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RAPPORT DE STAGE
Présenté par : Lisa CHÊNERIE
Dans le cadre de la dominante d’approfondissement : PISTv (Produire et Innover dans les
Systèmes Techniques végétaux)
Stage effectué du 07/03/2018 au 24/08/2018
Au Bureau de l’Eau, des Sols et de l’Economie Circulaire – Direction Générale de la
Performance économique et environnementale des Entreprises – Ministère de l’Agriculture et
de l’Alimentation
Prise en compte des enjeux économiques des filières agricoles dans
les actions de protection des captages d'eau potable contre les
pollutions diffuses
Pour l’obtention du :
DIPLÔME D’INGÉNIEUR AGROPARISTECH
Enseignant-tuteur responsable de stage : Joël Priolon
Maître de stage : Pauline Buchheit
Soutenu le 27/09/2018
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Synthèse
Suite à un bilan mitigé établi en 2014 par le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et
des espaces ruraux (CGAAER) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable
(CGEDD) sur l’efficacité des politiques pour la protection des captages d’eau potable contre les
pollutions diffuses, les ministères en charge de l'agriculture, de l'environnement et de la santé ont lancé
une réflexion nationale sur la politique « captages » associant les différents acteurs concernés (services
de l’État, établissements publics, collectivités territoriales, représentants du monde agricole, acteurs
économiques des filières au niveau national, acteurs de la gestion de l’eau). À la suite d'ateliers organisés
en 2016, une feuille de route nationale sur la protection des captages a été adoptée en février 2018, et
sera publiée sous la forme d'une instruction du gouvernement et d'une note technique.
Ce rapport est issu d’un travail portant sur la prise en compte des enjeux économiques des filières
agricoles dans les actions de protection des captages d'eau potable contre les pollutions diffuses
d’origine agricole, qui s'inscrit dans le volet « Filières et développement économique » de la feuille de
route « captages ».
Afin de pérenniser les démarches de protection des captages, il est désormais nécessaire de faire
converger les objectifs de protection de la ressource en eau et de développement économique des filières
agricoles.
Mais si cette convergence est nécessaire, elle est également difficile à mettre en œuvre. En effet,
depuis les années 1950, la spécialisation des territoires dans des productions agricoles majoritaires et la
structuration des filières autour d’acteurs et d’infrastructures de plus en plus concentrés et éloignés des
territoires, a contribué à la déconnexion des trajectoires de développement économique des filières avec
les enjeux environnementaux très liés au niveau local, comme les enjeux de protection de l’eau. Les
structures organisationnelles actuelles des filières constituent donc un verrou à l’intégration des enjeux
de protection de l’eau dans le développement économique de ces filières.
Les enjeux de protection des captages étant très localisés, il apparaît donc intéressant de travailler
sur le développement de filières localisées au niveau de ces zones à enjeu « eau ». Trois exemples de
filières compatibles avec les objectifs de protection des captages sont étudiés dans ce rapport : les
filières en agriculture biologique, les filières dites « à bas niveau d’intrants », et les filières d’élevage
en système herbager. Les cas d’étude sur lesquels s’appuie ce travail mettent en lumière l’existence de
plusieurs structures possibles pour ces filières localisées ou de proximité, selon le nombre
d'intermédiaires existants entre le producteur et le consommateur.
Les filières en circuit court sont intéressantes sur le plan environnemental si les débouchés sont
groupés. Leur développement mérite donc d’être étudié dans les territoires où par exemple, des
débouchés en restauration collective sont possibles.
Dans d’autres territoires, notamment ceux où les surfaces concernées par des enjeux de pollution
de l'eau sont plus étendues, il est intéressant de se pencher sur le développement de filières plus longues,
incluant dans les démarches une plus grande diversité d’acteurs (coopératives, négoces, industries de la
transformation, etc.). En effet, le développement de filières de proximité plus longues est un moyen
3
d’optimiser la logistique mais surtout, est un moyen de contribuer au dynamisme et au développement
économique des territoires.
Au travers d’études de cas, ce rapport présente également les outils à mobiliser pour soutenir le
développement de ces filières. D’une part, la mise en place d’une dynamique de territoire (création d’un
comité de pilotage, définition des relations partenariales entre acteurs, animation d’actions collectives)
apparaît comme une étape essentielle au lancement des actions. L’association avec la recherche semble
aussi être un moyen à ne pas négliger pour faciliter les démarches.
Une période de transition étant souvent associée à des coûts importants (investissement dans du
nouveau matériel, baisse de volumes liée à la nécessité d’un temps d’adaptation au nouveau système de
production, etc.), accompagner financièrement les démarches est essentiel. Les appels à projets lancés
par les agences de l’eau ou des établissements publics comme FranceAgriMer peuvent être mobilisés.
Les paiements pour services environnementaux (PSE) méritent également d’être développés pour
permettre l’accompagnement de ce type de démarches de protection des ressources. Enfin, les cas
étudiés mettent en évidence que des moyens innovants existent pour soutenir financièrement le
développement de filières favorables à la ressource en eau, comme l’utilisation des marchés publics
notamment.
Ce travail s’est appuyé sur une analyse de la littérature existante, tant sur les filières que sur les
démarches de protection des ressources, ainsi que sur des études de cas en Bretagne, en Bourgogne-
Franche-Comté, dans les Hauts-de-France ou encore en Nouvelle-Aquitaine.
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Sommaire
I. Introduction et contexte ................................................................................................................ 8
I.A. Les captages et les pollutions diffuses ........................................................................................................8
I.B. Des coûts élevés de traitement des pollutions diffuses ...............................................................................9
I.C. Nécessité d’une action de long terme sur les filières agricoles .................................................................10
II. Missions et méthodologie de travail .............................................................................................. 12
II.A. Un travail qui s’inscrit dans la feuille de route nationale captages ..........................................................12
II.B. Méthodologie de travail ...........................................................................................................................13
III. Qu’est-ce qu’une filière agricole ? ............................................................................................... 14
III.A. Définitions ..............................................................................................................................................14
III.B. Panorama des acteurs des filières agricoles ............................................................................................14
III.B.1. Les acteurs de l'amont à la production agricole .............................................................................................. 14
III.B.2. Le secteur de la production agricole primaire ................................................................................................. 15
III.B.3. Les acteurs de l’aval à la production agricole ................................................................................................. 16
III.B.4. Des acteurs intervenant à plusieurs niveaux des filières ................................................................................. 16
III.B.5. L’interprofession : un regroupement des acteurs de chaque filière ................................................................. 17
III.C. Des filières spécialisées et concentrées ..................................................................................................18
IV. Quelles filières respectueuses de la ressource en eau développer sur les AAC ? Des exemples.
................................................................................................................................................................ 20
IV.A. L'agriculture biologique .........................................................................................................................20
IV.A.1. Impact de l'agriculture biologique sur la pollution par les pesticides ............................................................. 20
IV.A.2. Impact de l'agriculture biologique sur la pollution par les nitrates ................................................................. 20
IV.A.3. Intérêts économiques de l’agriculture biologique sur les AAC ...................................................................... 21
IV.A.4. Des freins au développement de l'agriculture biologique ............................................................................... 23
IV.B. Les cultures « à bas niveau d'intrants » (BNI) ........................................................................................24
IV.B.1. Impact de quelques cultures BNI sur la pollution par les pesticides ............................................................... 24
IV.B.2. Impact de quelques cultures BNI sur la pollution par les nitrates ................................................................... 24
IV.B.3. Des freins et des leviers socio-économiques pour développer les cultures BNI ............................................. 25
IV.C. Les systèmes d'élevage herbagers ..........................................................................................................27
IV.C.1. Intérêts des systèmes herbagers pour la reconquête de la qualité de l’eau ..................................................... 27
IV.C.2. Intérêts économiques des systèmes herbagers ................................................................................................ 28
V. Différentes structures possibles pour ces filières ......................................................................... 29
V.A. Les filières courtes : diminuer le nombre d’intermédiaires entre producteur et consommateur .............29
V.A.1. Les filières courtes : des intérêts à condition d’une logistique optimisée ........................................................ 29
V.A.2. Les filières courtes : des limites pour étendre les démarches .......................................................................... 30
V.B. Les filières longues : étendre le tissu d’acteurs économiques engagés dans les démarches ....................31
V.B.1. Les filières longues : des intérêts pour étendre la portée des démarches ......................................................... 31
V.B.2. Quelques freins à l'engagement des acteurs des filières longues dans les démarches ...................................... 32
VI. Quels outils pour aider à la structuration de telles filières ? ..................................................... 33
VI.A. Instaurer une dynamique territoriale ......................................................................................................33
5
VI.A.1. Réaliser des diagnostics territoriaux ............................................................................................................... 33
VI.A.2. Mettre en place un comité de pilotage ............................................................................................................ 33
VI.A.3. Définir les relations partenariales entre les acteurs ........................................................................................ 34
VI.A.4. Importance d'une impulsion motrice par le monde agricole ........................................................................... 34
VI.A.5. Importance de l'aspect collectif des démarches .............................................................................................. 35
VI.A.6. Le programme LEADER : un outil pour mettre en place une dynamique territoriale .................................... 35
VI.B. Associer la recherche aux actions ..........................................................................................................35
VI.C. Le rôle essentiel du conseil agricole .......................................................................................................37
VI.D. Accompagner financièrement la structuration de filières favorables à la ressource en eau ...................37
VI.D.1. Rémunérer les services environnementaux : les paiements pour services environnementaux ....................... 37
VI.D.2. Recourir à des aides à l’investissement .......................................................................................................... 38
VI.D.3. Répondre à des appels à projets ou des appels à manifestation d’intérêt ....................................................... 38
VI.E. Étude de la pertinence de lancer un AMI national..................................................................................41
VI.E.1. Deux formes d’AMI possibles ........................................................................................................................ 41
VI.E.2. La forme recommandée : lancer un AMI pour répertorier les projets déjà existants ...................................... 42
VII. Discussion...................................................................................................................................... 43
VIII. Conclusion et perspectives ......................................................................................................... 44
Bibliographie ........................................................................................................................................ 45
Sitographie ............................................................................................................................................ 47
Annexes ................................................................................................................................................. 49
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Liste des abréviations AAC Aire d’Alimentation de Captage
AAP Appel à Projets
ADEME Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie
AFB Agence Française pour la Biodiversité
AMI Appel à Manifestation d’Intérêt
ANIA Association Nationale des Industries Agro-alimentaires
ANR Agence Nationale de la Recherche
APCA Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture
ASTEE Association Scientifique et Technique pour l'Eau et l'Environnement
BNI Bas Niveau d’Intrants
CASDAR Compte d’Affectation Spéciale pour le Développement Agricole et Rural
CGAAER Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux
CGDD Commissariat Général au Développement Durable
CGEDD Conseil général de l’environnement et du développement durable
COPIL COmité de PILotage
CVO Contribution Volontaire Obligatoire
DEB Direction de l’Eau et de la Biodiversité
DCE Directive Cadre sur l’Eau
DGPE Direction Générale de la Performance économique et environnementale des Entreprises
DGS Direction Générale de la Santé
DTPEA Diagnostic Territorial des Pressions et Émissions Agricoles
ETI Entreprise de Taille Intermédiaire
FEADER Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural
FNA Fédération des Négoces Agricoles
FNAB Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique
FNCCR Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies
GIEE Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental
GNIS Groupement National Interprofessionnel des Semences
GPI Grand Plan d’Investissement
IDEA Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles
IFT Indice de Fréquence de Traitement
INRA Institut National de la Recherche Agronomique
INSEE Institut National de la Statistique et des Études Économiques
ITAB Institut Technique de l’Agriculture Biologique
LEADER Liaison Entre Actions de Développement de l’Économie Rurale
LEMA Loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques
MAA Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation
NOTRe Nouvelle Organisation Territoriale de la République
OTEX Orientations Technico-économiques des EXploitations agricoles
PAT Projet Alimentaire Territorial
PDRR Programme de Développement Rural Régional
PEI Partenariat Européen de l’Innovation
PIA Programme d’Investissement d’Avenir
PME Petites et Moyennes Entreprises
PSE Paiements pour Services Environnementaux
SAFER Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural
SAU Surface Agricole Utile
SCOT Schéma de COhérence Territoriale
7
SDAGE Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux
SFP Surface Fourragère Principale
SIEP Syndicat Intercommunal d'Eau Potable
TPE Très Petite Entreprise
UGB Unité Gros Bétail
UNIFA Union Nationale des Industries de la Fertilisation
UTAF Unité de Travail Annuel Familial
VA Valeur Ajoutée
8
I. Introduction et contexte
I.A. Les captages et les pollutions diffuses
La France dispose de plus de 33 000 captages pour l'alimentation en eau potable1, qui sont répartis
de manière inégale sur le territoire national (annexe 1). Le terme « captage » désigne « un ouvrage de
prélèvement exploitant une ressource en eau, que ce soit en surface (prise d'eau en rivière) ou dans le
sous-sol (forage ou puits atteignant un aquifère) »2. Les captages sont gérés au niveau local, par les
communes et les groupements intercommunaux (en gestion directe ou déléguée à un prestataire
extérieur).
96 % des captages sont des captages en eau souterraine qui fournissent 66 % du volume d’eau.
Seulement 4 % des captages sont des prises d’eau superficielle qui fournissent 34 % du volume d’eau.
50 % des captages produisent 2 % du débit total, et moins de 2 % des captages produisent 50 % du débit
total.
L'aire d'alimentation du captage (AAC) correspond à « l’ensemble des surfaces où toute goutte
d’eau tombée au sol est susceptible de parvenir jusqu’au captage, que ce soit par infiltration ou par
ruissellement »3 (annexe 2). La délimitation des AAC a été mise en place dans le cadre de la loi n°2006-
1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA), afin de faciliter la gestion des
pollutions diffuses. La superficie d'une AAC est variable mais d'un ordre de grandeur moyen de
quelques centaines d'hectares4. Il existe une grande diversité d’AAC, selon leur taille, le niveau de
dégradation de la ressource, l’organisation politique et économique du territoire, les activités qui y sont
pratiquées (type d’agriculture, organisation des filières, etc.) (Barataud et al., 2014).
En ce qui concerne la pollution par les nitrates des eaux superficielles, les zones où les
concentrations moyennes sont supérieures à 40 mg/L sont principalement situées dans le Grand Ouest
(anciennes régions Poitou-Charentes, Bretagne, Pays-de-la-Loire). Ces concentrations élevées
s'expliquent par une forte présence d'élevage. Les zones de grandes cultures (anciennes régions Centre,
Haute-Normandie, Île-de-France, Bourgogne, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon) sont également
concernées par des teneurs en nitrates élevées dans les eaux superficielles. Pour les eaux souterraines,
26 % des nappes comprennent des concentrations en nitrates élevées (entre 40 et 50 mg/L) ou très
élevées (> 50 mg/L) en 2014-2015.
Quant aux pesticides, des substances ont été détectées dans 90 % des points de suivi des eaux
superficielles. 70 % des points ont une concentration totale annuelle < 0,5 µg/L mais 1 % a une moyenne
annuelle > 5 µg/L. Les eaux souterraines sont moins touchées que les eaux superficielles, puisqu'on
retrouve des pesticides dans 70 % des points suivis. Les concentrations les plus élevées en pesticides
des eaux superficielles se trouvent dans les zones de grandes cultures.
Entre 1998 et 2008, 4 811 captages ont été abandonnés, dont 20 % en raison des pollutions par les
nitrates et les pesticides (annexe 3), qui sont les principales pollutions diffuses. L'annexe 4 indique la
répartition géographique des causes d'abandon des captages.
1 https://www.eaufrance.fr/repere-ressources-utilisees-pour-la-production-deau-potable 2 https://aires-captages.fr/page/enjeux-autour-des-captages
3 http://www.onema.fr/perimetres-de-protection-et-aire-d-alimentation-de-captage 4 Le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) a publié en 2007 une étude proposant une méthodologie
de délimitation des AAC, destinée aux collectivités maîtres d’ouvrage des études sur les bassins d’alimentation de captage
et aux bureaux d’études, maîtres d’œuvre de ces études (Vernoux et al., 2007).
9
En 2009, la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du
Grenelle de l’environnement, dite « loi Grenelle », prévoit dans son article 27 l’identification des 500
captages les plus menacés, qui sont dénommés « captages Grenelle ». Elle préconise l'adoption de
cultures à bas niveaux d'intrants dans les AAC. La feuille de route pour la transition écologique issue
de la conférence environnementale de 2013 prévoit d'identifier et d'inclure dans les schémas directeurs
d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) 1 000 captages prioritaires (les 500 captages Grenelle
+ 500 captages supplémentaires), et d’élaborer « des plans d’action, pouvant inclure notamment le
développement de l’agriculture biologique et de l’agroécologie, pour garantir la qualité de la ressource
en eau (...). »5.
I.B. Des coûts élevés de traitement des pollutions diffuses
Le commissariat général au développement durable (CGDD) a évalué les coûts de traitement de
l’eau potable depuis 2011 6 (chiffres actualisés en 2014 et 2016), avec notamment l’appui de la
Commission Eau Potable de l’Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement
(ASTEE). Selon l’ASTEE, 2,7 milliards de mètres cubes doivent subir un traitement contre les
pesticides, et 300 millions de mètres cubes d’eau contre les nitrates, afin de respecter les normes de
potabilité chaque année.
Le schéma suivant (figure 1) présente la répartition des coûts pour les différents acteurs générés
par ces pollutions diffuses d’origine agricole. Il ne prend cependant pas en compte les coûts indirects
liés aux pollutions de l’eau par les pesticides, notamment sur la santé des consommateurs.
Les coûts de traitement de l'eau potable révèlent que les méthodes préventives doivent désormais
être privilégiées par rapport aux méthodes curatives. Selon le rapport du Conseil général de
l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de 2016, « il devient urgent d’infléchir
à grande échelle les pratiques agricoles et les systèmes d’exploitations pour atteindre l’objectif du « bon
état chimique » des masses d’eau », et « d’agir à la source ». Ces coûts de traitement peuvent d'ailleurs
parfois être sources de motivation pour les acteurs agricoles7 pour mettre en place des actions de long
terme au niveau des AAC : en Charente-Maritime, sur les AAC du Vivier (Niort) et de La Courance, la
mise en place de l'agriculture biologique a été motivée par l'objectif de ne pas reconstruire d'usine de
traitement « très coûteuse », comme le souligne Frank Michel, adjoint au maire de Niort8. C'est aussi le
cas des captages du Caix dans la Somme : l'augmentation du prix de l'eau potable en cas de construction
d'une usine de traitement a grandement motivé les acteurs agricoles.
5 https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/conference-environnementale 6 http://economie.eaufrance.fr/sites/default/files/etude_79_1367487034.pdf 7 En tant que consommateurs de l’eau potable issue de la même ressource, ou sous l’impulsion d’un transformateur en
aval qui serait un consommateur d’eau potable issue de cette ressource. 8 https://www.devlocalbio.org/wp-content/uploads/2014/06/Fiche-experience-Niort-bassDefBD.pdf
10
Source : CGDD, 2011
Figure 1 : Surcoûts et pertes financiers évalués et attribués aux pollutions agricoles diffuses (hors
impacts sur le tourisme et la santé)
I.C. Nécessité d’une action de long terme sur les filières agricoles
Mettre en place des actions de long terme sur les filières agricoles est un moyen de pérenniser les
démarches de protection de l'eau potable, en faisant converger enjeux environnementaux et enjeux
économiques. Ainsi, allouer l'argent actuellement utilisé pour le traitement de l'eau pour le
développement économique des filières agricoles permettra de rendre l'agriculture davantage viable et
moins dépendante des subventions publiques.
Cette ambition de mobiliser les filières agricoles pour la protection des captages d’eau potable est
relativement récente. En effet, la circulaire du 30 mai 2008 sur la mise en application du décret de 2007
relatif aux zones soumises à contraintes environnementales9 n’évoque pas le développement de filières
dans l’élaboration des plans d’actions. En 2013, la circulaire relative à la protection des 500 captages
9 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006056344&dateTexte=20180719
11
Grenelle préconise de garantir « l’association des acteurs des filières économiques (notamment les
coopératives, négoces, les industries agroalimentaires, les centres de gestion, etc.) ». Le guide
« Protection d’aire d'alimentation de captage en eau potable contre les pollutions liées à l'utilisation de
fertilisants et de pesticides » publié en 2013 par les ministères en charge de l’environnement et de
l’agriculture précise que « l’intervention d’opérateurs économiques de filières (coopératives et négoces)
n'est pas à négliger et peut également être intéressante du fait de leur rôle fréquent dans le conseil
technique, de la possibilité de concevoir des actions collectives, et de la possibilité d'établir des contrats
d’approvisionnement incluant des clauses environnementales ». Les actions sur les filières en faveur de
l'eau qui sont les plus mobilisées dans les politiques publiques de ces dernières années concernent le
développement de l’agriculture biologique. C’est d'ailleurs ce que préconise la feuille de route issues
de la conférence environnementale de 2013, ainsi que le Plan Ambition Bio de 2017 (qui intègre la prise
en compte des enjeux « eau »).
Il s'agit désormais de faire converger les objectifs de développement économique des territoires
avec les objectifs de protection de la ressource en eau. Cette convergence doit se faire à plusieurs
niveaux. Un premier levier à mobiliser concerne la gouvernance de ces deux compétences : un travail
conjoint des services publics compétents en matière de gestion de l'eau et de ceux compétents en matière
de développement économique peut être intéressant. D'ailleurs, la compétence de développement
économique a été renforcée au niveau local (principalement en région mais également dans les
intercommunalités) avec la loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation
territoriale de la République, dite loi NOTRe. La gestion de l'eau potable étant une compétence gérée
au niveau local, la décentralisation de la compétence de développement économique peut être une
opportunité pour favoriser la convergence des objectifs de développement économique et des objectifs
environnementaux. En effet, les récentes réformes sont souvent associées à la création de nouveaux
métiers ou encore à la réorganisation de services et il semblerait intéressant de profiter de ces évolutions
pour créer/renforcer les liens entre compétences.
12
II. Missions et méthodologie de travail
II.A. Un travail qui s’inscrit dans la feuille de route nationale captages
La politique « captages » s'inscrit dans la continuité des politiques de protection de la ressource en
eau lancées depuis les années 1970. La directive 98/83/CE, dite directive eau potable, actuellement en
cours de révision, fixe une concentration en nitrates < 50 mg/L et en pesticides < 0,1 µg/L pour chaque
substance, avec une somme < 0,5 µg/L. La directive 2000/60/CE dite directive cadre sur l'eau (DCE)
fixe l'objectif d’un « bon état écologique et chimique » des masses d'eaux superficielles et un « bon état
chimique et quantitatif » des masses d'eaux souterraines. En ce qui concerne les captages, la DCE exige
un recensement de toutes les masses d’eau utilisées destinées à l’alimentation en eau potable (> 10
m3/jour ou 50 personnes) ainsi que la réduction des traitements curatifs. La LEMA de 2006 renforce la
politique de protection des captages contre les pollutions diffuses.
Une réflexion autour de cette politique a été lancée en 2016 par les ministères en charge de
l'agriculture (Direction Générale de la Performance économique et environnementale des Entreprises –
DGPE), de l'écologie (Direction de l’Eau et de la Biodiversité – DEB) et de la santé (Direction Générale
de la Santé – DGS), suite à un bilan 10 mitigé établi par le CGAAER et le Conseil général de
l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur l'efficacité des politiques de protection des
captages. En effet, bien que la DCE impose, sans dérogation possible, que toutes les masses d’eau
utilisées pour le captage d’eau potable respectent les normes de qualité, 8,5 % des captages en France
dépassent l’un ou l’autre des critères (teneur en nitrates ou en pesticides). Les parties prenantes ont été
associées à ces réflexions à travers l’organisation d’une série d'ateliers qui ont réuni les trois directions
des ministères, des services de l’État, des établissements publics, des représentants du monde agricole,
des acteurs économiques des filières au niveau national, des acteurs de la gestion de l’eau. Les thèmes
abordés lors de ces ateliers étaient les suivants :
- Gouvernance et projet territorial,
- Place des sciences humaines et sociales,
- Filières et développement économique,
- Efficacité des plans d’actions,
- Grandes aires d’alimentation de captages,
- Outils fonciers,
- Outils réglementaires.
A la suite de ces ateliers, une feuille de route nationale sur la protection des captages a été adoptée
en février 2018. Cette feuille de route sera déclinée en trois documents : une instruction au
gouvernement et une note technique aux services déconcentrés pour les actions de court terme, ainsi
qu'un plan d'actions pour les actions de moyen et de long terme.
Le travail présenté dans ce rapport fait suite aux éléments abordés lors de l’atelier « Filières et
développement économique » et s'inscrit dans le cadre du plan d'actions à moyen et long terme. Il vise
à répondre à une partie des missions sur lesquelles s’est engagée la DGPE dans la feuille de route, à
savoir la compilation de connaissances sur les filières agricoles en général (acteurs, organisation) et les
actions envisageables sur ces filières pour la reconquête de la qualité de l’eau des captages vis-à-vis des
10 http://agriculture.gouv.fr/pour-une-meilleure-efficacite-du-dispositif-de-protection-des-aires-de-captage-deau-potable
13
pollutions diffuses (nitrates et pesticides), ainsi que le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt
(AMI) national sur « agriculture, filière et captages » dans le but « d'identifier des projets intéressants »
et les mécanismes de financement déjà existants. Les filières ciblées dans la politique « captages » sont
à la fois les filières de production en elles-mêmes mais aussi les secteurs amont (conseil, agro-fourniture)
et aval (transformation, commercialisation) à la production agricole.
Après une courte description de ce qu’est une filière et des acteurs qui la composent, ce rapport
tentera donc de répondre à plusieurs interrogations :
Quels freins à la convergence des ambitions de développement économique de filières et de
protection de la ressource en eau existent au sein des territoires ? Quelles filières compatibles avec
la protection de l'eau peuvent être développées sur les AAC ? Quelles structures semblent les plus
appropriées pour ces filières ? Quels outils les acteurs publics peuvent-ils mobiliser pour aider à
la structuration de ces filières ?
II.B. Méthodologie de travail
Ce travail s'est appuyé sur une étude bibliographique et des entretiens d'acteurs nationaux et locaux.
En s'appuyant sur la littérature scientifique ainsi que sur des documents publiés par des instances
nationales ou des acteurs locaux, l'étude bibliographique a permis :
- de répertorier les actions sur les filières déjà envisagées pour protéger la ressource en eau,
- de mettre en évidence les acteurs clés impliqués dans les démarches,
- d'identifier les expériences déjà réalisées ou en cours de réalisation au niveau local.
Afin de compléter l'étude bibliographique, des échanges ont été effectués avec des acteurs, aussi
bien au niveau national que local : agents de la DGPE et des services déconcentrés de l’État, têtes de
réseaux nationaux, acteurs des entreprises agro-alimentaires, agences de l’eau, acteurs locaux (l’annexe
5 précise les personnes contactées/rencontrées et l’annexe 9 présente les localisations géographiques
des différents cas étudiés), dans le cadre d'entretiens ou de réunions, mais également à travers la
participation aux événements suivants :
- le séminaire « Collectifs Locaux d'Agriculteurs » (Arras, 3 avril 2018)
- le séminaire « Eau et agriculture, des enjeux partagés » (Fontainebleau, 18 mai 2018),
- le colloque de restitution projet de recherche ANR11 Legitimes (Paris, 10 juillet 2018).
Les entretiens réalisés auprès des têtes de réseaux au niveau national avaient pour but de collecter
des informations générales sur l'implication des différents organismes dans les actions (par exemple, les
coopératives avec Coop de France, les chambres d'agriculture avec l’Assemblée Permanente des
Chambres d’Agriculture (APCA), etc.). Les entretiens avec des acteurs locaux visaient à obtenir des
retours d'expérience, afin de mettre en lumière les freins rencontrés au niveau local dans la mise en
œuvre des actions, ainsi que les leviers mobilisés pour contourner ces freins. Certaines expériences
locales sont bien documentées dans la littérature et n'ont pas nécessité d'être complémentées par des
entretiens. C'est par exemple le cas de Vittel, auquel fait parfois référence ce rapport.
11 ANR : Agence Nationale de la Recherche
14
III. Qu’est-ce qu’une filière agricole ?
III.A. Définitions
L'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) définit une filière comme
« l'ensemble des activités complémentaires qui concourent, d'amont en aval, à la réalisation d'un produit
fini »12 . D'après une définition du Ministère de l’Économie et des Finances de 2014, la « filière
alimentaire regroupe les entreprises allant de l’amont agricole à la distribution, en passant par le
commerce de détail et l’artisanat alimentaire, les entreprises de négoce, les coopératives agricoles et
agroalimentaires, la restauration collective et les industries alimentaires y compris les entreprises et
acteurs de l’agriculture biologique. Le cœur de filière est constitué des entreprises de transformation
alimentaire (coopératives, industries, artisanat) »13.
L'amont d'une filière désigne les maillons proches de la matière première. L'aval d'une filière
désigne les maillons proches du produit fini. Le produit fini d'une filière peut être la matière première
d'une autre filière. Parler de filière nécessite donc de définir au préalable le périmètre considéré.
Dans la politique « captages », le terme « filière » désigne à la fois les filières de production en
elles-mêmes mais aussi les secteurs en amont et en aval de la production agricole (conseil, agro-
fourniture, transformation, etc.).
Pour plus d’informations sur les filières, la Fédération nationale des collectivités concédantes et
régies (FNCCR) a publié un rapport de synthèse sur les filières agricoles, à destination des collectivités
en charge des services publics d’eau14.
III.B. Panorama des acteurs des filières agricoles
III.B.1. Les acteurs de l'amont à la production agricole
Le secteur des semences 15:
L’interprofession (définition en III.B.5.) des semences est le GNIS (Groupement National
Interprofessionnel des Semences). Elle représente l'ensemble des professionnels du secteur des
semences : entreprises de création variétale, agriculteurs multiplicateurs, entreprises de production et
de distribution de semences.
- Les entreprises de création variétale :
Il existe 70 entreprises de création variétale en France, qui créent plus de 500 variétés par an, sous
la forme de semences de première génération. Ces entreprises sont principalement des très petites
entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) et leurs activités sont essentiellement
tournées vers la recherche et développement, qui représente 13 % de leur chiffre d'affaire (contre 2 %
en moyenne pour les entreprises françaises).
- Les agriculteurs multiplicateurs :
12 https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1734 13 https://www.entreprises.gouv.fr/secteurs-professionnels/7160 14 http://www.fnccr.asso.fr/article/filieres-agricoles-les-comprendre-pour-mieux-les-mobiliser/ 15 http://www.gnis.fr/acteurs-filiere-semences/
15
Les 19 000 agriculteurs multiplicateurs multiplient les semences de première génération produites
par les entreprises de création variétale. Cette activité est concentrée dans le centre-pays de Loire, le
Nord-bassin parisien, le Sud-Ouest, le pourtour méditerranéen et le couloir Rhodanien et se répartit sur
plus de 380 000 hectares (environ 1,4 % de la SAU16).
- Les entreprises de production et de distribution de semences :
Les entreprises de production et de distribution de semences, principalement des coopératives et
négoces de toute taille, passent des contrats de production avec les agriculteurs multiplicateurs. Après
multiplication des semences, celles-ci sont collectées, nettoyées, traitées, conditionnées et
commercialisées par les 246 entreprises de production présentes sur le territoire français.
Le secteur de la protection des cultures et de la fertilisation :
- Les entreprises de fabrication de produits phytosanitaires :
Elles sont représentées par l'Union des industries de la protection des plantes, qui regroupe 22
professionnels du secteur, soit 95 % du marché des produits phytosanitaires en agriculture et qui
correspond à 5 500 salariés. Ces entreprises sont de toutes tailles et fabriquent divers types de
produits phytosanitaires : produits de synthèse, produits de biocontrôle17, produits d’origine minérale,
comme le cuivre et le souffre (utilisés notamment en agriculture biologique).
- Les entreprises de fabrication d'engrais :
Les entreprises du secteur de la fertilisation, également de toute taille, sont représentées par l'Union
des industries de la fertilisation (UNIFA) en France et en Europe, qui regroupe 50 professionnels.
III.B.2. Le secteur de la production agricole primaire
La réglementation européenne18 définit la production agricole primaire comme « la production de
produits du sol et de l’élevage […], sans exercer d’autre opération modifiant la nature de ces produits ».
Les types de production en France varient selon les régions. Les grandes cultures se concentrent
principalement en niveau des anciennes régions limitrophes de l'Île-de-France. L'élevage se trouve
essentiellement en Bretagne (avicole, porcin et bovin) et dans les zones montagneuses. La carte du
recensement agricole 2010 (Orientations technico-économiques des exploitations agricoles – Otex), en
annexe 6 présente la répartition des différentes productions sur le territoire français.
Le nombre d'exploitants agricoles était de 885 400 en 201519 (chefs d’exploitation, conjoints,
salariés permanents). Cette population agricole connaît un enjeu majeur de vieillissement (38 % des
actifs agricoles dirigeants ont plus de 55 ans en 201320). Le nombre d'exploitations agricoles en France
est de 451 606, soit 59 % de moins qu'en 1988. Les exploitations agricoles ont une surface moyenne de
61 hectares, mais cette surface moyenne varie avec le type de production (87 hectares pour la production
16 SAU : Surface Agricole Utile 17 Biocontrôle : « ensemble de méthodes de protection des végétaux basé sur l’utilisation de mécanismes naturels »
(Source : MAA) 18 Règlement (UE) n°702/2014 déclarant certaines catégories d'aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les
zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du TFUE 19 Données Agreste 2017 20 Données Agreste 2017
16
de blé, une dizaine pour les cultures maraîchères).
III.B.3. Les acteurs de l’aval à la production agricole
- Les entreprises de la transformation :
Le chiffre d'affaire réalisé par l'industrie agroalimentaire en France en 2016 est de 172 milliards
d’euros21 et ce secteur emploie 427 213 personnes, ce qui en fait le premier secteur industriel français.
Les 16 218 entreprises agroalimentaires françaises sont à 98 % des PME22. Deux tiers du chiffre
d'affaire de l'industrie agroalimentaire seraient réalisés par moins de 10 % des entreprises, ce qui en fait
un secteur très concentré23.
Les entreprises de transformation sont représentées par l’Association Nationale des Industries
Agro-alimentaires (ANIA).
- Les entreprises de la distribution :
Le secteur de la distribution est également très concentré puisque 92,5 % du marché de
l'agroalimentaire sont détenus par quatre centrales d'achats 24 . Plus de 50 enseignes (entreprises
alimentaires de toute taille) sont représentées par la Fédération du Commerce et de la Distribution.
III.B.4. Des acteurs intervenant à plusieurs niveaux des filières
- Les chambres d'agriculture :
Les chambres d'agriculture sont des établissements publics, créées par la loi du 3 janvier 1924 et
présentes au niveau départemental, régional et national25. Elles sont composées de deux parties : une
partie politique, composée d'élus agricoles appartenant à un syndicat agricole (au nombre de 4 200 en
France), et une partie technique, composée d'ingénieurs et techniciens (8 000 employés en France). Les
chambres d'agriculture sont dirigées par des élus.
Le rôle des chambres d'agriculture est défini par le Code rural, et a été amendé par la loi n°2014-
1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Les chambres
d'agriculture sont des organismes de consultation qui représentent les intérêts du monde agricole et rural
auprès de l’État, des collectivités territoriales, des instances nationales et européennes26. Elles ont aussi
un rôle de conseil, d'expertise et de formation auprès des acteurs du monde agricole, et visent à
accompagner les exploitations agricoles dans l'atteinte de leurs objectifs de performance économique,
environnementale et sociale, en soutenant l'innovation, le développement de l'emploi sur les territoires,
et en favorisant la cohésion entre acteurs du monde rural.
Les chambres sont composées d'une assemblée élue par la profession agricole. L'assemblée vote le
budget et décide des informations à transmettre aux autorités publiques, élit un bureau et un Président,
qui est le représentant permanent et exécutif de la chambre.
L’échelon national des chambres d’agriculture est l’APCA.
21 Source : ANIA 22 Source : Agreste 23 Source : Bureau d’Etudes BASIC 24 Source : ANIA 25 https://chambres-agriculture.fr/chambres-dagriculture/nous-connaitre/le-reseau-des-chambres-dagriculture/ 26 http://www.haut-rhin.chambagri.fr/fileadmin/documents_ca68/Cahiers_1.pdf
17
- Les coopératives agricoles :
Les coopératives ont des rôles à plusieurs niveaux des filières agricoles (amont à la production,
production et aval à la production) :
- Au niveau de la production : la mise en commun d'outils de production (semis, récolte, etc.),
l’accompagnement technique de ses adhérents,
- Au niveau de l'amont à la production : l'approvisionnement des agriculteurs en intrants
(produits phytosanitaires et fertilisants),
- Au niveau de l'aval à la production : la collecte, le stockage, la transformation, la
commercialisation de la production de ses adhérents.
Le statut des coopératives agricoles est « sui generis », c'est à dire ni civil, ni commercial. Les
coopératives sont créées par des agriculteurs et sont fondées sur plusieurs principes :
- Une gestion démocratique : « un homme une voix », quel que soit la part de capital social que
détient l'adhérent,
- L'exclusivisme : la coopérative ne peut faire des opérations qu'avec ses adhérents (possibilités
avec les non-adhérents dans la limite de 20 % du chiffre d'affaire),
- L'a-capitalisme : en cas de résultat positif pour la coopérative, les adhérents peuvent recevoir
des ristournes au prorata du chiffre d'affaire issu de leurs opérations avec la coopérative. Le
reste peut former les réserves de la coopérative, c'est à dire les fonds propres de la coopérative.
Les coopératives françaises sont représentées par Coop de France au niveau national.
- Les négoces agricoles :
Les négoces agricoles, comme les coopératives, interviennent à plusieurs niveaux des filières
agricoles (approvisionnement en intrants, matériel, stockage, transformation, commercialisation, etc.).
Les entreprises de négoce agricole sont regroupées au sein de la Fédération des Négoces Agricoles
(FNA).
III.B.5. L’interprofession : un regroupement des acteurs de chaque filière
Les interprofessions ont été créées en 1964, et ont évolué depuis 1975 avec les lois d'orientation
agricole27. Il s'agit de personnes morales de droit privé, souvent des associations régies par la loi 190128.
Dans le secteur agricole et agroalimentaire, les interprofessions sont des organisations rassemblant les
agriculteurs individuels ou les groupements d'agriculteurs, les négociants, les transformateurs, les
distributeurs et les exportateurs et dans certains cas des fournisseurs de services de soutien ou encore
des organismes gouvernementaux (Shepherd et al, 2009).
Les interprofessions sont financées principalement par la contribution volontaire obligatoire29
(CVO) des professionnels du secteur concerné. Cette cotisation est dite volontaire car son montant est
décidé, librement ou à l'unanimité, par les membres de l'interprofession eux-mêmes. Elle est dite
obligatoire car cette contribution est exigée pour tous les professionnels de l'interprofession dès lors que
l’interprofession demande l’homologation de l’accord instituant la cotisation interprofessionnelle.
27 http://www.cliaa.com/pagec.php?key=2 28 http://agriculture.gouv.fr/organisation-economique-interprofessions 29 http://www.filiere-laitiere.fr/sites/default/files/medias/documents/quest-ce_que_la_cvo.pdf
18
Source : L. Chênerie
Figure 2 : Schéma-bilan : organisation générale des filières
III.C. Des filières spécialisées et concentrées
Le secteur de la production en France est fortement spécialisé, tant dans le temps que dans l'espace.
En effet, le développement des intrants agricoles de synthèse et les progrès en mécanisation réalisés
pendant la deuxième moitié du XXème siècle ont amené à modifier en profondeur les modes de
production, avec l’objectif d'augmenter la productivité par hectare et par travailleur et de faire des
économies d'échelle. La diversité des cultures par exploitation a ainsi fortement diminué (figure 3).
Figure 3 : Evolution de la diversité des assolements en France entre 1970 et 2000
19
En effet, sur la moyenne 2006-2009, 59 % de la sole française est composée de céréales ; 19 % de
prairies temporaires (annexe 7). Plus de 50 % des exploitations agricoles possèdent moins de 4 cultures,
et même pour celles qui possèdent plus de 4 cultures, elles sont dominées par 2 ou 3 cultures (Fuzeau
et al, 2012). La dernière réforme de la politique agricole commune (2014) qui a instauré les mesures de
verdissement (« paiement vert », prairies permanentes, surfaces d’intérêt écologique et diversité des
assolements), pourrait avoir un impact sur la diversité des assolements sur le territoire national. Le
rapport de la Cour des Comptes européenne « Le verdissement : complexité accrue du régime d’aide au
revenu et encore aucun bénéfice pour l’environnement » (décembre 2017) montre que les objectifs
assignés à la mise en œuvre du verdissement ne seront pas atteints. En effet, seulement 13 % des
exploitations agricoles européennes auraient adopté des changements de pratiques en vue d’accroître la
diversification des cultures.
Ainsi, cette spécialisation de la production agricole dans l'espace (par grand bassin de production,
défini pour une production majoritaire) et dans le temps (diminution des rotations) a mené à une
structuration selon la logique de la théorie des avantages comparatifs, théorie selon laquelle un territoire
a intérêt à se spécialiser dans le secteur pour lequel il est plus productif que les autres, en fonction du
contexte pédoclimatique, de ses infrastructures, des outils de transformation dont il dispose, etc. Pour
optimiser le développement économique, les filières agro-alimentaires se sont organisées autour
d'acteurs et d'infrastructures de plus en plus concentrés et les centres de décisions des entreprises de ces
filières se sont ainsi éloignés du niveau local.
Cette absence d'ancrage des acteurs des filières dans les territoires est donc un frein à la mise en
place de partenariats entre ces acteurs économiques et les acteurs locaux (Persais, 2013), et donc à la
mise en place de filières favorables à la ressource en eau puisque, comme évoqué dans l’introduction,
la gestion de la qualité de l’eau potable est, elle, très ancrée au niveau local.
20
IV. Quelles filières respectueuses de la ressource en eau développer sur les AAC ?
Des exemples.
Développer des filières compatibles avec les objectifs de protection des captages d’eau potable
suppose des modes de production limitant l’utilisation d’intrants (fertilisants et pesticides). Cette partie
présentera trois exemples : les filières en agriculture biologique, les filières dites « à bas niveaux
d’intrants » et enfin, les filières d’élevage herbager.
IV.A. L'agriculture biologique
L’Union européenne définit l’agriculture biologique comme « un système global de gestion
agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré
de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l’application de normes élevées en matière de
bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs à
l’égard des produits obtenus grâce à des substances et des procédés naturels » 30 . L’agriculture
biologique est présentée ici comme une « filière favorable à la ressource en eau ». En effet, l’agriculture
biologique est souvent associée à une organisation de filières particulière : matériel de stockage, outils
de transformation et circuits de distribution spécifiques. Néanmoins, l’agriculture biologique est aussi
un mode de production qui s’applique à différentes filières agricoles.
IV.A.1. Impact de l'agriculture biologique sur la pollution par les pesticides
L’intérêt de l’agriculture biologique pour la lutte contre les pollutions par les pesticides provient
de son cahier des charges31 qui proscrit l'utilisation de produits phytosanitaires de synthèse, mais
également de pratiques souvent associées à ce mode de production non-inscrites dans la réglementation
et qui permettent une régulation naturelle des ravageurs (Vincent, 2013). Ces pratiques relèvent
généralement d'un choix de l'agriculteur mais sont souvent des conditions nécessaires pour limiter les
attaques de ravageurs : par exemple, des rotations longues et plus diversifiées (qui permettent de casser
les cycles de développement des adventices et des ravageurs) l'utilisation de variétés résistantes, ou
encore le recours à un désherbage mécanique (Fuzeau et al, 2012).
IV.A.2. Impact de l'agriculture biologique sur la pollution par les nitrates
Le cahier des charges de l’agriculture biologique proscrit l’utilisation d’engrais de synthèse mais
ne fixe pas de limites quant à l’utilisation d’engrais organiques. En général, comme le montrent
Mondelaers et al. (2009), l’agriculture biologique permet bien de limiter les lessivages de nitrates et
donc la pollution des eaux. En moyenne, ces lessivages peuvent être de 35 à 65 % inférieurs en
comparaison à l’agriculture conventionnelle (Hass et al., 2002 ; Stolze et al., 2000 ; Benoit et al., 2014),
avec des résultats plus mitigés pour les exploitations biologiques en grandes cultures (Institut Technique
30 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32007R0834 31 Règlement (CE) n°834/2007 du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits
biologiques et Règlement (CE) n°889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du
règlement (CE) n°834/2008 en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles, complétés à
l’échelle nationale par des cahiers des charges homologués par arrêtés interministériels.
21
de l’Agriculture Biologique – ITAB, 2016).
L’un des facteurs de diminution de la pollution des eaux par les nitrates en agriculture biologique
est le prix élevé des engrais organiques par rapport à celui des engrais minéraux.
Par ailleurs, comme pour les produits phytosanitaires, les pratiques souvent associées à
l’agriculture biologique limitent les pollutions par les nitrates : par exemple, l'importance des
légumineuses dans les exploitations biologiques (en association de cultures ou en culture de service),
les sols couverts en interculture hivernale, la présence de haies ou de bandes enherbées, un niveau de
chargement animal modéré en élevage (en moyenne 1,13 UGB32/ha de Surface Fourragère Principale
(SFP) contre 1,33 pour un élevage conventionnel33).
IV.A.3. Intérêts économiques de l’agriculture biologique sur les AAC
IV.A.4.a. Pour les agriculteurs
Le développement de l'agriculture biologique dépend (principalement) de l’intérêt économique de
ce mode de production pour les agriculteurs, et il dépend alors fortement de la structuration de filières
en agriculture biologique.
La récente étude publiée en janvier 2018 par Cerfrance Adheo vise à analyser les données
économiques d’une cinquantaine de fermes intégralement en agriculture biologique.
La valeur ajoutée nette de la production (figure 3) :
La valeur ajoutée (VA) correspond au produit brut (valeur des productions finales) auquel on
soustrait la valeur de l'ensemble des biens et services consommés34 . Étudier la valeur ajoutée est
intéressant car elle ne prend pas en compte les subventions publiques. La figure 3 montre que la valeur
ajoutée par hectare des exploitations biologiques est en moyenne supérieure à celle des exploitations
conventionnelles. De plus, la variabilité de la valeur ajoutée selon les années est plus importante pour
les fermes conventionnelles : en 2016, la valeur ajoutée par hectare des fermes conventionnelles est de
262 €/ha contre 781 pour les fermes biologiques.
L'agriculture biologique se démarque donc du conventionnel par une meilleure création de richesse
ainsi que par une meilleure résilience face aux aléas extérieurs, et ce indépendamment des subventions
publiques perçues.
32 UGB : Unité Gros Bétail. Un UGB équivaut à une vache laitière. 33
http://www.bretagne.synagri.com/ca1/PJ.nsf/TECHPJPARCLEF/20042/$File/Comparaison%20bio%20et%20conve
ntionnel%20une%20%C3%A9tude%20nationale%20Cedabio%202%20-%20367.pdf?OpenElement 34 http://agriculture.gouv.fr/changement-de-paradigme-et-creation-de-valeur-ajoutee-en-agriculture-le-cas-des-
systemes-bovins La valeur de l'ensemble des biens et services consommés correspond, pour la valeur ajoutée brute aux
seules consommations intermédiaires, tandis que la valeur ajoutée nette prend également en compte la dépréciation du
capital fixe (usure du matériel et des bâtiments).
22
Figure 3 : Evolution de la valeur ajoutée en €/ha entre 2009 et 2016
Le revenu disponible par Unité de Travail Annuel Familial35 (UTAF) :
Le revenu disponible par UTAF des fermes en agriculture biologique est en moyenne supérieur à
celui des fermes conventionnelles (en général supérieur à 30 000 €/UTAF). La figure 4 montre aussi
que les revenus des fermes en agriculture biologique sont plus résilients face aux aléas climatiques et
économiques : en 2016, le revenu des agriculteurs conventionnels est particulièrement bas (9 135 €),
alors que celui des agriculteurs en agriculture biologique est maintenu à un niveau satisfaisant (32 225
€).
Le rapport de l’ITAB de novembre 2016 montre de plus que l’agriculture biologique produit un
certain nombre de bénéfices qui sont difficilement quantifiables : qualité de vie, bien-être animal,
préoccupations éthiques, etc.
35 Unité de Travail Annuel Familial : équivaut au travail d’une personne à temps plein pendant une année.
23
Figure 4 : Evolution du revenu disponible en € par UTAF entre 2009 et 2016
IV.A.4.b. Pour la collectivité maître d’ouvrage
Outre les études montrant une meilleure rentabilité économique des exploitations agricoles en
agriculture biologique, son développement sur les AAC présente de nombreux avantages économiques
pour les collectivités en charge de l’eau potable, en raison des coûts de traitements de l’eau évités (cf.
I.B.). Dans son rapport « Quantifier et chiffrer économiquement les externalités de l’agriculture
biologique » (Novembre 2016), l’ITAB étudie les coûts évités par l’agriculture biologique sur les AAC.
L’ITAB considère que l’adoption de l’agriculture biologique sur les AAC permet de s’affranchir de
l’ensemble des coûts liés aux pesticides. D’après le CGDD, les coûts évités liés à la dépollution grâce
à l’agriculture biologique seraient d’environ 20 €/ha de grande culture pour les pesticides et de 21 €/ha
de grande culture pour les nitrates.
Comme évoqué dans la partie I.B., des études ont été menées montrant l’intérêt d’adopter des
méthodes préventives plutôt que curatives pour la protection de l’eau. C’est le cas notamment du rapport
de l’agence de l’eau Seine-Normandie « Le préventif coûte-t-il plus cher que le curatif ? », qui étudie
les cas de Munich et de Leipzig en Allemagne, deux villes qui ont adopté l’agriculture biologique sur
leurs AAC pour lutter contre les pollutions aux nitrates et qui estiment que cette option leur a coûté sept
fois moins cher que la mise en place de traitements curatifs.
IV.A.4. Des freins au développement de l'agriculture biologique
L’agriculture biologique se présente comme « la » solution pour bon nombre d’acteurs interrogés.
C'est notamment l'avis de la Confédération Paysanne, qui y voit une opportunité pour allier enjeux
environnementaux, enjeux alimentaires et enjeux économiques. En revanche, des freins économiques
peuvent être rencontrés pour son développement, notamment en raison des coûts importants liés à
24
l'installation d'infrastructures spécifiques et de matériel dédié à l'agriculture biologique : outils de
collecte, silos, abattoirs spécifiques, etc.
Certains industriels des filières « longues » soulignent également l'impossibilité de développer des
filières biologiques en raison des coûts de main d’œuvre élevés inhérents à certaines productions en
agriculture biologique en gros volumes (notamment légumières), et de l'absence d'outils appropriés
(pour le désherbage mécanique par exemple) nécessaires pour s'affranchir de cette main d’œuvre.
Enfin, des acteurs interrogés (notamment des industriels des Hauts-de-France) évoquent
l’impossibilité de convertir leur production au bio, notamment en raison de l’absence de marché dans
des territoires très agricoles. Ils voient davantage d’opportunités dans la mise en place de nouvelles
cultures « à bas niveaux d’intrants » et la création de nouveaux débouchés, notamment énergétiques.
La Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) a publié en septembre 2018 un guide
de recommandations et de bonnes pratiques à destination des collectivités locales cherchant à
développer l’agriculture biologique sur leur territoire36.
IV.B. Les cultures « à bas niveau d'intrants » (BNI)
Les cultures à bas niveau d’intrants (BNI) sont des cultures qui nécessitent peu de traitements
phytosanitaires et peu d’apports azotés. Il peut s’agir de cultures non-alimentaires (chanvre, miscanthus)
ou encore de cultures de légumineuses. Le bénéfice environnemental de ces cultures réside également
dans le fait qu’il s’agit généralement de cultures permettant de diversifier les rotations. Leur introduction
dans les systèmes de cultures permet de diminuer la pression des bioagresseurs en perturbant leur cycle
de développement, ou favorise l’enrichissement du sol pour les légumineuses.
IV.B.1. Impact de quelques cultures BNI sur la pollution par les pesticides
Le chanvre présente de nombreux avantages environnementaux en raison de ses faibles besoins
phytosanitaires et peut donc être une solution intéressante pour lutter contre les pollutions par ces
molécules au niveau des AAC (Etude Blezat Consulting, 2016). Son effet « étouffant » permet
notamment de diminuer l’utilisation d’herbicide sur la culture et sur le système de culture lorsqu’il est
introduit dans une rotation. Le chanvre est d'ailleurs reconnu comme étant un bon précédent cultural
puisqu’il permet de « nettoyer » les parcelles des adventices pour la culture suivante.
La culture de miscanthus peut aussi s’avérer intéressante. Ses très faibles besoins en intrants
phytosanitaires après la phase d’implantation (IFT37 d’environ 0,4 sur 15 années de culture) peuvent
faire de cette culture une solution sur les AAC.
IV.B.2. Impact de quelques cultures BNI sur la pollution par les nitrates
Les cultures comme le chanvre et le miscanthus présentent des intérêts pour les zones en enjeu
nitrates, notamment en raison de leur enracinement profond qui permet une fixation de l'azote en
36 https://aires-captages.fr/connaissances-et-outils/documents/comment-les-collectivit%C3%A9s-locales-peuvent-elles-
favoriser-des 37
IFT : Indice de Fréquence de Traitement : indicateur de suivi de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques (pesticides) à l’échelle de
l’exploitation agricole ou d’un groupe d’exploitations.(…) Il comptabilise le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d’une campagne
culturale (Source : MAA).
25
profondeur, et d'obtenir un reliquat faible. Les besoins du miscanthus sont également amoindris par sa
capacité à transloquer l'azote des parties aériennes vers les rhizomes à la fin du cycle végétatif38. Par
ailleurs, la culture pluriannuelle du miscanthus permet de limiter les lessivages de nitrates puisqu’elle
constitue une couverture du sol pendant l’hiver.
Dans les zones d’élevage, la culture de luzerne peut s’avérer être une solution intéressante pour
lutter contre les pollutions azotées en raison de sa capacité à fixer l’azote atmosphérique, tout en utilisant
préférentiellement l’azote du sol. D’autres légumineuses, aux débouchés davantage tournés vers
l’alimentation humaine peuvent aussi être implantées sur des AAC à enjeu nitrates, comme cela a été le
cas sur des AAC de la Vallée de la Vanne, par Eau de Paris et l'Association Terres du Pays d'Othe qui
y ont développé la culture de lentilles.
De nombreuses études montrent que les cultures de légumineuses réduisent les pollutions des eaux
de drainage par les nitrates. Denys et al. (1990), Beaudouin et al. (1992) ou encore Muller et al. (1993)
montrent qu’à l’échelle de la rotation de cultures, la luzerne permet de baisser les teneurs en nitrates des
eaux de drainage, sans toutefois éviter totalement la présence de nitrates dans ces eaux. Justes et al.
(2001) montrent également que le retournement de luzerne n’implique pas de libération accrue d’azote
dans le milieu.
IV.B.3. Des freins et des leviers socio-économiques pour développer les cultures BNI
IV.B.3.a. Les freins socio-économiques à la diversification des cultures
Il s’avère que les cultures de diversification sont souvent des cultures « minoritaires », c’est-à-dire
actuellement peu implantées dans les territoires, et que ces cultures sont souvent des cultures BNI :
légumineuses, chanvre, etc. L’étude menée par Meynard et al. en 2013 « Freins et leviers à la
diversification des cultures » met en lumière l’existence de verrous sociotechniques à la diversification
des cultures et à l’introduction de cultures BNI dans les exploitations agricoles. Ce verrouillage s’est
installé avec l’organisation des filières agricoles autour d’espèces « majoritaires », pour des raisons
organisationnelles et logistiques (organiser l’offre par rapport à la demande), économiques (faire des
économies d’échelle et réduire les coûts de transaction) (cf. III.B.). L’analyse approfondie des filières
pois et chanvre met en évidence des « mécanismes d’auto-renforcement » de ces verrouillages et la
difficulté à lever ces obstacles :
- Un manque de références techniques sur les cultures « minoritaires » (conduite des cultures en
fonction de différentes conditions pédoclimatiques, effet précédent, etc.) ;
- Un progrès génétique plus lent pour les espèces minoritaires, qui s’explique par la réticence des
sélectionneurs à investir pour des espèces dont les filières ne sont pas structurées, ainsi que par
un manque de lisibilité de ces sélectionneurs sur la demande pour ces espèces ;
- Une difficulté à structurer des filières pour ces cultures minoritaires de diversification en raison
de la difficulté d’appréhender et de coordonner offre et demande.
IV.B.3.b. Des leviers mobilisables pour diversifier les cultures dans les territoires
Meynard et al. mettent ainsi en évidence trois leviers à mobiliser pour favoriser la diversification
des cultures :
38
http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Biomasse/Tous-les-dossiers/Miscanthus/Atouts-du-miscanthus/%28key%29/0
26
Promouvoir de nouveaux débouchés.
De nombreux acteurs nationaux ont souligné l’importance majeure de ce point lors des entretiens.
Selon Meynard et al., il est important de différencier les produits issus des cultures de diversification
sur le marché : qualité nutritionnelle (cas du lin par exemple), qualité technologique (extraction de
l’amidon de pois par l’usine Roquette par exemple), qualité environnementale (intérêt du chanvre pour
l’éco-construction) ou encore qualité liée à l’origine (en développant des signes de qualité, nous verrons
plus loin dans ce rapport que la valorisation de l’origine « zone à enjeu eau » pourrait s’avérer être un
bon levier bon valoriser les productions respectueuses de la ressource en eau). Étudier la spécificité des
territoires est essentielle pour trouver des débouchés pérennes. Par exemple, en Hauts-de-France,
territoire où de nombreuses industries sont implantées, le développement de la culture de miscanthus
sur les AAC du Caix a été possible grâce au développement d’un partenariat avec l’entreprise Nestlé
pour l’utilisation du miscanthus pour l’alimentation d’une chaudière de l’usine de déshydratation de
pommes de terre Mousline.
Coordonner les acteurs des filières.
Pour réduire les coûts de transaction liés à cette différenciation des productions minoritaires
(collecte, stockage, etc.), la coordination des acteurs est essentielle. L’établissement de contrats sur le
long terme est alors nécessaire pour garantir à l’amont de la filière que leurs investissements seront
rentabilisés. Ces contrats sont un moyen de gagner en lisibilité sur les investissements spécifiques pour
l’ensemble des maillons de la filière et de favoriser la cohésion entre les acteurs. Ces contrats de long
terme nécessitent cependant un certain équilibre des pouvoirs entre les différents acteurs de la filière.
Pour ce faire, les politiques publiques ont un rôle à jouer et d’ailleurs, les États Généraux de
l’Alimentation et les contrats de filières qui en ont découlé vont dans ce sens. Le rôle d’interface entre
amont et aval des coopératives en fait des acteurs essentiels de cette coordination. Les collectivités
gestionnaires d’eau potable peuvent aussi constituer de bons coordinateurs de filières, à condition que
leurs liens avec les acteurs de l’économie agricole soient solides (par exemple par la présence d’un
animateur agricole, cf. VI.A.2), puisque l’enjeu « eau » peut être vu comme une opportunité de réunir
les acteurs autour d’un même objectif. De manière plus locale, l’exemple de la dynamique au niveau
des captages du Caix est intéressant : la réduction des coûts de transaction a été permise par une
coordination entre producteurs de miscanthus sur les AAC, producteurs de pommes de terre en contrat
avec Nestlé, l’industriel lui-même ainsi que des partenaires tels qu’AgroTransfert, afin d’optimiser
l’utilisation des silos de stockage et de permettre aux producteurs de miscanthus de stocker leur
production dans les silos des producteurs de pommes de terre, inutilisés de mai à septembre. Un travail
est actuellement en cours (partenariat avec la recherche) pour déterminer l’optimum de production en
prenant en compte (i) la capacité de stockage du miscanthus offerte par les producteurs de pommes de
terre, (ii) le taux d’incorporation maximal de miscanthus dans la chaudière de l’usine (car l’utilisation
de miscanthus présente des risques de vitrification du matériel), (iii) la production minimale nécessaire
pour couvrir les AAC concernées.
Mobiliser les acteurs de la recherche et développement, du conseil et de la sélection.
L’adoption de nouvelles cultures requiert pour l’agriculteur des informations relatives aux marges
perçues à l’échelle de la rotation en fonction de la diversification de cette rotation. Par exemple, dans le
cadre d’un projet de développement d’une filière chanvre dans le Parc Naturel Régional du Gâtinais, la
27
chambre d’agriculture interdépartementale d’Île-de-France a réalisé des évaluations économiques visant
à analyser les marges perçues par l’introduction du chanvre dans la rotation plutôt que d’une autre
culture, ce qui a constitué un appui essentiel pour la structuration de la filière. Au niveau national,
notamment pour éviter la concurrence entre bassins de production pour les cultures minoritaires en
développement, il est essentiel que des interprofessions se structurent (pour coordonner les objectifs de
sélection et établir des références adaptées aux territoires).
IV.C. Les systèmes d'élevage herbagers
Garambois et Devienne (2012), définissent les systèmes d'élevages herbagers comme des systèmes
d’élevage « majoritairement basés sur l’utilisation des prairies ».
IV.C.1. Intérêts des systèmes herbagers pour la reconquête de la qualité de l’eau
Une expertise scientifique collective visant à évaluer les flux d'azote dans les systèmes d'élevage a
été publiée en 2012 par l’institut national de la recherche agronomique (INRA), à la demande des
ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement. Cette expertise visait également à identifier
les moyens pour réduire les pertes azotées et les outils mobilisables pour rééquilibrer apports et
émissions au niveau des territoires.
En comparant des systèmes d'élevage ayant des parts différentes de maïs et d’herbe dans
l’alimentation des animaux, cette expertise met en évidence que les systèmes valorisant les prairies
permettent de limiter les pertes d'azote. Comme le montre le tableau suivant, les systèmes basés sur les
la culture de maïs peuvent avoir une perte d'azote par lixiviation par hectare jusqu'à 1,6 fois supérieure
aux systèmes basés sur l'herbe. Ceci s'explique « par une utilisation plus efficace de l’azote sous
pâturage et par l’absence de sols nus » (INRA, 2012).
Source : Rapport final de l’expertise scientifique collective sur les flux d’azote liés aux élevages menée par l’INRA à la demande des ministères en
charge de l’agriculture et de l’environnement (2012). D'après Peyraud, Gall et al. (2009)
Tableau 1 : Performances environnementales dans des exploitations laitières du type de l'ouest de la
France en fonction des systèmes fourragers (vaches à 7000 litres/an, à complémentation équivalente)
En revanche, les pertes par lixiviation varient selon les conditions pédoclimatiques mais également
28
selon l'apport azoté effectué sur la prairie. En effet, un apport azoté élevé sur une prairie temporaire
augmente la productivité de la prairie et donc le nombre de jours pâturés par hectare, ainsi que la teneur
en azote de l'herbe pâturée. Le taux d'azote dans les effluents augmente donc avec la fertilisation des
prairies. L'exploitation mixte des prairies (fauche + pâture) limite les risques de lixiviation. L'annexe 8
répertorie les niveaux de pertes par lixiviation en fonction de différents types de prairies dans le contexte
de l’ouest de la France. Les risques de lixiviation sont les plus faibles pour les prairies permanentes
fauchées (5-10 kg/ha).
Par ailleurs, les prairies ont une capacité à stocker de l'azote et permettent également de diminuer
la charge globale phytosanitaire. Comme le souligne Eau du Bassin Rennais lors de notre entretien, là
où la concentration importante d'élevages impliquait auparavant de forts enjeux de pollution des eaux
par les nitrates, l'intensification de la production animale et le développement des cultures pour
l'alimentation animale ont accru les enjeux autour de la pollution des eaux par les pesticides.
IV.C.2. Intérêts économiques des systèmes herbagers
En étudiant les systèmes bovins laitiers herbagers dans le bocage vendéen de 1990 à 2009,
Garambois et Devienne (2010) montrent que ces systèmes sont économiquement intéressants pour les
éleveurs. En effet, les conversions vers un système herbager permettent de maintenir 50 % d’actifs en
plus sur le territoire par rapport au maintien en système témoin (maïs fourrage + céréales à paille
principalement), sur la période étudiée. Les revenus des éleveurs sont sensiblement les mêmes que les
revenus pour les autres productions de la région.
Si les systèmes herbagers, du fait de leur moindre consommation en intrants, créent moins
d’emplois en amont ainsi qu’en aval de la filière en raison de leurs plus faibles volumes de production,
les auteurs montrent que ces « pertes » d’emplois en amont et en aval sont compensées par les revenus
agricoles que permettent de dégager ces systèmes. Ainsi, la richesse créée serait, d’après les auteurs, du
même ordre mais plus concentrée dans le secteur de la production primaire.
Pour que la mise en place de l’agriculture biologique, de cultures à bas niveaux d’intrants ou encore
de systèmes d’élevage herbagers soit pérenne dans le temps et ne dépende pas de subventions publiques
pour exister, structurer ces filières (développer et sécuriser les débouchés, organiser la logistique et
mettre en relation les différents acteurs tout au long de la chaîne de production, etc.) est indispensable.
29
V. Différentes structures possibles pour ces filières
Plusieurs types de structures ont été mis en évidence dans la littérature ou lors des entretiens, parmi
lesquels on peut distinguer des filières courtes39 (ou circuits courts) et des filières plus longues, en
fonction du nombre d’intermédiaires existants entre le producteur primaire et le consommateur final.
Dans tous les cas, ce sont des filières de proximité, dans lesquelles producteurs et consommateurs sont
proches géographiquement. En effet, il s'agit de projets de territoire avec l'objectif de faire converger
gestion de la ressource en eau (compétence et actions déjà locales) avec développement économique
(compétence devenue locale mais dynamique et acteurs encore peu impliqués au niveau local). Dans les
parties qui suivent, nous étudierons ces deux types de structures, et identifierons en quoi elles permettent
de répondre à cet objectif.
V.A. Les filières courtes : diminuer le nombre d’intermédiaires entre producteur et consommateur
V.A.1. Les filières courtes : des intérêts à condition d’une logistique optimisée
Comme le souligne l'agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans son
récent rapport d'expertise « Alimentation - Les circuits courts de proximité », les circuits courts de
proximité répondent à des attentes économiques et sociales. En renforçant le lien entre producteur et
consommateur, ils permettent, pour le premier de « sécuriser son modèle économique » (par une
meilleure visibilité des prix qu'il fixe lui-même) et de gagner en reconnaissance auprès du
consommateur ; pour le second, elles permettent de gagner en lisibilité sur les produits qu'il consomme
(sur leur provenance, leur qualité, leur prix). Les filières en circuits courts présentent également des
avantages environnementaux lorsque la logistique est optimisée. Néanmoins, comme le précise
l'ADEME dans son avis, l'augmentation du nombre de déplacements entre producteurs et
consommateurs qui va souvent de pair avec les circuits courts, peut être source d'augmentation des
émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, les circuits courts sont intéressants du point de vue
environnemental si par exemple les débouchés sont groupés, comme c'est le cas de la restauration
collective. A Lons-le-Saunier ou encore au début du projet mis en place par la collectivité Eau du Bassin
Rennais, la relation entre quelques producteurs présents sur des AAC et les cuisines centrales permettent
de grouper et de garantir les débouchés pour ces producteurs : on retrouve alors les avantages des filières
courtes (garantie économique pour l'agriculteur à qui est redonné du pouvoir dans l'établissement des
prix ; produits bio de qualité et locaux dans la restauration collective) avec une logistique optimisée
(peu d'impact énergétique).
Les débouchés en restauration collective sont cependant soumis aux règles relatives aux marchés
publics (décret n°2016-360 du 25 mars 2016, en application du traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne) qui contraignent la sélection des produits sur le critère de la localisation géographique, par
« égalité de traitement » de tous les candidats fournisseurs. Le critère de localisation « AAC » ne peut
donc être utilisé. Néanmoins, les faibles volumes produits sur ces AAC (puisque les superficies
concernées sont souvent faibles) peuvent constituer un levier pour s’adapter aux règles relatives aux
39 Filière courte signifie ici circuit court, c'est à dire, selon le ministère en charge de l'agriculture, « un mode de
commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la
vente indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire entre l’exploitant et le consommateur » (Source : Plan
d’action pour développer les circuits courts de 2009).
30
marchés publics, puisque ce dernier octroie le droit de dispenser de mesures de publicité et de mise en
concurrence les achats de denrées alimentaires lorsque le montant du marché, sur toute sa durée, est
inférieur à 25 000 € Hors Taxes40. L'association Terres du Pays d'Othe et Eau de Paris ont utilisé ce
droit pour approvisionner les cantines du 11ème arrondissement avec des lentilles (qui de plus est une
culture à faibles rendements) produites sur les AAC de la Vallée de la Vanne. En revanche, avec
l’objectif de globaliser les démarches et d’augmenter les volumes produits en accord avec la protection
de la ressource en eau, ce droit octroyé par les règles relatives aux marchés publics ne peut plus être
utilisé.
Cependant, les marchés publics peuvent être utilisés pour rémunérer le service « protection de la
ressource en eau ». C’est ce qu’a fait la collectivité Eau du Bassin Rennais, compétente pour la
production d’eau potable, en formant un groupement avec la Ville de Rennes compétente pour l’achat
des denrées alimentaires pour la restauration collective. Dans ce cas d’étude, l’objet
« environnemental » du marché public est l’achat de la prestation de service « protection de la ressource
en eau », et non des denrées alimentaires elles-mêmes. La sélection des fournisseurs est ainsi basée sur
ce critère environnemental, évalué par la méthode IDEA (indicateurs de durabilité des exploitations
agricoles) élaborée en 2003 à l’initiative du ministère en charge de l’agriculture. C’est donc un exemple
remarquable de synergie et de partenariat entre la collectivité Eau du Bassin Rennais, compétente pour
la production d’eau potable, et la Ville de Rennes qui détient la gestion de l’approvisionnement en
restauration collective. Au-delà de la sélection des produits sur ce critère environnemental, le fait que
l’objet du marché soit une prestation de service environnemental a permis également à Eau du Bassin
Rennais d’instaurer une clause incitative (selon les dispositions de l’article 17 alinéa 2 du décret du 25
mars 2016), à savoir le versement d’un « bonus financier proportionnel à l’ambition du progrès » aux
agriculteurs fournisseurs. Mis en œuvre en 2015, ce concept a permis de fournir à la Ville de Rennes
10 000 repas par jour pour sa restauration collective. Cet exemple tout à fait novateur illustre les
bénéfices que peut apporter une coopération entre une collectivité compétente en matière de gestion de
l’eau potable et une collectivité compétente en matière d’achats publics pour la restauration collective.
V.A.2. Les filières courtes : des limites pour étendre les démarches
Les circuits courts ne permettent cependant pas de répondre à l’objectif d’étendre les démarches à
tous les acteurs du territoire concernés par la problématique de protection de l'eau sur une AAC. C'est
par exemple le cas de Lons-le-Saunier, qui a souhaité impliquer les coopératives qui ont refusé en raison
des trop faibles volumes concernés par le projet. Il a alors été choisi de « court-circuiter » ces acteurs
réticents et de créer des unités de stockage directement chez les agriculteurs. Se pose alors la question
de la durabilité de telles démarches : n'est-ce pas entretenir l'établissement de deux agricultures, l'une
respectueuse des ressources naturelles comme l'eau, l'autre extérieure à ces problématiques et qui de
plus les exclue de ses objectifs de développement économique ? Se pose également la question de la
reproductibilité de ces démarches. Dans des territoires où les zones à enjeu eau sont relativement
étendues, et donc les volumes agricoles concernés aussi, comme c'est le cas en Bretagne sur le territoire
d'Eau du Bassin Rennais, est-il possible d'étendre les démarches sans impliquer tous les acteurs,
notamment en gardant l'objectif d'optimiser la logistique comme évoqué précédemment ?
40 https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-
techniques/mise-en-oeuvre-procedure/achats-moins-25-000-euros-2016.pdf
31
V.B. Les filières longues : étendre le tissu d’acteurs économiques engagés dans les démarches
V.B.1. Les filières longues : des intérêts pour étendre la portée des démarches
Bien que certaines études (Merle, Benoit, 2013) montrent que les actions de protection de la
ressource en eau sont d’autant plus efficaces que les agriculteurs engagés sont ciblés et proches de
l’AAC, les représentants de certains acteurs économiques des filières au niveau national (Coop de
France, APCA notamment) s’accordent à dire que pour allier développement économique et reconquête
de la qualité de l'eau, il est nécessaire d’inclure les actions de protection des AAC dans des démarches
plus globales, ce qui nécessite de travailler avec les filières longues et leur structuration.
Le cas du bassin Rennais est intéressant pour étudier la mise en œuvre d’actions plus globales.
L’étendue des démarches dans ce cas d’expérience est principalement liée à l’étendue des AAC sur ce
territoire et au nombre d’exploitations implantées sur ces AAC (2 000 exploitations sont concernées).
Après une première phase mise en œuvre en 2015 (développée dans la partie V.A.1. ci-dessus), la
collectivité Eau du Bassin Rennais a souhaité étendre ses démarches et engager des acteurs de
l’ensemble du tissu agroalimentaire du territoire (coopératives, négoces, acteurs de la transformation et
de la distribution), dans le but d’augmenter le nombre d’exploitations des AAC engagées dans les
démarches et d’optimiser la logistique. La collectivité s'est alors heurtée à la réticence des acteurs
économiques de l’aval de la filière à s'impliquer pour des volumes trop faibles. Elle a donc dû
commencer par étendre le nombre de producteurs impliqués et élargir les débouchés. 20 producteurs
(de tout type de production) se sont alors engagés et des partenariats avec 15 communes de la métropole
rennaise pour fournir 20 000 repas par jour ont été établis (selon les mêmes modalités de marchés
publics que celles explicitées en V.A.1.). Toujours dans l’optique d’étendre les débouchés, la marque
« Terres de Sources » a été créée pour conquérir le marché grand public. « Terres de Sources » est
entièrement détenue par les producteurs de manière à ce qu'ils conservent leur pouvoir de décision et
assurent la perception d'une juste restitution de la valeur ajoutée créée par ces productions. De nombreux
acteurs des filières longues se sont alors joints au projet : la coopérative Le Gouessant et l’industriel
associé Bigard, la nouvelle coopérative Lait Sprit d'Ethique, etc. Etendre les démarches aux acteurs des
filières longues présente donc un intérêt pour accroître le nombre d’exploitations engagées sur les AAC.
Le développement de filières longues peut être perçu comme une opportunité pour structurer le tissu
agroalimentaire et renforcer le développement économique local.
D’ailleurs, les expériences sur les AAC du Vivier et de La Courance (Charente-Maritime)
témoignent que les actions sont d’autant plus viables qu’elles renforcent et structurent le tissu
agroalimentaire du territoire : l'implication de coopératives tout ou partie biologiques (CORAB,
CAVAC, CAVEB, Poitou-Charentes Bio) a permis de structurer la collecte des produits biologiques et
les approvisionnements des producteurs en grandes cultures et polyculture-élevage engagés dans les
démarches. La création en 2012 du « Silo Bio Ouest », silo dédié au bio, d'une capacité de 5 000 tonnes,
a également contribué à la structuration de la filière : des acteurs de l'ensemble de la chaîne
agroalimentaire ont participé à ce projet (la CORAB, Biocoop, Bioplanète, Céréco, Léa Nature, la
minoterie Bellot, l'UDCA-Union des coopératives agricoles, etc.) avec le soutien financier des
collectivités locales et de l'État.
Dans la Vallée de la Vanne (Yonne), les coopératives Biocer et Cocebi ont acquis une station de
semences bio Union Bio Semences, qui assure le triage et le stockage des semences, afin de sécuriser
les approvisionnements en semences bio des agriculteurs des AAC.
32
V.B.2. Quelques freins à l'engagement des acteurs des filières longues dans les démarches
Comme évoqué dans la partie précédente dédiée à l'agriculture biologique, l’entretien mené avec
l’industriel Bonduelle implanté en Hauts-de-France à proximité des captages du Caix illustre les
difficultés inhérentes à l’adaptation des filières longues notamment pour la mise en place de
l’agriculture biologique sur les zones concernées par des enjeux « eau ». Les coûts de main d’œuvre
importants que nécessiterait la production de légumes en plein champ auraient des répercussions
considérables sur les prix, les machines de désherbage mécanique étant très peu développées pour être
adaptées à ce type de culture. L’industriel travaille avec la chambre d’agriculture sur le développement
d’un désherbage mécanique adapté, mais l’objectif reste pour l’instant d’optimiser l’utilisation
d’herbicide sans envisager encore la création d’une filière biologique.
33
VI. Quels outils pour aider à la structuration de telles filières ?
Que ce soit pour amorcer la mise en place d’une filière agricole ou pour éviter aux porteurs de
projet de se heurter à des freins dans la mise en œuvre des démarches, le recours à certains outils peut
s’avérer utile.
VI.A. Instaurer une dynamique territoriale
VI.A.1. Réaliser des diagnostics territoriaux
La mise en place d'une dynamique territoriale autour de la protection des captages nécessite souvent
une phase de réalisation de diagnostics territoriaux41. Le diagnostic territorial des pressions et émissions
agricoles (DTPEA) 42 permet de caractériser les contaminations : la nature des substances, leur
localisation, les pratiques qui en sont à l’origine, ainsi que d’identifier les actions déjà mises en œuvre
pour limiter ces contaminations et les actions envisageables. Pour assurer davantage de pérennité aux
démarches, le DTPEA peut être complété par un diagnostic territorial socio-économique afin d’étudier
le contexte socio-économique dans lequel doivent être effectuées les actions. Cette phase de diagnostics
vise également à identifier les acteurs du territoire concernés : élus, acteurs de la gestion de l'eau
(agences, syndicats, etc.), acteurs agricoles (producteurs, syndicats agricoles, chambres, etc.) et acteurs
économiques (coopératives, industries agro-alimentaires présentes sur le territoire, etc.), et de mettre en
évidence les investissements nécessaires (collecte spécifique, création/adaptation d'unités de stockage
et transformation, etc.). D'autres diagnostics plus spécifiques sont parfois effectués, comme le
diagnostic « Performances et Protection de l’Eau » élaboré par le GABNOR qui permet de simuler les
impacts de l’activité agricole sur la qualité de l’eau, ainsi que les opportunités que représente une
conversion vers le bio pour une exploitation.
VI.A.2. Mettre en place un comité de pilotage
La dynamique territoriale est souvent impulsée par les collectivités gestionnaires de l'eau potable.
Elle est généralement associée à la création d'un comité de pilotage (COPIL), pour lequel plusieurs
formes sont possibles : un unique comité qui réunit d'emblée tous les acteurs (pour les territoires peu
étendus), plusieurs « sous-COPIL » qui réunissent chacun des acteurs aux intérêts différents et qui
s'articulent grâce à un acteur moteur (élus, Parcs Naturels Régionaux, etc.). La mise en place de ce
COPIL est essentielle pour établir le dialogue entre acteurs. L'entretien avec la ville de Lons-le-Saunier
met en évidence que ce dialogue a été facilité par la présence d’un élu coordinateur technique. Le
recrutement d’un animateur agricole au sein des structures gestionnaires de l'eau peut également se
révéler être « un atout fondamental pour la réussite d’un projet de protection de la ressource » (Barataud
et al., 2014). C’est le cas en Charente-Maritime, où le Syndicat Mixte d'eau potable du Vivier et le
Syndicat Mixte d'étude et de production d'eau potable de la Courance ont embauché un animateur
agricole pour assurer l'interface entre acteurs du développement économique, acteurs agricoles et
gestionnaires de l'eau.
41 https://aires-captages.fr/page/prot%C3%A9ger-un-captage-et-suivre-une-d%C3%A9marche-de-protection-contre-
les-pollutions-diffuses-0 42 https://www6.versailles-grignon.inra.fr/agronomie/Productions/Outils-et-modeles/Diagnostic-Territorial-Pressions-
et-Emissions-Agricoles
34
Le COPIL permet dans la plupart des cas étudiés de réunir un grand nombre d'acteurs du territoire :
élus, représentants du monde agricole, chambres d'agriculture, coopératives, certaines industries
agroalimentaires, société civile, etc. C'est lors de cette phase que l'organisation des acteurs entre eux
s'établit. Les agriculteurs concernés par les démarches peuvent ainsi s'organiser en groupements d'intérêt
économique et environnemental (GIEE), comme cela a été le cas dans le territoire du Pays d'Othe, en
partenariat avec Bio Bourgogne et sous l'impulsion d'Eau de Paris. La création d'un GIEE va d'ailleurs
souvent de pair avec la création d'une association (AgriBio dans le cas du territoire du Pays d'Othe) pour
définir un cadre juridique au groupement. Sur ce territoire, la création de ce GIEE et de cette association
a favorisé la mise en lien des producteurs des AAC de la Vallée de la Vanne et la ville de Paris en
contribuant au Plan Alimentation Durable de la ville de Paris.
VI.A.3. Définir les relations partenariales entre les acteurs
La mise en œuvre concrète des actions requiert également de définir les relations partenariales entre
les acteurs. Cette phase peut être longue (jusqu'à trois ans à Lons-le-Saunier pour établir un contrat entre
producteurs de légumes sur l’AAC et la cuisine centrale de la ville). Le type de contrat varie fortement
selon les territoires : à Lons-le-Saunier par exemple, les démarches n'ont pu être lancées sans
l'établissement d'une convention écrite entre producteurs et restauration collective notamment pour la
fixation des prix. En revanche, l’établissement d’un contrat formalisé n'a pas été nécessaire pour la
création de la filière chanvre dans le Parc du Gâtinais, impulsée par les producteurs du territoire dans le
cadre du plan Ecophyto, notamment pour rentabiliser les « mauvaises terres » (le chanvre pouvant se
développer sur des terres pauvres). Les producteurs furent rapidement suivis dans leurs démarches par
des acteurs de l'aval de la filière pour la mise en place de cellules de stockage et de transformation.
VI.A.4. Importance d'une impulsion motrice par le monde agricole
Pour que la dynamique territoriale se globalise et se pérennise, et que les acteurs agricoles trouvent
un intérêt à s’engager, il est essentiel que le monde agricole soit également motivé par un acteur agricole.
Comme le souligne l'agence de l'eau Artois-Picardie dans un entretien, l'importance de la présence
d'agriculteurs moteurs sur les territoires concernés est un atout essentiel. C'est également ce qui est
ressorti des échanges lors du séminaire « Collectifs d'agriculteurs » organisé par la Direction Régionale
de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt des Hauts-de-France en avril.
Cette « impulsion » peut également provenir des coopératives, comme le souligne Coop de France
dans l'un des entretiens : leur rapport avec le monde agricole, leur ancrage territorial et leurs ambitions
économiques en font des acteurs essentiels pour atteindre l'objectif de faire converger gestion durable
de la ressource en eau et développement économique. Leur position d’interface en fait des vecteurs
d’information intéressants auprès du monde agricole. Les élus locaux interrogés s'accordent souvent sur
le fait que les coopératives sont de plus en plus présentes lors des COPIL mais sont cependant encore
trop peu impliquées dans la mise en œuvre des actions et projets en tant que tels (Lons-le-Saunier,
Syndicat Intercommunal d'Eau Potable – SIEP – du Santerre). En effet, les entretiens avec Coop de
France révèlent que les volontés d’engagement des coopératives dans les actions se limitent à agir au
niveau du conseil (conseil adapté aux enjeux environnementaux) ou encore à développer des outils
d’aide à la décision (pour optimiser les pratiques), mais qu'agir sur les filières de manière plus
systémique n'est pas encore envisagé. À noter que Coop de France a récemment réalisé une enquête
35
auprès des maîtres d’ouvrage des captages dans le but de mieux appréhender leurs attentes vis-à-vis des
coopératives.
VI.A.5. Importance de l'aspect collectif des démarches
Le cas de Vittel illustre également l’importance de mettre en place une dynamique territoriale
collective et technique43. La contractualisation entre l'entreprise et les agriculteurs s’est faite de manière
individuelle sans objectif de réunir les agriculteurs ayant contractualisé. L’étude de Florence Hellec et
André Blouet menée en 2011-2012 (Hellec et al., 2013) sur le territoire de Vittel afin d'analyser
l’évolution de la dynamique mise en place et de la place des agriculteurs dans cette dynamique, met en
évidence que l’absence d’association des représentants agricoles à la mise en œuvre du cahier des
charges par l'entreprise d'une part, et à l’établissement de ces contrats individualisés d'autre part, a
fortement figé le dialogue entre l’entreprise et le monde agricole. De plus, des tensions se sont installées
entre les agriculteurs eux-mêmes : l’approche individuelle des contrats a installé un climat de suspicion
entre les agriculteurs qui pensaient être désavantagés par rapport à leurs voisins.
Les démarches individuelles du cas de Vittel posent ainsi la question de la pérennité des actions :
si les démarches de contractualisation engagées par l'entreprise venaient à s’arrêter, l'engagement du
monde agricole serait probablement remis en question. C’est pour éviter ce type de situation et rendre
pérennes les démarches de structuration de filières que la dimension collective de ces démarches, afin
que chaque acteur y trouve un intérêt, est essentielle.
Cette dimension collective peut également être renforcée par l'établissement de partenariats entre
acteurs agricoles et gestionnaires de l'eau. Ces partenariats permettent d'ailleurs de faciliter
l’approfondissement et les échanges de connaissances entre les différents acteurs, comme c’est le cas
dans le projet Re-Sources en Charente-Maritime44. L'implication des acteurs économiques dans les
démarches de reconquête de la qualité de l'eau semble essentielle pour consolider les relations entre les
différents acteurs au préalable de la mise en place de plans d’actions.
VI.A.6. Le programme LEADER : un outil pour mettre en place une dynamique territoriale
Le programme LEADER (Liaison Entre Actions de Développement de l’Economie Rurale) est un
outil qui peut être mobilisé pour l’instauration de cette dynamique de territoire. Ce programme, soutenu
par le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER), encadre la création et le
développement de groupements d’action locale à l’échelle du territoire (par exemple, un Parc Naturel
Régional, une intercommunalité, etc.). Ces groupements peuvent par exemple axer leur stratégie sur un
objectif de protection de la ressource en eau au niveau d’une AAC dans le but d’accompagner des projets
locaux répondant à cet objectif.
VI.B. Associer la recherche aux actions
Reau et al. (2012) évoquent l’importance d’associer acteurs de la recherche pour l’apport et la
diffusion de connaissances. Coop de France lors des entretiens a insisté sur la nécessité d'impliquer la
43 http://www.sad.inra.fr/Toutes-les-actualites/Vittel-bilan-apres-20-ans-de-protection-de-l-eau 44 http://www.eauetbio.org/signature-contrat-re-sources-la-rochelle/
36
recherche pour soutenir la Recherche & Développement et la mise en place de nouvelles technologies
pour la structuration des filières : outils de stockage, de tri, etc.
Les entretiens avec des acteurs impliqués au niveau des AAC du Caix dans les Hauts-de-France
(Nestlé, SIEP du Santerre) ont permis de mettre en évidence le rôle essentiel de l'INRA pour le
développement du miscanthus. En effet, l'institut de recherche, en partenariat avec NovaBiom45, a
permis de produire des connaissances sur cette espèce nécessaires au développement d'un débouché
énergétique pour le miscanthus (alimentation d’une chaudière d'une usine Nestlé).
De plus, l’exemple de Vittel est un cas d’étude intéressant pour illustrer l’importance d’articuler
les actions de la recherche avec le terrain et plus particulièrement avec les acteurs du monde agricole
(Hellec et al., 2013).
En 1985, suite à la mise en évidence d'une augmentation des teneurs en nitrates des eaux par les
laboratoires de Société Générale des Eaux Minérales de Vittel, la mise en place de solutions préventives
pour limiter ces pollutions s'avère nécessaire si la société veut conserver son activité, les traitements
curatifs étant interdits pour les eaux minérales. La société s’est alors tournée vers les équipes de l’INRA
de Mirecourt et a financé des programmes de recherche pour étudier les relations entre pratiques
agricoles et pollution azotée de l’eau » : Agrev 1 (1989-1991) pour la « redéfinition des systèmes de
production agricole » et Agrev 2 (1993-1995) pour « l’étude du changement en situation » (1996). Le
lien entre les chercheurs et l’entreprise a été essentiel puisque ces derniers ne disposaient pas des
compétences agronomiques nécessaires pour réaliser les essais agronomiques et mettre en place un
cahier des charges46 des pratiques à mettre en œuvre.
En revanche, le lien entre les chercheurs et les représentants agricoles s’est avéré plus difficile. Une
convention entre l’INRA et la chambre d’agriculture, rattachée au syndicat majoritaire (la Fédération
Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) avait été signée en 1988 et avait permis
d’associer d’emblée le monde agricole aux travaux de l’INRA. Néanmoins, des difficultés sont apparues
en raison de la perception qu’ont eue les représentants de la chambre d’agriculture des interventions de
l’INRA auprès des agriculteurs, vécues comme une mise en concurrence. Comme le souligne Barataud
et al. (2013) dans leur rapport final, la collaboration a par la suite été compliquée.
Un outil intéressant pour associer la recherche aux dynamiques territoriales et aux actions mises en
œuvre pour la protection des ressources (et de coordonner une pluralité d’acteurs de manière générale),
sont les Partenariats européens de l’innovation (PEI) de la stratégie Europe 2020 lancée en 201247. Ces
PEI ont pour vocation de « susciter des partenariats entre les acteurs du développement, de
l’enseignement agricole, les agriculteurs, les chercheurs et les entreprises » (Centre d’Etudes et
Prospectives n°65, 2013). Les projets issus de ces PEI peuvent bénéficier de financements divers, tels
que ceux du programme de recherche et d'innovation de l'UE Horizon 2020.
45 Spécialiste français du miscanthus (amont de la filière : fourniture de plants ; aval de la filière : structuration des
approvisionnements http://www.novabiom.com/fr/ 46 http://www7.inra.fr//resultats/Eval_Changement/cahierCharges.htm Le cahier des charges comprend les mesures
suivantes : (1) la suppression de la culture du maïs ; (2) le compostage de l’ensemble des déjections animales ; (3) un
chargement sur les pâtures limité à 1 UGB/ha ; (4) l’interdiction des produits phytosanitaires, fertilisation raisonnée
assurée en priorité par les déjections animales compostées ; (5) la mise en place d’une rotation de cultures à base de
luzerne. 47 https://ec.europa.eu/agriculture/research-innovation/eip-agriculture_fr
37
VI.C. Le rôle essentiel du conseil agricole
Comme évoqué dans le VI.A.2., la présence d’un animateur agricole faisant l’interface entre acteurs
de l’eau et acteurs agricoles facilite leur cohésion et l’installation d’une dynamique territoriale,
nécessaire au lancement des actions. Une fois les actions lancées, l’implication du conseil agricole est
gage de pérennité pour ces actions : l’accompagnement par un conseiller rassure et peut encourager
l’agriculteur dans ses engagements, comme l’expérience de Vittel en témoigne. Les tensions au sein du
monde agricole évoquées plus haut ayant entraîné le retrait de la chambre d’agriculture des démarches,
les agriculteurs se sont alors retrouvés seuls face à l’obligation de respecter le cahier des charges signé.
L’entreprise, qui n’a par la suite pas mis en place de conseil spécifique pour les producteurs engagés, a
par exemple développé une usine de transformation pour valoriser des pommes produites sur
l’impluvium. Ce projet ayant échoué, il a provoqué un découragement des agriculteurs et a donc menacé
la pérennité de leurs engagements. L’implication d’un organisme de conseil dans ce projet aurait
probablement permis d’en appréhender les conséquences.
Les entretiens réalisés ont permis de mettre en évidence l’importance d’associer différents types de
conseil : si le conseil individuel est nécessaire pour un accompagnement approfondi de l’agriculteur, il
doit être, selon Coop de France, associé à du conseil collectif et des formations.
VI.D. Accompagner financièrement la structuration de filières favorables à la ressource en eau
VI.D.1. Rémunérer les services environnementaux : les paiements pour services environnementaux
Les bénéfices offerts par le service « protection de la ressource en eau » peuvent être rémunérés par
les paiements pour services environnementaux (PSE), un concept émergent dont les définitions varient
selon les études, mais qui sont caractérisés selon les critères suivants (Oréade-Brèche, 2016) :
- un aspect volontaire (se distinguent ainsi des normes et des taxes de type pollueur-payeur),
- la définition du service rendu, des pratiques à changer pour fournir ce service et de l’effet de ce
changement de pratiques,
- la conditionnalité (le paiement n’est effectué que si le service est effectivement rendu),
- l’additionnalité (garantie que le PSE fournit une amélioration des fonctions écologiques par
rapport à une situation sans PSE),
- l’aspect incitatif du PSE.
Les PSE apparaissent ainsi comme une deuxième rémunération pour les agriculteurs qui les
contractualisent, en plus de celle provenant de la vente des produits (voire une troisième en comptant
les aides de la politique agricole commune48).
Le cas de l’entreprise Vittel est intéressant pour étudier la mise en œuvre de PSE (Conseil
Economique pour le Développement Durable, 2010). Il s’agit là d’un arrangement « privé-privé » entre
les agriculteurs de l’impluvium et l’entreprise, mais dans ce type de démarche, l’une des parties
prenantes peut également être publique (par exemple, une collectivité gestionnaire de l’eau potable).
Dans les années 1990, cet arrangement a consisté, pour Vittel, d’une part à allouer des aides aux
investissements aux agriculteurs en contrepartie du respect d’un cahier des charges, et d’autre part à
48 https://www.terre-net.fr/actualite-agricole/economie-social/article/les-paiements-pour-services-environnementaux-
rendus-202-108488.html
38
racheter 1 500 hectares de terres agricoles situés autour des sources d’eau potable (à un prix supérieur
au prix du marché), et de les redistribuer. Le pouvoir de décision que s’est octroyé l’entreprise pour la
réaffectation des terres a été perçu comme un certain manque de respect de l’accord initialement conclu
entre les représentants agricoles, l’entreprise et la SAFER (Société d’Aménagement Foncier Rural) des
Vosges, dont l’implication avait pour but d’accompagner les démarches de rachat de terres. Les PSE
doivent donc être mis en place dans un contexte de démarche collective et de prise en compte de
l’ensemble des parties prenantes.
VI.D.2. Recourir à des aides à l’investissement
La structuration des filières peut être soutenue via des aides à l’investissement contractualisées par
les acteurs économiques des filières.
Parmi les aides inscrites dans les Programmes de Développement Rural Régional (PDRR), les
mesures rattachées à la rubrique 4-2 permettent de soutenir les acteurs de l’aval des filières
(transformation, distribution) dans toutes les régions mais leur taux de financement et leurs critères
d’éligibilité varient en fonction des régions.
A défaut, des aides non inscrites dans les PDRR peuvent également soutenir des investissements
spécifiques au développement de filières (silos de stockage, ateliers spécifiques de transformation, etc.).
C’est le cas des aides « de minimis », dont plusieurs acteurs locaux interrogés pointent néanmoins le
plafond très bas.
VI.D.3. Répondre à des appels à projets ou des appels à manifestation d’intérêt
VI.D.3.a. Les appels à projets des agences de l'eau
Les agences de l'eau soutiennent la protection de la ressource en eau via des appels à projets pas
nécessairement spécifiques aux AAC, mais auxquels répondent souvent des projets axés sur les
problématiques AAC.
C'est le cas notamment dans les Bassins Artois Picardie et Seine-Normandie. Le séminaire organisé
à Arras le 3 avril 2018 ouvrait l'AAP « Pour l’émergence et l’accompagnement de collectifs locaux
d’agriculteurs engagés dans la transition agro-écologique » financé par les agences de l'eau Artois-
Picardie et Seine-Normandie, ainsi que par l’État via les fonds CASDAR (Compte d’Affectation
Spéciale pour le Développement Agricole et Rural) dédiés aux GIEE. Les ateliers, notamment celui
intitulé « Logiques de filières et approche ''système'' sur l’exploitation », organisés lors de ce séminaire
ont soulevé l’importance des démarches collectives d’agriculteurs pour structurer des filières. Ainsi,
soutenir les projets collectifs au niveau de la production constitue un levier pour agir sur les filières et
pérenniser les actions en faveur de la préservation des ressources. Cet AAP a pour objectif de
reconnaître et de financer l’accompagnement et l’animation des projets collectifs, autour de trois
volets49 :
- « émergence de groupes » pour financer la structuration de collectifs d'agriculteurs afin de faciliter
leur reconnaissance en tant que GIEE ou groupe 30 000 (Ecophyto II), sur un an maximum ;
- volet « GIEE » : pour la reconnaissance et le financement des GIEE ;
- volet « groupes 30 000 » pour la reconnaissance et le financement des projets collectifs visant une
49
Source : DRAAF Hauts de France
39
baisse de l’usage de pesticides.
Des projets de développement de filières respectueuses de la ressource en eau peuvent être soutenus
dans le cadre d'autres appels à projets d'agences de l'eau. Par exemple :
- En 2016, l'agence de l'eau Artois-Picardie lance un AAP « Développement de l’agriculture
biologique ». Il vise à soutenir la structuration de filières biologiques (par exemple les
investissements spécifiques nécessaires à cette filière) ainsi que les démarches collectives
d'agriculteurs situés sur des zones à enjeu eau (conseil, animation, formation, etc.). Cet AAP
s'adressait aux acteurs des filières économiques agricoles, aux collectivités locales, aux
organismes de développement agricole, aux organismes de recherche.
- En 2016, l'agence de l'eau Seine-Normandie lance l'AAP « Protection de la ressource en eau
potable ». Il vise à soutenir les démarches impliquant plusieurs acteurs visant à protéger la
ressource en eau au niveau des AAC, telles que le développement de filières, ainsi que les actions
d'animation, de conseil, de formation, etc. Cet AAP s'adressait également aux acteurs des filières
économiques, aux collectivités locales, aux organismes de développement agricole, aux
organismes de recherche.
On peut aussi citer les appels à projets dans le cadre de Ecophyto II, lancés par les agences de l’eau
Artois-Picardie, Rhône-Méditerranée-Corse et Seine-Normandie.
VI.D.3.b. Exemple de l’appel à manifestation d’intérêt « Soutien aux filières agricoles favorables à la
protection de la ressource en eau » en région Grand-Est
Un appel à manifestations d'intérêt a un cadre moins strict que les appels à projets. Il peut avoir
plusieurs objectifs : précéder un appel à projets (caractérisation des types de projets, identification des
acteurs intéressés, appréhension du nombre de candidats, etc.) ou simplement collecter des données à
partir de retours d’expériences.
L’appel à manifestation d'intérêt lancé en région Grand-Est « Soutien aux filières agricoles
favorables à la protection de la ressource en eau » vise à apporter un soutien financier pour le
développement de filières respectueuses de la ressource en eau. Il a été lancé par la Région Grand-Est
et les agences de l'eau Seine-Normandie, Rhin-Meuse et Rhône-Méditerranée-Corse. Cet appel s'adresse
aux collectifs d’agriculteurs, aux acteurs des filières économiques, aux collectivités locales (communes,
communautés de communes, syndicats, parcs naturels…), etc. Il vise à accompagner les changements
de systèmes (adoption de nouvelles cultures « à bas niveaux d'impacts » comme le chanvre, la luzerne,
le miscanthus, etc.) et la structuration de filières, de l'amont à l'aval. Les projets candidats doivent
nécessairement être en lien avec une problématique « eau ». Les collectivités et les associations
porteuses de projet pourront bénéficier de financements de 50 à 100 % et les acteurs économiques de
40 à 60 %. L'enveloppe allouée à cet appel à projets est de 30 millions d'euros.
Le nombre de projets proposés témoigne de la motivation des acteurs et met en évidence l'efficacité
d'un tel procédé de financement. En effet, à l'issue de la phase de candidatures, 68 projets ont été déposés
sur la Région Grand Est. 35 % des dossiers concernent des projets en agriculture biologique et 22 % des
projets en systèmes herbagers. Le reste est principalement axé sur l'introduction de nouvelles cultures.
Parmi les porteurs de projets, 12 sont des collectivités, 15 sont des associations, 21 sont des acteurs
économiques et le reste a un statut divers.
40
La sélection des dossiers s'est faite selon les critères suivants : leur ciblage sur les objectifs « eau »
et « milieu », leurs degrés d'ambition et leurs engagements, les relations partenariales établies, leur
cohérence vis à vis du rapport coût/efficacité, etc.
VI.D.2.c. Les appels à projets d’envergure nationale et non spécifiques au développement de filières
favorables à la ressource en eau
Le Fonds Avenir Bio :
Le Fonds Avenir Bio, géré par l'Agence Bio, vise à « soutenir des programmes de développement
des filières biologiques »50. Il a été renforcé dans le cadre du Programme Ambition Bio 2017 et est doté
d'une enveloppe de 4 millions d'euros par an. Ce fond est particulièrement intéressant pour la
structuration de filières puisqu’il vise à soutenir des acteurs économiques dans des projets de long terme
(minimum 3 ans). Il peut être utilisé en compléments de crédits déjà existants (crédits des agences de
l'eau, crédits de FranceAgriMer, crédits des collectivités, etc.). Ce fonds est alloué en priorité aux projets
relatifs aux grandes cultures et aux élevages de monogastriques. Parmi les priorités de valorisation,
figurent celle de favoriser les projets cohérents avec les démarches de développement économique,
l'introduction de produits bio dans la restauration collective et « une attention particulière sera apportée
aux projets impliquant les zones à enjeux eau ». Il a ainsi pour ambition de contribuer à relier
développement économique et protection de la ressource en eau.
Dans le cadre du Programme d’Investissement d'Avenir (PIA3) :
Le PIA3 est un programme piloté par le Commissariat Général à l'Investissement. Il est doté de 57
milliards d'euros depuis 2010 et ses principaux opérateurs des financements sont Bpifrance et la Caisse
des Dépôts.
Les projets relatifs au développement de filières peuvent rentrer dans le cadre d'un appel à manifestation
d'intérêt et de deux appels à projets lancés dans le cadre du PIA3 :
- L'AMI « Territoires d'Innovation – Grande Ambition » :
Il est doté de 450 millions d'euros sur 10 ans. Cet AMI concerne l'échelle territoriale et vise à « identifier
et sélectionner des projets originaux associant un haut niveau d’innovation et un écosystème
territorial »51, à améliorer la qualité de vie des habitants et la durabilité des territoires.
Le projet de la collectivité Eau du Bassin Rennais de développer une marque pour valoriser les
productions respectueuses de la ressource en eau « Terres de Sources » a été lauréat de cet AMI et
bénéficiera de 300 000 € pour développer son projet52.
Son cahier des charges est disponible sur :
https://www.caissedesdepots.fr/sites/default/files/medias/pia/cahier_des_charges_ami_territoire_dinno
vation_grande_ambition.pdf
- L'AAP « Projets de Recherche et Développement Structurants pour la Compétitivité » :
50 http://www.agencebio.org/presentation-fonds-avenir-bio 51 https://www.caissedesdepots.fr/territoires-dinnovation-grande-ambition 52 http://www.eaudubassinrennais-collectivite.fr/protection-des-ressources/91-terres-de-sources/309-eau-du-bassin-
rennais-reconnue-territoire-d-innovation-grande-ambition.html
41
Cet AAP vise à « soutenir de projets collaboratifs de recherche et développement structurants visant
notamment des retombées économiques et technologiques directes sous forme de nouveaux produits,
services et technologies, et des retombées indirectes en termes de structuration durable de filières. Les
retombées économiques attendues des projets et de ces structurations de filières doivent concerner tous
les partenaires industriels et en particulier les PME »53. Il est donc approprié aux entreprises de l'aval
des filières, qui doivent compenser des coûts liés aux investissements spécifiques relatif au
développement des filières. Actuellement, le 7ème AAP est ouvert depuis janvier 2018 et jusqu'à janvier
2019, pour des projets d’un montant compris entre 5 et 50 millions d'euros.
- L'AAP « Structuration de filières » :
Les projets candidats doivent « renforcer la compétitivité des filières stratégiques françaises par
l’innovation pour garantir la pérennité du tissu industriel et répondre aux besoins du marché tout en
favorisant la prise en compte de la transition écologique et énergétique ». Cet AAP vise à soutenir les
PME et ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire) dans leurs démarches collectives : soutien d'unités
industrielles partagées, mise en commun de compétences techniques ou encore mise en commun d'outils
collaboratifs. La date limite de dépôts de dossiers était le 13 juin 2018.
Dans le cadre du Volet Agricole du Grand Plan d'Investissement (GPI) :
- L'AMI « Structuration des filières agricoles et agroalimentaires » :
Cet AMI, doté d'une enveloppe totale de 60 millions d'euros, est lancé dans le cadre de l'action 3
« Innovation et Structuration des filières » du Volet Agricole du GPI. Ces projets, financés par
FranceAgriMer, ne doivent pas pouvoir bénéficier d'autres aides issues par exemple des crédits des
collectivités territoriales (Conseils régionaux), les crédits du FEADER ou encore des autres crédits du
ministère en charge de l'agriculture mis en œuvre par FranceAgriMer. Ils ne doivent également pas
pouvoir bénéficier de soutiens dans le cadre du PIA3 ou du Fonds Avenir Bio. Les projets lauréats
seront accompagnés pour une durée de 6 à 12 mois. Les manifestations d'intérêt doivent avoir une portée
opérationnelle et être assorties d'indicateurs et d'objectifs chiffrés, par exemple pour mesurer l'ambition
d'agir en faveur de la protection de la ressource en eau. L'objectif de cet AMI est d’accompagner les
projets qui contribuent à la structuration d'une filière à l'échelle supra-régionale. Il concerne des projets
nationaux ou supra-régionaux. Dans le cadre de projets de filières visant à protéger la ressource en eau,
il ne concernerait que les démarches visant une étendue supérieure aux seules AAC. Il s'agit d'un AMI
qui précède un AAP. Il vise ainsi à mesurer la mobilisation potentielle et à appréhender le nombre de
candidats intéressés, ainsi que leur ambition.
VI.E. Étude de la pertinence de lancer un AMI national
VI.E.1. Deux formes d’AMI possibles
Lors des ateliers « captages » de 2016, la question de lancer un AMI d’ampleur nationale s’est
posée. Le travail présenté dans ce rapport visait à étudier la pertinence d’un tel projet, et à identifier la
forme la plus pertinente pour un tel projet.
53 https://www.bpifrance.fr/Qui-sommes-nous/Nos-partenaires/Poles-de-competitivite/Poles-de-
competitivite/Presentation-AAP-PSPC
42
Deux possibilités ont été étudiées :
- Lancer un AMI au niveau national dans le but de soutenir la mise en œuvre de projets de filières
« supra-bassin »,
- Lancer un AMI au niveau national dans le but de répertorier des projets déjà existants, de
collecter des données sur les moyens employés pour leur mise en œuvre, les freins rencontrés et
les leviers mobilisés, et sur leur efficacité a posteriori.
VI.E.2. La forme recommandée : lancer un AMI pour répertorier les projets déjà existants
Les entretiens avec les agences de l'eau ont permis de mettre en évidence l'importance de ne pas
« faire doublon » avec les démarches déjà effectuées à l'échelle des bassins. Les acteurs interrogés ont
également eu du mal à voir l’intérêt de mobiliser des financements au niveau national alors que cette
problématique entre dans le champ de compétences des agences de l'eau.
Le format qui est donc recommandé ici est un AMI ayant pour objectif de collecter des données sur
les projets de filières déjà existants. Il serait adressé aux porteurs de projets et aurait pour objectifs de
mettre en évidence :
- La nature des projets (type de production, type de filières – courte ou longue, acteurs impliqués)
- Les moyens mis en œuvre (mise en place d’un COPIL, types de contrats/partenariats établis
entre les acteurs, financements mobilisés)
- Les freins rencontrés (en amont du lancement des actions et pendant leur mise en œuvre),
- Les leviers mobilisés,
- L’efficacité des actions.
Cet AMI aurait ainsi pour but d’alimenter le centre de ressources « captages » de l’agence française
pour la biodiversité (AFB) et permettrait ainsi d’élaborer des « guides pratiques » relativement précis
utilisables par les porteurs de projets qui souhaiteraient s’engager dans des démarches de filières
favorables à la ressource en eau. Il leur permettrait d’identifier les outils mobilisables et pourrait
également constituer un moyen de mise en contact entre acteurs déjà engagés et acteurs souhaitant
s’engager.
Cet AMI permettrait également, à la lumière des freins rencontrés et des leviers mobilisés pour les
projets déjà lancés, de fournir des éléments sur l’efficacité de tels projets. En effet, les entretiens réalisés
auprès des acteurs de tout type (pas uniquement porteurs d’un projet) ont permis de mettre en évidence
l’importance accordée à l’évaluation de l’efficacité des actions en amont de leur mise en œuvre. En
revanche, le manque de recul temporel s’inscrit comme une limite à l’évaluation de l’efficacité des
projets existants, qui sont pour la majorité récents.
L’annexe 10 propose une grille de réponse à ce type d’AMI. Son élaboration a été inspirée d’un
AMI lancé en 2017 par le ministère en charge de l’agriculture dans le but « d'identifier les entreprises
et acteurs des filières volontaires pour contribuer à la mise en place d'un autodiagnostic ‘‘Agro-écologie
et filières agroalimentaires’’ »54. Il s’inspire également d’une enquête lancée par l’APCA en avril
dernier au sein du réseau des référents régionaux du groupe de projets « AAC ».
54 Source : MAA
43
VII. Discussion
Certaines des difficultés qui peuvent être rencontrées dans la mise en œuvre d’actions sur les filières
agricoles semblent liées à des réglementations existantes. Soutenir financièrement de telles actions doit
se faire dans le cadre des Programmes de Développement Rural ou bien doit faire l’objet de procédures
complexes exigées par le droit communautaire afin de limiter les distorsions de concurrence entre États
membres de l’Union Européenne. En effet, pour l’octroi d’aides d’État, les pays membres sont
contraints de s’inscrire dans des régimes prévus par la Commission européenne. Certains acteurs
interrogés ont déploré « ne pas y voir clair », et attendent d’ailleurs des clarifications de la part du
ministère sur les régimes d’aides déjà déclarés auprès de la Commission qui peuvent être activés. Une
exception existe pour les aides « de minimis », qui ne sont pas considérées comme des aides d’État,
mais ce type d’aides qui s’adresse à un acteur et non un tissu d’acteurs, semble peu approprié au
développement de filières. De manière plus globale, cette étude pose la question de la cohérence des
réglementations actuelles avec les ambitions de plus en plus prégnantes de rapprocher production et
consommation dans les territoires, en alliant développement économique, performance
environnementale et réponse à des attentes sociétales. Les règles relatives aux marchés publics
interrogent également cette cohérence : même si des moyens existent pour s’y adapter, ces règles
semblent compliquer le développement de filières en contraignant les débouchés en restauration
collective, quand bien même le gouvernement actuel encourage l’approvisionnement local des cantines.
Ainsi, une communication accrue auprès des collectivités sur les moyens d’utiliser les achats publics
pour favoriser la protection de la ressource en eau, comme l’a fait de manière tout à fait novatrice la
collectivité Eau du Bassin Rennais, et les bénéfices d’une coopération entre collectivités gestionnaires
d’eau potable et collectivités en charge des achats publics de denrées alimentaires serait probablement
utile.
Néanmoins, les politiques publiques mises en place dernièrement semblent aller dans le sens d’une
prise de conscience accrue des enjeux liés aux modes de production, de transformation, de distribution
et de consommation des denrées alimentaires. Par exemple, l’appui à l’organisation des agriculteurs
entre eux, étape essentielle aux projets de filières, a été renforcé par la création des GIEE par la loi
d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 14 octobre 2014. Cette même loi prévoit
également le développement de Projets Alimentaires Territoriaux (PAT), qui offrent un cadre pour le
développement de filières de proximité. Ces PAT et plus généralement le développement de filières
agricoles favorables à la ressource en eau peuvent s’appuyer sur des outils tels que Schémas de
Cohérence Territoriale (SCoT), l’Agenda 21 ou encore les chartes de Parcs Naturels Régionaux. De
nombreux outils existent d'ores et déjà et mériteraient davantage de communication afin de les faire
connaître et de favoriser leur mobilisation.
44
VIII. Conclusion et perspectives
Ce rapport présente un état des lieux des actions qui pouvaient être envisagées au niveau des filières
agricoles pour améliorer la qualité de l’eau potable. Il vise à accompagner un panel d’acteurs larges. En
effet, les politiques de décentralisation des compétences successives, tant en matière de développement
économique que de gestion de l’eau potable, renforce le rôle de l’État comme accompagnateur.
L’accompagnement financier est essentiel mais il n’est pas suffisant. Ce « porté à connaissance » a pour
objectif de donner des clés de réflexions sur ce type de démarches, qui pourraient guider des acteurs
souhaitant s’engager dans des actions de long terme ou des porteurs de projets rencontrant certaines
difficultés dans la mise en œuvre d’actions.
La poursuite de la réflexion sur le développement des filières favorables à la protection de l’eau est
nécessaire, et pourra s’enrichir d’un travail conjoint entre l’ensemble des parties prenantes de la
politique de protection des captages. Ce travail, amorcé lors des ateliers nationaux organisés en 2016,
puis poursuivi en parallèle par les différentes parties prenantes, gagnera à être relancé par la publication
de la feuille de route nationale captages.
Ce travail de synthèse pourrait être approfondi notamment par un regard sur ce que font d’autres
pays européens en matière de développement de filières agricoles favorables à la ressource en eau, par
une étude des moyens offerts par le marché pour rémunérer des actions de protection de la ressource en
eau, par exemple en interrogeant l’institut national de l’origine et de la qualité, mais également par un
regard sur l’enseignement agricole et le rôle majeur qu’il peut avoir dans le portage d’actions de
territoire.
De manière générale, chaque élément de ce travail de synthèse mériterait d’être approprié par des
acteurs plus proches du niveau local – notamment à l’échelle régionale – dans l’objectif par exemple
d’établir un « guide d’actions » plus directement adaptable au contexte local.
45
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Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, 2017. Alimentation - Les circuits courts de proximité.
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l’Eau et des Milieux Aquatiques, 2014, 72 pages.
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contre-les-pollutions-diffuses-0
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bassin-rennais-reconnue-territoire-d-innovation-grande-ambition.html
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http://www.eaufrance.fr/ressources/groupes-de-chiffres-cles/nombre-de-captages-d-eau-potable
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https://www.devlocalbio.org/wp-content/uploads/2014/06/Fiche-experience-Niort-bassDefBD.pdf
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http://www.gnis.fr/acteurs-filiere-semences/
INRA :
http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Biomasse/Tous-les-dossiers/Miscanthus/Atouts-du-
miscanthus/%28key%29/0
http://www.sad.inra.fr/Toutes-les-actualites/Vittel-bilan-apres-20-ans-de-protection-de-l-eau
http://www7.inra.fr//resultats/Eval_Changement/cahierCharges.htm
INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) :
https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1734
IRSTEA :
http://captages.irstea.fr/protection-dun-captage/etudes-prealables/diagnostic-territorial-multi-pressions
Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation :
http://agriculture.gouv.fr/changement-de-paradigme-et-creation-de-valeur-ajoutee-en-agriculture-le-cas-des-
systemes-bovins
Novabiom :
http://www.novabiom.com/fr/
48
Réglementations européennes :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32007R0834
Réseau des chambres d’agriculture :
https://chambres-agriculture.fr/chambres-dagriculture/nous-connaitre/le-reseau-des-chambres-dagriculture/
Réseau Eau et Bio (FNAB) :
http://www.eauetbio.org/signature-contrat-re-sources-la-rochelle/
Statistiques du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation :
http://agreste.agriculture.gouv.fr/
Synagri Bretagne :
http://www.bretagne.synagri.com/ca1/PJ.nsf/TECHPJPARCLEF/20042/$File/Comparaison%20bio%20et%20c
onventionnel%20une%20%C3%A9tude%20nationale%20Cedabio%202%20-%20367.pdf?OpenElement
Terre Net (site d’actualités agricoles) :
https://www.terre-net.fr/actualite-agricole/economie-social/article/les-paiements-pour-services-
environnementaux-rendus-202-108488.html
49
Annexes
Annexe 1 : Répartition des captages d’eau potable sur le territoire national (2014)
Annexe 2 : L’aire d’alimentation de captages
Annexe 3 : Les causes d'abandon des captages (2012)
Annexe 4 : Causes d’abandon des captages en France, par département (2012)
Annexe 5 : Entretiens réalisés
Annexe 6 : Organisation technico-économique des exploitations agricoles françaises en 2010
Annexe 7 : Utilisation de la sole cultivée française moyenne (2006-2009)
Annexe 8 : Exemples de niveaux de pertes standardisées pour des successions culturales courantes.
Contexte de l’ouest de la Bretagne, pluvieux, lame drainante hivernale > 400 mm
Annexe 9 : Localisation géographique des cas étudiés
Annexe 10 : Ébauche de grille de formulaire d’inscription à l’AMI national
50
Annexe 1 : Répartition des captages d’eau potable sur le territoire national (2014)
51
Annexe 2 : L’aire d’alimentation de captages
52
Annexe 3 : Les causes d'abandon des captages (2012)
Source : ministère de la transition écologique et solidaire
Annexe 4 : Causes d’abandon des captages en France, par département (2012)
53
Annexe 5 : Entretiens réalisés
Ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, Direction Générale de la Performance
économique et environnementale des Entreprises :
- Axelle Cloarec (chargée de mission Céréales au Bureau des Grandes Cultures, semences végétales et
produits transformés),
- Arnaud Chatry (chargé de mission Réseau Rural National au Bureau des Actions Territoriales),
- Franck Bourdy (chargé de mission Actions territoriales et performance environnementale au Bureau
des Actions Territoriales),
- Brigitte Midoux (chargée de mission CASDAR, ONVAR et circuits alimentaires de proximité),
- Aline Boy (Adjointe au chef de projet « Agroécologie et développement de l'agriculture »),
- Clément Jaubertie (Adjoint au chef de bureau Financement des entreprises)
- Ludovic Bonnard (chargé de mission Développement agricole et tutelle des chambres d'agriculture)
Acteurs de la recherche :
- Mathilde Bonifazi (Chargée de déploiement de la démarche Co-click'eau, UMR Agronomie, INRA
Grignon)
Têtes de réseaux nationaux dans le secteur agricole :
- Louis Sicard (chargé d'études Qualité de l'Eau et Services Environnementaux, Assemblée
Permanente des Chambres d'Agriculture)
- Canelle Laisné (chargée d'études Mise en relation des coopératives avec la gestion des captages,
Coop de France Auvergne-Rhône-Alpes)
- Vincent Drevet (Chef de projet de l’Action « Agroécologie » du Programme de développement de
Coop de France),
- Virginie Charrier (Responsable Environnement et Energie, Coop de France),
- Dao Melacca-Nguyen (chargée de mission Eau, FNSEA)
- Suzie Guichard (chargée de mission Agriculture et environnement (eau, pesticides, énergie-climat),
Confédération Paysanne),
- Antoine Villar (chargé de mission Eau, Bio et Territoires, Fédération nationale de l'Agriculture
Biologique),
- Lucile Ducam (chargée de mission Cycle de l'Eau, Fédération nationale des collectivités concédantes
et régies),
Entreprises agroalimentaires :
- Jean-Pierre Mogavéro (Nestlé France),
- Aurélie Lizé (Bonduelle),
- Arnaud Charpentier (Directeur de Gâtichanvre),
Agences de l'eau :
- Loïg Météron (Agence de l'eau Artois Picardie),
- Delphine Berger (Agence de l'eau Rhin-Meuse),
54
- Stéphane De Wever (Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse),
Ingénieurs Généraux de Bassins (rendez-vous téléphoniques ou réunions des IG en mars et
juillet) :
- Aurélia Barteau (Bassin Rhin-Meuse),
- Anne-Françoise Lacomblez (Bassin Artois-Picardie),
- Guy Fremaux (Bassin Loire-Bretagne),
- Alain Aguilera (Bassin Rhône Méditerranée Corse),
- Michel Tuffery (Bassin Adour-Garonne),
- Marc Collet (Bassin Seine-Normandie).
Acteurs locaux :
- Christine Combe (Chargée de mission environnement, Service des eaux, Ville de Lons-Le-Saunier),
- Marguerite-Marie Larroque (Responsable Projets Territoriaux de protection des captages, Eau de
Paris),
- Sandrine Petit (Directrice Générale des Services, Syndicat Intercommunal d'Eau Potable du Santerre),
- Daniel Helle (chargé de mission Protection des ressources en eau, Collectivité Eau du Bassin Rennais),
55
Annexe 6 : Organisation technico-économique des exploitations agricoles françaises en
2010
56
Annexe 7 : Utilisation de la sole cultivée française moyenne (2006-2009)
57
Annexe 8 : Exemples de niveaux de pertes standardisées pour des successions culturales
courantes. Contexte de l’ouest de la Bretagne, pluvieux, lame drainante hivernale > 400 mm
Source : http://agro-transfert-bretagne.unit-rennes1.fr/Territ_eau/
58
Annexe 9 : Localisation géographique des cas étudiés
Source : Lisa Chênerie
59
Annexe 10 : Ébauche de grille de formulaire d’inscription à l’AMI national
Fiche d’inscription à l'Appel à manifestation d'intérêt
Cette fiche est à renseigner par le porteur du projet.
Généralités :
Porteur du projet :
Territoire d’activité :
Type de production :
Surface de l’AAC concernée :
Nombre d’exploitations concernées :
Type de pollutions (nitrate/pesticides) :
Date de début des démarches :
Dynamique mise en place :
Diagnostics de territoire effectués :
Mise en place d’un COPIL : oui/non
Compétences techniques du coordinateur :
Présence d’un animateur agricole dans les structures gestionnaires de l’eau potable :
Organisation entre acteurs (création de GIEE, associations, etc.) :
Relations partenariales entre acteurs (existence d’un document contractuel, et si oui, lequel) :
Présence d’acteur(s) agricole(s) impulseur (agriculteur(s), coopérative(s), chambre
d’agriculture, etc.) :
Présence des coopératives dans les COPIL :
Principaux freins rencontrés bloquant le lancement des actions (absence d’un acteur majeur
dans le COPIL, absence de coordinateur, difficultés d’entente entre parties prenantes, si oui
lesquelles et pourquoi) :
Leviers mobilisés :
Actions mises en place :
Implication de la recherche dans les actions :
Structures ayant un rôle d’accompagnement des agriculteurs (chambre, coopérative, etc.) :
Types de financements mobilisés :
Principaux freins rencontrés dans la mise en œuvre des actions.
Personne à contacter :
Nom :
Poste :
Email :
Téléphone :
60
Abstract :
The quality of drinking water is often pointed out due to diffused agricultural pollution (nitrates and
pesticides). Water managers are forced to find solutions to regain its quality. They tend to avoid curative
solutions, as water treatment, because of the high costs of these solutions, for water managers but also
for households. Preventive solutions have now to be preferred, and farming practices on catchment areas
have to be adapted to these challenges. To ensure the sustainability of these practices, all segments of
the supply chain have to be involved. Besides, the development of agro-food industries in favor of water
quality seems to be beneficial to strengthen cohesion between water managers and economic operators,
whose objectives do not seem to be converging a priori. However, their alliance to achieve a common
objective to structure this kind of agro-food industries is a good way to regain water quality but also to
reconnect ambitions of economic development with local issues.
Résumé :
La qualité de l’eau potable est souvent remise en question en raison des pollutions diffuses agricoles
(nitrates et pesticides). Les gestionnaires de l’eau potable doivent donc trouver des solutions pour
reconquérir sa qualité. Ils sont de plus en plus enclins à éviter les solutions curatives, comme le
traitement de l’eau, en raison des coûts élevés que ces solutions représentent pour les gestionnaires mais
également pour les ménages. Les solutions préventives doivent désormais être privilégiées, et les
pratiques agricoles sur les aires d’alimentation doivent être adaptées à ces enjeux. Néanmoins, garantir
la pérennité de ces pratiques nécessite un engagement de tous les maillons de la filière agricole, de
l’amont à l’aval. Le développement de filières favorables à la ressource en eau semble d’ailleurs être un
bon moyen de renforcer la cohésion entre les acteurs de la gestion de l’eau et les acteurs économiques
des filières, dont les objectifs ne paraissent a priori pas converger. Pourtant, leur alliance autour d’un
objectif de structurer de telles filières permettrait non seulement la reconquête de la qualité de l’eau
potable, mais se présente également comme une opportunité pour reconnecter les objectifs de
développement économique aux enjeux de territoire.