7/24/2019 Poetique Phi Descartes
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Le songe d'une potique philosophique (Les rves de Descartes)
Author(s): Gilbert BossSource: Dialectica, Vol. 47, No. 2/3 (1993), pp. 199-216Published by: WileyStable URL: http://www.jstor.org/stable/42971458Accessed: 17-02-2016 03:11 UTC
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Le
songe
d une
potique
philosophique
(Les
rves de
Descartes)
Gilbertoss*
Summary
This
aper
nthe
hilosophical
oetics
f
Descartes
as he
ollowing
ections:
1. The
paradox
f
philosophical
reation.
2. The
place
f
Olympica
n
Descartes
ork.
3. The hree
reams.
4.
Knowledge,
reamnd
reality.
5.
Science,
oetry
ndwisdom.
6. Scholastic
hilosophy
nd
poetical
hilosophy.
7. Thephilosophicalalue fDescartes reams.8. Themethodfmethod.
9. Who reamed?
1
Il
y
a
dans l histoire e
la
philosophie uelques figures
e
philosophes
out
fait
remarquables
our
leur
capacit
d inaugurer
e
nouveaux
mondes o
toute a
pense
va
dsormais
e
dployer
naturellement.
insi furent
laton,
Descartes
et
Wittgenstein.
ls ouvrentdes
poques
de
la
pense,
mobilisent
aussitt attention u
monde
philosophique,
uscitent a
controverse t im-
posent
leurs
adversairesmme une
certainemanire
nhabituelle e
poser
les
questions.
ur eur
doctrine,
l
se fonde
des coles
qui
les
dforment,
es fi-
gent,
utant
qu elles
diffusenteur
enseignement.
est surtout n
proposant
un
style
dans
la
faon
de
poser
et
d aborder es
problmes
ue
ces
penseurs
orientent
a
philosophie.
Or
leur
personnalit
quelque
chose
de
paradoxal.
D un
ct,
ce sontdes
esprits igoureux,
rs
habiles
ogiciens
ou
mathmaticiens,
pris
de clart t
de
prcision,
dversaires arouches
e touteforme
obscurantisme. e l au-
*
Universit
aval,
acult
e
Philosophie,
av.
.-
.
Savard,
ubec, .Q.,
G1K
7P4,
Canada
Dialctica
Vol.
7,
N
2-3
(1993)
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200
Gilbertoss
tre,
ls sont
emports
par
un enthousiasme
ui parat
es conduire l extrme
oppos
de ce
premier
rait e leur caractre. ls se laissent nflammer
une
inspiration
enue
d ailleurs,
transgressant
n
apparence
la
progression
i-
nairedu
discours,
ui
se
dpasse
dans
un
silence,
abme dans un
paradoxe,
tourdit a
logique
et
l emporte
dans son
vertige.
Pour rendre
hommage
la mmoire
e FernandBrunner ans
un numro
de
Dialctica,
une rflexion
ur ce
paradoxe
me
parat approprie,puisque
notre mi avait un
intrt
assionn pour
ce double
aspect
de la
pense
philo-
sophique,
notamment
ans la
grande
tradition e Platon.
Or,
que
la
passion
du
mtaphysicien
uisse
s allier l amour de la
rigueur
discursive,
ue
les
deux
exigences
s impliquent
mme,
c est ce
que
les initiateurs e ce
numro
doivent voir voulu
manifester.
Des
trois
philosophes
que
j ai
cits comme
modles des
grands
naugura-
teursde
la
pense,
un d entre
ux,
Descartes,
passe
dans le
langage
courant
pour reprsenter
moins
directement
opposition
ntime es
deux traits e ca-
ractre
upposs
leur tre communs.
Alors
que
l enthousiasmede
l inspira-
tion
fait ans conteste
partie
de
l image
de
Platon;
l abme
dans
l impossible
silence,
de
la
figure
e
Wittgenstein;
n retient
urtout ous
l adjectif
cart-
sien l ide de clartet de
distinction,
a
rigueurmathmatique,
a froideur
purement
ationnelle
u
calculatrice.
Certes,
es lecteurs
e Descartes
savent
que
les
figures
u
fou,
du
rveur,
es
gnies
bons ou
mauvais,
raversentes
uvres,
mme
si c est
pour y
tre xorcises
u
profit
e
la marche ssure
et
continue
du raisonnement
mathmatique.
Apprenons
donc de
lui comment
la
rigueur
e la
dialectique philosophique
s apparente
ou non
l inspiration
potique.
2
Pour
des raisons
ui
doivent
paratre
ifficilement
ondables
aux
partisans
de la
pure
rationalit
bstraite,
escartes
a tenu
prsenter
es
grandes
u-
vres ous
la formede
genses
travers
ne histoire.
Ainsi,
e
Discours
de la
Mthodefait
prcder
es essais de
cettemthode
d une
histoire u
fablebio-
graphique,
l on voit e
philosophe
cheminer
entement
ers
acquisition
e
la matrise
ationnelle.
t dans
les
Mditations,
est encore
un
itinraire,
lus
condens,
de six
ours
qui
peuvent
e dtendre
n
six
semaines,
ix mois
.
.)
que
l auteurnous
prsente
t nous
propose.
La raison
parat
donc
devoir
tre
acquise
dans un
parcours ui
ne lui devient
pas
indiffrentt ne s en dtache
jamais
totalement.
Si
le
plus
haut
achvement
e
la
philosophie
conserve
a
trace du
chemin
qui y
conduit,
n ne s tonnera
as
que
Descartes
ait
gard
dans ses
papiers
es
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Le
songe
une
otiquehilosophique
201
vestiges
es
tapes
dterminantes e son
proprevoyage
philosophique.
Or,
parmi
ceux-ci,
es
premires
xpriences
dcisives
qui
marquent
a
dcou-
verte
heureusedes voies de la
philosophie
nt
un
intrt out
particulier our
notre
ujet.
Et il se
trouve
ue
Descartes a not
ustement
vnement
ui
re-
prsente
ses
yeux
illumination
naugurale,
oudroyante,
ont
clair
pro-
jet
sa lumire ur
a
carrire
u
philosophe.
En
effet,
ans un
manuscrit e
jeunesse,
es
Olympiques,
l
raconte
a nuit
naugurale
sa vrit
ui
est
ap-
parue,
et dont a
description
ous est conserve
par
la
paraphrase pparem-
ment
rs
directe t fidlede Baillet.
Ou bien,faut-il roire
que
Descartes n aurait
pas
conservces tmoi-
gnages
de son nitiation
hilosophique
cause de la valeur
horique u il
eur
accordait,
mais
seulement
our
des raisons
entimentales?
ar
il
peut y
avoir
des
garements
eureux,
u
simplement
ouchants.
Voire,
on
peut
conserver
le
tmoind une erreur n
guise
d avertissement.
ans cette
hypothse,
es
crits auraient t
destins
u l usage
tout fait
riv
de
Descartes,
t
alors
on
concevraitmal
que
cet auteur
oucieux de la
maniredont l se
prsentait
en
public,plus
secret
ue ngligent
e
laisservoir es
brouillons,
ait
pas pris
garde
de n en
rien aisser
paratre.
r,
non
seulement l
ne les dtruit
as
avant
demourir,mais lmentionne vnement ans sa
premire
ublication
hilo-
sophique,
en
marquant
dans
le rcitdu
Discours de la
Mthode de
presque
vingt
ns
postrieur,
a
date
dcisive du
sjour
dans
son
pole.
La
vraisemblance e nous
interdit
onc
pas
de
considrer
e rcit
omme
s agrgeant
gitimement
u
corpus
philosophique
de
Descartes,
u
mme ti-
tre
ue
d autresuvres
posthumes,
elles
que
les
importantes
glespour
la
Direction e
l Esprit
a
Recherche e la
Vrit u
les
Entretiens vec Burman.
Il
y
a d ailleurs
une
relation e
symtrie
vec ces
derniers,
un
de ces
textes
anticipant
a
philosophie
cartsienne,
autre a
reparcourant
trospective-
ment.
En
soi,
l
n y
urait
ucun
inconvnient
prendre
u
srieux
un
textede la
jeunesse
d un
philosophe,
uquel
on
retrouve es
rfrences
ndirectes ans
d autres
uvres
de la
maturit,
i,
dans
ce
cas,
sa
nature
mme
ne
paraissait
devoir
exclure u
domaine
de la
philosophie.
l
s agit
n
effet,
on
pas
seule-
ment e la
description
e
songes,
ommeon
pourra
n
retrouver es
esquisses
dans a
premire
Mditation,
ar
exemple,
mais
d une
interprtation
e
rves
qui
parat
tre
commande
par
ceux-ci,
de
l expression
d un
moment
d en-
thousiasme u
de
dlire,
lutt
ue
de
calme
rflexion
ationnelle.
ref,
est
le prjugde la distinctionadicaleentre e rveet a veille, enthousiasme t
la
raison,
a
posie
et la
philosophie,
es
chanes
rassurantes
u
discours t
le
vertige
u
silence,
qui
suscite
ci
la
rticence.
Nanmoins,
puisque
nous vou-
lons
ustement
onder a
justification
e
cette
opposition,
l
convient
de faire
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202
Gilbertoss
au contraire
hypothse
nversede la
pertinence ossible
d une forme en-
thousiasme
pour
la raison
mme.
3
On
sait
que,
au soirde la
Saint-Martin e
1619,
s tant ouch
aprs
avoir
dcouvert es fondements une science
admirable,
Descartes fit rois
ves,
dont les
deux
premiers
urent es
cauchemars,
andis
que
le dernier ui
pr-
senta aussittune
perspective grable.
Dans le
premier onge,
on voit Descartesrencontrer ans la rue des fan-
tmes
qui l obligent
marcher
ench
sur
a
gauche,
cause d une faiblesse
qu il prouve
de leurfait u ct droit.
Malgr
sa
honte,
l ne
parvient as
se
redresser,
l
devient e
ouet
du
vent,
e
rfugie
ans
un
collge
et cherche se
diriger
vers
l glise
du
collge.
Il
oublie de saluer une connaissance
qu il
croise,
ne
parvient as
rparer
et oubli
cause du vent
qui
le
pousse.
Une
autre
personne appelle pour
lui
remettre
n
melon
apparemment
enu de
l tranger.
autres se
joignent
u
groupe,
ans subir es influences
ui
obli-
gent
Descartes se tenir
ench.
l se
rveille,
ent a douleurau ct
droit,
t
se retourne.
Aprs
avoir rflchi ux biens et aux
maux,
l
se rendort t tombedans
un
nouveau
cauchemar,
un
coup
de tonnerre e rveille n sursaut.Ouvrant
les
yeux,
l
voit
des tincelles ans sa
chambre,
assure
de bien
voir,
t
s expli-
que
le
phnomne par
un
caractre tincelant
e ses
yeux
dans la nuit.
De nouveau
calme,
l se rendort t fait
un troisime
ve
o les livres ont
jouer
le rle
principal.
l
commence
par
trouver n livre ur sa
table,
ans sa-
voir
qui l y
a mis. l l ouvreet se
rjouit
de
voir
que
c est un
dictionnaire,
ui
pourra
ui treutile.Un
autre ivre
urgit
ussitt
mystrieusement,
n recueil
de posies, qu il ouvre u hasardpour y irequelque chose. Il tombe lors sur
un
vers
d Ausone:
Quod
vitae ectabor ter?.
.
A ce moment
pparat
un
inconnu
ui
lui montre
n
pome
commenant ar
Est etnon
et e lui vante
comme excellent.Descartes
lui dit connatre ette
autre
dylle
d Ausone et
pouvoir
a retrouver ans le recueildes
potes
qu il
a remis ur
a table. A la
demande de l inconnu oncernant
a
provenance
de ce
livre,
l ui
rpond
qu il
n en sait rien
et
qu un
autre tait
apparu
et avait
redisparu
out
aussi
myst-
rieusement. e dictionnaire
eparat
lors
l autrebout
de
la
table,
t,
e feuil-
letant,
escartes
remarque
u il
n est
plus
entier.
l
se
met lors rechercher
e
pome
Est etnon. .
., mais,
ne
pouvant
e retrouver,l
propose
d en mon-
trer son
visiteur n
plus
beau
encore,
ommenant
ar
Quod
vitae
ectabor
iter
Tombant alors
sur des
gravures,
l
remarque ue
le livre
st
beau,
mais
n est
pas
celui
qu il pensait
connatre.A ce
moment,
a scne
disparat
t le
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Le
songe
une
otique
hilosophique
203
rve e termineans
que
Descartes se rveille. l se
pose
la
question
de savoir
s il
s agissait
un
songe
ou
d une
vision,
onclut
que
c est
un
songe,
et
entre-
prend
de
l interprter
ans
son
sommeil:
e
dictionnaire
ignifie
ensemble
des
sciences,
e
recueil
de
posie,
l union de
la
sagesse
et de la
philosophie,
e
pome
Quod
vitae ectabor ter?.
.,
le bon conseil d une
personne
age.
Il se demande alors
s il
rve ncore
ou
s il
mdite,
e rveille t continue es
yeux
ouverts on
interprtation:
es
potes
rassemblsdans le
recueil
igni-
fient a rvlation t l enthousiasme
qu il
peut esprer pour
lui-mme,
e
pome
Est etnon
,
le
vrai
et
e fauxdans
les scienceshumaines u
profanes.
La russite e son
nterprtation
e convainc
que
l esprit
e vrit estrvl
lui.
Restent
pourtant
es
gravures,
ui
trouvent eur
explication plus
tard,
quand
un
peintre
ient ui rendre
isite t manifeste insi e
caractre
roph-
tique
de ce dernier
ve.
Quant
aux deux
premiers
ves,
l les
rapporte
u
pass.
Quoique
irrpro-
chable
aux
yeux
des
hommes,
l n est
peut-tre as
sans dfauts u
regard
e
l esprit
de
vrit;
d o sa
peur.
Le
melon
signifie
es
charmesde la
solitude,
mais
elon des soucis
trop
humains,
e
vent,
e
mauvais
gniequi
le
pousse
vers
l glise
o il
voulait
ller,
mais o
l entre ui est
nterdite
cause de ce mau-
vais vent.Dans le second
songe,
c est la foudrede
l esprit
e vrit
ui
s abat
sur ui
et le terrorise abord.
4
Aprs
cette
paraphrase
de la
paraphrase
de
Baillet,
l
ne me reste
qu
continuer imiter e
mouvement e ce texte n
poursuivant
mon
tour in-
terprtation
t des rves t
de
l interprtation
e
Descartes,
dans le
mme es-
prit,
il
est
possible,
u
risqueque
cet
esprit
e
soit
pas
celui
de
vrit
u a
cru
recevoir e rveurmme, tort u raison.Mais, selon notre
hypothse,
uel
qu il
soit,
cet
esprit
ne doit
pas
tre
refoul
priori.
L ordre
artsien
voudrait ci
que
les
premiers
onges
ne
soient
abords
qu en
dernier
ieu,
la
cl
dcisive
se
trouvant
ans le
troisime.
Toutefois,
puisque
nous avons
dj
aperue,
l
est
possible
de faire
ussitt
uelques
re-
marques
sur
ensemble des
trois
rves.
Ils ont
videmmentun
lien
avec la
dcouverte
des
fondements
une
science
admirable
e
jour
prcdent,
du
moins si on
les
envisage
dans
leur
suite.
Lorsque
Descartes
se
dirige
vers
glise
du
collge pour
se sauver
des
mauvaisgniesqui l assaillent, est dans deux lieuxsociaux
privilgis
e la
vrit
u il
cherche
efuge:
ensemble
des
sciences
humaines,
t
au
milieuou
au
sommetde
celles-ci,
a
science
divineou
absolue.
Dans
cette
perspective,
le
second
rve,
o
la
foudre
est le seul
acteur,
s interprte
aturellement
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204
Gilbertoss
comme
apparition
blouissantede la lumire a
plus
vivede la connaissance.
Enfin,
nous
savons
que
le monde
des livres u troisime
ve
reprsente
elui
des
sciences,
de
la
sagesse
et de la
philosophie.
Si
un mme
thmerassemble es
rves,
une autre tructureeur est com-
mune
galement.
Dans les trois
as,
il
y
a un
prolongement
u
rve
dans la
ralit.C est d abord
la
faiblesse
hysique
ause
par
es fantmes
ui
se
pro-
longe
dans une douleur
correspondante
u
rveil.
Puis
e
coup
de
tonnerre
u
second
rve,
n rveillant
escartes,
ui
aisse voir effet e la foudredans
sa
chambre.
nfin,
ans e dernier
onge,
e
rveil
st
comme ddoubl:
le
songe
se termine abord
pour
aisser
place
l activit
interprtation,ar aquelle
le dormeur e distancie
dj
de
son
rve ans se
rveiller,
uis
Descartes se
r-
veille finalement
ans
interrompre
a
mditation ommence dans
une sorte
de rve
mditatif.
Ce
rapport
entre
e
rve et
la ralit fait
chaque
fois
objet
d une
r-
flexion
articulire.
ans le
premier
as,
des
deux
possibilits,
oit
que
la
dou-
leur relle
explique
e
rve,
oit
que
le
rverende
compte
de
la
douleur,
Des-
carteschoisit
ussitt
a
seconde,
sans
mme
envisager pparemment
a
pre-
mire,
ui
ne
pouvait
pourtant as
lui
chapper.
l
se retourne
ertes,
oulant
ainsi
supprimer
a
douleur,
de sorte
que
sonaction
parat
dmentiron inter-
prtation.
Mais
il
faut
noter aussi
que
c est
pour passer
du ct
gauche
au
droit, est--dire,
ymboliquement,
u
mauvais au
bon,
et
que
l action
n a
donc
pas
uniquement
une raison
physique.
Aprs
le
second
rve,
Descartes
s assure
qu il
est bien
rveill,
n ouvrant
et refermant
lternativement
es
yeux
et
en examinant a chambre
our
voir i
les
objets
sont
bien ceux
qu il
sait
s y
trouver.
on
principal
ouci
ne semble
pas
trede savoir
il
a bien vu
les
tincelles,
mais
de dterminer
il es a
per-
ues
tant ndormi
u veill. Ce
statut
arat
donc
lui
importer
n
tant
ue
tel. On peutremarquer u icigalement, escartesnechoisit as d expliquer
son rve
n
supposant
impact
rel de
la foudre ur a maison
ou
dans
e voisi-
nage,
bien
qu il
se soit
assur
qu il
avait
effectivement
u les tincelles
tant
veill,
mais
qu il
l explique
au contraire omme
un mouvementvenant
de
l intrieur e son
tre
et se
projetant
l extrieur,
ans
la
ralit,
a lumire
sortant e
ses
yeux.
La foudre
parat
donc
le traverser
our
arriver
ans
sa
chambre,
enant
du
rve,
et non de
l extrieur.
Enfin,
dans
le dernier
onge,
a
question
de
l tat
de
sommeil,
de
rve ou
d veil
se
pose par
deux
fois.
D abord,
il
s agit
de reconnatre
e
songe
comme
teldans le sommeil
mme,
la finde la scne. Ensuite, u rveil, a
question
de savoir
si
l interprtation
ommence
en
dormant
st
songe
ou
mditation
n est
pas
rsolue,
mais cette
ndtermination
empchepas
la
poursuite
e
la
mditation. est
donc
la mditation
ui
fait
ci e lien
entre
e rve
et a rali-
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8/19
Le
songe
une
otique hilosophique
205
t,
en tant
qu elle
trouve on
origine
dans le
premier our
passer
dans la se-
conde.
Il fautd ailleurs
remarquer
n autre
rapport
cisif
ntre e
songe
et
e
rel,
savoir annonce
chiffre e
la venue
du
peintrepar
les
gravures
u
livre.
Or,
non
seulement
a
direction a
nouveau du rve
la
ralit,
mais,
par
la
distance
emporelle lus
grande,
e dernier rait uthentifie
ussi
l in-
terprtation
pontane
des
deux
premiers
vesdans leur
rapport
u
rel,
vu
qu ici,
e dlai
met en vidence ce mouvement u
songe
la
ralit.
Il est vrai
que, pour
l instant,
mme si
Descartes assure
qu il
n avait
pas
particip
ux
beuveries
de la
Saint-Martin,
i
mme bu de
vin
depuis
des
mois,ces rves t leur nterprtationont faits ans l enthousiasme e sa d-
couverte,
ont Baillet
nous dit
qu il
dura encore
quelques jours.
Or cet en-
thousiasme
n est-il
as jusqu ici
la
seule
ustification
e
l trange
de d attri-
buer u rve a
priorit
ur a
ralit,
lutt ue
l inverse?De toute
manire,
a
signification
horique
est encore
bien
mince,
et l on ne voit
pas
ce
que
ces
rves
peuvent ignifier
autre
qu une
sorte de
signe
trs
personnel
dans le-
quel
Descartes
lit
son destinde
philosophe.
5
Or,
si cette
mportance
du rve
pour
le
philosophe
est
signifie
ans
les
rves
eux-mmes,
l
fautrevenir leur
contenu
pour
en
dcouvrir e sens.
Le
premier
onge
dj
met Descartes
dans une situation
trangepar
rap-
port
ux
autres
personnages.
l
constate
ui-mme
et c est un des
aspects
ef-
frayants
e ce
qu il y
vit la
diffrence e condition
ntre
ui
et
es autres.Tous
ses
mouvements ont commands
par
la
rencontre
esprits,
manifestes
ussi
sous la
forme e
vents,
ui l obligent
marcher
ench,
e
poussent,
ui
font
faire es
pirouettes,
e
prcipitent
t e
retiennent
o les autres
marchent
t
se tiennent ranquillementebout,continuent eurvie normale, ndiffrents
aux
dchanements lments
ubtils
ui
emportent
e
rveur.
ourtant,
es-
cartes
st au curde la
ville,
dans les
rues,
puis
dans e
collge,
devant
glise.
Pourquoi
ce
qui
l effraiee
plus
n est-il
pas
la
prsence
d esprits
dans ce
lieu
familier,
ais
au contrairee fait
u il
est
seul les
percevoir
t en
tre
ffec-
t?
Peut-tre es
esprits
ne sont-ils
pas
trangers
u
lieu,
aux
yeux
de
Des-
cartes,
de sorte
que l tranget
st bien
l indiffrencevec
laquelle
les
autres
vivent
armi
eux
sans
inconvnient
pparent.
Or il
s agit
de
science,
nous le
savons.Les
esprits
u
faux
ne
s arrtent
as
pourtant
ux
portes
du
collge,
ls
y accompagnent escartes dansce domaine des sciences, anstreperuspar
les
gens
du
lieu. En
outre,
esprit ui
blesse
Descartes dans le
songe
l atteint
dans son
corps
rel aussi
bien,
et le
songe
lui-mme ui
vientdes
esprits,
u
bon ou du
mauvais,
i
bien
que
l inventeur
es
fondements e la
science admi-
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206
Gilbertoss
rabie
parat
e trouver ufait e cettedcouverte
mport
ans un monde au-
quel
les
autres ne
participent lus.
Il se trouve enferm
eul dans un rve
comme dans
un melon aux
charmesdouteux.
Si c est
un
gnie
malin
ui
l habite,
lors
son rven est
u un
dlire
par rap-
port
la ralitdes
autres,
t il convientde subordonner
e rve l vidence
relle.
Sinon,
si c est
l esprit
de vrit
qui
se
manifeste,
lors
son rve doit
commander a ralit.
Or le deuxime
songe
rvle
que
la lumire uthenti-
que
vient
de l intrieur
our
se
rpandre
ur es
objets
du monde rel.
Seule-
ment,
usqu ici,
cette affirmation
u
songe
est
effrayante,arce
qu elle
ren-
verse e
rapport
du rve la ralit ans
ustification.
C est le
troisime ve
ui apporte
nfin
explication.
out
y
devient
xpli-
cite trs directement.
e
songe apporte
au savant
es outils habituels
de la
science,
savoir
es livres. t
plus
encore,
l
ui
offre es
livres u second
degr
en
quelque
sorte:
des
recueils,
es rsumsdu
monde des
livres,
es livres-bi-
bliothques.
D abord
un
dictionnaire,
sumdes
sciences,
ondens
de tous
les
livres
avants,
ymbole
de la science
profane.
C est
le
collge qui
rap-
parat,disponible,
utile,
utilisable,
rt
s ouvrir t
livrer on
explication.
Ensuite un recueil
de
posies,
rassemblant
es
potes,
e monde de la
fiction,
mais aussi de la
philosophie
t de la
sagesse.
C est
l glise qui
s ouvremainte-
nant,
n tant
que
demeure
de
la
Sagesse.
Et Descartes
agit
d ailleurscomme
on le fait vec
les livres acrs
quand
on veut
es
interroger
ans une situation
incertaine:
l
l ouvre u hasard
pour
y
ire
e
que
le livre
ui dira. Et il
y
trouve
en
effet n conseil
de
sagesse:
quel
chemin
uivre ans a
vie? A vrai
dire,
est
mme
plutt
a
propre
question,
emble-t-il,
u il y
voit reflte.
Tout
promet
onc de
se
rconcilier;
escartes est
maintenant
nstall hez
lui,
es livres
iennent
lui et
ui
rpondent.
t le visiteur nconnu
ui
apporte
encore
un
texte,
ans troubler
escartes,
qui
se
sent dans un environnement
familier: l saito retrouverepomede l inconnu. l n estplus penchsous le
souffle es
esprits
malins
pendant ue
les
autres e tiennent
roits,
mais
l
est
l aise
maintenant ans
e monde
o
l invite autre.Cette
harmonie
n est
pour-
tant
pas
entire.
L inconnu,
qui
surgit
e
nulle
part,
demande d o
vient
e
livre
ue
le rveur
a feuilleter.
l est
apparu
sans
origine
onnue,
nous le
sa-
vons.
Et Descartes
ne s est
pas
pos
de
question
cet
gard,
l a
simplement
constat
e
fait,
omme
si cette
condition
tait assez
naturelle ux
livres.
Au
contraire
e visiteur
arat
venir un
monde
o l on estime
normal
d indiquer
la
provenance
des
livres.Or
cette diffrence
e
statut u
livre
pour
les deux
personnages
va affectereurrelation.Descartesne
parvient
amais lui mon-
trer
u il possde
bien dans
ses livres
e
qu il
prtend
avoir rouv
u
pouvoir
y
trouver.
Non seulement
es
livres
isparaissent
t
reviennent,
ais ls se
mo-
difient
ans
l intervalle. est
toute
a
bibliothque
ui
devient
mouvante
t
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Le
songe
une
otique
hilosophique
207
donc
peu
fiable
pour
le
rveur,
orsqu il
veut utiliser ommeune rfrence
commune
vec son interlocuteur.
ar
l,
d une
maniremoins
dramatique,
a
rupture
ntre e rveur t es autres e
reproduit
ans
ce
songe.
Malgr
es
pre-
mires
pparences,
l
n y
peut-tre lus
de
science
commune ux
deux
per-
sonnages.
Pourtant,
l reste ne forme e
dialogue
entre ux. Descartes
vient e trou-
ver e
pome
rvlateur
orsque
l inconnu
apparat
et lui
prsente
un
autre
pome. Apparemment,
l
y
a
accord entre
ux,
ils ont
es mmes
rfrences,
mme
si,
nous l avons
vu,
cela ne se vrifie
as
entirement.
est en effet n
pome
du mme
pote que
lui
apporte
et uivante
inconnu,
ommeuncom-
plment
sa
premire
couverte.
Poursuivant e
mme
eu,
aprs
chec de
la
recherche e ce
pome,
Descartes revient
sa
premire
couverte
t,
mi-
tant on
interlocuteur,
ffirmeon
propre
pome
plus
beau
encore. Ce
com-
paratif
met
insi en
lumire n
moment e
concurrence
ous-jacent.
L incon-
nu
apparat
comme
tentant
e substituer
la
pice
dcouverte
par
Descartes
une
autre,
u il
lui
vante,
t
Descartes
revient la
sienne,
qu il persiste
esti-
mer
suprieure.
Mais
pas
plus
qu il
n est
parvenu
montrer
omment e
pome prfr
e son interlocuteure
trouvait
ans
son
livre,
l
ne
russit lui
fairevoir e sien
propre.
Quelle
est donc la
complmentarit
u
l opposition
ntre es
deux
textes?
La
prfrence
e
Descartes va une
question,
t en un
sens,
la
question
par
excellence,
u moins
pour
celui
qui
recherchea
sagesse.
Quelle
voie suivre n
la
vie? N est-ce
point
a
question
qui
conditionne outes es
autres?
Quant
au
oui
et non de son
nterlocuteur,
est une
forme
e
rponse
trange,
ui pa-
rat
omporter premire
ue le
mme
lment
d hsitation
ue
la
question.
Ou
plutt,
est
la
forme a
plus
condense
de
l affirmationt de la
ngation,
c est--dire
e la
rponse.
Comme la
question
de
Descartes est a
question
s-
sentielle,e oui et non de son visiteur
arat
tre a formemmede la r-
ponse,
son
schma,
a
rponse
pour
elle-mme.
Dans
ce
cas,
on
comprend
ue
la
question
pose
par
Descartes
amne une
rponse,
t
qu
la
question
par
excellence
fasse cho
la
rponse
pure.
l
est
normal
ussi
que
l inconnu
vante on
texte,
ar
n est-ce
pas
progresser
ue
de
passer
de la
question
la
rponse?
Seulement, nsuite,
e
eu
parat
e
dfaire.
Au lieu
de
retrouvera
rponse
dans son
propre
exte,
Descartes finit
ar
en
revenir sa
question
t
sa
prfrence
riginelle
our
a
question
par
rapport
la
rponse.
l
n est
pas
tonnant
ue
l non
plus,
l
ne
russisse
as
convain-
cre on nterlocuteurt luimontreron
pome.
Contrairementl insistance
sur
a
rponse,
a
prfrence
our
la
question
ne
parat
pas
consolider
es
li-
vresou la
bibliothque.
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208
Gilbertoss
Il faut vouer
que
ce
got pour
a
question
est
trange,
ar a recherche e
la
science
parat
tre elle des
solutions,
e telle orte
ue
les
problmes
oient
en vue des
solutions,
t
non
d abord
pour
eux-mmes.
Or
prcisment,
il
y
a
dans ce rve
un
eu
entredeux
pomes,
l
y
en a un autre
ussi entre
deux li-
vres.
Et de mme
que
les deux formules
ymbolisent
eux formes e discours
ou d attitudes e
l esprit,
e mme
es
deux
livres
ymbolisent
eux formes e
connaissance:
es sciences
profanes,
une
part,
t la
sagesse
avec la
philoso-
phie,
de
l autre.
Et on retrouve ntre ux
un
mme
eu
d apparitions
t de dis-
paritions,
e
complmentarit
t
de
concurrence,
les deux
livres
ttirent
tour tour attention e
Descartes,
quoique
diffremment,
ar le rveurne
s intresse
mmdiatement
u au
recueil
de
posie.
Or
il
y
a
entre es
deux
pomes
et
es deux
ivres n ien
que
Descartes
tablit.
e
dictionnaire
ymbo-
lise la
science,
e
discernement
u vrai
et du
faux,
c est--dire
du oui
et
du
non,
e choix des
bonnes
rponses.
Le recueilde
posie
comprend
es
ensei-
gnements
e
la
sagesse,
et
prodigue
comme
l un
de ses conseils
a
question
fondamentale
u
sujet
du
chemin
suivredans
la vie. En
un
sens,
l est vrai
que
la
posie
ne
rpond
rien,
vec
son mode de discours
fictif,
la
distinc-
tionentre
e rel
et l irrel st
brouille,
mpchant
a
cristallisation
u oui
et
du
non,
et maintenant insi ouverte a
question.
Certes,
e oui
et non
est
prsent
galementparmi
es conseilsdu
recueil
de
posie,
mme
si Descartes
ne
met
amais
la
main
dessus
dans les
exemplaires
qui
se
prsentent
lui.
Cependant
l
s y
itue
un
rang
nfrieur
t l ne se
pr-
sente
pas
en
premier
ieu
au
philosophe.
l est d ailleurs
ntressant
ussi
que
le
plaidoyer
en faveur
de
la
science,
mme
de la
part
de son
avocat,
ne se
fonde
pas
sur
un article
u
dictionnaire,
mais
sur
un
pome.
Ainsi
a subordi-
nation ntre
es deux
pomes
se
retrouve-t-elle
ntirement
ntre es ivres.
a
rponse
a son
origine
dans
la
question,
de mme
que
la science
ne se
ustifie
que
par
la
philosophie
ou la sagesse.
6
Malgr quelques
bizarreries,
nvitables
ans
un
rve,
es
songes
cartsiens
offrent
ne thorie
plausible
des
rapports
ntre
a
question
et
la
rponse,
a
philosophie
t
a science.
Mais,
ustement,
es
aspects
plus
bizarres ont
nsis-
tants.
il
fallait onclure
eulement
ue
les
solutions
pendent
de
la manire
dont
on
pose
les
problmes,
ue
la science
a
son
origine
dans des
rflexions
philosophiques,
ui n y
verrait
assablement
de bon sens? En revanche, il
s agit
de
dvelopper
a
question
pour
elle-mme,
de
placer
a
philosophie
du
ct
de
la
posie
plutt
ue
de
la
science,
a
proposition
arat
moins
raison-
nable.
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12/19
Le
songe
une
otique
hilosophique
209
Pourtant,
ans son
interprtation,
escartes retient ien ces
enseigne-
ments
u
rve.
Commenons
par
identificatione la
posie
la
philosophie,
ou
plutt,
omme dit
Descartes,
la
philosophie
t
la
sagesse ointes
ensem-
ble. La thse st si
consciente
ue
l opposition
ntre a
posie
et a
science,
n-
tre a
fiction
t la
raison,
est
clairement
eprise
t
raffirme. a
sagesse
est
bien du ct des
potes,
non
pas
en
tant
qu ils
deviendraient
aisonnables t
abandonneraient eurs
imaginations
pour
rflchir
obrement,
mais
au
contraire
n
tant
u ils
s abandonnent
l inspiration
otique
et
qu ils
ne
font
mme
que
niaiser.
Ceux-l mme
formulent es
sentences
plus graves,
plus
senses,et mieux
exprimes ue
celles
qui
se trouvent ans lescrits es
philosophes.
Il
y
a dans
cette ffirmation
eux
points
tranges:
d une
part opposition
entre es
philosophes
t es
potes
dans
une
proposition
estine
expliciter
a
thsede l identit ntre
a
posie
et
a
philosophie;
d autre
part
attribution
la
posie
des
proprits
e
la
raison
(gravit,
on
sens,
clart),
au
moment
mmeo l on
oppose
la
posie
la
science
entendue
omme
a
discipline
e la
distinction ette ntre e vrai et le
faux.
Pour a
premire
ontradiction
pparente,
lle
peut
se
rsoudre
isment.
Il suffit e
distinguer
ntre euxsortesde
philosophies
tde
philosophes.
l
y
a
d un ct
ceux
qui
s attribuente nom de
philosophes,
t
qui
ne sont
que
des
savants
de second
ordre,
donns
la
discussion
technique,
ogique,
distin-
guant
ntre e
vrai
t e faux
dans un
discours
cientifique rolifrant,
endant
la
systmatisation
xtrieure
u
dictionnaire,
mais
fondamentalement -
pourvus
de
relle
question
directrice u
d inspiration.
e
l autre,
e
sont
es
philosophes-sages,
ouvent
masqus
sous la
figure
u
pote,
parlant
travers
une
forme e
dlire,
de
plaisanterie,
e
jeu
de
l imagination,
onfondant
p-
paremment
e
vrai t e faux
dans le
plaisir
de
niaiser,
e
feindre,
t
remontant
ainsiaux questionsfondamentales
u engendrent
enthousiasme t
inspira-
tion.
Pourquoi
faudrait-il n effet
u en
philosophie,
l
n en
aille
pas
comme
ailleurs,
n
mdecine
par
exemple,
o
ceux
qui
se
prsentent
omme es
ma-
tres e
l art t en
usurpent
e
nom,
ne sont
pas toujours
eux
qui
le
connaissent
vraiment?
ailleurs,
l inverse,
acher e
pote
sous le
vulgaire
hilosophe,
puis
le
sage
philosophe
dans
le
pote,
ne
voil-t-il
pas
aussi
une
excellente
manire
de
s avancer bien
cach?
Quant
la
deuxime
apparence
de
contradiction,
lle
conduit
des r-
flexions
lus
complexes,
quoique,
en
un
premier
emps,
on
claircissement
puisseprofitere ce que nousvenons de
remarquer
u
sujet
de la distinction
entre e
philosophe
savant et
le
philosophe pote.
S il
est
vrai
que
le
monde
des
sciences du
dictionnaire,
empli
de
distinctions
rcises
de
termes,
ou-
cieux
de
clart t
de
rigueur
ogiques
superficielles,
n se
rvlant
tile
pour
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13/19
210
Gilbertoss
chercher ans son
systme
es
rponses
quelconques
au fur t mesuredes
besoins,
ne livre
pas
les
questions qui
permettraient
e
parcourir
on
laby-
rinthe ans
s ygarer
t
sans
peut-tre
mme
oublier
qu on s y
est
perdu,
lors
ce monde des
rponses
une
dficience
e
sens,
fautede se
rfrer
ux
vraies
questions,
dont
origine
ui est
extrieure,
ntrieuremme au
souci
prosa-
que
de
la
distinction
ogique superficielle
ntre e oui
et e non.
Pour homme
de
science,
habitant e la
bibliothque abyrinthique,
ous
es livres
nt
une
provenance
xacte,
qui
se dfinit l intrieur u
labyrinthe.
our e
pote,
ls
viennent
ailleurs,
ls se
font
t se modifient elon
des
lois
qui
chappent
ux
bibliothcaires,
ux
copistes,
ux
glossateurs,
our qui l origine
un livre st
le
rayon
o
ils
l ont
trouv
pour
la
premire
ois.
Toutefois,
e
philosophe
ne
peut
pas
renoncer
implement
distinguer
n-
tre e vrai t e faux.
Au
contraire,
il
subordonne e oui et e non la
question,
ce n est
pas pour
leur refuser oute
valeur,
mais
pour parvenir
ux
vritables
distinctions:
e choixdu vrai
chemin,
e la vraie
mthode.
l
y
a certesdes dis-
tinctions
u il
vaut mieux
ne
pas
faire,
i
au lieu
d aboutir
clairer
e
pro-
blme,
elles
garent esprit
dans
un
vain travail
ui
ne
conduit
rien
d autre
qu
la
prolifration
latoiredes distinctions.
Mais
d autres ont essentielles
pour
viter
ustement
e rester
erdu
dans le
labyrinthe,
t notamment elle
qui
s tablit ci
entre es deux sortes
de
philosophes.
Seulement,
lles naissent
bien
diffremmentes
distinctions
ngendres
par
la
simpledispute
colaire
entre e oui
et le non.
Dans le
eu auquel
se laisse aller
e
rveur vec
son
interlocuteur
propos
des
livres,
l
s agit
de
reprer
des
textes,
de les
situer,
de s assurerde
leur
place.
.
.
Descartes,
qui
se
croyait
ussi
habile
que
tout utre
cet
exercice,
y
choue
maintenant,
ans
gure
s en
affliger
ailleurs. Le seul texte
u il
d-
couvre
dans
le
livre,
ans le livrede
sagesse,
e
renvoie
lui-mme n
lui
re-
tournant a
question,
u
que
c est a questionmme. ln estpas tonnant ans
ce cas
que
l essentiel
et c est de cela
qu il s agit
ne
se trouve
lus
dans es
i-
vres. ans doute
es livres e renvoient-ils
es
uns aux
autres,
t mme
e
recueil
de
posie peut
contenir
es renvois
u
dictionnaire.
Mais toutcela
est acces-
soire
par rapport
u mouvement
ar
equel
la vraie
posie pointe
vers
une ori-
gine
trangre
u monde du
livre.
Ce
mcanisme
de l crit
potique,
Descartes
e reconnat
arfaitement,
t
il
sait
e
dcrire
rs
prcisment
orsqu il
agit
d interprter
on
songe
et d ex-
pliquer
du
mme
coup pourquoi
c est
la
posie plutt
que
les
ouvrages
sa-
vants
ui
contienta
sagesse.
Car,
affirme-t-il,
a divinit e l enthousiasme t
la force
e
l imagination
ont ortir
es semences
de
sagesse
avec
plus
de
facili-
t et de
brillant
ue
ne
peut
e
faire
a raisondes
philosophes.
S il
se
trouve n
effet
ue
nous avons
en
nous les semences
de
la
sagesse,
important
st de
les
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14/19
Le
songe
une
otique
hilosophique
211
amener
germer.
Que fait e
philosophe
savant dans ce but? Il
analyse
et
classe
les
graines,
herche voir
quelle plante
chacune
correspond,
crit
ces structures
gtales.
. Dire
que
tout
cela
soit nutile
erait
xagr.
Mais
une telle activit
uppose que
les semences ont
dj
germ
t
que
les
plantes
sont
disponibles
n vue
de cette
description.
nsuite,
l
faut
ncore
examiner
si a
description quelque
utilit
our
faire
ermer
nouveau
les
graines.
As-
surment,
l
peut y
avoir en elle une forme e
vrit.
Mme,
il
parat
facile
premire
ue
de
le
vrifier,
uisqu il
uffit e
comparer objet
t sa
description
pour
constater es
diffrences ventuelles.
Seulement,
sait-on
si
l objet
se
donne
toujours
ussi innocemment
u il
parat
se
prsenter?
Comment
agit
en
revanche
a
posie?
Peut-tre,
ar
la chaleur
de
l en-
thousiasme,
chauffe-t-elle
implement
es semences
et es conduit-elle insi
germer.
n
effet,
es
semences e trouvent ans
l esprit
e
tous es hommes
comme es tincelles e feu dans les
cailloux,
note Descartes.
On se souvient
du rvedu
coup
de tonnerre.
l
semblait
ue
la
foudre vait
pass par
e rveur
pour
venir
clairer
a
chambre elle d une
multitude tincelles.
i
le
feuest
dans
esprit
ommedans es
cailloux,
prt
s animer ous
l actiond un
frotte-
ment
vif,
n
comprend ue
le
choc
du
coup
de tonnerre it
fait
aillir
es
tin-
celles
que
Descartes
peroit
nsuitedans sa chambre. i telleest
explication
du
phnomne,
lors l faut
omprendre ue
ce n est
pas
l clair
qui
est
venu
d ailleurs dans
l esprit
de
Descartes,
mais
que
c est
bien le
terrible ruit
du
tonnerre
ui
a
ici
engendr
a
foudre,
ance
alors
par
l esprit
mme de Des-
cartes.
Un
grand
bruit,
oudain,
ncomprhensible,
rovoque
la
lumire
ui
claire subitemente
monde familier
long
alors
dans la nuit.
Remarquons
de
plus que
le
tonnerre clate dans le
rve,
t
que
l clair
aillit
dans la veille.
Le tonnerre est
peut-tre ue
fictif,
a
lumire st relle.
Ainsi
agirait
onc a
posie,
par
une
force
d enthousiasme
et
d imagination,
veillant
ertaines
forces atentesde l esprit t les menant se manifester.
Si
l on
compare
cette
opration
potique
au
travail
de la
raison,
a diff-
rence
aute aux
yeux.
Ce
sont
deux
mcanismes rs
diffrents.
ans le cas de
la
raison,
l
y
a
relative
omognit
ntre
opration
t
le
produit,
dqua-
tion
recherche ntre
ce
que
dit le
discours
rationnel
et
l objet
vis. Au
contraire,
ans
l opration
e la
posie,
la
cause et
effet
estent
trognes.
Un bruit
ffrayant,
ssourdissant,
roduit
ne
lumire
ui
fait
voir.
Un mou-
vement ans
rapport rcis
vec la
ralit
ngendre
n
pouvoir
de
saisir t de
reconnatre ette
dernire.
Un texte
qui
ne dit
pas
la
ralit,
mais
se
voue
voquerdesniaiseries u fictions,flchita puissancemmede
l esprit
t ui
rvle
insi e
monde. Si
donc les
potes
sont
pleins
de
penses
profondes,
l
ne faut
pas
entendre
u ils
concurrencent
es
philosophes
ur
e
terrain
e
ce
qui
est
dit,
implement.
ls
ne
prcisent
as
la
pense
savante,
mais
produisent
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15/19
212
Gilbert
oss
un mode de discours
ui
dclenche autrementa facultde voir
propre
l es-
prit.
i
la
proposition
cientifique
herche ouvent se
faire
mage
exacte de
l objet,
e
propos potique
ne
vise
pas
cette vraisemblance
mitative,
mais,
sans souci de
reproduire
xactement n
lui a
ralit,
l trouve es voies
suscep-
tiblesd exciter
notre
puissance
de connatre
un
peu
comme,
dans l action du
mot,
des sons excitent ne
ide
qui
ne leur ressemble
pourtant
as).
C est le
mme
rapport
u on
trouve ntre a
question
et la
rponse.
Si
je
procde par
rponses,
est--dire
par propositions
ffirmatives
t
ngatives,
par descriptions
e
l objet, e
ne restecertes
pas
sans effet. ar Descartes
ne
prtend
pas que
le
pote
agisse
l o le
philosophe
vulgaire
este otalement
impuissant,
mais seulement
ue
le
pote
mobilisedes
nergies lus grandes
t
agit plus profondment,
lus
vraiment.
ace aux
descriptions
e la
science,
l esprit
voit
exactement e
qu elles
lui
montrent,
ritablement u
fausse-
ment,
t l
ajoute
eurs
distinctionses
unes aux autres
mesure
u elles
se
pr-
sentent.
ertes,
esprit eut
se
dgager
de la focalisation
imite e
l attention
produite
par
ce mode de
discours,
mais
il
n y
est
pas particulirement
ncit.
Au
contraire,
a
question
ouvre des
espaces
l investigation,
ans
y
dtermi-
ner encore
des domaines
prcis,
mme si
chaque
question
a son
propre
champ.
Au lieu de se concentrerur es
dtails,
esprit
st
appel
parcourir
cet
espace
ouvert
par
es
questions,
y placer
toutes es
hypothses,
outes
es
fictions,
y produire
outes
es divisions
dont l est
capable.
Et de
plus,
tandis
que
la
description
a
naturellement
ers e
dtail,
vers a restrictionu
champ
visuel,
es
questions
endent
s enchaner
ans e sens
nverse,
ar
a
question
sur
a
question,
usqu
la
question
par
excellence,
a
plus
profonde
t la
plus
large
de
toutes:celle
qui
concerne
es voies
possibles
u
penseur
u au
vivant,
sans restriction.
l oppos
de la tendance
mmdiate
la
prcision
latoire
du oui
et
non,
a
question
end
replacer
es distinctions
ans
eurcontexte
t,
la limite, ansleurrapport l infini
en
unsens, a questionretourne u sim-
ple,
encore
ndivis,
lors
que
la science se
plonge
dans
a
composition
es divi-
sions).
C est
pourquoi
il n est
pas
tonnant
que
la science
du dictionnaire
puisse
tre
dsigne
comme
purement
umaine
ou
profane,
lors
que
la sa-
gesse potique
est
divine,
olympique.
7
Non seulement
a
sagesse
est
potique,
elle
est aussi
onirique.
C est
proba-
blement a raison
pour
aquelle
Descartes
nterprte
ncore e sens du Quod
vitae
ectabor
ter?
n
songe,
tandis
que
le
Est et
non fait
objet
de
son
in-
terprtation
ne fois
qu il
s est
entirement
veill.Contrairement
u
monde
du
rve,
elui
de la ralit
st
e monde des
distinctions,
es
automatismes,
es
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16/19
Le
songe
une
otique
hilosophique
213
habitudes
iverses,
es savoirs
partiels,
es
objets
discrets.
l oppos,
e rve
prsente
ne
certaine ndiffrenciation
es
possibilits,
u
plutt
du
possible
et de
l actuel.
La
question
y rgne
u
point
u elle
ne
se diffrencie
lus
des r-
ponses.
Toutes
es
possibilits
e
prsentent
vec l inconsistance es
livres
u
troisime
ve,
ui apparaissent
t
redisparaissent
ans
raison,
e
modifient,
e
coulentdans e
eu
du
sens,
ortent u nant
et
retournent leur
mystre
vec
la mme
facilit.
C est
ce
qui inquite,
videmment. oute cette
rvlation est
que
songe.
En
ralit,
ira-t-on,
est a froide aison
qui
seule est
uge.
Une
posie
qui
se
rve
philosophie
n est
pas pour
autant a solide
philosophie
de l homme veil-
l. Descartes
a
certesraison de situer a
philosophiequestionnante
t
poti-
que
du
ct
du
rve,
t
au
contraire
a
science
rigoureuse,
ogique,
du ct de
la ralit.
Rver de dcouvrir
a
sagesse,
ce n est
pas
encore
a
dcouvrir el-
lement. t s il faut
ue
le rve e
ralise,
est
par
e
travail
rcis
de la
raison
attentive.
e voil-t-il
as l enseignement
ue
Descartes,
la
lumire u
our,
devrait irer e
son
exprience
nocturne?
Oublie-t-il e tenir
ompte
de la
diffrencentre e
rve et la ralit?
On
sait
que
la
difficult tablir
lairement ette
distinction intressera
oujours
et
que l argument
e la confusion
ossible
du rveet de la ralit ui
appara-
tra
oujours
ommeun
puissant
moyen
de
soutenir e
scepticisme
mthodique
par lequel
il
assurera es fondements e sa
mtaphysique.
Mais il
saura aussi
interprter
lors ce moment
comme une
tape provisoire
ur le
chemin
conduisant
la
distinction ssure entre e
rve et la
veille.
Pourtant,
oin
de
ngliger
e
problme
ci,
Descartes
y
revient onstam-
ment,
ans
ses trois
ves,
insi
que
nous
l avons
dj
not. Et
nous
avons
vu
que,
ustement,
l
tait
mportant,
ans
le second
songe,
de
savoir ce
qui ap-
partenait
u rve t la
ralit,
our
pouvoir
irer
a
conclusion
ue
le tumulte
durve lluminait ien a ralitmme.L o ladistinctionntre emonde des
songes
et a
ralit
peut
tre tablie et
vrifie,
ant
par
des
moyens
physiques
que par
des
raisonnements
hilosophiques
car
Descartes
recourt
ces deux
sortes e
moyens
prs
e
second
rve),
c est du
mme
coup
le
lien
effectifn-
tre es
deux
mondes
qui
se
vrifie.
est d abord
la raison
veille
qui
dcou-
vre
influence u rve sur
e
rel,
avant
que,
dans
le
troisime
onge,
e
rve
mme ne
vienne
xpliquer
a
prcellence
du
rve
par
rapport
la
veille.
Loin
donc
que
la raison
doive
condamner a
fiction
octurne,
lle
convainc
d y
ac-
corder
foi.
Qu on n imagine
pas
toutefois
u il s agisse
l d une foi
aveugle.
Bien au
contraire,
nterprtant
es
rves,
Descartes se
persuade
de leur
vrit
par
un
critre
ogique,
savoir a
parfaite
ohrencede leur
sens.
Les
tincelles
ui
permettent
la
raison
de voir ont
pour
elle
au
plus
haut
point
atisfaisantes,
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214
Gilbertoss
comme les
problmes
bien
poss
comprendront our
ainsi dire mmdiate-
ment eurs
solutions
pour
ceux
qui
sauront
diriger
eur
esprit
elon les
rgles
de l art.
D ailleurs,
nous
l avons
not
aussi,
a
question
de la
dlimitation u
songe
intervient
eux fois
u
cours
du dernier
ve t de son
interprtation.
abord
le rveur
cide en dormant
u il
a bien
rv.
Quel
est
intrt
e
rgler
ette
question
alors
qu en
un
sens e rve
continue?
C est
probablement ue
la
ra-
litet e rvene
s interprtentas
de la mme
manire.
l
importe
onc
l in-
terprte
e
savoir
qu il
a affaire un
songe,
mme s il est un
interprte
on-
geur.
Ensuite,
doutant nouveau s ilrveou s il
mdite,
Descartes se rveille
sans
rsoudre a
question,
t
continue
implement
mditer,
omme
si
pr-
sent a
question
tait ans
mportance.
C est d ailleurs
vrai,
puisque
a mdita-
tion traverse a frontirentre e rve et la
ralit
ans solutionde
continuit,
sans
qu il
naisse aucun
problme
de
cohrence.
De cette
capacit qu a
la mditation e traverser
ntacte
a frontirentre
le
songe
et la
veille,
l
rsulte
deux conclusions.
Premirement,
a mditation
de la veille n a
aucun
pouvoir
d infirmer,
u seul faitde son
statut,
a
mdita-
tion
du
songe,
vu
qu elles
sont de mme nature.Par
consquent,
a raison a-
borieusedu
jour
confirme ncore les raisonnements e la nuit.Deuxime-
ment,
oin d tre
par
nature
plus
douteux
que
l exprience
veille,
e
rve
comporte galement
e critre
es
sciences
du
jour.
Par
consquent,
l
n y
a
pas davantage
de raisonde
juger
e rve
par
la
veille
que
l inverse.
a
rvla-
tion
du
songe
vaut donc
pour
mon
exprience
ntire,
t de mme
que
la ra-
lit
peut
avoir
priorit
ur le rve dans certaines
matires,
e mme
le
rve
peut
dominer
gitimement
a veille dans d autres
lorsqu il
agit
de
posie,
de
philosophie
t de
sagesse.
Autrement
it,
non seulement
a
fiction
est
pas
interdite ans toutes
es formes e
science,
comme
l
va de
soi,
mais
elle
peut
tre e lieu
par
excellencede la sagesse.
8
Il reste
que
les rvlations
du
rve
demeurent
aradoxales,
mme
si l on
convient
de ne
plus
e dvaloriser
bsolument
par rapport
la ralit.
En ef-
fet,
ue
peut
gagner
elui
qui
interroge
e livre acr
de
la
sagesse
se voir
im-
plement
retourner
a
question?
Comment
comprendre
avec
Descartes
comme
le conseil
d une
personne
sage
cette
question:
Quod
vitae
ectabor
iter?
Assurment,
a
question premire
ui
se
pose
chacun,
qui
prcde
et
conditionne
outes es
autres,
st
bien celle de
la
voie
suivre
ans
la vie.
Car,
par
exemple,
toute
rponse
de caractre
cientifique
mplique
dj
qu on
ait
choisi a voie de
la vrit
cientifique,
u de
la
curiosit.
ersonne
n vite
donc
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Le
songe
une
otique
hilosophique
215
entirementette
uestion,
t
personne
ne
paratpouvoir
a laisser anssolu-
tion.
Pour
vivre,
l fautdonc
s engager
ans
une
voie,
et a
sagesse
n a
pas
nous
apprendre
ette
banalit,
ar
elle
s imposemalgr
nous
si nous ne voulons
pas
la reconnatre.
e conseil
que
nous
attendonsde
la
sagesse,
c est celui
qui
nous aidera
dterminer
otre hoix
pour
une
voie de
prfrence
ux autres.
Dans ces
conditions,
ous
avons
dj
la
question,
t
l nous
faut
a
rponse.
Le
bon conseil
serait
de l ordre
u
Est
et non: ce
chemin,
mais
pas
celui-ci
ou
celui-l.
PourtantDescartes semble satisfait, t il considresa nuit
prophtique
comme dcisive
pour
sa carrire.
Comment e
prsente
onc
a situation u choix?
La
reprsentation
a
plus
courante
st
celle
du
voyageur
rriv
la
croise
des
chemins.
Arrt
u
carre-
four,
l
reste
n moment
ndcis,
ente
de
trouver
uelques
indices
qui
lui
per-
mettront e deviner
a nature t a direction es diverses outes
ui
s offrent
lui.
S il
pouvait
avoir une
carte,
un
guide, nterroger
n habitu de tous ces
chemins,
oil
ce
qui
l aiderait.
e
conseil
d une
personne
age,
ci,
erait elui
de
quelqu un qui
a
dj parcouru
ous es chemins
prenant
ce
carrefour,
u
certains entre ux dumoins,
ui
pourrait
n conseiller n et donner es rai-
sons.
En
vrit,
ette
reprsentation
st abstraite t fausse.
La
vie
ne
s ouvre
pas
devant
nous comme une srie
de routes
ui
nous attendraient
un
carrefour.
D o
vient
e
voyageur ui
arrive
u carrefour?l
est
dj
en
chemin,
nces-
sairement. tout
moment,
l a choiside continuer ur
ce
qui
lui
paraissait
ne
grande
route,
e
dvier
urdes sentiers e
traverse
eut-tre,
u de
prendre
travers
hamps,n ayantpour
sentier
ue
la
trace
qu il
laisse derrire ui.
Il
a
rencontr
robablement
autres
voyageurs
ur
es mmeschemins
ue
lui,
et
il a pu leur demandero ils allaientetpar o ils avaientpass. Et peut-tre
s est-il fforc e suivre
un
ou l autred entre
ux,
ou
la
majorit.
Mais tous
avaient
un
chemin ussi bien derrire ux
que
devant.
La
curiosit
our
e bon
cheminn est
pas
la
station u carrefour.
est
peut-tre
errance
ntre
ivers
chemins.La
rponse
dtermine u oui
et
non,
consisterait
figer rcis-
ment
e
cheminement
un
moment,
un
carrefour,
t
dsigner
une des
voies
parmi
elles
qui
sont
dj
dessines,
pertories.
i ces routesn existent
pas,
ou
ne sont
pas
satisfaisantes
u
restentmal
connues,
voire
nconnues,
i
a
question
n est
pas
pose
une
croisebien
prcise,
ette
rponse
ne
convient
pas. En revanche,e retour e la question, ansdsigner nchemin outdessi-
n,
fait
ependant pparatre
uelque
chose
qu elle
ne
dcrit
as:
que
celui
qui
pose
la
question
chemine.
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Gilbertoss
Qui cherche on
chemin,
fait on chemin.Ce n est
peut-tre as
le
plus
mauvais,
tout bien considr. Et en
y
rflchissant,
est
peut-tre
mme le
meilleur.
D autant
qu alors,
a rflexion ontribue
avantage
encore dter-
miner a direction. t un tel
chemin,
rac
par
une
recherche
ui
se
rflchit,
c est une mthode.Non
pas
une
science,
non
pas
un
cours de science
pour
un
lve
qu on
conduit de l extrieur la
science,
par
une
discipline,
mais
une
mthode de recherche e la vrit.
Cette mthode onduit la
dcouverte e vrits e toutes
ortes,mais,
n
tant
qu elle
suit e conseil de
l esprit
de
vrit,
lle trouve n mme
temps
e
qu elle
ne cesse de chercher
ourtant.
Non
pas
toutes es
petites
rits ter-
mines,
ui
ne sont
pas
mpriser
ertes,
mais a vrit
ui
est au fondement
de
toutes es
autres,
a vrit e la mthode
mme,
savoir
ustement
elle
que
rvle a
question
de la
sagesse.
C est
pourquoi
cettevrit
otique
se
prsente
omme union de la
phi-
losophie
et de
la
sagesse,
selon
interprtation
e Descartes.
Elle est
philoso-
phie,parce qu elle
est
question,
mouret recherche e
la
sagesse.
Elle estaussi
sagesse, parce qu elle
est dcouverte rflexive
e la
vrit
qui
s ouvre dans
cette
question,
en tant
que
conditionde toute
vrit,
rit
premire.
9
Si
la
philosophie
st
potique,
l
y
a une tout utremanirede
la
pratiquer
et
de
la
communiquer ue
celle
qui
convient ux sciences
particulires.
l
y
a
par exemple
un
style,
es
techniques
criture,
estines faire
aillir
es tin-
celles des cailloux
qui
attendent ans notre
sprit
e frottement
dquat.
Que
Descartes se soit
essay
cette
criture,
ui pourrait
n
douter,
prs
avoirre-
marqu
comment l
prtend
artout
aconter es
fables,
manier a
mtaphore
ou l ironie, ous convier des
expriences
eintes u des euxavecdesgnies?
Il doit donc
y
avoir aussi une lecture
potique
de ce
genre
de
philosophie.
Mais
que m importent
es
songes
de
Descartes?
Qu ils
l aient
ou non
convaincu
de
l enseignement
ue j ai
cru
y
dcouvrir,
est-ce
pas
son affaire
personnelle, rive?
l ne
s est
pas prsent
u monde comme
prophte,
mais
comme
philosophe.
l a voulu convaincre
par
les
arguments
t la raison.
Oui,
mais
qu est-ce
que
la raison? Exclut-elle a
philosophiepotique
de
ses
songes?
Exclut-elle
es fictions e ses uvres
philosophiques?
Srement
non.
Que
m importe
prs
tout
que
ces
songes
soientceux de Descartes
plutt
que
les miens?Car
la
question
de savoir
ui
a vraiment
v -t-elle
n sens ci?
Dialctica
Vol.
7,
N 2-3
(1993)