe cateacutenatif (prend un compleacutement phrastique speacutecifique)

Verbe semi-auxiliaire (partiellement inteacutegreacute agrave la conjugaison) Verbe auxiliaire (pleinement inteacutegreacute agrave

la conjugaison) Marqueur preacutedicatif (auxiliaire non verbal) En wolof tous ces types deacuteleacutements

preacutedicatifs sont attesteacutes Par ailleurs dans cette langue les relativiseurs constituent des cas limites

En effet bien que neacutetant pas des eacuteleacutements preacutedicatifs au sens strict on constate quils partagent

plusieurs caracteacuteristiques avec les marqueurs preacutedicatifs

Les marqueurs preacutedicatifs ne sont pas propres au wolof Ce type deacuteleacutements preacutedicatifs est attesteacute

dans un assez grand nombre de langues notamment africaines Malgreacute cet eacutetat de fait il nexiste

pas agrave notre connaissance deacutetude typologique dune certaine ampleur consacreacutee aux marqueurs

preacutedicatifs (agrave lexception de la typologie proposeacutee par Mous (2005) pour les langues couchitiques)

La diversiteacute des eacutetiquettes attesteacutees dans la litteacuterature pour deacutesigner ces eacuteleacutements illustre cette quasi

absence de consideacuteration typologique Mais il ne sagit pas uniquement dun problegraveme

terminologique cette absence deacutetiquette nest que la conseacutequence de creacuteation dun concept

comparatif approprieacute Nous consideacuterons que laquo marqueur preacutedicatif raquo est un concept comparatif

pertinent en typologie Plus preacuteciseacutement nous consideacuterons que les marqueurs preacutedicatifs forment ce

que Croft (2000 95) appelle une laquo partie du discours universelle raquo En nous appuyant sur la

typologie de Mous (2005) et agrave partir de donneacutees issues dun nombre restreint de langues nous

avons proposeacute une typologie geacuteneacuterale des marqueurs preacutedicatifs Cette premiegravere typologie nest

quune eacutebauche Afin deacutetablir une typologie rigoureuse il sera neacutecessaire de proceacuteder agrave une

comparaison systeacutematique de ce type de marqueurs dans un eacutechantillon de langues repreacutesentatif

Nous avons proposeacute une analyse de lorganisation des constructions verbales du wolof La

plupart des descriptions preacutesentent la conjugaison du wolof sous la forme dun paradigme ougrave chaque

- 533 -

ligne correspond agrave une construction preacutedicative Ce type de preacutesentation a lavantage de rendre

compte de lopposition des constructions preacutedicatives et de prendre en compte toutes les

possibiliteacutes offertes par la conjugaison de la langue Cependant il tend eacutegalement agrave occulter certains

eacuteleacutements factuels il ne permet pas de rendre compte des diffeacuterences dans lordre des eacuteleacutements selon

la construction preacutedicative consideacutereacutee et il ne permet pas de rendre compte des proximiteacutes

formelles de certaines constructions

Nous consideacuterons que les constructions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non

structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute Certains

regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences entre

constructions En outre certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du

wolof peuvent sexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie En effet si lon se place dans une

perspective strictement synchronique il semble impossible de proposer une organisation coheacuterente

du reacuteseau des constructions preacutedicatives

Le cadre fourni par les grammaires de construction ndash notamment Bybee (2010) ndash permet une

analyse unifieacutee des observations synchroniques et des pheacutenomegravenes diachroniques Dans le cadre

dune approche constructionnelle nous pouvons consideacuterer que les constructions verbales du wolof

sorganisent au sein dun reacuteseau de constructions Les caracteacuteristiques idiosyncrasiques en

synchronie peuvent ecirctre analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant

entraicircneacute une restructuration du reacuteseau Nous avons proposeacute de regrouper certaines constructions en

reacuteseaux speacutecifiques constructions agrave verbe auxiliaire constructions agrave extraction et constructions

neacutegatives Par ailleurs nous avons proposeacute une hypothegravese de polygrammaticalisation permettant de

rendre compte des similitudes formelles des constructions Parfait Futur et Optatif Enfin nous nous

sommes appuyeacute sur la notion de laquo finitude raquo pour rendre compte des similitudes formelles et

fonctionnelles des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif

Nous avons proposeacute une repreacutesentation scheacutematique et syntheacutetique de chaque reacuteseau speacutecifique

ainsi que du reacuteseau complet des constructions verbales du wolof Nous avons deacutecideacute de ne pas

utiliser la formalisation proposeacutee par certains courants constructionnels (comme lEacutecole de

Berkeley) car ce mode de repreacutesentation est difficilement utilisable lorsquon souhaite rendre

compte des liens diachroniques entre les constructions Nous avons repreacutesenteacute les constructions

sous la forme dune liste de traits caracteacuteristiques pertinents Les scheacutemas que nous avons preacutesenteacutes

ont pour unique but de donner une vision globale et syntheacutetique des reacuteseaux de constructions

Lanalyse complegravete de la conjugaison dune langue (cest-agrave-dire du reacuteseau des constructions

- 534 -

verbales) est assez rare dans la litteacuterature constructionnelle La plupart des travaux soit traitent de

consideacuterations geacuteneacuterales sur les langues soit portent sur un nombre limiteacute de constructions

speacutecifiques En outre peu de travaux proposent des repreacutesentations de reacuteseaux complets sous forme

scheacutematique Notre thegravese pourrait donc constituer un apport theacuteorique et meacutethodologique pour les

grammaires de construction

Nous avons proposeacute une analyse comparative des constructions verbales des langues atlantiques

A priori cette analyse semble difficile En effet la distance geacuteneacutetique entre les langues atlantiques

est tregraves importante et la morphologie flexionnelle verbale constitue un systegraveme relativement

instable qui tend agrave se renouveler rapidement On sattendrait donc agrave ne pouvoir identifier aucune

construction etou marque issue du proto-atlantique Il est vrai que la morphologie verbale des

langues atlantiques preacutesente une tregraves grande diversiteacute

Neacuteanmoins notre eacutetude a reacuteveacuteleacute que certaines constructions preacutesentent une grande similitude

formelle etou fonctionnelle et semblent propres aux langues atlantiques Le cas le plus marquant

est celui des constructions locatives preacutesentatives et progressives Presque toutes les langues

atlantiques disposent dune construction locative pouvant ecirctre utiliseacutee comme construction

preacutesentative etou progressive et qui est issue dune construction PRO DEIC1-CL-DEIC2 + V dont le

marqueur est lui-mecircme issu dun ancien deacutemonstratif Si ce pheacutenomegravene nest pas propre aux langues

atlantiques la structure de ces constructions ainsi que la forme du marqueur utiliseacute caracteacuterisent

clairement la famille Par ailleurs nous avons releveacute plusieurs autres eacuteleacutements qui semblent ecirctre

issus du proto-atlantique le suffixe 2PL -Vn eacutetymologiquement lieacute au suffixe de pluriel associatif

le suffixe de passeacute -Vn le suffixe de neacutegation -VC[coronale] issu dun suffixe -ud lexistence dune

construction minimale (ne preacutesentant aucune marque morphologique) utiliseacutee comme subjonctif

mais aussi souvent employeacutee dans les narrations et pouvant eacutegalement avoir une valeur gnomique

Pour terminer notre travail ouvre plusieurs perspectives de recherche En premier lieu nous

souhaitons confronter notre approche de la notion dauxiliaire agrave dautres langues pour en preacuteciser

les limites et les avantages dans une perspective typologique Nous souhaitons eacutegalement

deacutevelopper notre eacutebauche de typologie geacuteneacuterale des marqueurs preacutedicatifs Pour ce faire nous

envisageons de proceacuteder agrave une comparaison systeacutematique de ce type de marqueurs dans un

eacutechantillon de langues repreacutesentatif Plus preacuteciseacutement nous envisageons de constituer un

eacutechantillon repreacutesentatif de langues ougrave des marqueurs preacutedicatifs sont attesteacutes eacutetablir une liste de

- 535 -

traits pertinents et de valeurs possibles pour chaque trait permettant une classification typologique

des marqueurs preacutedicatifs preacuteciser la nature des liens que les marqueurs preacutedicatifs peuvent

entretenir avec dautres cateacutegories grammaticales telles que les verbes auxiliaires les copules les

adverbes ou les adpositions situer les marqueurs preacutedicatifs dans les cycles de grammaticalisation

affectant le domaine verbal et creacuteer une base de donneacutees typologique

Par ailleurs nous envisageons dapprofondir la question du lien entre les relativiseurs et les

marqueurs preacutedicatifs Cette question que nous navons simplement eacutevoqueacutee dans ce travail

meacuteriterait une eacutetude plus pousseacutee dans une perspective typologique

Nous pouvons envisager plusieurs pistes de recherche pour veacuterifier les hypothegraveses de

grammaticalisations que nous avons proposeacutees pour le wolof Si nos plus anciennes reacutefeacuterences

datent du XIXe siegravecle il est possible que des sources anteacuterieures naient pas encore eacuteteacute

laquo deacutecouvertes raquo ou publieacutees Un travail philologique de collecte de recensement darchivage et de

transcription de ces sources potentielles pourraient permettre de constituer un corpus diachronique

Une seconde piste envisageable concerne leacutetude des creacuteoles de Seacuteneacutegambie Ces creacuteoles sont

apparus avant le XIXe et ont donc pu conserver certains traits issus dun eacutetat ancien du wolof Par

ailleurs une eacutetude dialectologique du wolof pourrait constituer une troisiegraveme piste de recherche

Enfin nous pouvons envisager une formalisation de nos reacutesultats Pour ce faire nous

envisageons trois possibiliteacutes Nous pouvons utiliser un modegravele formel existant qui puisse rendre

compte de la restructuration du reacuteseau (si un tel modegravele existe) Nous pouvons envisager dadapter

un modegravele formel existant afin de tenir compte des liens diachroniques entre les constructions La

troisiegraveme solution consisterait agrave creacuteer un nouveau modegravele formel

- 536 -

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Les constructions verbales en wolof Vers une typologie de la preacutedication de lauxiliation et des peacuteriphrases

Le principal objectif de cette eacutetude est de situer les constructions verbales du wolof dans uneperspective typologique Il sagit tout dabord de proposer une description syntheacutetique du sys-tegraveme de preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique en nous appuyant surles travaux de reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Contrairement agrave ce que lon ob-serve dans un tregraves grand nombre de langues en wolof la majeure partie des cateacutegories gramma-ticales lieacutees au verbe est exprimeacutee par des constructions peacuteriphrastiques Lanalyse typologiquede ces constructions peacuteriphrastiques nous sert de base empirique pour proposer une nouvelleapproche de la notion dauxiliaire Nous consideacuterons que dans une perspective typologiquelauxiliaire ne doit pas ecirctre deacutefini comme une cateacutegorie lexicale speacutecifique ni comme une eacutetapedans un chemin de grammaticalisation mais plutocirct comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonomeayant une fonction speacutecifique Par ailleurs nous proposons une analyse constructionnelle delorganisation du systegraveme de preacutedication verbale du wolof Nous consideacuterons que les construc-tions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes maisplutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute (un reacuteseau de constructions) En outre nous montronsque certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du wolof peuventsexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie Enfin nous proposons une analyse comparative desconstructions verbales des langues atlantiques afin de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison duwolof est issu du proto-atlantique

Mots cleacutes Wolof Typologie Auxiliaires Peacuteriphrases Grammaticalisation Grammaire de construction

Verbal Constructions in WolofTowards a Typology of Predication Auxiliation and Periphrasis

This thesis is a study of Wolof verbal constructions in a typological perspective Based onavailable descriptions of Wolof verbal conjugation I first provide a summary of the system ofverbal predication in the light of the typological literature Contrary to what is observed inmany languages most Wolof verbal categories are expressed periphrastically The typologicalanalysis of these periphrastic constructions provides us with the empirical basis to propose anew approach to the notion of ldquoauxiliaryrdquo I argue that auxiliaries should not be cross-linguisti-cally defined as items belonging to a specific lexical class or as items on a grammaticalisationpath but rather as autonomous predicative elements with a specific function In addition I pro-pose a constructional analysis of the organisation of the verbal predication system of WolofThe entirety of Wolof verbal constructions is not assumed to form an unstructured set of inde-pendent entities but it is instead taken to constitute a highly structured system (a network ofconstructions) Furthermore some apparent idiosyncrasies in the conjugation paradigm ofWolof can be explained from a diachronic point of view Finally I provide a comparative analy-sis of verbal constructions in Atlantic languages in order to determine which elements of theWolof conjugation are inherited from Proto-Atlantic

Keywords Wolof Typology Auxiliaries Periphrasis Grammaticalization Construction Grammar

UNIVERSITEacute SORBONNE NOUVELLE - PARIS 3 ED268 - Langage et langues description theacuteorisation transmission Centre Biegravevre - 1 rue Censier 75005 Paris UFR Litteacuterature Linguistique Didactique Institut de Linguistique et Phoneacutetique Geacuteneacuterales et Appliqueacutees

  • Table des figures
  • Liste des tableaux
  • Gloses amp Abreacuteviations
  • Introduction
    • 01 Objectifs
    • 02 Cadre theacuteorique
      • 021 Une approche typologique
        • 0211 Les limites de la dichotomie formalisme-fonctionnalisme
        • 0212 Typologie et modegraveles theacuteoriques
        • 0213 Le problegraveme de la comparabiliteacute translinguistique
        • 0214 Le caractegravere explicatif de la diachronie
          • 022 Une approche constructionnelle
            • 0221 La notion de construction
            • 0222 Le continuum lexico-grammatical
            • 0223 La place des constructions dans la grammaire
            • 0224 Une approche reacutealiste
            • 0225 Les diffeacuterentes theacuteories constructionnelles
                • 03 Corpus et sources des exemples
                • 04 La langue wolof
                  • 041 Situation actuelle
                  • 042 Variantes dialectales
                  • 043 Classification
                  • 044 Phonologie
                    • 0441 Le systegraveme phonologique
                    • 0442 La structure syllabique
                    • 0443 Les processus phonologiques
                    • 0444 La prosodie
                    • 0445 Lorthographe
                      • 045 Morphologie
                        • 0451 Lalternance consonantique
                        • 0452 Laffixation
                        • 0453 La conversion
                        • 0454 La reacuteduplication
                        • 0455 La composition
                            • 05 Plan geacuteneacuteral
                              • Partie I Le systegraveme de preacutedication verbale du wolof
                                • Chapitre 1 - Preacutesentation geacuteneacuterale du systegraveme de preacutedication verbale
                                  • 11 Eacutetat de lart
                                    • 111 Les pionniers les grammaires du XIXe siegravecle
                                    • 112 Le renouveau les travaux fonctionnalistes
                                    • 113 Leacutemergence dune tradition seacuteneacutegalaise
                                    • 114 Existe-t-il une tradition franccedilaise
                                    • 115 La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle et la tradition ameacutericaine
                                    • 116 Synthegravese
                                      • 12 Approche typologique de la flexion verbale
                                      • 13 La conjugaison du wolof
                                        • 131 Les constructions preacutedicatives
                                        • 132 Lexpression de la neacutegation
                                        • 133 Lopposition aspectuelle perfectif imperfectif
                                        • 134 Lexpression du passeacute
                                        • 135 Lexpression de la personne et du nombre
                                          • 14 Synthegravese
                                            • Chapitre 2 - Les constructions preacutedicatives
                                              • 21 Les constructions exprimant le parfait
                                                • 211 Le parfait
                                                • 212 Le parfait neacutegatif
                                                  • 22 Les constructions exprimant le futur
                                                    • 221 Le futur
                                                    • 222 Le futur neacutegatif
                                                      • 23 Les constructions injonctives
                                                        • 231 Limpeacuteratif
                                                        • 232 Loptatif
                                                        • 233 Le prohibitif
                                                          • 24 Le minimal
                                                            • 241 Un cas probleacutematique
                                                            • 242 Le subjonctif-conseacutecutif
                                                            • 243 Linfinitif
                                                            • 244 Le relatif
                                                            • 245 Le cas des subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques
                                                              • 25 Les constructions focalisantes
                                                                • 251 La notion de focus
                                                                • 252 La focalisation du sujet
                                                                • 253 Le preacutesentatif
                                                                • 254 La focalisation du compleacutement
                                                                • 255 La focalisation du verbe
                                                                • 256 Le statut des constructions focalisantes
                                                                • 257 Synthegravese
                                                                    • Chapitre 3 - Lexpressiondes autres cateacutegories verbales
                                                                      • 31 La neacutegation
                                                                        • 311 Les constructions neacutegatives syntheacutetiques
                                                                          • 3111 Le parfait neacutegatif
                                                                          • 3112 La neacutegation affixale
                                                                            • 312 Les constructions neacutegatives agrave marqueur preacutedicatif
                                                                              • 3121 Le futur neacutegatif
                                                                              • 3122 Le prohibitif
                                                                                • 313 La construction neacutegative agrave verbe auxiliaire
                                                                                • 314 Les constructions neacutegatives agrave copule
                                                                                  • 3141 La copule neacutegative
                                                                                  • 3142 La neacutegation des preacutedicats locatifs
                                                                                    • 315 Synthegravese
                                                                                      • 32 Limperfectif
                                                                                        • 321 Le statut du marqueur dimperfectif
                                                                                        • 322 Les reacutealisations du verbe auxiliaire dimperfectif
                                                                                        • 323 Valeur et emplois du verbe auxiliaire dimperfectif
                                                                                          • 33 Le passeacute
                                                                                            • 331 Le marqueur de passeacute (w)oon
                                                                                            • 332 Le passeacute reculeacute
                                                                                            • 333 Lanteacuterieur ou passeacute relatif
                                                                                            • 334 Passeacute et conditionnel
                                                                                              • 34 La voix
                                                                                                • Chapitre 4 - La structure argumentale
                                                                                                  • 41 Les arguments et satellites lexicaux
                                                                                                    • 411 Le sujet lexical
                                                                                                    • 412 Lobjet lexical
                                                                                                    • 413 Le satellite lexical
                                                                                                      • 42 Les arguments pronominaux
                                                                                                        • 421 Les pronoms forts
                                                                                                        • 422 Les pronoms sujets
                                                                                                        • 423 Les pronoms objets
                                                                                                          • 43 La voix impersonnelle
                                                                                                          • 44 Les schegravemes de preacutedications verbales
                                                                                                            • Conclusion de la Partie I
                                                                                                              • Partie II Les peacuteriphrases verbales du wolof analyse et enjeux typologiques
                                                                                                                • Chapitre 5 - Les peacuteriphrases verbales du wolof
                                                                                                                  • 51 Les constructions agrave marqueur preacutedicatif du wolof
                                                                                                                    • 511 Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP
                                                                                                                    • 512 Les critegraveres phonologiques
                                                                                                                      • 5121 La place de laccent lexical
                                                                                                                      • 5122 La direction de lattachement phonologique
                                                                                                                      • 5123 Les pauses
                                                                                                                        • 513 Les critegraveres morphologiques
                                                                                                                          • 5131 La deacuterivation verbale
                                                                                                                          • 5132 La seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat
                                                                                                                          • 5133 Les preacutedicats non verbaux
                                                                                                                          • 5134 Les lacunes arbitraires
                                                                                                                          • 5135 Les idiosyncrasies morphophonologiques
                                                                                                                            • 514 Les critegraveres seacutemantiques
                                                                                                                              • 5141 La formation dun preacutedicat seacutemantique
                                                                                                                              • 5142 La compositionnaliteacute seacutemantique
                                                                                                                                • 515 Le cas du parfait
                                                                                                                                • 516 Synthegravese
                                                                                                                                  • 52 La diversiteacute des peacuteriphrases verbales du wolof
                                                                                                                                    • 521 La notion de peacuteriphrase flexionnelle
                                                                                                                                    • 522 Inventaire des peacuteriphrases verbales du wolof
                                                                                                                                    • 523 Typologie des peacuteriphrases verbales du wolof
                                                                                                                                      • 5231 Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique
                                                                                                                                      • 5232 Inteacutegration au paradigme flexionnel
                                                                                                                                      • 5233 Les critegraveres de la typologie canonique
                                                                                                                                        • 524 Synthegravese
                                                                                                                                            • Chapitre 6 - Des constructions agrave auxiliaires
                                                                                                                                              • 61 La cateacutegorie laquo auxiliaire raquo
                                                                                                                                                • 611 Deacutefinition cateacutegorielle
                                                                                                                                                • 612 Deacutefinition fonctionnelle
                                                                                                                                                • 613 Deacutefinition panchronique
                                                                                                                                                  • 62 Pour une nouvelle approche typologique des auxiliaires
                                                                                                                                                    • 621 Le poids des traditions
                                                                                                                                                    • 622 Les limites de la deacutefinition panchronique
                                                                                                                                                    • 623 Typologie des auxiliaires
                                                                                                                                                      • 63 Les constructions agrave auxiliaire du wolof
                                                                                                                                                        • 631 Selon la deacutefinition panchronique
                                                                                                                                                        • 632 Selon la deacutefinition fonctionnelle
                                                                                                                                                            • Chapitre 7 - La tecircte des constructions agrave auxiliaire du wolof
                                                                                                                                                              • 71 Le concept de laquo tecircte raquo
                                                                                                                                                              • 72 La typologie des patrons flexionnels
                                                                                                                                                              • 73 Les patrons flexionnels du wolof
                                                                                                                                                                • Chapitre 8 - Typologie verbale du wolof
                                                                                                                                                                  • 81 Les verbes pleins
                                                                                                                                                                  • 82 Les verbes cateacutenatifs
                                                                                                                                                                  • 83 Les verbes semi-auxiliaires
                                                                                                                                                                  • 84 Les verbes auxiliaires
                                                                                                                                                                  • 85 Les marqueurs preacutedicatifs
                                                                                                                                                                  • 86 Les relativiseurs
                                                                                                                                                                  • 87 Compleacutementeur et quotatif
                                                                                                                                                                  • 88 Synthegravese
                                                                                                                                                                    • Chapitre 9 - Typologie des marqueurs preacutedicatifs
                                                                                                                                                                      • 91 Problegravemes terminologiques
                                                                                                                                                                      • 92 La typologie des seacutelecteurs de Mous (2005)
                                                                                                                                                                      • 93 Eacutebauche dune typologie des marqueurs preacutedicatifs
                                                                                                                                                                        • 931 Organisation
                                                                                                                                                                        • 932 Neacutecessiteacute
                                                                                                                                                                        • 933 Cateacutegories exprimeacutees
                                                                                                                                                                        • 934 Position
                                                                                                                                                                        • 935 Forme
                                                                                                                                                                        • 936 Statut morphosyntaxique
                                                                                                                                                                        • 937 Origine
                                                                                                                                                                          • 94 Les marqueurs preacutedicatifs du wolof
                                                                                                                                                                            • Conclusion de la Partie II
                                                                                                                                                                              • Partie III Lorganisation du systegravemede preacutedication verbaledu wolof
                                                                                                                                                                                • Chapitre 10 - Approche constructionnelle de larchitecture des langues
                                                                                                                                                                                  • 101 Repreacutesentation des constructions
                                                                                                                                                                                  • 102 Les principes cognitifs
                                                                                                                                                                                  • 103 Les liens dheacuteritage entre les constructions
                                                                                                                                                                                  • 104 Larchitecture de la langue
                                                                                                                                                                                  • 105 Liens diachroniques et restructuration du reacuteseau
                                                                                                                                                                                    • Chapitre 11 - Les constructions agrave verbe auxiliaire
                                                                                                                                                                                      • 111 La Construction agrave Verbe Auxiliaire
                                                                                                                                                                                      • 112 La Construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire
                                                                                                                                                                                      • 113 La Construction Imperfectif
                                                                                                                                                                                      • 114 La Construction Focalisation du Verbe
                                                                                                                                                                                        • 1141 Caracteacuteristiques formelles
                                                                                                                                                                                          • 11411 Structure de la construction
                                                                                                                                                                                          • 11412 Forme du MP
                                                                                                                                                                                            • 1142 Analyse de la construction
                                                                                                                                                                                              • 11421 Hypothegravese laquo da-fa raquo
                                                                                                                                                                                              • 11422 Hypothegravese laquo def-a raquo
                                                                                                                                                                                                • 1143 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                  • 115 La Construction Passeacute Clitique
                                                                                                                                                                                                  • 116 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                    • Chapitre 12 - Les constructions agrave extraction
                                                                                                                                                                                                      • 121 La Construction Extraction
                                                                                                                                                                                                      • 122 La Construction Focalisation du Sujet
                                                                                                                                                                                                      • 123 La Construction Preacutesentatif
                                                                                                                                                                                                        • 1231 Caracteacuteristiques formelles et variations du MP
                                                                                                                                                                                                        • 1232 Un heacuteritage geacuteneacutetique
                                                                                                                                                                                                        • 1233 Hypothegravese de grammaticalisation
                                                                                                                                                                                                        • 1234 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                          • 124 La Construction Focalisation du Compleacutement
                                                                                                                                                                                                          • 125 La Construction Relatif
                                                                                                                                                                                                          • 126 Les Constructions Temporelle et Hypotheacutetique
                                                                                                                                                                                                          • 127 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                            • Chapitre 13 - La polygrammaticalisation de lsquonarsquo
                                                                                                                                                                                                              • 131 Problegravemes dans lanalyse du marqueur preacutedicatif lsquonarsquo
                                                                                                                                                                                                              • 132 De la Focalisation du Verbe au Parfait
                                                                                                                                                                                                                • 1321 Analogie des formes des marqueurs preacutedicatifs
                                                                                                                                                                                                                • 1322 Identiteacute des paradigmes
                                                                                                                                                                                                                • 1323 Alignement syntaxique
                                                                                                                                                                                                                • 1324 Un processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique
                                                                                                                                                                                                                  • 133 La Construction Futur
                                                                                                                                                                                                                  • 134 La Construction Optatif
                                                                                                                                                                                                                    • 1341 Les traces dun processus de grammaticalisation
                                                                                                                                                                                                                    • 1342 Les eacutetapes de la grammaticalisations
                                                                                                                                                                                                                    • 1343 Une grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute
                                                                                                                                                                                                                    • 1344 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                      • 135 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                        • Chapitre 14 - Les constructions neacutegatives
                                                                                                                                                                                                                          • 141 La Construction Parfait Neacutegatif
                                                                                                                                                                                                                          • 142 La Construction Futur Neacutegatif
                                                                                                                                                                                                                          • 143 La Construction Neacutegation Affixale
                                                                                                                                                                                                                          • 144 La Construction Prohibitif
                                                                                                                                                                                                                            • 1441 Caracteacuteristiques formelles
                                                                                                                                                                                                                            • 1442 Analyse de la construction
                                                                                                                                                                                                                              • 14421 Hypothegravese 1 le marqueur du Prohibitif est issu dun relativiseur
                                                                                                                                                                                                                              • 14422 Hypothegravese 2 le marqueur du Prohibitif est issu dun verbe auxiliaire
                                                                                                                                                                                                                              • 14423 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                                  • 145 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                                    • Chapitre 15 - Inteacutegration et constructions non finies
                                                                                                                                                                                                                                      • 151 Finitude et inteacutegration
                                                                                                                                                                                                                                        • 1511 La notion de laquo finitude raquo
                                                                                                                                                                                                                                        • 1512 Finitude en wolof
                                                                                                                                                                                                                                          • 152 Les constructions agrave extraction
                                                                                                                                                                                                                                          • 153 La Construction Subjonctif-Conseacutecutif
                                                                                                                                                                                                                                          • 154 La Construction Infinitif
                                                                                                                                                                                                                                          • 155 La construction Impeacuteratif
                                                                                                                                                                                                                                          • 156 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                                            • Conclusion de la Partie III
                                                                                                                                                                                                                                              • Partie IV Eacutetude comparative de la preacutedication verbale des langues atlantiques
                                                                                                                                                                                                                                                • Chapitre 16 - Locatif preacutesentatif et progressif dans les langues atlantiques
                                                                                                                                                                                                                                                  • 161 Structure des constructions
                                                                                                                                                                                                                                                  • 162 Statut du marqueur
                                                                                                                                                                                                                                                  • 163 Forme du marqueur
                                                                                                                                                                                                                                                  • 164 Origine de la construction
                                                                                                                                                                                                                                                    • 1641 Un heacuteritage geacuteneacutetique
                                                                                                                                                                                                                                                    • 1642 Grammaticalisation et hypothegraveses de reconstruction
                                                                                                                                                                                                                                                        • Chapitre 17 - Les autres cateacutegories verbales des langues atlantiques
                                                                                                                                                                                                                                                          • 171 Les marques personnelles
                                                                                                                                                                                                                                                          • 172 Infinitif et nom verbal
                                                                                                                                                                                                                                                          • 173 Le marqueur de passeacute
                                                                                                                                                                                                                                                          • 174 Lexpression de la neacutegation
                                                                                                                                                                                                                                                          • 175 Minimal aoriste narratif et subjonctif
                                                                                                                                                                                                                                                          • 176 Autres distinctions encodeacutees dans la conjugaison
                                                                                                                                                                                                                                                            • 1761 Distinctions aspecto-temporelles
                                                                                                                                                                                                                                                              • 17611 Lopposition perfectif imperfectif
                                                                                                                                                                                                                                                              • 17612 Lhabituel
                                                                                                                                                                                                                                                              • 17613 Le futur
                                                                                                                                                                                                                                                                • 1762 Formes verbales inteacutegratives marqueacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                  • 17621 Marques dinteacutegration
                                                                                                                                                                                                                                                                  • 17622 Emplois des formes verbales inteacutegratives marqueacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 1763 Focalisation
                                                                                                                                                                                                                                                                      • 17631 Porteacutee du focus
                                                                                                                                                                                                                                                                      • 17632 Reacutealisation du focus
                                                                                                                                                                                                                                                                        • Chapitre 18 - Les peacuteriphrases verbales des langues atlantiques
                                                                                                                                                                                                                                                                          • 181 Cateacutegories encodeacutees par les constructions agrave auxiliaire
                                                                                                                                                                                                                                                                          • 182 Constructions agrave amalgame auxiliaire-personne
                                                                                                                                                                                                                                                                          • 183 Les patrons flexionnels
                                                                                                                                                                                                                                                                            • 1831 Patron agrave tecircte auxiliaire
                                                                                                                                                                                                                                                                            • 1832 Patron agrave tecircte lexicale
                                                                                                                                                                                                                                                                            • 1833 Patrons scindeacutes
                                                                                                                                                                                                                                                                              • 184 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                                                                                • Conclusion de la Partie IV
                                                                                                                                                                                                                                                                                  • Conclusion
                                                                                                                                                                                                                                                                                  • Bibliographie

    Reacutesumeacute

    Les constructions verbales en wolof

    Vers une typologie de la preacutedication de lauxiliation et des peacuteriphrases

    Le principal objectif de cette eacutetude est de situer les constructions verbales du wolof dans une

    perspective typologique Il sagit tout dabord de proposer une description syntheacutetique du systegraveme de

    preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique en nous appuyant sur les travaux de

    reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Contrairement agrave ce que lon observe dans un tregraves

    grand nombre de langues en wolof la majeure partie des cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe est

    exprimeacutee par des constructions peacuteriphrastiques Lanalyse typologique de ces constructions

    peacuteriphrastiques nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de la notion

    dauxiliaire Nous consideacuterons que dans une perspective typologique lauxiliaire ne doit pas ecirctre

    deacutefini comme une cateacutegorie lexicale speacutecifique ni comme une eacutetape dans un chemin de

    grammaticalisation mais plutocirct comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonome ayant une fonction

    speacutecifique Par ailleurs nous proposons une analyse constructionnelle de lorganisation du systegraveme

    de preacutedication verbale du wolof Nous consideacuterons que les constructions verbales du wolof ne

    forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme

    extrecircmement structureacute (un reacuteseau de constructions) En outre nous montrons que certaines

    idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du wolof peuvent sexpliquer agrave la

    lumiegravere de la diachronie Enfin nous proposons une analyse comparative des constructions verbales

    des langues atlantiques afin de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du wolof est issu du proto-

    atlantique

    Mots cleacutes Wolof Typologie Auxiliaires Peacuteriphrases Grammaticalisation Grammaire de

    construction

    - 3 -

    Abstract

    Verbal Constructions in Wolof Towards a Typology of Predication Auxiliation and Periphrasis

    This thesis is a study of Wolof verbal constructions in a typological perspective Based on available

    descriptions of Wolof verbal conjugation I first provide a summary of the system of verbal

    predication in the light of the typological literature Contrary to what is observed in many

    languages most Wolof verbal categories are expressed periphrastically The typological analysis of

    these periphrastic constructions provides us with the empirical basis to propose a new approach to

    the notion of ldquoauxiliaryrdquo I argue that auxiliaries should not be cross-linguistically defined as items

    belonging to a specific lexical class or as items on a grammaticalisation path but rather as

    autonomous predicative elements with a specific function In addition I propose a constructional

    analysis of the organisation of the verbal predication system of Wolof The entirety of Wolof verbal

    constructions is not assumed to form an unstructured set of independent entities but it is instead

    taken to constitute a highly structured system (a network of constructions) Furthermore some

    apparent idiosyncrasies in the conjugation paradigm of Wolof can be explained from a diachronic

    point of view Finally I provide a comparative analysis of verbal constructions in Atlantic languages

    in order to determine which elements of the Wolof conjugation are inherited from Proto-Atlantic

    Keywords Wolof Typology Auxiliaries Periphrasis Grammaticalization Construction Grammar

    - 4 -

    al Ludoviko Lazaro Zamenhof

    kies la vivo kaj la verko instigis min

    al la studado de la lingvo

    agrave Ludwik Lejzer Zamenhof

    dont la vie et lœuvre mont pousseacute

    agrave eacutetudier le langage

    di ko jagleel Ludowiko Lasaro Samenxof

    mi nga xam ne dundam ak liggeacuteeyam ntildeoo ma ntildeaax

    ci geumlstu xam-xamu lagravekk

    Εἴ τίς με ἐλέγξαι καὶ παραστῆσαί μοιὅτι οὐκ ὀρθῶς ὑπολαμβάνω ἢ πράσσωδύναται χαίρων μεταθήσομαι ζητῶγὰρ τὴν ἀλήθειαν ὑφ ἧς οὐδεὶς πώποτεἐβλάβη βλάπτεται δὲ ὁ ἐπιμένων ἐπὶτῆς ἑαυτοῦ ἀπάτης καὶ ἀγνοίας

    Si quelquun veut bien me convaincre et silmarrecircte en me prouvant que ma penseacutee nestpas juste ou que mon action nest pas bonneje suis agrave la joie de mon cœur de me redresser car je ne cherche que la veacuteriteacute qui na jamaisnui agrave personne tandis qursquoon se fait le plusgrand tort en perseacuteveacuterant dans son erreur etdans son ignorance

    Marc-Auregravele Livre VI XXI

    - 5 -

    - 6 -

    Remerciements

    Je remercie tout dabord Pollet Samvelian et Konstantin Pozdniakov davoir accepteacute de diriger ce

    travail Leurs conseils et remarques mont eacutenormeacutement aideacute dans leacutelaboration de cette thegravese

    Je remercie eacutegalement Olivier Bonami Denis Creissels Maarten Mous et Sylvie Voisin davoir

    accepteacute de participer agrave mon jury de thegravese Les eacutechanges et discussions avec Denis Creissels et

    Sylvie Voisin mont eacuteteacute dune aide preacutecieuse dans ma compreacutehension de la grammaire du wolof

    Ma reconnaissance sadresse eacutegalement aux membres des laboratoires LLACAN (UMR 8135) et

    lsquoMondes iranien et indienrsquo (UMR 7528) pour leur soutien leurs conseils et pour les formidables

    conditions de travail quils mont offerts Je remercie notamment Nicolas Quint pour ses nombreux

    et tregraves preacutecieux conseils

    Je remercie vivement Jean-Leacuteopold Diouf El Hadji Diegraveye et Serigne Ibnou Seck pour avoir

    accepteacute de partager avec moi leurs connaissances et leur expertise de la langue wolof

    Je remercie mes collegravegues jeunes chercheurs pour leur soutien ainsi que pour les discussions

    enrichissantes que nous avons eues Je remercie notamment Marine Le Meneacute Julien Heurdier

    Gwendoline Fox Aureacutelia Elalouf Linh Huy Dao Marie Lorin Pegah Faghiri Opheacutelie Gandon

    Ariel Gutman Jean Franccedilois Nunez Tom Durand Olivier Bondeacuteelle et bien dautres

    Un grand merci agrave toutes les personnes qui mont aideacute dune maniegravere ou dune autre dans la

    reacutealisation de ce travail Je remercie tout particuliegraverement Michegravele Lalande

    Merci infiniment agrave ma femme Ceacutecilia Gueacuterin pour mavoir accompagneacute et soutenu durant la

    reacutealisation de cette thegravese

    Enfin je remercie Ceacutecilia Deckmyn et Dominique Gueacuterin pour avoir accepteacute dassurer la

    relecture orthographique et typographique de ce travail

    - 7 -

    - 8 -

    TABLE DES MATIEgraveRESTABLE DES MATIEgraveRES

    Table des figures19

    Liste des tableaux21

    Gloses amp Abreacuteviations25

    Introduction29

    01 Objectifs29

    02 Cadre theacuteorique30

    021 Une approche typologique30

    0211 Les limites de la dichotomie formalisme-fonctionnalisme30

    0212 Typologie et modegraveles theacuteoriques31

    0213 Le problegraveme de la comparabiliteacute translinguistique32

    0214 Le caractegravere explicatif de la diachronie33

    022 Une approche constructionnelle34

    0221 La notion de construction35

    0222 Le continuum lexico-grammatical35

    0223 La place des constructions dans la grammaire36

    0224 Une approche reacutealiste36

    0225 Les diffeacuterentes theacuteories constructionnelles37

    03 Corpus et sources des exemples37

    04 La langue wolof39

    041 Situation actuelle39

    042 Variantes dialectales41

    043 Classification42

    044 Phonologie46

    0441 Le systegraveme phonologique46

    0442 La structure syllabique48

    0443 Les processus phonologiques48

    0444 La prosodie49

    0445 Lorthographe50

    045 Morphologie52

    - 9 -

    0451 Lalternance consonantique52

    0452 Laffixation53

    0453 La conversion53

    0454 La reacuteduplication54

    0455 La composition54

    05 Plan geacuteneacuteral55

    Partie I Le systegraveme de preacutedication verbale du wolof57

    Chapitre 1 - Preacutesentation geacuteneacuterale du systegraveme de preacutedication verbale59

    11 Eacutetat de lart59

    111 Les pionniers les grammaires du XIXe siegravecle59

    112 Le renouveau les travaux fonctionnalistes60

    113 Leacutemergence dune tradition seacuteneacutegalaise61

    114 Existe-t-il une tradition franccedilaise 62

    115 La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle et la tradition ameacutericaine63

    116 Synthegravese63

    12 Approche typologique de la flexion verbale64

    13 La conjugaison du wolof67

    131 Les constructions preacutedicatives67

    132 Lexpression de la neacutegation71

    133 Lopposition aspectuelle perfectif imperfectif71

    134 Lexpression du passeacute72

    135 Lexpression de la personne et du nombre72

    14 Synthegravese73

    Chapitre 2 - Les constructions preacutedicatives77

    21 Les constructions exprimant le parfait77

    211 Le parfait78

    212 Le parfait neacutegatif82

    22 Les constructions exprimant le futur84

    221 Le futur84

    222 Le futur neacutegatif89

    23 Les constructions injonctives98

    231 Limpeacuteratif99

    232 Loptatif102

    - 10 -

    233 Le prohibitif104

    24 Le minimal106

    241 Un cas probleacutematique106

    242 Le subjonctif-conseacutecutif112

    243 Linfinitif115

    244 Le relatif123

    245 Le cas des subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques129

    25 Les constructions focalisantes134

    251 La notion de focus135

    252 La focalisation du sujet137

    253 Le preacutesentatif141

    254 La focalisation du compleacutement147

    255 La focalisation du verbe150

    256 Le statut des constructions focalisantes153

    257 Synthegravese161

    Chapitre 3 - Lexpression des autres cateacutegories verbales165

    31 La neacutegation165

    311 Les constructions neacutegatives syntheacutetiques165

    3111 Le parfait neacutegatif165

    3112 La neacutegation affixale166

    312 Les constructions neacutegatives agrave marqueur preacutedicatif168

    3121 Le futur neacutegatif168

    3122 Le prohibitif169

    313 La construction neacutegative agrave verbe auxiliaire169

    314 Les constructions neacutegatives agrave copule171

    3141 La copule neacutegative171

    3142 La neacutegation des preacutedicats locatifs172

    315 Synthegravese173

    32 Limperfectif174

    321 Le statut du marqueur dimperfectif174

    322 Les reacutealisations du verbe auxiliaire dimperfectif177

    323 Valeur et emplois du verbe auxiliaire dimperfectif179

    33 Le passeacute181

    331 Le marqueur de passeacute (w)oon182

    - 11 -

    332 Le passeacute reculeacute190

    333 Lanteacuterieur ou passeacute relatif193

    334 Passeacute et conditionnel194

    34 La voix196

    Chapitre 4 - La structure argumentale199

    41 Les arguments et satellites lexicaux199

    411 Le sujet lexical201

    412 Lobjet lexical202

    413 Le satellite lexical204

    42 Les arguments pronominaux206

    421 Les pronoms forts207

    422 Les pronoms sujets211

    423 Les pronoms objets218

    43 La voix impersonnelle224

    44 Les schegravemes de preacutedications verbales226

    Conclusion de la Partie I229

    Partie II Les peacuteriphrases verbales du wolof analyse et enjeux typologiques237

    Chapitre 5 - Les peacuteriphrases verbales du wolof239

    51 Les constructions agrave marqueur preacutedicatif du wolof239

    511 Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP240

    512 Les critegraveres phonologiques242

    5121 La place de laccent lexical242

    5122 La direction de lattachement phonologique242

    5123 Les pauses244

    513 Les critegraveres morphologiques244

    5131 La deacuterivation verbale244

    5132 La seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat245

    5133 Les preacutedicats non verbaux246

    5134 Les lacunes arbitraires247

    5135 Les idiosyncrasies morphophonologiques247

    514 Les critegraveres seacutemantiques248

    5141 La formation dun preacutedicat seacutemantique248

    5142 La compositionnaliteacute seacutemantique248

    - 12 -

    515 Le cas du parfait248

    516 Synthegravese252

    52 La diversiteacute des peacuteriphrases verbales du wolof253

    521 La notion de peacuteriphrase flexionnelle253

    522 Inventaire des peacuteriphrases verbales du wolof254

    523 Typologie des peacuteriphrases verbales du wolof258

    5231 Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique259

    5232 Inteacutegration au paradigme flexionnel263

    5233 Les critegraveres de la typologie canonique267

    524 Synthegravese269

    Chapitre 6 - Des constructions agrave auxiliaires 271

    61 La cateacutegorie laquo auxiliaire raquo271

    611 Deacutefinition cateacutegorielle271

    612 Deacutefinition fonctionnelle273

    613 Deacutefinition panchronique274

    62 Pour une nouvelle approche typologique des auxiliaires277

    621 Le poids des traditions278

    622 Les limites de la deacutefinition panchronique278

    623 Typologie des auxiliaires280

    63 Les constructions agrave auxiliaire du wolof284

    631 Selon la deacutefinition panchronique284

    632 Selon la deacutefinition fonctionnelle286

    Chapitre 7 - La tecircte des constructions agrave auxiliaire du wolof289

    71 Le concept de laquo tecircte raquo289

    72 La typologie des patrons flexionnels291

    73 Les patrons flexionnels du wolof293

    Chapitre 8 - Typologie verbale du wolof301

    81 Les verbes pleins301

    82 Les verbes cateacutenatifs302

    83 Les verbes semi-auxiliaires305

    84 Les verbes auxiliaires307

    85 Les marqueurs preacutedicatifs308

    86 Les relativiseurs309

    87 Compleacutementeur et quotatif311

    - 13 -

    88 Synthegravese313

    Chapitre 9 - Typologie des marqueurs preacutedicatifs317

    91 Problegravemes terminologiques318

    92 La typologie des seacutelecteurs de Mous (2005)320

    93 Eacutebauche dune typologie des marqueurs preacutedicatifs322

    931 Organisation322

    932 Neacutecessiteacute324

    933 Cateacutegories exprimeacutees325

    934 Position327

    935 Forme328

    936 Statut morphosyntaxique329

    937 Origine329

    94 Les marqueurs preacutedicatifs du wolof330

    Conclusion de la Partie II333

    Partie III Lorganisation du systegraveme de preacutedication verbale du wolof337

    Chapitre 10 - Approche constructionnelle de larchitecture des langues339

    101 Repreacutesentation des constructions339

    102 Les principes cognitifs339

    103 Les liens dheacuteritage entre les constructions340

    104 Larchitecture de la langue343

    105 Liens diachroniques et restructuration du reacuteseau346

    Chapitre 11 - Les constructions agrave verbe auxiliaire349

    111 La Construction agrave Verbe Auxiliaire349

    112 La Construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire350

    113 La Construction Imperfectif351

    114 La Construction Focalisation du Verbe353

    1141 Caracteacuteristiques formelles353

    11411 Structure de la construction353

    11412 Forme du MP354

    1142 Analyse de la construction355

    11421 Hypothegravese laquo da-fa raquo356

    11422 Hypothegravese laquo def-a raquo358

    1143 Synthegravese362

    - 14 -

    115 La Construction Passeacute Clitique364

    116 Synthegravese365

    Chapitre 12 - Les constructions agrave extraction369

    121 La Construction Extraction369

    122 La Construction Focalisation du Sujet372

    123 La Construction Preacutesentatif373

    1231 Caracteacuteristiques formelles et variations du MP376

    1232 Un heacuteritage geacuteneacutetique378

    1233 Hypothegravese de grammaticalisation380

    1234 Synthegravese381

    124 La Construction Focalisation du Compleacutement383

    125 La Construction Relatif384

    126 Les Constructions Temporelle et Hypotheacutetique387

    127 Synthegravese388

    Chapitre 13 - La polygrammaticalisation de lsquonarsquo393

    131 Problegravemes dans lanalyse du marqueur preacutedicatif lsquonarsquo393

    132 De la Focalisation du Verbe au Parfait394

    1321 Analogie des formes des marqueurs preacutedicatifs396

    1322 Identiteacute des paradigmes396

    1323 Alignement syntaxique397

    1324 Un processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique400

    133 La Construction Futur401

    134 La Construction Optatif402

    1341 Les traces dun processus de grammaticalisation402

    1342 Les eacutetapes de la grammaticalisations405

    1343 Une grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute 411

    1344 Synthegravese414

    135 Synthegravese415

    Chapitre 14 - Les constructions neacutegatives419

    141 La Construction Parfait Neacutegatif419

    142 La Construction Futur Neacutegatif422

    143 La Construction Neacutegation Affixale425

    144 La Construction Prohibitif426

    1441 Caracteacuteristiques formelles426

    - 15 -

    1442 Analyse de la construction430

    14421 Hypothegravese 1 le marqueur du Prohibitif est issu dun relativiseur431

    14422 Hypothegravese 2 le marqueur du Prohibitif est issu dun verbe auxiliaire431

    14423 Synthegravese436

    145 Synthegravese436

    Chapitre 15 - Inteacutegration et constructions non finies439

    151 Finitude et inteacutegration439

    1511 La notion de laquo finitude raquo439

    1512 Finitude en wolof441

    152 Les constructions agrave extraction442

    153 La Construction Subjonctif-Conseacutecutif444

    154 La Construction Infinitif445

    155 La construction Impeacuteratif448

    156 Synthegravese449

    Conclusion de la Partie III451

    Partie IV Eacutetude comparative de la preacutedication verbale des langues atlantiques459

    Chapitre 16 - Locatif preacutesentatif et progressif dans les langues atlantiques463

    161 Structure des constructions463

    162 Statut du marqueur472

    163 Forme du marqueur475

    164 Origine de la construction485

    1641 Un heacuteritage geacuteneacutetique485

    1642 Grammaticalisation et hypothegraveses de reconstruction491

    Chapitre 17 - Les autres cateacutegories verbales des langues atlantiques493

    171 Les marques personnelles493

    172 Infinitif et nom verbal495

    173 Le marqueur de passeacute498

    174 Lexpression de la neacutegation499

    175 Minimal aoriste narratif et subjonctif502

    176 Autres distinctions encodeacutees dans la conjugaison504

    1761 Distinctions aspecto-temporelles505

    17611 Lopposition perfectif imperfectif505

    17612 Lhabituel506

    - 16 -

    17613 Le futur507

    1762 Formes verbales inteacutegratives marqueacutees509

    17621 Marques dinteacutegration509

    17622 Emplois des formes verbales inteacutegratives marqueacutees511

    1763 Focalisation513

    17631 Porteacutee du focus514

    17632 Reacutealisation du focus514

    Chapitre 18 - Les peacuteriphrases verbales des langues atlantiques519

    181 Cateacutegories encodeacutees par les constructions agrave auxiliaire519

    182 Constructions agrave amalgame auxiliaire-personne522

    183 Les patrons flexionnels523

    1831 Patron agrave tecircte auxiliaire524

    1832 Patron agrave tecircte lexicale525

    1833 Patrons scindeacutes525

    184 Synthegravese526

    Conclusion de la Partie IV527

    Conclusion531

    Bibliographie537

    - 17 -

    - 18 -

    TTABLEABLE DESDES FIGURESFIGURES

    Figure 01 - Structure symbolique dune construction35

    Figure 02 - Localisation des principaux anciens royaumes wolof40

    Figure 03 - Reacutepartition des wolophones en Seacuteneacutegambie40

    Figure 04 - Classification des langues atlantiques selon Wilson (1989)43

    Figure 05 - Classification des langues atlantiques selon Pozdniakov amp Segerer45

    Figure 21 - Cateacutegories pragmatiques selon Lambrecht (1994)136

    Figure 31 - Classification des oppositions aspectuelles180

    Figure 61 - Origine et eacutevolution des constructions agrave verbe auxiliaire selon Anderson (2006)276

    Figure 101 - Heacuteritage entre constructions341

    Figure 102 - Heacuteritage multiple341

    Figure 103 - Lien dInstanciation342

    Figure 104 - Lien de Sous-partie342

    Figure 105 - Lien de Polyseacutemie343

    Figure 106 - Lien dextension Meacutetaphorique343

    Figure 107 - Repreacutesentation partielle du reacuteseau des types de proposition en franccedilais344

    Figure 108 - Exemple de construction agrave plusieurs parents en franccedilais344

    Figure 109 - Reacuteseau taxonomique345

    Figure 1010 - Reacuteseau eacutetendu345

    Figure 1011 - Champ de constructions346

    Figure 1012 - Lien Diachronique347

    Figure 111 - Reacuteseau des constructions agrave verbe auxiliaire367

    Figure 121 - Reacuteseau des constructions agrave extraction391

    Figure 131 - Eacutetapes reconstitueacutees de la grammaticalisation de lOptatif410

    Figure 132 - Polygrammaticalisation de lancienne construction Focalisation du Verbe418

    Figure 141 - Reacuteseau des constructions neacutegatives438

    Figure 151 - Reacuteseau des constructions non finies447

    Figure III1 - Organisation fonctionnelle des constructions preacutedicatives en synchronie451

    Figure III2 - Reacuteseau des constructions preacutedicatives455

    Figure 161 - Structure du marqueur locatifprogressif dans les langues atlantiques475

    - 19 -

    - 20 -

    LLISTEISTE DESDES TABLEAUXTABLEAUX

    Tableau 01 - Inventaire consonantique46

    Tableau 02 - Inventaire vocalique46

    Tableau 03 - Regravegles de coalescence vocalique49

    Tableau 04 - Normes orthographiques51

    Tableau 05 - Reacutegulariteacutes de lalternance consonantique initiale53

    Tableau 11 - Formes de limperfectif indicatif preacutesent actif en latin66

    Tableau 12 - Traits du paradigme des verbes en wolof75

    Tableau 13 - Formes de 1SG du verbe lekk (manger)75

    Tableau 21 - Paradigme personnel du parfait78

    Tableau 22 - Paradigme personnel du parfait neacutegatif82

    Tableau 23 - Paradigme personnel du futur85

    Tableau 24 - Formes du parfait et du futur affirmatif du verbe lekk (manger)87

    Tableau 25 - Paradigme personnel du futur neacutegatif90

    Tableau 26 - Formes du parfait neacutegatif et du futur neacutegatif du verbe lekk (manger)91

    Tableau 27 - Idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur de futur neacutegatif92

    Tableau 28 - Les trois paradigmes du futur neacutegatif passeacute93

    Tableau 29 - Paradigme personnel de limpeacuteratif100

    Tableau 210 - Reacutealisation du suffixe de limpeacuteratif100

    Tableau 211 - Paradigme personnel de loptatif103

    Tableau 212 - Paradigme personnel du prohibitif104

    Tableau 213 - Paradigme personnel du minimal107

    Tableau 214 - Inventaire des relativiseurs126

    Tableau 215 - Paradigme personnel de la focalisation du sujet138

    Tableau 216 - Paradigme personnel du preacutesentatif141

    Tableau 217 - Paradigme personnel de la focalisation du compleacutement147

    Tableau 218 - Paradigme personnel de la focalisation du verbe150

    Tableau 219 - Paramegravetres des constructions focalisantes163

    Tableau 31 - Expression de la neacutegation en wolof173

    Tableau 32 - Statut du marqueur de passeacute (w)oon190

    - 21 -

    Tableau 33 - Liste des suffixes de voix197

    Tableau 41 - Inventaire des pronoms personnels206

    Tableau 42 - Inventaire des pronoms personnels forts209

    Tableau 43 - Inventaire des pronoms forts non personnels210

    Tableau 44 - Inventaire des pronoms sujets213

    Tableau 45 - Syntaxe et morphologie des affixes pronominaux216

    Tableau 46 - Statut des pronoms sujets217

    Tableau 47 - Inventaire des pronoms objets218

    Tableau 48 - Inventaire des schegravemes de preacutedication227

    Tableau I1 - Paradigmes de conjugaison du wolof231

    Tableau 51 - Inventaire des marqueurs preacutedicatifs239

    Tableau 52 - Distinctions entre Affixe Clitique et Mot241

    Tableau 53 - Statut morphosyntaxique des marqueurs preacutedicatifs253

    Tableau 54 - Formes du 1SG imperfectif actif du verbe latin facio (faire)254

    Tableau 55 - Formes syntheacutetiques et peacuteriphrastiques du verbe lekk (manger)255

    Tableau 56 - Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique des peacuteriphrases verbales du wolof263

    Tableau 57 - Inteacutegration des peacuteriphrases verbales au paradigme flexionnel264

    Tableau 58 - Les peacuteriphrases verbales du wolof selon la typologie canonique268

    Tableau 61 - Chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM selon Heine (1993)275

    Tableau 62 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs282

    Tableau 63 - Les constructions agrave auxiliaire du wolof selon la deacutefinition panchronique285

    Tableau 71 - Les patrons flexionnels selon Anderson (2006)292

    Tableau 72 - Patrons flexionnels des constructions agrave auxiliaire du wolof299

    Tableau 81 - Formes verbales des compleacutements phrastiques en wolof305

    Tableau 82 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn verbe]313

    Tableau 83 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn auxiliaire]314

    Tableau 84 - Typologie des verbes en wolof315

    Tableau 91 - Cateacutegories pouvant ecirctre exprimeacutees par des MP dans la typologie de Mous (2005)321

    Tableau 92 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en mandinka323

    Tableau 93 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en koyra chiini324

    Tableau 111 - Variantes du paradigme personnel de la Focalisation du Verbe355

    Tableau 112 - Paradigme personnel de la Focalisation du Verbe selon Boilat (1858)356

    Tableau 113 - Paradigme personnel de la Focalisation du Verbe selon Kobegraves (1869)358

    Tableau 114 - Structure du MP de la Focalisation du Verbe360

    - 22 -

    Tableau 121 - Analogie des paradigmes personnels

    des constructions Focalisation du Sujet et Preacutesentatif374

    Tableau 122 - Analogie des paradigmes personnels

    des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Preacutesentatif375

    Tableau 123 - Freacutequences des variantes des pronoms sujet au Preacutesentatif377

    Tableau 124 - Caracteacuteristiques formelles des constructions Focus et Relatif389

    Tableau 131 - Affixes sujets lieacutes aux marqueurs preacutedicatifs la et na397

    Tableau 132 - Paradigme personnel de la Focalisation du Sujet397

    Tableau 141 - Comparaison du paradigme personnel du Parfait Neacutegatif avec celui du Parfait420

    Tableau 142 - Comparaison du paradigme personnel

    du Futur Neacutegatif avec ceux du Futur et du Parfait Neacutegatif423

    Tableau 143 - Comparaison du paradigme personnel

    du Futur Neacutegatif avec celui des Subordonneacutees Hypotheacutetiques et Temporelles425

    Tableau 144 - Comparaison des paradigmes personnels

    du Prohibitif avec ceux de lOptatif de lImpeacuteratif du Parfait Neacutegatif et du Relatif428

    Tableau 151 - Finitude des constructions agrave extraction du wolof443

    Tableau IV1 - Convention de transcription utiliseacutee pour les langues atlantiques461

    Tableau 161 - Structure des constructions locative et preacutesentativeprogressive

    dans plusieurs langues atlantiques471

    Tableau 162 - Origine des pronoms locatifs en sereer478

    Tableau 163 - Forme du marqueur locatifprogressif dans plusieurs langues atlantiques484

    Tableau 171 - Deacuterivation des formes 2PL agrave partir des formes 2SG en wolof494

    Tableau 172 - Infinitif et classe(s) nominale(s) dans plusieurs langues atlantiques497

    Tableau 173 - Forme de la marque de passeacute dans plusieurs langues atlantiques498

    Tableau 174 - Expression de la neacutegation dans plusieurs langues atlantiques500

    Tableau 175 - Emplois du minimal dans plusieurs langues atlantiques503

    Tableau 176 - Expression de lhabituel et du futur dans plusieurs langues atlantiques508

    Tableau 177 - Suffixes des formes inteacutegratives en pulaar510

    Tableau 178 - Formes verbales inteacutegratives dans plusieurs langues atlantiques512

    Tableau 179 - Constructions focalisantes dans plusieurs langues atlantiques513

    Tableau 181 - Cateacutegories encodeacutees par les MP dans plusieurs langues atlantiques520

    Tableau 182 - Amalgames auxiliaire-personne dans plusieurs langues atlantiques523

    - 23 -

    - 24 -

    GGLOSESLOSES amp A amp ABREacuteVIATIONSBREacuteVIATIONS

    1 Principes geacuteneacuteraux de preacutesentations des exemples

    Nous respectons les Leipzig Glossing Rules1 proposeacutees par le Deacutepartement de Linguistique de

    lInstitut Max Planck et le Deacutepartement de Linguistique de lUniversiteacute de Leipzig

    Nous nous eacutecartons de ces regravegles dans la notation des clitiques en wolof Dans cette langue un

    grand nombre de mots grammaticaux sont des clitiques Ainsi pour des raisons de lisibiliteacute nous

    avons utiliseacute la notation suivante si le clitique est seacutepareacute de son hocircte dans lorthographe alors il est

    preacuteceacutedeacute dun signe eacutegal (=) et aligneacute avec sa glose si le clitique et son hocircte sont eacutecrit en un seul

    mot dans lorthographe alors ils sont uniquement seacutepareacutes par un signe eacutegal (=)

    Ex Omar a koy gis

    Omar =a =ko=y gis

    Omar =FOCS =O3SG=IPF voir

    lsquoCest Omar qui le voitrsquo

    2 Notation des classes nominales

    Pour la notation des classes nominales nous avons suivi les normes utiliseacutees par Creissels (2014)

    pour les langues atlantiques Ainsi pour le wolof le marqueur de classe est gloseacute CL suivi de la

    consonne speacutecifique agrave ce marqueur en minuscule

    Ex cin =l-i a-b teacuteere fas w-u weex

    marmite =CLl-DFPX IDF-CLb livre cheval CLw-REL ecirctre_blanc

    lsquola marmitersquo lsquoun livrersquo lsquocheval blancrsquo

    En wolof il existe une cateacutegorie de marqueurs que nous appelons laquo classes fonctionnelles raquo Ces

    marqueurs sont susceptibles de rentrer dans les mecircmes types de constructions que les autres

    marqueurs mais ne constituent pas agrave proprement parler des classes nominales puisque aucun nom

    nappartient agrave lune de ces classes Ces marqueurs sont gloseacutes CL suivi de labreacuteviation

    1 Version reacuteviseacutee de feacutevrier 2008 lthttpwwwevampgdelinguaresourcesglossing-rulesphpgt

    - 25 -

    correspondante au sens quils expriment

    Ex F-an =la dem

    CLLOC-Q =FOCCS3SG partir

    lsquoOugrave est-il alleacute rsquo

    Enfin en plus de leur rocircle dans la classification des substantifs certains marqueurs de classe

    nominale ont un sens speacutecifique Ils peuvent ecirctre utiliseacutes dans des contextes ougrave ils ne renvoient agrave

    aucun nom speacutecifique Ainsi leur fonctionnement les rapproche des classes fonctionnelles Dans

    ces contextes nous avons donc deacutecideacute de ne pas les noter comme des classes nominales mais plutocirct

    dutiliser la notation des classes fonctionnelles cest-agrave-dire quils sont gloseacutes CL suivi de labreacuteviation

    correspondante au sens quils expriment

    Ex L-an =la=y def

    CLCHSG-Q =FOCCS3SG=IPF faire

    lsquoQue fait-il rsquo

    3 Liste des abreacuteviations

    Les gloses utiliseacutees sont essentiellement issues de la liste des abreacuteviations standards des Leipzig

    Glossing Rules etou de la liste de gloses proposeacutee par le projet CorpTypo2 Dans le cas ougrave

    labreacuteviation seacuteloigne trop du mot correspondant en franccedilais nous avons emprunteacute les abreacuteviations

    de Creissels (2006a xiii-xviii) Lorsque labreacuteviation correspond agrave une cateacutegorie eacutetudieacutee dans ce

    travail nous avons ajouteacute entre parenthegravese le numeacutero de la section ougrave cette cateacutegorie est deacutecrite

    1 premiegravere personne

    2 deuxiegraveme personne

    3 troisiegraveme personne

    AGT agentif agent

    ALT alteacuteriteacute (421)

    ANAPH anaphorique

    AND andatif

    ANT anteacuterieur (333)

    ANTIP antipassif

    APPL applicatif

    ASP aspect (14)

    ATR advanced tongue root

    AUX auxiliaire (623)

    BEN beacuteneacutefactif

    CAUS causatif

    CH chose (41)

    CL marque de classe nominale (41)

    COMP compleacutementeur (87)

    2 Projet de recherche sur constitution et lannotation de corpus oraux pour des recherches typologiqueslthttpcortypohuma-numfrgt

    - 26 -

    COMPL compleacutetive

    COND conditionnel (334)

    COP copule

    C-PRED construction preacutedicative (131)

    DEIC deacuteictique

    DEM deacutemonstratif

    DEP marque de deacutependancesubordination

    DET deacuteterminant

    DF deacutefini

    DT distal (deixis) (41)

    DV deacutependance verbale (243)

    EMPH particule emphatique

    EXCL exclusif (1PL)

    EXPL expleacutetif

    FOC focus focalisation

    FOCC focalisation du compleacutement (254)

    FOCS focalisation du sujet (252)

    FOCV focalisation du verbe (255)

    FUT futur (22)

    GEN geacutenitif

    GER geacuterondif

    HAB habituel

    HUM humain (41)

    HYP subordonneacutee subordonnant

    hypotheacutetique (245)

    IDEO ideacuteophone

    IDF indeacutefini

    IMP impeacuteratif (231)

    IMPS voix impersonnelle (43)

    INCL inclusif (1PL)

    INDET indeacutetermineacute

    INF infinitif (243)

    INGR ingressif

    INTR intransitif

    INV inversif

    IPF imperfectif (~inaccompli) (32)

    IRR irrealis

    ITER iteacuteratif

    litt litteacuteralement

    LOC locatif (41)

    M masculin

    MD meacutedial (deixis)

    MNR maniegravere (41)

    MOY voix moyenne (34)

    MP marqueur preacutedicatif (51)

    N neutre

    na non attesteacute

    NEG neacutegation (31)

    NPAS non passeacute (33)

    NREF non reacutefeacuterentiel (244)

    O pronom objet (423)

    OBJ objet

    OBLIG obligatif

    OPT optatif (232)

    PAS passeacute (331)

    PASR passeacute reculeacute (332)

    PAT patient

    PERS personne (14)

    PF perfectif (~accompli) (32)

    PL pluriel

    POL polariteacute (14)

    POSS possessif

    POSTP postposition

    PRED preacutedicat

    PRO pronom fort (421)

    PRF parfait (21)

    PROH prohibitif (233)

    PRST preacutesentatif (253)

    - 27 -

    PRTF partitif (423)

    PX proximal (deixis) (41)

    Q interrogatif

    RECP reacuteciproque (34)

    REF reacutefeacuterentiel (244)

    REL relativiseur relatif

    S indice ou pronom sujet (422)

    SG singulier

    SING singulatif (421)

    SUBJ subjonctif (242)

    SUJ sujet

    TEMP subordonneacutee subordonnant

    temporel (245)

    TIRV tiroir verbal (14)

    TOP topique

    TOT totaliseur (421)

    TPS temps (14)

    TR transitif

    TAM temps aspect mode

    V verbe

    VEN veacutenitif

    V-INF construction infinitivale (5231)

    - 28 -

    INTRODUCTIONINTRODUCTION

    01 Objectifs

    Le wolof est une langue dAfrique de lOuest parleacutee essentiellement au Seacuteneacutegal en Gambie et au

    sud de la Mauritanie Elle appartient agrave la famille atlantique du phylum Niger-Congo La

    conjugaison et dune maniegravere plus geacuteneacuterale le systegraveme de preacutedication verbale est lun des points les

    plus eacutetudieacutes de cette langue En effet depuis la premiegravere grammaire du wolof (Dard 1826) jusquagrave la

    grammaire de Diouf (2009) en passant par des travaux de reacutefeacuterence comme Dialo (1981a) Church

    (1981) ou Robert (1991) ce sont plus dune douzaine danalyses diffeacuterant agrave des degreacutes divers qui

    ont eacuteteacute proposeacutees pour le systegraveme de preacutedication verbale du wolof

    Lobjectif principal de notre travail nest pas de proposer une nouvelle analyse de la conjugaison

    et du systegraveme de preacutedication verbale du wolof mais plutocirct de situer les constructions verbales du

    wolof dans une perspective typologique Cet objectif geacuteneacuteral peut se deacutecliner en plusieurs objectifs

    preacutecis Premiegraverement nous nous donnons pour objectif de proposer une description syntheacutetique du

    systegraveme de preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique en nous appuyant sur les

    travaux de reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Par ailleurs nous aspirons aussi agrave montrer

    linteacuterecirct des donneacutees du wolof dans le cadre de la typologie linguistique et la linguistique geacuteneacuterale

    notamment pour leacutetude des peacuteriphrases des auxiliaires et de lauxiliation

    Nous nous fixons eacutegalement un second objectif agrave savoir celui de rendre compte de lorganisation

    du systegraveme de preacutedication verbale du wolof en nous fondant sur lapproche constructionnelle Les

    constructions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes

    mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute dinformations Certains regroupements savegraverent

    neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences entre constructions Le cadre fourni

    par les grammaires de construction permet de rendre compte de faccedilon relativement simple et claire

    des liens entre les constructions verbales du wolof

    Enfin notre dernier objectif est de proposer une analyse comparative des constructions verbales

    des langues atlantiques afin de deacuteterminer notamment ce qui dans la conjugaison du wolof est issu

    du proto-atlantique

    - 29 -

    02 Cadre theacuteorique

    021 Une approche typologique

    Dans ce travail nous adoptons une approche typologique Par laquo approche typologique raquo nous

    faisons reacutefeacuterence agrave lapproche deacuteveloppeacutee notamment par Croft (1990) Haspelmath (2001)

    Creissels (2006a 2006b) ou Shopen (2007) La typologie linguistique peut ecirctre deacutefinie comme

    laquo leacutetude systeacutematique de la variation de la structure des langues et des limites de cette variation raquo3

    (Comrie et al 2013) Ainsi la diversiteacute des langues (ou diversiteacute translinguistique4) constitue le

    cœur de leacutetude typologique En outre lapproche typologique est intimement lieacutee agrave la linguistique

    descriptive En ce sens nous pouvons consideacuterer que la Theacuteorie Linguistique de Base (Basic

    Linguistic Theory) deacuteveloppeacutee par Dixon (2010) sinscrit eacutegalement dans une approche typologique

    Fournir une preacutesentation geacuteneacuterale et deacutetailleacutee de la ou des approches typologiques deacutepasse

    largement le cadre de cette section Pour cela nous renvoyons le lecteur agrave louvrage de Croft (1990)

    aux premiers chapitres des ouvrages eacutediteacutes par Haspelmath (2001) ou encore agrave larticle de Lazard

    (1998) Lobjectif de cette section est de preacutesenter les eacuteleacutements de lapproche typologique pertinents

    pour appreacutehender notre travail

    0211 Les limites de la dichotomie formalisme-fonctionnalisme

    Un grand nombre de travaux typologiques posent une dichotomie entre fonctionnalisme et

    formalisme La typologie serait intimement lieacutee au fonctionnalisme au point de parler dapproche

    typologico-fonctionnelle (functional-typological approach) Elle sopposerait agrave lapproche formelle

    deacutefendue par leacutecole chomskyenne Cette vision est notamment deacutefendue par Croft (1990) ou Givoacuten

    (1990 2001)

    Suivant Creissels (2006a 3-5) nous rejetons cette dichotomie dont les termes ont eacuteteacute mal

    poseacutes En effet elle repose sur une confusion entre laquo formalisme raquo laquo grammaire geacuteneacuterative raquo et

    laquo grammaire geacuteneacuterative transformationnelle raquo Ces trois termes bien que plus ou moins lieacutes les uns

    aux autres ne sont pas assimilables La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle cest-agrave-dire

    3 laquo the systematic study of the ways in which the languages of the world vary structurally and of the limits to thisvariation raquo

    4 Nous employons le terme laquo translinguistique raquo comme un eacutequivalent du terme laquo cross-linguistic raquo Nous preacutefeacuteronseacuteviter le terme laquo interlinguistique raquo en raison de son utilisation en sciences du langage pour deacutesigner des notionstregraves diffeacuterentes

    - 30 -

    lensemble des theacuteories deacuteveloppeacutees au sein de leacutecole chomskyenne (Theacuteorie du Gouvernement et

    du Liage Programme Minimaliste) ne constitue quune partie des theacuteories geacuteneacuterativistes Agrave partir

    de la fin des anneacutees 1970 des courants proposant des grammaires geacuteneacuteratives non

    transformationnelles ont commenceacute agrave eacutemerger Cest notamment le cas de la Grammaire

    Syntagmatique guideacutee par les Tecirctes (Head-driven Phrase Structure Grammar) Par ailleurs les

    grammaires geacuteneacuteratives ne sont pas les seules theacuteories formelles Par exemple la Theacuteorie Sens-

    Texte (Meaning-Text Theory) propose un modegravele formel dans le cadre des grammaires de

    deacutependance En outre laquo il existe des theacuteories notamment celles deacuteveloppeacutees autour de Dik

    (Functional Grammar) et de Van Valin (Role and Reference Grammar) qui saffichent comme

    lsquofonctionnalistesrsquo tout en proposant une preacutecision dans la formalisation largement supeacuterieure agrave ce

    quon trouve dans le courant chomskyen raquo (Creissels 2006a 3-5)

    Il ny a donc aucune incompatibiliteacute theacuteorique reacuteelle entre laquo fonctionnalisme raquo et laquo formalisme raquo

    Au sens strict le formalisme peut ecirctre entendu comme laquo le souci de proposer des descriptions aussi

    preacutecises explicites et logiquement coheacuterentes que possible raquo (Creissels 2006a 4) Ainsi ces deux

    approches ne sopposent pas mais sont plutocirct compleacutementaires

    Ainsi nous consideacuterons que lapproche typologique ne sinscrit pas neacutecessairement dans un cadre

    fonctionnaliste strict et ne soppose pas neacutecessairement aux theacuteories proposant des formalisations

    Il ny a aucune opposition de principe entre typologie et formalisation

    0212 Typologie et modegraveles theacuteoriques

    Dans ce travail nous adoptons la mecircme approche eacuteclectique que Creissels (2006a 2006b) Cette

    approche laquo consiste agrave examiner agrave la fois dune part les descriptions de langues aussi varieacutees que

    possible dautre part les propositions de theacuteoriciens dorientations diverses pour essayer de deacutegager

    les notions qui dans leacutetat actuel des choses semblent permettre de rendre compte de faccedilon optimale

    des connaissances deacutejagrave acquises sur la diversiteacute des structures syntaxiques des langues sans perdre

    de vue bien sucircr la neacutecessiteacute dinteacutegrer ces notions en une synthegravese coheacuterente raquo (Creissels 2006a 2)

    Dans les faits la plupart des travaux relevant de la typologie ou de la linguistique descriptive

    adoptent ce type dapproche

    Cette approche en ne sinscrivant explicitement dans aucun cadre theacuteorique preacutecis est parfois

    preacutesenteacutee comme laquo atheacuteorique raquo par ceux qui lemploient Cependant selon Dryer (2006) cette

    approche correspond en fait agrave celle de la Theacuteorie Linguistique de Base (Basic Linguistic Theory)

    deacuteveloppeacutee par Dixon (2010) Mecircme sils ne le disent pas explicitement la plupart des typologues

    - 31 -

    travaillent de facto dans le cadre de cette theacuteorie Ainsi selon Creissels (2015b 20)

    laquo Une caracteacuteristique essentielle de la theacuteorie linguistique de base est son caractegravere

    cumulatif Elle a eacutemergeacute de la pratique de la description des langues de plus en plus

    nombreuses et diverses et chaque description dune nouvelle langue est susceptible de

    lenrichir On insiste souvent sur les querelles theacuteoriques en linguistique mais si on observe

    la pratique de la description des langues ce qui frappe au contraire cest la convergence

    remarquable entre des descripteurs qui pourtant dans lensemble ne sont pas

    particuliegraverement soucieux dexpliquer leur cadre theacuteorique (et qui preacutetendent mecircme

    souvent ne pas en avoir) Le meacuterite de Dixon et de quelques autres theacuteoriciens se situant

    dans la mecircme perspective a eacuteteacute de tenter dexpliciter cette convergence ainsi que la

    coheacuterence theacuteorique qui la sous-tend raquo

    Ainsi la Theacuteorie Linguistique de Base correspond agrave lapproche adopteacutee de facto par la plupart

    des typologues et des linguistes pratiquant la description de langues Le rocircle de Dixon (2010) a eacuteteacute

    de deacutevelopper cette approche de maniegravere explicite et systeacutematique

    Notre travail sinscrit donc essentiellement dans le cadre de cette theacuteorie notamment pour les

    Parties I II et IV Dans la Partie III nous adoptons une approche constructionnelle Ces deux

    approches ne sopposent pas mais sont compleacutementaires (sect 022)

    0213 Le problegraveme de la comparabiliteacute translinguistique

    Dans le cadre dune eacutetude typologique il est neacutecessaire de sassurer de la comparabiliteacute des

    donneacutees (Croft 1990 11-18) laquo Chaque langue dispose de sa propre seacutelection de notions

    grammaticaliseacutees et sa maniegravere speacutecifique de les organiser en un systegraveme grammatical Mais il y a

    des similitudes entre les systegravemes grammaticaux raquo (Lazard 1992 58) La question quon est alors

    tenu de se poser est la suivante existe-t-il des cateacutegories translinguistiques Suivant Lazard (1992)

    et Haspelmath (2010) nous consideacuterons quil nexiste pas agrave proprement parler de cateacutegories

    translinguistiques mais plutocirct laquo des notions invariantes autour desquelles les cateacutegories des langues

    particuliegraveres en quelque sorte se cristalliseraient preacutefeacuterentiellement raquo (Lazard 1992 61)

    Chaque langue dispose de ses propres cateacutegories Pour deacutecrire une langue le linguiste doit creacuteer

    un ensemble de cateacutegories descriptives adeacutequates (Haspelmath 2010 664) Ces cateacutegories sont

    souvent similaires dune langue agrave lautre laquo Mais cette ressemblance nest jamais une identiteacute raquo

    (Lazard 1992 59) Consideacuterer que la mecircme cateacutegorie est commune agrave plusieurs langues ne permet

    - 32 -

    pas de rendre compte des similitudes et des diffeacuterences entre ces langues (Haspelmath 2010 664)

    Ainsi le typologue doit agrave la fois prendre en compte la speacutecificiteacute des langues particuliegraveres

    (diffeacuterences entre les cateacutegories grammaticales agrave travers les langues) et deacutepasser ces diffeacuterences

    pour permettre la comparaison Pour ce faire il convient dutiliser ce que Haspelmath (2010)

    appelle des laquo concepts comparatifs raquo

    Les concepts comparatifs sont des concepts creacuteeacutes par le linguiste dans le but preacutecis deffectuer

    des comparaisons translinguistiques Agrave la diffeacuterences des cateacutegories descriptives les concepts

    comparatifs ne sont pas lieacutes au systegraveme grammatical dune langue particuliegravere En outre les

    concepts comparatifs sont souvent nommeacutes de la mecircme faccedilon que les cateacutegories descriptives mais

    leur relation nest pas biunivoque Un concept comparatif peut preacutesenter un ensemble de proprieacuteteacutes

    plus large que la cateacutegorie descriptive laquo correspondante raquo dans une langue donneacutee et inversement

    la cateacutegorie descriptive dune langue peut correspondre agrave plusieurs concepts comparatifs Enfin les

    concepts comparatifs sont universellement applicables et sont deacutefinis sur la base dautres concepts

    universellement applicables concepts seacutemantico-conceptuels universels concepts formels

    geacuteneacuteraux et autres concepts comparatifs (Haspelmath 2010 665)

    0214 Le caractegravere explicatif de la diachronie

    Depuis Saussure (1916 114-140) la linguistique a coutume de nettement seacuteparer lapproche

    synchronique de lapproche diachronique Selon cet auteur ces deux approches reposent sur des

    meacutethodologies et des objectifs distincts Neacuteanmoins si cette distinction semble bien convenir agrave une

    eacutetude purement descriptive (reacutedaction de grammaire description dun aspect preacutecis dune langue

    etc) elle ne doit pas ecirctre perccedilue comme une barriegravere theacuteorique infranchissable De fait le recours agrave

    la diachronie savegravere souvent indispensable pour expliquer les proprieacuteteacutes de certaines constructions

    ou la place quelle occupe au sein de la langue

    Comme le note Bybee (2010 110) les constructions dune langue sont le reacutesultat de plusieurs

    changements ayant eu lieu au cours de leacutevolution de cette langue Elles peuvent donc preacutesenter

    plusieurs proprieacuteteacutes idiosyncrasiques en synchronie qui ne peuvent ecirctre expliqueacutees sans avoir

    recours agrave la diachronie Dune maniegravere geacuteneacuterale la diachronie peut ecirctre prise en compte pour

    expliquer des situations observables en synchronie laquo les langues sont en perpeacutetuel changement ce

    qui autorise agrave penser que si un type dorganisation est peu ou pas du tout attesteacute cest probablement

    parce quil nest pas laboutissement dun type freacutequent de changement linguistique alors que les

    types dorganisation particuliegraverement bien attesteacutes doivent constituer laboutissement de

    - 33 -

    changements qui tendent agrave se produire freacutequemment dans lhistoire raquo (Creissels 2006a 6)

    Les travaux eacutelaboreacutes dans le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation ont permis de montrer

    quil existe des reacutegulariteacutes dans les changements grammaticaux expliquant ainsi pourquoi certains

    types dorganisation sont largement attesteacutes alors que dautres semblent napparaicirctre dans aucune

    langue (Bybee 1988 Bybee et al 1994 Heine amp Kuteva 2002) Par exemple dans les langues

    posseacutedant une syntaxe rigide le verbe est soit en position initiale soit en position finale soit situeacute

    apregraves un (plus rarement deux) eacuteleacutements de la constructions mais il nexiste aucune langue ougrave il soit

    situeacute en position peacutenultiegraveme (Creissels 2006a 6)

    Plusieurs travaux eacutelaboreacutes notamment dans le cadre de la linguistique cognitive considegraverent la

    langue comme un systegraveme complexe adaptatif (Ellis amp Larsen-Freeman 2009) Selon cette

    approche la langue est un systegraveme en perpeacutetuelle eacutevolution faccedilonneacute par divers facteurs comme les

    interactions sociales ou des processus cognitifs (Beckner et al 2009) Cette approche permet une

    analyse unifieacutee des divers pheacutenomegravenes linguistiques qui semblent a priori non lieacutes les uns aux

    autres Elle permet notamment dinteacutegrer les observations synchroniques avec les modegraveles

    diachroniques (Bybee 2010 194) En effet la langue eacutetant un systegraveme en perpeacutetuelle eacutevolution il

    semble a priori difficile de lanalyser sans prendre en compte les diverses eacutetapes de son eacutevolution

    ainsi que les facteurs agrave lorigine de ces eacutetapes laquo le changement linguistique nest pas uniquement

    un pheacutenomegravene peacuteripheacuterique que lon peut ajouter agrave une theacuteorie synchronique il faut consideacuterer que

    la synchronie et la diachronie forment un tout raquo (Bybee 2010 105) Ainsi au delagrave du cadre de la

    typologie seule la diachronie nous fournit des arguments pour expliquer le caractegravere arbitraire de

    certaines constructions observables en synchronie (Bybee 2010 110)

    022 Une approche constructionnelle

    Comme nous lavons indiqueacute plus haut lapproche adopteacutee dans ce travail est essentiellement

    typologique Neacuteanmoins dans la Partie III nous adoptons eacutegalement une approche

    constructionnelle cest-agrave-dire que nous nous placcedilons dans le cadre des grammaires de construction

    Ces deux approches ne sont pas incompatibles mais compleacutementaires5

    Fournir une preacutesentation geacuteneacuterale et deacutetailleacutee des grammaires de construction deacutepasse largement

    le cadre de cette section Pour cela nous renvoyons le lecteur agrave Goldberg (2003) Croft amp Cruse

    (2004 Ch 10) Franccedilois (2008) ou Guignard (2012) Lobjectif de cette section est de preacutesenter les

    5 Ainsi Croft (2001) ou Bybee (2010) adoptent explicitement les deux approches dans leurs travaux

    - 34 -

    eacuteleacutements de lapproche constructionnelle pertinents pour appreacutehender notre travail

    0221 La notion de construction

    La notion de laquo construction raquo constitue la notion centrale des grammaires de construction Une

    construction est une uniteacute composeacutee dune forme et dun sens Cette notion est assez similaire agrave la

    notion saussurienne de laquo signe linguistique raquo cest-agrave-dire la combinaison dun signifieacute (sens) et dun

    signifiant (forme) (Saussure 1916 97-100) Neacuteanmoins la plupart des grammaires de construction

    ajoutent eacutegalement un critegravere de non compositionnaliteacute Ainsi Goldberg (1995 4) propose la

    deacutefinition suivante

    laquo C est une construction si et seulement si C est une paire forme-sens ltFi Sigt telle que

    certains aspects de Fi ou de Si ne sont pas strictement preacutedictibles agrave partir des parties qui

    composent C ou agrave partir dautres constructions raquo

    La forme dune construction englobe toutes ses proprieacuteteacutes formelles proprieacuteteacutes syntaxiques

    proprieacuteteacutes morphologiques et proprieacuteteacutes phonologiques Le sens dune construction renvoie agrave

    lensemble des aspects conventionnels lieacutes agrave sa fonction ce qui inclut ses proprieacuteteacutes seacutemantiques

    ses proprieacuteteacutes pragmatiques et ses proprieacuteteacutes discursives (Croft 2001 18-19)

    CONSTRUCTION

    Proprieacuteteacutes syntaxiques

    Proprieacuteteacutes morphologiques

    Proprieacuteteacutes phonologiques

    FORME

    lien symbolique

    Proprieacuteteacutes seacutemantiques

    Proprieacuteteacutes pragmatiques

    Proprieacuteteacutes discursives

    SENS

    Figure 01 - Structure symbolique dune construction

    0222 Le continuum lexico-grammatical

    Selon lapproche constructionnelle tous les niveaux de description doivent ecirctre analyseacutes comme

    des constructions ce qui inclut la morphologie deacuterivationnelle et flexionnelle des uniteacutes lexicales

    des phrasegravemes plus ou moins figeacutes des structures syntaxiques sans speacutecification lexicale ou encore

    - 35 -

    des cateacutegories syntaxiques abstraites (Goldberg 2003 219 Franccedilois 2008 7-8)

    Le corollaire de cette position est quil ny a pas de diffeacuterence de nature entre le lexique les

    structures phrastiques et les laquo regravegles grammaticales raquo Le savoir grammatical repreacutesente un

    continuum agrave deux dimensions (Croft amp Cruse 2004 255-256 Guignard 2012 24-25) Dune part

    on reconnaicirct un axe atomique-complexe Par exemple le mot table est une construction atomique

    alors que le mot porte-avion est une construction complexe Dautre part on reconnaicirct un axe

    substantiel-scheacutematique Par exemple le mot porte-avion est une construction substantielle cest-agrave-

    dire entiegraverement instancieacutee En revanche laquo agrave condition de SV raquo est une construction partiellement

    scheacutematique dont le SV nest pas speacutecifieacute

    0223 La place des constructions dans la grammaire

    La faccedilon dont les constructions sorganisent pour constituer la grammaire dune langue est une

    question fondamentale pour lapproche constructionnelle Les constructions dune langue ne forment

    pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement

    structureacute dinformations (Goldberg 1995 5) Ce point sera traiteacute en deacutetail au Chapitre 10 Il sert de

    base theacuteorique pour notre preacutesentation de lorganisation des constructions verbales du wolof

    (Partie III)

    0224 Une approche reacutealiste

    Les grammaires de constructions adoptent une approche que Creissels (2006a 2) qualifie de

    reacutealiste et que Goldberg (2003 219) qualifie de laquo what you see is what you get raquo Autrement dit

    cette approche est non deacuterivationnelle et non transformationnelle

    laquo Les reacutegulariteacutes dans la construction des phrases doivent se deacutecrire par reacutefeacuterence aux phrases

    telles que nous les percevons et non pas comme le reacutesultat de la transformation de structures

    syntaxiques abstraites dans lesquelles les mots pourraient ecirctre rangeacutes dans un ordre diffeacuterent de

    celui quil est possible dobserver ou dans lesquelles des eacuteleacutements morphologiques figureraient

    deacutetacheacutes du mot dont ils font partie raquo (Creissels 2006a 2) Nous ne ferons laquo pas non plus appel

    pour expliquer les reacutegulariteacutes syntaxiques agrave la preacutesence deacuteleacutements lsquoeffaceacutesrsquo ou lsquoinvisiblesrsquo qui bien

    que napparaissant pas dans les phrases telles quelles sont produites seraient susceptibles

    drsquointeragir avec les autres eacuteleacutements de la phrase exactement comme pourrait le faire un mot

    concret raquo (Creissels 2006a 2-3)

    - 36 -

    0225 Les diffeacuterentes theacuteories constructionnelles

    Les grammaires de construction ne constituent pas un cadre theacuteorique unique mais plutocirct un

    ensemble de theacuteories partageant plusieurs principes fondamentaux Parmi les grammaires de

    construction on peut distinguer quatre grands courants (Croft amp Cruse 2004 Ch 10 Franccedilois

    2008) la Grammaire de Construction par Unification (Unification Construction Grammar) ou

    laquo Eacutecole de Berkeley raquo deacuteveloppeacutee par Fillmore amp Kay (1993) la Grammaire de Construction

    Cognitive (Cognitive Construction Grammar) deacuteveloppeacutee par Lakoff (1987) et Goldberg (1995) la

    Grammaire Cognitive (Cognitive Grammar) deacuteveloppeacutee par Langacker (2008) et la Grammaire de

    Construction Radicale (Radical Construction Grammar) deacuteveloppeacutee par Croft (2001) Ces

    diffeacuterents courants se distinguent sur plusieurs points (compositionnaliteacute rocircle de la polyseacutemie etc)

    dont deux vont particuliegraverement nous inteacuteresser la diversiteacute translinguistique et la formalisation

    La Grammaire de Construction Radicale (Croft 2001) est le seul courant agrave avoir explicitement

    une viseacutee typologique Concernant la comparabiliteacute translinguistique Croft (2001) adopte la

    position que nous avons preacutesenteacutee en (sect 0213) laquo Pour Croft aucun test syntaxique ne pourra

    seacutelectionner toutes et rien que les entiteacutes quon pourrait vouloir appeler verbes noms adjectifs

    sujets objets etc agrave travers les langues Les geacuteneacuteralisations existantes sont deacutetermineacutees par la

    motivation fonctionnelle agrave laquelle les constructions de chaque langue sont soumises raquo (Franccedilois

    2008 12) De fait Goldberg (1995) approuve explicitement cette position (Franccedilois 2008 12)

    Concernant la formalisation on constate de grandes divergences dun courant agrave lautre Il ny a

    pas de mode de repreacutesentation uniforme commun agrave toutes les grammaires de construction La

    Grammaire de Construction par Unification fait une utilisation systeacutematique dun mode de

    repreacutesentation formel similaire agrave celui de HPSG structures de traits sous forme de matrices

    attribut-valeur (Matthieu 2003) En revanche les autres courants nutilisent pas de formalisation

    clairement deacutefinie Ils font usage de notations scheacutematiques plus ou moins formelles dans un but

    dillustration

    Lapproche adopteacutee dans notre eacutetude eacutetant essentiellement typologique nous nous placcedilons plutocirct

    dans le cadre de la Grammaire de Construction Radicale (Croft 2001)

    03 Corpus et sources des exemples

    Comme la plupart des langues autochtones dAfrique subsaharienne le wolof est essentiellement

    - 37 -

    une langue agrave tradition orale Ainsi malgreacute son importance deacutemographique et sociolinguistique

    (sect 041) il existe relativement peu de textes eacutecrits dans cette langue En outre une part importante

    des textes reacutedigeacutes en wolof est difficilement exploitable pour une analyse linguistique en raison de

    lorthographe adopteacutee (sect 0445) Par ailleurs agrave lheure actuelle il nexiste pas de corpus de

    reacutefeacuterence pour le wolof6

    Pour ce travail notre corpus est constitueacute de plusieurs types de textes

    bull Les recueils de contes de Ma Cisseacute (1994) et Diouf et al (2009) Nous avons exclu le

    recueil de Kesteloot amp Dieng (1989) en raison de nombreuses erreurs de transcriptions7

    bull Un recueil de poegravemes de Ndiaye (1999)

    bull Un roman de Boubacar Boris Diop (Joacuteob 2003)

    bull Le recueil de proverbes tregraves exhaustif compileacute par Shawyer (2009)

    bull Les exemples issus du dictionnaire de Diouf (2003) Ces exemples sont issus dun large

    corpus pluridialectal collecteacute sur le terrain

    Agrave ces sources principales nous avons ajouteacute

    bull Les exemples issus de travaux preacutesentant explicitement lorigine de leur corpus ainsi que la

    deacutemarche adopteacutee pour le recueil etou la seacutelection Church (1981) Robert (1991) Fal

    (1999)

    bull Les exemples issus des autres travaux sur le wolof Nous utilisons ces exemples

    essentiellement pour illustrer les analyses deacutefendues par leurs auteurs

    bull Des textes traduits en wolof la Bible la laquo Deacuteclaration Universelles des Droits de

    lHomme raquo (Organisation des Nations Unies 1998) un roman de Camara Laye (Laay 2007)

    bull Des eacutenonceacutes obtenus par eacutelicitation aupregraves de nos informateurs Nous utilisons ce type

    deacutenonceacutes uniquement pour controcircler la grammaticaliteacute de formes non attesteacutees dans notre

    corpus

    Nous illustrons nos arguments et analyses essentiellement avec des exemples issus de Diouf

    (2003) Il sagit dun choix pragmatique ces exemples sont fiables et relativement courts Tous ces

    exemples ont eacuteteacute veacuterifieacutes par nos informateurs

    6 Il nexiste pas de corpus comparable au Corpus Bambara de Reacutefeacuterence (httpcormandhuma-numfr)7 La 3e eacutedition revue et corrigeacutee par Jean-Leacuteopold Diouf (Kesteloot amp Dieng 2015) est parue trop tardivement pour

    ecirctre inteacutegreacutee agrave notre corpus

    - 38 -

    Concernant les autres langues les donneacutees sont essentiellement issues de descriptions

    grammaticales deacutetailleacutees (grammaires de reacutefeacuterences) Pour les langues bien documenteacutees nous

    utilisons eacutegalement des donneacutees issues darticles reacutedigeacutes par des speacutecialistes de la langue en

    question et traitant speacutecifiquement des points que nous preacutesentons mais si possible en

    compleacutement dune description complegravete de la langue Les sources de troisiegraveme main (ex travaux

    typologiques citant des grammaires) ne sont jamais exploiteacutees telles quelles Les donneacutees sont

    veacuterifieacutees (voir reacuteanalyseacutees) agrave partir de la source originelle

    04 La langue wolof

    041 Situation actuelle

    Le wolof est une langue essentiellement parleacutee en Seacuteneacutegambie Seacuteneacutegal Gambie sud de la

    Mauritanie On trouve eacutegalement dimportantes communauteacutes au Mali en Guineacutee en Cocircte dIvoire

    au Gabon en France et aux Eacutetats-Unis (Ka 2001 816) Au Seacuteneacutegal la langue est principalement

    parleacutee dans les reacutegions issues des anciens royaumes wolof (Cayor Djolof Baol Walo et Saloum8)

    cest-agrave-dire sur la cocircte atlantique entre Dakar et Saint-Louis sur la Petite-Cocircte ainsi quau nord-

    ouest du fleuve Gambie (Figures 029 amp 0310)

    Selon Lewis et al (2013) le wolof est la principale langue du Seacuteneacutegal En 2006 elle compterait

    3 976 500 locuteurs natifs dont 3930000 au Seacuteneacutegal et 12 000 en Mauritanie auxquels il convient

    dajouter les 185000 locuteurs du dialecte de Gambie Leclerc (2014)11 donne des chiffres

    relativement proches Selon lui il y aurait 5208000 wolophones12 au Seacuteneacutegal (repreacutesentant 397

    de la population) 225 790 en Gambie (repreacutesentant 179 de la population) et 15000 en

    Mauritanie (repreacutesentant 04 de la population)

    8 Le nom de ces royaumes en wolof est respectivement Kajoor Jolof Bawol Waalo et Saalum9 Extrait de Diop (1981 6)10 Extrait de Fal et al (1990 6)11 cf les pages

    lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquesenegalhtmgt actualiseacutee le 5 feacutevrier 2013 lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquegambiehtmgt actualiseacutee le 27 avril 2010 lthttpwwwtlfqulavalcaaxlafriquemauritaniehtmgt actualiseacutee le 28 avril 2010

    12 Suivant Leacuteopold Seacutedar Senghor (Dumont 1983 13) nous preacutefeacuterons la forme wolophone agrave la forme wolofophone

    - 39 -

    - 40 -

    Figure 03 - Reacutepartition des wolophones en Seacuteneacutegambie

    Figure 02 - Localisation des principaux anciens royaumes wolof

    Au Seacuteneacutegal le wolof sert de langue veacutehiculaire Leclerc (2014) estime quil est compris par plus

    de 90 de la population totale du pays et est la principale langue utiliseacutee agrave la radio (70 des

    eacutemissions des radios priveacutees sont en wolof) Ainsi on estime quenviron 10000000 de personnes

    sont capables de parler le wolof

    Dun point de vue politique le wolof nest la langue officielle daucun eacutetat Il jouit cependant du

    statut de langue nationale au Seacuteneacutegal et en Mauritanie statut reconnu par la Constitution dans ces

    deux pays

    042 Variantes dialectales

    La dialectologie du wolof reste un domaine relativement peu deacuteveloppeacute Certains auteurs placent

    explicitement leurs travaux dans le cadre de leacutetude dun dialecte preacutecis comme le laquo parler du

    Dyolof raquo pour Sauvageot (1965) ou le laquo wolof de Gambie raquo pour Njie (1982) Neacuteanmoins les

    travaux reacuteellement dialectologiques restent peu nombreux

    Selon Robert (2011 23-24) le wolof est une langue peu dialectaliseacutee Le seul dialecte

    clairement identifiable serait le parler leacutebou utiliseacute dans la presquicircle du Cap-Vert Dans leacutetat actuel

    de la langue la diffeacuterenciation sopeacutererait plus entre un laquo wolof des villes raquo idiome veacutehiculaire

    parsemeacute demprunts franccedilais et ayant subi divers laquo simplifications raquo grammaticales (dont une

    reacuteduction du nombre de classes nominales) et un laquo wolof des campagnes raquo idiome vernaculaire

    consideacutereacute comme eacutetant grammaticalement et lexicalement plus laquo pur raquo13

    Ka (2001 816) sil admet que la grammaire de la langue varie peu au sein de laire linguistique

    affirme quil existe de nombreuses varieacuteteacutes reacutegionales ou dialectes dont les diffeacuterences sont surtout

    phoneacutetiques et lexicales Il identifie quatre zones dialectales majeures Nord (comprenant les

    dialectes du Djolof et du Walo) Central (comprenant les dialectes du Cayor et du Baol) Cap-Vert

    (comprenant le dialecte leacutebou) et Saloum (comprenant le dialecte de Gambie) Il signale par

    ailleurs que le dialecte du Cayor est consideacutereacute comme eacutetant le plus laquo pur raquo et constitue donc le

    dialecte standard

    Selon Drameacute (2012) si les diffeacuterences entre les varieacuteteacutes reacutegionales ne posent pas de problegraveme

    dincompreacutehension elles doivent neacuteanmoins ecirctre traiteacutees comme des dialectes distincts Son analyse

    phonologique et morphologique lui permet disoler clairement trois dialectes le wolof de Dakar le

    faana-faana et le leacutebou Le wolof de Dakar constitue le dialecte veacutehiculaire parleacute dans les centres

    13 Torrence (2013a 7) parle de wolof bu xoacuteot (wolof profond)

    - 41 -

    urbains issu des brassages de population et marqueacute par de nombreux emprunts et par une tendance

    agrave simplifier son systegraveme de classification nominale Le fanaa-fanaa est une variante dialectale du

    Saloum dont les speacutecificiteacutes sont dues agrave son eacuteloignement geacuteographique son enclavement et la

    seacutedentariteacute de ses locuteurs Le dialecte leacutebou constitue un ensemble de parlers reacutepartis dans la

    reacutegion de Dakar

    043 Classification

    Dans toutes les classifications reacutecentes le wolof est classeacute dans la branche nord des langues

    atlantiques Les langues atlantiques appartiennent agrave la famille Niger-Congo Elles laquo forment un

    groupe dune quarantaine de langues parleacutees essentiellement le long de la cocircte de loceacutean Atlantique

    du Seacuteneacutegal au Liberia raquo (Pozdniakov 2011 20) En se basant sur les listes Swadesh de 100 mots

    dune trentaine de langues Sapir (1971) propose une classification interne de la famille atlantique

    Cette classification sera en grande partie reprise par Wilson (1989) (Figure 04) et servira de base agrave

    la plupart des classifications preacutesenteacutees dans la litteacuterature notamment Williamson amp Blench (2004)

    et Lewis et al (2013)14

    Agrave partir de Doneux (1975) et Wilson (1989) Williamson amp Blench (2004 32) reacutesument ainsi les

    principales caracteacuteristiques linguistiques des langues atlantiques

    1) Classification nominale Complegravete Preacutefixes originels Deacutegradeacutee renouvellement par

    suffixes ou augments Alternance consonantique initiale avec conditionnement

    grammatical

    2) Deacuterivation verbale Reacutepandue

    3) Pronoms Opposition inclusif exclusif freacutequente

    4) Ordre des mots SVOX preacutepositions

    5) Constituant nominal Geacuten + N N + Num N + Deacutem

    14 Pour une preacutesentation complegravete des eacutetudes sur la famille atlantique voir lintroduction de Doneux (1991)

    - 42 -

    - 43 -

    Figure 04 - Classification des langues atlantiques selon Wilson (1989)

    Nord

    Seacuteneacutegambie

    Cangin

    Bak

    Joola

    Tenda

    Peul

    Sereer

    Wolof

    Laalaa Ndut

    Fonyi Banjal

    Seacuteneacutegal Oriental Guineacutee

    Sud

    Balant

    Manjaku Pepel

    Basari Bedik

    Konyagi

    Biafada Pajade

    Buy

    Nyun

    Bijogo

    Sua

    Mel

    Temne

    Sherbro

    Gola

    Limba

    Nalu Baga Foreacute

    Le wolof respecte clairement la premiegravere caracteacuteristique puisquil dispose dune classification

    nominale complegravete (Pozdniakov 1993 75-102)15 avec pour certains noms des preacutefixes deacutegradeacutes

    renouveleacutes par des suffixes ou des augments comme pour jigeacuteen ji (la femme) qui semble contenir

    un preacutefixe ji- renouveleacute par le deacuteterminant deacutefini postposeacute ji Il dispose eacutegalement pour certains

    noms dune alternance consonantique initiale avec conditionnement grammatical po (jeu) fo

    (jouer) beumlt (œil) geumlt (yeux) Il respecte eacutegalement la seconde caracteacuteristique puisquil dispose dun

    grand nombre de suffixes de deacuterivations verbales (Ka 1981 13-52) Le wolof respecte eacutegalement la

    quatriegraveme caracteacuteristique (sect 44) En revanche le wolof ne marque pas dopposition inclusif

    exclusif dans son systegraveme pronominal16 et la construction du constituant nominal dans cette langue

    ne respecte que partiellement la cinquiegraveme caracteacuteristique (Gueacuterin 2011 54-143)

    Cependant la classification des langues atlantiques heacuteriteacutee de Sapir (1971) et Wilson (1989) est

    aujourdhui remise en cause Pozdniakov (2011 20) note que laquo la seule certitude en ce qui

    concerne la classification est lappartenance des langues atlantiques agrave la famille Niger-Congo La

    distance linguistique entre les langues est si grande que mecircme aujourdhui lidentification dun

    groupe atlantique au sein du Niger-Congo nest pas justifieacutee du point de vue de la meacutethode

    comparative classique et repose uniquement sur des critegraveres dordre geacuteographique raquo Cela explique

    les diffeacuterences entre les diverses classifications proposeacutees pour cette famille

    En se basant sur des comparaisons lexicales morphologiques morphophonologiques et

    phoneacutetiques Pozdniakov amp Segerer (agrave paraicirctre) proposent une nouvelle classification interne de la

    famille atlantique Cette derniegravere seacutecarte de la classification classique sur plusieurs points Ainsi le

    peul et le sereer forment un groupe Ce point est en adeacutequation avec les reacutesultats de Sapir (1971) Le

    wolof constitue un groupe isoleacute dans la branche Nord tout comme le groupe Nyun-Buy Le groupe

    Tenda-Jaad est rapprocheacute du groupe Peul-Sereer Par ailleurs Pozdniakov amp Segerer introduisent

    une nouvelle branche Centre qui regroupe les langues classiquement nommeacutees bak et le bijogo

    Enfin la branche Sud est supprimeacutee Les langues du groupes Nalu ainsi que le limba et le sua sont

    consideacutereacutes comme de possibles isolats et les langues Mel sont exclues de la famille atlantique

    15 La traduction franccedilaise de cet extrait (Les classes nominales et le traitement des consonnes initiales atlantiques enwolof) est disponible sur le site de lauteur lthttppozdniakovfreefrgt

    16 Neacuteanmoins selon Pozdniakov amp Segerer (2004 153) laquo il ny a pas de raison de reconstruire lopposition 1plinclusif ~ 1pl exclusif en atlantique raquo

    - 44 -

    - 45 -

    Figure 05 - Classification des langues atlantiques selon Pozdniakov amp Segerer

    Nord

    Cangin

    Joola

    Tenda-Jaad

    Peul

    Sereer

    Wolof

    Laalaa Ndut

    Fogny KwaatayCentre

    Kentohe Ganja

    Manjaku Pepel

    Basari Konyagi

    Biafada Pajade

    Buy

    Nyun

    Bijogo

    Sua

    Limba

    Nalu Baga Foreacute

    Peul-Sereer

    Nyun-Buy

    Manjaku

    Nalu

    Wolof

    Bijogo

    Balant

    044 Phonologie

    0441 Le systegraveme phonologique

    Dans ce travail nous reprenons linventaire phonologique de MT Cisseacute (2006) que nous avons

    leacutegegraverement modifieacute en tenant compte de Creissels (1994 73-74) Le wolof compte 60 phonegravemes

    dont 45 consonnes (Tableau 01) et 15 voyelles (Tableau 02)

    Tableau 01 - Inventaire consonantique17

    Labiale Dentale Palatale Veacutelaire Uvulaire Glottale

    Occ

    lusi

    ve ForteGeacutemineacutee

    Orale pː bː tː dː cː ɟː kː gː qː

    Nasale mː nː ɲː ŋː

    Preacutenasale mp mb nt nd ɲc ɲɟ ŋk ŋg ɴq

    Faible Orale p b t d c ɟ k g ʔ

    Nasale m n ɲ ŋ

    Con

    tin

    ue Non-approximante f r s χ

    ApproximanteForte lː jː wː

    Faible l j w

    Tableau 02 - Inventaire vocalique

    Bregraveve Longue

    Anteacuterieure Centrale Posteacuterieure Anteacuterieure Centrale Posteacuterieure

    Fermeacutee+ATR

    i u iː uː

    e ə o eː oː

    -ATRɛ ↄ ɛː ↄː

    Ouverte ɐ aː

    La preacutesentation des tableaux ci-dessus peut sembler un peu heacuteteacuterodoxe mais elle reacutepond agrave un

    souci de rigueur dans lanalyse phonologique de la langue En effet il est pertinent de diviser les

    consonnes du wolof en laquo faibles raquo correspondant agrave des phones simples et en laquo fortes raquo

    correspondant agrave des phones que lon pourrait qualifier de complexes les geacutemineacutees et les preacutenasales

    17 Dans une mecircme case les symboles de droite repreacutesentent des consonnes sonores et ceux de gauche repreacutesentent desconsonnes sourdes

    - 46 -

    Cette pertinence est visible dans certains processus morphophonologiques Certaines liberteacutes ont eacuteteacute

    prises dans la preacutesentation de cet inventaire Le phonegraveme s deacutefini comme une consonne fricative

    alveacuteolaire sourde a eacuteteacute placeacute dans la colonne laquo palatale raquo car il entretient une relation

    morphophonologique avec le phonegraveme c De mecircme le phonegraveme r deacutefini comme une consonne

    rouleacutee alveacuteolaire voiseacutee a eacuteteacute placeacute dans la mecircme ligne que les fricatives car il entretient le mecircme

    type de relation morphophonologique avec le phonegraveme d Enfin le phonegraveme ʔ deacutefini comme

    une consonne occlusive glottale semble entretenir le mecircme type de relation avec le phonegraveme k

    mais nous avons preacutefeacutereacute ne pas le deacuteplacer dans le tableau pour ne pas trop nous eacuteloigner de la

    reacutealiteacute phoneacutetique Il faut eacutegalement noter que le phonegraveme q correspondrait au phonegraveme χ doncː ː

    agrave leacutequivalent fort du phonegraveme χ Idem pour le phonegraveme Nq qui correspondrait au phonegraveme Nχ

    Nous avons choisi de conserver les notations q et ː Nq car χ est la seule fricative de la langue agrave

    avoir une correspondante geacutemineacutee et parce que cette consonne forte se reacutealise toujours comme

    locclusive geacutemineacutee [q ]ː 18

    Le wolof connaicirct une opposition de longueur tant pour les voyelles que pour les consonnes

    Cependant la voyelle ə na pas de contre-partie longue Par ailleurs il est important de garder agrave

    lesprit que le wolof bien que peu dialectaliseacute connaicirct des variations quant agrave lutilisation des

    voyelles et linventaire vocalique (Calvet 1965 4) Cette variation est suffisamment marqueacutee pour

    que certains dialectes (par exemple celui de Banjul) aient un systegraveme diffeacuterent de celui preacutesenteacute plus

    haut le [ə] nexiste pas dans leur inventaire vocalique (Njie 1982 25-27 Creissels 1994 73-74)

    Les consonnes ont une reacutealisation diffeacuterente en fonction de leur place dans un mot Certaines

    consonnes napparaissent pas dans toutes les positions Cest notamment le cas des geacutemineacutees et des

    preacutenasales sourdes qui napparaissent jamais en position initiale Cest eacutegalement le cas des

    occlusives faibles sourdes (agrave lexception de t) qui napparaissent jamais en position finale

    Concernant cette derniegravere cateacutegorie on observe que les occlusives faibles ont une reacutealisation non-

    audible en position finale (1a) ce qui implique quil y a effacement de lopposition de sonoriteacute dans

    cette position (Cisseacute MT 2006 38-39) La suffixation nous permet de deacuteterminer quelles

    occlusives peuvent apparaicirctre en position finale Par ailleurs les occlusives fortes ont une

    reacutealisation particuliegravere en position finale les sonores sont suivies dune voyelle dappui laquo ə raquo (1b et

    les sourdes sont suivies dune aspirations laquo h raquo (1c)

    18 Cependant selon MT Cisseacute (2006 41) les reacutealisations [xə] [xxə] [qh] [qx] ou [xqx] sont eacutegalement possibles enfonctions de lorigine et des habitudes linguistiques des locuteurs Le [x] de lauteur correspondant agrave notre [χ]

    - 47 -

    1) a fab ~ fab-al (Cisseacute MT 2006 39)

    fɐb fɐbɐl[fɐb] [fɐbɐl]prendre prendre-IMP2SG

    b tabb ~ tabb-al (Cisseacute MT 2006 39)

    tɐbː tɐbːɐl[tɐbːᵊ] [tɐbːɐl]placer placer-IMP2SG

    c tapp ~ tapp-al (Cisseacute MT 2006 39)

    tɐpː tɐpːɐl[tɐpːʰ] [tɐpːɐl]fixer fixer-IMP2SG

    0442 La structure syllabique

    La structure syllabique de base est CV(C) Ainsi on remarque que le hiatus est impossible En

    cas de suite de voyelles due agrave la morphosyntaxe un processus phonologique empecircche le hiatus

    (eacutepenthegravese ou coalescence vocalique) Par ailleurs on observe une variation libre entre zeacutero et une

    semi-consonne agrave lattaque de syllabe initiale Le lieu darticulation de la semi-consonne est indexeacute

    au lieu darticulation de la voyelle qui suit Par exemple eble ~ yeble (preacutecepte) oto ~ woto

    (voiture) (Creissels 1994 56-57) Enfin les suites consonantiques sont relativement rares au sein

    des mots Le nombre de possibiliteacutes est reacuteduit et est soumis agrave deux contraintes lune des deux

    consonnes doit ecirctre une fricative et aucune des deux consonnes ne peut ecirctre une consonne forte

    (Sauvageot 1965 47-48)

    0443 Les processus phonologiques

    Comme un grand nombre de langues Niger-Congo le wolof connaicirct un pheacutenomegravene dharmonie

    vocalique reposant sur le trait ATR Ainsi au sein dun radical toutes les voyelles ont le mecircme trait

    ATR En wolof lharmonie vocalique est toujours progressive la voyelle dun suffixe sharmonise

    avec la voyelle du radical19 et la voyelle dun clitique sharmonise avec la voyelle du lexegraveme qui le

    19 Neacuteanmoins il convient de noter que la voyelle de certains suffixes ne subit pas lharmonie vocalique

    - 48 -

    preacutecegravede (Ka 1994 7-62)

    Il existe eacutegalement un pheacutenomegravene de neutralisation de quantiteacute Mis agrave part pour le ɐ il ny a pas

    dopposition de longueur pour les voyelles preacuteceacutedant une consonne complexe On observe

    eacutegalement des pheacutenomegravenes dapocope et de syncope touchant essentiellement les voyelles ainsi

    quun pheacutenomegravene dapheacuteregravese pouvant toucher des syllabes entiegraveres (Diouf 2009 25-39) Enfin il

    existe un pheacutenomegravene de coalescence vocalique (Tableau 03) (Njie 1982 52 Diouf 2009 37

    Sall 2005 42 Fal 1999 15-16) Dans ces cas la seconde voyelle ne peut ecirctre que -a ou -e et la

    voyelle longue reacutesultant de cette fusion est uniquement deacutetermineacutee par la premiegravere voyelle

    Tableau 03 - Regravegles de coalescence vocalique

    Voyelle 2

    a e

    Voy

    elle

    1

    iee

    e

    a aa

    ooo

    u

    0444 La prosodie

    Laccent tombe sur la syllabe initiale du mot sauf dans les mots ougrave la premiegravere syllabe est agrave

    voyelle bregraveve et la suivante agrave voyelle longue dans ce cas les deux syllabes semblent ecirctre

    prononceacutees avec la mecircme intensiteacute (Sauvageot 1965 41-44) Rialland amp Robert (2001 931)

    preacutecisent quil sagit dun accent de mot mais pas dun accent de hauteur Par exemple xorom (sel)

    est prononceacute [xↄrↄm]

    Les mecircmes auteurs listent les patrons intonatifs de la langue20 montrant ainsi que les eacutenonceacutes

    deacuteclaratifs simples ont une intonation basse et plate les questions sans morphegraveme interrogatif une

    intonation descendante les questions avec morphegraveme interrogatif une intonation montante et les

    exclamations une intonation haute et plate

    20 Pour une description exhaustive du systegraveme intonatif voir Rialland amp Robert (2001)

    - 49 -

    0445 Lorthographe

    Lorthographe est relativement phonologique Il faut noter que le redoublement dune voyelle

    note son allongement et de mecircme le redoublement dune consonne note sa geacutemination Lorsque

    dans lorthographe une occlusive orale bilabiale est preacuteceacutedeacutee dun laquo m raquo ou une occlusive orale

    dentale palatale veacutelaire ou uvulaire est preacuteceacutedeacutee dun laquo n raquo cela note une consonne preacutenasale

    Devant une consonne forte le graphegraveme agrave note un a Eacutetant donneacute quil ny a pas ː dopposition de

    longueur dans cette position pour les autres voyelles elles sont toujours eacutecrites comme des bregraveves

    mecircme si elles sont phoneacutetiquement longues

    Cependant les conventions orthographiques officielles21 ne respectent pas certains aspects de la

    phonologie de la langue

    bull Les graphegravemes atilde atildea eumle et h correspondent agrave des phonegravemes qui nexistent pas22

    bull La distinction entre les graphegravemes agrave et aa bien que pertinente dun point de vue

    phoneacutetique ne semble reposer sur aucune reacutealiteacute phonologique

    bull Le phonegraveme ʔ nest pas noteacute dans lorthographe

    bull Par soucis deacuteconomie certains pheacutenomegravenes dharmonie vocalique ne sont pas noteacutes dans

    lorthographe par exemple teacuteere (livre) se prononce [te re] et non [te rː ː ε]

    Par ailleurs il convient decirctre prudent quant agrave la seacuteparation des mots dans lorthographe En effet

    lorsquil preacutesida les commissions chargeacutees deacutetablir lorthographe et la seacuteparation des mots dans les

    langues nationales le preacutesident seacuteneacutegalais Leacuteopold Seacutedar Senghor posa le principe suivant laquo Il

    sagissait sagissant de langues agglutinantes de faciliter leur enseignement et leur eacutecriture en y

    seacuteparant tout ce qui est seacuteparable raquo (Dumont 1983 17) Les critegraveres explicitement retenus eacutetant

    peacutedagogiques avant decirctre linguistiques certaines normes ou traditions deacutecriture peuvent ecirctre plus

    ou moins arbitraires

    21 cf le deacutecret ndeg 2005-992 du 21 octobre 2005 relatif agrave lorthographe et la seacuteparation des mots en wolof (publieacute auJournal Officiel du Seacuteneacutegal)

    22 Lasteacuterisque note les sons nappartenant pas au systegraveme phonologique de la langue Ils semblent ecirctre attesteacutes danscertaines variantes dialectales (ils ne sont dans ce cas que des variantes dautres phonegravemes preacutesents dans notreinventaire) ou dans certains emprunts ou interjections

    - 50 -

    Tableau 04 - Normes orthographiques

    Graphegraveme Phonegraveme i i ntildentilde ɲː

    a ɐ ii iː ŋ ŋ

    agrave aː j ɟ ŋŋ ŋː

    atilde atilde jj ɟː o ↄ

    aa aː k k oacute o

    atildea atildeː kk kː oo ↄː

    b b l l oacuteo oː

    bb bː ll lː p p

    c c m m pp pː

    cc cː mb mb q qː

    d d mm mː r r

    dd dː mp mp s s

    e ɛ n n t t

    eacute e nc ɲc tt tː

    euml ə nd nd u u

    ee ɛː ng ŋg uu uː

    eacutee eː nj ɲɟ w w

    eumle əː nk ŋk ww wː

    f f nn nː x χ

    g g nq Nq y j

    gg gː nt nt yy jː

    h h ntilde ɲ ʔ

    Enfin on notera quagrave cocircteacute de cette orthographe officielle coexistent deux autres systegravemes de

    transcription Le premier pourrait ecirctre qualifieacute de laquo graphie populaire raquo il sagit dune transcription

    non standardiseacutee et baseacutee sur les normes orthographique du franccedilais Ce systegraveme de transcription est

    largement utiliseacute dans les affiches publicitaires les enseignes de magasin les inscriptions sur les

    veacutehicules (voitures et bateaux) ainsi que dans les communications meacutediatiseacutees (messagerie

    instantaneacutee forum SMS courriel Facebook etc) (Lexander 2010 99-101) Le fait de ne pas

    - 51 -

    utiliser lorthographe officielle dans tous ces contextes peut avoir plusieurs causes meacuteconnaissance

    de lorthographe officielle absence de lorthographe officielle de lenvironnement graphique des

    locuteurs absence dabreacuteviations permettant deacutecrire rapidement dans le cadre de la communication

    meacutediatiseacutee impression de complexiteacute de lorthographe officielle ressentie par les locuteurs

    alphabeacutetisation des locuteurs en franccedilais et utilisation de normes orthographiques franccedilaises pour

    transcrire les noms propres (noms de famille ou noms de lieu) (Lexander 2010) Enfin le plus

    ancien systegraveme de transcription est le wolofal Il sagit dun ajami cest-agrave-dire une transcription du

    wolof avec lalphabet arabe datant de lexpansion de populations arabo-berbegraveres musulmanes en

    Afrique de lOuest (Bao-Diop 2007) Ce systegraveme de transcription non encore standardiseacute est utiliseacute

    dans des textes religieux diffuseacutes par des confreacuterie soufies pour les inscriptions sur les veacutehicules

    (voitures et bateaux) et pour la gestion courante de commerccedilants dartisans et dagriculteurs ayant

    appris agrave lire et agrave eacutecrire dans les eacutecoles coraniques (Cisseacute Ma 2006 70-73) De fait lorthographe

    officielle reste assez peu utiliseacutee par les locuteurs natifs Elle est principalement utiliseacutee dans les

    milieux acadeacutemiques pour leacutedition dun grand nombre douvrages (romans recueils de contes

    poeacutesie etc) et dans certains sites Internet comme Wikipeacutedia

    045 Morphologie

    Le wolof est une langue morphologiquement agglutinante faisant un usage important de la

    deacuterivation principalement verbale Cette langue dispose eacutegalement dun nombre relativement

    important de proceacutedeacutes de construction morphologique qui sont tregraves productifs (Ka 1981 Ndiaye

    2004)

    0451 Lalternance consonantique

    Lalternance consonantique initiale est un processus morphophonologique servant agrave construire

    des deacuteverbaux Ce processus est reacutegulier il fait alterner la consonne initiale du verbe avec une

    consonne laquo plus forte raquo

    bull Fricative rarr Occlusive faible sourde sagravecc (voler) rarr cagravecc (voleur)

    bull Occlusive faible sonore rarr Preacutenasale sonore geumlm (croire) rarr ngeumlm (foi)

    Cependant le processus est limiteacute pour les dentales et le phonegraveme ʔ laquo fait office de fricative raquo

    pour les veacutelaires Ce proceacutedeacute morphologique ne semble plus ecirctre productif en wolof contemporain

    - 52 -

    Tableau 05 - Reacutegulariteacutes de lalternance consonantique initiale

    Labiale Dentale Palatale Veacutelaire

    Preacutenasale mb nd ɲɟ ŋg

    uarr uarr uarr uarr

    Occlusive faible p b d c ɟ k g

    uarr uarr uarr

    Fricative f s ʔ

    0452 Laffixation

    Laffixation est le proceacutedeacute morphologique le plus productif Il sagit essentiellement de

    suffixation la preacutefixation ne semble plus ecirctre productive en synchronie La suffixation verbale est

    plus riche que la suffixation nominale Plusieurs suffixes impliquent des changements

    phonologiques dans la racine Cest notamment le cas du suffixe inversif -i qui entraicircne un

    renforcement de la consonne finale ainsi quune harmonisation de la voyelle de la racine teg

    (poser) rarr teggi (enlever ce qui est poseacute) geumlmm (fermer les yeux) rarr gimmi (ouvrir les yeux) Il

    faut noter quun verbe peut prendre plusieurs suffixes Cependant lordre de succession de ces

    suffixes est contraint (Ka 1981 7-9)

    0453 La conversion

    Le wolof connaicirct deux types de conversion la conversion cateacutegorielle et la conversion de classe

    morphologique

    La conversion cateacutegorielle est un processus morphologique qui laquo permet dobtenir un lexegraveme

    dune cateacutegorie agrave partir dun lexegraveme dune autre cateacutegorie raquo laquo elle peut saccompagner dun

    changement de la phonologie du lexegraveme mais cela nest pas obligatoire et deacutepend du marquage

    flexionnel dans la langue raquo (Fradin 2003 157-161) En wolof ce pheacutenomegravene touche

    essentiellement ce que certains auteurs nomment les bases verbo-nominales (Nouguier-Voisin

    2002 12) Selon Bondeacuteelle (2009 88) en wolof laquo ces bases preacutesentent une polyseacutemie reacuteguliegravere du

    type action nom daction ou action nom dactant raquo teumlb (sauter) teumlb bi (le saut) lekk (manger)

    lekk bi (la nourriture)

    - 53 -

    La conversion de classe morphologique permet dobtenir un lexegraveme nominal agrave partir dun lexegraveme

    nominal en changeant sa classe nominale Ce processus a pour conseacutequence de rendre certains noms

    polyseacutemiques saxaar si (la fumeacutee) saxaar gi (le train)

    0454 La reacuteduplication

    La reacuteduplication sert tout comme lalternance consonantique initiale agrave construire des deacuteverbaux

    Elle ne concerne quun nombre limiteacute de verbes Elle permet eacutegalement de former des noms

    dhabitants agrave partir de nom de lieux23 Enfin elle a une fonction dintensif sur certains verbes Selon

    les dimensions listeacutees par Melčuk (1996 41-44) il sagit dune reacuteduplication simple (un seul signe

    est reacutedupliqueacute) complegravete (linteacutegraliteacute du signe est reacutedupliqueacute) exacte (le signe de deacutepart et la copie

    de ce signe sont identiques) continue (la copie du signe suit immeacutediatement le signe de deacutepart) et

    non peacuteneacutetrante (la copie du signe ninterrompt pas un signe quelconque au sein du mot forme

    reacutedupliqueacute) xam-xam (connaissance litt savoir-savoir)

    0455 La composition

    La composition consiste en la combinaison de lexegravemes pour obtenir un mot plus long (Booij

    2012 77) Ce processus est relativement freacutequent en wolof Les mots composeacutes les plus freacutequents

    sont des noms mbaam-agravell (phacochegravere litt porc-brousse) mais ce processus permet eacutegalement

    dobtenir des verbes weex-beumlt (ecirctre indeacutecis litt ecirctre blanc-œil) ou des adverbes xef-ak-xippi (en

    un clin dœil litt cil-et-ouvrir les yeux) (Ka 1981 77-95 Ndiaye 2004 73-89)

    Ka (1981 75-77) dresse une liste de critegraveres permettant didentifier un mot composeacute et de

    lopposer agrave des formes construites en syntaxe

    bull Paradigmatique la commutation permet didentifier la cateacutegorie lexicale du composeacute

    bull Syntagmatique lordre des termes du composeacute diffegravere de celui des constructions

    syntaxiques et il est impossible dinseacuterer un eacuteleacutement nouveau agrave linteacuterieur du composeacute

    bull Seacutemantique le sens du composeacute ne se reacuteduit pas agrave la somme des sens de ses composants

    bull Prosodique le composeacute comporte un seul accent lexical

    23 Ce pheacutenomegravene est cependant limiteacute aux noms des anciens royaumes wolofs

    - 54 -

    05 Plan geacuteneacuteral

    Ce travail se compose de quatre parties Pour chacune delles une introduction preacutesente les

    probleacutematiques et le plan deacutetailleacute et une conclusion syntheacutetise les principaux points deacuteveloppeacutes

    Dans la Partie I nous proposons une description syntheacutetique du systegraveme de preacutedication verbale

    du wolof dans une perspective typologique Cette description est en grande partie baseacutee sur les

    travaux de reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Cependant cette partie nest pas un

    simple eacutetat de lart En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions en nous

    appuyant notamment sur des travaux typologiques

    Dans la Partie II nous proposons une analyse typologique des peacuteriphrases verbales du wolof

    Cette analyse typologique nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de la

    notion dauxiliaire Agrave partir des donneacutees du wolof et dautres langues africaines nous montrons

    quune approche laquo fonctionnelle raquo des auxiliaires permet de mieux rendre compte des constructions

    peacuteriphrastiques dans une perspective typologique

    Dans la Partie III nous proposons une analyse de lorganisation des constructions verbales du

    wolof Nous consideacuterons que les constructions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non

    structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute Certains

    regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences entre

    constructions Les constructions verbales sorganisent au sein dun reacuteseau de constructions Par

    ailleurs certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du wolof peuvent

    sexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie Les caracteacuteristiques idiosyncrasiques en synchronie

    peuvent ecirctre analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant entraicircneacute une

    restructuration du reacuteseau

    La Partie IV est une eacutetude comparative des constructions verbales des langues atlantiques Le

    principal objectif de cette partie est de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du wolof est issu du

    proto-atlantique Dans les langues la morphologie verbale tend agrave se renouveler de faccedilon

    relativement rapide Ainsi il nest pas surprenant de trouver de grandes diffeacuterences entre les

    morphologies verbales des langues atlantiques Neacuteanmoins on peut relever plusieurs similitudes

    dont certaines semblent relever dune origine commune

    - 55 -

    - 56 -

    PARTIE IPARTIE I

    LE SYSTEgraveME DE PREacuteDICATIONLE SYSTEgraveME DE PREacuteDICATION

    VERBALE DU WOLOFVERBALE DU WOLOF

    Lobjectif de cette partie est de deacutecrire la preacutedication verbale du wolof dans son rapport avec ce

    que lon appelle communeacutement la conjugaison24 Nous deacutecrivons en deacutetail le systegraveme de flexion

    verbale de la langue cest-agrave-dire lexpression des cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe temps

    aspect mode polariteacute voix et personne Contrairement agrave ce que lon observe dans un tregraves grand

    nombre de langues en wolof la majeure partie de ces cateacutegories grammaticales est exprimeacutee par des

    constructions peacuteriphrastiques Seul un petit nombre de cateacutegories est exprimeacute morphologiquement

    cest-agrave-dire par des constructions syntheacutetiques

    Ce travail de synthegravese est en grande partie baseacute sur les travaux de reacutefeacuterence concernant la

    conjugaison du wolof agrave savoir Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) mais eacutegalement sur

    les travaux traitant speacutecifiquement de certaines cateacutegories verbales tels que Perrin (2005 2012)

    Voisin (2006 2010) ou Robert (1990) ou encore sur les diverses grammaires de la langue

    notamment Sauvageot (1965) Fal (1999) ou Diouf (2009) Cependant cette partie nest pas un

    simple eacutetat de lart En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions agrave la lumiegravere

    des travaux les plus reacutecents tel que Torrence (2013a) mais eacutegalement de travaux typologiques

    Nous proposons des analyses (et des eacutetiquettes) moins laquo idiosyncrasiques raquo25 afin de rendre la

    description plus accessible et donc plus facilement exploitable pour les typologues etou les

    linguistes non speacutecialistes du wolof quils soient ou non africanistes Lun des objectifs de cette

    partie est donc de proposer des descriptions et des analyses claires et syntheacutetiques afin de permettre

    24 Ce qui est traditionnellement appeleacute laquo systegraveme verbal raquo dans les travaux de reacutefeacuterence sur le wolof (Church 1981 Robert 1991)

    25 En effet comme nous lavions mentionneacute dans notre eacutetude du syntagme nominal (Gueacuterin 2011 12-13) beaucoupdauteurs travaillant sur le wolof creacuteent des eacutetiquettes originales pour deacutecrire certains aspects de la langue etoutendent agrave preacutesenter certaines constructions comme eacutetant typologiquement marqueacutees

    - 57 -

    une comparaison du wolof avec dautres langues que ce soit dans une perspective typologique ou

    historique Les descriptions et analyses preacutesenteacutees servent de base agrave leacutelaboration des chapitres

    suivants

    Cette partie est organiseacutee comme suit Dans le Chapitre 1 nous commenccedilons par preacutesenter la

    flexion verbale ainsi que la terminologie relative agrave cette question dans une perspective typologique

    (sect 12) Puis nous preacutesentons briegravevement lensemble de la conjugaison du wolof (sect 13) Lobjectif

    de ce chapitre est de fournir un panorama geacuteneacuteral du systegraveme avant de traiter en deacutetail de chaque

    construction Le Chapitre 2 consiste en une analyse deacutetailleacutee des constructions eacuteleacutementaires de la

    conjugaison que nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo Le Chapitre 3 traite des autres

    cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe la neacutegation (sect 31) limperfectif (sect 32) le passeacute (sect 33) et

    la voix (sect 34) Le Chapitre 4 eacutetudie lexpression et le comportement des arguments du verbe Enfin

    nous concluons cette partie en preacutesentant le paradigme complet de la conjugaison de la langue

    - 58 -

    CCHAPITREHAPITRE 1 - 1 - PPREacuteSENTATIONREacuteSENTATION GEacuteNEacuteRALEGEacuteNEacuteRALE

    DUDU SYSTEgraveMESYSTEgraveME DEDE PREacuteDICATIONPREacuteDICATION VERBALEVERBALE

    11 Eacutetat de lart

    La bibliographie sur le wolof est relativement abondante surtout en ce qui concerne la

    morphologie verbale et le systegraveme verbal en geacuteneacuteral Lobjectif de cette section est de proposer une

    synthegravese de lhistoire de la production et de la transmission de savoir scientifique sur le wolof en

    nous centrant sur leacutetude de la conjugaison et du systegraveme verbal (Gueacuterin 2014a)

    111 Les pionniers les grammaires du XIXe siegravecle

    Comme la plupart des langues dAfrique subsaharienne le wolof est essentiellement une langue agrave

    tradition orale Cela implique que les premiegraveres sources eacutecrites dont nous disposons aujourdhui

    sont le fruit de contact avec des populations arabo-berbegraveres ou europeacuteennes Par conseacutequent nous

    ne disposons malheureusement de presque aucune source linguistique sur le wolof qui soit

    anteacuterieure au XVIIIe siegravecle Les premiers travaux entiegraverement consacreacutes agrave cette langue apparaissent

    au XIXe siegravecle Ce siegravecle sera relativement prolifique pour leacutetude du wolof puisquil verra la

    publication dun grand nombre de grammaires (Dard 1826 Roger 1829 Boilat 1858 Kobegraves

    1869 Rambaud 1903) et de plusieurs dictionnaires Lensemble de ces publications constitue ce

    quon peut qualifier de laquo tradition grammaticale raquo Ces travaux forment un ensemble relativement

    coheacuterent les auteurs citent geacuteneacuteralement les travaux anteacuterieurs teacutemoignant ainsi dune relative

    cumulativiteacute du savoir laquo acadeacutemique raquo On peut distinguer deux peacuteriodes au sein de cette tradition

    La premiegravere peacuteriode est celle des pionniers cest-agrave-dire que ces auteurs ont eu un laquo rocircle de

    deacutefricheurs et de fondateurs dun savoir sur le wolof raquo (Bonvini 2001 112) Il sagit des travaux de

    Dard (1826) et Roger (1829) qui laquo ont preacuteceacutedeacute de plus de deux deacutecennies les grands travaux

    classiques de description et de comparatisme sur les langues africaines reacutealiseacutes autour des anneacutees

    1850 mais ils sont pratiquement tombeacutes dans loubli depuis Ils sont aussi lœuvre de fonctionnaires

    de leacutetat franccedilais et non pas de missionnaires comme ce fut le cas pour la majoriteacute des ouvrages qui

    - 59 -

    les ont suivis raquo (Bonvini 2001 102) Ces travaux sont largement influenceacutes par la grammaire

    geacuteneacuterale (Bonvini 2001) Leur preacutesentation de la conjugaison reprend les principes et les eacutetiquettes

    grammaticales propres au franccedilais (indicatif subjonctif impeacuteratif geacuterondif conditionnel preacutesent

    futur) et elle ne tient pas compte des constructions focalisantes

    La seconde peacuteriode concerne essentiellement les grammaires de Boilat (1858) et de Kobegraves

    (1869) deux eccleacutesiastiques Contrairement aux travaux pionniers ces grammaires (notamment

    celle de Boilat) figurent dans la bibliographie de presque tous les auteurs contemporains

    Neacuteanmoins la grammaire de Boilat est essentiellement citeacutee agrave titre dillustration et est rarement

    exploiteacutee Si lanalyse de la conjugaison de Boilat reste tregraves influenceacute par la grammaire geacuteneacuterale

    celle de Kobegraves est bien plus novatrice En effet cet auteur introduit de nouvelles eacutetiquettes pour

    rendre compte de constructions nayant pas deacutequivalents stricts en franccedilais (causatif eacutenonciatif) et

    il integravegre les constructions focalisantes au systegraveme notamment en leur donnant des noms (subjectif

    objectif)26 Cette grammaire aura une influence relativement importante sur les eacutetudes posteacuterieures

    112 Le renouveau les travaux fonctionnalistes

    Mis agrave part quelques articles aucun nouveau travail geacuteneacuteral ne verra le jour avant les anneacutees

    1960 Agrave partir de cette eacutepoque leacutecole fonctionnaliste franccedilaise a eu une grande influence sur la

    linguistique africaine (Doneux 2003 216-221) Louvrage le plus embleacutematique de cette peacuteriode

    pour leacutetude du wolof est certainement la grammaire de Sauvageot (1965) cette derniegravere faisant

    aujourdhui encore office de grammaire de reacutefeacuterence27 Sauvageot propose une analyse du systegraveme

    verbal relativement novatrice par rapport aux travaux de la laquo tradition grammaticale raquo En effet il

    propose de seacuteparer les constructions verbales en deux cateacutegories les aspects (accompli zeacutero

    duratif et duratif-accompli) et les modaliteacutes (eacutetat acquis emphatique et preacutesentatif) auxquels

    viennent sajouter lobligatif et linjonctif

    Linfluence de leacutecole fonctionnaliste franccedilaise se sentira eacutegalement agrave travers lun des deux

    premiers travaux consacreacutes exclusivement au systegraveme verbal agrave savoir Church (1981) La thegravese de

    cet auteur marquera durablement la linguistique wolof au point de devenir une reacutefeacuterence

    incontournable notamment en France Church liste douze constructions verbales quil classe en

    modes emphatiques de lindicatif (emphatique du sujet emphatique du compleacutement emphatique du

    verbe preacutesentatif) modes non-emphatiques de lindicatif (eacutenonciatif minimal neacutegatif) et modes

    26 Pour une eacutetude deacutetailleacutee de la grammaire de Kobegraves voir Ma Cisseacute (2005)27 On peut eacutegalement citer la grammaire de Diagne (1971) mais elle a eacuteteacute peu reprise par les auteurs posteacuterieurs

    - 60 -

    injonctifs (obligatifoptatif impeacuteratif injonctif neacutegatif) Lune des principales innovations de

    Church consiste en la seacuteparation nette du mode de laspect et du temps dans la preacutesentation de la

    conjugaison En effet toutes les constructions mentionneacutees plus haut relegravevent du mode Par deacutefaut

    toutes ces constructions ont un aspect accompli et un temps non-passeacute Pour exprimer laspect

    inaccompli il faut ajouter leacuteleacutement di ~ y ~ a agrave lune des constructions et pour exprimer le passeacute il

    faut ajouter le suffixe -oon Cette organisation symeacutetrique du systegraveme verbal wolof constitue ce que

    Robert (1991 29) nomme la laquo preacutesentation classique raquo De plus agrave la diffeacuterence des auteurs

    anteacuterieurs Church ne se restreint pas agrave leacutetude dun seul dialecte mais tente de rendre compte de

    toute la variation dialectale observable

    113 Leacutemergence dune tradition seacuteneacutegalaise

    En 1981 paraicirct une autre eacutetude consacreacutee exclusivement au systegraveme verbal Dialo (1981a) Cet

    ouvrage constituera le point de deacutepart de ce que nous pouvons qualifier de laquo tradition seacuteneacutegalaise raquo

    Au premier abord cette tradition peut paraicirctre assez heacuteteacuterogegravene dans son approche du systegraveme

    verbal En effet les auteurs seacuteneacutegalais saccordent relativement peu sur les eacutetiquettes grammaticales

    utiliseacutees pour nommer les constructions verbales Par exemple la construction nommeacutee

    laquo emphatique du verbe raquo par Dialo (1981a) sera nommeacutee laquo causatif raquo28 par Samb (1983)

    laquo processif raquo par Fal (1999) et laquo mise en relief du procegraves raquo par Ma Cisseacute (2007) Neacuteanmoins cette

    heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute nest quapparente car tous ces travaux ont plusieurs caracteacuteristiques communes

    Tout dabord la majoriteacute des eacutetudes que lon peut rattacher agrave la tradition seacuteneacutegalaise a eacuteteacute

    eacutelaboreacutee dans le cadre de leacutecole fonctionnaliste franccedilaise En teacutemoigne le vocabulaire employeacute par

    Ma Cisseacute (2007) laquo monegraveme raquo laquo les nominaux raquo laquo les verbaux raquo etc ou le titre de la grammaire

    dArame Fal (1999)

    Par ailleurs si les eacutetiquettes grammaticales utiliseacutees pour nommer les constructions verbales

    varient dun auteur agrave lautre elles recouvrent geacuteneacuteralement des analyses similaires En effet les

    eacutetiquettes laquo emphatique du sujet raquo (Dialo 1981a) laquo subjectif raquo (Samb 1983 Fal 1999) et laquo mise en

    relief du sujet raquo (Cisseacute Ma 2007) renvoient toutes agrave lideacutee dune emphase sur le sujet de la

    proposition

    Enfin tous les auteurs seacuteneacutegalais proposent une organisation symeacutetrique des paradigmes de

    conjugaison En effet ils considegraverent que par deacutefaut les constructions verbales ont un aspect

    28 Terme vraisemblablement emprunteacute agrave Kobegraves (1869)

    - 61 -

    accompli et un temps non-passeacute Pour exprimer laspect inaccompli il faut ajouter leacuteleacutement di ou y

    agrave lune des constructions et pour exprimer le passeacute il faut ajouter le suffixe -oon La tradition

    seacuteneacutegalaise est donc caracteacuteriseacutee par une laquo preacutesentation classique raquo du systegraveme verbal

    Le seul auteur seacuteneacutegalais agrave seacuteloigner de ce type danalyse est NDiaye-Correacuteard (2003) Cet

    auteur propose de repenser entiegraverement lanalyse du systegraveme verbal Elle propose de reacuteduire toutes

    les constructions verbales agrave quatre laquo types de proposition raquo caracteacuteriseacutes par une liste de proprieacuteteacutes

    Ainsi larticle de NDiaye-Correacuteard se veut avant tout une simplification de la laquo preacutesentation

    classique raquo

    114 Existe-t-il une tradition franccedilaise

    La question de lexistence dune tradition franccedilaise est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards En effet

    si lon pose lexistence dune telle tradition elle sera le fait de seulement deux auteurs (Robert 1991

    Perrin 2005) alors que les traditions preacuteceacutedentes se sont constitueacutees autour de lœuvre dune demi-

    douzaine dauteurs chacune De plus leacutetude de Robert (1991) nest pas une remise en cause radicale

    de la preacutesentation classique Lobjectif de lauteur est laquo dessayer de retrouver lorganisation geacuteneacuterale

    dont toutes les analyses preacutesentent un aperccedilu pourtant contradictoire agrave partir de leacutetude

    systeacutematique des emplois et contextes demplois des conjugaisons sans preacutejuger daucune

    cateacutegorisation en aspect ou mode raquo (Robert 1991 33) Ainsi si louvrage de Steacutephane Robert nest

    pas totalement novateur dans sa preacutesentation du systegraveme verbal il lest indubitablement dans son

    point de vue theacuteorique et dans la finesse de son analyse En effet il sagit dun travail eacutelaboreacute dans

    un cadre theacuteorique tregraves diffeacuterent du fonctionnalisme la theacuteorie des opeacuterations preacutedicatives et

    eacutenonciatives dAntoine Culioli De plus Steacutephane Robert est le premier auteur agrave fournir une analyse

    seacutemantique et pragmatique deacutetailleacutee des constructions verbales notamment en listant tous les

    contextes demplois Enfin cet auteur propose une analyse diffeacuterente des morphegravemes di et y

    permettant dexprimer linaccompli Lanalyse proposeacutee par Robert (1991) sera reprise et

    approfondie par Perrin (2005) dans son eacutetude de lexpression du temps en wolof Ainsi on peut voir

    avec lœuvre de ces deux auteurs les jalons dune laquo tradition franccedilaise raquo encore naissante

    Parallegravelement aux travaux eacutelaboreacutes dans le cadre de leacutecole culiolienne plusieurs travaux seront

    eacutelaboreacutes selon une approche plutocirct typologique Cest notamment le cas des travaux de Nouguier-

    Voisin (2002 2006 2010) et de Sall (2005)

    - 62 -

    115 La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle et la tradition ameacutericaine

    Paradoxalement la laquo tradition ameacutericaine raquo sera initieacutee par deux chercheurs seacuteneacutegambiens (Njie

    1982 Diouf 1982) En effet les thegraveses de ces deux auteurs seront les premiers travaux eacutelaboreacutes

    dans le cadre de la grammaire geacuteneacuterative transformationnelle Dans son ouvrage consacreacute au

    systegraveme verbal Diouf (1985) laquo preacutesente une organisation tout agrave fait originale car elle repose sur une

    forme de renversement le paradigme classiquement deacutesigneacute comme ldquoEmphatique du Verberdquo est au

    contraire consideacutereacute comme la forme de base du systegraveme verbal (hellip) dougrave sont deacuteriveacutees les autres

    conjugaisons par transformation de ldquoclivagerdquo agrave valeur de mise en relief raquo (Robert 1991 31)

    Neacuteanmoins la principale source des auteurs geacuteneacuterativistes sera incontestablement la thegravese de

    Dunigan (1994) Cette approche sera ensuite largement deacuteveloppeacutee par Torrence (2003 2005

    2013a 2013b) Ces travaux constitueront eacutegalement les principales reacutefeacuterences des linguistes

    geacuteneacuterativistes franccedilais29

    Toutes ces eacutetudes se caracteacuterisent par une preacutesentation radicalement diffeacuterente du systegraveme verbal

    La proposition est repreacutesenteacutee sous la forme dun arbre syntaxique conforme agrave la theacuteorie X-barre et

    chaque construction sera vue comme le reacutesultat de la transformation dune structure sous-jacente

    cest-agrave-dire par le deacuteplacement deacuteleacutements syntaxiques au sein de la proposition Les travaux

    geacuteneacuterativistes sur le wolof se caracteacuterisent eacutegalement par lattention porteacutee au morphegraveme na et agrave sa

    place dans la conjugaison Ainsi Dunigan (1994) lanalysera comme un marqueur de laffirmation

    alors que Zribi-Hertz amp Diagne (2003) lanalysent comme un marqueur de finitude et Torrence

    (2013a) considegraverent la construction en na comme eacutetant la construction neutre du systegraveme

    116 Synthegravese

    Ainsi il nexiste pas de consensus sur lanalyse de la conjugaison du wolof Lanalyse de certains

    paradigmes varie consideacuterablement dun auteur agrave lautre Cest notamment le cas du morphegraveme na

    qui sera analyseacute comme marquant laspect accompli lindicatif eacutenonciatif le parfait laffirmation

    ou la finitude Cette absence de consensus constitue un problegraveme pour les typologues qui ont besoin

    de donneacutees fiables pour leurs analyses comparatives

    Ainsi le principal objectif de la Partie I est de proposer des descriptions et des analyses claires et

    syntheacutetiques afin de permettre une comparaison du wolof avec dautres langues que ce soit dans

    une perspective typologique ou historique Cependant cette partie nest pas un simple eacutetat de lart

    29 Voir par exemple Kihm (1999) et Zribi-Hertz amp Diagne (1999 2002 2003)

    - 63 -

    En effet nous proposons une reacuteanalyse de plusieurs constructions agrave la lumiegravere des travaux les plus

    reacutecents tel que Torrence (2013a) mais eacutegalement de travaux typologiques Nous proposons des

    analyses (et des eacutetiquettes) moins laquo idiosyncrasiques raquo afin de rendre la description plus accessible

    et donc plus facilement exploitable pour les typologues etou les linguistes non speacutecialistes du

    wolof quils soient ou non africanistes

    12 Approche typologique de la flexion verbale

    Dun point de vue typologique la preacutedication verbale neacutecessite geacuteneacuteralement une forme fleacutechie

    du verbe portant une ou plusieurs informations grammaticales La flexion verbale peut ecirctre deacutefinie

    comme le marquage morphologique de ces informations (ou cateacutegories) grammaticales sur un

    lexegraveme verbal (Booij 2012 101) Il nexiste pas de liste laquo universelle raquo de cateacutegories grammaticales

    encodeacutees dans la flexion verbale Neacuteanmoins certaines cateacutegories sont particuliegraverement freacutequentes

    accord temps aspect mode30 polariteacute voix (Bybee 2000 804-805 Givoacuten 2001 69 Creissels

    2006a Ch 10 Booij 2012 sect 62)

    bull Laccord consiste en des indices pronominaux repreacutesentant un ou plusieurs arguments du

    verbe geacuteneacuteralement le sujet plus rarement lobjet (Creissels 2006a 169 Booij 2012

    141) Laccord concerne essentiellement la personne (locuteur [1er] allocutaire [2e] reacutefeacuterent

    exteacuterieur agrave la situation deacutenonciation [3e]) le nombre (singulier pluriel) et le genre (ou la

    classe nominale) (Corbett 2006 125-132 Givoacuten 2001 399)

    bull La cateacutegorie laquo temps raquo peut ecirctre deacutefinie comme lexpression grammaticale de la localisation

    du preacutedicat dans le temps (Comrie 1985a 9) ou plus preacuteciseacutement comme laquo la relation entre

    le moment de leacutenonciation et le moment ougrave est situeacute leacuteveacutenement que repreacutesente leacutenonceacute raquo

    (Creissels 2006a 181) Ainsi on distingue geacuteneacuteralement le passeacute le preacutesent et le futur

    (Comrie 1985a 36)

    bull Laspect renvoie aux diffeacuterentes maniegraveres de concevoir le deacuteroulement temporel du procegraves

    (Comrie 1976 3) On peut ainsi opeacuterer une distinction entre le perfectif qui indique que la

    situation est vue comme un tout sans distinction des diverses phases qui la constituent et

    limperfectif qui explicite la structure interne de la situation (Comrie 1976 16)

    bull Le mode concerne le statut de la proposition qui deacutenote le procegraves (Palmer 2001 1) ou laquo la

    30 Les cateacutegories laquo temps raquo laquo aspect raquo et laquo mode raquo sont geacuteneacuteralement rassembleacutees sous leacutetiquette TAM ou TMAsuivant les auteurs

    - 64 -

    faccedilon dont leacutenonciateur prend en charge leacutenonciation raquo (Creissels 2006a 181) On peut

    ainsi opeacuterer une distinction entre le realis et lirrealis Le realis renvoie agrave une situation qui a

    lieu ou qui a eu lieu et dont on peut prendre connaissance par une perception directe

    Lirrealis renvoie agrave une situation purement imaginaire dont on peut prendre connaissance

    uniquement par le biais de limagination (Palmer 2001 1)

    bull La polariteacute renvoie agrave lopposition neacutegatif affirmatif (ou positif) Lexpression de la polariteacute

    dans le systegraveme de flexion verbale est tregraves courant dans les langues africaines (Creissels et

    al 2008 104)

    bull La voix deacutesigne une relation reacuteguliegravere entre un changement morphologique du verbe et un

    changement dans sa valence (Creissels 2006a 173) Par exemple on peut identifier dans

    certaines langues une voix passive cest-agrave-dire laquo un meacutecanisme qui opeacuterant sur un verbe

    transitif produit une forme intransitive deacuteriveacutee dont le sujet reccediloit exactement le mecircme rocircle

    seacutemantique que lobjet de la construction transitive raquo (Creissels 2006b 9)

    Dans certaines langues dautres cateacutegories grammaticales sont eacutegalement encodeacutees dans la

    flexion verbale la modaliteacute eacutenonciative (deacuteclaratif interrogatif impeacuteratif) la structure

    informationnelle (notamment la focalisation dun argument du verbe) leacutevidentialiteacute (faccedilon dont

    leacutenonciateur a accegraves agrave linformation quil livre)31 ou encore la familiariteacute (forme familiegravere forme de

    respect forme neutre) (Creissels 2006a 170-172 Givoacuten 2001 78) Lexpression de la

    focalisation dans le systegraveme de flexion verbale est tregraves rare agrave leacutechelle mondiale mais est

    particuliegraverement freacutequente dans les langues africaines Dans un grand nombre de langues

    appartenant agrave diffeacuterentes branches de la famille Niger-Congo ou agrave la famille couchitique les

    constructions de focalisation du preacutedicat ou dun argument du verbe sont inteacutegreacutees au systegraveme de

    flexion verbale (Creissels et al 2008 104-105)

    Lensemble des cateacutegories grammaticales encodeacutees dans la flexion verbale dune langue ainsi

    que la faccedilon dont ces cateacutegories se reacutealisent morphosyntaxiquement constituent le systegraveme verbal

    de cette langue (Perrot 2002 335) chaque cateacutegorie grammaticale formant un sous-systegraveme au

    sein de ce systegraveme verbal (Givoacuten 2001)32 Par exemple le systegraveme verbal du latin33 est constitueacute de

    plusieurs sous-systegravemes la personne laspect (perfectif imperfectif)34 le temps (preacutesent passeacute

    31 Leacutevidentialiteacute peut aussi ecirctre consideacutereacutee comme un type particulier de mode (Creissels 2006a 170 Palmer 2001)32 Ces sous-systegravemes peuvent ecirctre rapprocheacutes de la notion de laquo trait morphosyntaxique raquo de la Paradigm Function

    Morphology (Stump 2001 38-43)33 Pour cette introduction nous utilisons essentiellement des exemples en latin car cette langue preacutesente un systegraveme

    verbal relativement bien connu et particuliegraverement adapteacute pour illustrer les notions lieacutees agrave la flexion verbale34 Dans les descriptions laquo classiques raquo du latin ces aspects sont traditionnellement nommeacutes perfectum et infectum

    (Bortolussi 1999 82-138)

    - 65 -

    futur)35 le mode (indicatif subjonctif impeacuteratif)36 et la voix (actif passif) En latin un lexegraveme

    verbal contient donc potentiellement autant de mots grammaticaux37 que de combinaisons possibles

    entre ces cinq sous-systegravemes Linventaire structureacute de toutes ces combinaisons constitue le

    paradigme des verbes latins (Carstairs-McCarthy 2000a 596 Booij 2012 320) Formellement le

    paradigme dun lexegraveme peut ecirctre deacutefini comme un ensemble de cellules chaque cellule eacutetant un

    couple ltmot grammatical proprieacuteteacutes morphosyntaxiquesgt (Stump 2001 43 Bonami 2014 135)

    Par exemple en latin le couple formeacute du mot-forme facerem et des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques

    PERS 1sg ASP imperfectif TPS passeacute MODE subjonctif VOIX actif constitue une cellule du paradigme

    du lexegraveme FACIO

    Dans un grand nombre de langues la reacutealisation des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques nest pas la

    mecircme pour tous les verbes Dans ces langues les verbes peuvent geacuteneacuteralement ecirctre classeacutes en

    classes flexionnelles eacutegalement appeleacutees conjugaisons38 (Booij 2012 104-105) Chaque

    conjugaison correspond agrave un ensemble de verbes preacutesentant le mecircme patron flexionnel cest-agrave-dire

    la mecircme faccedilon de reacutealiser les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques (Booij 2012 312) Par exemple le

    latin preacutesente cinq conjugaisons diffeacuterentes cest-agrave-dire quil existe cinq classes de verbes

    preacutesentant chacune un patron flexionnel diffeacuterent (Bortolussi 1999 83-109)

    Tableau 11 - Formes de limperfectif indicatif preacutesent actif en latin

    1er conjugaison(aimer)

    2e conjugaison(deacutetruire)

    3e conjugaison(lire)

    3e conj mixte(prendre)

    4e conjugaison(eacutecouter)

    1SG amo deleo lego capio audio

    2SG amās delēs legis capis audīs

    35 Dans les descriptions laquo classiques raquo du latin chaque combinaison temps-aspect porte un nom speacutecifique parfait(perfectif preacutesent) plus-que-parfait (perfectif passeacute) futur anteacuterieur (perfectif futur) preacutesent (imperfectif preacutesent)imparfait (imperfectif passeacute) et futur (imperfectif futur) (Bortolussi 1999 82)

    36 Auxquels on ajoute traditionnellement les modes laquo impersonnels raquo infinitif participe geacuterondif et supin (Bortolussi1999 82)

    37 Dans ce contexte le terme laquo mot grammatical raquo renvoie agrave lune des formes dun lexegraveme dans un paradigmeflexionnel (Booij 2012 316) Il doit ecirctre distingueacute du laquo mot-forme raquo qui correspond agrave la reacutealisation dun motgrammatical Ces deux notions se confondent parfois car geacuteneacuteralement un mot grammatical na quune reacutealisationpossible Neacuteanmoins il existe des cas ougrave plusieurs mots-formes correspondent agrave un mecircme mot grammatical Parexemple pour certains anglophones les mots-formes dreamed [dri md] et ː dreamt [dremt] sont en variation libre etlon peut donc dire quils constituent deux reacutealisations possibles du mot grammatical dream-PAS (Carstairs-McCarthy2000 595-596)

    38 Les classes flexionnelles nominales quant agrave elles sont appeleacutees laquo deacuteclinaisons raquo (Booij 2012 104)

    - 66 -

    13 La conjugaison du wolof

    La conjugaison du wolof combine trois proceacutedeacutes dont deux peuvent ecirctre consideacutereacutes comme

    peacuteriphrastiques constructions agrave marqueur preacutedicatif constructions agrave verbe auxiliaire et

    constructions affixales

    Nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo les constructions eacuteleacutementaires de la conjugaison Agrave

    lexception de trois dentre elles il sagit de constructions agrave marqueur preacutedicatif cest-agrave-dire de

    constructions constitueacutees du lexegraveme verbal et dun mot grammatical speacutecifique que nous appelons

    laquo marqueur preacutedicatif raquo Les constructions preacutedicatives encodent diffeacuterents types de cateacutegories

    grammaticales distinction relevant de la focalisation distinction modale (realis irrealis) le

    parfait le futur et la polariteacute

    En plus de lexpression de ces distinctions les constructions preacutedicatives ont par deacutefaut une

    valeur de perfectif non-passeacute et non-neacutegatif39 Ainsi pour exprimer limperfectif le passeacute ou la

    neacutegation il est neacutecessaire dajouter un auxiliaire ou un affixe verbal agrave la construction preacutedicative

    131 Les constructions preacutedicatives

    Les constructions preacutedicatives constituent la base sur laquelle se construit la preacutedication verbale

    Cela signifie que linstanciation dune construction preacutedicative correspond agrave une uniteacute phrastique de

    base cest-agrave-dire une uniteacute phrastique qui a la laquo proprieacuteteacute de pouvoir agrave elle seule constituer un

    eacutenonceacute assertif et de fournir un point de deacutepart permettant de deacutecrire de la faccedilon la plus simple

    possible la correspondance entre les diffeacuterentes uniteacutes phrastiques qui repreacutesentent le mecircme

    eacuteveacutenement conceptualiseacute raquo (Creissels 1995 36)

    Nous identifions douze constructions preacutedicatives Elles encodent diffeacuterents types de cateacutegories

    grammaticales

    bull Focalisation focus eacutetroit (ou constrastif) focus large (ou preacutesentationnel)

    bull Aspect uniquement le parfait

    bull Temps uniquement le futur

    bull Mode realis irrealis (notamment deacuteontique)

    39 La valeur de non-neacutegatif ne concerne que certaines constructions

    - 67 -

    bull Polariteacute neacutegatif non-neacutegatif

    Quatre constructions preacutedicatives encodent des traits lieacutes agrave la focalisation (2a-d) Comme nous

    lavons signaleacute en (sect 12) lexpression de la focalisation dans la conjugaison est particuliegraverement

    freacutequente dans les langues africaines (Creissels et al 2008 104-105)

    2) a Focalisation du sujet

    Omar =a lekk ceeb

    Omar =FOCS manger riz

    lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    b Preacutesentatif

    Omar =a ng-i lekk ceeb

    Omar =PRST-PX manger riz

    lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    c Focalisation du compleacutement

    Ceeb =la Omar lekk

    riz =FOCC Omar manger

    lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

    d Focalisation du verbe

    Omar =dafa lekk ceeb

    Omar =FOCVS3SG manger riz

    lsquo(Le fait est que) Omar a mangeacute du rizrsquo

    Deux constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct de laspect Il sagit du parfait

    (3a) et de son eacutequivalent neacutegatif (3b)

    3) a Parfait

    Omar lekk =na ceeb

    Omar manger =PRFS3SG riz

    lsquoOmar a mangeacute du rizrsquo

    - 68 -

    b Parfait neacutegatif

    Omar lekk-ul ceeb

    Omar manger-PRFNEGS3SG riz

    lsquoOmar na pas mangeacute de rizrsquo

    Deux constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct du temps Il sagit du futur

    (4a) et de son eacutequivalent neacutegatif (4b)40 On notera que le passeacute et le preacutesent ne sont pas exprimeacutes par

    des constructions preacutedicatives speacutecifiques (sect 134) Le fait davoir un marquage du futur diffeacuterent

    de celui du passeacute et du preacutesent nest pas rare Meillet (1921 181-182) remarque que ce pheacutenomegravene

    est attesteacute en allemand et en anglais Il note eacutegalement que les langues romanes ont conserveacute le

    passeacute et le preacutesent latins mais quelles ont remplaceacute le futur par de nouvelles formes Nous pouvons

    supposer que ces diffeacuterences formelles sont dues au fait que le futur nest pas une cateacutegorie

    strictement temporelle En effet le futur fait reacutefeacuterence agrave un eacuteveacutenement nayant pas encore eu lieu et

    est donc lexpression dune intention ou dune preacutediction de la part du locuteur ce qui le rapproche

    des cateacutegories modales (notamment de lirrealis) (Dahl 1985 103 Dixon 2010 154)

    4) a Futur

    Omar =dina lekk ceeb

    Omar =FUTS3SG manger riz

    lsquoOmar mangera du rizrsquo

    b Futur neacutegatif

    Omar du lekk ceeb

    Omar FUTNEGS3SG manger riz

    lsquoOmar ne mangera pas de rizrsquo

    Quatre constructions preacutedicatives encodent des traits relevant plutocirct du mode Il sagit de loptatif

    (5a) de limpeacuteratif (5b) du prohibitif (5c) et dans une certaine mesure du minimal (5d) Loptatif

    limpeacuteratif et le prohibitif relegravevent clairement de la modaliteacute deacuteontique cest-agrave-dire dune obligation

    ou dune permission eacutemanant dune source exteacuterieure (Palmer 2001 9) Le minimal relegraveve dans

    certains de ces emplois dun mode subjonctif (sect 24)

    40 Analyser cette construction comme un laquo futur neacutegatif raquo est contestable Nous justifions notre analyse en (sect 222)

    - 69 -

    5) a Optatif

    Na Omar lekk ceeb

    OPT Omar manger riz

    lsquoQue Omar mange du rizrsquo

    b Impeacuteratif

    Lekk-al ceeb

    Manger-IMPS2SG riz

    lsquoMange du riz rsquo

    c Prohibitif

    Bul lekk ceeb

    PROHS2SG manger riz

    lsquoNe mange pas de riz rsquo

    d Minimal (subjonctif)

    (hellip) Omar lekk ceebhellip

    Omar manger riz

    lsquo(hellip) Omar mangea du rizhelliprsquo

    Les constructions preacutedicatives du wolof constituent lun des aspects de la langue les plus eacutetudieacutes

    notamment agrave travers les grammaires ainsi que les travaux portant sur le systegraveme verbal Plusieurs

    auteurs les analysent comme des laquo modes raquo ou des laquo modaliteacutes raquo (Sauvageot 1965 Church 1981

    Dialo 1981a Diouf 1985) Cependant nous consideacuterons que le choix des termes laquo mode raquo ou

    laquo modaliteacute raquo pour qualifier ces constructions nest pas tregraves heureux En effet les traits encodeacutes par

    ces constructions ne relegravevent pas uniquement du mode mais eacutegalement de la structure

    informationnelle de laspect ou du temps41 Robert (1991) est le premier auteur agrave utiliser un terme

    choisi pour ecirctre le moins probleacutematique possible conjugaison Cependant comme nous lavons vu

    en (sect 12) ce terme est couramment utiliseacute en morphologie dans un sens tregraves diffeacuterent Il deacutesigne les

    classes flexionnelles verbales cest-agrave-dire des classes de verbes preacutesentant le mecircme patron

    flexionnel (Haspelmath 2002 115 Booij 2012 312 Carstairs-McCarthy 2000b 631) Aussi la

    notion qui nous semble la moins probleacutematique pour caracteacuteriser ces constructions est celle de

    41 De fait lutilisation faite par la plupart des auteurs travaillant sur le wolof de la notion de laquo mode raquo estprobablement due agrave linfluence de la grammaire traditionnelle qui seacuteparait les formes verbales en laquo modes raquo eux-mecircmes diviseacutes en laquo temps raquo (Creissels 1995 166)

    - 70 -

    laquo tiroir verbal raquo42 cest-agrave-dire laquo un ensemble de formes verbales qui ne diffegraverent entre elles que par

    le choix du lexegraveme dont elles sont issues etou par la valeur des indices pronominaux quelles

    comportent raquo (Creissels 1995 165-171) Cette notion a lavantage denglober toutes les

    constructions preacutedicatives sans preacutejuger de la nature de linformation grammaticale veacutehiculeacutee

    132 Lexpression de la neacutegation

    Nous pouvons remarquer que trois constructions preacutedicatives encodent la polariteacute neacutegative le

    parfait neacutegatif (eacutequivalent neacutegatif du parfait) le futur neacutegatif (eacutequivalent neacutegatif du futur) et le

    prohibitif (eacutequivalent neacutegatif de loptatif et de limpeacuteratif)

    En revanche il nexiste pas de constructions preacutedicatives neacutegatives qui soient eacutequivalentes aux

    autres constructions preacutedicatives agrave savoir les constructions focalisantes et le minimal Dans les

    constructions de focalisation du sujet focalisation du compleacutement focalisation du verbe et dans

    certains emplois du minimal la neacutegation est exprimeacutee par lajout dun suffixe verbal -(w)ul (6a) Au

    preacutesentatif et dans certains emplois du minimal la neacutegation est exprimeacutee par lajout dun verbe

    auxiliaire bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (6b)

    6) a Dama lekk-ul ceeb

    FOCVS1SG manger-NEG riz

    lsquoJe nai pas mangeacute de rizrsquo

    b (hellip) ndax mu bantilde=a lekk ceeb

    pour S3SG refuser=DV manger riz

    lsquo(hellip) pour quil ne mange pas de rizrsquo

    Dans ces constructions laffirmation est simplement exprimeacutee par une absence de marqueur

    speacutecifique

    133 Lopposition aspectuelle perfectif imperfectif

    La principale distinction aspectuelle de la langue (perfectif imperfectif) nest pas encodeacutee par

    des constructions preacutedicatives speacutecifiques Limperfectif est exprimeacute par lajout du verbe auxiliaire

    42 Terme initialement introduit par Damourette amp Pichon (1933)

    - 71 -

    di (ou de sa forme clitique =y) agrave une construction preacutedicative (7a) alors que le perfectif est

    simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique (7b)

    7) a Dangeen di lekk ceeb

    FOCVS2PL IPF manger riz

    lsquoVous mangez du rizrsquo

    b Dangeen lekk ceeb

    FOCVS2PL manger riz

    lsquoVous avez mangeacute du rizrsquo

    134 Lexpression du passeacute

    Le passeacute et le preacutesent ne sont pas exprimeacutes par des constructions preacutedicatives speacutecifiques Le

    passeacute est exprimeacute par lajout dun suffixe verbal -(w)oon agrave une construction preacutedicative (8a) et le

    preacutesent est simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique (8b)43

    8) a Dama lekk-oon ceeb

    FOCVS1SG manger-PAS riz

    lsquoJavais mangeacute du rizrsquo

    b Dama lekk ceeb

    FOCVS1SG manger riz

    lsquoJai mangeacute du rizrsquo

    135 Lexpression de la personne et du nombre

    Dans les constructions preacutedicatives agrave marqueur preacutedicatif le morphegraveme encodant la personne et

    le nombre forme un amalgame avec le marqueur preacutedicatif (9a) Dans les constructions preacutedicatives

    syntheacutetiques le morphegraveme encodant la personne et le nombre forme un amalgame avec le suffixe

    verbal (10a) Dans ces deux cas la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee (9b-10b)

    43 La situation est en reacutealiteacute un peu plus complexe (sect 33)

    - 72 -

    9) a Ceeb la-a lekk

    riz FOCC-S1SG manger

    lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo

    b Ceeb la-Oslash lekk

    riz FOCC-S3SG manger

    lsquoCest du riz quil a mangeacutersquo

    10) a Lekk-u-ma ceeb

    manger-PRFNEG-S1SG riz

    lsquoJe nai pas mangeacute de rizrsquo

    b Lekk-ul-Oslash ceeb

    manger-PRFNEG-S3SG riz

    lsquoIl na pas mangeacute de rizrsquo

    Au minimal le morphegraveme encodant la personne et le nombre se reacutealise sous la forme dun

    pronom personnel (11a) En labsence de sujet lexical la troisiegraveme personne du singulier est

    marqueacutee (11b)

    11) a (hellip) ma lekk ceebhellip

    S1SG manger riz

    lsquo(hellip) je mangeai du rizhelliprsquo

    b (hellip) mu lekk ceebhellip

    S3SG manger riz

    lsquo(hellip) il mangea du rizhelliprsquo

    14 Synthegravese

    Le systegraveme verbal du wolof est caracteacuteriseacute par un enchevecirctrement des cateacutegories grammaticales

    lieacutees au verbe En effet comme nous venons de le voir des informations relevant de la mecircme

    cateacutegorie peuvent ecirctre exprimeacutees de diffeacuterentes faccedilons Cest notamment le cas pour le temps

    - 73 -

    laspect le mode la structure informationnelle et la polariteacute

    Le systegraveme verbal du wolof est constitueacute de plusieurs sous-systegravemes Contrairement agrave ce quon a

    pu voir pour le latin en (sect 12) en wolof il ny a pas de relation biunivoque entre les cateacutegories

    grammaticales lieacutees au verbe et les sous-systegravemes En effet le systegraveme verbal de cette langue eacutetant

    caracteacuteriseacute par un enchevecirctrement des cateacutegories verbales seacuteparer chacune de ces cateacutegories ne

    permet pas de rendre compte de maniegravere eacuteleacutegante de lorganisation du systegraveme verbal Ainsi nous

    consideacuterons que le systegraveme verbal est constitueacute de cinq sous-systegravemes

    bull Tiroir verbal Ce sous-systegraveme est exprimeacute par les constructions preacutedicatives Ces

    constructions relegravevent de diffeacuterentes cateacutegories grammaticales focus (focalisation du sujet

    preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe) aspect (parfait) temps

    (futur) et modaliteacute (optatif impeacuteratif subjonctif)

    bull Polariteacute La polariteacute na que deux valeurs possibles affirmatifpositif (+) ou neacutegatif (-) Ce

    sous-systegraveme est exprimeacute de diffeacuterentes maniegraveres et est partiellement imbriqueacute dans le sous-

    systegraveme des tiroirs verbaux Neacuteanmoins distinguer un sous-systegraveme laquo polariteacute raquo est

    pertinent car dun point de vue fonctionnel chaque construction preacutedicative neacutegative est

    leacutequivalent neacutegatif dune autre construction preacutedicative (ou de deux constructions dans le

    cas du prohibitif)

    bull Aspect Ce sous-systegraveme est exclusivement exprimeacute par la preacutesence (imperfectif) ou

    labsence (perfectif) du verbe auxiliaire di ou de sa forme clitique =y

    bull Temps Ce sous-systegraveme est essentiellement exprimeacute par la preacutesence (passeacute) ou labsence

    (non-passeacute) du suffixe verbal -(w)oon44 Suivant Timberlake (2007 305) et Dixon (2010

    154) nous preacutefeacuterons le terme laquo non-passeacute raquo agrave laquo preacutesent raquo car en labsence du suffixe

    - (w)oon un eacutenonceacute imperfectif peut avoir un sens de preacutesent ou de futur

    bull Personne Ce sous-systegraveme est exprimeacute par la preacutesence (1SG 2SG 1PL 2PL 3PL et dans

    certains cas 3SG) ou labsence (3SG) de marque personnelle

    En reprenant la terminologie proposeacutee par Stump (2001) dans le cadre de la Paradigm Function

    Morphology45 nous pouvons preacutesenter ces sous-systegravemes de maniegravere formelle et syntheacutetique sous la

    forme dune liste de traits morphosyntaxiques ayant plusieurs valeurs possibles

    44 Nous pouvons eacutegalement mentionner le passeacute reculeacute marqueacute par le suffixe -(w)aan Nous traitons de ce cas plus endeacutetails en (sect 33)

    45 Lobjectif de ce chapitre nest pas de fournir une analyse du systegraveme verbal wolof dans le cadre de la ParadigmFunction Morphology Nous utilisons uniquement une partie de la terminologie et des repreacutesentations proposeacutees parce cadre theacuteorique car elles permettent de preacutesenter de maniegravere claire et syntheacutetique la structure du systegraveme verbal

    - 74 -

    Tableau 12 - Traits du paradigme des verbes en wolof

    Trait Valeurs

    Tiroir verbal focs prst focc focv prf fut opt imp subj

    Polariteacute affirmatif (+) neacutegatif (ndash)

    Aspect perfectif (pf) imperfectif (ipf)

    Temps non-passeacute (npas) passeacute (pas) passeacute reculeacute (pasr)

    Personne 1sg 2sg 3sg 1pl 2pl 3pl

    Poser lexistence dun trait laquo tiroir verbal raquo peut paraicirctre discutable eacutetant donneacute lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute

    des valeurs possibles Neacuteanmoins cela est parfaitement justifieacute dans le systegraveme verbal du wolof En

    effet les constructions qui encodent ce trait agrave savoir les constructions preacutedicatives sont en

    opposition Ainsi au sein du paradigme des verbes du wolof aucune forme ne pourra porter

    simultaneacutement plusieurs valeurs du trait laquo tiroir verbal raquo mecircme si aucune contrainte seacutemantique ne

    semble sy opposer Par exemple aucune forme verbale ne pourra porter simultaneacutement des valeurs

    de parfait et de focalisation du sujet

    Tableau 13 - Formes de 1SG du verbe lekk (manger)

    POLPERFECTIF IMPERFECTIF

    NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

    FOCS+ maa lekk maa lekkoon maay lekk maa doon lekk

    ndash maa lekkul maa lekkuloon maa dul lekk maa duloon lekk

    PRST+ maa ngi lekk maa ngi lekkoon maa ngiy lekk maa ngi doon lekk

    ndash maa ngi bantildea lekk maa ngi bantildeoona lekk maa ngiy bantildea lekk maa ngi doon bantildea lekk

    FOCC+ laa lekk laa lekkoon laay lekk laa doon lekk

    ndash laa lekkul laa lekkuloon laa dul lekk laa duloon lekk

    FOCV+ dama lekk dama lekkoon damay lekk dama doon lekk

    ndash dama lekkul dama lekkuloon dama dul lekk dama duloon lekk

    PRF+ lekk naa lekkoon naa dinaa lekk doon naa lekk

    ndash lekkuma lekkuma woon duma lekk duma woon lekk

    FUT+ dinaa lekk doon naa lekk dinaay lekk na

    ndash duma lekk duma woon lekk dumay lekk na

    OPT+ naa lekk na naay lekk na

    ndash bu ma lekk na bu may lekk na

    SUBJ+ ma lekk ma lekkoon may lekk ma doon lekk

    ndash ma bantildea lekk ma bantildeoona lekk may bantildea lekk na

    - 75 -

    Suivant la terminologie proposeacutee par Stump (2001 43) chaque cellule du paradigme des verbes

    du wolof correspond agrave un couple formeacute dun mot grammatical et de ces cinq proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques46 Par exemple le couple formeacute du mot-forme lekkuma et des proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques TIRV prf POL ndash ASP pf TPS npas PERS 1sg constitue une cellule du paradigme du

    lexegraveme LEKK

    46 Le paradigme complet des verbes du wolof est preacutesenteacute en Conclusion de la Partie I

    - 76 -

    CCHAPITREHAPITRE 2 - 2 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS PREacuteDICATIVESPREacuteDICATIVES

    Lobjectif de ce chapitre est de fournir une description complegravete de chaque construction

    preacutedicative47 Nous preacutesentons les caracteacuteristiques morphosyntaxiques seacutemantiques et pragmatiques

    de chacune dentre elles Ces caracteacuteristiques sont principalement reprises des grammaires ainsi que

    des travaux portant sur le systegraveme verbal essentiellement Dialo (1981a) Church (1981) et Robert

    (1991)48 La structure syntaxique de chaque construction est preacutesenteacutee sous la forme de schegravemes

    repreacutesenteacutes par une suite de lettres correspondant chacune agrave une uniteacute syntaxique49

    V = verbe

    S = sujet lexical

    O = objet lexical

    X = nominal autre que le sujet ou lobjet

    p = marque flexionnelle marqueur preacutedicatif

    s = sujet pronominal

    o = objet pronominal

    x = pronom correspondant agrave X

    La majeure partie des termes que nous utilisons pour nommer ces constructions est directement

    reprise de Robert (1991) et de Church (1981) Cependant pour certaines dentre elles nous avons

    fait le choix dutiliser des eacutetiquettes correspondant agrave des concepts comparatifs identifieacutees par

    certains travaux typologiques tels que Dahl (1985) Bybee et al (1994) Creissels (2006a) ou

    Timberlake (2007) Retenons que ces eacutetiquettes ont pour unique fonction de nommer les

    constructions en rendant compte de leur valeur la plus eacutevidente (Creissels 1995 168-169) Elles ne

    rendent absolument pas compte de linteacutegraliteacute du sens de la construction

    21 Les constructions exprimant le parfait

    Le parfait est exprimeacute par deux constructions preacutedicatives distinctes parfait (affirmatif) et

    parfait neacutegatif Ainsi contrairement aux constructions focalisantes (FOCS FOCC FOCV) ougrave le trait

    laquo tiroir verbal raquo est exprimeacute par une construction preacutedicative et le trait laquo polariteacute raquo par un suffixe

    47 Nous avons eacutegalement ajouteacute les trois constructions preacutedicatives neacutegatives preacutesentant une structure particuliegravere48 Dialo (1981a) fournit une description exhaustive des formes des constructions preacutedicatives Church (1981) apporte

    en plus une description des emplois et des hypothegraveses diachroniques Robert (1991) fournit une descriptiondeacutetailleacutee des proprieacuteteacutes seacutemantiques et pragmatiques de ces constructions

    49 Linventaire des lettres utiliseacutees pour les schegravemes de preacutedication est tireacute de Creissels (1991 405) et Creissels(2008 77)

    - 77 -

    verbal au parfait ces deux traits sont indissociables

    211 Le parfait

    Cette construction est appeleacutee laquo terminatif raquo par Fal (1999) laquo aspect accompli raquo par Sauvageot

    (1965) laquo eacutenonciatif raquo par Dialo (1981a) et Church (1981) et laquo mise en relief du verbe raquo par Diouf

    (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo parfait raquo emprunteacute agrave Robert (1991) en raison de sa

    pertinence seacutemantique ainsi que de son utilisation dans la plupart des travaux typologiques de

    reacutefeacuterence tels que Comrie (1976 Ch 3) Dahl (1985 129-153) Bybee amp Dahl (1985 67-77) et

    Timberlake (2007 289-292)

    Le parfait se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif na placeacute immeacutediatement apregraves le

    verbe ce dernier se situant en tecircte de phrase On note que le marqueur preacutedicatif tombe agrave la

    deuxiegraveme personne du singulier et du pluriel et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas

    marqueacutee pour la personne

    Tableau 21 - Paradigme personnel du parfait

    SG PLSG PL

    MP SUJ MP SUJ

    1 na -a na -nu naa nanu

    2 Oslash -nga Oslash -ngeen rarr nga ngeen

    3 na -Oslash na -ntildeu na nantildeu

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V p-s O avec des arguments lexicaux

    (12a) et V p-s =o avec des arguments pronominaux (12b)

    12) a S V =p-s O

    Xale =yi lekk =na-ntildeu ceeb

    enfant =CLyDFPX manger =PRF-S3PL riz

    lsquoLes enfants ont mangeacute du rizrsquo

    b V =p-s =o

    Lekk =na-a =ko

    manger =PRF-S1SG =O3SG

    lsquoJe lai mangeacutersquo

    - 78 -

    La valeur principale de cette construction est celle dun parfait cest-agrave-dire une cateacutegorie qui

    indique quune situation est deacutecrite comme eacutetant pertinente (relevant) au moment de leacutenonciation

    ou agrave un autre moment de reacutefeacuterence (Bybee amp Dahl 1985)50 Tous les emplois identifieacutes par Robert

    (1991 41-59) sont coheacuterents avec cette valeur

    Comme cest le cas dans dautres langues (Schaden 2007 17) le parfait wolof a plusieurs

    lectures cest-agrave-dire quil nest pas toujours interpreacuteteacute de la mecircme faccedilon Il peut ecirctre utiliseacute pour

    indiquer quune situation a eu lieu au moins une fois avant le moment de reacutefeacuterence (13a-b) Cette

    lecture correspond au laquo parfait expeacuterientiel raquo de Comrie (1976 58-59) ou agrave la laquo lecture

    existentielle raquo de Schaden (2007 17)

    13) a Tux =na (Robert 1991 46)

    fumer =PRFS3SG

    lsquoIl a (deacutejagrave) fumeacute (inutile lui offrir une cigarette)rsquo

    b Dem =na Magravekka juroacuteomi yoon (Diouf 2003 177)

    partir =PRFS3SG La_Mecque cinqGENPL fois

    lsquoIl est alleacute cinq fois agrave La Mecquersquo

    Le parfait peut eacutegalement ecirctre utiliseacute pour indiquer que le point de reacutefeacuterence est perccedilu comme le

    reacutesultat dune situation qui lui est anteacuterieure ou comme le reacutesultat dune attente En (14a) nelaw

    (dormir) est perccedilu comme le reacutesultat de la situation jooy nantildeu xiif (ils ont pleureacute de faim) En (14b)

    bu yagravegg (depuis longtemps) mesure leacutetat reacutesultant dune situation anteacuterieure agrave savoir larriveacutee de

    lenfant En (14c) lekk naa (jai mangeacute) est perccedilu comme le reacutesultat dune attente ou dun objectif

    que le locuteur sest fixeacute En (14d) neacuteeg bi set na (la chambre est propre) est agrave la fois perccedilu comme

    un changement deacutetat et comme le reacutesultat dune attente du locuteur En (14e) par contre buum bi

    gudd na (la corde est longue) ne peut pas ecirctre perccedilu comme un changement deacutetat mais uniquement

    comme le reacutesultat dune attente du locuteur (Robert 1991 41-59) Cette lecture correspond au

    laquo parfait de reacutesultat raquo de Comrie (1976 56-58) ou agrave la laquo lecture reacutesultative raquo de Schaden (2007

    18)

    14) a Jooy =na-ntildeu xiif ba nelaw (Robert 1991 44)

    pleurer =PRF-S3PL avoir_faim jusque dormir

    lsquoIls ont pleureacute de faim jusquagrave en tomber de sommeilrsquo

    50 Cette deacutefinition complegravete et preacutecise la deacutefinition proposeacutee par Comrie (1985a Ch 3)

    - 79 -

    b Xale =bi agsi =na bu yagravegg (Diouf amp Yaguello 1991 172)

    enfant =CLbDFPX arriver =PRFS3SG CLbREL durer

    lsquoLenfant est arriveacute depuis longtempsrsquo

    c Demb ba tey meumlnuma lekk (Robert 1991 44)

    hier jusque aujourdhui pouvoirPRFNEGS1SG manger

    wande tey lekk =naa

    mais aujourdhui manger =PRFS1SG

    lsquoDepuis hier je narrivais pas agrave manger mais aujourdhui jai (reacuteussi agrave) mangeacutersquo

    d Neacuteeg =bi set =na (Robert 1991 56)

    chambre =CLbDFPX ecirctre_propre =PRFS3SG

    lsquo(Ccedila y est) la chambre est propre rsquo

    e Buum =bi gudd =na (Robert 1991 57)

    corde =CLbDFPX ecirctre_long =PRFS3SG

    lsquo(Ccedila va) la corde est assez longuersquo

    En revanche le parfait wolof na pas de laquo lecture universelle raquo (Schaden 2007 17-18) ou

    demploi de laquo parfait de situation persistante raquo (Comrie 1976 60) cest-agrave-dire quil nest pas la

    construction non marqueacutee pour indiquer quune situation a deacutebuteacute avant le moment de reacutefeacuterence

    mais continue decirctre en cours au moment de reacutefeacuterence Notons que labsence de laquo lecture

    universelle raquo nest pas propre au parfait wolof Selon Comrie (1976 60) cette lecture semble

    caracteacuteristique de langlais En franccedilais et en allemand ce type de situation est plutocirct exprimeacute par le

    preacutesent simple (Schaden 2007 18) En wolof ce type de situation est exprimeacute par une autre

    construction preacutedicative geacuteneacuteralement un preacutesentatif (15a) ou une focalisation du verbe (15b) Le

    parfait reste possible mais il semble que son emploi soit uniquement attesteacute avec certains verbes

    comme yagravegg (durer) (15c) Dans ce cas la laquo situation persistante raquo nest pas exprimeacutee par le parfait

    mais plutocirct par le verbe

    15) a Ndox =ma=a ngi=y wal ca suba ba leacuteegi (Diouf 2003 359)

    eau =CLmDF=PRSTPX=IPF couler PREPDT matin jusque maintenant

    lsquoLeau coule depuis ce matinrsquo

    - 80 -

    b Ba nga =ko teree foyi ba tey (Diouf 2003 359)

    TEMP S2SG =O3SG interdireANT jouerAND jusque aujourdhui

    dafa singali Omar

    FOCVS3SG ecirctre_deacutesagreacuteable_avec Omar

    lsquoDepuis que tu lui as deacutefendu daller jouer il est deacutesagreacuteable avec Omarrsquo

    c Ndaw =sii yagravegg =na=a jaay gerte-caaf (Diouf 2003 145)

    dame =CLsDEMPX durer =PRFS3SG=DV vendre cacahuegravete

    lsquoCette dame vend des cacahuegravetes depuis longtempsrsquo

    Le parfait wolof nest pas non plus la construction non marqueacutee pour exprimer un passeacute proche

    ce que Comrie (1976 60-61) nomme laquo parfait de passeacute reacutecent raquo et Schaden (2007 18-19) nomme

    laquo parfait danteacuterioriteacute immeacutediate raquo En effet ce type de situation est geacuteneacuteralement exprimeacute par le

    verbe sog (venir de) (16a-b) Comme pour la laquo lecture universelle raquo cette situation nest pas propre

    au wolof En franccedilais ou en espagnol lanteacuterioriteacute immeacutediate est eacutegalement exprimeacutee par une

    peacuteriphrase verbale (ce qui est visible dans la traduction des exemples (16a-b)) De plus en anglais

    ou en allemand lintroduction dun adverbe (respectivement just et gerade) semble indispensable

    pour cette lecture (Schaden 2007 18)

    16) a Ndaje =ma=a ngi sog=a tagravembali (Diouf 2003 586)

    reacuteunion =CLmDF=PRSTPX venir_de=DV commencer

    lsquoLa reacuteunion vient de commencerrsquo

    b Mu =ngi=y sog=a ntildeoacutew (Dialo 1981a 14)

    PRO3SG =PRSTPX=IPF venir_de=DV venir

    lsquoIl vient darriverrsquo

    Par ailleurs le parfait est la seule construction preacutedicative (avec le minimal) agrave ne pas pouvoir

    former des preacutedicats non verbaux (17a) (Robert 1991 38) Enfin on remarque quavec le verbe

    auxiliaire dimperfectif cette construction exprime un futur (17b) Cette forme tend agrave se

    grammaticaliser et peut ecirctre analyseacutee comme une nouvelle construction preacutedicative en wolof

    contemporain (sect 22)

    - 81 -

    17) a Kii di=na sama xarit

    CLHUMSGDEMPX COP=PRFS3SG POSS1SG ami

    b Di=na-a =fa dem eumllleumlg (Diouf 2003 114)

    IPF=PRF-S1SG =CLLOCDFDT partir demain

    lsquoJirai lagrave-bas demainrsquo

    212 Le parfait neacutegatif

    Cette construction est appeleacutee laquo neacutegatif accompli raquo par Sauvageot (1965) laquo eacutenonciatif neacutegatif raquo

    par Dialo (1981a) laquo neacutegatif accompli raquo par Church (1981) et laquo neacutegatif raquo par Robert (1991) Nous

    preacutefeacuterons utiliser le terme laquo parfait neacutegatif raquo car cette construction est leacutequivalent neacutegatif du parfait

    (Robert 1991 292)

    Le parfait neacutegatif est lune des deux seules (avec limpeacuteratif) constructions preacutedicatives

    syntheacutetiques de la langue Il se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur -u(l) amalgameacute au pronom

    sujet et suffixeacute au verbe Le suffixe -u(l) occupe donc une position morphosyntaxique similaire agrave

    celle du marqueur preacutedicatif na Par ailleurs le -l final du suffixe tombe devant les indices

    pronominaux et les pronoms clitiques (Diouf 2009 165) On note que la troisiegraveme personne du

    singulier nest pas marqueacutee pour la personne

    Tableau 22 - Paradigme personnel du parfait neacutegatif

    SG PLSG PL

    NEG SUJ NEG SUJ

    1 -u -ma -u -nu -uma -unu

    2 -ul -oo -ul -een rarr -uloo -uleen

    3 -u(l) -Oslash -u -ntildeu -u(l) -untildeu

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V-p-s O avec des arguments lexicaux

    (18a) et V-p-s =o avec des arguments pronominaux (18b)

    - 82 -

    18) a S V-p-s O

    Xale =yi lekk-u-ntildeu ceeb

    enfant =CLyDFPX manger-PRFNEG-S3PL riz

    lsquoLes enfants nont pas mangeacute de rizrsquo

    b V-p-s =o

    Lekk-u-ma =ko

    manger-PRFNEG-S1SG =O3SG

    lsquoJe ne lai pas mangeacutersquo

    On peut sinterroger sur la pertinence danalyser cette construction comme un laquo parfait neacutegatif raquo

    En effet le marqueur preacutedicatif du parfait na napparaicirct pas le paradigme des pronoms sujets est

    formellement diffeacuterent (19a-b) De plus le marqueur du parfait neacutegatif -ul semble occuper la mecircme

    position que celle du marqueur du parfait affirmatif na mais leurs statuts morphosyntaxiques

    diffegraverent -ul est clairement un suffixe alors que na doit plutocirct ecirctre analyseacute comme un clitique

    (sect 515) Enfin le marqueur de passeacute (w)oon est suffixeacute au verbe lexical au parfait affirmatif (20a)

    alors quil se place apregraves les clitiques pronominaux au parfait neacutegatif (20b)

    19) a Dem =na-a

    partir =PRF-S1SG

    lsquoJe suis partirsquo

    b Dem-u-ma

    partir-PRFNEG-S1SG

    lsquoJe ne suis pas partirsquo

    20) a Gis-oon =na-a =ko

    partir-PAS =PRF-S1SG =O3SG

    lsquoJe lavais vursquo

    b Gis-u-ma =ko =woon

    partir=PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS

    lsquoJe ne lavais pas vursquo

    - 83 -

    Neacuteanmoins la valeur principale de cette construction est celle dun parfait neacutegatif Comme pour

    le parfait affirmatif le parfait neacutegatif a plusieurs lectures Il peut avoir une laquo lecture existentielle raquo

    cest-agrave-dire quil peut ecirctre utiliseacute pour quune situation na pas eu lieu avant le moment de reacutefeacuterence

    (21a) Il peut eacutegalement avoir une laquo lecture reacutesultative raquo cest-agrave-dire quil peut ecirctre utiliseacute pour

    indiquer que le reacutesultat dune attente (21b) ou dune situation anteacuterieure au moment de reacutefeacuterence

    (21c)

    21) a Dem-u-ma ca suul =ba (Diouf 2003 324)

    partir-PRFNEG-S1SG PREPDT enterrement =CLbDFDT

    lsquoJe ne suis pas alleacute agrave lenterrementrsquo

    b Fecc-ul (Robert 1991 290)

    danser-PRFNEGS3SG

    lsquoElle ne danse pas Elle ne veut pas danserrsquo

    c Garab =gi magravegg-ul (Robert 1991 290)

    arbre =CLgDFPX grandir-PRFNEGS3SG

    lsquoLarbre na pas grandirsquo

    De plus le parfait neacutegatif constitue la seule maniegravere dexprimer agrave la fois le parfait et la neacutegation

    Cette construction occupe donc les cellules correspondant aux proprieacuteteacutes morphosyntaxiques

    TIRV prf POL ndash dans le paradigme des verbes du wolof

    22 Les constructions exprimant le futur

    Comme pour le parfait le futur est exprimeacute par deux constructions preacutedicatives distinctes futur

    (affirmatif) et futur neacutegatif Cette analogie entre le futur et le parfait sexplique par lorigine des

    constructions exprimant le futur En effet le futur est issu de la grammaticalisation du verbe

    auxiliaire di et du marqueur preacutedicatif na Neacuteanmoins cette grammaticalisation nest pas encore

    acheveacutee et lanalyse de plusieurs cellules du paradigme est relativement probleacutematique

    221 Le futur

    Cette construction est appeleacutee laquo duratif-accompli raquo par Sauvageot (1965) et laquo projectif raquo par

    - 84 -

    Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo futur raquo en raison de sa pertinence seacutemantique ainsi

    que de son utilisation dans la plupart des travaux typologiques de reacutefeacuterence tels que Comrie

    (1985a 43-48) Dahl (1985 103-112) Bybee et al (1994 243-280) et Timberlake (2007 304-

    315)

    Le futur se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif dina placeacute immeacutediatement avant le

    verbe On note que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

    Tableau 23 - Paradigme personnel du futur

    SG PLSG PL

    MP SUJ MP SUJ

    1 dina -a dina -nu dinaa dinanu

    2 di -nga di -ngeen rarr dinga dingeen

    3 dina -Oslash dina -ntildeu dina dinantildeu

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux

    (22a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (22b)

    22) a S =p-s V O

    Xale =yi =dina-ntildeu lekk ceeb

    enfant =CLyDFPX =FUT-S3PL manger riz

    lsquoLes enfants mangeront du rizrsquo

    b p-s =o V

    Dina-a =ko lekk

    FUT-S1SG =O3SG manger

    lsquoJe le mangerairsquo

    Il y a un consensus dans la litteacuterature sur le fait que le marqueur preacutedicatif du futur dina est

    constitueacute du verbe auxiliaire di et du marqueur preacutedicatif na Neacuteanmoins lanalyse de cette

    construction en synchronie varie sensiblement dun auteur agrave lautre De fait peu dauteurs preacutesentent

    le futur comme une construction autonome Dialo (1981a 22) et Church (1981 107-116)

    lanalysent simplement comme un parfait avec le verbe auxiliaire dimperfectif di (23a-b)

    - 85 -

    23) a Bey =na-a ceeb (Dialo 1981a 19)

    cultiver =PRF-S1SG riz

    lsquoJai cultiveacute du rizrsquo

    b Di=na-a bey ceeb (Dialo 1981a 22)

    IPF=PRF-S1SG cultiver riz

    lsquoJe cultiverai du rizrsquo

    Sauvageot (1965 105-106) et Diouf (2009 198) en revanche considegraverent le futur comme une

    construction preacutedicative agrave part entiegravere Lune des raisons de ce choix reacuteside dans la possibiliteacute

    dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire dimperfectif di (24a-b)51 aucune autre construction

    preacutedicative ne permet ce type de construction laquo surcomposeacutee raquo

    24) a Dina-a=y tux (Sauvageot 1965 106)

    FUT-S1SG=IPF fumer

    lsquoJai lhabitude de fumerrsquo

    b Dina=y feacuteex ci ngoon =si (Diouf 2003 123)

    FUTS3SG=IPF ecirctre_frais PREPPX soir =CLsDFPX

    lsquoIl fait frais le soirrsquo

    Nous pouvons donc consideacuterer que le futur est une construction preacutedicative issue de la

    grammaticalisation dune construction mettant en jeu le verbe auxiliaire di et le marqueur preacutedicatif

    na Neacuteanmoins si lon eacutetudie le paradigme complet de ces formes (Tableau 24) on constate que

    cette grammaticalisation nest pas complegravete

    Comme la totaliteacute des auteurs la remarqueacute les formes du futur (perfectif) sont formellement

    identiques aux formes du parfait imperfectif et ce quelque soit la personne Cela tend agrave montrer que

    le futur est issu du parfait

    51 Robert (1991 270-273) et Perrin (2005 155-161) tiennent compte de cette construction en di-na=y neacuteanmoins ilsne preacutesentent pas le futur comme une construction preacutedicative agrave part entiegravere Selon leur analyse di et =y constituentdeux morphegravemes distincts

    - 86 -

    Tableau 24 - Formes du parfait et du futur affirmatif du verbe lekk (manger)

    PERFECTIF IMPERFECTIF

    NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

    PRF

    lekk=naalekk=ngalekk=nalekk=nanulekk=ngeenlekk=nantildeu

    lekkoon=naalekkoon=ngalekkoon=nalekkoon=nanulekkoon=ngeenlekkoon=nantildeu

    di=naa lekkdi=nga lekkdi=na lekkdi=nanu lekkdi=ngeen lekkdi=nantildeu lekk

    doon=naa lekkdoon=nga lekkdoon=na lekkdoon=nanu lekkdoon=ngeen lekkdoon=nantildeu lekk

    FUT

    dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk

    doon=naa lekkdoon=nga lekkdoon=na lekkdoon=nanu lekkdoon=ngeen lekkdoon=nantildeu lekk

    dinaay lekkdingay lekkdinay lekkdinanuy lekkdingeen di lekkdinantildeuy lekk

    na

    Comme nous lavons eacutevoqueacute plus haut les formes du futur imperfectif sont construites en

    ajoutant le verbe auxiliaire di (ou sa forme clitique =y) aux formes du futur perfectif Cela tend agrave

    montrer quen wolof contemporain leacuteleacutement di dans dina nest plus consideacutereacute comme un verbe

    auxiliaire dimperfectif On peut donc supposer que di=na sest grammaticaliseacute en un nouveau

    marqueur preacutedicatif dina

    Neacuteanmoins si lon considegravere que dina est un marqueur preacutedicatif au mecircme titre que na dafa

    etc les formes du futur passeacute ne correspondent pas aux formes attendues En effet si la

    grammaticalisation du futur eacutetait complegravete le suffixe du passeacute -(w)oon devrait se placer sur le verbe

    lexical (25a) Or cette forme est impossible Les seules formes attesteacutees sont identiques aux formes

    du parfait imperfectif passeacute ougrave le suffixe du passeacute -(w)oon se place sur lauxiliaire dimperfectif di

    (25b)

    25) a Mbantilde-gagravecce dina =fi baax-oon

    rideau FUTS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien-PAS

    b Mbantilde-gagravecce d-oon =na =fi baax (Diouf 2003 563)

    rideau IPF-PAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien

    lsquoUn rideau serait bien icirsquo

    Par ailleurs on remarque quil y a un trou dans le paradigme des formes du futur Aucune forme

    ne correspond aux proprieacuteteacutes TIRV fut POL + ASP ipf TPS pas Ce trou nest pas surprenant Comme

    - 87 -

    nous venons de le voir il ny a pas de formes speacutecifiques pour le futur passeacute puisque ces formes

    sont identiques aux formes du parfait imperfectif passeacute Or les formes du parfait imperfectif passeacute

    sont deacutejagrave marqueacutees pour limperfectif elles ne peuvent donc pas prendre agrave nouveau le verbe

    auxiliaire di Ainsi le trou dans le paradigme sexplique par le fait que la grammaticalisation du

    futur nest pas complegravete Aux formes du non-passeacute dina est un marqueur preacutedicatif agrave part entiegravere

    alors quaux formes du passeacute di et na sont deux eacuteleacutements distincts

    Le futur constitue donc une construction preacutedicative en cours de grammaticalisation La valeur

    principale de cette construction est celle dun futur (26a) Cette construction peut eacutegalement avoir

    une lecture gnomique ou geacuteneacuterique cest-agrave-dire quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une veacuteriteacute

    geacuteneacuterale (26b)

    26) a Dina dem Magravekka deacuteweacuten (Diouf 2003 106)

    FUTS3SG aller La_Mecque an_prochain

    lsquoIl ira agrave La Mecque lan prochainrsquo

    b Leacutereacuten =dina fanqal liir yaram wu ntildeaawlu (Diouf 2003 118)

    colostrum =FUTS3SG eacutepargner beacutebeacute corps CLwREL ecirctre_avilissant

    lsquoLe colostrum eacutepargne au nourrisson un corps indeacutesirablersquo

    Avec le marqueur de passeacute cette construction peut avoir deux lectures conditionnel (27a) ou

    imparfait (27b) Le conditionnel pouvant ecirctre deacutefini comme un laquo futur dans le passeacute raquo (Comrie

    1985a 75) la lecture conditionnelle est coheacuterente avec les formes du futur perfectif passeacute Par

    contre limparfait eacutetant geacuteneacuteralement deacutefini comme un passeacute imperfectif (Comrie 1976 Dahl

    1985) la seconde lecture correspond plutocirct aux formes du parfait imperfectif passeacute

    27) a D-oon =na baax (Diouf 2003 482)

    IPF-PAS =PRFS3SG ecirctre_bien

    su =ntildeu yokk-oon tali =yi

    HYP =S3PL agrandir-PAS chausseacutee =CLyDFPX

    lsquoCe serait bien si on eacutelargissait les routesrsquo

    b D-oon =na liggeacuteey ba ma ntildeeumlw-ee (Perrin 2005 412)

    IPF-PAS =PRFS3SG travailler TEMP S1SG venir-ANT

    lsquoIl travaillait lorsque je suis arriveacutersquo

    - 88 -

    Avec le verbe auxiliaire dimperfectif cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour indiquer quune

    situation est occasionnelle (28a-b) ou habituelle (24a-b) Ces deux lectures sont coheacuterentes avec la

    lecture gnomique du futur En effet le gnomique et loccasionnel sont des cateacutegories aspectuelles

    lieacutees agrave lhabituel (Dahl 1985 95-102 Bertinetto amp Lenci 2012)

    28) a Kii =dina=y soxor de (Robert 1991 273)

    CLHUMSGDEMPX =FUTS3SG=IPF ecirctre_meacutechant EMPH

    lsquoLui il lui arrive decirctre vraiment meacutechantrsquo

    b Magravengo =gi doom bu ci nekk (Diouf 2003 109)

    manguier =CLgDFPX fruit CLbREL PREPPX ecirctre

    =dina=y mat liibeumlr

    =FUTS3SG=IPF valoir livre

    lsquoChacun des fruits de ce manguier peut peser une livrersquo

    Malgreacute une apparente diversiteacute de valeurs les diffeacuterentes lectures du futur sont toutes lieacutees agrave

    laspect imperfectif Lutilisation dun preacutesent imperfectif pour exprimer un futur est relativement

    freacutequente dans les langues et ce type de construction tend geacuteneacuteralement agrave avoir dautres lectures

    aspectuelles dont le gnomique et lhabituel (Bybee et al 1994 275-278)

    222 Le futur neacutegatif

    Cette construction est appeleacutee laquo neacutegatif duratif-accompli raquo par Sauvageot (1965) laquo neacutegatif

    inaccompli raquo par Church (1981) et laquo neacutegatif emphatique raquo par Robert (1991) Nous preacutefeacuterons

    utiliser le terme laquo futur neacutegatif raquo car cette construction peut ecirctre analyseacutee comme leacutequivalent

    neacutegatif du futur

    Le futur neacutegatif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif du placeacute immeacutediatement

    avant le verbe On note que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

    - 89 -

    Tableau 25 - Paradigme personnel du futur neacutegatif

    SG PLSG PL

    MP SUJ MP SUJ

    1 du -ma du -nu duma dunu

    2 du -a du -ngeen rarr doo dungeen

    3 du -Oslash du -ntildeu du duntildeu

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux

    (29a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (29b)

    29) a S p-s V O

    Xale =yi du-ntildeu lekk ceeb

    enfant =CLyDFPX FUTNEG-S3PL manger riz

    lsquoLes enfants ne mangeront pas de rizrsquo

    b p-s =o V

    Du-ma =ko lekk

    FUTNEG-S1SG =O3SG manger

    lsquoJe ne le mangerai pasrsquo

    Il y a un consensus dans la litteacuterature sur le fait que le marqueur preacutedicatif du futur neacutegatif du

    est constitueacute du verbe auxiliaire di et du suffixe du parfait neacutegatif -u(l) Neacuteanmoins lanalyse de

    cette construction en synchronie varie sensiblement dun auteur agrave lautre Contrairement au futur la

    plupart des auteurs preacutesentent le futur neacutegatif comme une construction autonome Dialo (1981a

    23) est lun des rares auteurs agrave lanalyser simplement comme un parfait neacutegatif avec le verbe

    auxiliaire dimperfectif di (30a-b)

    30) a Bey-u-ma ceeb (Dialo 1981a 21)

    cultiver=PRFNEG-S1SG riz

    lsquoJe nai pas cultiveacute de rizrsquo

    b D-u-ma bey ceeb

    IPF=PRFNEG-S1SG cultiver riz

    lsquoJe ne cultiverai pas de rizrsquo

    - 90 -

    Plusieurs arguments peuvent ecirctre avanceacutes pour justifier lanalyse du futur neacutegatif comme une

    construction preacutedicative agrave part entiegravere la possibiliteacute dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire

    dimperfectif les idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur preacutedicatif et les

    emplois de cette construction pour former des preacutedicats non verbaux

    Comme pour le futur il est possible dajouter agrave nouveau le verbe auxiliaire dimperfectif di (31a-

    b) Nous pouvons donc supposer que le futur neacutegatif est une construction preacutedicative agrave part entiegravere

    issue de la grammaticalisation dune construction mettant en jeu le verbe auxiliaire di et le suffixe

    neacutegatif -u(l)

    31) a Duma-a=y tux (Sauvageot 1965 118)

    FUTNEG-S1SG=IPF fumer

    lsquoJe nai pas lhabitude de fumerrsquo

    b Du=y def suukar ci kafeem (Diouf 2003 114)

    FUTNEGS3SG=IPF faire sucre PREPPX cafeacutePOSS3SG

    lsquoHabituellement il ne met pas de sucre dans son cafeacutersquo

    Neacuteanmoins si lon eacutetudie le paradigme complet (Tableau 26) on constate que la situation est

    plus complexe que pour le futur affirmatif

    Tableau 26 - Formes du parfait neacutegatif et du futur neacutegatif du verbe lekk (manger)

    PERFECTIF IMPERFECTIF

    NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

    PRF

    NEG

    lekkumalekkuloolekkullekkunulekkuleenlekkuntildeu

    lekkuma=woonlekkuloo=woonlekkuloonlekkunu=woonlekkuleen=woonlekkuntildeu=woon

    duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk

    duma=woondoo=woondu=woondunu=woondungeen=woonduntildeu=woon

    FUT

    NEG

    duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk

    duma=woondoo=woondu=woondunu=woondungeen=woonduntildeu=woon

    dumay lekkdooy lekkduy lekkdunuy lekkdungeen di lekkduntildeuy lekk

    na

    Comme pour le futur affirmatif on peut consideacuterer que les formes du futur neacutegatif (perfectif)

    - 91 -

    sont formellement identiques aux formes du parfait neacutegatif imperfectif et ce quelque soit la

    personne De plus les formes du futur neacutegatif imperfectif sont construites en ajoutant le verbe

    auxiliaire di (ou sa forme clitique =y) aux formes du futur neacutegatif perfectif

    Dans toutes les constructions preacutedicatives que nous avons vues plus haut les formes

    imperfectives sont construites en ajoutant le verbe auxiliaire di aux formes perfectives Or si lon

    considegravere que les formes du parfait neacutegatif imperfectif (et donc du futur neacutegatif) sont construites sur

    le mecircme modegravele que les formes du parfait neacutegatif perfectif on constate quagrave plusieurs personnes les

    formes observeacutees ne correspondent pas aux formes attendues

    Tableau 27 - Idiosyncrasies morphophonologiques des formes du marqueur de futur neacutegatif

    Parfait neacutegatif perfectif Futur neacutegatif

    Exemple Modegravele Formes attendues Formes attesteacutees

    1SG

    2SG

    3SG

    1PL

    2PL

    3PL

    lekk-umalekk-uloolekk-ullekk-unulekk-uleenlekk-untildeu

    V-umaV-uloo V-ooV-u(l)V-unuV-uleenV-untildeu

    d-umad-uloo d-ood-u(l) d-unud-uleen d-untildeu

    d-umad-ood-ud-unud-ungeend-untildeu

    Dans les formes du parfait neacutegatif imperfectif (ou du futur neacutegatif) on sattendrait agrave ce que le

    verbe auxiliaire di prenne le suffixe du parfait neacutegatif Or on constate que

    bull Au perfectif 2SG le suffixe laquo standard raquo et le plus reacutepandu est -uloo Le suffixe -oo est

    eacutegalement attesteacute mais est plus rare (Diouf 2009 199) Or agrave limperfectif la forme d-uloo

    est impossible seule la forme d-oo est attesteacutee

    bull Au perfectif 3SG le suffixe est -u(l) Le -l final du suffixe tombe uniquement devant les

    pronoms clitiques (Diouf 2009 165) Or agrave limperfectif la forme est d-u quelque soit le

    mot qui suit

    bull Au perfectif 2PL le suffixe est -uleen Or agrave limperfectif la forme est d-ungeen

    Ces idiosyncrasies tendent donc agrave montrer que le parfait neacutegatif imperfectif (ou le futur neacutegatif)

    doit ecirctre analyseacute comme une construction preacutedicative agrave part entiegravere en synchronie En effet son

    paradigme personnel ne peut pas (ou plus) ecirctre deacuteduit de celui du parfait neacutegatif ou du futur

    affirmatif

    Un autre point probleacutematique dans lanalyse de ce paradigme concerne les formes du passeacute En

    - 92 -

    effet si lon consulte la litteacuterature on constate que trois paradigmes distincts ont eacuteteacute proposeacutes pour

    le futur neacutegatif passeacute (ou le parfait neacutegatif imperfectif passeacute) (Tableau 28) De plus il nexiste pas

    de consensus concernant les contextes demploi de ces paradigmes

    Tableau 28 - Les trois paradigmes du futur neacutegatif passeacute

    Paradigme Modegravele

    A

    d-uma=woond-oo=woond-u=woond-unu=woond-ungeen=woond-untildeu=woon

    larr

    V-uma=woonV-uloo=woonV-uloonV-unu=woonV-uleen=woonV-untildeu=woon

    TIRV POL ASP TPS

    prfndashpfpas

    B

    d-oon-umad-oon-ulood-oon-uld-oon-unud-oon-uleend-oon-untildeu

    larr

    d-oon=naad-oon=ngad-oon=nad-oon=nanud-oon=ngeend-oon=nantildeu

    TIRV POL ASP TPS

    prf+ipfpas

    C

    d-aa-w-uma d-aa-w-uloo d-aa-w-ul d-aa-w-unu d-aa-w-uleen d-aa-w-untildeu

    larr

    d-aan=naad-aan=ngad-aan=nad-aan=nanud-aan=ngeend-aan=nantildeu

    TIRV POL ASP TPS

    prf+ipfpasr

    Le paradigme A semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait neacutegatif perfectif passeacute le verbe

    auxiliaire di occupant la place du verbe lexical Dialo et al (1984 31) le preacutesentent comme lun des

    paradigmes possibles pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute et Fal et al (1990 25) le preacutesentent

    comme le seul paradigme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Church (1981 147-149) en

    revanche considegravere que ces formes sont incompatibles avec un preacutedicat verbal et ne peuvent donc

    pas ecirctre analyseacutees comme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Ainsi leacuteleacutement di ne doit pas ecirctre

    analyseacute comme le verbe auxiliaire dimperfectif mais comme une copule verbale52 A contrario

    Diagne (1971 116) considegravere que ce paradigme est compatible avec les preacutedicats verbaux et les

    preacutedicats non verbaux Dans notre corpus ces formes sont tregraves peu freacutequentes et se trouvent

    essentiellement dans des preacutedicats non verbaux (32a) Nous navons trouveacute des exemples de

    preacutedicats verbaux que dans la traduction de la Bible (32b) sur Internet ou dans les descriptions

    grammaticales citeacutees plus haut

    52 La mecircme copule verbale que lon peut rencontrer dans les constructions FOCS (sect 252) et FOCV (sect 255)

    - 93 -

    32) a Jeacutendal =na =ko lu ne (Diouf 2003 139)

    acheterCAUS =PRFS3SG =O3SG CLCHSGREL ecirctre

    ganu-ganu d-u =woon bitik bu mag

    encore_que COP-PRFNEGS3SG =PAS boutique CLbREL ecirctre_grand

    lsquoIl lui a acheteacute toutes sortes de choses encore que ceacutetait un petit magasinrsquo

    b Waaye gannaaw yoonu Musaa (Bible 2004 161)

    mais puisque loiGEN Moiumlse

    teumlddagul =woon bagravekkaar d-u=woon jagravedd yoon

    seacutetendredeacutejagravePRFNEGS3SG =PAS peacutecheacute IPF-PRFNEG=PAS bifurquer loi

    lsquoOr le peacutecheacute nest pas imputeacute quand il ny a point de loirsquo (Romains 513)

    (litt lsquoMais puisque la loi de Moiumlse ne seacutetait pas encore eacutetendue

    le peacutecheacute ne seacuteloignait pas de la loirsquo)

    Le paradigme B semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait imperfectif passeacute le suffixe du

    parfait neacutegatif remplaccedilant le marqueur preacutedicatif du parfait Dialo et al (1984 31) le preacutesentent

    comme lun des paradigmes possible pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute et Diouf amp Yaguello

    (1991 217-219) et Torrence (2003) le preacutesentent comme le seul paradigme du parfait neacutegatif

    imperfectif passeacute Aucun autre auteur ne semble le mentionner Dans notre corpus ces formes ne

    sont pas attesteacutees En revanche nous avons releveacute quelques occurrences de preacutedicats non verbaux

    formellement semblables (33a-b) Neacuteanmoins dans ces exemples doon ne peut pas ecirctre analyseacute

    comme le verbe auxiliaire di au passeacute mais correspond agrave un verbe laquo ecirctre raquo (existentiel) (Diouf

    2003 110) De plus en dehors des descriptions grammaticales nous navons releveacute ce type

    dexemples que dans la traduction de la Bible (33a) ou dans un proverbe (33b)

    33) a Doon-u-nu lu moy (Bible 2009 32)

    ecirctre-PRFNEG-S1PL CLCHSGREL manquer

    ay doxandeacuteem ci moom de

    IDFCLy eacutetranger PREPPX PRO3SG EMPH

    lsquoNe sommes-nous pas regardeacutees par lui comme des eacutetrangegraveresrsquo (Genegravese 3115)

    (litt lsquoNe sommes-nous pas autre chose que des eacutetrangegraveres pour lui rsquo)

    - 94 -

    b Loo doon-ul ndongoom (Shawyer 2009 63)

    CLCHSGRELS2SG ecirctre-NEG eacutelegravevePOSS3SG

    doo doon ub seumlrintildeam

    FUTNEGS2SG ecirctre IDFCLb maraboutPOSS3SG

    lsquoOn ne peut devenir maicirctre dune chose quon na pas eacutetudieacuteersquo

    (litt lsquoCe dont tu nas pas eacuteteacute leacutelegraveve tu nen seras pas le maraboutrsquo)

    Le paradigme C semble ecirctre construit sur le modegravele du parfait imperfectif passeacute reculeacute le

    suffixe du parfait neacutegatif remplaccedilant le marqueur preacutedicatif du parfait Dialo et al (1984 31) le

    preacutesentent comme lun des paradigmes possible pour le parfait neacutegatif imperfectif passeacute Diouf

    (2009 182) le preacutesente comme le seul paradigme du futur neacutegatif passeacute et Dialo (1981a 69) le

    preacutesente comme le seul paradigme du parfait neacutegatif imperfectif passeacute Selon Church (1981 147-

    149) les formes des paradigmes A et C sont en distribution compleacutementaire En effet les formes du

    paradigmes C sont incompatibles avec les preacutedicats non verbaux mais sont possibles dans les

    preacutedicats verbaux (34a) Dans notre corpus nous avons releveacute plusieurs occurrences de ces formes

    Neacuteanmoins bien que le paradigme C soit le plus attesteacute nous consideacuterons quil ne peut pas ecirctre

    analyseacute comme le paradigme du futur neacutegatif passeacute (ou du parfait neacutegatif imperfectif passeacute) En

    effet les formes de ce paradigme ne sont pas des formes de passeacute mais des formes de passeacute reculeacute

    Or le passeacute reculeacute est attesteacute avec dautres constructions preacutedicatives (34b) Ainsi les formes C

    occupent dautres cellules du paradigme des verbes agrave savoir TIRV fut POL ndash ASP pf TPS pasr et

    TIRV prf POL ndash ASP ipf TPS pasr

    34) a D-aa-wu-nu dem ekool alxames (Diouf 2003 48)

    IPF-PASR-PRFNEG-S1PL partir eacutecole jeudi

    lsquoNous nallions pas agrave leacutecole le jeudirsquo

    b Ay fett =lantildeu d-aan yoacutebbu xare (Diouf 2003 114)

    IDFCLy flegraveche =FOCCS3PL IPF-PASR emmener guerre

    lsquoIls amenaient des flegraveches agrave la guerrersquo

    Pour reacutesumer les formes de futur neacutegatif passeacute sont relativement rares Les paradigmes A et B

    sont essentiellement attesteacutes dans des preacutedicats non verbaux Le paradigme C est plus freacutequent

    mais ne correspond pas agrave du passeacute mais plutocirct agrave du passeacute reculeacute

    Apregraves avoir deacutecrit les caracteacuteristiques morphosyntaxiques du futur neacutegatif penchons-nous sur

    - 95 -

    ses proprieacuteteacutes seacutemantiques La valeur principale de cette construction est celle dun futur neacutegatif

    (35a) Comme le futur cette construction peut eacutegalement avoir une lecture gnomique ou geacuteneacuterique

    (35b)

    35) a Du-ma naan sa keumlsit (Diouf 2003 186)

    FUTNEG-S1SG boire POSS2SG reste

    lsquoJe ne boirai pas ce que tu as laisseacutersquo

    b Bukki kenn du =ko deacutenk seel (Diouf 2003 307)

    hyegravene CLHUMSGSING FUTNEGS3SG =O3SG confier viande_seacutecheacutee

    lsquoOn ne confie pas des filets de viande seacutecheacutee agrave une hyegravenersquo

    Avec le verbe auxiliaire dimperfectif cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour indiquer quune

    situation est occasionnelle (36a) ou habituelle (36b)

    36) a Dina-a=y dem Cees waaye (Robert 1990 176)

    FUT-S1SG=IPF partir Thiegraves mais

    du-ma=y agravegg ci Duudu

    FUTNEG-S1SG=IPF arriver PREPPX Doudou

    lsquoJe vais souvent agrave Thiegraves mais il marrive de ne pas aller voir Doudoursquo

    b Meram du=y yagravegg (Diouf 2003 109)

    colegraverePOSS3SG FUTNEGS3SG=IPF durer

    lsquoSa colegravere ne dure pas longtempsrsquo

    Avec le marqueur de passeacute cette construction a une lecture de conditionnel (37a-b) selon Diagne

    (1971 116) et Diouf amp Yaguello (1991 218) ou dimparfait (38a-b) selon Torrence (2005 55)

    Avec le marqueur de passeacute reculeacute seul la lecture dimparfait semble attesteacutee (39a-b)

    37) a Doonul lekk (Diouf amp Yaguello 1991 218)

    FUTNEGPASS3SG manger

    lsquoIl ne mangerait pasrsquo

    - 96 -

    b Du-ngeen =woon ntildeeumlw (Diagne 1971 116)

    FUTNEG-S2PL =PAS venir

    lsquoVous ne seriez pas venusrsquo

    38) a Doonu-ntildeu lekk gato =bi (Torrence 2005 55)

    FUTNEGPAS-S3PL manger gacircteau =CLbDFPX

    lsquoIl ne mangeaient pas le gacircteaursquo

    b Du-ntildeu =woon lekk gato =bi (Torrence 2005 55)

    FUTNEG-S3PL =PAS manger gacircteau =CLbDFPX

    lsquoIl ne mangeaient pas le gacircteaursquo

    39) a Dantildeu =ko folli ndax (Diouf 2003 129)

    FOCVS3PL =O3SG destituer parce_que

    daawul taxawu liggeacuteeykat =yi

    FUTNEGPASRS3SG assister travaillerAGT =CLyDFPX

    lsquoOn la destitueacute car il ne deacutefendait pas les travailleursrsquo

    b Sa doom =ji =dafa cappe (Diouf 2003 80)

    POSS2SG enfant =CLbDFPX =FOCVS3SG ecirctre_cheacutetif

    Xanaa daawuloo =ko nagravempal

    est-ce_donc_que FUTNEGPASRS2SG =O3SG allaiter

    lsquoTon enfant est cheacutetif Est-ce que tu ne lallaitais pas rsquo

    Enfin plusieurs auteurs considegraverent que cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des

    preacutedicats non verbaux Neacuteanmoins nous supposons quil sagit lagrave dune confusion entre di utiliseacute

    comme verbe auxiliaire dimperfectif et di utiliseacute comme copule Ainsi dans les preacutedicats non

    verbaux il sagit en fait de la copule verbale di au parfait neacutegatif53 Cette construction permet de

    construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (40a-b) ou un preacutedicat eacutequatif (40c)

    40) a Man d-u-ma como (Diouf 2003 84)

    PRO1SG COP-PRFNEG-S1SG individu_sans_importance

    lsquoMoi je ne suis pas nimporte quirsquo

    53 Notons neacuteanmoins que la copule verbale di est incompatible avec le parfait non neacutegatif

    - 97 -

    b D-u deumlgg (Diouf 2003 97)

    COP-PRFNEGS3SG veacuteriteacute

    lsquoCe nest pas la veacuteriteacutersquo

    c Kor d-u yeumlfu gor (Diouf 2003 189)

    trahison COP-PRFNEGS3SG choseGEN homme_libre

    lsquoLa trahison nest pas une affaire de noblersquo

    On constate que dans cet emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus

    contrastif Ainsi cette construction est geacuteneacuteralement employeacutee comme leacutequivalent neacutegatif des

    preacutedicats non verbaux exprimeacutes par la focalisation du compleacutement (41a-b)

    41) a D-u ag njaambaar ag ndof =la (Diouf 2003 461)

    COP-PRFNEGS3SG IDFCLg bravoure IDFCLg folie =FOCC

    lsquoCe nest pas du courage cest de la foliersquo

    b Deacuteedeacuteet man d-u-ma turist (Diouf amp Yaguello 1991 40)

    non PRO1SG COP-PRFNEG-S1SG touriste

    koperaŋ la-a

    coopeacuterant FOCC-S1SG

    lsquoNon moi je ne suis pas un touriste je suis coopeacuterantrsquo

    23 Les constructions injonctives

    Sous leacutetiquette laquo injonctif raquo plusieurs auteurs regroupent limpeacuteratif (42a) et loptatif (42b)

    (Dialo 1981a 24-26 Church 1981 97-105 Robert 1991 235-256) Plusieurs caracteacuteristiques

    justifient un tel regroupement la valeur seacutemantique de ces constructions leur forme neacutegative et

    leur incompatibiliteacute avec le passeacute

    Ces constructions relegravevent de la modaliteacute deacuteontique cest-agrave-dire dune obligation ou dune

    permission eacutemanant dune source exteacuterieure (Palmer 2001 9) Plus preacuteciseacutement elles relegravevent de

    ce que Bybee et al (1994 179) nomment la laquo modaliteacute orienteacutee vers le locuteur raquo (speaker-

    oriented modality) En effet ces constructions ne sont pas utiliseacutees pour indiquer lexistence de

    conditions (obligation ou permission) mais plutocirct pour permettre au locuteur dimposer de telles

    - 98 -

    conditions agrave un allocutaire (42a-b)

    42) a Dem-al ca biti (Diouf 2003 71)

    partir-IMPS2SG PREPDT dehors

    lsquoVa dehors rsquo

    b Na dem suba mboog (Diouf 2003 220)

    OPTS3SG partir demain alors

    lsquoQuil parte demain alors rsquo

    En plus de relever de la mecircme cateacutegorie verbale limpeacuteratif et loptatif partagent la mecircme forme

    neacutegative le prohibitif (43a-b)

    43) a Bul dem leacuteegi (Diouf 2003 76)

    PROHS2SG partir maintenant

    lsquoNe ten va pas maintenant rsquo

    b Bu-ntildeu dem ca keumlr =ga (Diouf 2009 77)

    PROH-S3PL partir PREPDT maison =CLgDFDT

    lsquoQuil parte demain alors rsquo

    Enfin on remarque que ces constructions sont les seules constructions preacutedicatives

    incompatibles avec le passeacute (Dialo 1981a 30 Diouf 2009 179-184)

    231 Limpeacuteratif

    Cette construction est appeleacutee laquo impeacuteratif raquo par tous les auteurs (Dialo 1981a Church 1981

    Robert 1991 Diouf 2009)

    La structure de limpeacuteratif se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe verbal -(a)l au singulier ou

    -leen au pluriel Limpeacuteratif se conjugue uniquement agrave la deuxiegraveme personne du singulier et du

    pluriel

    - 99 -

    Tableau 29 - Paradigme personnel de limpeacuteratif

    SG PL

    2 -(a)l -leen

    Au singulier le suffixe se reacutealise -al si le verbe se termine par une consonne (44a) -l si le verbe

    se termine par une voyelle fermeacutee (44b) ou une voyelle longue (44c) et il se reacutealise -l et allonge la

    derniegravere voyelle du verbe sil ne sagit pas dune voyelle fermeacutee (44d) (Dialo 1981a 25 Diouf

    2009 84)

    44) a Wax-al b Indi-l (Diouf amp Yaguello 1991 20)

    parler-IMPS2SG apporter-IMPS2SG

    lsquoParle rsquo lsquoApporte rsquo

    c Woo-l d Boole-el

    appeler-IMPS2SG rassembler-IMPS2SG

    lsquoAppelle rsquo lsquoRassemble rsquo

    Tableau 210 - Reacutealisation du suffixe de limpeacuteratif54

    SG PL

    Consonne -al -leen

    Voyelle fermeacutee etou longue -l -leen

    Voyelle non fermeacutee bregraveve (v) -vl -leen

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique V O avec des arguments lexicaux (45a-b) et

    V =o avec des arguments pronominaux (46a-b) Devant un objet pronominal le suffixe de

    limpeacuteratif tombe au singulier (46a) mais pas au pluriel (46b)

    45) V O

    a Lekk-al ceeb

    manger-IMPS2SG riz

    lsquoMange du riz rsquo

    54 Tableau adapteacute de Diouf amp Yaguello (1991 20)

    - 100 -

    b Lekk-leen ceeb

    manger-IMPS2PL riz

    lsquoMangez du riz rsquo

    46) V =o

    a Lekk-Oslash =ko

    manger-IMPS2SG =O3SG

    lsquoMange-le rsquo

    b Lekk-leen =ko

    manger-IMPS2PL =O3SG

    lsquoMangez-le rsquo

    Certains verbes preacutesentent des particulariteacutes idiosyncrasiques agrave limpeacuteratif Le verbe kaay est

    exclusivement utiliseacute agrave limpeacuteratif (Diouf 2009 185) Il ne prend pas de suffixe au singulier (47a)

    mais prend le suffixe -leen au pluriel (47b) (Dialo 1981a 25) Ce verbe est synonyme du verbe

    ntildeeumlw (venir) agrave limpeacuteratif (48a-b)

    47) a Kaay fii (Diouf 2003 586)

    venir(IMP)[S2SG] CLLOCDEMPX

    lsquoViens ici rsquo

    b Kaay-leen fii (Diouf 2003 586)

    venir(IMP)-S2PL CLLOCDEMPX

    lsquoVenez ici rsquo

    48) a Ntildeeumlw-al fii (Diouf 2003 586)

    venir-IMPS2SG CLLOCDEMPX

    lsquoViens ici rsquo

    b Ntildeeumlw-leen fii (Diouf 2003 586)

    venir-IMPS2PLCLLOCDEMPX

    lsquoVenez ici rsquo

    Le verbe am (avoir) ne prend pas de suffixe au singulier lorsquil est utiliseacute laquo dans le sens dune

    - 101 -

    invitation agrave recevoir ce quon tend raquo (49a) (Diouf 2009 185) En revanche il prend le suffixe -al

    dans tous les autres contextes (49b)

    49) a Am lii (Diouf 2003 48)

    tiens[IMPS2SG] CLCHSGDEMPX

    lsquoTiens ccedila rsquo

    b Soo beumlggee xam lu=y laabiir (Diouf 2003 48)

    HYPs2SG vouloirANT savoir CLCHSGREL=COP geacuteneacuterositeacute

    am-al doom

    avoir-IMPS2SG enfant

    lsquoSi tu veux savoir ce quest la geacuteneacuterositeacute fais un enfant rsquo

    Comme dans la plupart des langues limpeacuteratif est utiliseacute pour exprimer un ordre direct (50a)

    une permission (50b) ou un conseil (50c)

    50) a Wagravecc-leen maraaj =bi (Diouf 2003 213)

    descendre-IMPS2PL mur =CLbDFPX

    lsquoDescendez du mur rsquo

    b Agsi-l (Diouf amp Yaguello 1991 18)

    entrer-IMPS2SG

    lsquoEntre (je ten prie) rsquo

    c Moytu-leen Bocci =na paaka (Diouf 2003 220)

    se_meacutefier-IMPS2PL deacutegainer =PRFS3SG couteau

    lsquoFaites attention Il a deacutegaineacute un couteaursquo

    232 Loptatif

    Cette construction est appeleacutee laquo deacutesideacuteratif raquo par Fal (1999) laquo obligatif raquo par Sauvageot (1965)

    Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et laquo incitatif raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons

    utiliser le terme laquo optatif raquo eacutegalement utiliseacute par Church (1981) en raison de son utilisation par

    Bybee (1985 171) Selon la terminologie de Palmer (2001 80-82) cette construction est un jussif

    - 102 -

    Loptatif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif na placeacute en tecircte de phrase On note

    que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

    Tableau 211 - Paradigme personnel de loptatif

    SG PLSG PL

    MP SUJ MP SUJ

    1 na -a na -nu naa nanu

    2 na -nga na -ngeen rarr nanga nangeen

    3 na -Oslash na -ntildeu na nantildeu

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique p S V O avec des arguments lexicaux (51a)

    et p-s =o V avec des arguments pronominaux (51b)

    51) a p S V O

    Na Omar lekk ceeb

    OPTS3SG Omar manger riz

    lsquoQue Omar mange du riz rsquo

    b p-s =o V

    Na-a =ko lekk

    OPT-S1SG =O3SG manger

    lsquoQue jen mange rsquo

    Loptatif peut ecirctre deacutefini comme une modaliteacute orienteacutee vers le locuteur preacutesentant un paradigme

    personnel complet (Bybee 1985 171) De fait agrave lexception de limpeacuteratif cette construction

    couvre la plupart des modaliteacutes orienteacutees vers le locuteur identifieacutees par Bybee et al (1994 179)

    optatif hortatif et permissif

    Cette construction peut correspondre agrave un optatif au sens strict cest-agrave-dire quelle peut ecirctre

    utiliseacutee pour exprimer un souhait (52a) Elle peut eacutegalement avoir une lecture hortative cest-agrave-dire

    quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une incitation agrave faire quelque chose (52b) Enfin elle peut

    avoir une lecture permissive cest-agrave-dire quelle peut ecirctre utiliseacutee pour exprimer une permission

    (52c)

    - 103 -

    52) a Yagravella =na sa liggeacuteey =bi am barke (Diouf 2003 62)

    Dieu =OPT POSS2SG travail =CLbDFPX avoir beacuteneacutediction

    lsquoQue ton travail soit beacuteni rsquo

    b Na-nu dem seelu ci bitig =bi (Diouf 2003 307)

    OPT-S1PL partir sabriter PREPPX boutique =CLbDFPX

    lsquoAllons dans la boutique nous abriter de la pluie rsquo

    c Na dem suba mboog (Diouf 2003 220)

    OPTS3SG partir demain alors

    lsquoQuil parte demain alors rsquo

    233 Le prohibitif

    Cette construction est appeleacutee laquo injonctif neacutegatif raquo par Dialo (1981a) et Church (1981) Nous

    preacutefeacuterons utiliser le terme laquo prohibitif raquo en raison de son utilisation dans la plupart des travaux

    typologiques de reacutefeacuterence tels que Palmer (2001 180) Bybee et al (1994 179) et Heine amp Kuteva

    (2002 24)

    Le prohibitif se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif bul ou bu placeacute en tecircte de

    phrase55

    Tableau 212 - Paradigme personnel du prohibitif

    SG PLSG PL

    MP SUJ MP SUJ

    1 bu -ma bu -nu buma bunu

    2 bu -l bu -leen rarr bul buleen

    3 bu -mu bu -ntildeu bumu buntildeu

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique identique agrave celle de loptatif cest-agrave-dire

    p S V O avec des arguments lexicaux (53a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (53b)

    55 Le deacutecoupage des formes de deuxiegraveme personne peut sembler contestable Nous deacutefendons cette analyse en(sect 144)

    - 104 -

    53) a p S V O

    Bu Omar lekk ceeb

    PROHS3SG Omar manger riz

    lsquoQuOmar ne mange pas de riz rsquo

    b p-s =o V

    Bu-ntildeu =ko lekk

    PROH-S3PL =O3SG manger

    lsquoQuils ne le mangent pas rsquo

    Par ailleurs similairement au suffixe de limpeacuteratif le -l final du marqueur preacutedicatif bul agrave la

    deuxiegraveme personne du singulier tombe devant un objet pronominal (54a-b)

    54) a Bu =ko dandal (Diouf 2003 91)

    PROHS2SG =O3SG eacuteloigner

    lsquoNe leacuteloigne pas rsquo

    b Bul boxom xaalis =bi (Diouf 2003 75)

    PROHS2SG froisser argent =CLbDFPX

    lsquoNe froisse pas largent rsquo

    Le prohibitif peut ecirctre analyseacute comme leacutequivalent neacutegatif de limpeacuteratif et de loptatif Ainsi

    comme limpeacuteratif il est utiliseacute pour exprimer un ordre direct (55a) ou un conseil (55b)

    55) a Bul daw dox-al (Diouf 2003 94)

    PROHS2SG courir marcher-IMPS2PL

    lsquoNe cours pas marche rsquo

    b Dafa=y caaxaan bul mer (Diouf 2003 78)

    FOCVS3SG=IPF blaguer PROHS2SG ecirctre_facirccheacute

    lsquoIl blague ne te facircche pasrsquo

    En tant queacutequivalent neacutegatif de loptatif le prohibitif peut ecirctre utiliseacute pour exprimer un souhait

    (eacutequivalent de la lecture optative) (56a) une incitation agrave ne pas faire quelque chose (eacutequivalent de

    la lecture hortative) (56b) ou une interdiction (eacutequivalent de la lecture permissive) (56c)

    - 105 -

    56) a Yagravella bu-ma tase =ak jinne (Diouf 2003 171)

    Dieu PROH-S1SG rencontrer =avec djinn

    lsquoDieu fasse que je ne rencontre pas de djinn rsquo

    b Bu-nu tuumaal kenn (Fal 1999 86)

    PROH-S2PL accuser CLHUMSGSING

    lsquoNaccusons personne rsquo

    c Bu-mu dem leacuteegi (Diouf 2003 75)

    PROHS3SG partir maintenant

    lsquoQuil ne parte pas maintenant rsquo

    24 Le minimal

    Cette construction est appeleacutee laquo narratif raquo par Dialo (1981a) et Robert (1991) laquo aspect zeacutero raquo par

    Sauvageot (1965) et Njie (1982) laquo aoriste raquo par Robert (1996) laquo mode virtuel raquo par Fal (1999) et

    laquo neutre raquo par Ma Cisseacute (2007) Toutes ces eacutetiquettes sont pertinentes et justifieacutees car elles rendent

    compte dune partie des emplois de la construction Neacuteanmoins elles ne recouvrent pas tous les

    emplois de la construction et peuvent renvoyer agrave des emplois dautres constructions En effet

    leacutetiquette laquo mode virtuel raquo pourrait renvoyer agrave la construction irrealis mettant en jeu le mot koon

    (Perrin 2005 177-179) De mecircme leacutetiquette laquo aoriste raquo pourrait renvoyer aux emplois daoriste de

    discours du parfait (Robert 1991 47-48) Nous preacutefeacuterons donc utiliser le terme laquo minimal raquo

    emprunteacute agrave Church (1981) et Diouf (2009) car il fait essentiellement reacutefeacuterence agrave la forme de la

    construction et eacutevite ainsi les ambiguiumlteacutes lieacutees au sens de la construction

    241 Un cas probleacutematique

    Lidentification dune construction laquo minimal raquo en wolof est probleacutematique Certains auteurs

    identifient clairement une seule construction laquo minimal raquo (Church 1981 87-95 Robert 1991 199-

    234) Selon ces auteurs le minimal se caracteacuterise par labsence de marqueur speacutecifique (en

    opposition agrave toutes les autres constructions preacutedicatives) ce qui implique que son paradigme

    personnel correspond au paradigme des pronoms personnels sujets libres (sect 422)

    - 106 -

    Tableau 213 - Paradigme personnel du minimal

    SG PL

    1 ma nu

    2 nga ngeen

    3 mu ntildeu

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique S V O avec des arguments lexicaux (57a)

    Avec des arguments pronominaux la structure diffegravere en fonction du type de proposition (Voisin

    2010 145) On observe la structure s V o dans les propositions indeacutependantes les compleacutetives et

    les subordonneacutees daboutissement introduites pas ba (jusque) (57b) alors quon observe la structure

    s o V dans les autres types de subordonneacutees (57c)

    57) a S V O

    Omar lekk ceeb

    Omar manger riz

    lsquoOmar a mangeacute du rizrsquo

    b s V =o

    Ma lekk =ko

    S1SG manger =O3SG

    lsquoJen ai mangeacutersquo

    c s =o V

    ma =ko lekk

    S1SG =O3SG manger

    lsquo(hellip) jen ai mangeacutersquo

    Dautres auteurs distinguent deux constructions diffeacuterentes Ainsi Zribi-Hertz amp Diagne (2003)

    distinguent les propositions f-deacuteficientes des propositions non finies Les propositions f-deacuteficientes

    sont incompatibles avec toutes les marques flexionnelles et correspondent aux emplois du minimal

    en proposition indeacutependante (aoriste de reacutecit exclamation etc) Les propositions non finies quant

    agrave elles preacutesentent une flexion appauvrie et incluent les emplois du minimal dans les propositions

    relatives Par ailleurs Dialo (1981a 27) distingue le minimal agrave proprement parler du mode

    subordinatif qui est speacutecifique aux propositions subordonneacutees temporelles ou hypotheacutetiques

    - 107 -

    Deux raisons permettent dexpliquer ces divergences danalyse la premiegravere eacutetant lheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute

    des emplois du minimal En effet le minimal peut semployer en proposition indeacutependante avec une

    valeur daoriste de reacutecit dexclamation dinstruction ou dinterrogation mais il est eacutegalement

    obligatoire dans plusieurs types de propositions subordonneacutees successives relatives temporelles

    hypotheacutetiques de maniegravere de but ainsi que certaines compleacutetives Il peut sembler difficile voir

    impossible de lier tous ces emplois et donc de deacuteterminer le sens de cette construction Church

    (1981) propose de lanalyser comme une construction agrave valeur neutre deacutependante et irreacuteelle Ainsi

    le minimal serait la construction preacutedicative non marqueacutee dont le sens deacutepend toujours du contexte

    dans lequel elle semploie Cette analyse a lavantage de justifier labsence de marqueur preacutedicatif

    dans cette construction mais elle a linconveacutenient de preacutesenter le minimal du wolof comme une

    construction typologiquement marqueacutee

    La seconde raison permettant dexpliquer les divergences danalyse du minimal concerne la

    diversiteacute de ses formes En effet contrairement agrave toutes les autres constructions preacutedicatives le

    minimal preacutesente un unique schegraveme de preacutedication avec des arguments lexicaux (S V O) mais deux

    schegravemes distincts avec des arguments pronominaux (s V o et s o V) en fonction du type de

    proposition On observe le schegraveme s V o dans les propositions narratives (58a) conseacutecutives (58b)

    exclamatives (58c) injonctives (58d) les propositions introduites par un adverbe (58e) les

    compleacutetives sans compleacutementeur (58f)56 et les subordonneacutees de but (58g)

    58) a (hellip) [mu gis =ko] ne =kohellip (Church 1981 53)

    S3SG voir =O3SG dire =O3SG

    lsquo(alors) il le vit lui ditrsquo

    b Soowam =dafa lamb [mu maye =ko] (Church 1981 53)

    laitPOSS3SG =FOCVS3SG rester S3SG donner =O3SG

    lsquoSon lait restait invendu (donc) elle la donneacutersquo

    c Ma def =ko (Church 1981 53)

    S1SG faire =O3SG

    lsquoJe le ferai (inutile de me le reacutepeacuteter) rsquo

    56 Les compleacutetives introduites par le compleacutementeur ne ne sont pas au minimal (i) Xam =naa ne [dina ntildeoacutew] (Diouf 2003 245)

    savoir =PRFS1SG COMP FUTS3SG venirlsquoJe sais quil viendrarsquo

    - 108 -

    d Mu def =ko (Church 1981 53)

    S3SG faire =O3SG

    lsquoQuil le fasse rsquo

    e Leacuteegi [ma gis =ko] (Church 1981 53)

    bientocirct S1SG voir =O3SG

    lsquoBientocirct je le verrairsquo

    f Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)

    FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL

    lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo

    g Danga war=a muddaarante (Diouf 2003 229)

    FOCVS2SG devoir=DV neacutegocier

    ngir [mu jaay =la =ko]

    pour S3SG vendre =O2SG =O3SG

    lsquoTu dois neacutegocier pour quil te le vendersquo

    En revanche le schegraveme s o V est attesteacute dans les relatives (59a) les relatives sans anteacuteceacutedent

    (59b) les subordonneacutees de lieu (59c) les subordonneacutees de maniegravere (59d) les interrogatives

    partielles (59e)57 les subordonneacutees temporelles (59f) et les subordonneacutees hypotheacutetiques (59g)

    59) a [Weacutentilde =gi =ko lonk] (Diouf 2003 579)

    fer =CLbDFPX =O3SG accrocher

    =a =ko teree xagravewwiku

    =FOCS =O3SG empecirccher tomber

    lsquoCest le fer auquel il est accrocheacute qui lempecircche de tomberrsquo

    b Dina am [lu mu =la yoacutennee] (Sall 2005 167)

    FUTS3SG avoir CLCHSGREL S3SG =O2SG envoyer

    lsquoIl tenverra quelque chosersquo (litt lsquoIl y aura quelque chose quil tenverrarsquo)

    57 Les interrogatives partielles contenant un pronom interrogatif ne sont pas au minimal (sect 244)

    - 109 -

    c [Fu =mu =ko fekk] toroxal =ko (Diouf 2003 350)

    CLLOCREL =S3SG =O3SG trouver humilier =O3SG

    lsquoOugrave quil le trouve il lhumiliersquo

    d Deful liggeacuteey =bi (Church 1981 90)

    fairePRFNEGS3SG travail =CLbDFPX

    [na mu =ko ware=a def]

    CLMNRDFDT S3SG =O3SG devoirAPPL=DV faire

    lsquoIl na pas fait le travail comme il convenait de le fairersquo

    e Ku =ko yoacutebbu (NDiaye-Correacuteard 2003 173)

    CLHUMSGREL =O3SG emporter

    lsquoQui la emporteacute rsquo

    f Dafa ntildeagravelli [bi mu =la seacuteen-ee] (Diouf 2003 265)

    FOCVS3SG deacutetaller TEMP S3SG =O2SG apercevoir-ANT

    lsquoIl a deacutetaleacute quand il ta aperccedilursquo

    g [Su =ma =ko gisat-ee] dinaa =ko jeacutend (Diouf 2003 555)

    HYP =S1SG =O3SG voir-ANT FUTS1SG =O3SG acheter

    lsquoSi je le revois je lachegraveterairsquo

    Par ailleurs le schegraveme s V o semble incompatible avec le suffixe de neacutegation -ul les

    propositions preacutesentant ce schegraveme doivent ecirctre nieacutees lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser)

    ou ntildeagravekk (manquer) (60a-b) (sect 31) Par contre le schegraveme s o V est toujours compatible avec le

    suffixe -ul (61a-b)

    60) a Beumlgg =naa [Ayda bantildentildeagravekk =ko togg] (Torrence 2013a 35)

    vouloir =PRFS1SG Aiumlda refusermanquer =S3SG cuisiner

    lsquoJe ne veux pas quAiumlda le cuisinersquo

    b Beumlgg =naa [Ayda togg-ul =ko]

    vouloir =PRFS1SG Aiumlda cuisiner-NEG =O3SG

    - 110 -

    61) a Daqaar du wuum [ku =ko macc-ul] (Diouf 2003 93)

    tamarin FUTNEGS3SG agacer CLHUMSGREL =O3SG sucer-NEG

    lsquoLe tamarin nagace pas les dents de celui qui ne la pas suceacutersquo

    b [Su =ma =ko xam-ul] yow waxi noppi (Diouf 2003 363)

    HYP =S1SG =O3SG savoir-NEG PRO2SG agrave_plus_forte_raison

    lsquoSi je ne le sais pas toi non plus agrave plus forte raisonrsquo

    Enfin agrave limperfectif la diffeacuterence dordre du minimal laquo selon le type de proposition est

    neutraliseacutee raquo (Voisin 2010 146) En effet si lon ajoute lauxiliaire dimperfectif le schegraveme est

    s o V quelque soit le type de proposition (62-63) le schegraveme s V o nest jamais attesteacute agrave limperfectif

    (63a-b)

    62) a Xamuma [fu =mu =ko jeacutele] (Diouf 2003 79)

    savoirPRFNEGS1SG CLLOCREL =S3SG =O3SG prendreAPPL

    lsquoJe ne sais pas ougrave il la prisrsquo

    b Xamuma [lu mu =ko=y doye] (Diouf 2003 292)

    savoirPRFNEGS1SG CLCHSGREL =S3SG =O3SG=IPF faireAPPL

    lsquoJe ne sais pas ce quil va en fairersquo

    63) a Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)

    FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL

    lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo

    b Dama beumlgg [nga =ko=y deumlglu] (Voisin 2010 146)

    FOCVS1SG vouloir S2SG =O3SG=IPF eacutecouter

    lsquoJe veux que tu leacutecoutes souventrsquo

    Ainsi le minimal preacutesente deux schegravemes distincts (s V o et s o V) correspondant chacun agrave des

    emplois diffeacuterents dans la langue En effet le changement dans lordre des mots ne repose pas sur

    des diffeacuterences dordre pragmatique ou discursive mais est deacutetermineacute par le type de proposition

    Dun point de vue constructionnel nous devons donc consideacuterer que nous sommes en preacutesence dau

    moins deux constructions diffeacuterentes puisque nous avons deux formes diffeacuterentes (les schegravemes

    - 111 -

    s V o et s o V) correspondant agrave des sens diffeacuterents En tenant compte de lensemble des diffeacuterences

    de forme et de sens nous identifions en fait quatre constructions diffeacuterentes Subjonctif-Conseacutecutif

    Infinitif Relatif et Hypotheacutetique-Temporel

    242 Le subjonctif-conseacutecutif

    Nous avons retenu leacutetiquette laquo subjonctif-conseacutecutif raquo pour deacutesigner la construction preacutesentant

    le schegraveme s V o Cette eacutetiquette nest pas traditionnelle dans les descriptions du wolof58 Neacuteanmoins

    elle permet de rendre compte de tous les emplois de cette construction

    Nous empruntons le terme laquo subjonctif raquo agrave Creissels amp Sambou (2013) Dans leur description du

    mandinka59 ces auteurs identifient un couple de marqueurs preacutedicatifs yeacute~ŋaacute (positif) kaacutena

    (neacutegatif) quils deacutesignent sous le terme laquo subjonctif raquo Ce choix nest pas traditionnel dans la

    description des parlers mandingues En effet la plupart des auteurs preacutefegraverent geacuteneacuteralement utiliser

    des termes eacutevoquant la valeur injonctive de ces marqueurs preacutedicatifs lorsquils sont utiliseacutes en

    proposition indeacutependante Cest notamment le cas de Dumestre (2003 214) qui les analyse comme

    des marqueurs de limpeacuteratif Neacuteanmoins Creissels amp Sambou (2013 74) justifient leur choix

    laquo Il nous semble en deacutefinitive preacutefeacuterable de retenir une eacutetiquette qui deacutesigne ces marqueurs

    non pas comme eacutetant lexpression directe dune modaliteacute eacutenonciative particuliegravere mais

    plutocirct comme des marques de deacutependance qui en labsence dinsertion agrave une phrase matrice

    prennent par deacutefaut une valeur hortative ou prohibitive Et il se trouve preacuteciseacutement que le

    terme de subjonctif est celui que les grammairiens utilisent le plus couramment pour des

    formes reacutepondant agrave cette caracteacuterisation raquo60

    Le subjonctif du mandinka a des emplois similaires agrave ceux de la construction preacutesentant le

    schegraveme s V o en wolof61 En effet il est utiliseacute dans des propositions indeacutependantes injonctives

    (64a-b) des compleacutetives (65a-b) des subordonneacutees de but (66a-b) et des propositions conseacutecutives

    (67a-b)

    58 Agrave lexception de Kobegraves (1869 114) et Torrence (2013a 30) qui utilisent le terme laquo subjonctif raquo pour deacutesigner unepartie des emplois du minimal

    59 Variante du mandingue parleacutee en Gambie Casamance (Seacuteneacutegal) et Guineacutee-Bissau (Creissels amp Sambou 2013 5)60 Cette utilisation du terme laquo subjonctif raquo est similaire agrave celle de Palmer (2001)61 Neacuteanmoins tous les emplois ne se recoupent pas Dans plusieurs cas on utilise un subjonctif en mandinka lagrave ougrave on

    utilise une autre construction en wolof et reacuteciproquement

    - 112 -

    64) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 75)

    Musoacuteolu yeacute naa

    femmeDETPL SUBJ venir

    lsquoQue les femmes viennent rsquo

    b Wolof (Church 1981 53)

    Mu def =ko

    S3SG faire =O3SG

    lsquoQuil le fasse rsquo

    65) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 453)

    A buacuteka lafiacute [a diacutensuacuteŋkuacutetoacuteo ye jamfaacute a la]

    3SG IPFNEG vouloir 3SG filleDET SUBJ seacuteloigner 3SG POSTP

    lsquoIl ne veut jamais que sa fille seacuteloigne de luirsquo

    b Wolof (Voisin 2010 146)

    Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen]

    FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL

    lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo

    66) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 494)

    I ye keacuteeraacutembaacutealu samba

    3PL MP reacutecipientgrandDETPL emporter

    puacuteruacute [i yeacute i faacutendiacute kiacuteloacuteo la]

    pour_que 3PL SUBJ 3PL semplirCAUS œufDET POSTP

    lsquoIls emportegraverent les grands reacutecipients pour les emplir dœufsrsquo

    b Wolof (Diouf 2003 229)

    Danga war=a muddaarante ngir [mu jaay =la =ko]

    FOCVS2SG devoir=DV neacutegocier pour S3SG vendre =O2SG =O3SG

    lsquoTu dois neacutegocier pour quil te le vendersquo

    - 113 -

    67) a Mandinka (Creissels amp Sambou 2013 494)

    Tiyocirco tuacute jěe [a yeacute jăa domandiacuteŋ tiloacuteo la]

    arachideDET laisser lagrave 3SG SUBJ seacutecher un_peu soleilDET POSTP

    lsquoLaisse larachide lagrave quelle segraveche un peu au soleilrsquo

    b Wolof (Diouf 2003 71)

    Yoacutebbuleen =ko ca billoacuteoji =ba [mu faj =ko]

    emmenerIMPS2PL =O3SG PREPDT sorcier =CLbDFDT S3SG soigner =O3SG

    lsquoEmmenez-le chez le sorcier quil le gueacuterissersquo

    Ainsi leacutetiquette laquo subjonctif raquo permet de rendre compte de tous les emplois du minimal s V o du

    wolof agrave lexception de son utilisation dans les propositions narratives On notera que ce point

    diffeacuterencie le minimal s V o du wolof et le subjonctif du mandinka En effet en mandinka les

    propositions narratives ne sont pas au subjonctif mais agrave laccompli-statif (Creissels amp Sambou

    2013 71-72) Afin de rendre compte de cet emploi du minimal s V o en wolof nous avons preacutefeacutereacute

    leacutetiquette laquo conseacutecutif raquo agrave laquo narratif raquo suivant ainsi la terminologie de Longacre (1990) Selon cet

    auteur le temps narratif (narrative tense) nest jamais deacutependant dune autre forme alors que le

    temps conseacutecutif (consecutive tense) est soit deacutependant dune autre forme soit doit apparaicirctre apregraves

    une autre forme dans le discours (Longacre 1990 109-110) Or en wolof le minimal s V o

    laquo nouvre jamais un reacutecit il deacuteveloppe une narration agrave partir dun ancrage preacutealable dans le passeacute

    marqueacute par une autre proposition raquo (Robert 1995 377) Par exemple dans les contes la premiegravere

    proposition nest jamais au minimal s V o mais agrave une autre construction (68a-b)

    68) a Amoon =na =fi ab deumlkk (Cisseacute Ma 1994 10)

    avoirPAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX IDFCLb village

    bu tuddoon Mbagravebba Kumba

    CLbREL appelerPAS Mbaba Coumba

    lsquoIl eacutetait une fois un village qui sappelait Mbaba Coumbarsquo

    b Benn reumlbb =la =woon (Diouf et al 2009 40)

    CLbSING chasseur =FOCC =PAS

    lsquoIl eacutetait une fois un chasseurrsquo

    Pour reacutesumer le subjonctif-conseacutecutif preacutesente un schegraveme S s V o O cest-agrave-dire un schegraveme

    - 114 -

    S V O avec des arguments lexicaux et s V o avec des arguments pronominaux Eacutetant donneacute que cette

    construction ne peut pas cumuler un sujet lexical et un sujet pronominal (Church 1981 88) et que

    les arguments lexicaux semblent occuper la mecircme position que les arguments pronominaux on

    pourrait ecirctre tenteacute de repreacutesenter le schegraveme geacuteneacuteral ainsi Ss V Oo Neacuteanmoins dans une

    construction ditransitive lobjet pronominal se place toujours avant lobjet lexical (sect 423) Par

    ailleurs le sujet lexical et le sujet pronominal noccupent pas la mecircme position syntaxique En effet

    on peut inseacuterer ladverbe tamit (aussi) entre le sujet lexical et le verbe (69a) mais pas entre le sujet

    pronominal et le verbe (69b) agrave moins dutiliser un pronom fort (69c) (Creissels 1991 194)

    69) a Faatu tamit gis Samba (Creissels 1991 194)

    Fatou aussi voir Samba

    lsquoFatou aussi a vu Sambarsquo

    b Mu tamit gis Samba (Creissels 1991 194)

    S3SG aussi voir Samba

    c Moom tamit gis Samba (Creissels 1991 194)

    PRO3SG aussi voir Samba

    lsquoElle aussi a vu Sambarsquo

    Le subjonctif-conseacutecutif semploie dans les propositions narratives conseacutecutives exclamatives

    injonctives les propositions introduites par un adverbe les compleacutetives sans compleacutementeur et les

    subordonneacutees de but (58a-g) Il semble incompatible avec le suffixe de neacutegation -ul mais peut ecirctre

    nieacute lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (60a-b) Enfin agrave

    limperfectif le pronom objet se place avant le verbe lexical (63a-b)

    243 Linfinitif

    La question des formes verbales non finies du wolof na presque jamais eacuteteacute abordeacutee Neacuteanmoins

    les grammairiens du XIXe siegravecle considegraverent geacuteneacuteralement que le radical nu dun verbe correspond agrave

    linfinitif (Dard 1826 39 Kobegraves 1869 256-257) Par ailleurs Church (1981 37) eacutemet lhypothegravese

    selon laquelle le morphegraveme a de deacutependance verbale correspondrait agrave la marque de linfinitif Seul

    Voisin (2006) propose une analyse deacutetailleacutee de linfinitif

    Linfinitif nest pas agrave proprement parler une construction preacutedicative En effet contrairement agrave

    - 115 -

    toutes les constructions que nous avons eacutetudieacutees jusquici il ne peut jamais constituer un eacutenonceacute

    syntaxiquement autonome Il est toujours deacutependant dune construction preacutedicative et ne prend pas

    dargument sujet Neacuteanmoins sa forme et ses emplois le rapprochent clairement du subjonctif-

    conseacutecutif

    On peut distinguer deux infinitifs en wolof linfinitif nu et linfinitif en a (Voisin 2006)

    Linfinitif nu consiste en la base verbale nue Il a une fonction strictement nominale cest-agrave-dire

    quil occupe une position syntaxique pouvant toujours ecirctre occupeacutee par un syntagme nominal Il

    peut occuper la position syntaxique et la fonction de sujet dun verbe (70a-b) les positions

    syntaxiques et les fonctions de sujet et dobjet du verbe geumln (ecirctre mieux) dans les constructions

    comparatives (71a-b) (Voisin 2006) ainsi que la position syntaxique et la fonction de compleacutement

    dune preacuteposition de but (72a-b)

    70) a [Naan sagravengara] =dafa araam ci jullit (Diouf 2003 510)

    boire alcool =FOCVS3SG ecirctre_illicite PREPPX musulman

    lsquoBoire de lalcool est illicite pour un musulmanrsquo

    b [Tagravepparka =gi] =dafa diis ci yow (Diouf 2003 333)

    battoir =CLgDFDT =FOCVS3SG ecirctre_lourd PREPPX PRO2SG

    lsquoLe battoir est lourd pour toirsquo

    71) a [Wor sa ŋaamaan] =a geumln (Diouf 2003 271)

    trahir POSS2SG circonciseur =FOCS ecirctre_mieux

    [wor sa leacutettkat]

    trahir POSS2SG tresserAGT

    lsquoIl vaut mieux trahir ton circonciseur que trahir ton coiffeurrsquo

    b [Peumlndub tagravenk] =a geumln [peumlndub taat] (Diouf 2003 278)

    poussiegravereGEN pied =FOCS ecirctre_mieux poussiegravereGEN fesse

    lsquoLa poussiegravere aux pieds est meilleure que la poussiegravere aux fessesrsquo

    72) a Dantildeu =ko def ngir [baaxental suntildeu moom-sa-reacuteew] (Diouf 2003 58)

    FOCVS1PL =O3SG faire pour commeacutemorer POSS1PL indeacutependance

    lsquoNous lavons fait pour commeacutemorer notre indeacutependancersquo

    - 116 -

    b Dafay sagravekku ndimmal ngir [jumaa =ji] (Diouf 2003 243)

    FOCVS3SGIPF collecter aide pour mosqueacutee =CLjDFPX

    lsquoIl fait une collecte pour la mosqueacuteersquo

    Agrave linfinitif nu lobjet lexical (70a-72a) et lobjet pronominal (73a-c) se placent apregraves le verbe

    Cette construction preacutesente donc un schegraveme V o O cest-agrave-dire un schegraveme identique agrave celui du

    subjonctif-conseacutecutif mais sans argument sujet

    73) a [Wax =ko =ko] tiis =na =ma (Diouf 2003 504)

    dire =O3SG =O3SG ennuyer =PRFS3SG =O1SG

    lsquoCcedila me gecircne de le lui dirersquo

    b Taal bu Yagravella taal (Diouf 2003 214)

    foyer CLbREL Dieu allumer

    sagravenni =ci matt =a geumln [fey =ko]

    jeter =PRTFPX bois =FOCS ecirctre_mieux eacuteteindre =O3SG

    lsquoUn feu que Dieu a allumeacute il vaut mieux y jeter du bois que de leacuteteindrersquo

    c Dinaa =la telefone ngir [woacuteoral =ko] (Diouf 2003 372)

    FUTS1SG =O2SG teacuteleacutephoner pour confirmer =O3SG

    lsquoJe te teacuteleacutephonerai pour le confirmerrsquo

    Par ailleurs les verbes agrave linfinitif nu peuvent porter des suffixes de deacuterivation (74a) (Voisin

    2006) ainsi que le suffixe de passeacute (74b)

    74) a [Def-al ntildeeneen =ntildei]=a =ko (Diouf 2003 301)

    faire-BEN CLHUMPLALT =CLHUMPLDFPX=FOCS =O3SG

    geumln-al [def-al =ma]

    ecirctre_mieux-BEN faire-BEN =O1SG

    lsquoIl preacutefegravere ecirctre geacuteneacutereux avec les autres plutocirct quavec moirsquo

    (litt lsquoFaire pour les autres est mieux pour lui que faire pour moirsquo)

    - 117 -

    b [Wax-oon =la ne duma ntildeoacutew] (Diouf 2003 486)

    dire-PAS =O2SG COMP FUTNEGS1SG venir

    tiis-oon =na =ma

    ennuyer-PAS =PRFS3SG =O1SG

    lsquoTe dire que je ne viendrai pas mennuyaitrsquo

    Linfinitif en a quant agrave lui est caracteacuteriseacute par une marque de deacutependance verbale a placeacutee

    immeacutediatement avant le verbe (75a-b) Cet infinitif semploie exclusivement pour former des

    preacutedicats complexes (Voisin 2006) Il occupe la fonction de compleacutement dun verbe (sect 82) Il peut

    sagir soit dun verbe dont lobjet est obligatoirement un compleacutement phrastique agrave linfinitif (75a)

    soit dun verbe dont lobjet peut ecirctre un compleacutement phrastique agrave linfinitif (75b) une compleacutetive

    (75c) ou un syntagme nominal (75d)

    75) a Dama xaw=a [sonn] (Diouf 2003 383)

    FOCVS1SG ecirctre_un_peu=DV ecirctre_fatigueacute

    lsquoJe suis un peu fatigueacutersquo

    b Dama beumlgg=a [jubbanti tagravenku siis =bi] (Diouf 2003 175)

    FOCVS1SG vouloir=DV redresser piedGEN chaise =CLbDFPX

    lsquoJe veux redresser le pied de la chaisersquo

    c Dama beumlgg [nga benn-bennal wax =ji] (Diouf 2003 67)

    FOCVS1SG vouloir S2SG deacutetailler propos =CLjDFPX

    lsquoJe veux que tu eacutenonces les propos point par pointrsquo

    d Dama beumlgg [piis bu xonq] (Robert 1999 108)

    FOCVS1SG vouloir tissu CLbREL ecirctre_rouge

    lsquoJe veux un tissu qui soit rougersquo

    Les preacutedicats complexes mettant en jeu un infinitif en a sont des constructions agrave monteacutee En

    effet la structure argumentale de ces constructions deacutepend uniquement des proprieacuteteacutes de rection du

    verbe agrave linfinitif (V2) alors que les arguments deacutependent syntaxiquement du verbe principal (V1)

    Autrement dit il y a une imposition de la valence du V2 sur le V162 Ce pheacutenomegravene est mis en

    62 Certains preacutedicats complexes fonctionnent diffeacuteremment Si V1 est un verbe de qualiteacute on constate que cest le V1

    qui impose sa valence au preacutedicat complexe Lobjet attendu du V2 devient le sujet du V1 (Voisin 2006)

    - 118 -

    eacutevidence par la position des objets pronominaux (Voisin 2006) Dans les exemples (76a-c) les

    arguments objets deacutependent seacutemantiquement du V2 mais leur position indique clairement quils sont

    reacutegis syntaxiquement par le V1 ils occupent la position normale de lobjet pronominal du verbe fini

    (76d)

    76) a Xaw =nga =ma=a xantilde sama lam =yi (Diouf 2003 380)

    faillir =PRFS2SG =O1SG=DV priver POSS1SG bracelet =CLyDFPX

    lsquoTu as failli me priver de mes braceletsrsquo

    b Beumlgg =naa =ko =ko=a xamal (Church 1981 38)

    vouloir =PRFS1SG =O3SG =O3SG=DV savoirCAUS

    lsquoJe veux le lui faire savoirrsquo

    c Dama =ko beumlgg=a ji (Diouf 2003 97)

    FOCVS1SG =O3SG vouloir=DV semer

    lsquoJe veux la semerrsquo

    d Dama =ko jagravepp (Diouf 2003 71)

    FOCVS1SG =O3SG attraper

    lsquoJe lai attrapeacutersquo

    Ainsi le V1 perd ses proprieacuteteacutes de rection Ce pheacutenomegravene nest pas limiteacute aux arguments objets

    mais concerne eacutegalement largument sujet Par exemple le verbe beumlgg (vouloir) a comme proprieacuteteacute

    de rection de pouvoir prendre comme argument sujet uniquement une entiteacute animeacutee (77a) Or dans

    les preacutedicats complexes mettant en jeu un infinitif en a le sujet syntaxique de beumlgg peut ecirctre une

    entiteacute inanimeacutee deacutependant seacutemantiquement du V2 (77b-c) (Voisin 2006)

    77) a Sawoor beumlgg =na dugub waaye du bay (Diouf 2003 305)

    moineau vouloir =PRFS3SG mil mais FUTNEGS3SG cultiver

    lsquoLe moineau aime le mil mais il ne cultive pasrsquo

    (i) Woy wii neex =na=a deacuteggchant CLWDEMPX ecirctreagreacuteable =PRFS3SG=DV entendrelsquoCe chant est agreacuteable agrave entendrersquo

    - 119 -

    b Saxaar =a ngi beumlgg=a deqi (Diouf 2003 66)

    train =PRSTPX vouloir=DV deacutemarrer

    lsquoLe train est sur le point de deacutemarrerrsquo

    c Saxaar deqi =na (Diouf 2003 102)

    train deacutemarrer =PRFS3SG

    lsquoLe train a deacutemarreacutersquo

    Ce pheacutenomegravene de monteacutee des clitiques pourrait expliquer la position de lobjet pronominal dans

    les eacutenonceacutes au subjonctif-conseacutecutif imperfectif Comme nous lavons vu plus haut le schegraveme s V o

    nest jamais attesteacute agrave limperfectif Au subjonctif-conseacutecutif imperfectif lobjet pronominal se place

    entre le verbe auxiliaire di et le verbe (78a-b) En fait le verbe auxiliaire di fonctionne comme le

    verbe principal dune construction agrave monteacutee Si on le remplace par un verbe prenant un compleacutement

    infinitival on constate que lobjet pronominal occupe la mecircme position (78c)

    78) a Dantildeu beumlgg [mu agravette =leen] (Voisin 2010 146)

    FOCVS3PL vouloir S3SG seacuteparer =O3PL

    lsquoIls veulent quil les seacuteparersquo

    b Dafa beumlgg [ma di =ko uuf] (Voisin 2010 146)

    FOCVS3SG vouloir S1SG IPF =O3SG prendre_sur_les_genoux

    lsquoIl veut que je le prenne souvent sur mes genouxrsquo

    c Danga sarxolle [mu beumlgg =la toppandoo] (Diouf 2003 590)

    FOCVS2SG faire_des_youyous S3SG vouloir =O2SG imiter

    lsquoTu as fait des youyous et il a voulu timiterrsquo

    La monteacutee des clitiques objets avec le verbe auxiliaire di ne se limite pas au subjonctif-

    conseacutecutif On observe le mecircme pheacutenomegravene avec les autres constructions preacutedicatives (79-80) La

    construction imperfective peut donc ecirctre analyseacutee comme un preacutedicat complexe dans lequel le verbe

    auxiliaire di prend un compleacutement phrastique agrave linfinitif

    79) a Dafa =leen di foacuteoxal (Diouf 2003 130)

    FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer

    lsquoIl les bluffersquo

    - 120 -

    b Dafa =leen beumlgg=a tuur leumlndeumlm (Diouf 2003 202)

    FOCVS3SG =O2PL vouloir=DV verser obscuriteacute

    lsquoIl veut vous duperrsquo

    80) a Samay kanaara cox =laa =leen di dundale (Diouf 2003 85)

    POSS1SGPL canard son =FOCCS1SG =O3PL IPF nourrir

    lsquoMes canards je les nourris au sonrsquo

    b Loolu rekk =laa =leen (Diouf 2003 378)

    CLCHSGDEMPX seulement =FOCCS1SG =O2PL

    beumlggoon=a xamal

    vouloirPAS=DV savoirCAUS

    lsquoCest seulement ccedila que je voulais vous faire savoirrsquo

    Par ailleurs les verbes agrave linfinitif en a semblent incompatibles avec les suffixes flexionnels Seul

    le verbe principal peut porter le suffixe de passeacute (81a-b) ou le suffixe de neacutegation (82a-b) (Diouf

    2009 176)

    81) a Dafa beumlgg-oon=a neumlpp-neumlppal biiru doom =ji (Diouf 2003 248)

    FOCVS3SG vouloir-PAS=DV camoufler ventreGEN enfant =CLjDFPX

    lsquoElle voulait garder secret la grossesse de sa fillersquo

    b Dafa d-oon wat saaku =bi (Diouf 2003 362)

    FOCVS3SG IPF-PAS traicircner sac =CLbDFPX

    lsquoIl traicircnait le sacrsquo

    82) a Dama beumlgg-ul=a dem (Diouf 2003 79)

    FOCVS1SG vouloir-NEG=DV partir

    lsquoJe ne veux pas partirrsquo

    b Dama d-ul gis Omar (Diouf 2009 70)

    FOCVS1SG IPF-NEG voir Omar

    lsquoJe ne vois pas Omarrsquo

    - 121 -

    Enfin la marque de deacutependance verbale a est en distribution compleacutementaire avec le verbe

    auxiliaire dimperfectif di (83a-b) ou sa forme clitique -y (84a-b) (Church 1981 38 Voisin 2006)

    Eacutetant donneacute quaucun processus phonologique ne permet dexpliquer lincompatibiliteacute de a et di

    Church (1981 39) considegravere que cette incompatibiliteacute est dordre seacutemantique Lopposition a di

    serait une opposition aspectuelle ce qui implique que a serait une marque de perfectif

    83) a Dafa beumlgg=a seacutey =ak moom (Diouf 2003 489)

    FOCVS3SG vouloir=DV eacutepouser =avec PRO3SG

    lsquoElle veut leacutepouserrsquo

    b Dafa beumlgg di agravend =ak teumlggkat =yi (Diouf 2003 460)

    FOCVS3SG vouloir IPF accompagner =avec musicien =CLyDFPX

    lsquoIl aime cocirctoyer les musiciensrsquo

    84) a Meumln =nga =ko=a indi (Diouf 2003 52)

    pouvoir =PRFS2SG =O3SG=DV apporter

    saa su =la neex-ee

    moment CLsREL =O2SG plaire-ANT

    lsquoTu peux lapporter quand tu voudrasrsquo

    b Leacuteegi man =nga =ko=y (Diouf 2009 97)

    maintenant pouvoir =PRFS2SG =O3SG=IPF

    jox ntildeam yu deumlgeumlraale

    donner aliment CLyREL ecirctre_relativement_solide

    lsquoMaintenant tu peux lui donner des aliments relativement consistantsrsquo

    Cependant la situation nest pas aussi claire En effet la marque de deacutependance verbale a est

    parfois omise (Fal 1999 102) surtout en wolof veacutehiculaire (85a-b) De plus lopposition

    aspectuelle entre les eacutenonceacutes comportant la marque a et ceux comportant le verbe auxiliaire di est

    loin decirctre eacutevidente en quoi la proposition infinitive de lexemple (84a) est-elle perfective et celle

    de lexemple (84b) imperfective Enfin selon Diouf (2009 174) di et a peuvent apparaicirctre dans la

    mecircme proposition (notamment dans le parler gambien) (85c) Afin dexpliquer ce dernier cas Diouf

    (2009 175) propose de distinguer la marque verbale a (qui apparaicirct dans les preacutedicats complexes)

    de la marque de limperfectif a (allomorphe de di et -y)63 (85d)

    63 Cette allomorphie est particuliegraverement freacutequente dans le wolof de Mauritanie (Dialo et al 1984 8)

    - 122 -

    85) a Dafa beumlgg wonewu (Diouf 2003 557)

    FOCVS3SG vouloir montrerMOY

    lsquoIl aime se faire remarquerrsquo

    b Meumln =na =ko taneel (Diouf 2003 423)

    pouvoir =PRFS3SG =O3SG ameacuteliorer

    lsquoCcedila peut lameacuteliorerrsquo

    c Bunt =bi =la Omar di=a ubbi (Diouf 2009 174)

    porte =CLbDFPX =FOCC Omar IPF=DV fermerINV

    lsquoCest la porte quOmar ouvrersquo

    d Nantildeu=a ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)

    OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX

    lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo

    On observe de grandes variations pour ces formes dun locuteur agrave lautre ou dun corpus agrave lautre

    Cette variabiliteacute ne permet pas de confirmer ou dinfirmer avec certitude les hypothegraveses proposeacutees

    par Church (1981) ou Diouf (2009) Dans leacutetat actuel de la langue nous pouvons dire que les

    preacutedicats complexes peuvent contenir une marque a que nous analysons comme une marque de

    deacutependance verbale (Voisin 2006) Par ailleurs certains locuteurs utilisent un allomorphe a du

    verbe auxiliaire dimperfectif

    244 Le relatif

    Nous avons retenu leacutetiquette laquo relatif raquo pour deacutesigner la construction preacutesentant le schegraveme s o V

    Cette eacutetiquette nest pas traditionnelle dans les descriptions du wolof Neacuteanmoins elle permet de

    rendre compte de tous les emplois de cette construction En effet la construction preacutesentant le

    schegraveme s o V peut toujours ecirctre analyseacutee comme une construction relative introduite par un

    relativiseur

    Comme nous lavons vu plus haut le relatif est utiliseacute dans les propositions relatives Il peut

    sagir dune proposition relative agrave anteacuteceacutedent (86a-b)64 dune relative sans anteacuteceacutedent (86c) ou dune

    64 Le relativiseur disparaicirct si lanteacuteceacutedent de la proposition relative est deacutetermineacute par un article deacutefini ou undeacuteterminant deacutemonstratif (Sall 2005 165)

    - 123 -

    relative eacutepitheacutetique (86d) (Sall 2005 165-171)

    86) a Caabi =ji [nga =ma joxoon] reacuteer =na (Sall 2005 155)

    cleacute =CLjDFPX S2SG =O1SG donnerPAS disparaicirctre =PRFS3SG

    lsquoLa cleacute que tu mavais donneacutee a disparursquo

    b Jaloore [ju =mu =fi def] (Diouf 1992 18)

    exploit CLjREL =S3SG =CLLOCDFPX faire

    dootu =fi am

    FUTNEGITERS3SG =CLLOCDFPX avoir

    lsquoUn exploit quil fait ici ne se reproduira pas icirsquo

    c Demleen seeti [ku =leen neex] (Sall 2005 167)

    allerIMPS2PL chercherAND CLHUMSGREL =O3PL plaire

    lsquoAllez voir qui vous voulezrsquo

    d Yeacutere [bu xonq] =la sol (Diouf 2003 391)

    habit CLbREL ecirctre_rouge =FOCCS3SG porter

    lsquoCest un habit rouge quil portersquo

    Les relatives eacutepitheacutetiques se distinguent des autres relatives par la position du deacuteterminant deacutefini

    Dans les relatives eacutepitheacutetiques le deacuteterminant deacutefini se place agrave la fin du syntagme (87a) alors que

    dans les autres relatives il remplace le relativiseur (87b) (Nouguier-Voisin 2002 30)

    87) a Reacuteeral =nga kayit [gu weex =gi] (Nouguier-Voisin 2002 30)

    se_perdreCAUS =PRFS2SG papier CLgREL ecirc_blanc =CLgDFPX

    lsquoTu as eacutegareacute le papier blancrsquo

    b Reacuteeral =nga kayit =gi (Nouguier-Voisin 2002 30)

    se_perdreCAUS =PRFS2SG papier =CLgDFPX

    [ma tegoon =fii]

    S1SG poserPAS =CLLOCDEMPX

    lsquoTu as eacutegareacute le papier que javais poseacute icirsquo

    Le relatif est eacutegalement utiliseacute dans les subordonneacutees de lieu (88a-b) et les subordonneacutees de

    - 124 -

    maniegravere (89a-b) Ces subordonneacutees sont formellement identiques aux relatives sans anteacuteceacutedent (Sall

    2005 167) ne sen distinguant que dans le choix de la marque de classe du relativiseur En effet le

    relativiseur est un joncteur65 (Creissels 2006a 207) constitueacute dune marque de classe et dune

    voyelle deacuteictique La marque de classe peut soit saccorder avec lanteacuteceacutedent (86b) soit ecirctre une

    marque de classe fonctionnelle Les classes fonctionnelles du wolof sont la classe des locatifs

    (88a-b) la classe exprimant la maniegravere (89a-b) la classe des humains (90a-b) et la classe des

    laquo choses raquo (91a-b) (Sall 2005 167-168)

    88) a [Fu =mu =ko fekk] toroxal =ko (Diouf 2003 350)

    CLLOCREL =S3SG=O3SG trouver ecirctre_miseacuterableCAUS =O3SG

    lsquoOugrave quil le trouve il lhumiliersquo

    b Xamuloo sax [fi =nga =ko jeacutel-e] (Diouf 2003 167)

    savoirPRFNEGS2SG mecircme CLLOCDFPX =S2SG=O3SG prendre-APPL

    lsquoTu ne peux pas timaginer de quelle situation tu las tireacutersquo

    (litt lsquoTu ne sais mecircme pas dougrave tu las tireacutersquo)

    89) a Defleen [nu =ngeen =ko beumlgg-e] (Diouf 2003 487)

    faireIMPS2PL CLMNRREL =S2PL =O3SG vouloir-APPL

    lsquoFaites comme vous lentendezrsquo

    b Deful liggeacuteey =bi (Church 1981 90)

    fairePRFNEGS3SG travail =CLbDFPX

    [na mu =ko war-e=a def]

    CLMNRDFDT S3SG =O3SG devoir-APPL=DV faire

    lsquoIl na pas fait le travail comme il convenait de le fairersquo

    90) a [Ku =ko gis] dinaa =ko neexal (Diouf 2003 246)

    CLHUMSGREL =O3SG voir FUTS1SG =O3SG ecirctre_agreacuteableCAUS

    lsquoCelui qui le voit je le reacutecompenserairsquo

    65 laquo Les joncteurs relatifs comme les pronoms relatifs peuvent varier en accord avec le nom de domaine eteacuteventuellement le repreacutesenter dans des relatives libres mais agrave la diffeacuterence des pronoms relatifs ils ne varient passelon le rocircle relativiseacute et napparaissent jamais agrave linteacuterieur dun syntagme devant sanalyser comme un constituantde la relative en position non canonique raquo (Creissels 2006b 229)

    - 125 -

    b Won =ma [ki =la =ko jaay] (Diouf 2003 472)

    monterIMPS2SG =O1SG CLHUMSGDFPX =O2SG =O3SG vendre

    lsquoDeacutesigne-moi celui qui te la vendursquo

    91) a [Lu =ma =ko wax] mu suufental =ko (Diouf 2003 527)

    CLCHSGREL =S1SG =O3SG dire S3SG minimiser =O3SG

    lsquoTout ce que je lui dis il le minimisersquo

    b Yaa xam [la nga =ko wax] (Diouf 2003 191)

    PRO2SGFOCS savoir CLCHSGDFDT S2SG =O3SG dire

    lsquoCest toi qui sais ce que tu lui as disrsquo

    La voyelle du relativiseur est lieacutee agrave la reacutefeacuterentialiteacute La voyelle est -i ou -a lorsquil est reacutefeacuterentiel

    (88b-91b) alors que la voyelle est -u lorsquil est non reacutefeacuterentiel (88a-91a) (Nouguier-Voisin 2002

    27 Sall 2005 156)

    Tableau 214 - Inventaire des relativiseurs66

    Humain ChoseLocatif Maniegravere Autre

    SG PL SG PL

    k ntilde l y f n b

    Non reacutefeacuterentiel -u ku ntildeu lu yu fu nu bu

    Reacutefeacuterentiel -i ki ntildei li yi fi ni bi

    -a ka ntildea la ya fa na ba

    Le relatif est eacutegalement utiliseacute dans certaines interrogatives partielles Il existe deux types

    dinterrogative partielle en wolof Le premier met en jeu un pronom interrogatif CL-an en position

    focus la construction est donc soit une focalisation du sujet (92a) soit une focalisation du

    compleacutement (92b) Le second type dinterrogative partielle est formellement identique aux relatives

    sans anteacuteceacutedent En effet il met en jeu un pronom interrogatif identique au relativiseur dans une

    construction relative (93a-b)

    92) a Kan =moo =ko def (Diouf amp Yaguello 1991 95)

    CLHUMSGQ =PRO3SGFOCS =O3SG faire

    lsquoQui la fait rsquo

    66 Pour un inventaire complet des relativiseurs voir Fal et al (1990 20) ou Ma Cisseacute (2007 56-57)

    - 126 -

    b Lan =nga =ko defare (Diouf 2003 96)

    CLCHSGQ =FOCCS2PL =O3SG fabriquer

    lsquoAvec quoi las-tu fait rsquo

    93) a Ku =ko def (Diouf amp Yaguello 1991 95)

    CLHUMSGREL =O3SG faire

    lsquoQui la fait rsquo

    b Lu =mu =la dig (Diouf 2003 104)

    CLCHSGREL =S3SG =O2SG promettre

    lsquoQuest-ce quil ta promis rsquo

    Concernant la forme de la construction relative on remarque que le pronom sujet de deuxiegraveme

    personne du singulier forme un amalgame avec le relativiseur non reacutefeacuterentiel Le ng- initial du

    pronom nga chute et la voyelle -a fusionne avec la voyelle -u du relativiseur (94a-c) (Sall 2005

    194-195) Cet amalgame sobserve freacutequemment avec les classes fonctionnelles (94a-b) (Sall 2005

    194) ainsi que dans la locution CL-oo xam ne (94c) (Diouf 1992 15-16)

    94) a Loo =ko tontu (Diouf 2003 559)

    CLCHSGRELs2SG =O3SG reacutepondre

    lsquoQue lui as-tu reacutepondu rsquo

    b Xawma foo =ko jeacutel-e (Diouf 2003 355)

    savoirPRFNEGS1SG CLLOCRELS2SG =O3SG prendre-APPL

    lsquoJe ne sais pas ougrave tu las trouveacutersquo

    c Jeacutend =naa woto boo xam ne (Diouf 2009 61)

    acheter =PRFS1SG voiture CLbRELS2SG savoir COMP

    dina =la neex

    FUTS3SG =O2SG plaire

    lsquoJai acheteacute une voiture qui te plairarsquo

    (litt lsquoJai acheteacute une voiture qui tu sais quelle te plairarsquo)

    Par ailleurs la position des arguments du verbe dans la construction relative est identique agrave celle

    - 127 -

    de loptatif du prohibitif et de la focalisation du compleacutement (sect 44) En effet si le sujet de la

    construction est lexical et lobjet est pronominal alors lobjet se place avant le sujet (95a-b)

    95) a Yelloo =nga [li =la sa jeumlkkeumlr defal] (Diouf 2003 559)

    meacuteriter =PRFS2SG CLCHSGDFPX =o2SG POSS2SG eacutepoux faireBEN

    lsquoTu es digne de ce que ton eacutepoux a fait pour toirsquo

    b Mu =ngi ne duŋŋ (Diouf 2003 355)

    PRO3SG=PRSTPX dire IDEO

    [ni =ko ndeyam jur-e =woon]

    CLMNRDFPX =O3SG megraverePOSS3SG faire_naicirctre-APPL =PAS

    lsquoIl est tout nu tel que sa megravere lavait mis au mondersquo

    La contraction du pronom de deuxiegraveme personne du singulier ainsi que la position des arguments

    du verbe rapprochent le relatif des constructions preacutedicatives En effet le relativiseur a un

    comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des marqueurs preacutedicatifs na (optatif) bu

    (prohibitif) et la (focalisation du compleacutement) De plus comme ces marqueurs il sagit dun

    morphegraveme monosyllabique de structure CV Neacuteanmoins la construction relative nest pas agrave

    proprement parler une construction preacutedicative Comme linfinitif le relatif ne peut jamais

    constituer un eacutenonceacute syntaxiquement autonome Agrave lexception de ses emplois dans les interrogatives

    partielles il est toujours deacutependant dune construction preacutedicative

    Enfin le relatif est compatible avec le suffixe de passeacute (96a) le suffixe de neacutegation (96b) ainsi

    quavec lauxiliaire dimperfectif (96c-d) Lajout de ces morphegravemes naltegravere pas la forme de la

    construction

    96) a Mbiskit =mi [nga =ko jox-oon] =la ŋeumlb (Diouf 2003 272)

    biscuit =CLmDFPX S2SG =o3SG donner-PAS =FOCCS3SG fermer_le_poing

    lsquoCest le biscuit que tu lui avais donneacute quil serre dans la mainrsquo

    b Daqaar du wuum [ku =ko macc-ul] (Diouf 2003 93)

    tamarin FUTNEGS3SG agacer CLHUMSGREL =O3SG sucer-NEG

    lsquoLe tamarin nagace pas les dents de celui qui ne la pas suceacutersquo

    - 128 -

    c Loolu =laa amoon (Diouf 2003 362)

    CLCHSGDEMPX =FOCCS1SG avoirPAS

    [lu =ma =leen di wax]

    CLCHSGREL =S1SG =O2PL IPF dire

    lsquoCest ccedila que javais agrave vous dirersquo

    d Xamuma [lu =mu =ko=y doye] (Diouf 2003 292)

    savoirPRFNEGS1SG CLCHSGREL =S3SG =O3SG=IPF faire_de

    lsquoJe ne sais pas ce quil va en fairersquo

    Pour reacutesumer le relatif preacutesente un schegraveme p s o S V O cest-agrave-dire un schegraveme p S V O avec des

    arguments lexicaux et p s o V avec des arguments pronominaux le relativiseur ayant un

    comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des marqueurs preacutedicatifs Il est compatible avec

    le suffixe de neacutegation -ul (96b) et la preacutesence de lauxiliaire dimperfectif di naltegravere pas sa structure

    (96c-d) Toutes ces caracteacuteristiques rapprochent le relatif des constructions preacutedicatives

    Neacuteanmoins contrairement agrave ces derniegraveres il ne peut jamais constituer un eacutenonceacute autonome Il

    semploie uniquement dans les propositions relatives (86a-d) les subordonneacutees de lieu (88a-b) les

    subordonneacutees de maniegravere (89a-b) et les interrogatives partielles (93a-b)

    245 Le cas des subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques

    Les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques constituent lun des aspects de la langue les plus

    eacutetudieacutes Church (1981) Sall (2005) et Perrin (2005) leur consacrent chacun un chapitre et Dialo

    (1981a) et Diouf (2009) considegraverent quelles constituent des constructions preacutedicatives agrave part

    entiegravere Ces constructions ont eacuteteacute beaucoup eacutetudieacutees car elles preacutesentent certaines caracteacuteristiques

    qui posent des problegraveme agrave lanalyse En effet dun point de vue morphosyntaxique elles sont assez

    similaires aux constructions relatives mais elles preacutesentent eacutegalement des particulariteacutes qui les

    distinguent clairement des relatives

    Les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont formellement semblables au relatif En effet

    il sagit de propositions deacutependantes introduites par des ldquoconjonctionsrdquo morphologiquement

    identiques aux relativiseurs (97a-d) De plus le pronom sujet de deuxiegraveme personne du singulier

    forme un amalgame avec cette conjonction si elle finit par la voyelle -u (97c) On remarque

    eacutegalement quelles preacutesentent un schegraveme p s o S V O (97a-b) Enfin elles sont compatibles avec le

    - 129 -

    suffixe de neacutegation (97c) et lauxiliaire dimperfectif (97d)

    97) a Dafa ntildeagravelli [bi mu =la seacuteen-ee] (Diouf 2003 265)

    FOCVS3SG deacutetaller TEMP S3SG =O2SG apercevoir-ANT

    lsquoIl a deacutetaleacute quand il ta aperccedilursquo

    b [Su =ko baay =ji xul-ee] (Diouf 2003 50)

    HYP =O3SG pegravere =CLjDFPX sermonner-ANT

    mu jagraveng bu baax

    S3SG eacutetudier CbREL ecirctrebien

    lsquoSi son pegravere le sermonne il eacutetudie bienrsquo

    c [Boo am-ul-ee ndox] (Diouf 2003 344)

    TEMPs2SG avoir-NEG-ANT eau

    meumln =nga=a tiim

    pouvoir =PRFS2SG=DV se_purifier_au_sable

    lsquoQuand tu nas pas deau tu peux te purifier en appliquant les mains au solrsquo

    d [Ba nga=y jeacutend keumlr =gi] (Diouf 2003 204)

    TEMP S2SG=IPF acheter maison =CLgDFPX

    maa lijjanti leacutepp

    PRO1SGFOCS deacutemecircler CLCHSGTOT

    lsquoQuand tu achetais la maison cest moi qui ai fait toutes les deacutemarchesrsquo

    Neacuteanmoins les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques preacutesentent plusieurs particulariteacutes qui

    les distinguent du relatif Tout dabord le verbe de ces propositions doit prendre un suffixe -ee (97a-

    c) Lanalyse de ce suffixe est relativement probleacutematique dans la mesure ougrave il est incompatible

    avec le morphegraveme de passeacute -oon dont il occupe la place (98a) mais eacutegalement avec le verbe

    auxiliaire -y (98b) ou di (98c) sauf lorsque celui-ci est utiliseacute comme copule (98d) (Sall 2005

    193) De plus le suffixe -ee est compatible avec le suffixe de neacutegation -ul (97c) mais il est

    facultatif (98e) (Dialo 1981a 28) Nous adoptons lanalyse de Fal (1999 122) et Perrin (2005

    369) agrave savoir que le suffixe -ee est un marqueur danteacuterioriteacute cest-agrave-dire que laquo loccurrence agrave

    laquelle reacutefegravere la proposition subordonneacutee succegravede dans le temps agrave loccurrence agrave laquelle reacutefegravere la

    proposition principale raquo (Perrin 2005 369) Par opposition lauxiliaire dimperfectif laquo marque la

    concomitance entre les deux propositions raquo (Perrin 2005 369) Enfin dans les subordonneacutees

    - 130 -

    hypotheacutetiques le suffixe -oon fait office de marqueur dirrealis (passeacute ou preacutesent) (Fal 1999 122-

    123 Perrin 2005 373)67

    98) a Man [su =ma am-oon abiyoŋ] may =la =ko (Perrin 2008 82)

    PRO1SG HYP =S1SG avoir-PAS avion offrir =O2SG =O3SG

    lsquoMoi si javais un avion je te laurais donneacutersquo

    b [Su =ma=y daŋ-daŋi] yaa tax (Diouf 2003 93)

    HYP =S1SG=IPF se_deacutemener PRO2SGFOCS causer

    lsquoSi je me deacutemegravene cest agrave cause de toirsquo

    c Xaritoo =ngi geumln=a neex [su =ngeen di demlante] (Diouf 2003 100)

    amitieacute=PRSTPX ecirc_plus=DV ecirc_bien HYP =S2PL IPF allerRECP

    lsquoLamitieacute cest encore mieux si vous vous freacutequentezrsquo

    d [Su d-ee sa weumlrseumlg] dinga =ci jot (Diouf 2003 368)

    HYPS3SG COP-ANT POSS2SG chance FUTS2SG =PRTFPX atteindre

    lsquoSi cest ta chance tu laurasrsquo

    e [Soo ntildeoacutew-ul] dinantildeu =la alamaan (Diouf 2003 47)

    HYPS2SG venir-NEG FUTS3PL =O2SG mettre_agrave_lamende

    lsquoSi tu ne viens pas tu seras mis agrave lamendersquo

    Comme nous lavons vu plus haut les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont

    introduites par des conjonctions morphologiquement identiques aux relativiseurs Il sagit de ba bi

    et bu dans les subordonneacutees temporelles et bu et su dans les subordonneacutees hypotheacutetiques (97a-d)

    (Perrin 2008) Agrave la diffeacuterence des relativiseurs des relatives sans anteacuteceacutedent les consonnes b- et s-

    de ces conjonctions ne correspondent pas agrave des marques de classes fonctionnelles b- ne correspond

    pas agrave une classe exprimant le temps et s- ne correspond pas agrave une classe exprimant lhypothegravese

    Cependant plusieurs indices tendent agrave montrer que les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques

    sont des issues de la grammaticalisation de propositions relatives En effet laquo on observe en wolof

    un certain nombre deacutenonceacutes ougrave un substantif fonctionnant comme circonstant temporel apparaicirct

    suivit dune proposition relative en fonction de compleacutement du nom raquo (Perrin 2005 469) Ce nom

    doit neacutecessairement faire reacutefeacuterence agrave une peacuteriode de temps et le verbe porte le suffixe danteacuterioriteacute

    67 Pour une analyse deacutetailleacutee de ces constructions voir Perrin (2008)

    - 131 -

    (99a-b)68

    99) a Beacutes [boo ntildeeumlw-ee sama keumlr] (Church 1981 132)

    jour CLbREL2SG venir-ANT POSS1SG maison

    dinanu antildee ceebu jeumln

    FUTS1PL deacutejeunerAPPL rizGEN poisson

    lsquoLe jour ougrave tu viendras chez moi nous deacutejeunerons de riz au poissonrsquo

    b Saa [soo reacuteccu-ee] Yagravella baal =la (Church 1981 132)

    moment CLsREL2SG se_repentir-ANT Dieu pardonner =O2SG

    lsquoSi tu te repends Dieu te pardonnersquo

    (litt lsquoLe moment ougrave tu te repends Dieu te pardonnersquo)

    Par ailleurs dans les subordonneacutees temporelles le passeacute se marque agrave laide du marqueur

    deacuteictique sur la conjonction (sect 33) Ainsi laquo la conjonction bi localise la proposition subordonneacutee

    temporelle dans le preacutesent ou le passeacute immeacutediat La conjonction ba localise la proposition dans le

    passeacute lointain ou reacutevolu La conjonction bu quant agrave elle marque une indeacutetermination une

    neutralisation spatio-temporelle raquo (Sall 2005 211) En reacutealiteacute la voyelle de la conjonction nest pas

    agrave proprement parler une marque de temps mais doit plutocirct ecirctre analyseacutee comme une marque de

    reacutefeacuterentialiteacute (Church 1981 135-137) Les voyelles -i et -a eacutetant reacutefeacuterentielles les conjonctions bi

    et ba se reacutefegraverent agrave un eacuteveacutenement qui a deacutejagrave eu lieu agrave un moment preacutecis (97ad) Cela explique

    pourquoi le suffixe -oon dirrealis est incompatible avec ces deux conjonctions La voyelle -u eacutetant

    non reacutefeacuterentielle la conjonction bu reacutefegravere agrave un eacuteveacutenement habituel ou pas encore reacutealiseacute (97c)

    (Church 1981 135) Ces donneacutees sont parfaitement coheacuterentes avec notre hypothegravese selon laquelle

    les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont issues de la grammaticalisation de propositions

    relatives En effet les conjonctions bi et ba sont issues des deacuteterminants deacutefinis bi et ba et renvoient

    donc agrave un moment preacutecis et deacutefini (100a-b) alors que la conjonction bu est issue du relativiseur non

    reacutefeacuterentiel bu et renvoie donc agrave un moment non speacutecifieacute (100c)

    68 Dautres noms sont attesteacutes waxtu w- (moment) jamano j- (eacutepoque) yoon w- (fois) ngoon g- (apregraves-midi) at m-(anneacutee) (Church 1981 132 Perrin 2005 470)

    - 132 -

    100) a Beacutes =bi [mu ntildeeumlw-ee] ci man (Perrin 2005 472)

    jour =CLbDFPX S3SG venir-ANT PREPPX PRO1SG

    ma ne =ko dinaa =la consulter

    S1SG dire =O3SG FUTS1SG =O2SG consulter

    lsquoLe jour ougrave il est venu me voir je lui ai dit que je te consulterairsquo

    b Beacutes =ba [mu agsi-ee] (Perrin 2005 472)

    jour =CLbDFDT S3SG arriver-ANT

    indil =na =ma ndawtal

    apporterBEN =PRFS3SG =O1SG cadeau

    lsquoLe jour ougrave il est venu il ma apporteacute un cadeaursquo

    c Beacutes [boo am-ee xaalis] jox =ma =ci (Perrin 2005 471)

    jour CLbRELS2SG avoir-ANT argent donner =O1SG =PRTFPX

    lsquoLe jour ougrave tu auras de largent tu men donnerasrsquo

    Enfin contrairement au relatif on remarque que le pronom de troisiegraveme personne du singulier

    nest pas exprimeacute dans les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques si la conjonction est non

    reacutefeacuterentielle (101a-b) mais il apparaicirct si la conjonction est reacutefeacuterentielle (101c-d)

    101) a [Bu dikk-ee] nga ne =ko (Diouf 2003 123)

    TEMPS3SG venir-ANT S2SG dire =O3SG

    mu fej garab =yi

    S3SG eacutelaguer arbre =CLyDFPX

    lsquoQuand il viendra tu lui diras deacutelaguer les arbresrsquo

    b [Su dem-ee ci agravell =bi] (Diouf 2003 474)

    HYPS3SG partir-ANT PREPPX brousse =CLbDFPX

    gaynde =yi yagravepp =ko

    lion =CLyDFPX deacutevorer =O3SG

    lsquoSil va dans la brousse les lions vont le deacutevorerrsquo

    c [Bi mu agsi-ee] ntildeeacutepp jog (Diouf 2003 70)

    TEMP S3SG arriver-ANT CLHUMPLTOT se_lever

    lsquoQuand il arriva tous se levegraverentrsquo

    - 133 -

    d [Ba mu dem-ee Popongin daaw] (Diouf 2003 386)

    TEMP S3SG partir-ANT Popenguine an_dernier

    dafa xeumlmoon

    FOCVS3SG seacutevanouirPAS

    lsquoQuand il est alleacute agrave Popenguine lan dernier il seacutetait eacutevanouirsquo

    Pour reacutesumer les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont formellement semblables au

    relatif il sagit de propositions deacutependantes introduites par des conjonctions morphologiquement

    identiques aux relativiseurs le pronom sujet de deuxiegraveme personne du singulier forme un amalgame

    avec cette conjonction si elle est non reacutefeacuterentielle elles preacutesentent un schegraveme p s o S V O et elles

    sont compatibles avec le suffixe de neacutegation et lauxiliaire dimperfectif Cependant elles preacutesentent

    plusieurs particulariteacutes qui les distinguent du relatif preacutesence dun suffixe verbal danteacuterioriteacute -ee

    valeur dirrealis donneacutee au suffixe -oon valeur speacutecifique des marques de classe b- et s- et absence

    du pronom personnel de troisiegraveme personne avec les conjonctions non reacutefeacuterentielles Par ailleurs on

    peut relever des constructions formellement identiques aux subordonneacutees temporelles et

    hypotheacutetiques mais ougrave lon note la preacutesence dun nom anteacuteceacutedent faisant reacutefeacuterence agrave une peacuteriode de

    temps Ces constructions tendent agrave montrer que les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont

    issues de la grammaticalisation de propositions relatives

    25 Les constructions focalisantes

    Le wolof dispose de constructions speacutecifiques pour exprimer le focus Ces constructions

    focalisantes sont probablement les constructions preacutedicatives les plus eacutetudieacutees Cependant il ny a

    pas de consensus sur la liste des constructions consideacutereacutees comme focalisantes Church (1981)

    identifie quatre constructions focalisantes focalisation du sujet preacutesentatif focalisation du

    compleacutement et focalisation du verbe Robert (1991 170-171 2000 231) nen identifie que trois

    rejetant lanalyse du preacutesentatif comme une construction focalisante Diouf (2009) propose une

    analyse tregraves diffeacuterente Il traite la construction que nous avons appeleacutee laquo parfait raquo comme une

    focalisation du verbe69 et ne considegravere pas notre construction laquo focalisation du verbe raquo comme une

    construction focalisante lanalysant mecircme dans une preacuteceacutedente publication (Diouf 1985 39-44)

    comme la forme de base du systegraveme verbal non marqueacutee du point de vue de la focalisation et

    69 Nous reviendrons sur cette analyse de Diouf (2009) en (sect 132)

    - 134 -

    correspondant agrave un laquo mode deacutenonciation neutre raquo

    Il ny a pas non plus de consensus concernant lanalyse de la structure de ces constructions Ainsi

    deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees Selon lanalyse laquo classique raquo (Dialo 1981a Church 1981 Robert

    1991 Fal 1999) les constructions focalisantes sont des constructions preacutedicatives correspondant agrave

    des tiroirs verbaux de la langue et doivent donc ecirctre traiteacutees comme les autres constructions

    preacutedicatives Selon lanalyse deacutefendue par NDiaye-Correacuteard (2003) Kihm (1999) et Torrence

    (2013b) les constructions focalisantes ne correspondent pas agrave des tiroirs verbaux dans la langue

    Ces auteurs considegraverent que le focus est exprimeacute par une construction syntaxique complexe cest-agrave-

    dire une cliveacutee

    Suivant Church (1981) nous identifions quatre constructions preacutedicatives focalisantes

    focalisation du sujet preacutesentatif focalisation du compleacutement et focalisation du verbe Concernant

    lanalyse de la structure de ces constructions nous deacutefendons lanalyse classique Nous justifions ces

    choix dans la synthegravese en (sect 257)

    251 La notion de focus

    Lambrecht (1994 213) deacutefini le focus comme la composante seacutemantique dune proposition

    pragmatiquement structureacutee ougrave lassertion (la ldquonouvellerdquo information) diffegravere de la preacutesupposition

    (information consideacutereacutee comme deacutejagrave connue) Il distingue trois types de focus (ou structures

    focales)

    bull Focus sur le preacutedicat (predicate focus) porte sur le preacutedicat de la phrase

    bull Focus sur un argument (argument focus) porte sur un argument ou un satellite du verbe de

    la phrase

    bull Focus sur la phrase (sentence focus) porte sur la phrase dans son ensemble

    Lambrecht (1994) propose une typologie des phrases selon leur structure informationnelle Il

    identifie trois types de phrases (ou cateacutegories pragmatiques) correspondant aux trois structures

    focales cateacutegoriques identificationnelles et theacutetiques

    Dans les phrases cateacutegoriques ou topique-commentaire (topic-comment) le sujet est preacutesupposeacute

    (topique) et le preacutedicat est en focus (commentaire) Elles preacutesentent donc une structure focale de

    type laquo focus sur le preacutedicat raquo

    - 135 -

    Type de phrase

    Cateacutegorique(Focus Preacutedicat)

    Theacutetique(Focus Phrase)

    Identificationnelle(Focus Argument)

    Eacuteveacutenementielle Preacutesentationnelle

    Deacuteictique Existentielle

    Figure 21 - Cateacutegories pragmatiques selon Lambrecht (1994)

    Les phrases identificationnelles quant agrave elles servent agrave identifier un reacutefeacuterent comme largument

    manquant dune proposition Dans ce type de phrase le focus porte sur largument manquant Elles

    preacutesentent donc une structure focale de type laquo focus sur un argument raquo

    Les phrases theacutetiques servent laquo agrave preacutesenter une entiteacute une proposition ou un eacutetat de choses en

    tant queacuteleacutement dinformation nouveau pour le discours raquo (Cornish 2008 122) Dans ce type de

    phrase aucun eacuteleacutement nest preacutesupposeacute le focus porte sur lensemble de la proposition elles

    preacutesentent donc une structure focale de type laquo focus sur la phrase raquo Parmi les phrases theacutetiques

    Lambrecht (1994 144) distingue les phrases preacutesentationelles et les phrases eacuteveacutenementielles Les

    phrases eacuteveacutenementielles (event-reporting) introduisent un eacuteveacutenement qui implique un reacutefeacuterent qui

    est nouveau dans le discours ou qui est consideacutereacute comme tel dapregraves le contexte (Lambrecht 2000a

    623) Les phrases preacutesentationnelles introduisent un nouveau reacutefeacuterent dans le discours Elles

    comprennent les phrases deacuteictiques qui indiquent un reacutefeacuterent dans le monde externe du discours et

    les phrases existentielles qui introduisent un reacutefeacuterent dans le monde interne du discours (Lambrecht

    1994 179)

    Le concept des laquo deux mondes du discours raquo permet de rendre compte de certaines proprieacuteteacutes

    formelles et pragmatiques des eacutenonceacutes preacutesentationnels (Lambrecht 2000b 54) Selon Fillmore

    (1976) repris par Lambrecht (1994 36-43 2000b 54-55) lunivers du discours est diviseacute en deux

    mondes discursifs le monde externe et le monde interne Le monde externe du discours correspond

    - 136 -

    au monde dans lequel le discours est produit Il comprend les participants cest-agrave-dire le locuteur et

    le(s) allocutaire(s) ainsi que la situation deacutenonciation cest-agrave-dire le temps le lieu et les

    circonstances dans lesquelles se deacuteroule le discours (Lambrecht 1994 36) Le monde interne du

    discours correspond au monde produit par le discours Il comprend les uniteacutes linguistiques (mots

    locutions phrases) ainsi que leur sens Il sagit dun monde abstrait de repreacutesentations linguistiques

    creacuteeacute dans la tecircte des allocutaires via le processus de communication (Lambrecht 1994 37)

    Hyman amp Watters (1984 237-244) proposent une typologie du focus Ils distinguent quatre

    paramegravetres reacutealisation type porteacutee et controcircle

    Reacutealisation du focus Le focus peut se reacutealiser de trois maniegraveres diffeacuterentes La reacutealisation peut ecirctre

    prosodique geacuteneacuteralement en placcedilant un accent sur leacuteleacutement focaliseacute Elle peut eacutegalement ecirctre

    morphologique un affixe ou un mot grammatical est utiliseacute pour marquer le focus Enfin elle peut

    ecirctre syntaxique par une modification de lordre des mots ou par le biais dune construction

    speacutecifique comme la cliveacutee

    Type de focus Hyman amp Watters (1984 239-241) distinguent deux types de focus assertif et

    contrastif Le focus assertif permet de mettre une emphase sur une information nouvelle consideacutereacutee

    comme non connue de linterlocuteur En revanche le focus contrastif permet deacutetablir un contraste

    entre leacuteleacutement focaliseacute et un autre eacuteleacutement consideacutereacute comme connu de linterlocuteur

    Porteacutee du focus Comme nous lavons vu plus haut on peut distinguer trois types de focus selon

    leur porteacutee Le focus peut porter sur un argument ou un satellite du verbe de la phrase (focus

    argument) sur le preacutedicat de la phrase (focus preacutedicat) ou sur la phrase dans son ensemble (focus

    phrase)

    Controcircle du focus Hyman amp Watters (1984 242-244) distinguent le controcircle pragmatique du

    controcircle grammatical Dans le premier cas le locuteur deacutetermine leacuteleacutement qui doit ecirctre focaliseacute

    alors que dans le second cas des contraintes grammaticales imposent la focalisation dun eacuteleacutement

    252 La focalisation du sujet

    Cette construction est appeleacutee laquo subjectif raquo par Fal (1999) laquo modaliteacute ldquoemphatiquerdquo raquo par

    Sauvageot (1965) laquo emphatique du sujet raquo par Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et

    laquo mise en relief du sujet raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du

    sujet raquo emprunteacute agrave Robert (2010a) et Ndiaye-Correacuteard (2003) en raison de son utilisation dans les

    - 137 -

    travaux portant sur la structure informationnelle tels que Lambrecht (1994) Lutilisation du terme

    laquo focalisation raquo est plus preacutecise alors que les termes laquo emphatique raquo et laquo mise en relief raquo pourraient

    englober la topicalisation

    La focalisation du sujet se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif a placeacute

    immeacutediatement apregraves le sujet ce dernier se situant en tecircte de phrase

    Tableau 215 - Paradigme personnel de la focalisation du sujet

    SG PLSG PL

    SUJ MP SUJ MP

    1 ma= a nu= a maa noo

    2 ya= a yeen= a rarr yaa yeena

    3 mu= a ntildeu= a moo ntildeoo

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p V O avec des arguments lexicaux (102a)

    et s-p =o V avec des arguments pronominaux (102b)

    102) a S =p V O

    Omar =a lekk ceeb

    Omar =FOCS manger riz

    lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    b s=p =o V

    Ma=a =ko lekk

    PRO1SG=FOCS =O3SG manger

    lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

    La valeur principale de cette construction est une focalisation du sujet du preacutedicat Elle est

    utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (103a) ou contrastif du sujet (103b)

    103) a Ku =la bind bataaxal bii (Robert 1991 123)

    CLHUMSGREL =O2SG eacutecrire lettre =CLbDEMPX

    Daba =mu=a =ma =ko bind

    Daba =PRO3SG=FOCS =O1SG =O3SG eacutecrire

    lsquoQui ta eacutecrit cette lettre Cest Daba qui me la eacutecritersquo

    - 138 -

    b Meumlnuma =leen=a fey (Church 1981 69)

    pouvoirPRFNEGS1SG =O2PL=DV payer

    Yagravella =mu=a =leen man=a fey

    Dieu =PRO3SG=FOCS =O2PL pouvoir=DV payer

    lsquoJe ne peux pas vous le rendre cest Dieu (seul) qui peut vous le rendrersquo

    Robert (1991 122-129 2000 238-240) identifie plusieurs autres emplois de cette construction

    qui bien que lieacutes agrave la valeur de focalisation ne peuvent ecirctre analyseacutes comme des cas de focalisation

    du sujet Cette construction peut ecirctre utiliseacutee dans des phrases eacuteveacutenementielles (event-reporting)

    pour justifier ou expliquer une situation (104a-b)

    104) a Lutax nga=y liggeacuteeysi =fi (Robert 1991 125)

    pourquoi S2SG=IPF travaillerVEN =CLLOCDFPX

    Patron =bi =mu=a =ma taamu

    patron =CLbDFPX =PRO3SG=FOCS =O1SG preacutefeacuterer

    lsquoPourquoi viens-tu travailler ici Cest le patron qui ma deacutesigneacutersquo

    b Lu xeew =fi (Robert 1991 127)

    CLCHSGREL avoir_lieu =CLLOCDFPX

    Musaa =mu=a doacuteor Ndey

    Moussa =PRO3SG=FOCS frapper Ndegraveye

    lsquoQuest-ce qui se passe ici Cest Moussa qui a frappeacute Ndegraveye rsquo

    Elle peut eacutegalement ecirctre utiliseacutee pour former une exclamative avec une emphase sur le preacutedicat

    (105a-b) ce type demploi eacutetant limiteacute aux verbes deacutenotant une qualiteacute Ces phrases peuvent

    eacutegalement ecirctre analyseacutees comme des phrases eacuteveacutenementielles selon la deacutefinition que nous avons

    poseacutee en (sect 251) En effet comme le remarque Robert (2000 243) ces phrases ne sarticulent agrave

    aucun eacutenonceacute preacutealable Elles introduisent donc un eacuteveacutenement qui implique un reacutefeacuterent qui est

    nouveau dans le discours Les phrases eacuteveacutenementielles eacutetant des phrases theacutetiques la construction a

    ici une valeur de focalisation de phrase70

    105) a Ceeb =bii =mu=a neex (Robert 1991 127)

    riz =CLbDEMPX =PRO3SG=FOCS ecirctre_agreacuteable

    lsquoQuest-ce quil est bon ce riz rsquo

    70 Nous reviendrons sur cette valeur (sect 257)

    - 139 -

    b Xale bii =mu=a luqnjuur (Diouf 2003 207)

    enfant =CLbDEMPX =PRO3SG=FOCS ecirctre_impertinent

    lsquoComme il est impertinent cet enfant rsquo

    De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Avec la

    copule verbale di elle permet de construire un preacutedicat eacutequatif (106a) Dans cet emploi la valeur de

    la construction est comparable agrave un focus contrastif Plusieurs auteurs eacutevoquent eacutegalement la

    possibiliteacute dutiliser cette construction pour former un preacutedicat eacutequatif (106b) (Church 1981 77

    Fal 1999 144-145 NDiaye-Correacuteard 2003 179) ou un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (106c)

    (Torrence 2013b 195) Neacuteanmoins cette derniegravere option nest eacutevoqueacutee par aucun autre auteur et

    napparaicirct pas dans les corpus

    106) a Kii =mu=a=y sama xarit =bi (Robert 1991 161)

    CLHUMSGDEMPX =PRO3SG=FOCS=COP POSS1SG ami =CLbDFPX

    lsquoLui cest mon amirsquo

    b Moom =a de moonte (Joacuteob 2003 75)

    PRO3SG =FOCS EMPH pourtant

    lsquoPourtant cest vraiment elle rsquo

    c Maryam jagravengalekat =a (Torrence 2013b 195)

    Marie enseignant =FOCS

    lsquoMarie est enseignantersquo

    Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Elle est impossible avec les

    verbes avalents (107a) ce qui est coheacuterent avec sa valeur de focalisation du sujet Elle est

    obligatoire avec les verbes comparatifs (107b) (Robert 1991 137-139) Enfin elle est obligatoire

    dans les interrogatives partielles si le sujet est un pronom interrogatif (107c) ou contient un

    deacuteterminant interrogatif (107d)

    107) a Mu=a taw (Robert 1991 138)

    PRO3SG=FOCS pleuvoir

    - 140 -

    b Mu=a =ko dagraveq liggeacuteey (Robert 1991 124)

    PRO3SG=FOCS =O3SG surpasser travailler

    lsquoIl travaille mieux que luirsquo

    c Kan =mu=a ntildeeumlwul (Robert 1991 123)

    CLHUMSGQ =PRO3SG=FOCS venirNEG

    lsquoQui est-ce qui nest pas venu rsquo

    d Ban waxtu =mu=a jot (Robert 1991 124)

    CLbQ heure =PRO3SG=FOCS atteindre

    lsquoQuelle heure est-il rsquo

    253 Le preacutesentatif

    Cette construction est appeleacutee laquo situatif raquo par Fal (1999) laquo progressif raquo par Torrence (2013a)

    laquo focus de phrase raquo (sentence-focus) par Ka (1994) et laquo preacutesentatif raquo par la plupart des autres

    auteurs (Sauvageot 1965 Dialo 1981a Church 1981 Robert 1991 Diouf 2009) Nous avons

    deacutecideacute de conserver cette derniegravere eacutetiquette en raison de son utilisation par Hetzron (1975) et

    Lambrecht (2000b)

    La structure du preacutesentatif est similaire agrave celle de la focalisation du sujet Il se caracteacuterise par la

    preacutesence du marqueur preacutedicatif -a ng- placeacute immeacutediatement apregraves le sujet ce dernier se situant en

    tecircte de phrase On note que le a initial du marqueur preacutedicatif tombe agrave la troisiegraveme personne du

    singulier la premiegravere personne du pluriel et la troisiegraveme personne du pluriel71

    Tableau 216 - Paradigme personnel du preacutesentatif

    SG PLSG PL

    SUJ MP SUJ MP

    1 ma= a ng- nu= ng- maa ng- nu ng-

    2 ya= a ng- yeen= a ng- rarr yaa ng- yeena ng-

    3 mu= ng- ntildeu= ng- mu ng- ntildeu ng-

    Par ailleurs un marqueur deacuteictique (sect 41) se suffixe agrave ce morphegraveme Ce dernier peut ecirctre

    71 Neacuteanmoins plusieurs variantes sont attesteacutees pour ce paradigme (sect 123)

    - 141 -

    proximal (108a)72 distal (108b) indeacutetermineacute (108c) ou anaphorique (108d)73

    108) a Ma=a ng-i bey (Church 1981 73)

    PRO1SG=PRST-PX cultiver

    lsquoMe voici qui cultive la terrersquo

    b Mu =ng-a =fale (Church 1981 73)

    PRO3SG=PRST-DT =CLLOCDEMDT

    lsquoIl est lagrave-basrsquo

    c Mu =ng-u =fu (Robert 1991 168)

    PRO3SG=PRST-INDET =CLLOCINDET

    lsquoIl est lagrave quelque partrsquo

    d Ma=a ng-oog (Robert 1991 168)

    PRO1SG=PRST-ANAPH

    lsquoMe voilagrave (maintenant vous savez qui je suis)rsquo

    Comme la focalisation du sujet cette construction preacutesente une structure syntaxique S p V O

    avec des arguments lexicaux (109a) et s-p =o V avec des arguments pronominaux (109b)

    109) a S =p V O

    Omar =a ngi lekk ceeb

    Omar =PRSTPX manger riz

    lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    b s=p =o V

    Ma=a ngi =ko lekk

    PRO1SG-PRSTPX =O3SG manger

    lsquoMe voici qui en ai mangeacutersquo

    Plusieurs analyses ont eacuteteacute proposeacutees pour rendre compte de la valeur et des emplois du

    preacutesentatif Selon Sauvageot (1965) et Church (1981) la valeur principale de cette construction est

    72 Forme la plus freacutequente73 Selon Diouf (2009 149) tous les autres marqueurs propres aux deacuteterminants deacutemonstratifs peuvent eacutegalement

    apparaicirctre

    - 142 -

    de focaliser le sujet et de le laquo situer dans lespace raquo Selon Robert (1991) et Perrin (2005) cette

    construction ne peut pas ecirctre analyseacutee comme une focalisation du sujet et doit plutocirct ecirctre rapprocheacutee

    du minimal Selon Torrence (2013a) la valeur principale de cette construction est un aspect

    progressif Nous reviendrons sur les arguments respectifs de ces auteurs en (sect 123) Dans le preacutesent

    chapitre nous proposons une analyse de cette construction en nous basant uniquement sur sa valeur

    seacutemantique et sur ses contextes demploi

    Indeacutependamment des analyses proposeacutees les eacutenonceacutes au preacutesentatif sont souvent traduits en

    franccedilais par ce que Lambrecht (2000b 61-65) appelle des constructions relatives preacutesentatives en

    voilagrave (110a-b)

    110) a Nit =a ngi ntildeeumlw (Church 1981 74)

    personne =PRSTPX venir

    lsquoVoici une personne qui arriversquo

    b Mu =ngi lekk xar (Diouf amp Yaguello 1991 217)

    PRO3SG=PRSTPX manger mouton

    lsquoLe voilagrave qui a mangeacute du moutonrsquo

    Cette traduction bien que parfois forceacutee nous semble pertinente en raison de la proximiteacute

    seacutemantique du preacutesentatif wolof et de la construction relative preacutesentative en voilagrave du franccedilais74

    Ces deux constructions partagent les mecircmes fonctions discursives agrave savoir introduire une entiteacute ou

    une situation nouvelle dans le discours (fonction preacutesentative) et exprimer une information

    nouvelle sur cette entiteacute ou situation (fonction preacutedicative) (Lambrecht 2000b 51) Ces deux

    constructions partagent eacutegalement lexpression dune distinction deacuteictique Les deux langues

    disposent dune forme proximale (voici a ngi) et dune forme distale (voilagrave a nga)75

    Comme la construction relative preacutesentative en voilagrave du franccedilais le preacutesentatif wolof connaicirct

    deux types demploi deacuteictique et eacuteveacutenementiel Notons que laquo lattribution agrave lune ou agrave lautre de ces

    sous-cateacutegories nest pas toujours eacutevidente mais il existe des cas clairs qui rendent la distinction

    neacutecessaire raquo (Lambrecht 2000b 61)

    74 Nous consideacuterons comme Robert (1991 171) que ce type de traduction est souvent forceacutee Nous pouvonssupposer que le preacutesentatif wolof est utiliseacute dans un plus grand nombre de contextes car il sagit dune constructionmono-propositionnelle inteacutegreacutee au systegraveme verbal alors que la construction preacutesentative en voilagrave du franccedilais estune construction bi-propositionnelle (comprenant une relative) et relativement indeacutependante de la conjugaison de lalangue

    75 En franccedilais voici et voilagrave sont des formes figeacutees constitueacutees dune forme fleacutechie du verbe laquo voir raquo et des adverbeslocatifs ci et la (Oppermann-Marsaux 2006)

    - 143 -

    Dans les eacutenonceacutes preacutesentatifs deacuteictiques laquo une entiteacute discursive est preacutesenteacutee dans le monde

    externe du discours gracircce agrave une perception directe eacutemanant dun centre de perspective implicite Par

    deacutefaut ce centre de perspective est le locuteur qui rend compte de sa perception agrave linterlocuteur raquo

    (Lambrecht 2000b 61) Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute pour localiser un reacutefeacuterent (111a-b) Il est

    geacuteneacuteralement utiliseacute dans les reacuteponses aux questions comprenant la copule locative interrogative

    ana (111b) (Fal 1999 80)

    111) a Gisuloo Abdu Mu =ngi jeumlm (Robert 1991 173)

    voirPRFNEGS2SG Abdou PRO3SG=PRSTPX se_rendre

    ca deumlkk =ba leacuteegi laa tase =ak moom

    PREPDT village =CLbDFDT maintenant FOCCS1SG rencontrer =avec PRO3SG

    lsquoTu nas pas vu Abdou Il est en route pour le village je viens juste de le croiserrsquo

    b Ana Musaa (Robert 1991 173)

    COPLOCQDT Moussa

    Mu =ngi dellu deumlkk =bi

    PRO3SG=PRSTPX revenir village =CLbDFPX

    lsquoOugrave est Moussa Le voilagrave (justement) qui revient du village (on le voit arriver)rsquo

    Dans ce type demploi le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats non verbaux

    locatifs (112a) Ce type de preacutedicat non verbal est eacutegalement utiliseacute dans les reacuteponses aux formules

    employeacutees pour demander des nouvelles de quelquun (112b-c) (Robert 1991 174)

    112) a Ana xale =ya (Fal 1999 80)

    COPLOCQDT enfant =CLyDFDT

    Ntildeu =nga ca keumlr =ga

    PRO3SG=PRSTDT PREPDT maison =CLgDFDT

    lsquoOugrave sont les enfants Ils sont agrave la maisonrsquo

    b Ana waa keumlr =ga (Diouf amp Yaguello 1991 18)

    COPLOCQDT gens maison =CLgDFDT

    Ntildeu =nga =fa

    PRO3PL=PRSTDT =CLLOCDFDT

    lsquoComment va la famille Ils vont bien rsquo

    (litt lsquoOugrave sont les gens de la maison Ils sont lagrave rsquo)

    - 144 -

    c Na nga def (Diouf amp Yaguello 1991 18)

    CLMNRDFDT S2SG faire

    Ma=a ngi =fi rekk

    PRO1SG=PRSTPX =CLLOCDFPX seulement

    lsquoComment vas-tu Ccedila va bien rsquo (litt lsquoComment fais-tu Je suis ici seulement rsquo)

    Dans un eacutenonceacute preacutesentatif deacuteictique agrave preacutedicat verbal lentiteacute preacutesenteacutee est perccedilue en tant que

    participant au procegraves deacutenoteacute par le verbe Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute dans les didascalies (par

    exemple dans les piegraveces de theacuteacirctre) (113a) ou pour exprimer un constat (113b-c) Lentiteacute preacutesenteacutee

    est donc agrave la fois un objet de perception et un sujet de preacutedication Cest de cette caracteacuteristique que

    deacutecoule la neacutecessiteacute souvent releveacutee dune simultaneacuteiteacute temporelle entre la situation deacutenonciation

    et le procegraves (Lambrecht 2000b 55-56) En effet malgreacute le fait quelle soit au perfectif une phrase

    au preacutesentatif est geacuteneacuteralement interpreacuteteacutee comme un procegraves en cours et non comme un procegraves

    acheveacute au moment de leacutenonciation (113b) Neacuteanmoins cette interpreacutetation nest pas systeacutematique

    une phrase au preacutesentatif perfectif peut eacutegalement ecirctre interpreacuteteacutee comme un procegraves acheveacute au

    moment de leacutenonciation (113c) Ces deux lectures aspectuelles deacutependent du verbe ainsi que du

    contexte discursif

    113) a Pierre Dumas =a ngi=y wax (Diouf amp Yaguello 1991 76)

    Pierre Dumas =PRSTPX=IPF parler

    =ak gard =bi

    =avec garde =CLbDFPX

    (Didascalie initiale) lsquoPierre Dumas parle avec le gardersquo

    b Mu =ngi fey boram ci waxtu (Robert 1991 177)

    PRO3SG=PRSTPX payer dettePOSS3SG PREPPX moment

    (En voyant la personne sortir son porte-feuille) lsquoIl paie sa dette agrave tempsrsquo

    c Mu =ngi =nii guujal ndox (Diouf 2003 151)

    PRO3SG=PRSTPX =CLMNRDEMPX remplir_sa_bouche_de eau

    di ma waaj=a tooyal

    IPF S1SG se_preacuteparer=DV ecirctre_mouilleacuteCAUS

    lsquoLe voici qui sest rempli la bouche deau et sapprecircte agrave me mouillerrsquo

    - 145 -

    Dans les eacutenonceacutes preacutesentatifs eacuteveacutenementiels la construction laquo est marqueacutee comme preacutesentant

    non pas lentiteacute par elle-mecircme mais lentiteacute en tant que participant agrave une situation surprenante ou

    inattendue raquo (Lambrecht 2000b 64) Ainsi le preacutesentatif est utiliseacute pour exprimer une surprise face

    agrave une situation inattendue (114a) ou nouvelle (114b)

    114) a Ndaxam mu =ngi ne cocc =ak teacuteemeacuteeri atam (Diouf 2003 83)

    pourtant PRO3SG=PRSTPX dire IDEO =avec centGENPL anPOSS3SG

    lsquoPourtant il a bon pied bon œil pour ses cent ansrsquo

    b Leacuteegi mu =ngi=y goacuteor-goacuteorlu (Diouf 2003 148)

    maintenant PRO3SG=PRSTPX=IPF se_deacutebrouiller

    ci njagraveng =mi

    PREPPX eacutetude =CLmDFPX

    lsquoMaintenant il fait des efforts dans les eacutetudesrsquo

    Loccurrence dun sujet pronominal dans une construction au preacutesentatif peut sembler

    paradoxale En effet lune des fonction de ces constructions est de preacutesenter une entiteacute dans le

    discours Or le preacutesentatif admet un sujet pronominal renvoyant agrave une entiteacute identifiable et deacutejagrave

    activeacutee dans le discours (115a-b) Selon Lambrecht (2000b 62) la solution agrave ce paradoxe est agrave

    chercher dans les proprieacuteteacutes de contextualisation propre agrave cette construction Pour que les eacutenonceacutes

    (115a-b) soient acceptables pragmatiquement il est neacutecessaire que le pronom sujet ait eacuteteacute un

    topique eacutetabli dans le monde interne du discours avant decirctre preacutesenteacute dans le monde externe du

    discours76

    115) a Faatu lu =mu=y def (Robert 1991 175)

    Fatou CLCHSGREL =S3SG=IPF faire

    Mu =ngi raxas waantilde =wi

    PRO3SG=PRSTPX laver cuisine =CLwDFPX

    lsquoQue fait Fatou Elle est en train de laver la cuisinersquo

    76 Sur le plan de lanalyse formelle nous pouvons dire empruntant la terminologie des Grammaires dUnification quela construction preacutesentative en inteacutegrant le pronom sujet heacuterite de celui-ci le trait pragmatique laquo topique eacutetablidans le discours raquo et le substitue au trait laquo entiteacute nouvelle dans le discours raquo attacheacute au SN tout en preacuteservant letrait global laquo preacutesentation dun reacutefegraverent nouveau raquo qui est inheacuterent agrave la construction Cest lunification du traitparticulier avec le trait global qui donne lieu au caractegravere laquo mixte raquo de la structure informationnelle de ce sous-typede construction [adaptation dun paragraphe de Lambrecht (2000b 62)]

    - 146 -

    b Dama beumlgg=a wax =ak Musaa (Robert 1991 175)

    FOCVS1SG vouloir=DV parler =avec Moussa

    Mu =ngi antilde leacuteegi

    PRO3SG=PRSTPX deacutejeuner maintenant

    xaaral ba mu pare

    attendreIMPS2SG jusque S3SG ecirctre_precirct

    lsquoJe voudrais parler agrave Moussa

    Pour linstant il est en train de deacutejeuner attends quil ait finirsquo

    Pour reacutesumer le preacutesentatif est essentiellement utiliseacute pour construire des phrases

    preacutesentationnelles Ces phrases eacutetant des phrases theacutetiques nous pouvons consideacuterer que la valeur

    principale de cette construction est une focalisation de la phrase Il peut sagir dun focus assertif

    lorsque lensemble de la situation deacutenoteacutee par la phrase est consideacutereacute comme non connu de

    linterlocuteur (113a-c) ou dun focus contrastif lorsque la situation deacutenoteacutee par la phrase contraste

    avec une situation anteacuterieure consideacutereacutee comme connue de linterlocuteur (114a-b)

    254 La focalisation du compleacutement

    Cette construction est appeleacutee laquo objectif raquo par Fal (1999) laquo emphatique du compleacutement raquo par

    Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et laquo mise en relief du compleacutement raquo par Diouf

    (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du compleacutement raquo pour les mecircmes raisons que

    celles exposeacutees pour la focalisation du sujet

    La focalisation du compleacutement se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif la placeacute

    immeacutediatement apregraves le compleacutement (objet dun verbe transitif ou adjoint) ce dernier se situant en

    tecircte de phrase On note que le marqueur preacutedicatif tombe agrave la deuxiegraveme personne du singulier et du

    pluriel et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

    Tableau 217 - Paradigme personnel de la focalisation du compleacutement

    SG PLSG PL

    MP SUJ MP SUJ

    1 la -a la -nu laa lanu

    2 Oslash -nga Oslash -ngeen rarr nga ngeen

    3 la -Oslash la -ntildeu la lantildeu

    - 147 -

    La structure syntaxique de cette construction deacutepend de la fonction syntaxique de leacuteleacutement

    focaliseacute En effet si leacuteleacutement focaliseacute est attendu par le verbe la structure syntaxique est O p S V

    avec des arguments lexicaux (116a) et o p-s V avec des arguments pronominaux (116b) Si leacuteleacutement

    focaliseacute est un adjoint la structure syntaxique est X p S V O avec des arguments lexicaux (117a) et

    X p-s =o V avec des arguments pronominaux (117b)

    116) a O =p S V

    Ceeb =la Omar lekk

    riz =FOCC Omar manger

    lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

    b o =p-s V

    Moom =la-a lekk

    PRO3SG =FOCC-S1SG manger

    lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo

    117) a X =p S V O

    Deacutemb =la Omar lekk ceeb

    hier =FOCC Omar manger riz

    lsquoCest hier quOmar a mangeacute du rizrsquo

    b X =p-s =o V

    Deacutemb =la-a =ko lekk

    hier =FOCC-S1SG =O3SG manger

    lsquoCest hier que jen ai mangeacutersquo

    La valeur principale de cette construction est une focalisation dun eacuteleacutement non preacutedicatif et non

    sujet Elle est utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (118a) ou contrastif (118b)

    118) a Loo lekk Ceeb =la-a lekk (Robert 1991 156)

    CLCHSGRELs2SG manger riz =FOCC-S1SG manger

    lsquoQuest-ce que tu as mangeacute Cest du riz que jai mangeacutersquo

    - 148 -

    b Lekkuma mburu =mi (Robert 1991 154)

    mangerPRFNEGS1SG pain =CLmDFPX

    ceeb =bi =la-a lekk

    riz =CLbDFPX =FOCC-S1SG manger

    lsquoJe nai pas mangeacute le pain cest le riz que jai mangeacutersquo

    De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Elle permet

    de construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (119a-b) ou un preacutedicat eacutequatif (119c) Dans cet

    emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus contrastif

    119) a Man nit =la-a (Robert 1991 160)

    PRO1SG humain =FOCC-S1SG

    lsquoMoi je suis un ecirctre humainrsquo

    b Ndaw su jekk =la (Diouf 2003 166)

    dame CLsREL ecirctre_eacuteleacutegant =FOCC

    lsquoCest une dame eacuteleacutegantersquo

    c Tugeumll deumlkku tubaab =yi =la (Robert 1991 160)

    Europe villeGEN homme_blanc =CLyDFPX =FOCC

    lsquoLEurope cest lendroit ougrave habitent les blancsrsquo

    Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Elle est obligatoire dans les

    interrogatives partielles si leacuteleacutement focaliseacute (objet ou adjoint) est un pronom interrogatif (120a-b)

    ou contient un deacuteterminant interrogatif (121a-b) Elle est eacutegalement obligatoire dans les

    interrogatives partielles agrave preacutedicat non verbal (122a-b)

    120) a Lan =la doktor =bi wax (Robert 1991 157)

    CLCHSGQ =FOCC docteur =CLbDFPX dire

    lsquoQua dit le docteur rsquo

    b Kantilde =nga ntildeoacutew Ndakaaru (Robert 1991 157)

    quand =FOCCS2SG venir Dakar

    lsquoDepuis quand es-tu arriveacute agrave Dakar rsquo

    - 149 -

    121) a Wan fas =la jaay (Diouf 2003 552)

    CLwQ cheval =FOCCS3SG vendre

    lsquoQuel cheval a-t-il vendu rsquo

    b Ban waxtu =la dem (Diouf 2003 363)

    CLbQ moment =FOCCS3SG partir

    lsquoAgrave quel moment est-il parti rsquo

    122) a Leumlf =ki ci taabal =bi lan =la (Diouf 2003 200)

    chose =CLkDFPX PREPPX table =CLbDFPX CLCHSGQ =FOCC

    lsquoLa chose sur la table quest-ce que cest rsquo

    b Ngente =li kantilde =la (Diouf 2003 252)

    baptecircme =CLlDFPX quand =FOCC

    lsquoLe baptecircme cest quand rsquo

    255 La focalisation du verbe

    Cette construction est appeleacutee laquo processif raquo par Fal (1999) laquo modaliteacute ldquoeacutetat acquisrdquo raquo par

    Sauvageot (1965) laquo emphatique du verbe raquo par Dialo (1981a) Church (1981) et Robert (1991) et

    laquo explicatif raquo par Diouf (2009) Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo focalisation du verbe raquo pour les

    mecircmes raisons que celles exposeacutees pour la focalisation du sujet

    La focalisation du verbe se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif da ou dafa placeacute

    immeacutediatement avant le verbe On note que le fa final est uniquement preacutesent agrave la troisiegraveme

    personne du singulier et que la troisiegraveme personne du singulier nest pas marqueacutee pour la personne

    Tableau 218 - Paradigme personnel de la focalisation du verbe

    SG PLSG PL

    MP SUJ MP SUJ

    1 da -ma da -nu dama danu

    2 da -nga da -ngeen rarr danga dangeen

    3 dafa -Oslash da -ntildeu dafa dantildeu

    - 150 -

    Cette construction preacutesente une structure syntaxique S p-s V O avec des arguments lexicaux

    (123a) et p-s =o V avec des arguments pronominaux (123b)

    123) a S =p-s V O

    Xale =yi =da-ntildeu lekk ceeb

    enfant =CLyDFPX =FOCV-S3PL manger riz

    lsquoLes enfants ont mangeacute du rizrsquo

    b p-s =o V

    Da-ma =ko lekk

    FOCV-S1SG =O3SG manger

    lsquoJe lai mangeacutersquo

    La valeur principale de cette construction est une focalisation du verbe ou du preacutedicat Elle est

    utiliseacutee pour exprimer un focus assertif (124a) ou contrastif (124b)

    124) a Lu =mu def ba gis =ko (Robert 1991 81)

    CLCHSGREL =S3SG faire jusque voir =O3SG

    Dafa =ko wut

    FOCVS3SG =O3SG chercher

    lsquoQuest-ce quil a fait pour arriver agrave le voir Il la chercheacutersquo

    b Waxuma =la sax rekk lekk (Robert 1991 80)

    direPRFNEGS1SG =O2SG mecircme seulement manger

    da-ma =ko wann

    FOCV-S1SG =O3SG deacutevorer

    lsquoJe ne lai pas mangeacute je lai deacutevoreacutersquo

    (litt lsquoJe ne te dis pas seulement laquo manger raquo je lai laquo deacutevoreacute raquorsquo)

    Selon Robert (2000 248-256) les diffeacuterents emplois de cette construction peuvent ecirctre rameneacutes

    agrave trois grands cas valeur de preacutedication qualitative valeur intensive et valeur explicative La

    laquo valeur de preacutedication qualitative raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour exprimer une

    qualiteacute permanente ou deacutefinitoire du sujet (125a) ce type demploi eacutetant limiteacute aux verbes deacutenotant

    une qualiteacute Elle soppose ainsi au parfait qui exprimera plutocirct une qualiteacute temporaire etou

    deacutependante du contexte (125b)

    - 151 -

    125) a Meumlnul dox ndax dafa lafantilde (Church 1981 84)

    pouvoirPRFNEGS3SG marcher parce_que FOCVS3SG ecirctre_paralyseacute

    lsquoIl ne peut pas marcher car il est paralytiquersquo

    b Meumlnatul dox ndax lafantilde =na (Church 1981 84)

    pouvoirITERPRFNEGS3SG marcher parce_que ecirc_paralyseacute =PRFS3SG

    lsquoIl ne peut plus marcher car il est paralyseacute devenu paralytiquersquo

    La laquo valeur intensive raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour exprimer une emphase

    sur le verbe ou sur le preacutedicat (126a-b)

    126) a Dafa =ko xam (Robert 1991 78)

    FOCVS3SG =O3SG savoir

    lsquoIl le sait (pertinemment)rsquo

    b Dafa guddee (Robert 1991 79)

    FOCVS3SG ecirctre_tard

    lsquoIl est (trop) tardrsquo

    La laquo valeur explicative raquo deacutesigne les cas ougrave la construction est utiliseacutee pour justifier ou expliquer

    une situation (127a-b) Dans cet emploi la valeur de la construction est comparable agrave un focus

    contrastif (127a) ou assertif (127b)

    127) a Sama jeumlkkeumlr nekku =fi (Church 1981 83)

    POSS1SG mari ecirctreNEG =CLLOCDFPX

    dafa dem agravell =ba

    FOCVS3SG partir brousse =CLbDFDT

    lsquoMon mari nest pas lagrave il est parti en broussersquo

    b Dafa sagravecc ntildeu kaaf =ko (Church 1981 84)

    FOCVS3SG voler S3PL emprisonner =O3SG

    lsquoIl a voleacute (donc) on la mis en prisonrsquo

    De plus cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux Avec la

    copule verbale di elle permet de construire un preacutedicat nominal non reacutefeacuterentiel (128a) ou un

    - 152 -

    preacutedicat eacutequatif (128b) Neacuteanmoins cet emploi semble limiteacute aux propositions agrave laquo valeur

    explicative raquo (Robert 2000 264)

    128) a Da-ma=y naar rekk (Robert 1991 162)

    FOCV-S1SG=COP maure seulement

    moo tax mu suufeel =ma

    PRO3SGFOCS causer S3SG deacutenigrer =O1SG

    lsquoCest parce que je suis maure quil me meacuteprisersquo

    b Kii =dafa=y sama xarit (Robert 1991 162)

    CLHUMSGDEMPX =FOCVS3SG=COP POSS1SG ami

    moo tax ma woo =ko

    PRO3SGFOCS causer S1SG appeler =O3SG

    lsquoCest mon ami cest pour cela que je lai appeleacutersquo

    Par ailleurs cette construction connaicirct des contraintes demploi Avec les verbes daction elle ne

    permet pas agrave elle seule de constituer un eacutenonceacute complet Une proposition de ce type est

    neacutecessairement lieacutee soit agrave une autre proposition (127a-b) soit au contexte discursif (124a) (Robert

    2000 251)

    256 Le statut des constructions focalisantes

    Lanalyse de la structure morphosyntaxique des constructions focalisantes ainsi que leur statut

    vis-agrave-vis de la conjugaison de la langue ne font pas lobjet dun consensus dans la litteacuterature Deux

    types danalyse ont eacuteteacute proposeacutes celles qui considegraverent que les constructions focalisantes sont des

    constructions mono-propositionnelles (analyse laquo classique raquo) et celles qui les analysent comme des

    constructions complexes

    Selon lanalyse laquo classique raquo chaque construction preacutedicative correspond agrave un tiroir verbal est

    caracteacuteriseacutee par un paradigme personnel et est en distribution compleacutementaire avec les autres

    constructions preacutedicatives Les constructions focalisantes respectent ces critegraveres et sont donc traiteacutees

    comme les autres constructions preacutedicatives cest-agrave-dire comme des constructions eacuteleacutementaires de

    la conjugaison Il sagit donc de constructions mono-propositionnelles Lanalyse laquo classique raquo a eacuteteacute

    initialement proposeacutee par Kobegraves (1869) et a ensuite eacuteteacute deacutefendue dans la majoriteacute des travaux de

    reacutefeacuterence sur le systegraveme verbal tels que Dialo (1981a) Church (1981) Robert (1991 2000) ou Fal

    - 153 -

    (1999) avec neacuteanmoins quelques variations selon les auteurs

    Dautres auteurs ont proposeacute une analyse alternative selon laquelle les constructions focalisantes

    ne constituent pas des constructions eacuteleacutementaires de la conjugaison mais doivent plutocirct ecirctre

    analyseacutees comme des constructions complexes Selon Diouf (1985 38-47) la focalisation du verbe

    (quil appelle laquo indicatif-reacuteel raquo) constitue la forme de base du systegraveme agrave partir de laquelle est

    deacuteriveacutee la plupart des autres constructions par clivage Les constructions focalisantes sont donc des

    cliveacutees obtenues par anteacuteposition de leacuteleacutement focaliseacute ce dernier pouvant ecirctre lobjet (129a) le

    sujet (129b-c) ou le verbe (129d)77

    129) a Gaynde =la-a gis (Diouf 1985 44)

    lion =MP-S1SG voir

    lsquoCest un lion que jai vursquo

    b Ma=a gis gaynde (Diouf 1985 44)

    PRO1SG=MP voir lion

    lsquoCest moi qui ai vu un lionrsquo

    c Ma=a ngi gis gaynde (Diouf 1985 44)

    PRO1SG=MP voir lion

    lsquoMe voici qui ai vu un lionrsquo

    d Gis =na-a gaynde (Diouf 1985 44)

    voir =MP-S1SG lion

    lsquoJai vu un lionrsquo

    Cette analyse a lavantage doffrir une preacutesentation relativement plus simple du systegraveme

    puisquune unique laquo transformation raquo agrave savoir lanteacuteposition permet de rendre compte de toutes les

    constructions Elle permet eacutegalement de rendre compte de la structure de la construction que nous

    avons appeleacutee laquo parfait raquo en lanalysant comme une anteacuteposition du preacutedicat Neacuteanmoins comme le

    note Robert (1991 32) cette analyse preacutesente plusieurs problegravemes Premiegraverement si elle permet de

    rendre compte de la structure morphosyntaxique des constructions elle ne permet pas dexpliquer

    leur valeur En effet analyser le preacutesentatif comme une focalisation du sujet et le parfait comme

    une focalisation du preacutedicat est contestable Dautre part Diouf (1985) considegravere la focalisation du

    77 Afin de ne pas introduire une glose idiosyncrasique nous glosons MP les morphegravemes que Diouf (1985 44) nommelaquo indicateurs de schegravemes eacutenonciatifs secondaires raquo

    - 154 -

    verbe comme la forme de base mais il reste flou sur la fonction du marqueur dafa ou sur son

    absence des cliveacutees

    Kihm (1999) et Torrence (2013b) traitent eacutegalement les constructions focalisantes comme des

    cliveacutees mais ils proposent une analyse diffeacuterente Selon ces auteurs il existe un verbe copule a

    permettant de focaliser le sujet (130a) lobjet (130b) ou un satellite (130c) Dans ces deux derniers

    cas le l- preacutefixeacute agrave la copule est analyseacute comme un pronom expleacutetif issu de la classe nominale des

    choses78 Torrence (2005 Ch 4) eacutetend cette analyse agrave la focalisation du verbe consideacuterant que le

    marqueur de cette construction est constitueacute du verbe def (faire) de lindice de personne et de la

    copule a (130d)

    130) a Xale =yi (ntildeu) a sagravecc cin =li (Torrence 2013b 191)

    enfant =CLyDFPX S3PL COP voler marmite =CLlDFPX

    lsquoCe sont les enfants qui ont voleacute la marmitersquo

    b Cin =li l-a-ntildeu sagravecc (Torrence 2013b 191)

    marmite =CLlDFPX EXPL-COP-S3PL voler

    lsquoCest la marmite quils ont voleacuteersquo

    c Ca lekkool =ba l-a-a gise Isaa (Torrence 2013b 191)

    PREPDT eacutecole =CLbDFDT EXPL-COP-S1SG voirAPPL Issa

    lsquoCest agrave leacutecole que jai vu Issarsquo

    d Xale =yi da-ntildeu-a lekk gato =bi (Torrence 2005 225)

    enfant =CLyDFPX faire-S3PL-COP manger gacircteau =CLbDFPX

    lsquoManger le gacircteau est ce que les enfants ont faitrsquo

    Cette analyse est tregraves inteacuteressante dun point de vue diachronique car elle fournit des arguments

    pour une origine commune des marqueurs preacutedicatifs a et la Cependant lhypothegravese dune copule

    verbale a en wolof contemporain est contestable En effet les arguments retenus par les auteurs

    pour deacutefendre le statut verbal de a ne nous semblent pas suffisamment convaincants Le premier

    argument avanceacute par Kihm (1999) est que cette copule peut porter lindice de personne (131a) Or

    en wolof le fait de porter la marque de personne ne caracteacuterise pas les verbes En effet dans

    plusieurs types de propositions le verbe ne porte pas dindice pronominal Par exemple agrave loptatif le

    78 cf (sect 41) pour une preacutesentation des classes nominales Bondeacuteelle (2015 47-49) propose une analyse similaire

    - 155 -

    sujet pronominal est amalgameacute au marqueur preacutedicatif (131b) et au minimal (subjonctif) il se

    reacutealise comme un pronom indeacutependant (131c)

    131) a Jaaykat l-a-ntildeu (Kihm 1999 247)

    vendeur EXPL-COP-S3PL

    lsquoIls sont commerccedilantsrsquo

    b Na-ntildeu dem (Diouf 2003 236)

    OPT-S3PL partir

    lsquoQuils sen aillentrsquo

    c Leacuteegi ntildeu war=a tagravembali bal-balal (Diouf 2003 60)

    maintenant S3PL devoir=DV commencer deacutesherber

    lsquoBientocirct on va devoir commencer agrave deacutesherberrsquo

    Le second argument avanceacute par Kihm (1999) repose sur la capaciteacute de ce mot agrave porter le

    morphegraveme de passeacute (132a) Or le statut de suffixe de ce morphegraveme est discutable En effet dans

    plusieurs contextes le morphegraveme de passeacute se comporte comme un clitique (132b) ou comme un

    verbe (132c) et non comme un suffixe de flexion verbale Il en va de mecircme du morphegraveme diteacuteratif

    preacutesenteacute dans largumentation de Torrence (2013b) (133a) Dans plusieurs contextes ce morphegraveme

    se comporte comme un adverbe et non comme un suffixe de deacuterivation verbale (133b)

    132) a Fas l-a-woon (Kihm 1999 247)

    cheval EXPL-COP-PAS

    lsquoCeacutetait un chevalrsquo

    b Soacuteoraalewuma =ko =woon (Diouf 2009 548)

    preacutevoirPRFNEGS1SG =O3SG =PAS

    lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo

    c Yuri =na siddeacuteem =si woon (Diouf 2009 587)

    vider =PRFS3SG jujube =CLsDFPX ecirctrePAS

    ci poosam yeacutepp

    PREPPX pochePOSS3SG CLyTOT

    lsquoIl a videacute tous les jujubes qui eacutetaient dans sa pochersquo

    - 156 -

    133) a Gagravellaay l-a-ati (Torrence 2013b 197)

    Galaye EXPL-COP-ITER

    lsquoCest encore Galayersquo

    b Lan ati (Diouf 2003 54)

    CLCHSGQ encore

    lsquoQuoi encore rsquo

    Par ailleurs analyser la focalisation du sujet comme une cliveacutee comportant la copule a pose

    problegraveme pour lanalyse de certains eacutenonceacutes En effet comme nous lavons vu en (sect 252) il est

    possible de construire des preacutedicats non verbaux eacutequatifs avec la focalisation du sujet et la copule di

    (134a-b) Si lon considegravere suivant Kihm (1999) et Torrence (2013b) que a est eacutegalement une

    copule quelle analyse peut-on proposer pour les exemples (134a-b) Il semble eacutevident que di ne

    peut pas ecirctre analyseacute comme un auxiliaire dimperfectif dans ces contextes mais quil sagit bien

    dune copule

    134) a Mu=a=y mbeumlru deumlkk =bi (Diouf 2003 219)

    PRO3SG=FOCS=COP championGEN village =CLbDFPX

    lsquoCest le champion du villagersquo

    b Sama ngeumlm =a=y sama gagravennaay (Diouf 2003 500)

    POSS1SG foi =FOCS=COP POSS1SG arme

    lsquoMa foi est mon armersquo

    Analyser la focalisation du verbe comme une cliveacutee comportant la copule a pose le mecircme type

    de problegravemes En effet comme nous lavons vu en (sect 255) il est possible de construire des

    preacutedicats nominaux non reacutefeacuterentiels avec la focalisation du verbe et la copule di (135a-b) Si lon

    considegravere suivant Torrence (2005) que da(fa) est constitueacute du verbe def (faire) et dune copule a

    quelle analyse peut-on proposer pour les exemples (135a-b) Comme dans les exemples

    preacuteceacutedents di ne peut pas ecirctre analyseacute comme un auxiliaire dimperfectif mais doit plutocirct ecirctre

    analyseacute comme une copule

    - 157 -

    135) a Ntildeii =da-ntildeu=y ay gan (Diouf amp Yaguello 1991 82)

    CLHUMPLDEMPX =FOCV-S3PL=COP IDFCLy hocircte

    te beumlgg=a mos toggu Senegaal

    et vouloir=DV goucircter cuisineGEN Seacuteneacutegal

    lsquoLe fait est quils sont des eacutetrangers et ils veulent goucircter le cuisine seacuteneacutegalaisersquo

    (litt lsquoCeux-ci cest que ce sont des eacutetrangers et ils veulent goucircter la cuisine du Seacuteneacutegalrsquo)

    b Dafa di taseeguloo =ak gaynde (Diouf 2003 88)

    FOCVS3SG COP rencontrerdeacutejagravePRFNEGS2SG =avec lion

    lsquoLe fait est que tu nas pas encore rencontreacute de lionrsquo

    (litt lsquoCest que tu nas pas encore rencontreacute de lionrsquo)

    De plus la preacutesence du morphegraveme a nest pas systeacutematique dans les eacutenonceacutes agrave la focalisation du

    verbe En fait dans les corpus les cas ougrave ce morphegraveme est absent sont beaucoup plus freacutequents que

    ceux ougrave il est preacutesent Par ailleurs lorsquil est preacutesent ce morphegraveme napparaicirct pas sur da(fa) mais

    immeacutediatement avant le verbe lexicale (136a) On note eacutegalement quil peut apparaicirctre agrave la

    troisiegraveme personne du singulier apregraves dafa (136b) Ces occurrences tendent agrave montrer que ce a nest

    pas une copule mais doit plutocirct ecirctre rapprocheacute de la marque de deacutependance verbale (Diouf 2009

    175)79

    136) a Da-ntildeu =ko=a dagraveq (Diouf 2009 175)

    FOCV-S3PL =O3SG=DV renvoyer

    lsquoOn la licencieacutersquo

    b Meumlnuma=a nelaw ndax (Diouf 2009 175)

    pouvoirPRFNEG1SG=DV dormir parce_que

    dafa=a ubbi bunt =bi

    FOCVS3SG=DV fermerINV porte =CLbDFPX

    lsquoJe narrive pas agrave mendormir parce quil a ouvert la portersquo

    Enfin lanalyse des constructions focalisantes comme des constructions complexes a eacutegalement

    eacuteteacute deacutefendue par NDiaye-Correacuteard (1989 2003) Cependant ses arguments sont tregraves diffeacuterents de

    ceux proposeacutes par Diouf (1985) Kihm (1999) ou Torrence (2013b) En effet son argumentation

    79 cf (sect 243) pour une preacutesentation de la marque de deacutependance verbale Nous reviendrons sur lanalyse de dafa en(sect 114)

    - 158 -

    repose exclusivement sur les schegravemes morphosyntaxiques des diffeacuterentes constructions En se

    basant essentiellement sur ce critegravere elle considegravere que le systegraveme verbal du wolof ne comprend

    que quatre tiroirs verbaux lindicatif (notre laquo subjonctif-conseacutecutif raquo) limpeacuteratif lassertif (notre

    laquo parfait raquo) et le subjonctif (qui rassemble toutes les autres constructions preacutedicatives) Ainsi les

    propositions au laquo subjonctif raquo sont caracteacuteriseacutees par un schegraveme s o S V O quon retrouve dans les

    relatives (137a) loptatif (137b) le prohibitif (137c) la focalisation du compleacutement (137d) la

    focalisation du sujet (137e) et le preacutesentatif (137f) Dans ces deux derniegraveres constructions

    NDiaye-Correacuteard (2003 181) considegravere que le sujet est extrait de sa position canonique

    137) a (hellip) na =ko =ko buur santewoon (NDiaye-Correacuteard 2003 171)

    CLMNRDFDT =O3SG =O3SG roi ordonnerPAS

    lsquo(hellip) comme le roi le lui avait ordonneacutersquo

    b (hellip) na =ko samay doom doŋŋ lekk (NDiaye-C 2003 174)

    OPT =O3SG POSS1SGPL enfant seulement manger

    lsquo(hellip) que seulement mes enfants en mangent rsquo

    c Bu =la sa doole jey (NDiaye-Correacuteard 2003 174)

    PROH =O2SG POSS2SG force flatter

    lsquoQue ta force ne te grise pas rsquo

    d [Fii =la] [=ko ndaw =si gis] (NDiaye-C 2003 175)

    CLLOCDEMPX =FOCC =O3SG femme =CLsDFPX voir

    lsquoCest ici que la femme la vursquo

    e [Maalig =a] [=ko gis] (NDiaye-Correacuteard 2003 178)

    Malick =FOCS =O3SG voir

    lsquoCest Malick qui la vursquo

    f [Maalig =a nga] [=fa gis genn garab] (NDiaye-C 2003 181)

    Malick =PRSTDT =CLLOCDFDT voir CLgSING arbre

    lsquoVoilagrave que Malick y a vu un arbrersquo

    Ces trois constructions focalisantes sont donc analyseacutees comme des constructions complexes

    constitueacutees dune proposition non verbale suivie dune proposition au laquo subjonctif raquo Par contre la

    - 159 -

    focalisation du verbe preacutesente une structure diffeacuterente NDiaye-Correacuteard (2003 183) rapproche

    cette construction de lassertif (notre laquo parfait raquo) (138a-c) Elle analyse ainsi le marqueur da(fa)

    comme un type speacutecifique de verbe auxiliaire ne pouvant servir de support aux suffixes de neacutegation

    et de passeacute mais pouvant entraicircner lapparition de la marque de deacutependance verbale a

    138) a War =na-a =ko=a soacuteob (Diouf 2003 318)

    devoir =PRF-S1SG =O3SG=DV redorer

    lsquoJe dois le redorerrsquo

    b Meumln-u-ma =ko=a gis (NDiaye-Correacuteard 2003 169)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG=DV voir

    lsquoJe ne peux pas le voirrsquo

    c Da-ma =ko=a jeacutellale (Diouf 2003 167)

    FOCV-S1SG =O3SG=DV passer_sous_silence

    lsquoJe le passe sous silencersquo

    Tout comme les analyses de Diouf (1985) Kihm (1999) ou Torrence (2013b) lanalyse proposeacutee

    par NDiaye-Correacuteard (1989 2003) a lavantage doffrir une preacutesentation plus simple du systegraveme

    verbal De plus elle propose une explication de la similariteacute des schegravemes morphosyntaxiques de

    plusieurs constructions preacutedicatives Neacuteanmoins cette analyse preacutesente plusieurs problegravemes Le

    premier reacuteside dans le traitement des diffeacuterents marqueurs grammaticaux En effet NDiaye-

    Correacuteard choisit des eacutetiquettes floues ou idiosyncrasiques quelle nexplique pas Ainsi les

    marqueurs la a et a ngi sont analyseacutes comme des laquo preacutedicatifs non verbaux raquo dafa comme un

    laquo focalisateur verbal raquo et na (OPT) et bu comme des laquo particules raquo Le traitement de la focalisation

    du verbe pose eacutegalement problegraveme En effet sil sagit dune construction au parfait avec un verbe

    dafa pourquoi le marqueur de parfait est-il absent Lexplication fournie par NDiaye-Correacuteard

    (2003 183) ne nous semble pas convaincante Elle explique que la marque napparaicirct pas car le

    verbe dafa laquo est intrinsegravequement assertif et nadmet aucune opposition modale raquo Mais le problegraveme

    le plus important reacuteside dans lanalyse seacutemantique du tiroir verbal quelle nomme laquo subjonctif raquo La

    valeur de ce tiroir verbal est une valeur par deacutefaut Lauteure ne fournit aucune analyse seacutemantique

    preacutecise de cette construction Elle indique uniquement quil sagit toujours de propositions

    deacutependantes (dougrave le choix de leacutetiquette laquo subjonctif raquo) Cependant le tiroir verbal quelle nomme

    laquo indicatif raquo (notre laquo subjonctif-conseacutecutif raquo) peut eacutegalement ecirctre utiliseacute dans des propositions

    - 160 -

    deacutependantes Ce trait ne suffit donc pas agrave caracteacuteriser la construction

    En plus des problegravemes speacutecifiques que nous avons citeacutes toutes ces analyses preacutesentent plusieurs

    autres problegravemes Premiegraverement elles ne permettent pas dexpliquer la distribution compleacutementaire

    des constructions preacutedicatives En effet si les constructions focalisantes sont des cliveacutees pourquoi

    la proposition verbale qui suit ne peut-elle pas ecirctre au parfait ou au futur Une solution possible

    serait que le choix de TAM est reacuteduit dans ce type de propositions etou que le verbe est agrave une

    forme inteacutegrative Mais cette solution ne nous semble pas eacuteconomique De plus elle pose problegraveme

    avec le subjonctif-conseacutecutif qui est eacutegalement une construction deacutependante mais qui ne preacutesente

    pas les mecircmes caracteacuteristiques que les constructions focalisantes Deuxiegravemement ces analyses ne

    permettent pas dexpliquer les paradigmes personnels des diffeacuterentes constructions preacutedicatives En

    effet si les constructions focalisantes sont des cliveacutees la forme du pronom sujet devrait ecirctre

    identique agrave celle de la relative ou au moins ecirctre preacutedictible en connaissant les processus

    phonologiques de la langue Or les paradigmes personnels sont idiosyncratiques la forme des

    pronoms sujets ainsi que les trous dans le paradigme ne sont pas preacutedictibles Par ailleurs ces

    analyses ne permettent pas dexpliquer lidentiteacute formelle des paradigmes personnels du parfait et de

    la focalisation du compleacutement (sect 254 et sect 211)

    Nous avons donc deacutecideacute dadopter lanalyse laquo classique raquo Ainsi suivant Robert (2000 230)

    nous consideacuterons que la focalisation est inteacutegreacutee agrave la conjugaison en wolof contemporain Notons

    que cette situation nest pas propre au wolof En effet la focalisation est exprimeacutee de faccedilon

    analogue dans dautres langues africaines (Hyman amp Watters 1984 Bearth 1999) notamment dans

    la famille atlantique (Robert 2010a) Neacuteanmoins nous ne rejetons pas lensemble des analyses

    proposeacutees par Diouf (1985) Kihm (1999) Torrence (2013b) et NDiaye-Correacuteard (1989 2003) En

    effet nous consideacuterons que ces travaux permettent de mettre en eacutevidence des chemins de

    grammaticalisation possibles pouvant expliquer linteacutegration de la focalisation dans le systegraveme

    verbal en wolof contemporain

    257 Synthegravese

    Le wolof dispose de quatre constructions speacutecifiques pour exprimer le focus focalisation du

    sujet (FOCS) preacutesentatif (PRST) focalisation du compleacutement (FOCC) et focalisation du verbe (FOCV)

    Ces constructions se distinguent essentiellement par la porteacutee la reacutealisation et le controcircle du focus

    Ces constructions se distinguent par la porteacutee du focus Dans la construction FOCV le focus porte

    - 161 -

    sur le preacutedicat de la phrase Dans la construction FOCC le focus porte sur un argument objet ou un

    satellite du verbe de la phrase Dans la construction PRST le focus porte sur la phrase entiegravere Dans la

    construction FOCS le focus porte soit sur largument sujet du verbe soit sur la phrase entiegravere

    Concernant la reacutealisation du focus il convient de noter une singulariteacute typologique du wolof

    labsence de marquage prosodique de la focalisation En effet lintonation utiliseacutee comme marque

    de la focalisation dans la plupart des langues ne joue pas ce rocircle en wolof (Rialland amp Robert 2001

    2003) Lintonation peut neacuteanmoins permettre de distinguer les deux porteacutees possibles de FOCS On

    observe une intonation assertive normale (courbe plate ou descendante et intonegraveme final bas)

    lorsque le focus porte sur le sujet et une intonation intensive caracteacuteriseacutee par un point haut

    demphase portant sur le verbe dans le cas de lexclamative avec emphase sur le preacutedicat (Rialland

    amp Robert 2003 182) En revanche dans les quatre constructions focalisantes le focus est reacutealiseacute

    morphologiquement par la preacutesence dun marqueur speacutecifique a a ng- la da(fa) Il est eacutegalement

    reacutealiseacute syntaxiquement dans FOCC FOCS et PRST Dans ces constructions on peut identifier une

    position syntaxique focus situeacutee en tecircte de phrase immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif

    Cette position est occupeacutee par lobjet ou le satellite focaliseacute dans FOCC ou par le sujet dans FOCS et

    PRST Par contre un tel marquage syntaxique de la focalisation est absent de FOCV

    Ainsi FOCV se distingue des autres constructions par une absence de reacutealisation syntaxique du

    focus De plus lexpression du focus sur largument sujet et lexpression du focus sur la phrase

    semblent lieacutees En effet le focus portant sur la phrase est soit reacutealiseacute par une construction dont la

    principale valeur est de focaliser le sujet agrave savoir FOCS soit par une construction preacutesentant une

    structure formellement similaire agrave FOCS agrave savoir PRST Cette situation nest pas propre au wolof

    Selon Lambrecht (1994 235) la reacutealisation du focus sur le preacutedicat se distingue geacuteneacuteralement des

    autres structures focales alors que la reacutealisation du focus sur un argument ne se distingue pas

    neacutecessairement de la reacutealisation du focus sur la phrase En fait la similariteacute ou lidentiteacute formelle

    entre ces deux derniegraveres structures focales est un pheacutenomegravene courant dans les langues (Lambrecht

    1994 321) Par exemple en somali le focus sur la phrase (139a) est geacuteneacuteralement reacutealiseacute de la

    mecircme maniegravere que le focus sur le sujet (139b) alors que le focus sur le preacutedicat est reacutealiseacute

    autrement (Tosco 2002)

    139) Somali (Tosco 2002)

    a Maxaa dhacay Cali baa Maryam dilay

    quoi avoir_lieuPAS3M Ali FOC Marie frapperPAS3M

    lsquoQuest-ce qui sest passeacute Cest Ali qui a frappeacute Mariersquo

    - 162 -

    b Yaa Maryam dilay Cali baa Maryam dilay

    qui Marie frapperPAS3M Ali FOC Marie frapperPAS3M

    lsquoQui a frappeacute Marie Cest Ali qui a frappeacute Mariersquo

    Le controcircle du focus diffegravere dune construction agrave lautre Dans chacune des quatre constructions

    focalisantes le controcircle peut ecirctre pragmatique (le locuteur deacutetermine leacuteleacutement qui doit ecirctre focaliseacute

    en fonction du contexte discursif) En revanche seules les constructions focalisant un argument

    preacutesentent un controcircle grammatical (des contraintes grammaticales imposent la focalisation dun

    eacuteleacutement) Comme nous lavons vu FOCS est obligatoire avec les verbes comparatifs et dans les

    interrogatives partielles si le sujet est un pronom interrogatif ou contient un deacuteterminant

    interrogatif et FOCC est obligatoire dans les interrogatives partielles si leacuteleacutement focaliseacute (objet ou

    satellite) est un pronom interrogatif ou contient un deacuteterminant interrogatif et dans les interrogatives

    partielles agrave preacutedicat non verbal Les deux autres constructions focalisantes preacutesentent eacutegalement des

    contraintes demploi lieacutees agrave la grammaire de la langue mais aucune ne semble imposer lutilisation

    de la construction en question Ainsi comme nous lavons vu PRST est geacuteneacuteralement utiliseacute dans les

    reacuteponses aux questions comprenant la copule locative interrogative et FOCV avec les verbes

    daction ne permet pas de constituer un eacutenonceacute complet (ce type de proposition doit ecirctre lieacute soit agrave

    une autre proposition soit au contexte discursif)

    Le type de focus ne permet pas de distinguer les constructions focalisantes du wolof En effet

    comme nous lavons vu les constructions FOCV FOCC FOCS et PRST peuvent toutes les quatre ecirctre

    utiliseacutees pour exprimer un focus assertif ou contrastif

    Tableau 219 - Paramegravetres des constructions focalisantes

    Reacutealisation Type Porteacutee Controcircle

    FOCSmorphologiqueet syntaxique

    assertifou contrastif

    argument (sujet)ou phrase

    pragmatiqueou grammatical

    PRSTmorphologiqueet syntaxique

    assertifou contrastif

    phrasepragmatique

    (ou grammatical)

    FOCCmorphologiqueet syntaxique

    assertifou contrastif

    argument(objet ou satellite)

    pragmatiqueou grammatical

    FOCV morphologiqueassertif

    ou contrastifpreacutedicat

    pragmatique(ou grammatical)

    - 163 -

    - 164 -

    CCHAPITREHAPITRE 3 - 3 - LLEXPRESSIONEXPRESSION

    DESDES AUTRESAUTRES CATEacuteGORIESCATEacuteGORIES VERBALESVERBALES

    31 La neacutegation

    La neacutegation est marqueacutee de faccedilon relativement diffeacuterente selon les constructions preacutedicatives On

    deacutenombre cinq faccedilons distinctes dexprimer ce trait Ces cinq constructions neacutegatives peuvent ecirctre

    classeacutees en trois types les constructions neacutegatives syntheacutetiques les constructions neacutegatives agrave

    marqueur preacutedicatif et la construction neacutegative agrave verbe auxiliaire Les deux derniers types peuvent

    ecirctre analyseacutes comme des constructions peacuteriphrastiques On note eacutegalement lexistence de

    constructions neacutegatives agrave copule servant notamment deacutequivalents neacutegatifs des preacutedicats non

    verbaux

    311 Les constructions neacutegatives syntheacutetiques

    La majoriteacute des constructions preacutedicatives ont une reacutealisation syntheacutetique de la neacutegation Ces

    constructions neacutegatives sont caracteacuteriseacutees par la preacutesence dun suffixe verbal encodant la neacutegation

    Dans le cas du parfait neacutegatif il sagit dun suffixe suppleacutetif qui remplace le marqueur preacutedicatif

    alors que dans toutes les autres constructions il sagit dun suffixe qui sajoute au verbe sans

    modifier le reste de la construction

    3111 Le parfait neacutegatif

    Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetails en (sect 212) Cette construction est leacutequivalent

    neacutegatif du parfait Elle se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe verbal -u(l) amalgameacute agrave lindice

    sujet qui remplace le marqueur preacutedicatif na (140a-b) Le -l final du suffixe tombe devant les

    indices pronominaux (140c) et les pronoms clitiques (140d) (Diouf 2009 165) Un w- eacutepentheacutetique

    est inseacutereacute si le verbe finit par une voyelle (140e) (Diouf 2009 144)

    - 165 -

    140) a Lekk =na meeb =bi (Diouf 2003 223)

    manger =PRFS3SG appacirct =CLbDFPX

    lsquoIl a mangeacute lappacirctrsquo

    b Lekk-ul yax =yi (Diouf 2003 442)

    manger-PRFNEGS3SG brin =CLyDFPX

    lsquoIl na pas mangeacute les brins de paillersquo

    c Lekk-u-ma (Diouf 2003 20)

    manger-PRFNEG-S1SG

    lsquoJe nai pas mangeacutersquo

    d Lekk-u =ko (Diouf 2003 204)

    manger-PRFNEGS3SG =O3SG

    lsquoIl ne la pas mangeacutersquo

    e Fagravette-wu-ma =ko benn yoon (Diouf 2003 532)

    oublier-PRFNEG-S1SG =O3SG CLbSING chemin

    lsquoJe ne lai nullement oublieacutersquo

    3112 La neacutegation affixale

    Cette construction neacutegative se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe -ul80 sur le premier verbe de

    la proposition Ce proceacutedeacute permet de construire leacutequivalent neacutegatif de trois constructions

    preacutedicatives focalisation du compleacutement (141a) focalisation du sujet (141b) et focalisation du

    verbe (141c)

    141) a Yow =la Omar gis-ul (Diouf 2009 93)

    PRO2SG =FOCC Omar voir-NEG

    lsquoCest toi quOmar na pas vursquo

    80 Fal (1999 85) et Diouf (2009 104) notent eacutegalement lexistence dune variante dialectale -ut

    - 166 -

    b Omar =a gis-ul Faatu (Diouf 2009 86)

    Omar =FOCS voir-NEG Fatou

    lsquoCest Omar qui na pas vu Fatoursquo

    c Dama gis-ul Omar (Diouf 2009 70)

    FOCVS1SG voir-NEG Omar

    lsquoJe nai pas vu Omarrsquo

    Ce proceacutedeacute est eacutegalement utiliseacute pour exprimer la neacutegation dans les subordonneacutees relatives

    (142a) et dans les subordonneacutees temporelles (142b) et hypotheacutetiques (142c)

    142) a Am =na ntildeaari yeumlf (Diouf 2003 403)

    avoir =PRFS3SG deuxGENPL choses

    yu =ma sopp-ul ci moom

    CLyREL =S1SG aimer-NEG PREPPX PRO3SG

    lsquoIl y a deux choses que je naime pas en luirsquo

    b Ceacutey sama njagraveqare =ja (Diouf 2003 483)

    EMPH POSS1SG embarras =CLjDFDT

    ba ma =la gis-ul-ee

    TEMP S1SG =O2SG voir-NEG-ANT

    lsquoQuel ne fut mon embarras quand je ne tai pas vursquo

    c Su =ma =ko ping-ul dafa=y ubbiku (Diouf 2003 355)

    HYP =S1SG =O3SG eacutepingler-NEG FOCVS3SG=IPF fermerINVMOY

    lsquoSi je ne le fixe pas avec une eacutepingle ccedila va souvrirrsquo

    Comme au parfait neacutegatif un w- eacutepentheacutetique est inseacutereacute si le verbe finit par une voyelle (143a)

    (Diouf 2009 144) Neacuteanmoins si la proposition est agrave limperfectif -ul se suffixe au verbe auxiliaire

    di provoquant la chute de la voyelle finale du verbe au lieu de linsertion de la consonne

    eacutepentheacutetique (143b)

    143) a Danga woacuteolu-wul sa bopp rekk (Diouf 2003 166)

    FOCVS2SG avoir_confiance-NEG POSS2SG tecircte seulement

    lsquoSimplement tu nas pas confiance en toirsquo

    - 167 -

    b Fenn =laa d-ul dem (Diouf 2003 125)

    CLLOCSING =FOCCS1SG IPF-NEG partir

    lsquoJe nirai nulle partrsquo

    Contrairement au parfait neacutegatif la neacutegation affixale nest pas suppleacutetive Ainsi le morphegraveme

    encodant la neacutegation ne remplace pas le marqueur preacutedicatif etou les affixes de flexion verbale

    Comme le note Church (1981 145) cette construction neacutegative est beaucoup plus rare que le

    parfait neacutegatif La consultation de notre corpus a confirmeacute cette remarque Nous navons releveacute que

    une ou deux occurrences pour certaines constructions preacutedicatives

    312 Les constructions neacutegatives agrave marqueur preacutedicatif

    Ces constructions sont caracteacuteriseacutees par la preacutesence dun marqueur preacutedicatif suppleacutetif

    Autrement dit il sagit de constructions preacutedicatives dans lesquelles la neacutegation est encodeacutee par un

    marqueur preacutedicatif qui remplace le marqueur preacutedicatif de la construction preacutedicative non neacutegative

    eacutequivalente

    3121 Le futur neacutegatif

    Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetail en (sect 222) Cette construction est leacutequivalent

    neacutegatif du futur Elle se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif du qui remplace le

    marqueur preacutedicatif dina (144a-b) La proximiteacute de cette forme avec celle du parfait neacutegatif est due

    au fait que le futur neacutegatif est issu de la grammaticalisation du verbe auxiliaire di au parfait neacutegatif

    144) a Dina-a gis Omar (Diouf 2009 75)

    FUT-S1SG voir Omar

    lsquoJe verrai Omarrsquo

    b Du-ma gis Omar (Diouf 2009 75)

    FUTNEG-S1SG voir Omar

    lsquoJe ne verrai pas Omarrsquo

    - 168 -

    3122 Le prohibitif

    Nous avons deacutecrit cette construction en deacutetails en (sect 233) Cette construction est leacutequivalent

    neacutegatif de loptatif et de limpeacuteratif Elle se caracteacuterise par la preacutesence du marqueur preacutedicatif bu

    (1SG 3SG 1PL 3PL) ou bul (2SG 2PL) qui remplace le marqueur preacutedicatif de loptatif na (145a-c)

    Similairement au suffixe de limpeacuteratif le -l final du marqueur preacutedicatif bul agrave la deuxiegraveme

    personne du singulier tombe devant un objet pronominal (145d)

    145) a Na-ntildeu dem ca keumlr =ba (Diouf 2009 76)

    OPT-S3PL partir PREPDT maison =CLbDFDT

    lsquoQuils aillent agrave la maison rsquo

    b Bu-ntildeu dem ca keumlr =ba (Diouf 2009 77)

    PROH-S3PL partir PREPDT maison =CLbDFDT

    lsquoQuils naillent pas agrave la maison rsquo

    c Bul dem leacuteegi (Diouf 2003 76)

    PROHS2SG partir maintenant

    lsquoNe ten va pas maintenant rsquo

    d Bu =ko jentilde (Diouf 2003 168)

    PROHS2SG =O3SG pousser

    lsquoNe le pousse pas rsquo

    313 La construction neacutegative agrave verbe auxiliaire

    Le preacutesentatif (146a) et le subjonctif-conseacutecutif (147a) semblent incompatibles avec le suffixe de

    neacutegation (Robert 1990 171-172 Torrence 2013a 34-35) Neacuteanmoins selon Robert (1990 171)

    certains locuteurs acceptent la forme agrave condition quelle soit suivie dune proposition coordonneacutee

    (146b) Pour nier une proposition au preacutesentatif (146c) ou au subjonctif-conseacutecutif (147b-c) on

    utilise le verbe bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (Robert 1990 171-172 Torrence 2013a 34-35)

    146) a Mi ngi lekk-ul (Robert 1990 171)

    PRO3SGPRSTPX manger-NEG

    - 169 -

    b Mi ngi lekk-ul te beumlgg dem (Robert 1990 171)

    PRO3SGPRSTPX manger-NEG et vouloir partir

    lsquoIl na pas mangeacute et il veut partir rsquo

    c Mu ngi di bantildentildeakk=a nelaw (Torrence 2013a 34)

    PRO3SGPRSTPX IPF refusermanquer=DV dormir

    lsquoIl na pas mangeacute et il veut partir rsquo

    147) a Mu lekk-ul (Robert 1990 172)

    S3SG manger-NEG

    b Mu bantilde=a lekk (Robert 1990 172)

    S3SG refuser=DV manger

    lsquoIl na quagrave arrecircter de manger rsquo

    c Beumlgg =naa mu bantildentildeakk=a lekk ceeb (Torrence 2013a 34)

    vouloir =PRFS1SG S3SG refusermanquer=DV manger riz

    lsquoJe ne veux pas quil mange du rizrsquo

    Ce proceacutedeacute est eacutegalement utiliseacute pour exprimer la neacutegation dans les propositions infinitives

    (148a) Neacuteanmoins dans certains eacutenonceacutes le suffixe de neacutegation -ul semble se suffixer agrave un verbe agrave

    linfinitif (148b) Cependant dans ce type de proposition la traduction franccedilaise induit en erreur En

    effet le verbe portant ce suffixe nest pas agrave linfinitif mais au parfait neacutegatif (sect 3111) comme le

    montre la traduction litteacuterale proposeacutee notamment par Diouf (2003 192)

    148) a Bantilde=a fonk sa lagravekk ngecceel =la (Diouf 2003 251)

    refuser=DV estimer POSS2SG langue complexe =FOCC

    lsquoNe pas estimer sa langue est un complexe dinfeacuterioriteacutersquo

    b Xam-ul aay =na (Diouf 2003 192)

    savoir-PRFNEGS3SG ecirctre_mal =PRFS3SG

    wagravente laajte-wul =a =ko yeacutees

    mais demander-PRFNEGS3SG =FOCS =O3SG ecirctre_pire

    lsquoNe pas savoir est mal mais ne pas demander est pirersquo

    (litt lsquoIl ne sait pas est mal mais il na pas demandeacute est pirersquo)

    - 170 -

    314 Les constructions neacutegatives agrave copule

    Les constructions neacutegatives agrave copules sont utiliseacutees comme des eacutequivalents neacutegatifs des preacutedicats

    non verbaux ou lorsque la porteacutee de la neacutegation se limite agrave un argument ou satellite du verbe

    3141 La copule neacutegative

    Comme nous lavons vu en (sect 222) la copule verbale di au parfait neacutegatif (du) est utiliseacutee pour

    former des preacutedicats non verbaux Elle permet notamment dexprimer la neacutegation dans un preacutedicat

    nominal non reacutefeacuterentiel (149a) ou un preacutedicat eacutequatif (150a) Cette construction est donc

    leacutequivalent neacutegatif des preacutedicats non verbaux exprimeacutes par la focalisation du compleacutement (149b-

    150b)

    149) a Man du-ma como (Diouf 2003 84)

    PRO1SG COPPRFNEG-S1SG individu_sans_importance

    lsquoMoi je ne suis pas nimporte quirsquo

    b Seacuteereacuteer piir =la-a (Diouf 2003 280)

    seacuteregravere ecirctrepur =FOCC-S1SG

    lsquoJe suis un seacuteregravere bon teintrsquo

    150) a Buur du mbokk (Diouf 2003 220)

    roi COPPRFNEGS3SG parent

    lsquoLe roi nrsquoest pas un parent (la peacuterenniteacute de son regravegne passe avant la parenteacute)rsquo

    b Leacuteebeacuteer rab wu am doole =la (Diouf 2003 199)

    hippopotame animal CLwREL avoir force =FOCC

    lsquoLhippopotame est un animal fortrsquo

    Par ailleurs dans les constructions focalisantes la copule neacutegative du permet dexprimer une

    neacutegation dont la porteacutee se limite agrave un argument ou satellite du verbe En effet la focalisation du

    sujet (151a) et la focalisation du compleacutement (152a) sont compatibles avec le suffixe verbal -ul

    mais la neacutegation porte alors sur le preacutedicat (Robert 2000 258) Pour exprimer une neacutegation dont la

    porteacutee se limite agrave leacuteleacutement focaliseacute il faut ajouter la copule neacutegative du immeacutediatement avant

    leacuteleacutement mis en focus (151b-152b)

    - 171 -

    151) a Ma=a teumlj-ul palanter =bi (Robert 1990 171)

    PRO1SG=FOCS fermer-NEG fenecirctre =CLbDFPX

    lsquoCest moi qui nest pas fermeacute la fenecirctrersquo

    b Du man ma=a =ko wax de (Cisseacute Ma 1994 48)

    COPPRFNEGS3SG PRO1SG PRO1SG-FOCS =O3SG dire EMPH

    lsquoCe nest pas moi qui vous le disrsquo (litt lsquoCe nest pas moi cest moi qui vous le disrsquo)

    152) a Astu =la-a gis-ul (Diouf 2009 104)

    Astou =FOCC-S1SG voir-NEG

    lsquoCest Astou que je nai pas vursquo

    b Du Ndar =la-a dem (Diouf amp Yaguello 1991 214)

    COPPRFNEGS3SG Saint-Louis =FOCC-S1SG partir

    lsquoCe nest pas agrave Saint-Louis que je suis alleacutersquo

    3142 La neacutegation des preacutedicats locatifs

    Comme nous lavons vu en (sect 253) le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats non

    verbaux locatifs (153a) Leacutequivalent neacutegatif de ce type de preacutedicat se construit avec le verbe nekk

    (ecirctre se trouver) au parfait neacutegatif (153b-c) (Diouf amp Yaguello 1991 216)

    153) a Feek ya=a ngi =fi du wonewu (Diouf 2009 371)

    tantque PRO2SG=PRSTPX =CLLOCDFPX FUTNEGS3SG montrerMOY

    lsquoTant que tu seras lagrave il ne se montrera pasrsquo

    b Yoacutennee =naa =la ndaw (Diouf 2009 240)

    envoyer =PRFS1SG =O2SG messager

    nekk-uloo =fa =woon

    ecirctre-PRFNEGS2SG =CLLOCDFDT =PAS

    lsquoJe tai envoyeacute un messager tu ny eacutetais pasrsquo

    - 172 -

    c Borom tool =bi nekk-u =fi (Diouf 2009 162)

    proprieacutetaire champs =CLbDFPX ecirctre-PRFNEGS3SG =CLLOCDFPX

    waaye jawrintilde =ba=a ngi =fi

    mais intendant =CLbDF=PRSTPX =CLLOCDFPX

    lsquoLe proprieacutetaire du champ nest pas lagrave mais le surveillant est lagraversquo

    315 Synthegravese

    Pour reacutesumer lexpression de la neacutegation diffegravere selon la construction consideacutereacutee Dans le cas du

    parfait du futur de loptatif et de limpeacuteratif la neacutegation est exprimeacutee par une construction

    suppleacutetive cest-agrave-dire que le marqueur encodant la neacutegation remplace le marqueur encodant le

    tiroir verbal de ces constructions En revanche dans les autres constructions preacutedicatives le

    morphegraveme encodant la neacutegation sajoute sans modifier la structure de la construction

    Tableau 31 - Expression de la neacutegation en wolof

    Construction Expression de la neacutegation Type

    ParfaitSuffixe verbal -u(l)agrave la place du marqueur na

    Construction neacutegativesyntheacutetique

    Focalisation du sujet

    Suffixe verbal -ulFocalisation du compleacutement

    Focalisation du verbe

    Relatif

    FuturMarqueur duagrave la place du marqueur dina

    Construction neacutegativeagrave marqueur preacutedicatif

    OptatifMarqueur buagrave la place du marqueur na

    ImpeacuteratifMarqueur bul anteacuteposeacute au verbeagrave la place du suffixe -al

    PreacutesentatifVerbe auxiliairebantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer)

    Construction neacutegativeagrave verbe auxiliaire

    Subjonctif-Conseacutecutif

    Infinitif

    Preacutedicat non verbalnon locatif

    Copule verbale neacutegative duConstruction neacutegative

    agrave copulePreacutedicat non verballocatif

    Copule verbale neacutegative nekk-ul

    - 173 -

    Par ailleurs la nature du marqueur de la neacutegation diffegravere selon la construction consideacutereacutee En

    effet il peut sagir dun affixe verbal (parfait focalisation du sujet focalisation du compleacutement

    focalisation du verbe relatif) dun marqueur preacutedicatif speacutecifique (futur prohibitif) dun verbe

    auxiliaire (subjonctif-conseacutecutif infinitif preacutesentatif) ou dune copule verbale (preacutedicat non

    verbal)

    Enfin agrave lexception de la construction neacutegative agrave verbe auxiliaire on remarque que toutes les

    formes de neacutegation ont en commun un eacuteleacutement -u-81 dans leur marque de flexion agrave toutes les

    personnes (Robert 1990 168)

    32 Limperfectif

    Le wolof connaicirct une opposition aspectuelle entre perfectif (ou accompli) et imperfectif (ou

    inaccompli)82 Le perfectif constitue la forme non marqueacutee (154a) alors que limperfectif est

    marqueacute par le verbe auxiliaire di (154b)

    154) a Omar =a =leen boole (Diouf 2003 73)

    Omar =FOCS =O3PL semer_la_zizanie

    lsquoCest Omar qui a semeacute la discorde entre euxrsquo

    b Yagravella rekk =a =leen di musal (Diouf 2003 550)

    Dieu seulement =FOCS =O3PL IPF proteacuteger

    lsquoSeul Dieu les protegravegersquo

    321 Le statut du marqueur dimperfectif

    Il nexiste pas de consensus dans la litteacuterature concernant la nature de di Suivant entre autres

    Diagne (1971 112-118) et Voisin (2010 153-158) nous lanalysons comme un verbe auxiliaire

    En effet di preacutesente une grande partie des proprieacuteteacutes propres aux verbes Il peut servir de support au

    suffixe de passeacute (155a) au suffixe de neacutegation (156a) et au suffixe dimpeacuteratif (157a)

    81 Selon Robert (1990 168) la marque -u- pourrait peut-ecirctre ecirctre rapprocheacutee de la marque dindeacutetermination spatiale-u (sect 41) Cette hypothegravese est inteacuteressante mais leacutetat actuel des connaissances diachroniques ne nous permet pasde linfirmer ou de la confirmer

    82 Nous utilisons les termes laquo perfectif raquo et laquo imperfectif raquo dans le sens que leur donne Comrie (1976)

    - 174 -

    155) a Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)

    FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX

    lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo

    b Dama dem-oon Faas (Diouf 2003 117)

    FOCVS1SG partir-PAS Fegraves

    lsquoJeacutetais alleacute agrave Fegravesrsquo

    156) a Am =na ay beumlreumlb yu =ma d-ul dem (Diouf 2003 48)

    avoir =PRFS3SG IDFCLy endroit CLyREL =S1SG IPF-NEG partir

    lsquoIl y a des endroits ougrave je ne pars pasrsquo

    b Am =na rab yu beumlgg-ul leer (Diouf 2003 199)

    avoir =PRFS3SG animal CLyREL aimer-NEG lumiegravere

    lsquoIl y a des animaux qui naiment pas la lumiegraverersquo

    157) a Di-l deacuteglu xabaar =yi ci wolof (Diouf 2003 376)

    IPF-IMPS2SG eacutecouter information =CLyDFPX PREPPX wolof

    lsquoIl faut eacutecouter les nouvelles en wolof rsquo

    b Indi-l antilde =bi (Diouf 2003 52)

    apporter-IMPS2SG deacutejeuner =CLbDFPX

    lsquoApporte le deacutejeuner rsquo

    Par ailleurs il occupe la mecircme position que le verbe au parfait (158a-b) et au parfait neacutegatif

    (159a-b) (Torrence 2003) Comme nous lavons vu en (sect 22) ces formes sont aujourdhui figeacutees et

    correspondent respectivement au futur et au futur neacutegatif

    158) a Di -na-a sarale ntildeaari nopp =yi (Diouf 2003 304)

    IPF -PRF-S1SG transpercer deuxGENPL oreille =CLyDFPX

    lsquoJe transpercerai de bout en bout les deux oreillesrsquo

    b War =na-a soacuteoblu sama lam =bi (Diouf 2003 318)

    devoir =PRF-S1SG dorerCAUS POSS1SG bracelet =CLbDFPX

    lsquoJe dois faire redorer mon braceletrsquo

    - 175 -

    159) a D-u-ma naan sa keumlsit (Diouf 2003 186)

    IPF-PRFNEG-S1SG boire POSS2SG reste

    lsquoJe ne boirai pas ce que tu as laisseacutersquo

    b Meumln-u-ma deacutekku mettit =woowu (Diouf 2003 225)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG supporter douleur =CLwDEMPX

    lsquoJe ne peux pas supporter cette douleurrsquo

    De fait cette observation ne se limite pas au parfait En effet comme nous lavons vu en

    (sect 243) la position du pronom objet tend agrave prouver que di occupe la mecircme position quun verbe

    prenant un compleacutement infinitival quelque soit la construction (Voisin 2010 153-154) Ainsi la

    position de lobjet pronominal par rapport agrave di est identique agrave celle de ce pronom par rapport agrave un

    verbe prenant un compleacutement infinitival (160a-b) La seule diffeacuterence reacuteside dans labsence de

    marque de deacutependance verbale avec di

    160) a Dafa =leen di foacuteoxal (Diouf 2003 130)

    FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer

    lsquoIl les bluffersquo

    b Dafa =leen beumlgg=a tuur leumlndeumlm (Diouf 2003 202)

    FOCVS3SG =O2PL vouloir=DV verser obscuriteacute

    lsquoIl veut vous duperrsquo

    Un dernier argument en faveur dune analyse de di comme un verbe est son utilisation comme

    copule (161a) (Voisin 2010 156-158) Dans cet emploi di est clairement une copule verbale

    puisquil est compatible avec le suffixe de passeacute (161b) le suffixe de neacutegation (161c) et le suffixe

    danteacuterioriteacute (161d)

    161) a Ku di sa xarit leacuteegi (Diouf 2003 104)

    CLHUMSGREL COP POSS2SG ami maintenant

    lsquoQui est ton ami maintenant rsquo

    b Moo d-oon farba (Diouf 2003 119)

    PRO3SGFOCS COP-PAS premier_ministre

    lsquoCest lui qui eacutetait premier ministrersquo

    - 176 -

    c Lu d-ul Yagravella neen =la (Diouf 2003 246)

    CLCHSGREL COP-NEG Dieu neacuteant =FOCCS3SG

    lsquoTout ce qui nest pas Dieu est du neacuteantrsquo

    d Su d-ee sa weumlrseumlg dinga =ci jot (Diouf 2003 368)

    HYPS3SG COP-ANT POSS2SG chance FUTS2SG =PRTFPX atteindre

    lsquoSi cest ta chance tu laurasrsquo

    322 Les reacutealisations du verbe auxiliaire dimperfectif

    Le verbe auxiliaire dimperfectif connaicirct quatre reacutealisations allomorphiques di d- =y et =a La

    variante di correspond agrave la forme pleine du verbe La variante d- est la forme obligatoire lorsque le

    verbe prend un suffixe flexionnel (155a 156a 159a 161b-d) agrave lexception du suffixe dimpeacuteratif

    (157a) La variante =y constitue la forme normale du verbe si le mot qui le preacutecegravede est agrave finale

    vocalique Ce dernier pouvant ecirctre un indice sujet (162a) un pronom clitique (162b) un marqueur

    preacutedicatif (162c) un deacuteterminant (162d-e) ou un relativiseur (162f) Neacuteanmoins cette variante est

    facultative apregraves un deacuteterminant (163a) dans une proposition au subjonctif-conseacutecutif (163b) et

    elle est rare lorsque le verbe est utiliseacute comme copule (163c)

    162) a Da-ma=y defar sama dagravell (Diouf 2003 96)

    FOCV-S1SG=IPF reacuteparer POSS1SG chaussure

    lsquoJe reacutepare ma chaussurersquo

    b Da-ngeen =ko=y suufu (hellip) (Diouf 2003 324)

    FOCV-S2PL =O3SG=IPF se_placer_sous

    lsquoIl faut vous placer dessous (hellip)rsquo

    c Omar =a=y saytu keumlr =gi (Diouf 2003 306)

    Omar =FOCS=IPF veiller_sur maison =CLgDFPX

    lsquoCest Omar qui veille sur la maisonrsquo

    d Solom =bi =la saasfaam =bi=y seet (Diouf 2003 317)

    uregravetre =CLbDFPX =FOCC sage-femme =CLbDFPX=IPF regarder

    lsquoLa sage-femme examine luregravetrersquo

    - 177 -

    e Picc =moomu=y sab de coy =la (Diouf 2003 297)

    oiseau =CLmDEMPX=IPF chanter EMPH perroquet =FOCCS3SG

    lsquoCet oiseau qui chante est un perroquetrsquo

    f Am =na fas wu=y dikk (Diouf 2003 374)

    avoir =PRFS3SG cheval CLwREL=IPF arriver

    lsquoIl y a un cheval qui arriversquo

    163) a Ci portaat =mi =la (Diouf 2003 281)

    PREPPX glanage =CLmDFPX =FOCC

    xaram =yi di dunde

    moutonPOSS3SG =CLyDFPX IPF vivreAPPL

    lsquoCest du glanage que vivent ses moutonsrsquo

    b Lu =mu =la def (Diouf 2003 289)

    CLCHSGREL =S3SG =O2SG faire

    ba nga di =ko reumlkk

    jusque S2SG IPF =O3SG frapper_dans_le_dos

    lsquoQuest-ce quil ta fait pour que tu le frappes dans le dos rsquo

    c Sama jabar =a di sama deacuteeyandoo (Diouf 2003 96)

    POSS1SG eacutepouse =FOCS COP POSS1SG confident

    lsquoMon eacutepouse est ma confidentersquo

    La variante =y peut ecirctre analyseacutee comme un clitique speacutecial (Voisin 2010 146-147) En effet

    elle correspond parfaitement agrave la deacutefinition proposeacutee par Zwicky (1977) Il sagit dune forme lieacutee

    utiliseacutee comme variante dune forme libre ayant le mecircme sens et une structure phonologique

    similaire mais preacutesentant une distribution syntaxique diffeacuterente Ainsi di et =y ont bien le mecircme

    sens puisquils sont tous deux utiliseacutes comme marqueur dimperfectif ou comme copule La

    structure phonologique de =y peut aiseacutement ecirctre rapprocheacutee de celle de la forme libre di [di] gt i [i]

    gt =y [j] Enfin comme le note Voisin (2010 146) au subjonctif-conseacutecutif la position des deux

    variantes diffegraverent La forme di se place normalement83 entre le pronom sujet et les autres pronoms

    83 Diouf (2009 103) mentionne eacutegalement la possibiliteacute de placer di apregraves tous les pronoms Neacuteanmoins nousnavons retrouveacute que peu doccurrences de ce type de structure dans les propositions au subjonctif-conseacutecutif

    - 178 -

    (164a) alors que la forme =y se place exclusivement apregraves tous les pronoms cest-agrave-dire

    immeacutediatement avant le verbe lexical (164b)

    164) a Dantildeu beumlgg ngeen di =leen=ko =fa yoacutebbul (Diouf 2009 103)

    FOCVS3PL vouloir S2PL IPF =O3PL=O3SG=CLLOCDFDT apporterBEN

    lsquoIls veulent que vous le leur apportiez lagrave-basrsquo

    b Dantildeu beumlgg ngeen=leen=ko =fa=y yoacutebbul (Diouf 2009 103)

    FOCVS3PL vouloir S2PL =O3PL=O3SG=CLLOCDFDT=IPF apporterBEN

    lsquoIls veulent que vous le leur apportiez lagrave-basrsquo

    La variante =a est beaucoup plus rare sauf dans le wolof de Mauritanie ougrave elle est assez

    freacutequente (Dialo et al 1984 8 28) Elle semble ecirctre une variante libre de =y (165-166)

    165) a Nantildeu=y ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)

    OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX

    lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo

    b Nantildeu=a ubbi bunt =bi (Diouf 2009 175)

    OPTS3PL=IPF fermerINV porte =CLbDFPX

    lsquoQuon ouvre la porte (comme regravegle) rsquo

    166) a Mu =ngi=y nelaw (Diouf 2003 478)

    PRO3SG=PRSTPX=IPF dormir

    lsquoIl est en train de dormirrsquo

    b Mu =ngi=a nelaw (Diouf 2003 251)

    PRO3SG=PRSTPX=IPF dormir

    lsquoIl est en train de dormirrsquo

    323 Valeur et emplois du verbe auxiliaire dimperfectif

    Le perfectif indique que la situation est vue comme un tout deacutelimiteacute dans le temps alors que

    limperfectif indique que la situation nest pas deacutelimiteacutee dans le temps mais explicite la structure

    - 179 -

    interne de la situation (Bybee et al 1994) Ainsi limperfectif regroupe plusieurs cateacutegories

    aspectuelles (Comrie 1976 25)

    Aspect

    Perfectif Imperfectif

    Habituel Continu

    Non-progressif Progressif

    Figure 31 - Classification des oppositions aspectuelles

    Le verbe auxiliaire dimperfectif di (et ses allomorphes d- =y et =a) a une valeur geacuteneacuterale

    dimperfectif Comme le note Voisin (2010 144) laquo il preacutesente le procegraves comme non acheveacute au

    point de reacutefeacuterence temporelle raquo Ainsi en fonction du contexte etou de son interaction avec les

    diffeacuterents marqueurs preacutedicatifs il pourra renvoyer agrave une valeur de progressif (167a) dhabituel

    (167b) ou de futur (167c) Ainsi ce verbe laquo recouvre les diffeacuterents champs que donne Comrie

    (1976) agrave laspect imperfective raquo (Voisin 2010 144)

    167) a Sama jaaro =laa=y jeacuteex (Diouf 2003 281)

    POSS1SG bague =FOCCS1SG=IPF chercher_en_fouillant

    lsquoJe fouille pour trouver ma baguersquo

    b Bu =ma=y dem tefes (Diouf 2003 395)

    TEMP =S1SG=IPF partir plage

    carax =yii =laa=y sol

    sandale =CLyDEMPX =FOCCS1SG=IPF porter

    lsquoQuand il marrive daller agrave la plage je porte ces sandalesrsquo

    - 180 -

    c Deacuteweacuten laa=y dem Sapoŋ (Diouf 2003 103)

    an_prochain FOCCS1SG=IPF partir Japon

    lsquoCest lan prochain que je vais aller au Japonrsquo

    33 Le passeacute

    Comme un grand nombre de langues (Timberlake 2007 305 Dixon 2010 154) le wolof

    connaicirct une opposition temporelle entre non-passeacute et passeacute Le non-passeacute constitue la forme non

    marqueacutee Selon le contexte la construction preacutedicative etou la preacutesence du verbe auxiliaire

    dimperfectif il peut avoir une valeur de preacutesent (168a-b) ou de futur (169a-b)

    168) a Dama =la nob (Diouf 2003 260)

    FOCVS1SG =O2SG aimer

    lsquoJe taimersquo

    b Dama =ko=y nettali sama geacutent =gi (Diouf 2003 144)

    FOCVS1SG =O3SG=IPF raconter POSS1SG recircve =CLgDFPX

    lsquoJe lui raconte mon recircversquo

    169) a Dama=y dem Gore eumllleumlg (Diouf 2003 395)

    FOCVS1SG=IPF partir Goreacutee demain

    lsquoJe vais agrave Goreacutee demainrsquo

    b Eumllleumlg nga wat =leen (Diouf 2003 362)

    demain S2SG couper_les_cheveux =O3PL

    lsquoDemain tu leur couperas les cheveuxrsquo

    Certaines propositions non marqueacutees semblent avoir une valeur de passeacute Ainsi dans les

    exemples (170a-b) la situation a clairement eu lieu avant le moment deacutenonciation Ce fait est

    mecircme explicitement affirmeacute en (170b) via le nom biig (nuit derniegravere) Neacuteanmoins si ces

    propositions renvoient agrave une situation ayant eu lieu dans le passeacute du point de vue du temps physique

    (time) elles ne relegravevent pas du passeacute du point de vue du temps grammatical (tense) En effet dans

    ce type deacutenonceacutes laspect importe plus que le temps Autrement dit le locuteur deacutecrit une situation

    - 181 -

    qui certes a lieu dans le passeacute mais surtout qui est finie au moment de reacutefeacuterence (qui est ici

    identique au moment deacutenonciation) Grammaticalement il sagit donc bien de propositions au

    perfectif preacutesent Dailleurs on notera que dans une certaine mesure ce deacutecalage entre time et tense

    est eacutegalement preacutesent dans les traductions franccedilaises des exemples lauxiliaire eacutetant conjugueacute au

    preacutesent de lindicatif

    170) a Dama lagravembaatu ba daj caabi =ji (Diouf 2003 195)

    FOCVS1SG tacirctonner jusque trouver cleacute =CLjDFPX

    lsquoJai tacirctonneacute pour trouver la clefrsquo

    b Dama birale biig yeacutepp (Diouf 2003 71)

    FOCVS1SG rester_eacuteveilleacute nuit_derniegravere CLyTOT

    lsquoJe suis resteacute eacuteveilleacute toute la nuit derniegraverersquo

    Si le non-passeacute constitue la forme non marqueacutee le passeacute est toujours explicitement marqueacute

    Lexpression de ce trait connaicirct quelques variations en fonction de leacuteloignement temporel

    (remoteness) et du type de proposition

    331 Le marqueur de passeacute (w)oon

    La plupart des auteurs considegraverent que le passeacute est exprimeacute par le marqueur (w)oon (Perrin

    2005 162) Ce marqueur est compatible avec toutes les constructions preacutedicatives (agrave lexception

    des injonctives) Neacuteanmoins lanalyse de ce marqueur est relativement probleacutematique En effet il

    ne semble pas avoir le mecircme statut morphosyntaxique dans toutes les constructions

    Dans les constructions preacutedicatives focalisantes au parfait au subjonctif-conseacutecutif et dans les

    relatives il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe -oon apparaissant sur le premier verbe de la

    proposition (171a-b) Comme le suffixe de neacutegation (sect 3112) un w- eacutepentheacutetique est inseacutereacute si le

    verbe fini par une voyelle (171c) et si la proposition est agrave limperfectif -oon se suffixe au verbe

    auxiliaire di provoquant la chute de la voyelle finale du verbe au lieu de linsertion de la consonne

    eacutepentheacutetique (171d)

    171) a Dama dem-oon Faas (Diouf 2003 117)

    FOCVS1SG partir-PAS Fegraves

    lsquoJeacutetais alleacute agrave Fegravesrsquo

    - 182 -

    b Dafa =la beumlgg-oon=a mbalentildefaŋŋ (Diouf 2009 216)

    FOCVS3SG =O2SG vouloir-PAS=DV tromper

    lsquoIl voulait te tromperrsquo

    c Dafa bagraveyyi -woon ay waa-juram (Diouf 2009 48)

    FOCVS1SG abandonner-PAS IDFCLy parentPOSS3SG

    lsquoIl avait abandonneacute ses parentsrsquo

    d Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)

    FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX

    lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo

    Avec la neacutegation affixale il peut apparaicirctre comme un suffixe verbal se situant apregraves le suffixe

    de neacutegation (172a) Neacuteanmoins dans ce contexte le w- est eacutegalement attesteacute (172b-c) (Church

    1981 117) Or une telle eacutepenthegravese nest pas justifieacutee par le systegraveme phonologique de la langue

    (sect 0442) Ainsi dans ces cas woon ne peut pas ecirctre analyseacute comme un affixe La voyelle de ce

    marqueur sharmonise avec la voyelle du verbe (173a-b) (cf Ka 1994 Ch 1) ce qui tend agrave montrer

    quil sagit dun clitique

    172) a Soo =ko fuuf-ul-oonhellip (Diouf 2003 121)

    HYPS2SG =O3SG souffler-NEG-PAS

    lsquoSi tu navais pas souffleacute dessushelliprsquo

    b Bu Maam Xaadim julli-wul =woon ci geacuteej =gihellip (Cisseacute Mo 2006 600)

    TEMP Mame Khadim prier-NEG=PAS PREPPX mer =CLgDFPX

    lsquoSi Mame Khadim navait pas prieacute en merhelliprsquo

    173) a xaal =wa ntildeor-ul =woon (Torrence 2005 196)

    [χɐːl =wɐ ɲɔr-ul =wɔːn][-ATR] [-ATR]

    melon =CLwDFDT ecirc_mucircr-NEG =PAS

    lsquole melon qui neacutetait pas mucircrrsquo

    - 183 -

    b xaal =wa ma jeumlnd-ul =woon (Torrence 2005 196)

    [χɐːl =wɐ mɐ ɟənd-ul =woːn][+ATR] [+ATR]

    melon =CLwDFDT S1SG acheter-NEG =PAS

    lsquole melon que je navais pas acheteacutersquo

    Au parfait neacutegatif agrave la troisiegraveme personne du singulier et en labsence de pronom objet le

    marqueur de passeacute peut apparaicirctre comme un suffixe verbal se situant apregraves le suffixe de neacutegation

    (174a) Dans tous les autres contextes le marqueur de passeacute se reacutealise comme un mot (ou un

    clitique) woon En effet aux autres personnes etou en preacutesence dun ou plusieurs pronoms clitiques

    le marqueur woon ne se suffixe pas au verbe lexical mais se place apregraves lindice de personne et les

    pronoms clitiques (174b-c) contrairement au parfait (non neacutegatif) ou le marqueur de passeacute se

    suffixe au verbe lexical (174d)

    174) a Bokk-ul-oon ca mbojj =ma (Diouf 2003 220)

    participer-PRFNEGS3SG-PAS PREPDT battage =CLmDFDT

    lsquoIl navait pas pris part au battagersquo

    b Dem-u-ma =woon ca lagravemb =ja (Diouf 2003 195)

    partir-PRFNEG-S1SG =PAS PREPDT lutte =CLjDFDT

    lsquoJe navais pas eacuteteacute aux jeux de luttersquo

    c Meumln-u-ma =fa =woon ntildeagravekk=a dem (Diouf 2003 484)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG =CLLOCDFDT =PAS manquer=DV partir

    lsquoJe ne pouvais pas mempecirccher dy allerrsquo

    d Loolu xam-oon =na-a =ko (Diouf 2003 256)

    CLCHSGDEMPX savoir-PAS =PRF-S1SG =O3SG

    ca njalbeacuteen =ga

    PREPDT origine =CLgDFDT

    lsquoJe le savais degraves le deacutebutrsquo

    Par ailleurs dans plusieurs contextes le marqueur de passeacute woon semble se comporter comme

    un verbe (Fal 1999 88 Diouf 2009 62-63) dont le sens est laquo avoir cours exister (dans le

    - 184 -

    passeacute) raquo (Diouf 2003 372) En effet dans certaines relatives woon peut apparaicirctre en labsence

    dun verbe et occupe la position du verbe de la proposition Il peut ecirctre analyseacute comme un verbe

    laquo ecirctre raquo au passeacute agrave valeur existentielle (175a) ou locative (175b)

    175) a Seef =ba woon =a =ko geumln-oon=a ubbeeku (Diouf 2003 141)

    chef =CLbDFDT ecirctrePAS =FOCS =O3SG ecirc_plus-PAS=DV fermerINVMOY

    lsquoLancien chef eacutetait plus ouvert que luirsquo

    (litt lsquoCest le chef qui existait qui eacutetait plus ouvert que luirsquo)

    b Yuri =na siddeacuteem =si woon (Diouf 2009 587)

    vider =PRFS3SG jujube =CLsDFPX ecirctrePAS

    ci poosam yeacutepp

    PREPPX pochePOSS3SG CLCHPLTOT

    lsquoIl a videacute tous les jujubes qui eacutetaient dans sa pochersquo

    Lexistence du verbe wonni (ne plus avoir cours) est un argument suppleacutementaire en faveur de

    cette analyse En effet ce verbe est deacuteriveacute du verbe woon par ajout du suffixe verbal dinversif -i

    (176a) (Fal 1999 88 Diouf 2009 62) On constate que le radical woon subit eacutegalement plusieurs

    changements morphophonologiques reacuteduction de la longueur de la voyelle et geacutemination de la

    consonne finale (176b) Il sagit de changements attendus pour cette deacuterivation lajout du suffixe de

    linversif entraicircne ce type de changements morphophonologiques du radical (176c) (Ka 1981 16-

    18)

    176) a La woon wonn-i =na (Diouf 2003 371)

    CLCHSGDFDT ecirctrePAS ecirctrePASINV-INV =PRFS3SG

    lsquoCe qui avait cours na plus coursrsquo

    b woon gt wonn-i (Diouf 2003 371)

    ecirctrePAS ecirctrePASINV-INV

    lsquoeacutetaitrsquo lsquonest plusrsquo

    c suul gt sull-i (Ka 1981 17)

    enterrer enterrerINV-INV

    lsquoenterrerrsquo lsquodeacuteterrerrsquo

    - 185 -

    Nous pouvons eacutegalement analyser woon comme un verbe dans leacutequivalent passeacute de certains

    preacutedicats non verbaux Comme nous lavons vu en (sect 254) la construction focalisation du

    compleacutement peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux (177a) Au passeacute le marqueur

    woon se place apregraves le marqueur preacutedicatif la (177b) Agrave partir de ces exemples on pourrait supposer

    que la est une copule pouvant prendre le suffixe de neacutegation -(w)oon Neacuteanmoins au moins deux

    arguments viennent infirmer cette hypothegravese Premiegraverement aucun autre suffixe verbal nest

    possible dans ce type de construction Par exemple il est impossible dajouter le suffixe -(w)ul au

    marqueur preacutedicatif la Pour nier ce type de preacutedicat il faut utiliser la copule neacutegative du

    (sect 3141) Deuxiegravemement le marqueur woon ne se place pas immeacutediatement apregraves le marqueur

    preacutedicatif la mais apregraves lindice de personne (178a) et les pronoms clitiques (179a) Or cette

    position est celle quoccupe le verbe lexical dans les preacutedicats verbaux (178b-179b) Ainsi dans ce

    type de construction nous pouvons analyser woon comme un verbe

    177) a Ndaw su jekk =la (Diouf 2003 166)

    dame CLsREL ecirctre_eacuteleacutegant =FOCC

    lsquoCest une dame eacuteleacutegantersquo

    b Xarekat bu aaytal =la woon (Diouf 2003 44)

    guerrier CLbREL ecirctre_brave =FOCC ecirctrePAS

    lsquoCeacutetait un brave combattantrsquo

    178) a Sunu maam =yi ay ceddo =la-ntildeu woon (Diouf 2003 81)

    POSS1PL ancecirctre =CLyDFPX IDFCLy animiste =FOCC-S3PL ecirctrePAS

    lsquoNos ancecirctre eacutetaient des animistesrsquo

    b Ntildei deacutee barsagraveq =la-ntildeu nekk (Diouf 2003 63)

    CLHUMPLDFPX ecirctre_mort au-delagrave =FOCC-S3PL se_trouver

    lsquoLes deacutefunts sont au seacutejour des mortsrsquo

    179) a Benn jinne =la =fi woon (Diouf et al 2009 36)

    CLbSING djinn =FOCC =CLLOCDFPX ecirctrePAS

    lsquoIl eacutetait une fois un djinnrsquo (litt lsquoCeacutetait ici un djinnrsquo)

    - 186 -

    b Beumlcceumlgu ndarakagravemm =la =fi agsi (Diouf 2003 240)

    en_plein_jour =FOCCS3SG =CLLOCDFPX arriver

    lsquoIl est arriveacute ici en plein jourrsquo

    Cette analyse fonctionne aussi avec les preacutedicats non verbaux locatifs Comme nous lavons vu

    en (sect 253) le preacutesentatif peut ecirctre utiliseacute pour former des preacutedicats locatifs (180a) Au passeacute le

    marqueur woon se place apregraves le marqueur preacutedicatif a ng- (180b) Agrave partir de ces exemples on

    pourrait supposer que a ng- est une copule pouvant prendre le suffixe de neacutegation -(w)oon

    Neacuteanmoins comme pour la focalisation du compleacutement deux arguments viennent infirmer cette

    hypothegravese Premiegraverement aucun autre suffixe verbal nest possible dans ce type de construction Par

    exemple il est impossible dajouter le suffixe -(w)ul au marqueur preacutedicatif a ng- Pour nier ce type

    de preacutedicat il faut introduire le verbe nekk (se trouver) (sect 3142) Deuxiegravemement le marqueur

    woon ne se place pas immeacutediatement apregraves le marqueur preacutedicatif a ng- mais apregraves les pronoms

    clitiques (181a) Or cette position est celle quoccupe le verbe lexical dans les preacutedicats verbaux

    (181b)

    180) a Sama baay =a nga ca tool =ba (Diouf 2003 349)

    POSS1SG pegravere =PRSTDT PREPDT champ =CLbDFDT

    lsquoMon pegravere est au champrsquo

    b Ndakaaru yeacutepp =a nga woon ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 81)

    Dakar CLCHPLTOT =PRSTDT ecirctrePAS PREPDT noces =CLgDFDT

    lsquoTout Dakar eacutetait aux nocesrsquo

    181) a Mu =ngi =fi woon leacuteegi (Diouf 2003 513)

    PRO3SG=PRSTPX =CLLOCDFPX ecirctrePAS maintenant

    lsquoIl eacutetait lagrave il y a un instantrsquo

    b Mu =ngi =ko takk ci kojoacuter =bi (Diouf 2003 188)

    PRO3SG=PRSTPX =O3SG attacher PREPPX cou-de-pied =CLbDFPX

    lsquoIl la attacheacute au cou-de-piedrsquo

    Cette analyse semble eacutegalement pertinente avec le dernier type de preacutedicats non verbaux

    nutilisant pas la copule di Comme nous lavons vu en (sect 252) la construction focalisation du sujet

    - 187 -

    peut ecirctre utiliseacutee pour former des preacutedicats eacutequatifs (182a) Au passeacute le marqueur woon se place

    apregraves le marqueur preacutedicatif a (182b) Or cette position est celle quoccupe le verbe lexical dans les

    preacutedicats verbaux (182c)

    182) a Ku meumln te defoo (Shawyer 2009 50)

    CLHUMSGREL pouvoir et fairePRFNEGS2SG

    lu yagravequ yaw =a

    CLCHSGREL gacircterMOY PRO2SG =FOCS

    lsquoQui peut et nempecircche pegravechersquo

    (litt lsquoQui peut et tu ne fais pas ce qui est endommageacute cest toirsquo)

    b Jeumlkkeumlr =ji Yagravembaadu di =ko xool xam ni (Diouf et al 2009 96)

    eacutepoux =CLjDFPX Yambadou IPF =O3SG regarder savoir COMP

    kii jabaram =a woon leegi garab =lahellip

    CLHUMSGDEMPX femmePOSS3SG =FOCS ecirctrePAS maintenant arbre =FOCC

    lsquoLe mari Yambadou le regardait sachant que

    ccedila avait eacuteteacute son eacutepouse et que maintenant ceacutetait un arbrehelliprsquo

    c Guy gu reacutey =a nekk (Diouf 2003 290)

    baobab CLgREL ecirctre_gros =FOCS se_trouver

    ca buntu keumlram

    PREPDT porteGEN maisonPOSS3SG

    lsquoIl y a un gros baobab devant sa maisonrsquo

    Par ailleurs analyser woon comme un verbe permettrait dexpliquer sa position dans les

    propositions au parfait neacutegatif En effet comme nous lavons vu plus haut le marqueur woon se

    place apregraves lindice de personne et les pronoms clitiques (183a) Or cette position est celle

    quoccupe le verbe dans les compleacutements phrastiques agrave linfinitif (183b) Neacuteanmoins contrairement

    au verbe agrave linfinitif (184b) woon nentraicircne jamais lapparition du marqueur de deacutependance verbale

    (184a) De plus dans ce contexte il semble difficile de consideacuterer woon comme un verbe laquo ecirctre raquo

    au passeacute comme dans les preacutedicats non verbaux

    183) a Soacuteoraale-wu-ma =ko =woon (Diouf 2003 488)

    preacutevoir-PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS

    lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo

    - 188 -

    b Meumln-u-ma =ko lekk su amul beumlgeumlj (Diouf 2003 66)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG manger si avoirNEG pureacutee_doseille

    lsquoJe ne peux pas en manger sil nrsquoy a pas de pureacutee doseillersquo

    184) a Meumln-u-ma =woon=a seacuteentu jafe-jafe =yii (Diouf 2003 488)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG =PAS=DV pressentir difficulteacute =CLyDEMPX

    lsquoJe ne pouvais pas entrevoir ces difficulteacutesrsquo

    b Meumln-u-ma=a bantilde=a dem ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 522)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG=DV refuser=DV partir PREPDT noces =CLgDFDT

    lsquoJe ne peux pas manquer daller aux nocesrsquo

    Enfin notons que le marqueur de passeacute est incompatible avec les constructions preacutedicatives

    injonctives cest-agrave-dire limpeacuteratif loptatif et le prohibitif (Dialo 1981a 30 Diouf 2009 179-

    184)

    Pour reacutesumer le marqueur de passeacute est compatible avec toutes les constructions preacutedicatives agrave

    lexception des constructions preacutedicatives injonctives Il est eacutegalement possible dans les

    propositions subordonneacutees relatives et compleacutetives et est compatible avec un verbe agrave linfinitif

    Neacuteanmoins le statut morphosyntaxique de ce marqueur diffegravere selon le type de proposition Dans

    une proposition non neacutegative il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe verbal -(w)oon Agrave limperfectif

    il se suffixe au verbe auxiliaire di Avec la neacutegation affixale il peut se comporter soit comme un

    suffixe verbal -oon soit comme un clitique =woon Par ailleurs il peut apparaicirctre sans verbe

    support dans plusieurs types de propositions Dans ces cas il peut ecirctre analyseacute comme un verbe

    woon (laquo ecirctre raquo au passeacute) Au parfait neacutegatif agrave la troisiegraveme personne du singulier et en labsence de

    pronom objet il peut ecirctre analyseacute comme un suffixe verbal -oon Dans tous les autres contextes il

    se reacutealise comme un mot pouvant ecirctre analyseacute comme un verbe Enfin au futur son statut est plus

    complexe En effet comme nous lavons vu en (sect 22) cette construction est issue de la

    grammaticalisation du parfait imperfectif Ce processus neacutetant pas acheveacute le marqueur de passeacute

    tend agrave se comporter comme un suffixe -oon sur le verbe auxiliaire di84

    84 Fal (1999 88) mentionne eacutegalement la possibiliteacute dajouter woon directement sur un nom (i) mais nous navonstrouveacute aucune occurrence de ce type de construction dans les corpus(i) sama jabar woon

    POSS1SG eacutepouse PAS

    lsquomon eacutepouse dalors mon ex-eacutepousersquo

    - 189 -

    Tableau 32 - Statut du marqueur de passeacute (w)oon

    Preacutedicat verbal Preacutedicatnon verbalNon-neacutegatif Neacutegatif

    ImpeacuteratifIncompatible

    Optatif

    Subjonctif-Conseacutecutif

    Suffixe verbal -(w)oon

    Suffixe -oon surlauxiliaire bantildeInfinitif

    Parfait(Futur)

    Suffixe verbal -oon(ou Verbe woon )

    Focalisation du verbe

    Suffixe verbal -oonou Clitique =woon

    Focalisation du sujet

    Verbe woonFocalisation du compleacutement

    Preacutesentatif

    Relatif

    332 Le passeacute reculeacute

    En plus du marqueur de passeacute (w)oon on note lexistence dun autre marqueur de passeacute -(w)aan

    ou -aa Contrairement au marqueur (w)oon le marqueur -(w)aan ou -aa peut toujours ecirctre analyseacute

    comme un suffixe et a des emplois tregraves limiteacutes Au perfectif il nest attesteacute que dans les

    subordonneacutees temporelles (185a-b) (Church 1981 122)

    185) a Bu =nu joacutege-waan ekool (Diouf 2003 164)

    TEMP =S1PL provenir-PASR eacutecole

    dem jeacuteexaatu gerte ci tool =yi

    partir fouiller arachide PREPPX champs =CLyDFPX

    lsquoEn revenant de leacutecole nous allions fouiller dans les champs pour trouver des arachidesrsquo

    b Bu =nu jagravengi-wul-aan (Diouf 2003 390)

    TEMP =S1PL apprendreAND-NEG-PASR

    danu d-aan reumlbbi xodd

    FOCVS1PL IPF-PASR chasserAND aigrette

    lsquoQuand nous nallions pas en classe nous allions chasser laigrettersquo

    - 190 -

    En revanche agrave limperfectif il est attesteacute dans tous les types de propositions agrave lexception des

    injonctives (Church 1981 122) Dans ce cas -aan se suffixe au verbe auxiliaire di provoquant la

    chute de la voyelle finale du verbe (186a-d)

    186) a Ntildei ntildeu=y wooye wolof tey (Diouf 2003 46)

    CLHUMPLDFPX S3PL=IPF nommer wolof aujourdhui

    am =na jamano joo xam ne

    avoir =PRFS3SG eacutepoque CLjRELS2SG savoir COMP

    ajab =lantildeu =leen d-aan wooye

    ajab =FOCCS3PL =O3PL IPF-PASR appeler

    lsquoCeux quon appelle laquo Wolof raquo actuellement il fut un temps ougrave on les appelait laquo Ajab raquorsquo

    b Danu d-aan reumlbbi jaar (Diouf 2003 153)

    FOCVS1PL IPF-PASR chasserAND rat_palmiste

    ba nu=y xale

    TEMP S1PL=COP enfant

    lsquoNous allions chasser des rats palmistes quand nous eacutetions enfantsrsquo

    c Sama yaay d-aan =na =ma ntildeawal yeacutere ndeumlll (Diouf 2003 242)

    POSS1SG megravere IPF-PASR =PRFS3SG =O1SG coudreBEN habit molleton

    lsquoMa megravere me cousait des habits en molletonrsquo

    d Am-oon =na ay buur yu d-aan tagravepp (Diouf 2003 449)

    avoir-PAS =PRFS3SG IDFCLy roi CLyREL IPF-PASR chacirctrer

    ntildeenn ci seeni jaam

    CLHUMPLSING PREPPX POSS3PLPL esclave

    lsquoIl y avait des rois qui chacirctraient certains de leurs esclavesrsquo

    Agrave limperfectif neacutegatif il est essentiellement attesteacute dans des propositions au parfait neacutegatif

    Neacuteanmoins il ne se place pas apregraves le suffixe de neacutegation comme au perfectif (185b) ni apregraves

    lindice de personne et les pronoms clitiques comme le marqueur woon Il perd sa consonne finale

    se reacuteduisant agrave -aa et se suffixe au verbe auxiliaire di provoquant la chute de la voyelle finale du

    verbe Le suffixe du parfait neacutegatif lindice de personne et les pronoms clitiques se placent apregraves lui

    (187a-b)

    - 191 -

    187) a Sa doom =ji dafa cappe (Diouf 2003 80)

    POSS2SG enfant =CLjDFPX FOCVS3SG ecirctre_cheacutetif

    Xanaa d-aa-wuloo =ko nagravempal

    est-ce_donc_que IPF-PASR-PRFNEGS2SG =O3SG teacuteterCAUS

    lsquoTon enfant est cheacutetif Est-ce que tu ne lallaitais pas rsquo

    b Dantildeu =ko folli ndax (Diouf 2003 129)

    FOCVS3PL =O3SG eacutelireINV parce_que

    d-aa-wul taxawu liggeacuteeykat =yi

    IPF-PASR-PRFNEGS3SG assister travaillerAGT =CLyDFPX

    lsquoOn la destitueacute car il ne deacutefendait pas les travailleursrsquo

    Deacuteterminer la valeur de ce suffixe en wolof contemporain est relativement difficile Certains

    auteurs lanalysent comme une marque de passeacute reculeacute85 utiliseacutee pour indiquer que la situation a eu

    lieu agrave un moment tregraves eacuteloigneacute du moment deacutenonciation (Sauvageot 1965 127 Nussbaum et al

    1970 375) Pour dautres auteurs ce suffixe a une valeur habituelle ou iteacuterative dans le passeacute

    (Church 1981 124 Diouf 2009 144 Perrin 2005 165)

    Ces divergences danalyse sont essentiellement dues aux contraintes demploi de ce marqueur

    Notre hypothegravese est la suivante le suffixe -(w)aan est un suffixe de passeacute reculeacute utiliseacute

    essentiellement agrave limperfectif etou dans des subordonneacutees temporelles Ces contraintes demploi

    tendent agrave reacuteanalyser ce suffixe comme une marqueur de passeacute habituel86 Ainsi dans les exemples

    (185a-b) le suffixe -(w)aan exprime uniquement le passeacute reculeacute le caractegravere habituel de la

    situation est exprimeacute par bu (quand) De mecircme dans les exemples (186a-d) et (187a-b) la valeur

    habituelle ou iteacuterative est exprimeacutee par le verbe auxiliaire dimperfectif di Neacuteanmoins dans

    lexemple (186d) le verbe de la principal porte le suffixe du passeacute -oon alors que le verbe de la

    relative porte le suffixe du passeacute reculeacute -aan Or la situation deacutecrite dans la relative nest pas

    anteacuterieure agrave celle de la principale elles sont neacutecessairement concomitantes Deux analyses peuvent

    ecirctre proposeacutees pour expliquer cette situation Premiegraverement le suffixe -aan ne pouvant apparaicirctre

    sur un verbe au parfait la seule maniegravere dexprimer le passeacute dans la principale est le suffixe -oon

    Deuxiegravemement le suffixe -aan nexprime pas le passeacute reculeacute mais le passeacute habituel La distinction

    entre -oon et -aan nest plus temporelle mais aspectuelle De fait on pourrait pousser cette analyse

    85 Terme emprunteacute agrave Benveniste (1965 75) correspondant au remote past de Bybee et al (1994 98)86 Cette reacuteanalyse a eacutegalement pu ecirctre renforceacutee par la proximiteacute formelle entre le suffixe -(w)aan et le suffixe

    diteacuteratif -(w)aat

    - 192 -

    en consideacuterant que daan nest plus deacutecomposable en synchronie mais doit plutocirct sanalyser comme

    un adverbe exprimant le passeacute habituel Neacuteanmoins lexistence dun suffixe verbal -aan dans

    certaines propositions (185a-b) et la position syntaxique de daan (186a-d) rend cette derniegravere

    analyse contestable

    333 Lanteacuterieur ou passeacute relatif

    Comme nous lavons vu en (sect 245) dans les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques le

    verbe de ces propositions doit prendre un suffixe -ee Suivant Fal (1999 122) et Perrin (2005

    369) nous analysons ce suffixe comme un marqueur danteacuterioriteacute cest-agrave-dire que laquo loccurrence agrave

    laquelle reacutefegravere la proposition subordonneacutee succegravede dans le temps agrave loccurrence agrave laquelle reacutefegravere la

    proposition principale raquo (Perrin 2005 369) Il sagit donc dune marque de passeacute relatif au sens de

    Comrie (1985a Ch 3) En effet la situation deacutecrite dans la subordonneacutee nest pas anteacuterieure au

    moment de leacutenonciation (ce qui est la deacutefinition dun passeacute absolu) mais est anteacuterieure agrave un

    moment de reacutefeacuterence deacutefini dans la principale (188a-c)

    188) a Bi ma agsi-ee dafa teumlb langaamu =ma (Diouf 2003 196)

    TEMP S1SG arriver-ANT FOCVS3SG sauter sagripper =O1SG

    lsquoQuand je suis arriveacute il a sauteacute et sest accrocheacute agrave moirsquo

    b Bu =nu deacutegg-ee sab deumlnnu (Diouf 2003 102)

    TEMP =S1PL entendre-ANT POSS2SGCLb rugissement

    gaajo =ga dina tas

    danse =CLgDFDT FUTS3SG prendre_fin

    lsquoQuand nous entendrons ton rugissement la partie de danse prendra finrsquo

    c Su =ma =la =ko jaay-ee (Diouf 2003 133)

    HYP =S1SG =O2SG =O3SG vendre-ANT

    ci njeacuteg =loolu dina =ma gaantilde

    PREPPX prix =CLlDEMPX FUTS3SG =O1SG blesser

    lsquoSi je te le vends agrave ce prix cela me portera preacutejudicersquo

    - 193 -

    334 Passeacute et conditionnel

    En wolof lexpression du conditionnel est lieacutee agrave lexpression du passeacute En effet comme nous

    lavons vu en (sect 221) avec le marqueur de passeacute (w)oon un eacutenonceacute au futur (ou au parfait

    imperfectif) peut avoir une lecture conditionnelle (189a-b) Exprimer le conditionnel comme un

    laquo futur dans le passeacute raquo est un proceacutedeacute relativement freacutequent dans les langues (Comrie 1985a 75)

    189) a Digaale =bi ci diggante reacuteewi (Diouf 2003 537)

    partenariat =CLbDFPX PREPPX intervalle paysGENPL

    Afrik =yi d-oon =na baax

    Afrique =CLyDFPX IPF-PAS =PRFS3SG ecirctrebon

    lsquoLe partenariat entre les pays africains serait une bonne chosersquo

    b Mbantilde-gagravecce d-oon =na =fi baax (Diouf 2003 563)

    rideau IPF-PAS =PRFS3SG =CLLOCDFPX ecirctre_bien

    lsquoUn rideau serait bien icirsquo

    Par ailleurs avec le marqueur de passeacute (w)oon (190a-b) ou le suffixe de passeacute reculeacute -(w)aan

    (190c) une subordonneacutee hypotheacutetique aura une valeur de subordonneacutee contrefactuelle (Perrin

    2005 173-176) Lagrave encore ce proceacutedeacute est attesteacute dans dautres langues comme langlais ou le

    franccedilais (Perrin 2012 86) Ainsi dans la traduction franccedilaise des exemples (190a-c) le verbe de la

    subordonneacutee est eacutegalement au passeacute

    190) a Su =ma yore -woon caabi =ji (Diouf 2003 434)

    HYP =S1SG avoir_avec_soi-PAS cleacute =CLjDFPX

    nu dem ci neacuteeg =bi

    S1PL partir PREPPX chambre =CLbDFPX

    lsquoSi javais la cleacute nous irions dans la chambrersquo

    b Su mbaxana d-oon naan yoacuteor (Diouf 2003 409)

    HYP coiffe IPF-PAS boire cerveau

    kenn du =ko sol

    CLHUMSGSING FUTNEGS3SG =O3SG porter

    lsquoSi la coiffure buvait le cerveau personne ne la porteraitrsquo

    - 194 -

    c Soo beumlgg-aan dugal woto ci reacuteew =mi (hellip) (Diouf 2003 201)

    HYPS2SG vouloir-PASR entrerCAUS voiture PREPPX pays =CLmDFPX

    lsquoSi tu voulais importer une voiture dans le pays (hellip)rsquo

    Comme nous lavons vu en (sect 245) bu introduit geacuteneacuteralement une subordonneacutee temporelle

    Cependant avec le marqueur (w)oon la subordonneacutee aura une valeur de subordonneacutee

    contrefactuelle (191a) dans ce contexte bu et su sont synonymes (Perrin 2008 75) Ainsi les

    subordonneacutees temporelles sont incompatibles avec le marqueur de passeacute Dans ce type de

    subordonneacutees le passeacute absolu se marque agrave laide du marqueur deacuteictique sur le subordonnant Le

    marqueur -i indique le passeacute (191a) et le marqueur -a indique le passeacute reculeacute (191b) (Perrin 2008

    74)87

    191) a Boo xam-oon caay-caay =gi ci gone =gii (Diouf 2003 78)

    TEMPS2SG savoir-PAS espiegraveglerie =CLgDFPX PREPPX enfant =CLgDEMPX

    lsquoSi tu savais lesprit coquin qui anime cet enfant rsquo

    b B-i ma =ko gis-ee keroog (Diouf 2003 216)

    TEMP-PAS S1SG =O3SG voir-ANT lautre_jour

    dafa d-oon mbaaru

    FOCVS3SG IPF-PAS marcher_comme_une_marionette

    lsquoQuand je lai vu lautre jour il marchait comme une marionnettersquo

    c B-a mu dem-ee Popongin (Diouf 2003 386)

    TEMP-PASR S3SG partir-ANT Poponguine

    daaw dafa xeumlm-oon

    an_dernier FOCVS3SG seacutevanouir-PAS

    lsquoQuand il eacutetait alleacute agrave Popenguine lan dernier il seacutetait eacutevanouirsquo

    Enfin il existe un morphegraveme koon (ou konte) qui peut ecirctre analyseacute comme un marqueur

    dirrealis (Perrin 2005 177-179) Ce marqueur apparaicirct dans un nombre tregraves limiteacute de contextes Il

    est uniquement attesteacute dans les subordonneacutees contrefactuelles neacutegatives dont le verbe est une copule

    (192a) et dans les propositions principales au parfait suivant une subordonneacutee contrefactuelle

    (192b)

    87 cf (sect 245) pour une explication de ce pheacutenomegravene

    - 195 -

    192) a Su d-ul koon jat julli aay (Diouf 2003 162)

    HYPS3SG COP-NEG IRR pantalon prier ecirctre_mal

    lsquoSans le port du pantalon il serait mal de prierrsquo

    b Su =ma =ko xam-oon wax koon =naa =ko (Perrin 2005 177)

    HYP =S1SG =O3SG savoir-PAS dire IRR =PRFS1SG =O3SG

    lsquoSi je lavais su je laurais ditrsquo

    Le marqueur koon tend agrave disparaicirctre en wolof contemporain (Church 1981 138-139 Perrin

    2005 178) Neacuteanmoins si lon en croit les grammaires du XIXe siegravecle son emploi eacutetait beaucoup

    plus eacutetendu dans un eacutetat anteacuterieur de la langue Selon Kobegraves (1869 254-257) ce marqueur est

    compatible avec le parfait le parfait neacutegatif le futur le futur neacutegatif la focalisation du sujet la

    focalisation du compleacutement la focalisation du verbe De plus il est geacuteneacuteralement deacutecrit comme

    eacutetant en distribution compleacutementaire avec le marqueur de passeacute (w)oon

    34 La voix

    La voix peut ecirctre deacutefini comme un meacutecanisme dans lequel une modification du syntagme verbal

    (affixation ou auxiliation) provoque une reacuteorganisation de la relation entre les fonctions syntaxiques

    et les rocircles seacutemantiques lieacutes au preacutedicat (Nouguier-Voisin 2002 72) Le wolof a cinq voix

    marqueacutees essentiellement par des suffixes de deacuterivation (Tableau 33) la voix moyenne (193a) la

    voix causative (193b) la voix applicative (193c) la voix de co-participation (193d) et la voix

    antipassive (193e)88

    193) a Gaynde =yi sang-u =nantildeu (Nouguier-Voisin 2002 113)

    lion =CLyDFPX laver-MOY =PRFS3PL

    ci deumlx =gii

    PREPPX fleuve =CLgDEMPX

    lsquoLes lions se sont laveacutes dans ce fleuversquo

    b Bax-al =na ntildeebbe =ji (Nouguier-Voisin 2002 152)

    bouillir-CAUS =PRFS3SG nieacutebeacute =CLjDFPX

    lsquoIl a fait bouillir les nieacutebeacutesrsquo

    88 Pour une description complegravete du systegraveme des voix en wolof voir Nouguier-Voisin (2002)

    - 196 -

    c Mu teg-al =leen xeex =wi jeumlkk (Nouguier-Voisin 2002 218)

    S3SG poser-APPL =O3PL pierre =CLwDFPX ecirctre_premier

    ci taax =mi

    PREPPX construction =CLmDFPX

    lsquoIl a poseacute pour eux la premiegravere pierre sur la constructionrsquo

    d Rey-ante =nantildeu (Nouguier-Voisin 2002 286)

    tuer-RECP =PRFS3PL

    lsquoIls se sont entre-tueacutesrsquo

    e Xaj =bii du magravett-e (Nouguier-Voisin 2002 310)

    chien =CLbDEMPX FUTNEGS3SG mordre-ANTIP

    lsquoCe chien ne mord pasrsquo

    Tableau 33 - Liste des suffixes de voix89

    Voix moyenne -u

    Voix causative -e -al -le -lu -loo

    Voix applicative -e -al

    Voix de co-participation -oo -e -ante -andoo -aale

    Voix antipassive -e

    Il convient de noter que si la majoriteacute des voix sont exprimeacutees par des suffixes de deacuterivation

    verbale le reacutefleacutechi (194a) et le causatif (194b) peuvent ecirctre exprimeacutes lexicalement

    194) a Beumlgg =na bopp-am (Nouguier-Voisin 2002 100)

    aimer =PRFS3SG tecircte-POSS3SG

    lsquoIl saimersquo

    b Yaa tax =ma dem (Nouguier-Voisin 2002 137)

    PRO2SGFOCS causer =S1SG partir

    lsquoCest agrave cause de toi que je parsrsquo

    89 Extrait de Nouguier-Voisin (2002 91)

    - 197 -

    - 198 -

    CCHAPITREHAPITRE 4 - 4 - LLAA STRUCTURESTRUCTURE ARGUMENTALEARGUMENTALE

    Les arguments (sujet et objet) et satellites du verbe sont susceptibles dapparaicirctre soit sous forme

    lexicale (noteacutes respectivement S O X dans les schegravemes preacutesenteacutes au Chapitre 2) soit sous forme

    pronominale (noteacutes respectivement s o x)

    41 Les arguments et satellites lexicaux

    Par argument (ou satellite) lexical nous deacutesignons un argument (ou satellite) du verbe ayant la

    forme dun syntagme geacuteneacuteralement nominal90 Il convient tout dabord de noter que les noms sont

    reacutepartis en classes nominales91 Il existe dix marqueurs de cateacutegorisation nominale huit au

    singulier k b g m w j l s et deux au pluriel ntilde y Ces marqueurs napparaissent jamais sur le

    nom mais uniquement sur les deacuteterminants et le relativiseur En plus de leur rocircle dans la

    classification des substantifs certains marqueurs de classe ont un sens speacutecifique Cest le cas des

    classes k- (qui reacutefegravere agrave un individu humain) ntilde- (qui reacutefegravere agrave des individus humains pluriel de k-) et

    l- (qui reacutefegravere agrave une chose) Il faut ajouter agrave cette liste les marqueurs f- (locatif) n- (qui reacutefegravere agrave la

    maniegravere) et c- (partitif preacuteposition92) qui bien que neacutetant pas (ou plus) des marqueurs de classe

    sont susceptibles de rentrer dans les mecircmes types de construction que les autres marqueurs

    La structure du syntagme nominal peut ecirctre plus ou moins complexe Il peut se reacuteduire agrave sa tecircte

    soit sous la forme dun nom propre (195a) soit sous la forme dun nom nu (195b)

    195) a [Omar] =lantildeuy teeru (Diouf 2003 338)

    Omar =FOCCS3PLIPF accueillir

    lsquoOn accueille Omarrsquo

    b [Cere] =laay togg (Diouf 2003 338)

    couscous =FOCCS1SGIPF cuisiner

    lsquoJe preacutepare du couscousrsquo

    90 Pour une description plus complegravete du syntagme nominal voir Gueacuterin (2011)91 Pour un traitement approfondi de la notion de laquo classe nominale raquo voir Creissels (1999) Kihm (2003) et

    Aikhenvald (2000)92 Pour une une analyse deacutetailleacutee de cica voir Perrin (2005 484-535)

    - 199 -

    Il peut eacutegalement sagir dun syntagme nominal simple constitueacute dun nom et dun ou plusieurs

    deacuteterminants (196a-b) Il existe plusieurs types de deacuteterminants individualisateur augmentatif

    totaliseur article deacutefini article indeacutefini deacutemonstratif et interrogatif93 Tous ces deacuteterminants se

    construisent agrave partir dun marqueur de classe et dans le cas des deacuteterminants deacutefinis indeacutefinis et

    deacutemonstratifs dun marqueur deacuteictique94 Le marqueur proximal (-i) indique que lentiteacute deacutetermineacutee

    est proche dans lespace ou dans le temps le marqueur distal (-a) indique que lentiteacute deacutetermineacutee est

    eacuteloigneacutee dans lespace ou dans le temps le marqueur dindeacutetermination (-u) indique que lentiteacute

    deacutetermineacutee se situe dans un espace ou un temps indeacutetermineacute

    196) a [Magravengo =bii] =laa beumlgg (Diouf 2003 70)

    mangue =CLbDEMPX =FOCCS1SG vouloir

    lsquoCest cette mangue que je veuxrsquo

    b Wool [beneen xale =bi] (Diouf 2003 67)

    appelerIMPS2SG CLbALT enfant =CLbDFPX

    lsquoAppelle lautre enfant rsquo

    Enfin le syntagme nominal peut ecirctre complexe Il peut sagir dune construction geacutenitive (197a)

    relative (197b-c) ou de syntagmes coordonneacutes (197d) Le geacutenitif est formeacute agrave laide dun morphegraveme

    geacutenitif suffixeacute au nom tecircte immeacutediatement suivi par le syntagme geacutenitif95 La relative neacutecessite un

    relativiseur qui se situe apregraves le nom de domaine et avant le verbe de la relative96

    197) a [Ndox-um teen] =a =ko geumlnal (Diouf 2009 139)

    eau-GEN puits =FOCS =O3SG ecirctre_mieuxBEN

    lsquoLeau de puits est meilleure pour luirsquo

    b [Jeumlkkeumlr ju baax] =laa =ko yeacuteene (Diouf 2003 571)

    mari CLjREL ecirctre_bon =FOCCS1SG =O3SG souhaiter

    lsquoJe lui souhaite un bon marirsquo

    93 Pour une liste exhaustive des deacuteterminants du wolof voir Fal et al (1990 20) Ma Cisseacute (2007 56-57) Diouf(2009 173) ou Gueacuterin (2011 111)

    94 Ce type de marqueur entre eacutegalement dans la construction des preacutepositions du relativiseur du marqueur preacutedicatifdu preacutesentatif ainsi que dans une certaine mesure du geacutenitif

    95 Pour une une analyse deacutetailleacutee des constructions geacutenitive et possessive en wolof voir Gueacuterin (2015a)96 Pour une une analyse deacutetailleacutee des relatives en wolof voir Sall (2005)

    - 200 -

    c [Xaalis =bi nga =ko may] (Diouf 2003 284)

    argent =CLbDFPX S2SG =O3SG offrir

    =a =ko tax=a ragravekkaaju

    =FOCS =O3SG causer=DV ecirctre_surexciteacute

    lsquoCest agrave cause de largent que tu lui as donneacute quil est surexciteacutersquo

    d Deacutenku =naa [Yagravella =ak yonent =bi] (Diouf 2003 101)

    confierMOY =PRFS1SG Dieu =avec prophegravete =CLbDFPX

    lsquoJe men remets agrave Dieu et agrave son prophegravetersquo

    411 Le sujet lexical

    La position syntaxique du sujet lexical nest pas la mecircme dans toutes les constructions

    preacutedicatives Il se place entre le marqueur preacutedicatif et le verbe dans les constructions optatif

    focalisation du compleacutement et prohibitif (198a) alors quil se place avant le marqueur preacutedicatif

    dans toutes les autres constructions (198b) (Ch 2)

    198) a Bu xaj =bi dugg (Church 1981 104)

    PROH chien =CLbDFPX entrer

    lsquoQue le chien nentre pas rsquo

    b Rajo =bi =dafa yagravequ (Diouf 2003 399)

    radio =CLbDFPX =FOCVS3SG gacircterMOY

    lsquoLa radio est casseacuteersquo

    Par ailleurs lorsque le sujet lexical est topicaliseacute il se place en tecircte de phrase (199a-b) (Sall

    2005 107-119)

    199) a Lawbe =bi =moo gaantildeu (Sall 2005 108)

    bucirccheron =CLbDFPX =PRO3SGFOCS blesserMOY

    lsquoLe bucirccheron il sest blesseacutersquo

    - 201 -

    b Mool yu bare (Diouf 2003 227)

    pecirccheur CLyREL ecirctre_nombreux

    gaalu motoor =lantildeu am

    bateauGEN moteur =FOCCS3PL avoir

    lsquoBeaucoup de pecirccheurs ont des bateaux agrave moteurrsquo

    (litt lsquoBeaucoup de pecirccheurs ceux sont des bateaux agrave moteur quils ontrsquo)

    412 Lobjet lexical

    Quelque soit la construction preacutedicative lobjet lexical est placeacute sur le bord droit du preacutedicat

    (200a-b) (Ch 2) Neacuteanmoins lorsque lobjet lexical est focaliseacute il est placeacute immeacutediatement avant le

    marqueur preacutedicatif la (200c) Lorsquil est topicaliseacute lobjet lexical se place en tecircte de phrase et est

    repris par un pronom objet (200d) (Sall 2005 114)

    200) a Max =yi lekk =nantildeu matt meacutepp (Diouf 2003 214)

    termite =CLyDFPX manger =PRFS3PL bois CLmTOT

    lsquoLes termites ont rongeacute tout le boisrsquo

    b Eumllleumlg =lantildeuy indi warugar =wi (Diouf 2003 362)

    demain =FOCCS3PLIPF apporter dot =CLwDFPX

    lsquoCest demain quils vont apporter la dotrsquo

    c Kaabar =wi =laa jaay (Diouf 2003 178)

    brebis =CLwDFPX =FOCCS1SG vendre

    lsquoCest la brebis que jai venduersquo

    d Sa mbeumlr =mi (Diouf 2003 167)

    POSS2SG champion =CLmDFPX

    jeacutellam =bi =dafa =ko bett

    chutePOSS3SG =CLbDFPX =FOCVS3SG =O3SG surprendre

    lsquoTon champion a eacuteteacute surpris par sa chutersquo (litt lsquoTon champion sa chute la surprisrsquo)

    Par ailleurs le wolof ne distingue pas formellement les deux objets dun verbe ditransitif

    Neacuteanmoins plusieurs regravegles reacutegissent lordre lineacuteaire et linterpreacutetation seacutemantique des objets

    - 202 -

    lexicaux (Becher 2005 19-21)

    bull Ordre lineacuteaire = Nom propre gt SN deacutefini gt SN indeacutefini (201a-b)

    bull Les objets [+animeacute] sont interpreacuteteacutes comme beacuteneacuteficiaires les [-animeacute] comme thegravemes

    (201a)

    bull Si les deux objets sont [+animeacute] lobjet deacutefini est consideacutereacute comme beacuteneacuteficiaire lobjet

    indeacutefini comme thegraveme (201c)

    bull Si les caracteacuteristiques des objets sont identiques (deacutefinitude et animaciteacute) lobjet en

    premiegravere position est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (201d-e)

    201) a Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)

    donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX

    [benn velo]

    CLbSING veacutelo

    lsquoJai donneacute un veacutelo agrave la fillersquo

    b Jox =naa [Faatu] [gaynde =gi] (Becher 2005 20)

    donner =PRFS1SG Fatou lion =CLgDFPX

    lsquoJai donneacute le lion agrave Fatoursquo

    c Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)

    donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX

    [genn gaynde]

    CLgSING lion

    lsquoJai donneacute un lion agrave la fillersquo

    d Jox =naa [xale bu jigeacuteen =ji] (Becher 2005 19)

    donner =PRFS1SG enfant CLbREL ecirc_femelle =CLjDFPX

    [gaynde =gi]

    lion =CLgDFPX

    lsquoJai donneacute le lion agrave la fillersquo

    - 203 -

    e Jox =naa [gaynde =gi] (Becher 2005 19)

    donner =PRFS1SG lion =CLgDFPX

    [xale bu jigeacuteen =ji]

    enfant CLbREL ecirctre_femelle =CLjDFPX

    lsquoJai donneacute la fille au lionrsquo

    Si les caracteacuteristiques des objets (deacutefinitude et animaciteacute) rentrent en conflit avec ces regravegles

    lobjet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel introduit par

    la preacuteposition ci Par exemple si le beacuteneacuteficiaire est deacutefini alors que le thegraveme est indeacutefini lobjet

    ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (202a) ou si le

    beacuteneacuteficiaire est deacutefini alors que le thegraveme est un nom propre lobjet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire

    est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (202b) (Becher 2005 19-21)

    202) a Jox =naa [velo =bi] (Becher 2005 19)

    donner =PRFS1SG veacutelo =CLbDFPX

    [ci benn xale bu jigeacuteen]

    PREPPX CLbSING enfant CLbREL ecirctre_femelle

    lsquoJai donneacute le veacutelo agrave une fillersquo

    b Jox =naa [Faatu] [ci gaynde =gi] (Becher 2005 20)

    donner =PRFS1SG Fatou PREPPX lion =CLgDFPX

    lsquoJai donneacute Fatou au lionrsquo

    413 Le satellite lexical

    Les satellites (ou adjoints) du verbe ou de la proposition laquo ajoutent des informations dont la

    nature ne deacutepend pas du type preacutecis de procegraves signifieacute par le verbe raquo (Creissels 2006a 274) Le

    satellite peut ecirctre un syntagme preacutepositionnel (203a) un adverbe (203b) un syntagme nominal

    (203c) ou un nom nu (203d)

    203) a Dinaa =fa ntildeoacutew ci ngoon =gi (Diouf 2003 253)

    FUTS1SG =CLLOCDFDT venir PREPPX apregraves-midi =CLgDFPX

    lsquoJe viendrai lagrave-bas dans lapregraves-midirsquo

    - 204 -

    b Duma =ko def mukk (Diouf 2003 515)

    FUTNEGS1SG =O3SG faire jamais

    lsquoJe ne le ferai jamaisrsquo

    c Bii yoon duma =la woo (Diouf 2003 408)

    CLbDEMPX fois FUTNEGS1SG =O2SG appeler

    lsquoCette fois-ci je ne tappellerai pasrsquo

    d Dina dem Magravekka deacuteweacuten97 (Diouf 2003 106)

    FUTS3SG aller La_Mecque an_prochain

    lsquoIl ira agrave La Mecque lan prochainrsquo

    Le satellite est geacuteneacuteralement placeacute en tecircte ou en fin de proposition (203a-d) Neacuteanmoins certains

    adverbes peuvent se placer entre le verbe et lobjet lexical (204a) On remarque eacutegalement que

    ladverbe rekk (seulement) peut apparaicirctre entre le marqueur preacutedicatif dafa et le verbe lexical

    (204b) Enfin la particule dirrealis koon apparaicirct geacuteneacuteralement entre le verbe et le marqueur

    preacutedicatif na (204c) (Perrin 2005 177)

    204) a Woacuteolu-wuma lool tirngeumll =bi (Diouf 2003 345)

    sefier-PRFNEGS1SG trop corde =CLbDFPX

    lsquoJe ne me fie pas trop agrave la cordersquo

    b Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)

    POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCVS3SG seulement ecirctre_sans_gecircne

    lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo

    c Su =ma =ko xam-oon wax koon =naa =ko (Perrin 2005 177)

    HYP =S1SG =O3SG savoir-PAS dire IRR =PRFS1SG =O3SG

    lsquoSi je lavais su je laurais ditrsquo

    97 Le mot deacuteweacuten nest pas un adverbe mais un nom appartenant agrave la classe j- (Diouf 2003 103) ou agrave la classe s- (Falet al 1990 60)

    - 205 -

    42 Les arguments pronominaux

    Les pronoms peuvent ecirctre deacutefinis comme des morphegravemes dont les reacutefeacuterents seraient susceptibles

    decirctre repreacutesenteacutes par des syntagmes nominaux Leur sens lexical est fondamentalement relatif au

    contexte discursif et ne met en jeu que secondairement les caracteacuteristiques seacutemantiques intrinsegraveques

    de leur reacutefeacuterent (Creissels 2006a 81)

    Comme dans de nombreuses langues (Creissels 2006a 92-95) on peut distinguer en wolof des

    pronoms personnels forts (ou emphatiques) et des pronoms personnels faibles Les pronoms faibles

    se subdivisent en pronoms sujets et pronoms objets

    Tableau 41 - Inventaire des pronoms personnels98

    Pronom fortPronom faible

    SujetObjet

    Libre Lieacute Libre Lieacute

    SG

    1 man ma- ma -(m)a ma

    2 yow ya- nga -(ng)a la

    3 moom mu- mu Oslash ko

    PL

    1 nun nu- nu -nu nu

    2 yeen yeen- ngeen -(ng)een leen

    3 ntildeoom ntildeu- ntildeu -ntildeu leen

    Notons que le reacuteflexivisation nest pas exprimeacutee par un pronom La construction reacutefleacutechie est

    constitueacutee dun syntagme nominal comprenant un deacuteterminant possessif accordeacute au sujet et le mot

    bopp (tecircte) (205a-b)

    205) a Yaa =ko def-al sa bopp (Diouf 2003 525)

    PRO2SGFOCS =O3SG faire-BEN POSS2SG tecircte

    lsquoTu las fait toi-mecircmersquo

    b Moo dem-al bopp-am (Diouf 2003 525)

    PRO3SGFOCS partir-BEN tecircte-POSS3SG

    lsquoElle est partie delle-mecircmersquo

    98 Nous pouvons remarquer que le paradigme des deacuteterminants possessifs est morphologiquement lieacute au paradigmedes pronoms personnels sama (1SG) sa (2SG) -am (3SG) sunu (1PL) seen (2-3PL)

    - 206 -

    421 Les pronoms forts

    Les pronoms forts sont aptes agrave occuper les mecircmes positions syntaxiques que les syntagmes

    nominaux (206-207) Lemploi de ces pronoms implique toujours une emphase puisquils

    apparaissent uniquement en position de topique (206a-b) ou de focus (207a-b)

    206) a Moom duma =ko woo (Diouf 2003 227)

    PRO3SG FUTNEGS1SG =O3SG appeler

    lsquoLui je ne lappellerai pasrsquo

    b Ndull =mi duma =ko jaay (Diouf 2003 245)

    mil =CLmDFPX FUTNEGS1SG =O3SG vendre

    lsquoLe mil je ne le vendrai pasrsquo

    207) a Yow =la woo (Diouf 2003 410)

    PRO2SG =FOCCS3SG appeler

    lsquoCest toi quil a appeleacutersquo

    b Xeacutedd bu mag =la jeacutend (Diouf 2003 384)

    brochet CLbREL ecirctregrand =FOCCS3SG acheter

    lsquoCest un grand brochet quil a acheteacutersquo

    Nous consideacuterons comme Diouf (1985 15-20) que les pronoms sujets des constructions

    focalisation du sujet et preacutesentatif sont des formes contracteacutees des pronoms forts Deux arguments

    viennent soutenir cette hypothegravese Premiegraverement comme nous lavons vu en (sect 25) dans ces deux

    constructions le sujet est focaliseacute et est placeacute en premiegravere position (208a-b) Ces caracteacuteristiques le

    rapprochent de lobjet de la focalisation du compleacutement qui occupe eacutegalement la premiegravere position

    syntaxique (208c)

    208) a Ma=a =ko def (Diouf 2003 208)

    PRO1SG=FOCS =O3SG faire

    lsquoCest moi qui lai faitrsquo

    - 207 -

    b Ma=a ngi=y ntildeoacutew (Diouf 2003 565)

    PRO1SG=PRSTPX=IPF venir

    lsquoJarriversquo

    c Man =la=y waxal (Diouf 2003 358)

    PRO1SG =FOCCS3SG=IPF parlerAPPL

    lsquoCest agrave moi quil parlersquo

    Par ailleurs la forme contracteacutee des pronoms forts est attesteacutee dans dautres contextes En effet

    lorsquun pronom fort est suivi de la conjonction de coordination ak (avec et) il peut apparaicirctre

    sous une forme contacteacutee (209a-c) (Diouf 2009 36 Torrence 2013a 47)

    209) a Mook Omar la (Diouf 2003 227)

    mu=ak Omar =la

    PRO3SG=avec Omar =FOCC

    lsquoCest lui et Omarrsquo

    b Yaak Omar dangeen di dem Pari (Diouf amp Yaguello 1991 99)

    ya=ak Omar =dangeen di dem Pari

    PRO2SG=avec Omar =FOCVS2PL IPF aller Paris

    lsquoOmar et toi vous allez agrave Parisrsquo

    c Ntildeook yeenay agravend (Diouf 2003 269)

    ntildeu=ak yeen=a=y agravend

    PRO3PL=avec PRO3PL=FOCS=IPF aller_avec

    lsquoCe sont eux et vous qui irez ensemblersquo

    Ainsi les pronoms forts apparaissent sous une forme libre cest-agrave-dire morphologiquement

    autonome lorsquils sont en fonction de topique (206a) ou dobjet de la construction focalisation du

    compleacutement (207a) Par contre ils apparaissent sous une forme lieacutee lorsquils sont en fonction de

    sujet des constructions focalisation du sujet (208a) et preacutesentatif (208b) ou lorsquils sont suivis de

    la conjonction de coordination ak (209a-c) Dans ces trois derniers cas le pronom fort samalgame

    au marqueur preacutedicatif ou agrave la conjonction Notons que le pronom de deuxiegraveme personne du pluriel

    na pas de forme lieacutee il apparaicirct toujours en forme libre yeen

    - 208 -

    Tableau 42 - Inventaire des pronoms personnels forts

    Pronom fort Formes contracteacutees

    Libre Lieacute + ak (avec) + a (FOCS) + a ngi (PRST)

    SG

    1 ma-n rarr man ma- maak maa maa ngi

    2 ya-w rarr yow ya- yaak yaa yaa ngi

    3 mu-am rarr moom mu- mook moo mu (a) ngi

    PL

    1 nu-n rarr nun nu- nook noo nu (a) ngi

    2 ya-een rarr yeen yeen- yeen ak yeena yeena ngi

    3 ntildeu-am rarr ntildeoom ntildeu- ntildeook ntildeoo ntildeu (a) ngi

    Ces formes contracteacutees mettent en eacutevidence la structure interne des pronoms forts En effet les

    pronoms de premiegravere personne prennent un -n final et les pronoms de troisiegraveme personne prennent

    un -am final99 (Sauvageot 1965 92 Njie 1982 114-115 Torrence 2013a 54) Concernant le

    pronom de deuxiegraveme personne du singulier nous pouvons supposer que le -w final est une

    consonne eacutepentheacutetique100 inseacutereacutee pour fermer la syllabe et le lieu darticulation de la voyelle

    sharmonise avec le [w]101 Le pronom de deuxiegraveme personne du pluriel est constitueacute du pronom de

    seconde personne ya- et du morphegraveme -een

    Par ailleurs on peut eacutegalement identifier un ensemble de pronoms non personnels ayant un

    comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des pronoms personnels forts En effet la plupart

    des deacuteterminants construits agrave partir dune classe nominale peuvent ecirctre utiliseacutes comme pronoms Il

    peut sagir dun deacutemonstratif (210a) dun singulatif (210b) dune forme exprimant lalteacuteriteacute (210c)

    dun totalisateur (210d) ou dun interrogatif (210e)102

    210) a N-ale =lantildeu =ko=y defe (Diouf 2003 234)

    CLMNR-DEMDT =FOCCS3PL =O3SG=IPF faireAPPL

    lsquoCest comme cela quon le faitrsquo

    b F-enn =laa dul dem (Diouf 2003 125)

    CLLOC-SING =FOCCS1SG IPFNEG aller

    lsquoJe nirai nulle partrsquo

    99 Ce -am final est formellement identique au deacuteterminant possessif de troisiegraveme personne du singulier -am keumlr-amlsquosa maisonrsquo (Torrence 2013a 59)

    100 Le [w] est lune des consonnes eacutepentheacutetiques les plus reacutepandues en wolof (Diouf 2009 38)101 La variante yaw est eacutegalement attesteacutee en wolof contemporain (Diouf 2003 410)102 Pour une description complegravete des deacuteterminants voir Gueacuterin (2011 Ch 4)

    - 209 -

    c Ndare k-eneen =la woonhellip (Diouf 2003 240)

    mecircme_si CLHUMSG-ALT =FOCC3SG ecirctrePAS

    lsquoMecircme si ceacutetait un autrehelliprsquo

    d Ntilde-eacutepp =a dellu gannaaw (Diouf 2003 77)

    CLHUMPL-TOT =FOCS retourner arriegravere

    lsquoTout le monde recularsquo

    e L-an =nga=y def (Diouf 2003 195)

    CLCHSG-Q =FOCCS2SG=IPF faire

    lsquoQue fais-tu rsquo

    Tableau 43 - Inventaire des pronoms forts non personnels103

    Humain ChoseLocatif Maniegravere

    Autreclasse104

    SG PL SG PL

    k ntilde l y f n b

    Deacutem

    onst

    rati

    f

    Deacutei

    ctiq

    ue kii ntildeii lii yii fii nii bii

    kile ntildeile lile yile file nile bile

    kee ntildeee lee yee fee nee bee

    kale ntildeale lale yale fale nale bale

    An

    aph

    oriq

    ue

    kookii ntildeoontildeii loolii yooyii foofii noonii boobii

    kooku ntildeoontildeu loolu yooyu foofu noonu boobu

    kookule ntildeoontildeule loolule yooyule foofule noonule boobule

    kooka ntildeoontildea loola yooya foofa noona booba

    kookale ntildeoontildeale loolale yooyale foofale noonale boobale

    kookee ntildeoontildeee loolee yooyee foofee noonee boobee

    Singulatif kenn ntildeenn lenn yenn fenn nenn benn

    Alteacuteriteacute keneen ntildeeneen leneen yeneen feneen neneen beneen

    Totalisateur keacutepp ntildeeacutepp leacutepp yeacutepp feacutepp beacutepp

    Interrogatif kan ntildean lan yan fan nan ban

    Toutes les classes nominales sont attesteacutees dans ces pronoms mais les classes fonctionnelles sont

    103 Pour un inventaire complet de ces pronomsdeacuteterminants voir Fal et al (1990 20) ou Ma Cisseacute (2007 56-57)104 La classe b- est uniquement donneacutee agrave titre dillustration Toutes les autres classes sont possibles

    - 210 -

    particuliegraverement freacutequentes Il peut sagir de la classe des humains (210c-d) des laquo choses raquo (210e)

    des locatifs (210b) ou de le classe exprimant la maniegravere (210a)

    Enfin on peut ajouter agrave cette liste les pronoms interrogatifs kantilde (quand) ntildeaata (combien) et

    naka (comment)105 qui ont eacutegalement un comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des

    pronoms personnels forts

    422 Les pronoms sujets

    Les pronoms faibles sujets semploient dans toutes les constructions preacutedicatives qui ne

    focalisent pas le sujet Ils apparaissent sous une forme libre cest-agrave-dire morphologiquement

    indeacutependante au subjonctif-conseacutecutif (211a) et dans les relatives introduites par un relativiseur

    finissant par -i ou -a (211b)

    211) a Mu tagraveggook jeumlkkeumlram (Diouf et al 2009 10)

    s3SG divorceravec mariPOSS3SG

    lsquoElle avait divorceacute de son marirsquo

    b Ba nga solee sama dagravell =yihellip (Diouf 2003 397)

    TEMP S2SG porterANT POSS1SG chaussure =CLyDFPX

    lsquoQuand tu as mis mes chaussureshelliprsquo

    Par contre les pronoms sujets apparaissent sous une forme lieacutee dans toutes les autres

    constructions preacutedicatives (212a-g) ainsi que dans les relatives introduites par un relativiseur

    (213a) ou un subordonnant (213b) finissant par -u Dans toutes ces constructions le pronom sujet

    samalgame au marqueur preacutedicatif ou au relativiseur

    212) a Ceeb =la-a togg (Diouf 2003 81)

    riz =FOCC-S1SG cuisiner

    lsquoCest du riz que jai cuisineacutersquo

    b Gis =na-a xale =bi (Diouf 2003 70)

    voir =PRF-S1SG enfant =CLbDFPX

    lsquoJai vu lenfantrsquo

    105 naka est synonyme de nan (cf Tableau 43)

    - 211 -

    c Dina-a fomm sama yoon (Diouf 2003 129)

    FUT-S1SG surseoir POSS1SG chemin

    lsquoJe remettrai mon voyage agrave plus tardrsquo

    d Na-a am xaalis (Church 1981 103)

    OPT-S1SG avoir argent

    lsquoQue jaie de largent rsquo

    e Da-nga deumlpp sa simis (Diouf 2003 102)

    FOCV-S2SG mettre_agrave_lenvers POSS2SG chemise

    lsquoTu as mis ta chemise agrave lenversrsquo

    f Doo dem (Diouf 2003 183)

    du-a dem

    FUTNEG-S2SG partir

    lsquoTu ne partiras pasrsquo

    g Meumln-u-ma feacuteey (Diouf 2003 123)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG nager

    lsquoJe ne sais pas nagerrsquo

    213) a Jeacuteego boo defhellip (Diouf 2003 164)

    jeacuteego bu-a def

    pas CLbREL-S2SG faire

    lsquoChaque pas que tu faishelliprsquo

    b Soo demee seen keumlrhellip (Diouf 2003 68)

    su-a dem-ee seen keumlr

    HYP-S2SG partir-ANT POSS3PL maison

    lsquoSi tu vas chez euxhelliprsquo

    En regardant la liste complegravete des paradigmes de conjugaison du wolof (Church 1981 43 Njie

    1982 101-102 Torrence 2013a 39) on constate que presque toutes les constructions preacutedicatives

    preacutesentent un paradigme de pronoms sujets lieacutes diffeacuterent

    - 212 -

    Tableau 44 - Inventaire des pronoms sujets106

    SG PL

    1 2 3 1 2 3

    Libre ma nga mu nu ngeen ntildeu

    Lieacute -(m)a -(ng)a -Oslash -nu -(ng)een -ntildeu

    FOCC (la) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

    PRF (na) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

    FUT di(na) -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

    OPT na -a -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

    FOCV da(fa) -ma -nga -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

    FUTNEG du -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

    HYP su -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

    TEMP bu -ma -a -Oslash -nu -ngeen -ntildeu

    REL CL-u -ma -a -mu -nu -ngeen -ntildeu

    PRFNEG -u(l)- -ma -a -Oslash -nu -een -ntildeu

    PROH bu(l) -ma -Oslash -mu -nu -een -ntildeu

    IMP -(a)l -Oslash -een

    La diversiteacute des paradigmes nest pas aussi importante quon pourrait le penser En effet

    quelques regravegles simples permettent de rendre compte de la plupart de ces formes

    bull Le pronom 1SG -ma perd sa consonne initiale sauf lorsque la voyelle du marqueur est [u] ainsi

    que dans la construction Focalisation du verbe107

    bull Le pronom 2SG -nga perd sa consonne initiale dans les constructions dont la voyelle du

    marqueur est [u] Il y a alors coalescence vocalique u-a rarr oo108 La seule exception concerne

    la forme du parfait neacutegatif qui est geacuteneacuteralement -uloo en wolof contemporain (214a)

    Neacuteanmoins la forme -oo est eacutegalement attesteacutee (214b) Church (1981 144) et Fal (1999 85)

    signalent eacutegalement la forme -ula qui se trouve ecirctre la seule forme attesteacutee dans les

    grammaires du XIXe siegravecle (Dard 1826 64 Roger 1829 83 Boilat 1858 113 Kobegraves

    106 La seconde ligne du tableau preacutesente le paradigme geacuteneacuteral des pronoms sujets lieacutes Les lignes suivantes preacutesententles paradigmes de toutes les constructions preacutedicatives La premiegravere colonne indique le nom de la construction et laseconde donne la forme du marqueur Le indique que le marqueur apparaicirct sous sa forme complegravete danslamalgame avec le pronom sujet et le indique que le marqueur apparaicirct sous sa forme tronqueacutee (la partie entreparenthegraveses disparaicirct) Par exemple la deuxiegraveme personne du singulier du futur est -nga cest-agrave-dire que lemarqueur di(na) apparaicirct sous sa forme tronqueacutee di-nga

    107 Nous reviendrons sur le paradigme de la construction Focalisation du verbe en (sect 114)108 Le -l final de la marque de la neacutegation (-ul) tombe devant un pronom faible (Diouf 2009 198)

    - 213 -

    1869 256) Nous pouvons donc supposer que la forme -ula est devenue -oo en raison de la

    chute du -l La forme -oo aurait ensuite eacuteteacute reacuteanalyseacutee comme le pronom 2SG entraicircnant une

    reacuteintroduction du suffixe -ul

    bull Le pronom 3SG nest jamais exprimeacute le marqueur apparaicirct seul sous sa forme complegravete La

    seule exception est le prohibitif ougrave le pronom apparaicirct sous la forme mu Deux raisons peuvent

    expliquer cette exception Premiegraverement cette forme permet deacuteviter une homophonie avec la

    subordonneacutee temporelle Deuxiegravemement le prohibitif eacutetant leacutequivalent neacutegatif de limpeacuteratif il

    est attendu que la forme non marqueacutee soit la forme de deuxiegraveme personne du singulier

    bull Le pronom 1PL est -nu dans toutes les constructions109

    bull Le pronom 2PL -ngeen perd sa consonne initiale dans les constructions dont la consonne finale

    est -l

    bull Le pronom 3PL est -ntildeu dans toutes les constructions

    214) a Xam-ul-oo jeumlreumljeumlf (Diouf 2003 169)

    savoir-PRFNEG-S2SG merci

    lsquoTu ne sais pas dire mercirsquo

    b Xam-oo ne doktoor =boobu liggeacuteeyatul (Diouf 2003 494)

    savoir-PRFNEGS2SG COMP docteur =CLbDEMPX travaillerITERNEG

    lsquoTu ne sais pas que ce meacutedecin nexerce plusrsquo

    Indeacutependamment de leur forme les paradigmes de pronoms sujets se distinguent par leur

    distribution (Robert 2000 233 Gueacuterin 2015b 151-153) En effet on constate que le pronom sujet

    occupe la mecircme position syntaxique que le sujet lexical agrave loptatif la focalisation du compleacutement le

    prohibitif le relative et le subjonctif-conseacutecutif alors que dans toutes les autres constructions le

    pronom sujet se place immeacutediatement apregraves le marqueur preacutedicatif alors que le sujet lexical se

    place en tecircte deacutenonceacute (Ch 2) Par conseacutequent agrave loptatif la focalisation du compleacutement le

    prohibitif le relative et le subjonctif-conseacutecutif il est impossible davoir agrave la fois le sujet

    pronominal et le sujet lexical (215a-c) agrave moins que ce dernier ne soit topicaliseacute (215d) Ainsi dans

    ces constructions le pronom sujet se comporte reacuteellement comme un pronom cest-agrave-dire quil

    remplace un nom

    109 Un grand nombre de locuteurs ne distinguent plus la premiegravere et la troisiegraveme personne du pluriel Ils prononcerontntildeu dans les deux cas (Church 1981 Ch 7)

    - 214 -

    215) a Na-ntildeu dem

    OPT-S3PL partir

    lsquoQuils partent rsquo

    b Na xale =yi dem

    OPT enfant =CLyDFPX partir

    lsquoQue les enfants partent rsquo

    c Na-ntildeu xale =yi dem

    OPT-S3PL enfant =CLyDFPX partir

    d Xale =yi =na-ntildeu dem

    enfant =CLyDFPX =OPT-S3PL partir

    lsquoLes enfants quils partent rsquo

    En revanche dans les autres constructions la preacutesence du sujet lexical implique neacutecessairement

    la preacutesence du sujet pronominal (216a-c) Par ailleurs on remarque que la place du sujet lexical en

    tecircte de phrase est analogue agrave celle du sujet topicaliseacute

    216) a Dem =na-ntildeu

    partir =PRF-S3PL

    lsquoIls sont partisrsquo

    b Xale =yi dem =na-ntildeu

    enfant =CLyDFPX partir =PRF-S3PL

    lsquoLes enfants sont partisrsquo

    c Xale =yi dem =na

    enfant =CLyDFPX partir =PRF

    Si lon applique les critegraveres deacutefinis par Zwicky amp Pullum (1983)110 aux pronoms sujets on

    constate quils se comportent plutocirct comme des affixes (agrave lexception du pronom sujet libre) En

    effet ils ont un degreacute eacuteleveacute de seacutelection par rapport agrave leur hocircte puisquil ne peut sagir que du

    marqueur preacutedicatif ou dun relativiseur Le paradigme preacutesente une lacune arbitraire puisque la

    110 cf (sect 515) pour la liste deacutetailleacutee des critegraveres

    - 215 -

    troisiegraveme personne du singulier est non marqueacutee111 Ils preacutesentent de nombreuses idiosyncrasies

    morphophonologiques puisque leur forme diffegravere en fonction du marqueur preacutedicatif (Tableau 44)

    De plus ils ne peuvent pas sattacher agrave une seacutequence contenant des clitiques Tous ces critegraveres

    tendent agrave montrer que les pronoms sujets du wolof sont des affixes sujets

    Il convient maintenant de sinterroger sur la nature exacte de ces affixes sujets Corbett (2003

    2006 99-112) propose de distinguer les laquo pures raquo marques daccord les affixes pronominaux et les

    pronoms libres Les affixes pronominaux occupent une position intermeacutediaire entre les marques

    daccord et les pronoms libres puisquils se comportent syntaxiquement comme des pronoms libres

    (ils sont arguments du verbe) mais ils se comportent morphologiquement comme des marques

    daccord (ils ne sont pas autonomes)

    Tableau 45 - Syntaxe et morphologie des affixes pronominaux

    syntaxe non argument argument

    eacuteleacutementlinguistique

    lsquopurersquo marquedaccord

    affixepronominal

    pronomlibre

    morphologie forme flexionelle forme libre

    Corbett propose cinq critegraveres permettant de distinguer les marques daccord les affixes

    pronominaux et les pronoms libres

    bull Rocircles casuels Les affixes pronominaux marquent les principales positions argumentales

    (geacuteneacuteralement deux) les marques daccord nen marquent quune seule et les pronoms libres

    les marquent toutes

    bull Reacutefeacuterentialiteacute Les marques daccord ont le plus faible degreacute de reacutefeacuterentialiteacute les affixes

    pronominaux sont freacutequemment reacutefeacuterentiels et les pronoms libres sont geacuteneacuteralement

    reacutefeacuterentiels

    bull Contenu descriptif Les marques daccord ont un faible contenu descriptif alors que celui

    des pronoms est eacuteleveacute

    bull Eacutequilibre de linformation La marque daccord et le SN auquel elle reacutefegravere partagent le

    mecircme nombre de traits alors que les pronoms et les affixes pronominaux peuvent exprimer

    des traits qui ne sont pas porteacutes par le SN

    bull Multirepreacutesentation La marque daccord et le SN indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent sont

    111 Cette lacune est cependant freacutequente dans les langues eacutetant donneacute que la troisiegraveme personne laquo a pour fonctiondexprimer la non-personne raquo (Benveniste 1946 228)

    - 216 -

    geacuteneacuteralement tous les deux preacutesents dans la mecircme proposition laffixe pronominal et le SN

    indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent peuvent ecirctre tous les deux preacutesents dans la mecircme proposition

    alors que le pronom libre et le SN indexeacutes au mecircme reacutefeacuterent sont en distribution

    compleacutementaire

    En appliquant les critegraveres de Corbett aux pronoms sujets du wolof on constate quils expriment

    tous une seule fonction celle de sujet Concernant la reacutefeacuterentialiteacute on peut dire que les affixes

    utiliseacutes agrave loptatif la focalisation du compleacutement le prohibitif et le relatif sont plutocirct reacutefeacuterentiels

    puisquils sont incompatibles avec un sujet lexical alors que les affixes utiliseacutes dans les autres

    constructions sont moins reacutefeacuterentiels Quelque soit la construction les pronoms sujets ont peu de

    contenu descriptif car ils ne marquent aucune diffeacuterence de genre de classe nominale etc seule la

    personne et le nombre sont marqueacutes Pour les mecircmes raisons nous pouvons dire que le contenu

    informatif est relativement eacutequilibreacute entre un SN sujet et les pronoms sujets Enfin la

    multirepreacutesentation est impossible (ou plutocirct possible uniquement lorsque que le sujet lexical est

    topicaliseacute) dans les constructions optatif focalisation du compleacutement et prohibitif alors quelle est

    normale dans les autres constructions (Guerin 2015b 151-153)

    Tableau 46 - Statut des pronoms sujets

    Libre REL FOCC OPT PROH PRF FUTPRF

    NEG

    FUT

    NEGFOCV

    Morphologie Libre Lieacute

    Rocircles casuels1

    (sujet)

    Reacutefeacuterentialiteacute Max Eacuteleveacutee Faible

    Contenu descriptif

    Faible

    Eacutequilibre de linformation

    Agrave peu pregraves eacutegal

    Multi-repreacutesentation

    ExcluePossible(topique)

    Normale

    StatutPronom

    libreAffixe pronominal Marque daccord

    Le marquage des rocircles casuels le contenu descriptif et leacutequilibre de linformation tendent agrave

    montrer que tous les pronoms sujets sont plutocirct des marques daccord Neacuteanmoins le degreacute de

    reacutefeacuterentialiteacute ainsi que la multirepreacutesentation permettent dopeacuterer une distinction entre les affixes

    sujets de loptatif la focalisation du compleacutement et le prohibitif et les autres Les premiers se

    - 217 -

    rapprochent des affixes pronominaux alors que les autres sont clairement des marques daccord Le

    seul cas ambigueuml concerne les relatives introduites par un relativiseur finissant par -u En effet dans

    ces constructions le degreacute de reacutefeacuterentialiteacute ainsi que la multirepreacutesentation tendent agrave montrer que le

    pronom sujet est un pronom libre mais le critegravere morphologique nous indique clairement quil sagit

    dune forme lieacutee Nous proposons donc de lanalyser eacutegalement comme un affixe pronominal

    423 Les pronoms objets

    Lobjet dun verbe transitif apparaicirct sous la forme dun pronom faible objet dans toutes les

    constructions preacutedicatives (217a) sauf lorsquil est focaliseacute (217b) (Ch 2)

    217) a Beumlkk-deacutemb =la =ko jeacutend (Diouf 2003 66)

    avant-hier =FOCCS3SG =O3SG acheter

    lsquoCest avant-hier quil la acheteacutersquo

    b Moom =laa woacuteolu (Diouf 2003 456)

    PRO3SG =FOCCS1SG avoir_confiance

    lsquoCest en lui que jai confiancersquo

    Le paradigme des pronoms objets est identique pour toutes les constructions preacutedicatives

    Tableau 47 - Inventaire des pronoms objets

    Pronomobjet

    SG

    1 ma

    2 la

    3 ko

    PL

    1 nu

    2 leen

    3 leen

    Il convient dajouter agrave cette liste le pronom partitif cica (218a) ainsi que le pronom locatif fifa

    (218b) qui ont un comportement morphosyntaxique similaire agrave celui des pronoms objets faibles

    (Church 1981 60)

    - 218 -

    218) a Dama =ci mos (Diouf 2003 494)

    FOCVS1SG =PRTFPX goucircter

    lsquoJen ai goucircteacutersquo

    b Dinaa =fa dem eumllleumlg (Diouf 2003 114)

    FUTS1SG =CLLOCDT aller demain

    lsquoJirai lagrave-bas demainrsquo

    Comme pour le pronom sujet la distribution du pronom nest pas la mecircme dans toutes les

    constructions preacutedicatives Dans la plupart des constructions le pronom objet se place entre le

    marqueur preacutedicatif et le verbe (219a-d)

    219) a Xaj =bi =dafa =ko magravett (Diouf 2003 214)

    chien =CLbDFPX =FOCVS3SG =O3SG mordre

    lsquoLe chien la mordursquo

    b Dinaa =ko seeti agravellarba (Diouf 2003 48)

    FUTS1SG =O3SG voirAND mercredi

    lsquoJirai le voir mercredirsquo

    c Ngagravengoor =la-a ngi =ko topp (Diouf 2003 250)

    foule =CLlDF=PRSTPX =O3SG suivre

    lsquoLa foule le suitrsquo

    d Maa =ko def (Diouf 2003 208)

    PRO1SGFOCS =O3SG faire

    lsquoCest moi qui lai faitrsquo

    Comme nous lavons vu en (sect 411) le sujet lexical se place eacutegalement entre le marqueur

    preacutedicatif et le verbe agrave loptatif la focalisation du compleacutement et le prohibitif Dans ces

    constructions le pronom objet se place avant le sujet lexical (220a-c)

    220) a Yagravella =na =ma Yagravella baal (Diouf 2003 56)

    Dieu =OPT =O1SG Dieu pardonner

    lsquoQue Dieu me pardonne rsquo

    - 219 -

    b Ci teumlsteumln =la =ko pont =bi jam (Diouf 2003 343)

    PREPPX talon =FOCC =O3SG pointe =CLbDFPX piquer

    lsquoCest au talon que la pointe la piqueacutersquo

    c Bu =la sa taar jay (Diouf 2003 326)

    PROH =O2SG POSS2SG beauteacute flatter

    lsquoNe te laisse pas entraicircner par ta beauteacute rsquo (litt lsquoQue ta beauteacute ne te flatte pas rsquo)

    Les propositions relatives ainsi que les propositions temporelles et hypotheacutetiques preacutesentent une

    structure similaire En effet dans ces constructions le pronom objet se place entre le relativiseur et

    le verbe mais avant le sujet lexical (221a-b)

    221) a njeacutebbal =li =la sa doom =yi tagravellal (Diouf 2003 257)

    offrande =CLlDFPX =O2SG POSS2SG enfant =CLyDFPX preacutesenter

    lsquoloffrande que tes enfants te preacutesententrsquo

    b Su =ko sa baay yeacutegeehellip (Diouf 2003 407)

    HYP =O3SG POSS2SG pegravere ecirctre_au_courantANT

    lsquoSi ton pegravere lapprendhelliprsquo

    En revanche la place du pronom objet est diffeacuterente au parfait (222a) agrave limpeacuteratif (222b) ainsi

    quau subjonctif-conseacutecutif (222c-e) (Voisin 2010 145) En effet dans ces constructions le pronom

    objet se place apregraves le verbe cest-agrave-dire dans la mecircme position que lobjet lexical (sect 412)

    222) a Gis =nanu =ko (Diouf 2009 91)

    voir =PRFS1PL =O3SG

    lsquoNous lavons vursquo

    b Jeacutel =ko (Diouf 2009 84)

    prendreIMPS2SG =O3SG

    lsquoPrends-le rsquo

    c Mu def =ko (Church 1981 53)

    S3SG faire =O3SG

    lsquoQuil le fasse rsquo

    - 220 -

    d Dafa beumlgg nu gis =ko (Diouf 2003 262)

    FOCVS3SG vouloir S1PL voir =O3SG

    lsquoIl veut que nous le voyionsrsquo

    e Ntildeeumlw =na ngir mu jaay =ko (Church 1981 53)

    venir =PRFS3SG pour S3SG vendre =O3SG

    lsquoElle est venue pour le vendrersquo

    Lobjet pronominal est une uniteacute phonologiquement faible En effet il ne porte pas daccent

    lexical et sa voyelle sharmonise avec celle du mot qui le preacutecegravede (223a-d) (Ka 1994 55)

    223) a Dangeen =fa geacutenn (Ka 1994 56)

    [dɐnɡɛːn =fɐ ɡenː][-ATR] [-ATR] [+ATR]

    FOCVS2PL =CLLOCDFDT sortir

    lsquoVous ecirctes sortis de lagraversquo

    b Moacuteodu =dafa =fa xam (Ka 1994 57)

    [moːdu =dəfə =fə χɐm][+ATR] [+ATR] [+ATR] [-ATR]

    Modou =FOCVS3SG =CLLOCDFDT savoir

    lsquoModou connaicirct cet endroitrsquo

    c Xale =ya =dinantildeu =ko doacuteor (Ka 1994 57)

    [χɐlɛ =jɐ =dinɐɲu =kɔ doːr][-ATR] [-ATR] [-ATR] [-ATR] [+ATR]

    enfant =CLyDFDT =FUTS3PL =O3SG frapper

    lsquoLes enfants le frapperontrsquo

    d Gis =na =ko (Ka 1994 55)

    [ɡis =nə =ko][+ATR] [+ATR] [+ATR]

    voir =PRFS3SG =O3SG

    lsquoIl le voitrsquo

    - 221 -

    Il convient donc de sinterroger sur son statut morphosyntaxique exact dans la langue sagit-il

    dun affixe ou dun clitique Si lon se fie aux critegraveres de Zwicky amp Pullum (1983)112 le pronom

    objet est un clitique En effet il ne preacutesente aucune lacune arbitraire dans la combinaison avec son

    hocircte puisquil peut apparaicirctre avec tous les verbes transitifs Il ne preacutesente pas non plus

    didiosyncrasie morphophonologique ou seacutemantique puisquil a toujours la mecircme forme et le mecircme

    sens quelque soit son hocircte113 Enfin luniteacute quil forme avec son hocircte ne peut ecirctre affecteacutee par des

    regravegles syntaxiques

    Plus preacuteciseacutement on peut analyser les pronoms objets comme des clitiques speacuteciaux114 (Zribi-

    Hertz amp Diagne 2002 872) En effet ce sont des morphegravemes monosyllabiques (ma la ko nu

    leen leen) phonologiquement faibles qui remplissent une fonction grammaticale susceptible decirctre

    remplie par un eacuteleacutement non clitique (en loccurrence un SN) mais qui napparaissent pas dans la

    mecircme position syntaxique Nous pouvons consideacuterer que lhocircte de ce clitique est la tecircte syntaxique

    de la proposition cest-agrave-dire le marqueur preacutedicatif ou agrave deacutefaut (au subjonctif-conseacutecutif et agrave

    limpeacuteratif) le verbe lexical Cette regravegle de placement permet dexpliquer pourquoi le pronom objet

    se trouve dans la mecircme position syntaxique que lobjet lexical au parfait au subjonctif-conseacutecutif et

    agrave limpeacuteratif (222a-e) alors quil se place avant le verbe dans toutes les autres constructions

    Par ailleurs comme nous lavons vu en (sect 412) le wolof ne distingue pas formellement les deux

    objets dun verbe ditransitif Neacuteanmoins plusieurs regravegles reacutegissent lordre lineacuteaire et linterpreacutetation

    seacutemantique des pronoms objets (Becher 2005 22-24 Church 1981 59-60)

    bull Ordre lineacuteaire = manu gt la gt leen gt ko gt fifacica (224a-b)

    bull Le pronom objet en premiegravere position est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (224a-b)

    224) a Jox =na =ma =ko (Becher 2005 22)

    donner =PRFS3SG =O1SG =O3SG

    lsquoIl me la donneacutersquo

    b Dama =la =ko =fa beumlgg=a yoacutebbul (Diouf 2009 100)

    FOCVS1SG =O2SG =O3SG =CLLOCDFDT vouloir=DV emmenerBEN

    lsquoJe veux te ly emmenerrsquo

    112 cf (sect 515) pour la liste deacutetailleacutee des critegraveres113 Agrave lexception des variations dues agrave lharmonie vocalique Mais ces variations sont preacutevisibles et ne peuvent donc

    pas ecirctre consideacutereacutees comme idiosyncrasiques114 cf Zwicky (1977) pour une preacutesentation deacutetailleacutee de lopposition clitiques simples clitiques speacuteciaux

    - 222 -

    Selon ces regravegles plusieurs combinaisons de pronoms objets sont impossibles Dans ces cas le

    pronom objet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel

    introduit par la preacuteposition ci Par exemple si le beacuteneacuteficiaire est agrave la troisiegraveme personne du singulier

    alors que le thegraveme est agrave la premiegravere personne du singulier le pronom objet ayant la fonction de

    beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (225a) ou si le beacuteneacuteficiaire est agrave la

    troisiegraveme personne du pluriel alors que le thegraveme est agrave la deuxiegraveme personne du singulier le pronom

    objet ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire est placeacute dans un syntagme preacutepositionnel (225b) (Becher

    2005 22-23)

    225) a Jaay =na =ma [ci moom] (Becher 2005 23)

    donner =PRFS3SG =O1SG PREPPX PRO3SG

    lsquoIl ma vendu agrave luirsquo

    b Jaay =na =la [ci ntildeoom] (Becher 2005 23)

    donner =PRFS3SG =O2SG PREPPX PRO3PL

    lsquoIl ta vendu agrave euxrsquo

    Enfin si lun des objets est un pronom objet alors que lautre est un objet lexical on relegraveve les

    regravegles suivantes (Becher 2005 21-22)

    bull Ordre lineacuteaire = Objet pronominal gt Objet lexical (226a)

    bull Le pronom objet est interpreacuteteacute comme beacuteneacuteficiaire (226a)

    Selon ces regravegles il est impossible davoir un beacuteneacuteficiaire exprimeacute par un objet lexical et un

    thegraveme exprimeacute par un pronom objet Dans ce cas lobjet lexical ayant la fonction de beacuteneacuteficiaire

    doit ecirctre placeacute dans un syntagme preacutepositionnel introduit par la preacuteposition ci (226b)

    226) a Jox =naa =ko benn velo (Becher 2005 21)

    donner =PRFS1SG =O3SG CLbSING veacutelo

    lsquoJe lui ai donneacute un veacutelorsquo

    b Jox =naa =ko [ci benn xale bu jigeacuteeacuten](Becher 2005 22)

    donner =PRFS1SG =O3SG PREPPX CLbSING enfant CLbREL ecircfemelle

    lsquoJe lai donneacute agrave une fillersquo

    - 223 -

    43 La voix impersonnelle

    Le wolof dispose dun morphegraveme -ees qui bloque lexpression de largument sujet et donne une

    valeur impersonnelle au preacutedicat115 Ce marqueur a donc une valeur similaire agrave celle dun passif

    impersonnel Neacuteanmoins les marqueurs de passif impersonnel ont eacutegalement des emplois de passif

    canonique Or le marqueur -ees est uniquement utiliseacute dans des constructions impersonnelles Cest

    pour cette raison que Creissels et al (2015 64-65) preacutefegraverent parler de laquo voix impersonnelle raquo

    Ce marqueur a un comportement morphosyntaxique idiosyncratique En effet au parfait il se

    suffixe au verbe lexical comme les suffixes de diathegravese (227a-c) Neacuteanmoins au futur (ou parfait

    imperfectif) il ne se placera pas sur le verbe lexical mais sur le verbe auxiliaire di comme les

    suffixes flexionnels de passeacute ou de neacutegation (227d-e)

    227) a Xam=ees =na =ko (Creissels et al 2015 64)

    savoir=IMPS =PRF =O3SG

    lsquoOn sait ccedilarsquo

    b (hellip) bu =ma =ci duggee leegi (Diouf et al 2009 108)

    TEMP =1SG =PRTFPX entrerANT maintenant

    man=ees =na =ma def dara

    pouvoir=IMPS =PRF =O1SG faire quelque_chose

    lsquo(hellip) si jentre maintenant quelquun peut me creacuteer des ennuisrsquo

    c Meumln-ees-u =ko beumltt (Creissels et al 2015 64)

    pouvoir-IMPS-PRFNEG =O3SG percer

    lsquoOn ne peut pas porter atteinte agrave celarsquo

    d Santildesantilde =yooyu d=ees =na =leen doxal (Creissels et al 2015 65)

    droit =CLyDEMPX IPF=IMPS =PRF =O3PL marcherCAUS

    lsquoLes droits en question on les met en œuvrersquo

    e Ntildeam d-ees-u =ko xeentildetu (Diouf 2003 558)

    aliment IPF-IMPS-PRFNEG =O3SG renifler

    lsquoLes aliments on ne les renifle pasrsquo

    115 Il est geacuteneacuteralement traduit par le pronom laquo on raquo en franccedilais

    - 224 -

    Ces exemples pourraient laisser supposer que -ees est un suffixe flexionnel Cependant dans

    dautres constructions il napparaicirct pas sur le verbe Ainsi agrave la focalisation du compleacutement il

    samalgame au marqueur preacutedicatif la faisant chuter sa voyelle finale (228a-b) Dans les relatives il

    samalgame au relativiseur faisant chuter sa voyelle finale (le reacuteduisant ainsi agrave une marque de

    classe) (229a-c) Dans ces deux cas -ees occupe la mecircme position que lindice sujet

    228) a Noonu =l=ees di doxale (Creissels et al 2015 64)

    CLMNRDEMPX =FOCC=IMPS IPF marcherCAUSAPPL

    lsquoCest ainsi que lon procegravedersquo

    b Foofu =l=ees (Perrin 2005 122)

    CLLOCDEMPX =FOCC=IMPS

    lsquoCest ougrave rsquo

    229) a N=ees =ko=y jeumlfandikoo (Creissels et al 2015 65)

    CLMNRREL=IMPS =O3SG=IPF utiliser

    lsquoLa faccedilon dont on lutilisersquo

    b F=ees di dem (Creissels et al 2015 65)

    CLLOCREL=IMPS IPF aller

    lsquoLendroit ougrave on varsquo

    c L=ees wax-ul (Diouf 2003 199)

    CLCHSGREL=IMPS dire-NEG

    lsquoCe quon na pas ditrsquo

    Selon Creissels et al (2015 65) laquo ce morphegraveme -ees ne peut donc ecirctre deacutecrit que comme un

    clitique qui occupe obligatoirement la deuxiegraveme position dans la seacutequence formeacutee par le lexegraveme

    verbal et les clitiques qui sattachent agrave sa gauche si aucun autre clitique ne se place agrave gauche du

    lexegraveme verbal -ees sattache immeacutediatement agrave droite du lexegraveme verbal sinon il se place en

    deuxiegraveme position dans la chaicircne des proclitiques raquo Comme le notent les auteurs aucun autre

    morphegraveme ne preacutesente un comportement semblable en wolof En effet aucun autre morphegraveme de la

    langue ne preacutesente ce type de placement ou ne provoque ce type deacutelision vocalique (228-229) Par

    ailleurs tous les autres clitiques de la langue sont agrave attaque consonantique -ees serait le seul

    clitique agrave attaque vocalique De plus dans les eacutenonceacutes au futur neacutegatif (ou parfait neacutegatif

    - 225 -

    imperfectif) il se place entre le verbe et le suffixe de neacutegation (227ce) lanalyser comme un

    clitique pose donc problegraveme En effet soit il faut revoir lanalyse de -ul et consideacuterer quil sagit dun

    clitique et non dun suffixe soit il faut consideacuterer que -ul se suffixe agrave -ees dans les deux cas

    lanalyse est peu eacuteconomique et discutable Enfin du point de vue de sa fonction ce marqueur peut

    ecirctre rapprocheacute des marqueurs de diathegravese ou des indices de personne mais son comportement

    morphosyntaxique lexclut de ces deux paradigmes

    44 Les schegravemes de preacutedications verbales

    Creissels (1991 405) deacutefinit un schegraveme de preacutedication comme eacutetant laquo la structure commune agrave

    un ensemble homogegravene de preacutedicats cest-agrave-dire lensemble des proprieacuteteacutes combinatoires qui

    caracteacuterisent la saturation des valences de ces preacutedicats par des constituants nominaux ou des

    indices pronominaux raquo116 Par exemple Creissels (2008 77) preacutesente le schegraveme canonique de

    preacutedication verbale pour le mandinka

    230) S p (O) V (X)

    Koacutedoo buacuteka neacuteemoo diacutei mograveolu laacute

    argentDET HABNEG bonheurDET donner personneDETPL POSTP

    lsquoLargent ne fait pas le bonheurrsquo

    Il ne semble pas possible de deacutefinir un schegraveme canonique pour le wolof en synchronie En effet

    comme nous lavons vu en (sect 41) et (sect 42) la position des arguments lexicaux et des arguments

    pronominaux varie dune construction preacutedicative agrave lautre (Tableau 48)

    On note neacuteanmoins que certaines constructions ont des schegravemes formellement identiques

    bull Focalisation du sujet Preacutesentatif S=s=p=o V O

    bull Focalisation du verbe Futur Futur neacutegatif S=p-s=o V O

    bull Optatif Prohibitif Relatif117 Focalisation du compleacutement118 p-s=o S V O

    116 Creissels (1983 1991) introduit la notion de laquo schegraveme de preacutedication raquo afin dapprofondir la notion de laquo schegravemedeacutenonceacute raquo proposeacutee par Houis (1977 1981)

    117 Dans les propositions relatives le relativiseur a un comportement morphosyntaxique semblable agrave celui dunmarqueur preacutedicatif (sect 244)

    118 Si lon ne tient pas compte de leacuteleacutement focaliseacute

    - 226 -

    Tableau 48 - Inventaire des schegravemes de preacutedication

    ArgumentsGeacuteneacuteral

    Lexicaux Pronominaux

    Subjonctif-Conseacutecutif S V O s V=o S s V=o O

    Impeacuteratif V-p-s O V-p-s=o V-p-s=o O

    Parfait S V=p-s O V=p-s=o S V=p-s=o O

    Parfait Neacutegatif S V-p-s O V-p-s=o S V-p-s=o O

    Focalisation du sujet S=p V O s-p=o V S=s=p=o V O

    Preacutesentatif S=p V O s-p=o V S=s=p=o V O

    Focalisation du verbe S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O

    Futur S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O

    Futur Neacutegatif S=p-s V O p-s=o V S=p-s=o V O

    Focalisation du compleacutement

    X=p S V OO=p S V

    X=p-s=o VO=p-s V

    X=p-s=o S V OO=p-s S V

    Optatif p S V O p-s=o V p-s=o S V O

    Prohibitif p S V O p-s=o V p-s=o S V O

    Relatif p S V O p-s=o V p-s=o S V O

    Par ailleurs on remarque que leacuteleacutement focaliseacute dans les constructions focalisation du sujet

    preacutesentatif et focalisation du compleacutement se place immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif Ces

    constructions ayant un impact sur la structure informationnelle de leacutenonceacute on peut consideacuterer que

    ces eacuteleacutements mis en focus noccupent pas une position canonique mais une position speacutecifique au

    focus situeacutee immeacutediatement avant le marqueur preacutedicatif

    231) FOC =p-s =o S V O

    a Ceeb =la Omar lekk lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

    riz =FOCC Omar manger

    b Deacutemb =la Omar lekk ceeb lsquoCest hier quOmar a mangeacute du rizrsquo

    hier =FOCC Omar manger riz

    c Deacutemb =la-a =ko lekk lsquoCest hier que je lai mangeacutersquo

    hier =FOCC-S1SG =O3SG manger

    d Omar =a lekk ceeb lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    Omar =FOCS manger riz

    e Ma =a =ko lekk lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

    PRO1SG =FOCS =O3SG manger

    - 227 -

    f Omar =a ngi lekk ceeb lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    Omar =PRSTPX manger riz

    g Ma =a ngi =ko lekk lsquoMe voici qui en ai mangeacutersquo

    PRO1SG =PRSTPX =O3SG manger

    Neacuteanmoins ce schegraveme ne sapplique pas agrave la focalisation du verbe et ne peut donc pas ecirctre

    geacuteneacuteraliseacute agrave toutes les constructions focalisantes

    - 228 -

    CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE I I

    La conjugaison du wolof sorganise autour dun nombre limiteacute de constructions eacuteleacutementaires que

    nous appelons laquo constructions preacutedicatives raquo Ces constructions encodent diffeacuterents types de

    cateacutegories grammaticales focalisation aspect temps mode etou polariteacute Nous identifions douze

    constructions preacutedicatives focalisation du sujet (FOCS) preacutesentatif (PRST) focalisation du

    compleacutement (FOCC) focalisation du verbe (FOCV) parfait (PRF) parfait neacutegatif (PRFNEG) futur (FUT)

    futur neacutegatif (FUTNEG) impeacuteratif (IMP) optatif (OPT) prohibitif (PROH) et subjonctif-conseacutecutif (SUBJ)

    Ces constructions sont en distribution compleacutementaire Par exemple aucune forme verbale ne

    pourra porter simultaneacutement des valeurs de parfait et de focalisation du sujet mecircme si aucune

    contrainte seacutemantique ne semble sy opposer Chaque construction se caracteacuterise par un schegraveme

    morphosyntaxique speacutecifique un paradigme personnel ainsi quun marqueur speacutecifique (ou une

    absence de marqueur)

    Les constructions preacutedicatives constituent la base sur laquelle se construit la preacutedication verbale

    Ainsi linstanciation dune construction preacutedicative constitue une proposition syntaxiquement

    autonome Par ailleurs nous pouvons identifier quatre constructions preacutesentant eacutegalement un

    schegraveme morphosyntaxique speacutecifique mais utiliseacutee uniquement pour former des propositions

    deacutependantes infinitif (INF) relatif (REL) et les subordonneacutees hypotheacutetiques (HYP) et temporelles

    (TEMP)

    Toutes les cateacutegories verbales du wolof ne sont pas exprimeacutees par des constructions preacutedicatives

    Ainsi limperfectif le passeacute et dans certains cas la polariteacute sont exprimeacutees par dautres proceacutedeacutes

    venant sajouter agrave une construction preacutedicative

    La polariteacute neacutegative est exprimeacutee de diffeacuterentes maniegraveres selon la construction preacutedicative

    consideacutereacutee Certaines constructions preacutedicatives disposent dune construction preacutedicative neacutegative

    eacutequivalente PRFNEG FUTNEG et PROH (cest-agrave-dire IMPNEG et OPTNEG) Avec dautres constructions la

    neacutegation est exprimeacutee par le suffixe -(w)ul sur le verbe lexical FOCS FOCC FOCV REL HYP et TEMP

    Enfin avec dautres constructions la neacutegation est exprimeacutee par le verbe auxiliaire bantilde (refuser)

    PRST SUBJ et INF

    Laspect imperfectif est exprimeacute par lajout du verbe auxiliaire di (ou de sa forme clitique =y) agrave

    - 229 -

    une construction preacutedicative Laspect perfectif est simplement exprimeacute par une absence de

    marqueur speacutecifique En outre le futur est issu de la grammaticalisation du verbe auxiliaire di au

    parfait ce qui explique lidentiteacute des formes du parfait imperfectif et du futur perfectif

    Le passeacute est exprimeacute par lajout du marqueur (w)oon agrave une construction preacutedicative Le statut de

    ce marqueur (affixe clitique verbe auxiliaire) varie en fonction de la construction Le passeacute reculeacute

    est exprimeacute par le suffixe -(w)aan sur le verbe lexical Neacuteanmoins ses emplois sont tregraves limiteacutes Il

    est attesteacute uniquement dans les subordonneacutees temporelles ou suffixeacute agrave lauxiliaire dimperfectif Le

    non-passeacute est simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique En outre les

    constructions injonctives (IMP OPT PROH) sont incompatibles avec les marques de passeacute et de passeacute

    reculeacute

    La personne et le nombre sont exprimeacutes de diffeacuterentes maniegraveres selon la construction preacutedicative

    consideacutereacutee Ces cateacutegories sont exprimeacutees par une marque daccord avec PRF PRFNEG FUT FUTNEG

    et FOCV Dans toutes les autres constructions lindice ou le pronom sujet nest exprimeacute quen

    labsence de sujet lexical Dans la plupart de ces constructions la marque de personne peut ecirctre

    analyseacutee comme un affixe pronominal REL FOCC OPT et PROH Seules deux constructions expriment

    la personne par un pronom sujet libre SUBJ et les relatives introduites par un relativiseur reacutefeacuterentiel

    Par ailleurs deux constructions mettent le sujet en position focus FOCS et PRST Dans ces

    constructions le pronom sujet peut ecirctre analyseacute comme un pronom fort lieacute au marqueur preacutedicatif

    Enfin 3SG est exprimeacute par une absence de marque speacutecifique sauf avec PROH SUBJ et dans les

    relatives introduites par un relativiseur reacutefeacuterentiel

    Le Tableau (II1) preacutesente le paradigme complet de la conjugaison des verbes du wolof en

    prenant comme exemple le verbe lekk (manger)119 Le wolof eacutetant une langue agglutinante on

    observe peu didiosyncrasies Ainsi ce paradigme est geacuteneacuteralisable agrave presque tous les verbes

    Neacuteanmoins si le verbe est agrave finale vocalique lajout dun affixe deacuteclenche un processus

    phonologique preacutedictible (eacutepenthegravese consonnantique ou fusion) Enfin quelques rares verbes

    peuvent preacutesenter quelques idiosyncrasies morphophonologiques di (ecirctre) ne (dire) am (avoir) et

    xam (savoir)

    119 Pour des raisons de lisibiliteacute nous avons respecteacute la seacuteparation des mots imposeacutee par lorthographe officielle(sect 0445)

    - 230 -

    Tableau I1 - Paradigmes de conjugaison du wolof

    PERFECTIF IMPERFECTIF

    POL NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

    FO

    CA

    LIS

    AT

    ION

    FO

    CS

    +

    maa lekkyaa lekkmoo lekknoo lekkyeena lekkntildeoo lekk

    maa lekkoonyaa lekkoonmoo lekkoonnoo lekkoonyeena lekkoonntildeoo lekkoon

    maay lekkyaay lekkmooy lekknooy lekkyeenay lekkntildeooy lekk

    maa doon lekkyaa doon lekkmoo doon lekknoo doon lekkyeena doon lekkntildeoo doon lekk

    -

    maa lekkulyaa lekkulmoo lekkulnoo lekkulyeena lekkulntildeoo lekkul

    maa lekkuloonyaa lekkuloonmoo lekkuloonnoo lekkuloonyeena lekkuloonntildeoo lekkuloon

    maa dul lekkyaa dul lekkmoo dul lekknoo dul lekkyeena dul lekkntildeoo dul lekk

    maa duloon lekkyaa duloon lekkmoo duloon lekknoo duloon lekkyeena duloon lekkntildeoo duloon lekk

    PR

    ST

    +

    maa ngi lekkyaa ngi lekkmu ngi lekknu ngi lekkyeena ngi lekkntildeu ngi lekk

    maa ngi lekkoonyaa ngi lekkoonmu ngi lekkoonnu ngi lekkoonyeena ngi lekkoonntildeu ngi lekkoon

    maa ngiy lekkyaa ngiy lekkmu ngiy lekknu ngiy lekkyeena ngiy lekkntildeu ngiy lekk

    maa ngi doon lekkyaa ngi doon lekkmu ngi doon lekknu ngi doon lekkyeena ngi doon lekkntildeu ngi doon lekk

    -

    maa ngi bantildea lekkyaa ngi bantildea lekkmu ngi bantildea lekknu ngi bantildea lekkyeena ngi bantildea lekkntildeu ngi bantildea lekk

    maa ngi bantildeoona lekkyaa ngi bantildeoona lekkmu ngi bantildeoona lekknu ngi bantildeoona lekkyeena ngi bantildeoona lekkntildeu ngi bantildeoona lekk

    maa ngiy bantildea lekkyaa ngiy bantildea lekkmu ngiy bantildea lekknu ngiy bantildea lekkyeena ngiy bantildea lekkntildeu ngiy bantildea lekk

    maa ngi doon bantildea lekkyaa ngi doon bantildea lekkmu ngi doon bantildea lekknu ngi doon bantildea lekkyeena ngi doon bantildea lekkntildeu ngi doon bantildea lekk

    FO

    CC

    +

    ceeb laa lekkceeb nga lekkceeb la lekkceeb lanu lekkceeb ngeen lekkceeb lantildeu lekk

    ceeb laa lekkoonceeb nga lekkoonceeb la lekkoonceeb lanu lekkoonceeb ngeen lekkoonceeb lantildeu lekkoon

    ceeb laay lekkceeb ngay lekkceeb lay lekkceeb lanuy lekkceeb ngeen di lekkceeb lantildeuy lekk

    ceeb laa doon lekkceeb nga doon lekkceeb la doon lekkceeb lanu doon lekkceeb ngeen doon lekkceeb lantildeu doon lekk

    -

    ceeb laa lekkulceeb nga lekkulceeb la lekkulceeb lanu lekkulceeb ngeen lekkulceeb lantildeu lekkul

    ceeb laa lekkuloonceeb nga lekkuloonceeb la lekkuloonceeb lanu lekkuloonceeb ngeen lekkuloonceeb lantildeu lekkuloon

    ceeb laa dul lekkceeb nga dul lekkceeb la dul lekkceeb lanu dul lekkceeb ngeen dul lekkceeb lantildeu dul lekk

    ceeb laa duloon lekkceeb nga duloon lekkceeb la duloon lekkceeb lanu duloon lekkceeb ngeen duloon lekkceeb lantildeu duloon lekk

    FO

    CV

    +

    dama lekkdanga lekkdafa lekkdanu lekkdangeen lekkdantildeu lekk

    dama lekkoondanga lekkoondafa lekkoondanu lekkoondangeen lekkoondantildeu lekkoon

    damay lekkdangay lekkdafay lekkdanuy lekkdangeen di lekkdantildeuy lekk

    dama doon lekkdanga doon lekkdafa doon lekkdanu doon lekkdangeen doon lekkdantildeu doon lekk

    -

    dama lekkuldanga lekkuldafa lekkuldanu lekkuldangeen lekkuldantildeu lekkul

    dama lekkuloondanga lekkuloondafa lekkuloondanu lekkuloondangeen lekkuloondantildeu lekkuloon

    dama dul lekkdanga dul lekkdafa dul lekkdanu dul lekkdangeen dul lekkdantildeu dul lekk

    dama duloon lekkdanga duloon lekkdafa duloon lekkdanu duloon lekkdangeen duloon lekkdantildeu duloon lekk

    - 231 -

    PAR

    FAIT

    PR

    F+

    lekk naalekk ngalekk nalekk nanulekk ngeenlekk nantildeu

    lekkoon naalekkoon ngalekkoon nalekkoon nanulekkoon ngeenlekkoon nantildeu

    dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk

    doon naa lekkdoon nga lekkdoon na lekkdoon nanu lekkdoon ngeen lekkdoon nantildeu lekk

    PR

    FN

    EG

    -

    lekkumalekkuloolekkullekkunulekkuleenlekkuntildeu

    lekkuma woonlekkuloo woonlekkuloonlekkunu woonlekkuleen woonlekkuntildeu woon

    duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk

    duma woon lekkdoo woon lekkdu woon lekkdunu woon lekkdungeen woon lekkduntildeu woon lekk

    FU

    TU

    R

    FU

    T

    +

    dinaa lekkdinga lekkdina lekkdinanu lekkdingeen lekkdinantildeu lekk

    doon naa lekkdoon nga lekkdoon na lekkdoon nanu lekkdoon ngeen lekkdoon nantildeu lekk

    dinaay lekkdingay lekkdinay lekkdinanuy lekkdingeen di lekkdinantildeuy lekk

    na

    FU

    TN

    EG

    -

    duma lekkdoo lekkdu lekkdunu lekkdungeen lekkduntildeu lekk

    duma woon lekkdoo woon lekkdu woon lekkdunu woon lekkdungeen woon lekkduntildeu woon lekk

    dumay lekkdooy lekkduy lekkdunuy lekkdungeen di lekkduntildeuy lekk

    na

    INJO

    NC

    TIO

    N

    OP

    T

    +

    naa lekknanga lekkna lekknanu lekknangeen lekknantildeu lekk

    na

    naay lekknangay lekknay lekknanuy lekknangeen di lekknantildeuy lekk

    na

    IMP

    + lekkallekkleen

    nadil lekkdileen lekk

    na

    PR

    OH

    -

    bu ma lekkbul lekkbu mu lekkbu nu lekkbuleen lekkbu ntildeu lekk

    na

    bu may lekkbul di lekkbu muy lekkbu nuy lekkbuleen di lekkbu ntildeuy lekk

    na

    SU

    BJ

    +

    ma lekknga lekkmu lekknu lekkngeen lekkntildeu lekk

    ma lekkoonnga lekkoonmu lekkoonnu lekkoonngeen lekkoonntildeu lekkoon

    may lekkngay lekkmuy lekknuy lekkngeen di lekkntildeuy lekk

    ma doon lekknga doon lekkmu doon lekknu doon lekkngeen doon lekkntildeu doon lekk

    -

    ma bantildea lekknga bantildea lekkmu bantildea lekknu bantildea lekkngeen bantildea lekkntildeu bantildea lekk

    ma bantildeoona lekknga bantildeoona lekkmu bantildeoona lekknu bantildeoona lekkngeen bantildeoona lekkntildeu bantildeoona lekk

    may bantildea lekkngay bantildea lekkmuy bantildea lekknuy bantildea lekkngeen di bantildea lekkntildeuy bantildea lekk

    na

    INF + lekk lekkoon di lekk doon lekk

    - bantildea lekk bantildeoona lekk di bantildea lekk doon bantildea lekk

    - 232 -

    SU

    BO

    RD

    ON

    NEacute

    E

    RE

    L R

    EF

    +

    li ma lekkli nga lekkli mu lekkli nu lekkli ngeen lekkli ntildeu lekk

    li ma lekkoonli nga lekkoonli mu lekkoonli nu lekkoonli ngeen lekkoonli ntildeu lekkoon

    li may lekkli ngay lekkli muy lekkli nuy lekkli ngeen di lekkli ntildeuy lekk

    li ma doon lekkli nga doon lekkli mu doon lekkli nu doon lekkli ngeen doon lekkli ntildeu doon lekk

    -

    li ma lekkulli nga lekkulli mu lekkulli nu lekkulli ngeen lekkulli ntildeu lekkul

    li ma lekkuloonli nga lekkuloonli mu lekkuloonli nu lekkuloonli ngeen lekkuloonli ntildeu lekkuloon

    li ma dul lekkli nga dul lekkli mu dul lekkli nu dul lekkli ngeen dul lekkli ntildeu dul lekk

    li ma duloon lekkli nga duloon lekkli mu duloon lekkli nu duloon lekkli ngeen duloon lekkli ntildeu duloon lekk

    RE

    L N

    RE

    F

    +

    lu ma lekkloo lekklu mu lekklu nu lekklu ngeen lekklu ntildeu lekk

    lu ma lekkoonloo lekkoonlu mu lekkoonlu nu lekkoonlu ngeen lekkoonlu ntildeu lekkoon

    lu may lekklooy lekklu muy lekklu nuy lekklu ngeen di lekklu ntildeuy lekk

    lu ma doon lekkloo doon lekklu mu doon lekklu nu doon lekklu ngeen doon lekklu ntildeu doon lekk

    -

    lu ma lekkulloo lekkullu mu lekkullu nu lekkullu ngeen lekkullu ntildeu lekkul

    lu ma lekkuloonloo lekkuloonlu mu lekkuloonlu nu lekkuloonlu ngeen lekkuloonlu ntildeu lekkuloon

    lu ma dul lekkloo dul lekklu mu dul lekklu nu dul lekklu ngeen dul lekklu ntildeu dul lekk

    lu ma duloon lekkloo duloon lekklu mu duloon lekklu nu duloon lekklu ngeen duloon lekklu ntildeu duloon lekk

    HY

    P

    +

    su ma lekkeesoo lekkeesu lekkeesu nu lekkeesu ngeen lekkeesu ntildeu lekkee

    su ma lekkoonsoo lekkoonsu lekkoonsu nu lekkoonsu ngeen lekkoonsu ntildeu lekkoon

    su may lekksooy lekksuy lekksu nuy lekksu ngeen di lekksu ntildeuy lekk

    su ma doon lekksoo doon lekksu doon lekksu nu doon lekksu ngeen doon lekksu ntildeu doon lekk

    -

    su ma lekkul(ee)soo lekkul(ee)su lekkul(ee)su nu lekkul(ee)su ngeen lekkul(ee)su ntildeu lekkul(ee)

    su ma lekkuloonsoo lekkuloonsu lekkuloonsu nu lekkuloonsu ngeen lekkuloonsu ntildeu lekkuloon

    su ma dul lekksoo dul lekksu dul lekksu nu dul lekksu ngeen dul lekksu ntildeu dul lekk

    su ma duloon lekksoo duloon lekksu duloon lekksu nu duloon lekksu ngeen duloon lekksu ntildeu duloon lekk

    TE

    MP

    +

    bu ma lekkeeboo lekkeebu lekkeebu nu lekkeebu ngeen lekkeebu ntildeu lekkee

    bi ma lekkeebi nga lekkeebi mu lekkeebi nu lekkeebi ngeen lekkeebi ntildeu lekkee

    bu may lekkbooy lekkbuy lekkbu nuy lekkbu ngeen di lekkbu ntildeuy lekk

    bi may lekkbi ngay lekkbi muy lekkbi nuy lekkbi ngeen di lekkbi ntildeuy lekk

    -

    bu ma lekkul(ee)boo lekkul(ee)bu lekkul(ee)bu nu lekkul(ee)bu ngeen lekkul(ee)bu ntildeu lekkul(ee)

    bi ma lekkul(ee)bi nga lekkul(ee)bi mu lekkul(ee)bi nu lekkul(ee)bi ngeen lekkul(ee)bi ntildeu lekkul(ee)

    bu ma dul lekkboo dul lekkbu dul lekkbu nu dul lekkbu ngeen dul lekkbu ntildeu dul lekk

    bi ma duloon lekkbi nga duloon lekkbi mu duloon lekkbi nu duloon lekkbi ngeen duloon lekkbi ntildeu duloon lekk

    Notre preacutesentation de la conjugaison du wolof est en grande partie baseacutee sur lanalyse

    laquo classique raquo Cette analyse a eacuteteacute initialement proposeacutee par Kobegraves (1869) et a ensuite eacuteteacute reprise

    affineacutee etou en partie modifieacutee par Dialo (1981a) Church (1981) Robert (1991) Fal (1999) ou

    - 233 -

    Diouf (2009) Cependant nous nous deacutemarquons de ces travaux sur plusieurs points soit en placcedilant

    lanalyse classique dans une perspective typologique plus large soit en proposant une reacuteanalyse de

    certaines constructions

    Nous conservons leacutetiquette laquo parfait raquo proposeacutee par Robert (1991) Neacuteanmoins nous apportons

    de nouveaux arguments en faveur de ce choix terminologique en comparant les valeurs de cette

    construction avec les valeurs lieacutees agrave la cateacutegorie laquo parfait raquo en typologie Comme cest le cas dans

    dautres langues le parfait wolof a plusieurs lectures une lecture existentielle (indique quune

    situation a eu lieu au moins une fois avant le moment de reacutefeacuterence) et une lecture reacutesultative

    (indique que le point de reacutefeacuterence est perccedilu comme le reacutesultat dune situation qui lui est anteacuterieure)

    Ces arguments permettent eacutegalement de justifier le choix de leacutetiquette laquo parfait neacutegatif raquo

    La plupart des auteurs considegraverent le futur soit comme un parfait imperfectif soit comme une

    construction preacutedicative autonome Nous deacutefendons une analyse plus nuanceacutee En nous appuyant

    notamment sur la structure et la valeur des formes de ce paradigme au passeacute nous consideacuterons que

    la grammaticalisation de di-na nest pas encore acheveacutee

    Contrairement agrave la plupart des travaux nous avons choisi leacutetiquette laquo futur neacutegatif raquo pour la

    construction mettant en jeu le marqueur du Deux arguments nous permettent de deacutefendre ce choix

    Premiegraverement les valeurs de cette construction sont eacutequivalentes agrave celles de la construction future

    Deuxiegravemement elle occupe clairement les cellules du paradigme verbal correspondant aux

    proprieacuteteacutes morphosyntaxiques TIRV fut POL ndash Par ailleurs nous avons mis en eacutevidence plusieurs

    idiosyncrasies notamment sur la structure et la valeur des formes de ce paradigme au passeacute

    Notre analyse de la construction laquo minimale raquo (cest-agrave-dire la construction ne preacutesentant pas de

    morphegraveme speacutecifique) se distingue nettement de lanalyse classique En effet nous nions lexistence

    dune unique construction laquo minimale raquo en wolof Notre argumentation sappuie essentiellement sur

    les diffeacuterentes structures et valeurs preacutesenteacutees par la construction laquo minimale raquo On constate que le

    minimal preacutesente deux schegravemes distincts (s V o et s o V) ainsi que deux formes neacutegatives distinctes

    correspondant chacun agrave des emplois diffeacuterents dans la langue En tenant compte de lensemble des

    diffeacuterences de forme et de sens nous identifions en fait quatre constructions diffeacuterentes

    Subjonctif-Conseacutecutif Infinitif Relatif et Hypotheacutetique-Temporel Seul le subjonctif-conseacutecutif

    peut ecirctre analyseacute comme une construction preacutedicative Les autres constructions permettent

    uniquement de construire des propositions deacutependantes

    Nous avons repris lanalyse classique des constructions focalisantes en la replaccedilant dans la

    typologie de Lambrecht (1994) Nous consideacuterons donc les constructions focalisantes comme des

    - 234 -

    constructions preacutedicatives agrave part entiegravere et non comme des constructions relevant uniquement de la

    syntaxe Nous deacutefendons cette position agrave laide de plusieurs arguments distribution

    compleacutementaire des constructions diffeacuterences formelles avec la structure des cliveacutees idiosyncrasies

    des paradigmes personnels identiteacute formelle de certains paradigmes

    Nous avons leacutegegraverement revu la description de la neacutegation de Robert (1990) De plus nous

    proposons une typologie des constructions neacutegatives

    Concernant lexpression du passeacute le marqueur (w)oon peut ecirctre analyseacute comme un affixe un

    clitique ou un verbe en fonction de la construction consideacutereacutee Par ailleurs nous analysons le

    suffixe -aan comme un marqueur de passeacute reculeacute Nous reacutefutons lanalyse geacuteneacuteralement proposeacutee

    selon laquelle ce suffixe exprime un passeacute habituel En effet ce suffixe est employeacute exclusivement

    agrave limperfectif etou dans des subordonneacutees temporelles Ainsi le sens habituel nest pas veacutehiculeacute

    par ce suffixe mais plutocirct par les marqueurs propres agrave ces types de proposition

    Nous proposons une description des pronoms personnels beaucoup plus simple que celle

    preacutesenteacutee dans la plupart des travaux de reacutefeacuterences Nous reacuteduisons linteacutegraliteacute des formes agrave cinq

    paradigmes pronoms forts (libres et lieacutes) pronoms faibles sujets (libres et lieacutes) et pronoms faibles

    objets Suivant Diouf (1985) nous analysons les marques de personne de la focalisation du sujet et

    du preacutesentatif comme des pronoms forts En outre la forme des pronoms faibles sujets lieacutes nest pas

    totalement idiosyncrasique mais est en grande partie preacutedictible En effet la chute de la consonne

    initiale de certains de ces pronoms est essentiellement due agrave la voyelle ou consonne finale du

    marqueur auquel ils se lient Par ailleurs en utilisant les critegraveres de Corbett (2006) nous pouvons

    consideacuterer que dans certaines constructions les pronoms faibles sujets lieacutes peuvent ecirctre analyseacutes

    comme des affixes pronominaux alors que dans dautres ils se comportent plus comme des

    marques daccord

    - 235 -

    - 236 -

    PARTIE IIPARTIE II

    LES PEacuteRIPHRASES VERBALES DULES PEacuteRIPHRASES VERBALES DU

    WOLOFWOLOF ANALYSE ET ENJEUX ANALYSE ET ENJEUX

    TYPOLOGIQUESTYPOLOGIQUES

    Le premier objectif de cette partie est de proposer une analyse typologique des peacuteriphrases

    flexionnelles du wolof Comme nous lavons vu dans la Partie I en wolof la majeure partie des

    cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe est exprimeacutee par des constructions peacuteriphrastiques On en

    distingue deux types les constructions agrave marqueur preacutedicatif et les constructions agrave verbe auxiliaire

    Notre objectif est deacutetudier en quoi ces constructions se distinguent les unes des autres et de les

    situer dans une typologie des peacuteriphrases en nous appuyant sur les critegraveres retenus par Bonami amp

    Samvelian (2015) et Brown et al (2012)

    Cette analyse typologique nous sert de base empirique pour proposer une nouvelle approche de

    la notion dauxiliaire De nombreuses deacutefinitions etou critegraveres deacutefinitoires ont eacuteteacute proposeacutes pour

    tenter de circonscrire cette notion Neacuteanmoins nous pouvons identifier trois types de deacutefinition

    cateacutegorielle(s) fonctionnelle et panchronique Agrave partir des donneacutees du wolof et dautres langues

    africaines nous montrons les avantages ainsi que les limites de ces deacutefinitions Nous montrons

    quune approche laquo fonctionnelle raquo des auxiliaires permet de mieux rendre compte des constructions

    peacuteriphrastiques dans une perspective typologique

    Cette partie est organiseacutee comme suit Nous commenccedilons par eacutetudier le statut morphosyntaxique

    des constructions agrave marqueur preacutedicatif en wolof (Chapitre 5) Nous montrons que ces constructions

    doivent ecirctre analyseacutees comme des constructions peacuteriphrastiques (sect 51) Dans la section (sect 52)

    nous dressons linventaire des peacuteriphrases flexionnelles verbales du wolof et nous en proposons une

    analyse typologique Dans le Chapitre 6 nous proposons une nouvelle approche typologique de la

    - 237 -

    notion dauxiliaire en nous appuyant sur les donneacutees du wolof et dautres langues africaines Dans

    le Chapitre 7 nous eacutetudions la tecircte des peacuteriphrases verbales du wolof en nous appuyant sur la

    typologie proposeacutee par Anderson (2006) Dans le Chapitre 8 nous proposons une typologie des

    eacuteleacutements preacutedicatifs du wolof Enfin dans le Chapitre 9 nous proposons une eacutebauche de typologie

    geacuteneacuterale des marqueurs preacutedicatifs en nous appuyant sur la typologie proposeacutee par Mous (2005)

    pour les langues couchitiques

    - 238 -

    CCHAPITREHAPITRE 5 - 5 - LLESES PEacuteRIPHRASESPEacuteRIPHRASES VERBALESVERBALES DUDU WOLOFWOLOF

    51 Les constructions agrave marqueur preacutedicatif du wolof

    En wolof peu de constructions preacutedicatives peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions

    syntheacutetiques Seules les formes du parfait neacutegatif et de limpeacuteratif correspondent agrave des verbes

    fleacutechis la marque morphologique de ces constructions eacutetant un suffixe verbal Par ailleurs le

    subjonctif-conseacutecutif est caracteacuteriseacute par labsence de marque morphologique

    En revanche toutes les autres constructions preacutedicatives sarticulent autour dun morphegraveme

    speacutecifique que nous appelons laquo marqueur preacutedicatif raquo (MP) Il sagit dun eacuteleacutement preacutedicatif deacutenueacute

    de sens lexical mais portant la majoriteacute des informations grammaticales Les marqueurs preacutedicatifs

    forment une classe fermeacutee

    Tableau 51 - Inventaire des marqueurs preacutedicatifs

    Construction Marqueur

    Focalisation du sujet a

    Preacutesentatif a ng-

    Focalisation du compleacutement la

    Focalisation du verbe da(fa)

    Parfait na

    Futur dina

    Futur neacutegatif du

    Optatif na

    Prohibitif bu(l)

    Il nexiste pas de consensus concernant leacutetiquette donneacutee agrave ces morphegravemes Dialo (1981a) et

    Church (1981) parlent uniquement de laquo marques distinctives raquo Diouf (2009) parle de

    laquo modalisateurs raquo et Robert (1991) et Perrin (2005) parlent laquo dIndices Personne Aspect-temps

    Mode (IPAM) raquo120 Nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo marqueur preacutedicatif raquo proposeacutee par Creissels

    (2006a)121

    120 Terme emprunteacute agrave la terminologie de la linguistique tchadique121 Nous justifions ce choix en (sect 91)

    - 239 -

    511 Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP

    La question du statut lexical ou syntaxique de certaines constructions agrave MP a eacuteteacute eacutevoqueacutee par

    plusieurs auteurs Comme nous lavons vu en (sect 256) les constructions focalisantes ont eacuteteacute

    analyseacutees comme des constructions relevant de la morphologie par Robert (2000) alors que dautres

    auteurs tels que Diouf (1985) Kihm (1999) Torrence (2013b) et NDiaye-Correacuteard (1989 2003) les

    traitent comme des constructions syntaxiques Par contre le statut des autres constructions

    preacutedicatives na presque jamais eacuteteacute explicitement traiteacute122 Neacuteanmoins la plupart des auteurs

    proposent une analyse implicite de ces constructions au travers des gloses Ainsi suivant les

    conventions orthographiques actuellement en vigueur123 certains auteurs considegraverent le MP et le

    verbe comme deux mots distincts (232a) alors que dautres traitent plutocirct le MP comme un affixe

    du verbe (232b)

    232) a Tool yi rafet nantildeu (Robert 1991 39)

    champs CLyDF ecirctre_joli PRF3PL

    lsquoLes champs sont jolisrsquo

    b Xale-yi lekk-na-ntildeu ceeb-bi (Zribi-Hertz amp Diagne 2002 829)

    enfant-CLyDF manger-PRF-3PL riz-CLbDF

    lsquoLes enfants ont mangeacute le rizrsquo

    En fait la deacutetermination du statut de ce type de constructions ne se limite pas aux donneacutees du

    wolof mais constitue un problegraveme reacutecurrent en linguistique africaine En effet comme le note

    Nurse (2008 169) les laquo auteurs francophones raquo ont tendance agrave consideacuterer comme des mots

    distincts ce que les laquo auteurs anglophones raquo considegraverent comme un seul mot Cette remarque se

    confirme pour le wolof puisque les auteurs anglophones (etou travaillant dans le cadre de la

    grammaire geacuteneacuterative transformationnelle) utilisent la glose de (232b) alors que les auteurs

    francophones utilisent plutocirct la glose de (232a) (Gueacuterin 2014a)

    En wolof le verbe peut clairement ecirctre consideacutereacute comme un mot indeacutependant En effet il peut

    occuper la mecircme position quun syntagme (comme la position sujet) (233a) et il peut former un

    eacutenonceacute indeacutependant (233b) Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP revient

    donc agrave deacuteterminer le statut morphosyntaxique du MP ces marqueurs sont-ils des mots ou des

    122 Mis agrave part Gueacuterin (2014b) qui constitue la seule analyse systeacutematique traitant explicitement de cette question pourlensemble des constructions preacutedicatives

    123 cf (sect 0445)

    - 240 -

    affixes de flexion verbale

    233) a Wax yomb =na wagravente def yomb-ul (Shawyer 2009 100)

    parler ecirctre_facile =PRFs3sg mais faire ecirctre_facile-PRFNEGS3SG

    lsquoParler est facile mais agir ne lest pasrsquo

    b Dem-al

    partir-IMPS2SG

    lsquoVa-ten rsquo

    Par laquo mot raquo nous entendons laquo mot grammatical raquo cest-agrave-dire une uniteacute linguistique composeacutee

    dun ensemble coheacuterent de morphegravemes et relativement autonome dun point de vue

    morphosyntaxique (Dixon amp Aikhenvald 2002 18-25) Il soppose agrave laffixe qui est deacutefini comme

    un morphegraveme lieacute ne pouvant pas apparaicirctre isoleacutement En prenant en compte le critegravere

    phonologique on peut distinguer deux types de mots les mots indeacutependants phonologiquement

    autonomes et les clitiques phonologiquement deacutependants dun autre mot (Dixon amp Aikhenvald

    2002 Haspelmath 2002 Booij 2012)

    Tableau 52 - Distinctions entre Affixe Clitique et Mot124

    AffixeMot grammatical

    Clitique Mot indeacutependant

    Morphosyntaxe Lieacute Libre

    Phonologie Lieacute Libre

    Afin de deacuteterminer le statut morphosyntaxique des marqueurs preacutedicatifs nous utilisons

    plusieurs types de critegraveres (Haspelmath 2011 34-37 Zwicky amp Pullum 1983) Nous commenccedilons

    par des critegraveres phonologiques place de laccent lexical direction de lattachement phonologique

    pauses (sect 512) Nous utilisons ensuite des critegraveres morphologiques deacuterivation verbale

    seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat structure des preacutedicats non verbaux existence de lacunes

    arbitraires ou didiosyncrasies morphophonologiques dans la combinaison entre un clitique (ou

    affixe) et son hocircte (sect 513) Enfin nous finissons par les critegraveres dordre seacutemantique formation dun

    preacutedicat seacutemantique et compositionnaliteacute seacutemantique (sect 514)125

    124 Tableau adapteacute de Haspelmath (2002 149)125 Cette section reprend lanalyse que nous avons proposeacutee dans Gueacuterin (2014b)

    - 241 -

    512 Les critegraveres phonologiques

    5121 La place de laccent lexical

    Comme nous lavons vu en (sect 0444) laccent lexical tombe laquo sur la premiegravere syllabe du mot

    isoleacute contenant des voyelles de mecircme longueur phonologique ou sur la premiegravere syllabe agrave voyelle

    longue raquo (Ka 1978 70) Les marqueurs preacutedicatifs dafa (234a) et dina (234b) sont polysyllabiques

    et portent leur propre accent (Sauvageot 1965 41-51) Ils constituent donc des mots phonologiques

    selon les critegraveres deacutefinis par Dixon amp Aikhenvald (2002 13) cest-agrave-dire des uniteacutes phonologiques

    plus grandes que la syllabe et preacutesentant plusieurs caracteacuteristiques segmentales (structure syllabique

    interne) et prosodiques (accent lexical propre) Neacuteanmoins ce critegravere est relativement peu pertinent

    En effet depuis Dixon (1977 27) il est geacuteneacuteralement admis que au sein dune mecircme langue mots

    phonologiques et mots grammaticaux ne coiumlncident pas toujours (Dixon amp Aikhenvald 2002 27-

    31 Haspelmath 2011 37)

    234) a Daˈ fa doˈ fadi (Sauvageot 1965 42)

    FOCVS3SG ecirctre_un_peu_fou

    lsquoIl est un peu foursquo

    b diˈ na amˈ (Sauvageot 1965 49)

    FUTS3SG avoir

    lsquoil y aurarsquo

    5122 La direction de lattachement phonologique

    Agrave lexception du parfait tous les MP sont placeacutes juste avant le verbe lexical mais sont attacheacutes

    phonologiquement au mot qui les preacutecegravede Deux processus attestent de la direction de cet

    attachement lharmonie vocalique et la coalescence vocalique

    Comme nous lavons vu en (sect 0443) le wolof connaicirct un pheacutenomegravene dharmonie vocalique

    reposant sur le trait ATR les voyelles des morphegravemes phonologiquement faibles (clitiques ou

    affixes) sharmonisent avec la cateacutegorie ATR du mot qui les preacutecegravedent (Ka 1994 12-62) Ainsi la

    voyelle du MP sharmonise avec le mot qui le preacutecegravede quelle que soit sa cateacutegorie (235a-d)

    - 242 -

    235) a Ndar =lanu joacutege (Ka 1994 53)

    [ndɐr =lɐnu ɟoɡe][-ATR] [-ATR] [+ATR]

    Saint-Louis =FOCCS1PL provenir

    lsquoCest de Saint-Louis que nous sommes venusrsquo

    b Moacuteodu =dafa feebar (Ka 1994 54)

    [moːdu =dəfə fɛːbɐr][+ATR] [+ATR] [-ATR]

    Modou =FOCV3SG ecirctre_malade

    lsquoModou est maladersquo

    c Xale =ya =dinantildeu ntildeoacutew (Ka 1994 55)

    [χɐlɛ =jɐ =dinɐɲu ɲow][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]

    enfant =CLyDFDT =FUTS3PL venir

    lsquoLes enfants viendrontrsquo

    d Jigeacuteen =ntildea =nantildeu dem (Ka 1994 54)

    [ɟiɡeːn =ɲə =nəɲu dɛm][+ATR] [+ATR] [+ATR] [-ATR]

    femme =CLntildeDFDT =OPTS3PL partir

    lsquoQue les femmes partentrsquo

    Par ailleurs si le mot qui les preacutecegravede se termine par une syllabe ouverte les MP a et a ngi

    fusionnent avec la derniegravere voyelle de ce mot (236a-b) (Church 1981 68-72)

    236) a Koacutelleumlree baax (Church 1981 68)

    koacutelleumlre=a baax

    fideacuteliteacute=FOCS ecirctre_bon

    lsquoCest la fideacuteliteacute qui est bonnersquo

    - 243 -

    b Gunee ngi fo (Church 1981 72)

    gune=a ngi fo

    enfant=PRSTPX jouer

    lsquoVoici un enfant qui jouersquo

    La direction de lattachement phonologique tend donc agrave montrer que agrave lexception du parfait les

    MP ne peuvent pas ecirctre analyseacutes comme des affixes du verbe lexical En effet contrairement aux

    suffixes flexionnels et deacuterivationnels les MP ne forment pas une uniteacute phonologique avec le verbe

    lexical

    5123 Les pauses

    Agrave lexception dune pause forte (loud pause) marqueacutee par un allongement vocalique sur le MP de

    la focalisation du compleacutement la (237) aucune pause nest attesteacutee entre le MP et le verbe (Rialland

    amp Robert 2001 925-929)

    237) Loolu =laaa Mari Danel dekk (Rialland amp Robert 2001 929)

    CLCHSGDEMPX =FOCC Marie Daniel vivre

    lsquoCeeest Marie Daniel qui vitrsquo

    Neacuteanmoins labsence de pause entre deux eacuteleacutements nest pas un critegravere suffisant pour conclure

    quils ne forment quun seul mot En effet bien que les clitiques soient geacuteneacuteralement consideacutereacutes

    comme des mots grammaticaux aucune pause nest attesteacutee entre un clitique et son hocircte

    (Haspelmath 2011 39)

    513 Les critegraveres morphologiques

    5131 La deacuterivation verbale

    Comme nous lavons vu en (sect 0452) laffixation est un proceacutedeacute morphologique extrecircmement

    courant en wolof Neacuteanmoins si la suffixation est le proceacutedeacute morphologique le plus productif la

    preacutefixation est inexistante (Ka 1981 Ndiaye 2004 18-19 Diouf 2009 31) Quils soient

    flexionnels ou deacuterivationnels tous les morphegravemes clairement identifieacutes comme des affixes sont des

    - 244 -

    suffixes dund (vivre) dund-aat (revivre) dund-al (faire vivre) dund-ul (ne pas vivre) Or agrave

    lexception du parfait tous les marqueurs preacutedicatifs sont anteacuteposeacutes au verbe (Ch 2) Ainsi

    analyser les MP comme des affixes va agrave lencontre des traits typologiques du wolof En effet les MP

    seraient les seuls preacutefixes productifs126 et auraient donc un fonctionnement relativement marginal

    au sein du systegraveme morphologique de la langue

    5132 La seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat

    Dans la plupart des constructions preacutedicatives les membres du preacutedicat ne peuvent ecirctre seacutepareacutes

    que par des morphegravemes pronominaux Ainsi les eacuteleacutements attesteacutes entre le MP et le verbe sont soit

    des affixes (indices sujets) soit des clitiques (pronoms objets pronoms locatifs) (238) (sect 42)

    238) Da-ma =la =ko =fa beumlgg=a yoacutebbul (Diouf 2009 100)

    FOCV-S1SG =O2SG =O3SG =CLLOCDFDT vouloir=DV emmenerBEN

    lsquoJe veux te ly emmenerrsquo

    Neacuteanmoins dans les eacutenonceacutes agrave loptatif (239a) au prohibitif (239b) ou avec focalisation du

    compleacutement (239c) le sujet lexical se place entre le marqueur preacutedicatif et le verbe (Ch 2) On

    remarque eacutegalement que ladverbe rekk (seulement) peut apparaicirctre entre le MP et le verbe lexical

    dans les eacutenonceacutes avec focalisation du verbe (239d)

    239) a Na nit =ntildei dem (Church 1981 100)

    OPT personne =CLntildeDFPX partir

    lsquoQue les gens partent rsquo

    b Bu xaj =bi dugg (Church 1981 104)

    PROH chien =CLbDFPX entrer

    lsquoQue le chien nentre pas rsquo

    c Yow =la Omar gis (Diouf 2009 93)

    PRO2SG =FOCC Omar voir

    lsquoCest toi quOmar a vursquo

    126 Diouf (2009 54) dresse une liste des preacutefixes en wolof Il recense sept preacutefixes nominaux non productifsCependant lidentification de certains de ces morphegravemes comme preacutefixes est discutable En effet certains semblentplus relever de la composition ou ecirctre des calques de structures arabes

    - 245 -

    d Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)

    POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCV3SG seulement ecirctre_sans_gecircne

    lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo

    Selon le principe dinteacutegriteacute lexicale (Anderson 1992 84 Bresnan amp Mchombo 1995) les

    eacuteleacutements constitutifs dun mot grammatical ne peuvent ecirctre interrompus par une autre entiteacute

    syntaxique Les MP la na (OPT) et dafa ne peuvent donc pas ecirctre analyseacutes comme des affixes du

    verbe lexical En revanche le fait que tous les preacutedicats des autres constructions preacutedicatives ne

    puissent pas ecirctre interrompus par un syntagme nest pas un critegravere suffisant pour conclure quils ne

    forment quun seul mot En effet il existe de nombreux exemples de combinaisons inseacuteparables qui

    ne peuvent pas ecirctre analyseacutees comme des mots grammaticaux (Haspelmath 2011 45)

    5133 Les preacutedicats non verbaux

    Certains MP apparaissent dans des eacutenonceacutes agrave preacutedicat non verbal cest-agrave-dire sans verbe lexical

    En effet les MP la (240a) et a (240b) permettent de construire des eacutenonceacutes didentification ou de

    cateacutegorisation et le MP a ngi (240c) permet de construire des eacutenonceacutes de localisation (Robert

    1991 159-163 Torrence 2013b)

    240) a Man nit =la-a (Robert 1991 160)

    PRO1SG humain =FOCC-S1SG

    lsquoMoi je suis un ecirctre humainrsquo

    b Maryam jagravengalekat =a (Torrence 2013b 195)

    Marie enseignant =FOCS

    lsquoMarie est enseignantersquo

    c Ma-a ngi ci neacuteeg =bi (Diouf 2009 149)

    PRO1SG-PRSTPX PREPPX chambre =CLbDFPX

    lsquoJe suis dans la chambrersquo

    Comme nous lavons vu en (sect 256) deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees pour rendre compte de ces

    constructions Selon Kihm (1999) et Torrence (2013a 2013b) il sagit de constructions cliveacutees

    mettant en jeu une copule a pouvant ecirctre preacuteceacutedeacutee dun expleacutetif l- alors que Fal (1999 139-146) et

    - 246 -

    Diouf (2009 149) suivant lanalyse classique les traitent comme preacutedicats verbaux dans lesquels

    le verbe doon (ecirctre) ou nekk (ecirctre se trouver) est sous-entendu Quelle que soit lanalyse retenue

    ces constructions tendent agrave montrer que les MP a la et a ngi ne peuvent pas ecirctre analyseacutes comme

    des affixes verbaux En effet mecircme si lon admet que le verbe nekk est sous-entendu ces

    constructions prouvent que le MP peut apparaicirctre en labsence de verbe lexical cest-agrave-dire sans

    hocircte pour laffixation Or par deacutefinition les affixes sont des morphegravemes lieacutes ne pouvant pas

    apparaicirctre isoleacutement

    Toutefois dans certaines langues des morphegravemes clairement identifieacutes comme des affixes

    peuvent apparaicirctre sans leur hocircte Il sagit du pheacutenomegravene dellipse (ou gapping) de lhocircte dans la

    coordination daffixes (Booij 2012 292) comme par exemple en franccedilais mono- et

    polysyllabique Cependant ces constructions se distinguent nettement des preacutedicats non verbaux du

    wolof En effet dans les cas de coordination daffixes lhocircte nest pas sous-entendu il doit soit

    apparaicirctre dans le syntagme et servir de support pour lun des affixes soit ecirctre reacutecupeacuterable quelque

    part dans le discours (ex Le mot lion est-il mono- ou polysyllabique Mono)

    5134 Les lacunes arbitraires

    Selon Zwicky amp Pullum (1983) il ny a geacuteneacuteralement pas de lacune arbitraire dans la

    combinaison entre un clitique et son hocircte cest-agrave-dire quil nexiste pas de cas ougrave un clitique soit

    arbitrairement incompatible avec un mot hocircte alors que de telles lacunes sont attesteacutees dans la

    combinaison entre un affixe et son hocircte Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce critegravere tend

    agrave montrer que les MP sont des clitiques En effet tous les verbes semblent ecirctre compatibles avec

    tous les MP

    5135 Les idiosyncrasies morphophonologiques

    Selon Zwicky amp Pullum (1983) les idiosyncrasies morphophonologiques sont caracteacuteristiques

    des affixes mais sobservent plus rarement avec les clitiques cest-agrave-dire quil nexiste pas de cas ougrave

    la combinaison entre un clitique et son hocircte preacutesente une forme phonologique non preacutedictible

    Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce critegravere tend agrave montrer que les MP sont des clitiques

    En effet aucune combinaison entre un MP et un verbe ne preacutesente dirreacutegulariteacutes phonologiques

    les formes attesteacutees sont toujours les formes attendues (Church 1981 Robert 1991)

    - 247 -

    514 Les critegraveres seacutemantiques

    5141 La formation dun preacutedicat seacutemantique

    Le fait que le MP et le verbe forment un preacutedicat seacutemantique et projettent une seule structure

    argumentale ne constitue pas un argument suffisant pour consideacuterer que les constructions agrave MP du

    wolof sont des mots En effet cest eacutegalement le cas de constructions idiomatiques telles que

    casser sa pipe (Samvelian 2012 53) ou des constructions agrave coverbes127 (Baker amp Harvey 2010

    14) Or ces constructions ne constituent pas des mots

    5142 La compositionnaliteacute seacutemantique

    Selon Zwicky amp Pullum (1983) les idiosyncrasies seacutemantiques sont caracteacuteristiques des affixes

    mais sobservent plus rarement avec les clitiques Appliqueacute aux constructions agrave MP du wolof ce

    critegravere tend agrave montrer que les MP sont des clitiques En effet la contribution seacutemantique dun MP

    est toujours la mecircme quel que soit le verbe La principale variation attesteacutee concerne le MP du

    parfait na qui na pas la mecircme valeur en combinaison avec les verbes daction ou avec les verbes

    deacutetat (Robert 1991 41-59) Neacuteanmoins cette variation deacutepend du type de verbe et nest donc pas

    idiosyncrasique

    Le fait que les constructions agrave MP soient compositionnelles nest cependant pas un critegravere fiable

    pour deacuteterminer leur statut En effet certains mots deacuteriveacutes sont seacutemantiquement compositionnels

    alors que certains syntagmes idiomatiques ne le sont pas (Haspelmath 2011 36) Par exemple en

    wolof le sens du verbe liggeacuteeysi (venir travailler) peut ecirctre deacuteduit du sens de ses composantes le

    verbe liggeacuteey (travailler) et le suffixe -si (veacutenitif) alors que le sens du syntagme gis boppam (se

    sentir toucher dans son amour-propre) est idiomatique ses composantes eacutetant le verbe gis (voir) le

    nom bopp (tecircte) et le possessif -am (POSS3SG)

    515 Le cas du parfait

    Le parfait constitue un cas relativement probleacutematique En effet la majoriteacute des critegraveres que nous

    avons retenus soit ne sappliquent pas agrave cette construction (seacuteparabiliteacute preacutedicats non verbaux) soit

    127 Les constructions agrave coverbes sarticulent autour de deux types de verbes le coverbe ndash verbe non fini contribuant ausens lexical de la preacutedication ndash et un verbe fini qui porte la majoriteacute de linformation grammaticale (temps aspectmode accord) et deacutetermine la structure argumentale (Baker amp Harvey 2010 14-15)

    - 248 -

    fournissent des reacutesultats peu convaincants (place de laccent lexical pauses) soit opposent le

    marqueur na aux autres MP (direction de lattachement phonologique deacuterivation verbale lacunes

    arbitraires)

    Contrairement aux autres MP le marqueur na partage plusieurs caracteacuteristiques avec les suffixes

    verbaux En effet il forme une uniteacute prosodique avec le verbe (Sauvageot 1965 43) et sa voyelle

    sharmonise avec la cateacutegorie ATR du verbe (241a) comme les suffixes de deacuterivation (241b) ou de

    flexion verbale (241c) (Ka 1994 Ch 1) Neacuteanmoins ce critegravere nest pas suffisant En effet le

    deacuteterminant deacutefini forme eacutegalement une uniteacute prosodique avec le mot qui preacutecegravede mais il sagit

    clairement dun clitique (Ka 1994 50-51 Gueacuterin 2011 103-104)

    241) a raw na ~ gis na

    [rɐw nɐ] [ɡis nə][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]

    deacutepasser PRFS3SG voir PRFS3SG

    lsquoil a remporteacute la victoirersquo lsquoil a vursquo

    b raw -ante ~ gis -ante

    [rɐw -ɐntɛ] [ɡis -ənte][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]

    deacutepasser -RECP voir -RECP

    lsquofaire une compeacutetitionrsquo lsquose voir mutuellementrsquo

    c raw -oon ~ gis -oon

    [rɐw -ɔːn] [ɡis -oːn][-ATR] [-ATR] [+ATR] [+ATR]

    deacutepasser -PAS voir -PAS

    lsquodeacutepassaitrsquo lsquovoyaitrsquo

    Agrave la diffeacuterence de tous les autres MP na se place immeacutediatement apregraves le verbe comme les

    suffixes de deacuterivation et de flexion verbale En outre ces suffixes sont les seuls eacuteleacutements attesteacutes

    entre na et le verbe aucun mot ou clitique ne peut apparaicirctre dans cette position Par ailleurs le

    marqueur du parfait ne peut pas apparaicirctre en labsence du verbe lexical (Robert 1991 38) En

    outre la construction mettant en jeu ce MP et le verbe auxiliaire dimperfectif di a subi un processus

    de morphologisation (Hopper amp Traugott 2003 140-159) ces deux mots ont fusionneacute pour donner

    - 249 -

    le MP du futur dina (Voisin 2010 148) Enfin na est le seul MP agrave disparaicirctre dans les eacutenonceacutes

    neacutegatifs En effet la construction neacutegative du parfait est constitueacutee dune forme verbale syntheacutetique

    les marques de la neacutegation et de personne eacutetant suffixeacutees au verbe (242a) Ainsi le marqueur du

    parfait semble occuper la mecircme position morphosyntaxique que le suffixe de neacutegation (242a-b)

    (sect 212)

    242) a Dox-u-ntildeu

    marcher-PRFNEG-S3PL

    lsquoIls nont pas marcheacutersquo

    b Dox =na-ntildeu

    marcher =PRF-S3PL

    lsquoIls ont marcheacutersquo

    Par ailleurs en wolof la grande majoriteacute des suffixes ont une attaque vocalique Les seuls

    suffixes agrave attaque consonantique de la langue commencent tous par une consonne coronale Il sagit

    du suffixe veacutenitif -si de suffixes deacuteverbaux non-productifs commenccedilant par un [t] et de quelques

    suffixes de diathegravese qui commencent par un [l] (Diouf 2009 54-57) Ainsi le fait que le MP du

    parfait na commence par une consonne coronale constitue un argument suppleacutementaire permettant

    de rapprocher ce MP des affixes de la langue

    Cependant en appliquant les critegraveres proposeacutes par Zwicky amp Pullum (1983) pour distinguer les

    clitiques post-lexicaux des affixes on constate que na se comporte plutocirct comme un clitique

    bull Les clitiques manifestent un faible degreacute de seacutelection par rapport agrave leur hocircte alors que les

    affixes manifestent un haut degreacute de seacutelection par rapport agrave leur radical

    Le MP du parfait manifeste un haut degreacute de seacutelection par rapport agrave son hocircte ce dernier ne

    pouvant ecirctre quun verbe En effet agrave la diffeacuterence des autres constructions preacutedicatives au

    parfait les seuls eacuteleacutements attesteacutes entre le MP et le verbe sont des affixes Selon ce critegravere

    na se comporte comme un affixe

    bull Les lacunes arbitraires dans les combinaisons sont plus caracteacuteristiques des mots affixeacutes

    que des groupes de clitiques

    Agrave la diffeacuterence des autres constructions preacutedicatives la construction parfait connaicirct une

    lacune arbitraire avec le verbe sog (venir de) (Diouf 2009 185) Le fait que la construction

    - 250 -

    parfait ne connaisse quune seule lacune tend agrave montrer que na se comporte plutocirct comme un

    clitique mais lexistence dune telle lacune rapproche neacuteanmoins ce MP des affixes

    bull Les idiosyncrasies morphophonologiques sont plus caracteacuteristiques des mots affixeacutes que des

    groupes de clitiques

    La construction parfait ne preacutesente aucune idiosyncrasie morphophonologique Selon ce

    critegravere na se comporte comme un clitique

    bull Les idiosyncrasies seacutemantiques sont plus caracteacuteristiques des mots affixeacutes que des groupes

    de clitiques

    La construction parfait ne preacutesente aucune idiosyncrasie seacutemantique Selon ce critegravere na se

    comporte comme un clitique

    bull Les regravegles syntaxiques peuvent affecter les mots affixeacutes mais pas les groupes de clitiques

    Lensemble formeacute par le MP du parfait et un verbe lexical ne semble pas pouvoir ecirctre affecteacute

    par des regravegles syntaxiques Selon ce critegravere na se comporte comme un clitique

    bull Les clitiques peuvent sattacher agrave une seacutequence contenant deacutejagrave des clitiques mais les affixes

    ne peuvent pas srsquoattacher agrave de telles seacutequences

    Eacutetant donneacute que les seuls eacuteleacutements attesteacutes entre le MP du parfait et le verbe sont des

    affixes il apparaicirct que le MP na ne peut pas sattacher agrave une seacutequence contenant des

    clitiques Selon ce critegravere na se comporte comme un affixe Neacuteanmoins si na se place

    immeacutediatement apregraves le verbe comme les suffixes de deacuterivation et de flexion verbale ces

    derniers se placeront tous avant lui (243a-b) Ce pheacutenomegravene pourrait laisser supposer que na

    est un clitique cest-agrave-dire une uniteacute syntaxique qui vient sattacher agrave un verbe deacutejagrave deacuteriveacute et

    fleacutechi

    243) a Mii moom jar-al-oon =na =ko (Cisseacute Ma 1994 16)

    CLmDEMPX PRO3SG valoir-BEN-PAS =PRFS3SG =O3SG

    waa keumlr Mbagravebba

    gens maison Mbaba

    lsquoCelui-lagrave en valait la peine pour les gens de Mbabarsquo

    - 251 -

    b Yeacuteesu dund-al-aat =na ab neacuteew (Diouf 2003 561)

    Jeacutesus vivre-CAUS-ITER =PRF3SG IDFCLb deacutefunt

    lsquoJeacutesus a ressusciteacute un mortrsquo

    Le statut de na est donc relativement ambigu En effet si la majoriteacute des tests tendent agrave montrer

    quil sagit dun clitique ce MP preacutesente des proprieacuteteacutes propres aux affixes Nous pouvons donc

    supposer que na est en cours de grammaticalisation

    516 Synthegravese

    La batterie de tests mise agrave leacutepreuve dans ce chapitre tend agrave montrer que les MP doivent ecirctre

    analyseacutes comme des clitiques En effet les critegraveres phonologiques montrent que les MP sont des

    uniteacutes phonologiquement deacutependantes avec un doute concernant la dafa et dina De plus la

    direction de lattachement phonologique tend agrave montrer que agrave lexception de na (PRF) il sagirait

    plutocirct de clitiques Les critegraveres morphologiques viennent confirmer ces reacutesultats En effet bien que

    plusieurs tests morphologiques soient inopeacuterants avec certains MP tous ceux qui fournissent des

    reacutesultats tendent agrave monter que agrave lexception de na (PRF) les MP sont des clitiques (ou des mots

    indeacutependants) Enfin la compositionnaliteacute seacutemantique plaide plutocirct pour un statut de clitique des

    MP Neacuteanmoins les critegraveres seacutemantiques restent relativement peu fiables

    Ainsi les critegraveres morphologiques montrent que les MP sont des mots et les critegraveres

    phonologiques montrent quils sont phonologiquement deacutependants ce qui nous pousse agrave conclure

    que les MP doivent ecirctre analyseacutes comme des clitiques De plus si le MP du parfait apparaicirct comme

    relativement ambigu au regard des critegraveres que nous avons retenus les critegraveres proposeacutes par Zwicky

    amp Pullum (1983) tendent agrave montrer quil sagit eacutegalement dun clitique

    Pour conclure les constructions preacutedicatives agrave MP preacutesentent clairement des caracteacuteristiques de

    seacutequences syntaxiques (syntagmes) et ne peuvent donc pas ecirctre consideacutereacutees comme des uniteacutes

    relevant de la morphologie (mots) En effet ces constructions sarticulent autour de deux eacuteleacutements

    le verbe lexical et le marqueur preacutedicatif Or le verbe est clairement identifieacute comme eacutetant un

    lexegraveme et les proprieacuteteacutes des MP permettent de les analyser comme des clitiques Ainsi les

    constructions preacutedicatives agrave MP sont des constructions syntaxiques constitueacutees de deux mots

    grammaticaux

    - 252 -

    Tableau 53 - Statut morphosyntaxique des marqueurs preacutedicatifs128

    FOCS PRST FOCC FOCV PRF FUT FUTNEG OPT PROH

    a a ng- la da(fa) na dina du na bu(l)

    Place de laccent lexical C~A C~A C~A (M) C~A (M) (M) C~A C~A

    Attachement phonologique C C C C A C C C C

    Pauses C~A C~A M C~A C~A C~A C~A C~A C~A

    Deacuterivation verbale (C) (C) (C) (C) A (C) (C) (C) (C)

    Seacuteparabiliteacute - - C~M - - - - C~M C~M

    Preacutedicats non verbaux C~M C~M C~M - - - C~M - -

    Lacunes arbitraires C C C C C~(A) C C C C

    Idiosyncrasies morpho C C C C C C C C C

    Preacutedicat seacutemantique - - - - - - - - -

    Compositionnaliteacute (C) (C) (C) (C) (C) (C) (C) (C) (C)

    Statut C C C C C~A C C C C

    52 La diversiteacute des peacuteriphrases verbales du wolof

    521 La notion de peacuteriphrase flexionnelle

    Dans les langues toutes les cellules du paradigme flexionnel dun lexegraveme (ou dune classe de

    lexegravemes) ne sont pas neacutecessairement occupeacutees par un mot fleacutechi mais peuvent eacutegalement ecirctre

    occupeacutees par des constructions peacuteriphrastiques La notion de peacuteriphrase flexionnelle peut ecirctre

    deacutefinie de deux faccedilons diffeacuterentes (Bonami amp Samvelian 2015)

    bull Deacutefinition typologique Au sens large une construction peacuteriphrastique est une construction

    syntaxique qui reacutealise une proprieacuteteacute consideacutereacutee comme typiquement flexionnelle (Brown et

    al 2012) Selon Haspelmath (2000) cette deacutefinition deacutesigne un type de constructions

    peacuteriphrastiques quil nomme laquo peacuteriphrases cateacutegorielles raquo

    bull Deacutefinition formelle Dun point de vue plus formel on peut deacutefinir une peacuteriphrase comme

    une construction constitueacutee de plusieurs mots qui sert agrave lexpression pour un lexegraveme donneacute

    dun des membres dune opposition paradigmatique dont un autre membre au moins est

    128 C = clitique A = affixe M = mot indeacutependant laquo - raquo indique que le critegravere nest pas pertinent et les parenthegraveses in-diquent que le reacutesultat du test est relativement peu convainquant

    - 253 -

    exprimeacute par un mot fleacutechi (Bonami 2014 163) Selon Haspelmath (2000) cette deacutefinition

    deacutesigne un type de constructions peacuteriphrastiques quil nomme laquo peacuteriphrases suppleacutetives raquo

    Une peacuteriphrase suppleacutetive occupe une cellule vide dun paradigme flexionnel geacuteneacuteralement

    pour conserver la symeacutetrie du paradigme (Haspelmath 2000 656) Si des lexegravemes

    appartenant agrave certaines classes flexionnelles sont incompatibles avec une reacutealisation

    syntheacutetique une peacuteriphrase suppleacutetive peut combler ce trou dans le paradigme (Haspelmath

    2000 657)

    Par exemple dans le paradigme des verbes en latin les cellules correspondant aux proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques ASP imperfectif TPS futur MODE subjonctif VOIX actif sont occupeacutees par des

    constructions peacuteriphrastiques constitueacutees du participe futur actif du verbe et du subjonctif preacutesent

    du verbe sum (ecirctre)129 (Bonami 2014 163)

    Tableau 54 - Formes du 1SG imperfectif actif du verbe latin facio (faire)

    Indicatif Subjonctif

    Preacutesent faciō faciam

    Passeacute (imparfait) faciēbam facerem

    Futur faciam facturus sim

    Suivant la terminologie proposeacutee par Bonami (2014 163) la forme fleacutechie du lexegraveme verbal est

    leacuteleacutement principal de la peacuteriphrase et les autres mots (dans ce cas le verbe sum) sont les eacuteleacutements

    ancillaires

    522 Inventaire des peacuteriphrases verbales du wolof

    Comme on peut le voir dans le Tableau (55) la plupart des cellules du paradigme des verbes du

    wolof est occupeacutee par une construction syntaxique constitueacutee dau moins deux mots

    Seules quatre cellules sont occupeacutees par des formes syntheacutetiques le parfait neacutegatif perfectif

    non-passeacute limpeacuteratif perfectif et le subjonctif-conseacutecutif affirmatif perfectif Toutes les autres

    cellules sont occupeacutees par des constructions complexes constitueacutees de deux trois ou quatre mots

    129 Cet exemple est emprunteacute agrave Haspelmath (2000 655)

    - 254 -

    Tableau 55 - Formes syntheacutetiques et peacuteriphrastiques du verbe lekk (manger)130

    POLPERFECTIF IMPERFECTIF

    NON-PASSEacute PASSEacute NON-PASSEacute PASSEacute

    FOCS+ maa lekk maa lekkoon maa =y lekk maa doon lekk

    ndash maa lekkul maa lekkuloon maa dul lekk maa duloon lekk

    PRST+ maangi lekk maangi lekkoon maangi =y lekk maangi doon lekk

    ndash maangi bantildea lekk maangi bantildeoona lekk maangi =y bantildea lekk maangi doon bantildea lekk

    FOCC+ laa lekk laa lekkoon laa =y lekk laa doon lekk

    ndash laa lekkul laa lekkuloon laa dul lekk laa duloon lekk

    FOCV+ dama lekk dama lekkoon dama =y lekk dama doon lekk

    ndash dama lekkul dama lekkuloon dama dul lekk dama duloon lekk

    PRF+ lekk =naa lekkoon =naa di =naa lekk doon =naa lekk

    ndash lekkuma lekkuma =woon duma lekk duma =woon lekk

    FUT+ dinaa lekk doon =naa lekk dinaa =y lekk na

    ndash duma lekk duma =woon lekk duma =y lekk na

    OPT+ naa lekk na naa =y lekk na

    ndash buma lekk na buma =y lekk na

    IMP+ lekkal na dil lekk na

    ndash bul lekk na bul di lekk na

    SUBJ+ ma lekk ma lekkoon ma =y lekk ma doon lekk

    ndash ma bantildea lekk ma bantildeoona lekk ma =y bantildea lekk na

    On constate que la plupart des constructions preacutedicatives sont des constructions syntaxiques

    constitueacutees de la forme fleacutechie du lexegraveme verbal et dun mot qui amalgame le marqueur preacutedicatif agrave

    la marque de personne131 FOCS PRST FOCC FOCV FUT FUTNEG OPT et PROH Pour le parfait la situation

    est discutable Comme nous lavons vu en (sect 515) deacutefinir le statut morphosyntaxique de na est

    relativement probleacutematique Neacuteanmoins si lon admet quil sagit dun clitique alors le parfait (non

    neacutegatif) est eacutegalement une construction syntaxique Par ailleurs on peut isoler deux constructions

    syntaxiques constitueacutees du verbe lexical et de la forme fleacutechie dun verbe auxiliaire Il sagit des

    formes neacutegatives du subjonctif et du preacutesentatif marqueacutees par le verbe auxiliaire bantilde et

    130 Ce tableau preacutesente le paradigme des formes de 1SG sauf pour limpeacuteratif ougrave la forme est au 2SG Les cases en blanccorrespondent agrave des formes syntheacutetiques ou non attesteacutees les cases en gris clair agrave des formes peacuteriphrastiquesconstitueacutees de deux eacuteleacutements et les cases en gris fonceacute agrave des formes peacuteriphrastiques constitueacutees de trois eacuteleacutementsou plus

    131 Pour deacutesigner ce type de mots Creissels (2005 57-58) utilise leacutetiquette laquo tense-person complex raquo et Anderson(2006 289) parle de laquo tense marked pronouns raquo Notons que nous ne pouvons pas parler laquo damalgame raquo dans lecas du subjonctif-conseacutecutif dans la mesure ougrave aucune marque de tiroir verbal nest preacutesente dans la construction le premier mot eacutetant uniquement un pronom personnel sujet (sect 242)

    - 255 -

    limperfectif marqueacute par le verbe auxiliaire di Enfin dans les formes de parfait neacutegatif le

    marqueur de passeacute woon nest pas un affixe mais un clitique ces formes peuvent donc eacutegalement

    ecirctre consideacutereacutees comme des constructions complexes

    Toutes les constructions constitueacutees de trois ou quatre mots sont en fait issues de la conjonction

    de plusieurs des constructions complexes que nous venons de lister Par exemple dama doon lekk

    est constitueacutee de trois mots le verbe lexical lamalgame MP-personne et la forme fleacutechie du verbe

    auxiliaire dimperfectif Il sagit donc de la conjonction de deux constructions la focalisation du

    verbe et limperfectif

    Ces constructions complexes peuvent-elles ecirctre analyseacutees comme des constructions

    peacuteriphrastiques Si lon sen tient agrave la deacutefinition formelle que nous avons donneacutee en (sect 12) il sagit

    bien de constructions peacuteriphrastiques En effet le paradigme des verbes du wolof fait intervenir des

    formes syntheacutetiques au parfait neacutegatif et agrave limpeacuteratif Ainsi toutes les autres cellules du paradigme

    font intervenir des constructions syntaxiques qui servent agrave lexpression de membres dune

    opposition paradigmatique dont un autre membre au moins est exprimeacute par un mot fleacutechi Dans ces

    constructions peacuteriphrastiques la forme fleacutechie du lexegraveme verbal est leacuteleacutement principal et le MP le

    verbe auxiliaire ou le marqueur clitique de passeacute est leacuteleacutement ancillaire Neacuteanmoins cette analyse

    peut paraicirctre discutable Est-il leacutegitime de parler de constructions peacuteriphrastiques si un seul membre

    du paradigme (ou deux en comptant limpeacuteratif) est reacutealiseacute morphologiquement Cette question est

    dautant plus pertinente que cette deacutefinition formelle de la laquo peacuteriphrase raquo sapplique agrave un type de

    constructions peacuteriphrastiques que Haspelmath (2000) nomme laquo peacuteriphrases suppleacutetives raquo et dont la

    fonction est geacuteneacuteralement de conserver la symeacutetrie du paradigme Selon Haspelmath (2000 657)

    on pourrait donc plutocirct consideacuterer que nous sommes en preacutesence dun paradigme syntaxique dont

    lun des membres (agrave savoir le parfait neacutegatif) est exprimeacute par une forme laquo anti-peacuteriphrastique raquo

    Mais il sagit lagrave de problegravemes terminologiques qui ne remettent pas en cause lanalyse Nous

    pouvons donc identifier douze constructions peacuteriphrastiques

    244) a Focalisation du sujet (FOCS)

    Maa lekk ceeb

    S1SGFOCS manger riz

    lsquoCest moi qui ai mangeacute du rizrsquo

    - 256 -

    b Preacutesentatif (PRST)

    Maangi lekk ceeb

    S1SGPRST-PX manger riz

    lsquoMe voici qui ai mangeacute du rizrsquo

    c Focalisation du compleacutement (FOCC)

    Ceeb =laa lekk

    riz =FOCCS1SG manger

    lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo

    d Focalisation du verbe (FOCV)

    Dama lekk ceeb

    FOCVS1SG manger riz

    lsquo(Le fait est que) jai mangeacute du rizrsquo

    e Futur (FUT)

    Dinaa lekk ceeb

    FUTS1SG manger riz

    lsquoJe mangerai du rizrsquo

    f Futur neacutegatif (FUTNEG)

    Duma lekk ceeb

    FUTNEGS1SG manger riz

    lsquoJe ne mangerai pas de rizrsquo

    g Optatif (OPT)

    Naa lekk ceeb

    OPTS1SG manger riz

    lsquoQue je mange du riz rsquo

    h Prohibitif (PROH)

    Buma lekk ceeb

    PROHS1SG manger riz

    lsquoQue je ne mange pas de riz rsquo

    - 257 -

    i Parfait (PRF)

    Lekk =naa ceeb

    manger =PRFS1SG riz

    lsquoJai mangeacute du rizrsquo

    j Imperfectif (IPF)

    (hellip) ma =y lekk ceeb

    S1SG =IPF manger riz

    lsquo(hellip) je mange du rizrsquo

    k Neacutegation agrave verbe auxiliaire (NEGAUX)

    (hellip) (ndax) ma bantilde=a lekk ceeb

    (pour) S1SG refuser=DV manger riz

    lsquo(hellip) (pour) que je ne mange pas de rizrsquo

    l Passeacute clitique (PASCLT)

    Lekk-uma =woon ceeb

    manger-PRFNEGS1SG =PAS riz

    lsquoJe navais pas mangeacute de rizrsquo

    523 Typologie des peacuteriphrases verbales du wolof

    Les douze constructions deacutecrites plus haut peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions

    peacuteriphrastiques dun point de vue formel Neacuteanmoins elles ne constituent pas un ensemble

    homogegravene de constructions Lobjectif de cette section est deacutetudier en quoi ces constructions se

    distinguent les unes des autres et de les situer dans une typologie des peacuteriphrases Suivant Bonami

    amp Samvelian (2009 2015) nous avons retenu trois angles deacutetude le degreacute de coheacutesion

    morphosyntaxique des membres de la construction linteacutegration des constructions au paradigme

    flexionnel et la proximiteacute des constructions avec les laquo peacuteriphrases canoniques raquo telles quelles sont

    deacutefinies par la typologie canonique (Brown et al 2012)

    - 258 -

    5231 Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique

    Les constructions mettant en jeu deux uniteacutes linguistiques peuvent ecirctre situeacutees sur une eacutechelle de

    coheacutesion morphosyntaxique Agrave une extreacutemiteacute de leacutechelle on trouve les constructions syntheacutetiques

    cest-agrave-dire des constructions ougrave les deux uniteacutes preacutesentent la coheacutesion la plus forte Agrave lautre

    extreacutemiteacute on trouve les constructions analytiques cest-agrave-dire des constructions purement

    syntaxiques ougrave les deux uniteacutes constituent deux mots distincts Entre ces deux extrecircmes on peut

    distinguer (au moins) trois types de constructions Les constructions quasi-analytiques sont des

    constructions syntaxiques preacutesentant quelques caracteacuteristiques des constructions syntheacutetiques Les

    constructions quasi-syntheacutetiques sont des constructions syntaxiques dont les mots preacutesentent une

    coheacutesion proche de celle des constructions syntheacutetiques Enfin les (vraies) constructions

    peacuteriphrastiques occupent une position centrale sur cette eacutechelle (Bonami amp Samvelian 2009 2015)

    Avant de deacuteterminer la position de chacune des douze constructions du wolof sur leacutechelle de

    coheacutesion morphosyntaxique il nous semble important didentifier la structure des constructions

    syntheacutetiques et des constructions analytiques dans cette langue Comme nous lavons vu la seule

    construction syntheacutetique est le parfait neacutegatif (245a) Les constructions analytiques sont (par

    deacutefinition) plus nombreuses Les constructions infinitivales132 peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des

    constructions analytiques archeacutetypales Il sagit de constructions syntaxiques constitueacutees dun verbe

    prenant pour objet une proposition infinitive (245b)133 Ces deux constructions vont nous servir

    deacutetalon afin deacutetablir les critegraveres permettant de deacuteterminer le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique

    de chaque construction

    245) a Parfait neacutegatif (PRFNEG)

    Lekk-uma ceeb

    manger-PRFNEGS1SG riz

    lsquoJe nai pas mangeacute de rizrsquo

    b Construction infinitivale (V-INF)

    (hellip) ma beumlgg=a lekk ceeb

    S1SG vouloir=DV manger riz

    lsquo(hellip) je veux manger du rizrsquo

    132 Nous empruntons ce terme agrave Creissels (2006b)133 Nous illustrons cette construction par une proposition au subjonctif-conseacutecutif mais la construction infinitivale est

    compatible avec dautres constructions preacutedicatives

    - 259 -

    Dans la construction infinitivale les deux verbes peuvent ecirctre seacutepareacutes par un pronom objet

    (246a) ou un adverbe (246b) De plus on note geacuteneacuteralement la preacutesence dune marque de

    deacutependance verbale (246c) Par ailleurs les deux verbes sont morphologiquement et

    phonologiquement autonomes Enfin il nexiste aucune idiosyncrasie dans la combinaison dun

    verbe et dun compleacutement infinitif

    246) a Danga sarxolle mu beumlgg =la toppandoo (Diouf 2003 590)

    FOCVS2SG faire_des_youyous S3SG vouloir =O2SG imiter

    lsquoTu as fait des youyous et il a voulu timiterrsquo

    b Dama beumlgg rekk woacuteorliku ne dinga ntildeoacutew (Diouf 2003 372)

    FOCVS2SG vouloir seulement veacuterifier COMP FUTS2SG venir

    lsquoJe veux seulement massurer que tu viendrasrsquo

    c Dama beumlgg=a jubbanti tagravenku siis =bi (Diouf 2003 175)

    FOCVS1SG vouloir=DV redresser piedGEN chaise =CLbDFPX

    lsquoJe veux redresser le pied de la chaisersquo

    En revanche au parfait neacutegatif ni les pronoms objets ni les adverbes ni la marque de

    deacutependance verbale ne peuvent ecirctre inseacutereacutes entre le verbe et le suffixe flexionnel Par ailleurs le

    suffixe na aucune autonomie et est morphologiquement et phonologiquement deacutependant du verbe

    Enfin il existe des idiosyncrasies dans la combinaison de certains verbes avec ce suffixe xawma

    au lieu de xam-uma (je ne sais pas)

    En appliquant ces critegraveres on constate que le parfait doit ecirctre analyseacute comme une construction

    syntheacutetique En effet ni les pronoms objets ni les adverbes ni la marque de deacutependance verbale ne

    peuvent ecirctre inseacutereacutes entre le verbe et le suffixe flexionnel le marqueur na est un clitique

    phonologiquement deacutependant du verbe il existe des idiosyncrasies dans la combinaison de certains

    verbes avec ce suffixe (sect 515) Neacuteanmoins deux choses distinguent le parfait du parfait neacutegatif

    Premiegraverement le marqueur du parfait neacutegatif est clairement un suffixe alors que le marqueur du

    parfait est plutocirct un clitique Deuxiegravemement lidiosyncrasie est morphophonologique dans le cas du

    parfait neacutegatif alors quelle est combinatoire (impossibiliteacute de certains verbes) dans le cas du

    parfait

    Le passeacute clitique est une construction quasi-syntheacutetique En effet ni les adverbes ni la marque

    - 260 -

    de deacutependance verbale ne peuvent ecirctre inseacutereacutes entre le verbe et le suffixe flexionnel et le marqueur

    woon est un clitique phonologiquement deacutependant du verbe Neacuteanmoins le verbe et woon peuvent

    ecirctre seacutepareacutes par un pronom objet et il nexiste aucune idiosyncrasie dans la combinaison dun verbe

    et de ce clitique

    Selon les critegraveres que nous avons proposeacutes la neacutegation agrave verbe auxiliaire doit ecirctre analyseacute

    comme une construction analytique (247a) Neacuteanmoins on note que le verbe auxiliaire de neacutegation

    peut se placer avant le pronom sujet (247b) ce qui semble impossible pour tous les autres verbes

    247) a Bind =ko ngir nga bantilde =ko=a fagravette (Diouf 2003 545)

    eacutecrireIMPS2SG =O3SG pour S2SG refuser =O3SG=DV oublier

    lsquoEacutecris-le pour ne pas loublierrsquo

    b Dafa limboo =woon ay sagar (Diouf 2003 587)

    FOCVS3SG se_vecirctir=PAS IDFCLy haillon

    ngir bantilde ntildeu xagravemme =ko

    pour refuser S3PL reconnaicirctre =O3SG

    lsquoIl seacutetait vecirctu de haillons pour quon ne le reconnaisse pasrsquo

    Limperfectif est une construction quasi-analytique Comme nous lavons vu en (sect 322) le

    verbe auxiliaire peut se reacutealiser soit sous une forme pleine di soit sous une forme clitique =y Sous

    sa forme pleine di est morphologiquement et phonologiquement autonome et il peut ecirctre seacutepareacute du

    verbe lexical par un pronom objet Par contre sous sa forme clitique rien ne peut se placer entre lui

    et le verbe lexical De plus =y eacutetant un clitique il nest pas phonologiquement autonome

    cependant il nest pas lieacute au verbe mais au mot qui se trouve avant lui Par ailleurs quelque soit la

    forme du verbe auxiliaire dimperfectif la marque de deacutependance verbale napparaicirct jamais entre lui

    et le verbe lexical Enfin limperfectif ne connaicirct aucune idiosyncrasie combinatoire

    La focalisation du verbe est eacutegalement une construction quasi-analytique En effet le MP dafa et

    le verbe peuvent ecirctre seacutepareacutes par un pronom objet la marque de deacutependance verbale (248a) ou un

    adverbe (248b) De plus cette construction ne connaicirct aucune idiosyncrasie combinatoire Par

    contre dafa nest pas phonologiquement autonome cependant il nest pas lieacute au verbe mais au mot

    qui se trouve avant lui

    - 261 -

    248) a Kooku dama =ko=a jeacutellalehellip (Diouf 2003 167)

    CLHUMSGDEMPX FOCVS1SG =O3SG=DV passer_sous_silence

    lsquoCelui-lagrave je le passe sous silencehelliprsquo

    b Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)

    POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCV3SG seulement ecirctre_sans_gecircne

    lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo

    Selon les six critegraveres que nous avons proposeacutes toutes les autres constructions (FUT FUTNEG OPT

    PROH FOCC FOCS PRST) sont des laquo vraies raquo constructions peacuteriphrastiques Dans chacune dentre elles

    le MP et le verbe peuvent ecirctre seacutepareacutes par un pronom objet mais pas par un adverbe ni par la

    marque de deacutependance verbale Le MP nest pas phonologiquement autonome cependant il nest

    pas lieacute au verbe mais au mot qui se trouve avant lui Enfin aucune de ces constructions ne connaicirct

    didiosyncrasie combinatoire

    Cependant ces laquo vraies raquo constructions peacuteriphrastiques ne constituent pas une classe homogegravene

    dautres eacuteleacutements permettent de nuancer cette analyse Tout dabord la question de lautonomie des

    MP du futur et du futur neacutegatif nest pas claire Ka (1994) les analyse parfois comme des eacuteleacutements

    phonologiquement lieacutes au mot qui preacutecegravede parfois comme des mots autonomes Le fait quil

    sagisse deacuteleacutements linguistiques en cours de grammaticalisation est probablement lune des causes

    de cette difficulteacute danalyse Une eacutetude preacutecise de ce pheacutenomegravene reste agrave faire pour clarifier ce point

    Par ailleurs un autre critegravere peut ecirctre pris en compte pour deacuteterminer le degreacute de coheacutesion

    morphosyntaxique de chaque construction Il sagit de la possibiliteacute dinseacuterer le sujet lexical entre le

    MP et le verbe Trois constructions preacutesentent cette possibiliteacute optatif prohibitif et focalisation du

    compleacutement Nous navions pas utiliseacute ce critegravere car il ne caracteacuterise pas les constructions

    analytiques que nous avons retenues comme eacutetalon agrave savoir les constructions infinitivales

    Neacuteanmoins la possibiliteacute dintroduire un syntagme nominal entre le MP et le verbe tend agrave montrer

    que ces trois constructions sont plus analytiques que les autres

    - 262 -

    Tableau 56 - Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique des peacuteriphrases verbales du wolof

    V-INFNEG

    AUXIPF FOCV FUT

    FUT

    NEGOPT PROH FOCC FOCS PRST

    PAS

    CLTPRF

    PRF

    NEG

    Seacuteparabiliteacute (pronom objet)

    + + plusmn + + + + + + + + + ndash ndash

    Seacuteparabiliteacute (adverbe)

    + + ndash + ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash

    Marque de deacutependance verbale

    + + ndash plusmn ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash

    Eacuteleacutement ancillaire autonome

    + + plusmn ndash plusmn plusmn ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash ndash

    Eacuteleacutement ancillaire ne deacutepend pas du verbe

    + + + + + + + + + + + ndash ndash ndash

    Absence idiosyncrasie combinatoire

    + + + + + + + + + + + + plusmn ndash

    Seacuteparabiliteacute (sujet lexical)

    ndash ndash ndash ndash ndash ndash + + + ndash ndash ndash ndash ndash

    analytique syntheacutetique

    5232 Inteacutegration au paradigme flexionnel

    Si lon sen tient agrave la deacutefinition formelle de la peacuteriphrase flexionnelle les douze constructions

    wolof que nous avons deacutecrites peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions peacuteriphrastiques En

    revanche si lon retient la deacutefinition typologique lanalyse est plus compliqueacutee Selon cette

    deacutefinition une construction peacuteriphrastique (cateacutegorielle)134 est une construction syntaxique qui

    reacutealise une proprieacuteteacute consideacutereacutee comme typiquement flexionnelle Lidentification dune peacuteriphrase

    cateacutegorielle est relativement probleacutematique dans la mesure ougrave elle deacutepend de lidentification de ces

    proprieacuteteacutes laquo typiquement flexionnelles raquo (Haspelmath 2000 660)

    En se basant sur Ackerman amp Stump (2004) et Haspelmath (2000) Bonami amp Samvelian (2015)

    proposent cinq critegraveres permettant didentifier les peacuteriphrases cateacutegorielles et de les distinguer des

    constructions relevant uniquement de la syntaxe

    134 Selon la terminologie de Haspelmath (2000)

    - 263 -

    bull Intersectiviteacute Si une construction syntaxique exprime des proprieacuteteacutes grammaticales qui

    sont exprimeacutees de maniegravere syntheacutetique ailleurs dans le paradigme alors il sagit dune

    construction peacuteriphrastique

    bull Non-compositionnaliteacute Si des traits encodeacutes par une construction syntaxique sont en

    contradiction avec des traits porteacutes par des eacuteleacutements de cette construction alors il sagit

    dune construction peacuteriphrastique

    bull Exponence distribueacutee Si lexponence135 des traits dune construction syntaxique est reacutepartie

    entre plusieurs eacuteleacutements de cette construction alors il sagit dune construction

    peacuteriphrastique

    bull Deacutefectiviteacute Si leacuteleacutement ancillaire dune construction syntaxique ne preacutesente pas certaines

    formes qui sont attesteacutees pour les autres lexegravemes appartenant agrave la mecircme cateacutegorie alors il

    sagit dune construction peacuteriphrastique

    bull Neacutecessiteacute Si une construction syntaxique est neacutecessaire agrave lexpression de certains traits

    morphosyntaxiques alors il sagit dune construction peacuteriphrastique

    Lapplication de ces critegraveres aux constructions du wolof est reacutesumeacutee dans le Tableau (57)

    Tableau 57 - Inteacutegration des peacuteriphrases verbales au paradigme flexionnel

    IntersectiviteacuteNon

    compositionnaliteacuteExponencedistribueacutee

    Deacutefectiviteacute Neacutecessiteacute

    FOCS ndash ndash + () () +

    PRST ndash ndash + () () +

    FOCC ndash ndash + () +

    FOCV ndash ndash + () +

    PRF ndash ndash + () +

    FUT ndash () ndash () ndash () () ndash ()

    FUTNEG ndash () ndash () ndash () () ndash ()

    OPT ndash ndash ndash () ndash

    PROH ndash ndash ndash () ndash

    NEGAUX + + ndash + + ()

    IPF ndash ndash ndash ndash () +

    PASCLT + ndash + + + ()

    135 Lexponence peut ecirctre deacutefinie comme lexpression de cateacutegories grammaticales par des marqueurs morphologiques ces marqueurs eacutetant appeleacutes laquo exposants raquo (Booij 2012 315) Nous empruntons la terminologie franccedilaise agrave Bonami(2014)

    - 264 -

    Ce tableau amegravene plusieurs remarques Tout dabord le critegravere dintersectiviteacute est probleacutematique

    En effet il est assez difficile de deacuteterminer agrave quelle cateacutegorie grammaticale chaque construction

    doit ecirctre rattacheacutee (Haspelmath 2000 660-661) En wolof le futur est-il une construction

    temporelle (par opposition au passeacute) modale (lieacutee agrave lirrealis) ou aspectuelle (lieacutee agrave limperfectif)

    De plus ce critegravere pousse agrave effectuer des comparaisons dont la leacutegitimiteacute est discutable Par

    exemple peut-on reacuteellement dire que limperfectif respecte le critegravere dintersectiviteacute parce que le

    parfait est exprimeacute de maniegravere syntheacutetique au neacutegatif Bonami amp Samvelian (2009 2015) adoptent

    une position plus preacutecise Ils ne tentent pas de deacuteterminer le type de cateacutegories (temps aspect

    mode etc) mais sinteacuteressent uniquement aux proprieacuteteacutes grammaticales exprimeacutees par la

    construction Dans ce cas seules deux constructions respectent le critegravere sintersectiviteacute la neacutegation

    agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique En effet la neacutegation et le passeacute sont exprimeacutes par des suffixes

    dans plusieurs cellules du paradigme

    Le critegravere de non-compositionnaliteacute nest respecteacute que par une seule construction la neacutegation agrave

    verbe auxiliaire En effet le trait de neacutegation encodeacutee par ma bantilde=a lekk est en contradiction avec

    les traits porteacutes par le verbe bantilde qui signifie laquo manquer refuser raquo

    Le critegravere dexponence distribueacutee est clairement respecteacute par la focalisation du compleacutement la

    focalisation du verbe et le parfait Dans ces trois constructions le MP exprime le trait speacutecifique agrave la

    construction ainsi que la personne alors que le temps et la polariteacute sont exprimeacutes sur le verbe Ce

    critegravere est eacutegalement respecteacute par la focalisation du sujet et le preacutesentatif Dans ces deux

    constructions le MP exprime le trait speacutecifique agrave la construction alors que le temps et la polariteacute

    sont exprimeacutes sur le verbe la personne eacutetant exprimeacutee par un pronom fort lieacute au MP Le passeacute

    clitique respecte eacutegalement le critegravere dexponence distribueacutee puisque leacuteleacutement ancillaire exprime le

    passeacute alors que le verbe exprime tous les autres traits grammaticaux Aucune des autres

    constructions ne respecte ce critegravere En effet dans ces constructions tous les traits

    morphosyntaxiques sont exprimeacutes sur leacuteleacutement ancillaire

    Le critegravere de deacutefectiviteacute est respecteacute par deux constructions la neacutegation agrave verbe auxiliaire et le

    passeacute clitique En effet les eacuteleacutements ancillaires de ces deux constructions sont incompatibles avec

    la plupart des MP136 Limperfectif ne semble pas ecirctre deacutefectif En effet le verbe auxiliaire di

    preacutesente un paradigme flexionnel complet Neacuteanmoins on note quil ne prend pas la marque de

    deacutependance verbale dans les propositions infinitives et il est incompatible avec la construction

    136 Comme le notent Bonami amp Samvelian (2015 48) le critegravere de deacutefectiviteacute est lieacute au critegravere dintersectiviteacute Si unepeacuteriphrase est intersective par deacutefinition elle ne couvre quune sous-partie du paradigme

    - 265 -

    future au passeacute Le critegravere de deacutefectiviteacute est difficilement applicable aux autres constructions En

    effet dans ces constructions leacuteleacutement ancillaire est un marqueur preacutedicatif Or il sagit dun petit

    nombre deacuteleacutements formant une classe fermeacutee Ainsi se demander si un MP ne preacutesente pas

    certaines formes qui sont attesteacutees pour les autres MP na pas beaucoup de sens

    Le critegravere de neacutecessiteacute nest pas respecteacute par le futur le futur neacutegatif loptatif et le prohibitif En

    effet dans plusieurs contextes le futur peut ecirctre exprimeacute par limperfectif (249a) Cette situation est

    coheacuterente avec lorigine de la construction future comme forme imperfective dune des

    constructions preacutedicatives Par ailleurs la modaliteacute deacuteontique nest pas neacutecessairement exprimeacutee par

    loptatif (ou le prohibitif) mais peut eacutegalement ecirctre exprimeacutee par le subjonctif-conseacutecutif (249b)

    Neacuteanmoins les contextes demploi de ces deux constructions diffegraverent et on peut se demander sil

    est pertinent de consideacuterer quelles expriment toutes les deux un trait laquo optatif raquo

    249) a Sapoŋ =laa=y lollikoo (Diouf 2003 205)

    Japon =FOCC1SG=IPF passer_lautomne

    lsquoJe passerai lautomne au Japonrsquo

    b Mu def =ko (Church 1981 53)

    S3SG faire =O3SG

    lsquoQuil le fasse rsquo

    Lapplication des critegraveres au futur est relativement probleacutematique En effet comme nous lavons

    vu en (sect 22) le futur est issu de la grammaticalisation de di (IPF) + na Le processus de

    grammaticalisation neacutetant pas complegravetement acheveacute en wolof contemporain on peut soit deacutecider

    danalyser le futur comme du parfait perfectif soit consideacuterer le futur comme une construction

    preacutedicative agrave part entiegravere et dina comme un marqueur preacutedicatif Lexistence de formes de futur

    imperfectif nous pousse agrave choisir la seconde option Selon cette analyse le futur ne respecte pas les

    critegraveres de non-compositionaliteacute dexponence distribueacutee et de deacutefectiviteacute

    Pour reacutesumer suivant les critegraveres deacutefinis plus haut la neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute

    clitique peuvent clairement ecirctre analyseacutes comme des constructions peacuteriphrastiques Le cas de

    limperfectif est plus ambigu En effet cette construction respecte uniquement le critegravere de neacutecessiteacute

    (et dans une certaine mesure le critegravere de deacutefectiviteacute) Parmi les constructions agrave MP la focalisation

    du sujet le preacutesentatif la focalisation du compleacutement et le parfait sont peacuteriphrastiques puisquelles

    respectent chacune les critegraveres dexponence distribueacutee et de neacutecessiteacute En revanche le futur le futur

    - 266 -

    neacutegatif loptatif et le prohibitif ne respectent aucun des critegraveres et ne peuvent donc pas ecirctre

    analyseacutes comme des peacuteriphrases cateacutegorielles

    Ainsi ces quatre constructions devraient plutocirct ecirctre analyseacutees comme des constructions relevant

    uniquement de la syntaxe comme par exemple les constructions infinitivales Cependant deux

    autres critegraveres peuvent ecirctre pris en compte pour nuancer cette analyse les idiosyncrasies du

    paradigme personnel et la distribution des constructions En effet ces quatre constructions

    preacutesentent chacune un paradigme personnel speacutecifique De plus ces constructions sont en

    distribution compleacutementaire avec les autres constructions agrave MP Or sil sagissait de constructions

    relevant uniquement de la syntaxe on sattendrait agrave ce quelles soient compatibles avec au moins

    certains tiroirs verbaux et que leur paradigme personnel deacutepende du tiroir verbal en question Ces

    critegraveres tendent agrave montrer que ces quatre constructions ont un statut particulier au sein de la langue

    et ne sont pas des constructions relevant uniquement de la syntaxe

    5233 Les critegraveres de la typologie canonique

    Brown et al (2012) proposent une nouvelle approche de la typologie des peacuteriphrases dans le

    cadre de la typologie canonique Selon cette approche une peacuteriphrase flexionnelle canonique

    preacutesente des caracteacuteristiques de la morphologie flexionnelle canonique et de la syntaxe

    fonctionnelle canonique Ainsi les auteurs proposent quatre proprieacuteteacutes caracteacuteristiques des

    peacuteriphrases canoniques

    bull Reacutealisation Une construction peacuteriphrastique canonique reacutealise un trait grammatical

    (canonique)

    bull Inteacutegration paradigmatique Une construction peacuteriphrastique canonique occupe une

    cellule dans un paradigme flexionnel

    bull Transparence Dans une construction peacuteriphrastique canonique la relation entre forme et

    sens est transparente

    bull Syntaxe fonctionnelle Une construction peacuteriphrastique canonique est une construction

    syntaxique fonctionnelle canonique

    La terminologie employeacutee par Brown et al (2012) seacutecarte de celle que nous avons adopteacutee Un

    trait grammatical (canonique) est un trait morphosyntaxique telle que nous lavons deacutefini en

    (sect 14) et un paradigme flexionnel doit ici ecirctre compris comme un paradigme de formes

    - 267 -

    syntheacutetiques On notera que le critegravere de transparence exprime linverse du critegravere de non-

    compositionnaliteacute ce qui peut sembler contre-intuitif Mais ce choix est justifieacute par le fait que la

    morphologie canonique et la syntaxe canonique sont toutes deux transparentes Enfin une

    construction syntaxique fonctionnelle canonique est une construction syntaxique dans laquelle lun

    des mots est un mot portant un sens grammatical etou dans laquelle lexpression dun sens

    grammatical joue un rocircle important dans linterpreacutetation de la construction Lapplication de ces

    critegraveres aux constructions du wolof est reacutesumeacutee dans le Tableau (58)

    Tableau 58 - Les peacuteriphrases verbales du wolof selon la typologie canonique

    ReacutealisationInteacutegration

    paradigmatiqueTransparence

    Syntaxefonctionnelle

    FOCS + ndash + +

    PRST + ndash + +

    FOCC + ndash + +

    FOCV + ndash + +

    PRF + + + +

    FUT + ndash + +

    FUTNEG + ndash + +

    OPT + ndash + +

    PROH + ndash + +

    NEGAUX + + + +

    IPF + ndash + +

    PASCLT + + + +

    La neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent ecirctre analyseacutes comme des constructions

    peacuteriphrastiques canoniques Ce reacutesultat est coheacuterent avec les analyses preacutesenteacutees plus haut Le

    parfait preacutesente eacutegalement les proprieacuteteacutes des peacuteriphrases canoniques Neacuteanmoins le fait que cette

    construction respecte le critegravere dinteacutegration paradigmatique est sans doute lieacute au fait quil sagisse

    dune construction (quasi-)syntheacutetique (sect 5231)

    On constate que toutes les constructions respectent les critegraveres de reacutealisation de transparence et

    de syntaxe fonctionnelle En effet toutes ces constructions sont des constructions syntaxiques

    fonctionnelles canoniques qui reacutealisent chacune un trait grammatical (canonique) et dont la

    relation entre forme et sens est transparente Ainsi le seul critegravere discriminant est linteacutegration

    paradigmatique Ce seul critegravere ne permet pas de mettre en eacutevidence la diversiteacute des constructions

    - 268 -

    peacuteriphrastiques du wolof137 En effet il ne permet absolument pas de rendre compte du degreacute de

    coheacutesion morphosyntaxique de ces constructions ni de leur degreacute dinteacutegration au paradigme

    flexionnel

    524 Synthegravese

    Au sein du paradigme des formes verbales du wolof on peut identifier douze constructions

    syntaxiques Si lon sen tient agrave la deacutefinition formelle que nous avons donneacutee en (sect 12) ces

    constructions peuvent ecirctre analyseacutees comme des peacuteriphrases flexionnelles Neacuteanmoins elles ne

    constituent pas un ensemble homogegravene mais preacutesentent des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques

    relativement diffeacuterentes

    Ces constructions diffegraverent en ce qui concerne le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique de

    leacuteleacutement principal et de leacuteleacutement ancillaire Selon cette dimension le parfait est syntheacutetique sa

    structure eacutetant quasiment identique agrave celle du parfait neacutegatif Le passeacute clitique est quasi-syntheacutetique

    La neacutegation agrave verbe auxiliaire limperfectif et la focalisation du verbe sont quasi-analytiques leurs

    structures eacutetant comparables agrave celle des constructions infinitivales Toutes les autres constructions

    peuvent ecirctre analyseacutees comme de laquo vraies raquo peacuteriphrases

    Par ailleurs plusieurs auteurs ont proposeacute un ensemble de critegraveres permettant didentifier les

    peacuteriphrases cateacutegorielles de les distinguer des constructions relevant uniquement de la syntaxe et

    de les situer dans un espace typologique (Ackerman amp Stump 2004 Haspelmath 2000 Bonami amp

    Samvelian 2015) Selon ces critegraveres la neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent

    clairement ecirctre analyseacutes comme des constructions peacuteriphrastiques Le cas de limperfectif est

    ambigu puisque cette construction ne respecte quun ou deux critegraveres Parmi les constructions agrave MP

    la focalisation du sujet le preacutesentatif la focalisation du compleacutement et le parfait sont plutocirct

    peacuteriphrastiques puisquelles respectent chacune deux critegraveres En revanche le futur le futur neacutegatif

    loptatif et le prohibitif ne respectent aucun des critegraveres Neacuteanmoins elles preacutesentent plusieurs

    proprieacuteteacutes qui empecircchent de les analyser comme des constructions relevant uniquement de la

    syntaxe En effet toutes les constructions agrave MP preacutesentent des idiosyncrasies au sein de leur

    paradigme personnel Ainsi bien que lon puisse mettre en eacutevidence certaines reacutegulariteacutes la forme

    de lindice de personne varie dune construction agrave lautre et est donc rarement preacutedictible (sect 422)

    Par ailleurs on constate que les constructions agrave MP sont en distribution compleacutementaire Ainsi

    aucune proposition ne peut contenir deux MP Ces deux arguments tendent agrave montrer que les

    137 Bonami amp Samvelian (2015 52) font la mecircme remarque pour les peacuteriphrases verbales en persan

    - 269 -

    constructions agrave MP sont inteacutegreacutees au sein du paradigme verbal de la langue Il semble donc plus

    pertinent et plus eacuteconomique de les analyser comme des peacuteriphrases flexionnelles plutocirct que

    comme des constructions relevant uniquement de la syntaxe

    Selon les critegraveres proposeacutees par Brown et al (2012) dans le cadre de la typologie canonique

    seuls la neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent ecirctre analyseacutes comme des

    constructions peacuteriphrastiques canoniques Neacuteanmoins seul un critegravere est reacuteellement discriminant ce

    qui ne permet pas de mettre en eacutevidence la diversiteacute des constructions peacuteriphrastiques du wolof

    Pour reacutesumer les constructions agrave MP peuvent ecirctre analyseacutees comme des peacuteriphrases

    flexionnelles Parmi ces constructions le parfait constitue un cas limite puisquil est plutocirct

    syntheacutetique La neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent eacutegalement ecirctre analyseacutes

    comme des peacuteriphrases Neacuteanmoins le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique tend agrave montrer quelles

    sont respectivement quasi-analytique et quasi-syntheacutetique Enfin limperfectif est une construction

    quasi-analytique preacutesentant certaines caracteacuteristiques des peacuteriphrases flexionnelles De plus elle

    correspond agrave la deacutefinition typologique de la peacuteriphrase puisquil sagit dune construction

    syntaxique reacutealisant une proprieacuteteacute consideacutereacutee comme typiquement flexionnelle

    - 270 -

    CCHAPITREHAPITRE 6 - 6 - DDESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS AgraveAgrave AUXILIAIRESAUXILIAIRES

    61 La cateacutegorie laquo auxiliaire raquo

    La notion dlaquo auxiliaire raquo est une notion relativement probleacutematique en linguistique Depuis la

    grammaire classique jusquaux travaux les plus reacutecents de nombreuses deacutefinitions etou critegraveres

    deacutefinitoires ont eacuteteacute proposeacutes pour tenter de circonscrire cette notion Malgreacute cette diversiteacute nous

    pouvons ramener ces deacutefinitions agrave trois grands types

    bull Deacutefinition(s) cateacutegorielle(s) Les auxiliaires constituent une sous-classe de verbes ou

    forment une classe lexicale agrave part entiegravere

    bull Deacutefinition fonctionnelle Un auxiliaire est un eacuteleacutement preacutedicatif dont la fonction est

    dexprimer une ou plusieurs cateacutegories lieacutees au verbe (temps aspect mode etc)

    bull Deacutefinition panchronique Un auxiliaire est une entiteacute linguistique occupant une position

    intermeacutediaire dans la chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM

    Ces deacutefinitions ne sont pas neacutecessairement incompatibles les unes avec les autres En effet elles

    se distinguent surtout par le point de vue adopteacute Ainsi les deacutefinitions cateacutegorielles cherchent agrave

    situer les auxiliaires au sein des classes lexicales alors que la deacutefinition fonctionnelle sinteacuteresse

    essentiellement aux valeurs quils veacutehiculent et la deacutefinition panchronique tend agrave se focaliser sur

    leur origine

    611 Deacutefinition cateacutegorielle

    Ce type de deacutefinition tend agrave consideacuterer les auxiliaires comme constituant une classe ou une sous-

    classe lexicale On peut distinguer plusieurs deacutefinitions cateacutegorielles Selon la plus souvent attesteacutee

    dans la litteacuterature un auxiliaire est un type particulier de verbe permettant de construire avec un

    autre verbe une peacuteriphrase verbale Selon Creissels (2006a 161) laquo ce qui justifie de reconnaicirctre

    quon a affaire agrave une combinaison auxiliaire + auxilieacute plutocirct que simplement agrave deux verbes dans

    une relation de deacutependance cest que lauxiliaire ne manifeste aucune proprieacuteteacute preacutedicative

    dassignation de rocircles seacutemantiques agrave des arguments seul intervenant agrave ce niveau lauxilieacute raquo La

    - 271 -

    majoriteacute des auteurs deacutecrivent les auxiliaires comme des verbes deacutenueacutes de sens lexical mais qui

    marquent diverses cateacutegories grammaticales comme le temps laspect le mode ou la voix Ainsi les

    auxiliaires sont des verbes adjuvants (helping verbs)138 par opposition aux verbes lexicaux

    Cette deacutefinition est probablement la plus reacutepandue En effet cest celle que lon retrouve dans la

    majoriteacute des dictionnaires de linguistique tels que Dubois et al (2002 60-61) Matthews (2007

    33) Neveu (2011 66-67) ou les dictionnaires consulteacutes par Heine (1993 20-21) On la trouve

    eacutegalement dans plusieurs articles de reacutefeacuterences tels que Ross (1969) Huddleston (1974) ou Palmer

    (1979) De fait cette deacutefinition repose en grande partie sur des donneacutees issues de langues indo-

    europeacuteennes (notamment romanes et germaniques) dans lesquelles les eacuteleacutements identifieacutes comme

    des auxiliaires ont clairement des caracteacuteristiques propres aux verbes Par exemple en anglais

    laquo have raquo est un auxiliaire marquant le parfait (250a) mais peut aussi ecirctre utiliseacute comme verbe

    lexical (250b) De plus il est compatible avec la morphologie flexionnelle des verbes de langlais

    puisquil preacutesente une forme de 3SG (has) et une forme au preacuteteacuterit (had) En franccedilais laquo aller raquo peut

    ecirctre utiliseacute comme auxiliaire marquant le futur (251a) mais il est aussi utiliseacute comme verbe lexical

    (251b) Il est compatible avec la morphologie flexionnelle des verbes notamment avec les marques

    de personne

    250) a He has left

    b He has a new car

    251) a Je vais le faire

    b Je vais agrave luniversiteacute

    Cependant plusieurs uniteacutes linguistiques traditionnellement analyseacutees comme des auxiliaires ne

    preacutesentent pas ou peu de caracteacuteristiques propres aux verbes de la langue Cest notamment le cas

    des auxiliaires modaux de langlais qui preacutesentent une distribution comparable agrave celle des verbes

    mais sont incompatibles avec la flexion verbale (Anderson 2000 817-818) Plusieurs propositions

    ont eacuteteacute faites pour tenter de reacutesoudre ce problegraveme (Heine 1993 11-14)139

    Pullum amp Wilson (1977) proposent de consideacuterer les verbes et les auxiliaires comme deux

    cateacutegories distinctes mais appartenant agrave la mecircme laquo super-cateacutegorie raquo De fait cette proposition est

    assez similaire dans son fond agrave la deacutefinition cateacutegorielle que nous avons donneacutee plus haut verbes

    138 Terme introduit par Falk (1984)139 Un assez grand nombre de solutions ont eacuteteacute proposeacutees Nous ne les preacutesentons pas toutes car soit elles seront

    preacutesenteacutees dans les sections suivantes soit elles ne sont pas pertinentes pour la suite de ce chapitre Pour uninventaire complet voir Heine (1993 8-16)

    - 272 -

    (lexicaux) et auxiliaires sont deux types de laquo verbes raquo

    Une seconde solution serait de distinguer les verbes auxiliaires qui preacutesentent des

    caracteacuteristiques verbales des laquo purs raquo ou laquo vrais raquo auxiliaires qui ne preacutesentent pas de

    caracteacuteristiques verbales Ainsi formuleacutee cette proposition est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards

    Elle empecircche une analyse unifieacutee des verbes auxiliaires et des vrais auxiliaires Soit elle remet en

    cause la pertinence dune cateacutegorie laquo auxiliaire raquo soit elle restreint cette eacutetiquette aux seuls vrais

    auxiliaires et en exclut les verbes auxiliaires

    Une autre solution consiste agrave consideacuterer que les auxiliaires ne sont pas des verbes mais forment

    une classe lexicale agrave part entiegravere Cette solution est notamment deacutefendue par Schachter amp Shopen

    (2007 40-44) Selon ces auteurs les auxiliaires constituent une classe fermeacutee de mots Il sagit de

    lune des deux classes lexicales dadjoints du verbe (verb adjuncts)140 cest-agrave-dire des mots qui

    forment un constituant avec un verbe Ils deacutefinissent les auxiliaires comme des mots qui expriment

    le temps laspect le mode la voix ou la polariteacute du verbe auquel ils sont associeacutes Selon Schachter

    amp Shopen il est preacutefeacuterable de ne pas analyser les auxiliaires comme des verbes en raison de

    lexistence de mots quils identifient comme des auxiliaires mais qui ne peuvent pas ecirctre analyseacutes

    comme des verbes en synchronie (ils citent lexemple du haoussa)

    612 Deacutefinition fonctionnelle

    Selon la deacutefinition fonctionnelle les auxiliaires sont des uniteacutes linguistiques ayant une fonction

    speacutecifique dans la grammaire de la langue On trouve ce type de deacutefinition dans le dictionnaire de

    Mounin (2004 48)

    laquo Auxiliaire ndash Uniteacute grammaticale qui appartient au systegraveme de la conjugaison et qui se

    combine avec un lexegraveme verbal pour marquer tantocirct le temps (hellip) tantocirct le mode (hellip)

    tantocirct la voix (hellip) raquo

    Linventaire des cateacutegories verbales retenues par les auteurs du dictionnaire agrave savoir le temps

    laspect et le mode est essentiellement ducirc au fait que tous les exemples sont issus du franccedilais et de

    langlais On peut eacutetendre cette liste agrave dautres cateacutegories verbales mentionneacutees par dautres auteurs

    tels que laspect la polariteacute (Schachter amp Shopen 2007 41) lemphase ou leacutevidentialiteacute (Steele et

    al 1981) Selon Heine (1993 22) les principales cateacutegories marqueacutees par les auxiliaires sont le

    140 Les laquo particules verbales raquo constituent lautre classe dadjoints du verbe Cette classe rassemble des mots similairesaux preacutepositions et qui accompagnent le verbe Par exemple les particules des phrasal verbs de langlais comme updans wake up

    - 273 -

    temps laspect et la modaliteacute mais dautres cateacutegories peuvent ecirctre marqueacutees de faccedilon similaire la

    neacutegation et la voix

    La deacutefinition fonctionnelle peut ecirctre rapprocheacutee de la deacutefinition cateacutegorielle proposeacutee par

    Schachter amp Shopen (2007) En effet dans les deux cas les auxiliaires sont analyseacutes comme des

    mots exprimant diverses cateacutegories verbales du verbe auquel ils sont associeacutes Neacuteanmoins elles

    diffegraverent dans la place quelles attribuent aux auxiliaires dans la grammaire de la langue

    Contrairement agrave la deacutefinition de Schachter amp Shopen (2007) la deacutefinition fonctionnelle ne

    considegravere pas que les auxiliaires constituent une classe lexicale agrave part entiegravere De fait dans plusieurs

    des langues citeacutees par Schachter amp Shopen (2007 41) telles que le bambara ou le haoussa il

    semble difficile voir impossible de trouver un ensemble de critegraveres permettant de reacuteunir tous les

    mots analysables comme des auxiliaires dans une seule classe lexicale en synchronie Agrave moins de

    consideacuterer quil sagit dune classe tregraves heacuteteacuterogegravene ce qui remet en cause la pertinence dune telle

    classe

    613 Deacutefinition panchronique

    Selon la deacutefinition panchronique141 un auxiliaire est une entiteacute linguistique occupant une

    position intermeacutediaire dans la chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM Cette deacutefinition a eacuteteacute

    initialement proposeacutee par Heine (1993 70) et a ensuite eacuteteacute reprise dans plusieurs travaux

    typologiques de reacutefeacuterence tels que Kuteva (2001) ou Anderson (2006 2011)

    La deacutefinition panchronique repose sur lexistence dune chaicircne de grammaticalisation tregraves

    courante agrave travers les langues Verbe rarr TAM Il sagit de la chaicircne de grammaticalisation dont la

    premiegravere eacutetape est un verbe lexical et la derniegravere eacutetape est un morphegraveme flexionnel exprimant une

    cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe (temps aspect mode etc) Heine (1993 53-66) pose

    lhypothegravese dune chaicircne de grammaticalisation Verbe rarr Affixe TAM dans laquelle on peut isoler

    sept eacutetapes (noteacutees de A agrave G) Chacune de ces eacutetapes est deacutetermineacutee par leacutetat (noteacute de I agrave V) atteint

    par lauxiliaire selon quatre paramegravetres la deacuteseacutemantisation (le verbe perd son sens lexical au profit

    dune fonction grammaticale) la deacutecateacutegorialisation (le verbe perd les attributs propres aux classes

    lexicales majeures pour acqueacuterir des attributs propres agrave des classes lexicales secondaires) la

    clitisation (le verbe tend agrave devenir un morphegraveme lieacute) et leacuterosion (le verbe perd son autonomie

    phonologique)

    141 Nous empruntons cette appellation agrave Anderson (2006 1)

    - 274 -

    Tableau 61 - Chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM selon Heine (1993)

    Eacutetape A B C D E F G

    Deacuteseacutemantisation I II III

    Deacutecateacutegorialisation I II III IV V

    Clitisation I II III

    Eacuterosion I II III

    Chaque eacutetape de ce continuum peut ecirctre rapprocheacutee dune entiteacute linguistique typologiquement

    reconnue Nous pouvons reacutesumer ainsi les correspondances proposeacutees par Heine (1993 59-66)

    bull Leacutetape A correspond aux verbes lexicaux (ou verbes pleins)

    bull Leacutetape B correspond agrave des verbes preacutesentant des caracteacuteristiques distinctives notamment la

    possibiliteacute de prendre des compleacutements phrastiques speacutecifiques (subjonctif infinitif etc)

    Ainsi cette eacutetape peut ecirctre rapprocheacutee de ce que plusieurs auteurs appellent laquo verbes

    cateacutenatifs raquo

    bull Leacutetape C correspond agrave des verbes qui tendent agrave perdre le sens lexical au profit dun sens

    grammatical Ainsi cette eacutetape correspond agrave ce que plusieurs auteurs appellent laquo semi-

    auxiliaires raquo

    bull Leacutetape D correspond agrave des verbes qui tendent agrave perdre plusieurs proprieacuteteacutes propres aux

    verbes telles que la capaciteacute de former un impeacuteratif ou decirctre passiveacute Ainsi cette eacutetape

    correspond agrave des verbes deacutefectifs ou agrave ce que plusieurs auteurs appellent laquo verbes

    auxiliaires raquo

    bull Leacutetape E correspond agrave des eacuteleacutements preacutesentant encore quelques proprieacuteteacutes verbales mais

    qui en ont perdues la majoriteacute au point decirctre parfois analyseacutes comme une classe lexicale

    distincte Ils tendent eacutegalement agrave perdre leur autonomie morphologique etou phonologique

    Ainsi cette eacutetape correspond eacutegalement agrave ce que plusieurs auteurs appellent laquo verbes

    auxiliaires raquo Par exemple les modaux de langlais sont des eacuteleacutements agrave leacutetape E

    bull Leacutetape F correspond agrave des eacuteleacutements qui ne preacutesentent plus aucune proprieacuteteacute verbale Il sagit

    deacuteleacutements grammaticaux Ainsi cette eacutetape correspond agrave ce que plusieurs auteurs appellent

    laquo particules raquo

    bull Leacutetape G correspond agrave un eacuteleacutement grammatical deacutenueacute dautonomie morphologique etou

    phonologique cest-agrave-dire un affixe de flexion verbale

    - 275 -

    La deacutefinition retenue par Anderson (2006 4-7) est assez proche de celle de Heine (1993) En

    effet il appelle laquo verbe auxiliaire raquo (auxiliary verb) un eacuteleacutement sur le continuum verbe lexical-

    affixe fonctionnel qui tend agrave avoir au moins partiellement perdu son sens lexical et secirctre

    grammaticaliseacute pour exprimer une ou plusieurs cateacutegories verbales telles que des cateacutegories

    relevant de laspect du mode du temps de la polariteacute ou de la voix Cependant Anderson (2006) se

    place dans une approche constructionnelle Il ne sinteacuteresse pas aux auxiliaires en tant quentiteacutes

    linguistiques mais aux auxiliaires en tant queacuteleacutements constitutifs dun type de constructions les

    constructions agrave verbe auxiliaire (auxiliary verb constructions) Ainsi dans son analyse

    diachronique Anderson (2006 Ch 7) preacutesente des hypothegraveses de grammaticalisation permettant

    dexpliquer lorigine des constructions agrave verbe auxiliaire au lieu de se focaliser sur lorigine des

    auxiliaires Ces hypothegraveses sont reacutesumeacutees dans la Figure (61)

    Figure 61 - Origine et eacutevolution des constructions agrave verbe auxiliaire selon Anderson (2006)

    Anderson (2006 331) identifie quatre principales sources possibles pour les constructions agrave

    verbe auxiliaire les constructions constitueacutees dun verbe prenant une subordonneacutee (geacuteneacuteralement

    non finie) les constructions constitueacutees de deux propositions coordonneacutees partageant le mecircme sujet

    (clause chaining constructions) les constructions agrave copule et les constructions seacuterielles Il note que

    - 276 -

    Constructionagrave verbe

    auxiliaire

    ConstructionVerbe

    + Subordonneacutee

    Constructionseacuterielle

    Constructionagrave copule

    Constructionagrave propositionscoordonneacutees

    Constructionagrave verbe support

    Constructionagrave co-verbe

    Constructionverbale

    complexe

    Constructionagrave amalgame

    TAM-personne

    Constructionagrave verbe fleacutechi

    ces derniegraveres peuvent eacutegalement eacutevoluer en constructions agrave verbe support qui peuvent agrave leur tour

    eacutevoluer en constructions agrave verbe auxiliaire Anderson (2006 Ch 6) identifie deux eacutevolutions

    possibles pour les constructions agrave verbe auxiliaire Elles peuvent eacutevoluer en constructions verbales

    complexes cest-agrave-dire en constructions syntheacutetiques issues de la fusion du verbe lexical et de

    lauxiliaire Ces constructions complexes se grammaticalisent ensuite en constructions agrave verbe

    fleacutechi ougrave lancien auxiliaire doit ecirctre analyseacute comme un affixe flexionnel Par ailleurs les

    constructions agrave verbe auxiliaire peuvent eacutevoluer en constructions dans lesquelles lauxiliaire

    fusionne avec lindice pronominal sujet pour former un amalgame TAM-personne Ces

    constructions peuvent ensuite eacutevoluer en constructions verbales complexes ougrave lamalgame TAM-

    personne fusionne avec le verbe lexical

    62 Pour une nouvelle approche typologique des auxiliaires

    Comme nous lavons vu les auxiliaires ont fait lobjet de tregraves nombreux travaux Certains se

    preacutesentent comme des apports agrave la linguistique geacuteneacuterale tout en sappuyant essentiellement (voir

    exclusivement) sur des donneacutees issues de langlais ou du franccedilais (Ross 1969 Huddleston 1974

    Palmer 1979 Gross 1999 etc) Dautres se placent plutocirct dans une perspective typologique et dans

    le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation Parmi ces derniers Heine (1993) constitue

    certainement la principale reacutefeacuterence Il sert notamment de base agrave leacutelaboration dautres travaux

    typologiques de reacutefeacuterence tels que Kuteva (2001) ou Anderson (2006) Ainsi la deacutefinition

    panchronique de la notion dlaquo auxiliaire raquo est celle qui semble aujourdhui privileacutegieacutee par la

    typologie linguistique Cependant cette deacutefinition pose plusieurs problegravemes pour leacutelaboration dune

    typologie des auxiliaires etou des constructions agrave verbes auxiliaires

    Notre objectif est de deacutefendre une nouvelle approche typologique des auxiliaires en nous

    appuyant essentiellement sur la deacutefinition fonctionnelle Nous commenccedilons pas eacutevoquer briegravevement

    les traditions qui se sont instaureacutees concernant leacutetude des auxiliaires parmi les speacutecialistes de

    certaines aires ou familles linguistiques Ensuite nous preacutesentons les limites de la deacutefinition

    panchronique Nous illustrons les problegravemes poseacutes par cette deacutefinition agrave partir du cas des langues

    mandeacute Enfin nous proposons une typologie des auxiliaires

    - 277 -

    621 Le poids des traditions

    Comme le fait remarquer Heine (1993 7) les speacutecialistes de certaines aires ou familles

    linguistiques ont adopteacute leur propre deacutefinition du terme laquo auxiliaire raquo Ainsi dans la tradition indo-

    europeacuteaniste lauxiliaire est neacutecessairement un verbe et est geacuteneacuteralement lunique forme fleacutechie de

    la proposition Cette deacutefinition cateacutegorielle de lauxiliaire est coheacuterente avec les donneacutees de la

    plupart des langues indo-europeacuteennes dans lesquelles les eacuteleacutements identifieacutes comme des auxiliaires

    ont clairement des caracteacuteristiques propres aux verbes Cette tradition a eu une influence

    consideacuterable sur leacutelaboration dune analyse de lauxiliaire en linguistique geacuteneacuterale (cf Ross 1969

    Huddleston 1974 Palmer 1979 Gross 1999 etc)

    Dans certaines traditions africanistes par contre les auxiliaires sont des eacuteleacutements geacuteneacuteralement

    invariables se combinant avec un verbe fleacutechi (Heine 1993 7) Ainsi Gensler (1994) deacutefend

    lhypothegravese dun schegraveme S-Aux-O-V-X en proto-Niger-Congo Il deacutefinit lauxiliaire (Aux) comme un

    eacuteleacutement seacutepareacute du verbe qui appartient agrave une petite classe paradigmatique fermeacutee et qui exprime

    des traits relevant du temps de laspect du mode etou de la polariteacute (Gensler 1994 2) Cette

    deacutefinition est adopteacutee dans dautres travaux comparatistes tels que Guumlldemann (2008) Childs

    (2005) ou Zima (2006) Ce type de deacutefinition est eacutegalement adopteacute par Kastenholz (2003) pour les

    langues mandeacute On pourrait sinterroger sur la pertinence de revoir la deacutefinition proposeacutee par la

    tradition indo-europeacuteaniste et aujourdhui largement ancreacutee en linguistique geacuteneacuterale De fait ce

    choix fait par plusieurs linguistes africanistes a (au moins) trois vertus Premiegraverement il permet de

    rendre compte de marqueurs TAM indeacutependants du verbe lexical et ne preacutesentant pas de proprieacuteteacutes

    verbales Deuxiegravemement il permet deacuteviter lutilisation de leacutetiquette laquo particule raquo qui est beaucoup

    trop geacuteneacuterale Une particule est geacuteneacuteralement deacutefinie comme un petit mot invariable non autonome

    (Matthews 2007 289) Ce terme recouvre donc un ensemble heacuteteacuterogegravene de mots appartenant agrave

    divers paradigmes etou classes lexicales Troisiegravemement il permet de rapprocher ces mots des

    verbes auxiliaires dont ils partagent la fonction

    622 Les limites de la deacutefinition panchronique

    Notre objectif nest pas de remettre en cause la deacutefinition panchronique dans son ensemble mais

    plutocirct den montrer les limites Selon cette deacutefinition un auxiliaire est une entiteacute linguistique

    occupant une position intermeacutediaire dans la chaicircne de grammaticalisation Verbe-TAM Ainsi pour

    quun mot soit consideacutereacute comme un auxiliaire il faut soit quil ait des proprieacuteteacutes propres aux verbes

    - 278 -

    soit quil soit issu de la grammaticalisation dun verbe Prise au sens strict cette deacutefinition pose

    plusieurs problegravemes

    Elle introduit un critegravere diachronique pour deacutefinir une cateacutegorie lexicale Ce choix fait sens dans

    le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation Neacuteanmoins il est discutable lorsquon se place dans

    le cadre plus large de la linguistique geacuteneacuterale De plus il nest pas vraiment pertinent pour la

    description et lanalyse strictement synchroniques dune langue

    Par ailleurs lutilisation dun critegravere diachronique est possible uniquement si lon a accegraves agrave des

    donneacutees historiques ou si lon peut effectuer des reconstructions fiables Or pour la majoriteacute des

    langues africaines nous ne disposons daucune donneacutee anteacuterieure au XVIIIe siegravecle De plus la

    distance geacuteneacutetique entre certaines langues est parfois si grande quelle empecircche la reconstruction de

    proto-formes fiables et rend mecircme difficile la classification de ces langues Ainsi si un marqueur

    TAM est un mot indeacutependant mais ne preacutesente aucune proprieacuteteacute verbale il est difficile de

    deacuteterminer sil sagit dun auxiliaire ou non

    Enfin prise au sens strict cette deacutefinition panchronique ne permet pas de rendre compte de la

    distribution des marqueurs TAM dans certaines langues En effet il existe des langues dans

    lesquelles les marqueurs TAM sont des mots indeacutependants ne preacutesentant pas de proprieacuteteacutes verbales

    Ils sont en opposition et partagent plusieurs proprieacuteteacutes morphosyntaxiques Neacuteanmoins plusieurs

    analyses tendent agrave prouver que certains de ces marqueurs sont issus de la grammaticalisation de

    verbes alors que dautres ont une origine diffeacuterente Cest notamment le cas dans les langues mandeacute

    (Claudi 1994 Creissels 1997 Babaev 2011) Dans ces langues on peut identifier une classe

    fermeacutee de marqueurs TAM speacutecifiques traditionnellement appeleacutes laquo marqueurs preacutedicatifs raquo En

    mandinka ces marqueurs sont invariables142 et occupent toujours la mecircme position syntaxique selon

    le schegraveme S p (O) V (X) (Creissels amp Sambou 2013 67) Par exemple laccompli-statif

    (~ perfectif) positif est exprimeacute par le marqueur yeacute (252a) et linaccompli (~ imperfectif) positif par

    le marqueur kaacute (252b) Bien quils aient un comportement identique en synchronie ces deux

    marqueurs nont absolument pas la mecircme origine En effet kaacute est vraisemblablement issu de la

    grammaticalisation du verbe kariacute ~ kaliacute (faire quelque chose de faccedilon habituelle) (Creissels amp

    Sambou 2013 67) alors que yeacute est issu de la postposition homonyme (Creissels 1997)

    252) a Jatoacuteo ye daacutennoacuteo barama (Creissels amp Sambou 2013 58)

    lionDET PF chasseurDET blesser

    lsquoLe lion a blesseacute le chasseurrsquo

    142 Sauf pheacutenomegravenes morphophonologiques

    - 279 -

    b Saayaacutea ka mǒolu kumbondi (Creissels amp Sambou 2013 81)

    mortDET IPF personneDETPL pleurerCAUS

    lsquoLa mort fait pleurer les gensrsquo

    Heine (1993 76-79) a remarqueacute ce type de situation dans plusieurs langues dAfrique de lOuest

    Il explique que si les verbes constituent la principale source de nouvelles cateacutegories TAM dautres

    sources sont possibles Ainsi un marqueur TAM peut eacutegalement ecirctre issu des chaicircnes de

    grammaticalisation Adposition-TAM ou Adverbe-TAM Neacuteanmoins selon lui les entiteacutes

    linguistiques occupant une position intermeacutediaire dans ces chaicircnes de grammaticalisation ne

    peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des auxiliaires car elles preacutesentent un comportement

    morphosyntaxique radicalement diffeacuterent de celles de la chaicircne Verbe-TAM Ce dernier argument

    est sans doute pertinent pour les marqueurs de certaines langues143 mais il est en contradiction avec

    les donneacutees de langues comme le mandinka En effet les marqueurs kaacute et yeacute sont respectivement

    issus des chaicircnes Verbe-TAM et Adposition-TAM or ils preacutesentent un comportement

    morphosyntaxique quasiment identique en synchronie

    Si lon applique strictement la deacutefinition proposeacutee par Heine (1993) le marqueur kaacute est un

    auxiliaire mais pas le marqueur yeacute Cette analyse est probleacutematique pour une analyse synchronique

    car elle nous force agrave seacuteparer deux mots qui appartiennent clairement agrave la mecircme classe Cependant

    si lon considegravere que kaacute nest pas un auxiliaire cela implique que les entiteacutes linguistiques occupant

    une position intermeacutediaire dans la chaicircne Verbe-TAM ne sont pas toutes des auxiliaires ce qui est

    en contradiction avec la deacutefinition panchronique Si lon considegravere que yeacute est un auxiliaire cela

    implique que des entiteacutes nayant aucune origine verbale peuvent eacutegalement ecirctre des auxiliaires ce

    qui contredit eacutegalement la deacutefinition panchronique

    Ces problegravemes poseacutes par la deacutefinition panchronique ne se limitent pas aux langues mandeacute De

    fait on peut les rencontrer pour toutes les langues posseacutedant des marqueurs preacutedicatifs notamment

    les langues songhay ainsi que certaines langues atlantiques tchadiques ou couchitiques

    623 Typologie des auxiliaires

    Comme nous lavons vu plus haut la deacutefinition panchronique est relativement bien adapteacutee agrave une

    analyse dans le cadre de la theacuteorie de la grammaticalisation En revanche elle pose plusieurs

    143 Notamment les langues kru (Marchese 1986 24)

    - 280 -

    problegravemes si lon souhaite effectuer une analyse synchronique Notamment elle est probleacutematique

    pour les langues pour lesquelles on ne peux pas retrouver lorigine des marqueurs TAM et elle ne

    permet pas de rendre compte simplement des donneacutees des langues agrave marqueurs preacutedicatifs Ces

    problegravemes constituent des entraves agrave leacutelaboration dune typologie des auxiliaires ou des

    constructions agrave verbes auxiliaires En effet la deacutefinition panchronique induit agrave seacuteparer des mots qui

    appartiennent agrave la mecircme classe lexicale en synchronie dans certaines langues De plus elle empecircche

    la comparaison de certains marqueurs preacutedicatifs avec des verbes auxiliaires Enfin si elle est

    strictement appliqueacutee elle empecircche de tenir compte de marqueurs TAM dont lorigine est

    incertaine

    Si la deacutefinition panchronique est inadapteacutee agrave une approche typologique des auxiliaires quelle

    deacutefinition est-il preacutefeacuterable dadopter Les deacutefinitions cateacutegorielles sont probleacutematiques En effet

    soit lon considegravere que les auxiliaires forment une sous-classe de verbe et on en exclut donc les

    marqueurs preacutedicatifs soit lon considegravere que les auxiliaires constituent une classe lexicale

    speacutecifique et on en exclut donc les verbes auxiliaires

    Ce que tendent agrave montrer les problegravemes poseacutes par les deacutefinitions cateacutegorielles et panchronique

    cest que leacutetiquette laquo auxiliaire raquo ne renvoie pas agrave une cateacutegorie lexicale mais plutocirct agrave une fonction

    Ladoption dune deacutefinition fonctionnelle semble donc ecirctre le choix le plus adapteacute pour leacutelaboration

    dune typologie des auxiliaires Nous proposons la deacutefinition suivante

    Auxiliaire ndash Eacuteleacutement preacutedicatif autonome inteacutegreacute au paradigme de conjugaison qui se

    combine avec un lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe

    telle que le temps laspect le mode la polariteacute la voix etc

    De fait cette deacutefinition est relativement proche de celle retenue par Gensler (1994) Guumlldemann

    (2008) Childs (2005) ou Zima (2006) De plus notons que Anderson (2011) semble eacutegalement

    adopter ce type de deacutefinition au lieu dune deacutefinition strictement panchronique pour lanalyse de

    certains exemples Cest notamment le cas dans son eacutetude des amalgames TAM-personne des

    langues du Sprachbund ouest-africain Selon lui ce type damalgame reacutesulte de la fusion dun verbe

    auxiliaire avec un indice pronominal sujet (Anderson 2011 215) Or dans les donneacutees quil

    preacutesente pour le wolof (253a-b)144 rien ne permet daffirmer que lamalgame soit issu dun verbe

    auxiliaire

    144 Anderson (2011 220) emprunte ces exemples agrave Comrie (1985b 316) Nous avons modifieacute les exemples afin quilsrespectent les normes de transcription actuelles En revanche nous avons conserveacute les gloses de lauteur

    - 281 -

    253) a Mungi jagravengal eleew yi teacuteeram (Anderson 2011 220)

    PRS3SG lireAPPL eacutelegraveve DETPL livrePOSS3SG

    lsquoIl lit son livre aux eacutelegravevesrsquo

    b Nga dem (Anderson 2011 220)

    PAS2SG partir

    lsquoTu es partirsquo

    En nous appuyant sur la deacutefinition fonctionnelle nous pouvons proposer une premiegravere typologie

    des eacuteleacutements preacutedicatifs Cette typologie repose sur deux critegraveres le caractegravere plusmn verbal et le

    caractegravere plusmn auxiliaire de leacuteleacutement Cette typologie est reacutesumeacutee dans le Tableau (62)

    Tableau 62 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs

    Verbeplein

    Verbecateacutenatif

    Verbesemi-auxiliaire

    Verbeauxiliaire

    Marqueurpreacutedicatif

    + Verbe ndash Verbe

    ndash Auxiliaire + Auxiliaire

    En utilisant dautres critegraveres nous pouvons distinguer cinq types deacuteleacutements preacutedicatifs

    bull Verbe plein Preacutesente toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Son sens est

    pleinement lexical

    bull Verbe cateacutenatif145 Preacutesente toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Peut

    prendre des compleacutements phrastiques speacutecifiques (subjonctif infinitif etc) Son sens est

    pleinement lexical

    bull Verbe semi-auxiliaire Preacutesente toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Peut

    ecirctre deacutefectif Peut (ou doit) prendre des compleacutements phrastiques speacutecifiques (subjonctif

    infinitif etc) Son sens est pleinement lexical Peut eacutegalement exprimer des cateacutegories

    grammaticales (temps aspect mode etc) Peut ecirctre inteacutegreacute au paradigme de conjugaison

    bull Verbe auxiliaire Ne preacutesente pas toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Peut

    ecirctre deacutefectif ou preacutesenter des idiosyncrasies morphophonologiques ou combinatoires Doit

    prendre des compleacutements phrastiques speacutecifiques A une fonction essentiellement (voir

    exclusivement) grammaticale Est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison

    145 Nous empruntons cette terminologie agrave Palmer (1987) et Huddleston (1976)

    - 282 -

    bull Marqueur preacutedicatif Ne preacutesente aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes Peut

    preacutesenter des idiosyncrasies morphophonologiques ou combinatoires Le verbe avec lequel

    il se combine est fini A une fonction exclusivement grammaticale Est inteacutegreacute au paradigme

    de conjugaison

    Ainsi les verbes pleins correspondent aux verbes canoniques ou prototypiques de la langue Les

    verbes cateacutenatifs sont des verbes pouvant prendre un compleacutement phrastique speacutecifique comme

    voir dans Marie a vu [Pierre courir dans la rue] Les verbes semi-auxiliaires constituent une

    cateacutegorie intermeacutediaire entre les verbes cateacutenatifs et les verbes auxiliaires En effet ils peuvent

    prendre un compleacutement phrastique speacutecifique comme les verbes cateacutenatifs et ils peuvent exprimer

    des cateacutegories grammaticales comme les auxiliaires Le verbe aller dans Pierre va [lire ce livre] est

    un exemple de verbe semi-auxiliaire Les verbes auxiliaires sont des verbes dont la principale

    caracteacuteristique est davoir une fonction dauxiliaire Il sagit des verbes inteacutegreacutes au paradigme de

    conjugaison et qui napportent aucun sens lexical au preacutedicat Le verbe avoir dans Pierre a mangeacute

    une pomme est un exemple de verbe auxiliaire Enfin les marqueurs preacutedicatifs sont des eacuteleacutements

    non verbaux qui ont une fonction dauxiliaire Selon Creissels (2006a 168) un marqueur preacutedicatif

    est laquo un eacuteleacutement grammatical neacutecessaire agrave la preacutedication verbale [qui] bien que non attacheacute au verbe

    nest pas reconnaissable de maniegravere aussi eacutevidente comme verbe auxiliaire et les donneacutees

    comparatives confirment quil nest pas neacutecessairement dorigine verbale raquo

    Notons que la frontiegravere entre ces diffeacuterents types deacuteleacutements preacutedicatifs nest pas toujours tregraves

    claire Par exemple le verbe devoir dans Pierre doit ecirctre dans son bureau preacutesente toutes les

    caracteacuteristiques dun verbe cateacutenatif mais il peut eacutegalement ecirctre analyseacute comme un verbe semi-

    auxiliaire marquant une modaliteacute eacutepisteacutemique Autre exemple le verbe aller preacutesente toutes les

    caracteacuteristiques dun verbe semi-auxiliaire Neacuteanmoins en franccedilais contemporain (de France) le

    futur syntheacutetique tend agrave disparaicirctre au profit dun futur peacuteriphrastique noteacute par ce verbe Si lon tient

    compte de ce fait on peut consideacuterer que le verbe aller est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison de

    la langue et donc quil pourrait ecirctre analyseacute comme un verbe auxiliaire

    La typologie que nous proposons est presque identique agrave celle de Heine (1993) En effet

    chacune de nos cateacutegories correspond (plus ou moins) agrave une ou plusieurs eacutetapes de la chaicircne de

    grammaticalisation Verbe-TAM verbe plein (eacutetape A) verbe cateacutenatif (eacutetape B) verbe semi-

    auxiliaire (eacutetape C) verbes auxiliaires (eacutetapes D amp E) marqueur preacutedicatif (eacutetape F) Cependant

    elle sen eacuteloigne sur ses principes La typologie de Heine correspond au deacutecoupage dune chaicircne de

    grammaticalisation Par contre notre typologie ne tient pas compte de la diachronie mais repose

    - 283 -

    sur des critegraveres morphosyntaxiques et seacutemantiques synchroniques

    63 Les constructions agrave auxiliaire du wolof

    Comme nous lavons vu en (sect 52) le wolof dispose de douze peacuteriphrases verbales focalisation

    du sujet preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe futur futur neacutegatif optatif

    prohibitif parfait imperfectif neacutegation agrave verbe auxiliaire passeacute clitique Notons que le parfait

    constitue un cas limite puisquil preacutesente la plupart des proprieacuteteacutes dune construction syntheacutetique

    Dans le cadre dune approche typologique des constructions verbales du wolof il convient de

    sinterroger sur le statut de ces peacuteriphrases verbales Notre objectif est de deacuteterminer si ces

    peacuteriphrases peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave auxiliaire afin notamment de les

    situer dans une typologie des constructions agrave auxiliaire comme celle proposeacutee par Anderson (2006)

    Les peacuteriphrases verbales que nous avons identifieacutees sarticulent autour dun verbe lexical qui en est

    leacuteleacutement principal et dun eacuteleacutement ancillaire Deacuteterminer si ces peacuteriphrases verbales sont des

    constructions agrave auxiliaire revient donc agrave deacuteterminer si leacuteleacutement ancillaire peut ecirctre analyseacute comme

    un auxiliaire

    631 Selon la deacutefinition panchronique

    Si lon sen tient agrave la deacutefinition panchronique seul un petit nombre de constructions

    peacuteriphrastiques peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave auxiliaire Selon cette deacutefinition

    pour quun mot soit consideacutereacute comme un auxiliaire il faut soit quil ait des proprieacuteteacutes propres aux

    verbes soit quil soit issu de la grammaticalisation dun verbe Cest clairement le cas pour leacuteleacutement

    ancillaire de neacutegation bantilde qui est un verbe signifiant laquo refuser raquo Cest eacutegalement le cas de leacuteleacutement

    ancillaire dimperfectif di qui preacutesente la plupart des proprieacuteteacutes verbales et qui est aussi utiliseacute

    comme verbe copule Les eacuteleacutements dina (futur) et du (futur neacutegatif) peuvent eacutegalement ecirctre

    consideacutereacutes comme des auxiliaires puisquils sont issus de la grammaticalisation du verbe di et du

    marqueur na

    Le cas de dafa est plus ambigu En effet comme nous lavons vu en (sect 5231) cet eacuteleacutement

    preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes qui tendent agrave le rapprocher des verbes De plus plusieurs auteurs ont

    suggeacutereacute que dafa est issu de la grammaticalisation du verbe def (faire) (Kobegraves 1869 Senghor

    1963 Creissels 1994 Torrence 2013)146 Neacuteanmoins dafa ne peut pas ecirctre analyseacute comme un

    146 Nous reviendrons en deacutetail sur lorigine de dafa en (sect 114)

    - 284 -

    verbe en synchronie et aucune donneacutee historique ou comparative ne permet de confirmer une

    eacuteventuelle origine verbale Nous pouvons donc seulement supposer que dafa est un auxiliaire

    Aucun autre marqueur preacutedicatif ne peut ecirctre analyseacute comme un auxiliaire En effet les

    marqueurs a a ng- la na (OPT) et bul ne preacutesentent aucune proprieacuteteacutes propres aux verbes De plus

    le marqueur na (PRF) tend agrave se comporter comme un suffixe Par ailleurs lorigine de ces marqueurs

    reste aujourdhui inconnue Neacuteanmoins comme nous lavons vu en (sect 256) Kihm (1999) et

    Torrence (2013b) considegraverent que les marqueurs a et la sont issus dun verbe copule mais aucune

    donneacutee historique ou comparative ne permet de confirmer cette hypothegravese

    Leacuteleacutement ancillaire woon nest pas issu de la grammaticalisation dun verbe il est clairement

    issu de lexicalisation du suffixe de passeacute -(w)oon Neacuteanmoins comme nous lavons vu en (sect 331)

    woon preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes verbales Selon lapproche panchronique proposeacutee par Heine

    (1993) nous ne pouvons pas analyser cet eacuteleacutement comme un auxiliaire En effet il noccupe pas une

    position intermeacutediaire dans la chaicircne de grammaticalisation Verbe rarr Affixe TAM

    Tableau 63 - Les constructions agrave auxiliaire du wolof selon la deacutefinition panchronique

    Eacuteleacutementancillaire

    Proprieacuteteacutesverbales

    Origineverbale

    Neacutegation agrave verbe auxiliaire bantilde + +

    Imperfectif di + +

    Focalisation du verbe da(fa) plusmn + ()

    Futur dina plusmn +

    Futur neacutegatif du plusmn +

    Focalisation du sujet a ndash

    Preacutesentatif a ng- ndash

    Focalisation du compleacutement la ndash

    Optatif na ndash

    Prohibitif bu(l) ndash

    Parfait na ndash

    Passeacute clitique woon plusmn ndash

    De fait les donneacutees du wolof illustrent bien les limites de la deacutefinition panchroniques que nous

    avons preacutesenteacutees plus haut En effet labsence de donneacutees historiques nous empecircche de deacuteterminer

    avec certitude si les MP ont une origine verbale De plus limportante distance geacuteneacutetique entre le

    wolof et les autres langues atlantiques nous empecircche deffectuer des reconstructions fiables pour ces

    - 285 -

    marqueurs Par ailleurs la deacutefinition panchronique nous pousse agrave seacuteparer des mots qui

    appartiennent visiblement agrave la mecircme classe lexicale en wolof mais eacutegalement agrave regrouper des mots

    qui appartiennent clairement agrave des classes lexicales diffeacuterentes Selon cette deacutefinition les eacuteleacutements

    ancillaires bantilde di dafa dina et du peuvent ecirctre consideacutereacutes comme des auxiliaires mais pas les

    eacuteleacutements a a ng- la na (OPT) bul na (PRF) et woon Ainsi certains MP sont des auxiliaires alors

    que dautres appartiennent agrave une autre classe Or plusieurs eacuteleacutements tendent agrave montrer que les MP

    appartiennent agrave la mecircme classe ce sont des clitiques ils forment un amalgame avec lindice sujet

    et ils sont en opposition Par ailleurs les eacuteleacutements consideacutereacutes comme des auxiliaires nappartiennent

    pas agrave la mecircme classe lexicale Par exemple di a la mecircme distribution quun verbe et sert de support

    aux affixes de passeacute et de neacutegation mais pas agrave lindice de personne A contrario dafa ne preacutesente

    pas la mecircme distribution quun verbe et sert de support agrave lindice de personne mais pas aux affixes

    de passeacute et de neacutegation

    632 Selon la deacutefinition fonctionnelle

    Si lon adopte la deacutefinition fonctionnelle que nous avons proposeacutee en (sect 623) presque toutes les

    peacuteriphrases verbales du wolof peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave auxiliaire En

    effet les eacuteleacutements ancillaires bantilde di dafa dina du a a ng- la na (OPT) et bul sont des eacuteleacutements

    preacutedicatifs autonomes qui se combinent avec un verbe lexical pour marquer une cateacutegorie verbale

    Le cas de na (PRF) et woon est un peu plus probleacutematique car la question de leur autonomie est

    discutable

    Comme nous lavons vu ces auxiliaire preacutesentent des proprieacuteteacutes diffeacuterentes Ces diffeacuterences nous

    permettent de les situer dans une typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs Ainsi les eacuteleacutements a a ng- la

    na (OPT) et bul sont clairement des marqueurs preacutedicatifs En effet ils ont une fonction

    exclusivement grammaticale ils sont inteacutegreacutes au paradigme de conjugaison ils ne preacutesentent

    aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes mais ils preacutesentent des idiosyncrasies

    morphophonologiques et combinatoires (notamment dans lamalgame avec lindice sujet)

    Leacuteleacutement di est clairement un verbe auxiliaire En effet il preacutesente des idiosyncrasies

    morphophonologiques (chute de la voyelle finale) il doit prendre un compleacutement phrastique

    speacutecifique (infinitif) il ne preacutesente pas toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe (absence

    de marque de deacutependance verbale) il a une fonction essentiellement grammaticale (imperfectif) et

    il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison

    - 286 -

    Le type des autres eacuteleacutements nest pas aussi clair Le verbe bantilde preacutesente toutes les proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques dun verbe son sens est pleinement lexical mais il peut eacutegalement exprimer une

    cateacutegorie grammaticale (la neacutegation) comme les verbes semi-auxiliaires Neacuteanmoins il est inteacutegreacute

    au paradigme de conjugaison ce qui tend agrave le rapprocher des verbes auxiliaires

    Les eacuteleacutements dina et du ont une fonction exclusivement grammaticale et preacutesentent des

    idiosyncrasies morphophonologiques et combinatoires (notamment dans lamalgame avec lindice

    sujet) comme les marqueurs preacutedicatifs Neacuteanmoins ils preacutesentent certaines proprieacuteteacutes verbales (ils

    servent de support aux marqueurs de passeacute et de neacutegation) ce qui tend agrave les rapprocher des verbes

    auxiliaires

    Leacuteleacutement dafa a une fonction exclusivement grammaticale et preacutesente des idiosyncrasies

    morphophonologiques et combinatoires (notamment dans lamalgame avec lindice sujet) comme

    les marqueurs preacutedicatifs Neacuteanmoins il preacutesente certaines proprieacuteteacutes verbales (il peut ecirctre seacutepareacute

    du verbe lexical par un adverbe) ce qui tend agrave le rapprocher des verbes auxiliaires

    Si lon considegravere que na (PRF) est un mot et non un affixe alors il doit ecirctre analyseacute comme un

    MP En effet il a une fonction exclusivement grammaticale il est inteacutegreacute au paradigme de

    conjugaison il ne preacutesente aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes mais il preacutesente des

    idiosyncrasies morphophonologiques et combinatoires (notamment dans lamalgame avec lindice

    sujet)

    Si lon considegravere que woon est un mot et non un affixe alors il doit plutocirct ecirctre analyseacute comme

    un verbe auxiliaire Il preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes verbales il est deacutefectif il a une fonction

    essentiellement grammaticale et il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison Neacuteanmoins il a un

    comportement idiosyncrasique au sein de la conjugaison En effet il se place apregraves le verbe lexical

    contrairement agrave tous les autres auxiliaires de la langue147 ce qui implique que le verbe lexical ne

    peut pas ecirctre consideacutereacute comme le compleacutement de woon En revanche comme nous lavons vu en

    (sect 331) le marqueur woon occupe la mecircme position que le verbe dans les compleacutements

    phrastiques agrave linfinitif Agrave partir de ces eacuteleacutements nous pourrions proposer danalyser woon comme

    un verbe auxiliaire apparaissant neacutecessairement comme compleacutement infinitif du verbe lexical

    Cependant cet eacuteleacutement apparaicirct eacutegalement avec des verbes intransitifs ce qui nuance cette analyse

    Nous proposons donc danalyser woon comme un eacuteleacutement dorigine affixal qui tend agrave devenir un

    verbe auxiliaire apparaissant comme compleacutement infinitif du verbe lexical

    Pour reacutesumer les eacuteleacutements a a ng- la na (OPT) et bul sont des marqueurs preacutedicatifs Les

    147 Agrave lexception du na (PRF) dont lautonomie est discutable

    - 287 -

    eacuteleacutements dina du et dafa sont eacutegalement des marqueurs preacutedicatifs mais preacutesentant quelques

    caracteacuteristiques des verbes auxiliaires Leacuteleacutement di est un verbe auxiliaire Leacuteleacutement bantilde est un

    verbe semi-auxiliaire preacutesentant quelques caracteacuteristiques des verbes auxiliaires Si lon traite na

    (PRF) et woon comme des mots et non comme des affixes alors on peut les analyser respectivement

    comme un MP et un verbe auxiliaire Ainsi tous les eacuteleacutements ancillaires des peacuteriphrases verbales du

    wolof peuvent ecirctre consideacutereacutes comme des auxiliaires Les peacuteriphrases verbales du wolof peuvent

    donc ecirctre consideacutereacutees comme des constructions agrave auxiliaire

    - 288 -

    CCHAPITREHAPITRE 7 - 7 - LLAA TEcircTETEcircTE DESDES

    CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS AgraveAgrave AUXILIAIREAUXILIAIRE DUDU WOLOFWOLOF

    71 Le concept de laquo tecircte raquo

    La notion de laquo tecircte raquo est une notion importante pour un grand nombre de theacuteories linguistiques

    notamment les grammaires de deacutependance ou les grammaires syntagmatiques dont la Head-driven

    Phrase Structure Grammar (HPSG) qui en fait une notion centrale (Corbett et al 1993) La majoriteacute

    des auteurs semblent sentendre sur ce quest globalement une tecircte agrave savoir laquo le mot qui gouverne

    ou qui est sous-cateacutegoriseacute pour ndash ou bien qui deacutetermine la possibiliteacute de loccurrence de ndash lautre

    mot Elle deacutetermine la cateacutegorie de son syntagme raquo (Nichols 1986 57) Neacuteanmoins il nexiste

    aucun consensus sur les critegraveres permettant de deacutefinir cette notion avec exactitude (Corbett et al

    1993)

    Comme le note Croft (2001 241) les critegraveres les plus rigoureux permettant de deacutefinir ce quest

    une tecircte ont eacuteteacute eacutelaboreacutes par Zwicky (1985a 1993) et Hudson (1987) Dans la derniegravere version de

    son analyse Zwicky considegravere que les proprieacuteteacutes classiquement attribueacutees agrave la tecircte sont en fait

    reacuteparties sur trois cateacutegories distinctes le foncteur seacutemantique la base et la tecircte Le foncteur est la

    cible de laccord porte le cadre de sous-cateacutegorisation et gouverne les autres eacuteleacutements du syntagme

    La base est leacuteleacutement obligatoire du syntagme et a agrave peu pregraves la mecircme distribution que la totaliteacute du

    syntagme Enfin la tecircte est essentiellement le locus morphosyntaxique cest-agrave-dire leacuteleacutement qui

    porte les marques morphosyntaxiques le liant agrave dautres eacuteleacutements du syntagme dont elle deacutetermine

    la cateacutegorie Ainsi la tecircte serait une uniteacute morphosyntaxique deacutenueacutee de proprieacuteteacutes seacutemantiques

    (Croft 2001 245) Cependant si ces critegraveres sont relativement preacutecis et rigoureux ils posent de

    nombreux problegravemes dun point de vue typologique (Croft 2001 246-254) Par exemple on

    constate que dans les constructions geacutenitives la cible de laccord est le syntagme geacutenitif dans

    certaines langues (comme le bulgare) alors que cest le nom dans dautres langues (comme le mam)

    Le caractegravere obligatoire de leacuteleacutement pose eacutegalement problegraveme En effet si le nom est geacuteneacuteralement

    leacuteleacutement obligatoire du syntagme nominal ce nest pas le cas dans des langues comme le franccedilais

    ou le quechua ougrave le nom peut ecirctre omis dans ce type de syntagme Un autre problegraveme concerne la

    - 289 -

    question du locus morphosyntaxique En effet ce critegravere est inutilisable pour les langues disposant

    de peu de morphologie flexionnelle De plus les marques de flexions peuvent ecirctre reacuteparties entre

    plusieurs eacuteleacutements cest notamment le cas des constructions agrave auxiliaire en basque (Croft 2001

    246-254)

    Cette analyse critique des critegraveres de Zwicky amegravene Croft (2001 254-259) agrave preacutefeacuterer une

    deacutefinition seacutemantique de la tecircte Pour ce faire il se base sur la notion de laquo deacuteterminant de profil raquo

    (profile determinant) quil emprunte agrave Langacker (2008 192-197) Cet auteur appelle laquo profil raquo la

    partie de la structure seacutemantique symboliseacutee par la construction et explique que dans la plupart des

    cas une construction composeacutee heacuterite du profil de lun des eacuteleacutements qui la compose le deacuteterminant

    de profil Par exemple le syntagme laquo chien de chasse raquo profile la mecircme entiteacute que laquo chien raquo un

    laquo chien de chasse raquo eacutetant une sorte de chien et non une sorte de chasse le deacuteterminant de profil est

    donc laquo chien raquo Agrave partir de cette notion Croft (2001 257) eacutelabore la notion laquo deacutequivalent de

    profil raquo (profile equivalent) qui se trouve ecirctre un renversement du sens de la deacutetermination En

    effet il rejette lanalyse lsquomot rarr constructionrsquo pour une analyse lsquoconstruction rarr motrsquo laquo Dans une

    combinaison X + Y X est leacutequivalent de profil si X deacutecritprofile un type de lentiteacute deacutecriteprofileacutee

    par X + Y raquo Cependant cette notion nest pas suffisante pour rendre compte de tous les faits

    observables Cest notamment le cas pour le verbe et lauxiliaire En franccedilais ou en anglais une

    construction agrave auxiliaire ne peut pas deacutenoter une preacutedication complegravete si lauxiliaire est absent Les

    deux eacuteleacutements eacutetant indispensables lanalyse la plus simple est de consideacuterer que ces constructions

    ont deux eacutequivalents de profil (Croft 2001 258) Neacuteanmoins ces deux eacuteleacutements nont pas les

    mecircmes proprieacuteteacutes seacutemantiques Le verbe dispose dun contenu seacutemantique qui fait deacutefaut agrave

    lauxiliaire Le verbe est laquo luniteacute portant linformation primaire raquo (Primary Information-Bearing

    Unit ou PIBU) de la construction Ainsi Croft propose une deacutefinition essentiellement seacutemantique de

    la tecircte

    laquo Une tecircte (seacutemantique) est leacutequivalent de profil portant linformation primaire cest-agrave-dire

    leacuteleacutement lexical dont le profil se rapproche le plus dun type de lentiteacute profileacutee par

    lensemble de la construction raquo

    Selon cette deacutefinition le verbe est donc la tecircte dans les constructions mettant en jeu un verbe et un

    auxiliaire Cette deacutefinition de la notion de laquo tecircte raquo est renforceacutee par un pheacutenomegravene grammatical

    courant la grammaticalisation de la laquo tecircte fonctionnelle raquo laquo Si un syntagme ou une proposition

    contient plus dun eacutequivalent de profil celui qui nest pas luniteacute portant linformation primaire finira

    par subir un processus de reacuteduction et sattachera leacutequivalent de profil portant linformation

    - 290 -

    primaire raquo (Croft 2001 258) Cest ce que lon observe dans les cas dauxiliation ougrave un verbe tend agrave

    se grammaticaliser pour devenir un affixe verbal (Heine 1993 53-66)

    Pour reacutesumer Zwicky adopte une deacutefinition purement morphosyntaxique de la tecircte alors que

    Croft lui preacutefegravere une deacutefinition essentiellement seacutemantique Dans sa typologie des constructions agrave

    auxiliaire Anderson (2006 21-23) propose une deacutefinition plus geacuteneacuterale Il conserve la notion de

    laquo tecircte raquo mais distingue trois niveaux de capitaliteacute (headedness) afin de rendre compte de toutes les

    proprieacuteteacutes identifieacutees par Zwicky et Croft

    bull Tecircte morphosyntaxique (ou flexionnelle) porte la flexion et encode les informations

    grammaticales notamment la personne et les distinctions TAM148

    bull Tecircte syntaxique (ou syntagmatique) deacutetermine lordre lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat149

    bull Tecircte seacutemantique deacutetermine la valence le rocircle seacutemantique des arguments associeacutes au

    preacutedicat ainsi que le sens lexical150

    Cette approche de la tecircte des constructions agrave auxiliaire preacutesente plusieurs avantages Elle permet

    deacuteviter lintroduction de nouveaux termes (comme laquo base raquo ou laquo foncteur raquo) pour rendre compte

    deacuteleacutements que plusieurs auteurs considegraverent de facto comme des tecirctes Par ailleurs comme nous le

    verrons dans la section suivante elle peut servir de point de deacutepart agrave leacutelaboration dune typologie

    des constructions agrave auxiliaire

    72 La typologie des patrons flexionnels

    Les peacuteriphrases verbales sarticulent autour dun eacuteleacutement ancillaire que nous appelons auxiliaire

    (AUX) et dun verbe lexical (V) Le verbe lexical est la tecircte seacutemantique puisquil deacutetermine la

    valence le rocircle seacutemantique des arguments associeacutes au preacutedicat ainsi que le sens lexical de la

    construction Lauxiliaire est geacuteneacuteralement la tecircte syntaxique En effet cest geacuteneacuteralement (mais pas

    neacutecessairement) lauxiliaire qui deacutetermine lordre lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat Enfin en

    fonction de la langue ou de la construction consideacutereacutee lauxiliaire et le verbe lexical peuvent tous

    les deux servir de support aux marques de personne etou de TAM (Anderson 2006 24-25)

    Ainsi parmi les trois niveaux de capitaliteacute la tecircte flexionnelle est la seule qui permette de

    reacuteellement distinguer les constructions agrave auxiliaire En se basant sur ce critegravere Anderson (2006 23-

    148 Notion agrave rapprocher de la laquo tecircte raquo de Zwicky (1993)149 Notion agrave rapprocher de la laquo base raquo de Zwicky (1993)150 Notion agrave rapprocher du laquo foncteur raquo de Zwicky (1993) et de la laquo tecircte seacutemantique raquo de Croft (2001 254-259)

    - 291 -

    27) distingue cinq configurations possibles quil nomme laquo patrons flexionnels raquo

    Tableau 71 - Les patrons flexionnels selon Anderson (2006)

    Tecircte AUX V

    Patron agrave tecircte auxiliaire Syntaxique + ndash

    Seacutemantique ndash +

    Morphosyntaxique + ndash

    Patron agrave tecircte lexicale Syntaxique + ndash

    Seacutemantique ndash +

    Morphosyntaxique ndash +

    Patron double Syntaxique + ndash

    Seacutemantique ndash +

    Morphosyntaxique + +

    Patron scindeacute Syntaxique + ndash

    Seacutemantique ndash +

    Morphosyntaxique +i ndashj ndashi +j

    Patron scindeacutedouble Syntaxique + ndash

    Seacutemantique ndash +

    Morphosyntaxique +i +j ndashi +j

    (ndashi +j +i +j)

    Dans le patron agrave tecircte auxiliaire lauxiliaire est la tecircte flexionnelle de la construction Dans le

    patron agrave tecircte lexicale le verbe lexical est la tecircte flexionnelle de la construction Dans le patron

    double lauxiliaire et le verbe lexical sont tous les deux les tecirctes flexionnelles de la construction

    Cela signifie que les marques flexionnelles apparaissent deux fois dans la construction sur

    lauxiliaire et sur le verbe lexical Dans le patron scindeacute le statut de tecircte flexionnelle est partageacute

    entre lauxiliaire et le verbe lexical Cela signifie que certaines marques flexionnelles sont porteacutees

    par lauxiliaire alors que dautres sont porteacutees par le verbe lexical Enfin le patron scindeacutedouble est

    un meacutelange des deux preacuteceacutedents Dans ce patron certaines marques flexionnelles apparaissent agrave la

    fois sur lauxiliaire et sur le verbe lexical alors que dautres sont porteacutees uniquement par lauxiliaire

    ou le verbe lexical

    Les constructions agrave auxiliaire peuvent eacutevoluer en constructions verbales complexes cest-agrave-dire

    en constructions syntheacutetiques issues de la fusion du verbe lexical et de lauxiliaire (sect 613) Elles

    - 292 -

    peuvent eacutegalement eacutevoluer en constructions dans lesquelles lauxiliaire fusionne avec la marque de

    personne pour former un amalgame auxiliaire-personne Dans ces deux types de constructions le

    patron flexionnel de la construction originelle est souvent transparent (Anderson 2006 249) Dans

    les constructions verbales complexes tous les patrons flexionnels sont attesteacutes En revanche dans

    les constructions agrave amalgame auxiliaire-personne seuls les patrons dans lesquels lauxiliaire est

    fleacutechi sont possibles (Anderson 2006 298) Par ailleurs notons que quelque soit la deacutefinition

    adopteacutee (panchronique ou fonctionnelle) les constructions agrave amalgame auxiliaire-personne peuvent

    ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave auxiliaire

    La typologie des patrons flexionnels proposeacutee par Anderson (2006) a eacuteteacute eacutelaboreacutee en utilisant la

    deacutefinition panchronique de lauxiliaire Pour cet auteur lauxiliaire est un verbe ou est dorigine

    verbale Par exemple dans le patron agrave tecircte lexical lauxiliaire apparaicirct comme un eacuteleacutement invariable

    assimilable agrave une particule en synchronie mais son origine verbale doit ecirctre claire Nous avons

    montreacute les limites de la deacutefinition panchronique et nous lui preacutefeacuterons une deacutefinition fonctionnelle

    Cependant ce choix ne remet pas en cause la pertinence ni la validiteacute de la typologie dAnderson

    Dans le cadre dune approche typologique des constructions agrave auxiliaire il est parfaitement possible

    de comparer les structures grammaticales attesteacutees en synchronie indeacutependamment de leur origine

    Par exemple dans plusieurs cas de grammaticalisation induite par contact deux langues non

    geacuteneacutetiquement lieacutees peuvent preacutesenter des structures (et donc des patrons flexionnels) identiques

    mais ayant des origines tregraves diffeacuterentes (cf Heine amp Kuteva 2005 Ch 3) Ainsi la question de

    lorigine des auxiliaires nest quun critegravere suppleacutementaire permettant daffiner la typologie des

    constructions agrave auxiliaires ou deacutetablir une typologie des processus de grammaticalisation

    73 Les patrons flexionnels du wolof

    La conjugaison du wolof dispose de douze constructions agrave auxiliaire focalisation du sujet

    preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe futur futur neacutegatif optatif

    prohibitif parfait imperfectif neacutegation agrave verbe auxiliaire passeacute clitique (sect 632) Notons que le

    parfait et le passeacute clitique constituent des cas limites puisque la question de lautonomie de na et

    woon est discutable

    Comme dans les autres langues la tecircte seacutemantique des constructions agrave auxiliaire du wolof est le

    verbe lexical En effet cest le verbe lexical qui deacutetermine la valence le rocircle seacutemantique des

    arguments associeacutes au preacutedicat ainsi que le sens lexical de la construction (254a-c)

    - 293 -

    254) a [Meumlbokk]1 dina liggeacuteey

    Mebok FUTS3SG travailler

    lsquoMebok travaillerarsquo

    b [Meumlbokk]1 dina lekk [ceeb]2

    Mebok FUTS3SG manger riz

    lsquoMebok mangera du rizrsquo

    c [Meumlbokk]1 dina jox [Astu]2 [ceeb]3

    Mebok FUTS3SG donner Astou riz

    lsquoMebok donnera du riz agrave Astoursquo

    Lidentification de la tecircte syntaxique est un peu plus probleacutematique Dans les constructions agrave MP

    le MP peut clairement ecirctre identifieacute comme la tecircte syntaxique En effet comme nous lavons vu en

    (sect 44) chaque MP est lieacute agrave un schegraveme speacutecifique (255a-b) De plus le choix du verbe lexical

    ninflue pas sur lordre des mots (254a-c) On peut donc consideacuterer que le MP deacutetermine lordre

    lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat

    255) a Ceeb =la Meumlbokk lekk

    riz =FOCC Mebok manger

    lsquoCest du riz que Mebok a mangeacutersquo

    b Na Meumlbokk lekk ceeb

    OPT Mebok manger riz

    lsquoQue Mebok mange du riz rsquo

    Concernant la neacutegation agrave verbe auxiliaire la tecircte syntaxique est le verbe auxiliaire bantilde En effet

    comme les autres constructions complexes mettant en jeu un infinitif151 la neacutegation agrave verbe

    auxiliaire est une construction agrave monteacutee La structure argumentale deacutepend uniquement des

    proprieacuteteacutes de rection du verbe lexical agrave linfinitif alors que les arguments deacutependent syntaxiquement

    de bantilde Par exemple au subjonctif-conseacutecutif les pronoms objets se placent apregraves le verbe dont ils

    deacutependent (256a) Or dans la neacutegation agrave verbe auxiliaire le rocircle seacutemantique du pronom objet

    deacutepend du verbe agrave linfinitif mais sa position indique quil deacutepend syntaxiquement de bantilde (256b)

    151 cf (sect 243)

    - 294 -

    Ainsi le verbe auxiliaire deacutetermine lordre lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat

    256) a (hellip) ngir mu jaay =la =ko (Diouf 2003 229)

    pour S3SG vendre =O2SG =O3SG

    lsquo(hellip) pour quil te le vendersquo

    b (hellip) ngir nga bantilde =ko=a fagravette (Diouf 2003 545)

    pour S2SG refuser =O3SG=DV oublier

    lsquo(hellip) pour que tu ne loublies pasrsquo

    En ce qui concerne limperfectif lordre lineacuteaire des eacuteleacutements deacutepend en premier lieu de la

    construction preacutedicative dans laquelle elle sinsegravere Neacuteanmoins indeacutependamment de la construction

    preacutedicative le verbe auxiliaire di ne joue presque aucun rocircle dans lordre des mots Comme nous

    lavons vu en (sect 32) sous sa forme pleine di tend agrave se comporter comme un verbe prenant un

    compleacutement phrastique agrave linfinitif (257a) Cependant contrairement aux constructions infinitivales

    la marque de deacutependance verbale nest jamais attesteacutee dans la construction imperfective De plus

    Diouf (2009 103) mentionne eacutegalement la possibiliteacute de placer di immeacutediatement avant le verbe

    lexical Enfin sous sa forme clitique =y il ne peut que preacuteceacuteder immeacutediatement le verbe lexical

    (257b) Ainsi bien quhistoriquement le verbe auxiliaire di ait probablement eacuteteacute la tecircte syntaxique

    de la construction imperfective cette analyse ne semble plus possible en wolof contemporain Dans

    leacutetat actuel de la langue la place de lauxiliaire di semble deacutependre de celle du verbe lexical Pour

    reacutesumer indeacutependamment de la construction preacutedicative dans la construction Imperfectif lordre

    lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat deacutepend plutocirct du verbe lexical La tecircte syntaxique de cette

    construction est donc plutocirct le verbe lexical

    257) a (hellip) ngeen di =leen =ko =fa yoacutebbul (Diouf 2009 103)

    S2PL IPF =O3PL =O3SG =CLLOCDFDT apporterBEN

    lsquo(hellip) vous le leur apportiez lagrave-basrsquo

    b (hellip) ngeen =leen =ko =fa=y yoacutebbul (Diouf 2009 103)

    S2PL =O3PL =O3SG =CLLOCDFDT=IPF apporterBEN

    lsquo(hellip) vous le leur apportiez lagrave-basrsquo

    Dans la construction que nous avons appeleacutee laquo passeacute clitique raquo lidentification de la tecircte

    - 295 -

    syntaxique deacutepend du choix danalyse de la construction En (sect 632) nous avons proposeacute

    danalyser leacuteleacutement woon comme un eacuteleacutement dorigine affixal qui tend agrave devenir un verbe auxiliaire

    apparaissant comme compleacutement infinitif du verbe lexical Si lon accepte cette analyse alors le

    verbe lexical deacutetermine lordre lineacuteaire des eacuteleacutements du preacutedicat et est donc la tecircte syntaxique de la

    construction

    Nous avons identifieacute la tecircte seacutemantique ainsi que la tecircte syntaxique des constructions agrave auxiliaire

    Il nous reste donc agrave identifier la tecircte flexionnelle afin de deacuteterminer le patron flexionnel de

    chacune Comme nous lavons vu en (sect 13) en wolof les marques de flexion relegravevent de cinq

    traits tiroir verbal (TIRV) polariteacute (POL) aspect (ASP) temps (TPS) et personne (PERS)

    Dans la focalisation du compleacutement lauxiliaire encode le trait tiroir verbal et forme un

    amalgame avec la marque de personne Le verbe lexical porte les marques de polariteacute et de temps

    (258a) La focalisation du verbe preacutesente une configuration presque identique la seule diffeacuterence

    eacutetant la preacutesence possible de la marque de deacutependance verbale (~ infinitif) (258b) Ces deux

    constructions sont donc des constructions agrave amalgame auxiliaire-personne preacutesentant un patron

    scindeacute

    258) a AUX(TIRV)PERS V-POL-TPS

    Ceeb =laa lekk-ul-oon

    riz =FOCCS1SG manger-NEG-PAS

    lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo

    b AUX(TIRV)PERS (INF) V-POL-TPS

    Dama (=a) lekk-ul-oon

    FOCVS1SG =DV manger-NEG-PAS

    lsquo(Le fait est que) je navais pas mangeacutersquo

    Dans la focalisation du sujet lauxiliaire encode le trait tiroir verbal et forme un amalgame avec

    le pronom personnel Le verbe lexical porte les marques de polariteacute et de temps (259a) Lamalgame

    MP-personne eacutetant facilement segmentable on peut soit consideacuterer que la construction preacutesente un

    patron agrave tecircte lexicale soit consideacuterer quil sagit dune construction agrave amalgame auxiliaire-personne

    preacutesentant un patron scindeacute Le preacutesentatif preacutesente une configuration presque identique On peut

    noter deux diffeacuterences la polariteacute nest pas marqueacutee par une marque flexionnelle et le paradigme

    de lamalgame MP-personne preacutesente plusieurs idiosyncrasies (259b) Il sagit donc dune

    - 296 -

    construction agrave amalgame auxiliaire-personne preacutesentant un patron scindeacute

    259) a PERS=AUX(TIRV) V-POL-TPS

    Ma=a lekk-ul-oon

    S1SG=FOCS manger-NEG-PAS

    lsquoCest moi qui navais pas mangeacutersquo

    b PERS=AUX(TIRV) V-TPS

    Ma=a ngi lekk-oon

    S1SG=PRST manger-PAS

    lsquoMe voici qui avais mangeacutersquo

    Agrave loptatif et au prohibitif lauxiliaire encode les traits tiroir verbal et polariteacute et forme un

    amalgame avec la marque de personne Le verbe lexical ne porte aucune marque flexionnelle (260a-

    b) Ces deux constructions sont donc des constructions agrave amalgame auxiliaire-personne preacutesentant

    un patron agrave tecircte auxiliaire

    260) a AUX(TIRVPOL)PERS V

    Naa lekk

    OPTS1SG manger

    lsquoQue je mange rsquo

    b AUX(TIRVPOL)PERS V

    Buma lekk

    PROHS1SG manger

    lsquoQue je ne mange pas rsquo

    Au futur et au futur neacutegatif lauxiliaire encode les traits tiroir verbal et polariteacute et forme un

    amalgame avec la marque de personne Le verbe lexical ne porte aucune marque flexionnelle (261a-

    b) De plus comme nous lavons vu en (sect 22) on peut eacutegalement consideacuterer que le trait temps est

    eacutegalement porteacute par le MP Ces deux constructions sont donc des constructions agrave amalgame

    auxiliaire-personne preacutesentant un patron agrave tecircte auxiliaire

    - 297 -

    261) a AUX(TIRVPOL)PERS V

    Dinaa lekk

    FUTS1SG manger

    lsquoJe mangerairsquo

    b AUX(TIRVPOL)PERS V

    Duma lekk

    FUTNEGS1SG manger

    lsquoJe ne mangerai pasrsquo

    Dans la construction imperfective lauxiliaire encode le trait aspect et porte les marques de

    polariteacute et de temps Le verbe lexical ne porte aucune marque flexionnelle (262a) La neacutegation agrave

    verbe auxiliaire preacutesente une configuration similaire Neacuteanmoins elle sen distingue puisque

    lauxiliaire encode le trait polariteacute et porte les marques de temps On note eacutegalement la preacutesence de

    la marque de deacutependance verbale (~ infinitif) (262b) Ces deux constructions preacutesentent donc un

    patron agrave tecircte auxiliaire

    262) a AUX(ASP)-POL-TPS V

    (hellip) ma d-ul-oon lekk

    S1SG IPF-NEG-PAS manger

    lsquo(hellip) je ne mangeais pasrsquo

    b AUX(POL)-TPS INF V

    (hellip) ma bantilde-oon =a lekk

    S1SG refuser-PAS =DV manger

    lsquo(hellip) je ne mangeai pasrsquo

    Au parfait lauxiliaire forme un amalgame avec la marque de personne Il encode le trait tiroir

    verbal ainsi que le trait polariteacute puisquil est absent des eacutenonceacutes au parfait neacutegatif Le verbe lexical

    porte les marques de temps (263a) Comme nous lavons vu dans les sections preacuteceacutedentes

    lauxiliaire na est peu autonome vis-agrave-vis du verbe Nous pouvons donc consideacuterer que le parfait est

    une construction verbale complexe preacutesentant un patron scindeacute

    Au passeacute clitique lauxiliaire encode le passeacute Le verbe lexical porte les marques de tiroir verbal

    de polariteacute et de personne (263b) Comme nous lavons vu dans les sections preacuteceacutedentes lauxiliaire

    - 298 -

    woon est peu autonome vis-agrave-vis du verbe Nous pouvons donc consideacuterer que le passeacute clitique est

    une construction verbale complexe preacutesentant un patron agrave tecircte lexicale

    263) a V-TPS =AUX(TIRVPOL)PERS

    Lekk-oon =naa

    manger-PAS =PRFS1SG

    lsquoJavais mangeacutersquo

    b V-TIRVPOLPERS =AUX(TPS)

    Lekk-uma =woon

    manger-PRFNEGS1SG =PAS

    lsquoJe navais pas mangeacutersquo

    La distribution des marques flexionnelles ainsi que le patron flexionnel de chaque construction agrave

    auxiliaire du wolof sont reacutesumeacutees dans le Tableau (72)

    Tableau 72 - Patrons flexionnels des constructions agrave auxiliaire du wolof

    Structure Patron

    Focalisation du sujet PERS=AUX(TIRV) V-POL-TPS Scindeacute (Amalgame Aux-Pers)

    Preacutesentatif PERS=AUX(TIRV) V-TPS Scindeacute (Amalgame Aux-Pers)

    Focalisation du compleacutement AUX(TIRV)PERS V-POL-TPS Scindeacute (Amalgame Aux-Pers)

    Focalisation du verbe AUX(TIRV)PERS (INF) V-POL-TPS Scindeacute (Amalgame Aux-Pers)

    Parfait V-TPS =AUX(TIRVPOL)PERS Scindeacute (Construction complexe)

    Futur AUX(TIRVPOL)TPSPERS V Tecircte-Aux (Amalgame Aux-Pers)

    Futur neacutegatif AUX(TIRVPOL)TPSPERS V Tecircte-Aux (Amalgame Aux-Pers)

    Optatif AUX(TIRVPOL)PERS V Tecircte-Aux (Amalgame Aux-Pers)

    Prohibitif AUX(TIRVPOL)PERS V Tecircte-Aux (Amalgame Aux-Pers)

    Neacutegation agrave verbe auxiliaire AUX(POL)-TPS INF V Tecircte-Aux

    Imperfectif AUX(ASP)-POL-TPS V Tecircte-Aux

    Passeacute clitique V-TIRVPOLPERS =AUX(TPS) Tecircte-Lex (Construction complexe)

    Pour reacutesumer la tecircte seacutemantique des constructions agrave auxiliaire du wolof est le verbe lexical La

    tecircte syntaxique est lauxiliaire sauf pour limperfectif et le passeacute clitique ougrave la tecircte syntaxique est

    plutocirct le verbe lexical La tecircte flexionnelle nest pas la mecircme dans toutes les constructions Ainsi

    dans les constructions focalisantes et au parfait certaines marques flexionnelles sont porteacutees par

    - 299 -

    lauxiliaire alors que dautres sont porteacutees par le verbe lexical ces constructions preacutesentent donc un

    patron scindeacute Au passeacute clitique le verbe lexical porte toutes les marques flexionnelles cette

    construction preacutesente donc un patron agrave tecircte lexicale Dans toutes les autres constructions lauxiliaire

    porte toutes les marques flexionnelles ces constructions preacutesentent donc un patron agrave tecircte auxiliaire

    On remarque que les deux seules constructions preacutesentant un ordre V AUX peuvent ecirctre

    analyseacutees comme des constructions verbales complexes Par ailleurs toutes les constructions agrave MP

    (et seulement elles) sont des constructions agrave amalgame auxiliaire-personne

    - 300 -

    CCHAPITREHAPITRE 8 - 8 - TTYPOLOGIEYPOLOGIE VERBALEVERBALE DUDU WOLOFWOLOF

    Lobjectif de ce chapitre est de proposer une typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs du wolof en nous

    appuyant notamment sur la typologie que nous avons preacutesenteacutee en (sect 623)

    81 Les verbes pleins

    Les verbes pleins correspondent aux verbes canoniques ou prototypiques de la langue Ils

    preacutesentent toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques propres aux verbes de la langue et leur sens est

    pleinement lexical

    En wolof le verbe preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes morphosyntaxiques qui lui sont propres Il

    occupe une position speacutecifique dans les schegravemes de preacutedication verbale (sect 44) Dans une

    subordonneacutee infinitive le verbe agrave linfinitif est immeacutediatement preacuteceacutedeacute de la marque de deacutependance

    verbale =a (264a) De plus le verbe est le seul mot apte agrave porter les suffixes flexionnels de passeacute

    (264b) et de neacutegation (264c) Enfin le verbe est le seul eacuteleacutement compatible avec un grand nombre

    de suffixes de deacuterivation notamment le suffixe agentif -kat ou les suffixes de diathegravese (sect 34)

    264) a Dama =ko beumlgg=a ji (Diouf 2003 97)

    FOCVS1SG =O3SG vouloir=DV semer

    lsquoJe veux la semerrsquo

    b Dama dem-oon Faas (Diouf 2003 117)

    FOCVS1SG partir-PAS Fegraves

    lsquoJeacutetais alleacute agrave Fegravesrsquo

    c Dama gis-ul Omar (Diouf 2009 70)

    FOCVS1SG voir-NEG Omar

    lsquoJe nai pas vu Omarrsquo

    On peut identifier plusieurs types de verbes pleins Par exemple on peut distinguer les verbes

    selon leur transitiviteacute (intransitif transitif ditransitif) Certains auteurs proposent eacutegalement de

    - 301 -

    distinguer les verbes daction (ou dactiviteacute) des verbes deacutetat Cette distinction repose

    essentiellement sur une diffeacuterence de lecture temporelle etou aspectuelle de la construction

    preacutedictive dans laquelle le verbe est inseacutereacute Cette typologie deacutepassant le cadre de ce travail nous

    vous renvoyons agrave Church (1981 Ch 3) ou Robert (1991) pour une preacutesentation deacutetailleacutee152

    82 Les verbes cateacutenatifs

    Comme les verbes pleins les verbes cateacutenatifs preacutesentent toutes les proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques propres aux verbes de la langue et leur sens est pleinement lexical Ils sen

    distinguent par leur capaciteacute de prendre soit un compleacutement nominal soit un compleacutement

    phrastique speacutecifique (infinitif etou subjonctif-conseacutecutif)

    En wolof on relegraveve trois types de compleacutements phrastiques les infinitives les compleacutetives au

    subjonctif-conseacutecutif et les compleacutetives introduites par un compleacutementeur Dans les infinitives le

    verbe preacutesente clairement une forme verbale deacuteclasseacutee (deranked verb form) cest-agrave-dire une forme

    verbale qui ne peut pas apparaicirctre dans une proposition indeacutependante Dans les compleacutetives

    introduites par un compleacutementeur le verbe preacutesente clairement une forme verbale eacutequilibreacutee

    (balanced verb form) cest-agrave-dire une forme verbale qui peut apparaicirctre dans une proposition

    indeacutependante Dans les compleacutetives au subjonctif-conseacutecutif le verbe preacutesente plutocirct une forme

    verbale deacuteclasseacutee En effet le subjonctif-conseacutecutif est attesteacute dans des propositions indeacutependantes

    mais son emploi est tregraves limiteacute Il est beaucoup plus freacutequent dans des propositions deacutependantes153

    En nous basant sur la typologie des preacutedicats prenant un compleacutement phrastique proposeacutee par

    Noonan (2007) nous pouvons distinguer diffeacuterents types de verbes cateacutenatifs en wolof Les verbes

    modaux (265a-b) ainsi que les verbes de phase (266a-b) peuvent prendre un compleacutement

    phrastique agrave linfinitif

    265) a Dafay wis rekk meumln =nga[=a dem] (Diouf 2003 462)

    FOCVS3SGIPF crachiner seulement pouvoir =PRFS2SG=DV partir

    lsquoIl ne pleut que leacutegegraverement tu peux partirrsquo

    152 Notons juste que ce quun grand nombre de langues expriment par un adjectif est exprimeacute en wolof par un typeparticulier de verbe deacutetat (Mc Laughlin 2004)

    153 Pour une preacutesentation de lopposition derankingbalancing voir Cristofario (2003 54-60)

    - 302 -

    b War =nga[=a yar] sa doom =ji de (Diouf 2003 399)

    devoir = PRFS2SG=DV eacuteduquer POSS2SG enfant =CLjDFPX EMPH

    lsquoTu devrais vraiment eacuteduquer ton enfantrsquo

    266) a Ndaw =sii yagravegg =na[=a jaay] gerte-caaf (Diouf 2003 145)

    dame =CLsDEMPX durer =PRFS3SG=DV vendre cacahuegravete

    lsquoCette dame vend des cacahuegravetes depuis longtempsrsquo

    b Tagravembali =na[=a deacuteqi] gerte (Diouf 2003 473)

    commencer = PRFS3SG=DV deacuteterrer arachide

    lsquoA-t-il commenceacute agrave deacuteterrer les arachides rsquo

    Les verbes deacutesideacuteratifs peuvent prendre un compleacutement phrastique agrave linfinitif (267a) ou une

    compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif (267b)154

    267) a Dama beumlgg[=a jubbanti tagravenku siis =bi] (Diouf 2003 175)

    FOCVS1SG vouloir=DV redresser piedGEN chaise =CLbDFPX

    lsquoJe veux redresser le pied de la chaisersquo

    b Dama beumlgg [nga benn-bennal wax =ji] (Diouf 2003 67)

    FOCVS1SG vouloir S2SG deacutetailler propos =CLjDFPX

    lsquoJe veux que tu eacutenonces les propos point par pointrsquo

    Les verbes de manipulation peuvent prendre une compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif (268a-b)

    268) a Kantildentildeaan rekk =a tax [mu sagravenni =ko] (Diouf 2003 182)

    jalousie seulement =FOCS causer S3SG jeter =O3SG

    lsquoCest seulement par jalousie quil la jeteacutersquo

    b Ku =la sant [nga def =ko] (Diouf 2003 533)

    CLHUMSGREL =O2SG ordonner S2SG faire =O3SG

    lsquoQui ta ordonneacute de faire ccedila rsquo

    154 Les verbes modaux de phase et deacutesideacuteratifs peuvent donc prendre un compleacutement nominal ou un compleacutementphrastique agrave linfinitif Ainsi ils correspondent aux laquo verbes opeacuterateurs semi-primaires raquo et au second groupe delaquo verbes opeacuterateurs secondaires raquo selon la terminologie de Church (1981 Ch 4) ainsi quaux laquo verbes semi-auxiliaires raquo ou laquo verbes-opeacuterateurs raquo selon la terminologie de Dialo (1981a 15-17)

    - 303 -

    Les verbes de perception peuvent prendre une compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif (269a) ou

    une compleacutetive introduite par un compleacutementeur (269b)

    269) a Gis =naa =ko [mu lagravemboo ay sagar] (Diouf 2003 488)

    voir =PRFS1SG =O3SG S3SG senvelopper IDFCLy haillon

    lsquoJe lai vu qui seacutetait enveloppeacute de haillonsrsquo

    b Gis =naa ne [jeumlnd =nga piis =bi] (Sall 2005 182)

    voir =PRFS1SG que acheter =PRFS2SG tissu =CLbDFPX

    lsquoJai vu que tu as acheteacute le tissursquo

    Les verbes de connaissance (270a) les verbes dattitude propositionnelle (270b) ainsi que les

    verbes deacutenonciation (270c) peuvent prendre une compleacutetive introduite par un compleacutementeur

    270) a Dinga xam ne [man =nga digaaleel] (Diouf 2003 104)

    FUTS2SG savoir COMP moi =FOCC2SG avoir_affaireAPPL

    lsquoTu sauras que tu as affaire agrave moirsquo

    b Defe =naa ne [dina dem] (Diouf 2003 96)

    penser =PRFS1SG COMP FUTS3SG partir

    lsquoJe pense quil partirarsquo

    c Wax =na =ma ne [dafay tukki] (Sall 2005 124)

    dire =PRFS3SG =O1SG COMP FOCVS3SGIPF voyager

    lsquoIl ma dit quil voyagersquo

    Les types de compleacutement phrastique en fonction du type de verbe en wolof sont reacutesumeacutes dans le

    Tableau (81)155 On constate que les donneacutees du wolof respectent la hieacuterarchie de deacuteclassement du

    compleacutement (Complement Deranking Hierarchy) eacutetablie par Cristofario (2003 125)

    Verbes modaux Verbes de phase gt Verbes deacutesideacuteratifs Verbes de manipulation gt Verbes

    de perception gt Verbes de connaissance Verbes dattitude propositionnelle Verbes

    deacutenonciation

    155 Dans le tableau INF = infinitives SUBJ = compleacutetives au subjonctif-conseacutecutif COMP = compleacutetives introduites parun compleacutementeur D = forme verbale deacuteclasseacutee Eacute = forme verbale eacutequilibreacutee

    - 304 -

    Selon Cristofario (2003 125) si une forme verbale deacuteclasseacutee est utiliseacutee avec un type de verbe

    alors tous les verbes situeacutes plus haut dans la hieacuterarchie prennent eacutegalement une forme verbale

    deacuteclasseacutee Cest exactement ce quon observe pour le wolof En effet les verbes dont lobjet est une

    infinitive (forme verbale strictement deacuteclasseacutee) sont tout en haut de la hieacuterarchie Les verbes dont

    lobjet est une compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif (forme verbale plutocirct deacuteclasseacutee) occupent une

    position intermeacutediaire dans la hieacuterarchie Enfin les verbes dont lobjet est une compleacutetive introduite

    par un compleacutementeur (forme verbale eacutequilibreacutee) sont tout en bas de la hieacuterarchie

    Tableau 81 - Formes verbales des compleacutements phrastiques en wolof

    Compleacutement phrastique FormeverbaleINF SUBJ COMP

    Verbes modaux + ndash ndash D

    Verbes de phase + ndash ndash D

    Verbes deacutesideacuteratifs + + ndash D

    Verbes de manipulation ndash + ndash D

    Verbes de perception ndash + + DEacute

    Verbes de connaissance ndash ndash + Eacute

    Verbes dattitude propositionnelle ndash ndash + Eacute

    Verbes deacutenonciation ndash ndash + Eacute

    Par deacutefinition un verbe cateacutenatif peut prendre un compleacutement phrastique speacutecifique cest-agrave-dire

    une infinitive ou une compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif Les formes verbales des compleacutetives

    introduites par un compleacutementeur eacutetant des formes verbales eacutequilibreacutees les verbes prenant ce type

    de compleacutement phrastique ne peuvent pas ecirctre consideacutereacutes comme des verbes cateacutenatifs Ainsi les

    verbes cateacutenatifs du wolof sont des verbes modaux des verbes de phase des verbes deacutesideacuteratifs et

    dans une certaine mesure des verbes de manipulation et des verbes de perception

    83 Les verbes semi-auxiliaires

    Comme les verbes cateacutenatifs les verbes semi-auxiliaires preacutesentent toutes les proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques propres aux verbes de la langue leur sens est pleinement lexical et ils ont la

    capaciteacute de prendre un compleacutement phrastique speacutecifique (infinitif etou subjonctif-conseacutecutif)

    Neacuteanmoins ils sen distinguent sur plusieurs points ils peuvent exprimer une cateacutegorie

    grammaticale lieacutee au verbe ils peuvent preacutesenter un paradigme deacutefectif et ils ne peuvent

    - 305 -

    geacuteneacuteralement pas prendre un compleacutement nominal

    En wolof il est assez difficile deacutetablir une cateacutegorie homogegravene de verbes semi-auxiliaire

    Neacuteanmoins on peut ranger dans cette cateacutegorie tous les verbes devant obligatoirement prendre un

    compleacutement phrastique agrave linfinitif Selon Church (1981 Ch 4) et Dialo (1981a 8-14) seuls trois

    verbes sont dans ce cas faral sog xaw (271a-c)156 Notons que ces verbes expriment des

    cateacutegories grammaticales identifieacutees dans les travaux typologiques Le verbe faral (avoir lhabitude

    de) exprime lhabituel le verbe sog (venir de) exprime le passeacute proche et le verbe xaw (faillir)

    exprime lavertif Par ailleurs le verbe sog est incompatible avec le parfait (Diouf 2009 185) il

    preacutesente donc un paradigme deacutefectif

    271) a Ndax dinga=y faral dem tefes (Diouf 2003 119)

    est-ce_que FUTS2SG=IPF avoir_lhabitude partir plage

    lsquoEst-ce que tu vas souvent agrave la plage rsquo

    b Ndaje =ma=a ngi sog=a tagravembali (Diouf 2003 586)

    reacuteunion =CLmDF=PRSTPX venir_de=DV commencer

    lsquoLa reacuteunion vient de commencerrsquo

    c Dama xaw=a sonn (Diouf 2003 383)

    FOCVS1SG ecirctre_un_peu=DV ecirctre_fatigueacute

    lsquoJe suis un peu fatigueacutersquo

    Comme nous lavons vu en (sect 632) le verbe bantilde occupe une position intermeacutediaire entre les

    verbes cateacutenatifs et les verbes auxiliaires Dans certains contextes le verbe bantilde a un sens lexical

    (deacutetester craindre refuser) et peut prendre soit un compleacutement nominal (272a) soit un

    compleacutement phrastique agrave linfinitif (272b) ou au subjonctif-conseacutecutif (272c)

    272) a Maa bantilde [jigeacuteen ju jeacutedd] (Diouf 2003 163)

    PRO1SGFOCS deacutetester femme CLjREL parler_fort

    lsquoJai horreur dune femme qui a lhabitude de parler hautrsquo

    156 Church (1981 39) ajoute eacutegalement mos (faire une fois) mais ce verbe est cateacutenatif puisquil peut prendre uncompleacutement nominal Church (1981 39) et Dialo (1981a 12) ajoutent aussi laata (avant de) mais ce mot doitplutocirct ecirctre analyseacute comme un adverbe

    - 306 -

    b Mbaam =mi =dafa bantilde[=a dem] (Diouf 2003 61)

    acircne =CLmDFPX =FOCVS3SG refuser=DV partir

    lsquoLacircne refuse de partirrsquo

    c Dafa bantilde nga fagravette ko (Diouf 2003 61)

    FOCVS3SG craindre S2SG oublier O2SG

    lsquoIl craint que tu ne loubliesrsquo

    Dans dautres contextes le verbe bantilde exprime une cateacutegorie grammaticale (neacutegation) est deacutefectif

    (il est compatible uniquement avec le subjonctif-conseacutecutif le preacutesentatif et linfinitif) et prend

    neacutecessairement un compleacutement phrastique agrave linfinitif (273a-b)

    273) a Bind =ko ngir nga bantilde =ko=a fagravette (Diouf 2003 545)

    eacutecrireIMPS2SG =O3SG pour S2SG NEG =O3SG=DV oublier

    lsquoEacutecris-le pour ne pas loublierrsquo

    b Bantilde=a fonk sa lagravekk ngecceel =la (Diouf 2003 251)

    NEG=DV estimer POSS2SG langue complexe =FOCC

    lsquoNe pas estimer sa langue est un complexe dinfeacuterioriteacutersquo

    Ainsi le verbe bantilde peut ecirctre analyseacute comme un verbe semi-auxiliaire Neacuteanmoins le fait quil

    soit inteacutegreacute au paradigme de conjugaison tend agrave le rapprocher des verbes auxiliaires

    84 Les verbes auxiliaires

    Contrairement aux autres types de verbes les verbes auxiliaires ne preacutesentent pas toutes les

    proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe Ils sont deacutefectifs et preacutesentent des idiosyncrasies

    morphophonologiques ou combinatoires Ils doivent prendre un compleacutement phrastique speacutecifique

    Ils ont une fonction essentiellement grammaticale Enfin ils sont inteacutegreacutes au paradigme de

    conjugaison

    En wolof un seul verbe peut clairement ecirctre analyseacute comme un verbe auxiliaire di Comme

    nous lavons eacutevoqueacute en (sect 632) il doit prendre un compleacutement phrastique speacutecifique (infinitif) il

    ne preacutesente pas toutes les proprieacuteteacutes morphosyntaxiques dun verbe (absence de marque de

    - 307 -

    deacutependance verbale) il preacutesente des idiosyncrasies morphophonologiques (chute de la voyelle

    finale) il a une fonction essentiellement grammaticale (imperfectif)157 et il est inteacutegreacute au paradigme

    de conjugaison (274a-b)

    274) a Dafa =leen di foacuteoxal (Diouf 2003 130)

    FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer

    lsquoIl les bluffersquo

    b Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)

    FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX

    lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo

    Comme nous lavons eacutevoqueacute en (sect 632) au parfait neacutegatif le marqueur de passeacute woon peut ecirctre

    analyseacute comme un verbe auxiliaire En effet il preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes verbales il est deacutefectif

    il a une fonction essentiellement grammaticale et il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison Ce

    marqueur occupe la mecircme position que le verbe dans les compleacutements phrastiques agrave linfinitif

    (275a-b) Nous proposons donc danalyser woon comme un eacuteleacutement dorigine affixal qui tend agrave

    devenir un verbe auxiliaire apparaissant comme compleacutement infinitif du verbe lexical

    275) a Soacuteoraale-wu-ma =ko =woon (Diouf 2003 488)

    preacutevoir-PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS

    lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo

    b Meumln-u-ma =ko lekk su amul beumlgeumlj (Diouf 2003 66)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG manger si avoirNEG pureacutee_doseille

    lsquoJe ne peux pas en manger sil nrsquoy a pas de pureacutee doseillersquo

    Enfin comme nous lavons montreacute dans la section preacuteceacutedente le verbe bantilde est un verbe semi-

    auxiliaire preacutesentant quelques caracteacuteristiques des verbes auxiliaires

    85 Les marqueurs preacutedicatifs

    Comme les verbes auxiliaires les marqueurs preacutedicatifs preacutesentent des idiosyncrasies

    157 Neacuteanmoins il peut eacutegalement ecirctre utiliseacute comme copule (sect 321)

    - 308 -

    morphophonologiques ou combinatoires ils ont une fonction essentiellement grammaticale et ils

    sont inteacutegreacutes au paradigme de conjugaison Neacuteanmoins agrave la diffeacuterence de tous les eacuteleacutements

    preacutedicatifs que nous venons de voir les MP ne peuvent pas ecirctre analyseacutes comme des verbes et le

    verbe avec lequel ils se combinent est fini

    Comme nous lavons vu dans les sections preacuteceacutedentes en wolof les MP forment un amalgame

    avec lindice sujet Cet amalgame preacutesente des idiosyncrasies morphophonologiques et

    combinatoires Par ailleurs ils sont incompatibles avec les affixes verbaux Ainsi les eacuteleacutements a

    a ng- la na (OPT) et bul sont clairement des MP Si lon considegravere que na (PRF) est un mot et non un

    affixe alors il doit eacutegalement ecirctre analyseacute comme un MP Leacuteleacutement dafa est eacutegalement un MP

    mais il preacutesente certaines proprieacuteteacutes verbales (il peut ecirctre seacutepareacute du verbe lexical par un adverbe) ce

    qui permet de supposer une origine verbale

    Agrave la diffeacuterence des autres MP les eacuteleacutements dina et du servent de support aux marqueurs de passeacute

    et de neacutegation Cette particulariteacute sexplique par le fait quil sont en cours de grammaticalisation Ils

    sont issus du verbe auxiliaire di au parfait ou au parfait neacutegatif

    86 Les relativiseurs

    Les relativiseurs ne constituent pas agrave proprement parler des eacuteleacutements preacutedicatifs Neacuteanmoins en

    wolof ces eacuteleacutements preacutesentent plusieurs proprieacuteteacutes qui les rapprochent des marqueurs preacutedicatifs

    Comme les MP (276a) le relativiseur forme un amalgame avec lindice sujet Ce pheacutenomegravene est

    clairement visible avec le relativiseur non reacutefeacuterentiel et lindice 2SG (276b)

    276) a Doo dem (Diouf 2003 183)

    du-a dem

    FUTNEG-S2SG partir

    lsquoTu ne partiras pasrsquo

    b Jeacuteego boo defhellip (Diouf 2003 164)

    jeacuteego bu-a def

    pas CLbREL-S2SG faire

    lsquoChaque pas que tu faishelliprsquo

    - 309 -

    Le relativiseur occupe une position morphosyntaxique identique agrave celle du MP dans plusieurs

    constructions preacutedicatives (277a-b) Ainsi le relativiseur se place avant le verbe Lindice sujet et

    lobjet pronominal se placent entre le relativiseur et le verbe (278a) et si le sujet est lexical et lobjet

    est pronominal alors lobjet se place avant le sujet (278b)

    277) a Jeumlkkeumlr ju baax [=la-a =ko yeacuteene] (Diouf 2003 571)

    mari CLjREL ecirctre_bon =FOCC-S1SG =O3SG souhaiter

    lsquoJe lui souhaite un bon marirsquo

    b Ci teumlsteumln [=la =ko pont =bi jam] (Diouf 2003 343)

    PREPPX talon =FOCC =O3SG pointe =CLbDFPX piquer

    lsquoCest au talon que la pointe la piqueacutersquo

    278) a [Lu =ma =ko wax] mu suufental =ko (Diouf 2003 527)

    CLCHSGREL =S1SG =O3SG dire S3SG minimiser =O3SG

    lsquoTout ce que je lui dis il le minimisersquo

    b Yelloo =nga [li =la sa jeumlkkeumlr defal] (Diouf 2003 559)

    meacuteriter =PRFS2SG CLCHSGDFPX =o2SG POSS2SG eacutepoux faireBEN

    lsquoTu es digne de ce que ton eacutepoux a fait pour toirsquo

    La place du marqueur de la voix impersonnelle permet eacutegalement de rapprocher le relativiseur

    des eacuteleacutements preacutedicatifs Comme nous lavons vu en (sect 43) le marqueur -ees se suffixe au verbe au

    parfait (279a) samalgame avec le MP de la focalisation du compleacutement (279b) ou samalgame

    avec le relativiseur dans les relatives (279c) Comme le MP la le relativiseur perd sa voyelle finale

    en samalgamant avec -ees Ainsi on pourrait expliquer le placement du marqueur de la voix

    impersonnelle de la maniegravere suivante il se suffixe au premier eacuteleacutement preacutedicatif (au sens large

    incluant les relativiseurs) de la proposition

    279) a Xam=ees =na =ko (Creissels et al 2015 64)

    savoir=IMPS =PRF =O3SG

    lsquoOn sait ccedilarsquo

    - 310 -

    b Noonu =l=ees di doxale (Creissels et al 2015 64)

    CLMNRDEMPX =FOCC=IMPS IPF marcherCAUSAPPL

    lsquoCest ainsi que lon procegravedersquo

    c L=ees wax-ul (Diouf 2003 199)

    CLCHSGREL=IMPS dire-NEG

    lsquoCe quon na pas ditrsquo

    Enfin les relativiseurs sont en distribution compleacutementaire avec les MP En effet aucun MP ne

    peut apparaicirctre dans une proposition relative et les constructions agrave MP sont neacutecessairement des

    propositions indeacutependantes ou des compleacutetives introduites par un compleacutementeur

    87 Compleacutementeur et quotatif

    En wolof le verbe ne (dire) a un comportement particulier En effet il preacutesente une des

    idiosyncrasies morphophonologiques du verbe auxiliaire di (280a) agrave savoir la chute de la voyelle

    finale en preacutesence du suffixe de passeacute (280b)

    280) a Dama d-oon lagraveqarci weumlntilde =gi (Diouf 2003 196)

    FOCVS1SG IPF-PAS deacutemecircler fil =CLgDFPX

    lsquoJe deacutemecirclais le filrsquo

    b Dafa n-oon du dem (Diouf 2003 211)

    FOCVS3SG dire-PAS FUTNEGS3SG partir

    lsquoIl avait dit quil nirait pasrsquo

    Par ailleurs contrairement aux autres verbes deacutenonciation (281a) la compleacutetive compleacutetant le

    verbe ne nest pas introduite par un compleacutementeur (281b)

    281) a Wax =na =ma ne dafay tukki (Sall 2005 124)

    dire =PRFS3SG =O1SG COMP FOCVS3SGIPF voyager

    lsquoIl ma dit quil voyagersquo

    - 311 -

    b Ne =nantildeu =ma Oslash danu juuyoo (Diouf 2003 178)

    dire =PRFS3PL =O1SG FOCVS1PL se_manquer

    lsquoOn ma dit que nous nous sommes manqueacutesrsquo

    Cette absence de compleacutementeur dans la compleacutetive est lieacutee au fait que le compleacutementeur ne est

    issu de la grammaticalisation du verbe ne (Sall 2005 125-136) En plus de lhomophonie des deux

    formes la prosodie teacutemoigne eacutegalement de lorigine verbale de ce compleacutementeur En effet du

    point de vue intonatif le compleacutementeur ne appartient agrave la proposition principale (282a) alors que

    les autres subordonnants appartiennent agrave la subordonneacutee (282b) (Sall 2005 129)

    282) a Xam =naa ne dina dem (Sall 2005 129)

    savoir =PRFS1SG COMP FUTS3SG partir

    lsquoJe sais quil partirarsquo

    b Damay laajte ndax dina dem (Sall 2005 129)

    FOCVS1SGIPF demander si FUTS3SG partir

    lsquoJe me demande sil partirarsquo

    Lexistence dun verbe deacutenonciation particulier nest pas speacutecifique au wolof En effet dans de

    nombreuses langues un verbe deacutenonciation de sens geacuteneacuterique se speacutecialise comme quotatif

    (introducteur de discours) (Heine amp Kuteva 2002 261-265) Par exemple en tswana le verbe re

    (dire) fonctionne comme quotatif (283a) et son infinitif gore fonctionne comme compleacutementeur

    (283b) (Creissels 2006b 258)

    283) a Lorato o rile Kitso o tsile (Creissels 2006b 258)

    Lorato S3SG direPRF Kitso S3SG venirPRF

    lsquoLorato a dit que Kitso est venursquo

    b Lorato o re boleletse gore Kitso o tsile (Creissels 2006b 258)

    Lorato S3SG O1PL raconterPRF direINF Kitso S3SG venirPRF

    lsquoLorato nous a raconteacute que Kitso eacutetait venursquo

    On peut supposer que le wolof preacutesente une structure similaire agrave celle du tswana Le

    compleacutementeur ne correspondrait donc agrave linfinitif du verbe deacutenonciation ne Comme nous lavons

    - 312 -

    vu en (sect 243) et contrairement au tswana le verbe ne porte aucune marque de linfinitif en wolof

    La seule marque pouvant ecirctre rapprocheacutee dune marque dinfinitif est la marque de deacutependance

    verbale Or cette marque est un clitique rattacheacute au mot preacuteceacutedant le verbe agrave linfinitif et elle est

    parfois omise surtout en wolof veacutehiculaire De plus on constate quavec le verbe auxiliaire di elle

    napparaicirct jamais Son absence avant ne ne remet donc pas en cause lhypothegravese selon laquelle ce

    compleacutementeur est issu de la grammaticalisation du verbe ne (dire) agrave linfinitif

    88 Synthegravese

    En wolof nous pouvons identifier les eacuteleacutements preacutedicatifs suivants verbes pleins verbes

    cateacutenatifs verbes semi-auxiliaires verbes auxiliaires et marqueurs preacutedicatifs Nous pouvons

    eacutegalement ajouter les relativiseurs qui bien que neacutetant pas des eacuteleacutements preacutedicatifs au sens strict

    partagent plusieurs caracteacuteristiques avec les MP

    On peut distinguer les eacuteleacutements preacutedicatifs selon leur caractegravere plusmn verbal Les eacuteleacutements [+ Verbe]

    se caracteacuterisent par leur capaciteacute agrave porter les suffixes de passeacute et de neacutegation et agrave prendre un

    compleacutement nominal etou un compleacutement phrastique agrave linfinitif Les eacuteleacutements [ndash Verbe] se

    caracteacuterisent par leur capaciteacute agrave servir de support agrave lindice sujet et agrave se combiner avec un verbe

    fini La classification des eacuteleacutements preacutedicatifs selon ce critegravere est reacutesumeacutee dans le Tableau (82)

    Tableau 82 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn verbe]

    Verbeplein

    Verbecateacutenatif

    Verbesemi-

    auxiliaire

    Verbeauxiliaire

    Marqueurpreacutedicatif

    Relativiseur

    Suffixe passeacute + + + + ndash ndash

    Suffixe neacutegation + + + + ndash ndash

    + compleacutement nominal + + ndash ndash ndash ndash

    + infinitif ndash + + + ndash ndash

    + verbe fini ndash ndash ndash ndash + +

    Indice sujet ndash ndash ndash ndash + +

    Statut + Verbe ndash Verbe

    On peut eacutegalement distinguer les eacuteleacutements preacutedicatifs selon leur caractegravere plusmn auxiliaire Les

    eacuteleacutements [+ Auxiliaire] sont inteacutegreacutes au paradigme de conjugaison sont deacutefectifs expriment une

    cateacutegorie grammaticale et sont deacutenueacutes de sens lexical Par opposition les eacuteleacutements [ndash Auxiliaire] ne

    - 313 -

    sont pas inteacutegreacutes agrave la conjugaison nexpriment pas de cateacutegorie grammaticale mais ont un sens

    lexical La classification des eacuteleacutements preacutedicatifs selon ce critegravere est reacutesumeacutee dans le Tableau (83)

    Les verbes semi-auxiliaires constituent des cas limites En effet ils peuvent preacutesenter certaines

    caracteacuteristiques des auxiliaires Le cas des relativiseurs est discutable En effet comme les

    auxiliaires ils sont deacutefectifs (ils sont incompatibles avec les MP) ils sont deacutenueacutes de sens lexical et

    dans une certaine mesure on peut consideacuterer quils expriment une cateacutegorie grammaticale (la

    relativisation) En revanche ils ne sont pas agrave proprement parler laquo inteacutegreacutes raquo au paradigme de

    conjugaison Ils sont en distribution compleacutementaire avec les MP ce qui pourrait laisser supposer

    quils constituent un tiroir verbal speacutecifique Neacuteanmoins ils apparaissent uniquement dans un type

    speacutecifique de subordonneacutee (les relatives) ce qui met agrave mal cette analyse Dun point de vue formel

    et selon la deacutefinition des laquo auxiliaires raquo que nous avons adopteacutee les relativiseurs peuvent ecirctre

    analyseacutes comme des auxiliaires en wolof Cependant dun point de vue typologique cette analyse

    est discutable Comme nous lavons vu en (sect 244) les relativiseurs sont des joncteurs ce qui

    signifie quils ont pour fonction de repreacutesenter le nom de domaine dans la subordonneacutee De plus ils

    portent une marque de classe nominale Ainsi ces deux caracteacuteristiques tendent plutocirct agrave les

    rapprocher des pronoms

    Tableau 83 - Typologie des eacuteleacutements preacutedicatifs en wolof selon le critegravere [plusmn auxiliaire]

    Verbeplein

    Verbecateacutenatif

    Verbesemi-

    auxiliaire

    Verbeauxiliaire

    Marqueurpreacutedicatif

    Relativiseur

    Deacutefectif ndash ndash plusmn + + + ()

    Inteacutegration agrave la conjugaison ndash ndash plusmn + + plusmn ()

    Sens lexical + + + ndash ndash ndash

    Cateacutegorie grammaticale ndash ndash plusmn + + plusmn ()

    Statut ndash Auxiliaire + Auxiliaire

    Enfin les quatre types de verbes se distinguent essentiellement selon le type de compleacutement

    quils peuvent prendre Ainsi les verbes pleins prennent un compleacutement nominal (sauf les verbes

    intransitifs) Les verbes cateacutenatifs prennent soit un compleacutement nominal soit un compleacutement

    phrastique agrave linfinitif preacuteceacutedeacute de la marque de deacutependance verbale Les verbes semi-auxiliaires

    prennent neacutecessairement un compleacutement phrastique agrave linfinitif preacuteceacutedeacute de la marque de deacutependance

    verbale Les verbes auxiliaires prennent neacutecessairement un compleacutement phrastique agrave linfinitif mais

    pas la marque de deacutependance verbale

    - 314 -

    Tableau 84 - Typologie des verbes en wolof

    Verbeplein

    Verbecateacutenatif

    Verbesemi-auxiliaire

    Verbeauxiliaire

    Compleacutement nominal plusmn + ndash ndash

    Compleacutement phrastique agrave linfinitif ndash + + +

    Marque de deacutependance verbale (ndash) + + ndash

    - 315 -

    - 316 -

    CCHAPITREHAPITRE 9 - 9 - TTYPOLOGIEYPOLOGIE DESDES

    MARQUEURSMARQUEURS PREacuteDICATIFSPREacuteDICATIFS

    Nous avons preacutesenteacute les marqueurs preacutedicatifs (MP) comme des eacuteleacutements non verbaux qui ont

    une fonction dauxiliaire Ainsi un MP est un eacuteleacutement preacutedicatif autonome qui se combine avec un

    lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe (temps aspect mode

    polariteacute etc) Il ne preacutesente aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes il peut preacutesenter des

    idiosyncrasies morphophonologiques ou combinatoires le verbe avec lequel il se combine est fini

    il a une fonction exclusivement grammaticale et il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison Selon

    Creissels (2006a 168) un MP est laquo un eacuteleacutement grammatical neacutecessaire agrave la preacutedication verbale

    [qui] bien que non attacheacute au verbe nest pas reconnaissable de maniegravere aussi eacutevidente comme verbe

    auxiliaire et les donneacutees comparatives confirment quil nest pas neacutecessairement dorigine verbale raquo

    Les MP sont donc des mots grammaticaux exprimant des distinctions seacutemantiques que la plupart

    des langues encodent agrave travers la morphologie verbale Selon Creissels et al (2008 103) les MP

    sont attesteacutes dans deux laquo groupes raquo de langues africaines en Afrique de lOuest ils sont freacutequents

    dans les langues preacutesentant un ordre SOVX (ce qui inclut des langues kru kwa gur mandeacute et

    songhay) en Afrique de lEst ils sont freacutequents dans plusieurs branches de la famille couchitique

    Ce type de marqueurs est eacutegalement attesteacute hors du continent africain On en trouve entre autres

    dans des langues austroasiatiques comme le vietnamien (Brunelle 2015 944-945) des langues

    malayo-polyneacutesiennes comme le tahitien (Lazard amp Peltzer 2000 205) des langues maya comme

    le yukatek (Tozzer 1977 43-48) des creacuteoles agrave base portugaise comme le casamanccedilais (Biagui

    2012 158-164) et le capverdien (Quint 2000a 235-266) des creacuteoles agrave base franccedilaise comme le

    creacuteole haiumltien (Spears 1990) ou des creacuteoles agrave base anglaise comme le aku (Abourizk 1986)

    Les MP sont donc attesteacutes dans un assez grand nombre de langues notamment africaines Malgreacute

    cet eacutetat de fait il nexiste pas agrave notre connaissance de typologie geacuteneacuterale pour ce type de

    marqueurs Selon nous deux raisons peuvent expliquer cette absence la diversiteacute des MP et le

    poids des diffeacuterentes traditions descriptives En effet dune langue agrave lautre ces marqueurs ont des

    formes fonctions et origines assez variables ce qui peut constituer un frein pour la comparaison

    typologique (sect 93) Par ailleurs les choix notamment terminologiques faits par les diverses

    - 317 -

    traditions descriptives peuvent parfois masquer des similitudes typologiques entre diffeacuterentes

    langues (sect 91)

    91 Problegravemes terminologiques

    Il nexiste pas deacutetiquette communeacutement accepteacutee par la typologie linguistique ou la linguistique

    geacuteneacuterale pour deacutesigner ce que nous appelons laquo marqueur preacutedicatif raquo Il ne sagit pas uniquement

    dun problegraveme terminologique Comme le note Creissels (1991 301) ces marqueurs laquo ne

    correspondent (hellip) agrave aucune notion de la nomenclature grammaticale traditionnelle raquo Ainsi cette

    absence deacutetiquette nest que la conseacutequence de labsence de reconnaissance (ou didentification)

    dune cateacutegorie translinguistique

    Dune langue agrave lautre ou parfois pour la mecircme langue dune description agrave lautre ces marqueurs

    vont recevoir des eacutetiquettes assez diverses On peut identifier deux choix terminologiques Soit

    lauteur opte pour une eacutetiquette assez geacuteneacuterale utilisant des termes de la nomenclature grammaticale

    traditionnelle soit il propose une eacutetiquette idiosyncrasique plus ou moins transparente De fait quel

    que soit le choix retenu aucune des eacutetiquettes attesteacutees dans la litteacuterature ne nous semble vraiment

    convenir pour deacutesigner cette partie du discours Toutes sont susceptibles de geacuteneacuterer des

    malentendus en raison notamment des diffeacuterences terminologiques entre les diverses traditions

    descriptives etou eacutecoles theacuteoriques

    Plusieurs auteurs ayant opteacute pour une eacutetiquette plutocirct transparente utilisent le terme laquo particule raquo

    Par exemple Faye amp Mous (2006) utilise leacutetiquette laquo particule raquo pour le sereer Quint (2000a 235)

    et Biagui (2012 158) utilisent leacutetiquette laquo particule verbale raquo pour le capverdien et le casamanccedilais

    et Tozzer (1977 43-48) utilise leacutetiquette laquo particule temporelle raquo (time particle) pour le maya

    yukatek Cependant ces choix ne fournissent aucune indication sur la cateacutegorie lexicale de ces

    mots En effet le terme laquo particule raquo est geacuteneacuteralement utiliseacute pour deacutesigner diffeacuterentes classes de

    mots invariables geacuteneacuteralement courts ayant parfois le statut de clitique158 et nappartenant agrave aucune

    des parties du discours traditionnelles (Matthews 2007 289) Cette deacutefinition est relativement

    proche de celle proposeacutee par Jespersen (1924 87-90) Pour cet auteur la classe des particules

    regroupe tous les mots invariables de la langue cest-agrave-dire les adverbes les preacutepositions les

    conjonctions et les interjections Cette classe peut donc ecirctre deacutefinie neacutegativement comme celle qui

    rassemble les mots neacutetant ni des substantifs ni des adjectifs ni des pronoms ni des verbes

    158 Pour la question du lien entre clitiques et particules voir notamment Zwicky (1985b)

    - 318 -

    (Jespersen 1924 91) Par ailleurs leacutetiquette laquo particule verbale raquo est une source potentielle de

    malentendus En effet dans la tradition descriptive de langlais elle deacutesigne le second eacuteleacutement des

    phrasal verbs (Matthews 2007 289 Schachter amp Shopen 2007 44-45) dont la fonction est

    radicalement diffeacuterente des laquo particules verbales raquo des creacuteoles afroportugais du Cap-Vert et de

    Casamance

    Le terme le plus freacutequemment utiliseacute dans la litteacuterature est laquo marqueur raquo Ainsi les speacutecialistes

    des langues mandeacute parlent de laquo marqueur preacutedicatif raquo (Vydrine 1999 88-89 Creissels amp Sambou

    2013 66-70 Khachaturyan 2011) les speacutecialistes du songhay de laquo marqueur mode-aspect-

    neacutegation raquo159 (Heath 1999 154 Christiansen-Bolli 2010 74) et Mohamadou (2012 42) de

    laquo marqueur modal raquo pour le pulaar Leacutetiquette laquo marqueur TAM raquo est utiliseacutee par Bassegravene (2006

    116) pour le joola banjal Lefebvre amp Brousseau (2002 89-102) pour le fongbe ou encore Brunelle

    (2015 944-945) pour le vietnamien Cependant le terme laquo marqueur raquo preacutesente un inconveacutenient

    majeur il ne donne aucune information sur le statut morphosyntaxique de leacuteleacutement en question Il

    sagit dun terme ayant un sens tregraves large deacutesignant tout eacuteleacutement qui reacutealise une cateacutegorie Il peut

    donc aussi bien renvoyer agrave un mot un clitique un affixe ou mecircme une uniteacute suprasegmentale

    Enfin certains auteurs ont opteacute pour un terme idiosyncrasique cest-agrave-dire non issu de la

    nomenclature grammaticale traditionnelle Par exemple les speacutecialistes des langues couchitiques

    comme Mous (2005) utilisent le terme laquo seacutelecteur raquo Diouf (2009 147-151) propose le terme

    laquo modalisateur raquo pour le wolof et Lazard amp Peltzer (2000 205) utilisent le terme laquo preacutedicateur raquo

    pour le tahitien Ce type de choix preacutesente lavantage de montrer que ces eacuteleacutements appartiennent

    tous agrave une seule et mecircme cateacutegorie lexicale speacutecifique Cependant les eacutetiquettes retenues sont

    relativement peu transparentes mais surtout elles varient dune langue (ou dun auteur) agrave lautre Par

    conseacutequent on pourrait croire que chacune de ces eacutetiquettes idiosyncrasiques renvoie agrave une

    cateacutegorie idiosyncrasique cest-agrave-dire agrave une cateacutegorie propre agrave une seule langue ou famille de

    langues Or selon nous il sagit de la mecircme laquo partie du discours raquo dans toutes ces langues quelque

    soit leacutetiquette retenue

    Nous consideacuterons que les marqueurs preacutedicatifs forment ce que Croft (2000 95) appelle une

    laquo partie du discours universelle raquo Croft (2000 65) rejette le point de vue couramment admis en

    typologie linguistique selon lequel laquo nom raquo laquo verbe raquo etc sont des cateacutegories propres agrave certaines

    langues mais ne sont pas des universaux du langage puisquils ne sont pas attesteacutes dans toutes les

    langues Il deacutefend une position radicalement opposeacutee laquo nom raquo laquo verbe raquo etc ne sont pas des

    cateacutegories propres agrave certaines langues mais sont des universaux du langage Selon Croft (2000

    159 mood-aspect-negation marker ou MAN marker

    - 319 -

    85) les cateacutegories dune langue sont deacuteduites de ses constructions ces derniegraveres eacutetant propres agrave

    chaque langue les cateacutegories le sont eacutegalement Neacuteanmoins si les constructions sont propres agrave

    chaque langue elles preacutesentent des proprieacuteteacutes formelles comparables agrave celles dautres langues (Croft

    2000 95) Ces comparaisons permettent de mettre en lumiegravere des universaux du langage qui ne

    doivent pas ecirctre vus comme des cateacutegories absolues mais plutocirct comme des laquo modegraveles de variation

    translinguistiques raquo (cross-linguistic patterns of variation) ou plus preacuteciseacutement des prototypes

    (Croft 2000 90)

    Pour conclure aucune des eacutetiquettes proposeacutees ne nous semble convenir pour deacutesigner cette

    partie du discours Neacuteanmoins proposer une eacuteniegraveme eacutetiquette ne ferait quaccroicirctre le problegraveme

    terminologique Aussi nous preacutefeacuterons utiliser le terme laquo marqueur preacutedicatif raquo pour deux raisons

    Premiegraverement il sagit du terme traditionnellement employeacute dans la linguistique des langues mandeacute

    Ce terme est donc connu des africanistes et des typologues travaillant sur les langues dAfrique de

    lOuest Deuxiegravemement il sagit du terme retenu par Creissels (2006a 168) dans un ouvrage qui

    constitue la principale reacutefeacuterence en langue franccedilaise pour la typologie syntaxique Il nous semble

    donc opportun de favoriser la peacuterennisation de ce terme en typologie linguistique

    92 La typologie des seacutelecteurs de Mous (2005)

    Comme nous lavons vu les MP sont attesteacutes dans de nombreuses langues Cependant agrave notre

    connaissance aucun auteur na proposeacute de typologie pour ce type de marqueurs agrave lexception de

    Mous (2005) Dans cet article lauteur propose une typologie deacutetailleacutee des marqueurs preacutedicatifs

    (quil nomme seacutelecteurs) des langues couchitiques Lobjectif de Mous (2005) nest pas de proposer

    une typologie geacuteneacuterale directement utilisable pour toutes les langues mais plutocirct de rendre compte

    des proprieacuteteacutes et de la diversiteacute des MP des langues couchitiques Neacuteanmoins sa deacutemarche est

    explicitement typologique et na pas pour but de fournir des hypothegraveses de reconstruction (Mous

    2005 303) De plus la plupart des critegraveres proposeacutes sont de fait applicables agrave des langues

    nappartenant pas agrave la famille couchitique Ainsi si la typologie de Mous (2005) ne constitue pas

    une typologie geacuteneacuterale des MP elle constitue neacuteanmoins le point de deacutepart incontournable pour

    leacutelaboration dune telle typologie

    La typologie proposeacutee par Mous (2005) repose essentiellement sur lidentification des cateacutegories

    grammaticales exprimeacutees par ou sur le marqueur preacutedicatif

    - 320 -

    Tableau 91 - Cateacutegories pouvant ecirctre exprimeacutees par des MP dans la typologie de Mous (2005)

    Cateacutegorie Rocircle du MP Distinctions

    Type de phrase Deacutetermine le type de propositionPrincipale SubordonneacuteeIndeacutependante Deacutependante

    Mode Porte des distinctions modales Neacutegation Prohibitif Interrogatif

    Focus Marque le focusFocus NeutreFOCV FOCA

    Sujet Porte lindice sujet1-2-3 SG PLMasculin Feacuteminin

    Sujetimpersonnel

    Porte le sujet impersonnel -

    Objet Porte lindice objet1-2-3 SG PLMasculin FeacutemininDirect Indirect

    CasPorte une marque indiquant le cas dun eacuteleacutement de la phrase

    Datif Ablatif Instrumentalhellip

    Deixis Porte des marques de direction Hors vers le centre deacuteictique

    TempsAspect Porte des marques de tempsaspect 160

    En plus de ces critegraveres cateacutegoriels Mous (2005) utilise eacutegalement plusieurs critegraveres relatifs agrave la

    position des diffeacuterents eacuteleacutements dans la phrase Ainsi il note que dans certaines langues la position

    du MP exprimant le focus nest pas fixe dans ces langues la position du marqueur indique la

    porteacutee du focus (Mous 2005 307) Par ailleurs la position des marques personnelles est aussi un

    critegravere pertinent En fonction des langues lindice sujet peut soit ecirctre suffixeacute (ou postposeacute) au MP

    soit se confondre avec le MP (Mous 2005 313-314) Enfin le fait que le MP et le verbe puisse ou

    non ecirctre seacutepareacutes par un objet est eacutegalement un critegravere pertinent (Mous 2005 316) En revanche la

    position du sujet lexical nest pas pertinente En effet agrave de tregraves rares exceptions pregraves le sujet lexical

    preacutecegravede toujours le MP

    En appliquant ces diffeacuterents critegraveres aux langues couchitiques Mous (2005 321-322) relegraveve

    plusieurs tendances typologiques dont deux sont particuliegraverement nettes En premier lieu il

    apparaicirct que la principale fonction des MP est dexprimer des informations relatives agrave la structure

    informationnelle En effet dans presque toutes les langues de la famille le MP exprime la

    focalisation etou sert agrave deacuteterminer le type de proposition (certains types eacutetant en partie relieacutes avec

    la structure informationnelle) Deuxiegravemement le sujet est presque toujours exprimeacute sur le MP

    160 Mous (2005) ne deacutetaille pas les distinctions de temps et daspect exprimeacutees par ou sur les MP

    - 321 -

    93 Eacutebauche dune typologie des marqueurs preacutedicatifs

    Afin deacutetablir une typologie geacuteneacuterale des MP rigoureuse il serait neacutecessaire de proceacuteder agrave une

    comparaison systeacutematique de ce type de marqueurs dans un eacutechantillon de langues repreacutesentatif

    cest-agrave-dire dans un grand nombre de langues issues du plus grand nombre de familles possible

    Leacutelaboration dune telle typologie deacutepasse largement le cadre de ce travail Aussi nous preacutesentons

    uniquement une eacutebauche de typologie baseacutee sur un nombre restreint de langues wolof (atlantique-

    nord) joola banjal (atlantique-centre) mandinka (mandingue mandeacute-ouest161) mano (mandeacute-

    sud175) yorugravebaacute (deacutefoiumlde) koyra chiini (songhay nilo-saharien) somali (couchitique) tahitien

    (malayo-polyneacutesien) cap-verdien et casamanccedilais (creacuteoles afroportugais) haiumltien (creacuteole franccedilais) et

    aku (creacuteole anglais)

    Les MP sont des eacuteleacutements non verbaux exprimant une cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe

    Neacuteanmoins dune langue agrave lautre les MP ont des formes fonctions et origines assez variables La

    comparaison des MP des langues eacutevoqueacutees plus haut nous permet de proposer une typologie

    permettant de rendre compte de cette diversiteacute Nous avons identifieacute sept critegraveres permettant de

    distinguer les MP organisation neacutecessiteacute cateacutegories exprimeacutees position forme statut

    morphosyntaxique et origine

    931 Organisation

    Par laquo organisation raquo nous faisons reacutefeacuterence agrave la distribution des MP ainsi que le rapport entre les

    diffeacuterents MP de la langue Nous pouvons distinguer deux types de configuration

    bull Systegraveme dopposition Les MP sorganisent dans un systegraveme dopposition paradigmatique

    cest-agrave-dire quune proposition ne peut contenir quun seul MP agrave la fois

    bull Systegraveme dadjonction Les MP sont indeacutependants les uns des autres une proposition peut

    contenir plusieurs MP simultaneacutement

    Le systegraveme dopposition est attesteacute dans plusieurs langues appartenant agrave diverses familles Cest

    notamment le cas des laquo marqueurs preacutedicatifs raquo du mandinka (Creissels amp Sambou 2013 66-70)

    des laquo marqueurs preacutedicatifs pronominaux raquo du mano (Khachaturyan 2011) des laquo marqueurs TAM raquo

    du joola banjal (Bassegravene 2006 139-140) ou des laquo particules aspectuelles raquo du tahitien (Lazard amp

    Peltzer 2000 27-32)

    161 Selon la classification de Vydrine (2009)

    - 322 -

    En revanche aucune langue ne preacutesente un systegraveme dadjonction stricto sensu En effet les MP

    ne sont jamais tous indeacutependants les uns des autres Il existe toujours des incompatibiliteacutes entre

    certains MP Cependant dans la plupart des cas il semble plutocirct sagir dincompatibiliteacutes

    seacutemantiques et non dune opposition paradigmatique Par exemple en aku plusieurs MP peuvent

    apparaicirctre simultaneacutement dans la mecircme proposition (284a) (Abourizk 1986 25-47) Les quelques

    cas dincompatibiliteacutes semblent clairement relever de la seacutemantique ainsi bin (PAS) ne peut pas se

    combiner avec go (FUT) On retrouve une configuration assez similaire en haiumltien (Spears 1990

    124) en capverdien (Quint 2003 245) ou en yorugravebaacute (284b) (Sachnine 2014 146)

    284) a Aku

    I bin fo de r nɔ evri dej (Abourizk 1986 41)

    3SG PAS OBLIG IPF courir tous jours

    lsquoIl aurait ducirc courir tous les joursrsquo

    b Yorugravebaacute

    Yoacuteograve ti maacutea sugraven (Sachnine 2014 157)

    3SGFUT PRF INGR dormir

    lsquoIl aura commenceacute agrave dormirrsquo

    Lorsque lon cherche agrave deacuteterminer le type dorganisation des MP le cas des marqueurs de

    neacutegation est relativement probleacutematique Dans certaines langues les marqueurs de neacutegation

    appartiennent clairement au mecircme paradigme que les MP Cest notamment le cas en mandinka ougrave

    laquo les marqueurs preacutedicatifs vont par couples selon une opposition positif vs neacutegatif mais il nest

    pas possible disoler dans leur forme un eacuteleacutement qui veacutehiculerait la valeur aspecto-modale et un

    autre qui exprimerait speacutecifiquement la distinction positif vs neacutegatif raquo (Creissels amp Sambou 2013

    66) Les marqueurs de neacutegation sont donc pleinement inteacutegreacutes au systegraveme dopposition

    Tableau 92 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en mandinka

    Positif Neacutegatif

    Accompli-statif162 yeacute ~ ŋaacute maacuteŋ

    Inaccompli kaacute ~ kariacute ~ kaliacute buacuteka ~ muacuteka

    Potentiel siacute ~ seacute na

    Subjonctif yeacute ~ ŋaacute kaacutena

    162 En mandinka la transitiviteacute a un impact sur la forme du marqueur de laccompli-statif Pour des raisons de lisibiliteacutenous avons uniquement indiqueacute la forme apparaissant dans les constructions transitives

    - 323 -

    Dans dautres langues preacutesentant un systegraveme dopposition les marqueurs de neacutegation ne sont que

    partiellement inteacutegreacutes agrave ce systegraveme Cest notamment le cas du koyra chiini ougrave agrave chaque MP positif

    correspond un MP neacutegatif sauf au subjonctif Pour ce tiroir verbal la marque de neacutegation

    (identique agrave la marque dimperfectif neacutegatif) sajoute agrave la marque de subjonctif (Heath 1999 155)

    Cette langue preacutesente donc un systegraveme laquo mixte raquo adjonction pour le subjonctif opposition pour le

    reste du systegraveme

    Tableau 93 - Expression de la polariteacute dans le paradigme des MP en koyra chiini

    Positif Neacutegatif

    Perfectif Oslash na

    Imperfectif o ~ go si

    Subjonctif ma ma si

    Dans plusieurs langues preacutesentant un systegraveme dadjonction le marqueur de neacutegation sajoute aux

    MP De plus il semble preacutesenter les mecircmes proprieacuteteacutes morphosyntaxiques que les MP Neacuteanmoins

    on constate quil occupe geacuteneacuteralement une position particuliegravere Par exemple en aku le marqueur de

    neacutegation no apparaicirct avant tous les MP (284a-b) (Abourizk 1986 47) On retrouve une

    configuration similaire en capverdien (Quint 2003 249) ou en yorugravebaacute (Sachnine 2014 147)

    285) Aku

    a A no bin de ple (Abourizk 1986 31)

    1SG NEG PAS IPF jouer

    lsquoJe neacutetais pas en train de jouerrsquo

    b A no go d nɔ ple (Abourizk 1986 31)

    1SG NEG FUT PRF jouer

    lsquoJe naurai pas fini de jouerrsquo

    932 Neacutecessiteacute

    Par laquo neacutecessiteacute raquo nous faisons reacutefeacuterence agrave la preacutesence dun MP dans les propositions verbales

    Nous pouvons distinguer deux types de configuration

    bull Obligatoire Toutes les propositions verbales doivent contenir un MP sauf cas restreints

    - 324 -

    marqueacutes

    bull Possible Certaines propositions verbales ne contiennent pas de MP il sagit geacuteneacuteralement

    des propositions les moins marqueacutees

    Le caractegravere obligatoire des MP est attesteacute dans plusieurs langues appartenant agrave diverses

    familles Cest notamment ce quon observe en mandinka (et en mandingue en geacuteneacuteral) laquo dans les

    phrases indeacutependantes assertives ou interrogatives le verbe est obligatoirement accompagneacute dun

    marqueur preacutedicatif raquo (Creissels amp Sambou 2013 66) Les seuls cas dabsence de MP concernent

    des types de propositions marqueacutees (non assertif etou deacutependant) comme par exemple les

    propositions agrave limpeacuteratif (Creissels amp Sambou 2013 75-76) On observe une situation similaire en

    mano (Khachaturyan 2011 19) en somali (Saeed 1999 183-208) en haoussa (Caron 1991 144)

    ou en tahitien (Lazard amp Peltzer 2000 31-32)

    Dans dautres langues le MP nest pas un eacuteleacutement obligatoire des propositions verbales Par

    exemple en koyra chiini les propositions agrave lindicatif perfectif positive ne contiennent aucun MP

    (Heath 1999 155) On observe une situation similaire en aku (Abourizk 1986 14-15) en haiumltien

    (Spears 1990 124) en casamanccedilais (Biagui 2012 158-159) en capverdien (Quint 2000a 238) ou

    en yorugravebaacute (Sachnine 2014 147) Ainsi dans ces langues les propositions sans MP constituent les

    propositions les moins marqueacutees Cette caracteacuteristique les distingue nettement des langues deacutecrites

    plus haut ougrave les propositions sans MP constituent les propositions les plus marqueacutees

    Enfin dans dautres langues le MP nest pas un eacuteleacutement obligatoire des propositions verbales

    mais les propositions sans MP ne constituent pas les propositions les moins marqueacutees Dans ces

    langues les MP sont en distribution compleacutementaire avec des marqueurs TAM morphologiquement

    lieacutes au verbe Cest notamment le cas du joola banjal Dans cette langue certaines cateacutegories

    verbales sont exprimeacutees par des MP alors que dautres sont exprimeacutees par des processus

    morphologiques (affixes ou reacuteduplication) (Bassegravene 2006 116-136) La construction ne preacutesentant

    aucun marqueur est le narratif attesteacutee uniquement dans des propositions deacutependantes (Bassegravene

    2006 119-120)

    933 Cateacutegories exprimeacutees

    Selon la langue consideacutereacutee les MP expriment diffeacuterents types de cateacutegories Il peut sagir de

    cateacutegories relevant du temps de laspect du mode de la structure informationnelle ou de la

    modaliteacute eacutenonciative

    - 325 -

    Plusieurs langues expriment des distinctions temporelles via les marqueurs preacutedicatifs En aku le

    MP bin exprime le passeacute et go exprime le futur (Abourizk 1986 19-21) En haiumltien le MP te

    exprime le passeacute et ap et va peuvent ecirctre analyseacutes comme des marqueurs de futur (Spears 1990

    120-125) En haoussa le MP zacirca exprime le futur (Caron 1991 147) En yorugravebaacute le MP yoacuteograve

    exprime le futur (Sachnine 2014 151-154) En revanche dans dautres langues le marqueur de

    passeacute nappartient clairement pas au paradigme des MP Cest notamment le cas du suffixe de passeacute

    -ba en capverdien (Quint 2000a 229) ou du marqueur de passeacute nǔŋ en mandinka (Creissels amp

    Sambou 2013 82-83)

    Lexpression de distinctions aspectuelles via les marqueurs preacutedicatifs est attesteacutee dans un grand

    nombre de langues En haoussa (Caron 1991 147) en koyra chiini (Heath 1999 155) en

    mandinka (Creissels amp Sambou 2013 67) et en yorugravebaacute (Sachnine 2014 147) lopposition

    perfectifimperfectif est exprimeacutee via les MP En capverdien le MP ta exprime lhabituel et sata

    exprime le progressif (Quint 2000a 235-240) On trouve des MP de valeur similaire en

    casamanccedilais (Biagui 2012 163) Tous les MP du tahitien expriment des valeurs aspectuelles

    (Lazard amp Peltzer 2000 27-31)

    Quelques langues expriment des cateacutegories relevant du mode notamment deacuteontique par des

    marqueurs preacutedicatifs En aku lobligation et la possibiliteacute sont exprimeacutees par des MP (Abourizk

    1986 32-35) Cest eacutegalement le cas du potentiel en capverdien (Quint 2000a 240) et de loptatif

    et du potentiel en somali (Saeed 1999 119)

    Lexpression de distinctions relevant de la structure informationnelle via les marqueurs

    preacutedicatifs est attesteacutee dans plusieurs langues couchitiques (Mous 2005 309-313) Par exemple en

    somali les MP bagravea et ayagravea marquent la focalisation dun argument et waa est traditionnellement

    analyseacute comme un marqueur de focalisation du verbe (Saeed 1999 230) En revanche dans

    dautres langues les marqueurs de focalisation nappartiennent clairement pas au paradigme des MP

    Cest notamment le cas du marqueur le en mandinka (Creissels amp Sambou 2013 419) du marqueur

    na en koyra chiini (Heath 1999 166-174) ou du marqueur ki~ku en casamanccedilais (Biagui 2012

    295-301)

    Lexpression via les marqueurs preacutedicatifs de distinctions relevant de la modaliteacute eacutenonciative

    est eacutegalement attesteacutee dans plusieurs langues couchitiques (Mous 2005 308-309) Par exemple le

    somali dispose dun MP ma utiliseacute pour marquer les propositions interrogatives opposeacute au MP waa

    qui peut ecirctre analyseacute comme le marqueur des propositions deacuteclaratives (Saeed 1999 119) En

    revanche dans la plupart des autres langues que nous avons eacutetudieacutees la modaliteacute eacutenonciative nest

    - 326 -

    pas exprimeacutee par les MP

    Enfin comme nous lavons vu en (sect 931) le cas de la polariteacute est plus probleacutematique La

    neacutegation semble ecirctre une cateacutegorie pouvant ecirctre exprimeacutee par un MP mais pas de la mecircme faccedilon

    que les cateacutegories relevant du temps de laspect du mode de la structure informationnelle ou de la

    modaliteacute eacutenonciative En effet dans aucune des langues que nous avons eacutetudieacutees il nexiste de MP

    exprimant exclusivement la neacutegation Dans les langues preacutesentant un strict systegraveme dopposition

    comme le mandinka les MP neacutegatifs portent eacutegalement des valeurs TAM Dans les langues

    preacutesentant un systegraveme laquo mixte raquo comme le koyra chiini soit les MP neacutegatifs portent eacutegalement des

    valeurs TAM soit le marqueur de neacutegation vient sajouter agrave un MP et ne semble donc pas appartenir

    au mecircme paradigme Dans les langues preacutesentant un systegraveme dadjonction comme le aku le

    marqueur de neacutegation occupe geacuteneacuteralement une position particuliegravere et ne semble donc pas non plus

    appartenir au mecircme paradigme

    934 Position

    Par laquo position raquo nous faisons reacutefeacuterence agrave la place occupeacutee par le MP au sein de la proposition

    Dans un premier temps nous pouvons distinguer deux types de configuration

    bull Fixe Tous les MP occupent toujours la mecircme position dans la proposition

    bull Variable La position du MP varie soit en fonction du MP consideacutereacute soit en fonction du

    type de proposition

    Ensuite nous pouvons identifier la position absolue (initiale finale seconde) ou relative

    (preacuteverbale postverbale etc) des MP

    Dans un grand nombre de langues les MP ont une position fixe preacuteverbale geacuteneacuteralement entre

    le sujet et le verbe Cest notamment ce quon observe en koyra chiini (Heath 1999 155) en yorugravebaacute

    (Sachnine 2014 146) en aku (Abourizk 1986) ou en haiumltien (Spears 1990) Cest eacutegalement ce

    quon observe en mandinka ougrave le MP occupe toujours la mecircme place dans le schegraveme de preacutedication

    verbale S p (O) V (X) (286a) Neacuteanmoins dans cette langue une des cellules du paradigme de

    conjugaison preacutesente un schegraveme diffeacuterent Agrave laccompli-statif positif intransitif le marqueur TAM

    nest pas un MP mais un suffixe verbal (286b)

    - 327 -

    286) Mandinka

    a Diacutendiacuteŋ-o-lu ka kiacutebiacuteri (Creissels amp Sambou 2013 60)

    enfant-DET-PL IPF faire_du_tapage

    lsquoLes enfants font du tapagersquo

    b Diacutendiacuteŋ-o-lu kiacutebiacuteri-ta (Creissels amp Sambou 2013 60)

    enfant-DET-PL faire_du_tapage-PF

    lsquoLes enfants ont fait du tapagersquo

    Dans dautres langues ougrave les MP ont une position fixe ces derniers se situent en position initiale

    preacuteceacutedant le verbe et le sujet Cest notamment ce quon observe en tahitien (Lazard amp Peltzer

    2000 27-31) ou en joola banjal (Bassegravene 2006 117)

    Dans certaines langues on observe des variations dans la place du MP selon la construction Par

    exemple en haoussa le marqueur de limperfectif nagravea se place immeacutediatement apregraves le pronom

    sujet alors que le marqueur du futur zacirca se place avant le pronom sujet (Caron 1991 146-147) De

    mecircme en capverdien les MP se placent entre le sujet et le verbe agrave lexception de dja qui se place

    avant le pronom sujet (Quint 2000a 235-240) Dans les langues ougrave les MP expriment des valeurs

    lieacutees agrave la structure informationnelle la position du MP varie en fonction de leacuteleacutement focaliseacute (Mous

    2005 310-313)

    935 Forme

    Par laquo forme raquo nous faisons reacutefeacuterence agrave la structure morphologique des MP Nous pouvons

    distinguer trois types de forme

    bull Invariable La forme du MP est toujours la mecircme

    bull Contextuelle La forme du MP varie en fonction du contexte morphophonologique

    bull Complexe Le MP forme un amalgame avec un autre eacuteleacutement

    Les MP invariables sont attesteacutes dans plusieurs langues appartenant agrave diverses familles Cest

    notamment le cas en aku (Abourizk 1986) en tahitien (Lazard amp Peltzer 2000 124-142) en

    casamanccedilais (Biagui 2012 158-163) ou en yorugravebaacute (Sachnine 2014 146-161)

    Dans certaines langues le MP subit des modifications morphophonologiques en fonction du

    - 328 -

    contexte En haiumltien le choix de lallomorphe du MP deacutepend du verbe quil preacutecegravede (Spears 1990

    120-121) En mandinka on observe des variations dans le ton des MP en fonction du contexte

    (Creissels amp Sambou 2013 53-54) De plus le MP de laccompli-statif yeacute a une variante ŋaacute

    lorsquil est preacuteceacutedeacute par une nasale (Creissels amp Sambou 2013 70)

    Enfin dans plusieurs langues le MP forme un amalgame avec un autre eacuteleacutement geacuteneacuteralement un

    pronom sujet Cest notamment le cas en mano (Khachaturyan 2011) en somali (Saeed 1999 35-

    37) en haoussa (Caron 1991 144) ou du marqueur dja en capverdien (Quint 2000a 165)

    936 Statut morphosyntaxique

    A priori nous pouvons distinguer deux types de statut morphosyntaxique pour le MP clitique

    ou mot plein Dans les langues que nous avons eacutetudieacutees aucun MP ne semble pouvoir ecirctre analyseacute

    comme un mot plein En effet soit lauteur preacutesente explicitement les MP comme des clitiques

    (Creissels amp Sambou 2013 53 Khachaturyan 2011 19) soit il naborde pas la question du statut

    morphosyntaxique de ces eacuteleacutements

    Dun point de vue typologique le fait que les MP soient plutocirct des clitiques nest pas surprenant

    En effet les MP sont des mots grammaticaux exprimant des distinctions seacutemantiques que la plupart

    des langues encodent agrave travers la morphologie verbale On peut donc supposer que ces eacuteleacutements

    tendent agrave se grammaticaliser en affixes de flexion verbale Ils perdent progressivement leur

    autonomie phonologique (devenant ainsi des clitiques) avant de perdre leur autonomie

    morphosyntaxique (Hopper amp Traugott 2003 143)

    937 Origine

    Peu de descriptions fournissent des informations concernant lorigine des MP En consultant les

    quelques reacutefeacuterences qui abordent cette question on constate que selon la langue consideacutereacutee les MP

    ont des origines diverses Un MP peut ecirctre issu de la grammaticalisation dun verbe dun adverbe

    ou encore dune adposition

    En capverdien certains MP ont une origine verbale En effet le marqueur de lhabituel ta est issu

    du verbe portugais estar (ecirctre) et le marqueur du potentiel al est issu du verbe haver (avoir) (Quint

    2000a 257-258) Dautres ont une origine adverbiale comme le marqueur dja issu de ladverbe

    portugais jaacute (deacutejagrave) (Quint 2000a 261) En casamanccedilais le marqueur ta a vraisemblablement la

    - 329 -

    mecircme origine verbale quen capverdien alors que le marqueur dimperfectif na semble ecirctre issu du

    portugais na amalgame de la preacuteposition em et de larticle deacutefini feacuteminin a (Rougeacute 2004 212) En

    mandinka le marqueur de linaccompli kaacute est vraisemblablement issu de la grammaticalisation du

    verbe kariacute ~ kaliacute (faire quelque chose de faccedilon habituelle) (Creissels amp Sambou 2013 67) alors

    que le marqueur de laccompli-statif yeacute est issu de la postposition homonyme (Creissels 1997)

    94 Les marqueurs preacutedicatifs du wolof

    Selon notre typologie nous pouvons caracteacuteriser les MP du wolof de la maniegravere suivante

    Organisation En wolof les MP sorganisent dans un systegraveme dopposition paradigmatique une

    proposition ne peut contenir quun seul MP agrave la fois Les marqueurs de neacutegation ne sont que

    partiellement et tregraves marginalement inteacutegreacutes agrave ce systegraveme Seules deux constructions preacutedicatives

    (futur et optatif) disposent dun MP neacutegatif suppleacutetif (sect 312) Dans toutes les autres constructions

    lexpression de la neacutegation est hors du paradigme des MP Selon ce critegravere le wolof pourrait ecirctre

    rapprocheacute du koyra chiini ou dans une moindre mesure des langues mandeacute

    Neacutecessiteacute En wolof toutes les propositions verbales doivent contenir un MP Les seuls cas

    dabsence de MP concernent des types de propositions marqueacutees comme par exemple les

    propositions au Subjonctif-Conseacutecutif ou agrave lImpeacuteratif Selon ce critegravere le wolof pourrait ecirctre

    rapprocheacute des langues mandeacute du somali du haoussa ou du tahitien

    Cateacutegories exprimeacutees En wolof les MP expriment des cateacutegories relevant du temps (futur) de

    laspect (parfait) du mode (optatif) ou de la structure informationnelle (preacutesentatif focalisation du

    sujet du compleacutement du verbe) Lutilisation des MP dans lexpression de la focalisation tend agrave

    rapprocher le wolof des langues couchitiques

    Position En wolof la position MP nest pas fixe mais varie en fonction de la construction

    preacutedicative Neacuteanmoins on note que la plupart des MP occupe une position preacuteverbale soit entre le

    sujet et le verbe soit en tecircte de proposition (sect 44) Selon ce critegravere le wolof pourrait ecirctre rapprocheacute

    des langues couchitiques ou du haoussa

    Forme En wolof le MP forme un amalgame avec le pronom sujet Selon ce critegravere le wolof

    pourrait ecirctre rapprocheacute du mano du somali ou du haoussa

    Statut morphosyntaxique En wolof les MP sont des clitiques (sect 516)

    - 330 -

    Origine En wolof deux MP ont vraisemblablement une origine verbale (dina dafa) mais tous les

    autres ont une origine indeacutetermineacutee (sect 631)

    Pour conclure selon les critegraveres que nous avons retenus les MP du wolof sont typologiquement

    assez proches des MP des langues couchitiques En effet on constate des similitudes concernant la

    neacutecessiteacute les cateacutegories exprimeacutees la position et la forme Malgreacute une proximiteacute geacuteographique le

    rapprochement avec les langues mandeacute est moins eacutevident On retrouve assez peu de similitudes si

    ce nest la neacutecessiteacute et dans une moindre mesure lorganisation et pour certaines langues mandeacute la

    forme

    - 331 -

    - 332 -

    CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE II II

    En wolof les constructions preacutedicatives agrave MP preacutesentent clairement des caracteacuteristiques de

    seacutequences syntaxiques (syntagmes) et ne peuvent donc pas ecirctre consideacutereacutees comme des uniteacutes

    relevant de la morphologie (mots) En effet les proprieacuteteacutes des MP permettent de les analyser

    comme des clitiques et non comme des affixes Ainsi on constate que la plupart des cellules du

    paradigme de conjugaison sont occupeacutees par une construction syntaxique constitueacutee dau moins

    deux mots

    Leacutetude du paradigme de conjugaison nous permet didentifier douze peacuteriphrases flexionnelles

    cest-agrave-dire douze constructions syntaxiques qui servent agrave lexpression de membres dune opposition

    paradigmatique dont un autre membre au moins est exprimeacute par un mot fleacutechi Focalisation du

    sujet Preacutesentatif Focalisation du compleacutement Focalisation du verbe Futur Futur neacutegatif Optatif

    Prohibitif Parfait Imperfectif Neacutegation agrave verbe auxiliaire Passeacute clitique

    Ces constructions ne constituent pas un ensemble homogegravene Nous avons eacutetabli une typologie de

    ces constructions en nous appuyant sur deux critegraveres le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique des

    membres de la construction et linteacutegration des constructions au paradigme flexionnel Selon ces

    critegraveres les constructions agrave MP peuvent clairement ecirctre analyseacutees comme des peacuteriphrases

    flexionnelles Parmi ces constructions le parfait constitue un cas limite puisquil est plutocirct

    syntheacutetique La neacutegation agrave verbe auxiliaire et le passeacute clitique peuvent eacutegalement ecirctre analyseacutes

    comme des peacuteriphrases Neacuteanmoins le degreacute de coheacutesion morphosyntaxique tend agrave montrer quelles

    sont respectivement quasi-analytique et quasi-syntheacutetique Enfin limperfectif est une construction

    quasi-analytique preacutesentant certaines caracteacuteristiques des peacuteriphrases flexionnelles De plus elle

    correspond agrave la deacutefinition typologique de la peacuteriphrase puisquil sagit dune construction

    syntaxique reacutealisant une proprieacuteteacute consideacutereacutee comme typiquement flexionnelle

    Les peacuteriphrases flexionnelles du wolof nous servent de base empirique pour proposer une

    nouvelle approche de la notion dauxiliaire Dans la litteacuterature trois types de deacutefinition ont eacuteteacute

    proposeacutes pour cette notion cateacutegorielle(s) fonctionnelle et panchronique Les donneacutees du wolof et

    dautres langues dAfrique (notamment mandeacute) nous permettent de mettre en eacutevidence les

    avantages ainsi que les limites de ces deacutefinitions Lanalyse critique ainsi que la confrontation aux

    donneacutees de ces deacutefinitions nous amegravenent agrave privileacutegier dans une perspective typologique une

    - 333 -

    approche laquo fonctionnelle raquo des auxiliaires eacuteleacutement preacutedicatif autonome inteacutegreacute au paradigme de

    conjugaison qui se combine avec un lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie grammaticale lieacutee

    au verbe Ainsi suivant cette deacutefinition les douze peacuteriphrases flexionnelles que nous avons

    identifieacutees en wolof peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des constructions agrave auxiliaire

    En nous basant sur Anderson (2006) nous proposons une typologie des patrons flexionnels du

    wolof La tecircte seacutemantique des constructions agrave auxiliaire du wolof est le verbe lexical La tecircte

    syntaxique est lauxiliaire sauf pour limperfectif et le passeacute clitique ougrave la tecircte syntaxique est plutocirct

    le verbe lexical La tecircte flexionnelle nest pas la mecircme dans toutes les constructions Ainsi dans les

    constructions focalisantes et au parfait certaines marques flexionnelles sont porteacutees par lauxiliaire

    alors que dautres sont porteacutees par le verbe lexical ces constructions preacutesentent donc un patron

    scindeacute Au passeacute clitique le verbe lexical porte toutes les marques flexionnelles cette construction

    preacutesente donc un patron agrave tecircte lexicale Dans toutes les autres constructions lauxiliaire porte toutes

    les marques flexionnelles ces constructions preacutesentent donc un patron agrave tecircte auxiliaire

    En nous appuyant sur notre deacutefinition fonctionnelle nous proposons une typologie des eacuteleacutements

    preacutedicatifs Verbe plein Verbe cateacutenatif Verbe semi-auxiliaire Verbe auxiliaire Marqueur

    preacutedicatif Notre typologie peut ecirctre rapprocheacutee de celle proposeacutee par Heine (1993) Cependant elle

    sen eacuteloigne sur ses principes La typologie de Heine correspond au deacutecoupage dune chaicircne de

    grammaticalisation alors que notre typologie ne tient pas compte de la diachronie mais repose sur

    des critegraveres morphosyntaxiques et seacutemantiques synchroniques En appliquant cette typologie on

    constate quen wolof tous les types deacuteleacutements preacutedicatifs sont attesteacutes Par ailleurs dans cette

    langue les relativiseurs constituent des cas limites En effet bien que neacutetant pas des eacuteleacutements

    preacutedicatifs au sens strict on constate quils partagent plusieurs caracteacuteristiques avec les MP

    Les MP cest-agrave-dire les auxiliaires non verbaux ne sont pas propres au wolof Ce type deacuteleacutements

    preacutedicatifs est attesteacute dans un assez grand nombre de langues notamment africaines Malgreacute cet eacutetat

    de fait il nexiste pas agrave notre connaissance de typologie des MP La seule exception notable est la

    typologie proposeacutee par Mous (2005) pour les MP des langues couchitiques Dune maniegravere geacuteneacuterale

    on ne dispose actuellement daucune eacutetude typologique dune certaine ampleur consacreacutee aux MP

    La diversiteacute des eacutetiquettes attesteacutees dans la litteacuterature pour deacutesigner les MP illustre cette quasi

    absence de consideacuteration typologique Il ne sagit pas uniquement dun problegraveme terminologique

    Comme le note Creissels (1991 301) ces marqueurs laquo ne correspondent (hellip) agrave aucune notion de la

    nomenclature grammaticale traditionnelle raquo Ainsi cette absence deacutetiquette nest que la

    conseacutequence de labsence de reconnaissance (ou didentification) dune cateacutegorie translinguistique

    - 334 -

    ou plutocirct de labsence de creacuteation dun concept comparatif approprieacute

    En nous appuyant sur la typologie de Mous (2005) et agrave partir de donneacutees issues dun nombre

    restreint de langues nous proposons une eacutebauche de typologie geacuteneacuterale des MP Nous avons

    identifieacute sept critegraveres distinctifs pertinents pour leacutelaboration dune typologie des MP organisation

    neacutecessiteacute cateacutegories exprimeacutees position forme statut morphosyntaxique et origine Cette premiegravere

    typologie nest quune eacutebauche Afin deacutetablir une typologie geacuteneacuterale des MP rigoureuse il sera

    neacutecessaire de proceacuteder agrave une comparaison systeacutematique de ce type de marqueurs dans un

    eacutechantillon de langues repreacutesentatif

    - 335 -

    - 336 -

    PARTIE IIIPARTIE III

    LORGANISATION DU SYSTEgraveMELORGANISATION DU SYSTEgraveME

    DE PREacuteDICATION VERBALEDE PREacuteDICATION VERBALE

    DU WOLOFDU WOLOF

    Lobjectif de cette partie est de proposer une analyse de lorganisation des constructions verbales

    du wolof Comme nous lavons vu dans la Partie I la conjugaison du wolof sarticule autour dun

    nombre limiteacute de constructions preacutedicatives Chacune de ces constructions correspond agrave un tiroir

    verbal Elles encodent diffeacuterents types de cateacutegories grammaticales (focalisation modaliteacute parfait

    futur) En plus de lexpression de ces distinctions les constructions preacutedicatives ont par deacutefaut une

    valeur de perfectif non-passeacute et non-neacutegatif Ainsi pour exprimer limperfectif le passeacute ou la

    neacutegation il est neacutecessaire dajouter un auxiliaire ou un affixe verbal agrave la construction preacutedicative

    En tenant compte de tous ces eacuteleacutements le paradigmes des verbes du wolof peut ecirctre repreacutesenteacute

    sous la forme dun tableau de conjugaison ougrave chaque ligne correspond agrave une construction

    preacutedicative (ou agrave un tiroir verbal) (sect 14) Cette analyse preacutesente lavantage de rendre compte de

    lopposition des constructions preacutedicatives et de prendre en compte toutes les possibiliteacutes offertes

    par la conjugaison de la langue Cependant elle tend eacutegalement agrave occulter certains eacuteleacutements

    factuels Elle ne permet pas de rendre compte des diffeacuterences dans lordre des eacuteleacutements selon la

    construction preacutedicative consideacutereacutee Elle ne permet pas non plus de rendre compte des proximiteacutes

    formelles de certaines constructions Enfin elle ne permet pas dexpliquer lopposition entre

    certaines constructions preacutedicatives alors quaucune contrainte seacutemantique ne semble sy opposer

    Nous consideacuterons que les constructions preacutedicatives ne peuvent pas ecirctre toutes placeacutees au mecircme

    niveau Certains regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et

    diffeacuterences entre constructions Les constructions preacutedicatives sorganisent au sein dun reacuteseau

    - 337 -

    hieacuterarchiseacute Par ailleurs certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du

    wolof peuvent sexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie Les caracteacuteristiques idiosyncrasiques en

    synchronie peuvent ecirctre analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant

    entraicircneacute une restructuration du reacuteseau

    Cette partie est organiseacutee comme suit Dans le Chapitre 10 nous preacutesentons lapproche

    constructionnelle de larchitecture des langues Lobjectif de ce chapitre est de preacutesenter les

    eacuteleacutements pertinents pour appreacutehender notre travail la faccedilon dont les constructions sorganisent les

    types de relation quelles entretiennent entre elles et linfluence de la diachronie sur lorganisation

    actuelle des constructions Les chapitres suivants preacutesentent lorganisation des constructions

    verbales du wolof Le Chapitre 11 traite des constructions agrave verbe auxiliaire Le Chapitre 12 traite

    des constructions agrave extraction (constructions focalisantes et Relatif) Dans le Chapitre 13 nous

    proposons une hypothegravese de polygrammaticalisation permettant de rendre compte des similitudes

    formelles du Parfait du Futur et de lOptatif Le Chapitre 14 traite des constructions neacutegatives Dans

    le Chapitre 15 nous nous appuyons sur la notion de laquo finitude raquo pour rendre compte des similitudes

    formelles et fonctionnelles du Subjonctif-Conseacutecutif et de lInfinitif Enfin nous concluons cette

    partie en preacutesentant le reacuteseau des constructions verbales du wolof163

    163 Dans cette partie les noms des constructions commencent par une majuscule les tiroirs verbaux et cateacutegoriescommencent par une minuscule

    - 338 -

    CCHAPITREHAPITRE 10 - 10 - AAPPROCHEPPROCHE CONSTRUCTIONNELLECONSTRUCTIONNELLE

    DEDE LLARCHITECTUREARCHITECTURE DESDES LANGUESLANGUES

    Les constructions dune langue ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes

    indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute dinformations (Goldberg 1995 5) Il

    convient donc de sinterroger sur la faccedilon dont les constructions sorganisent sur les relations

    quelles entretiennent entre elles ainsi que sur linfluence de la diachronie sur lorganisation actuelle

    des constructions

    101 Repreacutesentation des constructions

    Comme nous lavons signaleacute dans lintroduction (sect 0225) il nexiste pas de mode de

    repreacutesentation uniforme des constructions qui soit commun agrave toutes les grammaires de construction

    Dans ce travail nous nutilisons pas de formalisation similaire agrave celle utiliseacutee par lEacutecole de

    Berkeley Ce mode de repreacutesentation est difficilement utilisable lorsquon souhaite rendre compte

    des liens diachroniques entre les constructions Nous avons deacutecideacute de repreacutesenter les constructions

    sous la forme dune liste de traits caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit donc pas de formalisation

    mais plutocirct de repreacutesentation syntheacutetique Les scheacutemas que nous preacutesentons ont pour unique but de

    donner une vision globale et syntheacutetique des reacuteseaux de constructions

    102 Les principes cognitifs

    Larchitecture dune langue est baseacutee sur plusieurs principes cognitifs ou principes

    psychologiques pertinents (Goldberg 1995 67 Guignard 2012 52)

    Principe de motivation Si la forme dune construction C1 est lieacutee agrave celle dune construction C2

    alors ce lien est motiveacute proportionnellement au degreacute de correspondance de sens qui lie C1 et C2

    (Haiman 1985 71 Goldberg 1995 67 Guignard 2012 53-57)

    Corollaire Plus il y a de proprieacuteteacutes communes entre C1 et C2 plus la motivation de C2 est grande

    - 339 -

    (Lakoff 1987 464 Guignard 2012 56) Ce principe permet dexpliquer les relations dheacuteritage

    entre les constructions (sect 103)

    Principe de non synonymie Si la forme dune construction C1 diffegravere de celle dune construction

    C2 alors le sens de C1 doit eacutegalement diffeacuterer de celui de C2 (Haiman 1985 19 Goldberg 1995

    67 Guignard 2012 57-59) Ce principe correspond agrave lhypothegravese geacuteneacuteralement admise selon

    laquelle la synonymie absolue nexiste pas et donc que toute synonymie est neacutecessairement

    partielle (Nyckees 1998 181)

    Principe dexpressiviteacute maximale Linventaire des constructions doit ecirctre maximiseacute pour la

    communication (Goldberg 1995 67 Guignard 2012 59)

    Principe deacuteconomie Le nombre de constructions distinctes doit ecirctre minimiseacute en tenant compte

    du principe dexpressiviteacute maximale (Goldberg 1995 67-68 Guignard 2012 60) Ainsi

    linventaire des constructions dune langue reacutesulte dun eacutequilibre entre les principes dexpressiviteacute

    maximale et deacuteconomie (Goldberg 1995 69)

    103 Les liens dheacuteritage entre les constructions

    Comme nous lavons eacutevoqueacute plus haut le principe de motivation constitue la base des relations

    entre les constructions (Goldberg 1995 69-72) Le concept de laquo motivation raquo a eacuteteacute introduit par

    Saussure (1916 180-184) afin de nuancer le caractegravere arbitraire du signe linguistique

    laquo Tout ce qui a trait agrave la langue en tant que systegraveme demande cest notre conviction agrave ecirctre

    abordeacute de ce point de vue qui ne retient guegravere les linguistes la limitation de larbitraire

    Cest la meilleure base possible En effet tout le systegraveme de la langue repose sur le principe

    irrationnel de larbitraire du signe qui appliqueacute sans restriction aboutirait agrave la complication

    suprecircme mais lesprit reacuteussit agrave introduire un principe dordre et de reacutegulariteacute dans

    certaines parties de la masse des signes et cest lagrave le rocircle du relativement motiveacute raquo

    En sappuyant sur la deacutefinition de Lakoff (1987) Goldberg (1995 72-73) pose que les relations

    de motivation peuvent ecirctre appreacutehendeacutees par des liens dheacuteritage (L) une construction C1 motive

    une construction C2 si et seulement si C2 heacuterite de caracteacuteristiques de C1 (Figure 101164) la

    construction C1 eacutetant plus scheacutematique que la construction C2

    164 Cette figure est une adaptation de la Figure (31) de Goldberg (1995 73)

    - 340 -

    Figure 101 - Heacuteritage entre constructions

    Il convient de noter quune construction peut heacuteriter des caracteacuteristiques de plusieurs

    constructions (Figure 102) (Goldberg 1995 97-98) Par exemple en franccedilais la construction laquo il

    ne court pas raquo est linstance dau moins deux constructions laquo SUJ VINTR raquo et laquo ne V pas raquo (Croft

    2001 26)

    Figure 102 - Heacuteritage multiple

    Flickinger et al (1985) distinguent le mode dheacuteritage complet du mode dheacuteritage normal Le

    premier mode implique quune construction C1 heacuterite de toutes les caracteacuteristiques des constructions

    qui la motivent Ce mode utiliseacute dans la Grammaire de Construction (Kay amp Fillmore 1999

    Mathieu 2003) est agrave rapprocher du meacutecanisme dunification utiliseacute dans divers cadres formels

    appeleacutes laquo grammaires dunification raquo (Abeilleacute 2007) Ce mode dheacuteritage pose deux problegravemes pour

    une analyse constructionnelle il est trop restrictif ne permet pas dexception et induit donc une

    relation de laquo tout ou rien raquo entre les constructions (Croft amp Cruse 2004 271) certaines

    constructions peuvent ne pas ecirctre des paires forme-sens ce qui est en contradiction avec la

    deacutefinition du concept de laquo construction raquo tel que nous lavons adopteacute dans ce travail Ainsi suivant

    Goldberg (1995 73-74) nous adoptons le mode dheacuteritage normal qui permet les exceptions En

    effet ce mode implique quune construction C1 heacuterite des caracteacuteristiques des constructions qui la

    motivent sauf si ces derniegraveres entrent en conflit avec les caracteacuteristiques propres de C1

    Goldberg (1995 74-81) distingue quatre types de liens dheacuteritage le lien dinstanciation le lien

    de sous-partie le lien de polyseacutemie et le lien dextension meacutetaphorique

    - 341 -

    Construction C1

    Construction C2

    motivation L

    Construction C1

    Construction C3

    Construction C2

    L L

    Lien dInstanciation (LI) Cest le lien qui permet de relier une construction scheacutematique agrave une

    construction plus speacutecifieacutee La construction C2 est une instance de la construction C1 si et seulement

    si C2 est plus speacutecifieacutee que C1 (Figure 103) Par exemple en franccedilais la construction laquo SUJ

    travailler raquo est une instanciation de la construction intransitive165 Les liens dinstanciation

    constituent les liens dheacuteritage fondamentaux certains auteurs considegraverent uniquement ces liens

    dans leur description de lorganisation du savoir constructionnel (Croft 2001 25-29 Croft amp Cruse

    2004 262-265)

    Lien de Sous-partie (LS) Cest le lien qui est poseacute lorsquune construction indeacutependante constitue

    une sous-partie dune autre construction La forme et le sens de C2 sont partiellement heacuteriteacutes de C1

    (Figure 104) Par exemple en franccedilais la forme et le sens de la construction intransitive de

    mouvement (ex La bouteille roule sur la table) sont des sous-parties de la forme et du sens de la

    Construction Mouvement Provoqueacute (ex Jean roule la bouteille sur la table)

    Figure 103 - Lien dInstanciation Figure 104 - Lien de Sous-partie

    Lien de Polyseacutemie (LP) Cest le lien qui permet de relier les diffeacuterents sens attacheacutes agrave une forme

    polyseacutemique La forme de C2 est directement heacuteriteacutee de C1 et le sens de C2 est une extension du

    sens de C1 consideacutereacute comme le sens central (Figure 105) Par exemple en franccedilais la construction

    agrave verbe de refus (ex Jean refuse un gacircteau agrave Marie) est syntaxiquement identique agrave la construction

    ditransitive (ex Jean donne un gacircteau agrave Marie) et son sens est une extension de celui de cette

    derniegravere

    Lien dextension Meacutetaphorique (LM) Cest le lien qui est poseacute lorsque le sens dune construction

    constitue une extension meacutetaphorique dune autre La forme de C2 est directement heacuteriteacutee de C1 et

    165 Les exemples sont emprunteacutes ou adapteacutes de Goldberg (1995 74-81)

    - 342 -

    instanciation LI

    Forme A

    Sens A

    Forme a

    Sens a

    C1

    C2

    heacuteritage partiel

    LS

    Forme A-B-C

    Sens A-B-C

    Forme B-C

    Sens B-C

    C1

    C2

    le sens de C2 est une extension meacutetaphorique du sens de C1 consideacutereacute comme le sens central

    (Figure 106) Par exemple en anglais la construction reacutesultative (ex Joe kicked Bob black and

    blue) est syntaxiquement identique agrave la construction de mouvement provoqueacute (ex Joe kicked the

    bottle into the yard) et son sens est une extension meacutetaphorique de celui de cette derniegravere

    Figure 105 - Lien de Polyseacutemie Figure 106 - Lien dextension Meacutetaphorique

    104 Larchitecture de la langue

    La notion de laquo reacuteseau raquo constitue la base de larchitecture En effet dans chaque langue les

    constructions sorganisent en reacuteseaux hieacuterarchiseacutes (Goldberg 2003 222) Chaque construction

    constitue un nœud indeacutependant au sein de ces reacuteseaux (Croft 2001 25 Croft amp Cruse 2004 262

    Langacker 2008 237) et chaque lien dheacuteritage constitue une branche Par exemple les

    propositions du franccedilais constituent un reacuteseau comprenant les constructions scheacutematiques laquo SUJ

    VINTR raquo et laquo SUJ VTR OBJ raquo qui dominent des constructions plus speacutecifieacutees telles que laquo SUJ courir raquo

    ou laquo SUJ prendre OBJ raquo qui elles-mecircmes dominent des constructions plus speacutecifieacutees pouvant ecirctre

    soit des idiotismes laquo SUJ prendre son pied raquo soit de simples instances laquo SUJ prendre des notes raquo

    (Figure 107166)

    166 Cette figure est une adaptation de la Figure (111) de Croft (2001 26)

    - 343 -

    heacuteritageLP

    Forme A

    Sens A

    Forme A

    Sens A

    extension de sens

    C1

    C2

    heacuteritageLM

    Forme A

    Sens A

    Forme A

    Sens A

    meacutetaphore

    C1

    C2

    Figure 107 - Repreacutesentation partielle du reacuteseau des types de proposition en franccedilais

    Neacuteanmoins comme le note Croft (2001 25-26) les reacuteseaux de constructions ne sont pas

    strictement taxonomiques en raison de lheacuteritage multiple Si lon reprend lexemple preacuteceacutedent on

    note que le seul critegravere retenu dans ce reacuteseau est la structure argumentale agrave lexclusion du TAM ou

    de la polariteacute De fait une construction comme laquo il ne court pas raquo est linstance dau moins deux

    constructions laquo SUJ VINTR raquo et laquo ne V pas raquo (Figure 108167)

    Figure 108 - Exemple de construction agrave plusieurs parents en franccedilais

    Ainsi pour des raisons meacutethodologiques nous distinguons deux types de reacuteseaux le reacuteseau

    taxonomique et le reacuteseau eacutetendu On parlera de reacuteseau taxonomique lorsque lon sinteacuteresse agrave une

    construction C1 et agrave toutes les constructions qui heacuteritent delle Le reacuteseau taxonomique peut donc

    ecirctre repreacutesenteacute sous la forme dune arborescence cest-agrave-dire dun graphe acyclique orienteacute

    posseacutedant une seule racine et dont tous les autres nœuds ont un seul parent (Figures 107 amp 109)

    167 Cette figure est une adaptation de la Figure (112) de Croft (2001 26)

    - 344 -

    Proposition

    SUJ prendre son pied

    SUJ VINTR SUJ VTR OBJ

    SUJ dormir SUJ courir SUJ prendre OBJ SUJ avaler OBJ

    SUJ prendre des notes

    SUJ VINTR

    il ne court pas

    ne V pas

    En revanche on parlera de reacuteseau eacutetendu lorsque lon sinteacuteresse agrave une construction C1 agrave toutes les

    constructions qui heacuteritent delle ainsi quagrave leurs autres constructions megraveres cest-agrave-dire que lon

    prend en compte lheacuteritage multiple Le reacuteseau eacutetendu peut donc ecirctre repreacutesenteacute sous la forme dun

    graphe acyclique orienteacute (Figure 1010) (Goldberg 1995 73)

    Figure 109 - Reacuteseau taxonomique Figure 1010 - Reacuteseau eacutetendu

    Ces reacuteseaux de constructions ne sont pas indeacutependants les uns des autres Lensemble de notre

    connaissance linguistique est organiseacute au sein dun reacuteseau de reacuteseaux de constructions le

    constructique168 (Goldberg 2003 219) Ce terme a eacuteteacute creacuteeacute par Jurafsky (1992 8) sur le modegravele de

    laquo lexique raquo pour deacutesigner linventaire des constructions dune langue169 Agrave lorigine sa structure

    interne eacutetait consideacutereacutee comme similaire agrave celle du lexique selon Bloomfield (1933 274) laquo une

    liste dirreacutegulariteacutes basiques raquo Cependant la plupart des auteurs utilisent aujourdhui le terme

    laquo constructique raquo pour deacutesigner le reacuteseau structureacute comprenant lensemble des constructions dune

    langue (Goldberg 2003 Fillmore 2008) Du point de vue de sa structure le constructique est

    comparable agrave Internet il sagit dun reacuteseau de reacuteseaux deacutepourvu de centre neacutevralgique

    Kuzar (2012 133-139) introduit un concept suppleacutementaire pour rendre compte de

    lorganisation des constructions le champ Un champ de constructions est deacutefini comme une

    section coheacuterente du constructique contenant agrave la fois des entiteacutes ordonneacutees et non-ordonneacutees les

    constructions appartenant au mecircme champ ne sont donc pas neacutecessairement relieacutees entre elles

    (Figure 1011) Lauteur considegravere que certaines constructions peuvent appartenir agrave un mecircme type

    sans avoir de parents communs Par exemple il explique que les constructions quil nomme

    laquo patrons phrastiques raquo en anglais et en heacutebreu sorganisent au sein dun champ de constructions

    Les patrons majeurs tombent dans deux reacuteseaux non-lieacutes les patrons phrastiques agrave sujet initial et

    les patrons phrastiques agrave preacutedicat initial

    168 Ce concept est agrave rapprocher de la deacutefinition saussurienne de la langue comme systegraveme de signes (Saussure 1916 33)

    169 Le terme laquo constructique raquo correspond au terme anglais laquo constructicon raquo Nous empruntons la terminologiefranccedilaise agrave Guignard (2012)

    - 345 -

    C1

    C3C2

    C5 C7C6 C8 C9 C10 C11

    C4

    C1

    C3C2

    C5 C7C6 C8 C9 C10 C11

    C4

    C12 C13

    C14 C15 C16

    Figure 1011 - Champ de constructions

    Nous pouvons donc distinguer trois niveaux dorganisation des constructions le constructique

    les reacuteseaux de constructions et les champs de constructions Il convient de noter que seul les limites

    du constructique ont une existence theacuteorique (mecircme si cette derniegravere est impossible agrave appreacutehender

    empiriquement en raison de la constante eacutevolution des langues et des variations inter-individuelles)

    Les limites des reacuteseaux et des champs mecircme si elles reposent sur des critegraveres linguistiques etou

    meacutethodologiques ont toujours une part darbitraire

    105 Liens diachroniques et restructuration du reacuteseau

    Comme nous lavons vu en (sect 0214) le recours agrave la diachronie savegravere souvent indispensable

    pour expliquer les proprieacuteteacutes de certaines constructions ou la place quelle occupe au sein de la

    langue Cet aspect a eacuteteacute pris en compte dans plusieurs travaux constructionnels On note une

    convergence theacuteorique entre les grammaires de construction et la theacuteorie de la grammaticalisation

    (Noeumll 2007) La grammaticalisation creacutee de nouvelles formes et structures dans la langues cest-agrave-

    dire quil sagit dun processus qui entraicircne la creacuteation de nouvelles constructions (Bybee 2010

    106-107)170 Ainsi la construction nouvellement creacuteeacutee heacuterite de caracteacuteristiques de lancienne

    construction

    Nous pouvons donc repreacutesenter ce pheacutenomegravene par un lien diachronique (LD) Cette

    repreacutesentation ne donne aucune information sur le type dheacuteritage il permet juste de justifier les

    caracteacuteristiques dune construction C2 en la liant agrave une construction C1 avec laquelle elle aurait eacuteteacute

    lieacutee dans un eacutetat anteacuterieur de la langue Ainsi le lien diachronique nest pas un lien dheacuteritage au

    sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques de C2 sont historiquement heacuteriteacutees de C1

    Dans le cas ougrave la construction C1 nexiste plus en synchronie (quelle soit attesteacutee dans des sources

    170 Traugott amp Trousdale (2013) preacutefegraverent parler de laquo constructionalisation raquo choix terminologique plus coheacuterent dansle cadre de lapproche constructionnelle

    - 346 -

    C1

    C3C2

    C5 C7C6 C8 C9 C10 C11

    C4

    C12

    C13

    C15 C16 C17 C18 C19

    C14

    anciennes ou quelle soit hypotheacutetique) nous la repreacutesentons en ligne pointilleacutee et en gris

    (Figure 1012)171

    Figure 1012 - Lien Diachronique

    171 Ainsi les pointilleacutes et le gris ont agrave peu pregraves la mecircme fonction que le laquo raquo devant des exemples reconstruits

    - 347 -

    grammaticalisation LD

    Forme A

    Sens A

    Forme A

    Sens A

    C1

    C2

    - 348 -

    CCHAPITREHAPITRE 11 - 11 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS

    AgraveAgrave VERBEVERBE AUXILIAIREAUXILIAIRE

    Nous avons eacutetudieacute en deacutetail les constructions agrave auxiliaire du wolof dans la Partie II La majoriteacute

    des auxiliaires du wolof ne preacutesente aucune des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques des verbes et ils

    doivent donc ecirctre analyseacutes comme des MP Neacuteanmoins plusieurs auxiliaires preacutesentent des

    proprieacuteteacutes verbales Il sagit essentiellement du verbe auxiliaire di (IPF) et du verbe semi-auxiliaire

    bantilde (NEG) auxquels on peut ajouter les MP dina (FUT) du (FUTNEG) et dafa (FOCV) qui preacutesentent

    eacutegalement plusieurs proprieacuteteacutes verbales Lune des caracteacuteristiques qui semble commune agrave ces

    auxiliaires concerne la structure de la construction dont ils sont la tecircte Toutes ces constructions

    semblent soit pouvoir sanalyser comme des constructions complexes dans lesquelles lauxiliaire

    prend un compleacutement phrastique agrave linfinitif soit conserver des traces indiquant quelles sont issues

    de ce type de construction complexe

    Afin de rendre compte des similitudes formelles de toutes ces constructions nous proposons

    lanalyse suivante ces constructions heacuteritent de leurs caracteacuteristiques communes dune construction

    plus scheacutematique que nous appelons construction agrave Verbe Auxiliaire

    111 La Construction agrave Verbe Auxiliaire

    La construction agrave Verbe Auxiliaire est une construction complexe dont la tecircte est un eacuteleacutement

    preacutesentant plusieurs des proprieacuteteacutes morphosyntaxiques verbales mais qui est totalement ou

    partiellement deacutepourvu de sens lexical et qui prend un compleacutement phrastique agrave linfinitif Cette

    construction peut donc ecirctre analyseacutee comme une instanciation dune construction plus scheacutematique

    la construction Infinitivale

    Dans la construction Infinitivale la valence objet du verbe principal (V1) est satureacutee par une

    proposition infinitive En outre la proposition infinitive preacutesente une marque de deacutependance

    verbale =a placeacutee immeacutediatement avant le verbe agrave linfinitif (V2) Cette marque est parfois omise

    surtout en wolof veacutehiculaire (sect 243) Par ailleurs il sagit dune construction agrave monteacutee La structure

    argumentale deacutepend uniquement des proprieacuteteacutes de rection du verbe agrave linfinitif alors que les

    - 349 -

    arguments deacutependent syntaxiquement du verbe principal (sect 243) Enfin lordre des eacuteleacutements de la

    phrase deacutepend du schegraveme de preacutedication de la construction preacutedicative dans laquelle sinsegravere le

    verbe principal (sect 44)

    287) a [Beumlgg]V1 =naa =ko =ko=a [xamal]V2 (Church 1981 38)

    vouloir =PRFS1SG =O3SG =O3SG=DV savoirCAUS

    lsquoJe veux le lui faire savoirrsquo

    b Dama =ko [beumlgg]V1 =a [ji]V2 (Diouf 2003 97)

    FOCVS1SG =O3SG vouloir=DV semer

    lsquoJe veux la semerrsquo

    c (hellip) mu [beumlgg]V1 =la [toppandoo]V2 (Diouf 2003 590)

    S3SG vouloir =O2SG imiter

    lsquo(hellip) il a voulu timiterrsquo

    En tant quinstanciation de la construction Infinitivale la construction agrave Verbe Auxiliaire heacuterite

    de ses caracteacuteristiques Neacuteanmoins elle preacutesente plusieurs speacutecificiteacutes essentiellement en ce qui

    concerne la nature du verbe principal Le verbe principal peut preacutesenter des idiosyncrasies

    morphophonologiques etou morphosyntaxiques De plus mecircme si le verbe peut avoir un sens

    lexical ce sens disparaicirct dans la construction agrave Verbe Auxiliaire au profit dune fonction

    essentiellement grammaticale En outre les constructions agrave verbe auxiliaire sont inteacutegreacutees au

    paradigme de conjugaison

    112 La Construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire

    La construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire (288a) preacutesente toutes les caracteacuteristiques de la

    construction Infinitivale (288b) La valence objet du verbe principal bantilde est satureacutee par une

    proposition infinitive la proposition infinitive peut preacutesenter une marque de deacutependance verbale

    =a placeacutee immeacutediatement avant le verbe agrave linfinitif il sagit dune construction agrave monteacutee et

    lordre des eacuteleacutements de la phrase deacutepend du schegraveme de preacutedication

    - 350 -

    288) a (hellip) ngir nga [bantilde]V1 =ko=a [fagravette]V2 (Diouf 2003 545)

    pour S2SG refuser =O3SG=DV oublier

    lsquo(hellip) pour que tu ne loublies pasrsquo

    b (hellip) ndax mu [man]V1 =ko=a [lekk]V2 (Diouf 2003 135)

    pour S3SG pouvoir =O3SG=DV manger

    lsquo(hellip) pour quil puisse le mangerrsquo

    La construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire preacutesente plusieurs speacutecificiteacutes qui nous permettent

    de lanalyser comme une construction agrave verbe auxiliaire Le verbe principal bantilde a un sens lexical en

    wolof (deacutetester craindre refuser) mais ce sens disparaicirct dans la construction Neacutegation agrave Verbe

    Auxiliaire au profit dune fonction essentiellement grammaticale agrave savoir exprimer la neacutegation De

    plus dans cet emploi le verbe bantilde est deacutefectif puisquil est compatible uniquement avec le

    subjonctif-conseacutecutif le preacutesentatif et linfinitif En outre cette construction est inteacutegreacutee au

    paradigme de conjugaison (sect 52)

    Il sagit donc dune instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire qui est elle-mecircme une

    instanciation de la construction Infinitivale Le verbe bantilde constitue le verbe principal de cette

    construction

    113 La Construction Imperfectif

    La construction Imperfectif (289a) preacutesente la plupart des caracteacuteristiques de la construction

    Infinitivale (289b) La valence objet du verbe principal di est satureacutee par une proposition semblable

    agrave une proposition infinitive il sagit dune construction agrave monteacutee et lordre des eacuteleacutements de la

    phrase deacutepend essentiellement du schegraveme de preacutedication Neacuteanmoins contrairement agrave la

    construction Infinitivale la marque de deacutependance verbale =a nest jamais attesteacutee dans la

    construction Imperfectif (sect 321)

    289) a Dafa =leen [di]V1 [foacuteoxal]V2 (Diouf 2003 130)

    FOCVS3SG =O3PL IPF bluffer

    lsquoIl les bluffersquo

    - 351 -

    b Dafa =leen [beumlgg]V1 =a [tuur]V2 leumlndeumlm (Diouf 2003 202)

    FOCVS3SG =O2PL vouloir=DV verser obscuriteacute

    lsquoIl veut vous duperrsquo

    La construction Imperfectif preacutesente plusieurs speacutecificiteacutes qui nous permettent de lanalyser

    comme une construction agrave verbe auxiliaire Le verbe principal di na pas veacuteritablement de sens

    lexical172 mais a une fonction essentiellement grammaticale agrave savoir exprimer limperfectif

    Comme nous lavons vu en (sect 322) le verbe di preacutesente un grand nombre didiosyncrasies

    morphophonologiques et morphosyntaxiques Il peut se reacutealiser soit sous une forme pleine di soit

    sous une forme clitique =y Sous sa forme pleine il peut ecirctre seacutepareacute du verbe lexical par un pronom

    objet alors que sous sa forme clitique rien ne peut se placer entre lui et le verbe lexical En outre

    cette construction est inteacutegreacutee au paradigme de conjugaison (sect 52)

    Il sagit donc dune instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire qui est elle-mecircme une

    instanciation de la construction Infinitivale Le verbe di constitue le verbe principal de cette

    construction Cependant la construction Imperfectif semble ecirctre un cas limite de construction agrave

    Verbe Auxiliaire En effet labsence de marque de deacutependance verbale semble indiquer que la

    construction tend agrave ecirctre reacuteanalyseacutee comme une construction monoclausale en wolof contemporain

    Enfin les constructions exprimant le futur sont issues de la grammaticalisation du verbe

    auxiliaire di et du marqueur preacutedicatif na (sect 22) Cette origine permet dexpliquer les similitudes

    formelles entre la construction Futur (290a) et la construction Infinitivale (290b) ainsi quentre la

    construction Futur Neacutegatif (291a) et la forme neacutegative de la construction Infinitivale (291b)

    290) a [Di]V1 =na-a =ko [seeti]V2 agravellarba (Diouf 2003 48)

    IPF =PRF-S1SG =O3SG regarderAND mercredi

    lsquoJirai le voir mercredirsquo

    b [Meumln]V1 =na-a =ko=a [ntildeaan]V2 njekk (Diouf 2003 50)

    pouvoir =PRF-S1SG =O3SG=DV demander conciliation

    lsquoJe peux lui demander une faveurrsquo

    172 Agrave moins de consideacuterer quil a un sens lexical dans ses emplois de copule existentielle

    - 352 -

    291) a [D]V1 -u-ma =ko [weddi]V2 (Diouf 2003 364)

    IPF -PRFNEG-S1SG =O3SG nier

    lsquoJe ne le nierai pasrsquo

    b [Meumln]V1 -u-ma =ko=a [muntilde]V2 (Diouf 2003 229)

    pouvoir -PRFNEG-S1SG =O3SG=DV endurer

    lsquoJe ne peux pas le supporterrsquo

    114 La Construction Focalisation du Verbe

    1141 Caracteacuteristiques formelles

    Lanalyse de la construction Focalisation du Verbe est probleacutematique La structure de cette

    construction ainsi que la forme de son MP da(fa) preacutesentent plusieurs caracteacuteristiques

    idiosyncrasiques

    11411 Structure de la construction

    Le schegraveme de la construction Focalisation du Verbe la distingue nettement des autres

    constructions focalisantes En effet contrairement aux constructions Focalisation du Sujet

    Preacutesentatif et Focalisation du Compleacutement la construction Focalisation du Verbe ne place pas

    leacuteleacutement focaliseacute (en loccurrence le verbe ou le preacutedicat) dans une position focus situeacutee

    immeacutediatement avant le MP (sect 44) Neacuteanmoins ce pheacutenomegravene nest pas rare dun point de vue

    typologique dans un grand nombre de langues la reacutealisation du focus sur le preacutedicat se distingue

    des autres structures focales (Lambrecht 1994 235)

    De fait le schegraveme de la construction Focalisation du Verbe est identique agrave celui du Futur et du

    Futur Neacutegatif S=p-s=o V O (sect 44) Neacuteanmoins ces constructions se distinguent par leurs patrons

    flexionnels (sect 73) Dans la construction Focalisation du Verbe le MP encode le trait tiroir verbal et

    forme un amalgame avec la marque de personne et le verbe lexical porte les marques de polariteacute et

    de temps (292a) En revanche dans les constructions futures le MP encode les traits tiroir verbal et

    polariteacute et forme un amalgame avec la marque de personne et le verbe lexical ne porte aucune

    marque flexionnelle (292b)

    - 353 -

    292) a Da-ma =ko gis-ul-oon (Diouf 2009 71)

    FOCV-S1SG =O3SG voir-NEG-PAS

    lsquoJe ne lavais pas vursquo

    b Du-ma =ko gis (Diouf 2009 75)

    FUTNEG-S1SG =O3SG voir

    lsquoJe ne le verrai pasrsquo

    Par ailleurs la Focalisation du Verbe est la seule construction preacutedicative dans laquelle le MP et

    le verbe peuvent ecirctre seacutepareacutes par la marque de deacutependance verbale (293a) (Diouf 2009 175) ou

    par un adverbe (293b) (sect 5132)

    293) a Kooku da-ma =ko=a jeacutellalehellip (Diouf 2003 167)

    CLHUMSGDEMPX FOCV-S1SG =O3SG=DV passer_sous_silence

    lsquoCelui-lagrave je le passe sous silencehelliprsquo

    b Sa xarit =bi moom =dafa rekk feacuteex (Diouf 2003 123)

    POSS2SG ami =CLbDFPX PRO3SG =FOCV3SG seulement ecirctre_sans_gecircne

    lsquoTon ami est pour le moins sans-gecircnersquo

    11412 Forme du MP

    Comme tous les MP le marqueur da(fa) est un clitique et forme un amalgame avec lindice sujet

    (sect 516) Cependant sa forme le distingue des autres MP En effet il sagit dun marqueur

    disyllabique alors que la plupart des MP sont monosyllabiques Les seuls autres MP disyllabiques

    dina (sect 221) et a ng- (sect 123) sont clairement constitueacutes de deux eacuteleacutements

    En outre le MP preacutesente un eacuteleacutement fa final uniquement agrave la troisiegraveme personne du singulier

    Cependant il convient de nuancer ce constat Le paradigme que nous avons preacutesenteacute en (sect 255)

    correspond uniquement aux formes les plus courantes du wolof standard Dans les faits ce

    paradigme connaicirct des variations notamment dialectales (Tableau 111)

    Le wolof standard a trois paradigmes pour la Focalisation du Verbe les formes de base les

    formes apocopeacutees et les formes longues Les formes apocopeacutees sont des formes tronqueacutees des

    formes de bases Elles apparaissent en discours notamment si le mot qui suit est un pronom objet

    - 354 -

    (Sauvageot 1965 107 Church 1981 82 Munro amp Gaye 1997 35) Les formes longues

    correspondent aux formes de base auxquelles a eacuteteacute ajouteacute une marque a Ces formes sont

    particuliegraverement freacutequentes au Cayor (Church 1981 82) Agrave la troisiegraveme personne du singulier la

    forme dafaa est attesteacutee mais elle est relativement rare la forme dafa eacutetant beaucoup plus

    freacutequente (Church 1981 64) Enfin la forme de base 3SG connaicirct une variante da (Fal 1999 76-

    77) Certains auteurs eacutevoquent eacutegalement une variante daa (Church 1981 64 Diouf 2003 86)

    mais cette variante peut sanalyser comme la forme longue correspondant agrave la forme de base da

    Certains dialectes du wolof preacutesentent des paradigmes assez diffeacuterents de celui du wolof

    standard En leacutebou dialecte de la presquicircle du Cap-Vert (Dakar) la forme de base du MP est da

    comme en wolof standard En revanche lindice sujet est relativement diffeacuterent sauf aux premiegraveres

    personnes (Diouf 2016) En faana-faana dialecte du Saloum la forme de base du MP nest pas da

    mais fa De plus on note que lindice sujet 1SG est -a alors que la forme -ma est attesteacutee dans les

    autres dialectes (Church 1981 64 Dialo 1981b 309) Le reste du paradigme des indices sujets est

    identique agrave celui du wolof standard

    Tableau 111 - Variantes du paradigme personnel de la Focalisation du Verbe

    Wolof standard Leacutebou

    Faana-faanaBase Apocopeacutee Longue

    SG

    1 dama dam damaa dama faa

    2 danga daŋ dangaa dahaa fanga

    3 dafa da daf dafa(a) daa daha fa

    PL

    1 danu dan danoo danu fan(u)

    2 dangeen dangeen dangeena daheen fangeen

    3 dantildeu dantilde dantildeoo dantildea fantilde(u)

    1142 Analyse de la construction

    Deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees afin de rendre compte des caracteacuteristiques idiosyncrasiques de

    la Focalisation du Verbe notamment de la forme de son MP da(fa) Selon la premiegravere analyse le

    MP dafa serait constitueacute dun morphegraveme da apparenteacute au verbe auxiliaire di et du pronom locatif

    fa Nous proposons de nommer cette analyse lhypothegravese laquo da-fa raquo Selon la seconde analyse le MP

    dafa serait constitueacute du verbe def (faire) et de la marque de deacutependance verbale =a Nous

    proposons de nommer cette analyse lhypothegravese laquo def-a raquo

    - 355 -

    11421 Hypothegravese laquo da-fa raquo

    Lhypothegravese laquo da-fa raquo a eacuteteacute initialement proposeacutee par Boilat (1858 307-308) Pour cet auteur la

    construction que nous appelons Focalisation du Verbe sarticule autour du verbe deacute allomorphe du

    verbe auxiliaire di suivi dun pronom personnel Il analyse donc la marque fa comme un pronom

    personnel 3SG De plus lauteur signale la variante da agrave la troisiegraveme personne

    Tableau 112 - Paradigme personnel de laFocalisation du Verbe selon Boilat (1858)

    Orthographede lauteur

    Orthographestandard

    SG

    1 deacute-maelig deacute-ma

    2 deacute-ngaelig deacute-nga

    3 deacute-faelig daelig deacute-fa da

    PL

    1 deacute-nou deacute-nu

    2 deacute-ngegravene deacute-ngen

    3 deacute-gnou deacute-ntildeu

    Church (1981 80-82) considegravere eacutegalement que dafa est constitueacute de deux eacuteleacutements mais son

    analyse diffegravere de celle de Boilat Pour Church da est le marqueur de Focalisation du Verbe et fa

    est un eacuteleacutement ayant pour fonction de renforcer le marqueur da agrave la troisiegraveme personne Selon lui

    cet eacuteleacutement fa est agrave rapprocher du marqueur fa attesteacute en faana-faana (Tableau 111) Ce marqueur

    initialement restreint au dialecte du Saloum se serait eacutetendu aux autres parlers

    Njie (1982 106) propose une autre analyse pour la marque fa Pour cette auteure cette marque

    pourrait ecirctre rapprocheacutee du pronom locatif fa (sect 423) Church (1981 81) avait eacutegalement envisageacute

    cette solution Neacuteanmoins il lavait rejeteacute car si cette hypothegravese semble parfaitement fonctionner

    avec les verbes daction ou de deacuteplacement (294a) elle semble beaucoup plus discutable avec les

    verbes deacutetat (294b)

    294) a Da =fa dem gt Dafa dem (Church 1981 81)

    FOCVS3SG =CLLOCDT partir FOCVS3SG partir

    lsquoIl y est alleacutersquo lsquoIl est partirsquo

    b Da =fa sonn gt Dafa sonn (Church 1981 81)

    FOCVS3SG =CLLOCDT ecirc_fatigueacute FOCVS3SG ecirc_fatigueacute

    lsquoIl y est fatigueacutersquo lsquoIl est fatigueacutersquo

    - 356 -

    Contrairement agrave Church (1981) et Njie (1982) Robert (1991 71) ne propose pas danalyse pour

    la marque fa En revanche elle propose une nouvelle analyse de da Elle rapproche ce marqueur du

    verbe auxiliaire di ainsi que du marqueur du Futur Neacutegatif du Selon cette auteure ces trois

    eacuteleacutements auraient la mecircme structure Ils seraient constitueacutes du verbe d- quelle nomme laquo marque de

    centre de preacutedication dissocieacute du verbe raquo et dune marque deacuteictique Dans le cas de da la marque

    deacuteictique distale -a permettrait dexprimer laquo la preacuteconstruction de leacuteveacutenement du procegraves comme un

    preacutealable acquis raquo (Robert 1991 276-277)

    Bondeacuteelle (2015 120-122) ne propose pas danalyse pour dafa En revanche il propose une

    nouvelle analyse pour les formes de toutes les autres personnes (dama danga danu dangeen

    dantildeu) Selon lui ces formes sont constitueacutees du verbe d- de la marque de focalisation a et dun

    pronom sujet la marque de focalisation eacutetant rapprocheacutee des marqueurs a (FOCS) et la (FOCC)

    Pour reacutesumer selon lhypothegravese laquo da-fa raquo le MP dafa serait constitueacute dun morphegraveme da

    apparenteacute au verbe auxiliaire di et du pronom locatif fa Dans lensemble cette hypothegravese est

    probleacutematique Elle ne permet pas de rendre compte de la plupart des caracteacuteristiques de la

    construction Focalisation du Verbe

    Le fait de rapprocher da de di et du pourrait expliquer lidentiteacute formelle entre le schegraveme de la

    construction Focalisation du Verbe et celui du Futur et du Futur Neacutegatif Cependant cela nexplique

    pas pourquoi les marques de polariteacute et de temps sont porteacutees par le MP au futur alors quelles sont

    porteacutees par le verbe dans la construction Focalisation du Verbe En outre consideacuterer da comme un

    verbe au mecircme titre que di pourrait expliquer la preacutesence possible de la marque de deacutependance

    verbale a apregraves da Cependant comme nous lavons vu en (sect 113) di nest jamais suivi de la

    marque de deacutependance verbale De plus cette hypothegravese ne permet pas dexpliquer le fait que la

    forme dafaa soit rarement attesteacutee Elle ne permet pas non plus dexpliquer les diffeacuterences dans les

    paradigmes personnels de la Focalisation du Verbe et du Futur Dans la construction Futur dina

    contient clairement le MP na En revanche il semble impossible didentifier ce MP na dans dafa

    Le fait de rapprocher le fa de dafa du pronom locatif homonyme permet dexpliquer

    lidiosyncrasie formelle de dafa Neacuteanmoins cela nexplique pas pourquoi cet eacuteleacutement fa est limiteacute agrave

    la troisiegraveme personne du singulier Enfin lhypothegravese laquo da-fa raquo ne permet pas vraiment de rendre

    compte du paradigme personnel du faana-faana Si da est un eacuteleacutement preacutedicatif et fa un pronom

    locatif comment est-il possible que la forme de base du marqueur preacutedicatif soit fa en faana-faana

    - 357 -

    11422 Hypothegravese laquo def-a raquo

    Lhypothegravese laquo def-a raquo a eacuteteacute initialement proposeacutee par Kobegraves (1869 113) Pour cet auteur la

    construction que nous appelons Focalisation du Verbe sarticule autour dun eacuteleacutement def homonyme

    du verbe auxiliaire def (faire) Ce marqueur apparaicirct sous cette forme uniquement agrave la troisiegraveme

    personne du singulier Agrave toutes les autres personnes on trouve lallomorphe da (Kobegraves 1869 256)

    Tableau 113 - Paradigme personnel de laFocalisation du Verbe selon Kobegraves (1869)

    Orthographede lauteur

    Orthographestandard

    SG

    1 dă mă da ma

    2 dă ngă da nga

    3 degravefă defa

    PL

    1 dă nu da nu

    2 dă ngeumln da ngeacuteen

    3 dă ntildeu da ntildeu

    Cette analyse a eacuteteacute deacutetailleacutee par Senghor (1963 129) Pour cet auteur la construction sappuie

    clairement sur le verbe auxiliaire def (faire) Il est inteacuteressant de constater que Senghor transcrit les

    marqueurs dama (1SG) et dafa (3SG) de la maniegravere suivante dema defa On pourrait penser quil

    sagit dune volonteacute de lauteur de proposer une transcription en accord avec son analyse au

    deacutetriment de la prononciation reacuteelle de ces eacuteleacutements Cependant cette transcription se retrouve

    eacutegalement dans dautres sources geacuteneacuteralement assez anciennes dont les auteurs ne formulent

    aucune hypothegravese concernant lorigine de dafa comme Labouret (1935 296-298) ou Gamble

    (1963 145-146)

    Selon Nouguier-Voisin (2002 41) le marqueur de Focalisation du Verbe a pu laquo agrave lorigine ecirctre

    composeacute du verbe def faire qui de part sa valeur seacutemantique permet dexpliquer les fonctions

    demphase de cette conjugaison mecircme si synchroniquement un tel deacutecoupage nest pas possible raquo

    En effet la grammaticalisation dun verbe laquo faire raquo pour exprimer une emphase sur le preacutedicat est

    attesteacutee dans un grand nombre de langues (Heine amp Kuteva 2002 119)

    Becher (2001 104-107) soutient eacutegalement cette hypothegravese Selon cette auteure dafa est issu du

    verbe auxiliaire def suivi de la marque de deacutependance verbale a La forme defa serait devenue dafa

    en raison dun pheacutenomegravene dharmonie vocalique

    - 358 -

    Torrence (2013a 52-53) propose une analyse diffeacuterente pour le a final de dafa Il propose de

    lanalyser comme une copule Cette analyse lui permet de poser lexistence dune copule dans toutes

    les constructions focalisantes du wolof contemporain a (FOCS) = copule la (FOCC) = pronom

    expleacutetif l- + copule dafa (FOCV) = verbe def + copule (sect 256) Cependant cette hypothegravese est

    probleacutematique En wolof contemporain on peut trouver des occurrences de preacutedicats nominaux non

    reacutefeacuterentiels avec le MP dafa et la copule di (sect 256) Si lon admet lhypothegravese de Torrence de tels

    eacutenonceacutes auraient deux copules ce qui semble tregraves peu probable Par ailleurs il nexiste agrave notre

    connaissance aucune langue qui exprime une emphase sur le preacutedicat avec le verbe laquo faire raquo et une

    copule simultaneacutement

    Pour reacutesumer selon lhypothegravese laquo da-fa raquo le MP dafa serait constitueacute du verbe def (faire) et de la

    marque de deacutependance verbale =a Cette hypothegravese permet de rendre compte de la plupart des

    caracteacuteristiques de la construction Focalisation du Verbe notamment en ce qui concerne la forme du

    marqueur preacutedicatif

    Tout dabord lhypothegravese laquo def-a raquo semble confirmeacutee par certaines sources historiques Comme

    nous lavons vu plus haut on trouve dans plusieurs sources des formes dema et defa au lieu des

    formes dama et dafa

    Par ailleurs cette hypothegravese permet dexpliquer lidiosyncrasie formelle de dafa (def=a) En

    outre elle permet dexpliquer le fait que la forme dafaa soit rarement attesteacutee En effet le second a

    de dafa eacutetant historiquement une marque de deacutependance verbale on peut supposer que le dernier a

    de dafaa reacutesulte dune reacuteanalyse reacutecente de dafa comme une forme simple agrave laquelle il manque la

    marque de deacutependance verbale

    Le fait que leacuteleacutement -f- soit limiteacute agrave la troisiegraveme personne du singulier peut sexpliquer par les

    contraintes concernant la structure syllabique En wolof les suites consonantiques sont relativement

    rares et aucune des deux consonnes ne peut ecirctre une consonne forte (sect 0442) Si lon accepte

    lhypothegravese laquo def-a raquo on peut supposer que le marqueur est constitueacute du verbe def et dun pronom

    personnel sujet lieacute Tous les pronoms sujets eacutetant agrave attaque consonantique on peut supposer que le

    -f de def est tombeacute pour eacuteviter une suite consonantique La freacutequence eacuteleveacutee de ce MP a

    probablement favoriseacute cette eacuterosion phoneacutetique La troisiegraveme personne neacutetant pas marqueacutee le -f a

    pu sy maintenir mais il peut eacutegalement disparaicirctre par analogie avec les autres personnes

    Une autre hypothegravese est envisageable pour expliquer cette eacuterosion phoneacutetique En wolof les MP

    sont tous constitueacutes de moins de trois syllabes173 Ce fait est relativement simple agrave expliquer Les

    173 Les seuls exceptions concernent les formes futures dinanu et dinantildeu Neacuteanmoins comme nous lavons vu plus haut

    - 359 -

    mots grammaticaux freacutequents tendent agrave ecirctre courts dans les langues On peut supposer que def-a a

    eacuteteacute reacuteinterpreacuteteacute en un MP dafa Dans ce cas la plupart des formes du paradigme devraient ecirctre

    constitueacutees de trois syllabes dafama dafanga dafanu dafangeen dafantildeu Lusage a favoriseacute

    leacuterosion phoneacutetique de ces formes en les reacuteduisant agrave deux syllabes comme les autres MP

    Tableau 114 - Structure du MP de la Focalisation du Verbe

    AUX -S =DV

    SG

    1 da -ma (=a)

    2 da -nga (=a)

    3 daf Oslash =a

    PL

    1 da -nu (=a)

    2 da -ngeen (=a)

    3 da -ntildeu (=a)

    Les donneacutees issues des autres dialectes sont conformes agrave ces hypothegraveses deacuterosion phoneacutetique

    En leacutebou le -f(a) est tombeacute agrave toutes les personnes le MP est constitueacute de da et dun pronom

    personnel sujet lieacute Dans ce dialecte la consonne [h] de daha nest pas leacutequivalent du [f] du wolof

    standard mais est un allophone de [ʔ] cest-agrave-dire un consonne eacutepentheacutetique utiliseacutee pour eacuteviter un

    hiatus (Drameacute 2012 334) En faana-faana leacuterosion phoneacutetique na pas affecteacute la mecircme syllabe du

    marqueur Dans ce dialecte cest la syllabe initiale de dafa qui est tombeacutee

    Cependant si lon sen tient agrave lhypothegravese laquo def-a raquo certaines caracteacuteristiques de la Focalisation

    du Verbe sont moins eacutevidentes agrave expliquer Cest notamment le cas du changement de voyelle de

    def-a en dafa Supposer que ce changement est ducirc agrave un pheacutenomegravene dharmonie vocalique est

    probleacutematique En wolof lharmonie vocalique repose sur le trait ATR (sect 0443) Or les voyelles e

    [ε] et a [ɐ] sont toutes les deux [-ATR] En outre en wolof standard (ainsi quen leacutebou) lharmonie

    vocalique est toujours progressive jamais reacutegressive (Drameacute 2012 134) Dans certains dialectes

    comme le faana-faana on peut trouver quelques cas dharmonie vocalique reacutegressive Neacuteanmoins

    dans ce dialecte cette assimilation reacutegressive est limiteacutee agrave deux cas a [ɐ] devient euml [ə] sous

    linfluence de i [i] comme dans farintilde [fɐriɲ] rarr feumlrintilde [fəriɲ] (farine) et i [i] devient a [ɐ] sous

    linfluence de a [ɐ] comme dans dina [dinɐ] rarr dana [dɐnɐ] (FUT3SG) (Drameacute 2012 124-127)

    Lhypothegravese laquo def-a raquo est eacutegalement probleacutematique si lon souhaite expliquer le schegraveme de la

    Focalisation du Verbe S=p-s=o V O Agrave la troisiegraveme personne du singulier cela ne semble pas

    poser de problegraveme Le verbe auxiliaire def prend comme compleacutement une proposition agrave linfinitif

    ces marqueurs peuvent encore ecirctre deacutecomposeacutes en di-nanu et di-nantildeu en wolof contemporain

    - 360 -

    preacuteceacutedeacutee de la marque de deacutependance verbale =a Les constructions infinitivales eacutetant des

    constructions agrave monteacutee lobjet pronominal du verbe agrave linfinitif se place entre le verbe def et le

    verbe agrave linfinitif Cette hypothegravese permet dexpliquer la preacutesence de =a labsence du pronom 3SG et

    la place du pronom objet

    En revanche pour les autres personnes aucune solution ne semble viable On pourrait supposer

    une structure similaire le verbe auxiliaire def prend comme compleacutement une proposition

    compleacutetive Ainsi la construction preacutesenterait une structure similaire agrave celle des causatives en def

    (295a) (Nouguier-Voisin 2002 140-141) Cette hypothegravese permet dexpliquer la preacutesence ainsi que

    la place du sujet pronominal Cependant elle ne permet pas dexpliquer la place du pronom objet

    En effet les propositions compleacutetives non introduites par un compleacutementeur sont toujours au

    subjonctif-conseacutecutif (sect 242) Or dans ce type de construction le pronom objet se place apregraves le

    verbe En outre si le verbe est conjugueacute pour quelle raison la marque de deacutependance verbale peut-

    elle ecirctre preacutesente Enfin avec un sujet lexical pluriel le sujet pronominal -ntildeu est preacutesent sur le MP

    dantildeu (295b) Si le sujet lexical et le sujet pronominal renvoient au mecircme reacutefeacuterent et que def est un

    verbe auxiliaire pourquoi son compleacutement nest-il pas une proposition infinitive

    295) a Dinaa =ko def nga am doom (Nouguier-Voisin 2002 140)

    FUTS1SG =O3SG faire S2SG avoir enfant

    lsquoJe ferai (ccedila) que tu aies un enfantrsquo

    b Leacutebu =yi =dantildeu am seen waxinu wolof (Diouf 2003 199)

    leacutebou =CLyDFPX =FOCVS3PL avoir PRO3PL parlerGEN wolof

    lsquoLes Leacutebou ont leur parler wolofrsquo

    Une autre solution est envisageable les indices sujets du paradigme de la Focalisation du Verbe

    sont danciens pronoms objets qui ont eacuteteacute reacuteanalyseacutes en indices sujets Cette hypothegravese permet

    dexpliquer la preacutesence de =a la preacutesence ainsi que la place du sujet pronominal et la place du

    pronom objet Cependant elle est en contradiction avec les donneacutees En wolof contemporain et ce

    dans tous les dialectes les indices sujets du paradigme de la Focalisation du Verbe sont clairement

    des pronoms sujets lieacutes et non des pronoms objets Cest particuliegraverement clair avec les formes de

    deuxiegraveme personne

    Enfin si lon admet que def est un verbe auxiliaire prenant un compleacutement phrastique (infinitive

    ou compleacutetive) plusieurs questions se posent Tout dabord quel est le sujet de def Si lon admet

    - 361 -

    que def prend comme compleacutement une proposition infinitive cela ne pose aucun problegraveme car la

    phrase na quun seul constituant assurant la fonction sujet En revanche si lon considegravere que def

    prend comme compleacutement une proposition compleacutetive lindice sujet amalgameacute agrave da(fa) est le sujet

    du verbe de la compleacutetive On peut supposer que le verbe def prenait un sujet impersonnel non

    marqueacute Cette hypothegravese est coheacuterente avec le fait que les causatives en def sont souvent utiliseacutees

    pour exprimer une causation indirecte dans laquelle le causateur nest pas identifieacute dans ces cas le

    causateur deacutesigneacute est Dieu (296) (Nouguier-Voisin 2002 194-195)

    296) Yagravella def mu am jenn jabar (Nouguier-Voisin 2002 194)

    Dieu faire S3SG avoir CLjSING femme

    ju dee bagraveyyi fi doomam

    CLjREL mourir laisser CLLOCDFPX enfantPOSS3SG

    lsquoDieu fit quil avait une eacutepouse qui mourut en laissant son enfantrsquo

    La seconde question qui se pose est la suivante agrave quel tiroir verbal le verbe auxiliaire def est-il

    conjugueacute En labsence de MP preacuteceacutedant da(fa) on pourrait supposer que def est au parfait

    Neacuteanmoins comme nous lavons vu plus haut rien dans les formes du paradigme ne permet de

    supposer la preacutesence du marqueur du Parfait na et ce dans tous les dialectes La seconde option

    serait de consideacuterer que def est au subjonctif-conseacutecutif Cette solution permet dexpliquer labsence

    de MP dans la construction ainsi que la place du pronom objet En outre on remarque que les

    causatives indirectes en def sont eacutegalement au subjonctif-conseacutecutif

    1143 Synthegravese

    La structure de la construction Focalisation du Verbe ainsi que la forme de son MP da(fa)

    preacutesentent plusieurs caracteacuteristiques idiosyncrasiques Deux analyses ont eacuteteacute proposeacutees afin de

    rendre compte de ces idiosyncrasies

    bull Hypothegravese laquo da-fa raquo Le MP dafa est constitueacute dun morphegraveme da apparenteacute au verbe

    auxiliaire di et du pronom locatif fa

    bull Hypothegravese laquo def-a raquo Le MP dafa est constitueacute du verbe def (faire) et de la marque de

    deacutependance verbale =a

    Aucune de ces deux hypothegraveses ne permet de rendre compte aiseacutement de lensemble des

    caracteacuteristiques de la construction Neacuteanmoins elles ne preacutesentent pas la mecircme force explicative

    - 362 -

    Lhypothegravese laquo da-fa raquo ne rend compte de presque aucune des caracteacuteristiques propres agrave la

    Focalisation du Verbe En revanche lhypothegravese laquo def-a raquo permet dexpliquer la plupart des

    caracteacuteristiques formelles du MP et est coheacuterente avec les donneacutees historiques et les donneacutees

    dialectales Nous privileacutegions donc lhypothegravese laquo def-a raquo

    Nous proposons lanalyse suivante La construction Focalisation du Verbe est issue dune

    ancienne construction agrave verbe auxiliaire dont le verbe principal eacutetait def (faire) et qui preacutesentait une

    structure similaire agrave celle de lactuelle causative indirecte en def Cette construction sest ensuite

    grammaticaliseacutee La seacutequence def + =a (DV) a subi une morphologisation pour devenir le marqueur

    dafa Ce marqueur a subi une eacuterosion phoneacutetique provoquant la chute de leacuteleacutement -fa agrave toutes les

    personnes autres que 3SG (sauf en faana-faana ougrave cest leacuteleacutement da- qui est tombeacute) Cette

    grammaticalisation a entraicircneacute une reacuteanalyse de dafa en MP et du verbe infinitif en verbe principal

    Ce pheacutenomegravene permet dexpliquer la preacutesence possible des marques de flexion du passeacute et de la

    neacutegation sur le verbe lexical

    Agrave toutes les personnes autres que 3SG le compleacutement du verbe def devait ecirctre une proposition

    compleacutetive La reacuteanalyse de lauxiliaire en MP a entraicircneacute une reacuteanalyse du pronom sujet de la

    compleacutetive en indice sujet du MP ce qui a entraicircneacute une reacuteanalyse de cette construction complexe en

    construction monoclausale Nous pouvons supposer que la preacutesence possible du =a agrave toutes les

    personnes reacutesulte dune extension de lutilisation de cette marque par analogie avec la forme 3SG

    Il sagit donc historiquement dune instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire qui est

    elle-mecircme une instanciation de la construction Infinitivale Le verbe def (faire) constitue le verbe

    principal de cette construction

    Nous faisons lhypothegravese quil existait une autre construction Focalisation du Verbe dans un eacutetat

    anteacuterieur de la langue (sect 132) Leacutemergence de lactuelle construction Focalisation du Verbe via la

    grammaticalisation de def-a serait donc un exemple de stratification (layering) cest-agrave-dire une

    situation ougrave plusieurs constructions ont la mecircme fonction (Bybee et al 1994 21-22) Lancienne

    construction se serait ensuite grammaticaliseacutee en parfait faisant de la nouvelle construction lunique

    construction Focalisation du Verbe

    Enfin nous souhaitons signaler un fait assez eacutetonnant La Focalisation du Verbe nest pas

    eacutevoqueacutee dans les grammaires de Dard (1826) et de Roger (1829) cest-agrave-dire les plus anciennes

    grammaires de wolof Il est possible que ces auteurs pionniers ne soient pas parvenus agrave identifier

    cette construction Linfluence des structures grammaticales des langues indo-europeacuteennes est

    probablement responsable de la plupart des choix de ces auteurs dans leurs analyses dautant quils

    - 363 -

    neacutetaient pas grammairiens (sect 111) Neacuteanmoins indeacutependamment de leurs analyses on constate

    que cette construction est totalement absente de leurs ouvrages Ce point est particuliegraverement

    flagrant dans louvrage de Dard qui comprend un corpus de textes relativement important Mecircme si

    lon admet que ce corpus a eacuteteacute en grande partie obtenu par eacutelicitation il est eacutetrange de ne trouver

    aucune occurrence de da(fa) Nous pouvons supposer que cette construction eacutetait moins freacutequente

    au deacutebut du XIXe siegravecle quelle ne lest en wolof contemporain

    115 La Construction Passeacute Clitique

    Au parfait neacutegatif le marqueur de passeacute woon nest pas un affixe mais un clitique (sect 331) Les

    formes de Parfait Neacutegatif passeacute peuvent donc ecirctre consideacutereacutees comme des instanciations dune

    construction complexe que nous appelons construction Passeacute Clitique (sect 522)

    Lanalyse de cette construction en wolof contemporain est relativement probleacutematique Comme

    nous lavons vu en deacutetail en (sect 331) dans la construction Passeacute Clitique la position occupeacutee par

    woon est identique agrave celle quoccupe le verbe agrave linfinitif dans les compleacutements phrastiques agrave

    linfinitif (297a-b) Neacuteanmoins contrairement au verbe agrave linfinitif woon nest jamais preacuteceacutedeacute de la

    marque de deacutependance verbale =a (298a-b) Par ailleurs dans plusieurs contextes woon peut ecirctre

    analyseacute comme un verbe dont le sens est laquo avoir cours exister (dans le passeacute) raquo

    297) a Soacuteoraale-wu-ma =ko =woon (Diouf 2003 488)

    preacutevoir-PRFNEG-S1SG =O3SG =PAS

    lsquoJe navais pas preacutevu ccedilarsquo

    b Meumln-u-ma =ko lekk su amul beumlgeumlj (Diouf 2003 66)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG =O3SG manger si avoirNEG pureacutee_doseille

    lsquoJe ne peux pas en manger sil nrsquoy a pas de pureacutee doseillersquo

    298) a Meumln-u-ma =woon=a seacuteentu jafe-jafe =yii (Diouf 2003 488)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG =PAS=DV pressentir difficulteacute =CLyDEMPX

    lsquoJe ne pouvais pas entrevoir ces difficulteacutesrsquo

    b Meumln-u-ma=a bantilde=a dem ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 522)

    pouvoir-PRFNEG-S1SG=DV refuser=DV partir PREPDT noces =CLgDFDT

    lsquoJe ne peux pas manquer daller aux nocesrsquo

    - 364 -

    Deux hypothegraveses sont envisageables pour rendre compte des proprieacuteteacutes de woon soit il sagit

    dun verbe qui tend agrave se grammaticaliser en suffixe de passeacute soit il sagit dun suffixe qui tend agrave se

    lexicaliser en verbe deacutetat etou en verbe auxiliaire Plusieurs eacuteleacutements plaident plutocirct en faveur de

    la seconde hypothegravese absence de la marque de deacutependance verbale caractegravere idiosyncrasique du

    sens de woon lorsquil est utiliseacute en tant que verbe deacutetat preacutesence dun suffixe de passeacute

    formellement similaire dans dautres langues atlantiques (sect 173)

    Comme nous lavons vu en (sect 632) woon peut ecirctre analyseacute comme un verbe auxiliaire En effet

    il preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes verbales il est deacutefectif il a une fonction essentiellement

    grammaticale et il est inteacutegreacute au paradigme de conjugaison

    Neacuteanmoins en tant quauxiliaire son comportement est idiosyncrasique Dans la construction

    Passeacute Clitique il occupe la mecircme position que le verbe dun compleacutement phrastique agrave linfinitif

    Ainsi dans cette construction le verbe lexical ne peut pas ecirctre consideacutereacute comme le compleacutement de

    woon Agrave partir de ces eacuteleacutements nous pourrions proposer danalyser woon comme un verbe

    auxiliaire apparaissant neacutecessairement comme compleacutement infinitif du verbe lexical Neacuteanmoins

    woon peut eacutegalement apparaicirctre avec des verbes intransitifs ce qui nuance cette analyse Nous

    proposons donc danalyser woon comme un eacuteleacutement dorigine affixale qui tend agrave devenir un verbe

    auxiliaire apparaissant comme compleacutement infinitif du verbe lexical

    Ainsi en wolof contemporain la construction Passeacute Clitique peut ecirctre analyseacutee comme une

    instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire qui est elle-mecircme une instanciation de la

    construction Infinitivale Neacuteanmoins contrairement aux autres constructions agrave verbe auxiliaire le

    verbe principal de cette construction nest pas le verbe auxiliaire mais le verbe lexical

    116 Synthegravese

    On peut identifier en wolof une construction agrave Verbe Auxiliaire Cette construction peut ecirctre

    analyseacutee comme une instanciation de la construction Infinitivale dont elle heacuterite des caracteacuteristiques

    suivantes

    bull La valence objet du verbe principal (V1) est satureacutee par une proposition infinitive

    bull Le verbe de la proposition infinitive (V2) peut ecirctre immeacutediatement preacuteceacutedeacute de la marque de

    deacutependance verbale =a

    - 365 -

    bull Il sagit dune construction agrave monteacutee cest-agrave-dire que la structure argumentale deacutepend

    uniquement des proprieacuteteacutes de rection du verbe agrave linfinitif alors que les arguments

    deacutependent syntaxiquement du verbe principal

    bull Lordre des eacuteleacutements de la phrase deacutepend du schegraveme de preacutedication de la construction

    preacutedicative dans laquelle sinsegravere le verbe principal

    Neacuteanmoins la construction agrave Verbe Auxiliaire preacutesente eacutegalement plusieurs caracteacuteristiques qui

    la distinguent des autres constructions infinitivales

    bull Le verbe principal peut preacutesenter des idiosyncrasies morphophonologiques etou

    morphosyntaxiques

    bull Dans la construction le verbe principal a une fonction essentiellement grammaticale et est

    deacutenueacute de sens lexical (ce verbe peut neacuteanmoins avoir un sens lexical ailleurs dans la langue)

    bull La construction est inteacutegreacutee au paradigme de conjugaison Corollaire le choix de la

    construction preacutedicative dans laquelle sinsegravere le verbe principal est geacuteneacuteralement restreint

    De fait le wolof contemporain dispose de peu de constructions agrave verbe auxiliaire La seule

    construction respectant toutes les caracteacuteristiques formelles est la construction Neacutegation agrave Verbe

    Auxiliaire Il sagit donc dune simple instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire dans

    laquelle la position du verbe principal est occupeacutee par le verbe semi-auxiliaire bantilde

    La construction Imperfectif est eacutegalement une instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire

    dans laquelle la position du verbe principal est occupeacutee par le verbe auxiliaire di Neacuteanmoins elle

    nheacuterite pas de tous les traits de la construction agrave Verbe Auxiliaire En effet la marque de

    deacutependance verbale ne peut jamais apparaicirctre avant le V2

    La construction Focalisation du Verbe ne peut pas ecirctre analyseacutee comme une construction agrave verbe

    auxiliaire en synchronie Neacuteanmoins elle preacutesente plusieurs caracteacuteristiques propres agrave la

    construction agrave Verbe Auxiliaire et qui la distinguent des autres constructions preacutedicatives Afin den

    rendre compte nous soutenons lhypothegravese selon laquelle cette construction est issue de la

    grammaticalisation du verbe def (faire) suivie dune proposition infinitive Il sagirait donc

    historiquement dune instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire dans laquelle la position

    du verbe principal est occupeacutee par le verbe def

    Enfin la construction Passeacute Clitique occupe une place particuliegravere dans la grammaire du wolof

    En effet il sagit dune construction complexe preacutesentant presque toutes les caracteacuteristiques

    - 366 -

    formelles de la construction agrave Verbe Auxiliaire (agrave lexception de la marque de deacutependance verbale)

    Cependant V1 et V2 sont inverseacutes Cest-agrave-dire que le verbe auxiliaire woon occupe la position du

    verbe de la proposition infinitive et la position du verbe principal est occupeacutee par le verbe lexical

    Dans la Figure (111) les constructions sont repreacutesenteacutees sous la forme dune liste de traits

    - 367 -

    Figure 111 - Reacuteseau des constructions agrave verbe auxiliaire

    LI

    LD

    Construction Infinitivale

    - Objet de V1 = proposition infinitive- (V2 immeacutediatement preacuteceacutedeacute de DV)- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    Construction agrave Verbe Auxiliaire

    - V1 = verbe auxiliaire- Objet de V1 = proposition infinitive- (V2 immeacutediatement preacuteceacutedeacute de DV)- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    ConstructionNeacutegation agrave Verbe Auxiliaire

    - V1 = verbe semi-auxiliaire bantilde- Objet de V1 = proposition infinitive- (V2 immeacutediatement preacuteceacutedeacute de DV)- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = SUBJ INF PRST- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    Construction Imperfectif

    - V1 = verbe auxiliaire di- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    Construction Emphatiqueagrave Verbe Auxiliaire

    - V1 = verbe def- Objet de V1 = proposition infinitive- (V2 immeacutediatement preacuteceacutedeacute de DV)- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = SUBJ- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    ConstructionFocalisation du Verbe

    - Construction preacutedicative- MP = dafa- Schegraveme S p-s =o V O

    ConstructionPasseacute Clitique

    - V2 = verbe auxiliaire woon- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = PRFNEG- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    Construction Passeacute

    - Suffixe -(w)oon sur le verbe- Construction syntheacutetique- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    LI

    LI

    LD

    LI

    LI

    caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit pas de formalisation mais plutocirct de repreacutesentation

    syntheacutetique Dans ce scheacutema les flegraveches pleines sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en pointilleacutes

    sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions Le lien

    diachronique nest pas un lien dheacuteritage au sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques

    de la construction fille sont historiquement heacuteriteacutees de la construction megravere

    - 368 -

    CCHAPITREHAPITRE 12 - 12 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS AgraveAgrave EXTRACTIONEXTRACTION

    Les constructions Focalisation du Sujet Preacutesentatif Focalisation du Compleacutement et Relatif

    preacutesentent plusieurs caracteacuteristiques communes Il sagit de constructions dans lesquelles un

    eacuteleacutement est extrait de sa position canonique pour ecirctre placeacute en premiegravere position De plus on

    constate que toutes ces constructions preacutesentent le mecircme schegraveme p-s =o S V O En outre elles sont

    toutes compatibles avec la mecircme construction neacutegative agrave savoir la Neacutegation Affixale

    Afin de rendre compte de toutes ces similitudes formelles nous pouvons consideacuterer que ces

    constructions constituent un type particulier de constructions les constructions agrave extraction Ainsi

    nous proposons lanalyse suivante ces constructions heacuteritent de leurs caracteacuteristiques communes

    dune construction plus scheacutematique que nous appelons construction Extraction

    121 La Construction Extraction

    Dans les constructions Focalisation du Sujet Preacutesentatif et Focalisation du Compleacutement

    leacuteleacutement focaliseacute se place immeacutediatement avant le MP (sect 44) Sagissant de constructions

    focalisantes on peut supposer que leacuteleacutement mis en focus noccupe pas une position canonique mais

    une position speacutecifique au focus situeacutee sur le bord gauche du preacutedicat Ces constructions peuvent

    donc ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave extraction cest-agrave-dire des constructions dans

    lesquelles un eacuteleacutement laquo extrait raquo (le filler) est suivi par une construction phrastique preacutesentant un

    trou syntaxique (gap) correspondant agrave ce filler (Ginzburg amp Sag 2000 174) Cette analyse permet

    de reacuteduire la forme de ces constructions agrave un schegraveme unique FOC =p-s =o S V O (299-300)

    299) FOC =p S V O

    a [Ceeb]Filler =la Omar lekk [Oslash]Gap

    riz =FOCC Omar manger

    lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

    b [Omar]Filler =a [Oslash]Gap lekk ceeb

    Omar =FOCS manger riz

    lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    - 369 -

    c [Omar]Filler =a ngi [Oslash]Gap lekk ceeb

    Omar =PRSTPX manger riz

    lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    300) FOC =p -s =o V

    a [Lii]Filler =la -a [Oslash]Gap lekk

    CLCHSGDEMPX =FOCC -S1SG manger

    lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo

    b [Ma]Filler =a [Oslash]Gap =ko lekk

    PRO1SG =FOCS =O3SG manger

    lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

    c [Ma]Filler =a ngi [Oslash]Gap =ko lekk

    PRO1SG =PRSTPX =O3SG manger

    lsquoVoici que je lai mangeacutersquo

    Les constructions focalisantes ne sont pas les seules constructions agrave extraction en wolof En effet

    la construction Relatif implique eacutegalement une deacutependance filler-gap et preacutesente un schegraveme

    formellement identique NOM REL=s =o S V O (301a-d)

    301) NOM REL =s =o S V O

    a [ceeb]Filler bu Omar lekk [Oslash]Gap

    riz CLbREL Omar manger

    lsquodu riz quOmar a mangeacutersquo

    b [ceeb]Filler bu =ma lekk [Oslash]Gap

    riz CLbREL =S1SG manger

    lsquodu riz que jai mangeacutersquo

    c [xale]Filler bu [Oslash]Gap lekk ceeb

    enfant CLbREL manger riz

    lsquoun enfant qui a mangeacute du rizrsquo

    d [xale]Filler bu =ko [Oslash]Gap lekk

    enfant CLbREL =O3SG manger

    lsquoun enfant qui la mangeacutersquo

    - 370 -

    Ces donneacutees nous permettent de consideacuterer que les constructions Focalisation du Sujet

    Preacutesentatif Focalisation du Compleacutement et Relatif heacuteritent la deacutependance filler-gap ainsi que le

    schegraveme FILLER =p-s =o S V O dune construction plus scheacutematique que nous appelons construction

    Extraction

    Dans la construction Extraction le filler nest pas neacutecessairement un argument du verbe Dans la

    construction Focalisation du Compleacutement il peut sagir dun satellite (302a) dont la position

    canonique est en fin de proposition (302b) Dans la construction Relatif il peut sagir dun

    compleacutement geacutenitif dun des arguments du verbe (302c)

    302) a [Leacuteegi]Filler =la-a=ko=fi teg [Oslash]Gap (Diouf 2003 354)

    maintenant =FOCC-S1SG=O3SG=CLLOCDFPX poser

    lsquoJe viens tout juste de le poser lagraversquo

    b Keumlr =gi beneen melokaan =la am leacuteegi (Diouf 2003 423)

    maison =CLgDFPX CLgALT aspect =FOCCS3SG avoir maintenant

    lsquoLa maison a une autre allure maintenantrsquo

    c [Keumlr =gi]Filler neacuteeg =yi [Oslash]Gap weex (Sall 2005 177)

    maison =CLgDFPX chambre =CLyDFPX ecirctre_blanc

    =dafa rafet

    =FOCV-S3SG ecirctre_beau

    lsquoLa maison dont les chambres sont blanches est bellersquo

    Enfin notons que contrairement agrave ce quon observe dans dautres langues telles que langlais

    (Ginzburg amp Sag 2000 174-177) la topicalisation en wolof nest pas une construction agrave extraction

    En effet ces constructions ne preacutesentent pas de deacutependance filler-gap largument topicaliseacute doit

    ecirctre repris par un pronom en position canonique (303a-b) (Sall 2005 113-114) (sect 41)

    303) a [Mool yu bare] (Diouf 2003 227)

    pecirccheur CLyREL ecirctre_nombreux

    gaalu motoor =la-ntildeu am

    bateauGEN moteur =FOCC-S3PL avoir

    lsquoBeaucoup de pecirccheurs ont des bateaux agrave moteurrsquo

    (litt lsquoBeaucoup de pecirccheurs ceux sont des bateaux agrave moteur quils ontrsquo)

    - 371 -

    b [Sa mbeumlr =mi] (Diouf 2003 167)

    POSS2SG champion =CLmDFPX

    jeacutell-am =bi =dafa =ko bett

    chute-POSS3SG =CLbDFPX =FOCVS3SG =O3SG surprendre

    lsquoTon champion a eacuteteacute surpris par sa chutersquo (litt lsquoTon champion sa chute la surprisrsquo)

    122 La Construction Focalisation du Sujet

    La construction Focalisation du Sujet ne pose aucun problegraveme particulier dans le cadre de notre

    analyse Nous pouvons lanalyser comme une construction agrave extraction dans laquelle le sujet lexical

    (304a) ou pronominal (304b) est extrait de la structure canonique et laisse un trou syntaxique dans

    cette derniegravere

    304) a S FILLER =p (S)GAP V O

    [Omar]Filler =a [Oslash]Gap lekk ceeb

    Omar =FOCS manger riz

    lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    b s FILLER =p (-S)GAP =o V

    [Ma]Filler =a [Oslash]Gap =ko lekk

    1SG =FOCS =O3SG manger

    lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

    Il sagit donc dune instanciation de la construction Focus qui est elle-mecircme une instanciation de

    la construction Extraction Le sujet (lexical ou pronominal) est extrait de la structure canonique et

    laisse un trou syntaxique dans cette derniegravere et le marqueur preacutedicatif est a (304a-b)

    Le fait de consideacuterer la construction Focalisation du Sujet comme une construction agrave extraction

    semble compatible avec lanalyse proposeacutee par Kihm (1999) et Torrence (2013b) Selon ces auteurs

    la construction Focalisation du Sujet est une cliveacutee articuleacutee autour dun verbe copule a Comme

    nous lavons vu en (sect 256) cette analyse est contestable dans le cadre dune eacutetude synchronique du

    wolof Neacuteanmoins elle fournit une piste inteacuteressante concernant lorigine de la construction

    - 372 -

    Focalisation du Sujet De plus elle permet de rendre compte des emplois non verbaux de cette

    construction (sect 252)

    123 La Construction Preacutesentatif

    Au premier abord lanalyse de la construction Preacutesentatif ne semble pas poser problegraveme En

    effet cette construction peut ecirctre rapprocheacutee de la construction Focalisation du Sujet (Sauvageot

    1965 109-111 Church 1981 71-76 Diouf 1985 43 Bondeacuteelle 2015 118-120) La principale

    fonction discursive du Preacutesentatif est dintroduire une entiteacute ou une situation nouvelle dans le

    discours et dexprimer une information nouvelle sur cette entiteacute ou situation (sect 253) ce qui est

    coheacuterent avec la structure dune construction agrave extraction du sujet En outre comme nous lavons

    signaleacute en (sect 44) ces deux constructions preacutesentent le mecircme schegraveme S=s=p=o V O cest-agrave-dire

    S=p V O avec des arguments lexicaux (305a-b) et s=p=o V avec des arguments pronominaux

    (306a-b)

    305) S =p V O

    a Omar =a lekk ceeb lsquoCest Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    Omar =FOCS manger riz

    b Omar =a ngi lekk ceeb lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    Omar =PRSTPX manger riz

    306) S =p =o V

    a Ma =a =ko lekk lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

    PRO1SG =FOCS =O3SG manger

    b Ma =a ngi =ko lekk lsquoMe voici qui en ai mangeacutersquo

    PRO1SG =PRSTPX =O3SG manger

    Par ailleurs le MP du Preacutesentatif a ng- preacutesente un eacuteleacutement a identique au MP de la Focalisation

    du Sujet Enfin les paradigmes personnels des constructions Preacutesentatif et Focalisation du Sujet

    sont formellement analogues (Tableau 121) Comme nous lavons deacutemontreacute en (sect 421) les

    pronoms sujets de ces deux constructions sont des formes contracteacutees des pronoms forts

    - 373 -

    Tableau 121 - Analogie des paradigmes personnelsdes constructions Focalisation du Sujet et Preacutesentatif

    FOCS PRSTFOCS PRST

    SUJ MP SUJ MP

    SG

    1 maa maa ngi ma= a ma= a ng-

    2 yaa yaa ngi ya= a ya= a ng-

    3 moo mu ngilarr

    mu= a mu= (a) ng-

    PL

    1 noo nu ngi nu= a nu= (a) ng-

    2 yeena yeena ngi yeen= a yeen= a ng-

    3 ntildeoo ntildeu ngi ntildeu= a ntildeu= (a) ng-

    On pourrait donc supposer que la construction Preacutesentatif est deacuteriveacutee de la construction

    Focalisation du Sujet par lajout dun eacuteleacutement ng- immeacutediatement apregraves le MP a Cependant cette

    analyse ne permet pas de rendre compte de toutes les caracteacuteristiques de cette construction

    Robert (1991) et Perrin (2005) rapprochent plutocirct le Preacutesentatif du Minimal (ou plus preacuteciseacutement

    du Subjonctif-Conseacutecutif) Le premier argument avanceacute par ces auteurs est dordre formel Ils notent

    que leacuteleacutement a du marqueur du Preacutesentatif a ng- nest pas preacutesent agrave toutes les personnes il est

    absent agrave 3SG 1PL et 3PL174 Agrave ces personnes le pronom est identique au pronom sujet libre attesteacute

    avec le Subjonctif-Conseacutecutif (Robert 1991 169) Selon Perrin (2012 58-59) laquo le paradigme du

    preacutesentatif nest autre que le paradigme du narratif auquel on a ajouteacute le marqueur deacuteictique du

    preacutesentatif ngi lsquovoicirsquo raquo (Tableau 122) Concernant les formes 2SG et 2PL il explique quelles sont

    laquo obtenues par mutation des consonnes ng g en y raquo en sappuyant sur une hypothegravese de

    reconstruction proposeacutee par Dialo (1981b 307)

    Le second argument avanceacute par Robert (1991) et Perrin (2005) est dordre seacutemantique Selon ces

    auteurs le Preacutesentatif et le Minimal ont une valeur daoristique renvoyant agrave une saisie globale du

    procegraves (Perrin 2012 59)175 De plus selon Robert (1991 170) il sagit des deux seules

    constructions avec lesquelles laquo les verbes daction peuvent agrave laccompli avoir valeur de preacutesent

    voire de futur raquo Par ailleurs lexpression de la neacutegation permet eacutegalement de rapprocher le

    Preacutesentatif du Subjonctif-Conseacutecutif En effet ces deux constructions sont les seules dont les

    formes neacutegatives sarticulent autour dun verbe auxiliaire bantilde (refuser) ou ntildeagravekk (manquer) (sect 313)

    174 Du moins dans la paradigme laquo standard raquo (sect 1231)175 cf (sect 175) pour une preacutesentation du concept laquo aoristique raquo

    - 374 -

    Tableau 122 - Analogie des paradigmes personnelsdes constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Preacutesentatif176

    SUBJPRST

    FormeHypothegravese decomposition

    SG

    1 ma maa ngi ma a ng-

    2 nga yaa ngi nga a ng-

    3 mu mu ngi mu ng-

    PL

    1 nu nu ngi nu ng-

    2 ngeen yeena ngi ngeen a ng-

    3 ntildeu ntildeu ngi ntildeu ng-

    Enfin Torrence (2013a) propose une analyse diffeacuterente Il reconnaicirct que le Preacutesentatif utilise le

    mecircme paradigme pronominal que la Focalisation du Sujet (Torrence 2013a 45) Neacuteanmoins il

    neacutetablit pas dautres liens entre ces deux constructions Il analyse le Preacutesentatif comme une

    construction progressive exprimant une action en cours ou un eacutetat preacutesent (Torrence 2013a 30)

    Pour reacutesumer la construction Preacutesentatif semble tregraves proche de la construction Focalisation du

    Sujet fonction discursive comparable schegraveme identique preacutesence dun eacuteleacutement a dans le MP

    paradigmes personnels similaires On pourrait donc supposer que la construction Preacutesentatif est

    deacuteriveacutee de la construction Focalisation du Sujet par lajout dun eacuteleacutement ng- immeacutediatement apregraves le

    MP a Cependant cette analyse ne permet pas de rendre compte des idiosyncrasies du paradigme

    personnel releveacutees par Robert (1991) et Perrin (2005) Elle ne permet pas non plus dexpliquer

    pourquoi le suffixe de neacutegation est compatible avec la Focalisation du Sujet (sect 3112) mais pas

    avec le Preacutesentatif (sect 313) En outre cette analyse pose lexistence dun eacuteleacutement ng- qui nest

    attesteacute nulle part ailleurs dans la langue

    Afin dexpliquer les caracteacuteristiques de la construction Preacutesentatif nous proposons lanalyse

    suivante la construction Preacutesentatif est issue de la grammaticalisation dune construction locative

    mettant en jeu un deacutemonstratif de forme DEIC1-CL-DEIC2 La forme de cet eacuteleacutement sest figeacutee et par

    analogie avec la construction Focalisation du Sujet le marqueur deacuteictique 1 a eacuteteacute reacuteanalyseacute en

    marqueur de Focalisation du Sujet

    Plusieurs arguments viennent soutenir cette hypothegravese les variations attesteacutees dans la formes du

    MP et le paradigme personnel du Preacutesentatif (sect 1231) ainsi que les donneacutees issues de la

    comparaison des langues de la famille atlantique (sect 1232)

    176 Tableau adapteacute de Perrin (2012 58)

    - 375 -

    1231 Caracteacuteristiques formelles et variations du MP

    Nous avons deacutecrit en deacutetail la forme et le sens de la construction Preacutesentatif en (sect 253)

    Neacuteanmoins nous avons preacutesenteacute le paradigme laquo standard raquo de cette construction sans nous attarder

    sur le cas des variantes ou des idiosyncrasies

    La structure du marqueur du Preacutesentatif diffegravere de celle des autres MP Au-delagrave des normes

    orthographiques il semble ecirctre constitueacute de deux eacuteleacutements distincts a + ng- Leacuteleacutement ng- a une

    structure morphologique semblable agrave celle dun deacuteterminant En effet il est constitueacute de ng suivi

    dun marqueur deacuteictique proximal (-i) ou distal (-a) or le deacuteterminant deacutefini est constitueacute dune

    marque de classe nominale et des mecircmes marqueurs deacuteictiques (307a-b) Il peut eacutegalement se

    construire comme un deacuteterminant deacutemonstratif deacuteictique (307c) ou anaphorique (307d) On

    remarque que le deacuteterminant deacutemonstratif anaphorique preacutesente une structure CL-oo-CL-DEIC (307e)

    (Fal 1999 52-53) cest-agrave-dire une forme ougrave la marque de classe apparaicirct deux fois Or dans le cas

    du marqueur du Preacutesentatif leacuteleacutement ng- apparaicirct agrave linitial mais cest un -g- qui apparaicirct lors de la

    seconde occurrence ng-oo-g-DEIC (307d) Ce pheacutenomegravene nous permet de supposer que ng est

    probablement issu de la marque de classe nominale g- qui regroupe entre autres les toponymes et

    les arbres (Gueacuterin 2011 76) Lalternance g rarr ng agrave linitial pourrait ecirctre le reacutesultat dun processus

    morphophonologique (sect 0451)

    307) a Am ndoacuteomaar =a ng-i c-i mbaal =m-i (Diouf 2003 244)

    IDFCLm tortue_de_mer =A NG-PX PREP-PX filet =CLm-DFPX

    lsquoIl y a une tortue de mer dans le filetrsquo

    b Sama jabar =a ng-a c-a waantilde =w-a (Diouf 2003 357)

    POSS1SG femme =A NG-DT PREP-DT cuisine =CLw-DFDT

    lsquoMa femme est agrave la cuisinersquo

    c Omar =a ng-ale di dem ~ paaka =b-ale (Diouf 2003 51 60)

    Omar =A NG-DEMDT IPF partir couteau =CLb-DEMDT

    lsquoVoilagrave Omar qui sen varsquo lsquoce couteau-lagraversquo

    - 376 -

    d Aw doj =a ng-oo-g-ule (Diouf 2003 51)

    IDFCLw caillou =A NG-DEMANAPH-G-DEMANAPHPX

    ci sa wetu tagravenk

    PREPPX POSS2SG cocircteacuteGEN pied

    lsquoVoilagrave un caillou agrave cocircteacute de ton piedrsquo

    e Meumln =nantildeoo teumlkkale leacuteeb =y-oo-y-ulehellip (Diouf 2003 340)

    pouvoir =PRFS3PLDV comparer conte =CLy-DEMANAPH-CLy-DEMANAPHPX

    lsquoOn peut comparer ces conteshelliprsquo

    Par ailleurs lamalgame entre le pronom sujet et la voyelle initiale du marqueur connaicirct plusieurs

    variations (Church 1981 62-63) Agrave la troisiegraveme personne du singulier agrave la premiegravere personne du

    pluriel et agrave la troisiegraveme personne du pluriel on observe trois variantes possibles soit la voyelle a

    du MP est preacutesente et fusionne avec la voyelle finale du pronom (moo ngi noo ngi ntildeoo ngi) soit

    la voyelle finale -u du pronom est remplaceacutee par un -i (mi ngi ni ngi ntildei ngi) soit la voyelle a du

    MP est absente (mu ngi nu ngi ntildeu ngi) Par contre aux autres personnes la voyelle a du MP est

    toujours preacutesente (maa ngi yaa ngi yeena ngi) Church (1981 63) donne la freacutequence

    dutilisation des diffeacuterentes variantes

    Tableau 123 - Freacutequences des variantes des pronoms sujet au Preacutesentatif177

    -a -i -Oslash

    1SG ma 100 0 0

    2SG ya 100 0 0

    3SG m(u) 4 40 56

    1PL n(u) 31 8 61

    2PL yeen 100 0 0

    3PL ntilde(u) 22 15 63

    On constate que le paradigme laquo standard raquo du Preacutesentatif tel quil est preacutesenteacute dans la plupart des

    grammaires (sect 253) correspond aux freacutequences les plus eacuteleveacutees maa ngi yaa ngi mu ngi

    nu ngi yeena ngi ntildeu ngi Neacuteanmoins la variation est beaucoup plus importante que ce que ces

    grammaires pourraient laisser croire Aux personnes 3SG 1PL et 3PL les formes ougrave la voyelle a du

    MP est absente sont certes les plus freacutequentes mais elles repreacutesentent moins des deux tiers des

    177 Tableau adapteacute de Church (1981 63) Les freacutequences sont exprimeacutees en

    - 377 -

    emplois (1PL 3PL) voire juste un peu plus de la moitieacute (3SG) des occurrences Par ailleurs agrave ces

    personnes les formes les plus freacutequentes ne sont pas les formes attendues En effet la voyelle a du

    MP eacutetant systeacutematiquement preacutesente apregraves un pronom 1SG 2SG et 2PL ainsi quapregraves un sujet lexical

    on sattendrait agrave ce quelle le soit eacutegalement apregraves un pronom 3SG 1PL et 3PL Or les formes noo ngi

    et ntildeoo ngi sont relativement peu freacutequentes (respectivement 31 et 22 ) La forme moo ngi

    quant agrave elle est tregraves rare Church (1981 63) ne la releveacutee que chez sept locuteurs dont six avaient

    entre 7 et 17 ans ce qui pourrait laisser supposer quil sagit dune forme novatrice etou fautive

    Enfin les formes mi ngi ni ngi et ntildei ngi reacutesultent vraisemblablement dune reacuteinterpreacutetation de la

    voyelle finale du pronom en marqueur deacuteictique (qui saccorde avec le marqueur deacuteictique de ng-)

    Selon les observations de Church (1981 63) ces formes (notamment mi ngi) sont essentiellement

    attesteacutees au Cayor au Dyolof au Baol et au Walo cest-agrave-dire dans les reacutegions les plus

    anciennement peupleacutees par les wolofs Cette situation pourrait laisser supposer quil sagit de formes

    relativement anciennes dans lhistoire de la langue etou quil sagit de formes plus conservatrices

    que les deux autres

    1232 Un heacuteritage geacuteneacutetique

    Comme nous lavons vu en (sect 164) la plupart des langues atlantiques dispose dune construction

    locative pouvant eacutegalement ecirctre utiliseacutee comme construction preacutesentative etou progressive La

    structure de ces constructions ainsi que la forme du marqueur utiliseacute sont similaires dune langue

    atlantique agrave lautre alors quelles sont diffeacuterentes dans les langues de Seacuteneacutegambie appartenant agrave

    dautres familles Nous pouvons donc supposer que les constructions locatives-preacutesentatives des

    langues atlantiques modernes ont une origine commune

    La comparaison des langues atlantiques nous a permis de reconstruire la forme suivante en

    proto-atlantique PRO=DEIC1-CL-DEIC2 (sect 1642) Ainsi le marqueur est constitueacute dune base

    comprenant une marque de classe nominale (CL) et une marque deacuteictique (DEIC2) Cette base

    preacutesente une structure similaire agrave celle dun deacuteterminant deacutemonstratif Le marqueur peut eacutegalement

    comprendre une marque deacuteictique (DEIC1) pouvant servir de lien avec le pronom sujet Cette

    marque deacuteictique est rare dans les langues atlantiques mais sa preacutesence dans des langues

    appartenant agrave diffeacuterents groupes de la famille tend agrave prouver quelle existait dans la proto-langue

    Enfin si le sujet est un pronom il aura geacuteneacuteralement la forme dun pronom fort pouvant

    samalgamer avec le marqueur preacutesentatif

    Les donneacutees du wolof sont parfaitement coheacuterentes avec cette reconstruction Comme nous

    - 378 -

    lavons vu plus haut le marqueur du Preacutesentatif du wolof a ng- comprend une base ng- preacutesentant

    une structure morphologique semblable agrave celle dun deacuteterminant En effet cette base est constitueacutee

    dun eacuteleacutement ng- probablement issu du figement dune ancienne marque de classe (CL) et dune

    marque deacuteictique (DEIC2)

    Par ailleurs leacuteleacutement a du marqueur a ng- est probablement issu du figement dune marque

    deacuteictique (DEIC1) Plusieurs arguments viennent eacutetayer cette hypothegravese Pour commencer cet

    eacuteleacutement a est formellement identique agrave la marque deacuteictique distale du wolof En outre le figement

    dune marque distale dans le marqueur de preacutesentatif est attesteacute dans dautres langues atlantiques

    notamment plusieurs langues joola (sect 163) Par ailleurs les variations du paradigme personnel du

    Preacutesentatif viennent eacutegalement agrave lappui de notre hypothegravese Comme nous lavons vu plus haut aux

    personnes 3SG 1PL et 3PL les formes mi ngi ni ngi et ntildei ngi sont eacutegalement attesteacutees Dans ces

    formes leacuteleacutement a du marqueur a ng- ainsi que la voyelle finale du pronom sont remplaceacutes par une

    voyelle -i marque formellement identique agrave la marque deacuteictique proximale Ces formes eacutetant

    essentiellement attesteacutees dans les reacutegions les plus anciennement peupleacutees par les wolofs nous

    pouvons supposer quil ne sagit pas dinnovations reacutecentes mais plutocirct de formes conservatrices

    Ainsi ces donneacutees tendent agrave montrer que lopposition proximaledistale de la marque deacuteictique 1

    eacutetait productive dans un eacutetat anteacuterieur de la langue Cette hypothegravese est confirmeacutee par la description

    de Boilat (1858 81-82) cet auteur note que la marque deacuteictique 1 saccorde avec le deacuteictique 2 agrave

    la troisiegraveme personne du singulier

    Enfin comme nous lavons deacutemontreacute en (sect 421) si le sujet est un pronom il sagit de la forme

    contracteacutee dun pronom fort amalgameacutee avec le marqueur preacutesentatif Ainsi la structure

    PRO=DEIC1-CL-DEIC2 que nous avons reconstruite pour le proto-atlantique est compatible avec les

    donneacutees du wolof (308a-c)

    308) PRO= DEIC1 -CL -DEIC2

    a Ya= a -ng -i ci neacuteeg =bi (Diouf 2009 149)

    PRO2SG= (DT) PRST -PX PREPPX chambre =CLbDFPX

    lsquoTu es dans la chambrersquo

    b Ntildeu= Oslash -ng -a =fa joacutege deacutemb (Dialo 1981a 21)

    PRO3PL= PRST -DT =CLLOCDFDT provenir hier

    lsquoIls sont partis de lagrave-bas hierrsquo

    - 379 -

    c M= i -ng -i =fi (Dialo et al 1984 39)

    PRO3SG= PX PRST -PX =CLLOCDFPX

    lsquoIl est icirsquo

    Pour reacutesumer la construction Preacutesentatif du wolof semble clairement issue de la construction

    locative-preacutesentative du proto-atlantique La proto-forme PRO=DEIC1-CL-DEIC2 sest grammaticaliseacutee

    en PRO=(a) ng-DEIC2 en wolof contemporain

    1233 Hypothegravese de grammaticalisation

    Le chemin de grammaticalisation agrave lorigine de la construction Preacutesentatif en wolof est similaire

    agrave celui que nous avons deacutecrit pour les langues atlantiques (sect 1642)

    Deacutemonstratif rarr Deacutefini rarr Copule locative rarr Preacutesentatif (rarr Progressif)

    Un ancien deacuteterminant deacutemonstratif (ou deacutefini) sest dabord grammaticaliseacute en copule

    locative178 Puis cette copule sest grammaticaliseacutee en marqueur preacutesentatif179 On note que ce

    marqueur tend eacutegalement agrave ecirctre utiliseacute comme marqueur de progressif (cf Torrence 2013a)

    En se grammaticalisant le marqueur DEIC1-CL-DEIC2 a subi plusieurs transformations formelles

    Tout dabord la marque de classe sest figeacutee et correspond agrave la marque de classe g- Nous ignorons

    la raison dun figement dans cette classe Dans toutes les autres langues atlantiques soit la marque

    de classe saccorde avec le sujet soit elle sest figeacutee dans la classe des humains Or la classe des

    humains en wolof est classe k- la classe g- quant agrave elle regroupe entre autres les toponymes et

    les arbres (Gueacuterin 2011 76)

    La base CL-DEIC2 a ensuite subi un processus morphophonologique comparable agrave une alternance

    consonantique g rarr ng (sect 0451) Nous ignorons la raison de ce processus En wolof

    contemporain lalternance consonantique initiale est un processus morphophonologique servant

    essentiellement agrave construire des deacuteverbaux et qui nest plus productif

    La marque deacuteictique 1 sest figeacutee en marque distale a agrave toutes les personnes sauf 3SG ce qui

    correspond au paradigme preacutesenteacute par Boilat (1858 81-82) Agrave la troisiegraveme personne du singulier la

    marque deacuteictique 1 qui saccorde avec le deacuteictique 2 sest substitueacutee agrave la voyelle finale du pronom

    mu probablement en raison dune eacuterosion phoneacutetique Ce pheacutenomegravene a entraicircneacute une reacuteanalyse de la

    178 Ce type de grammaticalisation est attesteacute dans plusieurs langues (Heine amp Kuteva 2002 108-109)179 Ce pheacutenomegravene est attesteacute dans plusieurs langues (Gelderen 2011 133)

    - 380 -

    voyelle -u du pronom mu (3SG) en marque deacuteictique Cette reacuteanalyse a eacuteteacute eacutetendue par analogie

    aux autres pronoms finissant par un -u cest-agrave-dire nu (1PL) et ntildeu (3PL) Par la suite lopposition

    deacuteictique a commenceacute agrave disparaicirctre eacutegalement agrave ces personnes ce qui a entraicircneacute un retour agrave la

    voyelle originelle du pronom et agrave la disparition complegravete de la marque deacuteictique 1

    Le fait que lopposition deacuteictique soit resteacutee productive uniquement avec 3SG est coheacuterent avec sa

    fonction situer le sujet dans lespace ou le temps Pour les personnes deacutesignant le locuteur (1SG1PL)

    ou lallocutaire (2SG2PL) cette distinction semble plus accessoire ce qui pourrait expliquer sa

    disparition progressive de la langue Par ailleurs notre hypothegravese permet dexpliquer les reacutesultats

    statistiques de Church (1981) (Tableau 123) notamment les eacutecarts de freacutequence entre les formes

    3SG dune part et 1PL et 3PL dautre part Pour ces trois personnes les formes les plus freacutequentes sont

    celles ougrave la marque deacuteictique 1 est absente ce qui correspond agrave la derniegravere eacutetape de la

    grammaticalisation que nous avons preacutesenteacutee au paragraphe preacuteceacutedent En revanche on remarque

    des eacutecarts significatifs pour les autres formes Concernant 3SG les cas ougrave la marque deacuteictique sest

    substitueacutee agrave la voyelle du pronom (mi ngi) sont freacutequents alors que les cas ougrave la marque deacuteictique

    figeacutee vient sajouter au pronom (moo ngi) sont tregraves rares et semblent ecirctre des innovations reacutecentes

    En revanche pour 1PL et 3PL les cas ougrave la marque deacuteictique figeacutee vient sajouter au pronom

    (noo ngi ntildeoo ngi) sont relativement freacutequents il sagit de formes anciennes attesteacutees par Boilat

    (1858) Par contre les cas ougrave la marque deacuteictique sest substitueacutee agrave la voyelle du pronom (ni ngi

    ntildei ngi) sont plus rares il sagit de formes plus reacutecentes construites par analogie avec 3SG

    Enfin en se grammaticalisant la construction Preacutesentatif a commenceacute agrave assumer une fonction

    discursive relativement proche de celle de la Focalisation du Sujet introduire une entiteacute ou une

    situation nouvelle dans le discours et exprimer une information nouvelle sur cette entiteacute ou

    situation Cette eacutevolution seacutemantique a provoqueacute une reacuteanalyse de la construction Preacutesentatif par

    analogie avec la construction Focalisation du Sujet La marque deacuteictique 1 a eacuteteacute reacuteanalyseacutee en

    marque de focalisation du sujet Il est eacutegalement possible que cette analogie ait entraicircneacute une

    reacuteorganisation du schegraveme de la construction Preacutesentatif notamment en ce qui concerne la position

    des pronoms objets Neacuteanmoins nous ne disposons pas de suffisamment de donneacutees historiques

    pour pouvoir confirmer ou infirmer cette hypothegravese

    1234 Synthegravese

    En wolof contemporain la construction Preacutesentatif peut ecirctre analyseacutee comme une construction agrave

    extraction analogue agrave la construction Focalisation du Sujet le sujet lexical (309a) ou pronominal

    - 381 -

    (309b) est extrait de la structure canonique et laisse un trou syntaxique dans cette derniegravere

    309) a S FILLER =p (S)GAP V O

    [Omar]Filler =a ngi [Oslash]Gap lekk ceeb

    Omar =PRSTPX manger riz

    lsquoVoici Omar qui a mangeacute du rizrsquo

    b s FILLER =p (-S)GAP =o V

    [Ma]Filler =a ngi [Oslash]Gap =ko lekk

    1SG =PRSTPX =O3SG manger

    lsquoVoici que je lai mangeacutersquo

    Cette construction peut donc ecirctre analyseacutee comme une instanciation de la construction

    Focalisation du Sujet qui est elle-mecircme une instanciation de la construction Focus elle-mecircme

    instanciation de la construction Extraction Le sujet (lexical ou pronominal) est extrait de la

    structure canonique et laisse un trou syntaxique dans cette derniegravere (309a-b) Le marqueur preacutedicatif

    a ng- semble pouvoir sanalyser comme le marqueur de Focalisation du Sujet a auquel sajoute une

    marque ng-

    Cependant si cette analyse semble valide en synchronie elle ne permet pas de rendre compte de

    plusieurs idiosyncrasies de la construction Preacutesentatif notamment les variations formelles attesteacutees

    aux personnes 3SG 1PL et 3PL ou lincompatibiliteacute avec le suffixe de neacutegation -ul Afin dexpliquer

    ces idiosyncrasies nous posons lhypothegravese diachronique suivante la construction Preacutesentatif du

    wolof contemporain est issue de la grammaticalisation dune construction locative du proto-

    atlantique mettant en jeu un deacutemonstratif de forme DEIC1-CL-DEIC2 La forme de cet eacuteleacutement sest

    figeacutee et par analogie avec la construction Focalisation du Sujet le marqueur deacuteictique 1 a eacuteteacute

    reacuteanalyseacute en marqueur de focalisation du sujet Comme nous lavons vu en (sect 1233) cette

    hypothegravese permet de rendre compte des variations formelles attesteacutees dans le paradigme De plus

    elle permet dexpliquer lincompatibiliteacute avec le suffixe de neacutegation En effet il semblerait que dans

    les langues atlantiques modernes disposant dune construction locative-preacutesentative analogue cette

    construction ne soit pas compatible avec le marquage laquo standard raquo de la neacutegation mais preacutesente

    plutocirct une forme neacutegative speacutecifique Cest notamment le cas en noon (Soukka 2000 229) ou en

    joola banjal (Bassegravene 2006 133) Ainsi cette incompatibiliteacute semble ecirctre une proprieacuteteacute de la proto-

    forme

    - 382 -

    Le wolof contemporain dispose donc de deux constructions focalisant largument sujet

    Focalisation du Sujet et Preacutesentatif La construction Focalisation du Sujet permet dexprimer un

    focus assertif ou contrastif du sujet alors que la construction Preacutesentatif permet dexprimer un focus

    preacutesentationnel du sujet Ces deux constructions preacutesentent une structure formellement identique

    S=s=p=o V O Elles se distinguent concernant trois points

    bull Forme du marqueur preacutedicatif a pour la Focalisation du Sujet et a ng- pour le Preacutesentatif

    bull Paradigme personnel reacutegulier pour la Focalisation du Sujet variations avec 3SG 1PL et 3PL

    pour le Preacutesentatif

    bull Forme neacutegative Neacutegation Affixale pour la Focalisation du Sujet Neacutegation agrave Verbe

    Auxiliaire pour le Preacutesentatif

    124 La Construction Focalisation du Compleacutement

    La construction Focalisation du Compleacutement ne pose aucun problegraveme particulier dans le cadre

    de notre analyse Nous pouvons lanalyser comme une construction agrave extraction dans laquelle

    lobjet (310a-b) ou un satellite du verbe (311a-b) est extrait de la structure canonique et laisse un

    trou syntaxique dans cette derniegravere

    310) a O FILLER =p S V (O)GAP

    [Ceeb]Filler =la Omar lekk

    riz =FOCC Omar manger

    lsquoCest du riz quOmar a mangeacutersquo

    b o FILLER =p -s (o)GAP V

    [Moom]Filler =la -a lekk

    PRO3SG =FOCC -S1SG manger

    lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo

    311) a X FILLER =p S V O (X)GAP

    [Deacutemb]Filler =la Omar lekk ceeb

    hier =FOCC Omar manger riz

    lsquoCest hier quOmar a mangeacute du rizrsquo

    - 383 -

    b x FILLER =p -s =o (x)GAP V

    [Fii]Filler =la -a =ko lekk

    CLLOCDEMPX =FOCC -S1SG =O3SG manger

    lsquoCest ici que jen ai mangeacutersquo

    Il sagit donc dune instanciation de la construction Focus qui est elle-mecircme une instanciation de

    la construction Extraction Lobjet ou le satellite est extrait de la structure canonique et laisse un

    trou syntaxique dans cette derniegravere et le marqueur preacutedicatif est la (310-311)

    Le fait de consideacuterer la construction Focalisation du Compleacutement comme une construction agrave

    extraction semble compatible avec lanalyse proposeacutee par Kihm (1999) et Torrence (2013b) Selon

    ces auteurs la construction Focalisation du Compleacutement est une cliveacutee articuleacutee autour dun verbe

    copule a auquel est preacutefixeacute un pronom expleacutetif l- issu de la classe nominale des choses180 Ainsi le

    marqueur la du wolof aurait une fonction et une structure similaires agrave la locution cest du franccedilais

    (cf traductions de 310-311) Les donneacutees du dialecte leacutebou nous permettent de poser une hypothegravese

    similaire Dans ce dialecte Diouf (2016) identifie une copule verbale (l)a pouvant eacutegalement ecirctre

    utiliseacutee comme auxiliaire dimperfectif Nous pouvons donc supposer que le MP la est issu de la

    copule homonyme Le l- de ce marqueur ne semble donc pas ecirctre la trace dun pronom expleacutetif

    mais est simplement la consonne initiale de la copule Neacuteanmoins une eacutetude plus approfondie des

    donneacutees du dialecte leacutebou est neacutecessaire pour veacuterifier cette hypothegravese

    Comme nous lavons vu en (sect 256) ces hypothegraveses sont contestables dans le cadre dune eacutetude

    synchronique du wolof Neacuteanmoins elles fournissent une piste inteacuteressante concernant lorigine de

    la construction Focalisation du Compleacutement De plus elles permettent de rendre compte des

    emplois non verbaux de cette constructions (sect 252)

    125 La Construction Relatif

    Comme nous lavons signaleacute en (sect 121) il existe deux types de constructions agrave extraction en

    wolof les constructions focalisantes et les constructions relatives Comme la construction Focus la

    construction Relatif est une instanciation de la construction Extraction dont elle heacuterite des

    principales caracteacuteristiques structure impliquant une deacutependance filler-gap et schegraveme

    FILLER p-s=o S V O

    180 cf (sect 41) pour une preacutesentation des classes nominales

    - 384 -

    Ainsi la construction Relatif preacutesente une structure formellement analogue agrave celle de la

    construction Focus La relativisation du sujet preacutesente une structure similaire agrave la Focalisation du

    Sujet Nous pouvons lanalyser comme une construction agrave extraction dans laquelle le sujet (312a-b)

    est extrait de la structure canonique et laisse un trou syntaxique dans cette derniegravere

    312) a S FILLER p (S)GAP V O

    [xale]Filler bu [Oslash]Gap lekk ceeb

    enfant CLbREL manger riz

    lsquoun enfant qui a mangeacute du rizrsquo

    b s FILLER p (S)GAP =o V

    [xale]Filler bu [Oslash]Gap =ko lekk

    enfant CLbREL =O3SG manger

    lsquoun enfant qui la mangeacutersquo

    De mecircme la relativisation du compleacutement preacutesente une structure similaire agrave la Focalisation du

    Compleacutement Nous pouvons lanalyser comme une construction agrave extraction dans laquelle lobjet

    du verbe (313a-b) est extrait de la structure canonique et laisse un trou syntaxique dans cette

    derniegravere

    313) a O FILLER p S V (O)GAP

    [ceeb]Filler bu Omar lekk

    riz CLbREL Omar manger

    lsquodu riz quOmar a mangeacutersquo

    b O FILLER p =s V (O)GAP

    [ceeb]Filler bu =ma lekk

    riz CLbREL =S1SG manger

    lsquodu riz que jai mangeacutersquo

    Neacuteanmoins la construction Relatif preacutesente plusieurs caracteacuteristiques qui la distinguent

    nettement de la construction Focus Contrairement aux constructions focalisantes linstanciation de

    la construction Relatif ne constitue pas une phrase indeacutependante mais une proposition subordonneacutee

    (312-313) Par ailleurs si la construction Relatif preacutesente un schegraveme FILLER p-s=o S V O la position

    - 385 -

    laquo p raquo nest pas occupeacutee par un MP mais par un relativiseur (312-313) (sect 244) De plus dans la

    construction Relatif la position laquo p raquo peut ne pas ecirctre remplie En effet le relativiseur disparaicirct si

    lanteacuteceacutedent de la proposition relative est deacutetermineacute par un article deacutefini (314a) ou un deacuteterminant

    deacutemonstratif (314b) (Sall 2005 160-165)

    314) a Nit =ki [Oslash ntildeeumlw tey] dafa gumba (Sall 2005 161)

    personne =CLkDFPX venir aujourdhui FOCVS3SG ecirctre_aveugle

    lsquoLa personne qui est venue aujourdhui est aveuglersquo

    b Jamono =jooja [Oslash mu=y wax] (Sall 2005 158)

    eacutepoque =CLjDEMANAPHDT S3SG=IPF parler

    neexoon =na

    ecirctre_agreacuteablePAS =PRFS3SG

    lsquoCette eacutepoque lagrave dont il parle eacutetait tregraves agreacuteablersquo

    Par ailleurs on note que les cas ougrave la position filler est occupeacutee par un pronom sont relativement

    rares Ils semblent limiteacutes aux relatives explicatives (315a-b) (Sall 2005 187)181

    315) a Abdu moom mi muus ntildeeumlw =na (Sall 2005 187)

    Abdou PRO3SG CLmRELPX ecirctre_ruseacute venir =PRFS3SG

    lsquoAbdou lui qui est intelligent est venursquo

    b moom mi beumlggoon=a dem (Diouf 2003 13)

    PRO3SG CLmRELPX vouloirPAS=DV partir

    lsquolui qui voulait partirrsquo

    Enfin la construction Relatif est la seule construction agrave extraction dans laquelle le filler peut ecirctre

    omis Dans les relatives sans anteacuteceacutedent (316a) et les interrogatives partielles (316b) la position

    filler est vide Cette omission est rendue possible par le sens veacutehiculeacute par la marque de classe du

    relativiseur Comme nous lavons vu en (sect 41) certaines marques reacutefegraverent speacutecifiquement agrave une

    chose (l-) un individu humain (k-) un lieu (f-) ou une maniegravere (n-) Avec ce type de marque

    lexpression du nom de domaine devient redondante et donc inutile182

    181 Ce pheacutenomegravene nest pas propre au wolof Il est attesteacute dans plusieurs autres langues notamment en franccedilais182 La preacutesence de ce nom est facultative avec les classes l- et k- mais elle est impossible avec les classes f- et n- En

    effet en wolof contemporain ces classes sont purement fonctionnelles Elles ne peuvent pas ecirctre analyseacutees commedes classes nominales dans le sens ougrave aucun nom nappartient agrave ces classes Il sagit vraisemblablement danciennesclasses nominales qui se sont grammaticaliseacutees en marqueurs locatif et de maniegravere

    - 386 -

    316) a [Oslash]Filler lu =ma =ko wax [Oslash]Gap (Diouf 2003 527)

    CLCHREL =S1SG =O3SG dire

    lsquoce que je lui disrsquo

    b [Oslash]Filler Lu =mu =la dig [Oslash]Gap (Diouf 2003 104)

    CLCHREL =S3SG =O2SG promettre

    lsquoQuest-ce quil ta promis rsquo

    126 Les Constructions Temporelle et Hypotheacutetique

    Comme nous lavons vu en (sect 245) les subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques sont

    formellement semblables aux relatives sans anteacuteceacutedent En effet il sagit de propositions

    deacutependantes introduites par une conjonction morphologiquement identique aux relativiseurs et elles

    preacutesentent un schegraveme p-s=o S V O Plusieurs eacuteleacutements tendent agrave montrer que ces subordonneacutees sont

    issues de la grammaticalisation de propositions relatives

    Cependant elles preacutesentent plusieurs particulariteacutes qui les distinguent du Relatif preacutesence dun

    suffixe verbal danteacuterioriteacute -ee valeur dirrealis donneacutee au suffixe -oon valeur speacutecifique des

    marques de classe b- et s- et absence du pronom personnel de troisiegraveme personne avec les

    conjonctions non reacutefeacuterentielles

    Dans le cadre de notre analyse nous proposons didentifier deux constructions Subordonneacutee

    Temporelle (317a-b) et Subordonneacutee Hypotheacutetique (318a-b) Ces constructions se distinguent lune

    de lautre essentiellement en ce qui concerne la forme et les possibiliteacutes de variation de la

    conjonction (sect 245)

    317) a (X FILLER) p S V O (X)GAP

    [beacutes]Filler bi Omar lekk-ee ceeb [Oslash]Gap

    jour TEMP Omar manger-ANT riz

    lsquoquand (le jour ougrave) Omar a mangeacute du rizrsquo

    - 387 -

    b (X FILLER) p =s =o V (X)GAP

    [beacutes]Filler bi =ma =ko lekk-ee [Oslash]Gap

    jour TEMP =S1SG =O3SG manger-ANT

    lsquoquand (le jour ougrave) je lai mangeacutersquo

    318) a (X FILLER) p S V O (X)GAP

    [saa]Filler su Omar lekk-ee ceeb [Oslash]Gap

    moment HYP Omar manger-ANT riz

    lsquosi (chaque fois que) Omar a mangeacute du rizrsquo

    b (X FILLER) p =s =o V (X)GAP

    [saa]Filler su =ma =ko lekk-ee [Oslash]Gap

    moment HYP =S1SG =O3SG manger-ANT

    lsquosi (chaque fois que) je lai mangeacutersquo

    Ces deux constructions peuvent ecirctre analyseacutees comme des instanciations de la construction

    Relatif dont le nom de domaine est un satellite du verbe

    127 Synthegravese

    On peut identifier en wolof une construction Extraction Du point de vue du sens cette

    construction se caracteacuterise par le fait de seacutelectionner et disoler un eacuteleacutement de la phrase en lui

    confeacuterant une position informationnelle forte (foreground) (Croft 2001 153 Neveu 2011 156)

    Du point de vue formel cette construction se caracteacuterise par plusieurs traits

    bull Structure impliquant une deacutependance filler-gap cest-agrave-dire une structure dans laquelle un

    eacuteleacutement laquo extrait raquo (le filler) est suivi par une construction phrastique preacutesentant un trou

    syntaxique (gap) correspondant agrave ce filler (cf Ginzburg amp Sag 2000 174)

    bull Schegraveme FILLER =p-s=o S V O La position respective de lobjet pronominal (o) et du sujet

    lexical (S) est notamment caracteacuteristique de la construction Extraction

    bull Neacutegation exprimeacutee par le suffixe de neacutegation -ul La Neacutegation Affixale (sect 3112) est

    compatible uniquement avec la construction Extraction et la construction Focalisation du

    Verbe

    - 388 -

    On peut identifier deux types de construction Extraction en wolof la construction Focus et la

    construction Relatif Ces deux constructions se distinguent en premier lieu par leur sens La

    construction Focus exprime un contraste entre leacuteleacutement mis en filler (le focus) et un ou plusieurs

    autres eacuteleacutements susceptibles doccuper la mecircme place La construction Relatif exprime une

    proprieacuteteacute permettant de restreindre lensemble des reacutefeacuterents potentiels de leacuteleacutement mis en filler (le

    nom de domaine) ou dajouter un commentaire agrave propos du reacutefeacuterent auquel renvoie cet eacuteleacutement

    (Creissels 2006b 207) En outre ces deux constructions se distinguent par certaines

    caracteacuteristiques formelles

    Tableau 124 - Caracteacuteristiques formelles des constructions Focus et Relatif

    Construction Focus Construction Relatif

    Instanciation correspond agraveune phrase indeacutependante

    Instanciation correspond agraveune proposition subordonneacutee

    Position laquo p raquo occupeacutee parun marqueur preacutedicatif

    Position laquo p raquo occupeacutee parun relativiseur de type joncteur

    Position laquo p raquo est toujours pleinePosition laquo p raquo peut ecirctre vide

    (relativiseur disparaicirct si le nom de domaineest deacutetermineacute par un deacuteterminant deacutefini)

    Filler toujours preacutesentFiller peut ecirctre absent(relatives sans anteacuteceacutedentet interrogatives partielles)

    On peut eacutegalement distinguer plusieurs types de constructions en fonction de leacuteleacutement extrait

    sujet objet ou satellite Dans le cas de la construction Relatif cette distinction naura aucun impact

    sur la forme du relativiseur En revanche dans le cas de la construction Focus cette distinction aura

    un impact sur la forme du MP On peut ainsi distinguer deux constructions focalisantes la

    construction Focalisation du Sujet (MP a) lorsque leacuteleacutement extrait est le sujet et la construction

    Focalisation du Compleacutement (MP la) lorsque leacuteleacutement extrait est un objet ou satellite

    Enfin on peut identifier plusieurs constructions plus speacutecifiques La construction Preacutesentatif

    peut en synchronie ecirctre analyseacutee comme un cas particulier de la construction Focalisation du Sujet

    dont elle heacuterite la plupart des traits De mecircme les constructions Subordonneacutee Temporelle et

    Subordonneacutee Hypotheacutetique peuvent ecirctre analyseacutees comme des cas particuliers de la construction

    Relatif dont elles heacuteritent la plupart des traits

    Le lien entre constructions focalisantes et constructions relatives via le processus dextraction

    nest pas limiteacute au wolof Schachter (1973) a montreacute que dans un grand nombre de langues ces

    deux types de construction preacutesentent des similitudes formelles Cest notamment le cas en anglais

    - 389 -

    (germanique indo-europeacuteen) en akan (Niger-Congo) en haoussa (tchadique afro-asiatique) ou en

    ilongo (malayo-polyneacutesien) Cest eacutegalement le cas en peul ougrave les mecircmes marques de flexion

    verbale sont utiliseacutees dans les constructions focalisantes et relatives (Gottschligg 2006 155)

    Dans la Figure (121) les constructions sont repreacutesenteacutees sous la forme dune liste de traits

    caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit pas de formalisation mais plutocirct de repreacutesentation

    syntheacutetique Dans ce scheacutema les flegraveches pleines sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en pointilleacutes

    sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions Le lien

    diachronique nest pas un lien dheacuteritage au sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques

    de la construction fille sont historiquement heacuteriteacutees de la construction megravere Nous avons repreacutesenteacute

    le gap par un gris clair dans le schegraveme de la construction Pour des raisons de lisibiliteacute nous navons

    pas repreacutesenteacute la liste complegravete des traits pour chaque construction Une absence de trait explicite

    signifie heacuteritage du trait de la construction megravere

    - 390 -

    - 391 -

    Figure 121 - Reacuteseau des constructions agrave extraction

    Construction Extraction

    - Construction filler-gap- Schegraveme FILLER =p-s =o S V O- Compatible Neacutegation affixale- Sens = emphase sur le filler

    Construction Locative

    - Schegraveme S =DEM (V)- DEM = DEIC1-CL-DEIC2 (DEIC1 = a CL = ng)- Incompatible Neacutegation affixale- Sens = situer le sujet

    LD LI

    Construction Focus

    - Schegraveme FOC =MP-s =o S V O - filler = eacuteleacutement focaliseacute - p = MP- p toujours preacutesent- filler toujours preacutesent- Proposition indeacutependante- Sens = focalisation du filler

    Construction Relatif

    - Schegraveme NOM =REL-s =o S V O - filler = eacuteleacutement relativiseacute - p = relativiseur- p peut ecirctre absent- filler peut ecirctre absent- Proposition deacutependante- Sens = relativisation du filler

    ConstructionFocalisation du Sujet

    - Schegraveme S =a-s =o S V O - filler = sujet - p = MP a- Sens = focus sujet

    ConstructionFocalisation du Compleacutement

    - Schegraveme FOC =la-s =o S V O - filler = objet ou satellite - p = MP la- Sens = focus compleacutement

    ConstructionFocalisation de lObjet

    - Schegraveme O =la-s =o S V O - filler = objet- Sens = focus objet

    ConstructionFocalisation de Satellite

    - Schegraveme X =la-s =o S V O - filler = satellite- Sens = focus satellite

    ConstructionPreacutesentatif

    - Schegraveme S =angi-s =o S V O - filler = sujet - p = MP a ng-- Incompatible Neacutegation affixale- Sens = focus preacutesentationnel

    Construction Relatif Sujet

    - Schegraveme S =REL-s =o S V O - filler = sujet- Sens = relativisation du sujet

    Construction Relatif Objet

    - Schegraveme O =REL-s =o S V O - filler = objet- Sens = relativisation de lobjet

    Construction Relatif Satellite

    - Schegraveme X =REL-s =o S V O - filler = satellite- Sens = relativisation dun satellite

    Construction SubordonneacuteeTemporelle-Hypotheacutetique

    - Schegraveme (X) =REL-s =o S V-ee O - filler = beacutes saahellip - p = busu- p toujours preacutesent- filler geacuteneacuteralement absent- Sens = subordonneacutee circonstancielle

    ConstructionSubordonneacutee Hypotheacutetique

    - Schegraveme (X) =REL-s =o S V-ee O - filler = beacutes saahellip - p = subu- Sens = subordonneacutee hypotheacutetique

    ConstructionSubordonneacutee Temporelle

    - Schegraveme (X) =REL-s =o S V-ee O - filler = beacuteshellip - p = bu- Incompatible passeacute (w)oon- Sens = subordonneacutee temporelle

    LI

    LI LI

    LI

    LI

    LILI

    LI LI

    LI

    LI

    LI

    - 392 -

    CCHAPITREHAPITRE 13 - 13 - LLAA POLYGRAMMATICALISATIONPOLYGRAMMATICALISATION DEDE lsquo lsquoNANArsquorsquo

    Les constructions Parfait Futur et Optatif diffegraverent du point de vue seacutemantique et

    morphosyntaxique (Ch 2) Neacuteanmoins on constate que leurs MP respectifs sont similaires na

    (parfait) dina (futur) et na (optatif) Selon nous cette similitude nest pas une coiumlncidence mais

    peut ecirctre expliqueacutee en ayant recours agrave la diachronie Nous posons lhypothegravese dune

    polygrammaticalisation cest-agrave-dire que ces trois constructions reacutesultent de la grammaticalisation

    dune seule et mecircme construction (Hopper amp Traugott 2003 114-115)

    131 Problegravemes dans lanalyse du marqueur preacutedicatif lsquonarsquo

    Depuis les premiegraveres grammaires jusquaux travaux les plus reacutecents le systegraveme de preacutedication

    verbale a connu plusieurs analyses plus ou moins proches les unes des autres Parmi les diffeacuterences

    que lon peut relever lune des plus importantes concerne lanalyse du marqueur du Parfait na En

    effet il nexiste pas de consensus concernant cet eacuteleacutement que ce soit sur le plan morphosyntaxique

    ou seacutemantique

    Concernant le statut morphosyntaxique de na on trouve plusieurs types danalyse dans la

    litteacuterature La premiegravere consiste agrave traiter na comme un pronom personnel (Dard 1826 38 Roger

    1829 47 Kobegraves 1869 90 Njie 1982 101-102) La seconde analyse traite na comme un mot ou

    un morphegraveme dont le statut est plus ou moins expliciteacute par lauteur morphegraveme (Sauvageot 1965

    100) marque (Dialo 1981a Church 1981) ou particule (Dunigan 1994 12) Seuls trois auteurs

    fournissent une analyse relativement explicite de na Boilat (1858 86) considegravere quil sagit dun

    verbe a (ecirctre) preacuteceacutedeacute dun n eacutepentheacutetique Robert (1991 21-23) le rapproche des laquo Indices

    Personne Aspect-temps Mode (IPAM) raquo de la linguistique tchadique et Diouf (2009 147-151)

    considegravere quil appartient agrave une cateacutegorie lexicale speacutecifique les modalisateurs

    Concernant le statut seacutemantique de na leacutecart entre les analyses est parfois tregraves important et met

    en lumiegravere la difficulteacute de situer ce morphegraveme et la construction qui lui est lieacutee au sein du systegraveme

    de preacutedication verbale Dard (1826 38-41) et Boilat (1858 77-165) analysent implicitement ce

    morphegraveme comme un marqueur du mode indicatif Kobegraves (1869 112) considegravere eacutegalement quil

    marque un mode mais un mode relativement neutre qui laquo expose ou eacutenonce purement et

    - 393 -

    simplement le fait attributif dans ses rapports avec le temps et les personnes raquo quil nomme

    eacutenonciatif cette analyse sera reprise par Dialo (1981a) et Church (1981) Pour Roger (1829 67)

    cette construction doit ecirctre analyseacutee comme un preacutesent indeacutefini Sauvageot (1965 100-101)

    propose quant agrave lui une analyse aspectuelle puisquil considegravere cette construction comme un aspect

    accompli cette analyse sera reprise par Njie (1982 140) Robert (1991 35-68) insiste eacutegalement

    sur la valeur aspectuelle de la construction mais son analyse deacutetailleacutee lamegravene agrave lanalyser comme

    un parfait183 Diouf (2009 150) met en avant le caractegravere accompli de la construction mais

    lanalyse plutocirct comme une focalisation du verbe Dunigan (1994 12-17) analyse na comme la

    marque de la polariteacute affirmative ou de la modaliteacute eacutepisteacutemique Enfin Zribi-Hertz amp Diagne

    (1999) analysent ce morphegraveme comme la marque de finitude du verbe Ainsi pour reacutesumer le

    morphegraveme na a fait lobjet danalyses extrecircmement varieacutees et parfois contradictoires puisquil a eacuteteacute

    consideacutereacute comme une marque de mode (indicatif ou eacutenonciatif) de temps (preacutesent) daspect

    (accompli ou parfait) de structure informationnelle (focalisation du verbe) de polariteacute (affirmative)

    ou de finitude

    Lobjectif de ce chapitre est de fournir une analyse unifieacutee et coheacuterente qui permette eacutegalement

    de justifier les choix des auteurs qui ont abordeacute cette question En effet si la majeure partie des

    analyses anteacuterieures ne peuvent ecirctre reprises inteacutegralement les choix des auteurs reposent souvent

    sur des eacuteleacutements importants qui ne sauraient ecirctre occulteacutes

    132 De la Focalisation du Verbe au Parfait

    La construction Parfait preacutesente plusieurs caracteacuteristiques qui la distinguent des autres

    constructions preacutedicatives la principale eacutetant lalignement syntaxique des eacuteleacutements En effet agrave la

    diffeacuterence de tous les autres MP na se place immeacutediatement apregraves le verbe (sect 515) Par ailleurs le

    Parfait est lune des seules constructions agrave ne pas pouvoir former de preacutedicat non verbal (sect 211)

    Enfin on remarque quavec lauxiliaire dImperfectif la construction Parfait exprime un futur Or

    cette lecture est probleacutematique le sens de la construction Futur nest absolument pas

    compositionnel en synchronie (un parfait imperfectif na a priori pas un sens de futur) et nous ne

    connaissons aucune langue dans laquelle un parfait imperfectif sest grammaticaliseacute en futur (Heine

    amp Kuteva 2002)

    Afin dexpliquer ces pheacutenomegravenes nous proposons lanalyse suivante la construction Parfait en

    183 Cest lanalyse que nous avons retenue dans ce travail (sect 211)

    - 394 -

    wolof contemporain servait agrave noter une focalisation du verbe dans un eacutetat anteacuterieur de la langue 184

    Plusieurs arguments viennent soutenir cette hypothegravese

    bull La forme du marqueur na est analogue agrave celle des marqueurs des constructions focalisantes

    bull Le paradigme personnel du Parfait est identique agrave celui des constructions focalisantes

    bull Le schegraveme de preacutedication du Parfait peut ecirctre rapprocheacute du schegraveme des constructions

    focalisantes avec le verbe dans une position comparable agrave la position focus

    bull Le changement seacutemantique entre lancienne construction et lactuel Parfait est coheacuterent avec

    lhypothegravese dun processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique

    bull Lhypothegravese dune telle origine permet dexpliquer plusieurs caracteacuteristiques du Futur

    Avant de preacutesenter nos arguments nous souhaitons insister sur le fait que notre hypothegravese nest

    quune hypothegravese permettant dexpliquer plusieurs pheacutenomegravenes observables en synchronie Il est

    impossible de deacuteterminer avec certitude que la construction Parfait exprimait une focalisation du

    verbe dans un eacutetat anteacuterieur de la langue et cela pour deux raisons La premiegravere raison est que le

    wolof eacutetant une langue agrave tradition orale nous ne disposons que de tregraves peu de textes anciens dans

    cette langue Les textes les plus anciens remontent au deacutebut du XIXe siegravecle et sont principalement

    lœuvre de missionnaires ou autres membres de ladministration coloniale comme par exemple les

    grammaires de Dard (1826) et Boilat (1858) Cependant la culture arabo-musulmane est entreacutee en

    contact avec les peuples dAfrique de lOuest agrave partir du VIIIe siegravecle et la transcription en alphabet

    arabe des langues locales comme le wolof est probablement ancienne (Cisseacute Ma 2006)

    Malheureusement laccegraves agrave ces textes potentiels et leur deacutechiffrement nest pas encore dactualiteacute

    La seconde raison est que la linguistique historique ne peut malheureusement pas nous ecirctre dune

    grande aide En effet le wolof dispose dune parenteacute relativement bien eacutetablie avec dautres langues

    comme le peul ou le seacuteregravere (sect 043) Cependant la distance geacuteneacutetique entre ces langues est

    significativement supeacuterieure agrave celle que lon observe par exemple entre des langues indo-

    europeacuteennes (Pozdniakov 2007) Ainsi en labsence de tradition eacutecrite cela implique que plusieurs

    milliers danneacutees deacutevolution de la langue wolof sont inaccessibles

    Neacuteanmoins leacutevolution dune construction syntaxique laisse des traces dans la langue moderne

    notamment dans la morphologie la syntaxe et la seacutemantique La mise en lumiegravere de lensemble de

    ces traces constitue une argumentation relativement solide pour confirmer leacutevolution de la

    184 Cette hypothegravese rejoint lanalyse de Diouf (2009 150) qui traite cette construction comme une focalisation duverbe en synchronie

    - 395 -

    construction verbale en question

    1321 Analogie des formes des marqueurs preacutedicatifs

    Notre premier argument concerne lanalogie formelle des MP de la Focalisation du Sujet (a) de

    la Focalisation du Compleacutement (la) et du Parfait (na) En effet ces trois MP ont pour forme [(C)a]

    Cette forme contraste avec celles des autres MP a ngi (Preacutesentatif) dafa (Focalisation du Verbe)

    dina (Futur) du (Futur Neacutegatif) et bul (Prohibitif) Notons que le marqueur de lOptatif est

    eacutegalement na alors quil semble a priori navoir aucun lien seacutemantique avec les constructions

    focalisantes Neacuteanmoins ce marqueur a la mecircme origine que celui du Parfait (sect 134)

    Comme nous lavons vu en (sect 256) Kihm (1999) et Torrence (2013b) ont proposeacute une analyse

    permettant de regrouper les marqueurs a (Focalisation du Sujet) et la (Focalisation du

    Compleacutement) Selon ces auteurs les constructions focalisantes mettent en jeu un verbe copule a

    Dans le cas ougrave leacuteleacutement focaliseacute nest pas le sujet le l- preacutefixeacute agrave la copule est analyseacute comme un

    pronom expleacutetif issu de la classe nominale des choses185 Comme nous lavons vu en (sect 124) les

    donneacutees du dialecte leacutebou nous permettent de poser une hypothegravese similaire Dans ce dialecte

    Diouf (2016) identifie une copule verbale (l)a pouvant eacutegalement ecirctre utiliseacutee comme auxiliaire

    dimperfectif Nous pouvons donc supposer que les MP a et la sont deux allomorphes de la copule

    (l)a En admettant que lune ou lautre de ces analyses soit exacte on pourrait rapprocher le MP na

    des copules a et la

    Cette analogie formelle des MP ne constitue pas un argument suffisant pour nous permettre de

    rapprocher la construction Parfait des constructions focalisantes Cette similitude pourrait ecirctre due agrave

    une eacutevolution par analogie ou simplement ecirctre une coiumlncidence Neacuteanmoins en appui des autres

    arguments que nous allons preacutesenter cette analogie semble confirmer notre hypothegravese

    1322 Identiteacute des paradigmes

    Notre second argument concerne lidentiteacute des paradigmes personnels Le paradigme des affixes

    sujets lieacutes au MP de la Focalisation du Compleacutement (la) et le paradigme des affixes sujets lieacutes au

    MP du Parfait (na) sont identiques (Tableau 131) alors quils diffegraverent pour tous les autres MP De

    plus labsence de MP agrave la deuxiegraveme personne du singulier et du pluriel est eacutegalement une

    caracteacuteristique partageacutee uniquement par ces deux constructions (sect 422)

    185 cf (sect 41) pour une preacutesentation des classes nominales

    - 396 -

    Tableau 131 - Affixes sujets lieacutes aux marqueurs preacutedicatifs la et na

    FOCC PRF

    MP SUJ MP SUJ

    SG

    1 la -a na -a

    2 Oslash -nga Oslash -nga

    3 la Oslash na Oslash

    PL

    1 la -nu na -nu

    2 Oslash -ngeen Oslash -ngeen

    3 la -ntildeu na -ntildeu

    Nous pourrions donc consideacuterer que ce paradigme est typique des constructions focalisantes

    Cependant le paradigme personnel de la Focalisation du Sujet est diffeacuterent (Tableau 132)

    Tableau 132 - Paradigme personnel de la Focalisation du Sujet

    FOCS

    SUJ MP

    SG 1 ma- a

    2 ya- a

    3 mu- a

    PL 1 nu- a

    2 yeen- a

    3 ntildeu- a

    Cette diffeacuterence est facilement explicable par la fonction mecircme de la Focalisation du Sujet En

    effet cette construction ayant pour fonction de mettre en emphase le sujet il ne peut pas y avoir de

    lacune dans le paradigme des pronoms sujets De plus la position syntaxique du sujet est diffeacuterente

    puisque selon la grammaire de la langue la position focus se situe en tecircte de phrase Dans la

    construction Focalisation du Sujet il ny a pas agrave proprement parler de laquo paradigme des affixes

    sujets raquo puisque le sujet pronominal placeacute en position focus est neacutecessairement un pronom fort

    (sect 421)

    1323 Alignement syntaxique

    Lalignement syntaxique fournit un argument suppleacutementaire Comme nous lavons vu en (sect 44)

    - 397 -

    dans les constructions focalisantes leacuteleacutement focaliseacute occupe une position syntaxique unique situeacutee

    immeacutediatement avant le MP (319a-b) Or la construction Parfait est la seule construction ougrave le verbe

    preacutecegravede le MP se trouvant ainsi dans une position comparable agrave la position focus (319c) Ainsi le

    schegraveme de preacutedication du Parfait peut ecirctre rapprocheacute du schegraveme des constructions focalisantes avec

    le verbe en position focus

    319) FOC =p -s =o V

    a [Lii]Filler =la -a [Oslash]Gap lekk

    CLCHSGDEMPX =FOCC -S1SG manger

    lsquoCest ccedila que jai mangeacutersquo

    b [Ma]Filler =a [Oslash]Gap =ko lekk

    PRO1SG =FOCS =O3SG manger

    lsquoCest moi qui lai mangeacutersquo

    c [Lekk]Filler =na -a =ko [Oslash]Gap

    manger =PRF -S1SG =O3SG

    lsquoJe lai mangeacutersquo

    Agrave notre connaissance aucune analyse na encore eacuteteacute proposeacutee pour expliquer lincoheacuterence de cet

    alignement syntaxique par rapport aux autres constructions preacutedicatives Notre hypothegravese selon

    laquelle la construction Parfait servait agrave noter une focalisation du verbe dans un eacutetat anteacuterieur de la

    langue est coheacuterente avec cet alignement La construction a pu subir une eacutevolution seacutemantique

    (perte du trait focus) sans que sa structure morphosyntaxique ne soit alteacutereacutee (maintien du verbe dans

    la position focus)

    Neacuteanmoins la position du sujet lexical pose problegraveme avec cette analyse Si lon considegravere que la

    construction Parfait preacutesente la structure dune construction focalisante seul leacuteleacutement mis en focus

    devrait ecirctre extrait tous les autres eacuteleacutements devraient rester dans leurs positions canoniques Ainsi

    dans la construction Parfait seul le verbe devrait ecirctre extrait le sujet lexical devrait donc se situer

    apregraves le MP (320a) Or cette structure est impossible le sujet lexical se place neacutecessairement en

    tecircte de proposition (320b)

    320) a V FILLER =p S (V)GAP O

    [Lekk]Filler =na Omar [Oslash]Gap ceeb

    manger =PRF Omar riz

    - 398 -

    b S V =p O

    Omar [lekk]Filler =na ceeb

    Omar manger =PRF riz

    lsquoOmar a mangeacute du rizrsquo

    Nous pouvons envisager deux solutions pour expliquer ce pheacutenomegravene Premiegraverement on peut

    supposer que le sujet et le verbe forment un constituant et que cest ce constituant qui est extrait

    Cette hypothegravese ne fonctionne pas Rien dans la grammaire du wolof ne nous permet de consideacuterer

    que le sujet et le verbe forment un constituant En outre selon notre hypothegravese initiale le Parfait est

    issu dune construction Focalisation du Verbe Pourquoi le sujet serait-il eacutegalement mis en focus

    La seconde solution serait de supposer lexistence dune contrainte syntaxique concernant la

    place respective du sujet lexical et du verbe le sujet lexical doit neacutecessairement preacuteceacuteder le verbe

    Cette hypothegravese est parfaitement viable En effet si lon regarde lensemble des schegravemes de

    preacutedication verbale du wolof on constate que le sujet lexical preacutecegravede toujours le verbe quelle que

    soit la construction (sect 44) Selon cette analyse le sujet lexical nest pas extrait dune supposeacutee

    position canonique Dans la construction Parfait il fonctionne plutocirct comme un sujet topicaliseacute

    puisquil doit neacutecessairement ecirctre repris par un sujet pronominal (321a) (sect 211 amp sect 422)

    321) a S TOPIC V FILLER =p-s (V)GAP O

    [Xale =yi]Topic [lekk]Filler =na-ntildeu [Oslash]Gap ceeb

    enfant =CLyDFPX manger =PRF-S3PL riz

    lsquoLes enfants ont mangeacute du rizrsquo

    b V FILLER =p-s =o (V)GAP

    [Lekk]Filler =na-a =ko [Oslash]Gap

    manger =PRF-S1SG =O3SG

    lsquoJe lai mangeacutersquo

    Lalignement syntaxique semble donc constituer un argument suppleacutementaire en faveur de notre

    hypothegravese selon laquelle la construction Parfait est issue dune construction Focalisation du Verbe

    En effet le schegraveme du Parfait peut ecirctre rapprocheacute de celui des constructions focalisantes Nous

    pouvons donc supposer que dans un eacutetat anteacuterieur de la langue le verbe aurait eacuteteacute extrait de sa

    position canonique pour ecirctre placeacute en position focus Le sujet lexical noccupe pas la mecircme position

    - 399 -

    que dans le schegraveme de la construction Focus en raison dune contrainte syntaxique selon laquelle le

    sujet lexical doit neacutecessairement preacuteceacuteder le verbe

    1324 Un processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique

    Notre dernier argument est dordre seacutemantique Nous posons lhypothegravese selon laquelle le

    changement seacutemantique entre lancienne construction et lactuel Parfait est ducirc agrave un processus de

    geacuteneacuteralisation seacutemantique (ou bleaching) cest-agrave-dire agrave la perte dun trait seacutemantique (Bybee et al

    1994 6 Hopper amp Traugott 2003 94-98) Selon Bybee (2007 339) lhabituation constitue le

    meacutecanisme sous-jacent agrave ce type deacutevolution Cela signifie que plus la freacutequence dune construction

    est eacuteleveacutee plus son sens deviendra geacuteneacuteral (via la perte de traits seacutemantiques speacutecifiques) Ce type

    deacutevolution largement attesteacute dans les langues du monde a notamment eacuteteacute observeacute dans le cas de

    morphegravemes emphatiques perdant leur valeur emphatique (Bybee et al 1994 293) Selon Heine

    (2003 578-579) la geacuteneacuteralisation constitue la premiegravere eacutetape du processus de grammaticalisation

    1) Geacuteneacuteralisation perte de traits seacutemantiques

    2) Extension utilisation dans de nouveaux contextes pragmatiques

    3) Deacutecateacutegorialisation perte de traits morphosyntaxiques pouvant entraicircner une perte de statut

    lexical (cliticisation affixation)

    4) Eacuterosion perte deacuteleacutements phoneacutetiques186

    En wolof le Parfait constitue la construction preacutedicative privileacutegieacutee par les locuteurs (Nouguier-

    Voisin 2002 38) En effet si lon consulte leacutetude statistique eacutelaboreacutee par Diop et al (1971) on

    constate que le marqueur preacutedicatif na est sensiblement plus freacutequent que les autres187

    Comme nous lavons vu en (sect 131) la majeure partie des auteurs ont de fait consideacutereacute le Parfait

    comme eacutetant une construction relativement neutre dun point de vue seacutemantique En effet les

    auteurs ayant adopteacute une analyse modale de cette construction tendent agrave laquo consideacuterer na comme

    indiquant le fait pur et simple de laction ou de leacutetat raquo (Church 1981) Dautres auteurs ont analyseacute

    na comme une marque de preacutesent daccompli ou de polariteacute affirmative Or il sagit respectivement

    du temps de laspect et de la polariteacute non marqueacutes en wolof toutes les constructions preacutedicatives

    186 Il est possible que le processus sarrecircte agrave leacutetape 2 (Heine 2003 579)187 Il convient cependant de rester prudent avec ces donneacutees car la nature du corpus nest pas preacuteciseacutee et le na du

    parfait et le na de loptatif ne sont pas clairement diffeacuterencieacutes Nous navons pas tenu compte des donneacutees dusubjonctif-conseacutecutif afin de ne pas fausser les reacutesultats car il sagit dune construction essentiellement attesteacutee dansdes subordonneacutees (sect 242)

    - 400 -

    portent ces traits par deacutefaut De plus comme nous lavons vu en (sect 515) les caracteacuteristiques

    morphosyntaxiques de na tendent agrave prouver quil sagit dun clitique en cours de morphologisation

    Ainsi toutes ces caracteacuteristiques sont coheacuterentes avec notre hypothegravese La construction

    Focalisation du Verbe a une freacutequence dusage de plus en plus eacuteleveacutee Ce meacutecanisme dhabituation

    entraicircne une perte progressive de sa valeur emphatique engendrant ainsi une construction

    relativement neutre dun point de vue seacutemantique Enfin le marqueur preacutedicatif tend agrave se cliticiser

    133 La Construction Futur

    Tous les auteurs considegraverent que le marqueur preacutedicatif du Futur dina est formeacute du verbe

    auxiliaire de lImperfectif di et du marqueur preacutedicatif na (322a) Sauvageot (1965 105-106) et

    Diouf (2009 182) preacutesentent eacutegalement le caractegravere figeacute de cette construction via la possibiliteacute

    dajouter un second morphegraveme dimperfectif ce qui les amegravene agrave analyser dina comme un marqueur

    preacutedicatif agrave part entiegravere (322b)

    322) a Di =na-a bind teacuteere (Kobegraves 1869 175)

    ecirctre =PRF-S1SG eacutecrire lettre

    lsquoJeacutecrirai une lettrersquo

    b Dina-a=y tux (Sauvageot 1965 106)

    FUT-S1SG=IPF fumer

    lsquoJai lhabitude de fumerrsquo

    Ainsi la construction Futur serait issue dun processus de grammaticalisation Le meacutecanisme agrave

    lorigine de cette construction est une morphologisation cest-agrave-dire la reacuteanalyse dune seacutequence

    syntaxique en un mot (Hopper amp Traugott 2003 140-159) di + na rarr dina Neacuteanmoins cette

    analyse est probleacutematique dun point de vue seacutemantique En effet si lon considegravere le sens de ces

    morphegravemes en wolof moderne cela revient agrave dire que la grammaticalisation du parfait imperfectif

    correspond au Futur di (IPF) + na (PRF) rarr dina (FUT) Ce type deacutevolution semble necirctre attesteacute dans

    aucune langue (Heine amp Kuteva 2002) et semble incoheacuterent et injustifiable Une faccedilon dexpliquer

    cette incoheacuterence serait de consideacuterer que cest le di en tant que copule qui se grammaticalise ce

    type deacutevolution eacutetant attesteacute en russe et en mongole (Heine amp Kuteva 2002 96-97) Cependant

    cette hypothegravese ne permet pas dexpliquer la preacutesence du marqueur preacutedicatif na (PRF)

    - 401 -

    Notre hypothegravese est que ce processus de grammaticalisation a eu lieu agrave une eacutepoque ougrave le

    marqueur preacutedicatif na correspondait encore agrave une focalisation du verbe Cette analyse semble plus

    coheacuterente dun point de vue seacutemantique En effet dans ce cas le marqueur preacutedicatif dina

    correspond agrave la focalisation de lauxiliaire de lImperfectif cest-agrave-dire agrave la mise en emphase du

    caractegravere inacheveacute du procegraves ce qui est seacutemantiquement proche du Futur Ainsi il y a dabord eu

    une instanciation de lancienne construction Focalisation du Verbe avec lauxiliaire di puis la

    seacutequence di + na a subi une morphologisation

    134 La Construction Optatif

    Depuis la grammaire de Kobegraves (1869) tous les auteurs reconnaissent lexistence dune

    construction Optatif caracteacuteriseacutee par un marqueur preacutedicatif na Cependant malgreacute lidentiteacute

    formelle entre ce marqueur et le MP du Parfait presque aucun auteur na tenteacute deacutetablir une relation

    entre ces deux constructions En partant de lhypothegravese selon laquelle ces deux constructions sont

    lieacutees188 nous proposons lhypothegravese suivante la construction Optatif est issue dun processus de

    grammaticalisation dune instanciation de la construction Parfait Les principaux meacutecanismes agrave

    lorigine de cette construction sont la chute dun eacuteleacutement lexical ainsi quun changement seacutemantique

    par infeacuterence (Bybee et al 1994 285-289)

    1341 Les traces dun processus de grammaticalisation

    Parmi les nombreux tiroirs verbaux identifieacutes dans leurs grammaires Dard (1826 38-41) Roger

    (1829 64-65) et Boilat (1858 79) distinguent un paradigme impeacuteratif et un paradigme subjonctif

    Le premier correspond agrave un meacutelange entre notre construction Impeacuteratif (323ad) et notre

    construction Optatif (323bce)189

    323) a Sopp-al (Dard 1826 40)190

    aimer-IMPS2SG

    lsquoAimersquo

    188 Nous remercions Konstantin Pozdniakov de nous avoir fait part de cette hypothegravese189 cf (sect 232) amp (sect 231)190 Pour des raisons de lisibiliteacute nous avons transcrit les exemples en utilisant les conventions orthographiques

    actuelles En revanche nous avons conserveacute la segmentation et lanalyse de lauteur

    - 402 -

    b Na sopp (Dard 1826 40)

    IMPS1SG aimer

    lsquoQuil aimersquo

    c Nanu sopp (Dard 1826 40)

    IMPS1PL aimer

    lsquoAimonsrsquo

    d Sopp-leen (Dard 1826 40)

    aimer-IMPS2PL

    lsquoAimezrsquo

    e Nantildeu sopp (Dard 1826 40)

    IMPS3PL aimer

    lsquoQuils aimentrsquo

    Le paradigme que ces auteurs nomment laquo subjonctif raquo est composeacute du verbe yell (convenir)191

    du marqueur preacutedicatif na suivi dune proposition au subjonctif-conseacutecutif Ainsi il sagit dune

    construction figeacutee composeacutee de deux propositions yell na + compleacutetive au subjonctif-conseacutecutif

    (324a-f)

    324) a Yell na ma sopp (Dard 1826 40)

    convenir SUBJ S1SG aimer

    lsquo(Il faut) que jaimersquo

    b Yell na nga sopp (Dard 1826 40)

    convenir SUBJ S2SG aimer

    lsquo(Il faut) que tu aimesrsquo

    c Yell na mu sopp (Dard 1826 40)

    convenir SUBJ S3SG aimer

    lsquo(Il faut) quil aimersquo

    191 Ce verbe est traduit par laquo falloir ecirctre de neacutecessiteacute ecirctre de devoir ecirctre de bienseacuteance raquo (Dard 1825 181)laquo convenir raquo (Fal et al 1990 268) laquo ecirctre juste ecirctre digne ecirctre convenable raquo (Diouf 2003 404)

    - 403 -

    d Yell na nu sopp (Dard 1826 40)

    convenir SUBJ S1PL aimer

    lsquo(Il faut) que nous aimionsrsquo

    e Yell na ngeen sopp (Dard 1826 40)

    convenir SUBJ S2PL aimer

    lsquo(Il faut) que vous aimiezrsquo

    f Yell na ntildeu sopp (Dard 1826 40)

    convenir SUBJ S3PL aimer

    lsquo(Il faut) quils aimentrsquo

    Lexistence de cette construction dans les plus anciennes grammaires nous permet de supposer

    que le na du Parfait et le na de lOptatif ont une origine commune et que le processus de

    grammaticalisation agrave lorigine de la construction Optatif eacutetait presque acheveacute au XIXe siegravecle (en

    raison de la coexistence de la forme figeacutee avec yell et de la forme actuelle de la construction

    Optatif)

    De plus on note lexistence dune forme particuliegravere pour les eacutenonceacutes de souhait ou de vœu en

    wolof contemporain Presque tous ces eacutenonceacutes preacutesentent la structure laquo Yagravella na Yagravella + Verbe raquo

    (Franke 2004 67-68) (325a) le premier Yagravella pouvant se reacuteduire agrave Yal (325b) Or cette structure

    ne semble pas respecter la grammaire de la langue sil sagit dun eacutenonceacute au parfait le mot

    preacuteceacutedant na devrait ecirctre un verbe et sil sagit dun eacutenonceacute agrave loptatif il ny a aucune raison

    apparente de reacutepeacuteter le sujet lexical Neacuteanmoins on remarque une similitude formelle entre le verbe

    yell et le nom de Dieu Yagravella notamment dans sa forme reacuteduite Yal Il semblerait que le premier

    Yagravella soit en fait une reacuteinterpreacutetation du verbe yell (Becher 2001 155-156) Cette hypothegravese permet

    dexpliquer la position syntaxique des arguments du verbe dans la construction Optatif notamment

    le fait que le sujet lexical se place entre na et le verbe lexical (325c-d)

    325) a Yagravella na Yagravella far sunuy baakaar (Diouf 2003 119)

    Dieu OPT Dieu effacer POSS1PLPL peacutecheacute

    lsquoQue Dieu efface nos peacutecheacutes rsquo

    - 404 -

    b Yal na Yagravella nangu sa ntildeaan (Diouf 2003 493)

    Dieu OPT Dieu exaucer POSS2SG priegravere

    lsquoQue Dieu exauce ta priegravere rsquo

    c Yagravella na [sa liggeacuteey =bi] am barke (Diouf 2003 62)

    Dieu OPT POSS2SG travail =CLbDFPX avoir beacuteneacutediction

    lsquoQue ton travail soit beacuteni rsquo

    d Na [bufta =yi] jib (Diouf 2003 75)

    OPT trompette =CLyDFPX reacutesonner

    lsquoQue reacutesonnent les trompettes rsquo

    1342 Les eacutetapes de la grammaticalisations

    En nous fondant sur le processus proposeacute par Becher (2001 153-157) nous proposons

    lhypothegravese suivante concernant le processus de grammaticalisation192

    Eacutetape 1 Dans une premier temps il y a eu une instanciation de la construction Parfait avec le verbe

    yell Cette construction va servir de base agrave une construction reacutegissant une subordonneacutee compleacutetive

    de vœu ou de souhait avec Yagravella (Dieu) comme sujet Cette subordonneacutee est au subjonctif-

    conseacutecutif et nest pas introduite par une conjonction193 (326a) comme cest le cas avec dautres

    verbes tel que aaju (ecirctre neacutecessaire) (326b)

    326) a Yell =na Yagravella nangul tool =bi

    convenir =PRF Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoIl convient que Dieu rende le champ fertilersquo

    b Ndax aaju =na nu seeti =ko (Diouf 2003 43)

    est-ce_que ecirctre_neacutecessaire =PRF S1PL regarderAND =O3SG

    lsquoEst-il neacutecessaire que nous allions le voir rsquo

    Agrave noter que la grammaticalisation dun verbe signifiant laquo convenir raquo comme source dune

    192 Les eacutetapes de la grammaticalisation sont illustreacutees agrave partir de la phrase Yagravella na Yagravella nangul tool bi laquo que Dieurende le champ fertile raquo (Cisseacute Mo 2006 253)

    193 cf Sall (2005 142-148) pour une analyse deacutetailleacutee de ce type de compleacutetive

    - 405 -

    construction exprimant lobligation est attesteacutee dans dautres langues notamment nilotiques (Bavin

    1995) Heine amp Kuteva (2002 285-286) supposent quil sagit dun pheacutenomegravene areacuteal propre agrave

    lAfrique

    Eacutetape 2 Cette construction complexe va se figer de faccedilon analogue agrave la construction mettant en jeu

    le verbe xeacutej194 (pouvoir ecirctre contenu dans) et le marqueur preacutedicatif na (327)195

    327) Xeumly =na ma dem Ndar eumllleumlg (Fal et al 1990 259)

    pouvoir_ecirctre =PRF S1SG partir Saint-Louis demain

    lsquoIl se peut que jaille agrave Saint-Louis demainrsquo

    Eacutetape 3 Cette construction complexe figeacutee a ensuite subi un processus de grammaticalisation

    mettant en jeu plusieurs meacutecanismes interdeacutependants Dans un premier temps le verbe yell va ecirctre

    reacuteinterpreacuteteacute par les locuteurs en Yagravella Cette reacuteinterpreacutetation est provoqueacutee par la proximiteacute

    phonologique des deux mots [jεlː] ~ [jalːɐ] ainsi que le fait que Yagravella soit le sujet de la

    subordonneacutee Le premier Yagravella occupe alors une fonction de sujet topique (328a) la possibiliteacute de

    topicaliser le sujet en le placcedilant en tecircte de proposition est attesteacutee dans dautres eacutenonceacutes agrave loptatif

    (328b)

    328) a Yagravella na Yagravella nangul tool =bi (Cisseacute Mo 2006 253)

    Dieu OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoQue Dieu rende le champ fertile rsquo

    b Ndimbal na ci fekk loxol boroom (Diouf 2003 243)

    aide OPT PRTFPX trouver mainGEN proprieacutetaire

    lsquoLaide quelle y trouve la main de linteacuteresseacutersquo

    Comme le notent Bybee et al (1994 294) le meacutecanisme qui permet dinterpreacuteter labsence dun

    eacuteleacutement comme eacutetant porteuse de sens est linfeacuterence Ce meacutecanisme repose sur le fait que le

    locuteur insinue plus que ce quil dit et que lallocutaire deacuteduit des choses quil nentend pas (Bybee

    et al 1994 285) Ainsi la reacuteinterpreacutetation de yell en Yagravella va entraicircner un changement seacutemantique

    par infeacuterence du marqueur na le sens du verbe yell est deacutesormais porteacute par ce marqueur preacutedicatif

    (329a-b)

    194 Le verbe xeacutej dispose de nombreuses variantes xaj xeumlj xeacutey xeumly195 Notons que lensemble xeacutej na tend agrave ecirctre reacuteinterpreacuteteacute en wolof contemporain comme une locution adverbiale

    signifiant laquo peut-ecirctre raquo (Diouf 2003 385)

    - 406 -

    329) a Yell =na Yagravella nangul tool =bi

    convenir =PRF Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoIl convient que Dieu rende le champ fertilersquo

    b Yagravella na Yagravella nangul tool =bi

    Dieu OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

    Ce processus va eacutegalement entraicircner une reacuteanalyse de la construction complexe en une

    construction monoclausale (330a-b) Le marqueur na de la proposition principale eacutetant reacuteanalyseacute en

    marqueur optatif et la subordonneacutee en proposition principale196

    330) a [Yell =na] [Yagravella nangul tool =bi]

    convenir =PRF Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoIl convient que Dieu rende le champ fertilersquo

    b [Yagravella na Yagravella nangul tool =bi]

    Dieu OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

    Eacutetape 4 Cette reacuteanalyse de la construction complexe en une construction monoclausale va

    entraicircner une restructuration du schegraveme de preacutedication Le schegraveme originel est celui dune

    proposition au parfait suivie dune subordonneacutee au subjonctif-conseacutecutif agrave savoir V na + Ss V oO

    Ce schegraveme va se restructurer en na s o S V O (331a) peut-ecirctre par analogie avec la construction

    Focalisation du Compleacutement (331b) ou la construction Relatif (331c) qui se trouvent ecirctre les seules

    autres constructions preacutedicatives ougrave le sujet lexical se place apregraves le MP

    331) a Yagravella na =ko Yagravella xaare agravejjana (Diouf 2003 46)

    Dieu OPT =O3SG Dieu reacuteserver paradis

    lsquoQue Dieu lui accorde le paradisrsquo

    b Ci teumlsteumln =la =ko pont =bi jam (Diouf 2003 343)

    PREPPX talon =FOCC =O3SG pointe =CLbDFPX piquer

    lsquoCest au talon que la pointe la piqueacutersquo

    196 Ce type de grammaticalisation est attesteacute dans dautres langues africaines (Heine amp Reh 1984 104-105)

    - 407 -

    c (hellip) ni =ko ndeyam jure =woon (Diouf 2003 355)

    CLMNRDFPX =O3SG megraverePOSS3SG engendrerAPPL =PAS

    lsquo(hellip) tel que sa megravere lavait mis au mondersquo

    Eacutetape 5 Parallegravelement agrave cette reacuteanalyse le mot Yagravella va subir un processus deacuterosion ou de

    reacuteduction phoneacutetique (Heine amp Reh 1984 17-25) La voyelle [a] correspondant phonologiquement

    agrave un ɐː (sect 0441) va se reacuteduire en [ɐ] et la consonne finale geacutemineacutee du verbe va se simplifier

    yell na[jεlːnɐ]

    rarryagravella na[jalːɐnɐ]

    rarryal na[jɐlnɐ]

    Eacutetape 6 En raison de la reacuteanalyse de yell en Yagravella le premier Yagravella~Yal devient redondant (332a)

    Cette situation va rendre possible un processus de chute (Heine amp Reh 1984 27-28) Yagravella~Yal

    placeacute en position de topique va devenir facultatif (332b)

    332) a Yagravella na Yagravella nangul tool =bi

    Dieu OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

    b Oslash Na Yagravella nangul tool =bi

    TOP OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

    Notons que dans les cas ougrave Dieu nest pas le sujet de la proposition le second Yagravella est remplaceacute

    par un autre sujet alors que le premier Yagravella peut se maintenir (333) Dans ce contexte Yagravella

    semble plutocirct fonctionner comme une interjection

    333) Yagravella na sa liggeacuteey =bi am barke (Diouf 2003 62)

    Dieu OPT POSS2SG travail =CLbDFPX avoir beacuteneacutediction

    lsquoQue ton travail soit beacuteni rsquo

    Eacutetape 7 Cette construction initialement limiteacutee aux eacutenonceacutes de vœu ou de souhait (334a) va subir

    un processus dexpansion (Heine amp Reh 1984 39-41) ou danalogie (Hopper amp Traugott 2003 63-

    68) cest-agrave-dire quelle va ecirctre utiliseacutee dans dautres types deacutenonceacutes (334b) Ce processus est

    - 408 -

    similaire agrave celui qua subi la neacutegation en franccedilais ougrave lutilisation du mot pas initialement limiteacutee aux

    verbes de mouvement a progressivement eacuteteacute eacutetendue aux autres verbes (Hopper amp Traugott 2003

    63-68)

    334) a Na Yagravella nangul tool =bi

    OPT Dieu ecirctre_fertileCAUS champ =CLbDFPX

    lsquoQue Dieu rende le champ fertilersquo

    b Na xale =yi teumlri (Diouf 2009 137)

    OPT enfants =CLyDFPX se_coucherAND

    lsquoQue les enfants aillent se coucherrsquo

    Eacutetape 8 Ce processus dexpansion va entraicircner une morphologisation du sujet pronominal (335a-

    b) par analogie avec les paradigmes personnels des autres constructions preacutedicatives (336a-b)

    335) a Na ma lekk rarr Na-a lekk

    OPT S1SG manger OPT-S1SG manger

    lsquoIl faut que je mangersquo

    b Na ntildeu lekk rarr Na-ntildeu lekk

    OPT S3PL manger OPT-S3PL manger

    lsquoQuils mangentrsquo

    336) a Ceeb =la-a lekk

    riz =FOCC-S1SG manger

    lsquoCest du riz que jai mangeacutersquo

    b Ceeb =la-ntildeu lekk

    riz =FOCC-S3PL manger

    lsquoCest du riz quils ont mangeacutersquo

    Ainsi on peut identifier huit eacutetapes pour ce processus de grammaticalisation mettant en jeu des

    processus morphosyntaxiques et seacutemantiques

    - 409 -

    Eacutetape 1 (instanciation) yell na Yagravella nangul tool bi

    convenir PRF COMPL

    Eacutetape 2 (figement) yell na Yagravella nangul tool bi

    convenir PRF COMPL

    Eacutetape 34 (reacuteanalyse changementseacutemantique par infeacuterenceet restructuration du schegraveme)

    Yagravella na Yagravella nangul tool bi

    Dieu OPT SUJ PRED

    Eacutetape 5 (eacuterosion phoneacutetique) yal na Yagravella nangul tool bi

    Dieu OPT SUJ PRED

    Eacutetape 6 (chute du sujet topique) Oslash na Yagravella nangul tool bi

    OPT SUJ PRED

    Eacutetape 7 (analogie) na ntildeu dem

    OPT SUJ PRED

    Eacutetape 8 (morphologisationdu pronom sujet)

    na -ntildeu dem

    OPT -SUJ PRED

    Figure 131 - Eacutetapes reconstitueacutees de la grammaticalisation de lOptatif197

    Notons que toutes les phrases donneacutees en illustration dans la Figure (131) sont grammaticales en

    wolof contemporain Par ailleurs les eacutetapes 3 et 4 semblent avoir eacuteteacute plus ou moins concomitantes

    nous navons trouveacute aucune occurrence de phrase preacutesentant une reacuteanalyse de yell en Yagravella mais ne

    preacutesentant pas la restructuration du schegraveme

    Enfin il subsiste une interrogation concernant lidentification de la construction agrave lorigine de la

    construction Optatif cest-agrave-dire la construction ayant eacuteteacute instancieacutee dans leacutetape 1 Nous avons

    supposeacute quil sagit de la construction Parfait Neacuteanmoins on pourrait supposer quil sagit plutocirct de

    lancienne construction Focalisation du Verbe cest-agrave-dire la construction agrave lorigine de la

    construction Futur De fait deux arguments plaident plutocirct en faveur de la premiegravere hypothegravese

    Premiegraverement comme nous lavons vu en (sect 1341) des eacutenonceacutes correspondant agrave leacutetape 2 sont

    attesteacutes dans les plus anciennes grammaires (Dard 1826 38-41 Roger 1829 64-65 Boilat 1858

    79) ce qui permet de supposer que la grammaticalisation neacutetait pas encore totalement acheveacutee au

    197 Cette figure est inspireacutee de la figure (32) de Hopper amp Traugott (2003 69)

    - 410 -

    deacutebut du XIXe siegravecle Or dans ces mecircmes grammaires la construction laquo V na raquo correspond

    clairement agrave lactuelle construction Parfait et ne semble pas pouvoir ecirctre analyseacutee comme une

    Focalisation du Verbe ce qui implique que le changement seacutemantique FOCV rarr PRF eacutetait deacutejagrave acheveacute

    Ainsi agrave cette eacutepoque la construction yell na semble devoir ecirctre analyseacutee comme une instanciation

    de la construction Parfait

    Deuxiegravemement il ny a a priori aucune raison de supposer que yell na soit linstanciation dune

    construction Focalisation du Verbe Contrairement agrave ce quon a pu constater avec le Futur (sect 133)

    le fait de consideacuterer quil sagit dune instanciation de la construction Parfait ne pose aucun

    problegraveme seacutemantique

    1343 Une grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute

    Nous pouvons remarquer que plusieurs langues mandeacute-ouest disposent de constructions de sens

    et de forme similaires agrave lOptatif wolof Ainsi la plupart des varieacuteteacutes de mandingue disposent dune

    construction Optatif speacuteciale Cette construction sarticule autour dun mot preacutedicatif speacutecifique

    dont la forme varie selon les parlers mu en maninka du Niokolo (337a) mǎa en mandinka (337b)

    magrave en bambara (337c) et ma en dioula (337d) Le sujet de ce marqueur est neacutecessairement Ala

    (Dieu) et son compleacutement est une proposition dont le verbe est agrave linfinitif (Creissels amp Sambou

    2013 433)198

    337) a Maninka du Niokolo

    Alaacute mu dindiacuteŋ-o baluacuteu-la (Creissels 2013 121)

    Dieu OPT enfant-DET vivre-INF

    lsquoQue Dieu donne vie agrave lenfant rsquo

    198 Lanalyse de la structure interne de cette construction est probleacutematique Dans plusieurs exemples on peutconsideacuterer que le sujet du verbe agrave linfinitif est Ala (Dieu) et leacuteleacutement situeacute entre le marqueur et le verbe peut ecirctreanalyseacute comme lobjet du verbe (337c-d) Ces cas ne posent pas de problegraveme danalyse En effet laquo en principelinfinitif en -laacute entre dans une construction agrave controcircle dans laquelle son sujet non exprimeacute sidentifie au sujet dupreacutedicat principal raquo (Creissels amp Sambou 2013 433) et en mandingue lobjet se place immeacutediatement avant leverbe En revanche dans dautres exemples leacuteleacutement situeacute entre le marqueur et le verbe ne peut pas ecirctre analyseacutecomme lobjet du verbe mais semble clairement assumer la fonction de sujet (337a-b) (Idiatov 2000 45-46) Eneffet dans ces exemples le verbe est intransitif Deux solutions sont envisageables pour reacutesoudre ce problegraveme laquo soit admettre que les verbes intransitifs peuvent se comporter dans la construction optative comme sils eacutetaient P-labiles soit admettre quexceptionnellement linfinitif en -laacute a dans la construction optative un sujet exprimeacute raquo(Creissels amp Sambou 2013 433)

    - 411 -

    b Mandinka

    Aacutelaacute maa diacutendiacuteŋ-o baacuteluacuteu-la (Creissels amp Sambou 2013 434)

    Dieu OPT enfant-DET vivre-INF

    lsquoQue Dieu donne vie agrave lenfant rsquo

    c Bambara

    Aacutela maacute aacuten kiacutesi-ra ǒ magrave (Idiatov 2000 45)

    Dieu OPT 1PL sauver-INF 3SG POSTP

    lsquoQue Dieu nous en preacuteserve rsquo

    d Dioula

    Ala ma kεnεya di-ra (Diallo 2001 14)

    Dieu OPT santeacute donner-INF

    lsquoQue Dieu donne la santeacute rsquo

    Des constructions analogues agrave celles du mandingue sont attesteacutees dans dautres langues mandeacute-

    ouest Cest notamment le cas en jalonkeacute Dans cette langue le subjonctif preacutesente la mecircme

    structure que le subjonctif mandingue (338a) et son MP xa peut ecirctre rapprocheacute du MP ka du dioula

    ou kaacute du bambara De plus comme en mandingue cette construction peut ecirctre utiliseacutee pour les

    formules de beacuteneacutediction dont le sujet est Alla (Dieu) (338b)

    338) Jalonkeacute

    a A xa a tongo (Luumlpke 2005 125)

    3SG SUBJ 3SG prendre

    lsquoIl devrait le prendre Quil le prennersquo

    b Alla x ii kanta (Luumlpke 2005 125)

    Dieu SUBJ 2SG proteacuteger

    lsquoQue Dieu te protegravege rsquo

    Le soninkeacute (mandeacute-ouest) preacutesente eacutegalement des constructions semblables Dans cette langue

    la construction privileacutegieacutee pour les formules de beacuteneacutediction sarticule autour du nom sujet Haacuterigrave et

    du MP na (339a)199 Selon Diagana (1995 237) Haacuterigrave serait le nom employeacute pour deacutesigner Dieu (ou

    199 Diagana (1995 237) identifie ce marqueur avec le MP du laquo prospectif raquo cest-agrave-dire lun des marqueursdinaccompli Neacuteanmoins le soninkeacute dispose de plusieurs marqueurs na ayant des emplois relativement diffeacuterents

    - 412 -

    le deacutemiurge) avant lavegravenement de lislam En soninkeacute contemporain il nest plus utiliseacute que dans les

    formules de beacuteneacutediction Ce nom connaicirct plusieurs variantes qui reacutesultent dun processus deacuterosion

    ou de reacuteduction phoneacutetique et peut mecircme ecirctre omis dans certains contextes (339b) (Diagana 1995

    237) Par ailleurs cette construction dispose dun eacutequivalent neacutegatif preacutesentant la mecircme structure

    Dans cette construction le MP na est remplaceacute par son eacutequivalent neacutegatif nta et le nom sujet Haacuterigrave

    est remplaceacute par le theacuteonyme musulman Aacutellagrave (339c) (Diagana 1995 237)200

    339) Soninkeacute

    a Haacuterigrave naacute aacute yeru xoacutetograve (Diagana 2013 246)

    Dieu MP 3SG mecircme ecirctre_difficile

    lsquoDieu fasse que ccedila ne se reproduise plusrsquo

    b (Aacuter) nagrave wugraveroacute n xegraveeriacute n gagravebogravendiacute (Diagana 1995 238)

    Dieu MP nuit DF bonheur DF augmenter

    lsquoQue Dieu augmente le bonheur (la paix) de la nuitrsquo

    c Aacutellagrave ntaacute keacute koacuteotaacute kogravey[igrave] oacute yigrave (Diagana 1995 238)

    Dieu MPNEG DEM jour montrer 1PL POSTP

    lsquoQue Dieu ne nous montre ce jourrsquo

    En revanche dans presque toutes les langues atlantiques les constructions agrave valeur optative sont

    formellement assez diffeacuterentes de lOptatif wolof Dans quelques langues atlantiques optatif et

    impeacuteratif sont lieacutes Les deux constructions preacutesentent la mecircme structure la seule diffeacuterence reacutesidant

    dans lexpression des marques personnelles Cest notamment le cas dans plusieurs langues cangin

    comme le laalaa (340a-b) Dans dautres langues atlantiques loptatif est exprimeacute par un marqueur

    speacutecifique comme en wolof Cependant ces marqueurs sont formellement trop diffeacuterents pour

    permettre le moindre rapprochement Cest notamment le cas en joola banjal (341a) ou en sereer

    (341b)

    Les sources que nous avons consulteacutees ne sont pas suffisamment explicites concernant le statut de ces eacuteleacutementsSagit-il dun seul marqueur polyfonctionnel ou de plusieurs marqueurs homonymes De plus Diagana (1995)glose systeacutematiquement ce marqueur laquo preacuted raquo (pour laquo preacutedicatif raquo) Nayant pas suffisamment deacuteleacutements pourchoisir une analyse plus preacutecise nous preacutefeacuterons conserver leacutetiquette geacuteneacuterique MP

    200 Dans les exemples en soninkeacute les voyelles subissant un pheacutenomegravene damuiumlssement sont noteacutees entre crochets(Diagana 1995 25)

    - 413 -

    340) Laalaa

    a aƁ alaɓ ɓ-at cales =c-aa (Diegraveye 2011 198)

    S3PL ramasser-OPT ordure =CLcDFDT

    lsquoQuelles ramassent les ordures rsquo

    b Ntildeam-at (Diegraveye 2011 198)

    manger-IMP

    lsquoMangez rsquo

    341) a Joola banjal

    Api u-teb a-ntildentildeil axume bi ja-ol (Bassegravene 2006 130)

    OPT S2SG-porter CLa-enfant CLaDEMPX jusquagrave [CLa]megravere-POSS3SG

    lsquoVeuille porter cet enfant-ci agrave sa megravere rsquo

    b Sereer

    Fat da ndet (Faye 1982 38)

    OPT S3PL partir

    lsquoQuils partent rsquo

    Pour reacutesumer lexistence dune construction agrave valeur optative ou hortative est attesteacutee dans la

    plupart des langues atlantiques Neacuteanmoins aucune de ces constructions ne preacutesente suffisamment

    de similitudes formelles avec lOptatif du wolof pour pouvoir supposer une origine commune En

    revanche on remarque que toutes les langues mandeacute-ouest de Seacuteneacutegambie disposent dune

    construction formellement similaire agrave lOptatif du wolof Nous pourrions donc supposer que

    lOptatif du wolof reacutesulte dun contact avec les langues mandeacute-ouest ou plus preacuteciseacutement dune

    grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute-ouest Neacuteanmoins nous ne

    disposons pas deacuteleacutements suffisants pour confirmer ou infirmer cette hypothegravese

    1344 Synthegravese

    Pour reacutesumer nous faisons lhypothegravese que la construction Optatif du wolof est issue de la

    grammaticalisation de la forme yell (convenir) + na (PRF) + Compleacutetive Les principaux

    meacutecanismes agrave lorigine de cette construction sont la reacuteinterpreacutetation de yell en Yagravella (Dieu)

    entraicircnant une reacuteanalyse de la construction complexe en construction monoclausale ougrave na exprime

    - 414 -

    loptatif Cette hypothegravese de grammaticalisation est eacutetayeacutee par lattestation dans les grammaires du

    XIXe siegravecle dune telle forme figeacutee agrave valeur optative ainsi que par lutilisation de la forme laquo Yagravella

    na Yagravella raquo dans les formules de beacuteneacutediction en wolof contemporain

    Par ailleurs plusieurs eacuteleacutements pourraient laisser supposer quil sagit dun cas de

    grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute-ouest notamment le mandingue

    Neacuteanmoins nous ne disposons pas deacuteleacutements suffisants pour eacutetayer cette hypothegravese

    135 Synthegravese

    Nous faisons lhypothegravese que les constructions Parfait Futur et Optatif ont une origine commune

    Nous proposons le processus suivant Dans un eacutetat anteacuterieur de la langue il existait une

    construction Focalisation du Verbe formellement identique agrave lactuel Parfait cest-agrave-dire preacutesentant

    une structure laquo S V na-s o O raquo Sous sa forme imperfective laquo S di na-s o V O raquo cette construction

    sest grammaticaliseacutee pour devenir la construction Futur laquo S dina-s o V O raquo Sous sa forme

    perfective lancienne construction Focalisation du Verbe a subi un processus de geacuteneacuteralisation (ou

    bleaching) pour devenir la construction Parfait cest-agrave-dire une construction relativement neutre du

    point de vue de la structure informationnelle Cette grammaticalisation na semble-t-il entraicircneacute

    aucun changement formel Enfin la forme laquo yell na + Compleacutetive raquo (il convient quehellip)

    instanciation du verbe yell (convenir) au parfait sest figeacutee dans les formules de beacuteneacutedictions

    invoquant Yagravella (Dieu) Cette construction figeacutee sest ensuite grammaticaliseacutee pour devenir la

    construction Optatif laquo na-s o S V O raquo En outre plusieurs eacuteleacutements pourraient laisser supposer que

    la grammaticalisation agrave lorigine de lOptatif a eacuteteacute induite par le contact avec les langues mandeacute-

    ouest notamment le mandingue

    Plusieurs caracteacuteristiques des constructions Parfait Futur et Optatif viennent eacutetayer notre

    hypothegraveses et reacuteciproquement notre hypothegravese permet de rendre compte de ces caracteacuteristiques

    Pour le Parfait

    bull La forme du marqueur na est analogue agrave celle des marqueurs des constructions focalisantes

    bull Le paradigme personnel du Parfait est identique agrave celui de la construction Focalisation du

    Compleacutement

    bull Le Parfait est la seule construction preacutedicative dont le MP se place apregraves le verbe Ainsi le

    schegraveme de preacutedication du Parfait est comparable au schegraveme des constructions focalisantes

    - 415 -

    avec le verbe dans une position semblable agrave la position focus

    bull Le Parfait est une construction extrecircmement freacutequente et relativement neutre dun point de

    vue seacutemantique Cette situation est coheacuterente avec un processus de geacuteneacuteralisation

    seacutemantique reposant sur un meacutecanisme dhabituation

    Pour le Futur

    bull Le marqueur dina est clairement issu de la morphologisation de di (IPF) + na Si lon analyse

    na comme marqueur du Parfait cela revient agrave dire que la grammaticalisation du Parfait

    imperfectif correspond au Futur ce qui semble incoheacuterent et injustifiable En revanche si

    on le traite comme marqueur de focalisation du verbe dina correspond agrave la focalisation de

    lauxiliaire de lImperfectif cest-agrave-dire agrave la mise en emphase du caractegravere inacheveacute du

    procegraves ce qui est seacutemantiquement proche du Futur

    bull Dans certains contextes la forme neacutegative de dina na pas une valeur de futur neacutegatif mais a

    clairement une valeur de neacutegatif emphatique

    Pour lOptatif

    bull Le marqueur du Parfait et le marqueur de lOptatif sont homonymes na

    bull Le sujet lexical se place entre le MP et le verbe lexical

    bull Il existe une construction figeacutee laquo (Yagravella) na + Proposition raquo utiliseacutee pour les formules de

    beacuteneacutediction en wolof contemporain

    bull Les grammairiens du XIXe siegravecle signalent lexistence dune forme laquo yell na + Proposition raquo

    agrave valeur optative

    bull La forme du verbe yell (convenir) est similaire agrave Yagravella (Dieu)

    Agrave notre connaissance aucune hypothegravese na jamais eacuteteacute proposeacutee pour expliquer ces

    caracteacuteristiques Notre hypothegravese de polygrammaticalisation permet den rendre compte En outre

    cette hypothegravese est compatible avec lanalyse que nous avons proposeacutee pour le reste du systegraveme de

    preacutedication verbale Elle permet de lier plusieurs constructions preacutedicatives entre elles permettant

    ainsi dexpliquer certaines idiosyncrasies de la langue

    Neacuteanmoins les donneacutees actuellement disponibles ne nous permettent pas de confirmer notre

    hypothegravese avec certitude Nous ne disposons daucun texte anteacuterieur au XIXe ce qui nous empecircche

    de veacuterifier si les eacutetapes du chemin de grammaticalisation proposeacute sont attesteacutees dans un eacutetat

    - 416 -

    anteacuterieur de la langue De plus la distance geacuteneacutetique entre le wolof et les autres langues atlantiques

    est si grande que les donneacutees comparatives sont relativement peu utiles dans ce cas

    Cependant nous pouvons envisager plusieurs pistes de recherche pour veacuterifier notre hypothegravese

    Comme nous lavons eacutevoqueacute plus haut la culture arabo-musulmane est entreacutee en contact avec les

    peuples dAfrique de lOuest agrave partir du VIIIe siegravecle et la transcription en alphabet arabe des langues

    locales comme le wolof est probablement ancienne (Cisseacute Ma 2006) La collecte le recensement

    larchivage et la transcription de ces textes pourraient permettre de constituer un corpus

    diachronique En outre il est possible que plusieurs sources anteacuterieures agrave la preacutesence franccedilaise

    notamment des sources portugaises ou neacuteerlandaises naient pas encore eacuteteacute deacutecouvertes ou

    publieacutees Une seconde piste envisageable concerne leacutetude des creacuteoles de Seacuteneacutegambie Plusieurs

    creacuteoles sont (ou ont eacuteteacute) attesteacutes dans cette reacutegion trois creacuteoles portugais (creacuteole de Joal cap-

    verdien et casamanccedilais) et un creacuteole anglais (aku) Ces creacuteoles sont apparus avant lheacutegeacutemonie

    franccedilaise dans la reacutegion soit bien avant le XIXe Ces creacuteoles ont pu conserver certains traits issus

    dun eacutetat ancien du wolof Ces questions ont deacutejagrave eacuteteacute eacutetudieacutees pour les creacuteoles portugais (Lang

    2004 Quint 2008) mais pas encore pour le aku Enfin la dialectologie du wolof pourrait constituer

    une troisiegraveme piste de recherche

    Dans la Figure (132) les constructions sont repreacutesenteacutees sous la forme dune liste de traits

    caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit pas de formalisation mais plutocirct de repreacutesentation

    syntheacutetique Dans ce scheacutema les flegraveches pleines sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en pointilleacutes

    sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions Le lien

    diachronique nest pas un lien dheacuteritage au sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques

    de la construction fille sont historiquement heacuteriteacutees de la construction megravere Nous avons repreacutesenteacute

    le gap des constructions agrave extraction par un gris clair dans le schegraveme de la construction

    - 417 -

    - 418 -

    Figure 132 - Polygrammaticalisation de lancienne construction Focalisation du Verbe

    LI

    Construction Focus

    - Construction filler-gap- Schegraveme FOC =MP-s =o S V O - filler = eacuteleacutement focaliseacute - p = MP- p toujours preacutesent- filler toujours preacutesent- Sens = focalisation du filler

    ConstructionFocalisation du Verbe

    - Construction filler-gap- Schegraveme (S) V =na-s =o V O - filler = verbe - p = MP na- p toujours preacutesent- filler toujours preacutesent- Sens = focus verbe

    Construction Imperfectif

    - Construction agrave verbe auxiliaire- V1 = verbe auxiliaire di- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    Construction Parfait

    - Schegraveme S V =na-s =o O- Sens = parfait

    Construction Futur

    - Schegraveme S dina-s =o V O- Sens = futur

    ConstructionFocalisation Imperfectif

    - Schegraveme S di =na-s =o V2 O- Sens = focus imperfectif

    Construction Compleacutetive

    - Objet de V1 = proposition compleacutetive- Compleacutetive au Subjonctif-Conseacutecutif - Schegraveme S s V o O

    Construction Compleacutetive(dont le sujet est Yagravella)

    - Objet de V1 = proposition compleacutetive- Compleacutetive au Subjonctif-Conseacutecutif - Schegraveme Yagravella V o O

    Construction Figeacuteede Souhait

    - Schegraveme yell =na-s Yagravella V o O - V1 = yell - Compleacutetive = Yagravella V o O- Sens = lsquoil convient que Dieuhelliprsquo

    ConstructionFormule de Souhait

    - Schegraveme Yagravella =na-s Yagravella o V O- Sens = lsquoque Dieuhelliprsquo

    Construction Optatif

    - Schegraveme na-s S o V O- Sens = optatif hortatif permissif

    LI

    LI

    LI

    LI

    LI

    LD

    LD

    LD

    LS

    CCHAPITREHAPITRE 14 - 14 - LLESES CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS NEacuteGATIVESNEacuteGATIVES

    En wolof agrave lexception de la construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire toutes les constructions

    neacutegatives preacutesentent un eacuteleacutement -u(l) Ainsi cet eacuteleacutement est preacutesent dans le suffixe du Parfait

    Neacutegatif -u(l)- agrave toutes les personnes Il est eacutegalement preacutesent dans le suffixe de neacutegation -ul dans le

    MP du Futur Neacutegatif du dans le MP du Prohibitif bu(l) et dans les copules verbales neacutegatives du et

    nekku(l) (sect 31)

    Afin de rendre compte de ces similitudes formelles nous pouvons supposer que ces

    constructions sont lieacutees Notre hypothegravese est la suivante Dans un eacutetat anteacuterieur de la langue il

    nexistait quune seule construction neacutegative correspondant formellement agrave lactuel Parfait Neacutegatif

    (sect 141) Les formes du Futur Neacutegatif (sect 142) et des copules neacutegatives peuvent ecirctre analyseacutees

    comme des instanciations de cette construction Leacuteleacutement -u(l) de cette construction a ensuite vu

    son usage eacutetendu agrave dautres constructions preacutedicatives notamment les constructions agrave extraction

    (sect 143) Enfin le MP du Prohibitif bu(l) a une origine diffeacuterente Nous faisons lhypothegravese quil

    reacutesulte de la grammaticalisation de la forme impeacuterative du verbe ba (laisser) Le remplacement de la

    voyelle de ce marqueur est ducirc agrave une reacuteanalyse de cette forme neacutegative par analogie avec le suffixe

    du Parfait Neacutegatif -u(l) (sect 144)

    Avant de preacutesenter nos arguments nous souhaitons insister sur le fait que nos hypothegraveses ne sont

    que des hypothegraveses permettant dexpliquer plusieurs pheacutenomegravenes observables en synchronie Il est

    impossible de confirmer ou dinfirmer avec certitude ces hypothegraveses notamment en raison de

    labsence de donneacutees historiques fiables

    141 La Construction Parfait Neacutegatif

    La construction Parfait Neacutegatif preacutesente quelques caracteacuteristiques qui la distinguent des autres

    constructions preacutedicatives (sect 212) Elle est avec lImpeacuteratif lune des deux seules constructions

    preacutedicatives syntheacutetiques de la langue Ainsi elle ne preacutesente pas de MP mais un suffixe sur le

    verbe En outre contrairement aux autres constructions preacutedicatives elle connaicirct des idiosyncrasies

    dans la combinaison de certains verbes avec ce suffixe awma et xawma au lieu de am-uma (je nai

    pas) et xam-uma (je ne sais pas)

    - 419 -

    En wolof contemporain la construction Parfait Neacutegatif semble fonctionner comme leacutequivalent

    neacutegatif de la construction Parfait En effet la valeur et les emplois de ces deux constructions sont

    relativement similaires (sect 21) Cependant plusieurs caracteacuteristiques formelles les distinguent lune

    de lautre Premiegraverement la forme ainsi que le statut du marqueur de la construction diffegraverent

    clitique na au parfait mais suffixe -u(l) au parfait neacutegatif Ensuite le paradigme personnel de ces

    deux constructions est diffeacuterent Ces diffeacuterences concernent les formes 1SG 2SG et 2PL

    Tableau 141 - Comparaison du paradigme personnel du Parfait Neacutegatif avec celui du Parfait

    Parfait Parfait Neacutegatif

    Forme Deacutecoupage Forme Deacutecoupage

    SG

    1 naa na -a -uma -u -ma

    2 nga Oslash -nga-ula-oo

    -uloo

    -ul-u

    -ul

    -a201

    -a-oo

    3 na na -Oslash -u(l) -u(l) -Oslash

    PL

    1 nanu na -nu -unu -u -nu

    2 ngeen Oslash -ngeen -uleen -ul -een

    3 nantildeu na -ntildeu -untildeu -u -ntildeu

    Par ailleurs ces deux constructions se distinguent par le statut et la position occupeacutee par le

    marqueur de passeacute (w)oon Au parfait ce marqueur est un suffixe sur le verbe lexical (sect 331) En

    revanche au parfait neacutegatif il sagit dun verbe auxiliaire occupant la mecircme position que le verbe

    dune proposition infinitive en fonction de compleacutement du verbe lexical (sect 115) Enfin la copule di

    peut ecirctre employeacutee au parfait neacutegatif (342a) (sect 222) mais elle semble incompatible avec le parfait

    (342b) (sect 211)

    342) a Kor d-u yeumlfu gor (Diouf 2003 189)

    trahison COP-PRFNEGS3SG choseGEN homme_libre

    lsquoLa trahison nest pas une affaire de noblersquo

    b Kor di-na yeumlfu gor

    trahison COP-PRFS3SG choseGEN homme_libre

    En raison de ces diffeacuterences formelles les formes du Parfait Neacutegatif ne peuvent pas ecirctre deacuteduites

    201 Nous supposons que la forme de base est -ula Cette forme est devenue -oo en raison de la chute du -l La forme-oo aurait ensuite eacuteteacute reacuteanalyseacutee comme un indice sujet 2SG entraicircnant une reacuteintroduction du suffixe -ul -uloo(sect 422)

    - 420 -

    des formes du Parfait Ainsi au parfait il semble plus opportun de consideacuterer que la neacutegation est

    exprimeacutee par une construction suppleacutetive

    Pour reacutesumer les constructions Parfait et Parfait Neacutegatif ont un sens eacutequivalent mais nont pas la

    mecircme forme Afin de rendre compte de cette apparente contradiction nous posons lhypothegravese

    suivante Dans un eacutetat anteacuterieur de la langue la construction correspondant formellement agrave lactuel

    Parfait Neacutegatif neacutetait pas un eacutequivalent neacutegatif de la construction Parfait Il sagissait dune

    construction preacutedicative autonome Cette construction eacutetait la seule construction neacutegative de la

    langue (hors modes injonctifs) Deux arguments viennent soutenir cette hypothegravese la freacutequence

    respective des diffeacuterentes constructions neacutegatives et lexpression de la neacutegation dans les autres

    langues atlantiques

    Le Parfait Neacutegatif est la construction neacutegative la plus freacutequente (Fal 1999 64) laquo il repreacutesente au

    moins 95 des cas releveacutes raquo (Church 1981 145) Les donneacutees de notre corpus confirment ce

    constat Parmi les formes neacutegatives les formes autres que le Parfait Neacutegatif ne repreacutesentent quune

    infime minoriteacute doccurrences En dehors des grammaires nous navons releveacute aucune occurrence

    des formes neacutegatives des constructions focalisantes pour certaines personnes (notamment 2PL) alors

    quon trouve plusieurs occurrences du Parfait Neacutegatif pour toutes les personnes Ainsi dans les faits

    le Parfait Neacutegatif semble pouvoir ecirctre utiliseacute comme correspondant neacutegatif de toutes les

    constructions preacutedicatives non injonctives Plus preacuteciseacutement le Parfait Neacutegatif semble fonctionner

    comme une construction exprimant juste la neacutegation cest-agrave-dire une construction indiquant laquo que

    laction na pas eu lieu que leacutetat nexiste pas sans autre preacutecision raquo (Church 1981 145)

    Dans les langues atlantiques lexpression de la neacutegation est rarement symeacutetrique (sect 174) La

    neacutegation est rarement exprimeacutee par un marqueur unique pouvant ecirctre ajouteacute agrave toutes les

    constructions preacutedicatives Par exemple en pulaar la construction neacutegative est une construction

    preacutedicative agrave part entiegravere qui soppose agrave toutes les autres constructions preacutedicatives (Labatut 1990

    Mohamadou 2012) En outre dans la plupart des langues atlantiques le marqueur de neacutegation est

    geacuteneacuteralement un suffixe verbal constitueacute dune voyelle et dune consonne coronale Ainsi Doneux

    (1991 186) propose de reconstruire un suffixe neacutegatif -ud pour le proto-atlantique Nous pouvons

    supposer que le marqueur -u(l) du Parfait Neacutegatif du wolof est issu du suffixe neacutegatif -ud du proto-

    atlantique Nous pouvons eacutegalement supposer que le Parfait Neacutegatif du wolof fonctionnait comme

    la construction neacutegative de plusieurs autres langues atlantiques agrave savoir une construction

    preacutedicative autonome

    Agrave un moment de lhistoire de la langue le suffixe -u(l) du Parfait Neacutegatif aurait commenceacute agrave ecirctre

    - 421 -

    employeacute comme une simple marque de neacutegation notamment dans les constructions agrave extraction

    (sect 143) Cette eacutevolution aurait entraicircneacute une reacuteanalyse de lancienne construction neacutegative en une

    construction Parfait Neacutegatif Plusieurs eacuteleacutements auraient faciliteacute cette reacuteanalyse Premiegraverement la

    proximiteacute seacutemantique des constructions Parfait et Parfait Neacutegatif En effet le Parfait est une

    construction relativement neutre dun point de vue seacutemantique (sect 1324) ce qui est eacutegalement le

    cas du Parfait Neacutegatif qui semble fonctionner comme une construction exprimant juste la neacutegation

    En outre lapparition de la Neacutegation Affixale aurait entraicircneacute une reacuteorganisation du paradigme de

    conjugaison La neacutegation est devenue une cateacutegorie agrave part entiegravere potentiellement compatible avec

    toutes les constructions preacutedicatives En conseacutequence de nouvelles cellules seraient apparues au

    sein du paradigme dont les cellules correspondant aux proprieacuteteacutes morphosyntaxiques TIRV prf

    POL ndash (sect 212) Le Parfait Neacutegatif eacutetant la seule maniegravere dexprimer agrave la fois le parfait et la

    neacutegation ces cellules auraient donc eacuteteacute occupeacutees par cette construction Enfin les schegravemes de

    preacutedication de ces deux constructions sont similaires S V=p-s=o O pour le Parfait et S V-p-s=o O

    pour le Parfait Neacutegatif Ainsi le suffixe -u(l) semble occuper la mecircme position que celle du

    marqueur preacutedicatif na

    Pour reacutesumer historiquement la construction Parfait Neacutegatif naurait pas eacuteteacute un simple

    eacutequivalent neacutegatif de la construction Parfait Nous supposons quil sagissait dune construction

    preacutedicative autonome dont lunique fonction eacutetait dexprimer la neacutegation Par la suite le suffixe -u(l)

    du Parfait Neacutegatif aurait commenceacute agrave ecirctre employeacute comme simple marque de neacutegation notamment

    dans les constructions agrave extraction Cette eacutevolution aurait entraicircneacute une reacuteanalyse de lancienne

    construction neacutegative en une construction Parfait Neacutegatif

    142 La Construction Futur Neacutegatif

    En wolof contemporain la construction Futur Neacutegatif semble fonctionner comme leacutequivalent

    neacutegatif de la construction Futur En effet la valeur et les emplois de ces deux constructions sont

    relativement similaires (sect 22) Neacuteanmoins dun point de vue formel le Futur Neacutegatif preacutesente

    plusieurs idiosyncrasies

    Le paradigme du Futur est formellement identique aux formes imperfectives du Parfait il est

    constitueacute du verbe auxiliaire di et du MP na amalgameacute agrave lindice sujet (sect 133) Au futur neacutegatif le

    MP semble ecirctre constitueacute du verbe auxiliaire di et du suffixe du Parfait Neacutegatif Neacuteanmoins on note

    que le verbe auxiliaire di perd sa voyelle et le paradigme personnel ne correspond pas au

    - 422 -

    paradigme attendu (sect 222) Ces diffeacuterences concernent les formes 2SG 3SG et 2PL

    Tableau 142 - Comparaison du paradigme personnel du Futur Neacutegatifavec ceux du Futur et du Parfait Neacutegatif

    Futur Futur Neacutegatif Parfait Neacutegatif

    Forme Deacutecoupage Forme Deacutecoupage Forme Deacutecoupage

    SG

    1 dinaa di- na -a duma d- u -ma -uma -u -ma

    2 dinga di- Oslash -nga doo d- u -a-ula-oo

    -uloo

    -ul-u

    -ul

    -a-a-oo

    3 dina di- na -Oslash du d- u -Oslash -u(l) -u(l) -Oslash

    PL

    1 dinanu di- na -nu dunu d- u -nu -unu -u -nu

    2 dingeen di- Oslash -ngeen dungeen d- u -ngeen -uleen -ul -een

    3 dinantildeu di- na -ntildeu duntildeu d- u -ntildeu -untildeu -u -ntildeu

    Par ailleurs on constate que quelque soit la personne la forme du verbe copule di au parfait

    neacutegatif est identique au MP du Futur Neacutegatif (343a-b)

    343) a Du suma gan (Diouf amp Yaguello 1991 43)

    COPPRFNEGS3SG POSS1SG hocircte

    lsquoCe nest pas mon inviteacutersquo

    b Dungeen sumay mbokk (Diouf amp Yaguello 1991 43)

    COPPRFNEGS2PL POSS1SGPL parent

    lsquoVous necirctes pas mes parentsrsquo

    Le verbe di est le seul verbe de la langue agrave perdre sa voyelle finale devant le suffixe de neacutegation

    Avec tous les autres verbes finissant par une voyelle un w- eacutepentheacutetique est inseacutereacute avant le suffixe

    (344a-b) Neacuteanmoins ce type de pheacutenomegravene nest pas rare dun point de vue typologique Dans les

    langues il est freacutequent quun verbe comme di cest-agrave-dire un verbe auxiliaire etou copule preacutesente

    des idiosyncrasies morphophonologiques

    344) a dellusi + -uma rarr dellusiwuma (Diouf 2003 101)

    revenir -PRFNEGS1SG lsquoje ne suis pas revenursquo

    - 423 -

    b ne + -uma rarr newuma (Diouf 2003 163)

    dire -PRFNEGS1SG lsquoje nai pas ditrsquo

    Concernant le paradigme personnel nous supposons que les idiosyncrasies sont issues de divers

    changements par analogie Au futur neacutegatif on constate que le -l du suffixe napparaicirct agrave aucune

    personne En revanche au parfait neacutegatif le -l du suffixe apparaicirct dans les formes 2PL certains

    allomorphes de 2SG et avec 3SG sauf si le verbe est suivi de pronoms clitiques Ainsi les formes 1SG

    1PL et 3PL du Futur Neacutegatif correspondent bien aux formes attendues alors que les formes 2SG 3SG

    et 2PL preacutesentent des idiosyncrasies

    Concernant 2PL on note que plusieurs grammaires anciennes donnent la forme duleen (Dard

    1826 65 Roger 1829 83 Kobegraves 1869 256) cest-agrave-dire la forme attendue Concernant 2SG les

    premiegraveres grammaires donnent soit la forme attendue dula (Roger 1829 83) soit la forme attendue

    doo (Dard 1826 65 Boilat 1858 114 Kobegraves 1869 256) soit la forme dunga (Dard 1826 65

    Boilat 1858 94) Ainsi nous supposons que dans un eacutetat anteacuterieur de la langue les formes 2SG et

    2PL correspondaient aux formes attendues dula et duleen La forme 2SG dula est devenue doo en

    raison de la chute du -l comme ce fut le cas pour le Parfait Neacutegatif -ula rarr -oo La forme 2PL

    duleen est devenue dungeen par analogie avec les formes dingeen (FUT2PL) dangeen (FOCV2PL) ou

    encore su ngeen (HYP 2PL) Lattestation dune forme dunga dans plusieurs grammaires du XIXe

    siegravecle semble montrer que ce changement par analogie affectait eacutegalement 2SG Neacuteanmoins cette

    forme na pas eacuteteacute retenue par lusage

    Concernant 3SG toutes les anciennes grammaires donnent la forme actuelle du (Dard 1826 65

    Roger 1829 83 Boilat 1858 114 Kobegraves 1869 256) Il semblerait donc que la chute du -l agrave cette

    personne soit plus ancienne que les eacutevolutions ayant affecteacute les formes 2SG et 2PL Nous disposons

    de trop peu de donneacutees pour deacuteterminer lorigine de labsence du -l dans forme 3SG Il pourrait sagir

    dun changement par analogie avec la forme 3SG des Subordonneacutees Temporelles et Hypotheacutetiques

    De fait on constate quen wolof contemporain le paradigme personnel du Futur Neacutegatif est

    identique au paradigme personnel des Subordonneacutees Temporelles et Hypotheacutetiques De plus les

    marqueurs de ces constructions sont formellement similaires su bu du Nous pouvons donc

    supposer que lun des paradigmes a pu influencer lautre Cependant nous ne disposons pas de

    suffisamment de donneacutees historiques fiables pour deacuteterminer la direction de cette influence

    - 424 -

    Tableau 143 - Comparaison du paradigme personnel du Futur Neacutegatifavec celui des Subordonneacutees Hypotheacutetiques et Temporelles

    Futur Neacutegatif Hypotheacutetique

    Forme Deacutecoupage Forme Deacutecoupage

    SG

    1 duma du -ma su ma su -ma

    2 doo du -a soo su -a

    3 du du -Oslash su su -Oslash

    PL

    1 dunu du -nu su nu su -nu

    2 dungeen du -ngeen su ngeen su -ngeen

    3 duntildeu du -ntildeu su ntildeu su -ntildeu

    Nous supposons que historiquement la construction Futur Neacutegatif neacutetait pas un eacutequivalent

    neacutegatif de la construction Futur Comme nous lavons vu en (sect 141) la copule di peut ecirctre

    employeacutee au parfait neacutegatif alors quelle semble incompatible avec le parfait De plus la forme du

    verbe copule di au parfait neacutegatif est identique au MP du Futur Neacutegatif En tenant compte de ces

    eacuteleacutements nous supposons quil sagissait dans un eacutetat anteacuterieur de la langue dune instanciation de

    lancienne construction neacutegative avec le verbe di La reacuteanalyse de lancienne construction neacutegative

    en une construction Parfait Neacutegatif aurait entraicircneacute une reacuteanalyse de cette instanciation en une

    construction Futur Neacutegatif Cette reacuteanalyse de di au neacutegatif en une construction preacutedicative

    inteacutegreacutee agrave la conjugaison aurait favoriseacute les changements par analogie affectant son paradigme

    personnel

    143 La Construction Neacutegation Affixale

    La construction Neacutegation Affixale se caracteacuterise par la preacutesence du suffixe -ul sur le premier

    verbe de la proposition Ce proceacutedeacute permet de construire leacutequivalent neacutegatif des constructions agrave

    extraction (Focalisation du Compleacutement Focalisation du Sujet Relatif) et de la construction

    Focalisation du Verbe Contrairement au Parfait Neacutegatif la Neacutegation Affixale nest pas suppleacutetive

    le suffixe -ul ne remplace pas le MP (sect 3112)

    Comme nous lavons vu plus haut (sect 141) nous supposons que dans un eacutetat anteacuterieur de la

    langue la construction correspondant formellement agrave lactuel Parfait Neacutegatif neacutetait pas un

    eacutequivalent neacutegatif de la construction Parfait il sagissait dune construction preacutedicative autonome

    dont lunique fonction eacutetait dexprimer la neacutegation Le marqueur de cette construction (-ul) aurait

    - 425 -

    ensuite commenceacute agrave ecirctre employeacute comme simple marque de neacutegation dans les constructions agrave

    extraction Deux arguments viennent soutenir cette hypothegravese la freacutequence respective des

    diffeacuterentes constructions neacutegatives et lexpression de la neacutegation dans les autres langues atlantiques

    Comme nous lavons vu le Parfait Neacutegatif est de loin la construction neacutegative la plus freacutequente

    La Neacutegation Affixale est beaucoup moins freacutequente De fait elle est peu attesteacutee dans les corpus

    Ainsi le Parfait Neacutegatif semble ecirctre le correspondant neacutegatif de toutes les constructions preacutedicatives

    non injonctives Ce constat est coheacuterent avec ce que lon observe dans un grand nombre de langues

    atlantiques Dans les langue de cette famille lexpression de la neacutegation est rarement symeacutetrique

    (sect 174) La neacutegation est rarement exprimeacutee par un marqueur unique pouvant ecirctre ajouteacute agrave toutes les

    constructions preacutedicatives En revanche dans plusieurs langues la construction neacutegative est une

    construction preacutedicative agrave part entiegravere qui est eacutegalement employeacutee comme eacutequivalent neacutegatif des

    constructions agrave extraction Cest notamment le cas en pulaar (Labatut 1990) ou en ndut (Morgan

    1996 99)

    En tenant compte de ces eacuteleacutements nous pouvons supposer que la construction Neacutegation Affixale

    est plus reacutecente que la construction Parfait Neacutegatif En effet les emplois de la construction

    Neacutegation Affixale sont plus restreints sa freacutequence est plus faible et elle na pas deacutequivalent dans

    la plupart des autres langues atlantiques Ainsi nous supposons que la construction Neacutegation

    Affixale serait issue de la geacuteneacuteralisation du marqueur -ul de lancienne construction neacutegative aux

    constructions agrave extraction Cette geacuteneacuteralisation aurait ensuite eacuteteacute eacutetendue agrave la construction

    Focalisation du Verbe par analogie avec les autres constructions focalisantes En effet comme nous

    lavons vu en (sect 114) la construction Focalisation du Verbe serait une construction relativement

    reacutecente issue de la reacuteanalyse dune ancienne construction agrave verbe auxiliaire

    144 La Construction Prohibitif

    1441 Caracteacuteristiques formelles

    En wolof contemporain la construction Prohibitif preacutesente des affiniteacutes formelles etou

    seacutemantiques avec diverses autres constructions preacutedicatives Impeacuteratif Optatif Parfait Neacutegatif et

    Relatif

    Dun point de vue seacutemantique la construction Prohibitif peut ecirctre analyseacutee comme leacutequivalent

    - 426 -

    neacutegatif des constructions Impeacuteratif et Optatif En effet la valeur et les emplois du Prohibitif sont

    identiques agrave ceux des deux constructions injonctives (sect 233)

    Dun point de vue formel deux points doivent ecirctre consideacutereacutes le paradigme personnel et le

    schegraveme de preacutedication Le paradigme personnel que nous avons preacutesenteacute en (sect 233) correspond au

    paradigme donneacute dans la plupart des travaux reacutecents sur le wolof (Sauvageot 1965 Church 1981

    Diouf 2009) Ce paradigme ne semble pas preacutesenter la mecircme coheacuterence interne que les paradigmes

    personnels des autres constructions preacutedicatives Aux premiegraveres et troisiegravemes personnes (1SG 3SG

    1PL 3PL) la forme semble ecirctre constitueacutee dun marqueur bu suivi dun pronom personnel sujet En

    revanche les formes de deuxiegraveme personne bul (2SG) et buleen (2PL) ne peuvent pas ecirctre analyseacutees

    ainsi Neacuteanmoins cette incoheacuterence apparente reacutesulte uniquement dune preacutesentation trompeuse du

    paradigme Le paradigme personnel du Prohibitif tel quil est geacuteneacuteralement preacutesenteacute est en reacutealiteacute

    un meacutelange entre le paradigme personnel de lOptatif Neacutegatif (pour 1SG 3SG 1PL et 3PL) et celui de

    lImpeacuteratif Neacutegatif (pour 2SG et 2PL) En effet on peut identifier en wolof contemporain des formes

    dOptatif Neacutegatif 2SG (345a) et 2PL (345b) distinctes de celles de lImpeacuteratif

    345) a Yagravella boo gaaw=a seumlngeacuteem (Diouf 2003 311)

    Dieu OPTNEGS2SG ecirctre_rapide=DV ecirctre_triste

    lsquoPuisse Dieu faire que tu ne sois pas facilement tristersquo

    b Yagravella bu-ngeen tase ak jinne (Eacutelicitation)

    Dieu OPTNEG-S2PL rencontrer avec djinn

    lsquoDieu fasse que vous ne rencontriez pas de djinn rsquo

    Ces formes sont tregraves rares dans notre corpus (nous navons trouveacute aucune occurrence pour 2PL)

    et semblent limiteacutees aux formules de souhait Neacuteanmoins elles existent et semblent ecirctre les seules

    formes possibles dans les formules de souhait En outre Boilat (1858 96) et Kobegraves (1869 127)

    indiquent les formes bu-nga (2SG) et bu-ngeen (2PL) dans le paradigme personnel de lOptatif

    Neacutegatif des verbes copules Nous pouvons donc distinguer deux paradigmes diffeacuterents Optatif

    Neacutegatif et Impeacuteratif Neacutegatif

    Ces deux paradigmes ont en commun un eacuteleacutement bu(l) Cet eacuteleacutement semble contenir le suffixe

    -u(l) du Parfait Neacutegatif Le -l de bu(l) chute devant un pronom objet comme le suffixe -u(l) En

    outre on constate des similitudes entre les formes du Prohibitif et du Parfait Neacutegatif agrave la deuxiegraveme

    personne boo -oo (2SG) buleen -uleen (2PL) Neacuteanmoins un examen plus preacutecis montre

    - 427 -

    clairement que bu(l) na pas le comportement morphosyntaxique dun verbe au parfait neacutegatif mais

    plutocirct dun verbe agrave limpeacuteratif

    Tableau 144 - Comparaison des paradigmes personnels du Prohibitifavec ceux de lOptatif de lImpeacuteratif du Parfait Neacutegatif et du Relatif

    ProhibitifOPT IMP PRFNEG REL

    PROH OPTNEG IMPNEG

    SG

    1 bu ma bu ma naa -uma bu ma

    2 bu(l) boo bu(l) nanga (-al) -oo boo

    3 bu mu bu mu na -u(l) bu mu

    PL

    1 bu nu bu nu nanu -unu bu nu

    2 buleen bu ngeen buleen nangeen -leen -uleen bu ngeen

    3 bu ntildeu bu ntildeu nantildeu -untildeu bu ntildeu

    Le suffixe du Parfait Neacutegatif nest pas le seul agrave connaicirctre une reacuteduction phoneacutetique devant un

    pronom objet En effet le suffixe 2SG de lImpeacuteratif -al tombe devant un pronom objet (sect 231) De

    fait le paradigme personnel de lImpeacuteratif Neacutegatif est identique au paradigme personnel de

    lImpeacuteratif dun verbe finissant par la voyelle [u] Avec ce type de verbe le suffixe de lImpeacuteratif se

    reacutealise -leen au pluriel (346a) et -l au singulier (346b) sauf si le verbe est suivi dun pronom objet

    (346c)

    346) a Yoacutebbu-leen =ko ca billoacuteoji =ba (Diouf 2003 71)

    emmener-IMPS2PL =O3SG PREPDT sorcier =CLbDFDT

    lsquoEmmenez-le chez le sorcierrsquo

    b Yoacutebbu-l ndugg =mi ca waantilde =wa (Diouf 2003 245)

    emmener-IMPS2SG victuailles =CLmDFPX PREPDT cuisine =CLwDFDT

    lsquoApporte les victuailles agrave la cuisinersquo

    c Yoacutebbu-Oslash =ko ca taatu garab =ga (Diouf 2003 326)

    emmener-IMPS2SG =O3SG PREPDT fondGEN arbre =CLgDFDT

    lsquoApporte-le au pied de larbrersquo

    347) a Bu-leen =ko deacuteglu (Diouf 2003 546)

    IMPNEG-S2PL =O3SG eacutecouter

    lsquoNe leacutecoutez pasrsquo

    - 428 -

    b Bu-l dem leacuteegi (Diouf 2003 76)

    IMPNEG-S2SG partir maintenant

    lsquoNe ten va pas maintenant rsquo

    c Bu-Oslash =ko jentilde (Diouf 2003 168)

    IMPNEG-S2SG =O3SG pousser

    lsquoNe le pousse pas rsquo

    La forme boo (OPTNEG) nest pas uniquement comparable au suffixe -oo (PRFNEG) mais

    eacutegalement aux formes 2SG des relatives introduites par un relativiseur non reacutefeacuterentiel CL-u En wolof

    contemporain la forme de lindice sujet 2SG est -a dans les constructions dont la voyelle du

    marqueur est [u] quil sagisse du suffixe neacutegatif ou dune marque de reacutefeacuterentialiteacute (sect 422) De

    fait le paradigme personnel de lOptatif Neacutegatif est identique au paradigme personnel du Relatif

    (Tableau 144)

    En ce qui concerne le schegraveme de preacutedication lOptatif Neacutegatif (348a) preacutesente la mecircme structure

    que lOptatif (348b) p-s=o S V O Ainsi le sujet lexical se place entre le marqueur preacutedicatif et le

    verbe et le pronom objet se place avant le sujet lexical Neacuteanmoins notons que la construction

    Relatif preacutesente exactement le mecircme schegraveme (348c) (sect 44)

    348) a Bu =la sa taar jay (Diouf 2003 326)

    OPTNEG =O2SG POSS2SG beauteacute flatter

    lsquoNe te laisse pas entraicircner par ta beauteacute rsquo (litt lsquoQue ta beauteacute ne te flatte pas rsquo)

    b Yagravella =na =ma Yagravella baal (Diouf 2003 56)

    Dieu =OPT =O1SG Dieu pardonner

    lsquoQue Dieu me pardonne rsquo

    c (hellip) lu =ma Yagravella weumlrseumlgalehellip (Diouf 2003 368)

    CLCHREL =O1SG Dieu gratifier

    lsquo(hellip) tout ce dont Dieu me gratifierahelliprsquo

    LImpeacuteratif Neacutegatif (349a) preacutesente un schegraveme similaire agrave celui de limpeacuteratif imperfectif (349b)

    Le marqueur bu occupe la mecircme position que le verbe auxiliaire dImperfectif di

    - 429 -

    349) a Bu-leen =ko deacuteglu (Diouf 2003 546)

    IMPNEG-S2PL =O3SG eacutecouter

    lsquoNe leacutecoutez pasrsquo

    b Di-leen =fa dem (Diouf 2009 84)

    IPF-IMPS2PL =CLLOCDFDT partir

    lsquoIl faut y allerrsquo202

    Pour reacutesumer il nexiste pas une mais deux constructions prohibitives en wolof lImpeacuteratif

    Neacutegatif et lOptatif Neacutegatif LImpeacuteratif Neacutegatif est leacutequivalent neacutegatif de lImpeacuteratif Sa valeur et

    ses emplois sont similaires agrave ceux de lImpeacuteratif Son marqueur bu semble se comporter comme un

    verbe portant le suffixe de lImpeacuteratif

    LOptatif Neacutegatif est leacutequivalent neacutegatif de lOptatif Sa valeur et ses emplois sont similaires agrave

    ceux de lOptatif Son marqueur bu occupe la mecircme position que le MP na de loptatif Neacuteanmoins

    cette position est eacutegalement similaire agrave celle occupeacutee par le relativiseur dans les relatives De plus

    le paradigme personnel de lOptatif Neacutegatif est identique agrave celui du Relatif mais est distinct de celui

    de lOptatif

    Bien quils preacutesentent plusieurs diffeacuterences formelles lImpeacuteratif Neacutegatif et lOptatif Neacutegatif

    tendent agrave fusionner en une seule construction preacutedicative en wolof contemporain le Prohibitif En

    effet les formes 2SG et 2PL de lOptatif Neacutegatif sont tregraves rares et semblent limiteacutees aux formules de

    souhait Dans tous les autres contextes elles semblent avoir eacuteteacute remplaceacutees par les formes de

    lImpeacuteratif Neacutegatif En outre le marqueur de ces deux constructions est identique (bu)

    1442 Analyse de la construction

    Comme nous lavons vu plus haut les constructions prohibitives preacutesentent des affiniteacutes

    formelles etou seacutemantiques avec quatre constructions preacutedicatives relativement diffeacuterentes

    Impeacuteratif Optatif Parfait Neacutegatif et Relatif Il est donc relativement difficile de proposer une

    analyse du Prohibitif permettant de rendre compte de toutes ses caracteacuteristiques

    Nous envisageons deux hypothegraveses

    bull Le marqueur bu est issu du relativiseur homonyme le Prohibitif correspond donc agrave une

    202 En wolof la forme imperfective de limpeacuteratif a une valeur freacutequentative (Diouf 2009 84)

    - 430 -

    ancienne construction relative

    bull Le marqueur bu est issu du verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif qui sest grammaticaliseacute en MP

    par analogie avec lOptatif

    14421 Hypothegravese 1 le marqueur du Prohibitif est issu dun relativiseur

    On pourrait rapprocher le marqueur bu du relativiseur homonyme Ainsi on pourrait supposer

    que le Prohibitif est issu dune ancienne construction relative Cette hypothegravese permet dexpliquer

    les similitudes formelles entre le Prohibitif (ou plutocirct lOptatif Neacutegatif) et la construction Relatif En

    effet ces deux constructions preacutesentent le mecircme schegraveme de preacutedication ainsi que le mecircme

    paradigme personnel et le marqueur bu est formellement identique au relativiseur non reacutefeacuterentiel de

    classe nominale b- Cette hypothegravese est eacutegalement coheacuterente avec les donneacutees du dialecte leacutebou

    Dans ce dialecte le marqueur du Prohibitif est ba(l) et les relativiseurs non reacutefeacuterentiels sont de

    forme CL-a (Diouf 2016)

    Cependant cette hypothegravese pose plusieurs problegravemes Premiegraverement elle ne permet pas

    dexpliquer le paradigme de lImpeacuteratif Neacutegatif Comme nous lavons vu preacuteceacutedemment agrave

    limpeacuteratif neacutegatif le marqueur semble ecirctre constitueacute de bu et du suffixe dImpeacuteratif Si bu est un

    relativiseur comment est-il possible quil puisse porter un suffixe de flexion verbale En outre

    cette analyse pose problegraveme dun point de vue seacutemantique Comment une construction relative

    introduite par un relativiseur non reacutefeacuterentiel de la classe b- (classe nominale rassemblant un

    ensemble tregraves heacuteteacuterogegravene de noms et nayant donc pas de signifieacute preacutecis) a-t-elle pu devenir une

    construction injonctive neacutegative Nous ne voyons pas dans quel contexte une telle interpreacutetation

    serait possible En outre nous navons releveacute aucun cas de grammaticalisation de ce type dans la

    litteacuterature (Heine amp Kuteva 2002)

    14422 Hypothegravese 2 le marqueur du Prohibitif est issu dun verbe auxiliaire

    On pourrait rapprocher le marqueur bu du verbe ba (laisser) Notre hypothegravese est la suivante

    Eacutetape 1 Dans un premier temps le verbe ba (laisser abandonner renoncer cesser) agrave limpeacuteratif se

    serait grammaticaliseacute en verbe auxiliaire exprimant limpeacuteratif neacutegatif La grammaticalisation dun

    verbe lexical en auxiliaire de prohibitif est un pheacutenomegravene relativement reacutepandu dans les langues du

    monde (Croft 1991 14-16) Ainsi la grammaticalisation dun verbe laquo cesser arrecircter raquo en auxiliaire

    de prohibitif est attesteacutee dans plusieurs langues (Heine amp Kuteva 2002 283-284) Dans dautres

    - 431 -

    langues on constate quun verbe laquo laisser abandonner raquo sest grammaticaliseacute en marqueur dhortatif

    ou de neacutegation (Heine amp Kuteva 2002 190-193)

    Eacutetape 2 Par la suite les formes bal (laisserIMPS2SG) et baleen (laisserIMPS2PL) seraient devenues

    bul et buleen par analogie avec le suffixe de neacutegation Le -l de ces formes auraient eacuteteacute reacuteinterpreacuteteacute

    comme la consonne finale du suffixe -ul Nous pouvons supposer que le fait que ba(l) ait perdu son

    sens lexical pour devenir un auxiliaire neacutegatif a pu favoriser cette reacuteinterpreacutetation En outre cette

    reacuteinterpreacutetation a eacutegalement pu ecirctre favoriseacutee par le fait que le -l final du suffixe -ul chute devant un

    pronom objet tout comme le suffixe -(a)l de lImpeacuteratif

    Eacutetape 3 Le verbe auxiliaire bul aurait ensuite eacuteteacute utiliseacute dans les formules de souhait pour

    introduire un souhait neacutegatif Il aurait eacuteteacute placeacute apregraves la forme figeacutee yell na ou Yal na203 Cette eacutetape

    du processus de grammaticalisation pourrait correspondre agrave certains exemples (350a) donneacutes par

    Boilat (1858 98-99)

    Eacutetape 4 Son usage aurait eacuteteacute eacutetendu aux autres personnes Il aurait alors cesseacute decirctre consideacutereacute

    comme un verbe auxiliaire pour devenir un marqueur grammatical exprimant la neacutegation Cette

    eacutetape du processus de grammaticalisation pourrait correspondre agrave certains exemples (350b) donneacutes

    par Dard (1826 65-66) Boilat (1858 98-99) ou Guy-Grand (1923 35)

    Eacutetape 5 Par la suite dans les formules de souhait neacutegatives le marqueur optatif na aurait disparu

    Ce pheacutenomegravene a pu ecirctre favoriseacute par le fait que le marqueur bu porte deacutejagrave un sens injonctif Cette

    eacutetape du processus de grammaticalisation pourrait correspondre agrave certains exemples (350c) donneacutes

    par Kobegraves (1869 284) et correspond agrave ce quon observe en wolof contemporain

    350) a Yal na buleen agum di Peer (Boilat 1858 98)

    Dieu OPT PROHS2PL pour_le_moment ecirctre Pierre

    lsquo(Quil soit) que vous ne soyez pas encore Pierrersquo

    b Yal na bu leen Yagravella fey (Guy-Grand 1923 35)

    Dieu OPT PROH O2PL Dieu payer

    lsquoQue Dieu ne vous punisse pas rsquo

    c Yagravella bu ma dee (Kobegraves 1869 284)

    Dieu PROH S1SG mourir

    lsquoQue je ne meure pas rsquo

    203 Nous avons deacutetailleacute la structure de ce type de construction en (sect 134)

    - 432 -

    Eacutetape 6 Cette reacuteanalyse de bu comme MP va entraicircner une morphologisation du sujet pronominal

    essentiellement agrave la deuxiegraveme personne du singulier (351a) par analogie avec le paradigme

    personnel dautres constructions notamment la construction relative (351b)

    351) a Yagravella boo gaaw=a seumlngeacuteem (Diouf 2003 311)

    Dieu OPTNEGS2SG ecirctre_rapide=DV ecirctre_triste

    lsquoPuisse Dieu faire que tu ne sois pas facilement tristersquo

    b Jeacutend =naa woto boo xam ne (Diouf 2009 61)

    acheter =PRFS1SG voiture CLbRELS2SG savoir COMP

    dina =la neex

    FUTS3SG =O2SG plaire

    lsquoJai acheteacute une voiture qui te plairarsquo

    (litt lsquoJai acheteacute une voiture qui tu sais quelle te plairarsquo)

    Eacutetape 7 La chute de na aurait entraicircneacute une reacuteanalyse de bu comme un eacutequivalent neacutegatif de na

    cest-agrave-dire comme un marqueur doptatif neacutegatif Cet optatif neacutegatif aurait alors subi le mecircme

    processus dexpansion que lOptatif cest-agrave-dire quil naurait plus eacuteteacute limiteacute aux formules de souhait

    (352a-b) (sect 1342)

    352) a Bu-nu tuumaal kenn (Fal 1999 86)

    PROH-S2PL accuser CLHUMSGSING

    lsquoNaccusons personne rsquo

    b Bu-mu dem leacuteegi (Diouf 2003 75)

    PROHS3SG partir maintenant

    lsquoQuil ne parte pas maintenant rsquo

    Eacutetape 8 En dehors des formules de souhait les formes optatives boo (2SG) et bungeen (2PL)

    auraient eacuteteacute remplaceacutees par les formes impeacuteratives bul (2SG) et buleen (2PL) Le fait que ces formes

    soient en concurrence a pu favoriser cette substitution En effet agrave la seconde personne la structure

    dun eacutenonceacute optatif neacutegatif et celle dun eacutenonceacute impeacuteratif neacutegatif semblent identiques bien que leur

    - 433 -

    schegraveme soit diffeacuterent (353a-b)204 En outre leur valeur est identique

    353) a V1-s =o V2

    Bu-leen =ko lekk

    laisser-IMPS2PL =O3SG manger

    lsquoQuils ne le mangent pas rsquo

    b p-s =o V

    Bu-ngeen =ko lekk

    OPTNEG-S2PL =O3SG manger

    lsquoQuils ne le mangent pas rsquo

    Cette hypothegravese permet dexpliquer toutes les caracteacuteristiques de la construction Prohibitif Elle

    rend compte de la valeur de la construction de son paradigme personnel et de son schegraveme de

    preacutedication Elle tient compte des donneacutees issues des grammaires du XIXe siegravecle et permet de lier

    la construction Prohibitif agrave la construction Optatif et agrave la construction Impeacuteratif Par ailleurs cette

    hypothegravese repose sur un type de grammaticalisation (laisser rarr PROH) attesteacute dans dautres langues

    Elle semble eacutegalement compatible avec les donneacutees du leacutebou Les formes bal (2SG) et baleen (2PL)

    de ce dialecte (Diouf 2016) peuvent ecirctre rapprocheacutees des formes impeacuteratives du verbe ba (laisser)

    Neacuteanmoins cette hypothegravese pose quelques problegravemes Tout dabord la fiabiliteacute et la pertinence

    des donneacutees historiques sur lesquelles elle sappuie sont discutables Ces donneacutees sont issues des

    mecircmes sources que celles que nous avons utiliseacutees pour la construction Optatif (sect 1342)

    Neacuteanmoins dans le cas de lOptatif les donneacutees sont agrave quelques deacutetails pregraves identiques dun auteur

    agrave lautre En outre les eacutetapes de la grammaticalisation suivent la chronologie des descriptions

    grammaticales Ainsi les exemples correspondant aux premiegraveres eacutetapes sont attesteacutes dans les deux

    premiegraveres grammaires (Dard 1826 38-41 Roger 1829 64-65) mais sont absents des grammaires

    suivantes (Boilat 1858 Kobegraves 1869) En revanche dans le cas du Prohibitif les donneacutees semblent

    plus incoheacuterentes En effet les paradigmes personnels varient dun auteur agrave lautre et certains

    auteurs preacutesentent parfois plusieurs formes pour le mecircme paradigme Par exemple Boilat (1858

    97 114) donne la forme optative neacutegative 2PL bungeen dans le paradigme du verbe di (ecirctre) mais

    buleen dans le paradigme du verbe baax (ecirctre bon) En outre les eacutetapes de la grammaticalisation ne

    suivent pas vraiment la chronologie des descriptions grammaticales Ainsi les exemples

    204 Lexemple (353b) ne semble plus possible en wolof contemporain Neacuteanmoins ce type dexemple est attesteacute dansles grammaires de Boilat (1858 114) et Kobegraves (1869 256)

    - 434 -

    correspondant agrave leacutetape 3 sont attesteacutes uniquement dans la grammaire de Boilat (1858 98-99) alors

    que des exemples correspondant agrave leacutetape 4 sont attesteacutes dans la grammaire de Dard (1826 65-66)

    On pourrait supposer que ces incoheacuterences sont dues au fait que les formules de souhait sont des

    constructions figeacutees preacutesentant des structures conservatrices voire archaiumlques Il est eacutegalement

    possible que les paradigmes preacutesenteacutes par les auteurs deacutependent des informateurs quils ont

    consulteacutes Il est aussi possible que certains auteurs aient geacuteneacuteraliseacute certaines formes pour construire

    leurs paradigmes sans faire veacuterifier le reacutesultat par un informateur Enfin il est possible que

    certaines formes reacutesultent derreurs danalyse ou deacutelicitations mal formuleacutees Dans tous les cas

    nous manquons de donneacutees historiques pour pouvoir eacutetablir la validiteacute des analyses fournies par les

    grammairiens du XIXe siegravecle

    Enfin cette hypothegravese ne permet pas dexpliquer lune des formes attesteacutees dans certaines

    grammaires anciennes Pour la seconde personne du singulier Dard (1826 124) Boilat (1858

    114) et Kobegraves (1869 119) preacutesentent une forme bulu allomorphe de bul Ces auteurs ne donnent

    aucune regravegle reacutegissant la distribution de ces allomorphes mais les exemples quils donnent semblent

    indiquer quils sont en variation libre Lhypothegravese que nous avons formuleacutee dans cette section ne

    permet pas de rendre compte de la forme bulu En effet si le marqueur du Prohibitif est issu de la

    grammaticalisation du verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif dougrave provient la voyelle finale de bulu

    Selon Becher (2001 165) bulu serait constitueacute du marqueur du Prohibitif bu et dun indice sujet

    2SG lu Cet indice sujet serait agrave rapprocher du suffixe du Parfait Neacutegatif 2SG -ula et du pronom objet

    la La voyelle serait devenue [u] par harmonie vocalique avec bu Cette hypothegravese semble coheacuterente

    avec leacutetape 2 du chemin de grammaticalisation que nous avons proposeacute La forme bal

    (laisserIMPS2SG) serait devenue bul(u) par analogie avec le suffixe du Parfait Neacutegatif bal rarr bul rarr

    bula rarr bulu Lharmonie vocalique ne permet pas dexpliquer le changement de voyelle En effet

    lharmonie vocalique du wolof aurait transformeacute la voyelle en euml [ə] et non en u [u] (Ka 1994 12)

    Neacuteanmoins dans certains mots reacutesultant de la grammaticalisation de deux mots grammaticaux il

    est possible que lune des deux voyelles devienne homorganique avec lautre Ce pheacutenomegravene est

    attesteacute dans dana allomorphe de dina (FUTS3SG) La forme bulu na pas eacuteteacute maintenue dans lusage

    peut-ecirctre pour des raisons deacuteconomie En effet comme nous lavons vu avec le paradigme

    personnel de la Focalisation du Verbe (sect 11412) plusieurs amalgames MP-sujet subissent leacutelision

    de leur voyelle finale

    - 435 -

    14423 Synthegravese

    Afin de rendre compte des caracteacuteristiques formelles et seacutemantiques de la construction Prohibitif

    nous avons envisageacute deux hypothegraveses Selon la premiegravere hypothegravese le marqueur du Prohibitif bu

    serait issu du relativiseur homonyme le Prohibitif correspondrait donc agrave une ancienne construction

    relative Selon la seconde hypothegravese le marqueur bu serait issu du verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif

    qui sest grammaticaliseacute en MP par analogie avec lOptatif

    Aucune de ces deux hypothegraveses ne permet de rendre compte aiseacutement de lensemble des

    caracteacuteristiques de la construction Neacuteanmoins elles ne preacutesentent pas la mecircme force explicative

    La premiegravere hypothegravese ne permet pas dexpliquer le paradigme de lImpeacuteratif Neacutegatif et ne rend pas

    vraiment compte de la valeur ou des emplois de la construction En revanche la seconde hypothegravese

    permet dexpliquer presque toutes les caracteacuteristiques formelles de la construction et est coheacuterente

    avec les donneacutees historiques Nous privileacutegions donc la seconde hypothegravese

    Ainsi nous supposons que le verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif se serait grammaticaliseacute en verbe

    auxiliaire exprimant limpeacuteratif neacutegatif Il sagirait donc historiquement dune instanciation de la

    construction agrave Verbe Auxiliaire dont le verbe principal est ba (laisser) En effet elle preacutesente la

    plupart des caracteacuteristiques propres aux constructions agrave auxiliaire (sect 116) La valence objet du

    verbe principal ba (laisser) est satureacutee par une proposition infinitive Elle semble preacutesenter la

    structure dune construction agrave monteacutee (353a-b) Lordre des eacuteleacutements de la phrase deacutepend du schegraveme

    de preacutedication de la construction preacutedicative dans laquelle sinsegravere le verbe principal ba (laisser) agrave

    savoir lImpeacuteratif Le verbe principal preacutesente des idiosyncrasies morphophonologiques (bul

    buleen au lieu de bal baleen) Dans cette construction le verbe principal a une fonction

    essentiellement grammaticale (exprimer le prohibitif) et est deacutenueacute de sens lexical La construction

    est inteacutegreacutee au paradigme de conjugaison et le choix de la construction preacutedicative dans laquelle

    sinsegravere le verbe principal est restreint agrave la construction impeacuterative

    Neacuteanmoins ce lien entre construction Prohibitif et construction agrave Verbe Auxiliaire est

    essentiellement diachronique En wolof contemporain le Prohibitif tend agrave ecirctre reacuteanalyseacute comme

    une construction agrave MP dont la structure est identique agrave celle de lOptatif

    145 Synthegravese

    Nous faisons lhypothegravese que toutes les constructions neacutegatives du wolof (Parfait Neacutegatif Futur

    - 436 -

    Neacutegatif Neacutegation Affixale et Prohibitif) sont historiquement lieacutees Dans un eacutetat anteacuterieur de la

    langue il ny aurait eu quune seule construction neacutegative correspondant formellement agrave lactuel

    Parfait Neacutegatif Le Futur Neacutegatif pourrait ecirctre analyseacute comme une instanciation de cette

    construction Leacuteleacutement -u(l) de cette construction aurait ensuite vu son usage eacutetendu agrave dautres

    constructions preacutedicatives notamment les constructions agrave extraction Enfin le Prohibitif aurait une

    origine diffeacuterente mais aurait subi un changement formel par analogie avec la neacutegation Le MP du

    Prohibitif bu(l) reacutesulterait de la grammaticalisation de la forme impeacuterative du verbe ba (laisser) Le

    remplacement de la voyelle de ce marqueur serait ducirc agrave une reacuteanalyse de cette forme neacutegative par

    analogie avec le suffixe du Parfait Neacutegatif -u(l)

    Nos hypothegraveses permettent de rendre compte de la preacutesence de leacuteleacutement -u(l) dans toutes les

    constructions neacutegatives En outre elles permettent dexpliquer presque toutes les caracteacuteristiques

    formelles de ces constructions et sont coheacuterentes avec les donneacutees historiques

    Dans la Figure (141) les constructions sont repreacutesenteacutees sous la forme dune liste de traits

    caracteacuteristiques pertinents Il ne sagit pas de formalisation mais plutocirct de repreacutesentation

    syntheacutetique Dans ce scheacutema les flegraveches pleines sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en pointilleacutes

    sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions Le lien

    diachronique nest pas un lien dheacuteritage au sens strict Il indique juste que certaines caracteacuteristiques

    de la construction fille sont historiquement heacuteriteacutees de la construction megravere

    - 437 -

    - 438 -

    Figure 141 - Reacuteseau des constructions neacutegatives

    Construction agrave Verbe Auxiliaire

    - V1 = verbe auxiliaire- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Compatibiliteacute = toutes C-PRED- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    Construction Neacutegation

    - Schegraveme S V-u(l)-s =o O- Sens = neacutegation- Construction preacutedicative autonome

    ConstructionParfait Neacutegatif

    - Schegraveme S V-u(l)-s =o O- Sens = parfait neacutegatif- Eacutequivalent neacutegatif du Parfait

    Construction Imperfectif

    - V1 = verbe auxiliaire di- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Schegraveme imposeacute par C-PRED- Sens = imperfectif

    ConstructionNeacutegation Imperfectif

    - Schegraveme S di-u(l)-s =o V O- Sens = imperfectif neacutegatif

    ConstructionFutur Neacutegatif

    - Schegraveme S du-s =o V O- Sens = futur neacutegatif- Eacutequivalent neacutegatif du Futur

    ConstructionNeacutegation Affixale

    - Suffixe -ul sur le verbe- Construction syntheacutetique- Compatibiliteacute = Extraction FOCV- Schegraveme imposeacute par C-PRED

    Construction Impeacuteratif

    - Construction preacutedicative- Suffixe -(a)l-leen sur le verbe- Schegraveme V-p-s =o O- Restreint 2SG 2PL- Sens = impeacuteratif

    Construction Prohibitifagrave Verbe Auxiliaire

    - V1 = verbe ba- Objet de V1 = proposition infinitive- Construction agrave monteacutee- Schegraveme ba-p-s =o V O- Restreint 2SG 2PL- Sens = impeacuteratif neacutegatif

    ConstructionImpeacuteratif Neacutegatif

    - Schegraveme bu-s =o V O- Restreint 2SG 2PL - Forme 2SG = bul - Forme 2PL = buleen- Sens = impeacuteratif neacutegatif- Eacutequivalent neacutegatif de lImpeacuteratif

    ConstructionOptatif Neacutegatif

    - Schegraveme bu-s =o S V O- Compatible toutes personnes - Forme 2SG = boo - Forme 2PL = bungeen- Sens = optatif neacutegatif- Eacutequivalent neacutegatif de lOptatif

    Construction Prohibitif

    - Schegraveme bu-s =o S V O- Compatible toutes personnes - Forme 2SG = bul - Forme 2PL = buleen- Sens = injonction neacutegative- Eacutequivalent neacutegatif de lOptatif et de lImpeacuteratif

    LI

    LI

    LI

    LI

    LD

    LD

    LD

    LD

    LD

    LD

    LD

    LI

    CCHAPITREHAPITRE 15 - 15 - IINTEacuteGRATIONNTEacuteGRATION

    ETET CONSTRUCTIONSCONSTRUCTIONS NONNON FINIESFINIES

    En wolof contemporain les propositions deacutependantes sont caracteacuteriseacutees par labsence de MP (agrave

    lexception des compleacutetives introduites par un compleacutementeur) Dans la litteacuterature les formes

    verbales sans MP sont geacuteneacuteralement analyseacutees comme eacutetant toutes des instanciations dune seule et

    mecircme construction appeleacutee laquo minimal raquo ou laquo narratif raquo Comme nous lavons vu en (sect 241) la

    construction laquo minimale raquo nexiste pas mais recouvre en reacutealiteacute plusieurs constructions diffeacuterentes

    Subjonctif-Conseacutecutif Infinitif Relatif Subordonneacutee Hypotheacutetique et Subordonneacutee Temporelle

    Ces constructions peuvent ecirctre regroupeacutees en deux ensembles distincts On peut rassembler les

    constructions Relatif Subordonneacutee Hypotheacutetique et Subordonneacutee Temporelle Ces constructions

    preacutesentent un schegraveme p-s=o S V O sont compatibles avec la Neacutegation Affixale (le verbe peut porter

    le suffixe -ul) et peuvent ecirctre analyseacutees comme des constructions agrave extraction (Ch 12)

    Par ailleurs on peut rassembler les constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif Ces

    constructions se caracteacuterisent par la position de lobjet pronominal apregraves le verbe (schegraveme

    (S s) V o O) En outre elles sont incompatibles avec la Neacutegation Affixale (le verbe ne peut pas

    porter le suffixe -ul) Elles doivent ecirctre nieacutees lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) cest-agrave-

    dire via la construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire (sect 313)

    Afin de rendre compte des similitudes entre les constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif

    nous proposons danalyser ces constructions comme des constructions non (complegravetement) finies205

    151 Finitude et inteacutegration

    1511 La notion de laquo finitude raquo

    Parler de laquo construction non complegravetement finie raquo pour le Subjonctif peut sembler contestable

    En effet leacutetiquette laquo subjonctif raquo est utiliseacutee pour deacutesigner des formes qui sont geacuteneacuteralement

    205 Nous empruntons cette eacutetiquette laquo forme non complegravetement finie raquo (not-fully-finite form) agrave Carlson (1992 83)

    - 439 -

    consideacutereacutees comme finies notamment dans les langues indo-europeacuteennes (Koptjevskaja-Tamm

    1999 146) Cette analyse est en adeacutequation avec la deacutefinition traditionnelle de la notion de finitude

    (finiteness) Selon cette deacutefinition une forme verbale finie porte des marques flexionnelles

    (personne nombre temps aspect mode) et peut constituer le preacutedicat dune proposition

    indeacutependante A contrario une forme verbale non finie preacutesente une flexion plus limiteacutee voir

    inexistante et ne peut constituer le preacutedicat dune proposition indeacutependante (Koptjevskaja-Tamm

    1999 146 Matthews 2007 139 Neveu 2011 161) En outre la combinaison avec le sujet est

    parfois consideacutereacutee comme un critegravere crucial Les formes finies se combinent avec un sujet alors que

    les formes non finies soit ne peuvent pas se combiner avec un sujet explicite soit se combinent avec

    un sujet dont la forme est diffeacuterente du sujet des propositions indeacutependantes (Koptjevskaja-Tamm

    1999 146-147)

    Cette approche classique est probleacutematique En effet selon cette approche la finitude est une

    proprieacuteteacute du verbe Cette position limite la pertinence de la notion de finitude aux laquo langues qui ont

    agrave la fois une morphologie verbale riche et une contrainte syntaxique selon laquelle largument sujet

    dune forme verbale indeacutependante doit se manifester neacutecessairement soit sous forme de constituant

    nominal soit sous forme dindice pronominal raquo (Creissels 2006a 218) Par ailleurs cette approche

    preacutesente la finitude comme un trait binaire une forme est soit finie soit non finie Cette position

    induit des regroupements de formes preacutesentant des proprieacuteteacutes assez diffeacuterentes Par exemple

    infinitif geacuterondif et participe sont tous trois consideacutereacutes comme des formes non finies Mais surtout

    cette position ne permet pas de rendre vraiment compte de cas limites Par exemple le subjonctif

    dune langue comme le franccedilais est compatible avec la morphologie flexionnelle et se combine avec

    un sujet mais il est essentiellement employeacute dans des propositions deacutependantes Ses emplois en

    proposition indeacutependante se limitent aux eacutenonceacutes agrave valeur hortative et neacutecessitent la preacutesence de la

    conjonction que (ex Quil parte ) Limpeacuteratif dune langue comme le franccedilais est exclusivement

    employeacute dans des propositions indeacutependantes mais il preacutesente une morphologie flexionnelle

    limiteacutee et ne se combine pas avec un sujet explicite Traditionnellement les formes subjonctives et

    impeacuteratives sont consideacutereacutees comme des formes finies alors quelles preacutesentent plusieurs

    caracteacuteristiques propres aux formes non finies

    Givoacuten (1990 852-891) propose une autre approche de la notion de finitude Selon lui la

    finitude est une proprieacuteteacute de la proposition (et non du verbe) La finitude nest pas un trait binaire

    mais est plutocirct un pheacutenomegravene complexe (multifactoriel) et scalaire Ainsi la finitude repose sur

    plusieurs traits distincts (personne TAM etc) et les formes consideacutereacutees peuvent ecirctre situeacutees sur

    une eacutechelle de finitude Enfin la finitude est lexpression du degreacute dinteacutegration de la proposition

    - 440 -

    Ainsi moins une forme est finie plus la proposition dont elle est issue est inteacutegreacutee (~ deacutependante)

    Les travaux consacreacutes agrave la finitude ne se limitent pas agrave lapproche de la grammaire traditionnelle

    ou agrave lapproche de Givoacuten (1990) Ces trente derniegraveres anneacutees un deacutebat sest ouvert dans la

    litteacuterature concernant la notion de finitude et dautres approches ont eacuteteacute proposeacutees parfois en

    reacuteaction agrave lapproche de Givoacuten (Nikolaeva 2007) Ainsi Bisang (2007) propose une approche

    opposeacutee permettant de deacutecrire la finitude comme une notion discregravete et binaire Selon Queixaloacutes

    (2011 106-107) la finitude est discregravete mais eacutetant multifactorielle elle ne saurait ecirctre binaire Une

    forme est plus ou moins finie en fonction de son degreacute deacuteloignement agrave une forme finie

    prototypique qui sert deacutetalon pour une langue donneacutee Par ailleurs selon Cristofario (2007 107-

    109) les entiteacutes relevant de la finitude preacutesentent tant de variations dune langue agrave lautre que la

    finitude nest pas un concept comparatif pertinent en typologie

    Rendre compte de toutes ces approches deacutepasse largement le cadre de ce travail Neacuteanmoins il

    apparaicirct que lapproche initialement proposeacutee par Givoacuten (1990) et enrichie par divers travaux

    posteacuterieurs tels que Queixaloacutes (2011) permet de rendre compte de faccedilon relativement simple des

    similitudes formelles des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif du wolof

    1512 Finitude en wolof

    Selon lapproche deacutefendue par Givoacuten (1990) et Queixaloacutes (2011) deacuteterminer la finitude dune

    forme dans une langue donneacutee neacutecessite lidentification dun eacutetalon Cet eacutetalon doit correspondre agrave

    une forme finie prototypique

    Pour le wolof Zribi-Hertz amp Diagne (2003 206-208) proposent le Parfait En effet les

    propositions au parfait sont compatibles avec les marqueurs daspect (verbe auxiliaire di) de temps

    (suffixe -oon) de polariteacute (suffixe -ul) et de personne De plus les propositions au parfait sont

    laquo ldquosimplesrdquo (modaliteacute assertive aucune topicalisation ni focalisation) et ldquocomplegravetesrdquo (car capables

    de constituer agrave elles seules un eacutenonceacute) raquo (Zribi-Hertz amp Diagne 2003 208) En outre ils proposent

    danalyser le MP na comme un marqueur de finitude Ce dernier point est contestable dautant que

    les auteurs analysent le na (PRF) et le na (OPT) comme le mecircme marqueur de finitude Neacuteanmoins cet

    article propose plusieurs critegraveres permettant didentifier un eacutetalon en wolof

    En reprenant et en eacutelargissant les critegraveres proposeacutes par Zribi-Hertz amp Diagne (2003) et par

    Queixaloacutes (2011 106-107) on peut consideacuterer que la proposition finie prototypique en wolof

    preacutesente les caracteacuteristiques suivantes

    - 441 -

    bull Elle preacutesente un preacutedicat verbal elle contient un verbe

    bull Elle peut constituer une phrase indeacutependante

    bull Elle est deacuteclarative

    bull La structure argumentale de son verbe est satureacutee

    bull Elle contient un marqueur preacutedicatif

    bull Elle contient un indice sujet amalgameacute au MP ayant le statut de marque daccord (sect 422)

    bull Elle est compatible avec le verbe auxiliaire dImperfectif di

    bull Son verbe peut porter le suffixe de passeacute -oon

    bull Elle est compatible avec le marqueur de neacutegation -ul

    Selon ces critegraveres leacutetalon en wolof est la construction Focalisation du Verbe En effet il sagit de

    la seule construction respectant sans ambiguiumlteacute tous les critegraveres La construction Parfait est tregraves

    proche de leacutetalon La seule exception concerne sa forme neacutegative qui ne contient pas de MP agrave

    proprement parler La construction Futur eacutetant issue de la construction Parfait elle est eacutegalement

    tregraves proche de leacutetalon La seule exception concerne le marqueur de neacutegation porteacute par le MP et non

    par le verbe

    152 Les constructions agrave extraction

    Suivant les critegraveres que nous avons retenus les constructions agrave extraction du wolof sont plutocirct

    finies La structure argumentale de leur verbe est satureacutee elles sont compatibles avec le verbe

    auxiliaire dImperfectif di et leur verbe peut porter le suffixe de passeacute -oon Agrave lexception du

    Preacutesentatif elles sont compatibles avec le marqueur de neacutegation -ul En outre agrave lexception du

    Relatif elles peuvent constituer des phrases indeacutependantes deacuteclaratives et elles contiennent un MP

    Neacuteanmoins elles preacutesentent quelques caracteacuteristiques qui les eacuteloignent de leacutetalon Leur indice

    sujet nest pas une marque daccord Il sagit soit dun affixe pronominal (FOCC REL) (sect 422) soit

    dun pronom fort (FOCS PRST) En outre agrave lexception du Relatif elles peuvent former des preacutedicats

    non verbaux (sect 25)

    Parmi les constructions agrave extraction la construction Relatif preacutesente une situation particuliegravere

    concernant la finitude En effet elle ne permet pas constituer des phrases indeacutependantes

    - 442 -

    deacuteclaratives Les instanciations de la construction Relatif sont soit des propositions subordonneacutees

    relatives soit des propositions subordonneacutees circonstancielles soit des phrases interrogatives

    partielles (sect 244) Il sagit donc soit de propositions preacutesentant une deacutependance syntaxique

    (subordonneacutees) soit des propositions preacutesentant une deacutependance discursive (interrogatives)

    Par ailleurs la construction Relatif doit neacutecessairement contenir un verbe et elle ne contient pas

    de MP Neacuteanmoins ce dernier point doit ecirctre nuanceacute Comme nous lavons vu en (sect 86) si les

    relativiseurs ne constituent pas agrave proprement parler des eacuteleacutements preacutedicatifs ils preacutesentent plusieurs

    proprieacuteteacutes qui les rapprochent des MP

    Enfin le statut de lindice sujet de la construction Relatif peut sembler discutable En effet les

    indices sujets du Relatif sont formellement similaires aux pronoms sujets libres Neacuteanmoins

    lindice 2SG forme un amalgame avec le relativiseur En outre leur comportement

    morphosyntaxique est identique agrave celui des indices sujets des autres constructions agrave extraction Il

    sagit donc eacutegalement daffixes pronominaux

    Tableau 151 - Finitude des constructions agrave extraction du wolof

    PreacutesentatifFocalisation

    du SujetFocalisation

    du CompleacutementRelatif

    Verbe Possible Possible Possible Obligatoire

    Phrase indeacutependante Oui Oui Oui UniquementinterrogativesDeacuteclarative Oui Oui Oui

    Marqueur preacutedicatif Oui Oui OuiRelativiseur

    ~ MP

    Indice sujet Pronom fort Pronom fortAffixe

    pronominalAffixe

    pronominal

    Structure argumentale Satureacutee Satureacutee Satureacutee Satureacutee

    Imperfectif di Compatible Compatible Compatible Compatible

    Passeacute -oon Compatible Compatible Compatible Compatible

    Neacutegation -ul Incompatible Compatible Compatible Compatible

    Pour reacutesumer les constructions focalisantes sont relativement proches de leacutetalon et sont donc

    plutocirct finies Elles sont notamment compatibles avec tous les marqueurs TAM (agrave lexception notable

    de la neacutegation pour le Preacutesentatif) Neacuteanmoins elles se distinguent des formes finies prototypiques

    par leur capaciteacute de former des preacutedicats non verbaux et par la forme de leur sujet pronominal Ces

    proprieacuteteacutes sont lieacutees au fait quil sagit de constructions marquant la structure informationnelle En

    outre ces proprieacuteteacutes speacutecifiques aux constructions focalisantes sont coheacuterentes avec lhypothegravese

    - 443 -

    selon laquelle elles seraient issues de constructions cliveacutees (sect 256)

    La construction Relatif est plus eacuteloigneacutee de leacutetalon En effet elle ne permet pas constituer des

    phrases indeacutependantes deacuteclaratives Neacuteanmoins tous les autres critegraveres la rapprochent des autres

    constructions agrave extraction Elle est notamment compatible avec toutes les marqueurs TAM En

    outre le relativiseur preacutesente plusieurs proprieacuteteacutes qui le rapproche des MP

    153 La Construction Subjonctif-Conseacutecutif

    La construction Subjonctif-Conseacutecutif preacutesente peu de caracteacuteristiques des propositions finies

    Elle preacutesente un preacutedicat verbal la structure argumentale de son verbe est satureacutee elle est

    compatible avec le verbe auxiliaire dImperfectif di et son verbe peut porter le suffixe de passeacute

    -oon Tous les autres critegraveres tendent agrave leacuteloigner de leacutetalon

    La construction Subjonctif-Conseacutecutif est fondamentalement une construction deacutependante

    (Robert 2010b 491) cest-agrave-dire quune proposition au subjonctif-conseacutecutif peut toujours

    sanalyser comme une proposition deacutependante (Robert 1996 2010 490-492) En effet le

    Subjonctif-Conseacutecutif est employeacute pour former des propositions narratives des propositions

    exclamatives des propositions injonctives des propositions introduites par un adverbe des

    propositions subordonneacutees conseacutecutives des propositions subordonneacutees compleacutetives et des

    propositions subordonneacutees de but (sect 24) Certaines de ces propositions preacutesentent une deacutependance

    syntaxique (subordonneacutees) Dautres propositions bien que syntaxiquement autonomes preacutesentent

    neacutecessairement une deacutependance pragmatique (exclamatives injonctives) Enfin les propositions

    narratives preacutesentent une deacutependance discursive En effet dans cet emploi le Subjonctif-Conseacutecutif

    laquo nouvre jamais un reacutecit il deacuteveloppe une narration agrave partir dun ancrage preacutealable dans le passeacute

    marqueacute par une autre proposition raquo (Robert 1995 377) Dans les reacutecits la premiegravere proposition

    nest jamais au subjonctif-conseacutecutif (Robert 2010b 490) En outre ce type de propositions peut

    souvent ecirctre rendu par un infinitif de narration en franccedilais (354) (Fal 1999 75 Zribi-Hertz amp

    Diagne 2003 210)

    354) Mbagravebba Kumba jeumlnd um xaram (Fal 1999 75)

    Mbaba Coumba acheter IDFCLm moutonPOSS3SG

    dem di ko yafal

    partir IPF O3SG engraisser

    lsquo(hellip) Mbaba Coumba dacheter son mouton et de lengraisserrsquo

    - 444 -

    Ainsi comme le Relatif le Subjonctif-Conseacutecutif ne permet pas de constituer des phrases

    indeacutependantes Neacuteanmoins la structure de la construction Subjonctif-Conseacutecutif est bien plus

    eacuteloigneacutee de leacutetalon que celle de la construction Relatif La construction Subjonctif-Conseacutecutif ne

    preacutesente aucun MP De fait une proposition au subjonctif-conseacutecutif ne contient aucun autre

    eacuteleacutement preacutedicatif en dehors du verbe une proposition de ce type eacutetant minimalement constitueacutee

    du verbe et de ses arguments (sect 242) En outre le sujet pronominal dune proposition au

    subjonctif-conseacutecutif nest pas une marque daccord ni mecircme un affixe pronominal mais il sagit

    dun pronom sujet libre (sect 422) Par ailleurs cette construction est incompatible avec la Neacutegation

    Affixale (le verbe ne peut pas porter le suffixe -ul) Elle doit ecirctre nieacutee lexicalement en ajoutant le

    verbe bantilde (refuser) cest-agrave-dire via la construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire (sect 313)

    Le Subjonctif-Conseacutecutif est donc une construction deacutependante preacutesentant plusieurs

    caracteacuteristiques qui la distinguent nettement des formes finies prototypiques de la langue dont une

    absence de MP Nous proposons donc de consideacuterer le Subjonctif-Conseacutecutif comme une

    construction non complegravetement finie

    De fait cette situation nest pas propre au wolof De nombreuses langues notamment africaines

    disposent dune construction ayant des emplois similaires au Subjonctif-Conseacutecutif du wolof

    (Carlson 1992) En outre dans plusieurs langues cette construction est eacutegalement laquo minimale raquo

    cest-agrave-dire quelle ne preacutesente aucune marque formelle exprimant le subjonctif-conseacutecutif Cest

    notamment le cas dans plusieurs langues gur comme le cebaara (seacutenoufo) ou le mograveoreacute (Oti-Volta

    (Carlson 1992 65-69) Cest eacutegalement le cas de la construction laquo injonctive raquo en sanskrit veacutedique

    (Kiparsky 2005) ou encore du subjonctif en haoussa (Caron 1980 Newman 2000 591-593)

    154 La Construction Infinitif

    Comme nous lavons vu en deacutetail en (sect 243) on peut distinguer deux infinitifs en wolof

    linfinitif nu et linfinitif en a (Voisin 2006) Linfinitif en a nest pas une construction agrave proprement

    parler Il sagit plutocirct dune composante de la construction Infinitivale Dans la construction

    Infinitivale la valence objet du verbe principal est satureacutee par une proposition infinitive preacutesentant

    une marque de deacutependance verbale =a placeacutee immeacutediatement avant le verbe agrave linfinitif Il sagit

    dune construction agrave monteacutee la structure argumentale deacutepend uniquement des proprieacuteteacutes de rection

    du verbe agrave linfinitif alors que les arguments deacutependent syntaxiquement du verbe principal (sect 111)

    - 445 -

    Ainsi la structure morphosyntaxique de linfinitif en a ne peut sanalyser indeacutependamment de la

    construction Infinitivale dans laquelle il sinscrit

    En revanche linfinitif nu peut ecirctre consideacutereacute comme une construction agrave part entiegravere Comme la

    construction Subjonctif-Conseacutecutif cette construction Infinitif preacutesente peu de caracteacuteristiques des

    propositions finies Elle preacutesente un preacutedicat verbal elle est compatible avec le verbe auxiliaire

    dImperfectif di et son verbe peut porter le suffixe de passeacute -oon Tous les autres critegraveres tendent agrave

    leacuteloigner de leacutetalon

    La construction Infinitif est une construction deacutependante En effet une proposition agrave linfinitif est

    exclusivement employeacutee comme argument dun verbe (sujet ou objet) ou dune preacuteposition

    (compleacutement) (sect 243) En outre la construction Infinitif ne preacutesente aucun MP De fait une

    proposition agrave linfinitif ne contient aucun autre eacuteleacutement preacutedicatif en dehors du verbe Par ailleurs

    cette construction est incompatible avec la Neacutegation Affixale (le verbe ne peut pas porter le suffixe

    -ul) Elle doit ecirctre nieacutee lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) cest-agrave-dire via la

    construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire (sect 313)

    Contrairement au Subjonctif-Conseacutecutif la structure argumentale du verbe dune proposition agrave

    linfinitif nest pas satureacutee En effet le verbe de ce type de propositions na pas dargument sujet En

    conseacutequence pour ce type de propositions la question du statut de lindice sujet (marque daccord

    ou autre) ne se pose pas puisquelles ne contiennent pas dindice sujet

    La saturation de la structure argumentale est le seul point qui distingue lInfinitif du Subjonctif-

    Conseacutecutif Pour tous les autres critegraveres que nous avons listeacutes ces deux constructions ont un

    fonctionnement identique De plus il sagit des deux seules constructions deacutenueacutees de MP et dans

    lesquelles lobjet pronominal se place apregraves le verbe lexical (sect 423) Ainsi la construction Infinitif

    preacutesente un schegraveme V o O cest-agrave-dire un schegraveme identique agrave celui du Subjonctif-Conseacutecutif mais

    sans argument sujet (Fal 1999 75)

    Dun point de vue constructionnel on peut donc consideacuterer que la construction Infinitif et la

    construction Subjonctif-Conseacutecutif sont lieacutees par un lien de sous-partie En effet la construction

    Infinitif heacuterite des caracteacuteristiques de la construction Subjonctif-Conseacutecutif agrave lexception de

    largument sujet

    - 446 -

    LInfinitif est donc une construction deacutependante ne preacutesentant presque aucune des

    caracteacuteristiques des formes finies prototypiques de la langue Il sagit de la construction la plus

    eacuteloigneacutees de leacutetalon Nous proposons donc de consideacuterer lImpeacuteratif comme une construction non

    finie Par ailleurs la forme et le sens de cette construction sont similaires agrave ceux de la construction

    Subjonctif-Conseacutecutif au point que lInfinitif peut ecirctre deacutecrit comme un subjonctif-conseacutecutif sans

    argument sujet ou reacuteciproquement le Subjonctif-Conseacutecutif comme un infinitif avec un argument

    sujet

    Ce lien entre infinitif et subjonctif nest pas propre au wolof Par exemple en anglais au

    subjonctif (355a) comme agrave linfinitif (355b-c) le verbe sera agrave la forme simple (plain form)

    (Huddleston amp Pullum 2002 90)

    355) a It is essential [that he take great care] (Huddleston amp Pullum 2002 51)

    b I advise you [to take great care]

    c You must [take great care]

    - 447 -

    Figure 151 - Reacuteseau des constructions non finies

    ConstructionSubjonctif-Conseacutecutif

    - Schegraveme S s V o O- Deacutependance syntaxique ou pragmatique- Absence de MP (verbe = seul eacuteleacutement preacutedicatif)- Sujet pronominal = pronom sujet libre- Incompatible neacutegation affixale (neacutecessite Neacutegation agrave Verbe auxiliaire)

    Construction Infinitif

    - Schegraveme V o O- Deacutependance syntaxique- Absence de MP (verbe = seul eacuteleacutement preacutedicatif)- Incompatible neacutegation affixale (neacutecessite Neacutegation agrave Verbe auxiliaire)

    LS

    155 La construction Impeacuteratif

    Dans un grand nombre de langues limpeacuteratif constitue un cas limite concernant la finitude

    (Givoacuten 1990 808-811) Par exemple en franccedilais limpeacuteratif est traditionnellement consideacutereacute

    comme une construction finie or il preacutesente une morphologie flexionnelle limiteacutee et ne se

    combine pas avec un sujet explicite Dans certaines langues limpeacuteratif preacutesente des affiniteacutes

    formelles avec le subjonctif etou linfinitif Par exemple en anglais agrave limpeacuteratif le verbe sera agrave la

    forme simple (plain form) comme au subjonctif ou agrave linfinitif (Huddleston amp Pullum 2002 89-

    90) On trouve une situation comparable dans dautres langues telles que lingouche (est-caucasique)

    (Auwera et al 2013)

    En wolof lImpeacuteratif preacutesente assez peu de caracteacuteristiques de leacutetalon il contient un preacutedicat

    verbal et il est compatible avec le verbe auxiliaire dImperfectif di Ainsi on pourrait ecirctre tenteacute de

    rapprocher cette construction du Subjonctif-Conseacutecutif et de lInfinitif Neacuteanmoins les

    caracteacuteristiques qui eacuteloignent lImpeacuteratif des formes finies prototypiques ne sont pas les mecircmes que

    celles que nous avons releveacutees pour le Subjonctif-Conseacutecutif et lInfinitif

    Les propositions agrave limpeacuteratif constituent des phrases syntaxiquement autonomes Neacuteanmoins

    elles ne sont pas deacuteclaratives Par ailleurs cette construction est incompatible avec le marqueur de

    neacutegation -ul mais contrairement au Subjonctif-Conseacutecutif et agrave lInfinitif elle nest pas nieacutee

    lexicalement en ajoutant le verbe bantilde (refuser) Sa forme neacutegative implique le marqueur du

    Prohibitif bu(l) probablement issu de la grammaticalisation du verbe ba (laisser) agrave limpeacuteratif

    (sect 144) Contrairement au Subjonctif-Conseacutecutif et agrave lInfinitif elle est incompatible avec le suffixe

    de passeacute -oon En outre elle ne contient pas de MP mais son verbe porte un suffixe flexionnel

    exprimant agrave la fois limpeacuteratif et la personne Au sens strict la structure argumentale de son verbe

    est satureacutee Cependant son paradigme personnel est limiteacute agrave la deuxiegraveme personne (singulier et

    pluriel) Lindice sujet peut donc difficilement ecirctre analyseacute comme une marque daccord Ainsi

    lImpeacuteratif preacutesente peu daffiniteacutes avec le Subjonctif-Conseacutecutif et lInfinitif

    LImpeacuteratif a plusieurs caracteacuteristiques communes avec lOptatif Leur forme neacutegative est

    similaire (sect 144) et ils sont tous deux incompatibles avec le suffixe de passeacute -oon Cependant il

    sagit de similitudes contingentes lieacutees agrave la proximiteacute seacutemantique de ces constructions et non agrave un

    lien dheacuteritage En effet en dehors de deux caracteacuteristiques que nous venons deacutevoquer lImpeacuteratif

    et lOptatif sont formellement tregraves diffeacuterents

    Pour reacutesumer en wolof lImpeacuteratif constitue une construction preacutedicative agrave part En synchronie

    - 448 -

    elle nest lieacutee agrave aucune autre construction preacutedicative De fait cette situation nest pas propre au

    wolof laquo Il est courant que les langues aient des formes verbales speacuteciales dimpeacuteratif raquo (Creissels

    2006a 171)

    156 Synthegravese

    La pertinence dun concept comparatif laquo finitude raquo en typologie linguistique est discutable

    (Cristofario 2007 107-109) Neacuteanmoins cette notion est pertinente pour leacutetude du wolof

    Lapproche de la notion de finitude proposeacutee par Givoacuten (1990) et enrichie par divers travaux

    posteacuterieurs tels que Queixaloacutes (2011) permet notamment de rendre compte de faccedilon relativement

    simple des similitudes formelles des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif du wolof

    Selon cette approche deacuteterminer la finitude dune forme dans une langue donneacutee neacutecessite

    lidentification dun eacutetalon Cet eacutetalon doit correspondre agrave une forme finie prototypique En wolof

    cet eacutetalon correspond agrave la construction Focalisation du Verbe et dans une moindre mesure aux

    constructions Parfait et Futur Ainsi les instanciations de ces constructions peuvent ecirctre consideacutereacutees

    comme des formes finies prototypiques Suivant la terminologie proposeacutee par Zribi-Hertz amp Diagne

    (2003) il sagit de propositions agrave flexion satureacutee (ou finie)

    Les constructions agrave extraction du wolof preacutesentent la plupart des caracteacuteristiques propres aux

    formes finies prototypiques Neacuteanmoins quelques caracteacuteristiques les eacuteloignent de leacutetalon Ainsi

    les instanciations de ces constructions peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des formes plutocirct finies

    Suivant la terminologie proposeacutee par Zribi-Hertz amp Diagne (2003) il sagit de propositions agrave

    flexion appauvrie (ou non finie)

    Les constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif preacutesentent peu de caracteacuteristiques de leacutetalon

    Il sagit de constructions deacutependantes deacutenueacutees de MP et incompatibles avec le morphegraveme de

    neacutegation -ul Ainsi les instanciations de ces constructions peuvent ecirctre consideacutereacutees comme des

    formes non (complegravetement) finies Suivant la terminologie proposeacutee par Zribi-Hertz amp Diagne

    (2003) il sagit de propositions agrave absence de flexion (ou f-deacuteficientes) Selon la terminologie

    utiliseacutee par Cristofario (2003 54-60) il sagit de formes verbales deacuteclasseacutees (deranked verb forms)

    Enfin lImpeacuteratif preacutesente assez peu de caracteacuteristiques de leacutetalon Neacuteanmoins les

    caracteacuteristiques qui eacuteloignent limpeacuteratif des formes finies prototypiques ne sont pas les mecircmes que

    celles que nous avons releveacutees pour le Subjonctif-Conseacutecutif et lInfinitif En outre lImpeacuteratif a

    - 449 -

    plusieurs caracteacuteristiques communes avec lOptatif206 Cependant il sagit de similitudes

    contingentes lieacutees agrave la proximiteacute seacutemantique de ces constructions et non agrave un lien dheacuteritage

    LImpeacuteratif constitue donc une construction preacutedicative agrave part En synchronie elle nest lieacutee agrave

    aucune autre construction preacutedicative

    206 Zribi-Hertz amp Diagne (2003 208) considegraverent les instanciations de limpeacuteratif et de loptatif comme un type depropositions agrave flexion appauvrie

    - 450 -

    CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE III III

    Les constructions preacutedicatives du wolof ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes

    indeacutependantes mais sorganisent au sein dun reacuteseau hieacuterarchiseacute Neacuteanmoins si lon se place dans

    une perspective strictement synchronique il semble impossible de proposer une organisation

    coheacuterente du reacuteseau des constructions preacutedicatives En effet aucune organisation ne permet de

    rendre compte agrave la fois des caracteacuteristiques formelles et seacutemantiques des constructions preacutedicatives

    Si lon tient compte uniquement des caracteacuteristiques seacutemantiques des constructions on pourrait

    proposer lorganisation suivante (cette organisation correspond agrave celle de la description du systegraveme

    de preacutedication verbale preacutesenteacutee dans la Partie I)

    - 451 -

    Figure III1 - Organisation fonctionnelle des constructions preacutedicatives en synchronie

    Focus

    Relatif

    Focalisationdu Sujet

    Focalisationdu Compleacutement

    Preacutesentatif

    SubordonneacuteeTemporelle-

    Hypotheacutetique

    Subjonctif-Conseacutecutif

    Infinitif

    Focalisationdu Verbe

    ParfaitFutur

    Optatif

    ParfaitNeacutegatif

    FuturNeacutegatif

    NeacutegationImpeacuteratif

    Prohibitif

    Construction Preacutedicative

    IndeacutependanteDeacutependante

    Injonction

    Cette organisation permet de rendre compte de lopposition des constructions preacutedicatives et de

    prendre en compte toutes les possibiliteacutes offertes par la conjugaison de la langue Elle permet

    eacutegalement de rendre compte de la proximiteacute seacutemantique etou fonctionnelle des constructions

    Cependant elle tend agrave occulter certains eacuteleacutements Elle ne permet pas dexpliquer lopposition entre

    certaines constructions preacutedicatives alors quaucune contrainte seacutemantique ne semble sy opposer

    (par exemple lopposition Parfait~Focus) Par ailleurs cette organisation de permet pas de rendre

    compte des diffeacuterences et similitudes formelles entre les constructions preacutedicatives Ainsi elle place

    la construction Focalisation du Verbe avec les autres constructions focalisantes alors que son

    schegraveme est totalement diffeacuterent Elle regroupe les constructions Impeacuteratif et Optatif alors que leurs

    structures morphosyntaxiques respectives sont tregraves diffeacuterentes Elle ne permet pas deacutetablir le

    moindre lien entre les constructions Parfait et Futur En outre elle seacutepare les constructions Relatif et

    Focus malgreacute leur tregraves forte similitude formelle et fonctionnelle

    Dautres regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences

    entre constructions Ces similitudes et diffeacuterences ne peuvent pas ecirctre expliqueacutees sans avoir recours

    agrave la diachronie Les caracteacuteristiques qui semblent idiosyncrasiques en synchronie peuvent ecirctre

    analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant entraicircneacute une restructuration

    du reacuteseau

    Nous proposons de regrouper certaines constructions en reacuteseaux speacutecifiques constructions agrave

    verbe auxiliaire constructions agrave extraction et constructions neacutegatives Par ailleurs nous posons

    lhypothegravese dune polygrammaticalisation afin dexpliquer les similitudes formelles entre les

    constructions Parfait Futur et Optatif Enfin nous consideacuterons que la notion de laquo finitude raquo permet

    de rendre compte de faccedilon relativement simple des similitudes formelles des constructions

    Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif du wolof

    On peut identifier une construction agrave Verbe Auxiliaire instanciation de la construction

    Infinitivale preacutesentant les caracteacuteristiques suivantes la valence objet du verbe principal est satureacutee

    par une proposition infinitive le verbe de la proposition infinitive peut ecirctre preacuteceacutedeacute de la marque

    de deacutependance verbale il sagit dune construction agrave monteacutee lordre des eacuteleacutements de la phrase

    deacutepend du schegraveme de preacutedication de la construction preacutedicative dans laquelle sinsegravere le verbe

    principal la construction est inteacutegreacutee au paradigme de conjugaison Deux constructions peuvent

    ecirctre analyseacutees comme des instanciations de la construction agrave Verbe Auxiliaire la construction

    Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire et la construction Imperfectif La construction Focalisation du Verbe ne

    peut pas ecirctre analyseacutee comme une construction agrave verbe auxiliaire en synchronie Neacuteanmoins nous

    - 452 -

    soutenons lhypothegravese selon laquelle cette construction serait issue de la grammaticalisation dune

    instanciation de la construction agrave Verbe Auxiliaire dans laquelle la position du verbe principal est

    occupeacutee par le verbe def (faire) Enfin la construction Passeacute Clitique occupe une place particuliegravere

    dans le systegraveme Elle reacutesulte de la reacuteanalyse de la construction Passeacute en instanciation de la

    construction agrave Verbe Auxiliaire

    On peut identifier une construction Extraction Du point de vue du sens cette construction se

    caracteacuterise par le fait de seacutelectionner et disoler un eacuteleacutement de la phrase en lui confeacuterant une

    position informationnelle forte Du point de vue formel cette construction se caracteacuterise par une

    structure impliquant une deacutependance filler-gap un schegraveme FILLER =p-s=o S V O une compatibiliteacute

    avec la construction Neacutegation Affixale On peut identifier deux types de construction Extraction la

    construction Focus et la construction Relatif On peut distinguer plusieurs types de construction agrave

    extraction en fonction de leacuteleacutement extrait sujet objet ou satellite En outre les constructions

    Subordonneacutee Temporelle et Subordonneacutee Hypotheacutetique peuvent ecirctre analyseacutees comme des

    instanciations de la construction Relatif Enfin la construction Preacutesentatif reacutesulte de la reacuteanalyse

    dune construction locative en instanciation de la construction Focalisation du Sujet

    Nous soutenons lhypothegravese selon laquelle il existait dans un eacutetat anteacuterieur de la langue une

    construction Focalisation du Verbe instanciation de la construction Focus Cette ancienne

    construction Focalisation du Verbe se serait grammaticaliseacutee en une construction moins marqueacutee du

    point de vue de la structure informationnelle la construction Parfait La construction Futur serait

    issue de la grammaticalisation dune instanciation de lancienne construction Focalisation du Verbe

    et de la construction Imperfectif Enfin la construction Optatif serait issue de la grammaticalisation

    dune construction laquo Formule de souhait raquo elle-mecircme instanciation de la construction Parfait

    Nous soutenons lhypothegravese selon laquelle il existait dans un eacutetat anteacuterieur de la langue une

    unique construction Neacutegation caracteacuteriseacutee par le suffixe -u(l) amalgameacute agrave lindice sujet Cette

    ancienne construction Neacutegation se serait grammaticaliseacutee en construction Parfait Neacutegatif La

    construction Futur Neacutegatif serait issue de la grammaticalisation dune instanciation de lancienne

    construction Neacutegation et de la construction Imperfectif La construction Neacutegation Affixale

    reacutesulterait dune reacuteanalyse du suffixe -u(l) en simple marque de neacutegation indeacutependante de la

    construction preacutedicative Enfin la construction Prohibitif reacutesulterait de la grammaticalisation dune

    instanciation de la construction Impeacuteratif dans laquelle le verbe est ba (laisser) Le remplacement

    de la voyelle du marqueur du Prohibitif bu serait ducirc agrave une reacuteanalyse de cette forme neacutegative par

    analogie avec le suffixe du Parfait Neacutegatif -u(l)

    - 453 -

    Nous consideacuterons que la finitude est un critegravere pertinent pour situer les constructions Infinitif et

    Subjonctif-Conseacutecutif au sein du reacuteseau des constructions preacutedicatives Selon lapproche deacutefendue

    par Givoacuten (1990) et Queixaloacutes (2011) deacuteterminer la finitude dune forme dans une langue donneacutee

    neacutecessite lidentification dun eacutetalon correspondant agrave une forme finie prototypique Selon les critegraveres

    que nous avons retenus pour leacutetalon la construction Subjonctif-Conseacutecutif preacutesente peu de

    caracteacuteristiques des propositions finies Il sagit dune construction deacutependante ne preacutesentant aucune

    marque morphologique speacutecifique (ni MP ni affixe de flexion verbale) incompatible avec le suffixe

    de neacutegation -ul et dont le sujet pronominal nest pas une marque daccord ni un affixe pronominal

    mais est un pronom sujet libre Nous proposons donc de consideacuterer la construction Subjonctif-

    Conseacutecutif comme une construction non complegravetement finie La construction Infinitif est

    formellement identique agrave la construction Subjonctif-Conseacutecutif agrave lexception de la valence sujet

    non satureacutee Ainsi nous pouvons analyser la construction Infinitif comme une sous-partie de la

    construction Subjonctif-Conseacutecutif

    Enfin la construction Impeacuteratif constitue une construction preacutedicative agrave part dans le reacuteseau Elle

    nest lieacutee agrave aucune autre construction preacutedicative LImpeacuteratif a plusieurs caracteacuteristiques communes

    avec lOptatif forme neacutegative similaire et incompatibiliteacute avec le suffixe de passeacute -oon

    Cependant il sagit de similitudes contingentes lieacutees agrave la proximiteacute seacutemantique de ces

    constructions et non agrave un lien dheacuteritage En effet en dehors de ces deux caracteacuteristiques les

    constructions Impeacuteratif et Optatif sont formellement tregraves diffeacuterentes

    En tenant compte de ces regroupements et de ces hypothegraveses de reconstructions nous proposons

    une repreacutesentation scheacutematique de lensemble du reacuteseau des constructions verbales du wolof (Figure

    III2) Dans cette repreacutesentation les flegraveches pleines noires sont des liens dheacuteritage Les flegraveches en

    pointilleacutes sont des liens diachroniques et les boicirctes en pointilleacutes sont danciennes constructions

    Ainsi tout ce qui est repreacutesenteacute en pointilleacutes na plus dexistence en wolof contemporain Les

    flegraveches rouges sont des nouveaux liens dheacuteritage dues agrave une reacuteanalyse des construction en

    synchronie Au cours de leacutevolution du systegraveme les liens dheacuteritage de certaines constructions ont

    disparu Cette construction a alors eacuteteacute reacuteanalyseacute comme une instanciation dune autre construction

    du reacuteseau Ainsi les flegraveches rouges sont issues dune restructuration du reacuteseau

    La repreacutesentation de la Figure (III2) integravegre les reacuteseaux speacutecifiques que nous avons preacutesenteacutes

    dans les chapitres 11 agrave 15 Neacuteanmoins certains points neacutecessitent une explication compleacutementaire

    notamment en ce qui concerne les nouveaux liens

    - 454 -

    - 455 -

    Figure III2 - Reacuteseau des constructions preacutedicatives

    Ext

    ract

    ion

    Loc

    atif

    Foc

    us

    Rel

    atif

    Foc

    alis

    atio

    ndu

    Suj

    et

    Foca

    lisa

    tion

    du C

    ompl

    eacutemen

    t

    Preacutes

    enta

    tif

    Rel

    atif

    Suj

    et

    Rel

    atif

    Obj

    et

    Rel

    atif

    Sate

    llite

    Sub

    ordo

    nneacutee

    Tem

    pore

    lle-

    Hyp

    otheacute

    tique

    Sub

    jonc

    tif-

    Con

    seacutecu

    tif

    Infi

    nitif

    Infi

    niti

    vale

    Ver

    be A

    uxili

    aire

    Neacuteg

    atio

    nagrave

    Ver

    be A

    uxili

    aire

    Impe

    rfec

    tif

    Em

    phat

    ique

    agrave V

    erbe

    Aux

    ilia

    ire

    Foca

    lisa

    tion

    du V

    erbe

    Pass

    eacuteC

    litiq

    ue

    Pass

    eacute

    Foc

    alis

    atio

    ndu

    Ver

    be(e

    xtra

    ctio

    n)

    Par

    fait

    Futu

    r

    Foca

    lisa

    tion

    Impe

    rfec

    tifC

    ompl

    eacutetiv

    e

    Form

    e Fi

    geacutee

    de S

    ouha

    it

    Form

    ule

    de S

    ouha

    it

    Opt

    atif

    Neacuteg

    atio

    n Parf

    ait

    Neacuteg

    atif

    Neacuteg

    atio

    nIm

    perf

    ecti

    f

    Fut

    urN

    eacutegat

    if

    Neacuteg

    atio

    nA

    ffix

    ale

    Impeacute

    ratif

    Proh

    ibit

    ifagrave

    Ver

    be A

    uxil

    iair

    e

    Impeacute

    rati

    fN

    eacutegat

    if Opt

    atif

    Neacuteg

    atif

    Pro

    hibi

    tif

    Con

    stru

    ctio

    n P

    reacutedi

    cati

    ve

    Con

    stru

    ctio

    n Fi

    nie

    Neacuteg

    atio

    n

    Nous consideacuterons que toutes les constructions preacutedicatives constituent un reacuteseau taxonomique

    cest-agrave-dire quelles heacuteritent toutes directement ou indirectement de caracteacuteristiques dune unique

    construction scheacutematique que nous nommons laquo Construction Preacutedicative raquo Cette construction

    motive trois constructions Subjonctif-Conseacutecutif Impeacuteratif et Construction Finie Cette partie du

    reacuteseau est coheacuterente avec lanalyse que nous avons proposeacutee au Chapitre 15

    La construction Finie preacutesente deux caracteacuteristiques son instanciation est une proposition finie

    et elle a un MP Cette construction motive quatre constructions Focus Parfait Futur et Optatif

    Pour le Parfait le lien avec la construction Focus nexiste plus en synchronie elle a eacuteteacute reacuteanalyseacutee

    comme une instanciation de la construction Finie La situation est similaire pour la construction

    Futur On pourrait ecirctre tenteacute de repreacutesenter un lien dheacuteritage avec le Parfait Neacuteanmoins lexistence

    dun tel lien en synchronie nest pas justifieacute On a une situation comparable pour lOptatif On

    pourrait ecirctre tenteacute de lier cette construction agrave lImpeacuteratif Cependant nous consideacuterons que les

    similitudes entre ces deux constructions sont contingentes (lieacutees agrave leur proximiteacute seacutemantique) et ne

    sont pas dues agrave un lien dheacuteritage

    La place de la construction Extraction dans le reacuteseau est discutable Au sens strict la

    construction Relatif nest pas une construction preacutedicative Il ny a donc a priori pas de raison de

    situer la construction Extraction au sein du reacuteseau taxonomique des constructions preacutedicatives

    Neacuteanmoins nous avons vu que le relativiseur preacutesente plusieurs caracteacuteristiques communes avec les

    MP Ainsi il est possible de supposer que la construction Relatif tend agrave ecirctre reacuteanalyseacutee comme une

    construction Finie Dans ce cas toutes les constructions agrave extraction serait des constructions finies

    et nous devrions donc analyser la construction Extraction comme une instanciation de la

    construction Finie

    Nous consideacuterons que la construction Focalisation du Verbe est une instanciation de la

    construction Focus en synchronie Elle heacuterite de deux traits la focalisation et la compatibiliteacute avec

    la Neacutegation Affixale En revanche toutes ses autres caracteacuteristiques lui sont propres

    La situation des constructions neacutegatives est un peu plus compliqueacutee Nous posons lexistence

    dune nouvelle construction Neacutegation dont lunique caracteacuteristique formelle est la preacutesence dune

    marque -u(l) Cette construction motive toutes les constructions neacutegatives agrave lexception de la

    construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire Lutiliteacute dune telle construction peut paraicirctre discutable

    notamment en raison de lexistence dune ancienne construction Neacutegation dans la langue

    Neacuteanmoins cette ancienne construction est formellement identique au Parfait Neacutegatif Il nest donc

    pas possible de consideacuterer que cette construction existe en synchronie ou mecircme quelle motive la

    - 456 -

    construction Prohibitif Les constructions Parfait Neacutegatif et Futur Neacutegatif ont eacuteteacute reacuteanalyseacutees en

    synchronie comme des instanciations des constructions Parfait et Futur Enfin la construction

    Prohibitif a eacuteteacute reacuteanalyseacutee comme une instanciation de la construction Optatif dont elle heacuterite du

    schegraveme et de la valeur injonctive Nous pourrions eacutegalement consideacuterer quelle est aussi lieacutee agrave la

    construction Impeacuteratif Neacuteanmoins dans ce cas lheacuteritage en synchronie se limite agrave des traits

    seacutemantiques

    Le reacuteseau complet des constructions verbales du wolof que nous proposons est un reacuteseau eacutetendu

    En effet il sagit du reacuteseau taxonomique des constructions preacutedicatives auquel nous avons ajouteacute

    dautres constructions qui motivent directement ou indirectement certaines constructions

    preacutedicatives (Verbe Auxiliaire Extraction Neacutegation etc) Neacuteanmoins lexistence mecircme dun

    reacuteseau de constructions preacutedicatives est discutable Organiser les constructions preacutedicatives en

    reacuteseau taxonomique suppose quelles heacuteritent toutes directement ou indirectement de

    caracteacuteristiques dune unique laquo Construction Preacutedicative raquo Dun point de vue formel cette

    construction se caracteacuterise par la preacutesence dune proposition agrave preacutedicat verbal Mais comment

    pourrait-on deacutefinir son sens La Construction Preacutedicative est une construction tregraves scheacutematique

    dont le sens est sous-speacutecifieacute Une solution alternative serait de consideacuterer que les constructions

    preacutedicatives ne constituent pas un reacuteseau mais plutocirct un champ cest-agrave-dire une section coheacuterente

    du constructique contenant agrave la fois des entiteacutes ordonneacutees et non-ordonneacutees les constructions

    appartenant au mecircme champ ne sont donc pas neacutecessairement relieacutees entre elles (Kuzar 2012 133-

    139)

    - 457 -

    - 458 -

    PARTIE IVPARTIE IV

    EacuteTUDE COMPARATIVE DE LAEacuteTUDE COMPARATIVE DE LA

    PREacuteDICATION VERBALE DESPREacuteDICATION VERBALE DES

    LANGUES ATLANTIQUESLANGUES ATLANTIQUES

    Le principal objectif de cette partie est de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du wolof est

    issu du proto-atlantique Nous comparons plusieurs aspects de la conjugaison du wolof avec leurs

    eacutequivalents dans plusieurs langues atlantiques

    La classification des langues atlantiques est loin decirctre consensuelle (sect 043) En effet plusieurs

    auteurs (Pozdniakov amp Segerer agrave paraicirctre) remettent aujourdhui en cause la classification

    laquo classique raquo heacuteriteacutee de Sapir (1971) et Wilson (1989) Ainsi cette partie a eacutegalement pour objectif

    de fournir de nouvelles donneacutees comparatives permettant une meilleure compreacutehension de la

    classification interne de la famille atlantique Nous nous inteacuteressons notamment agrave la place du wolof

    au sein de cette famille

    Cependant leacutetude compareacutee de la morphologie verbale est souvent difficile En effet laquo mecircme

    entre des langues quon sait ecirctre apparenteacutees de tregraves pregraves il nest pas rare dobserver des diffeacuterences

    importantes dans les distinctions qui sexpriment dans la morphologie verbale et les marques qui

    servent agrave les exprimer (la morphologie nominale preacutesentant geacuteneacuteralement plus de stabiliteacute) raquo

    (Creissels 2006a 163) et laquo sur ce point les observations que lon peut faire sur les langues Niger-

    Congo vont tout agrave fait dans le mecircme sens que ce qui peut ecirctre observeacute dans dautres familles de

    langues raquo (Creissels 1991 297) Ainsi il nest pas surprenant de trouver de grandes diffeacuterences

    entre les morphologies verbales des langues atlantiques Neacuteanmoins on peut relever plusieurs

    similitudes dont certaines semblent relever dune origine commune

    Cette partie est organiseacutee comme suit Le Chapitre 16 est consacreacute aux constructions locatives

    - 459 -

    preacutesentatives et progressives des langues atlantiques Presque toutes les langues atlantiques

    disposent dune construction locative pouvant eacutegalement ecirctre utiliseacutee comme construction

    preacutesentative etou progressive Si ce pheacutenomegravene nest pas propre aux langues atlantiques la

    structure de ces constructions ainsi que la forme du marqueur utiliseacute caracteacuterisent clairement la

    famille Le Chapitre 17 traite des autres cateacutegories verbales exprimeacutees dans la conjugaison des

    langues atlantiques Contrairement au locatif-preacutesentatif-progressif lexpression des cateacutegories

    verbales traiteacutees dans ce chapitre preacutesente une diversiteacute formelle relativement importante Les

    similitudes se limitent geacuteneacuteralement agrave un nombre reacuteduit de langues (ou de groupes de langues) et

    formuler des hypothegraveses de reconstruction est souvent speacuteculatif notamment pour les cateacutegories

    eacutetudieacutees en (sect 176) Enfin le Chapitre 18 est une eacutetude comparative des peacuteriphrases verbales des

    langues atlantiques et plus speacutecifiquement des constructions agrave MP

    Note sur le nom et la transcription des langues atlantiques

    En consultant la litteacuterature on constate que le nom de la plupart des langues atlantiques varie

    dun auteur agrave lautre Ces diffeacuterences peuvent ecirctre uniquement dordre orthographique Dans ce cas

    on a geacuteneacuteralement une opposition entre un nom eacutecrit suivant lorthographe du franccedilais ou de

    langlais et un nom eacutecrit suivant les conventions de transcription etou la nouvelle orthographe de la

    langue en question Par exemple diola (orthographe franccedilaise) ~ joola (orthographe standardiseacutee)

    Ces diffeacuterences de nomenclature peuvent aussi ecirctre dues agrave lutilisation dun ethnonyme exogegravene Par

    exemple le terme laquo basari raquo semble ecirctre emprunteacute au mandingue le peuple en question utilise le

    terme laquo oniyan raquo pour se deacutesigner (Ferry 1991 4 Winters amp Winters 2004 3) Dans plusieurs

    travaux reacutecents (Pozdniakov 2011 Creissels amp Pozdniakov 2015) la plupart des auteurs tendent agrave

    utiliser le nom autochtone de la langue mais sans utiliser les diacritiques (ntilde = ny oacute = o etc) sauf

    pour certaines langues ougrave un nom exogegravene est bien eacutetabli (comme laquo basari raquo) Cest cette convention

    que nous utilisons dans ce travail

    Lorthographe dun grand nombre de langues atlantiques nest pas encore fixeacutee Neacuteanmoins au

    Seacuteneacutegal la Direction de la Promotion des Langues Nationales effectue un travail de codification des

    langues du pays Ainsi un grand nombre de langues atlantiques seacuteneacutegalaises se sont vues doteacutees

    dune orthographe officielle en alphabet latin Les conventions orthographiques sont les mecircmes pour

    toutes les langues (y compris le wolof) et on peut donc parler dun laquo alphabet national seacuteneacutegalais raquo

    Cet alphabet respecte lAPI sauf pour les consonnes suivantes ntilde [ɲ] ƴ [ʄ] ŧ [θ] ŝ [ʃ] ţ [ʈ] ş [ʂ]

    rsquo [ʔ] La preacutenasalisation dune consonne est noteacutee par lajout dun m- si elle est labiale ou dun n-

    - 460 -

    dans les autres cas La geacutemination est noteacutee par le redoublement de la consonne Pour les voyelles

    laccent aigu note le trait +ATR uacute [u] ~ u [ʊ] oacute [o] ~ o [ɔ] etc Le [ə] est noteacute euml La longueur

    vocalique est noteacutee par le redoublement de la voyelle Si elle porte un diacritique il napparaicirct que

    sur la premiegravere occurrence

    Tableau IV1 - Convention de transcription utiliseacutee pour les langues atlantiques

    Branche Groupe Langue Transcription

    Nord

    isolat Wolof Alphabet seacuteneacutegalais

    Nyun-Buy

    Buy Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

    Nyun de Niamone Alphabet seacuteneacutegalais

    Nyun de Djifanghor Alphabet seacuteneacutegalais

    Tenda-Jaad

    Bedik Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

    Basari Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

    Wey Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

    Biafada Alphabet seacuteneacutegalais

    Badiaranke Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

    Peul-SereerPeul ~ Pulaar Alphabet seacuteneacutegalais

    Sereer Alphabet seacuteneacutegalais

    Cangin

    Laalaa Alphabet seacuteneacutegalais

    Noon Alphabet seacuteneacutegalais

    Palor Alphabet seacuteneacutegalais

    Ndut Alphabet seacuteneacutegalais

    Centre

    ManjakuMankanya Alphabet seacuteneacutegalais

    Pepel Alphabet seacuteneacutegalais

    Joola

    Joola banjal Alphabet seacuteneacutegalais

    Joola fonyi Alphabet seacuteneacutegalais

    Kwatay Alphabet seacuteneacutegalais

    BalantBalant kentohe Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

    Balant ganja Alphabet seacuteneacutegalais (sauf voyelles en API)

    isolat Bijogo Alphabet seacuteneacutegalais

    Dans ce travail nous privileacutegions lalphabet seacuteneacutegalais pour transcrire les langues atlantiques

    Neacuteanmoins comme le notent Biaye amp Creissels (2015 213) laquo en ce qui concerne les voyelles la

    graphie officielle note correctement les distinctions de timbre mais preacutesente linconveacutenient

    consideacuterable dutiliser laccent aigu pour noter le trait +ATR ce qui est incompatible avec

    - 461 -

    lutilisation des accents pour noter les tons raquo Ainsi dans les langues ougrave les tons sont pertinents (et

    noteacutes par lauteur des reacutefeacuterences que nous avons consulteacutees) nous utilisons lalphabet seacuteneacutegalais

    uniquement pour la notation des consonnes et nous transcrivons les voyelles en API Par ailleurs

    afin de faciliter la comparaison nous avons fait le choix de transcrire les exemples du bijogo

    suivant les conventions de lalphabet seacuteneacutegalais bien quil ne sagisse pas dune langue du Seacuteneacutegal

    La liste des langues atlantiques eacutetudieacutees dans cette partie ainsi que le systegraveme de transcription

    utiliseacute sont reacutesumeacutes dans le Tableau (IV1) Notre eacutechantillon de langues a eacuteteacute eacutetabli de maniegravere agrave

    repreacutesenter tous les groupes de la famille atlantique selon la classification proposeacutee par Pozdniakov

    amp Segerer (sect 043)

    - 462 -

    CCHAPITREHAPITRE 16 - 16 - LLOCATIFOCATIF PREacuteSENTATIFPREacuteSENTATIF ETET PROGRESSIFPROGRESSIF

    DANSDANS LESLES LANGUESLANGUES ATLANTIQUESATLANTIQUES

    Pozdniakov (2011 20) note que laquo la seule certitude en ce qui concerne la classification est

    lappartenance des langues atlantiques agrave la famille Niger-Congo La distance linguistique entre les

    langues est si grande que mecircme aujourdhui lidentification dun groupe atlantique au sein du

    Niger-Congo nest pas justifieacutee du point de vue de la meacutethode comparative classique raquo Ainsi il

    nest pas eacutetonnant dobserver des diffeacuterences importantes dans les distinctions qui sexpriment dans

    la morphologie verbale et les marques qui servent agrave les exprimer parmi ces langues Dautant plus

    que laquo les processus historiques qui renouvellent la morphologie verbale opegraverent geacuteneacuteralement agrave une

    cadence relativement rapide raquo (Creissels 2006a 163)

    Cependant il existe une construction preacutedicative attesteacutee dans tous les groupes de la famille

    atlantique et qui semble propre agrave cette famille Presque toutes les langues atlantiques disposent

    dune construction locative pouvant eacutegalement ecirctre utiliseacutee comme construction preacutesentative etou

    progressive Le fait dutiliser une construction locative pour exprimer un progressif est un

    pheacutenomegravene assez courant dans les langues (Bybee et al 1994 129) Il est notamment attesteacute en

    godieacute (Niger-Congo Kru) tyurama (Niger-Congo Gur) maninka (Niger-Congo Mandeacute) lingala

    (Niger-Congo Bantou) basque (isolat) birman (Sino-tibeacutetain Tibeacuteto-birman) thaiuml (Tai-kadai

    Thay-yay) ou mandarin (Sino-tibeacutetain Sinitique) (Heine amp Kuteva 2002 97-99) Lexistence de

    constructions de ce type nest donc pas propre aux langues atlantiques En revanche la structure de

    ces constructions ainsi que la forme du marqueur utiliseacute caracteacuterisent clairement la famille

    161 Structure des constructions

    Le wolof utilise la mecircme construction pour former des preacutedicats non verbaux locatifs (356a) et

    des eacutenonceacutes preacutesentatifs (356b) (sect 253) Dans les deux cas la structure est identique Sujet (SN ou

    pronom fort) + Marqueur (portant une marque deacuteictique) + Syntagme locatif ou Syntagme verbal

    - 463 -

    356) a Wolof Construction locative S=a ng-DEIC + LOC

    Ma=a ng-i ci neacuteeg =b-i (Diouf 2009 149)

    PRO1SG=PRST-PX PREPPX chambre =CLb-DFPX

    lsquoJe suis dans la chambrersquo

    b Wolof Construction preacutesentative S=a ng-DEIC + SV

    Ma=a ng-i sopp xale =b-ii (Diouf amp Yaguello 1991 38)

    PRO1SG=PRST-PX aimer enfant =CLb-DEMPX

    lsquoMe voici qui aime cet enfant rsquo

    Les langues cangin preacutesentent une situation similaire En laalaa la structure est la suivante

    Sujet (SN ou pronom fort) + Marqueur (constitueacute dune marque deacuteictique facultative dune marque

    de classe nominale et dune seconde marque deacuteictique) + Syntagme locatif ou Syntagme verbal

    (357a-b) (Diegraveye 2011 185-188) En noon la structure est identique agrave lexception de la premiegravere

    marque deacuteictique (358a-b) (Soukka 2000 178-180 237-238) En palor la structure est un peu

    diffeacuterente Dans cette langue le marqueur est constitueacute dun coup de glotte rsquo [ʔ] suivi dune marque

    deacuteictique On note eacutegalement la preacutesence dune marque de deacutependance en position finale (359a-b)

    (Alton 1987 128-129)207 La structure en ndut est presque identique agrave celle du palor agrave lexception

    de locclusive glottale (360a-b) (Morgan 1996 104-107)

    357) a Laalaa Construction locative S (DEIC) CL-DEIC + LOC

    Mi y-uu ga kaan (Diegraveye 2011 246)

    PRO1SG CLy-PRSTPX PREP maison

    lsquoJe suis agrave la maisonrsquo

    b Laalaa Construction preacutesentative S (DEIC) CL-DEIC + SV

    Mi (i) y-uu tiacutek ceumlen (Diegraveye 2011 186)

    PRO1SG PX CLy-PRSTPX cuisiner dicircner

    lsquoJe preacutepare le dicircnerrsquo

    207 Cette marque de deacutependance apparaicirct dans plusieurs types de subordonneacutees Ce type de marque est attesteacute dansplusieurs langues atlantiques (sect 1762)

    - 464 -

    358) a Noon Construction locative S CL-DEIC + LOC

    Kodu y-aa ga kaan (Soukka 2000 238)

    Codou CLy-PRSTDT PREP maison

    lsquoCodou est agrave la maisonrsquo

    b Noon Construction progressive S CL-DEIC + SV

    Mi y-ii tiacutek (Soukka 2000 180)

    PRO1SG CLy-PRSTPX cuisiner

    lsquoJe cuisinersquo

    359) a Palor Construction preacutesentativelocative S rsquo-DEIC + DEP208

    Koyso rsquo-e na (Alton 1987 128)

    enfantPOSS1SG PRST-PX DEP

    lsquoMon enfant est icirsquo

    b Palor Construction preacutesentative S ʼ-DEIC + SV + DEP

    aƁ rsquo-iacuten nexuacute ra (Alton 1987 129)

    PRO3PL PRST-DT puiser DEP

    lsquoLes voilagrave qui puisent de leaursquo

    360) a Ndut Construction locative S DEIC + LOC

    Mustafa ee filiɓ ota (Morgan 1996 105)

    Moustapha PRSTPX dans voiture

    lsquoMoustapha est dans la voiturersquo

    b Ndut Construction preacutesentative S DEIC + SV + DEP

    Mustafa ee nee ra (Morgan 1996 105)

    Moustapha PRSTPX dormir DEP

    lsquoMoustapha est en train de dormirrsquo

    On retrouve une structure eacutequivalente dans la construction preacutesentative en buy Sujet +

    Marqueur (constitueacute dune marque de classe nominale et dune marque deacuteictique) (361a) (Doneux

    1991 60) ainsi que dans la construction locativepreacutesentative en nyun de Niamone Sujet (SN ou

    pronom fort) + Marqueur (constitueacute dune marque deacuteictique dune marque de classe nominale

    208 Alton (1987) ne donne pas dexemple de construction non verbale locative comportant un syntagme preacutepositionnel

    - 465 -

    pouvant ecirctre reacutedupliqueacutee et dune seconde marque deacuteictique) + Syntagme locatif (361b) (Bao-Diop

    2013 259-261) Pour ces deux langues nos sources ne mentionnent pas de constructions verbales

    preacutesentant cette structure En revanche en nyun de Djifanghor la mecircme construction est utiliseacutee

    pour former des preacutedicats non verbaux locatifs (362a) et des eacutenonceacutes progressifs (362b) Dans cette

    langue le marqueur porte une marque de classe nominale (Quint 2015 417)

    361) a Buy Construction preacutesentative S CL-DEIC

    Uacuteligrave oacute-ograve (Doneux 1991 60)

    homme CL-PX

    lsquoVoici lhommersquo

    b Nyun de Niamone Construction locativepreacutesentative S DEIC-CL-DEIC + LOC

    Siidi um-moo-bim Dakaar (Bao-Diop 2013 260)

    Sidy PX-CL-DT Dakar

    lsquoSidy est agrave Dakarrsquo

    362) a Nyun de Djifanghor Construction locative S CLCOP + LOC

    Buacute-jonkah-o mboŋ raafo buacute-nohom-o (Quint 2015 417)

    CLbu-manioc-DF CLbuCOP sur CLbu-banc-DF

    lsquoLe manioc est sur le bancrsquo

    b Nyun de Djifanghor Construction progressive S CLCOP + SV

    Miacuten meŋ biacute-feacuteg Piacutedruacute (Quint 2015 417)

    S1PLEXCL CLCOP IPF-voir Pierre

    lsquoNous sommes en train de voir Pierrersquo

    En sereer eacutegalement la mecircme construction est utiliseacutee pour former des preacutedicats non verbaux

    locatifs (363a) et des eacutenonceacutes progressifs (363b) Sujet (pronom fort) amalgameacute au Marqueur

    (constitueacute de la marque de classe nominale des humains et dune marque deacuteictique) + Syntagme

    locatif ou Syntagme verbal (Renaudier 2012 58-60)

    363) a Sereer Construction locative S-CLHUM-DEIC + LOC

    Me-x-e meen (Renaudier 2012 60)

    PRO1SG-CLHUMSG-PX CLLOCDEMPX

    lsquoJe suis icirsquo

    - 466 -

    b Sereer Construction progressive S-CLHUM-DEIC + SV

    Me-x-e ntildeaam-aa (Renaudier 2012 58)

    PRO1SG-CLHUMSG-PX manger-IPF

    lsquoJe suis en train de mangerrsquo

    En peul le lien entre construction locative et construction progressive a eacuteteacute noteacute par plusieurs

    auteurs (Ard 1979 Miyamoto 1993) Par exemple en peul de Gombe (Nigeria) la construction

    locative (364a) et la construction progressive (364b) preacutesentent une structure quasiment identique

    (Ard 1979 129-131) Sujet (SN ou pronom sujet) + Marqueur locatif (distal) + Syntagme locatif

    ou Syntagme verbal

    364) a Peul de Gombe Construction locative S DEIC + LOC

    rsquoo onɗ nder gelle jooni (Arnott 1970 32)

    S3SG LOCDT dans ville maintenant

    lsquoIl est dans la ville maintenantrsquo

    b Peul de Gombe Construction progressive S-DEIC + SV

    rsquoo- onɗ huw-a (Arnott 1970 282)

    S3SG-LOCDT travailler-IPF

    lsquoIl est en train de travaillerrsquo

    Neacuteanmoins il convient de noter que cette identiteacute formelle nest pas aussi claire dans tout le

    continuum dialectal Dans les dialectes orientaux (comme le peul de Gombe) il existe deux

    paradigmes distincts de pronoms permettant dexprimer le progressif Les formes du premier

    paradigme sont constitueacutees du pronom sujet amalgameacute au marqueur locatif distal onɗ (364b) alors

    que les formes du second paradigme sont constitueacutees de la preacuteposition rsquoe amalgameacutee au pronom

    sujet (Arnott 1970 195) En revanche dans les dialectes occidentaux (comme le pulaar du Fouta-

    Toro) ces deux paradigmes ont fusionneacute En effet la forme 1SG mi oɗ (et dans certains dialectes la

    forme 1PLEXCL) est issue de lamalgame pronom sujet (mi) + marqueur locatif ( oɗ ) alors que les

    formes de toutes les autres personnes semblent plutocirct provenir de lamalgames preacuteposition +

    pronom sujet (Ard 1979 129) Par exemple la forme 3PL en pulaar du Jolof est he- eɓ (Ka 1986

    393) Neacuteanmoins dans les formes 1PLINCL 2SG et 2PL il est difficile de seacuteparer leacuteleacutement pronominal

    de la preacuteposition (Miyamoto 1993 223) De plus ces formes semblent avoir subi un changement

    - 467 -

    par analogie avec le paradigme utilisant le marqueur locatif o(n)ɗ Par exemple en pulaar du Fouta

    Toro la forme 1PLINCL est e enɗ alors que le pronom sujet pour cette personne est en (Sylla 1982

    74-76) or on sattendrait plutocirct agrave trouver la forme e-en Par ailleurs les constructions locatives non

    verbales utilisant un marqueur locatif deacuteictique (364a) ne semblent pas attesteacutees dans les dialectes

    occidentaux (Diallo 2014 38) Ainsi si le lien entre construction locative et construction

    progressive est clair dans les dialectes orientaux il est moins eacutevident dans les dialectes occidentaux

    Dans les langues joola les constructions locative et preacutesentativeprogressive preacutesentent

    eacutegalement des structures identiques En joola banjal la structure est la suivante Sujet (SN ou

    pronom fort) + Marqueur (laquo copule raquo locative constitueacutee dun [u] dune marque de classe nominale

    et dune marque deacuteictique) + Syntagme locatif ou Syntagme verbal agrave linfinitif (introduit par une

    preacuteposition) (365a-b) (Bassegravene 2006 185-186 231-234) En kwatay la structure est similaire

    mais la forme du marqueur est diffeacuterente Dans cette langue la laquo copule raquo locative est constitueacutee

    dun eacuteleacutement -end- preacuteceacutedeacute dune marque de classe et suivi dune marque deacuteictique (366a-b) (Payne

    1992 58)

    365) a Joola banjal Construction locative S u-CL-DEIC + PREP LOC

    Atejo u-m-u buacutesol y-aŋ y-a-y-u (Bassegravene 2006 231)

    Ateacutejo COP-CL-PX derriegravere CLe-maison CLe-DF-CLe-DF

    lsquoAteacutejo est derriegravere la maisonrsquo

    b Joola banjal Construction preacutesentativeprogressive S u-CL-DEIC + PREP INF-SV

    Atejo u-m-u ni bu-rokk (Bassegravene 2006 132)

    Ateacutejo COP-CL-PX PREP INF-travailler

    lsquoAteacutejo est en train de travaillerrsquo

    366) a Kwatay Construction locative S CL-ond-DEIC + PREP LOC

    E-sabun i y-end-u haacutegila e-nuuf i (Payne 1992 51)

    CLe-puits CLeDFMDCLe-COP-MD derriegravere CLe-maison CLeDFMD

    lsquoLe puits est derriegravere la maisonrsquo

    b Kwatay Construction progressive S CL-ond-DEIC + PREP INF-SV

    Buacute-suus b-u b-ond-u ti ka-neyu (Payne 1992 58)

    CLb-feuille CLb-DFMD CLb-COP-MD PREP INF-tomber

    lsquoLes feuilles sont en train de tomberrsquo

    - 468 -

    Dans les langues manjaku la situation est assez similaire En mankanya la construction

    progressive preacutesente la structure Sujet (SN ou pronom fort) + Marqueur (laquo copule raquo locative) +

    Syntagme verbal agrave linfinitif (introduit par une preacuteposition) (367a) (Trifkovič 1969 117-119) En

    pepel la construction locative preacutesente la mecircme structure (367b) (Ndao 2011 171-172) Dans ces

    langues la laquo copule raquo wo ne semble pas porter de marque de classe ou de marque deacuteictique

    367) a Mankanya Construction progressive S wo + PREP INF-SV

    Ba wo ţi p-jan (Trifkovič 1969 118)

    S3PL COP PREP INF-chasser

    lsquoIls sont en train de chasserrsquo

    b Pepel Construction locative S wo + PREP LOC

    Muacutesa wo şeuml o-feacuteeruacute (Ndao 2011 171)

    Moussa COP PREP CLo-marcheacute

    lsquoMoussa est au marcheacutersquo

    En balant kentohe la structure est assez similaire agrave celle attesteacutee dans les langues manjaku

    Sujet (SN ou pronom) + Marqueur (laquo copule raquo locative) + Syntagme verbal ou Syntagme locatif

    (368a-b) (Wilson 1961 152 Doneux 1984 74) Selon Gomes (2008) la construction progressive

    en balant ganja preacutesente une structure assez semblable agrave celle attesteacutee dans les langues joola

    Neacuteanmoins les donneacutees de Gomes (2008) sont sujettes agrave caution (Biaye amp Creissels 2015 210) et

    NDiaye-Correacuteard (1973) ne mentionne pas ces formes Ainsi nous ne disposons pas de

    suffisamment de donneacutees concernant cette langue

    368) a Balant kentohe Construction locative S ka + LOC

    Ŋ-ka Bsaaw (Wilson 1961 161)

    S1SG-COP Bissau

    lsquoJe suis agrave Bissaursquo

    b Balant kentohe Construction progressive S ka + SV

    Beuml-ka tooh-arsquo (Wilson 1961 152)

    S3PL-COP aller-INF

    lsquoIls sont en train de partirrsquo

    Dans les langues tenda-jaad la situation semble ecirctre un peu diffeacuterente En effet si on peut noter

    - 469 -

    un lien entre les constructions locative et progressive la structure de ces constructions est assez

    diffeacuterente de celles des langues atlantiques que nous avons vues Par exemple en bedik la structure

    est la suivante Syntagme locatif ou Syntagme verbal agrave linfinitif suivi par une adposition + Sujet

    pronominal (369a-b) (Ferry 1991 24-26) En badiaranke la structure est similaire Les seules

    diffeacuterences sont labsence de ladposition ainsi que la preacutesence dune copule portant lindice sujet

    (370a-b) (Cover 2010 126-132) Ainsi dans les langues tenda-jaad la structure est comparable agrave

    celle attesteacutee dans les langues manjaku mais lordre des mots est inverseacute Neacuteanmoins nous ne

    disposons pas de suffisamment de donneacutees concernant les langues de ce groupe Une recherche plus

    approfondie serait neacutecessaire pour deacuteterminer avec preacutecision la structure de ces constructions

    369) a Bedik Construction locative LOC + S

    Luacuteŋɔɔ ɛ ɔmeacute (Ferry 1991 26)

    lagrave S1SG

    lsquoJe suis icirsquo

    b Bedik Construction progressive INF-SV PREP + S

    Ugrave-ŝas laacuteŋ ɛɔwɔɔ (Ferry 1991 26)

    INF-parler sur S3SG

    lsquoIl est en train de parlerrsquo

    370) a Badiaranke Construction locative LOC + (ja)k-S

    Fe paadiyatilde k-əə (Cover 2010 132)

    PREP chambrePOSS3SG COP-S3SG

    lsquoIl est dans sa chambrersquo

    b Badiaranke Construction progressive SV + (ja)k-S

    Aamadu ŋka Binta ka-safiŋ-e kǝ-bəə leetar (Cover 2010 127)

    Amadou et Binta INF-eacutecrire-INF COP-S3PL lettre

    lsquoAmadou et Binta sont en train deacutecrire une lettrersquo

    En bijogo il ne semble pas y avoir de lien entre les constructions locative progressive et

    preacutesentative La construction locative emploie geacuteneacuteralement le verbe ko (ecirctre se trouver) (371a)

    (Segerer 2002 34-41) La construction progressive emploie le verbe te (ecirctre debout) (371b)

    (Segerer 2002 273) Enfin la construction preacutesentative emploie un marqueur issu de la

    grammaticalisation du verbe joŋ (voir) agrave limpeacuteratif auquel on a ajouteacute un suffixe veacutenitif ou andatif

    - 470 -

    njam lt n-joŋ-am (IMP2SG-voir-AND) (371c) (Segerer 2002 215)

    371) a Bijogo Construction locative

    Ntildeoacute-oacutek eacuteti-bene (Segerer 2002 34)

    S1SGPF-se_trouver PREP-face

    lsquoJe suis devantrsquo

    b Bijogo Construction progressive

    Ntildeeacute-teacute n-kpay (Segerer 2002 273)

    S1SGPF-ecirctre_debout DV-tirer_le_vin_de_palme

    lsquoJe suis en train de tirer du vin de palmersquo

    c Bijogo Construction preacutesentative

    Njam bapor eacuteri Bisaw (Segerer 2002 215)

    voilagrave bateau CLeGEN Bissau

    lsquoVoilagrave le bateau de Bissaursquo

    Les structures des constructions locative et preacutesentativeprogressive des langues atlantiques que

    nous avons eacutetudieacutees sont reacutesumeacutees dans le Tableau (161)

    Tableau 161 - Structure des constructions locative etpreacutesentativeprogressive dans plusieurs langues atlantiques

    Branche Groupe Langue Locative PreacutesentativeProgressive

    Nord

    isolat Wolof S=a ng-DEIC + LOC S=a ng-DEIC + SV

    Nyun-Buy

    Buy S CL-DEIC (donneacutees insuffisantes)

    Niamone S DEIC-CL-DEIC + LOC (donneacutees insuffisantes)

    Djifanghor S CLCOP + LOC S CLCOP + INF-SV

    Tenda-JaadBedik LOC + S INF-SV PREP + S

    Badiaranke LOC + (ya)k-S SV + (ya)k-S

    Peul-SereerPeul S DEIC + LOC S DEIC + SV

    Sereer S-CLHUM-DEIC + LOC S-CLHUM-DEIC + SV

    Cangin

    Laalaa S (DEIC) CL-DEIC + LOC S (DEIC) CL-DEIC + SV

    Noon S CL-DEIC + LOC S CL-DEIC + SV

    Palor S rsquo-DEIC + DEP S rsquo-DEIC + SV + DEP

    Ndut S DEIC + LOC S DEIC + SV + DEP

    - 471 -

    Centre

    ManjakuMankanya (donneacutees insuffisantes) S wo + PREP INF-SV

    Pepel S wo + PREP LOC (donneacutees insuffisantes)

    JoolaBanjal S u-CL-DEIC + PREP LOC S u-CL-DEIC + PREP INF-SV

    Kwatay S CL-ond-DEIC + PREP LOC S CL-ond-DEIC + PREP INF-SV

    Balant Kentohe S ka + LOC S ka + SV

    isolat Bijogo (non pertinent) (non pertinent)

    162 Statut du marqueur

    Le marqueur des constructions locative et progressive ne preacutesente pas les mecircmes proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques dans toutes les langues atlantiques Dans certaines langues il preacutesente des

    caracteacuteristiques verbales et peut donc ecirctre analyseacute comme un verbe auxiliaire (dans la construction

    progressive) et comme un verbe copule (dans la construction locative) Dans dautres langues il ne

    preacutesente aucune caracteacuteristique verbale

    En badiaranke le marqueur (ya)k est clairement un verbe En effet il est compatible avec les

    marques de flexion verbale comme la neacutegation ou les indices pronominaux (372a-b)

    372) Badiaranke

    a Ka-re-man ka-jeen-e (Monteacutebran 2015 51)

    COP-NEG-S1SG INF-voir-INF

    lsquoJe ne suis pas en train de voirrsquo

    b Kab-re-man (Monteacutebran 2015 48)

    connaicirctre-NEG-S1SG

    lsquoJe ne connais pasrsquo

    En balant kentohe le marqueur ka peut eacutegalement ecirctre analyseacute comme un verbe En effet il

    occupe la mecircme position syntaxique et prend les mecircmes indices pronominaux que les autres verbes

    auxiliaires (373a-b)

    - 472 -

    373) Balant kentohe

    a Beuml-ka tooh-arsquo (Wilson 1961 152)

    S3PL-COP aller-INF

    lsquoIls sont en train de partirrsquo

    b Beuml-ŋan tooh-arsquo (Wilson 1961 152)

    S3PL-vouloir aller-INF

    lsquoIls veulent partirrsquo

    Les langues manjaku semblent preacutesenter une situation identique En pepel le marqueur wo

    occupe la mecircme position syntaxique et prend les mecircmes indices pronominaux que les autres verbes

    (373a-b)

    374) Pepel

    a Nji-wo Aliacute (Ndao 2011 171)

    S1SG-COP Ali

    lsquoJe suis Alirsquo

    b Nji-ka opi (Ndao 2011 96)

    S1SG-avoir chegravevre

    lsquoJai une chegravevrersquo

    Dans les langues joola le marqueur preacutesente certaines proprieacuteteacutes verbales En joola banjal le

    marqueur umu peut porter le suffixe de passeacute (375a) comme les verbes (375b) Neacuteanmoins

    contrairement aux verbes ce marqueur ne porte jamais le preacutefixe daccord ni les autres affixes

    flexionnels (375a-b)

    375) Joola banjal

    a Atejo u-m-u-en ni bu-rokk (Bassegravene 2006 132)

    Ateacutejo COP-CL-PX-PAS PREP INF-travailler

    lsquoAteacutejo est en train de travaillerrsquo

    b E-beacute-om e-lim-en-ehellip (Bassegravene 2006 118)

    CLe-vache-POSS1SG CLe-perdre-PAS-TAM

    lsquoMa vache eacutetait perduehelliprsquo

    - 473 -

    En wolof le marqueur a ng- ne peut pas ecirctre analyseacute comme un verbe (sect 63) Dans les

    constructions locatives il semble pouvoir porter le suffixe de passeacute (376a) comme les verbes

    (376b) Neacuteanmoins comme nous lavons vu en (sect 331) et (sect 632) dans ce type de constructions

    le marqueur de passeacute tend agrave se comporter comme un verbe et non comme un suffixe verbal (377a-

    b)

    376) Wolof

    a Ndakaaru yeacutepp =a ng-a woon ca ceacuteet =ga (Diouf 2003 81)

    Dakar CLCHPLTOT =PRST-DT PAS PREPDT noces =CLgDFDT

    lsquoTout Dakar eacutetait aux nocesrsquo

    b Dafa bagraveyyi -woon ay waa-juram (Diouf 2009 48)

    FOCVS1SG abandonner-PAS IDFCLy parentPOSS3SG

    lsquoIl avait abandonner ses parentsrsquo

    377) Wolof

    a Mu =ng-i =fi woon leacuteegi (Diouf 2003 513)

    PRO3SG=PRST-PX =CLLOCDFPX ecirctrePAS maintenant

    lsquoIl eacutetait lagrave il y a un instantrsquo

    b Mu =ng-i =ko takk ci kojoacuter =bi (Diouf 2003 188)

    PRO3SG=PRST-PX =O3SG attacher PREPPX cou-de-pied =CLbDFPX

    lsquoIl la attacheacute au cou-de-piedrsquo

    En peul le marqueur locatif ne peut pas ecirctre analyseacute comme un verbe Dans certains dialectes

    comme le peul de Gombe le marqueur de passeacute se suffixe sur le marqueur onɗ (378a) Neacuteanmoins

    dans dautres dialectes comme le pulaar du Fouta Toro le marqueur de passeacute se suffixe sur le verbe

    (378b) De plus le marqueur locatif ne preacutesente aucune proprieacuteteacute verbale

    378) a Peul de Gombe

    o-ʼ onɗ -no war-a (Arnott 1970 216)

    S3SG-LOCDT-PAS venir-IPF

    lsquoIl eacutetait en train de venirrsquo

    - 474 -

    b Pulaar

    O- onɗ loot-at-noo (Mohamadou 2012 84)

    S3SG-LOCDT laver-IPF-PAS

    lsquoIl eacutetait en train de laverrsquo

    En sereer ainsi que dans les langues cangin le marqueur ne peut pas ecirctre analyseacute comme un

    verbe En effet il ne preacutesente aucune proprieacuteteacute verbale

    Les donneacutees dont nous disposons pour les langues nyun-buy sont insuffisantes pour deacuteterminer

    le statut du marqueur des constructions locative et progressive Cest eacutegalement le cas pour la

    plupart des langues tenda-jaad ainsi que pour plusieurs langues manjaku joola et balant

    163 Forme du marqueur

    La forme du marqueur des constructions locative progressive etou preacutesentative est similaire

    dans la plupart des langues atlantiques Une comparaison de langues issues des diverses branches de

    la famille nous permet de proposer la structure geacuteneacuterale suivante

    Figure 161 - Structure du marqueur locatifprogressif dans les langues atlantiques

    Le marqueur peut former un amalgame avec le pronom sujet Le marqueur agrave proprement parler

    comprend geacuteneacuteralement une marque deacuteictique pouvant servir de lien avec le pronom sujet ainsi

    quune base comprenant une marque de classe nominale et une (seconde) marque deacuteictique La

    marque de classe saccorde geacuteneacuteralement avec le sujet et le deacuteictique 1 saccorde geacuteneacuteralement avec

    le deacuteictique 2

    - 475 -

    Amalgame

    Sujet Marqueur

    Lien Base

    S DEIC 1 DEIC 2CL

    En laalaa le marqueur preacutesente exactement cette structure Le sujet est soit un syntagme nominal

    (379a) soit un pronom fort (379b) La marque de classe saccorde avec le sujet (379a) ou

    correspond agrave la classe des humains si le sujet est un pronom personnel (379b) Le deacuteictique 2 est

    identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutefinis agrave savoir -aa pour le distal (379a) et -ii

    pour le proximal (379b)209 Le deacuteictique 1 est facultatif dans les eacutenonceacutes agrave preacutedicat verbal Il

    saccorde avec le deacuteictique 2 de la maniegravere suivante e pour le distal (379a) et i pour le proximal

    (379b) (Diegraveye 2011 185-186) En noon la structure est presque identique On ne note que deux

    diffeacuterences absence du deacuteictique 1 et possibiliteacute dune troisiegraveme marque -um (proche de

    lallocutaire) pour le deacuteictique 2 (Soukka 2000 178-179)

    379) Laalaa

    a Oomah-c-aa (e) c-aa neh ga tua (Diegraveye 2011 186)

    enfant-CLc-DFDT DT CLc-DT dormir PREP caseCLw-DFDT

    lsquoLes enfants dorment dans la casersquo

    b Mi (i) y-uu tiacutek ceumlen (Diegraveye 2011 186)

    PRO1SG PX CLHUMSG-PX cuisiner dicircner

    lsquoJe preacutepare le dicircnerrsquo

    En palor la structure est un peu diffeacuterente Le sujet est soit un syntagme nominal (380a) soit un

    pronom fort (380b) Le marqueur ne preacutesente pas de marque de classe mais une consonne rsquo [ʔ]

    Neacuteanmoins cette consonne peut ecirctre rapprocheacutee de lattaque du deacuteterminant indeacutefini de la classe

    des humains rsquoo Le deacuteictique 2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutefinis agrave

    savoir -iacuten pour le distal (380a) et -e pour le proximal (380b) Le marqueur rsquoe peut samalgamer avec

    les pronoms personnels singuliers entraicircnant la chute de la consonne glottale et lassimilation

    reacutegressive de la consonne finale du pronom (380b) (Alton 1987 128-129) En ndut la structure est

    presque identique On note la possibiliteacute dune troisiegraveme marque -a (meacutedial) pour le deacuteictique 2 De

    plus la consonne glottale est absente mais la voyelle du deacuteictique proximal ou meacutedial est longue

    (Morgan 1996 104-107) Il est possible quil sagisse lagrave dun allongement compensatoire provoqueacutee

    par la chute de locclusive glottale

    209 laquo Par dissimilation le morphegraveme de proximiteacute -ii devient -uu lorsquil est suffixeacute agrave lindice de classe y- raquo (Diegraveye2011 186)

    - 476 -

    380) Palor

    a Tedox-a rsquo-iacuten ten fan-fa ra (Alton 1987 129)

    berger-CLoslash-DFPX CL-DT traire vache-CLf-DFPX DEP

    lsquoVoilagrave le berger qui trait la vachersquo

    b Fe-e yaaɓ aɗ (Alton 1987 129)

    PRO2SG-PX avoir_faim DEP

    lsquoTe voici qui a faimrsquo

    En sereer le sujet est un pronom fort aux premiegravere et deuxiegraveme personnes (381a) ou un indice

    pronominal agrave la troisiegraveme personne (381b) La marque de classe neacutecessairement celle des humains

    saccorde en nombre et forme un amalgame avec le pronom sujet (381a-b) (Renaudier 2012 59)

    Le deacuteictique 2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutefinis agrave savoir -e pour le

    proximal (forme la plus freacutequente) (381a) et -aa pour le distal (381b) (Faye 1982 39-40) Il ny a

    pas de deacuteictique 1

    381) Sereer

    a Me-x-e ntildeaam-aa (Renaudier 2012 58)

    PRO1SG-CLHUMSG-PX manger-IPF

    lsquoJe suis en train de mangerrsquo

    b O-w-aa njaal-aa (Faye 1982 39)

    PRO3PL-CLHUMPL-DT travailler-IPF

    lsquoIls sont en train de travaillerrsquo

    Notons que la marque de classe des humains au singulier nest pas -x mais -ox Nous supposons

    que la voyelle initiale de cette marque sest amalgameacutee avec la voyelle finale des pronoms de

    premiegravere et deuxiegraveme personne et a eacuteteacute reacuteinterpreacuteteacutee comme indice pronominal agrave la troisiegraveme

    personne Ensuite lindice pronominal a- (3PL) est devenu o- dans la plupart des dialectes par

    analogie avec la forme 3SG Cette hypothegravese permet dexpliquer la preacutesence dun indice pronominal

    o- attesteacute nulle part ailleurs dans la langue ainsi que la modification de la voyelle du pronom 1SG

    - 477 -

    Tableau 162 - Origine des pronoms locatifs en sereer

    Pronom Marqueur Amalgame

    SG

    1 mi

    -oxe

    mi-oxe rarr meexe rarr mexe

    2 wo wo-oxe rarr wooxe rarr woxe

    3 Oslash Oslash-oxe rarr oxe rarr oxe

    PL

    1 in

    -we

    in-we rarr inwe rarr inwe

    2 nuun nuun-we rarr nuunwe rarr nuunwe

    3 a- a-we rarr awe rarr owe

    En peul le marqueur ne comporte ni marque de classe ni deacuteictique 1 Le sujet est soit un

    syntagme nominal (382a) soit un pronom sujet (382b) Dans les dialectes orientaux le deacuteictique 2

    est identique au marqueur locatif distal on ɗ (382a-b) alors quil est identique au marqueur locatif

    proximal oɗ dans les dialectes occidentaux (Ard 1979 129-130) En pulaar cette marque deacuteictique

    est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs (Sylla 1982 45-50)

    382) Peul de Gombe

    a Hoore rsquoam onɗ naaw-a (Arnott 1970 283)

    tecircte POSS1SG DT faire_mal-IPF

    lsquoJai mal agrave la tecirctersquo

    b rsquoo- onɗ huw-a (Arnott 1970 282)

    S3SG-DT travailler-IPF

    lsquoIl est en train de travaillerrsquo

    En nyun de Niamone le sujet est soit un syntagme nominal (383a) soit un pronom fort (383b)

    La marque de classe saccorde avec le sujet (383a) ou correspond agrave la classe des humains si le sujet

    est un pronom personnel (383b) Elle forme un amalgame avec le pronom sujet (383b) Le deacuteictique

    1 est identique agrave la marque deacuteictique proximale des deacuteterminants deacutemonstratifs cest-agrave-dire in-

    (383a-b) (Bao-Diop 2013 259-261)210 Le deacuteictique 2 est similaire aux marqueurs locatifs agrave savoir

    bim pour le distal (383a) et na pour le proximal (383b) (Bao-Diop 2013 237-238) Notons que le

    deacuteictique 1 ne saccorde pas avec le deacuteictique 2 seul la marque proximale in- est attesteacutee quelque

    soit la marque deacuteictique 2 (383a-b) En nyun de Djifanghor la situation est similaire bien que les

    210 La voyelle sharmonise avec celle de la marque de classe La nasale subit une assimilation de lieu darticulation parrapport agrave la consonne de la marque de classe si cette derniegravere est une occlusive ou samenuit et nasalise la voyellesi la consonne suivante est une fricative (Bao-Diop 2013 146)

    - 478 -

    formes soient plus difficilement segmentables Le deacuteictique 1 est geacuteneacuteralement identique agrave la

    marque deacuteictique proximale des deacuteterminants deacutemonstratifs mais la marque est plus courte et

    semble moins reacuteguliegravere quen nyun de Niamone Le deacuteictique 2 se reacutesume le plus souvent agrave un -ŋ

    correspondant probablement agrave la forme tronqueacutee dun marqueur locatif Par exemple on peut

    deacutecouper le marqueur mbaŋ ainsi m- (PX) + ba (CLba) + -ŋ (PX) Notons que le paradigme contient

    plusieurs idiosyncrasies et que le deacutecoupage nest pas toujours possible (Quint 2015 413)

    383) Nyun de Niamone

    a Siidi um-moo-bim Dakaar (Bao-Diop 2013 260)

    Sidy PX-CLu-DT Dakar

    lsquoSidy est agrave Dakarrsquo

    b F-um-moo-na (Bao-Diop 2013 74)

    PRO2SG-PX-CLHUMSG-PX

    lsquoTu es lagrave rsquo

    En buy le sujet est soit un syntagme nominal (384a) soit un pronom fort (384b) Le deacuteictique 2

    est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs agrave savoir -o pour le proximal

    (384a) et -k pour le distal (384b) (Doneux 1991 60) La voyelle de base du marqueur peut ecirctre

    rapprocheacutee de la marque de la classe des humains au singulier o- Neacuteanmoins notons que le

    marqueur preacutesentatif se distingue du deacuteterminant deacutemonstratif par son schegraveme tonal uacuteligrave oacuteograve (voici

    lhomme) ~ uacuteligrave ograveo (cet homme-ci) Par ailleurs le marqueur ne comporte pas de deacuteictique 1

    384) Buy

    a Geacutendeacuteŋ oacute-ograve (Doneux 1991 60)

    nuit CLHUMSG-PX

    lsquoVoici la nuitrsquo

    b Naacuteagraven oacute-ogravek (Doneux 1991 60)

    PRO3PL CLHUMSG-PX

    lsquoLes voilagraversquo

    En joola banjal le sujet est soit un syntagme nominal (385a) soit un pronom fort (385b) La

    marque de classe saccorde avec le sujet (385a) ou correspond agrave la classe des humains si le sujet est

    un pronom personnel (385b) Le deacuteictique 2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants

    - 479 -

    deacutemonstratifs agrave savoir -u pour le distal (385a) -e pour le proximal (385b) et -ua pour le meacutedial

    (Bassegravene 2006 231-234) Le deacuteictique 1 ne saccorde pas avec le deacuteictique 2 mais semble

    identique agrave la marque deacuteictique distale des deacuteterminants deacutemonstratifs Neacuteanmoins une autre

    analyse est envisageable On constate que le marqueur preacutesentatif semble correspondre agrave une forme

    tronqueacutee du deacuteterminant deacutemonstratif Par exemple j-au-j-u (CLj-DEM-CLj-DT) ~ u-j-u (DEIC-CLj-DT)

    Oslash-a(x)u-m-e (CLHUMSG-DEM-CLHUMSG-PX) ~ u-m-e (DEIC-CLHUMSG-PX) Cependant cette analyse ne

    fonctionne pas avec la classe des humains au pluriel g-au-m-e (CLHUMPL-DEM-CLHUMPL-PX) ~

    u-bug-e (DEIC-CLHUMPL-PX) Le joola fonyi preacutesente une situation similaire (Sapir 1969 71)

    385) Joola banjal

    a Ji-iba j-a-j-u u-j-u ni e-vvantilde y-a-y-u (Bassegravene 2006 231)

    CLj-couteau CLj-DF-CLj-DF DEM-CLj-DT PREP CLe-cuisine CLe-DF-CLe-DF

    lsquoLe couteau est dans la cuisinersquo

    b Iacutenje u-m-e tiyaŋ ni-robo-e (Bassegravene 2006 233)

    PRO1SG DEM-CLHUMSG-PX dehors S1SG-sasseoir-TAM

    lsquoJe suis assis dehorsrsquo

    En kwatay le sujet est soit un syntagme nominal (386a) soit un pronom fort (386b) La marque

    de classe saccorde avec le sujet (386a) sauf sil sagit dun pronom personnel dans ce cas la

    marque de classe est omise et le marqueur forme un amalgame avec le pronom (386b) Le deacuteictique

    2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs agrave savoir -ondu pour le meacutedial

    (cas le plus freacutequent) (386a) -onde pour le proximal (386b) et -onda pour le distal (Payne 1992

    58) Par ailleurs le marqueur ne comporte pas de deacuteictique 1

    386) Kwatay

    a Buacute-suus b-u b-ond-u ti ka-neyu (Payne 1992 58)

    CLb-feuille CLb-DFMD CLb-DEM-MD PREP INF-tomber

    lsquoLes feuilles sont en train de tomberrsquo

    b Iacutenj-end-u tu bu-ntildeoofo (Payne 1992 58)

    PRO1SG-DEM-MD PREP INF-manger

    lsquoJe suis en train de mangerrsquo

    En wolof le sujet est soit un syntagme nominal (387a) soit un pronom fort (387b-d) Le

    - 480 -

    deacuteictique 2 est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutefinis agrave savoir -i pour le proximal

    (cas le plus freacutequent) (387a) et -a pour le distal (387b) Il peut eacutegalement ecirctre identique agrave la marque

    deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs deacuteictiques agrave savoir -ii ou -ile pour le proximal (387c) et

    -ee ou -ale pour le distal ou agrave celle des deacuteterminants deacutemonstratifs anaphoriques (387d)211

    Le marqueur ne preacutesente pas de marque de classe mais un eacuteleacutement ng On remarque que le

    deacuteterminant deacutemonstratif anaphorique preacutesente une structure CL-oo-CL-DEIC (387e) (Fal 1999 52-

    53) cest-agrave-dire une forme ougrave la marque de classe apparaicirct deux fois Or dans le cas du marqueur du

    preacutesentatif leacuteleacutement ng- apparaicirct agrave linitial mais cest un -g- qui apparaicirct lors de la seconde

    occurrence ng-oo-g-DEIC (387d) Ce pheacutenomegravene nous permet de supposer que ng est probablement

    issu de la marque de classe nominale g- qui regroupe entre autres les toponymes et les arbres

    (Gueacuterin 2011 76) Lalternance g ~ ng agrave linitial pourrait ecirctre le reacutesultat dun processus

    morphophonologique (sect 0451)

    387) Wolof

    a Ma=a-ng-i c-i neacuteeg =b-i (Diouf 2009 149)

    PRO1SG=DT-CL-PX PREP-PX chambre =CLb-DFPX

    lsquoJe suis dans la chambrersquo

    b Sama jabar =a-ng-a c-a waantilde =w-a (Diouf 2003 357)

    POSS1SG femme =DT-CL-DT PREP-DT cuisine =CLw-DFDT

    lsquoMa femme est agrave la cuisinersquo

    c Omar =a-ng-ale di dem (Diouf 2003 51)

    Omar =DT-CL-DEMDT IPF partir

    lsquoVoilagrave Omar qui sen varsquo

    d Aw doj =a-ng-oo-g-ule (Diouf 2003 51)

    IDFCLw caillou =DT-CL-DEMANAPH-CL-DEMANAPHPX

    ci sa wetu tagravenk

    PREPPX POSS2SG cocircteacuteGEN pied

    lsquoVoilagrave un caillou agrave cocircteacute de ton piedrsquo

    211 Pour une liste exhaustive des deacuteterminants du wolof voir Fal et al (1990 20) Ma Cisseacute (2007 56-57) Diouf(2009 173) ou Gueacuterin (2011 111)

    - 481 -

    e Meumln =nantildeoo teumlkkale leacuteeb =y-oo-y-ulehellip (Diouf 2003 340)

    pouvoir =PRFS3PLDV comparer conte =CLy-DEMANAPH-CLy-DEMANAPHPX

    lsquoOn peut comparer ces conteshelliprsquo

    Par ailleurs le deacuteictique 1 est geacuteneacuteralement identique agrave une marque distale a Neacuteanmoins avec

    les pronoms 3SG 1PL et 3PL trois cas sont attesteacutes soit la voyelle a du marqueur est preacutesente et

    fusionne avec la voyelle finale du pronom (moo ngi noo ngi ntildeoo ngi) soit la voyelle finale -u du

    pronom est remplaceacutee par un -i cest-agrave-dire une marque proximale (mi ngi ni ngi ntildei ngi) soit la

    voyelle a du marqueur est absente (mu ngi nu ngi ntildeu ngi) (Church 1981 62-63)212

    Dans les langues manjaku le sujet est soit un pronom fort (388a) soit un syntagme nominal

    (388b) Contrairement aux langues que nous venons de voir le marqueur ne semble pas preacutesenter la

    structure que nous avons proposeacutee plus haut En effet en mankanya ou en pepel le marqueur est un

    verbe reacutegulier wo On pourrait supposer que w- est une marque de classe et -o une marque

    deacuteictique mais cette hypothegravese ne cadre pas avec les donneacutees de la langue Si w- est une marque de

    classe elle doit ecirctre rapprocheacutee de la classe u- En pepel cette classe regroupe entre autres les

    arbres (Ndao 2011 66) comme la classe g- du wolof que nous avons vue plus haut En mankanya

    cette classe regroupe entre autres les animaux (Trifkovič 1969 75) Selon les statistiques eacutetablies

    par Trifkovič (1969 78) il sagit de la classe la plus freacutequente Neacuteanmoins elle note que cette

    freacutequence sexplique par la nature de son corpus constitueacute essentiellement de contes animaliers

    Enfin -o ne peut pas ecirctre rapprocheacute des marques deacuteictiques des langues manjaku En mankanya les

    marques deacuteictiques des deacuteterminants deacutemonstratifs sont -i (proximal) et -uŋ (distal) (Trifkovič

    1969 81 Gaved amp Gaved 2007 15) En pepel ces marques sont -i (proximal) et -u (distal) (Ndao

    2011 96)

    388) a Mankanya

    Ba wo ţi p-jan (Trifkovič 1969 118)

    S3PL COP PREP INF-chasser

    lsquoIls sont en train de chasserrsquo

    b Pepel

    Muacutesa wo şeuml o-feacuteeruacute (Ndao 2011 171)

    Moussa COP PREP CLo-marcheacute

    lsquoMoussa est au marcheacutersquo

    212 Nous reviendrons plus en deacutetail sur cette marque deacuteictique en (sect 123)

    - 482 -

    Ainsi dans les langues manjaku le marqueur des constructions locative et progressive ne semble

    pas preacutesenter la structure que nous avons proposeacutee plus haut En revanche le marqueur de la

    construction preacutesentative sen approche En mankanya le preacutesentatif est exprimeacute par le

    redoublement du deacuteterminant deacutemonstratif constitueacute dune marque de classe et dune marque

    deacuteictique (389a) (Gaved 2007 13) En pepel il est exprimeacute par une marque deacuteictique postposeacutee

    (389b) (Ndao 2011 201)

    389) a Mankanya

    Ba-buk naan bik-i bik-i (Gaved 2007 13)

    CLba-enfant POSS1SG CLba-PX CLba-PX

    lsquoVoici mes enfantsrsquo

    b Pepel

    Iacute-ntildei o-wul i (Ndao 2011 201)

    CLiacute-dent CLo-chien PX

    lsquoVoici des dents de chienrsquo

    En balant kentohe comme dans les langues manjaku le marqueur ne semble pas preacutesenter la

    structure que nous avons proposeacutee plus haut Dans cette langue le marqueur est un verbe ka qui ne

    semble pas ecirctre constitueacute dune marque de classe et dune marque deacuteictique Concernant le balant

    ganja nous ne disposons pas de donneacutees suffisantes pour pouvoir nous prononcer

    Dans les langues tenda-jaad le marqueur ne semble pas non plus preacutesenter la structure que nous

    avons proposeacutee plus haut En badiaranke le marqueur est un verbe (ya)k qui ne semble pas ecirctre

    constitueacute dune marque de classe et dune marque deacuteictique (390a) En bedik il ny a pas agrave

    proprement parler de marqueur Le locatif et le progressif sont exprimeacutes par le choix du pronom

    sujet ainsi que par la preacuteposition (390b)

    390) a Badiaranke

    Fe paadiyatilde k-əə (Cover 2010 132)

    PREP chambrePOSS3SG COP-S3SG

    lsquoIl est dans sa chambrersquo

    - 483 -

    b Bedik

    Ugrave-ŝas laacuteŋ ɛɔwɔɔ (Ferry 1991 26)

    INF-parler sur S3SG

    lsquoIl est en train de parlerrsquo

    La forme du marqueur des constructions locative et preacutesentativeprogressive des langues

    atlantiques que nous avons eacutetudieacutees sont reacutesumeacutees dans le Tableau (163)

    Tableau 163 - Forme du marqueur locatifprogressif dans plusieurs langues atlantiques

    Branche Groupe Langue

    Amalgame

    Sujet Marqueur

    S

    Lien Base

    DEIC 1 CL DEIC 2

    Nord

    isolat Wolof PRO- DFDT (PX) CLLOC DF DEM

    Nyun-Buy

    Buy PRO - CLHUMSG DEM

    Niamone PRO- DEMPX SUJ LOC

    Djifanghor PRO DEMPX SUJ LOC

    Tenda-JaadBedik absence de marqueur

    Badiaranke marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

    Peul-SereerPulaar S- - - LOC (DEM)

    Sereer PRO- - CLHUM DF

    Cangin

    Laalaa PRO (DEIC 2) SUJ DF

    Noon PRO - SUJ DF

    Palor PRO- - CLHUMSG DF

    Ndut PRO- - CLHUMSG DF

    Centre

    ManjakuMankanya marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

    Pepel marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

    JoolaBanjal PRO DEMDT SUJ DEM

    Kwatay PRO- - SUJ DEM

    Balant Kentohe marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

    isolat Bijogo marqueur preacutesentant une structure diffeacuterente

    Pour reacutesumer dans la plupart des langues atlantiques le marqueur des constructions locative et

    preacutesentativeprogressive preacutesente une structure DEIC1-CL-DEIC2 Seules les langues tenda-jaad

    manjaku balant et le bijogo ont un marqueur diffeacuterent

    - 484 -

    Dans les autres langues le deacuteictique 2 est identique aux marques deacuteictiques des deacuteterminants

    deacutemonstratifs ou deacutefinis sauf en peul et dans les langues nyun ougrave il est identique aux marqueurs

    locatifs Le deacuteictique 1 est beaucoup moins freacutequent Il sagit dune marque figeacutee identique agrave la

    marque proximale (nyun) ou distale (wolof joola) des deacuteterminants deacutemonstratifs ou deacutefinis

    excepteacute en laalaa ougrave il saccorde avec le deacuteictique 2

    La marque de classe saccorde avec le sujet dans les langues nyun joola ainsi que dans certaines

    langues cangin (laalaa noon) En sereer la marque est celle de la classe des humains et saccorde

    en nombre avec le sujet Dans certaines langues cangin (palor ndut) et en buy la marque est figeacutee

    et est similaire agrave la marque de classe des humains au singulier En wolof la marque est eacutegalement

    figeacutee mais elle ne peut pas ecirctre rapprocheacutee de la classe des humains En peul la marque de classe

    est absente

    Si le sujet est un pronom il aura geacuteneacuteralement la forme dun pronom fort Dans certaines

    langues ce pronom forme un amalgame avec le marqueur (wolof nyun de Niamone sereer palor-

    ndut kwatay) alors que dans dautres il est indeacutependant (buy nyun de djifanghor laalaa noon

    banjal) Le peul est la seule langue employant un pronom sujet faible

    164 Origine de la construction

    1641 Un heacuteritage geacuteneacutetique

    La plupart des langues atlantiques disposent dune construction locative pouvant eacutegalement ecirctre

    utiliseacutee comme construction preacutesentative etou progressive La structure de ces constructions ainsi

    que la forme du marqueur utiliseacute sont relativement similaires dune langue agrave lautre De plus leacutetude

    et la comparaison de la forme du marqueur est coheacuterente avec la classification actuelle Ainsi toutes

    les langues ne preacutesentant pas de marqueur appartiennent agrave certains groupes (tenda-jaad manjaku

    balant bijogo) et dans les langues appartenant au mecircme groupe le marqueur tend agrave avoir une

    structure similaire Par exemple dans les langues joola le marqueur saccorde en classe avec le

    sujet et porte la mecircme marque deacuteictique que les deacuteterminants deacutemonstratifs Tous ces eacuteleacutements

    tendent agrave montrer que ces constructions ont une origine commune Le fait quelles soient attesteacutees

    dans des groupes appartenant aux deux principales branches (Nord et Centre) laisse supposer quil

    sagit dune construction ancienne issue du proto-atlantique

    - 485 -

    Les hypothegraveses dune convergence typologique ou dun contact de langues semblent donc peu

    probables Neacuteanmoins il convient deacutetudier les autres langues de la reacutegion pour sen assurer Nous

    nous limitons aux langues actuellement en contact avec les langues atlantiques agrave savoir

    bull des langues mandeacute soninkeacute mandingue (notamment le mandinka) et jalonkeacute

    bull le casamanccedilais (creacuteole afro-portugais de Casamance)

    bull le zeacutenaga (langue berbegravere du sud de la Mauritanie)

    bull des langues mel kisi mani (eacutegalement appeleacute bullom) et temne

    En soninkeacute la copule locative waacute (391a) est aussi utiliseacutee comme marqueur dimperfectif (391b)

    (Creissels 2015a 2-4) On note eacutegalement que haacuteayiacute est utiliseacute comme marqueur preacutesentatif (392a-

    b) ou progressif (392c) (Diagana 1995 386-388) Cependant ces marqueurs nont pas la mecircme

    origine que ceux des langues atlantiques La copule waacute est probablement issue du verbe wagraveriacute (voir)

    (Creissels 2015a 6-7) et haacuteayiacute est clairement issu du verbe haacuteayiacute (regarder) (Diagana 1995 386-

    388)

    391) Soninkeacute

    a Muacuteusaacute waacute koacutenpegrave-n diacute (Creissels 2015a 4)

    Moussa COP chambre-DET POSTP

    lsquoMoussa est dans la chambrersquo

    b Oacute waacute taacuteaxuacute-nuacute dagraveagoacute-n kagravenmaacute (Creissels 2015a 3)

    1PL COP sasseoir-GER natte-DET sur

    lsquoNous nous assieacuterons sur la nattersquo

    392) Soninkeacute

    a Leacutemiacutenegrave-n haacuteayiacute (Diagana 1995 387)

    enfant-DET PRST

    lsquoVoici lenfantrsquo

    b Leacutemiacutenegrave-n haacuteayiacute xuacutebegrave-n diacute (Diagana 1995 388)

    enfant-DET PRST chambre-DET POSTP

    lsquoVoilagrave lenfant dans la chambrersquo ou lsquoLenfant est (en ce moment) dans la chambrersquo

    - 486 -

    c Agrave haacuteayiacute raacutegegrave-neacute yagrave (Diagana 2013 169)

    3SG PRST faire_ses_ablutions-GER FOC

    lsquoIl est en train de faire ses ablutionsrsquo

    En mandinka la copule locative beacute (393a) est aussi utiliseacutee comme marqueur de progressif

    (393b) (Creissels amp Sambou 2013 139-145) Par ailleurs le preacutesentatif est exprimeacute par feacuteleacute (394a)

    ou haacuteyiacutenaacute(ŋ) (394b) (Creissels amp Sambou 2013 151-152) Cependant ces marqueurs nont pas la

    mecircme origine que ceux des langues atlantiques Les marqueurs sont clairement issus des verbes

    homonymes signifiant respectivement laquo regarder raquo et laquo apercevoir raquo Lorigine de la copule locative

    beacute est plus difficile agrave deacuteterminer mais il est possible quelle soit issue dun ancien verbe (Kastenholz

    2003 Babaev 2011) De fait elle ne preacutesente aucune similitude avec les deacutemonstratifs ntildeǐŋ wǒ ou

    les locatifs jǎŋ (PX) jěe (DT) du mandinka contemporain (Creissels amp Sambou 2013 194-197

    311-313)

    393) Mandinka

    a Y iacuter-oacuteo be siacutel-ocirco daacuteala (Creissels amp Sambou 2013 139)

    arbre-DET COP chemin-DET au_bord

    lsquoLarbre est au bord du cheminrsquo

    b Y iacuter-oacuteo be boy-oacuteo la (Creissels amp Sambou 2013 144)

    arbre-DET COP tomber-DET POSTP

    lsquoLarbre est en train de tomberrsquo

    394) Mandinka

    a Iacute laacute doacutemoacuter-ocirco feacutele (Creissels amp Sambou 2013 151)

    2SG GEN nourriture-DET PRST

    lsquoVoici ton repas rsquo

    b A-teacute le haacuteyiacutenaacute kew-oacute-lu ntildeaacuteato (Creissels amp Sambou 2013 151)

    3SG-EMPH FOC PRST homme-DET-PL devant

    lsquoLe voilagrave agrave la tecircte des hommesrsquo

    En jalonkeacute il ne semble pas y avoir de lien entre les constructions locative progressive et

    preacutesentative La construction locative est geacuteneacuteralement exprimeacutee par la simple juxtaposition des

    - 487 -

    deux termes (395a) (Luumlpke 2005 133-134) La construction progressive est exprimeacutee par le suffixe

    -ma probablement issu de la postposition homonyme (395b) (Luumlpke 2005 122-123) Le

    preacutesentatif peut ecirctre exprimeacute par le marqueur jεε (395c) qui est peut-ecirctre issu du deacutemonstratif

    proximal ji (Luumlpke 2005 134) Cette construction pourrait donc ecirctre rapprocheacutee de celles des

    langues atlantiques Neacuteanmoins elle sen distingue par la preacutesence obligatoire du marqueur de

    focus par le figement de la deixis ainsi que par son incapaciteacute agrave former un eacutenonceacute autonome

    395) Jalonkeacute

    a Biniir-εε taabal-na fari (Luumlpke 2005 133)

    bouteille-DF table-DF sur

    lsquoLa bouteille est sur la tablersquo

    b A dii-na xun-na bii-ma (Luumlpke 2005 122)

    S3SG enfant-DF tecircte-DF couper-IPF

    lsquoElle est en train de raser le cracircne de lenfantrsquo

    c Banxi nan jεεhellip (Luumlpke 2005 134)

    maison FOC PRST

    lsquoVoici une maisonhelliprsquo

    En casamanccedilais la construction locative emploie geacuteneacuteralement la copule saacute (396a) peut-ecirctre

    issue du verbe portugais estar (Biagui 2012 188-189) La construction progressive emploie le

    marqueur imperfectif na (396b) (Biagui 2012 160) Il existe eacutegalement une construction que Quint

    (2000a 264) nomme laquo geacuterondif raquo exprimeacutee par la copule locative suivie de la preacuteposition na

    (396c) probablement issue de la forme contracteacutee portugaise na ~ em-a (dans la) (Quint 2000a

    204-205) Selon Quint (2000a 265) le geacuterondif serait agrave lorigine du marqueur dimperfectif La

    preacuteposition na sest grammaticaliseacutee en marqueur dimperfectif suite agrave la chute de la copule Enfin

    la construction preacutesentative emploie un marqueur constitueacute dune marque emphatique a- dun

    locatif li (PX) ou la (DT) pouvant ecirctre renforceacute par un second locatif (396d-e) (Biagui 2012 260-

    261) Ces formes semblent tregraves proches des marqueurs des langues atlantiques Cependant leur

    structure et leur origine sont diffeacuterentes Contrairement aux marqueurs des langues atlantiques le

    marqueur preacutesentatif du casamanccedilais se place avant le sujet De plus en casamanccedilais la

    constructions preacutesentative na aucun lien avec le locatif ou le progressif En effet en (396e) le trait

    progressif est exprimeacute par le marqueur imperfectif na et non par le marqueur preacutesentatif Par

    - 488 -

    ailleurs ce marqueur nest absolument pas issu dun deacutemonstratif En effet les locatifs sont

    clairement issus du portugais ali (ici) et alaacute (lagrave) (Quint 2000a 219) Leacuteleacutement a- a probablement la

    mecircme origine mais il tend agrave ecirctre reacuteinterpreacuteteacute comme une marque emphatique similaire agrave celles des

    pronoms sujet (Quint 2000a 219) Cette marque est probablement issue de la preacuteposition

    portugaise a (agrave) (Quint 2000a 162) qui sest grammaticaliseacutee en marque emphatique peut-ecirctre sur

    le modegravele des marques emphatiques du mandinka (394b) (Quint 2000b 47-48)

    396) Casamanccedilais

    a Pidru ku Mariya saacute na kasa (Biagui 2012 269)

    Pierre avec Marie COP PREP maison

    lsquoPierre et Marie sont agrave la maisonrsquo

    b I na kumeacute karna di purku (Biagui 2012 160)

    S3SG IPF manger viande de porc

    lsquoIl est en train de manger de la viande de porcrsquo

    c Pidru saacute na kantaacute (Biagui 2012 214)

    Pierre COP PREP chanter

    lsquoPierre est en train de chanterrsquo

    d A-li Pidru li (Biagui 2012 260)

    EMPH-PX Pierre PX

    lsquoVoici Pierrersquo

    e A-leacute-m na kusntildeaacute (Biagui 2012 260)

    EMPH-PX-S1SG IPF cuisiner

    lsquoJe suis en train de cuisinerrsquo

    En zeacutenaga le preacutesentatif se forme agrave partir de la copule aumlđ et dun pronom deacutemonstratif neutre

    portant une marque deacuteictique (397a-b) (Taine-Cheikh 2010 364-365) Notons que la copule est

    formellement identique au deacutemonstratif masculin singulier proximal (Taine-Cheikh 2010 363)

    Ces formes semblent donc assez proches des marqueurs des langues atlantiques Cependant leur

    structure et leurs contextes demploi sont diffeacuterentes En effet contrairement aux langues

    atlantiques le syntagme nominal se place apregraves le marqueur De plus en zeacutenaga ce marqueur nest

    pas employeacute dans les constructions locatives ou progressives Enfin la copule aumlđ permet dexprimer

    - 489 -

    lidentification ou la caracteacuterisation alors que le marqueur des langues atlantiques se limite agrave la

    localisation

    397) Zeacutenaga

    a Aumlđ-aumlyđ Kumbauml (Taine-Cheikh 2010 364)

    COP-DEMNPX Coumba

    lsquoVoici Coumbarsquo

    b Aumlđ-ān i ym-aumlnʔ (Taine-Cheikh 2010 365)

    COP-DEMNDT chameau-PL

    lsquoVoilagrave des chameauxrsquo

    Dans la plupart des langues mel il ne semble pas y avoir de lien entre les constructions locative

    progressive et preacutesentative Cest notamment le cas en kisi (Childs 1995) ou en mani (Childs 2011)

    Neacuteanmoins le temne preacutesente une situation tregraves proche de celle des langues atlantiques Dans cette

    langue le mecircme marqueur est utiliseacute dans les constructions preacutesentative (398a-b) et progressive

    (398c) (Bai-Sheka 1991) Il est constitueacute dune marque de classe et dune marque deacuteictique La

    marque de classe saccorde avec le sujet (398b-c) ou correspond agrave la classe des humains si le sujet

    est un pronom personnel (398a) Par ailleurs elle peut former un amalgame avec le pronom sujet

    (398b) La marque deacuteictique est identique agrave la marque deacuteictique des deacuteterminants deacutemonstratifs agrave

    savoir -ε pour le proximal (398a) et -aŋ pour le distal (398b-c) Ainsi comme dans les langues

    atlantiques le marqueur a la mecircme structure quun deacutemonstratif Cependant il sen distingue par sa

    position syntaxique Dans les langues atlantiques le marqueur se place entre le sujet et le verbe

    alors quen temne il se place apregraves le verbe

    398) Temne

    a Minɛ ɔw-ɛ (Bai-Sheka 1991 121)

    PRO1SG CLHUMSG-PX

    lsquoMe voicirsquo

    b Kə-gbɛngbɛ k-ak-aŋ (Bai-Sheka 1991 122)

    CLk-piment PROCLk-CLk-DT

    lsquoVoilagrave un pimentrsquo

    - 490 -

    c Kaacute-gbɛngbɛ kə fuacutempɔ k-aŋ (Bai-Sheka 1991 122)

    CLkDF-piment PROCLk tomber CLk-DT

    lsquoLe piment est en train de tomberrsquo

    Pour reacutesumer on peut identifier une construction locative ~ preacutesentative ~ progressive dans la

    plupart des langues atlantiques La structure de ces constructions ainsi que la forme du marqueur

    utiliseacute sont relativement similaires dune langue agrave lautre Le lien entre constructions locative

    preacutesentative et progressive eacutetant relativement commun dans les langues du monde on pourrait

    supposer quil sagit dun pheacutenomegravene areacuteal Cependant aucune des autres langues de la reacutegion ne

    semble preacutesenter une situation identique Seul le marqueur du temne est formellement similaire agrave

    celui des langues atlantiques Eacutetant donneacute quaucune autre langue mel ne semble preacutesenter une telle

    situation et que le temne constitue la langue la plus septentrionale de cette famille deux solutions

    sont envisageables Soit le temne nest pas une langue mel mais plutocirct une langue atlantique

    (hypothegravese peu probable au vu des connaissances actuelles sur la langue) Soit le temne a acquis

    cette construction au contact des langues atlantiques213 Cette hypothegravese est renforceacutee par le fait que

    le temne est une langue veacutehiculaire (au Sierra Leone) et donc dans une situation favorable aux

    emprunts Ainsi la construction locative ~ preacutesentative ~ progressive attesteacutee dans les langues

    atlantiques semble clairement issue du proto-atlantique

    1642 Grammaticalisation et hypothegraveses de reconstruction

    Dans plusieurs langues atlantiques le marqueur a une forme similaire agrave celle dun deacuteterminant

    deacutemonstratif Or la grammaticalisation dun deacutemonstratif en copule locative est attesteacutee dans

    plusieurs langues (Heine amp Kuteva 2002 108-109) Dans les autres langues atlantiques le

    marqueur a une forme similaire agrave celle dun deacuteterminant deacutefini Or la grammaticalisation dun

    deacuteterminant deacutemonstratif en deacuteterminant deacutefini est attesteacutee dans plusieurs langues (Heine amp Kuteva

    2002 109-111) Dans toutes les langues atlantiques concerneacutees le marqueur est utiliseacutee agrave la fois

    comme copule locative et comme marqueur preacutesentatif ou progressif Or lutilisation dune copule

    locative comme marqueur preacutesentatif (Gelderen 2011 133) ou sa grammaticalisation en marqueur

    progressif (Heine amp Kuteva 2002 97-99) est attesteacutee dans plusieurs langues Ainsi nous pouvons

    proposer le chemin de grammaticalisation suivant

    Deacutemonstratif (rarr Deacutefini) rarr Copule locative (rarr Preacutesentatif) rarr Progressif

    213 Nous remercions Konstantin Pozdniakov pour nous avoir suggeacutereacute cette hypothegravese

    - 491 -

    Dans les langues joola le deacutemonstratif sest grammaticaliseacute en copule locative Dans les langues

    cangin et en sereer il sest dabord grammaticaliseacute en deacuteterminant deacutefini Dans un grand nombre de

    langues en se grammaticalisant le deacutemonstratif sest figeacute Il devait initialement saccorder en classe

    avec le sujet comme cest encore le cas dans les langues nyun joola et dans certaines langues

    cangin (laalaa noon) En sereer cet accord sest limiteacute au nombre et la classe des humains est

    devenue lunique classe possible probablement en raison de sa freacutequence En palor-ndut en buy et

    en wolof la marque sest totalement figeacutee et correspond agrave la marque de classe des humains au

    singulier sauf en wolof ougrave lorigine de la marque est incertaine La copule locative a ensuite eacuteteacute

    utiliseacutee comme marqueur preacutesentatif ou sest grammaticaliseacutee en marqueur progressif Dans les

    langues de la branche Nord le marqueur ne preacutesente pas de proprieacuteteacutes verbales et est suivi dun

    verbe fini alors que dans les langues joola le marqueur tend agrave se comporter comme un verbe et est

    suivi dun verbe agrave linfinitif introduit par une preacuteposition

    Les donneacutees que nous avons preacutesenteacutees en (sect 163) nous permettent de formuler une hypothegravese

    de reconstruction pour le marqueur en proto-atlantique DEIC1-CL-DEIC2 Le deacuteictique 2 correspond

    agrave la marque deacuteictique des deacuteterminant deacutemonstratif Deacuteterminer la forme du deacuteictique 1 est plus

    probleacutematique en raison de son absence de la majoriteacute des langues Neacuteanmoins le fait quil soit

    attesteacute dans quatre groupes diffeacuterents (wolof nyun cangin joola) tend agrave montrer quil existait en

    proto-atlantique Dans cette langue il semblerait que le deacuteictique 1 soit identique etou saccorde

    avec le deacuteictique 2 Par ailleurs la marque de classe saccorde avec la classe du sujet Le figement

    en CLHUM dans plusieurs langues est probablement ducirc agrave une surrepreacutesentation des sujets humains

    dans le discours Enfin si le sujet est un pronom il aura la forme dun pronom fort

    - 492 -

    CCHAPITREHAPITRE 17 - 17 - LLESES AUTRESAUTRES CATEacuteGORIESCATEacuteGORIES VERBALESVERBALES

    DESDES LANGUESLANGUES ATLANTIQUESATLANTIQUES

    171 Les marques personnelles

    La reconstruction des systegravemes pronominaux des langues atlantiques est relativement difficile

    non seulement en raison de la distance geacuteneacutetique entre ces langues mais eacutegalement en raison de laquo la

    freacutequence et la varieacuteteacute des processus dunification des systegravemes par analogie raquo (Pozdniakov amp

    Segerer 2004 160) Neacuteanmoins la comparaison des systegravemes pronominaux des langues atlantiques

    fait ressortir plusieurs similitudes soutenant lhypothegravese dune origine commune (Pozdniakov amp

    Segerer 2004 151-153)

    Comme dans un grand nombre de langues Niger-Congo les formes 3SG et 3PL de la plupart des

    langues atlantiques sont issues des marques de classes nominales Les formes 3SG sont geacuteneacuteralement

    issues de la marque de classe des humains au singulier214 et les formes 3PL sont issues de la marque

    de classe des humains au pluriel215 (Pozdniakov amp Segerer 2004 152) Ce pheacutenomegravene est attesteacute en

    wolof En effet dans cette langue on peut rapprocher le pronom objet 3SG ko de la marque de classe

    k- (HUMSG) ainsi que le pronom sujet 3PL ntildeu de la marque de classe ntilde- (HUMPL) En revanche cela

    ne semble pas fonctionner avec le pronom objet 3PL leen et le pronom sujet 3SG mu Dans le cas de

    leen il sagit clairement dune substitution de la cellule du paradigme par analogie avec la forme 2PL

    leen Dans le cas de mu on peut rapprocher cette forme de la marque de classe m- qui se trouve

    ecirctre la classe regroupant les anthroponymes (Gueacuterin 2011 93) Neacuteanmoins nous ne disposons pas

    de suffisamment de donneacutees permettant dinfirmer ou de confirmer ce lien

    Par ailleurs Pozdniakov amp Segerer (2004 152) mettent en eacutevidence un pheacutenomegravene propre aux

    langues atlantiques et qui peut donc ecirctre reconstruit pour le proto-atlantique Les formes 2PL sont

    geacuteneacuteralement issues des formes 2SG par suffixation de -en En wolof ce pheacutenomegravene est clairement

    attesteacute pour tous les types de pronoms

    214 Cette classe est traditionnellement appeleacutee CL1 en linguistique bantoue215 Cette classe est traditionnellement appeleacutee CL2 en linguistique bantoue

    - 493 -

    Tableau 171 - Deacuterivation des formes 2PL agrave partir des formes 2SG en wolof

    2SG 2PL

    Pronom fortLibre yow ya-en rarr yeen

    Lieacute ya- ya-en rarr yeen-

    Pronom faibleSujet

    Libre nga nga-en rarr ngeen

    Lieacute -(ng)a -(ng)a-en rarr -(ng)een

    Objet la la-en rarr leen

    Possessif sa sa-en rarr seen

    En (sect 421) nous avons eacutemis lhypothegravese suivante concernant la forme du pronom fort libre Le

    -w final est une consonne eacutepentheacutetique inseacutereacutee pour fermer la syllabe et le lieu darticulation de la

    voyelle sharmonise avec le [w] (la variante yaw est eacutegalement attesteacutee en wolof contemporain)

    ya gt yaw gt yow Ainsi pour tous les types de pronoms les formes 2SG ont une finale -a et les

    formes 2PL une finale -een Suivant Pozdniakov amp Segerer (2004 152) on peut donc supposer que

    ce -een est issu de -a + en Neacuteanmoins si cette fusion peut sembler parfaitement logique dun point

    de vue phoneacutetique il convient de noter quelle ne respecte pas les regravegles de coalescence vocalique

    du wolof En effet en wolof contemporain la fusion a+e donne aa et non ee (sect 0443) Nous

    pouvons donc soit supposer que les regravegles de coalescence vocalique eacutetaient diffeacuterentes dans un eacutetat

    anteacuterieur de la langue soit consideacuterer que -een se substitue agrave -a

    La marque 2PL -een peut ecirctre rapprocheacutee du suffixe de pluriel associatif -een et de la marque du

    deacuteterminant dalteacuteriteacute -eneen Le suffixe -een se place sur un nom de famille pour deacutesigner

    lensemble des membres de cette famille (Torrence 2013a 44) Par exemple le terme ntildeaseen

    deacutesigne la communauteacute soufie (branche de la Tijaniyya) fondeacutee par Baay Ntildeas (Baye Niass) La

    marque dalteacuteriteacute -eneen semble ecirctre formeacutee de la marque du singulatif -enn + een (Diouf 2009

    160) On constate que dans ces trois cas la marque -een veacutehicule plus ou moins une ideacutee de pluriel

    En effet dans le systegraveme pronominal -een exprime 2PL le suffixe nominal -een permet de deacutesigner

    un ensemble dindividus et le deacuteterminant dalteacuteriteacute est employeacute pour ajouter une entiteacute

    suppleacutementaire

    En outre dans plusieurs atlantiques (nyun limba sua baga Fore) un suffixe agrave nasale -n -ŋ dans

    les formes de pluriel est correacuteleacute avec les deacutesignations dhumains et danimaux Selon Pozdniakov

    (2015) laquo il est tout agrave fait possible que le suffixe de pluriel associatif pour les noms de personnes et

    le suffixe de pluriel qui se deacutegage dans une seacuterie de langues pour les deacutesignations de personnes et

    danimaux soient eacutetymologiquement lieacutes On imagine que ce suffixe a pu se deacutevelopper agrave partir du

    - 494 -

    modegravele particulier de pluriel collectif existant dans la langue proto-atlantique peut ecirctre dans le

    cadre de la classe 2A cest-agrave-dire la classe de pluriel personnel destineacutee en particulier aux termes

    de parenteacute ayant au singulier un preacutefixe zeacutero raquo Ainsi il propose la reconstruction suivante pour la

    classe 2A Oslash--ni

    172 Infinitif et nom verbal

    La plupart des langues atlantiques disposent de formes infinitives cest-agrave-dire laquo des formes

    verbales non finies fonctionnant comme tecircte de constituants signifiant des contenus propositionnels

    et aptes notamment agrave assumer les rocircles syntaxiques nucleacuteaires de maniegravere eacutequivalente agrave des

    constituants nominaux raquo (Creissels 2006a 224) Linfinitif des langues atlantiques peut

    geacuteneacuteralement ecirctre analyseacute comme une cateacutegorie mixte216 preacutesentant des caracteacuteristiques verbales et

    nominales Dans la famille atlantique linfinitif est geacuteneacuteralement exprimeacute par une marque de classe

    nominale sur le radical verbal Neacuteanmoins on observe quelques diffeacuterences entre les langues

    Dans certaines langues tous les verbes portent la mecircme marque de classe Cest notamment le

    cas en bijogo (classe ŋo-) (Segerer 2002 144-146) en mankanya (classe p-) (Gaved 2007 20) ou

    dans les langues tenda-jaad comme le basari (classe a-) (Winters amp Winters 2004 44) le wey

    (classe i-) (Jenkins amp Jenkins 2000 25) ou le badiaranke (classe ka-) (Ducos 1971 199) En peul

    eacutegalement tous les verbes portent la mecircme marque de classe mais cette classe diffegravere selon les

    dialectes Ainsi dans les dialectes occidentaux les verbe portent la marque -de alors que dans les

    dialectes orientaux on trouvera plutocirct les suffixes -go ou -ki (Arnott 1974 15 Mohamadou 2012

    32)

    Dans certaines langues cangin la marque de linfinitif est la mecircme pour tous les verbes

    Neacuteanmoins si cette marque peut effectivement ecirctre rapprocheacutee dune marque de classe elle ne peut

    pas ecirctre analyseacutee comme une marque de classe en synchronie Par exemple en noon la marque de

    linfinitif ki- peut ecirctre rapprocheacutee de la marque de classe k- (Soukka 2000 175-176) Il en va de

    mecircme en laalaa ougrave linfinitif ka- peut ecirctre rapprocheacute de la classe k- (Diegraveye 2011 178-179)

    Dans dautres langues atlantiques plusieurs classes sont attesteacutees mais une ou deux classes sont

    beaucoup plus freacutequentes que les autres Cest notamment le cas en pepel (classe peuml-) (Ndao 2011

    138-139) dans les langues joola comme le banjal (classe e-) (Bassegravene 2006 243-249) le fonyi

    (classe e- si le verbe est monosyllabique classe ka- sil est polysyllabique) (Sapir 1969 77) ou le

    216 Nous empruntons ce terme agrave Creissels (2006a 228-231)

    - 495 -

    kwatay (classe ka-) (Payne 1992 66) ainsi que dans les langues nyun-buy comme le buy (classe

    bu- ou gu-) (Doneux 1991 67) ou le nyun de Niamone (classe bu-) (Bao-Diop 2013 170)

    Dans les langues balant la situation est un peu plus complexe En effet dans ce groupe on peut

    opposer une forme infinitive agrave une forme de laquo noms verbaux raquo217 Ces deux formes sont susceptibles

    dassurer des fonctions geacuteneacuteralement occupeacutees par un infinitif telles quobjet dun verbe cateacutenatif

    Neacuteanmoins lemploi de lune ou lautre de ces formes aura une incidence seacutemantique (NDiaye-

    Correacuteard 1973 179-180) Les noms verbaux sont formeacutes par lajout dun preacutefixe de classe au

    radical verbal (NDiaye-Correacuteard 1973 179 Doneux 1984 31-38) En revanche linfinitif est une

    forme totalement diffeacuterente marqueacutee par un suffixe flexionnel -arsquo sur le verbe (NDiaye-Correacuteard

    1973 184 Wilson 1961 152-153)

    En sereer aussi on peut opposer une forme infinitive agrave une forme de laquo noms verbaux raquo Les

    noms verbaux sont formeacutes par lajout dun preacutefixe de classe geacuteneacuteralement a- (classe a-al) au

    radical verbal (Faye 1982 28-29) Linfinitif quant agrave lui nest pas marqueacute morphologiquement et

    correspond donc agrave la forme nue du verbe Neacuteanmoins dans les constructions infinitivales on note la

    preacutesence dune marque de deacutependance verbale o (Renaudier 2012 49-51) Cette marque pourrait

    ecirctre rapprocheacutee dune classe nominale agrave savoir la classe ol (cf Faye 1980 5-14 Fal 1980 82-92

    Renaudier 2015)

    Linfinitif wolof est assez similaire agrave celui du sereer En effet comme nous lavons vu en

    (sect 243) linfinitif nest pas marqueacute morphologiquement et correspond donc agrave la forme nue du

    verbe Dans les constructions infinitivales on note la preacutesence dune marque de deacutependance verbale

    a Comme pour le sereer il sagit peut-ecirctre dune ancienne marque de classe nominale Cependant

    en wolof les noms ne portent pas de preacutefixe de classe218 De plus les marques de classe sont

    exclusivement consonantique en wolof contemporain219 Il est donc impossible de rapprocher cette

    marque de deacutependance verbale dune marque de classe en synchronie

    Enfin en palor et en ndut linfinitif nest pas marqueacute morphologiquement et correspond donc agrave

    la forme nue du verbe (Alton 1987 123 Morgan 1996 109)

    Notons que dans certaines langues le verbe agrave linfinitif portent eacutegalement un suffixe vocalique

    Cest notamment le cas en badiaranke (-e) ou en kwatay (-u) Lorigine de cette marque reste agrave

    deacuteterminer

    217 Nous empruntons ce terme agrave Doneux (1984) NDiaye-Correacuteard (1973) parle de laquo substantifs verbaux raquo et Biaye ampCreissels (2015 211) parlent simplement de laquo noms apparenteacutes agrave des verbes et se reacutefeacuterant au procegraves deacutesigneacute par leverbe raquo

    218 Certains noms conservent neacuteanmoins des traces danciens preacutefixes ji-geacuteen (femme)219 cf (sect 41)

    - 496 -

    On constate quil existe une correacutelation entre lexpression de la classe nominale sur le nom et la

    forme de linfinitif Dans les langues ougrave la classe nominale nest pas exprimeacutee sur le nom linfinitif

    nest pas marqueacute morphologiquement sur le verbe (palor ndut wolof) Dans les langues ougrave la classe

    nominale est exprimeacutee par une marque suffixeacutee au nom linfinitif est exprimeacute par un suffixe

    (dialectes du peul) Enfin dans les langues ougrave la classe nominale est exprimeacutee par une marque

    preacutefixeacutee au nom linfinitif (ou le laquo nom verbal raquo) est exprimeacute par un preacutefixe (toutes les autres

    langues atlantiques)

    Tableau 172 - Infinitif et classe(s) nominale(s) dans plusieurs langues atlantiques

    Branche Groupe LangueMarquede classe

    Infinitif Classe(s) de linfinitif

    Nord

    isolat Wolof Aucune (DV) V ndash

    Nyun-BuyBuy Preacutefixe CL-V CLbu CLgu (surtout)

    Niamone Preacutefixe CL-V CLbu (surtout)

    Tenda-Jaad

    Basari Preacutefixe CL-V CLa

    Wey Preacutefixe CL-V CLi

    Badiaranke Preacutefixe CL-V-e CLka

    Peul-SereerPeul Suffixe V-CL CLde CLgo CLki (selon dialecte)

    Sereer PreacutefixeCL-V(DV) V

    CLal (surtout)Similaire CLol ()

    Cangin

    Laalaa Preacutefixe ka-V Similaire CLk

    Noon Preacutefixe ki-V Similaire CLk

    Palor Aucune V Aucune

    Ndut Aucune V Aucune

    Centre

    ManjakuMankanya Preacutefixe CL-V CLp

    Pepel Preacutefixe CL-V CLpeuml (surtout)

    Joola

    Banjal Preacutefixe CL-V CLe (surtout)

    Fonyi Preacutefixe CL-V CLe CLka (surtout)

    Kwatay Preacutefixe CL-V-u CLka (surtout)

    BalantKentohe Preacutefixe

    CL-VV-arsquo

    Deacutepend du verbendash

    Ganja PreacutefixeCL-VV-arsquo

    Deacutepend du verbendash

    isolat Bijogo Preacutefixe CL-V CLŋo

    Notons que ce type dinfinitif nest pas propre aux langues atlantiques Dans dautres branches de

    la famille Niger-Congo linfinitif preacutesente une structure similaire Cest notamment le cas des

    - 497 -

    langues bantu ougrave linfinitif est marqueacute par un preacutefixe de classe nominal sur le verbe Comme pour

    les langues atlantiques certaines classes sont beaucoup plus freacutequentes que les autres (Nurse amp

    Philippson 2003 80) On trouve eacutegalement ce type dinfinitif (ou de laquo nom verbal raquo) dans les

    langues kwa comme le tuwuli (Harley 2008 303-304) ou les langues mel comme le mani (Childs

    2011 184-185) Le fait que le mecircme type de structure soit attesteacute dans diffeacuterentes branches du

    Niger-Congo laisse supposer quil sagit peut-ecirctre dune construction relativement ancienne heacuteriteacutee

    du proto-Niger-Congo

    173 Le marqueur de passeacute

    Comme pour la plupart des autres parties de la morphologie verbale il est probablement

    impossible de reconstruire une marque de passeacute en proto-atlantique Neacuteanmoins on relegraveve plusieurs

    similitudes concernant lexpression du passeacute entre le wolof et plusieurs autres langues atlantiques

    Agrave partir des donneacutees dont nous disposons il semblerait que la plupart des langues atlantiques

    expriment le passeacute par un (ou plusieurs) suffixe(s) sur le verbe lexical La forme de ces suffixes

    varie dune langue agrave lautre

    Tableau 173 - Forme de la marque de passeacute dans plusieurs langues atlantiques

    Branche Groupe Langue Marque de passeacute Reacutefeacuterence

    Nord

    isolat Wolof -(w)oon -(w)aa(n) (sect 33)

    Nyun-BuyBuy (calque manjaku) (Doneux 1991 70)

    Niamone -eer (Bao-Diop 2013 190-192)

    Tenda-JaadWey -xo -ak (Santos 1996 222-224)

    Badiaranke -ako (Cover 2010 165-169)

    Peul-SereerPulaar -no(o) (Sylla 1982 89-90)

    Sereer -rsquo -oog (Faye 1982 34 42)

    CanginLaalaa -iacute (Diegraveye 2011 195-197)

    Noon -ee (Soukka 2000 183-184)

    Centre

    Manjaku Mankanya (construction analytique) (Trifkovič 1969 120-124)

    JoolaBanjal -en (Bassegravene 2006 117-119)

    Fonyi -een (Sapir 1969 93)

    Balant Kentohe -ke (Doneux 1984 75)

    isolat Bijogo -en (Segerer 2002 242)

    - 498 -

    La comparaison de ces marques est relativement difficile En effet dans plusieurs langues

    lexpression du temps et lexpression de laspect sont imbriqueacutees Ainsi dans certaines langues

    comme le sereer on trouve deux suffixes de passeacute le suffixe -rsquo [ʔ] est utiliseacute au perfectif alors que

    le suffixe -oog est utiliseacute agrave limperfectif Dans dautres langues le suffixe de passeacute peut ecirctre analyseacute

    comme une marque de perfectif ou de parfait Cest notamment le cas en joola banjal ougrave laquo le

    morphegraveme -en indique le caractegravere reacutevolu du procegraves cest-agrave-dire soit lsquoune action dont les

    conseacutequences ne jouent plus dans lactuelrsquo soit lsquoun eacutetat qui nexiste plusrsquo raquo (Bassegravene 2006 117)

    Cest eacutegalement le cas dans les langues cangin Par exemple en ndut le marqueur de perfectif -e est

    eacutegalement utiliseacute pour marquer le passeacute (Morgan 1996 87)

    Cependant indeacutependamment de ces problegravemes on peut remarquer certaines similitudes entre les

    langues En effet dans plusieurs langues le suffixe de passeacute est constitueacute dune voyelle suivie de la

    nasale alveacuteolaire [n] On retrouve cette structure en wolof (-oon) dans les langues joola (-en -een)

    et en bijogo (-en) En pulaar la structure est eacutegalement similaire (-no) Ces similitudes pourraient

    peut-ecirctre laisser supposer une origine commune de ce marqueur Cependant nous ne disposons pas

    de suffisamment de donneacutees historiques pour infirmer ou confirmer cette hypothegravese

    174 Lexpression de la neacutegation

    Les langues atlantiques preacutesentent une assez grande diversiteacute dans lexpression de la neacutegation

    Cette diversiteacute sobserve tant sur la nature ou la forme du marqueur neacutegatif que sur la structure des

    des constructions neacutegatives Neacuteanmoins on relegraveve plusieurs similitudes

    Dans la plupart des langues atlantiques on remarque des variations dans lexpression de la

    neacutegation selon les cateacutegories TAM Les distinctions les plus reacutepandues sont dune part lopposition

    aspectuelle perfectif~imperfectif et dautre part lexistence dune forme speacutecifique pour les

    injonctifs (Doneux 1991 192 Monteacutebran 2015 125) Ce dernier point nest pas tregraves surprenant

    Comme le note Creissels (2006b 145) laquo lexistence dun marquage de la neacutegation propre agrave des

    tiroirs verbaux exprimant lordre ou le souhait (impeacuteratif optatif jussif hellip) est particuliegraverement

    freacutequente raquo dans les langues Notons que dans plusieurs langues atlantiques lexpression de la

    neacutegation ne se limite pas aux trois formes preacutesenteacutees dans le Tableau (174) Dautres interfeacuterences

    entre la neacutegation et les marques de TAM (progressif imparfait etc) sont eacutegalement attesteacutees

    - 499 -

    Tableau 174 - Expression de la neacutegation dans plusieurs langues atlantiques220

    Branche Groupe Langue Perfectif Imperfectif Prohibitif

    Nord

    isolat Wolof V-u(l)(-S) di(COP)-u(l)(-S) V bu(l)-S V

    Nyun-BuyBuy S-V-i-i(l) S-go(COP)-il V-a (k)aka-S V

    Niamone V-vr-S gvrv(ŋ) S-V(-e) jah-S-V

    Tenda-JaadBiafada V-al-S nd-add-S V (mutation)V-d-S

    Badiaranke V-re-S kaa-S V nte S V-a

    Peul-SereerPulaar S V-aa(ni) S V-ataa woto S V

    Sereer V-ee(r)-S V-k-ee(r)-S ba-S V

    CanginLaalaa S V-ri S V-ri caa V(-at)

    Noon S V-rii S V-rii kaa V(-at)

    Centre

    Manjaku Mankanya S-v n-V S-v nkeuml V S keuml V

    Joola Banjal S-V-ut S-let(COP) ni INF-V jambi S-V

    Balant Ganja S-vc-V S-vti-n-V S-mbagi V

    isolat Bijogo S-nkv-V a-S-V S-nkv-V

    Dans la plupart des langues atlantiques le marqueur de neacutegation est geacuteneacuteralement un suffixe

    verbal (Monteacutebran 2015 126) En effet au perfectif toutes les langues de la branche Nord ainsi

    que les langues joola expriment la neacutegation de cette maniegravere De plus on note que la forme de ce

    suffixe est assez semblable dans toutes ces langues Il est constitueacute dune voyelle et dune consonne

    coronale ([l] [r] [t] ou [n]) Doneux (1991 186) propose de reconstruire un suffixe neacutegatif -ud

    pour le proto-atlantique

    Agrave limperfectif la situation est un peu plus complexe Les langues peul-sereer et cangin

    expriment la neacutegation de la mecircme maniegravere quau perfectif Le biafada emploie un marqueur

    similaire agrave celui du perfectif mais placeacute entre le marqueur aspectuel et le verbe Le wolof le buy et

    les langues joola emploient une copule neacutegative (Doneux 1991 189-192 Monteacutebran 2015 126-

    127) Dans le cas du wolof il sagit dun verbe copule di eacutegalement utiliseacute comme verbe auxiliaire

    dimperfectif auquel on ajoute le suffixe de neacutegation -ul (sect 32) En buy il sagit dun verbe copule

    go eacutegalement utiliseacute dans les peacuteriphrases progressives auquel on ajoute le suffixe de neacutegation -il

    (Doneux 1991 71) En joola banjal et en joola fonyi il sagit dune copule neacutegative peut-ecirctre issue

    de la grammaticalisation dune copule verbale portant le suffixe de neacutegation -ut comme cest le cas

    220 Les donneacutees du tableau sont essentiellement issues de Monteacutebran (2015) auxquelles nous avons ajouteacute celles dunyun de Niamone du sereer et du noon Dans la transcription des formes un laquo v raquo et un laquo c raquo droits (non italiques)notent respectivement une voyelle et une consonne non speacutecifieacutees dont la reacutealisation deacutepend du contextephonologique Les majuscules laquo S raquo et laquo V raquo notent respectivement la position du sujet pronominal (ou de lindicesujet) et du verbe La marque de neacutegation est en gras

    - 500 -

    en kwatay (Payne 1992 63)

    Dans les constructions injonctives toutes les langues de la branche Nord (sauf le biafada) ainsi

    que les langues joola expriment la neacutegation par un marqueur speacutecifique placeacute en tecircte de proposition

    Les autres langues de la branche Centre emploient eacutegalement un marqueur speacutecifique mais il se

    place entre lindice sujet et le verbe Agrave lexception notable du wolof du mankanya et du bijogo le

    marqueur de prohibitif ne semble avoir aucun lien avec les autres marqueurs de neacutegation

    Selon Monteacutebran (2015 130) laquo dans les langues atlantiques (hellip) la neacutegation fonctionne le plus

    souvent comme un paradigme suppleacutementaire qui sajoute au formes positives sous la forme dune

    marque zeacutero agrave laquelle soppose une forme neacutegative marqueacutee raquo Neacuteanmoins lexpression de la

    neacutegation est rarement symeacutetrique En effet laquo plusieurs langues ont aussi recours agrave la neacutegation au

    sein du paradigme de TAM raquo pour certains tiroirs verbaux (Monteacutebran 2015 130) Par exemple en

    sereer ou en pulaar la polariteacute nest pas un trait pertinent dans lorganisation du paradigme de

    conjugaison Dans ces langues la construction neacutegative est une construction preacutedicative agrave part

    entiegravere qui soppose agrave toutes les autres constructions preacutedicatives221 Le wolof semble ecirctre lune des

    rares langues de la famille atlantique agrave preacutesenter un paradigme symeacutetrique Neacuteanmoins si chaque

    construction preacutedicative dispose dune construction neacutegative eacutequivalente la structure de cette

    derniegravere est rarement reacuteguliegravere Le wolof ne dispose pas dune unique marque de neacutegation

    permettant de nier toutes les constructions preacutedicatives mais dispose de cinq constructions

    neacutegatives diffeacuterentes (sect 31) De fait cette situation est comparable avec celle du joola banjal ougrave la

    neacutegation est exprimeacutee de diffeacuterentes maniegraveres (ajout ou substitution dun marqueur) en fonction de

    la construction (Monteacutebran 2015 130)222

    Pour reacutesumer concernant lexpression de la neacutegation le wolof peut ecirctre rapprocheacute de plusieurs

    autres langues atlantiques Au perfectif le wolof emploie un suffixe constitueacute dune voyelle et dune

    consonne coronale Au prohibitif il emploie un marqueur speacutecifique placeacute en tecircte de proposition

    Ces deux structures sont semblables agrave celles que lon trouve dans les langues de la branche Nord et

    les langues joola Agrave limperfectif le wolof emploie une copule verbale neacutegative comme le buy et

    les langues joola Ainsi les constructions neacutegatives du wolof sont assez proches de celles que lon

    trouve dans les langues atlantiques Nord notamment le buy Par ailleurs on notera que sur ce point

    les langues joola semblent plus proches des langues de la branche Nord que de celles de la branche

    Centre

    221 Pour une preacutesentation du paradigme de conjugaison du sereer voir Faye (1982 26-49) et Renaudier (2012 347-348) Pour le pulaar voir Mohamadou (2012 43-44) et Ka (1986 406)

    222 Pour une preacutesentation du paradigme de conjugaison du joola banjal voir Bassegravene (2006 110-136)

    - 501 -

    175 Minimal aoriste narratif et subjonctif

    La plupart des langues atlantiques disposent dune construction preacutedicative laquo minimale raquo cest-agrave-

    dire ne preacutesentant aucune marque morphologique (affixe ou mot) La valeur dune telle construction

    diffegravere dune langue agrave lautre Neacuteanmoins on constate certaines tendances

    Dans un grand nombre de langues atlantiques le minimal est attesteacute dans les compleacutetives Cest

    notamment le cas en wolof (sect 242) dans les langues nyun-buy comme le buy (Doneux 1991 79)

    ou le nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 178-179) dans les langues tenda comme le basari

    (Winters amp Winters 2004 53-54) ou le wey (Santos 1996 416) dans les langues cangin comme le

    laalaa (Diegraveye 2011 182-183) ou le noon (Soukka 2000 274) ainsi que dans les langues joola

    comme le kwatay (Payne 1992 59-60)

    Le minimal est freacutequemment utiliseacute dans des propositions indeacutependantes injonctives Cest

    notamment le cas en wolof (sect 242) dans les langues tenda comme le basari (Winters amp Winters

    2004 53-54) ou le wey (Santos 1996 238) dans certaines langues cangin comme le palor (Alton

    1987 125-126) ainsi que dans les langues joola comme le kwatay (Payne 1992 59-60) ou le joola

    banjal (Bassegravene 2006 128-129)

    Un autre emploi reacutepandu du minimal concerne les narrations Dans plusieurs langues atlantiques

    les propositions conseacutecutives sont au minimal223 Cest notamment le cas en wolof (sect 242) dans les

    langues nyun-buy comme le buy (Doneux 1991 83) ou le nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 178-

    179) dans les langues tenda comme le wey (Santos 1996 236-238) ainsi que dans les langues

    joola comme le kwatay (Payne 1992 59-60) ou le joola banjal (Bassegravene 2006 119-120) Dans

    certaines langues le minimal semble pouvoir ecirctre utiliseacute agrave la fois dans les propositions narratives et

    conseacutecutives Cest notamment le cas en sereer (Renaudier 2012 72-73) ainsi quen palor (Alton

    1987 125-126) ou en ndut (Morgan 1996 87-88) Dans dautres langues le narratif est

    morphologiquement marqueacute Cest notamment le cas dans certaines langues cangin comme le laalaa

    (Diegraveye 2011 188-190) ou le noon (Soukka 2000 183) ainsi que dans les langues manjaku comme

    le mankanya (Gaved 2007 20)

    Enfin le minimal peut eacutegalement avoir une lecture gnomique ou geacuteneacuterique cest-agrave-dire quil peut

    ecirctre utiliseacute pour exprimer une veacuteriteacute geacuteneacuterale Cest notamment le cas en sereer (Renaudier 2012

    72-73) dans les langues cangin comme le laalaa (Diegraveye 2011 180) le palor (Alton 1987 125-

    223 Suivant la terminologie de Longacre (1990 109-110) le temps narratif (narrative tense) nest jamais deacutependantdune autre forme alors que le temps conseacutecutif (consecutive tense) est soit deacutependant dune autre forme soit doitapparaicirctre apregraves une autre forme dans le discours

    - 502 -

    126) ou le ndut (Morgan 1996 87-88) ainsi que dans les langues manjaku comme le pepel (Ndao

    2011 142-143)

    Dans certaines langues atlantiques la forme minimale (ou la forme la moins marqueacutee) nest

    attesteacutee dans aucun des emplois que nous avons citeacutes Cest notamment le cas en badiaranke (Ducos

    1971) en bijogo (Segerer 2002) ainsi que dans les langues balant (NDiaye-Correacuteard 1973) Cest

    eacutegalement le cas en pulaar Neacuteanmoins dans cette langue la forme non marqueacutee du verbe est

    attesteacutee apregraves un marqueur speacutecifique dans les constructions que Mohamadou (2012 42) rassemble

    sous leacutetiquette laquo subjonctif raquo

    Les emplois du minimal dans les langues atlantiques que nous avons eacutetudieacutees sont reacutesumeacutes dans

    le Tableau (175) Le minimal neacutetant pas deacutecrit avec suffisamment de deacutetails pour toutes les

    langues nous ne savons pas toujours si certains emplois sont possibles Dans certains cas les

    exemples donneacutes par lauteur nous permettent de supposer certains emplois nous les avons noteacutes

    entre parenthegraveses

    Tableau 175 - Emplois du minimal dans plusieurs langues atlantiques

    Branche Groupe LangueGnomique

    Narration Subjonctif

    Narratif Conseacutecutif Injonctif Compleacutetive

    Nord

    isolat Wolof ndash ndash + + +

    Nyun-BuyBuy ndash ndash + ndash +

    Niamone ndash ndash + ndash +

    Tenda-JaadBasari (ndash) (ndash) + +

    Wey (ndash) ndash + + +

    Badiaranke ndash ndash ndash ndash ndash

    Peul-SereerPulaar ndash ndash ndash plusmn ndash

    Sereer + + + ndash ndash

    Cangin

    Laalaa + ndash ndash ndash +

    Noon (+) ndash ndash ndash +

    Palor + + (+) +

    Ndut + + (+)

    Centre

    ManjakuMankanya (+) + ndash ndash (+)

    Pepel + (ndash)

    JoolaBanjal ndash + + (+)

    Kwatay ndash + + +

    Balant Kentohe ndash ndash ndash ndash ndash

    isolat Bijogo ndash ndash ndash ndash ndash

    - 503 -

    Pour reacutesumer dans les langues atlantiques le minimal est freacutequemment utiliseacute comme une forme

    de subjonctif cest-agrave-dire une forme essentiellement deacutependante mais pouvant veacutehiculer une valeur

    injonctive lorsquelle est utiliseacutee dans une proposition indeacutependante Par ailleurs il est souvent

    employeacute dans les narrations surtout dans les propositions conseacutecutives Enfin il peut avoir une

    valeur gnomique

    Robert (1995 1996) propose de rassembler tous ces emplois sous leacutetiquette laquo aoriste raquo Elle

    sappuie sur le concept laquo daoristique raquo deacuteveloppeacute par Culioli (1999) qui renvoie agrave laquo un aspect par

    deacutefaut cest-agrave-dire laspect de tout preacutedicat en labsence de point de vue de leacutenonciateur raquo (Neveu

    2011 41-42)224 Ainsi une forme aoriste serait laquo neutre raquo du point de vue aspectuel Sa valeur

    deacutependrait du contexte eacutenonciatif dans lequel elle sinsegravere ce qui semble bien convenir aux emplois

    du minimal

    176 Autres distinctions encodeacutees dans la conjugaison

    Le passeacute la neacutegation et le progressif semblent ecirctre les seules cateacutegories verbales pour lesquelles

    on peut poser lhypothegravese dune origine geacuteneacutetique En effet la plupart des autres distinctions

    encodeacutees dans la morphologie verbale ainsi que les marques qui servent agrave les exprimer semblent

    preacutesenter une bien plus grande heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute dans les langues atlantiques Neacuteanmoins on peut

    relever quelques similitudes concernant certaines cateacutegories

    Cependant il convient decirctre prudent avec ces comparaisons Il semble difficile (et souvent

    speacuteculatif) de deacuteterminer lorigine de ces distinctions Elles peuvent effectivement ecirctre heacuteriteacutees du

    proto-atlantique (ou de la proto-langue dun groupe) Leurs similitudes peut aussi tout simplement

    ecirctre dues au hasard (ou agrave une convergence typologique) Enfin il est eacutegalement possible que ces

    similitudes ne soient quapparentes Nous sous-entendons par lagrave que certains auteurs peuvent avoir

    eacuteteacute influenceacutes par les travaux anteacuterieurs portant sur dautres langues atlantiques (ou dautres langues

    africaines) Par ailleurs il est important de signaler leacutecart quantitatif et qualitatif entre les

    224 Ce concept est eacutevidemment lieacute agrave la cateacutegorie laquo aoriste raquo attesteacutee dans plusieurs langues indo-europeacuteennes telles quele grec ancien Dans cette langue laquo laoriste soppose au preacutesent (non-accompli) et au parfait (accompli) quipreacutesentent laction dans son deacuteveloppement par rapport au sujet la valeur aspectuelle de laoriste est celle duneaction indeacutependante dune relation avec le sujet deacutenonciation (laoriste est non deacutetermineacute par rapport au temps delaction) cest la forme non marqueacutee de laspect en grec Il exprime soit laction arriveacutee agrave son terme (aoristeproprement dit ou reacutesultant) soit laction agrave son deacutebut (aoriste ingressif ou inchoatif) ou encore une action decaractegravere geacuteneacuteral universel et atemporel puisquil nimplique pas de localisation dans le temps (aoriste gnomique) raquo(Dubois et al 2002 41)

    - 504 -

    descriptions des diffeacuterentes langues atlantiques Cet eacutecart est particuliegraverement manifeste dans

    linventaire des paradigmes de conjugaison ou dans la valeur des tiroirs verbaux Cet eacutetat de fait

    complique consideacuterablement une comparaison solide des cateacutegories verbales

    Ainsi si lon peut effectivement relever plusieurs similitudes parmi les langues atlantiques

    concernant les cateacutegories verbales que nous eacutetudions dans cette section nous ne formulons pas

    dhypothegravese geacuteneacuterale quant agrave leur origine Neacuteanmoins pour certaines dentre elles nous pouvons

    proposer quelques hypothegraveses plus ponctuelles

    1761 Distinctions aspecto-temporelles

    La comparaison exhaustive et systeacutematique des distinctions aspecto-temporelles exprimeacutees dans

    les langues atlantiques deacutepasse largement le cadre de ce travail Nous nous limitons agrave un bref aperccedilu

    de la situation dans un nombre limiteacute de langues Notons que les divergences entre les auteurs

    concernant la preacutesentation des paradigmes verbaux et les eacutetiquettes des tiroirs verbaux compliquent

    consideacuterablement la comparaison Par exemple selon Sylla (1982) le pulaar dispose de trois

    paradigmes perfectifs et de quatre paradigmes imperfectifs deacutefinis uniquement par la forme du

    suffixe flexionnel Selon Mohamadou (2012) qui prend eacutegalement en compte les marqueurs

    preacutedicatifs le pulaar dispose de sept paradigmes perfectifs et de sept paradigmes imperfectifs

    auxquels sajoutent les formes de linfinitif du participe de limpeacuteratif et du subjonctif Selon Ka

    (1986) le paradigme des verbes du pulaar est symeacutetrique cest-agrave-dire quagrave chaque forme perfective

    correspond une forme imperfective Agrave ces diffeacuterences de preacutesentation sajoute le fait que les auteurs

    utilisent le plus souvent des eacutetiquettes diffeacuterentes pour deacutesigner les mecircmes formes

    17611 Lopposition perfectif imperfectif

    Dans certaines langues atlantiques la conjugaison preacutesente une dichotomie entre perfectif (ou

    accompli) et imperfectif (ou inaccompli) Cest notamment le cas en wolof ougrave limperfectif est

    exprimeacute par le verbe auxiliaire di compatible avec tous les tiroirs verbaux (sect ) De fait agrave

    lexception du palor il semblerait quaucune autre langue atlantique ne preacutesente une telle dichotomie

    de maniegravere aussi symeacutetrique et reacuteguliegravere Cette opposition semble geacuteneacuteralement ecirctre neutraliseacutee

    dans les formes verbales deacutependantes (subjonctif conseacutecutif etc) etou injonctives (impeacuteratif

    optatif) Cest notamment ce quon observe en balant kentohe ougrave limperfectif est exprimeacute par un

    marqueur ka anteacuteposeacute au verbe et un suffixe verbal -a (Doneux 1984 74-82) ou en bijogo ougrave

    - 505 -

    limperfectif est exprimeacute par un marqueur -i amalgameacute agrave lindice de personne preacutefixeacute au verbe

    (Segerer 2002 227-270) Le buy semble eacutegalement preacutesenter une situation analogue (Doneux

    1991 73-79)

    Dans dautres langues la conjugaison preacutesente une dichotomie perfectif imperfectif mais les

    marques aspectuelles sont amalgameacutees agrave dautres marques TAM Cest le cas en sereer ougrave la plupart

    des tiroirs verbaux preacutesentent cette opposition (Renaudier 2012 347-348) mais ougrave il est presque

    impossible disoler une marque dimperfectif (ou de perfectif) Ainsi le paradigme de conjugaison

    du sereer est symeacutetrique (presque toutes les cellules sont occupeacutees) mais il nest pas reacutegulier (mecircme

    si certaines reacutegulariteacutes sont attesteacutees dans certaines parties du paradigme) Le pulaar si lon admet la

    preacutesentation proposeacutee par Ka (1986) preacutesente une situation analogue

    Enfin dans la plupart des autres groupes de la famille atlantique la dichotomie entre perfectif et

    imperfectif ne permet pas de rendre compte de lorganisation du systegraveme verbal Dans ces langues

    il nexiste pas de marqueur de limperfectif (ou du perfectif) et le paradigme de conjugaison nest

    pas symeacutetrique selon laspect Cest notamment le cas dans certaines langues cangin comme le laalaa

    (Diegraveye 2011 199-200) ou le noon (Soukka 2000 174) dans les langues joola comme le banjal

    (Bassegravene 2006 116-136) ou le kwatay (Payne 1992 53) dans les langues manjaku comme le

    mankanya (Gaved 2007 27) ou le pepel (Ndao 2011 138-158) ainsi que dans les langues nyun

    comme le nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 178)

    17612 Lhabituel

    Lhabituel semble ecirctre lune des distinctions aspectuelles les plus freacutequemment attesteacutees dans les

    langues atlantiques La plupart des langues disposent dune construction speacutecifique pour exprimer

    lhabituel Cependant la structure de cette construction son origine ainsi que son degreacute

    dinteacutegration au paradigme de conjugaison varient consideacuterablement dune langue agrave lautre225

    Dans les langues cangin lhabituel est exprimeacute par un suffixe sur le verbe En laalaa (Diegraveye

    2011 191-192) et en noon (Soukka 2000 182) cette construction constitue un tiroir verbal agrave part

    entiegravere En revanche en palor (Alton 1987 144) et en ndut (Morgan 1996 115) le suffixe

    dhabituel semble plutocirct fonctionner comme un affixe deacuterivationnel

    En nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 186-187) et en joola banjal (Bassegravene 2006 122-123)

    lhabituel est exprimeacute par la reacuteduplication du verbe et lajout dune marque speacutecifique Dans le cas

    225 La liste des formes est preacutesenteacutee dans le tableau (176)

    - 506 -

    du nyun le preacutefixe g- est identique agrave la marque de focalisation

    Dans les langues manjaku (Trifkovič 1969 119-120 Ndao 2011 154) et en sereer (Faye 1980

    71) lhabituel est exprimeacute par un verbe auxiliaire En buy (Doneux 1991 74) en badiaranke

    (Cover 2010 132-141) en kwatay (Payne 1992 58) et en balant kentohe (Doneux 1984 76) il

    est exprimeacute par un marqueur non verbal anteacuteposeacute (ou preacutefixeacute) au verbe La forme du verbe lexical

    diffegravere dune langue agrave lautre Il peut sagir dun infinitif (sereer pepel) dune forme imperfective

    (buy) ou dune forme perfective (kentohe)

    Enfin en wolof en pulaar et en bijogo lhabituel nest pas exprimeacute par une construction

    speacutecifique En wolof il peut ecirctre exprimeacute par la forme imperfective de la construction future

    (sect 22) en pulaar il est geacuteneacuteralement exprimeacute par la construction progressive (Ard 1979 137-138)

    et en bijogo par limperfectif (Segerer 2002 238)

    Pour reacutesumer lhabituel est tregraves souvent reacutealiseacute par une construction speacutecifique dans les langues

    atlantiques (agrave lexception du wolof du pulaar et du bijogo) Cependant il nexiste aucune uniteacute

    concernant la forme de cette construction Il peut sagir dune construction analytique (verbe

    auxiliaire ou marqueur preacutedicatif) ou dune construction syntheacutetique (affixe reacuteduplication du radical

    verbal) Par ailleurs dans certaines langues cette construction est inteacutegreacutee au paradigme de

    conjugaison (langues cangin langues joola) alors que dans dautres il sagit dune construction

    deacuteriveacutee dune autre construction preacutedicative (toutes les autres langues)

    17613 Le futur

    La plupart des langues atlantiques disposent dune construction speacutecifique pour exprimer le futur

    Comme pour lhabituel la structure de cette construction son origine ainsi que son degreacute

    dinteacutegration au paradigme de conjugaison varient dune langue agrave lautre

    Une maniegravere relativement freacutequente dexprimer le futur dans les langues atlantiques est lemploi

    dune construction agrave verbe auxiliaire Lutilisation du verbe laquo venir raquo est attesteacutee en palor-ndut

    (Alton 1987 131-133 Morgan 1996 107-109) dans les langues manjaku (Gaved 2007 34

    Ndao 2011 151-152) ainsi quen badiaranke (Ducos 1971 130-131) Lutilisation dun verbe

    copule est attesteacutee en wolof (sect 22) Le balant kentohe preacutesente la particulariteacute dutiliser agrave la fois une

    copule et un verbe laquo venir raquo (Doneux 1984 77) En buy lorigine de lauxiliaire est indeacutetermineacutee

    (Doneux 1991 75)

    Dans certaines langues le futur est exprimeacute par un marqueur non verbal anteacuteposeacute (ou preacutefixeacute) au

    - 507 -

    verbe Cest notamment le cas en pulaar (Mohamadou 2012 68) en sereer (Faye 1982 34-35) ou

    en joola banjal (Bassegravene 2006 127)

    Dans dautres langues atlantiques le futur est exprimeacute par un suffixe verbal Cest notamment le

    cas en nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 188-189) en basari (Winters amp Winters 2004 48) en

    laalaa (Diegraveye 2011 194-195) et en noon (Soukka 2000 182-183)

    Enfin en kwatay le futur est simplement exprimeacute par lutilisation dun pronom fort suivi de

    linfinitif (Payne 1992 57) En bijogo il est exprimeacute par lemploi du preacutefixe dirrealis sur une forme

    verbale imperfective (Segerer 2002 247-248)

    Tableau 176 - Expression de lhabituel et du futur dans plusieurs langues atlantiques226

    Branche Groupe Langue Habituel Futur

    Nord

    isolat Wolof dina-S di V dina-S V

    Nyun-BuyBuy S-maacuten V-agrave S-βita S-VIPF

    Niamone g-S-V-vv-V S-V-hvne

    Tenda-JaadBasari S V-eumlnd S V-eumlɗ

    Badiaranke kəd-S V de ree + V227

    Peul-SereerPulaar (progressif) ma S V-SUBJ

    Sereer nang + V xan S V

    Cangin

    Laalaa V-e S V-an

    Noon V-i S V-an

    Palor V-an S rsquoaƴ V-PF

    Ndut V-a S ay V-PF

    Centre

    ManjakuMankanya S-ji S-V S-bi IPF-V

    Pepel jon + INF-V S-bi INF-V

    JoolaBanjal S-V-e-V pan S-V

    Kwatay vŋ-S-V PRO INF-V

    Balant Kentohe S mat V S ka bin-IPF V-IPF

    isolat Bijogo (imperfectif) S-IPF-ba-V

    Pour reacutesumer comme pour lhabituel le futur est geacuteneacuteralement reacutealiseacute par une construction

    speacutecifique dans les langues atlantiques Cependant il nexiste aucune uniteacute concernant la forme de

    226 Dans la transcription des formes un laquo v raquo droit (non italique) note une voyelle non speacutecifieacutee dont la reacutealisationdeacutepend du contexte phonologique Les majuscules laquo S raquo et laquo V raquo notent respectivement la position de lindice sujetet du verbe

    227 Les descriptions et analyses proposeacutees par Ducos (1971 130-131) et Cover (2010 141-150) sont contradictoiresNeacuteanmoins les deux auteurs saccordent sur lutilisation (possible) du verbe laquo venir raquo dans lexpression du futur

    - 508 -

    cette construction Lutilisation dun verbe auxiliaire laquo venir raquo est relativement freacutequente

    Neacuteanmoins lutilisation dun tel verbe pour exprimer le futur est attesteacute dans un grand nombre de

    langues (Heine amp Kuteva 2002 75-78) notamment en Afrique (Anderson 2011 52-56) Il ne sagit

    donc pas dune construction caracteacuteristiques de la famille atlantique

    1762 Formes verbales inteacutegratives marqueacutees

    Comme nous lavons vu en (sect 175) un grand nombre de langues atlantiques utilisent une forme

    verbale non marqueacutee dans les propositions compleacutetives Cette forme laquo minimale raquo nest

    geacuteneacuteralement pas employeacutee dans les autres types de propositions deacutependantes Dans la plupart des

    langues les propositions relatives ont une structure morphosyntaxique speacutecifique En plus du

    relativiseur introduisant la proposition on note la preacutesence dune laquo marque dinteacutegration raquo228 Cette

    marque est soit suffixeacutee au verbe soit situeacutee sur le bord droit de la proposition Par ailleurs dans

    certaines langues ce type de proposition preacutesente un schegraveme speacutecifique Cette structure

    morphosyntaxique nest geacuteneacuteralement pas limiteacutee aux seules relatives mais peut eacutegalement ecirctre

    utiliseacutee dans dautres types de propositions notamment les subordonneacutees temporelles ou plus

    rarement les subordonneacutees hypotheacutetiques et les propositions ougrave lun des arguments est focaliseacute

    17621 Marques dinteacutegration

    En sereer une marque dinteacutegration -na est suffixeacutee au verbe de la relative (Faye 1982 82-84)

    En bijogo il sagit dune marque -o eacutegalement suffixeacutee au verbe de la relative (Segerer 2002 179)

    Dans certaines langues manjaku-joola les relatives ne preacutesentent pas agrave proprement parler de

    marque dinteacutegration mais un deacuteterminant saccordant en classe est preacutesent sur le bord droit des

    relatives Cest notamment le cas en manjako (Buis 1990 56 66) ou en kwatay (Payne 1992 71-

    79) Dans dautres langues de ce groupe une marque dinteacutegration est suffixeacutee au verbe de la

    relative Cest notamment le cas du suffixe -me en joola banjal (Bassegravene 2006 126-127) ou du

    suffixe -uŋ en mankanya (Gaved 2007 45) Dans ces deux langues le suffixe semble ecirctre issu dun

    ancien deacuteterminant En effet en joola banjal il est obligatoire lorsque lanteacuteceacutedent est deacutefini

    228 Suivant Creissels (2006a) nous parlons de laquo formes inteacutegratives raquo plutocirct que de laquo formes deacutependantes raquo laquo Leterme de forme verbale deacutependante eacutevoque une relation de tecircte agrave deacutependant (ou si on preacutefegravere de subordination) etpeut donc saveacuterer ambigu si on lapplique agrave des formes verbales qui sont certes deacutependantes au sens ougrave elles ne fontpas de luniteacute phrastique dont elles sont la tecircte une uniteacute autonome deacutenonciation mais qui nimpliquent pas nonplus que cette uniteacute phrastique entre dans une relation de deacutependance au sens le plus eacutetroit du terme (cest-agrave-direpuisse ecirctre reconnue comme subordonneacutee) raquo (Creissels 2006a 174)

    - 509 -

    (Bassegravene 2006 256) il se place apregraves lindice pronominal objet (Bassegravene 2006 139) et sa forme

    peut ecirctre rapprocheacutee de celle de certains deacutemonstratifs (Bassegravene 2006 139) En mankanya il se

    place apregraves lindice pronominal objet (Gaved 2007 47) et sa forme peut ecirctre rapprocheacutee du

    deacutemonstratif distal (Gaved amp Gaved 2007 15)

    Les langues balant preacutesentent une situation similaire En kentohe (Doneux 1984 86-87) et en

    ganja (NDiaye-Correacuteard 1985) la marque dinteacutegration n(i) se suffixe au verbe de la relative Il se

    place apregraves tous les affixes TAM et indices objets (NDiaye-Correacuteard 1985 49) Contrairement aux

    langues manjaku-joola la marque dinteacutegration des langues balant ne semble pas issue dun

    deacuteterminant NDiaye-Correacuteard (1985 49) la rapproche plutocirct de la marque de geacutenitif Par ailleurs

    le nyun de Niamone preacutesente eacutegalement une structure similaire La marque dinteacutegration preacutesente

    une forme presque identique (-ne) et occupe la mecircme position que celle des langues balant (Bao-

    Diop 2013 265-271) Ces langues eacutetant parleacutees dans des reacutegions tregraves proches (sud de la

    Casamance) il est possible que ces similitudes soient dues agrave un contact de langues

    En pulaar on ne peut pas agrave proprement parler de marque dinteacutegration Neacuteanmoins le verbe de la

    construction relative porte un suffixe flexionnel speacutecifique (Sylla 1982 173) Ce suffixe amalgame

    les traits daspect de voix et dinteacutegration sans quil ne soit possible de les distinguer

    Tableau 177 - Suffixes des formes inteacutegratives en pulaar

    Actif Moyen Passif

    Perfectif -i -ii -aa

    Imperfectif -ata -otoo -etee

    Dans les langues cangin la situation est un peu diffeacuterentes En noon une marque dinteacutegration

    aɗ est placeacutee sur le bord droit de la proposition (Soukka 2000 244) En palor (Alton 1987 160-

    161) et en ndut (Morgan 1996 132-137) la marque dinteacutegration est de forme ra (allomorphes aɗ

    ~ na ~ la) et est eacutegalement placeacutee sur le bord droit de la proposition Cependant agrave la diffeacuterence du

    noon en palor-ndut lordre des mots dans la proposition est diffeacuterent de lordre canonique attesteacute

    dans les propositions indeacutependantes En effet les propositions indeacutependantes preacutesentent un schegraveme

    S V O (comme dans la quasi totaliteacute des langues atlantiques) alors que les propositions relatives

    preacutesentent un schegraveme V S O

    Contrairement agrave la plupart des langues atlantiques le wolof ne dispose pas de marque

    dinteacutegration dans les relatives Neacuteanmoins comme nous lavons vu en (sect 24) les propositions de

    ce type preacutesentent un schegraveme speacutecifique s o S V O

    - 510 -

    Enfin certaines langues ne semblent pas avoir de marquage speacutecifique pour les relatives Cest

    notamment le cas du buy (Doneux 1991 80-82) ou du laalaa (Diegraveye 2011 269-276) ougrave ne sont

    attesteacutes ni marque dinteacutegration ni schegraveme speacutecifique

    17622 Emplois des formes verbales inteacutegratives marqueacutees

    Les constructions que nous avons deacutecrites dans la section preacuteceacutedente ne sont pas uniquement

    employeacutees pour former des propositions relatives Dans presque toutes les langues atlantiques les

    subordonneacutees temporelles preacutesentent la mecircme structure et le cas eacutecheacuteant la mecircme marque

    dinteacutegration que les subordonneacutees relatives Les seules exceptions semblent ecirctre les subordonneacutees

    temporelles du noon (Soukka 2000 248) et du bijogo (Segerer 2002 61-62) ougrave la marque

    dinteacutegration napparaicirct pas

    Lemploi de la mecircme construction dans les subordonneacutees hypotheacutetiques semblent beaucoup plus

    rare Nous ne lavons releveacute que dans quatre langues wolof (sect 245) ndut (Morgan 1996 132-

    137) palor (Alton 1987 160-161) et joola banjal (Bassegravene 2006 273) En revanche plusieurs

    langues atlantiques notamment dans la branche Nord disposent dune construction hypotheacutetique

    speacutecifique Par exemple en sereer le verbe des subordonneacutees hypotheacutetiques ne prend pas de

    marque dinteacutegration mais porte un suffixe -ang (Faye 1982 42-43) En laalaa (Diegraveye 2011 280-

    281) et en noon (Soukka 2000 281-283) le verbe des subordonneacutees hypotheacutetiques ne prend pas

    non plus de marque dinteacutegration mais porte un suffixe -(n)aa

    Dans certaines langues les constructions focalisant un argument preacutesentent une structure

    analogue agrave celle des relatives Cest notamment le cas en nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 289-

    292) en pulaar (Sylla 1982 168-177) ou en mankanya (Gaved 2007 13) Cest eacutegalement le cas

    en wolof puisque les constructions focalisant un argument preacutesentent eacutegalement le schegraveme

    s o S V O (sect 44)

    Par ailleurs comme nous lavons vu plus haut le laalaa ne dispose pas de marque dinteacutegration

    Neacuteanmoins dans une subordonneacute temporelle le verbe prend geacuteneacuteralement le suffixe applicatif -oh

    (Diegraveye 2011 276-277) De mecircme le wolof ne dispose pas non plus de marque dinteacutegration mais

    le verbe des subordonneacutes temporelles prend geacuteneacuteralement le suffixe danteacuterioriteacute -ee (sect 245) Les

    donneacutees du laalaa nous permettent de supposer que ce suffixe est peut-ecirctre lieacute au suffixe applicatif

    -e229

    229 Voir Nouguier-Voisin (2002 226-235) pour une preacutesentation du suffixe applicatif -e

    - 511 -

    Tableau 178 - Formes verbales inteacutegratives dans plusieurs langues atlantiques

    Branche Groupe Langue

    Forme Emplois

    Marque Schegraveme REL TEMP HYP FOC

    Nord

    isolat Wolof ndash s o S V O + + + +

    Nyun-BuyBuy ndash Canonique +

    Niamone -ne Canonique + + ndash +

    Tenda-JaadBasari

    (donneacutees insuffisantes)230

    Badiaranke

    Peul-SereerPulaar ~i Canonique + + ndash +

    Sereer -na Canonique + + ndash ndash

    Cangin

    Laalaa ndash Canonique + + ndash +

    Noon aɗ Canonique + ndash ndash ndash

    Palor ra V Ss o O + + plusmn ndash

    Ndut ra V Ss o O + + + ndash

    Centre

    ManjakuMankanya -uŋ Canonique + + ndash +

    Manjako CL-REL Canonique + + ndash ndash

    JoolaBanjal -me Canonique + + + ndash

    Kwatay CL-u Canonique + + ndash ndash

    BalantKentohe ni Canonique + + ndash ndash

    Ganja -n(i) Canonique + + ndash ndash

    isolat Bijogo -o Canonique + ndash ndash ndash

    Pour reacutesumer dans la plupart des langues atlantiques les relatives contiennent une marque

    dinteacutegration Cette marque est soit suffixeacutee au verbe de la relative soit situeacutee sur le bord droit de la

    proposition Cette marque napparaicirct pas uniquement dans les relatives mais peut eacutegalement ecirctre

    utiliseacutee dans dautres types de propositions notamment les subordonneacutees temporelles ou plus

    rarement les subordonneacutees hypotheacutetiques et les propositions ougrave lun des arguments est focaliseacute

    Cependant la diversiteacute de structure ou demploi de ces formes inteacutegratives ne nous permet pas de

    supposer que toutes ces formes sont issues dune mecircme construction du proto-atlantique

    Neacuteanmoins on peut formuler ce type dhypothegravese pour certains groupes En effet dans les langues

    manjaku-joola la marque dinteacutegration semble clairement ecirctre issue dun deacuteterminant De mecircme

    dans le groupe cangin la marque dinteacutegration a la mecircme forme et occupe la mecircme position dans

    toutes les langues (agrave lexception du laalaa qui en est deacutepourvu)

    230 Les donneacutees dont nous disposons pour les langues tenda-jaad sont soit contradictoires soit incomplegravetes Nousavons donc deacutecideacute de ne pas inclure ce groupe dans la comparaison

    - 512 -

    1763 Focalisation

    La comparaison exhaustive et systeacutematique de lexpression de la focalisation dans les langues

    atlantiques deacutepasse largement le cadre de ce travail Nous nous limitons agrave un bref aperccedilu de la

    situation dans un nombre limiteacute de langues

    La plupart des langues atlantiques disposent de constructions speacutecifiques pour exprimer la

    focalisation Cependant on observe une assez grande diversiteacute entre les langues concernant la

    porteacutee ainsi que la reacutealisation du focus Ainsi il ne semble pas y avoir deux langues preacutesentant le

    mecircme type de constructions (Robert 2010a 234) agrave lexception des langues geacuteneacutetiquement tregraves

    proches

    Tableau 179 - Constructions focalisantes dans plusieurs langues atlantiques231

    Branche Groupe Langue

    FOCV

    FOCA

    FOCSFOCC

    FOCO FOCX

    Nord

    isolat Wolof S dafa-s V O S a V O O la S V X la S V O

    Nyun-Buy Niamone INF-V S g-s-AUX-ne O S (g-)s-V-ne O O S g-s-V-ne X S g-s-V-ne O

    Tenda-Jaad Wey S aacute-IIIV-s O S IV-IMPS O S O I~IIIV-s S X IIIV-s O

    Peul-SereerPulaar S V-(u) O

    S V-a O(ko) S V-i O

    (ko) S V-ata O(ko) O S V-i

    (ko) O S V-ata(ko) X S V-i O

    (ko) X S V-ata O

    Sereer kaa S V Okaa S V-aa O

    S V-u OS naa V-aa O

    O S V-uO S V-aa

    X S V-u OX S V-aa O

    Cangin

    Laalaa yaa S V O yaa O S V yaa X S V-APPL O

    Noon S V O () S CL-eumlri V O O S CL-eumlri V X S CL-eumlri V-APPL O

    Palor S V O V-o S aaɗ V O

    Ndut S V O V-o S daa V O

    Centre

    Manjaku Mankanya S s-V-uŋ O O REL S s-V-uŋ X REL S s-V-uŋ O

    JoolaBanjal S s-V-V O S s-V-e O O S s-V-e X S s-V-e O

    Karon S s-V-V O S s-V-e O O S s-V-e X S s-V-e O

    Balant Soofa S na V O O na S V X na S V O

    isolat Bijogo S a-s-V O COP O s-V-o S COP X s-V-o S O

    231 Ce tableau preacutesente les schegravemes des constructions focalisantes Pour des raisons de lisibiliteacute nous avons deacutecideacute dene pas tenir compte des pronoms Les majuscules laquo S raquo laquo V raquo laquo O raquo et laquo X raquo notent respectivement la position dusujet du verbe de lobjet et du satellite La minuscule laquo s raquo note la position de lindice sujet il est indiqueacuteuniquement sil est obligatoire mecircme en preacutesence dun sujet lexical Pour le pulaar et le sereer la premiegravere lignecorrespond aux formes perfectives et la seconde aux formes imperfectives

    - 513 -

    17631 Porteacutee du focus

    Comme nous lavons vu en (sect 251) on peut distinguer plusieurs types de focus selon leur

    porteacutee Le focus peut porter sur le preacutedicat ou le verbe de la phrase (FOCV) ou sur un argument ou un

    satellite du verbe de la phrase (FOCA)232 Parmi ce dernier type le focus peut porter soit sur le sujet

    du verbe (FOCS) soit sur un compleacutement du verbe (FOCC) ce dernier pouvant ecirctre un compleacutement

    objet attendu par la valence du verbe (FOCO) ou un satellite du verbe (FOCX)

    Dans presque toutes les langues atlantiques la construction exprimant un focus sur le verbe est

    formellement distincte de celle(s) exprimant un focus sur un argument (Robert 2010a 234) Nous

    navons trouveacute quune seule exception le nyun de Niamone Dans cette langue il est possible

    dexprimer une focalisation du verbe en utilisant la mecircme structure que pour la focalisation du

    compleacutement Neacuteanmoins ce type de constructions semble ecirctre limiteacute aux cas des constructions

    infinitivales En effet elle consiste agrave placer en position focus le verbe agrave linfinitif compleacutetant un

    verbe fleacutechi (Bao-Diop 2013 293)

    Dans certaines langues atlantiques la construction exprimant un focus sur le sujet est

    formellement distincte de celle exprimant un focus sur un compleacutement (Robert 2010a 234) Cest

    notamment le cas du wolof qui utilise deux marqueurs preacutedicatifs diffeacuterents (sect 25) Cest

    eacutegalement le cas du bijogo ougrave la focalisation du sujet est exprimeacutee dans la morphologie verbale

    alors que la focalisation du compleacutement est exprimeacutee par une cliveacutee (Segerer 2002 77-78) Cest

    aussi le cas dans une certaine mesure en sereer Dans cette langue agrave limperfectif on note la

    preacutesence dun marqueur naa dans la construction exprimant un focus sur le sujet mais pas dans

    celle exprimant un focus sur un compleacutement (Renaudier 2012 74-77)

    Enfin peu de langues distinguent la construction exprimant un focus sur lobjet de celle

    exprimant un focus sur un satellite Le wey est un cas exceptionnel preacutesentant quatre constructions

    distinctes selon que leacuteleacutement focaliseacute est le verbe le sujet lobjet ou un satellite (Robert 2010a

    234)

    17632 Reacutealisation du focus

    Les langues atlantiques preacutesentent une assez grande diversiteacute concernant la reacutealisation du focus

    Neacuteanmoins plusieurs proceacutedeacutes sont relativement reacutecurrents anteacuteposition de leacuteleacutement focaliseacute

    preacutesence dun marqueur indeacutependant du verbe expression dans la morphologie verbale (affixation

    232 Nous naborderons pas les cas de focus de phrase car ces constructions nentrent geacuteneacuteralement pas dans leparadigme des constructions focalisantes

    - 514 -

    changement morphophonologique reacuteduplication) etou construction cliveacutee233

    Lanteacuteposition de leacuteleacutement focaliseacute est attesteacutee dans presque toutes les langues atlantiques Ce

    proceacutedeacute est utiliseacute dans les constructions exprimant un focus sur un argument mais pas dans celles

    exprimant un focus sur le verbe (agrave lexception du nyun de Niamone) Dans les langues atlantiques

    lordre canonique des eacuteleacutements eacutetant SVO on ne peut pas agrave proprement parler danteacuteposition dans le

    cas de la focalisation du sujet Neacuteanmoins la comparaison des diffeacuterentes constructions exprimant

    un focus sur un argument (FOCS FOCO FOCX) nous permet de mettre en eacutevidence lexistence dune

    position focus situeacutee avant le verbe Notons que dans le cas du pulaar lanteacuteposition est facultative

    Il est possible de maintenir leacuteleacutement focaliseacute dans sa position canonique voire de le placer ailleurs

    dans la proposition le marqueur ko suffisant agrave exprimer la focalisation (Sylla 1982 168-171)

    Dans plusieurs langues on note la preacutesence dun marqueur de focalisation indeacutependant du verbe

    cest-agrave-dire neacutetant pas affixeacute agrave ce dernier La forme la nature ainsi que la position de ces marqueurs

    varient dune langue agrave lautre Dans certaines langues il sagit dun marqueur autonome et

    invariable Cest notamment le cas du marqueur ko (FOCA) en pulaar (Sylla 1982 168-171) du

    marqueur yaa (FOCA) en laalaa (Diegraveye 2011 292-297) ou du marqueur aaɗ (FOCS) en palor (Alton

    1987 129-130) Dans dautres langues le marqueur peut former un amalgame avec lindice sujet

    Cest notamment le cas des marqueurs dafa (FOCV) a (FOCS) et la (FOCC) en wolof (sect 25) ou du

    marqueur kaa (FOCV) en sereer (Renaudier 2012 77-78) En noon le marqueur CL-eumlri (FOCA) est un

    pronom qui saccorde en classe avec le sujet (Soukka 2000 301-305)

    Dans un grand nombre de langues la focalisation est exprimeacutee dans la morphologie verbale La

    reacuteduplication du verbe est attesteacutee dans diffeacuterents groupes de la famille atlantique toujours dans des

    constructions exprimant un focus sur le verbe Cest notamment le cas en joola banjal (Bassegravene

    2006 120-121) en joola karon (Sambou 2008) en palor (Alton 1987 127-128) ou en ndut

    (Morgan 1996 123-124)234 Dans toutes ces langues des marques flexionnelles (TAM) ainsi que

    lobjet pronominal peuvent ecirctre inseacutereacutes entre les occurrences du verbe Dans les langues palor-ndut

    il est eacutegalement possible dinseacuterer un objet lexical

    Les cas de changements morphophonologiques semblent assez rares Nous en avons releveacute

    uniquement en wey Cette langue comme la plupart des langues atlantiques Nord connaicirct un

    233 Nous neacutevoquerons pas la reacutealisation prosodique car un grand nombre dauteurs ny font pas (ou peu) allusion dansleur description

    234 Dans ces langues cette construction nest pas traditionnellement deacutecrite comme une laquo focalisation du verbe raquo Pourle palor Alton (1987 127-128) parle de laquo modaliteacute eacutetat acquis raquo Neacuteanmoins Alton sappuie sur la grammaire dewolof de Sauvageot (1965) qui utilise cette eacutetiquette pour deacutesigner la focalisation du verbe Pour les langues joolaBassegravene (2006 120-121) montre que cette construction a la mecircme valeur seacutemantique ainsi que les mecircmescontextes demploi que la focalisation du verbe en wolof

    - 515 -

    pheacutenomegravene dalternance consonantique En wey comme dans les autres langues atlantiques

    preacutesentant ce pheacutenomegravene laquo les consonnes sont groupeacutees en seacuteries ternaires Chaque eacuteleacutement dune

    seacuterie caracteacuterise un degreacute dalternance raquo traditionnellement noteacute par des chiffres romains I

    (continue) II (occlusive faible) et III (occlusive forte) (Pozdniakov 2007 99) En wey le degreacute

    dalternance de la consonne initiale du radical verbal permet de distinguer la focalisation du sujet

    (degreacute I) la focalisation de lobjet (degreacute I ou III en fonction de la personne) et la focalisation dun

    satellite (degreacute III) (Santos 1996 272-275)

    Laffixation est un proceacutedeacute relativement reacutepandu dans les constructions focalisantes des langues

    atlantiques Par exemple en nyun de Niamone le verbe de toutes les constructions focalisantes

    porte un preacutefixe g- et un suffixe -ne (Bao-Diop 2013 289-293) En pulaar le verbe porte un suffixe

    amalgamant les traits de focus et daspect (Sylla 1982 168-171) En bijogo le preacutefixe de

    focalisation du sujet samalgame avec dautres marques flexionnelles (Segerer 2002 259-266)

    Dans certaines langues laffixation est limiteacutee aux cas de focalisation du verbe Cest notamment le

    cas du suffixe -o en palor (Alton 1987 127-128) et en ndut (Morgan 1996 123-124) ou du preacutefixe

    aacute- en wey (Santos 1996 272-273) A contrario dans dautres langues laffixation est limiteacutee aux

    cas de focalisation dun argument Cest notamment le cas du suffixe -e dans les langues joola

    (Bassegravene 2006 121-122 Sambou 2008 40) ou du suffixe -u en sereer (Renaudier 2012 74-77)

    Selon Robert (2010a 242-244) il sagit de suffixes de laquo deacutefocalisation raquo (defocusing) Elle sappuie

    sur lanalyse proposeacutee par Sapir (1969 35) pour le joola fonyi selon laquelle la fonction de ce

    suffixe est dindiquer que le focus ne porte pas sur le verbe mais sur un autre eacuteleacutement de la

    proposition

    Enfin dans certaines langues la focalisation dun argument est reacutealiseacutee par une cliveacutee Cest

    notamment le cas de la focalisation du compleacutement en bijogo (Segerer 2002 78) ou de la

    focalisation dun argument en mankanya (Gaved 2007 16-17) Cest eacutegalement lanalyse proposeacutee

    par Morgan (1996 69-70) pour la focalisation du sujet en ndut

    Par ailleurs on constate que dans la plupart des langues (agrave lexception de celles utilisant des

    cliveacutees) la focalisation est inteacutegreacutee de maniegravere plus ou moins forte au paradigme de conjugaison

    Dans certaines langues linteacutegration est totale cest-agrave-dire que les constructions focalisantes

    peuvent ecirctre analyseacutees comme des tiroirs verbaux speacutecifiques Ces constructions focalisantes sont

    en distribution compleacutementaire avec les autres constructions preacutedicatives mecircme si aucune

    contrainte seacutemantique ou morphosyntaxique ne semble sy opposer Cest notamment le cas du

    wolof (sect 14) ou du pulaar (Mohamadou 2012) Cest eacutegalement le cas des constructions exprimant

    - 516 -

    la focalisation dun argument en sereer (Renaudier 2012 347-348)

    Cependant linteacutegration de la focalisation dans la conjugaison nest pas un pheacutenomegravene propre agrave

    la famille atlantique En effet sil sagit dun pheacutenomegravene rare agrave leacutechelle mondiale il est

    particuliegraverement freacutequent dans les langues africaines On le retrouve dans un grand nombre de

    langues appartenant agrave diffeacuterentes branches de la famille Niger-Congo ou agrave la famille couchitique

    (Creissels et al 2008 104-105)

    Pour reacutesumer la plupart des langues atlantiques disposent de constructions speacutecifiques pour

    exprimer la focalisation Ces constructions sont geacuteneacuteralement inteacutegreacutees agrave la conjugaison

    Cependant la diversiteacute de structure ou demploi de ces constructions ne nous permet pas de

    supposer quelles sont issues du proto-atlantique De plus linteacutegration de la focalisation dans la

    conjugaison est attesteacutee dans dautres familles de langues et ne caracteacuterise donc pas la famille

    atlantique

    - 517 -

    - 518 -

    CCHAPITREHAPITRE 18 - 18 - LLESES PEacuteRIPHRASESPEacuteRIPHRASES VERBALESVERBALES

    DESDES LANGUESLANGUES ATLANTIQUESATLANTIQUES

    Dans un grand nombre de langues atlantiques toutes les cellules du paradigme de conjugaison ne

    sont pas neacutecessairement occupeacutees par un mot fleacutechi mais peuvent ecirctre occupeacutees par des

    constructions peacuteriphrastiques Comme nous lavons vu en (sect 521) une peacuteriphrase flexionnelle peut

    ecirctre deacutefinie comme une construction constitueacutee de plusieurs mots qui sert agrave lexpression pour un

    lexegraveme donneacute dun des membres dune opposition paradigmatique dont un autre membre au moins

    est exprimeacute par un mot fleacutechi (Bonami 2014 163)

    Lobjectif de cette section est de proposer un aperccedilu typologique des peacuteriphrases verbales dans

    les langues atlantiques Dans leacutetat actuel de la documentation il nous semble impossible de

    proposer une comparaison exhaustive et systeacutematique En effet la qualiteacute et la finesse des

    descriptions sont beaucoup trop ineacutegales dune langue agrave lautre pour constituer un eacutechantillon de

    langues repreacutesentatif de tous les groupes de la famille atlantique De plus comme le note Nurse

    (2008 169) les auteurs francophones ont tendance agrave consideacuterer comme des mots distincts ce que

    les auteurs anglophones considegraverent comme un seul mot Ces choix sils ne sont pas justifieacutes par les

    auteurs peuvent entraicircner une confusion entre constructions syntheacutetiques et constructions

    analytiques

    Pour limiter au maximum les risques derreurs dans notre typologie nous ne tenons compte que

    des langues pour lesquelles les descriptions sont suffisamment fiables et preacutecises Ainsi nous

    nincluons pas (ou peu) les donneacutees des langues tenda-jaad nyun-buy ou manjaku Par ailleurs nous

    ne traitons pas des constructions agrave verbe auxiliaire En effet dans la plupart des descriptions il est

    souvent difficile deacutetablir le degreacute dinteacutegration au paradigme de conjugaison de ce type de

    constructions et donc de deacuteterminer sil sagit de peacuteriphrases flexionnelles

    181 Cateacutegories encodeacutees par les constructions agrave auxiliaire

    En (sect 623) nous avons deacutefini lauxiliaire comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonome qui se

    combine avec un lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie grammaticale lieacutee au verbe (temps

    - 519 -

    aspect mode polariteacute voix etc) Nous avons distingueacute les auxiliaires preacutesentant des proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques dun verbe (verbes auxiliaires) de ceux qui nen preacutesentent pas (marqueurs

    preacutedicatifs) Comme nous lavons signaleacute en introduction nous nous concentrons essentiellement

    sur les marqueurs preacutedicatifs En (sect 623) nous avons proposeacute plusieurs caracteacuteristiques permettant

    didentifier un marqueur preacutedicatif il ne preacutesente aucune proprieacuteteacute morphosyntaxique des verbes

    il peut preacutesenter des idiosyncrasies morphophonologiques ou combinatoires le verbe avec lequel il

    se combine est fini il a une fonction exclusivement grammaticale il est inteacutegreacute au paradigme de

    conjugaison

    Une grande partie des langues atlantiques dispose de constructions mettant en jeu un eacuteleacutement

    pouvant ecirctre analyseacute comme un marqueur preacutedicatif La forme etou les proprieacuteteacutes

    morphosyntaxiques de ces marqueurs peuvent varier consideacuterablement dune langue agrave lautre En

    revanche la diversiteacute est moins importante en ce qui concerne les cateacutegories verbales exprimeacutees par

    ces marqueurs En effet certaines cateacutegories sont particuliegraverement freacutequentes alors que dautres ne

    semblent jamais ecirctre encodeacutees par une construction agrave MP dans les langues atlantiques

    Tableau 181 - Cateacutegories encodeacutees par les MP dans plusieurs langues atlantiques

    Branche Groupe Langue Temps Aspect Mode Focus Prst

    Nord

    isolat Wolof FUT(NEG) PRF() PROH OPT FOCV FOCS FOCC PRST

    Nyun-BuyBuy (donneacutees insuffisantes)

    Niamone PROH() OPT PRST

    Tenda-JaadBasari

    (donneacutees insuffisantes)Badiaranke

    Peul-SereerPulaar FUT PROH OPT (FOCA) PROG

    Sereer FUT PROH OPT (FOCV) PROG

    Cangin

    Laalaa FUTNEG PROH (FOCA) PRST

    Noon (FUT) PROH PROG

    Palor FUT(NEG) IPF PROH FOCS PRST

    Ndut FUT(NEG) IPF PROH FOCS PRST

    Centre

    Manjaku Mankanya (donneacutees insuffisantes)

    Joola Banjal FUT(NEG) HAB(NEG) PROH OPT PRST

    Balant Kentohe HAB PROH OPT

    isolat Bijogo aucune

    Le prohibitif constitue lune des cateacutegories les plus freacutequemment exprimeacutees par un MP Comme

    nous lavons vu en (sect 174) presque toutes les langues de la branche Nord ainsi que les langues

    - 520 -

    joola expriment la neacutegation par un marqueur speacutecifique placeacute avant le verbe

    Loptatif (ou jussif) est eacutegalement souvent exprimeacute par un MP Cest notamment le cas des

    marqueurs na en wolof (sect 232) ki en nyun de Niamone (Bao-Diop 2013 186) yoo en pulaar

    (Mohamadou 2012 64-67) fat en sereer (Faye 1982 37-38) api et imbi en joola banjal (Bassegravene

    2006 129-130) ou ta en balant kentohe (Wilson 1961 151)

    Un grand nombre de langues atlantiques exprime le futur de maniegravere peacuteriphrastique (sect 17613)

    Dans certaines langues il est exprimeacute par un marqueur anteacuteposeacute au verbe Cest notamment le cas

    des marqueurs maa en pulaar (Mohamadou 2012 68) xan en sereer (Faye 1982 34-35) ou pan et

    ban en joola banjal (Bassegravene 2006 127) Dans dautres langues le marqueur est clairement issu de

    la grammaticalisation dun verbe auxiliaire Cest notamment le cas de dina en wolof issu du verbe

    copule di (sect 22) ou de rsquoaƴ en palor (Alton 1987 131-133) et ay en ndut (Morgan 1996 107-109)

    issus du verbe laquo venir raquo En noon et en laalaa le futur est geacuteneacuteralement exprimeacute par un suffixe

    verbal Neacuteanmoins dans ces deux langues il existe un marqueur hay eacutegalement issu du verbe

    laquo venir raquo En noon ce marqueur est utiliseacute pour exprimer un futur incertain (Soukka 2000 182-

    183) alors quen laalaa il est exclusivement utiliseacute pour exprimer un futur neacutegatif (Diegraveye 2011

    241-242) Enfin dans certaines langues le futur neacutegatif est exprimeacute par un marqueur diffeacuterent

    mati en joola banjal du en wolof dii en palor et ƴii en ndut

    Dans un grand nombre de langues atlantiques la focalisation est exprimeacutee (entre autres) par un

    marqueur speacutecifique indeacutependant du verbe (sect 1763) Cest notamment le cas des marqueurs ko

    (FOCA) en pulaar (Sylla 1982 168-171) yaa (FOCA) en laalaa (Diegraveye 2011 292-297) aaɗ (FOCS) en

    palor (Alton 1987 129-130) dafa (FOCV) a (FOCS) et la (FOCC) en wolof (sect 25) ou kaa (FOCV) en

    sereer (Renaudier 2012 77-78) Neacuteanmoins on pourrait se demander si ces marqueurs de

    focalisation peuvent ecirctre analyseacutes comme des marqueurs preacutedicatifs Si pour le wolof cette analyse

    est pertinente (Ch 6) dans le cas des autres langues elle est discutable En effet en pulaar le

    marqueur ko est facultatif ne preacutesente aucune idiosyncrasie combinatoire et le verbe avec lequel il

    se combine porte les mecircmes marques de flexion que le verbe des relatives De mecircme le marqueur

    yaa du laalaa ne preacutesente aucune idiosyncrasie combinatoire et le verbe avec lequel il se combine

    est au minimal Ainsi dans ces deux langues on peut difficilement dire que le marqueur est inteacutegreacute

    au paradigme de conjugaison il semble plutocirct se comporter comme une conjonction Le cas du

    sereer est plus probleacutematique Le marqueur kaa se combine neacutecessairement avec un verbe au

    narratif Neacuteanmoins ce marqueur preacutesente une idiosyncrasie combinatoire en preacutesence de lindice

    1SG et 2SG (Renaudier 2012 78)

    - 521 -

    La plupart des langues atlantiques disposent dune construction progressive ou preacutesentative

    peacuteriphrastique (Ch 16) Agrave lexception des langues tenda-jaad manjaku balant et bijogo cette

    cateacutegorie est exprimeacutee par un marqueur speacutecifique indeacutependant du verbe

    Enfin dans quelques langues certaines cateacutegories aspectuelles sont exprimeacutees par un MP En

    palor (Alton 1987 126-127) et en ndut (Morgan 1996 89-92) limperfectif est exprimeacute par le

    marqueur na En joola banjal lhabituel peut ecirctre exprimeacute par le marqueur naxi (Bassegravene 2006

    123) En balant kentohe lhabituel est exprimeacute par le marqueur mat (Wilson 1961 151)

    182 Constructions agrave amalgame auxiliaire-personne

    Plusieurs langues atlantiques disposent de constructions ougrave lindice sujet forme un amalgame

    avec le marqueur preacutedicatif Neacuteanmoins la forme ainsi que la valeur de ces amalgames varient

    dune langue agrave lautre

    Dans quelques langues atlantiques tous les MP samalgament avec la marque de personne Cest

    notamment le cas en wolof (sect 73) Cela semble eacutegalement ecirctre le cas en balant kentohe (Wilson

    1961 151)235

    A contrario dans certaines langues les MP ne samalgament jamais avec la marque de personne

    Cest notamment le cas du laalaa (Diegraveye 2011) du noon (Soukka 2000) ou du joola banjal (Bassegravene

    2006)

    Dans dautres langues ce type damalgame nest attesteacute quavec certains MP En sereer le

    marqueur de prohibitif ba samalgame avec lindice de personne (Faye 1982 37)236 le marqueur de

    focalisation du verbe kaa eacutegalement mais uniquement agrave 1SG et 2SG (Renaudier 2012 78) et le

    marqueur de preacutesentatifprogressif forme un amalgame avec le pronom sujet (sect 163) En palor les

    marqueurs dimperfectif na et de preacutesentatif rsquoe peuvent samalgamer avec les pronoms sujets

    singuliers (Alton 1987 126-129) En ndut ce type damalgame semble ecirctre limiteacute au marqueur de

    futur (Morgan 1996 107-109) En pulaar le marqueur de preacutesentatifprogressif samalgame avec le

    pronom sujet (sect 163) Par ailleurs les marqueurs de futur (maa) et doptatif (yoo) ne forment pas agrave

    proprement parler damalgame avec la marque de personne neacuteanmoins la voyelle de ces

    marqueurs sabregravege devant un pronom sujet avec lequel ils forment une uniteacute accentuelle

    (Mohamadou 2012 64-71)

    235 Nous ne disposons pas de suffisamment de donneacutees sur le balant kentohe pour pouvoir laffirmer avec certitude236 Faye (1982) est le seul auteur agrave deacutecrire cet amalgame Faye (1980) et Renaudier (2012) ne le mentionnent pas

    - 522 -

    Enfin le nyun de Niamone preacutesente une situation un peu diffeacuterente En labsence de sujet lexical

    le marqueur de loptatif ki perd sa voyelle et samalgame agrave lindice sujet preacutefixeacute au verbe (Bao-Diop

    2013 186) Par ailleurs le marqueur de preacutesentatif forme un amalgame avec le pronom sujet

    (sect 163)

    Tableau 182 - Amalgames auxiliaire-personne dans plusieurs langues atlantiques

    Branche Groupe Langue Constructions

    Nord

    isolat Wolof Toutes

    Nyun-BuyBuy (donneacutees insuffisantes)

    Niamone PRST

    Tenda-JaadBasari

    (donneacutees insuffisantes)Badiaranke

    Peul-SereerPulaar PROG

    Sereer PROG PROH FOCV (12SG)

    Cangin

    Laalaa Aucune

    Noon Aucune

    Palor IPF (123SG) PRST (123SG)

    Ndut FUT

    Centre

    Manjaku Mankanya (donneacutees insuffisantes)

    Joola Banjal Aucune

    Balant Kentohe Toutes

    isolat Bijogo (non pertinent)

    183 Les patrons flexionnels

    Comme nous lavons vu en (sect 72) Anderson (2006 23-27) propose une typologie des

    constructions agrave auxiliaire en identifiant la laquo tecircte flexionnelle raquo cest-agrave-dire leacuteleacutement servant de

    support aux marques flexionnelles Il distingue ainsi cinq laquo patrons flexionnels raquo patron agrave tecircte

    auxiliaire patron agrave tecircte lexicale patron double patron scindeacute et patron scindeacutedouble

    Dans les langues atlantiques trois patrons sont extrecircmement freacutequents Tecircte-Aux Tecircte-Lex et

    Scindeacute La nature de lauxiliaire est lieacutee au type de patron En effet si lauxiliaire est un verbe (ou

    preacutesente certaines proprieacuteteacutes morphosyntaxiques verbales) alors la construction preacutesente

    geacuteneacuteralement un patron agrave tecircte auxiliaire En revanche si lauxiliaire est un marqueur preacutedicatif

    - 523 -

    alors la construction preacutesente geacuteneacuteralement soit un patron agrave tecircte lexicale soit un patron scindeacute ougrave

    lauxiliaire porte la marque de personne et le verbe toutes les autres marques flexionnelles Enfin on

    note quelques cas marginaux de patrons scindeacutes preacutesentant une autre reacutepartition ou de patrons

    doubles

    1831 Patron agrave tecircte auxiliaire

    Le patron agrave tecircte auxiliaire semble ecirctre attesteacute dans toutes les langues atlantiques Dans presque

    toutes les langues de la famille si la construction sarticule autour dun verbe semi-auxiliaire dun

    verbe auxiliaire ou dun eacuteleacutement preacutesentant certaines proprieacuteteacutes morphosyntaxiques verbales alors

    elle preacutesente geacuteneacuteralement un patron agrave tecircte auxiliaire Ainsi le verbe auxiliaire porte toutes les

    marques flexionnelles et le verbe lexical apparaicirct sous une forme deacutependante (infinitif lexegraveme nu

    ou lexegraveme preacuteceacutedeacute dune marque de deacutependance) La forme deacutependante du verbe lexical deacutepend de

    la langue et de la construction

    Une forme verbale infinitive est attesteacutee apregraves un verbe semi-auxiliaire en peul (Stennes 1967

    213-214) en bijogo (Segerer 2002 144-146) et en balant kentohe (Wilson 1961 152-15) apregraves un

    verbe semi-auxiliaire ou lauxiliaire de futur (neacutegatif) hay en laalaa (Diegraveye 2011 241-242) et en

    noon (Soukka 2000 182-183) ou encore apregraves lauxiliaire de preacutesentatif en joola banjal (Bassegravene

    2006 131-134) Un verbe lexical preacuteceacutedeacute dune marque de deacutependance est attesteacute apregraves un verbe

    semi-auxiliaire en sereer (Renaudier 2012 49-51) ou apregraves un verbe semi-auxiliaire ou lauxiliaire

    de neacutegation bantilde en wolof (sect 73) Enfin un verbe lexical nu est attesteacute apregraves un verbe semi-

    auxiliaire en palor (Alton 1987 123) et en ndut (Morgan 1996 109) ou apregraves lauxiliaire

    dimperfectif di et les auxiliaires de futur qui en sont issus dina et du en wolof (sect 73)

    Par ailleurs en wolof les constructions Optatif et Prohibitif preacutesentent eacutegalement un patron agrave

    tecircte auxiliaire le marqueur preacutedicatif forme un amalgame avec lindice sujet et le verbe apparaicirct

    sous une forme nue (sect 73) Neacuteanmoins dans ces constructions il est abusif de consideacuterer que le

    verbe est incompatible avec les marques flexionnelles En effet les seuls affixes flexionnels du

    wolof sont le suffixe de neacutegation -ul et le suffixe de passeacute -oon Or le prohibitif est leacutequivalent

    neacutegatif de loptatif ce qui explique limpossibiliteacute dutiliser le suffixe -ul dans ces constructions Par

    ailleurs pour des raisons seacutemantiques ces constructions injonctives ne peuvent pas ecirctre au passeacute

    Ainsi ce nest pas le verbe lexical qui est incompatible avec les suffixes flexionnels mais plutocirct les

    constructions De plus agrave loptatif et au prohibitif le verbe lexical peut geacuteneacuteralement porter les

    suffixes de voix ou diteacuteratif cest-agrave-dire des suffixes qui bien que plutocirct deacuterivationnels en wolof

    - 524 -

    sont typologiquement lieacutes agrave des cateacutegories flexionnelles Ainsi il semble plus pertinent de

    rapprocher ces constructions de celles preacutesentant un patron scindeacute (sect 1833)

    1832 Patron agrave tecircte lexicale

    Dans les constructions preacutesentant un patron agrave tecircte lexicale le verbe lexical porte toutes les

    marques flexionnelles et lauxiliaire est invariable Dans les langues atlantiques ce patron est

    particuliegraverement freacutequent si lauxiliaire est un marqueur preacutedicatif

    En pulaar ce patron est attesteacute avec les auxiliaires de futur maa doptatif yoo et de prohibitif

    woto (Mohamadou 2012 42) En laalaa (Diegraveye 2011 242-243) en noon (Soukka 2000 188-189)

    et en palor (Alton 1987 137-138) la construction prohibitive preacutesente ce patron Par ailleurs si

    lon analyse les marqueurs de focalisation de ces langues comme des marqueurs preacutedicatifs alors

    les constructions focalisantes preacutesentent eacutegalement un patron agrave tecircte lexicale En joola banjal toutes

    les constructions agrave marqueur preacutedicatif preacutesentent un patron agrave tecircte lexicale (Bassegravene 2006 139)

    Le cas du sereer est un peu plus complexe Certaines constructions preacutesentent clairement un

    patron agrave tecircte lexicale le futur (Renaudier 2012 71-73) et loptatif (Faye 1980 66-67) En

    revanche comme nous lavons vu plus haut les auxiliaires de focalisation du verbe kaa et de

    prohibitif ba peuvent former un amalgame avec lindice sujet notamment agrave 1SG et 2SG Selon

    Renaudier (2012 51) laquo ces amalgames ne sont probablement que le reacutesultat de la chaicircne parleacutee et

    non une preuve du fait que les particules puissent porter les indices de personnes raquo Si lon accepte

    cette analyse alors ces deux constructions preacutesentent eacutegalement un patron agrave tecircte lexical Sinon elles

    doivent ecirctre consideacutereacutees comme des constructions agrave patron scindeacute

    1833 Patrons scindeacutes

    Un type de patron scindeacute est relativement freacutequent dans les langues atlantiques Il sagit des cas

    ougrave lauxiliaire porte la marque de personne et le verbe toutes les autres marques flexionnelles La

    construction preacutesentativeprogressive preacutesente ce type de patron en wolof pulaar sereer ou palor

    En laalaa et en noon lauxiliaire de preacutesentatif ne porte pas la marque de personne mais il porte une

    marque de classe qui saccorde avec le sujet (sect 163) Ce type de patron scindeacute est eacutegalement attesteacute

    dans les constructions focalisantes du wolof (sect 73) ou dans la construction imperfective en palor

    (Alton 1987 126-127)

    - 525 -

    En palor certaines constructions preacutesentent un autre type de patron scindeacute Au futur (et futur

    neacutegatif) lauxiliaire rsquoaƴ porte les marques de nombre et de passeacute et peut former un amalgame avec

    le marqueur dimperfectif alors que le verbe lexical porte un suffixe -e (dont la valeur nest pas

    clair) et porte la marque de la focalisation du verbe (qui est exprimeacutee par reacuteduplication du lexegraveme)

    (Alton 1987 132-133)

    Contrairement agrave la plupart des langues atlantiques en joola banjal les constructions agrave verbe

    auxiliaire ne preacutesentent pas un patron agrave tecircte auxiliaire mais un patron scindeacute (ou scindeacutedouble)

    Dans ce type de construction lauxiliaire porte lindice sujet et les marques TAM alors que le verbe

    lexical porte lindice objet Ce dernier pouvant ecirctre soit agrave linfinitif (patron scindeacute) soit porter

    lindice sujet (patron scindeacutedouble) (Bassegravene 2006 140-158)

    184 Synthegravese

    Au sein de la famille atlantique les peacuteriphrases flexionnelles preacutesentent plusieurs points

    communs Les cateacutegories verbales exprimeacutees par ce type de constructions sont souvent les mecircmes

    prohibitif optatif futur focalisation et preacutesentatifprogressif De plus les constructions ougrave lindice

    sujet forme un amalgame avec le marqueur preacutedicatif sont relativement freacutequentes Par ailleurs les

    mecircmes types de patron flexionnel sont attesteacutes Si lauxiliaire est un verbe la construction preacutesente

    un patron agrave tecircte auxiliaire alors que si lauxiliaire est un MP la construction preacutesente geacuteneacuteralement

    soit un patron agrave tecircte lexicale soit un patron scindeacute ougrave lauxiliaire porte la marque de personne et le

    verbe toutes les autres marques flexionnelles

    Cependant la forme de lauxiliaire ainsi que la structure de la construction peuvent varier

    consideacuterablement dune langue agrave lautre Ainsi mis agrave part le cas du preacutesentatifprogressif (Ch 16)

    les similitudes observeacutees parmi les langues atlantiques ne semblent pas ecirctre dues agrave une origine

    commune Lhypothegravese dune convergence typologique etou de contact de langues semble plus

    probable

    - 526 -

    CCONCLUSIONONCLUSION DEDE LALA P PARTIEARTIE IV IV

    La distance geacuteneacutetique entre les langues atlantiques est si grande que laquo lidentification dun groupe

    atlantique au sein du Niger-Congo nest pas justifieacutee du point de vue de la meacutethode comparative

    classique raquo (Pozdniakov 2011 20) Par ailleurs la morphologie flexionnelle verbale constitue un

    systegraveme relativement instable et qui tend agrave se renouveler rapidement (Creissels 2006a 163) On

    sattendrait donc en comparant la conjugaison des langues atlantiques agrave ne pouvoir identifier

    aucune construction etou marque issue de la proto-langue Il est vrai que la morphologie verbale

    des langues atlantiques preacutesente une tregraves grande diversiteacute Neacuteanmoins certains eacuteleacutements preacutesentent

    une grande similitude formelle etou fonctionnelle et semblent propres aux langues atlantiques Une

    origine commune de ces eacuteleacutements constitue donc lhypothegravese la plus vraisemblable

    Parmi les marques et constructions attesteacutees dans les langues atlantiques les eacuteleacutements suivants

    semblent ecirctre issus du proto-atlantique

    bull Construction preacutesentative (ou progressive) issue dune construction PRO DEIC1-CL-DEIC2 + V

    dont le marqueur est lui-mecircme issu dun ancien deacutemonstratif

    bull Suffixe 2PL -Vn eacutetymologiquement lieacute au suffixe de pluriel associatif et vraisemblablement

    issu de la classe de pluriel personnel Oslash--ni

    bull Suffixe de passeacute -Vn ()

    bull Suffixe de neacutegation -VC[coronale] issu dun suffixe -ud

    bull Construction minimale (ne preacutesentant aucune marque morphologique) utiliseacutee comme une

    forme de subjonctif cest-agrave-dire une forme essentiellement deacutependante mais pouvant

    veacutehiculer une valeur injonctive lorsquelle est utiliseacutee dans une proposition indeacutependante

    Cette forme est eacutegalement souvent employeacutee dans les narrations surtout dans les

    propositions conseacutecutives et peut eacutegalement avoir une valeur gnomique

    Dautres marques et constructions attesteacutees dans les langues atlantiques sont eacutegalement attesteacutees

    dans un grand nombre dautres langues Niger-Congo et semblent donc ecirctre issues du proto-Niger-

    Congo

    bull Formes 3SG et 3PL issues des marques de classes nominales

    - 527 -

    bull Infinitif exprimeacute par une marque de classe nominale sur le radical verbal

    Ces marques etou constructions semblent ecirctre les seules pour lesquelles on peut poser

    lhypothegravese dune origine geacuteneacutetique La plupart des autres distinctions encodeacutees dans la morphologie

    verbale ainsi que les marques qui servent agrave les exprimer semblent preacutesenter une heacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute bien

    plus importante au sein de la famille atlantique Neacuteanmoins plusieurs constructions preacutesentant des

    similitudes formelles etou fonctionnelles sont attesteacutees dans un grand nombre de langues

    atlantiques

    bull Dichotomie perfectif imperfectif ougrave la forme marqueacutee est limperfectif

    bull Construction exprimant lhabituel

    bull Construction exprimant le futur geacuteneacuteralement peacuteriphrastique

    bull Forme verbale inteacutegrative geacuteneacuteralement marqueacutee par une marque dinteacutegration suffixeacutee ou

    postposeacutee au verbe et geacuteneacuteralement employeacutee dans les relatives les subordonneacutees

    temporelles et plus rarement dans les subordonneacutees hypotheacutetiques et les constructions

    focalisantes

    bull Constructions focalisantes inteacutegreacutees au paradigme verbal

    La plupart de ces constructions (ou distinctions) ne sont pas limiteacutees aux langues atlantiques

    mais sont attesteacutees dans plusieurs autres langues notamment africaines (Creissels et al 2008)

    Comme le note Creissels (2006a 163) laquo les distinctions encodeacutees dans la morphologie verbale

    sont souvent eacutetonnamment semblables dans des langues tregraves eacuteloigneacutees geacuteographiquement et

    geacuteneacutetiquement Ceci suggegravere dune part que les processus historiques qui renouvellent la

    morphologie verbale opegraverent geacuteneacuteralement agrave une cadence relativement rapide et dautre part que

    ces processus obeacuteissent agrave leacutechelle des langues du monde agrave des reacutegulariteacutes dont lexplication serait agrave

    chercher au niveau cognitif raquo Ainsi il est possible que ces constructions soient issues dune

    convergence typologique dont la cause laquo serait agrave chercher au niveau cognitif raquo

    Enfin on remarque que les peacuteriphrases flexionnelles des langues atlantiques preacutesentent plusieurs

    similitudes typologiques

    bull Elles encodent souvent les mecircmes cateacutegories verbales prohibitif optatif futur focalisation

    et preacutesentatifprogressif

    bull Les constructions ougrave lindice sujet forme un amalgame avec le marqueur preacutedicatif sont

    freacutequentes

    - 528 -

    bull Les mecircmes types de patron flexionnel sont attesteacutes

    Si lauxiliaire est un verbe la construction preacutesente un patron agrave tecircte auxiliaire

    Si lauxiliaire est un MP la construction preacutesente soit un patron agrave tecircte lexicale soit un

    patron scindeacute ougrave lauxiliaire porte la marque de personne et le verbe toutes les autres

    marques flexionnelles

    - 529 -

    - 530 -

    CONCLUSIONCONCLUSION

    Le principal objectif de cette eacutetude eacutetait de situer les constructions verbales du wolof dans une

    perspective typologique Il sagissait de proposer une description syntheacutetique du systegraveme de

    preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique et de montrer linteacuterecirct des donneacutees

    du wolof pour la typologie linguistique et la linguistique geacuteneacuterale notamment pour leacutetude des

    peacuteriphrases des auxiliaires et de lauxiliation Le second objectif que nous nous eacutetions fixeacute eacutetait de

    rendre compte du systegraveme de preacutedication verbale du wolof en nous appuyant sur des arguments

    diachroniques Pour cela nous avons proposeacute une analyse constructionnelle du systegraveme mettant en

    eacutevidence les restructurations du reacuteseau ndash dues agrave des pheacutenomegravenes de grammaticalisation ndash des

    constructions verbales du wolof Par ailleurs nous avons proposeacute une analyse comparative des

    constructions verbales des langues atlantiques afin de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison du

    wolof est issu du proto-atlantique

    Nous avons proposeacute une description syntheacutetique du systegraveme de preacutedication verbale du wolof en

    grande partie fondeacutee sur les principaux travaux de reacutefeacuterence notamment Dialo (1981a) Church

    (1981) et Robert (1991) Cependant il ne sagit pas dun simple eacutetat de lart En effet nous nous

    sommes deacutemarqueacute de ces travaux en adoptant une perspective typologique Notre objectif eacutetait de

    proposer une description qui mette clairement en eacutevidence les caracteacuteristiques typologiques des

    constructions verbales du wolof En outre cette approche typologique nous a ameneacute agrave revoir ou agrave

    approfondir lanalyse de certains eacuteleacutements du systegraveme notamment le minimal (ou narratif) la

    focalisation la neacutegation le passeacute et les indices personnels

    La conjugaison du wolof sorganise autour de constructions eacuteleacutementaires que nous appelons

    laquo constructions preacutedicatives raquo Nous identifions douze constructions preacutedicatives focalisation du

    sujet preacutesentatif focalisation du compleacutement focalisation du verbe parfait parfait neacutegatif futur

    futur neacutegatif impeacuteratif optatif prohibitif et subjonctif-conseacutecutif Chaque construction se

    caracteacuterise par un schegraveme morphosyntaxique speacutecifique un paradigme personnel ainsi quun

    marqueur speacutecifique (ou une absence de marqueur) Par ailleurs nous pouvons identifier quatre

    constructions preacutesentant eacutegalement un schegraveme morphosyntaxique speacutecifique mais utiliseacutees

    - 531 -

    uniquement pour former des propositions deacutependantes infinitif relatif subordonneacutee hypotheacutetique

    et subordonneacutee temporelle

    Toutes les cateacutegories verbales du wolof ne sont pas exprimeacutees par des constructions preacutedicatives

    Ainsi limperfectif le passeacute et dans certains cas la polariteacute sont exprimeacutees par dautres proceacutedeacutes

    venant sajouter agrave une construction preacutedicative Laspect imperfectif est exprimeacute par lajout du verbe

    auxiliaire di (ou de sa forme clitique =y) agrave une construction preacutedicative laspect perfectif eacutetant

    simplement exprimeacute par une absence de marqueur speacutecifique Le passeacute est exprimeacute par lajout du

    marqueur (w)oon agrave une construction preacutedicative le non-passeacute eacutetant simplement exprimeacute par une

    absence de marqueur speacutecifique La polariteacute neacutegative est exprimeacutee de diffeacuterentes maniegraveres selon la

    construction preacutedicative consideacutereacutee La polariteacute est soit exprimeacutee par une construction preacutedicative

    neacutegative speacutecifique (parfait neacutegatif futur neacutegatif prohibitif) soit par le suffixe -(w)ul sur le verbe

    lexical (focalisation relatif) soit par le verbe semi-auxiliaire bantilde (refuser) (preacutesentatif subjonctif-

    conseacutecutif infinitif) Enfin la personne et le nombre sont exprimeacutes de diffeacuterentes maniegraveres selon la

    construction preacutedicative consideacutereacutee Ces cateacutegories sont exprimeacutees soit par une marque daccord

    (parfait futur focalisation du verbe) soit par un affixe pronominal (relatif focalisation du

    compleacutement optatif prohibitif) soit par un pronom sujet libre (subjonctif-conseacutecutif) soit par un

    pronom fort (focalisation du sujet preacutesentatif)

    Contrairement agrave ce que lon observe dans un tregraves grand nombre de langues en wolof la majeure

    partie des cateacutegories grammaticales lieacutees au verbe est exprimeacutee par des constructions

    peacuteriphrastiques Ces constructions peacuteriphrastiques ne constituent pas un ensemble homogegravene Nous

    avons eacutetabli une typologie de ces constructions en nous appuyant sur deux critegraveres (i) le degreacute de

    coheacutesion morphosyntaxique des membres de la construction et (ii) linteacutegration des constructions au

    paradigme flexionnel

    Cette analyse typologique nous a servi de base empirique pour proposer une nouvelle approche

    de la notion dauxiliaire Trois types de deacutefinition ont eacuteteacute proposeacutes pour cette notion cateacutegorielle

    fonctionnelle et panchronique La deacutefinition cateacutegorielle est la plus courante dans les travaux de

    linguistique geacuteneacuterale et la deacutefinition panchronique est celle adopteacutee dans les principaux travaux

    typologiques de reacutefeacuterence (Heine 1993 Kuteva 2001 Anderson 2006) Agrave partir des donneacutees du

    wolof et dautres langues africaines nous avons montreacute les avantages ainsi que les limites de ces

    deacutefinitions Lanalyse critique ainsi que la confrontation aux donneacutees de ces deacutefinitions nous ont

    ameneacute agrave privileacutegier dans une perspective typologique une approche laquo fonctionnelle raquo des

    - 532 -

    auxiliaires Nous avons proposeacute la deacutefinition suivante eacuteleacutement preacutedicatif autonome inteacutegreacute au

    paradigme de conjugaison qui se combine avec un lexegraveme verbal pour marquer une cateacutegorie

    grammaticale lieacutee au verbe Ainsi nous consideacuterons que lauxiliaire ne doit pas ecirctre deacutefini comme

    une cateacutegorie lexicale speacutecifique (deacutefinition cateacutegorielle) ni comme une eacutetape dans un chemin de

    grammaticalisation (deacutefinition panchronique) mais plutocirct comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonome

    ayant une fonction speacutecifique Les donneacutees du wolof et dautres langues dAfrique (notamment

    mandeacute) nous ont permis de montrer la pertinence de cette deacutefinition de lauxiliaire dans le cadre

    dune approche typologique

    En nous appuyant sur notre deacutefinition fonctionnelle nous avons proposeacute une typologie geacuteneacuterale

    des eacuteleacutements preacutedicatifs Verbe plein Verbe cateacutenatif (prend un compleacutement phrastique speacutecifique)

    Verbe semi-auxiliaire (partiellement inteacutegreacute agrave la conjugaison) Verbe auxiliaire (pleinement inteacutegreacute agrave

    la conjugaison) Marqueur preacutedicatif (auxiliaire non verbal) En wolof tous ces types deacuteleacutements

    preacutedicatifs sont attesteacutes Par ailleurs dans cette langue les relativiseurs constituent des cas limites

    En effet bien que neacutetant pas des eacuteleacutements preacutedicatifs au sens strict on constate quils partagent

    plusieurs caracteacuteristiques avec les marqueurs preacutedicatifs

    Les marqueurs preacutedicatifs ne sont pas propres au wolof Ce type deacuteleacutements preacutedicatifs est attesteacute

    dans un assez grand nombre de langues notamment africaines Malgreacute cet eacutetat de fait il nexiste

    pas agrave notre connaissance deacutetude typologique dune certaine ampleur consacreacutee aux marqueurs

    preacutedicatifs (agrave lexception de la typologie proposeacutee par Mous (2005) pour les langues couchitiques)

    La diversiteacute des eacutetiquettes attesteacutees dans la litteacuterature pour deacutesigner ces eacuteleacutements illustre cette quasi

    absence de consideacuteration typologique Mais il ne sagit pas uniquement dun problegraveme

    terminologique cette absence deacutetiquette nest que la conseacutequence de creacuteation dun concept

    comparatif approprieacute Nous consideacuterons que laquo marqueur preacutedicatif raquo est un concept comparatif

    pertinent en typologie Plus preacuteciseacutement nous consideacuterons que les marqueurs preacutedicatifs forment ce

    que Croft (2000 95) appelle une laquo partie du discours universelle raquo En nous appuyant sur la

    typologie de Mous (2005) et agrave partir de donneacutees issues dun nombre restreint de langues nous

    avons proposeacute une typologie geacuteneacuterale des marqueurs preacutedicatifs Cette premiegravere typologie nest

    quune eacutebauche Afin deacutetablir une typologie rigoureuse il sera neacutecessaire de proceacuteder agrave une

    comparaison systeacutematique de ce type de marqueurs dans un eacutechantillon de langues repreacutesentatif

    Nous avons proposeacute une analyse de lorganisation des constructions verbales du wolof La

    plupart des descriptions preacutesentent la conjugaison du wolof sous la forme dun paradigme ougrave chaque

    - 533 -

    ligne correspond agrave une construction preacutedicative Ce type de preacutesentation a lavantage de rendre

    compte de lopposition des constructions preacutedicatives et de prendre en compte toutes les

    possibiliteacutes offertes par la conjugaison de la langue Cependant il tend eacutegalement agrave occulter certains

    eacuteleacutements factuels il ne permet pas de rendre compte des diffeacuterences dans lordre des eacuteleacutements selon

    la construction preacutedicative consideacutereacutee et il ne permet pas de rendre compte des proximiteacutes

    formelles de certaines constructions

    Nous consideacuterons que les constructions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non

    structureacute dentiteacutes indeacutependantes mais plutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute Certains

    regroupements sont neacutecessaires afin de rendre compte des similitudes et diffeacuterences entre

    constructions En outre certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du

    wolof peuvent sexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie En effet si lon se place dans une

    perspective strictement synchronique il semble impossible de proposer une organisation coheacuterente

    du reacuteseau des constructions preacutedicatives

    Le cadre fourni par les grammaires de construction ndash notamment Bybee (2010) ndash permet une

    analyse unifieacutee des observations synchroniques et des pheacutenomegravenes diachroniques Dans le cadre

    dune approche constructionnelle nous pouvons consideacuterer que les constructions verbales du wolof

    sorganisent au sein dun reacuteseau de constructions Les caracteacuteristiques idiosyncrasiques en

    synchronie peuvent ecirctre analyseacutees comme des traces des processus de grammaticalisation ayant

    entraicircneacute une restructuration du reacuteseau Nous avons proposeacute de regrouper certaines constructions en

    reacuteseaux speacutecifiques constructions agrave verbe auxiliaire constructions agrave extraction et constructions

    neacutegatives Par ailleurs nous avons proposeacute une hypothegravese de polygrammaticalisation permettant de

    rendre compte des similitudes formelles des constructions Parfait Futur et Optatif Enfin nous nous

    sommes appuyeacute sur la notion de laquo finitude raquo pour rendre compte des similitudes formelles et

    fonctionnelles des constructions Subjonctif-Conseacutecutif et Infinitif

    Nous avons proposeacute une repreacutesentation scheacutematique et syntheacutetique de chaque reacuteseau speacutecifique

    ainsi que du reacuteseau complet des constructions verbales du wolof Nous avons deacutecideacute de ne pas

    utiliser la formalisation proposeacutee par certains courants constructionnels (comme lEacutecole de

    Berkeley) car ce mode de repreacutesentation est difficilement utilisable lorsquon souhaite rendre

    compte des liens diachroniques entre les constructions Nous avons repreacutesenteacute les constructions

    sous la forme dune liste de traits caracteacuteristiques pertinents Les scheacutemas que nous avons preacutesenteacutes

    ont pour unique but de donner une vision globale et syntheacutetique des reacuteseaux de constructions

    Lanalyse complegravete de la conjugaison dune langue (cest-agrave-dire du reacuteseau des constructions

    - 534 -

    verbales) est assez rare dans la litteacuterature constructionnelle La plupart des travaux soit traitent de

    consideacuterations geacuteneacuterales sur les langues soit portent sur un nombre limiteacute de constructions

    speacutecifiques En outre peu de travaux proposent des repreacutesentations de reacuteseaux complets sous forme

    scheacutematique Notre thegravese pourrait donc constituer un apport theacuteorique et meacutethodologique pour les

    grammaires de construction

    Nous avons proposeacute une analyse comparative des constructions verbales des langues atlantiques

    A priori cette analyse semble difficile En effet la distance geacuteneacutetique entre les langues atlantiques

    est tregraves importante et la morphologie flexionnelle verbale constitue un systegraveme relativement

    instable qui tend agrave se renouveler rapidement On sattendrait donc agrave ne pouvoir identifier aucune

    construction etou marque issue du proto-atlantique Il est vrai que la morphologie verbale des

    langues atlantiques preacutesente une tregraves grande diversiteacute

    Neacuteanmoins notre eacutetude a reacuteveacuteleacute que certaines constructions preacutesentent une grande similitude

    formelle etou fonctionnelle et semblent propres aux langues atlantiques Le cas le plus marquant

    est celui des constructions locatives preacutesentatives et progressives Presque toutes les langues

    atlantiques disposent dune construction locative pouvant ecirctre utiliseacutee comme construction

    preacutesentative etou progressive et qui est issue dune construction PRO DEIC1-CL-DEIC2 + V dont le

    marqueur est lui-mecircme issu dun ancien deacutemonstratif Si ce pheacutenomegravene nest pas propre aux langues

    atlantiques la structure de ces constructions ainsi que la forme du marqueur utiliseacute caracteacuterisent

    clairement la famille Par ailleurs nous avons releveacute plusieurs autres eacuteleacutements qui semblent ecirctre

    issus du proto-atlantique le suffixe 2PL -Vn eacutetymologiquement lieacute au suffixe de pluriel associatif

    le suffixe de passeacute -Vn le suffixe de neacutegation -VC[coronale] issu dun suffixe -ud lexistence dune

    construction minimale (ne preacutesentant aucune marque morphologique) utiliseacutee comme subjonctif

    mais aussi souvent employeacutee dans les narrations et pouvant eacutegalement avoir une valeur gnomique

    Pour terminer notre travail ouvre plusieurs perspectives de recherche En premier lieu nous

    souhaitons confronter notre approche de la notion dauxiliaire agrave dautres langues pour en preacuteciser

    les limites et les avantages dans une perspective typologique Nous souhaitons eacutegalement

    deacutevelopper notre eacutebauche de typologie geacuteneacuterale des marqueurs preacutedicatifs Pour ce faire nous

    envisageons de proceacuteder agrave une comparaison systeacutematique de ce type de marqueurs dans un

    eacutechantillon de langues repreacutesentatif Plus preacuteciseacutement nous envisageons de constituer un

    eacutechantillon repreacutesentatif de langues ougrave des marqueurs preacutedicatifs sont attesteacutes eacutetablir une liste de

    - 535 -

    traits pertinents et de valeurs possibles pour chaque trait permettant une classification typologique

    des marqueurs preacutedicatifs preacuteciser la nature des liens que les marqueurs preacutedicatifs peuvent

    entretenir avec dautres cateacutegories grammaticales telles que les verbes auxiliaires les copules les

    adverbes ou les adpositions situer les marqueurs preacutedicatifs dans les cycles de grammaticalisation

    affectant le domaine verbal et creacuteer une base de donneacutees typologique

    Par ailleurs nous envisageons dapprofondir la question du lien entre les relativiseurs et les

    marqueurs preacutedicatifs Cette question que nous navons simplement eacutevoqueacutee dans ce travail

    meacuteriterait une eacutetude plus pousseacutee dans une perspective typologique

    Nous pouvons envisager plusieurs pistes de recherche pour veacuterifier les hypothegraveses de

    grammaticalisations que nous avons proposeacutees pour le wolof Si nos plus anciennes reacutefeacuterences

    datent du XIXe siegravecle il est possible que des sources anteacuterieures naient pas encore eacuteteacute

    laquo deacutecouvertes raquo ou publieacutees Un travail philologique de collecte de recensement darchivage et de

    transcription de ces sources potentielles pourraient permettre de constituer un corpus diachronique

    Une seconde piste envisageable concerne leacutetude des creacuteoles de Seacuteneacutegambie Ces creacuteoles sont

    apparus avant le XIXe et ont donc pu conserver certains traits issus dun eacutetat ancien du wolof Par

    ailleurs une eacutetude dialectologique du wolof pourrait constituer une troisiegraveme piste de recherche

    Enfin nous pouvons envisager une formalisation de nos reacutesultats Pour ce faire nous

    envisageons trois possibiliteacutes Nous pouvons utiliser un modegravele formel existant qui puisse rendre

    compte de la restructuration du reacuteseau (si un tel modegravele existe) Nous pouvons envisager dadapter

    un modegravele formel existant afin de tenir compte des liens diachroniques entre les constructions La

    troisiegraveme solution consisterait agrave creacuteer un nouveau modegravele formel

    - 536 -

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    Les constructions verbales en wolof Vers une typologie de la preacutedication de lauxiliation et des peacuteriphrases

    Le principal objectif de cette eacutetude est de situer les constructions verbales du wolof dans uneperspective typologique Il sagit tout dabord de proposer une description syntheacutetique du sys-tegraveme de preacutedication verbale du wolof dans une perspective typologique en nous appuyant surles travaux de reacutefeacuterence concernant la conjugaison du wolof Contrairement agrave ce que lon ob-serve dans un tregraves grand nombre de langues en wolof la majeure partie des cateacutegories gramma-ticales lieacutees au verbe est exprimeacutee par des constructions peacuteriphrastiques Lanalyse typologiquede ces constructions peacuteriphrastiques nous sert de base empirique pour proposer une nouvelleapproche de la notion dauxiliaire Nous consideacuterons que dans une perspective typologiquelauxiliaire ne doit pas ecirctre deacutefini comme une cateacutegorie lexicale speacutecifique ni comme une eacutetapedans un chemin de grammaticalisation mais plutocirct comme un eacuteleacutement preacutedicatif autonomeayant une fonction speacutecifique Par ailleurs nous proposons une analyse constructionnelle delorganisation du systegraveme de preacutedication verbale du wolof Nous consideacuterons que les construc-tions verbales du wolof ne forment pas un ensemble non structureacute dentiteacutes indeacutependantes maisplutocirct un systegraveme extrecircmement structureacute (un reacuteseau de constructions) En outre nous montronsque certaines idiosyncrasies apparentes dans le paradigme de conjugaison du wolof peuventsexpliquer agrave la lumiegravere de la diachronie Enfin nous proposons une analyse comparative desconstructions verbales des langues atlantiques afin de deacuteterminer ce qui dans la conjugaison duwolof est issu du proto-atlantique

    Mots cleacutes Wolof Typologie Auxiliaires Peacuteriphrases Grammaticalisation Grammaire de construction

    Verbal Constructions in WolofTowards a Typology of Predication Auxiliation and Periphrasis

    This thesis is a study of Wolof verbal constructions in a typological perspective Based onavailable descriptions of Wolof verbal conjugation I first provide a summary of the system ofverbal predication in the light of the typological literature Contrary to what is observed inmany languages most Wolof verbal categories are expressed periphrastically The typologicalanalysis of these periphrastic constructions provides us with the empirical basis to propose anew approach to the notion of ldquoauxiliaryrdquo I argue that auxiliaries should not be cross-linguisti-cally defined as items belonging to a specific lexical class or as items on a grammaticalisationpath but rather as autonomous predicative elements with a specific function In addition I pro-pose a constructional analysis of the organisation of the verbal predication system of WolofThe entirety of Wolof verbal constructions is not assumed to form an unstructured set of inde-pendent entities but it is instead taken to constitute a highly structured system (a network ofconstructions) Furthermore some apparent idiosyncrasies in the conjugation paradigm ofWolof can be explained from a diachronic point of view Finally I provide a comparative analy-sis of verbal constructions in Atlantic languages in order to determine which elements of theWolof conjugation are inherited from Proto-Atlantic

    Keywords Wolof Typology Auxiliaries Periphrasis Grammaticalization Construction Grammar

    UNIVERSITEacute SORBONNE NOUVELLE - PARIS 3 ED268 - Langage et langues description theacuteorisation transmission Centre Biegravevre - 1 rue Censier 75005 Paris UFR Litteacuterature Linguistique Didactique Institut de Linguistique et Phoneacutetique Geacuteneacuterales et Appliqueacutees

    • Table des figures
    • Liste des tableaux
    • Gloses amp Abreacuteviations
    • Introduction
      • 01 Objectifs
      • 02 Cadre theacuteorique
        • 021 Une approche typologique
          • 0211 Les limites de la dichotomie formalisme-fonctionnalisme
          • 0212 Typologie et modegraveles theacuteoriques
          • 0213 Le problegraveme de la comparabiliteacute translinguistique
          • 0214 Le caractegravere explicatif de la diachronie
            • 022 Une approche constructionnelle
              • 0221 La notion de construction
              • 0222 Le continuum lexico-grammatical
              • 0223 La place des constructions dans la grammaire
              • 0224 Une approche reacutealiste
              • 0225 Les diffeacuterentes theacuteories constructionnelles
                  • 03 Corpus et sources des exemples
                  • 04 La langue wolof
                    • 041 Situation actuelle
                    • 042 Variantes dialectales
                    • 043 Classification
                    • 044 Phonologie
                      • 0441 Le systegraveme phonologique
                      • 0442 La structure syllabique
                      • 0443 Les processus phonologiques
                      • 0444 La prosodie
                      • 0445 Lorthographe
                        • 045 Morphologie
                          • 0451 Lalternance consonantique
                          • 0452 Laffixation
                          • 0453 La conversion
                          • 0454 La reacuteduplication
                          • 0455 La composition
                              • 05 Plan geacuteneacuteral
                                • Partie I Le systegraveme de preacutedication verbale du wolof
                                  • Chapitre 1 - Preacutesentation geacuteneacuterale du systegraveme de preacutedication verbale
                                    • 11 Eacutetat de lart
                                      • 111 Les pionniers les grammaires du XIXe siegravecle
                                      • 112 Le renouveau les travaux fonctionnalistes
                                      • 113 Leacutemergence dune tradition seacuteneacutegalaise
                                      • 114 Existe-t-il une tradition franccedilaise
                                      • 115 La grammaire geacuteneacuterative transformationnelle et la tradition ameacutericaine
                                      • 116 Synthegravese
                                        • 12 Approche typologique de la flexion verbale
                                        • 13 La conjugaison du wolof
                                          • 131 Les constructions preacutedicatives
                                          • 132 Lexpression de la neacutegation
                                          • 133 Lopposition aspectuelle perfectif imperfectif
                                          • 134 Lexpression du passeacute
                                          • 135 Lexpression de la personne et du nombre
                                            • 14 Synthegravese
                                              • Chapitre 2 - Les constructions preacutedicatives
                                                • 21 Les constructions exprimant le parfait
                                                  • 211 Le parfait
                                                  • 212 Le parfait neacutegatif
                                                    • 22 Les constructions exprimant le futur
                                                      • 221 Le futur
                                                      • 222 Le futur neacutegatif
                                                        • 23 Les constructions injonctives
                                                          • 231 Limpeacuteratif
                                                          • 232 Loptatif
                                                          • 233 Le prohibitif
                                                            • 24 Le minimal
                                                              • 241 Un cas probleacutematique
                                                              • 242 Le subjonctif-conseacutecutif
                                                              • 243 Linfinitif
                                                              • 244 Le relatif
                                                              • 245 Le cas des subordonneacutees temporelles et hypotheacutetiques
                                                                • 25 Les constructions focalisantes
                                                                  • 251 La notion de focus
                                                                  • 252 La focalisation du sujet
                                                                  • 253 Le preacutesentatif
                                                                  • 254 La focalisation du compleacutement
                                                                  • 255 La focalisation du verbe
                                                                  • 256 Le statut des constructions focalisantes
                                                                  • 257 Synthegravese
                                                                      • Chapitre 3 - Lexpressiondes autres cateacutegories verbales
                                                                        • 31 La neacutegation
                                                                          • 311 Les constructions neacutegatives syntheacutetiques
                                                                            • 3111 Le parfait neacutegatif
                                                                            • 3112 La neacutegation affixale
                                                                              • 312 Les constructions neacutegatives agrave marqueur preacutedicatif
                                                                                • 3121 Le futur neacutegatif
                                                                                • 3122 Le prohibitif
                                                                                  • 313 La construction neacutegative agrave verbe auxiliaire
                                                                                  • 314 Les constructions neacutegatives agrave copule
                                                                                    • 3141 La copule neacutegative
                                                                                    • 3142 La neacutegation des preacutedicats locatifs
                                                                                      • 315 Synthegravese
                                                                                        • 32 Limperfectif
                                                                                          • 321 Le statut du marqueur dimperfectif
                                                                                          • 322 Les reacutealisations du verbe auxiliaire dimperfectif
                                                                                          • 323 Valeur et emplois du verbe auxiliaire dimperfectif
                                                                                            • 33 Le passeacute
                                                                                              • 331 Le marqueur de passeacute (w)oon
                                                                                              • 332 Le passeacute reculeacute
                                                                                              • 333 Lanteacuterieur ou passeacute relatif
                                                                                              • 334 Passeacute et conditionnel
                                                                                                • 34 La voix
                                                                                                  • Chapitre 4 - La structure argumentale
                                                                                                    • 41 Les arguments et satellites lexicaux
                                                                                                      • 411 Le sujet lexical
                                                                                                      • 412 Lobjet lexical
                                                                                                      • 413 Le satellite lexical
                                                                                                        • 42 Les arguments pronominaux
                                                                                                          • 421 Les pronoms forts
                                                                                                          • 422 Les pronoms sujets
                                                                                                          • 423 Les pronoms objets
                                                                                                            • 43 La voix impersonnelle
                                                                                                            • 44 Les schegravemes de preacutedications verbales
                                                                                                              • Conclusion de la Partie I
                                                                                                                • Partie II Les peacuteriphrases verbales du wolof analyse et enjeux typologiques
                                                                                                                  • Chapitre 5 - Les peacuteriphrases verbales du wolof
                                                                                                                    • 51 Les constructions agrave marqueur preacutedicatif du wolof
                                                                                                                      • 511 Deacuteterminer le statut morphosyntaxique des constructions agrave MP
                                                                                                                      • 512 Les critegraveres phonologiques
                                                                                                                        • 5121 La place de laccent lexical
                                                                                                                        • 5122 La direction de lattachement phonologique
                                                                                                                        • 5123 Les pauses
                                                                                                                          • 513 Les critegraveres morphologiques
                                                                                                                            • 5131 La deacuterivation verbale
                                                                                                                            • 5132 La seacuteparabiliteacute des membres du preacutedicat
                                                                                                                            • 5133 Les preacutedicats non verbaux
                                                                                                                            • 5134 Les lacunes arbitraires
                                                                                                                            • 5135 Les idiosyncrasies morphophonologiques
                                                                                                                              • 514 Les critegraveres seacutemantiques
                                                                                                                                • 5141 La formation dun preacutedicat seacutemantique
                                                                                                                                • 5142 La compositionnaliteacute seacutemantique
                                                                                                                                  • 515 Le cas du parfait
                                                                                                                                  • 516 Synthegravese
                                                                                                                                    • 52 La diversiteacute des peacuteriphrases verbales du wolof
                                                                                                                                      • 521 La notion de peacuteriphrase flexionnelle
                                                                                                                                      • 522 Inventaire des peacuteriphrases verbales du wolof
                                                                                                                                      • 523 Typologie des peacuteriphrases verbales du wolof
                                                                                                                                        • 5231 Degreacute de coheacutesion morphosyntaxique
                                                                                                                                        • 5232 Inteacutegration au paradigme flexionnel
                                                                                                                                        • 5233 Les critegraveres de la typologie canonique
                                                                                                                                          • 524 Synthegravese
                                                                                                                                              • Chapitre 6 - Des constructions agrave auxiliaires
                                                                                                                                                • 61 La cateacutegorie laquo auxiliaire raquo
                                                                                                                                                  • 611 Deacutefinition cateacutegorielle
                                                                                                                                                  • 612 Deacutefinition fonctionnelle
                                                                                                                                                  • 613 Deacutefinition panchronique
                                                                                                                                                    • 62 Pour une nouvelle approche typologique des auxiliaires
                                                                                                                                                      • 621 Le poids des traditions
                                                                                                                                                      • 622 Les limites de la deacutefinition panchronique
                                                                                                                                                      • 623 Typologie des auxiliaires
                                                                                                                                                        • 63 Les constructions agrave auxiliaire du wolof
                                                                                                                                                          • 631 Selon la deacutefinition panchronique
                                                                                                                                                          • 632 Selon la deacutefinition fonctionnelle
                                                                                                                                                              • Chapitre 7 - La tecircte des constructions agrave auxiliaire du wolof
                                                                                                                                                                • 71 Le concept de laquo tecircte raquo
                                                                                                                                                                • 72 La typologie des patrons flexionnels
                                                                                                                                                                • 73 Les patrons flexionnels du wolof
                                                                                                                                                                  • Chapitre 8 - Typologie verbale du wolof
                                                                                                                                                                    • 81 Les verbes pleins
                                                                                                                                                                    • 82 Les verbes cateacutenatifs
                                                                                                                                                                    • 83 Les verbes semi-auxiliaires
                                                                                                                                                                    • 84 Les verbes auxiliaires
                                                                                                                                                                    • 85 Les marqueurs preacutedicatifs
                                                                                                                                                                    • 86 Les relativiseurs
                                                                                                                                                                    • 87 Compleacutementeur et quotatif
                                                                                                                                                                    • 88 Synthegravese
                                                                                                                                                                      • Chapitre 9 - Typologie des marqueurs preacutedicatifs
                                                                                                                                                                        • 91 Problegravemes terminologiques
                                                                                                                                                                        • 92 La typologie des seacutelecteurs de Mous (2005)
                                                                                                                                                                        • 93 Eacutebauche dune typologie des marqueurs preacutedicatifs
                                                                                                                                                                          • 931 Organisation
                                                                                                                                                                          • 932 Neacutecessiteacute
                                                                                                                                                                          • 933 Cateacutegories exprimeacutees
                                                                                                                                                                          • 934 Position
                                                                                                                                                                          • 935 Forme
                                                                                                                                                                          • 936 Statut morphosyntaxique
                                                                                                                                                                          • 937 Origine
                                                                                                                                                                            • 94 Les marqueurs preacutedicatifs du wolof
                                                                                                                                                                              • Conclusion de la Partie II
                                                                                                                                                                                • Partie III Lorganisation du systegravemede preacutedication verbaledu wolof
                                                                                                                                                                                  • Chapitre 10 - Approche constructionnelle de larchitecture des langues
                                                                                                                                                                                    • 101 Repreacutesentation des constructions
                                                                                                                                                                                    • 102 Les principes cognitifs
                                                                                                                                                                                    • 103 Les liens dheacuteritage entre les constructions
                                                                                                                                                                                    • 104 Larchitecture de la langue
                                                                                                                                                                                    • 105 Liens diachroniques et restructuration du reacuteseau
                                                                                                                                                                                      • Chapitre 11 - Les constructions agrave verbe auxiliaire
                                                                                                                                                                                        • 111 La Construction agrave Verbe Auxiliaire
                                                                                                                                                                                        • 112 La Construction Neacutegation agrave Verbe Auxiliaire
                                                                                                                                                                                        • 113 La Construction Imperfectif
                                                                                                                                                                                        • 114 La Construction Focalisation du Verbe
                                                                                                                                                                                          • 1141 Caracteacuteristiques formelles
                                                                                                                                                                                            • 11411 Structure de la construction
                                                                                                                                                                                            • 11412 Forme du MP
                                                                                                                                                                                              • 1142 Analyse de la construction
                                                                                                                                                                                                • 11421 Hypothegravese laquo da-fa raquo
                                                                                                                                                                                                • 11422 Hypothegravese laquo def-a raquo
                                                                                                                                                                                                  • 1143 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                    • 115 La Construction Passeacute Clitique
                                                                                                                                                                                                    • 116 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                      • Chapitre 12 - Les constructions agrave extraction
                                                                                                                                                                                                        • 121 La Construction Extraction
                                                                                                                                                                                                        • 122 La Construction Focalisation du Sujet
                                                                                                                                                                                                        • 123 La Construction Preacutesentatif
                                                                                                                                                                                                          • 1231 Caracteacuteristiques formelles et variations du MP
                                                                                                                                                                                                          • 1232 Un heacuteritage geacuteneacutetique
                                                                                                                                                                                                          • 1233 Hypothegravese de grammaticalisation
                                                                                                                                                                                                          • 1234 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                            • 124 La Construction Focalisation du Compleacutement
                                                                                                                                                                                                            • 125 La Construction Relatif
                                                                                                                                                                                                            • 126 Les Constructions Temporelle et Hypotheacutetique
                                                                                                                                                                                                            • 127 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                              • Chapitre 13 - La polygrammaticalisation de lsquonarsquo
                                                                                                                                                                                                                • 131 Problegravemes dans lanalyse du marqueur preacutedicatif lsquonarsquo
                                                                                                                                                                                                                • 132 De la Focalisation du Verbe au Parfait
                                                                                                                                                                                                                  • 1321 Analogie des formes des marqueurs preacutedicatifs
                                                                                                                                                                                                                  • 1322 Identiteacute des paradigmes
                                                                                                                                                                                                                  • 1323 Alignement syntaxique
                                                                                                                                                                                                                  • 1324 Un processus de geacuteneacuteralisation seacutemantique
                                                                                                                                                                                                                    • 133 La Construction Futur
                                                                                                                                                                                                                    • 134 La Construction Optatif
                                                                                                                                                                                                                      • 1341 Les traces dun processus de grammaticalisation
                                                                                                                                                                                                                      • 1342 Les eacutetapes de la grammaticalisations
                                                                                                                                                                                                                      • 1343 Une grammaticalisation induite par le contact avec les langues mandeacute
                                                                                                                                                                                                                      • 1344 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                        • 135 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                          • Chapitre 14 - Les constructions neacutegatives
                                                                                                                                                                                                                            • 141 La Construction Parfait Neacutegatif
                                                                                                                                                                                                                            • 142 La Construction Futur Neacutegatif
                                                                                                                                                                                                                            • 143 La Construction Neacutegation Affixale
                                                                                                                                                                                                                            • 144 La Construction Prohibitif
                                                                                                                                                                                                                              • 1441 Caracteacuteristiques formelles
                                                                                                                                                                                                                              • 1442 Analyse de la construction
                                                                                                                                                                                                                                • 14421 Hypothegravese 1 le marqueur du Prohibitif est issu dun relativiseur
                                                                                                                                                                                                                                • 14422 Hypothegravese 2 le marqueur du Prohibitif est issu dun verbe auxiliaire
                                                                                                                                                                                                                                • 14423 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                                    • 145 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                                      • Chapitre 15 - Inteacutegration et constructions non finies
                                                                                                                                                                                                                                        • 151 Finitude et inteacutegration
                                                                                                                                                                                                                                          • 1511 La notion de laquo finitude raquo
                                                                                                                                                                                                                                          • 1512 Finitude en wolof
                                                                                                                                                                                                                                            • 152 Les constructions agrave extraction
                                                                                                                                                                                                                                            • 153 La Construction Subjonctif-Conseacutecutif
                                                                                                                                                                                                                                            • 154 La Construction Infinitif
                                                                                                                                                                                                                                            • 155 La construction Impeacuteratif
                                                                                                                                                                                                                                            • 156 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                                              • Conclusion de la Partie III
                                                                                                                                                                                                                                                • Partie IV Eacutetude comparative de la preacutedication verbale des langues atlantiques
                                                                                                                                                                                                                                                  • Chapitre 16 - Locatif preacutesentatif et progressif dans les langues atlantiques
                                                                                                                                                                                                                                                    • 161 Structure des constructions
                                                                                                                                                                                                                                                    • 162 Statut du marqueur
                                                                                                                                                                                                                                                    • 163 Forme du marqueur
                                                                                                                                                                                                                                                    • 164 Origine de la construction
                                                                                                                                                                                                                                                      • 1641 Un heacuteritage geacuteneacutetique
                                                                                                                                                                                                                                                      • 1642 Grammaticalisation et hypothegraveses de reconstruction
                                                                                                                                                                                                                                                          • Chapitre 17 - Les autres cateacutegories verbales des langues atlantiques
                                                                                                                                                                                                                                                            • 171 Les marques personnelles
                                                                                                                                                                                                                                                            • 172 Infinitif et nom verbal
                                                                                                                                                                                                                                                            • 173 Le marqueur de passeacute
                                                                                                                                                                                                                                                            • 174 Lexpression de la neacutegation
                                                                                                                                                                                                                                                            • 175 Minimal aoriste narratif et subjonctif
                                                                                                                                                                                                                                                            • 176 Autres distinctions encodeacutees dans la conjugaison
                                                                                                                                                                                                                                                              • 1761 Distinctions aspecto-temporelles
                                                                                                                                                                                                                                                                • 17611 Lopposition perfectif imperfectif
                                                                                                                                                                                                                                                                • 17612 Lhabituel
                                                                                                                                                                                                                                                                • 17613 Le futur
                                                                                                                                                                                                                                                                  • 1762 Formes verbales inteacutegratives marqueacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 17621 Marques dinteacutegration
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 17622 Emplois des formes verbales inteacutegratives marqueacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                      • 1763 Focalisation
                                                                                                                                                                                                                                                                        • 17631 Porteacutee du focus
                                                                                                                                                                                                                                                                        • 17632 Reacutealisation du focus
                                                                                                                                                                                                                                                                          • Chapitre 18 - Les peacuteriphrases verbales des langues atlantiques
                                                                                                                                                                                                                                                                            • 181 Cateacutegories encodeacutees par les constructions agrave auxiliaire
                                                                                                                                                                                                                                                                            • 182 Constructions agrave amalgame auxiliaire-personne
                                                                                                                                                                                                                                                                            • 183 Les patrons flexionnels
                                                                                                                                                                                                                                                                              • 1831 Patron agrave tecircte auxiliaire
                                                                                                                                                                                                                                                                              • 1832 Patron agrave tecircte lexicale
                                                                                                                                                                                                                                                                              • 1833 Patrons scindeacutes
                                                                                                                                                                                                                                                                                • 184 Synthegravese
                                                                                                                                                                                                                                                                                  • Conclusion de la Partie IV
                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Conclusion
                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Bibliographie

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