L’exécution du contrat par les tiers Par Raoul Crepu
Mémoire dirigé par Isabelle Alvarez, Doctorante du CDCM
Université Montpellier 1, UFR Droit
Centre du droit de la consommation et du marché
Master 2 Droit privé économique
Mémoire rédigé dans le cadre du Master 2 Droit privé économique Année 2011-2012
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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REMERCIEMENTS
Je tiens à apporter mes plus vifs remerciements à Mademoiselle Isabelle
Alvarez pour m’avoir dirigé dans ce travail de recherche. Son aide et ses
conseils me furent en tous points précieux.
Je tiens aussi à remercier le Professeur Daniel Mainguy pour nous avoir
permis à tous de suivre cette année riche en enseignements et pour la
qualité rare de ses interventions.
Je remercie Monsieur Malo Depincé, maître de conférences, pour son
encadrement ainsi que tous les membres de l’équipe pédagogique qui
nous ont guidés durant cette année.
J’ai enfin une pensée particulière et affectueuse pour tous mes
camarades de promotion avec qui j’ai passé des moments exceptionnels
mais aussi plus généralement pour tous mes proches qui n’ont jamais
cessé de me soutenir.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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SOMMAIRE :
REMERCIEMENTS...................................................................................................... 2 SOMMAIRE :................................................................................................................. 3
PRINCIPALES ABREVIATIONS............................................................................... 4 INTRODUCTION :........................................................................................................ 5
PARTIE I : La nature de l’obligation, condition de l’exécution du contrat par le tiers ................................................................................................................................ 14
TITRE I : L’exécution favorisée des obligations pécuniaires par le tiers……...………..17 Chapitre 1 : Le paiement volontaire du tiers .......................................................................16 Chapitre 2 : Le paiement contraint du tiers .........................................................................35
TITRE II : La possibilité d’exécution limitée des obligations de faire par le tiers……..54 Chapitre 1 : La possibilité laissée au tiers d'exécuter une obligation de faire…………….55 Chapitre 2 : Les limites à l’exécution de l’obligation de faire par le tiers ..........................63
PARTIE II : La recomposition du rapport d'obligation, conséquence de l'exécution du contrat par le tiers…………………………………………………...…………….74
TITRE I : L'exécution du contrat par le tiers génératrice de droits……………….…...75 Chapitre 1 : Le droit à la contrepartie du tiers exécutant d’une obligation pécuniaire .......75 Chapitre 2 : Le droit à la contrepartie du tiers exécutant d’une obligation de faire ............88
TITRE II : L’inexécution du par le tiers génératrice de responsabilités………………..98 Chapitre 1 : L’inexécution d’une obligation découlant d’un engagement autonome .........97 Chapitre 2 : L’inexécution d’une obligation résultant d’un contrat accessoire.................104
Conclusion générale : ................................................................................................. 113 Bibliographie générale : ............................................................................................. 115
Table des matières :.................................................................................................... 124
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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PRINCIPALES ABREVIATIONS
- Art. : Article - Bull. Civ. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation
- CA : Cour d’appel
- Cass : Cour de cassation (civ., chambre civile ; com., chambre
commerciale ; soc., chambre sociale ; req. chambre des requêtes)
- D : Dalloz-Sirey ou Recueil Dalloz
- DP : Dalloz pédiorique
- D. Aff : Dalloz Affaires
- Ed : Edition
- Gaz. Pal : Gazette du Palais
- Loc. cit. : A l’endroit/la page précité(e)
- LGDJ : Librairie générale de droit et de la jurisprudence
- LPA. : Les petites affiches
- JCP : Jurisclasseur périodique
- N° : Numéro
- Not. ss. : Note sous jurisprudence
- Obs. : Observations
- Op. cit : Dans l’ouvrage précité
- p. : Page
- RDC. : Revue des contrats
- RJDA : Revue de réflexion et d’approfondissement du droit public
- RTD. Civ. : Revue trimestrielle de droit civil
- RTD. Com : Revue trimestrielle de droit commercial
- Th. : Thèse
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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INTRODUCTION :
1. Evoquer la personne du tiers en la rapportant au contrat conduit souvent au
même réflexe chez les juristes : réfléchir à comment l’exclure. Pourtant les rapports
entre le tiers et le contrat sont plus complexes qu’il n’y paraît et il serait impossible
d’épuiser cette question fondamentale en se contentant d’opposer le mythe
simplificateur du contrat vu comme un « continent superbement isolé »1. Le contrat est
certes en principe prévu comme étant la chose des parties, c’est d’ailleurs là sa raison
d’être ; sa conclusion est l’expression d’une volonté, d’un choix, celui du contractant,
celui de s’engager avec lui pour une durée déterminée. Le principe est donc celui de
l’exclusion du tiers. C’est en substance ce qui découle de l’article 1165 du Code civil
qui dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles
ne nuisent pas au tiers ».
2. Principe de l’effet relatif des contrats. Ainsi a été posé de façon expresse par
la loi, le principe dit de l’effet relatif des conventions qui semble bannir le tiers de la
sphère contractuelle créée par les parties. Idée que l’on retrouve de façon plus implicite
à l’article 1134 du Code civil qui « renferme déjà ce principe dans la définition qu’il
donne de la force obligatoire du contrat »2, laquelle tient de loi seulement « à ceux qui
les ont faite ». En amont de ces fondements de droit positif, le principe de l’effet relatif
des conventions découle plus généralement du principe de l’autonomie de la volonté
selon lequel l’obligation des parties trouve sa source dans leur volonté ; leur volonté
étant de s’engager l’une avec l’autre, et non, a priori, avec des personnes extérieures ;
d’autant que cette volonté est créatrice d’obligations. De même que les tiers, n’ayant pas
exprimés leur volonté au moment de la conclusion du contrat, ne sauraient être tenus de
son exécution ou ne pourraient en supporter ses effets. Cette règle est garante de la
cohérence du contrat et de son efficacité.
1 M. Cabrillac, Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique commercial , in Mélanges G.MARTY, PUF. Toulouse, éd. 1978, spéc. p. 235. 2 A.BENABENT, Droit civil les obligations, Domat 12ème éd. 2012, p. 181
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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3. Difficultés de distinction entre tiers et parties. Néanmoins, cette présentation
est pour le moins schématique et ne rend pas compte de la diversité des situations qui
peuvent exister. Elle fait fi des évolutions sociales et économiques qui tendent pourtant
à développer les interactions entre les parties et des personnes extérieures au contrat3.
Un clivage aussi étanche entre parties et tiers ne résiste pas longtemps à l’analyse. En
effet, il existe en pratique plusieurs types de tiers, dont certains peuvent avoir vocation à
interagir plus ou moins intensément avec le contrat. L’existence de catégories
intermédiaires entre tiers et parties a tendance à brouiller une distinction qui se révèle a
posteriori bien fragile. Ainsi, à côté du penitus extraneus4, le tiers le plus absolu, celui
qui n’a aucune vocation à interagir avec le contrat, on distingue d’autres catégories de
tiers, dont l’éloignement avec le contrat est plus modéré ou temporaire.
4. On retrouve, en premier lieu, les ayants cause universels ou à titre universel dont
le rôle est prévu à l’article 1122 du Code civil, selon lequel : « on est censé avoir stipulé
pour soi et pour ses héritiers et ayants cause à moins que le contraire ne soit exprimé
ou ne résulte de la nature de la convention ». Les ayants cause universels sont des tiers
au moment de la conclusion du contrat mais, en ayant vocation à continuer la personne
du défunt à sa mort, ils peuvent, sous le coup de la loi, devenir partie au contrat que ce
dernier avait conclu avant sa mort. Cette disposition suppose que l’exécution du contrat
ne soit pas achevée à la mort du contractant originel et que la nature ou le contenu du
contrat admette une telle substitution. En effet, l’article 1122 du Code civil « réserve le
cas des contrats conclu intuitu personae, c’est à dire en considération de la personne
de contractant »5. Dans ce type de contrat, c’est la personne du contractant qui a motivé
l’engagement de l’autre partie, laquelle considère que cette donnée est décisive pour
obtenir le résultat qu’elle attend de l’exécution de la convention, ce qui explique
l’impossibilité de la substitution. Cette limite n’efface pas pour autant la position
intermédiaire des ayants cause à titre particulier : tiers à la conclusion du contrat, ils
peuvent être assimilés aux parties.
3 D.MAZEAUD, Le contrat et les tiers : nouvelle leçon, nouvelle présentation, in Mélanges F.CHABAS, Bruylant, éd. 2011 ; p. 611. 4 Littéralement « totalement étranger » 5 R.CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz 7ème éd. 2006, p. 100
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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5. Situation assez proche de celle des ayants cause à titre particulier qui sont ceux
qui ont recueilli un droit déterminé d’une autre personne, appelée son auteur ; le cas
typique étant celui de « l’acheteur qui est l’ayant cause particulier du vendeur,
puisqu’il a acquis de ce dernier le droit de propriété sur la chose »6. La question des
contrats passés à l’origine par le vendeur sur le bien se pose alors. Son acquisition par
l’ayant cause à titre particulier soumet-elle ce dernier aux obligations découlant de ces
contrats dont il n’est pas partie à l’origine ? Dans certains cas la loi peut régler la
question ; l’article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail prévoyant par exemple la
transmission des contrats de travail en cas de cession de l’entreprise.
6. En l’absence de dispositions légale la jurisprudence a tranché en faveur d’un
principe d’intransmissibilité des dettes à l’ayant cause par un arrêt de la Cour de
cassation du 15 janvier 1918 qui décide que « le successeur ou ayant cause à titre
particulier n’est pas de son plein droit, et comme tel, directement tenu des obligations
personnelles de son auteur ; que ce principe s’appliquer même aux convention que ce
dernier aurait passés par rapport à la chose formant l’objet de la transmission »7. Il
serait en effet choquant de considérer que l’ayant cause à titre particulier puisse être
obligé contre son gré. A l’inverse, l’ayant cause peut bénéficier ses effets du contrat
dans le cas où ce dernier le rendrait titulaire d’une créance8. Cette dualité réduit la clarté
du régime de l’ayant cause titre particulier : ne pouvant être tenu des dettes attachées à
la chose, il peut en revanche bénéficier des droits qui en découle. Dès lors, ils ne sont ni
parties ni totalement tiers.
7. La difficulté de distinction entre les parties et les tiers peut aussi résulter d’un
acte affectant le contrat lui-même, comme la substitution de contractant qui peut
s’opérer dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente ou encore celui de la cession
de créance. Cette dernière s’analyse alors comme « une convention par laquelle un
créancier, appelé cédant, transfère sa créancier à un contractant, appelé cessionnaire ;
le débiteur est désigné sous le nom de cédé »9. Le cessionnaire se substitue alors au
6 S.PORCHY-SIMON, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4ème éd. 2006, p. 187. 7 Cass. Civ. 15 janv. 1918, DP. 1918.1.17 8 Ass. Plen. 7 fév. 1986, D. 1986. 293. 9 Ph.MALAURIE, L.AYNES, Ph.STOFFEL-MUNCK, Droit civil, Les obligations, 5ème éd. 2011, p. 757.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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cédant dans le rapport contractuel et devient par là même créancier du débiteur, alors
même qu’il n’était pas partie au contrat au moment de sa formation. La substitution peut
non seulement intervenir en cours d’exécution mais dès le moment de la conclusion du
contrat par le biais d’une clause qui prévoit la possibilité laissée aux contractants de se
substituer un autre débiteur au cours de la relation. Certaines substitutions ont même
pour fondement une disposition légale, tel le cas de la substitution d’assuré prévue à
l’article L. 121-10 du Code des assurances selon lequel : « en cas de décès de l’assuré
ou d’aliénation de la chose assurée, l’assurance continue de plein droit au profit de
l’héritier ou de l’acquéreur, à charge pour lui d’exécuter toutes les obligations dont
l’assuré était tenu vis-à-vis de l’assureur en vertu du contrat ». La substitution légale
permet alors le maintien du contrat en considération d’un intérêt supérieur, celui de la
sécurité ; alors que la substitution conventionnelle répond aux besoins de fluidité des
échanges en permettant la circulation des personnes nécessaire à l’activité économique.
8. Choix d’une conception stricte de la notion de tiers. Devant l’importante
disparité des situations qui peuvent conduire à confondre la notion de tiers et celle de
parties, un souci de cohérence de l’étude nous amènera à préférer une conception stricte
de la notion de tiers qui se rapprochera alors grandement du penitus extraneus. Seront
alors exclus du champs d’étude les mécanismes et situations qui tendent à assimiler les
tiers aux parties, notamment la substitution et la transmission des droits et obligations
aux ayants cause à titre universel et particulier. Le tiers sera alors défini comme celui
qui n’a pas participé à l’élaboration du contrat et qui n’a pas vocation, selon les termes
de ce dernier, à prendre la place du débiteur dans l’exécution du contrat. Les parties sont
entendues à l’inverse comme celles qui étaient présentes au moment de l’élaboration du
contrat et qui sont naturellement portées à son exécution. Le choix de ce point de vue
extrême permet une analyse plus originale qui nous amènera à mieux saisir à la marge
les limites des rapports entre tiers et contrat. La question du tiers et du contrat se divise
alors classiquement entre la question de l’exécution et celle de l’opposabilité.
9. Opposabilité du contrat au tiers. L’opposabilité du contrat aux tiers renvoie à
la question de savoir si les effets produits par ce dernier peuvent affecter des personnes
extérieures qui n’y sont pas parties. On peut définir l’opposabilité comme « la qualité
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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d’un acte, d’un fait, d’un droit ou d’une situation qui lui permet de rayonner au-delà du
cercle où ils produisent leurs effets directs pour atteindre indirectement les personnes
étrangères qui sont tenues de les respecter »10. D’un point de vue plus fonctionnel,
l’opposabilité peut être entendue comme « la faculté pour les parties ou pour les tiers
de se prévaloir de la situation juridique qu’il a engendrée »11. L’effet relatif des
conventions interdit en principe que le contrat puisse avoir une telle portée. Pour rappel
l’article 1165 du Code civil dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les
parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le
cas prévu par l’article 1121 ».
10. La seule exception à l’effet relatif prévue par le Code civil est la stipulation pour
autrui prévue à l’article 1121, lequel dispose qu’il est possible de « stipuler au profit
d’un tiers lorsque telle est la condition d’une stipulation que l’on fait pour soi-même ou
d’une donation que l’on fait à un autre ». La stipulation pour autrui est une exception
au principe de l’effet relatif en ce qu’elle rend « un tiers à un contrat créancier »12, se
définissant comme « une opération qui, dès sa conclusion, prévoit qu’un tiers pourra
tirer avantage du contrat »13. Une telle exception, qui connaît ses applications les plus
courantes en matière d’assurance, est admise car elle est censée apporter un pur
avantage au tiers sans le contraindre à fournir une contrepartie. Il a donc été admis que
la stipulation pour autrui ne être faite que pour soi-même ou à titre de libéralité au profit
d’un autre14.
11. En dehors du cas de la stipulation pour autrui, la question de l’opposabilité du
contrat au tiers a suscité de nombreux débats. Des auteurs ont même contesté avec
succès la contradiction apparente entre l’opposabilité et l’effet relatif ; ainsi a-t-on pu
lire que « la stricte limitation de la relativité du contrat permet en conséquence
d’affirmer l’opposabilité de principe des actes conventionnels. Seul l’effet direct voulu
par les contractants est relatif ; l’effet indirect, caractéristique de l’opposabilité,
10 G.MARTY & P.RAYNAUD, Les obligations, Sirey, 2ème éd. 1988, p. 271. 11 F.TERRE, Ph.SIMLER & Y.LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 10ème éd. 2009, p. 450. 12 R.CABRILLAC, op. cit. p. 103 13 A.BENABENT, Droit civil les obligations, Domat 10ème éd. 2005 p. 188 14 P.MISTRETTA, La stipulation pour autrui accessoire d’une stipulation que l’on fait pour soi-même : une technique adaptée au droit des affaires, D.1999, n°155, p. 541.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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échappe à cette relativité. Plus explicitement, comme acte générateur de droits ou
d’obligations, la convention voit ses effets restreints aux parties ; tandis que, comme
événement socio-juridique, elle rayonne vers les tiers »15.
12. L’opposabilité ne gêne pas de ce point de vue l’application du principe de l’effet
relatif. Le contrat est à la fois appréhendé comme un ensemble de règles qui ne peuvent
produire des effets qu’entre les parties mais aussi comme un objet social, un être au
monde dont l’existence peut percer la bulle créée par les parties. Le tiers n’est pas tenu
directement par le contrat, mais l’existence même de ce dernier le limite dans son
champ d’action. Par exemple, à la suite d’une vente conclue entre les parties, le tiers
doit respecter le droit de propriété de l’acquéreur. L’effet direct de la convention est de
contraindre une partie à transférer la propriété d’un bien, et ça le tiers ne peut y être
tenu. L’effet indirect est que ce droit créé par le contrat modifie l’ordre juridique global
en restreignant les interactions des acteurs sur le bien cédé.
13. Envisagée de la sorte, l’opposabilité agit même comme un complément à la
force obligatoire des contrats puisqu’elle met à la charge du tiers une obligation passive,
celle de ne pas nuire au contrat. Comme l’explique les auteurs, « à défaut
d’opposabilité, le contrat risquerait d’être privé d’efficacité puisque les tiers pourraient
impunément méconnaître la situation juridique qui en est issue »16. De là il en ressort
que le principe de l’opposabilité, souvent exprimé à travers la métaphore du
« rayonnement du contrat », fait l’objet d’un assez large consensus doctrinal. Elle est
aussi pleinement reconnue en jurisprudence, spécialement dans le domaine de la
distribution, où plusieurs solutions condamnent par le tiers la méconnaissance d’une
clause de non-concurrence17. Le tiers qui contrevient sciemment aux dispositions d’un
contrat engage alors sa responsabilité délictuelle ; « toute personne qui, avec
connaissance, aide autrui à enfreindre les obligations contractuelles pesant sur lui,
commet une faute délictuelle à l’égard de la victime de l’infraction »18. Si le tiers a le
droit de ne pas être soumis aux règles du contrat, il n’a en aucun cas le pouvoir
15 J.DUCLOS, L’opposabilité (Essai d’une théorie générale), LGDJ éd. 1984, p. 50. 16 F.TERRE, Ph.SIMLER & Y.LEQUETTE, op. cit., p. 449. 17 Cass. Com. 27 oct. 1992, D.1992. 505. 18 Cass. Com. 11 oct. 1971, D.1972. 120.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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d’empêcher leur application ; selon l’expression consacrée, « la liberté des uns
commence là où s’arrête celle des autres ». A l’inverse le contrat n’est opposable au
tiers que dans le mesure où il ne vient pas en fraude ses droits19.
14. Opposabilité du contrat par les tiers. Si selon le principe d’opposabilité du
contrat aux tiers, ce dernier ne peut agir contre le contrat ; peut-il en revanche se servir
de lui pour sauvegarder ses propres intérêts ? Cette question est traitée à travers le
concept d’opposabilité du contrat par les tiers qui est la réciproque exacte de
l’opposabilité du contrat aux tiers. Comme l’explique la doctrine, « l’opposabilité du
contrat permet réciproquement aux tiers d’invoquer le contrat contre les parties, non en
tant qu’acte créateur de droit, mais comme un fait »20. On retrouve ici la conception du
contrat appréhendé comme un objet qui bouleverse l’ordre juridique qui a été reprise en
jurisprudence. Ainsi a t-il été admis que les tiers « peuvent invoquer à leur profit,
comme un fait juridique, la situation créée par le contrat »21. Le contrat pourra d’abord
servir de source d’informations au tiers et ainsi l’aider dans son effort probatoire ; par
exemple les dispositions du contrat pourront éclairer pour déterminer qui était gardien
de la chose qui a causé le dommage.
15. La question de pouvait se prévaloir d’une inexécution contractuelle a suscité
plus de débats. La possibilité d’engager la responsabilité délictuelle d’un contractant par
le tiers sur le fondement de son obligation contractuelle était d’abord rejetée par la
jurisprudence, qui posait comme principe que l’on ne pouvait apprécier la faute « qu’en
elle-même et en dehors de tout point de vue contractuel »22. Il en ressortait que la
jurisprudence exigeait que la faute du contractant soit autonome et détachable de son
obligation, avant de changer sa position et de considérer dans une célèbre décision
rendue en Assemblée plénière qui décide que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur
le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que
ce manquement lui a causé un dommage »23.
19 A.BENABENT, op. cit. p. 193. 20 S.PORCHY-SIMON, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4ème éd. 2006, p. 196. 21 Cass. Com. 22 oct. 1991, Bull. civ. IV, n°302. 22 Cass. civ. 3ème, 18 avril 192, Bull. civ. III, n°223. 23 Ass.Plén. 6 oct. 2006, D.2006.2825.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
12
16. La solution, qui consacre plus que jamais la théorie du contrat objet, a suscité
beaucoup de commentaires négatifs en doctrine, certains y ont vu un pouvoir trop grand
laissé au tiers24. Cette solution est en effet très protectrice des tiers, sans toutefois être
excessive car le tiers doit tout de même rapporter la preuve d’un dommage. La question
de l’opposabilité, bien que révélant des aspects théoriques et pratiques intéressants d’un
point de vue juridique, ne fait que considérer les rapports du contrat avec le tiers que
d’une façon extérieure. Un point de vue plus audacieux serait celui d’analyser ces
rapports sous un angle purement interne au contrat, à savoir celui de l’exécution.
17. Exécution du contrat par le tiers. L’exécution est l’élément dynamique de
l’obligation. Elle se définit simplement comme l’action de réaliser l’obligation. En cela
elle semble indubitablement attachée à la personne des parties car l’espoir de pouvoir
bénéficier de l’exécution de l’obligation par son contractant est la raison qui pousse les
parties à s’engager. La promesse de porte-fort est souvent évoquée comme mécanisme
permettant l’exécution d’une obligation par un tiers. Dans cette opération, une personne
promet à une autre qu’elle obtiendra l’engagement du tiers pour l’exécution d’une
prestation25. Cependant le tiers n’est pas lié par cette promesse qui n’agit qu’à titre de
garantie. En cas de refus du tiers, le promettant devra juste indemniser son contractant.
La promesse de porte-fort n’est donc pas à proprement parler une modalité d’exécution
du contrat par le tiers ; la question reste entière.
18. La question de l’exécution du contrat par le tiers a notre préférence car elle se
révèle, à bien des égards, plus audacieuse que celle de l’opposabilité. En effet, la théorie
de l’opposabilité du contrat dénature d’une certaine façon le contrat puisqu’elle le
considère comme un simple fait. Envisager l’exécution du contrat par le tiers permet de
saisir tout le paradoxe de cette confrontation en conservant la vision d’un contrat
envisagé comme un acte juridique. L’attrait de cet angle d’attaque est qu’il apparaît plus
radical. On peut facilement concevoir que le contrat puisse créer une situation de fait
susceptible d’affecter des personnes extérieures à lui. En revanche, envisager qu’une
personne extérieure puisse s’approprier ainsi l’essence même du contrat, l’expression
24 P.ANCEL, Faut-il « faire avec » ?, RDC. 1 avr. 2007, p. 538. 25 R.CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz, 7ème éd. 2006, p. 107.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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définitive de son utilité, à savoir l’exécution, suscite a priori une interrogation plus
vive.
19. Si l’opposabilité permet de constater les conséquences en fait que génère le
contrat hors du cadre qui lui est normalement dévolu, l’étude de la possibilité d’une
exécution va précisément permettre de tracer les contours de ce cadre. L’étude
conciliera les extrêmes : le tiers restera tiers mais agira dans la sphère originelle du
contrat ; ce n’est pas le contrat qui projettera ses effets sur lui, mais lui qui s’y
introduira activement. De plus, une telle question, outre l’intérêt théorique que nous
venons d’exposer, présente un intérêt pratique indéniable. L’étude balaiera ainsi une
variété importante de mécanismes contractuels pour envisager la possibilité d’exécution
de l’obligation par le tiers qu’ils contiennent. Elle permettra en outre de cerner et de
présenter un phénomène dont les contours sont difficilement saisissables.
20. Problématique. L’exécution du contrat par le tiers semble a priori anormale et
contraire à la logique même du contrat. L’exécution de l’obligation contractuelle étant
normalement l’apanage du débiteur, l’hypothèse d’une exécution par le tiers présente
indéniablement une coloration atypique. Il faudra alors se demander dans quelle mesure
cette exécution est-elle possible et en quoi est-elle spécifique.
21. Plan. Nous verrons alors que la possibilité d’exécution de l’obligation
contractuelle par le tiers a ceci de spécifique est qu’elle conditionnée, en amont, par la
nature même de l’obligation (Partie I) et qu’elle n’entraîne pas, en aval, une
disparition totale de l’obligation mais qu’elle a pour conséquence de recomposer celle-
ci autour de la personne du tiers (Partie II).
Partie I : La nature de l’obligation, condition de l’exécution du contrat par le
tiers
Partie II : La recomposition du lien d’obligation, conséquence de l’exécution du
contrat par le tiers
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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PARTIE 1 : La nature de l’obligation, condition de l’exécution du contrat par le tiers
22. Si au premier abord elle paraît atypique, l’exécution du contrat par le tiers n’en
est pas moins une modalité d’exécution très utilisée en pratique. Consacrée à travers un
principe général d’admission du paiement pour autrui, elle se matérialise dans des
mécanismes juridiques des plus courants, pouvant tour à tour prendre la forme d’une
liberté ou d’une contrainte. Elle révèle alors toute sa spécificité en amont, avant même
d’avoir été engagée ; contrairement débiteur qui peut librement s’engager pour toutes
sortes d’obligations, le tiers, du fait de son altérité, verra sa possibilité d’exécuter le
contrat conditionnée par la nature de l’obligation prévue au contrat à la charge du
débiteur. L’exécution des obligations de donner, et plus précisément des obligations
pécuniaires, par le tiers sera alors facilitée (TITRE I) car étant moins soumise au
variations quant au résultat obtenu que l’exécution des obligations de faire, dont l’accès
au tiers sera, à l’inverse, plus limité (TITRE II).
TITRE 1 : L’exécution favorisée des obligations
pécuniaires par le tiers
TITRE 2 : La possibilité d’exécution limitée des obligations
de faire par le tiers
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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TITRE 1 : L’exécution favorisée des obligations pécuniaires par le tiers
23. Les obligations de donner sont le domaine privilégié d’exécution de l’obligation
contractuelle du débiteur par un tiers. Consistant en l’obligation de transférer la
propriété d’une chose, l’obligation de donner est ontologiquement marquée par le sceau
de l’impersonnalité et de la réification. Recevoir une chose de quelqu’un ou d’un autre,
quelle différence ? L’intérêt du créancier est de recevoir la chose. Le tiers peut donc
s’insérer plus facilement dans le rapport d’obligation créé par les parties.
24. L’exécution d’une obligation de donner par le tiers portera alors nécessairement
sur le transfert d’une somme d’argent. Le transfert de propriété s’opérant en principe de
plein droit par l’échange des consentements, aucune obligation n’a vocation à naitre.
L’hypothèse de l’exécution de l’obligation de donner par un tiers ne se posera alors que
dans les cas où le transfert de propriété est retardé, c’est à dire quand les parties
subordonnent ce transfert au paiement du prix26.
25. De plus, le tiers ne peut transférer la propriété d’une chose certaine, par exemple
en cas de vente immobilière, dont il n’est pas propriétaire ; pour atteindre l’exécution de
l’obligation, cette chose doit être un substitut équivalent à la prestation attendue par le
créancier et ce substitut est par excellence une somme d’argent, au vu de la fongibilité
de la monnaie. D’ailleurs cela explique que la plupart des mécanismes encadrant une
exécution de l’obligation par le tiers concernent des obligations de payer une somme
d’argent, que ce paiement intervienne alors de façon volontaire (Chapitre 1) ou
contrainte (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Le paiement volontaire du tiers
Chapitre 2 : Le paiement contraint du tiers
26 V.LONIS-APOKOURASTOS, La primauté contemporaine du droit à l’exécution en nature, PUAM. éd. 2003, p. 10.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
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Chapitre 1 : Le paiement volontaire du tiers
26. Il existe plusieurs modalités dans la volonté de payer la dette d’un autre. Cette
volonté pourra s’exprimer de façon absolue par un paiement réalisé à l’initiative du tiers
(Section 1). Elle sera à l’inverse exprimée de façon plus neutre quand le tiers ne sera
qu’une « main payante », un simple vecteur de paiement entre le débiteur et le créancier
(Section 2).
Section 1 : Le tiers initiateur du paiement 27. Dans cette affaire a priori étrange qu’est le paiement pour autrui, le tiers peut
avoir l’initiative. La possibilité de son intervention consacrée légalement au travers d’un
principe général d’admission de paiement pour autrui (Paragraphe 1) pourra être
encadrée a posteriori par le mécanisme de la gestion d’affaires (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La possibilité de payer les dettes d’autrui
28. Le paiement de la dette du débiteur librement effectué par le tiers (A) aura une
portée assez conséquente puisque la faculté d’opposition des parties sera limitée (B).
A ) Principe du paiement pour autrui
29. L’hypothèse du paiement libre pour autrui semble à première vue toujours
surprenante ; rien ne semble disposer la créance à être satisfaite par un mode de
paiement si « anormal »27, dont on a pu dire qu’il était carrément « un monstre
juridique »28. Surprenante, l’exécution par le tiers de l’obligation pécuniaire l’est
doublement. Au premier abord, le paiement par un tiers à de quoi paraître anormale au
juriste tant il est vrai que la dette, et les obligations en général, sont indubitablement
attachées à la personne du débiteur ; ce en vertu du principe d’autonomie de la volonté
et de celui de la force obligatoire des conventions. Comme le fait remarquer la doctrine,
« il va de soi que le solvens est normalement le débiteur »29, si bien qu’une telle
hypothèse n’appelle que peu de remarques.
27 V.PERRUCHOT-TRIBOULET, Le droit de payer pour autrui, LPA. N°166, p. 12. 28 A.RICHARD, Le paiement de la dette d’autrui, PUAM. 2007, p. 75. 29 F.TERRE,Ph.SIMLER & Y.LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, 10ème ed. 2009, p. 1309.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
17
30. Dans un second temps, l’exécution par le tiers n’est pas commune au titre de la
libéralité qu’elle suppose, toujours suspecte d’un point de vue juridique, et spécialement
contractuel, où les échanges économiques sont privilégiés ; « quel est donc ce tiers non
intéressé à l’obligation qui est en mesure d’acquitter la dette d’autrui? »30. Mais cette
pensée optimiste disparaît en partie quand on se rend compte que la libéralité n’est pas
le seul mobile prévu par la loi, comme nous le verrons plus en avant.
31. L’hypothèse du paiement par autrui est donc contenue de façon générale dans
l’article 1236 du code civil qui dispose que « une obligation peut être acquittée par
toute personne qui y est intéressée », avant d’ajouter dans un second alinéa qu’elle
« peut même être acquittée par un tiers qui n’y est point intéressé, pourvu que ce tiers
agisse au nom et en l’acquit du débiteur, ou que, s’il agit en son nom propre, il ne soit
pas subrogé aux droit du créancier ». Le tiers est ici expressément visé comme
exécutant potentiel de l’obligation pécuniaire. D’ailleurs le texte semble avoir une
portée générale qui aurait vocation à s’appliquer à tous types d’obligations, même non
pécuniaires ; les obligations de faire, ne pas faire ou de donner. Toutefois, le texte est
inséré dans une section du code civil intitulée « Du paiement » dont toutes les
dispositions semblent concerner une obligation de donner31. De plus comme le note le
Doyen Carbonnier,« payer, c’est, par excellence, exécuter une obligation de somme
d’argent ; le paiement est un versement de monnaie, de deniers »32.
32. La question de la portée du texte n’a néanmoins pas sous cet angle de vue une
importance déterminante, car même bien qu’envisagée de façon extensive, elle
s’appliquerait a fortiori aux obligations pécuniaires. La majorité de la doctrine s’accorde
cependant sur le fait que « toute obligation est un paiement »33 et ce quel que soit
l’objet34. Mais bien que l’obligation de payer soit indifféremment définie selon son
30 A.RICHARD, Le paiement de la dette d’autrui, PUAM. 2007, p. 75. 31 M.IZORCHE, S.BENILSI, Paiement, Rép. Civ. Dalloz, n°141, p. 20. 32 J.CARBONNIER, Droit civil, les obligations, PUF. 22ème éd. 2000, p. 580. 33 F.TERRE,Ph.SIMLER & Y.LEQUETTE, op. cit., p. 1307. 34 J.FLOUR,J-L.AUBERT,Y.FLOUR & E.SAVAUX, Les obligations, Tome 3, Arman Colin 4èd. 2006, p.77
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
18
objet, en pratique c’est bien l’obligation pécuniaire qui investit la majorité écrasante des
rapports juridiques35.
33. Le paiement par le tiers peut donc intervenir alors même que la dette avait
préalablement été contractée par un autre débiteur, qui s’était donné pour mission d’être
le solvens, c’est à dire « celui qui effectue un paiement »36, du créancier, lui même
accipiens, c’est à dire « celui qui reçoit ce paiement »37. L’intervention du tiers ne se
fait donc qu’en réaction à une dette préexistante, comme il découle de l’article 1235 qui
dispose que « tout paiement suppose une dette ». Cette disposition aurait pu priver le
tiers de sa faculté d’intervention si la dette était ici entendue de façon subjective. En
effet, le tiers ne pourrait effectuer de paiement car lui-même n’a pas de dette. Mais la
dette est ici entendue de façon objective, elle doit exister indépendamment l’identité de
la personne du débiteur et de celle du solvens final. Ce qui ressort d’ailleurs de la suite
de l’article 1235 concernant la répétition de l’indu : « ce qui a été payé sans être dû est
sujet à répétition ». Loin d’écarter le paiement par le tiers, cette condition objective de
la préexistence de la dette n’a pour but que de protéger le solvens en cas paiement indu.
34. Le type même de paiement indu étant le paiement fait par erreur, visé par
l’article 1377 du code civil. Ce cas qui constitue l’hypothèse la plus malheureuse de
paiement pour autrui est celui du tiers qui croyait être lui même débiteur du créancier.
Favorisé par « la multiplication des acteurs économiques, la généralisation des
assurances et des garanties personnelles »38, un tel paiement est néanmoins considéré
comme invalide ; le tiers solvens devant agir en connaissance de cause, c’est à dire sur
la base d’une volonté claire et précise comme l’a souvent rappelé la jurisprudence39.
35. Au delà de la condition objective de l’existence de la dette, l’appropriation de la
qualité de solvens par le tiers ne va pas sans outrepasser certaines conditions
subjectives, liées à la personne de ce dernier. L’article 1238 dispose en effet que « pour
payer valablement, il faut être propriétaire de la chose donnée en paiement, et capable
35 J.CARBONNIER,Variations sur le droit monétaire, in Mélanges A.Dendias, 1978, p. 1275. 36 R.CABRILLAC, Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec 3ème éd. 2008, p. 378. 37 R.CABRILLAC, op. cit. loc. cit. 38 D.ARTEIL, L’exécution du contrat par un non-contractant, LGDJ. 2007, p. 168. 39 Cass. Civ. 1ère, 13 oct. 1998, Bull. Civ. I, n°299.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
19
de l’aliéner ». Ces conditions sont globalement les mêmes que celles nécessaires pour
s’engager contractuellement, c’est à dire être débiteur, à savoir : la capacité juridique et
la propriété de la chose aliénée, en l’occurrence la somme d’argent. Ce qui est logique
car l’exécution est le pendant naturel de l’engagement. Il est normal que les mêmes
qualités soient requises pour ces deux actions car l’une découle de l’autre. Le tiers ne
peut donc être solvens que s’il remplit lui même les conditions pour être un débiteur
potentiel. Il doit donc pour pouvoir occuper la position contractuelle de ce dernier être à
même réaliser les actes qui s’y rattachent.
36. Le non respect de cette double condition pourra naturellement entrainer
l’annulation de l’acte. Si la condition de propriété fait défaut, la nullité pourra être
invoquée à la fois par le créancier mais aussi par le solvens lui même. Ce dernier aura
intérêt à l’action en annulation au regard du risque de poursuite qu’il risque auprès du
propriétaire légitime de la chose. En revanche, l’incapacité ne pourra être invoquée que
par le solvens incapable et pourra être répété, l’article 1125 du code civil prévoyant que
« les personnes capables de s’engager ne peuvent opposer l’incapacité de ceux avec qui
elles ont contracté ».
37. Le tiers capable d’être solvens pourra choisira un tel sort, a priori contre nature,
pour plusieurs motifs, identifiés par l’article 1237 du Code civil : en vertu d’une
coobligation, d’une représentation mais il pourra aussi et surtout agir « en son
nom propre ». Le tiers peut donc tout à fait spontanément décider de payer la dette
d’autrui sans être tenu par un lien de droit et sans répondre forcément à une requête du
débiteur. Ce paiement bien que spontané n’est pas forcément fait à titre de libéralité, le
code civil prévoyant que le tiers peut être « intéressé » à la dette. Les exemples de tiers
intéressé sont légion et on pourrait citer le cas particulièrement fréquent de
« l’acquéreur d’une immeuble hypothéqué qui a intérêt à désintéresser le créancier
hypothécaire pour éviter d’être évincé par lui »40. La distinction entre la paiement
intéressé et le paiement fait à titre de libéralité sera utile pour déterminer si la
subrogation est possible, cette dernière n’étant réservée qu’au paiement intéressé41.
40 Y.BUFFELAN-LANORE & V.LARRIBAU-TERNEYRE, Les obligations, Sirey. 12ème éd. 2010, p. 168. 41 Article 1236 al. 2 du code civil ; Voir supra,
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
20
38. Même si l’on se doute qu’en pratique, la plupart des paiements se font en
fonction d’un intérêt, le paiement fait à titre de libéralité reste cependant l’exemple le
plus pur et le plus abouti de l’exécution de l’obligation par le tiers, bien que ce paiement
« ne soit pas dans la nature des choses »42. D’autant que ce n’est pas un simple devoir
qui lui est ici reconnu, c’est un véritable droit. Le comportement du tiers à de quoi
interroger puisque ce dernier vient payer le créancier sans intérêt pour lui-même,
s’insérant à la manière d’un intrus dans la relation créée par les parties.
39. L’article 1236 réserve ainsi l’hypothèse du paiement fait par le tiers « en son
nom propre », en opposition à celui fait « au nom et en l’acquit du débiteur ». Formulée
de la sorte, une telle distinction paraît inutile car par définition tout paiement pour autrui
est fait en l’acquit du débiteur. En effet, seul le paiement fait en l’acquit du débiteur
permet de satisfaire le créancier de se dernier, ce qui est confirmé par la jurisprudence43.
Un paiement fait en l’acquit du tiers signifierait que ce dernier cherche à se libérer
d’une dette qui lui est propre. Comme le souligne la doctrine, « le seul tiers non
intéressé qui se voit octroyer une véritable prérogative est celui qui agit en son propre
nom et paie la dette d'autrui sans être automatiquement subrogé dans les droits du
créancier »44.
40. Le véritable droit de payer pour autrui est alors détenu par cette personne
extérieure à la relation contractuelle et qui entreprend de payer la dette du créancier sur
ses propres deniers, sans pour autant espérer d’être à son tour créancier du débiteur.
Bien sûr, on peut toujours supputer que le tiers y trouve toujours son utilité, et cherche
quelque part à être remboursé en sans passer forcément par un mécanisme juridique
mais en vertu de la simple obligation morale qui lierait le créancier. Mais l’âme
humaine étant insondable, le tiers qui effectue un paiement pour autrui sans avoir
d’intérêt clairement identifié doit alors être présumé l’avoir fait selon une intention
libérale. Intention créatrice de droit et autonome mais dont la portée ne saurait se
42 V.PERRUCHOT-TRIBOULET, Le droit de payer pour autrui, LPA. N°166, p. 12. 43 Cass. com., 24 septembre 1981, Gaz. Pal. 1982. I, pan. jur., p. 71. 44 V.PERRUCHOT-TRIBOULET, Le droit de payer pour autrui, LPA.N°166, p. 12.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
21
soustraire totalement au regard des parties qui, a priori, n’avaient pas prévu une telle
intervention à la conclusion du contrat et ne l’ont pas sollicitée durant l’exécution.
B ) Portée du paiement pour autrui
41. « De quoi vous mêlez vous ? »45 : telle pourrait être la réaction naturelle des
parties à l’intervention spontanée du tiers dans le rapport contractuel. C’est que ces
dernières avaient prévu le règlement de leurs affaires entre elles et l’immixtion de ce
« trouble fête »46 a de quoi être gênante. La raison d’être même du contrat est de lier les
deux parties entre elles, en considération notamment du crédit que chacune accorde à
l’autre, eu égard à sa personnalité ou à ses qualités objectives. L’opposition des parties à
l’intervention du tiers aurait l’air sous cet angle tout à fait légitime et cette question
constitue l’enjeu principal de l’étude du paiement spontané de la dette d’autrui, tant il
est vrai que l’intérêt d’une action, spécialement en droit, est de pouvoir être suivie
d’effets, de se révéler pleinement efficace.
42. Pour autant, l’opposition des parties pourrait, a contrario, paraître tout aussi
curieuse à plusieurs égards. Celle du créancier en premier lieu peut sembler tout à fait
contraire à son propre intérêt, à savoir celui d’être payé. Comme dit le dicton, « l’argent
n’a pas d’odeur » ; que lui importe que ce dernier vienne de son créancier ou d’une
tierce personne ? L’utilité même de l’obligation n’est-t-elle pas d’être exécutée ? La
doctrine souligne à cet égard que « le créancier qui se voit proposer l'exécution de
l'objet de l'obligation ne saurait se plaindre. Il doit recevoir le paiement de l'inconnu
qui offre exactement la prestation due »47. La jurisprudence va d’ailleurs en ce sens en
ne refusant systématiquement d’octroyer une faculté d’opposition ou un droit
d’agrément au créancier48. D’ailleurs, la faculté pour le tiers de s’immiscer
spontanément dans la relation contractuelle n’est-t-elle pas expressément prévue par la
loi par le biais de l’article 1236 du code civil ?
45 C.DEMOLOMBE, Traité des contrats ou des obligations conventionnelles en général, Tome 4, Imprimerie générale, 1876, n°55, p. 50. 46 A.RICHARD, Le paiement de la dette d’autrui, PUAM. 2007, p. 21. 47 V.PERRUCHOT-TRIBOULET, Le droit de payer pour autrui, LPA. N°166, p. 12. 48 Cass. civ. 3ème , 16 mai 1972, J.C.P. 1972. IV, p. 169.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
22
43. La seule exception à ce principe concerne les obligations de faire, comme le
précise l’article 1237 du code civil : « L'obligation de faire ne peut être acquittée par un
tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu'elle soit remplie par le
débiteur lui-même ». Or l’obligation de payer une somme d’argent est bien une
obligation de donner49 dont l’objet porte sur un transfert direct de propriété50 et dont
l’inexécution peut se résoudre par une exécution forcée, comme le prévoit l’article 1142
du code civil. Cependant, une certaine partie de la doctrine conteste cette position,
assimilant l’obligation monétaire à une obligation de faire ; la justification de cela étant
que l’obligation de payer une somme d’argent serait avant tout une obligation de livrer
une chose51. Il nous semble toutefois que l’obligation pécuniaire soit bien constitutive
d’une obligation de donner car elle porte avant tout sur le transfert de propriété d’une
somme d’argent52. Le débat n’est toutefois pas primordial dans notre propos ; il importe
peu que l’obligation pécuniaire soit une obligation de faire, de donner ou qu’elle soit un
peu des deux, comme le pense une partie de la doctrine53, ce sont les caractéristiques de
son objet, l’argent, qui sont déterminantes. La somme d’argent est le type même de la
chose désincarnée et fongible54, si bien que le paiement d’une telle somme est « un acte
d’exécution désincarné dont la réalisation n’est pas marquée par la subjectivité »55.
44. Le créancier ne pourra alors guère s’opposer au paiement en se fondant sur
l’intuitu personae dès lors que ce « paiement est satisfactoire »56. Il pourra en revanche
le faire en avançant un intérêt légitime57, c’est à dire en prouvant que le paiement
effectué par le tiers lui cause un préjudice ou le prive d’un avantage certain58. Cette
preuve lui sera plus que mal aisée tant il semble évident que l’intérêt incontestable de
tout créancier est d’être payé. Il en ressort que l’opposition du créancier à un tel
paiement n’a été que très rarement déclarée légitime par la jurisprudence59 ; un cas
49 N. PRYBYS-GAVALDA, La notion d’obligation de donner, Th. Montpellier, 1997, N°659, p. 306. 50 G.LEGIER, Les obligations, Dalloz. 18ème éd. p.3. 51 Ph.SIMLER, J.-Cl. Civ. Art 1136 à 1145, fasc. 10, Classification des obligations, 2004, N°91, p. 21. 52 L-F.PIGNARRE, Les obligations en nature et en somme d’argent en droit privé, Essai de théorisation à partir d’une distinction, Th. Montpellier, 2005, p. 102. 53 G.PGINARRE, A la redécouverte de l’obligation de praestare, RTD. Civ. 2000, N°14, p. 57. 54 G.SOUSI, La spécificité juridique de l’obligation de somme d’argent, RTD. Civ. 1982, N°27, p. 257. 55 F.VALLEUR, L’intuitus personae dans les contrats, Th.Paris 1938. 56 A.BENABENT, Droit civil, Les obligations, Monschretien. 12ème éd. 2010, p. 559. 57 Cass.req. 7 juin 1937, Gaz. Pal. 1937. 386. 58 F.TERRE,Ph.SIMLER & Y.LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz. 10ème éd. 2009, p. 1225. 59 D.ARTEIL, L’exécution du contrat par un non-contractant, LGDJ. 2007, p. 161.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
23
typique d’opposition jugée légitime est celui du créancier qui refuse le paiement du tiers
en raison du fait que cela lui ferait perdre son droit à la résolution judiciaire60 : le
préjudice n’est pas constitué par le paiement en lui-même mais par les conséquences de
ce dernier.
45. Si l’opposition du créancier, au vu de ces considérations, pourrait paraître
étonnante, celle du débiteur a de quoi relever de l’absurde tant il est manifeste qu’il est
le principal bénéficiaire de l’intervention du tiers. On peut d’ailleurs facilement
supputer que cette dernière se fait avant tout en réaction d’une défaillance manifeste du
débiteur qui serait alors bien mal venu de refuser cette main tendue qui lui évite des
suites moins favorables. Le débiteur voulant s’opposer au paiement fait à sa place par le
tiers ne pourra le faire si le tiers paie en son nom propre61 à moins de justifier lui aussi
d’un intérêt légitime. Il est à noter que cette opposition pourra être exercée
conjointement avec le créancier, mais ne doit alors pas relever d’une collusion
frauduleuse comme l’a jugé la jurisprudence62. Néanmoins l’opposition au paiement du
tiers pourrait être pleinement valide si elle était contractuellement prévue : la volonté
souveraine des parties étant tout à fait apte à contrecarrer l’immixtion non désirée du
tiers dans leur relation contractuelle63.
46. En dehors d’une telle stipulation, le tiers sera libre de s’acquitter d’une dette qui
n’est pas la sienne, pour des raisons qui lui sont propres, ce qui est l’expression la plus
extrême de l’exécution du contrat par le tiers. Cette prérogative pourra aussi s’exercer
dans le cadre d’un quasi contrat, la gestion d’affaires, dont le régime aura vocation à
s’appliquer a posteriori, en cas de réclamation des acteurs.
60 Cass. civ. 24 juin 1913, DP. 1917, 1 , p. 38. 61 V.PERRUCHOT-TRIBOULET, Le droit de payer pour autrui, LPA. N°166, p. 12. 62 Cass. civ. 2e, 29 mai 1953, D. 1953. 513 63 D.ARTEIL, op. cit. loc. cit.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
24
Paragraphe 2 : L’encadrement a posteriori du paiement du tiers par la gestion d’affaires.
47. La gestion d’affaires est l’hypothèse même d’un paiement volontaire et
autonome du tiers dans l’intérêt du débiteur (A) mais qui ne doit nécessairement pas
rencontrer l’opposition de ce dernier (B).
A) La gestion d’affaires, un paiement volontaire et autonome du tiers
48. La gestion d’affaires est nécessairement constituée par l’exécution spontanée de
certaines obligations du débiteur par un tiers ; « le gérant d’affaires est celui qui agit
pour autrui sans en avoir été chargé »64. La gestion d’affaires est un quasi-contrat et est
à ce titre constituée de « faits purement volontaires de l’homme »65. Elle se manifeste
« toutes les fois qu’une personne (gérant d’affaire) accomplit un acte dans l’intérêt et
pour le compte d’autrui (maître de l’affaire) sans avoir reçu mandat de celui-ci »66.
49. La gestion est issue de la volonté purement autonome du tiers, elle ne résulte pas
d’un accord de volonté entre lui et le maître de l’affaire ; c’est là aussi un certain
altruisme qui anime le gérant d’affaires, ce qui a fait dire à certains que la gestion
d’affaires était une expression d’amitié en droit civil67. D’autres, plus pessimistes,
notent qu’en revanche que le gérant d’affaires « n’est pas un philantrope »68 et n’agit
que de la manière dont il espère qu’on aurait agi pour lui. Il en résulte que l’acte
conserve un caractère altruiste car le tiers n’est guidé par aucun intérêt propre identifié
et que même s’il compte obtenir une contrepartie à venir, la somme de l’opération
demeure nulle.
64 A.BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien. 11ème éd. 2007, p. 309. 65 Article 1371 du Code civil. 66 J.CARBONNIER, Droit civil, les obligations, Tome 4, PUF 22ème éd. 2000, p. 528. 67 L.CADIET, Petit glossaire de l’amitié en droit civil, in Mélanges. P. Couvrat, 2003, p.8. 68 D.MAINGUY & J-L.REPSAUD, Droit des obligations, Ellipses. 2008, p. 246.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
25
50. L’immixtion du tiers à travers le mécanisme de la gestion d’affaire se fait en
réaction à l’absence du débiteur au moment de l’exécution69. Elle n’intervient pas suite
à la demande de ce dernier, ce qui emporterait alors la qualification de l’acte en contrat
de mandat70. L’existence d’une relation contractuelle de mandat est exclusive de la
gestion d’affaires71. Dans la gestion d’affaires ce sont les évènements, et leur relative
urgence, qui commandent à l’action du tiers, et non pas le débiteur. Il est d’ailleurs
essentiel que ce dernier n’ait pas consenti à l’opération, car cela marquerait un
consentement et donc l’existence d’un contrat.
51. Cette gestion s’analyse comme un fait qui va créer des obligations à l’égard du
tiers qui s’immisce dans l’affaire ; « l’obligation n’est pas issue d’une manifestation de
volonté préalable dont on peut la dissocier, mais d’un fait qui, saisi par la loi, produit
des effets voulus par elle »72. L’encadrement juridique de la gestion d’affaire se fait
postérieurement à son exécution, ce qui en fait indéniablement un fait juridique dont les
effets de droit sont involontaires, contrairement à l’acte juridique qui sont des
« manifestations de volontés productrices d’effets de droit »73. L’absence d’obligation
préexistante est une condition essentielle au régime de la gestion d’affaires qui est
« inapplicable dès lors que les parties sont liées par un contrat »74.
52. Le champ d’action du gérant est alors plus large que dans le contrat de mandat
puisqu’il peut comprendre de actes matériels alors que le mandat se borne lui à la
réalisation d’actes juridiques. En revanche, l’hypothèse de la gestion d’affaires peut
venir se confondre avec celle du paiement pour autrui étudiée précédemment. Dans la
gestion d’affaires, comme dans le cadre du paiement pour autrui, le tiers peut payer sans
mandat du débiteur mais au nom de ce dernier. Même si certains notent que « dans cette
éventualité, le paiement, acte d'immixtion du gérant dans les affaires du maître de
l'affaire, n'est pas pour lui un droit »75, il nous semble cohérent que le mécanisme du
paiement pour autrui puisse être encadré a posteriori par la gestion d’affaires. Pour être 69 C.GRIMALDI, Quasi-engagement en engagement en droit privé, Défresnois. 2007, p. 355. 70 S.PORCHY-SIMON, Droit civil, Les obligations, Dalloz. 4ème éd. 2007, p. 391. 71 B.DONDERO, Le gérant de fait et la gestion d’affaires, Bull. Joly Sociétés, 01 mai 2011 n° 5, p. 400. 72 C.GRIMALDI, Quasi-engagement en engagement en droit privé, Défresnois. 2007, p. 306. 73 D.MAINGUY & J-L.REPSAUD, Droit des obligations, Ellipses. 2008, p. 19. 74 Civ. 3ème, 20 janvier 1999, Bull. Civ, III, n° 17 75 V.PERRUCHOT-TRIBOULET, Le droit de payer pour autrui, LPA. N°166, p. 12.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
26
qualifiée de gestion d’affaires, le paiement doit être reconnu comme utile et opportun76,
condition qui ne vient pas en contradiction avec la faculté d’opposition du débiteur pour
cause d’intérêt légitime. Comme le précise la doctrine, « l’article 1236 alinéa 2 du code
civil n’est autre que la matérialisation, dans le domaine du paiement, du droit plus
général reconnu à toute personne de gérer les affaires d’autrui »77.
53. Toutefois, l’encadrement a posteriori du paiement par la gestion d’affaires
recouvre un champ plus large que le simple paiement pour autrui. L’intervention va
même pouvoir générer d’autres obligations à la charge des parties ; du tiers en premier
lieu puisque l’article 1372 du code civil précise que « lorsque volontairement on gère
l’affaire d’autrui (…) celui qui gère contracte l’engagement tacite de continuer la
gestion qu’il a commencée, et de l’achever jusqu’à ce que le propriétaire soit en état
d’y pourvoir lui-même ». L’exécution réalisée par le tiers va plus loin que le simple
paiement, puisqu’elle va l’engager à poursuivre son intervention, « en bon père de
famille »78, même en cas de décès du maître de l’affaire, « jusqu’à ce que l’héritier ait
pu en prendre la direction ». De plus la gestion d’affaires ne pourra encadrer les
hypothèses d’un paiement fait par intention libérale ou dans l’intérêt exclusif du tiers.
54. Des obligations sont aussi créés à la charge du débiteur puisque l’article 1375 du
Code civil dispose que « le maître dont l’affaire a été bien administrée doit remplir les
engagements que le gérant a contractés en son nom, l’indemniser de tous les
engagements personnels qu’il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou
nécessaires qu’il a faites ». Le maître devra donc restituer au gérant les investissements
réalisés, « à la condition fondamentale que la gestion ait été utile »79. En revanche,
aucune obligation rémunération du gérant n’est obligatoire80.
76 Cass. civ. 28 oct. 1942, DC. 1943, 29. 77 A.RICHARD, op. cit. p. 77. 78 Article 1374 du Code civil. 79 S.PORCHY-SIMON, op. cit. p. 394. 80 Cass. Com. 15 déc. 1992, Défrénois, 1994. 50.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
27
B ) La gestion d’affaires, un paiement accepté a posteriori par le débiteur
55. A la différence du simple paiement pour autrui, où la faculté d’opposition du
débiteur est très limitée, l’application du mécanisme de la gestion d’affaires est en
revanche subordonnée à l’absence d’opposition de ce dernier. Comme l’explique
clairement le Professeur Chabas, « le géré ne doit pas s’être opposé à la gestion ; la
personne qui interviendrait dans les affaires d’autrui contre sa volonté, commettrait
une faute délictuelle »81. Cette condition ne contredit pas la condition précédente de non
consentement de l’intervention par le tiers qui pose comme principe que le tiers ne doit
pas avoir connaissance de la gestion, ce qui en reviendrait à un consentement qui
entrainerait la requalification en mandat. L’absence d’opposition du maître de l’affaire
révèle au contraire l’utilité présumée de l’action conduite par le tiers.
56. Ce principe part du postulat que le maître de l’affaire est le celui qui connaît le
mieux son affaire et qu’il est le plus apte à apprécier les actions qui vont dans son
intérêt. Son opposition marquerait le caractère inopportun ou inutile de l’intervention du
tiers et empêcherait l’application du régime de la gestion d’affaires. Cette opposition
n’intervient cependant qu’a posteriori et ne peut empêcher la réalisation effective du
paiement, car par définition le maître de l’affaire n’en a pas connaissance au moment de
son exécution et ne peut donc s’y opposer ; la gestion d’affaires ne fait ainsi que donner
effet à l’opposition du débiteur82.
57. Opposition qui ne peut logiquement avoir lieu lorsque le débiteur est lui-même
l’initiateur de l’exécution et qu’il a recours au tiers comme vecteur du paiement car
dans cette dernière hypothèse la volonté du tiers de payer la dette sera entendue de
façon plus neutre. Il ne voudra servir que d’intermédiaire, de « main payante » entre le
débiteur et le créancier.
81 F.CHABAS, Leçons de droit civil, Obligations, Tome 2, Montschrétien. 5ème. Ed. 1998, p. 805. 82 A.RICHARD, op. cit. p. 87.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
28
Section 2 : Le tiers, vecteur du paiement
58. La volonté de payer pour autrui pourra s’exercer de façon plus neutre, et ne
découlera plus de la vigueur, du sens de l’initiative du tiers mais de son acceptation de
servir d’intermédiaire de paiement, à la demande du débiteur. Cette hypothèse de
moindre volonté s’exprimera à la fois à travers le mandat (Paragraphe 1) mais aussi la
délégation (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le tiers mandataire du débiteur
59. Le débiteur pourra pleinement mandater un tiers pour payer à sa place (A) sans
que le créancier ne puisse s’y opposer (B).
A) La possibilité laissée au débiteur de mandater un tiers pour effectuer le paiement
60. La forme la plus classique et la plus répandue d’exécution par un tiers est bien le
contrat de mandat, figure symbolique du code de 1804 et dont les origines remontent au
droit romain. Ce dernier se définissant comme « le contrat de représentation par lequel
une personne, le mandant, donne pouvoir à une autre, le mandataire, de conclure en
son nom et pour son compte un ou plusieurs actes juridiques avec un tiers »83. Qu’on ne
s’y trompe pas, le tiers invoqué ici est bien le créancier et non le tiers exécutant qui est
l’objet de notre étude qui lui occupe la place du mandataire. Le créancier est un tiers à
la relation contractuelle qui unit le mandant au mandataire de même que le mandataire
est à son tour un tiers dans la relation contractuelle qui lie le mandant au créancier. Le
contrat de mandat, comme toutes les formes de représentation, met en scène un rapport
triangulaire84.
61. Le mandat organise donc cette mission d’exécution qui pourra organiser cette
mission d’exécution qui pourra être confiée au tiers. D’ordinaire, le contrat de mandat
est le plus souvent utilisé pour permettre la conclusion, notamment en matière
commerciale. L’agent commercial est le type même du mandataire chargé de négocier
83 R.CABRILLAC, Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, éd. 2002, p. 247 84 A.BENABENT, Droit civil, Les contrats spéciaux, Montchrestien, 4ème éd. 1994, p. 387.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
29
et de nouer la relation contractuelle entre le mandataire et son futur cocontractant85.
Toutefois, la conclusion de contrat n’épuise pas à elle seule le potentialités du contrat de
mandat. Ce dernier à un champ d’application assez large et rien ne s’oppose au fait que
le mandataire puisse exécuter en lieu et place l’obligation souscrite par le mandant au
profit de son créancier.
62. Comme l’énonce le professeur Bénabent « la prestation du mandataire se
caractérise par ce qu’elle porte sur l’accomplissement d’actes juridiques », et de
préciser que « la nature de l’acte juridique à accomplir peut être très variable : c’est le
plus souvent la conclusion d’un contrat, mais il peut s’agir tout aussi bien d’actes
unilatéraux », au premier rang desquels « faire ou recevoir un paiement »86. Dans ce cas
le mandat prendra communément le nom d’indication de paiement. Le paiement est
alors certes effectué par le tiers mais il ne l’est pas sur ses propres denier, du moins pas
si le contrat ne le spécifie pas. Ce qui ne l’empêche pas néanmoins de devoir répondre
de ses erreurs et d’engager sa responsabilité à l’égard en cas de faute. Le tiers ne sera
pas non plus engagé envers le créancier, l’article 1277 alinéa 1 du code civil précisant
que « la simple indication faite, par le débiteur, d’une personne qui doit payer à sa
place, n’opère point novation ». Cela signifie que le fait de mandater un tiers pour le
paiement n’éteint pas la dette du débiteur original en vue de la recréer à la charge du
tiers. Monsieur Lionel Andreu précise à ce titre que l’indication de paiement « ne crée
aucun lien d’obligation entre celui qui a vocation à payer et celui qui a vocation à
recevoir » et qu’elle « confère alors seulement au tiers indiqué le pouvoir de recevoir
ou effectuer le payement envisagé »87.
63. Même s’il n’agit qu’en tant qu’intermédiaire qui, transparent, « se laisse
traverser par la lumière de la vérité de la dette »88, on peut considérer que le tiers est
bien l’auteur du paiement car son entremise semble essentielle pour que l’exécution
puisse se réaliser. Bien que simple prolongement de la volonté du mandant, il n’en est
pas moins un rouage essentiel de la mécanique visant à libérer ce dernier ; véritable
85 D.FERRIER, Droit de la distribution, Litec, 5ème éd. 2008, p. 84. 86 A.BENABENT, Droit civil, Les contrats spéciaux, Montchrestien 4ème éd. 1994, p. 379. 87 L.ANDREU, Du changement de débiteur, Dalloz, éd. 2010, p. 12. 88 A.RICHARD, op. cit., p. 46.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
30
courroie de transmission de la dynamique d’exécution et d’extinction de la dette. En
effet, le mandant ne confierait pas une telle tâche à un tiers si cela ne revêtait un
caractère indispensable, sinon simplement utile. Mais le mandant reste en dernier ressort
celui sur lequel pèse la charge du paiement, c’est pourquoi le mandat pour payer est
communément appelé indication de paiement.
64. Le terme indication révélant bien à la fois la neutralité de l’opération et le
caractère directif de cette dernière qui est totalement orientée par le mandant. Comme
l’explique Monsieur Laurent Godon, « l’indiqué occupe les fonctions d’un représentant
et s’efface complètement pour ne laisser en présence que l’indicateur représenté »89.
Cette transparence explique d’ailleurs que le paiement fait par le tiers mandataire soit
pleinement opposable au créancier.
B) La pleine opposabilité du paiement effectué par le tiers mandataire au créancier
65. La question de la portée du paiement réalisé par le tiers mandataire du débiteur
ne se pose qu’en terme d’opposabilité au créancier. L’opposition du débiteur n’aurait
pas de sens car par définition le mandant et le mandataire ont exprimé leur accord sur le
point de la réaction de l’acte par le mandataire. Le mandat est en outre principalement
l’expression principale de la volonté du mandant ; il lui revient de définir le cadre
d’action du mandant. Comme le résume Pascal Puig, « l’essence du mandat tient au
mécanisme de représentation qu’il met en œuvre » au profit d’une personne qui, sans
être directement présente (…) peut ainsi accomplir un acte par l’intermédiaire de son
représentant qui, d’une certaine façon, prolonge sa personne et lui assure le don
d’ubiquité »90.
66. Le créancier ne pourra valablement s’opposer au paiement d’une dette monétaire
réalisé par le tiers mandataire. En effet, comme l’explique Anne Richard, « le paiement
de la dette d’autrui effectué par un mandataire se cantonne alors à l’exécution d’une
obligation de donner, plus précisément une obligation de somme d’argent, à l’exclusion
89 L.GODON, La distinction entre délégation de paiement et indication de paiement, Defrénois, 29 février 2000 n° 4, P. 193 90 P.PUIG, Contrats spéciaux, Dalloz éd. 2005, p. 463.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
31
de l’obligation de faire entrant davantage dans la mission du sous-traitant »91.
L’opposition du créancier ne pouvant s’exercer qu’en cas d’obligation de faire il ne
pourra refuser de recevoir le paiement effectué par un tiers, d’autant qu’a fortiori le
transfert d’argent ne justifie pas de considérations spéciales eu égard à la personne qui
le réalise. Une telle opposition sera aussi difficile dans le cadre de la délégation
paiement.
Paragraphe 2 : Le tiers délégué du débiteur
67. La délégation pourra aussi servir de mécanisme à un paiement du tiers requis par
le débiteur contractuel. La délégation paiement est un mécanisme qu’il n’est toutefois
pas facile de définir (A) et de distinguer du mandat paiement (B).
A ) Définition de la délégation paiement ou délégation à effet de payer
68. La délégation consiste classiquement en « une opération juridique aux termes de
laquelle une personne dénommée « le délégué » s’engage à payer sur ordre du
« délégant » une troisième personne appelée « délégataire » »92. C’est là une des plus
anciennes formes de représentation dont les origines remontent au droit romain où elle
était une variété de mutuum, ce dernier une convention formée essentiellement par la
remise d’une chose, la res93. Il existe une multiplicité de raisons qui peuvent pousser le
délégué à s’engager, au rang desquelles l’intention libérale sous laquelle il faut voir
« une donation indirecte faite par le délégué qui accepte de payer la dette d’autrui »94.
Les raisons de l’engagement du délégué ne découlent donc pas forcément des relations
qui préexistaient même si cette hypothèse se vérifie dans la majorité des cas où « le
délégué est débiteur du délégant »95.
69. La délégation est en fait « une technique simplifiée d’obligations »96 intervenant
dans un cadre complexe ; au lieu que le débiteur s’acquitte auprès de son créancier, qui
lui même ira avec la somme obtenue s’acquitter auprès du sien, le premier débiteur
91 A.RICHARD, op. cit., p. 45. 92 V.TOULET, Droit civil, Les obligations, Paradigme éd. 2007, p. 226. 93 J-P.LEVY & A.CASTALDO, Histoire du droit civil, Dalloz 2ème éd. 2010, p. 701. 94 Ph.MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 10ème éd. 2007, p. 556 95 V.TOULET, op. cit., p. 226. 96 M.BILLAU, La délégation, Rep. Civ. Dalloz, éd. 1993, n°13.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
32
s’acquitte directement auprès du créancier de son créancier ; « le délégant va donc
utiliser sa créance contre le délégué afin de payer la dette qu’il a à l’égard du
délégataire »97. La délégation reprend en fait l’esprit de la compensation mais au sein
d’un rapport triangulaire. Elle est la réunion de deux actes juridiques dont l’un est
soumis à l’autre : l’accord entre le déléguant et le délégué, qui ne sert qu’à la réalisation
d’un second acte, qui en fait le cœur de l’action, le paiement du délégué au délégataire
et ainsi l’extinction de la dette du délégant. Comme l’exprime brillamment Monsieur
Lionel Andreu, « elle est, pourrait-on dire, le pinceau de l’artiste, en mouvement, et non
l’encre qu’il dépose sur sa toile ; le marteau de l’ouvrier en action, et non le clou ou le
burin qui le frappe. L’artiste peut certes utiliser l’encre sans le pinceau, comme
l’artisan pourrait utiliser seul le clou ou le burin ; mais il prend alors le risque
d’exprimer sa pensée artistique de manière moins parfaite et moins assurée »98.
70. Derrière cette apparence simplificatrice, la délégation masque en fait une dualité
fondamentale. Il existe en effet historiquement deux formes, héritées du droit romain, de
délégation : la délégation paiement, ou délégation à effet de payer, et la délégation
engagement. La délégation romaine pouvait ainsi porter soit sur un transfert de propriété
soit sur une promesse99. Distinction qui semble se prolonger à l’Ancien droit où il
existait à côté de la délégation parfaite emportant novation du délégant au délégataire,
d’autres types de délégations imparfaites, dont la délégation payement où le délégué
s’oblige envers le délégant à s’exécuter entre les mains du délégataires.
71. Au fil du temps, l’influence de la délégation engagement, ou délégation à effet
de s’engager a pris le pas sur celle de la délégation payement, jusqu’à totalement
l’éclipser dans le discours doctrinal100. Cette position s’explique par l’interprétation de
l’article 1275 du code civil qui semble limiter la diversité de la délégation à la
distinction entre délégation simple et novatoire. Pourtant ce texte n’a nullement de
portée limitative et n’a pas vocation à tracer les contours définitifs à la notion de
délégation.
97 D.ARTEIL, L’exécution du contrat par un non contractant, LGDJ, 2006, p. 207. 98 L.ANDREU, Du changement de débiteur, Dalloz, éd. 2010, p. 19. 99 P-F.GIRARD, Manuel élémentaire de droit romain, Dalloz, 2003, p. 744. 100 L.ANDREU, op. cit. p. 22.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
33
72. La majorité de la doctrine semble aujourd’hui considérer que la délégation crée
nécessairement envers le délégataire à la charge du délégué. Le Professeur Daniel
Mainguy et Monsieur Jean-Louis Respaud notent par exemple que la délégation est une
convention entre le délégant et le délégué dont l’objet est « de payer une troisième
personne » et de « créer une obligation nouvelle entre le délégué et le délégataire »101.
En revanche, pour les Professeurs Malaurie et Aynès, l’obligation du délégué est de
« s’engager envers le délégataire ». Même si l’objet de la convention n’est pas
exactement le même dans ces deux analyses – payer ou s’engager auprès d’un tiers – il
n’en demeure pas moins que l’effet reste la création d’une obligation à l’égard d’un
tiers. Conceptions qui semblent annihiler la notion de délégation payement ou du moins
qui la fondent dans la délégation engagement ; le délégué doit payer le tiers, mais aussi
s’engager envers lui.
73. Or la délégation payement n’est pas à l’origine conçue comme créant une
obligation à l’égard du tiers délégataire, elle correspond en fait au schéma selon lequel
« une personne (le délégant) obtient d’une autre (le délégué), non pas qu’il passe u ne
convention avec le délégataire, mais qu’il effectue une prestation directement entre ses
mains »102, en l’occurrence le versement d’une somme d’argent. Certains arrêts de la
cour de cassation se conforment même à cette vision d’une délégation ne créant pas
d’obligation entre le délégué et le délégataire103, ce qui la conception originaire de la
délégation paiement. Toutefois une telle conception peut brouiller les critères de
distinction avec l’indication de paiement.
101 D.MAINGUY & J-LRESPAUD, Droit des obligations, Ellipses éd. 2008, p. 379-381. 102 L.ANDREU, Du changement de débiteur, Dalloz, éd. 2010, p. 66. 103 Cass. civ. 1ère, 9 déc. 1981, Bull. civ. III, n°387 ; Cass. com. 22 juin 1983, Bull. civ. IV, n°387.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
34
B ) Différences entre la délégation de paiement et le mandat de paiement
74. La perte d’influence de la délégation de paiement est en grande partie due à sa
très grande proximité avec le mandat de paiement dont la doctrine et même la
jurisprudence104 ont parfois eu du mal à tracer une ligne de démarcation. Dans les deux
cas en effet un tiers s’immisce dans une relation contractuelle à la demande du débiteur
qui lui requiert d’allers régler sa dette auprès de son créancier. Aussi, ni indiqué ni
délégué ne sont nécessairement tenus en vertu d’une obligation préexistante envers leur
indicateur ou délégant, même si dans les faits il s’agit d’un cas de figure le plus
fréquent105.
75. La différence fondamentale se situe alors dans les obligations naissant entre le
tiers et le débiteur contractuel. Si la délégation paiement est un engagement unilatéral,
« l'indication est, quant à elle, en raison de son assimilation au mandat, un contrat
synallagmatique engendrant des obligations à la charge de chacune des parties, qu'il
s'agisse de l'indicateur ou du débiteur indiqué »106. Ainsi le mandant dispose-t-il d’une
action contractuelle contre le mandataire dont le délégant est lui dépourvu. Si on optait
pour une conception de la délégation paiement où le tiers s’engage auprès du créancier,
l’élément principal de distinction avec l’indication de paiement serait alors celui de
l’engagement, et en sus la faculté d’opposition du créancier au paiement effectué par le
tiers. Alors qu’en vertu de la conception que nous avons retenu de la délégation
paiement, le tiers n’est pas tenu envers le créancier. Le tiers n’est donc qu’un simple
vecteur servant d’intermédiaire au paiement. Le tiers pourra néanmoins être contraint au
paiement en vertu d’autres mécanismes courant.
104 Cass. com., 22 juin 1983, Bull. civ. IV, n° 183. 105 Ch.LARROUMET Droit civil, , Les obligations, Le contrat, Tome III, Economica, éd.1998, n° 79. 106 L.GODON, La distinction entre la délégation de paiement et l’indication de paiement, Defrénois, 29 février 2000 n° 4, p. 193
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
35
Chapitre 2 : Le paiement contraint du tiers
76. Si le paiement volontaire de la dette d’autrui provoquer au premier une certaine
surprise au premier abord le paiement contraint est instinctivement mieux compris. Le
tiers va alors s’acquitter de la dette du débiteur parce qu’il y est contrait juridiquement.
Ce dernier s’engage soit volontairement à travers un acte distinct de celui dont découle
la dette du débiteur soit il y est contrat par une règle qui n’est pas de source
conventionnelle mais en vertu d’une dette qu’il a lui-même envers le débiteur. On
divisera notre propos en étudiant tour à tour le paiement contraint du tiers quant il est
une conséquence d’une action du créancier (Section 1) et le paiement contraint du tiers
quand il fait suite à une sollicitation du débiteur (Section 2).
Section 1 : Le paiement contraint du tiers, conséquence de l’action du créancier
77. Dans les cas suivants c’est le créancier qui actionnera le mécanisme permettant
le recouvrement de sa créance auprès du tiers et non du créancier. Ce paiement pourra
alors se fonder soit sur une sûreté conventionnelle (Paragraphe 1), soit sur une règle de
source extracontractuelle (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le paiement du tiers en vertu d’une sûreté conventionnelle
78. Les sûretés personnelles conventionnelles sont se divise classiquement en deux
sortes : les sûretés accessoires qui sont liées à un contrat principal, ce qui vise
principalement le cautionnement (A), et les garanties autonomes qui ne sont pas liées
juridiquement au contrat de base (B). Si chacune met en œuvre des modalités de
recouvrement différentes, elles n’épuisent pas à elles seules la question du paiement de
la dette d’autrui à travers une sûreté107. Nous nous bornerons toutefois à ces deux
exemples qui sont les plus courants en pratique.
107 Par exemple : la lettre d’intention.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
36
A) L’exécution du tiers au titre d’une sûreté accessoire : le cautionnement
79. Le cautionnement est certainement l’engagement d’exécuter l’obligation
d’autrui que l’on rencontre le plus couramment en pratique. Que ce soit à titre
professionnel ou personnel, c’est la sûreté personnelle par excellence, l’archétype même
de la notion. Le cautionnement est essentiel dans la vie juridique et économique car il
permet, comme toutes les sûretés, d’apporter un supplément incontournable de sécurité
au créancier. Comme l’explique Manuela Oury-Brulé, « la sûreté rend le paiement plus
sûr, ce qui facilite l’obtention du crédit en suscitant la confiance du créancier. Ce
dernier prend des risques importants qu’il n’acceptera raisonnablement de courir que
si ses chances de ne pas être payé ou payé tardivement sont réduites », et d’ajouter « le
risque couru ne devient acceptable que lorsque ce droit peut s’exercer sur un ou
plusieurs autres patrimoines par une multiplication des débiteurs venus s’adjoindre au
débiteur principal »108. Le contrat de cautionnement fait donc du tiers un débiteur
secondaire, auprès de qui le créancier pourra réclamer le règlement total ou partiel de la
dette du débiteur si ce dernier venait à faire défaut ; « payer la dette d’un autre tel est
l’objet véritablement original de ce contrat »109. La cour de cassation refuse d’ailleurs
la qualification de cautionnement aux sûretés qui ne contiennent « aucun engagement à
satisfaire à l'obligation d'autrui »110.
80. Peut-on garantir une obligation de faire ? En principe oui. Dans le cas du
cautionnement, ce dernier peut être souscrit pour des obligations de toutes natures.
Comme l’explique le Professeur François « s’il s’agit généralement d’obligation
pécuniaires, il n’est pas impossible de se porter caution d’obligations en nature. Dans
ce cas de figure toutefois, la caution n’aura pas vocation à se substituer au débiteur
dans l’exécution de son obligation en nature »111. La teneur de son engagement
consistera alors à garantir les dommages et intérêts dus au créancier en conséquence de
l’inexécution. Dans tous les cas l’engagement de la caution portera bien sur le paiement
d’une somme d’argent. 108 M.OURY-BRULE, L’engagement du codébiteur non intéressé à la dette, Article 1216 du code civil, LGDJ. éd. 2002, p. 1. 109 M.OURY-BRULE, op. cit., p. 92. 110 Cass. ch. Mix., 2 décembre 2005, n°03-18.210, Bull. ch. mixte, no 7. 111 J.FRANCOIS, Les sûretés personnelles, Tome VII, Economica, éd. 2004, p. 160.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
37
81. L’intention de la caution est le plus souvent de rendre un service purement
gratuit au débiteur, en lui permettant d’accroître son crédit auprès du créancier ; ce qui
fait rentrer dans ce cas le contrat de cautionnement dans la catégorie des contrats de
bienfaisance visés à l’article 1105 du Code civil. Pour autant, l’engagement de la
caution peut être intéressé, par exemple dans le cas du gérant qui se porte caution au
profit d’une société. L’engagement peut aussi être onéreux, le débiteur doit alors à la
caution une commission d'engagement. Le cautionnement constitue dans ce cas une
opération de crédit par signature, visée par l’article L.313-1 du Code monétaire et
financier.
82. En vertu de son engagement, la caution sera contrainte de payer la dette du
débiteur principal. Elle conclut pour cela un contrat avec le créancier qui va la lier
juridiquement à ce dernier. Les suites de cet engagement sont souvent malheureuses car
dans la plupart des cas la caution, en s’engageant, ne pense pas être poursuivie dans le
futur par le créancier. Il y a donc un double crédit accordé au débiteur ; un crédit
accordé par le créancier qui prend en compte la fiabilité présumée du débiteur,
augmentée de la garantie de la caution ; et un crédit plus original de la caution qui
s’engage, le plus souvent, parce qu’elle ne pense pas que le débiteur sera défaillant. Le
contrat de cautionnement s’appuie donc en grande partie sur la naïveté de celui qui se
porte cautionnaire.
83. Même si payer la dette d’autrui est l’objet de son engagement, sa motivation
immédiate est d’accroître le crédit du débiteur et non pas de payer un jour sa dette. C’est
d’ailleurs ce qui motive la tendance du législateur à vouloir renforcer la protection de la
caution, à travers notamment la loi « Dutreil » du 1er août 2003 qui a créé notamment un
formalisme ad valdititatem, en plus de limiter le montant et la durée des cautionnements
faits par les personnes physiques au profit de créancier professionnels.
84. La caution est une sûreté découlant d’un engagement unilatéral créant une
obligation accessoire, comme le prévoit l’article 2288 du Code civil : « celui qui se rend
caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
38
le débiteur n'y satisfait pas lui-même ». L’objet du contrat de cautionnement porte donc
sur la dette principale du débiteur ce qui n’est pas sans conséquences ; « cette
intégration de la dette principale à l'engagement de la caution constitue l'essence du
cautionnement, exprimée dans le principe de l'accessoire, lequel inspire notamment la
règle de l'opposabilité au créancier par la caution de toutes les exceptions opposables
par le débiteur lui-même »112. En présence d’une sûreté accessoire, le tiers garant pourra
opposer toutes les exceptions nées de la relation contractuelle entre le débiteur et le
créancier. En quelque sorte la caution est-elle assimilée au débiteur en ce que le
paiement qu’elle réalise en lieu et place du débiteur crée à son profit certains droits que
ce dernier aurait pu faire valoir. Enfin la caution ne pourra payer plus que ce qui est dû
par le débiteur principal113. Ce dont il ressort que l’on est en présence d’une « unicité de
dette »114 qui s’accompagne d’une « dualité de liens d’obligations » ; débiteur et caution
sont tenus de la même dette mais selon des modalités différentes.
85. Accessoire115, voire subsidiaire116, l’engagement de la caution l’est aussi et
surtout en vertu du fait que l’intervention de la caution ne se réalise qu’une fois que la
défaillance du débiteur aura été avérée, sauf en cas de cautionnement solidaire. Ainsi
dans le cautionnement simple, la caution profite du bénéfice de discussion, qui est une
limite protectrice à l’exécution du contrat par le tiers ; elle peut obliger le créancier à
saisir les biens du débiteur avant de solliciter son intervention117. Alors que dans le
cadre du paiement volontaire pour autrui que nous avons évoqué précédemment, la
défaillance du débiteur n’est que présumée, rien n’empêche le tiers d’exécuter en lieu et
place de ce dernier alors qu’il n’est pas insolvable, ce qui reste toutefois une hypothèse
d’école plus qu’improbable. La caution peut-elle exécuter l’obligation du débiteur sans
que son intervention ait été requise ? A priori rien ne l’empêche mais dans ce cas elle ne
le fera pas en vertu du contrat de cautionnement mais du droit général de payer pour
112 Lamy Droit des Sûretés, Eléments caractéristiques du cautionnement, éd. 2011, N°105-40. 113 Article 2290 du Code civil. 114 Ph.SIMLER & Ph.DELEBECQUE, Droit civil, Les sûretés, Dalloz 4ème éd. 2004, p. 47. 115 L. AYNES & P. CROCQ, Les sûretés, Defrénois, 4e éd., 2009, p. 27 116 F.ROUVIERE, Le caractère subsidiaire du cautionnement, RTD. Com. 2012, p. 689. 117 Article 2298 du Code civil.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
39
autrui contenu dans l’article 1216. Les effets quant au bénéfice de la subrogation
seraient alors différents118.
86. La question de l’opposabilité de l’intervention du tiers s’étant porté caution au
créancier n’a ici pas de sens. En effet, c’est à l’initiative du créancier impayé qu’est
activé le mécanisme d’engagement de la caution ; c’est lui qui déclenche l’exécution de
l’obligation par le tiers. L’hypothèse de l’opposition, en plus d’être juridiquement
impossible, confine à l’absurde tant il est vrai que le paiement de la dette par le tiers
cautionnaire est en tout point conforme à son intérêt personnel, qui est avant tout d’être
payé. De plus, la fongibilité de la monnaie, dans le cadre des obligations pécuniaires,
permet un total « désintéressement du créancier conformément à ce qui était prévu par
l’obligation »119. La caution peut difficilement être tenue d’une obligation de faire car la
règle est que « la caution doit seulement l’équivalent de ce que doit le débiteur
principal »120.
87. Ainsi même si la dette principale portait sur une obligation de faire, le paiement
effectué par la caution se ferait par le biais d’une somme d’argent. L’opposition du
débiteur principal n’aurait-elle aussi que peu de sens, d’autant que ce dernier n’est en
principe pas partie au contrat de cautionnement. L’article 2292 du Code civil disposant
même que : « on peut se rendre caution de celui pour lequel on s’oblige, et même à son
insu ». Il en découle que si la formation du contrat de cautionnement n’est pas soumise
au consentement du débiteur principal, a fortiori l’exécution de la dette principale qui
en découle est elle aussi pleinement opposable à ce dernier, même sans son accord.
B ) L’exécution du tiers au titre de la garantie autonome
88. La garantie autonome est aussi, à la manière du cautionnement, un engagement
souscrit dont la finalité est de payer dette d’autrui dont la spécificité réside, comme son
nom l’indique, dans son caractère autonome121. Comme l’explique Pascal Puig, « le
garant ne s'oblige pas à payer la dette du débiteur principal, mais une dette autonome, 118 Voir infra n°. 119 A.RICHARD, Le paiement de la dette d’autrui, PUAM éd. 2007, p. 61. 120 R.CABRILLAC & C.MOULY, Droit des sûretés, Litec, 7ème éd. 2004, p. 187. 121 G.PIETTE, La rédaction d'une garantie autonome, Conseils pratiques pour éviter la requalification en cautionnement, LPA. 30 juillet 2010, n° 151, P. 10.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
40
distincte. Il contracte un engagement nouveau, indépendant du rapport de base. C'est la
raison pour laquelle la garantie, même stipulée à première demande, par laquelle le
garant s'engage à payer « ce que doit » ou « ce que devra » le débiteur garanti doit être
requalifiée en cautionnement »122. L’esprit du dispositif est bien de garantir la dette
d’un autre mais pour éviter de rendre cette garantie accessoire, la garantie autonome ne
fait pas référence à la dette résultant du contrat de base. En fait le tiers garant ne paie
pas la dette d’autrui au sens propre, il paie sa propre dette qui est en fait un substitut
autonome à la prestation qu’aurait dû accomplir le débiteur du bénéficiaire de la
garantie.
89. Consacrée légalement en droit interne par l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars
2006, elle se définit comme « un engagement de payer une certaine somme, pris en
considération d'un contrat de base et à titre de garantie de son exécution, mais
constitutif d'une obligation indépendante du contrat garanti et caractérisé par
l'inopposabilité des exceptions tirées de ce contrat »123. La raison du développement de
la garantie autonome vient de la « faiblesse congénitale »124 de son principal rival et
modèle, le cautionnement, à savoir le caractère accessoire de ce dernier. D’autant que la
tendance du droit français à vouloir renforcer la protection la caution a contribué à
diminuer l’influence du contrat de cautionnement auprès de fournisseurs de crédit
soucieux de leur sécurité juridique125. Le principal atout du régime de la garantie
autonome est alors « sa souplesse »126.
90. La garantie autonome est en revanche un engagement plus rigoureux de la part
de celui qui s’engage, même si en pratique une certaine confusion peut régner avec le
cautionnement, ce qui amène le juge à des requalifications fréquentes127. Le plus
souvent le garant est une banque qui, pour emporter l’engagement d’une entreprise au
profit de son propre client, doit fournir une garantie presque automatique de l’exécution
de son obligation. L’entreprise bénéficiaire pourra réclamer les sommes prévues sans 122 P.PUIG, Garantie autonome, LPA. , 27 mars 2008 n° 63, P. 9 123 Lamy Droit du Financement, Définition de la garantie autonome, éd. 2010, N°3917. 124 M.OURY-BRULE, op. cit., p.3. 125 J.TERRAY, Le cautionnement, une institution en danger, JCP. 1987, I, no 3295. 126 P.PUIG, Garantie autonome, LPA. , 27 mars 2008 n° 63, P. 9 127 M.-H.MALEVILLE, Le point sur la confusion entre cautionnement et garanties autonomes, JCP E 2002, p. 1233.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
41
que l’exécution du contrat de base puisse être discutée par le garant. Alors que le
cautionnement « est par essence un contrat accessoire au contrat générateur de
l'obligation principale »128, la garantie autonome elle « ne connaît pas un tel lien avec
le contrat de base »129. Ainsi selon l’article 2321 du code civil : « le garant ne peut
opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie ». Du fait du caractère
autonome de la garantie, le donneur d’ordre échappe même à l’obligation de déclarer sa
créance dans le cadre de l’ouverture d’une procédure collective130 et le garant ne peut
lui reprocher le préjudice qu’il a subi de ce fait131.
91. La garantie peut ainsi être actionnée à première demande, sans que le donneur
ait à apporter de justifications spéciales. L’exécution de l’obligation par le tiers devient
quasiment automatique et ne bénéficie alors pas des mécanismes de protection
découlant du caractère accessoire du cautionnement. Il doit alors s’exécuter sur le
champ ou dans les délais prévus sous peine d’engager sa responsabilité132. Le garant
peut toutefois effectuer un contrôle des conditions requises pour la mise en œuvre du
mécanisme de garantie, mais ce contrôle ne peut être que formel (délais, forme…etc.) et
ne doit pas donner lieu à un contrôle de l’exécution du contrat de base passé entre le
bénéficiaire et le garanti133. C’est ce principe de l’inopposabilité des exceptions qui le
cœur même du régime de la garantie autonome134. Le garant ne peut ainsi opposer ni les
exceptions nées de la relation entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire, comme le
rappelle constamment la jurisprudence135, ni les exceptions tirées de sa propre relation
avec le donneur d’ordre. Paradoxalement le garant, qui est souvent une banque,
s’oppose en général assez peu au paiement, ne voulant pas entacher sa crédibilité au
plan international. L’opposition viendra le plus souvent du donneur d’ordre mais là
128 G.PIETTE, La rédaction d'une garantie autonome, Conseils pratiques pour éviter la requalification en cautionnement, LPA. 30 juillet 2010, n° 151, P. 10. 129 G.PIETTE, op. cit., loc. cit. 130 Cass. Com., 30 janv. 2001, n° 98-22.060, Bull. civ. IV, N°25. 131 Cass. Com. 9 juillet 2004, N°2-12.115 132 Cass. Com. 8 déc. 1987, N°86-13.490, Bull. civ. IV, N°261. 133 Cass. Com. 23 oct. 1990, N°88-17.700, D.1991, p. 197. 134 Ch.ALBIGES & M-P.DUMONT-LEFRAND, Droit des sûretés, Dalloz 3ème éd. 2011, p. 170. 135 Cass. Com. 21 mai 1985, Bull. civ. IV, n°160. ; Cass. Com. 18 mai 1999, Bull. civ. IV, N°102.Cass. Com. 9 déc. 2008, RJDA 9/2009.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
42
aussi la jurisprudence rejette constamment ces demandes en vertu du principe
d’inopposabilité des exceptions136.
92. On cerne alors le principal risque que peut constituer la garantie autonome pour
le tiers qui s’engage, celui de devoir régler sa dette à la suite d’une demande abusive,
alors même que la personne bénéficiant de la garantie a bien exécuté ses obligations. La
fourniture de la prestation satisfactoire par le garant au créancier n’est pas
nécessairement liée à la défaillance du débiteur puisqu’elle intervient à première
demande. La contestation liée aux conditions du contrat de base ne peut permettre
d’empêcher l’exécution du contrat. Mais cela ne veut pas toutefois dire que le créancier
pourra impunément bénéficier d’un paiement qui serait indu. L’article 2321 du code
civil dispose que « le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraudes manifestes du
bénéficiaire ou de collusion frauduleuse de celui-ci avec le donneur d’ordre ».
93. La protection de l’article 2321 se fonde en premier lieu sur la théorie de l’abus
de droit, ce qui se traduit dans la garantie autonome par l’appel en garantie passé alors
que le donneur d’ordre avait dument éteint sa dette auprès du bénéficiaire. La fraude,
dont la collusion est une forme concertée, autre moyen de protection envisagé par la loi,
suppose elle des manœuvres du bénéficiaire seul, ou accompagné du donneur d’ordre.
Bien que renvoyant à des réalités et des concepts différents, ces deux notions sont
pourtant utilisées indifféremment par la jurisprudence137, les seuls critères retenus étant
alors le caractère manifestement abusif et la mauvaise foi du bénéficiaire138. Ce sont
donc là les seuls critères qui permettent un blocage légitime du paiement par le garant.
La preuve du caractère manifeste passera par la démonstration du caractère flagrant de
l’abus, qui « crève les yeux »139. Pour établir la mauvaise foi, il faudra donc prouver que
le bénéficiaire qui a passé l’appel en garantie avait conscience de causer un préjudice au
garant140. En cas de paiement illégitime le recours du garant sera toujours possible
contre le bénéficiaire et même contre le donneur d’ordre.
136 Cass. Com. 19 mai 1992, Bull. civ. IV, N°187. 137 Cass. Com. 20 juin 1987, Bull. Civ. IV., N°19. 138 Cass. Com. 18 avril. 2000, RJDA. 7-8/2000, N°803. 139 M.VASSEUR, Garantie indépendante, Rèp. Com. Dalloz, n°119. 140 Cass. Com. 11 déc. 1985, Bull. Civ. IV, N°292.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
43
Paragraphe 2 : Le paiement du tiers en vertu d’une obligation extracontractuelle
94. Alors que dans le cas des sûretés conventionnelles, l’engagement de payer la
dette d’autrui était clairement identifié par le tiers, dans le cas de l’exécution résultant
d’une obligation légale elle n’est qu’un « effet secondaire »141 de la relation existant
entre le débiteur et le tiers. Ce n’est pas la loi qui oblige le tiers à payer, c’est bien le
créancier. La loi permet juste au tiers de pouvoir être poursuivi par ce dernier. Le tiers
devra alors s’exécuter, que cette contrainte soit le fruit d’une solidarité imposée par la
loi (A) ou un acte judiciaire, la saisie-attribution (B).
A ) Le tiers contrait au paiement en vertu d’une solidarité légale
95. La solidarité se conçoit selon une division fondamentale : d’un côté la solidarité
active où un débiteur a plusieurs créancier pour la même obligation et de l’autre la
solidarité active où un créancier dispose d’une pluralité de débiteur. Les besoins de
notre étude nous amèneront donc à n’envisager que la seconde forme de solidarité, la
solidarité passive, qui est aussi la plus courante en pratique. Selon l’article 1200 du
Code civil : « il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu’ils sont obligés à une
même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le
payement fait pour un seul libère les autres envers le créancier ». Etant un type
d’obligation particulièrement lourd la loi prévoit que « la solidarité ne se présume
point ; il faut qu’elle soit expressément stipulée » sauf dans « les cas où la solidarité a
lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi »142.
96. Dans le cadre de notre étude, seule la solidarité légale a vocation à nous
intéresser car dans le cas d’une solidarité conventionnelle il est évident que le solvens
qui effectuera le paiement ne sera pas tiers à la relation mais partie à celle-ci. Le cas du
codébiteur solidaire est aussi un cas d’exécution pour autrui car le codébiteur doit en
vertu de son obligation solidaire, s’acquitter d’une fraction de la dette qui n’est pas la
sienne. Mais ce dernier ne peut être considéré comme un tiers à la relation, ce qui
l’exclut du champ de notre étude. La solidarité légale est donc celle qui découle de la loi
141 R.CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz, 8ème éd. 2008, p. 274. 142 Article 1202 du Code civil.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
44
qui, « parfois tient compte de l’intention probable des parties, parfois se fonde
davantage sur des raisons d’intérêt général »143.
97. Il semble normal que la solidarité découle d’un texte de loi, sinon d’une
stipulation expresse si elle est conventionnelle. En effet la teneur de l’engagement est
assez forte pour le tiers, la solidarité s’analysant comme « l'adjonction, avec solidarité,
d'une personne qui est en réalité juridiquement étrangère à l'obligation au paiement de
laquelle elle se trouve ainsi tenue »144. C’est ici une véritable exception au principe de
l’effet relatif des contrats puisque le tiers devient personnellement tenu d’une obligation
qu’il n’a pas souscrite. Mais le fait que le débiteur n’est pas contracté personnellement
l’obligation ne signifie pas qu’il ne profite pas de l’exécution du contrat. Ainsi la loi
crée une obligation légale à la charge du tiers non contractant en présumant qu’il trouve
quelque part intérêt à cette obligation. Le législateur se fonde alors sur un critère de
proximité présumée entre le contractant et la personne qui est attirée vers l’exécution du
contrat. D’ailleurs les deux régimes principaux de solidarité légale qui sont la solidarité
des époux et la solidarité commerciale, notamment en droit des sociétés, ont en commun
de s’appliquer à des personnes qui sont liées de façon particulière ; soit par le couple
soit par les affaires. Le législateur considère qu’au vu de ces situations particulières de
proximité, les engagements de l’un ont dans les faits des conséquences sur l’autre, d’où
ce besoin de consacrer juridiquement un état factuel.
98. La loi limite néanmoins l’obligation solidaire des tiers aux dettes
« nécessaires ». Ainsi dans le cas du mariage, les époux sont solidairement tenus des
dettes contractées par l'un d'eux et ayant pour objet « l'entretien du ménage ou
l'éducation des enfants »145. Cette solidarité ne s'applique cependant pas aux « dépenses
manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l'utilité ou à l'inutilité
de l'opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant »146. Il est à noter que
cette solidarité s’applique aussi aux partenaires vivant sous le régime du PACS qui sont
143 Ph.MALAURIE, L.AYNES & Ph.STOFFEL-MUNCK, Droit des obligations, Defrénois, 5ème éd. 2011, p.717. 144 Lamy Droit des sûretés, La solidarité présumée par la loi, éd. 2011, N°165-19. 145 Article 220, alinéa 1 du Code civil. 146 Article 220, alinéa 2 du Code civil.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
45
solidaires pour les dettes contractées « pour les besoins de la vie courante »147. En
matière commerciale, en cas de location gérance, le loueur répond solidairement des
dettes contractées par le locataire-gérant à l'occasion de l'exploitation du fonds, et ce
jusqu'à la publication du contrat de location-gérance et pendant un délai de six mois à
compter de cette publication148. La condition de nécessité n’est pas ici précisée par la
loi mais la jurisprudence l’a reconnue dans ce cas en s’inspirant du régime des époux149.
Enfin, la solidarité peut être imposée dans des situations revêtant une gravité
particulière, notamment en droit des sociétés.
99. Malgré ces limites tenant au caractère de la dette, il n’en reste pas moins que les
effets de la solidarité sont très lourds pour le tiers qui se retrouve codébiteur solidaire.
Le caractère principal de l’obligation solidaire est l’unicité de la dette qui entraine
l’obligation au tout. En vertu de cette dernière, le créancier peut contraindre un
codébiteur à régler l’intégralité de la dette. Les codébiteurs solidaires ne profitent pas du
bénéfice de division150 en vertu duquel ils ne seraient tenus que pour leur part, ce qui
semble logique car le tiers qui se retrouve codébiteur en vertu d’une disposition légale
n’a pas contribué à la dette. La contrepartie de cette obligation est l’effet collectivement
libératoire du paiement de l’obligation. Ainsi si le créancier reçoit un paiement
satisfactoire de la part d’un des débiteurs, le paiement produit des effets au profit de
l’ensemble des débiteurs solidaires qui se voient alors libérés de leur dette. Cet effet
collectivement extinctif du paiement s'explique par le fait que l'objet de l'obligation
solidaire est dû en vertu d'une contrepartie unique.
B ) Le tiers contraint au paiement par la saisie-attribution
100. L’exécution forcée, qui permet l’effectivité des créances, est un véritable droit
reconnu par la loi au créancier151. Ce droit, reconnu au-delà du droit interne152, est
consacré légalement par l’article premier de la loi du 9 juillet 1991 qui dispose que
« tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur à
147 Article 515-4, alinéa 2 du Code civil. 148 Article L 144-7 du Code de commerce. 149 Cass. Com. 8 janv. 1980, Bull. civ. IV, N°13. 150 Article 1203 du Code civil. 151 C.BRENNER, Voies d’exécution, Dalloz, 5ème éd. 2009, p. 19. 152 CEDH, 19 mars 1997, Horsnby c/ Grèce, D. 1998.74.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
46
exécuter ses obligations à son égard »153. Rien n’étant plus mouvant que les créances,
on comprend alors que la garantie de l’effectivité de ce droit passe par le dépassement
de la personne du débiteur et l’extension de ses effets aux tiers, qui sont définis
négativement par l’article 22 de la loi 9 juillet 1991 comme tous ceux qui n’ont ni la
qualité de débiteur ni de créancier de l’obligation dont l’exécution est poursuivie.
L’implication des tiers à la saisie pourra se faire de façon paisible, en se traduisant par
leur collaboration matérielle à l’acte de saisie, mais aussi de façon tumultueuse en les
rendant eux-mêmes débiteurs des causes de la saisi.
101. Ainsi, « un tiers peut être concerné parce qu’il détient un bien pour le compte
du débiteur, ou qu’il est débiteur du débiteur principal »154. Le tiers saisi à raison de la
créance que le débiteur a sur lui correspond au mécanisme de la saisie-attribution qui est
une mesure d’exécution forcée portant exclusivement sur une somme d’argent. La
saisie-attribution permet au créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance
liquide et exigible, de saisir entre les mains d’un tiers, appelé tiers saisi, la créance de
son débiteur portant sur une somme d’argent155. L’hypothèse de la saisie-attribution
recouvre alors parfaitement l’exécution contrainte d’une obligation pécuniaire par le
tiers.
102. Le tiers doit nécessairement être débiteur du débiteur et détenir les sommes dues
en vertu d’un pouvoir propre et indépendant, ce qui exclut de fait les éventuels salariés
du tiers saisi. La créance faisant l’objet de la saisie doit être constatée dans un titre
exécutoire et exister au jour de la saisie, même s’il suffit que son existence soit certaine
à ce jour. Elle doit aussi par ailleurs être fort logiquement intégrée au patrimoine du
débiteur qui ne doit pas l’avoir cédée. La saisie-attribution est un mode assez rude de
paiement de la dette d’autrui car l’acte de saisie rend le tiers personnellement tenu
envers le créancier saisissant, ce qui lui interdit de dépenser les sommes réclamées, dans
la limite toutefois de ce qu’il doit au débiteur156.
153 Article 1 de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. 154 N.FRICERO, Droit des voies d’exécution, Galino, éd. 2008, p. 54. 155 E.PUTMAN, La saisie-attribution et les autres mesures d’exécution sur les créances, LPA. 1999, p. 25. 156 M.DONNIER&J-B.DONNIER, Voies d’exécution et procédures de distribution, Litec, 8ème éd. 2008, p. 279.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
47
103. De plus, il est tenu d’une obligation de collaboration assez forte puisqu’il doit
fournir « sur le champ » les renseignements exigés par l’article 44 de la loi de 1991, à
savoir notamment l’étendue des obligations dont il est tenu à l’égard du débiteur. Les
sanctions de la violation sont assez sévères puisque le tiers qui refuse de respecter son
obligation de renseignement pourra être tenu de payer toutes les sommes dues par le
débiteur à ce dernier, c’est à dire potentiellement plus que ce qu’il doit lui-même au
débiteur. Cette condamnation pourra même être augmentée de dommages et intérêts en
cas de déclarations mensongères157.
104. La saisie-attrbution est un mode très efficace de recouvrement de la dette qui
« constitue l’illustration la plus nette de l’une des idées directrices de la nouvelle
législation qui est la revalorisation du titre exécutoire »158. C’est un mode d’exécution
tripartie de l’obligation puisqu’elle invoque nécessaire trois personnage : le créancier, le
débiteur et le tiers. Le tiers acquitte la dette du débiteur auprès du créancier car il est
doublement ; à la fois par l’acte de saisie mais aussi par l’obligation préalable qui était à
sa charge au profit du débiteur. L’opération effectue donc une substitution de créancier
plus que de débiteur. L’élément principal de la saisie est la dette existant entre le
débiteur et le tiers, que le créancier s’attribue.
105. Le tiers connaîtra des modes de paiement plus paisibles notamment dans le cas
où il s’engage lui même à payer le créancier du débiteur par une promesse unilatérale
faite après sollicitation du débiteur.
157 Cass. civ. 2ème, 5 juillet 2000, Bull. civ. II, n°111. 158 M.DONNIER & J-B.BONNIER, op. cit., loc. cit.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
48
Section 2 : L’exécution contrainte d’une obligation pécuniaire par le tiers, conséquence d’une sollicitation du débiteur
106. Ici le tiers va se contraindre à s’engager auprès du créancier du débiteur à la
demande du débiteur lui-même. Cette acceptation se fera le plus souvent en
considération d’une dette dont le tiers est lui-même redevable envers le débiteur, même
si le cas de l’intention libérale est toujours possible. On retrouvera alors cette modalité
d’exécution d’une obligation par le tiers à la fois dans le mécanisme de la délégation
engagement (Paragraphe 1) et dans celui de la stipulation pour autrui (Paragraphe 2).
Paragraphe 2 : La délégation engagement
A ) Principe de la délégation engagement
107. La délégation va permettre au délégant, pris ici en la personne du débiteur de se
décharger de sa dette sur un tiers, le délégué, qui va l’acquitter pour lui auprès du
délégataire, c’est à dire le créancier. L’intention du délégant peut toutefois être libérale
à l’égard du délégataire, il n’y aura donc pas dans ce cas de paiement de la dette
d’autrui à proprement parler.
108. Il existe alors deux types de délégations. La délégation est dite parfaite « quand
elle éteint le rapport original d’obligation et crée un nouveau lien entre le délégué et le
délégataire, libérant le délégant »159, ce qui se ramène alors « à une novation par
changement de débiteur »160. Elle sera à l’inverse imparfaite quand elle n’aura comme
effet que d’adjoindre un nouveau débiteur au créancier sans toutefois éteindre la dette
initiale du délégant. Dans le cas de la délégation imparfaite l’opération jouera plus à
titre de garantie, de sûreté car elle permet d’ajouter un débiteur supplémentaire au
créancier qui aura ainsi de meilleures chances d’être payé. Dans le cas de la délégation
parfaite, l’opération jouera le plus souvent comme un mode simplifié de paiement car
159 A.SERIAUX, Manuel de droit des obligations, PUF éd. 2006, p. 247. 160 A.SERIAUX, op. cit., loc. cit.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
49
elle permettra à la fois au délégant et au délégué d’éteindre leurs dettes ; le premier
auprès du créancier ; le second auprès du délégant lui-même.
109. L’opération se différence du mandat de paiement principalement par le fait
qu’ici il est dans la nature même de l’opération que le paiement sera réalisé sur les
deniers du délégué. Alors que dans le cadre de du mandat une telle disposition ne va pas
de soi et devra être stipulée au contrat. La délégation nécessite bien entendu le
consentement du délégant, qui est l’initiateur de l’opération, mais aussi du délégué.
Ainsi ce dernier n’est contraint que par l’effet de sa volonté même si économiquement il
sera contraint par la dette qu’il a à l’égard du débiteur. L’opération pouvant permettre
un changement de débiteur161, il est admis que le créancier doive lui aussi consentir
expressément à l’opération162.
B ) Effets de la délégation engagement
110. Comme l’explique un auteur « la délégation permet d’attribuer au créancier
délégataire le bénéfice d’une créance détenue par son débiteur délégant contre un tiers
délégué »163. Cet effet contribue déjà à distinguer la délégation engagement d’avec la
délégation paiement que nous avons étudié précédemment. En effet, dans la délégation
paiement, le créancier ne reçoit qu’une somme d’argent et non pas un droit de créance.
L’opération ne vise qu’à ce que le tiers exécute une prestation entre les mains du
créancier et non pas qu’il s’engage.
111. Les effets de la délégation engagement semblent aussi la rapprocher de la
stipulation pour autrui mais aussi de la cession de dette. La cession de dette organise
aussi un transfert de la dette de la personne du débiteur à celle du tiers. Toutefois
comme le fait remarquer un auteur, la différence est que la délégation « n’entraîne une
reprise de dette qu’au sens économique et non pas juridique du terme »164. Ainsi la
délégation ne fait qu’organiser la circulation de la valeur économique de la créance,
tous les effets de droit qui y sont attachés ne sont pas transmis à la personne du débiteur.
161 Mais non pas une substitution. 162 Cass. Civ. 12 mars 1946, DH 1946, p. 268. 163 D.ARTEIL, op. cit. p. 217. 164 J.FRANCOIS, Les obligations : régime général, Economica, 1ère éd. 2000, p. 383.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
50
La différence avec la stipulation pour autrui est que dans le cadre de la délégation ce
n’est pas l’accord entre le délégant et le délégué qui fait naître le droit, mais bien
l’acceptation du créancier. Alors que dans la stipulation pour autrui, le créancier
bénéficie de la créance dès le moment de la stipulation.
Paragraphe 2 : La stipulation pour autrui
112. Le mécanisme de la stipulation pour autrui n’est pas prévu à l’origine pour
organiser le recours à un tiers en vue d’exécuter une obligation pécuniaire, toutefois sa
souplesse permet une telle adaptation pratique (A) qui aura des effets particuliers (B).
A) Le détournement du mécanisme de la stipulation pour autrui
113. Le mécanisme de la stipulation pour autrui, régi par l’article 1121 du code civil
s’analyse comme « l’opération par laquelle une partie, le stipulant, obtient de l’autre,
le promettant, qu’il s’engage envers une troisième le tiers bénéficiaire »165. A première
vu, le mécanisme de la stipulation pour autrui colle mal avec l’idée d’un tiers exécutant
l’obligation contractuelle ; le tiers étant ici exclusivement bénéficiaire. Pour autant, le
mécanisme de la stipulation est assez souple pour connaître de multiples usages et être
remodelée pour devenir une voie d’accès pour le tiers à l’exécution de l’obligation
contractuelle. A ce titre, la stipulation pour autrui est souvent utilisée à titre de forçage
de la cession de dettes, pour contourner le principe de l’incessibilité des dettes166.
114. La stipulation pour autrui, qui a pour objet la création d’un droit direct et
immédiat au profit d’un bénéficiaire, pourrait alors se superposer aux relations
contractuelles préexistantes. Il faut alors concevoir l’hypothèse où « le stipulant
obtiendrait du promettant qu’il s’engage dans les termes de l’article 1121 du code civil
à payer son créancier, le tiers bénéficiaire, et qui tendrait d’autre part et
simultanément, à la libération corrélative du stipulant à l’égard de ce dernier »167.
Même s’il atteint le même objectif que la cession de dettes, ce dispositif ne peut être
assimilé comme tel car ici le débiteur original n’échange pas sa position contractuelle
avec un nouveau débiteur qui deviendrait alors partie au contrat. Nous restons ici dans 165 R.CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz, 7ème éd. 2006, p. 103. 166 L.ANDREU, op. cit, p.56. 167 L.ANDREU, Du changement de débiteur, Dalloz, éd. 2010, p. 56.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
51
notre champ d’étude car le promettant, qui est tiers à la relation entre le bénéficiaire et
le stipulant, n’intègre pas cette dernière. Il ne fait que devenir débiteur du bénéficiaire
en vertu d’un engagement unilatéral et distinct de l’obligation de base. Il n’y a pas non
plus de novation car la dette créée à la charge du promettant ne découle pas
juridiquement de l’extinction de la dette du stipulant.
115. On a pu y voir un contradiction avec l’objet même de la stipulation pour autrui
qui est de procurer un pur avantage au tiers bénéficiaire, ce qui justifie d’ailleurs la
dérogation au principe de l’effet relatif des contrats. En effet, au sortir de l’opération, le
bénéficiaire dispose d’un nouveau débiteur mais il a préalablement perdu l’ancien ;
c’est pour lui un jeu à somme nulle. Toutefois juridiquement la stipulation fait bien
naître un pur avantage au profit du bénéficiaire, c’est à dire un avantage dénué de
contrepartie à l’égard du nouveau débiteur. Avantage qui résulte de la convention
passée entre le stipulant et le promettant et qui est distincte juridiquement de la créance
dont il est titulaire auprès du débiteur stipulant.
B) Effets de la stipulation pour autrui
116. L’effet principal de la stipulation pour autrui est de permettre une attribution
directe d’un droit au profit du créancier bénéficiaire. Cette attribution, à la différence de
la délégation engagement, intervient au moment même de la formation de l’acte. Etant
un engagement unilatéral, la stipulation peut même devenir irrévocable dès le moment
où le bénéficiaire exprime clairement sa volonté d’en bénéficier. L’acte est toutefois
valide en l’absence de consentement de ce dernier à condition qu’elle lui procure un
pur avantage.
117. Le mécanisme de la stipulation est le symbole même de la souplesse et de la
fluidité qui anime les échanges fondés sur des obligations monétaires. La monnaie ayant
un pouvoir libératoire universel sur tout type de créance, la faveur laissée par le droit à
l’exécution des obligations monétaires se justifie à bien des égards. Le concours
financier apporté par le tiers va permettre de dénouer des situations parfois critiques et
permettre un dynamisme de la vie économique. Alors que l’exécution des obligations de
faire seront elles marquées par plus de rigidité.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
52
Titre 2 : La possibilité d’exécution limitée des obligations de faire par le tiers
118. L’action de faire a ceci de différent par rapport à celle de donner, et plus
spécifiquement celle de payer une somme d’argent, qu’elle est infiniment plus large et
peut recouvrir un nombre illimité de possibilités. Le verbe faire étant un véritable moule
pouvant englober la totalité des actions humaine. Il en ressort qu’il existe un aléa
beaucoup plus important dans l’action de faire, qui pourra faire varier le résultat
escompté de l’exécution de l’obligation en fonction de plusieurs facteurs, notamment
celui de la personne du contractant chargé de l’exécution de la prestation. L’exécution
revêt alors une importance toute particulière dans le cadre des obligations de faire. Il y a
moins de surprise avec l’argent qu’avec la main de l’homme et si payer ne s’apprend
pas, savoir faire, peut se monnayer très cher.
119. L’immixtion du tiers dans le cadre d’une obligation de faire est donc soumis à la
fois à la considération du potentiel économique que peut représenter son intervention
mais aussi à celle du risque que ce dernier fait courir à la bonne exécution du contrat,
c’est à dire celle permettant d’arriver au résultat contractuellement prévu. Il résulte donc
que même si la possibilité est laissée au tiers d’exécuter une obligation de faire
incombant normalement au débiteur contractuel (Chapitre 1), le recours à ce dernier doit
être limité si son intervention risque de compromettre la bonne réalisation de
l’exécution, hypothèse que recouvre alors le principe d’intuitus personae (Chapitre2).
Chapitre 1 : La possibilité laissée au tiers d’exécuter l’obligation de faire
incombant au débiteur
Chapitre 2 : Les limites à l’exécution de l’obligation de faire incombant au
débiteur par le tiers
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
53
Chapitre 1 : La possibilité laissée au tiers d’exécuter l’obligation de
faire incombant au débiteur
120. L’obligation de faire renvoie à l’hypothèse où un contractant met son activité
économique au service d’autrui, « afin de lui fournir la valeur économique
contractuellement prévue »168. L’enjeu économique que représente l’exécution d’une
obligation de faire justifie alors l’intérêt de recourir au tiers soit de façon
conventionnelle par le biais du sous-contrat (Section 1) soit à l’initiative du créancier en
cas de défaillance du débiteur contractuel, et ce par l’exercice de sa faculté de
remplacement (Section 2).
Section 1 : Le sous-contrat, exécution conventionnelle de l’obligation de faire par le tiers
121. Le sous-contrat est le mode le plus courant d’organisation de l’exécution d’une
obligation de faire par un tiers, se définissant comme « une convention ayant pour objet
l’exécution d’une convention par une autre personne qu’une partie au contrat
principal »169. Le tiers ne devient pas débiteur du créancier originaire mais de
l’intermédiaire qui a fait appel à ses services. Issu de l’article 1717 du Code civil
concernant la location, le sous-contrat s’est depuis étendu à bien d’autres domaines. La
fréquence en pratique de l’utilisation des sous-contrats démontre d’ailleurs que
l’exécution d’une obligation de faire par un tiers n’est pas une hypothèse si anormale
qu’elle n’y parait. L’étude du contrat de sous-traitance semble ici incontournable tant ce
dernier est l’archétype même du sous-contrat (Paragraphe 1) à côté duquel d’autres
modèles coexistent, notamment le sous-mandat (Paragraphe 2).
168 V.LONIS-APOKOURASTOS, La primauté contemporaine du droit à l’exécution en nature, PUAM. éd. 2003, p. 21. 169 Ph.MALAURIE & L.AYNES, Droit civil, Les contrats spéciaux, Defrénois, 5ème éd. 2011, p. 11.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
54
Paragraphe 1 : L’exécution de l’obligation de faire par le tiers à travers le contrat de sous-traitance
122. Technique générale d’organisation économique, la sous-traitance renvoie
néanmoins à une situation juridique précise (A) répondant à un régime particulier (B).
A ) Définition du contrat de sous-traitance
123. Le sous-contrat, et spécialement le contrat de sous-traitance, met en place une
architecture complexe. Il suppose en effet l’existence d’un contrat principal sur lequel il
va venir se greffer. Cette technique d’organisation de l’exécution rend compte d’une
complexification et de spécialisation croissante des opérations économiques et de
production. Un acteur économique, surtout s’il exerce dans un domaine très technique,
ne pourra le plus souvent réaliser seul la tâche qui lui incombe. Il devra faire appel à des
agents qui se chargeront d’exécuter des parties de l’obligation principale qui sera plus
ou moins démembrée. Ainsi, « même si le louage d’ouvrage présente en principe un
caractère personnel fort marqué, en pratique il n’est pas rare que le prestataire soit en
droit de faire appel à un tiers pour en exécuter tout ou partie, en vertu des usages ou
parce que le contrat le permet »170.
124. La notion de sous-traitance recouvre une acception juridique et une acception
économique plus large. Au sens économique, la sous-traitance, que l’on nomme aussi
« sous-traitance industrielle », désigne toutes les hypothèses où « un agent de
production n’assure pas personnellement toutes les opérations conduisant à la
confection du produit qu’il élabore, mais recourt, pour tout ou partie de ces opérations
à un autre agent »171. Il n’y alors pas de forme juridique précise qui s’impose à
l’opération qui peut se matérialiser soit par un contrat de vente soit par un contrat
d’entreprise.
170 J.HUET, Les principaux contrats spéciaux, LGDJ. éd. 1996, p. 1283. 171 A.BENABENT, Droit civil, Les contrats spéciaux civils et commerciaux, Montchrestien, 8ème éd. 2008, p. 406.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
55
125. Le sens juridique est plus précis et renvoie à une notion technique précise que
l’on nomme « sous-traitance de marché ». La sous-traitance organise le recours à des
tiers, les sous-traitants, qui se chargeront de réaliser tout ou partie de l’exécution confiée
à l’entrepreneur par son client. Ainsi, un maître d’œuvre contracte avec un entrepreneur
principal en vue d’obtenir la réalisation d’une prestation plus ou moins spécifique.
L’entrepreneur pourra alors à son tour contracter avec un ou plusieurs autres acteurs, le
ou les sous-traitants, pour leur confier des pans plus ou moins importants de la
prestation à accomplir.
126. L’opération met en place une succession de contrats, qui reçoivent
nécessairement la qualification de contrats d’entreprise, visant en dernier ressort la
satisfaction finale de l’entrepreneur principal qui est le créancier ultime de la prestation.
Il existe alors une indépendance entre tous ces contrats, l’objet des uns étant la
réalisation des prestations nécessaires aux autres. L’idée est de profiter au maximum des
domaines de compétences de chacun afin d’optimiser l’efficacité économique de
l’exécution.
127. La sous-traitance doit nécessairement donner lieu à la réalisation d’une
prestation de production peu importe sa nature, qu’elle soit matérielle ou intellectuelle.
La cour de cassation impose en effet le critère du « travail spécifique »172. La sous-
traitance est alors écartée lorsque le prétendu sous-traitant se contente de livrer une
chose à l’entrepreneur ou au maître de l’œuvre sans avoir accompli d’actes de
production. Dans ce cas l’opération est alors requalifiée en contrat de vente173.
B ) Principaux aspects du régime de la sous-traitance
128. La sous-traitance est le type même de l’exécution de l’obligation par un ou
plusieurs tiers. Elle est définie par la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 comme «
l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa
responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l’exécution de tout ou partie
du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de
172 Cass. civ. 3ème, 5 février 1985, Bull. civ. III, n°23. 173 Cass. com., 1er oct. 1991, Bull. civ. IV, n°268.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
56
l’ouvrage ». Aussi courant soit-il, le recours au contrat de sous-traitance n’est pas
reconnu comme étant un droit profitant à l’entrepreneur qui pourrait en user à son bon
vouloir, contre l’avis du maitre de l’ouvrage. Le plus souvent un agrément doit être
obtenu lorsque le contrat n’autorise pas purement et simplement une telle hypothèse.
L’article 3 de la loi de 1975 prévoit même que le l’entrepreneur doit faire agréer son
sous-traitant par le maître de l’ouvrage.
129. Le contrat de sous-traitance est un contrat d’entreprise de droit commun mais
qui répond à des conditions de formation plus exigeantes. Le tiers exécutant une
prestation en qualité de sous-traitant étant protégé à bien des égards, en raison des abus
qui ont longtemps perduré en la matière. Le formalisme est prévu dans le cas spécifique
de la construction de maisons individuelles. L’article L. 231-13 du Code de la
construction et de l’habitation prescrivant la rédaction d’un écrit pour les contrats de
sous-traitance passés dans ce domaine. S’agissant des conditions de fond, la principale
est la fourniture obligatoire au sous-traitant par l’entrepreneur principal de la caution
solidaire d’un établissement de crédit174, sous peine de nullité non couverte par une
régularisation175. Le principal problème lors de la formation du contrat de sous-traitance
restant celui de l’agrément du maître de l’œuvre que nous étudierons plus en avant176.
130. Concernant l’exécution, des obligations naissent à la charge des acteurs en
présence même si ces derniers ne sont pas tous liés entre eux par un contrat, notamment
un devoir mutuel de collaboration et d’information imposé par la jurisprudence177. Le
sous-traitant est en outre tenu d’une obligation de résultat envers le l’entrepreneur
principal178. Mais ce dernier répond en revanche des défaillances de son sous-traitant,
quand bien même ce dernier aurait été agréé179. Cas qui diffère légèrement du cas du
sous-mandataire visé par l’article 1994 du Code civil.
174 Article 14 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative la sous-traitance. 175 Cass. civ. 3ème, 17 juillet 1996, Bull. civ. III, n°192. 176 Voir infra n°… 177 Cass. civ. 3ème, 4 juin 1986, Bull. civ. III, n°88. 178 Ph.MALAURIE & L.AYNES, Droit civil, Les contrats spéciaux, Defrénois, 5ème éd. 2011, p. 444. 179 A.BENABENT, op. cit., p. 548.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
57
Paragraphe 2 : L’exécution de l’obligation de faire par le tiers à travers le contrat de sous-mandat
131. Le contrat de mandat ayant pour objet principal la réalisation d’acte juridique
pour le compte d’autrui, il est l’archétype du contrat de confiance. On ne confie pas à
n’importe qui le pouvoir de nous engager. De là, on pourrait supposer que le mandataire
est forcément tenu d’une exécution personnelle. Or il est très clairement admis que le
mandataire a la possibilité de se faire substituer un tiers pour l’exécution de ses
obligations. Ainsi, « l’article 1994 du Code civil semble bien, en effet, ouvrir la voie de
la trahison, le mandataire pouvant décider, sans l'autorisation de son mandant, de se
décharger de sa mission sur un tiers »180. La disposition citée organise le régime de la
substitution de mandataire et la jurisprudence admet qu’il « est loisible au mandataire
de se substituer un tiers lorsque la loi ou la convention n’en dispose pas autrement »181.
Le mandataire n’est alors tenu responsable des défaillances de son sous-mandataire que
si le mandant ne l’a pas agréé.
132. Le sous-mandataire « entre de plain-pied dans la combinaison »182 prévue entre
le mandant et le mandataire et sera alors chargé d’exécuter la mission la sa place de ce
dernier pour le compte du mandant, sauf si une clause dans le contrat de mandat lui
interdit cette possibilité en raison de l’importance du mandataire pour le mandant. Mais
une telle interdiction devra être stipulée et n’est pas intégrée dans le régime légal
commun du contrat de mandat qui reconnaît la substitution. A l’ombre de cette
permission, les applications pratiques du sous-mandat ont pu fleurir et devenir
nombreuses et ce dernier a vocation à s’appliquer à bien des domaines : droit bancaire,
droit boursier, procédure civile…etc.
180 B.MALLET-BRICOUT, Contribution à l’étude de la théorie de la représentation : la substitution de mandataire, LPA. 21 décembre 1999 n° 253, P. 13 181 Cass. Soc., 9 janvier 1974, Bull. V, n°24. 182 J.HUET, Les principaux contrats spéciaux, LGDJ. éd. 1996, p. 989.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
58
133. Certains auteurs ont pu contester la qualification de sous-contrat dans
l’hypothèse de la substitution de mandataire évoquée par l’article 1994183 alors même
que la majorité de la doctrine semble d’accorder sur ce point184. Cette doctrine
minoritaire prend appui sur le fait que le mandataire principal n’est pas garant du
mandataire substitué et ne répond des actes de ce dernier que lorsque le mandant ne l’a
pas agréé.
134. De plus, l’accord passé entre le mandataire et le mandataire substitué ne serait
pas un sous-mandat, n’étant même pas un mandat ; le mandataire substitué n’agissant
pas au nom et pour le compte du mandataire mais du mandant initial. Le mandataire
substitué n’agirait alors que dans le cadre d’une représentation. Aussi fine que soit
l’analyse, il faut remarquer que, comme le rappelle l’auteur, « aucune disposition
générale sur le sous-contrat n'a jamais été insérée dans le Code par le législateur »185.
Ainsi le sous-contrat est-il une notion doctrinale qui n’est pas figée. Partant de là il faut
alors considérer que le cas du mandataire substitué n’est qu’un cas particulier de sous-
contrat, guidée par la nature spécifique du contrat de mandat.
135. Toutefois, notre propose n’est pas grandement affecté par cette controverse, le
cas du mandataire substitué restant de toutes façons une organisation contractuelle
d’une exécution du contrat par un tiers à l’initiative du débiteur contractuel. Hypothèse
paisible s’il en est, ce dernier pouvant être appelé dans des conditions plus tumultueuses
par le créancier pour remplacer le débiteur défaillant.
183 B.MALLET-BRICOUT, op. cit., loc. cit. 184 A.BENABENT, Droit civil, Les obligations, 12ème éd. Montchrestien 2010, p. 201. 185 B.MALLET-BRICOUT, op. cit., loc. cit.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
59
Section 2 : L’exécution indirecte en nature, une exécution forcée de l’obligation de faire par le tiers
136. Il est courant de considérer que l’inexécution d’une obligation de faire ne peut se
résoudre par une exécution forcée. Ce principe est inspiré par l’adage « Nemo praecise
potest cogi ad obligtionibus faciendi succendi praesto ejus quod interest »186, originaire
de l’Ancien droit et non du droit romain, que l’on résume traditionnellement par « Nemo
potest », à savoir « nul ne peut être contraint »187. Cet adage est repris dans le Code
civil à l’article 1142 qui dispose que « toute obligation de faire ou ne pas faire se résout
en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur »188. Principe
toutefois amoindri par la jurisprudence qui ne le réserve qu’au cas « d’une obligation
personnelle »189, renvoyant ainsi à l’hypothèse de l’intuitus personae.
137. Sauvegardant la liberté individuelle du débiteur, il n’en reste pas moins que ce
principe réduit la satisfaction du créancier qui peut avoir plus intérêt à l’exécution en
nature qu’à l’obtention d’un équivalent en dommages et intérêts. C’est pourquoi, ne
pouvant forcer l’exécution en nature du débiteur, la loi prévoit un recours au tiers qui
sert d’alternative au débiteur défaillant (Paragraphe 1) et qui trouve des applications
particulières dans le domaine de la construction (Paragraphe 2).
186 « Personne ne peut être contraint à accomplir un fait, parce que cela ne peut se réaliser sans violence ni pression, et pour cette raison, le paiement de la valeur de ce qui est dû remplace l’obligation de faire » ; W.JEANDIDIER, L’exécution forcée des obligations contractuelles de faire, RTD. civ. 1976, p. 700. 187 W.JEANDDIDIER, op. cit. loc. cit. 188 Article 1142 du Code civil. 189 Cass. Civ. 1ère , 20 janv. 1953, JCP. 1953, II, n°7677.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
60
Paragraphe I : La faculté générale de remplacement offerte au créancier
138. Grâce au dispositif de la faculté de remplacement, la loi concilie la liberté qu’a
le débiteur à ne pas être forcé d’exécuter une obligation de faire - ce qui se traduirait
irrémédiablement par une contrainte physique exercée par ce dernier - et le droit du
créancier d’obtenir la pleine satisfaction de sa créance, à savoir l’exécution en nature de
l’obligation de faire. Ce dispositif est prévu à l’article 1144 du Code civil qui dispose
que « le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé à faire exécuter lui-
même l’obligation aux dépens du débiteur. Celui-ci peut être condamné à faire l’avance
des sommes nécessaires à cette exécution ». Cette disposition combine ainsi habilement
l’exécution forcée du débiteur par le biais d’une obligation en équivalent, c’est à dire
pécuniaire, et l’exécution en nature voulue par le créancier. Cette combinaison est
permise par l’intervention du tiers qui va alors se substituer dans l’exécution de
l’obligation originalement dévolue au débiteur, mais aux frais de ce dernier et non pas
du créancier.
139. Même si une partie de la doctrine y voit une technique d’exécution forcée, il
semblerait plus judicieux de réserver l’expression d’exécution forcée à l’exécution
réalisée par le débiteur190. La faculté de remplacement de l’article 1144 s’analysant
plutôt comme une exécution indirecte ne nature. L’exécution par le tiers même si elle se
fait sans le consentement du débiteur n’est en effet pas une contrainte matérielle de ce
dernier. Le créancier peut être autorisé par décision de justice à faire exécuter lui-même
l’obligation aux dépens du débiteur qui pourra être condamné par la même décision à
faire l’avance des sommes nécessaires à l’exécution par un tiers.
140. Il y a deux conditions d’exercice de la faculté de remplacement par le créancier.
De fait cette exécution en nature par le biais de la faculté de remplacement n’est pas
possible dans le cas d’une fort intuitus personae191. De plus, l’exécution en nature doit
présenter un réel intérêt pour lui, c’est à dire qu’il ne pourrait se satisfaire pleinement
d’une exécution par équivalent. Cette faculté de remplacement ne pourra s’exercer
190 V.LONIS-APOKOURASTOS, op. cit., p. 27. 191 Voir, infra. Chapitre 2, n° et s.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
61
qu’en vertu d’une autorisation judiciaire préalable, qui interviendra forcément après que
le créancier a mis le débiteur en demeure d’exécuter son obligation. Le créancier pourra
se passer de l’autorisation préalable s’il justifie une urgence particulière192. A défaut
d’urgence le créancier pourrait engager sa responsabilité. Un domaine où la faculté de
remplacement pourra se passer l’autorisation judiciaire est celui des ventes
commerciales et ce en raison de la rapidité d’action exigée dans le monde des affaires. Il
est courant que « la pratique commerciale permette à l’acheteur, en cas de défaut de
délivrance, de procéder au remplacement de la marchandise et d’en faire supporter le
prix au vendeur »193. Les effets sont alors les mêmes qu’une résolution : l’acheteur peut
refuser une livraison tardive et espérer la restitution du prix payé. L’autre domaine où
une faculté de remplacement se révèlera utile, voire indispensable est celui de la
construction immobilière, ce qui justifie l’existence d’un régime particulier.
Paragraphe 2 : L’application de la faculté de remplacement au domaine de la construction immobilière
141. L’article 1792-6 du Code civil organise le recours à un tiers en cas d’inexécution
du débiteur par le biais de la garantie de parfait achèvement qui concerne les immeubles
déjà construits. Ce dernier dispose qu’en « cas d’inexécution dans le délai fixé, les
travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et
risques de l’entrepreneur défaillant ». La garantie est due par l’entrepreneur à compter
d’un an après la réception, et « s’étend à la réparation de tous les désordres signalés
par le maître de l’ouvrage »194. Le recours au tiers se fera alors en réaction à
l’inexécution de la prestation par le débiteur après mise en demeure infructueuse de ce
dernier. Le tiers vient ici corriger les troubles constatés après la construction et qui ne
sont pas réparés par l’entrepreneur principal.
192 Cass. Civ. 2 juillet 1945, D. 1946, p.4. 193 V.LONIS-APOKOURASTOS, op. cit., p.144. 194 Article 1792-6 du Code civil.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
62
142. L’article 1792-6 ne prévoit pas toutefois l’exigence d’une autorisation judiciaire
préalable ; le recours au tiers est facilité au vu de la nature particulière de la
construction immobilière, qui revêt une importance souvent vitale pour les acteurs
(habitation) et dont les errements peut conduire à des mises en danger physiques. Même
si le danger de la garantie est celui d’une utilisation un peu légère du maitre de
l’ouvrage, qui n’a pas à solliciter l’autorisation du juge, il en ressort néanmoins que la
protection du créancier des travaux se justifie ici par l’enjeu que représente l’ouvrage
pour lui.
143. La spécificité du domaine de la construction immobilière justifie alors que le
recours au tiers soit facilité en cas de défaillance du débiteur de la prestation. Le recours
au tiers permet de contourner habilement le principe de l’interdiction de l’exécution
forcée par le tiers en répartissant les rôles entre ce dernier et le débiteur : au tiers
d’exécuter, au débiteur de payer. Le principe selon lequel les tiers ne peuvent effectuer
une obligation de faire est contourné au profit du créancier. La collaboration du tiers est
ici permise car elle participe de l’efficacité de l’opération sur le plan économique, de
même que dans le sous-contrat. Toutefois ces possibilités, surtout pour l’exécution
indirecte, sont limitées à des cas particuliers. De même que le recours au sous-contrat
peut lui aussi être limité par le biais d’un intuitus personae, qui constitue une limite
générale à la possibilité offerte au tiers d’exécuter une obligation
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
63
Chapitre 2 : Les limites à l’exécution de l’obligation de faire par le tiers
144. Il n’est pas rare que les parties décident de faire du contrat un espace clos,
étanche à l’intrusion des tiers. Cette hypothèse vise le cas des contrats conclus intuitu
personae, c’est à dire littéralement en considération de la personne195. De par leur
caractère personnel marqué, les obligations de faire sont le domaine naturel de l’intuitus
personae. Dès lors, il est théoriquement impossible pour un tiers d’exécuter l’obligation
dévolue au débiteur ; les parties ayant décidé qu’elles seules étaient aptes à atteindre
l’objectif contractuellement prévu. L’application de l’intuitus personae conduit alors à
prohiber le recours au tiers pour l’exécution des obligations de faire (Section 1). Les
parties peuvent toutefois aménager l’intuitus personae présent dans le contrat pour
permettre un recours conditionné au tiers dans le cadre de l’exécution de ces obligations
(Section 2).
Section 1 : L’application de l’intuitus personae, le recours prohibé au tiers pour l’exécution des obligations de faire
145. Issue de l’article 1237 du Code civil, la notion d’intuitus personae, donne une
place prépondérante à la personne du contractant lors de la formation et de l’exécution
du contrat. Passée avec le temps d’une conception subjective à une condition objective
(Paragraphe 1), la notion d’intuitus personae met en œuvre un régime particulier, qui
agit comme un rempart à l’intervention des tiers dans l’exécution du contrat
(Paragraphe 2).
195 Etymologiquement l’expression se compose du latin tueor, eri (regarder), ce qui donne « intuitueor », qu’on peut traduire par « regarder attentivement » ; Ph.MALAURIE, L.AYNES, Ph.STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 5ème ed. 2011, p. 207.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
64
Paragraphe 1 : L’évolution de notion d’intuitus personae d’une conception subjective à une conception objective
146. La notion d’intuitus personae a connu une évolution notable liée notamment au
développement de l’actitivité économique. Alors qu’elle était à l’origine conçue de
façon subjective, prenant essentiellement comme appui le sentiment du créancier (A),
elle tend à devenir de plus en plus objective, c’est à dire à privilégier les qualités
objectives essentielles du débiteur pour l’exécution de l’obligation (B).
A ) L’attrait antérieur pour la conception subjective de l’intuitus personae
147. L’intuitus personae n’est pas définie par la loi mais découle de l’article 1237 du
Code civil qui dispose que « l’obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers
contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu’elle soit remplie par le
débiteur lui-même ». La notion a donc été théorisée par la doctrine civiliste française du
XIXème siècle. Elle était classiquement définie de façon subjective, c’est à dire qu’une
place prépondérante était accordée à la personne même du contractant, choisie pour les
traits intrinsèques de sa personnalité. Le créancier considère alors que seule la personne
de son débiteur est apte à exécuter l’opération, conformément à son intérêt, ce qui
exclut de fait toute intrusion des tiers, notamment par la conclusion d’un sous-contrat.
Le tiers ne pouvant alors atteindre la même « qualité d’exécution »196.
148. Cet attachement particulier à la personne du contractant peut avoir été stipulé
expressément dans le contrat, en raison des qualités que l’on prête à l’autre personne
mais aussi de la confiance qu’on lui accorde. Confiance qui peut être entendue
subjectivement comme le lien tissé patiemment par les expériences passées mais aussi
objectivement comme le crédit accordé pour la bonne réalisation de la prestation. En
adoptant cette conception de l’intuitus personae, on personnalise le lien d’obligation.
Cela postule aussi d’une conception de l’obligation fondée sur la contrainte personnelle,
le vinculum juris197 ; le débiteur ne peut être que le seul exécutant car c’est lui a été
choisi par le créancier au moment de la conclusion du contrat. Le débiteur est
196 Ph.LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, éd. 2004, n°173. 197 Littéralement « lien de droit » qui traduit la force contraignante de l’engagement.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
65
doublement lié à l’exécution : d’une part contraint par le lien d’obligation, de l’autre
reconnu comme seul capable d’atteindre l’objectif contractuel par le créancier. Le
critère de choix du débiteur est alors absolu et fonctionnel.
149. Si l’intuitus personae n’était pas stipulé clairement dans le contrat, il pouvait
découler de la nature même de l’obligation. Ainsi certaines l’exécution de certaines
obligations seraient nécessairement assortie d’un intuitu personae. La conception de
l’intuitus personae est alors subjective, en vertu de l’attachement à la personne du
débiteur, mais se fonde aussi sur une vision objective de l’obligation. Ces obligations
reconnues comme naturellement assortie d’un 65ntuitu personae sont les prestations
intellectuelles. C’est à dire celles qui vont au-delà des capacités physiques du débiteur,
de son aptitude à réaliser des tâches matérielles, mais qui s’appuient sur ses insondables
facultés psychiques, reconnues comme exceptionnelles ou inimitables par le créancier.
L’exemple par excellence étant celui de l’œuvre artistique198 ; un peintre même aussi
doué que celui dont le créancier s’est attaché les services, ne peut parvenir au même
résultat.
150. Cette conception trop stricte de l’intuitus personae pouvait convenir à une
époque où les échanges économiques étaient moins importants et où la notion
d’engagement revêtait un caractère moral plus fort. La recherche d’une plus grande
efficacité économique dans la réalisation du contrat a alors conduit à une objectivation
croissante de la notion d’intuitus personae, laissant de côté la conception subjective de
l’intuitus personae. Bien que cette dernière tend encore à s’exercer dans des domaines
particuliers comme la location d’appartement ou encore dans la formation des
sociétés199.
198 F.TERRE, Ph.SIMLER & Y.LEQUETTE, Droit civil, les obligations, Dalloz, 8ème éd. 2002, p. 1225. 199 B.STARK, H.ROLAND & L.BOYER, Droit civil, Les obligations, Litec, 6ème éd. 1998, p. 39.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
66
B ) La préférence contemporaine pour la conception objective de l’intuitus personae
151. L’objectivation de l’intuitus personae est guidée par la recherche d’une
meilleure efficience économique dans la réalisation du contrat. Ce qui marque un
certain recul dans la fréquence d’emploi d’utilisation de l’intuitus personae200, qui
trouve moins sa place dans les contrats à titre onéreux que dans ceux à titre gratuits201.
Dès lors que l’objectif économique est mis en avant, c’est la réalisation de l’objectif
contractuellement prévu qui est visé et non plus seulement la conformité aux vœux du
créancier formalisés dans les stipulations contractuelles. Ce qui n’est pas totalement
contradictoire avec la conception subjective de l’intuitus personae dont la finalité était
aussi de permettre l’objectif contractuel. Toutefois, dans la conception subjective ce
sont les qualités que le créancier prête à la personnalité du débiteur qui sont
déterminantes, alors que dans la conception objective ce sont les qualités essentielles du
débiteur, déterminées de façon objective et non en fonction du seul regard du créancier,
qui sont décisives.
152. En arrière plan de cette conception, on retrouve une dynamique tendant à la
dépersonnalisation du rapport d’obligation, d’où il résulte « une objectivation du
paiement »202. Ce qui prime alors c’est la satisfaction finale du créancier, permettant
ainsi une ouverture plus grande au tiers dès lors qu’ils réunissent des qualités égales à
celles du débiteur, et qu’ils peuvent réaliser une exécution de même acabit. La
prestation prime alors sur la personne qui l’exécute. Recentrage est fait sur le contrat
lui-même et non plus sur les parties qui le font vivre. La cause du contrat passe du
contractant à la satisfaction de l’obligation et donc du créancier. Cette conception laisse
plus de place au juge qui doit dès lors apprécier l’objectivité des caractéristiques prêtées
au débiteur. Dans cette optique, « il est procédé à une objectivation des critères de
choix pertinents sur lesquels peut reposer la décision de contracter. Dans cet esprit,
seules sont retenues comme pertinentes les qualités de la personne qui présentent un
lien direct et nécessaire avec l’objet de l’opération contractuelle, à l’exclusion de celles 200 Ph.MALAURIE, L.AYNES, Ph.STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 5ème ed. 2011, p. 208. 201 J.FLOUR, J-L.AUBERT & E.SAVAUX, Droit civil, Les obligations, L’acte juridique, Sirey 14ème éd. 2010, p. 180. 202 D.ARTEIL, L’exécution du contrat par un non-contractant, LGDJ. éd. 2006, p. 36.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
67
qui participent d’une appréciation subjective de données personnelles »203.
L’objectivation des critères retenus pour contracter a été particulièrement visible en
droit du travail, au vu du risque de discrimination à l’embauche que peut constituer un
intuitu personae trop subjectif en la matière.
153. Les qualités du débiteur doivent donc être identifiées de façon objective au vu de
l’objectif à réaliser. L’intuitus personae sera alors possible dans la limite de l’intérêt du
créancier. La conception objective n’ouvre pas totalement l’exécution du contrat au
tiers, elle ne fait qu’entrouvrir cette possibilité. Elle laisse alors sa chance au tiers, qui
doit cependant être à la hauteur l’objectif attendu.
Paragraphe 2 : Le régime du contrat conclu intuitu personae
154. L’intuitus personae joue à la conclusion du contrat mais étend ses effets tout au
long de son exécution limitant la liberté du cocontractant pour les opérations visant à
permettre à un tiers d’exécuter l’obligation contractuelle, telle que la cession du contrat
ou encore la substitution de contractant. Ainsi, il peut résulter soit d’une stipulation
expresse du contrat, soit être inhérent au type de contrat. La loi prévoit certains cas où
l’agrément du créancier est possible, comme en matière de bail commercial, créant ainsi
une sorte d’intuitus personae d’inspiration légale.
155. L’intuitus personae découle de l’article 1237 du code civil qui dispose que
« l’obligation de faire ne peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier,
lorsque ce dernier a intérêt a intérêt à ce qu’elle soit remplie par le débiteur lui-
même ». Cette disposition fait de l’exécution une affaire personnelle et donne donc au
créancier une faculté générale d’opposition légitime à l’exécution de l’obligation
contractuelle par le tiers. Obligation est donc faite au débiteur de ne pas passer outre
cette faculté sous peine de voir sa responsabilité contractuelle engagée sur le fondement
de l’article 1147 du Code civil.
156. Aussi dans le cadre d’un contrat intuitu personae, l’exécution forcée ne peut que
difficilement être possible, en application de l’article 1142 du Code civil ; « la seule
203 G.LOISEAU, Contrats de confiance et contrats conclu intuitu personae, in « La confiance en droit privé », Dalloz, éd. 2008, p. 105.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
68
réparation alors concevable est une réparation par équivalent. En revanche, une
astreinte peut toujours être prononcée en tant qu’accessoire d’une condamnation qui a
pour objet une obligation teintée d’intuitus personae »204.
157. L’intuitus personae favorise enfin une extinction anticipée du contrat. Comme le
relève un auteur, « l’intuitus personae est incontestablement destiné à améliorer
l’exécution du contrat mais, en même temps, il lui confère une fragilité qui est celle de
la personne du contractant »205. Le caractère indispensable de l’identité du contrat fait
que le contrat peut difficilement survivre à son départ, que ce départ soit volontaire ou
non. La prohibition de la substitution empêche le remplacement du débiteur qui souhaite
se défaire de l’exécution contractuelle et précipite ainsi la fin du contrat. De même, dans
le cas du décès du contractant, l’intuitus personae rend impossible la transmission de
l’obligation aux héritiers et ayants cause, alors même que l’article 1122 le prévoit.
158. L’intuitus personae jouera alors à plein comme un rempart, un cocon, contre
l’intrusion des tiers dans la relation contractuelle, protégeant ainsi la bonne exécution
quitte à précipiter la fin du contrat. Pour autant sa portée n’est pas absolue et il est
possible de l’aménager pour permettre aux tiers d’exécuter l’obligation contractuelle.
Section 2 : L’aménagement de l’intuitus personae, le recours conditionné au tiers pour l’exécution d’une obligation de faire
159. La présence d’un 68ntuitu personae dans le contrat n’a pas une portée si absolue
qu’elle priverait totalement les parties de recourir à un tiers pour exécuter une obligation
de faire. L’intuitus personae pourra alors être aménage par le jeu d’une clause
d’agrément (Paragraphe 1). A défaut, l’acceptation de la personne du tiers
postérieurement à la conclusion du contrat est toujours possible (Paragraphe 2).
204 Lamy Droit du contrat, op. cit., loc. cit. 205 C.PRIETO, Evénements affectant la personne de la société contractante, in La cessation des relations contractuelles d'affaires, PUAM, 1997, no 5
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
69
Paragraphe 1 : L’aménagement conventionnel de l’intuitus personae : la stipulation d’une clause d’agrément
160. La clause d’agrément est celle qui organise, en cours d’exécution du contrat, la
substitution d’un tiers au contractant, pour exécuter l’obligation contractuelle dévolue à
ce dernier. L’insertion d’une clause d’agrément dans un contrat est un marqueur
incontestable d’intuitus personae, pourtant elle a vocation à restreindre la portée de ce
dernier. En effet, par le jeu de la clause d’agrément le créancier pourra exercer son
contrôle de plein droit sur le tiers que le débiteur voudra se substituer dans l’exécution
du contrat mais une telle substitution sera toujours possible. Pour autant, le principe de
cette clause ne vient pas en contradiction totale avec la notion d’intuitus personae. La
clause d’agrément part bien du postulat que l’identité personne de l’exécutant revêt une
importance particulière dans l’exécution du contrat. Toutefois, elle va permettre
d’ajouter de la souplesse au principe rigide de l’intuitus personae, en laissant au
créancier sa faculté d’opposition mais en prévoyant dès la conclusion du contrat la
possibilité d’une substitution.
161. En cela, elle est un aménagement habile de l’intuitus personae et permet de
concilier la fluidité des échanges juridiques et économiques avec une sélectivité qui
s’avère nécessaire dans le cadre de certains contrats. Ainsi retrouve-t-on le plus souvent
les clauses d’agrément dans des domaines où la nécessité d’intégrer les tiers à l’activité
est essentielle mais où l’importance des enjeux économiques empêche de prendre à la
légère la personne du contractant. A titre d’exemple on peut citer les contrats de
distribution ou encore le droit des sociétés.
162. La clause d’agrément crée alors des obligations réciproques entre les deux
parties. Le débiteur qui souhaite se faire substituer aura pour obligation de présenter au
créancier le tiers qu’il aura choisi ; il devra en cela requérir l’agrément. Le créancier à
son tour devra opérer un contrôle de le personne du substitué potentiel pour s’assurer
qu’il présente les qualités requises pour satisfaire à l’obligation. Il ne doit alors opposer
qu’un refus qui doit être justifié et motivé. La jurisprudence a posé comme principe que
« pour éviter tout arbitraire, il appartient au créancier de motiver son refus à seule fin
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
70
de permettre au concessionnaire de vérifier que sa décision était fondée sur un examen
équitable et soigneux, conforme à ses engagements contractuels »206. Cette solution se
justifie car l’agrément ne doit pas être une faculté d’appréciation discrétionnaire207 qui
consacrerait le seul pouvoir du créancier, et qui ferait en définitive retomber le contrat
dans l’intuitus personae le plus absolu. L’agrément ne doit être qu’une sécurité
permettant un contrôle raisonnable du recours au tiers. A ce titre, la jurisprudence a
posé comme principe le refus de l’agrément conditionnel208 ; l’agrément doit se limiter
au contrôle strict des qualités objectives requises pour l’exécution. Le refus d’agrément
abusif est sanctionné très sévèrement, par exemple dans le cadre du contrat de franchise
« un refus discrétionnaire non justifié pourrait être considéré comme abusif et rendre le
franchiseur responsable de la rupture du contrat »209.
163. Bien que fort utile pour permettre d’associer le principe de l’intuitus personae
avec la dynamique des affaires, la clause d’agrément n’est pas une panacée et à défaut,
les parties peuvent toujours procéder à une acceptation postérieure de la personne du
tiers exécutant.
B) L’aménagement ad hoc de l’intuitus personae : la possibilité d’une acceptation postérieure à la conclusion du contrat
164. Si les parties n’ont pas prévu de clause d’agrément au contrat, la substitution
d’un tiers dans l’exécution du contrat toujours possible. L’article 1237 alinéa du Code
civil ne fait que poser le principe que l’obligation ne peut être acquittée par un tiers sans
le gré du créancier, si l’intérêt de ce dernier est en jeu. Il faut nuancer la portée de cette
faculté d’opposition ainsi « cette interdiction n’est pas absolue. D’abord, une
autorisation peut toujours être donnée à une telle opération. Ensuite, il est des contrats
pourtant empreints d’intuitus personae pour lesquels une telle pratique est admise.
Ainsi, dans l’exécution du contrat de mandat, la substitution est en principe
possible »210.
206 Cass. Com. 2 juillet 2002, Bull. civ. IV, n°113. 207 C.BOURGEON, A propos des clauses d’intuitus personae, RDC. 01 avril 2004 n° 2, p. 499 208 B.DONDERO, L’agrément ne peut être assorti de conditions, not. ss. Cass. com., 17 janv. 2012, n° 09-17212, Bull. Jol. Soc. , 1 avril 2012, p. 310. 209 Lamy Droit économique, L' intuitus personae renforcé par une clause d'agrément, éd. 2011, n°4535. 210 Lamy Droit du contrat, Exécution du contrat, éd. 2012, n°156-70
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
71
165. S’il l’exerce de façon abusive le juge pourra apprécier l’intérêt réel du créancier
en le mettant en balance avec l’intérêt global de l’opération et ainsi permettre
judiciairement la substitution. Ce principe joue notamment en matière de procédure
collective où la loi autorise la transmission de certains contrats dans un but de
sauvegarde et ce même si ces derniers ont été conclu intuitu personae. C’est que
l’intérêt du créancier ne peut primer celui de la sauvegarde de l’entreprise. Le créancier
ne peut alors exercer son refus que si celui-ci est justifié et ne constitue pas un abus de
droit.
166. Ainsi, même si l’intuitus personae est en principe une fermeture du contrat au
tiers, sa portée relative, ainsi que l’existence de mécanisme permettant de concilier avec
souplesse intérêts du créancier et ceux du débiteur qui souhaite être substitué dans
l’exécution du contrat, permet l’hypothèse d’une exécution par le tiers. Le passage à une
conception plus objective de l’intuitus personae diminue d’autant le caractère rigide de
ce principe et permet d’envisager la personne exécutant l’obligation, non plus par
rapport à sa personnalités et aux qualités que lui prêtent subjectivement le créancier,
mais en considération des potentialités qu’offre sa collaboration sur le plan économique.
Les activités qui requièrent l’exécution d’obligations de faire étant par nature celles où
se réalise la majeure partie de la production, la recherche d’un meilleur optimum
économique dans la répartition des tâches entre les acteurs ne peut être que profitable.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
72
Conclusion de la PARTIE I : 167. L’examen attentif de la variété d’exécutions possibles du contrat par le tiers
révèle le caractère normal de ce type d’exécution. Loin d’être « une monstruosité », il
s’avère être un rouage nécessaire de la vie juridique. La panorama ainsi obtenu est plus
qu’instructif et permet de constater que l’exécution du contrat par le tiers embrasse un
nombre importants de mécanismes juridiques : sûretés, représentation, sous-
contrat…etc. Le recours au tiers peut d’ailleurs être inhérent au mécanisme en question,
comme dans le cas des sûretés, ou procéder d’un détournement, comme l’illustre la
stipulation pour autrui.
168. La distinction entre les obligations pécuniaire et les obligations de faire nous
renseigne d’ailleurs plus sur la nature même de ces obligations ; les unes se fondent sur
un instrument fongible, un substitut universel, l’argent ; les autres requièrent le fait de
l’homme et par la même admettent la possibilité d’une différence. A travers l’obligation
pécuniaire c’est le concours financier du tiers qui est sollicité ; avec l’obligation de
faire, c’est le potentiel économique qui se dégage de la prestation du tiers qui est
recherché.
169. La comparaison entre ces deux types d’obligations démontre, par le prisme de
l’exécution par le tiers, l’idée que se font les parties de l’obligation. Alors que dans les
obligations de faire, on constate une survivance du caractère personnel à travers le
concept d’intuitus personae, qui limite l’intervention de personnes autres que les
parties, dans les obligations pécuniaires le principe est franchement celui de l’ouverture
quasi-totale de l’exécution du contrat aux tiers ; ce qui suggère une idée de
patrimonialisation de l’obligation envisagée comme une chose susceptible de circuler
entre les acteurs. Malgré cette différence, la convergence est palpable, les obligations de
faire prenant de plus en plus en compte l’efficacité économique de l’opération, au profit
du tiers exécutant. L’intervention de ce dernier est donc tout à fait permise et parfois
favorisée. Les conséquences de cette exécution particulière par le tiers doivent alors être
analysées pour percevoir dans quelle mesure elle agit sur l’obligation.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
73
Partie II : La recomposition du rapport d’obligation,
conséquence de l’exécution du contrat par le tiers
170. Après avoir révélé sa spécificité en amont dans sa dépendance à la nature de
l’obligation, l’exécution du contrat par le tiers révèle son originalité en aval par les
conséquences qu’elle entraine et qui sont substantiellement différente d’une exécution
« normale » qui aurait été réalisée par le débiteur. Alors que l’exécution est
généralement conçue comme un moyen d’éteindre l’obligation en apportant une
satisfaction au créancier, l’exécution spécifique du contrat par le tiers se révèle
incapable de faire disparaître l’obligation alors même qu’elle est susceptible d’apporter
une satisfaction matérielle au créancier. Ce qui permet à l’obligation de survivre à
l’exécution et de se recomposer autour de la personne du tiers exécutant, lui faisant
profiter de ses aspects positifs, par la naissance de droit à son profit (TITRE I), mais lui
faisant aussi supporter ses aspects positifs, par la création de devoir matérialisés dans
des responsabilités (TITRE II).
Titre I : L’exécution du contrat par le tiers, génératrice de
droits
Titre II : L’inexécution du contrat par le tiers génératrice de
responsabilités
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
74
Titre I : L’exécution du contrat par le tiers génératrice de
droits
171. Une célèbre maxime économique décrit très bien la situation qui découle
directement de l’exécution de l’obligation contractuelle par le tiers : « un déjeuner
gratuit, ça n’existe pas »211. Avant qu’il ne soit question de droit, c’est avant tout le bon
sens qui prime. On comprend instinctivement qu’hormis le cas particulier de l’intention
libérale, le tiers qui exécute l’obligation contractuelle attend par la suite un juste retour
de son action ; plus simplement, à récupérer son dû. Il cherchera alors la reconnaissance
de son exécution, à être rétabli dans son droit. Là aussi, la nature de l’obligation
présidera au sort du tiers exécutant. Les mécanismes mettant en œuvre la juste
restitution de l’effort consenti par lui seront alors différents selon que l’obligation était
une obligation pécuniaire (Chapitre 1) ou de faire (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Le droit à la contrepartie du tiers exécutant d’une
obligation pécuniaire
Chapitre 2 : Le droit à la contrepartie du tiers exécutant une
obligation de faire
211 Prêtée à Milton FRIEDMAN.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
75
Chapitre 1 : Le droit à la contrepartie du tiers exécutant d’une obligation pécuniaire
172. La satisfaction du créancier par l’exécution de l’obligation est à distinguer de
l’effet extinctif du paiement. L’économie de l’obligation ne se limite pas à un créancier
à satisfaire, elle implique aussi un débiteur qui doit satisfaire le créancier. Dans
l’hypothèse où c’est un tiers qui satisfait le créancier, l’extinction de la dette est alors
reportée au moment où le débiteur sera en mesure d’acquitter lui-même ce qu’il doit.
Cette logique générale de continuité du devoir du débiteur est contenue dans le
mécanisme de la subrogation personnelle qui transfère le droit du créancier sur la
personne du tiers, lui permettant ainsi de récupérer les sommes qu’il a avancées
(Section 1). A défaut de subrogation, on constate néanmoins que le paiement effectué
par le tiers fait naître une dette à son profit à la charge du débiteur (Section 2).
Section 1 : La récupération des sommes versées par la transmission de la créance originaire : le recours subrogatoire
173. La subrogation personnelle se distingue de la subrogation réelle212 et
« correspond à l’hypothèse où une personne (appelée solvens ou subrogé) paie
volontairement, mais sans intention libérale, la dette d’un tiers débiteur »213. C’est donc
un mécanisme spécifique au paiement effectué par le tiers qui atteste donc du caractère
normal de ce type d’exécution. Elle est subordonnée à de multiples conditions
(Paragraphe 1), qui, si elles sont réunies permettant au tiers de bénéficier de ses effets
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les conditions de la subrogation personnelle
174. L’article 1249 di Code civil dispose que « la subrogation dans les droits du
créancier au profit d’une tierce personne qui le paye est ou conventionnelle (A) ou
légale (B) ».
212 Qui vise par opposition la substitution d’une chose à une autre. 213 S.PORCHY-SIMON, Les obligations, Dalloz, 5ème éd. 2008, p. 471.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
76
A ) La subrogation de source conventionnelle
175. La subrogation conventionnelle peut être le fruit de la volonté des parties, autant
de celle du créancier que celle du débiteur. L’article 1250-1 du Code civil vise
l’hypothèse du créancier qui « recevant son paiement d’une tiers personne la subroge
dans ses droits, actions privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation
doit être expresse et faite en même temps que le paiement ». Elle postule donc que
l’obligation soit exécutée par un tiers ; « même si le solvens n’est pas étranger à la
dette ; il suffit qu’il ne soit pas le débiteur définitif »214.
176. La subrogation peut donc opérer par la volonté expresse du créancier, ce qui
exclut dont de fait les cas où se dernier aurait essayé de s’opposer au paiement
volontaire réalisé par le tiers. La subrogation intervient donc en vertu d’un accord passé
entre le créancier et le tiers, dont le débiteur est exclu, et qui lui est même totalement
opposable ; la jurisprudence ayant jugé que le consentement de ce dernier à l’acte de
subrogation n’était pas nécessaire à sa validité215.
177. En plus du caractère exprès de l’accord, la seconde condition à la subrogation
découlant de la volonté du créancier, est que l’acte subrogation intervienne
concomitamment au paiement. Comme l’explique la doctrine, « la solution est logique.
Le paiement ayant en principe un effet extinctif, une subrogation postérieure ne
pourrait produire aucun effet, car la créance définitivement éteinte ne pourrait être
transmise »216. Ce qui n’exclut pas que l’accord soit intervenu bien avant le paiement, la
jurisprudence ayant admis la possibilité d’une subrogation par anticipation217 ; même si
en définitive les effets n’interviendront qu’au jour du paiement. La subrogation décidée
par le créancier sera la plus fréquente en pratique ; « trop heureux d’être payé, le
créancier sera tout prêt à subroger le tiers payant dans ses droits et à lui transmettre
toutes les sûretés attachées à la créance »218. Objectivement le créancier n’a pas intérêt
214 Ph.MALAURIE, L.AYNES & Ph.STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 5ème éd. 2011, p. 743. 215 Cass. civ. 1ère, 23 oct. 1984, Bull. civ. I, n°276, p. 234. 216 S.PORCHY-SIMON, op. cit., p. 472. 217 Cass. com., 29 janv. 1991, Bull. civ. IV, N°48, RTD. Civ. 1991. 531 218 Ph.MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 10ème éd. 2007, p. 576.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
77
à s’opposer à cette subrogation, d’autant qu’elle incite le tiers à payer ; par ailleurs,
n’est-ce pas là une expression élégante de gratitude ?
178. La subrogation peut aussi résultat de la volonté du débiteur comme le prévoit
l’article 1250-2 du Code civil. Mais cette règle vise le cas particulier où le « débiteur
emprunte une somme à l’effet de payer sa dette ». Une telle hypothèse sort alors du
champ de notre étude car dés lors, même si la charge réelle du paiement est faite sur les
deniers du tiers, ce n’est pas lui qui exécute directement l’obligation. Le tiers exécutant
d’une obligation monétaire ne peut donc bénéficier des effets de la subrogation
conventionnelle que du fait de la volonté du créancier. A côté de la subrogation
conventionnelle, le Code civil a institué un mécanisme de subrogation légale.
B) La subrogation légale
179. La subrogation peut aussi s’opérer de plein droit si le paiement intervient dans
l’un des cinq cas visés par l’article 1251 du Code civil. Dans cette liste il nous faudra
écarter les cas spécifiques de l’acquéreur d’immeubles (1251-2), de l’héritier (1251-4)
et de celui qui a payé les frais funéraires pour le compte de la succession (1251-5), qui
sont hors du champ de notre étude ; le premier ne concernant pas le paiement par un
tiers d’une obligation contractuelle, les deux autres ne faisant pas référence à un contrat.
La subrogation légale du tiers exécutant, au sens où nous l’entendons, ne joue alors
qu’au profit « de celui qui, étant lui-même créancier, paye un autre créancier qui lui est
préférable à raison de ses privilèges ou hypothèques » et à celui « qui étant tenu avec
d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette, avait intérêt à l’acquitter ». Ces
hypothèses visent alors généralement le tiers obligé et le tiers intéressé à la dette, déjà
cités par l’article 1236 du Code civil. La subrogation de la caution est en pratique la
plus courante.
180. Est donc de fait exclu le tiers ayant payé sans être intéressé à la dette, c’est à dire
celui ayant effectué le paiement en vertu d’une intention libérale. Cette exclusion du
bénéfice de la caution est fort logique car celui qui paye la dette d’autrui à titre de
libéralité entend nécessairement le faire définitivement sur ses propres deniers, sans
attendre d’être un jour rembourser. La libéralité suppose en effet un don purement
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
78
gratuit ; le donataire ne peut alors exiger le remboursement des sommes ainsi
transmises. L’article 1236 prévoit alors expressément que le tiers agissant en son nom
propre sans y être intéressé n’est pas subrogé aux droits du créancier.219 Au delà de
l’intention libérale, cette disposition empêche qu’il soit fait usage de la spéculation sur
au détriment du débiteur, le tiers solvens pouvant n’être motivé que par les droits et
sûretés attachés à la dette.
181. L’intérêt à la dette est donc le vrai dénominateur commun de la subrogation
légale, autant pour le tiers obligé que pour le tiers simplement intéressé. Par hypothèse,
les créanciers de second rang pourront ainsi, sous l’effet de leur paiement, réduire de
fait le nombre des créanciers, ce qui « accroîtra corrélativement les chances de
parvenir amiable entre ceux restant à payer »220. La subrogation augmentera alors leurs
chances de recouvrer leur créance auprès du débiteur. De même, le tiers qui paie car il
est obligé est lui aussi intéressé, tout simplement pour ne pas voir sa responsabilité
engagée. La subrogation légale est donc un mécanisme qui joue avant tout dans l’intérêt
des tiers solvens intéressé à la dette ou obligé.
182. La subrogation améliore la situation du tiers solvens mais aussi, plus
globalement, celle de l’ensemble des acteurs de l’opération. Même sans subrogation, le
tiers pourrait se faire rembourser via un recours personnel, mais dans des conditions
moins avantageuses. Comme l’expose brillamment Jacques Mestre, « ce recours
personnel demeure chirographaire, et expose donc le solvens au risque de
l’insolvabilité du débiteur. Pour éloigner ce danger, il faudrait que le tiers puisse
prendre la place même du créancier qu’il désintéresse, place qu’ont pu rendre
avantageuse les sûretés que ce dernier avait pris la peine de se ménager. Telle est
précisément la raison d’être de la subrogation personnelle, qui procure ainsi au solvens
les garanties nécessaires à son remboursement. Cette perspective incitera le tiers à
acquitter la dette, si bien que débiteur et créancier verront, eux aussi, leurs intérêts
sauvegardés »221.
220 J.MESTRE, La subrogation personnelle, LGDJ. éd. 1979, p. 106. 221 J.MESTRE, La subrogation personnelle, LGDJ. éd. 1979, p. 37.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
79
183. La subrogation ne joue pas alors seulement comme mode amélioré de
remboursement des sommes avancées par le tiers mais bien comme un mécanisme
incitatif de garantie du paiement effectué par le tiers. La subrogation produit des effets
bénéfiques au delà du contrat puisqu’elle remplit un rôle économique majeur en étant un
auxiliaire de crédit, en même temps qu’elle accroît la sécurité juridique en améliorant
les mécanismes de garantie222.
Paragraphe 2 : Les effets de la subrogation
184. De façon générale, la subrogation personnelle opère la substitution d’une
personne à une autre. Dès lors, « le sujet remplaçant obéit au même régime que celui
qu’il remplace »223. L’effet original de la subrogation est donc la transmission de la
créance au tiers (A). Une autre conséquence implicite est la conservation de la dette par
le débiteur (B).
A) La transmission de la créance au tiers
185. L’effet principal de la subrogation est « de produire un transfert de propriété de
la créance, du patrimoine du créancier, vers celui du tiers solvens ou subrogé. Il n’y a
donc pas de mécanisme de novation, extinction de la dette puis naissance concomitante
d’une autre, mais bien transmission : c’est la même créance, avec ses qualités (droits,
actions, sûretés notamment » mais également ses défauts qui passe ainsi dans le
patrimoine du subrogé »224. Le subrogeant n’est plus alors créancier, ce qui prive
d’effets les actions qu’il engagerait vis-à-vis de cette créance et la rend insaisissable par
ses propres créanciers. De même que le subrogé dispose ainsi des droits et avantages
inhérents à la créance, notamment celui de pouvoir poursuivre le débiteur comme le
subrogé aurait pu le faire225. Comme le résume le Professeur Malinvaud : « par suite de
la subrogation tout se passe comme si le tiers avait acheté la créance »226.
186. Cette nouvelle position acquise par le tiers permet d’acter de la recomposition
du lien d’obligation autour de la personne du tiers après que ce dernier a exécuté 222 J.MESTRE, op. cit., p. 229 & 257. 223 M.BRUSORIO-AILLAUD, Droit des obligations, Paradigme, éd. 2010-1011, p. 338. 224 D.MAINGUY & J-L.RESPAUD, Droit des obligations, Ellipses, éd. 2008, p. 386. 225 A.BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 12ème éd. 2010, p. 536. 226 Ph.MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 10ème éd. 2007, p. 575.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
80
l’obligation contractuelle normalement dévolue au tiers. Il devient alors créancier du
débiteur dans les mêmes conditions que le créancier originaire. L’acte subrogatoire est
donc translatif227, il ne fait que transporter à l’identique le rapport de droit qui
préexistait. Envisager la subrogation comme une substitution est donc un angle de vue
très pertinent.
187. On cerne toutefois la double limite induite par l’acte subrogatoire. L’effet
translatif de la subrogation est avant tout conditionné par l’étendue des droits du
créancier. Le tiers ne peut en effet obtenir plus de ce que à quoi le créancier pouvait
prétendre228, ce qui pourrait entrainer un risque spéculatif sur l’obligation. De même,
« le subrogé n’a de recours qu’à hauteur de ce qu’il a effectivement payé »229 ; la
subrogation doit être limitée à ce qui a été effectivement payé car dans le cas d’un
paiement partiel, l’obtention de droits supérieurs par le subrogé nuirait
immanquablement au créancier subrogeant. Ce qui permet de faire la distinction avec la
cession de créance où la somme réclamée par le créancier peut être supérieure au prix
auquel il a acquis la créance.
188. La subrogation s’analyse alors comme une amélioration juridique pour le tiers,
qui acquiert des droits nouveaux, mais pas à une amélioration économique, un
enrichissement. Il ne lui est restitué que ce qu’il a exactement avancé, ce qui là encore
permet d’éviter le risque de spéculation qu’une situation contraire ferait courir. La
subrogation ne fait qu’augmenter les chances du tiers solvens d’être remboursé par la
suite, elle améliore sa situation de créancier. Mais financièrement l’opération est à
somme nulle. D’ailleurs le débiteur aussi est tenu dans les mêmes conditions.
B) La conservation de la dette sur la tête du débiteur
189. Pour le débiteur, la subrogation s’analyse comme une substitution de créancier.
On peut penser toutefois que dans les faits sa situation est plus favorable qu’avant le
paiement car il n’est pas impossible que ce qui motive l’intervention du tiers, c’est
l’arrivée à un point de crise où le créancier menace le débiteur de poursuites. Après le
paiement de sa dette par le tiers, le débiteur se retrouve alors peut-être face à un
227 D.ARTEIL, op. cit., p. 297. 228 D.MAZEAUD, not. ss. Cass. 3e civ., 7 juill. 2010, no 09-13159, RDC. 1 janv. 2011 n° 1, p. 113. 229 M.BRUSORIO-AILLAUD, Droit des obligations, Paradigme, éd. 2010-1011, p. 342.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
81
créancier plus patient, même si d’un point de vue juridique son engagement conserve
une teneur identique.
190. Suite à l’exécution de l’obligation par le tiers, « le créancier originaire est
désintéressé mais la dette n’est pas éteinte »230. L’affirmation peut sembler paradoxale
pourtant elle relève de la logique la plus élémentaire. L’exécution de l’obligation par le
tiers ne vise qu’à satisfaire le créancier et en sus à éviter que ce dernier en ayant épuisé
sa patience, ne se lance dans des poursuites. Il n’en reste pas moins que la dette du
débiteur subsiste car affirmer le contraire reviendrait à accorder une intention libérale au
tiers, or ce cas est impossible dans le cadre de la subrogation. Il y a donc une
dissociation très nette entre un élément matériel de l’obligation qui vise à satisfaire le
créancier et un élément « devoir »231 contenu dans l’obligation. Le premier peut être
exécuté par le tiers alors que le second ne peut être réalisé que par le débiteur, car c’est
sur lui que le paiement doit peser en dernier ressort. L’exécution de l’obligation
n’emporte alors pas forcément l’effet extinctif du paiement. Comme l’explique Anne
Richard, « du point de vue du débiteur, le paiement n’est pas constitué du moment où
son patrimoine ressort indemne de l’opération, contrairement à ce qui était initialement
prévu »232.
191. La subrogation permet alors à terme d’éteindre la dette au profit du tiers mais
aussi, d’une certaine façon, à celui du débiteur car comme le dit l’adage : « qui paie ses
dettes s’enrichit ». Elle réunit un double aspect : transformateur pour le tiers solvens,
conservateur pour le débiteur. La subrogation n’est toutefois pas le seul moyen
d’épanouir totalement l’obligation et de restituer le tiers solvens dans ses droits. Ce
dernier peut à défaut compter sur la création à son profit d’une créance de
remboursement.
230 M.BRUSORIO-AILLAUD, Droit des obligations, Paradigme, éd. 2010-1011, p. 338. 231 A.RICHARD, op. cit., p. 121. 232 A.RICHARD, op. cit., p. 120.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
82
Section 2 : La récupération des sommes versées par la naissance d’une dette à la charge du débiteur : le recours personnel du tiers solvens
192. Il serait choquant, d’un point de vue moral et même juridique, que le tiers
solvens privé du bénéfice de la subrogation, ne puisse en définitive récupérer ce qu’il a
avancé au débiteur. C’est pourquoi, a défaut de subrogation le tiers solvens dispose
toujours d’une action, personnelle récursoire contre le débiteur pour obtenir un
remboursement. L’ouverture de cette action récursoire, moins avantageuse que le
recours subrogatoire, dont le régime présente les qualités inverses que ce dernier
(Paragraphe 2), varie selon la cause qui est à l’origine du paiement (Paragraphe 1).
Paragraphe 1 : L’ouverture du recours personnel du tiers solvens, fonction de la cause du paiement
193. Si le recours personnel est naturellement ouverte au tiers obligé (A), elle est
soumise à conditions pour le tiers non obligé (B).
A ) L’ouverture naturelle du recours personnel au tiers solvens obligé
194. Le recours personnel non subrogatoire du tiers solvens n’est pas visé par l’article
1236 du Code civil, qui se borne à prévoir les hypothèses où le tiers peu s’acquitter de
la dette du débiteur, sans pour autant prévoir un moyen pour ce dernier de récupérer les
sommes dues. Toutefois, dans le cas du tiers qui a effectué le paiement en vertu d’une
obligation, la restitution des sommes versées sera automatique. On peut se poser la
question de l’utilité d’un tel recours s’agissant du tiers solvens obligé car logiquement il
bénéficie du recours subrogatoire. L’article 2305 du Code civil prévoit toutefois que «
la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le
cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur ». La loi confère donc à la
caution deux types deux recours : l’un subrogatoire et l’autre personnel. Cette dualité
semble résulter d’un raisonnement simple : qui peut le plus peut le moins. Ainsi, si le
but de la subrogation est d’améliorer la situation solvens obligé, pourquoi ne pas aussi
lui donner le choix avec un recours d’un autre type, en théorie moins avantageux, qui
peut néanmoins s’avérer plus profitable selon les espèces. Cette possibilité de choix est
alors protectrice de la caution solvens qui pourra agir sur le fondement d’un recours
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
83
personnel d’autant que comme le précise l’article 2305 du Code civil : « ce recours a
lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ».
195. Le recours personnel du tiers pourra s’appuyer sur d’autres fondements. Son
action sera alors « fondée sur le motif au nom duquel il a payé »233. Le cas principal sera
celui du mandataire qui, ayant agi dans le cadre d’un mandat de paiement, pourra exiger
le remboursement sur le fondement de l’article 1999 du Code civil qui dispose que « le
mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a fait pour
l’exécution du mandat ». Le mandataire ne saurait toutefois recourir à cette action que
dans le cas où il aurait payé la dette du mandant avec ses propres deniers. S’il n’a fait
que transmettre ceux du mandant, qu’il n’a été qu’un vecteur du paiement, il ne serait
alors pas fondé à réclamer la restitution de ces sommes.
B) Le recours personnel du tiers solvens non obligé
196. Le tiers non obligé et non subrogé ne dispose pas à l’origine de fondement légal
ou contractuel pour agir en remboursement des sommes qu’il a payées. La jurisprudence
a toutefois reconnu, dans un souci évident d’équité234, le recours personnel du solvens,
dans un arrêt du 15 mai 1990 qui énonce que : « le tiers qui, sans y être tenu, a payé la
dette d’autrui de ses propres deniers, a, bien que non subrogé aux droits du créancier,
un recours contre le débiteur (…) »235. La Cour de cassation considère aussi que le
paiement de la dette d’autrui génère « une obligation nouvelle distincte de celle éteinte
par le dit paiement ». Plus encore, elle décide que le recours « avait sa cause dans le
seul fait du paiement ».
197. Cet arrêt faisait suite à une jurisprudence ancienne, notamment l’arrêt Porcher
du 3 février 1979236, et plus récemment l’arrêt du 12 février 1929 selon lequel « le tiers
qui a payé la dette d'autrui de ses propres deniers a, bien que non subrogé aux droits
du créancier, un recours contre le débiteur dont le caractère varie suivant qu'il était ou
233 Ph.MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 10ème éd. 2007, p. 575. 234 G.VIRASSAMY, Le tiers qui paye la dette d'autrui a un recours contre le débiteur bien que non subrogé aux droits du créancier, D. 1991 p. 538. 235 Cass. Civ. 1ère, 15 mai 1990, Bull. civ. I, n°106. 236 Req. 3 févr. 1879, DP 1879.1.231.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
84
non intéressé au paiement »237. Cette ancienne solution était d’ailleurs moins favorable
par rapport à celle du 15 mai 1990 puisqu’elle faisait varier le recours selon la qualité
du débiteur ; condition qui est alors supprimée par l’arrêt du 15 mai 1990 qui rendait
automatique le bénéfice du recours lors que le paiement avait été constaté.
198. L’automaticité du recours au profit du solvens peut sembler au premier abord
justifiée. En effet, il est normal que le tiers qui a vu son patrimoine appauvri par
l’opération soit en droit de réclamer les sommes qu’il a avancées. Il serait en effet
injuste que le débiteur puisse se libérer sans contribuer à la dette sur ses propres deniers.
Toutefois une telle automaticité est contestable car elle ignore les causes et les
circonstances du paiement, en postulant que tout appauvrissement d’un patrimoine au
détriment de l’autre est injuste. Or cela n’est pas forcément le cas, preuve en est le
paiement effectué avec une intention libérale.
199. C’est pourquoi la Cour de cassation a révisé sa jurisprudence dans un arrêt du 2
juin 1992238 en décidant « qu’il incombe à celui qui a sciemment acquitté la dette
d’autrui, sans être subrogé dans les droits du créancier, de démontrer que la cause dont
procédait ce payement impliquait, pour le débiteur, de lui rembourser les sommes ainsi
versées ». Cette jurisprudence qui depuis est restée constante239, a pour résultat
surprenant de faire de la libéralité, et donc de la générosité, une présomption. Point de
vue optimiste s’il en est et qui peut être contestable car comme le souligne la doctrine :
« puisque la volonté de rémunération semble normale et l'intention libérale
exceptionnelle, la charge de la preuve du caractère onéreux ou gratuit d'un acte
juridique devrait peser sur celui qui invoque la gratuité, alors même qu'il est défendeur
à l'instance »240. Cette position permet toutefois d’opérer un meilleur contrôle des
causes du paiement et d’ainsi mieux embrasser la variété des cas d’espèces. Pour autant
le contrôle peut s’avérer délicat car « le caractère neutre de la remise de la somme
d'argent ne permet pas de savoir si l'on est en présence d'un acte à titre onéreux ou d'un 237 Civ. 12 févr. 1929, DH 1929.180. 238 Cass. Civ. 1ère, 2 juin 1992, D.1992, p. 407. 239 Cass. civ. 1re, 3 février 2010, pourvoi n° 08-14516. 240 D.VICH-Y-LLADO, La charge de la preuve de l'intention libérale, D.2000, p. 776
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
85
acte à titre gratuit, avec cette conséquence que dans la première hypothèse, il y aura
lieu à remboursement, et pas dans la seconde »241.
200. La qualité du tiers jouera alors à plein, dans la mesure où il est un tiers intéressé
à la dette ou non. S’il n’est pas un tiers intéressé et qu’il n’a pas agit par libéralité, il
devra alors prouver qu’il a agi dans l’intérêt du débiteur, en se fondant alors sur le
régime de la gestion d’affaires. Il est d’ailleurs à noter que l’intérêt personnel du
solvens, n’exclut pas forcément l’application de la gestion d’affaires, pour autant que le
paiement est aussi réalisé dans l’intérêt du maître de l’affaire242. En fait, seul le
paiement effectué dans l’intérêt exclusif du tiers solvens priverait ce dernier du
mécanisme de la gestion d’affaires. L’application de la gestion d’affaires permet alors
une restitution moins automatique que dans le cas du mandat car il faut apprécier
l’utilité de l’acte. Cela s’explique par le fait que dans le mandat, le mandataire est
supposé suivre les instructions du mandant alors que dans la gestion d’affaires, il agit
sur sa propre initiative. Le tiers intéressé à la dette n’aura lui qu’une seule possibilité
qui est d’agir sur le fondement de l’enrichissement sans cause.
201. Quoiqu’il en soit, même si cette présomption posée par la jurisprudence au
détriment du tiers solvens permet d’opérer un contrôle complet des causes du paiement,
elle peut avoir des conséquences moralement critiquables. La doctrine souligne
d’ailleurs cet effet pervers : « d'une certaine façon, la solution actuelle, même si elle est
justifiée par les principes généraux relatifs à la charge de la preuve, est une prime à la
mauvaise foi de celui qui a reçu une somme d'argent »243. Si elle peut réduire les
chances du tiers solvens de bénéficier du recours personnel en remboursement, elle ne
peut toutefois pas l’en priver totalement. Dès lors qu’il pourra passer outre la
présomption de libéralité, il pourra engager cette action récursoire et bénéficier de ses
effets.
241 S.PIEDELIEVRE, Le paiement de la dette d'autrui n'entraîne pas nécessairement la subrogation dans les droits du créancier, Gaz. Pal., 22 mars 2012 n° 82, p. 13. 242 Ph.CASSON, not. ss. Cass. 1re civ., 12 janv. 2012, nº 10-24.512, Jurisdata, n°2012-000219. 243 D.VICH-Y-LLADO, op. cit., loc. cit.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
86
Paragraphe 2 : Le régime du recours personnel du tiers solvens
202. Le recours personnel du tiers solvens a cela de particulier, par rapport au recours
subrogatoire, qu’il est fondé sur la création d’une obligation nouvelle et distincte à la
charge du débiteur. Alors que le recours subrogatoire transmet la créance identique
détenue par le créancier au tiers solvens. La création d’une obligation nouvelle à la
charge du débiteur semble être une solution juste au regard de la distinction entre
satisfaction du créancier et effet extinctif du paiement que nous avons déjà évoquée au
sujet de la subrogation. Comme le rappelle le Professeur Virassamy : « l'effet
nécessairement et uniquement extinctif du paiement ne peut exister que s'il émane du
débiteur lui-même »244. De plus, faut-il remarquer l’emploi du terme « obligation
nouvelle » peut faire songer à la novation. Toutefois, il faut écarter la qualification de
novation dans ce cas car la novation se réalise par la volonté claire des parties à
l’acte245 : l’animus novandi. Bien que non novatoire, la nouveauté de l’action entraine
des conséquences pratiques certaines en terme de délai de prescription. Alors que dans
le recours subrogatoire le délai de prescription est fonction de l’action transmise, dans le
cadre du recours personnel c’est le délai de droit commun qui a cours.
203. L’autre caractéristique de l’action personnelle du solvens est qu’elle est fondée
sur une obligation distincte de l’obligation originaire, à la différence de la subrogation
qui transmet la créance à l’identique. Pour le tiers solvens, cela présente des avantages
et des inconvénients246. L’avantage est principalement que le recours n’est pas limité à
l’étendue des droits du créancier. Ainsi le recours peut avoir lieu « tant pour le
principal que pour les intérêts et les frais »247. Aussi par principe, ce qui sera réclamé
par le solvens pourra être supérieur à ce qu’il a effectivement payé, si les frais engagés
le justifient par exemple. Enfin le débiteur ne pourra logiquement pas opposer les
exceptions nées de l’obligation initiale.
244 G.VIRASSAMY, op. cit, loc. cit. 245 Article 1273 du Code civil. 246 Ph.MALAURIE, L.AYNES & Ph.STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 5ème éd. 2011, p. 743. 247 Article 2305 du Code civil.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
87
204. L’inconvénient sera que le recours sera purement chirographaire, c’est à dire
qu’il sera dépouillé des sûretés qui étaient attachées à la créance initiale. Ce qui peut
être problématique car on imagine que si le débiteur n’était pas en mesure de régler sa
dette au créancier originaire, ses chances de la régler dans les mains du tiers peuvent
être pareillement compromises. A ce tire l’action personnelle du tiers est l’exact opposé
du recours subrogatoire. Ce dernier permettait une meilleure sécurité juridique mais une
stricte égalité économique ; le recours personnel autorise un avantage économique mais
présente une sécurité juridique amoindrie.
205. Le recouvrement par le solvens des sommes qu’il a avancées peut prendre des
voies différentes mais reste une illustration patente de la recomposition du lien
d’obligation autour de la personne du tiers exécutant. Cette recomposition étant avant
tout permise par la survie de l’obligation du débiteur. Automatique dans le cas de la
subrogation, elle sera conditionnée dans celui du recours personnel. Néanmoins cette
reconnaissance juridique de la contrepartie au paiement du tiers, et plus encore la
protection du mécanisme subrogatoire, permettent de déduire une certaine faveur du
droit pour l’action de payer de la dette d’autrui. Faveur qui s’explique notamment par
l’avantage économique global de telles initiatives.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
88
Chapitre 2 : Le droit à la contrepartie du tiers exécutant d’une obligation de faire
206. Les recours que constituent la subrogation et l’action personnelle récursoire sont
spécifiques aux cas où le tiers exécute une obligation monétaire, dont il cherche à
récupérer l’équivalent au débiteur. Cette logique de restitution ne saurait s’appliquer au
cas du tiers qui exécuté une obligation de faire. Dans le cas des obligations monétaires,
il s’exécute pour satisfaire le créancier et éviter que ce dernier n’engage des poursuites
contre le débiteur. Alors que dans le cas des obligations de faire, le tiers effectue une
prestation à la place du débiteur en échange d’un paiement. C’est lui qui attend Alors
que
Section 1 : Les fondements de l’action directe en paiement
207. L’intérêt de l’action directe est indéniable ; elle permet de rendre efficace le
recouvrement d’une créance dans un contexte où la dépendance économique ne
s’accompagne pas d’un lien juridique, ce qui est protecteur du tiers exécutant
(Paragraphe 1). L’action directe est en outre dotée de plusieurs fondements juridiques
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L’intérêt pratique de l’action directe en paiement
208. L’idée de l’action directe en paiement part du constat : créancier et sous-débiteur
ne sont pas liés juridiquement par un lien contractuel alors qu’ils sont incontestablement
reliés économiquement. Dès lors, le premier ne dispose pas d’une action contractuelle
pour contraindre le second au paiement, qui est avant tout tenu envers le débiteur
intermédiaire. Pourtant le paiement attendu du débiteur intermédiaire est conditionné
par le paiement du sous-débiteur ; il y a une transmission des fonds entre chaque
maillons de la chaine pour arriver en définitive entre les mains du créancier final auteur
de la prestation. Entendons nous bien, ici le créancier du paiement est le tiers qui a
exécuté l’obligation de faire à la place du débiteur contractuel. Le créancier originaire
de la prestation fournie devient alors débiteur à son tour du paiement envers le débiteur
intermédiaire, qui lui-même sera tenu de payer le tiers exécutant. En cas de défaillance
du débiteur intermédiaire, le tiers n’aura pas alors d’action envers le créancier
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
89
originaire, n’étant pas liés juridiquement l’un à l’autre, et ce même en présence d’une
clause d’agrément.
209. L’intérêt pratique de l’action directe réside principalement dans l’évitement
d’une action contre le débiteur principal, pour « sauter »248 directement au sous-
débiteur. Le Professeur Bénabent expose clairement cette idée : « l’intérêt de l’action
directe est de contracter un circuit qui devrait normalement être suivi en deux temps :
tiers agissant contre une partie, puis celle-ci réclamant à l’autre l’exécution du contrat
(…) Cette contraction permet quelquefois d’aller plus vite mais surtout de « sauter » un
maillon de la chaine et d’éviter les conséquences d’insolvabilité de ce maillon
intermédiaire »249. A côté de cet intérêt pratique, il existe aussi une considération
d’équité évidente.
210. Comme l’expliquent les auteurs, « c’est le sentiment d’une atteinte portée à
l’équité qui est à l’origine de la reconnaissance de l’action directe »250. L’action directe
avait alors été théorisée par la doctrine du 19ème siècle qui admettait la possibilité de ce
recours en postulant d’un lien de droit qui existerait entre le créancier et le sous-
débiteur. Duranton, qui le premier a théorisé l’action directe expliquait à l’époque que
« dans certains cas d’exceptions le créancier peut agir en son nom contre le tiers,
débiteur du débiteur saisi, et son action a le même effet que si elle était née directement
d’un contrat fait entre lui et le tiers saisi ». Toutefois, au vu de l’exception qui est faite
à la relativité des conventions et en considération de la prérogative importante laissée au
tiers, le principe est aujourd’hui celui du légalisme, conformément à l’adage : « Pas de
privilège sans texte »251. Les seules actions possibles sont donc celles consacrées par la
loi, ce qui n’a pas empêché la jurisprudence de découvrir certaines actions252.
248 A.BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 12ème éd. 2010, p. 201. 249 A.BENABENT, op. cit., loc. cit. 250 J.GHESTIN, Ch.JAMIN & M.BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, LGDJ. 3ème éd. 2001, p. 1171. 251 L.BOYER, H.ROLAND, Les adages du droit français, Litec, 4ème éd. 1999, n°303. 252 R.CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz, 7ème éd. 2006, p. 331.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
90
Paragraphe 2 : Les fondements juridiques de l’action directe en paiement
211. La règle en matière d’action directe est que la présence d’un texte fondateur est
obligatoire. Ce principe se veut protecteur des parties au contrat. En effet, l’action
directe permet à un tiers d’atteindre directement le patrimoine d’une des parties en
immobilisant la créance dont elle est titulaire au profit de l’autre. Il en résulte qu’au
moment du paiement, les fonds sont directement attribués au tiers titulaire de l’action.
Un tel mécanisme est une exception notable au principe de l’effet relatif des contrats
posé par l’article 1165 du Code civil. Pour ne pas mettre les parties à la merci totale de
l’action des tiers, la théorie légaliste, qui exige que toute action directe doit se fonder
sur un texte, semble se justifier. Pour autant, cela ne veut pas dire que toutes les actions
directes sont expressément consacrées par la loi.
212. La jurisprudence a pu avoir un rôle créateur en interprétant de façon large
certains textes, découvrant ainsi des actions directes là où le législateur ne semblait pas
l’avoir prévu. On peut citer par exemple l’action du bailleur d’immeuble contre le sous-
locataire, fondée sur une interprétation extensive de l’article 1753253 du Code civil, mais
surtout celle au profit du mandataire substitué, fondée sur l’article 1994 alinéa 2 du
Code civil. Ce dernier dispose que « dans tous les cas, le mandant peut agir directement
contre la personne que le mandataire s’est substituée »254. La loi semblait prévoir une
action directe au seul profit du mandant, ce qui n’a pas empêché la jurisprudence
d’affirmer le caractère réciproque de cette possibilité en accordant le même droit au
sous-mandataire255 en décidant ainsi que « le substitut jouit d’une action personnelle et
directe contre le mandant pour obtenir le remboursement de ses avances et frais et le
montant de la rétribution qui lui est due ». L’action est même possible alors même que
le mandant n’a pas agréé le sous-mandataire256.
253 L’article en question ne fait que limiter le droit de gage du bailleur sur la saisie des meubles meublants. La jurisprudence en déduit néanmoins l’existence d’une action directe au profit du bailleur ; Cass. civ. 24 juin 1853, DP. 1853, I, p. 124. 254 Article 1994, alinéa 2 du Code civil. 255 Cass. civ. 1ère, 27 déc. 1960, D.1961.491 256 Cass. com., 19 mars 1991, Bull. civ. IV, n°102.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
91
213. La loi a aussi par ailleurs créé pléthore d’actions directes, notamment dans des
domaines assez sensibles où il y a une forte disparité de puissance économique entre les
acteurs. On peut citer pour exemple celle des salariés participant à un contrat
d’entreprise de l’article 1798 ou celle de l’article L124-8 du Code du travail, concernant
les travailleurs temporaires. Toutefois dans ces hypothèses, il ne s’agit pas à proprement
parler de tiers exécutant au sens où nous l’entendons, les salariés étant incorporés dans
l’entreprise et effectuant leur tâche en vertu d’un lien de subordination. Ils ne revêtent
pas l’indépendance nécessaire pour être considéré comme de véritables tiers exécutants.
Seuls peuvent alors s’en prévaloir les sous-entrepreneur et notamment les sous-traitants
qui disposent d’une action directe en vertu de l’article 12 de la loi de 1975 sur la sous-
traitance257.
214. Cette disposition est particulièrement protectrice des sous-traitant puisque
l’alinéa 2 répute « non écrite » toute renonciation au bénéfice de cette action. La
contrepartie de cette protection est que le sous-traitant doit être obligatoirement agréé
par le maître de l’ouvrage sur initiative de l’entrepreneur principal. Il semble le juste
d’assurer ainsi une protection en amont du maître de l’ouvrage qui ne saurait subir
l’action de sous-traitants qu’il n’a même pas consenti à faire participer à l’opération. Ce
dernier doit cependant mettre en demeure son contractant de lui présenter ses sous-
traitants. En cas de non respect de cette obligation d’agrément l’entrepreneur pourra
voir sa responsabilité contractuelle engagée et le sous-traitant pourra être lui tenu sur le
terrain délictuel.
215. De telles dispositions restent dans l’ensemble protectrices du tiers exécutant et
lui permette de bénéficier de la contrepartie à l’exécution de sa prestation. Cette visée
protectrice du droit à l’égard du tiers sous-exécutant d’une obligation de faire s’apprécie
pleinement au regard du régime avantageux de l’action directe, qui peut lui permettre de
recouvrer efficacement sa créance.
257
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
92
Section 2 : Le régime de l’action directe en paiement
216. Une étude complète du régime de l’action directe impose de définir les
conditions (Paragraphe 1) avant d’en décrire les modalités d’exercice (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Conditions de l’action directe en paiement
217. Si l’action directe ne peut être exercée que dans le cas où créance du titulaire de
l’action et la dette du débiteur sont certaines (A), la condition de la défaillance du
débiteur intermédiaire n’est en revanche pas indispensable (B).
A) La nécessité d’une créance au profit du titulaire de l’action et d’une dette du sous-débiteur
218. Il va de soi que la condition première pour qu’un créancier puisse engager une
action directe est qu’il dispose d’une créance. L’affirmation n’est pas si tautologique
qu’il n’y paraît si l’on considère qu’une créance peut parfaitement s’éteindre pour de
multiples raisons autres que l’exécution. L’action directe en paiement est ainsi
irrémédiablement liée au sort de la créance. Cette créance doit fort logiquement être
certaine et exigible. Il en découle naturellement que le titulaire de l’action doit lui-
même avoir réalisé la prestation à laquelle il était tenu. A ce titre l’article 13 de la loi du
13 décembre 1975 relative à la sous-traitance dispose que « l’action directe ne peut
viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-
traitance et dont le maître de l’ouvrage est effectivement bénéficiaire »258. La réalisation
de sa prestation est en effet la condition sine qua non pour que le sous-exécutant se
retrouve à son tour créancier du paiement. L’exécution de l’obligation pécuniaire par le
tiers est alors dument reconnue.
219. La deuxième condition est l’existence d’une dette du sous-débiteur à l’égard du
débiteur intermédiaire. L’intervention du sous-débiteur ne se fait pas au titre d’une
garantie ; « le sous-débiteur n’est pas tenu comme pourraient l’être un responsable
pour autrui ou une caution ; il l’est en qualité de « tiers détenteur » et seulement parce
258 Loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
93
qu’il est débiteur de son créancier »259. Il en résulte des limites certaines à la portée de
l’action directe en paiement. Ainsi le créancier ne peut réclamer que ce que le sous-
débiteur doit au débiteur intermédiaire et non l’étendue de sa propre dette. De plus, le
sous-débiteur pourra opposer au créancier saisissant toutes les exceptions liées à la
relation qui l’unissait au débiteur intermédiaire260. En revanche, les conditions
d’exigibilité et celle du caractère certain de la dette ne sont pas requises, les premiers
effets de l’action directe étant simplement conservatoire.
B) L’indifférence de la défaillance du débiteur intermédiaire
220. La défaillance du débiteur intermédiaire doit être avérée pour que l’action
directe puisse être engagée. C’est de cette condition que découle l’effet utile de
l’action qui perdrait son intérêt si le débiteur intermédiaire était solvable. Pourtant les
dispositions en la matière sont contradictoires. Si l’article 12 de la loi du 31 décembre
1975 pose comme principe la nécessité de cette condition dans le cas de l’action du
sous-traitant de marchés de travaux privés, l’article 6 de la même loi n’en fait pas une
condition sine qua non dans le cadre des marchés de travaux publics. Par ailleurs la
condition n’est pas non plus exigée concernant l’action directe du mandataire substitué
contre le mandant261. La défaillance du débiteur intermédiaire n’est donc pas dans tous
les cas un critère nécessaire d’engagement de l’action. Comme l’explique la doctrine :
« dans la mesure où l’action directe constitue une garantie de paiement au profit de son
titulaire qui, lorsqu’il l’exerce conjointement avec l’action dont il dispose contre son
propre débiteur, lui permet d’obtenir une condamnation in solidum de ce dernier et du
sous-débiteur, il n’y a pas lieu, sauf exceptions, d’exiger que le débiteur intermédiaire
soit défaillant »262. L’exception étant alors l’action du sous-traitant de marchés de
travaux privés. Un tel principe se justifie aisément ; l’immobilisation qui est l’effet
principal de l’action directe a pour effet de parer à la défaillance potentielle du débiteur
intermédiaire. Comme les auteurs le soulignent : « l’utilité des mesures conservatoires
réside dans l’effet d’anticipation qu’implique leur nature »263.
259 J.GHESTIN, Ch.JAMIN & M.BILLIAU, op. cit. loc. cit. 260 Cass. civ. 3ème, 15 février 1983, D.1983.483. 261 Cass. civ. 1ère, 27 décembre 1960, Bull. civ., I, n°573, p. 466. 262 J.GHESTIN, Ch.JAMIN & M.BILLIAU, op. cit. p. 1270. 263 F.TERRE, Ph.SIMLER & Y.LEQUETTE, op. cit. n° 1104.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
94
Paragraphe 2 : Exercice de l’action directe en paiement
221. L’exercice de l’action directe nécessite le respect de certains règles dans sa mise
en œuvre (A) et est susceptible d’avoir des effets très positifs pour le titulaire de l’action
(B).
A ) Mise en œuvre de l’action directe en paiement
222. L’action directe en paiement n’est que facultative, de ce fait rien n’empêche au
créancier d’intenter une action directement contre le débiteur intermédiaire avec lequel
il avait noué des relations contractuelles. A l’inverse, il peut refuser d’agir contre le
débiteur intermédiaire sans toutefois perdre sa faculté de recourir à l’action directe
contre le sous-débiteur. L’action directe n’est donc pas une action subsidiaire offerte en
cas d’échec d’un premier recours, elle est un moyen supplémentaire qui n’est pas
nécessaire et donc le déroulement peut se dérouler en deux phases : une phase extra-
judiciaire et une phase judiciaire en cas de contestation du sous-débiteur.
223. Durant la phase extra-judiciaire, la mise en œuvre de l’action directe est
simplifiée dans le sens où le créancier n’a pas obligation de mettre en demeure son
débiteur, et ce pour empêcher ce dernier, en réaction à cette information, d’aller exercer
son droit de créance à l’encontre du sous-débiteur pour vider le patrimoine de ce
dernier. En revanche il doit prévenir le sous-débiteur directement, ce qui aura pour effet
immédiat d’immobiliser la créance dans le patrimoine du sous-débiteur. L’effet
d’immobilisation est d’une efficacité redoutable et confère tout son intérêt à l’action
directe264. L’opposition du sous-débiteur donnera lieu à l’ouverture d’une phase
judiciaire qui a pour but de constater le caractère certain, liquide et exigible de la
créance.
264 J.GHESTIN, Ch.JAMIN & M.BILLIAU, op. cit. p. 1274.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
95
B ) Les effets positifs de l’action directe pour le titulaire de l’action
224. Le cœur du mécanisme de l’action directe réside dans l’effet conservatoire
qu’elle met en œuvre. En effet, la créance sera immobilisée dans le patrimoine du sous-
débiteur dès le déclenchement de l’action. Il faut alors distinguer le cas des actions
directes parfaites et celles des actions directes imparfaites. Comme leur nom permet de
le supposer, les actions directes parfaites ont une efficacité supérieure à celle des actions
directes imparfaites. La différence réside alors dans le moment de naissance de l’action,
et donc d’application de l’effet conservatoire.
225. Dans les actions directes parfaites, la créance est immobilisée au jour de la
naissance de la créance. Ce qui rend de fait le paiement fait par le sous-débiteur au
débiteur intermédiaire totalement inopposable. Toutefois, cette catégorie d’actions n’est
ouverte que dans les cas d’une action contre un assureur ou contre le prêteur de
denier265. Ainsi le tiers exécutant d’une obligation de faire ne pourra bénéficier que des
actions directes imparfaites dont l’effet conservatoire n’intervient qu’au moment de
l’action elle-même. La raison d’être de cette différence est qu’en principe que dans le
cadre d’une succession de sous-contrat chacun est en principe payé par son
contractant266. Il serait alors injuste pour les autres créanciers du débiteur intermédiaire
de voir ainsi leur droit de gage diminué par l’immobilisation de la créance alors que le
tiers exécutant n’a pas encore engagé son action. Dès lors que la créance est
immobilisée dans le patrimoine du débiteur intermédiaire le deuxième temps de l’action
consiste en l’affectation immédiate de cette créance dans les mains du sous-exécutant.
Ainsi, dès que le sous-débiteur, qui a bénéficié de la prestation en dernier ressort, paiera
le débiteur intermédiaire, le paiement sera directement attribué au sous-exécutant. Le
tiers sera ainsi rémunéré pour son exécution sans que la créance ne transite jamais par le
patrimoine du débiteur intermédiaire267.
265 Article 1799-1 du Code civil. 266 D.ARTEIL, op. cit. p. 380. 267 M.COZIAN, L’action directe, Th. Dijon, 1966, p.288.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
96
Titre II : L’inexécution du contrat par le tiers génératrice de responsabilités
226. Une fois dans la peau de l’exécutant, sa qualité de tiers n’exonère en rien de
dernier de sa responsabilité si l’inexécution qui lui est imputable s’avère susceptible de
causer un dommage aux parties. L’inexécution est ici, par commodité, entendue au sens
large ; elle vise autant le défaut d’exécution qu’une mauvaise exécution. Les devoirs
créés par l’inexécution du tiers se matérialisent par divers types de responsabilités. Il
faut aussi parler de devoirs et de responsabilités au pluriel car le tiers n’est pas le seul à
devoir supporter les conséquences de son inexécution. Les cas seront alors différents
selon que l’on se trouve dans le cadre d’un engagement autonome (Chapitre1) ou d’un
contrat accessoire (Chapitre 2).
Chapitre 1 : L’inexécution d’une obligation découlant d’un
engagement autonome
Chapitre 2 : L’inexécution d’une obligation résultant d’un contrat accessoire
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
97
Chapitre 1 : L’inexécution d’une obligation découlant d’un engagement autonome
227. La responsabilité découlant de l’inexécution d’une obligation par le tiers dans le
cadre d’un engagement autonome ne sera supportée que par ce dernier. Le caractère
autonome de l’engagement empêche que le débiteur soit lui-même affecté par cette
responsabilité. Il faudra alors étudier tour à tour l’inexécution imputable au mandataire
(Section 1) et celle imputable au gérant d’affaires (Section 2).
Section 1 : L’inexécution du tiers mandataire
228. L’inexécution du tiers mandataire pourra à la fois engager sa responsabilité à
l’égard du tiers mandataire (Paragraphe 1) mais aussi à l’égard du mandant (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La responsabilité du mandataire à l’égard du mandant
229. La responsabilité du mandataire à l’égard du mandant revêtira un caractère
nécessairement contractuel (A) et pourra varier selon l’intensité de l’obligation mise à sa
charge (B).
A ) La responsabilité contractuelle du mandataire à l’égard du mandant
230. Le tiers mandataire pourra exécuter l’obligation incombant au débiteur en vertu
d’un mandat le liant à ce dernier. La responsabilité qui lui est imputable sera alors de
nature contractuelle car le mandataire agit en exécution d’un accord passé avec le
mandant. L’obligation principale du mandataire est alors de se conformer aux
instructions du mandant sous peine de voir sa responsabilité engagée comme le prévoit
l’article 1991 du Code civil qui dispose que : « le mandataire est tenu d’accomplir le
mandat tant qu’il en demeure chargé et répond des dommages-intérêts qui pourraient
résulter de son inexécution ». De plus l’article 1992 dispose que « le mandataire répond
non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion ». La faute
typique du mandataire sera constituée par le mauvais paiement réalisé auprès du tiers
créancier268.
268 L.GODON, op. cit.,loc. cit.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
98
231. Le Code civil ne prévoit alors que l’obligation pour mandant de restituer les
sommes avancées par le mandataire : « le mandant doit rembourser au mandataire les
avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat »269. Toutefois, le
mandant n’est tenu ce de remboursement que « s’il n’y a aucune faute imputable au
mandataire ». Le mandataire est donc tenu de sa gestion et de la mauvaise exécution de
l’obligation. La conséquence est qu’il perdra le bénéfice de remboursement des sommes
avancées et qu’il devra donc supporter au final l’exécution de l’obligation sur ses
propres deniers. Cette disposition vise le cas où le mandataire a lui-même fait l’avance
des sommes or souvent ces fonds sont directement confiés par le mandant. Dans ce cas,
il sera à l’inverse lui-même tenu des sommes ainsi mal employées. Comme l’explique la
doctrine : « si le caractère fautif d’une dépens engagée par le mandataire prive celui-ci
du droit au remboursement de son avance, a fortiori, dans le cas où la dépense a été
faite avec les fonds appartenant au mandant, le mandataire doit-il compte de ceux-
ci »270. L’hypothèse courante est celle du banquier qui doit effectuer un paiement sur
remise de documents et qui effectue le paiement sans avoir réalisé le contrôle de la
conformité des documents271. Le banquier qui paie de façon si peu rigoureuse devra
alors lui-même supporter la charge de ce mauvais paiement et ainsi perdre le bénéfice
du remboursement.
B ) La responsabilité conditionnée par l’intensité de l’obligation
232. La combinaison entre les articles 1991 et 1992 du Code civil conduit à faire
varier la responsabilité du mandataire selon l’intensité de son obligation. Ces deux
dispositions renvoient à l’hypothèse de l’inexécution pour la première et à celle de la
mauvaise exécution pour la seconde. En cas d’inexécution, la faute du mandataire est
présumée et ce dernier ne peut donc s’exonérer de sa responsabilité qu’en rapportant la
preuve d’un cas force majeure272. Alors que dans le cas d’une mauvaise exécution, il
faut que le mandant établisse la faute du mandataire273. Cette distinction s’explique par
le fait que l’absence pure et simple d’exécution laisse songer de façon plus objective à 269 Article 1999 du Code civil. 270 Ph.PETEL, Les obligations du mandataire, Litec, éd. 1988, p. 347. 271 Cass. Com.13 juillet 1954, D.1954.630. 272 Cass. Soc. 30 nov. 1945, D.1946.155. 273 Cass. civ. 1ère, 18 janvier 1989, D.1989.302.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
99
la faute du mandataire. Alors que l’obtention d’un résultat différent que celui
contractuellement prévu peut s’expliquer par d’autres facteurs autres que la faute du
mandataire.
233. De cette distinction on en a déduit à l’existence d’une obligation de résultat en
cas d’inexécution et d’une obligation de moyens en cas de mauvaise exécution. Cette
distinction peut paraître critiquable car comme le soulève la doctrine « il est inutile de
parler de présomption de faute ou de se référer à la classification chère à Demogue
entre obligations de moyens et de résultat. Il suffit de comparer ce qui a été fait à ce qui
a été promis »274. Il est vrai que la distinction entre obligations de résultats et de moyens
dans ce cas semble artificielle car on ne voit pas en quoi c’est l’exécution qui
modifierait la nature de l’obligation. Le résultat auquel aboutit cette distinction est alors
le même que si l’on appliquait le droit commun.
Paragraphe 2 : La responsabilité du mandataire à l’égard du tiers créancier
234. En principe, « le mandataire disparaît de la scène juridique une fois sa mission
accomplie, comme un échafaudage devenu inutile, une fois la construction »275, ce qui
découle du caractère purement représentatif du contrat de mandat. Toutefois, il est
reconnu que le mandataire puisse être tenu à l’égard des tiers contractants, sur le plan
délictuel (A), voire contractuel (B).
A ) La responsabilité contractuelle du mandataire à l’égard du tiers
235. Même s’il agit dans le cadre d’un contrat passé avec le mandant, le mandataire
peut être tenu contractuellement à l’égard des tiers auprès desquels il aurait contracté un
engagement en excédant les pouvoirs qui lui étaient conférés. L’article 1997 du code
civil dispose en effet que : « le mandataire qui a donné à la partie avec laquelle il
contracte, en cette qualité, une suffisante connaissance de ses pouvoirs n’est tenu
d’aucune garantie pour ce qui a été fait au-delà, s’il ne s’y est personnellement
soumis ». Ainsi, si le mandataire informe de façon claire le tiers de l’étendue de ses
pouvoirs, ce dernier ne peut en connaissance de cause, lui reprocher de les avoir
274 P.PUIG, Contrats spéciaux, Dalloz, 2ème éd, p. 506. 275 B.STARCK, H.ROLAND, L.BOYER, Les obligations, Litec 6ème éd. 1998, p. 107.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
100
excédés. Toutefois, si il tient à s’engager personnellement, il devient personnellement
débiteur du tiers contractant276. L’engagement de sa responsabilité délictuelle sera
néanmoins une hypothèse plus courante.
B ) La responsabilité délictuelle du mandataire à l’égard du tiers
236. Le mandataire peut engager sa responsabilité délictuelle à l’égard des tiers dans
de multiples hypothèses. La plus courante est celle du mandataire qui outrepasse ses
pouvoirs. Il en résulte que l’acte ainsi passé par le tiers sera déclaré nul en vertu de
l’article 1998 alinéa 2 du Code civil. En outre, si cela cause un préjudice au tiers, il
devra réparer ce préjudice sur le fondement de sa responsabilité délictuelle. Cette
jurisprudence ne saurait jouer dans tous le cas, comme l’explique le Professeur Pétel :
« il est nécessaire que le tiers ait ignoré l’infidélité du mandataire. A défaut, il ne
saurait s’en prévaloir car il aurait accepté un risque, ce qui aurait pour effet de rompre
le lien de causalité entre son préjudice et la faute du mandataire »277. Cette position
résulte alors d’une lecture a contrario de l’article 1999 du Code civil ; si le mandataire
n’est pas tenu s’il a fait connaître l’étendue de ses pouvoirs, à l’inverse le tiers pourra
agir contre lui que dans le cas où il ignorait la réalité de ces pouvoirs.
237. Plus généralement le tiers peut-il se prévaloir d’un préjudice causé par le non
respect par le mandataire d’un ordre du mandant ? Cette question fait écho à celle de
l’opposabilité du contrat par le tiers qui est aujourd’hui reconnue en jurisprudence. La
Cour de cassation a pu alors considérer que « la faute commise par un mandataire dans
l’exécution de sa mission est susceptible d’engager la responsabilité délictuelle de son
auteur à l’égard des tiers à ce contrat sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve
d’une faute détachable du contrat ». La Haute Cour abandonne la relativité de la faute
contractuelle278 en prenant en considération la professionnalisation croissante du contrat
de mandat279, qui est de plus en plus utilisé comme un outil d’organisation économique.
Loin du simple service d’amis, il est alors plus susceptible d’avoir des conséquences,
notamment néfastes, sur des acteurs extérieurs au contrat. Cette solution a été reprise de
276 Cass. civ. 3ème, 17 oct. 1972, JCP. 72., IV, 272. 277 Ph.PETEL, Les obligations du mandataire, Litec, éd. 1988, p. 80. 278 P.PUIG, Contrats spéciaux, Dalloz, 2ème éd. p. 507. 279 P-H.ANTONMATTEI, Droit civil, Contrats spéciaux, Litec, 6ème éd. 2008, p. 373.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
101
façon générale dans un célèbre arrêt de l’Assemblée plénière qui a décidé que « le tiers
à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un
manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage »280.
238. Ainsi, la défaillance contractuelle du mandataire peut constituer une faute
délictuelle susceptible d’engager sa responsabilité vis-à-vis des tiers. Si une telle
conception se justifie dans le cadre d’une obligation de prudence ou de diligence,
l’admettre dans le cas d’une obligation économique reviendrait à rendre le tiers
directement créancier. La Cour de cassation atténue donc sa jurisprudence dans ce cas et
exige une faute détachable du contrat c’est à dire « envisagée en elle-même
indépendamment de tout point de vue contractuel »281.
239. S’il est possible d’engager la responsabilité du tiers exécutant en vertu d’un
contrat passé avec le débiteur, la responsabilité en dehors de tout contrat, c’est à dire
dans le domaine quasi-contractuel est plus difficile à obtenir.
Section 2 : La mauvaise exécution gérant d’affaires
240. Le gérant d’affaires qui intervient spontanément pour exécuter des obligations
normalement dévolues au débiteur, en cas d’absence de ce dernier, n’en est pas moins
tenu et ce malgré le caractère altruiste de l’acte. Sa responsabilité pourra être engagée à
la fois à l’égard du maître de l’affaire (Paragraphe 1) qu’à l’égard du tiers auprès de qui
il a réalisé les actes dévolus normalement au maître de l’affaire (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Responsabilité du gérant à l’égard du maître de l’affaire
241. L’initiative du gérant, bien que guidée par l’envie de rendre service, ne saurait
toutefois s’affranchir d’une totale appréciation de ses actes a posteriori par le maître de
l’affaire. Car même si l’intention est louable, une mauvaise gestion peut avoir des
conséquences très dommageables sur le patrimoine du maître de l’affaire. D’autant que
nul ne l’a contraint à l’engagement, s’il y consent c’est qu’il prend les risques d’être
critiqué sur sa gestion. L’initiative du gérant a des conséquences très lourdes puisqu’une
280 Ass. Plen. 6 oct. 2006, D.2006.2825. 281 Cass. com. 8 oc. 2002, JCP. G. 2003.I.152.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
102
fois la gestion engagée, il est obligé de la poursuivre jusqu’à ce que le maître de
l’affaire soit de nouveau capable de reprendre en main son affaire. Comme le note le
Professeur Benabent, « c’est une obligation bien plus exigeante que celle du mandant ;
mais c’est qu’un mandataire, puisqu’il est en contact avec son mandant, peut faire
préciser sa mission ou l’informer de son arrêt, chose impossible pour le gérant »282.
Même si beaucoup d’auteurs s’accordent sur le fait que les obligations du gérant
d’affaires sont calquées sur celles du mandataire283.
242. Le gérant pourra donc répondre de ses fautes de gestion, l’article 1374 du Code
civil précisant que ce dernier « est tenu d’apporter à la gestion de l’affaire tous les
soins d’un bon père de famille ». La responsabilité du gérant est toutefois limitée
puisque toutes les fautes qui lui sont reprochées, doivent être prouvées284. Il n’y a pas
ainsi de présomption de faute comme il en est pour le mandataire. De plus, le gérant
d’affaires n’est pas non plus tenu des cas fortuits285. Enfin, l’alinéa 2 de l’article 1374
prévoit que « les circonstances qui l’ont conduit à se charger de l’affaire peuvent
autoriser le juge à modérer les dommages et intérêts qui résulteraient des fautes ou de
la négligence du gérant ». Une telle indulgence s’explique par le fait que la gestion
d’affaires « suppose à la fois que l’intervention du gérant ait été spontanée et animée
par une intention altruiste »286. Dès lors, au vu de l’urgence des évènements, on
pardonne plus facilement au gérant une faute de gestion, d’autant qu’il est admis que le
gérant n’a jamais droit à une rémunération287. La gratuité du service appelle à moins de
sévérité. Cela permet une appréciation in concreto de l’acte de gestion. Malgré
l’atténuation de sa responsabilité à l’égard du maître de l’affaire, le gérant n’en est pas
moins responsable devant les tiers avec qui il a pu effectuer des actes de gestion.
282 A.BENABENT, op. cit., p. 325. 283 F.TERRE, Ph.SIMLER & Y.LEQUETTE, op. cit., p. 1044. 284 Cass. civ. 1ère, 2 mars 2004, IV, 1842. 285 Cass. civ. 1ère, 3 mai 1955, D.1955.64 286 Ph.LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, éd. 2010-2011, p. 648. 287 Cass. com. 15 déc. 1992, Bull. civ. IV, n°415.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
103
Paragraphe 2 : Responsabilité du gérant à l’égard des tiers
243. Dans le cadre de la gestion d’affaires, le gérant s’immisce dans l’affaire d’autrui
pour exécuter certaines obligations que ce dernier peut avoir auprès de ses créanciers.
Envisagés du point de vue de la gestion d’affaires, ces derniers sont des tiers au quasi-
contrat. Les actes du gérant auront des conséquences non seulement pour le maître de
l’affaire mais aussi pour ces tiers créanciers. Dès lors, il leur est reconnu le droit d’agir
en responsabilité contre le gérant dans l’hypothèse où ils subiraient les effets néfastes de
sa gestion.
244. La première hypothèse tendant à ce que le gérant voit sa responsabilité engagée
est en cas de gestion occulte, c’est à dire s’il n’a pas prévenu le tiers avec qui il réalisait
un acte, qu’il n’était que le gérant et non le maître de l’affaire. Si les tiers ignoraient
légitimement qu’il n’agissait pas pour le compte d’autrui, alors il pourra être tenu à leur
encontre. L’article 1375 dispose en effet que vise l’indemnisation par le maître de
l’affaire des « engagements personnels » pris par le gérant. A ce titre, la loi reconnaît la
possibilité pour le gérant d’être personnellement engagé à l’égard des tiers.
245. La responsabilité du gérant d’affaires ayant exécuté une obligation incombant à
autrui est attachée comme tous les autres types de responsabilités évoqués dan ce
chapitre, à un engagement, ou un quasi-engagement, autonome du tiers. De là, il en
résulte que l’inexécution du tiers ne rejaillit pas sur le débiteur contractuel, à la
différence des types de responsabilités liés à un engagement accessoire.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
104
Chapitre 2 : L’inexécution d’une obligation résultant d’un contrat accessoire
246. Le contrat accessoire est celui qui trouve sa raison d’être dans l’existence d’un
autre contrat sur lequel il vient ce greffer. Du point de vue de la responsabilité il en
découle que la défaillance d’un contractant pourra rejaillir sur l’autre. Si le tiers est un
exécutant subsidiaire sa responsabilité n’est engagée qu’en raison de la défaillance du
contractant principal (Section 1) ; si le tiers est en revanche un exécutant secondaire, il
en résulte que sa défaillance affectera d’autant plus le débiteur intermédiaire qui sera lui
aussi tenu (Section 2).
Section 1 : Les responsabilités découlant de la défaillance du tiers exécutant subsidiaire
247. Dans le cadre du contrat de cautionnement, l’exécution du tiers cautionnaire
n’est que subsidiaire et n’intervient qu’à la suite de la défaillance du débiteur principal.
La responsabilité contractuelle de la caution pourra alors être engagée par le créancier si
cette dernière refuse de payer, de même que le créancier aura lui aussi des obligations
contractuelles (Paragraphe 1). A l’inverse la responsabilité de la caution pourra être
engagée sur le terrain délictuel si elle paie trop vite (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les responsabilités contractuelles liées au cautionnement
248. Le tiers cautionnaire et le créancier sont liés par un contrat. La caution a à sa
charge deux types d’obligations. Elle est ainsi tenue principalement d’une obligation de
règlement, qui est la réalisation de son obligation de couverture. Ainsi, si au moment où
elle doit s’exécuter la caution se refuse à payer, le créancier pourra alors poursuivre ce
paiement judiciairement sur le fondement du non respect de son obligation.
249. La faculté de poursuite de la caution, et donc la responsabilité de la caution, par
le créancier pourra être limitée par les bénéfices de discussion ou de division. En vertu
du bénéfice de discussion, la caution pourra imposer au créancier de saisir d’abord les
biens du débiteur. Le bénéfice de division jouera lui en cas de cautions multiples. Le
cautionnaire poursuivi pourra alors demander au juge que la dette soit divisée entre
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
105
chaque caution qui ne sera tenue que pour sa part. Ces tempéraments au droit de
poursuite du créancier limitent d’autant la responsabilité de la caution.
250. Le créancier bien que bénéficiant d’un droit de poursuite contre la caution en cas
de défaillance du débiteur, n’est pas pour autant exempt de toute responsabilité. S’il est
un établissement de crédit, une de ses obligations principales sera alors d’informer la
caution annuellement de la situation financière du débiteur. La jurisprudence a alors pu
juger que la poursuite de la caution et le paiement de la dette du débiteur, ne déchargeait
pas le créancier de son obligation d’information288. Ce dernier peut alors voir alors sa
responsabilité engagée et se voir contraint d’indemniser la caution qui aurait subi un
préjudice de ce fait. L’établissement de crédit peut aussi voir sa responsabilité engagée
si le cautionnement dont il cherche à se prévaloir est disproportionné289.
Paragraphe 2 : La responsabilité délictuelle de la caution à l’égard du débiteur
251. Il semblerait que la resonsabilité délictuelle de la caution puisse être engagée par
le débiteur, comme la jurisprudence a déjà pu le juger290. Toutefois, il semble que cette
hypothèse résulte d’un cas bien particulier. Ainsi, dans les faits « un garant de premier
rang était cependant contregaranti par une garantie autonome et où le débiteur
donneur d'ordre avait dû payer ce dernier, il a été jugé que la caution était responsable
pour avoir payé le bénéficiaire alors que des exceptions auraient pu lui être
opposées »291. Cette hypothèse semble toutefois devoir rester marginale. Alors que dans
le cadre des sous-contrats, le tiers est davantage tenu.
288Cass. com. 25 avril 2001, n°97-19. 104. 289Cass. com. 17 juin 1997, n°95-14.105. 290 CA Paris, 3 avr. 2002, D. 2002, p. 1750 291 Lamy Droit du financement, Responsabilité de la caution à l'égard du débiteur, éd. 2010, n°3813.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
106
Section 2 : Les responsabilités découlant de la défaillance du tiers exécutant secondaire
252. Le sous-contrat organise le recours au tiers dans le cadre de l’obligation de faire,
pour autant le débiteur reste un acteur de la chaîne ainsi mise en place. Le caractère
secondaire de l’exécution du sous-débiteur va avoir pour conséquence qu’en plus de sa
propre responsabilité, la responsabilité du débiteur intermédiaire qui l’a intégré à
l’opération pourra aussi être engagée. Ce propos s’illustrera à la fois en cas de
défaillance du sous-traitant (Paragraphe 1) que du sous-mandataire (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les responsabilités dans la sous-traitance
253. Les responsabilités faisant suite à la défaillance du sous-traitant dans le cadre de
l’exécution de ses obligations pourront être soit contractuelles (A) soit délictuelles (B).
A) Responsabilités contractuelles découlant de la défaillance du sous-traitant 254. La responsabilité contractuelle en matière de sous-traitance est essentiellement
construite sur la base du droit commun. L’introduction du sous-traitant, débiteur
supplémentaire et secondaire de la prestation ne va pas écarter la responsabilité de
l’entrepreneur principal à l’égard du maître de l’ouvrage du fait de la défaillance du
sous-traitant (1) de même que le sous-traitant sera naturellement tenu sur le terrain
contractuel envers l’entrepreneur principal (2).
1. Responsabilité contractuelle de l’entrepreneur principal à l’égard du maître de l’ouvrage
255. Comme le rappelle la doctrine, « la sous-traitance n’est pas pour l’entrepreneur
principal une cause d’exonération »292. Ce qui veut dire que bien qu’il se décharge de
l’exécution de l’obligation qui lui incombe en vertu du contrat principal, l’entrepreneur
principal reste responsable vis-à-vis du maître de l’ouvrage, même pour la partie
effectuée par son sous-traitant293. Le régime de responsabilité de l’entrepreneur
principal du fait de son sous-traitant est donc un régime contractuel de responsabilité du
292 F.COLLART DUTILLEUL, Ph.DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, 9ème éd. 2011, p. 929. 293 Cass. civ. 3ème, 7 nov. 1960, Bull. civ. III, n°349.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
107
fait d’autrui. La responsabilité de l’entrepreneur étant en fait de droit commun, le sous-
traitant étant lui responsable envers lui.
2. Responsabilité contractuelle du sous-traitant à l’égard de l’entrepreneur principal
256. Le sous-traitant exécute sa prestation en vertu d’un contrat passé avec le
l’entrepreneur principal qui est son contractant immédiat dans la chaine de contrats, à ce
titre ils sont donc soumis au régime de la défaillance contractuelle envers ces derniers.
Comme l’explique le Professeur Le Tourneau, « cette solution présente l’inconvénient
de les soumettre à un régime parfois plus rigoureux que l’entrepreneur principal »294.
Ainsi la jurisprudence a-t-elle jugé que l’obligation du sous-traitant était une obligation
de résultat, dont l’exonération n’est possible qu’en rapportant la preuve d’une cause
étrangère295. Le sous-traitant répond aussi de ses propres sous-traitant à l’égard de ce
dernier même si l’obligation de résultat du sous-traitant de premier rang ne concerne
que sa propre prestation296. De même que le sous-traitant n’est tenu qu’à hauteur de son
engagement pris auprès de l’entrepreneur ; sa responsabilité bien que concrète est
limitée de façon juste.
B ) La responsabilité délictuelle du sous-traitant à l’égard du maître de l’ouvrage
257. Même s’il bénéficie directement de la prestation effectuée par le sous-traitant, le
maître de l’ouvrage n’est pas lié juridiquement à lui par le biais d’un contrat. Ils
représentent les deux extrémités d’une chaîne dont le personnage central est
l’entrepreneur principal, qui est débiteur intermédiaire du maître de l’ouvrage et
créancier immédiat du sous-traitant. Le maître de l’ouvrage n’en dispose pas moins
d’une action en responsabilité contre le sous-traitant. Longtemps reconnue comme étant
de nature contractuelle, il est de jurisprudence constante de nos jours que la l’action
exercée par le maître de l’ouvrage, à l’encontre du sous-traitant, ne peut être que de
nature délictuelle.
294 Ph.LE TOURNEAU, op. cit. p. 4746. 295 Cass. civ. 3ème, 3 déc. 1990, n°79-13.219. 296 Cass. civ. 3ème, 26 avril. 2006, n°05-10.100.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
108
258. Cet important revirement a été opéré par l’arrêt Besse rendu par l’Assemblée
plénière de la Cour de cassation le 12 juillet 1991297 qui a tranché une divergence qui
existait alors entre les différentes chambres de la Cour de cassation. Pour la première
Chambre civile, le débiteur d’une obligation contractuelle ayant chargé une autre
personne de l’exécution de l’obligation, la nature de l’action du créancier à l’égard de
cette dernière était forcément contractuelle et calquait son étendue sur la créance dont
était titulaire le débiteur298. La première Chambre civile énonçait ainsi que « le débiteur
ayant du prévoir les conséquences de sa défaillance selon les règles applicables en la
matière, la victime ne peut disposer contre lui que d’une action de nature contractuelle,
même en l’absence de contrat entre eux »299. Elle faisait ainsi écho à la théorie des
groupes des contrats qui veut qu’une indivisibilité juridique découle de l’indivisibilité
économique qui existe dans les faits. Ce que les autres chambres refusaient d’admettre
obligeant donc la formation d’une assemblée plénière. En prenant pour visa l’article
1165 du Code civil, la Cour de cassation considère dans l’arrêt Besse que « le maître de
l'ouvrage ne dispose contre le sous-traitant, avec lequel il n'a aucun lien contractuel,
que d'une action de nature quasi-délictuelle »300.
259. La cour rejette ainsi la théorie des groupes de contrat en rappelant avec vigueur
le principe de l’effet relatif des contrats. Cette solution peut paraître critiquable car une
action de nature délictuelle oblige le sous-traitant à réparer l’entier préjudice subi par le
maître de l’ouvrage, alors même qu’il avait pu aménager des conditions spéciales de
mise en œuvre de responsabilité avec son contractant301. En plus de réduire l’impact du
contrat intermédiaire, la solution est totalement déconnectée d’une réalité économique
pourtant incontestable.
260. Le sous-traitant répond ainsi de ses fautes auprès du maître de l’ouvrage sur le
terrain délictuel. Il n’en reste pas moins que le sous-traitant n’est pas tenu d’une
responsabilité de plein droit et il incombe au maître de l’ouvrage de toujours prouver la
faute de ce dernier. Les types de fautes possibles du sous-traitant sont alors variés : non
297 Ass.Plén. 12 juillet 1991, D.1992.119. 298 Cass. Civ. 1ère, 8 mars 1988, n°86-18.182. 299 Cass. civ. 1ère, 21 juin 1988, JCP.G.1988, II, 21125. 300 Ass.Plén. 12 juillet 1991, D.1992.119. 301 D.ARTEIL, op. cit. p. 425.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
109
respect des règles de l’art302, mauvais choix d’un sous-traitant de second rang303 ou
encore la simple inexécution des travaux304. Il est à noter que le sous-traitant peut aussi
être tenu en vertu du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux305, s’il
est à l’origine de la fourniture du produit litigieux, que celui-ci soit incorporé ou non.
Paragraphe 2 : Responsabilités découlant de l’inexécution d’un sous-mandat
261. La responsabilité de l’inexécution d’un sous peut aussi bien peser sur le
mandataire initial (A) que sur le sous mandataire (B).
A ) La responsabilité du mandataire initial
262. L’article 1994 prévoit une responsabilité du fait d’autrui à l’égard du mandataire
qui se substitue un sous-mandataire pour exécuter son obligation. Ainsi, la dite
disposition précise que « le mandataire répond de celui qu’il s’est substitué dans la
gestion : quand il n’a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu’un ; quand ce pouvoir
lui a été conféré sans désignation d’une personne, et que celle dont il a fait choix était
notoirement incapable ou insolvable ».
263. Il est à noter que la responsabilité contractuelle du fait d’autrui dans le cas d’un
sous-mandant diffère de celle de l’employeur du fait du préposé, où la responsabilité est
plus personnelle. Comme l’explique un auteur : « tout se passe comme si les actes du
préposé avaient été accomplis par l’employeur lui-même. La personnalité des deux
protagonistes tend à se confondre : le préposé apparaît en quelque sorte comme l’un
des moyens dont le contractant dispose pour accomplir sa mission, au même titre que
ces machines et outils »306. Ce qui rend sa responsabilité beaucoup plus étendue. Alors
que la responsabilité du mandataire du fait de son substitut est moins personnelle et ne
concerne pas tous les actes passés par lui.
302 Cass. Civ. 5 fév. 1992, n°90-13.616. 303 Cass. civ. 3ème, 30 mars 2005, n°03-17.051. 304 Cass. civ. 3ème, 22 juin 1982, n°81-11.730. 305 Article 1386-1 et s. du Code civil. 306 Ph.PETEL, Les obligations du mandataire, Litec, éd. 1988, p. 196.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
110
264. La loi vise ainsi le cas de la substitution effectuée sans agrément et celle qui
révèle un mauvais choix du mandataire dans la personne de son sous-mandataire. Ainsi,
comme le considère la jurisprudence, la possibilité de substitution doit découler soit
d’une disposition expresse de la loi soit de la nature même de la mission : « lorsque la
convention ne prévoit aucune possibilité de substitution et que la nature de la mission
ne permet pas de la présumer, le mandataire ne peut se substituer un tiers »307. Cette
interprétation plutôt stricte de la possibilité de se substituer un mandataire s’explique
par la spécificité même du contrat de mandat qui est généralement envisagé comme une
mission chargée à quelqu’un de confiance. Même si la professionnalisation croissante
des mandataires conduit à réduire cette conception du mandat. Le cas du mandat
professionnel semble par ailleurs être aussi visé par l’article 1994 qui condamne le
choix d’un sous-mandataire « notoirement insolvable ». Cette considération portée à la
situation financière du sous-mandataire assure la fiabilité du sous-mandataire dans le
cadre d’une opération économique. L’article 1994 permet d’embrasser toutes les
variétés du contrat de mandat pouvant être envisagé à la fois comme un contrat de
confiance et comme un contrat organisant la collaboration économique des acteurs.
265. Le mandataire initial est donc tenu du choix du tiers qu’il compte se substituer et
sera responsable de ce dernier, mais uniquement dans la mesure où il a commis une
faute308. La faute typique du mandataire initial sera alors la négligence dans la
vérification des garanties proposées par la personne du sous-mandataire309. Il devra
alors indemniser le mandant, ce dernier pouvant par ailleurs agir directement contre le
sous-mandataire.
B ) La responsabilité du sous-mandataire
266. Le mandataire substitué agit dans le cadre d’un sous-contrat, c’est à dire qu’il est
en bout de chaine dans le cadre d’une succession de contrats. Il pourra être tenu
responsable auprès de plusieurs acteurs. Il sera à ce titre soumis envers le mandataire
initial dans les mêmes conditions qu’un mandataire lambda envers son mandant. Il sera
par ailleurs soumis de façon plus originale à une responsabilité à l’égard du mandant en
307 Cass. civ. 1ère, 26 nov. 1961, Bull. civ. I, n°625, p. 495. 308 Cass. Civ. 1ère, 26 nov. 1981, Bull. civ. I, n°355, p. 300. 309 Cass. civ. 1ère, 23 janv. 1996, JCP. 96, IV, 604.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
111
vertu de l’action directe reconnue à ce dernier. L’article 1994 dispose en effet que
« dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le
mandataire s’est substituée ».
267. Cette action, qui par la suite a été bilatéralisée, est ouverte au mandant alors
même que le sous-mandataire n’aurait pas été agréé par lui. Il serait alors choquant de
considérer que le sous-mandataire pourrait échapper à sa responsabilité du seul fait qu’il
n’ait pas été agrée. Une telle solution reviendrait à encourager les mandataires initiaux
et les mandataires substitués à ne jamais prévenir le mandant de leur opération. Le sous-
mandat devant dans la plupart des cas organiser une collaboration économique, une telle
position serait contre-productive. L’action qui était à l’origine considérée comme étant
de nature délictuelle par la jurisprudence est réputée être de nature contractuelle suite à
une décision de la cour de cassation qui a considéré que « le débiteur ayant du prévoir
les conséquences de sa défaillance selon les règles applicables en la matière, la victime
ne peut disposer contre lui que d’une action de nature contractuelle, même en l’absence
de contrat entre eux »310. La cour se fonde alors sur la théorie des groupes de contrats
par ailleurs écartée en matière de sous-traitance.
268. Ainsi l’étude des responsabilités liées à l’inexécution du tiers exécutant révèle
que, bien qu’atypique car extérieure au contrat, la position de tiers exécutant n’est pas
forcément plus avantageuse. Son action n’est ainsi pas exempte de critique et pourra
conduire à l’engagement de sa responsabilité. La responsabilité résultant de l’exécution
défaillante pourra par ailleurs rejaillir sur la personne du débiteur en présence de sous-
contrat alors que dans d’autre cas, c’est l’inexécution du débiteur qui entrainera la
poursuite du tiers, comme c’est le cas dans le contrat de cautionnement.
310 Cass. civ. 1ère, 21 juin 1988, JCP.G.1988, II, 21125.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
112
Conclusion de la PARTIE II :
269. L’étude des conséquences découlant de l’exécution, ou de l’inexécution, du
contrat par le tiers révèle que le modèle encadrant l’action du tiers est calqué sur le
modèle général du rapport d’obligation : l’obtention d’une créance en l’échange d’une
prestation ; la possibilité d’une responsabilité en cas d’inexécution.
270. Cette recomposition du lien d’obligation sur un schéma pourtant classique, se
divisant entre droits et devoirs, n’en cache pas moins l’originalité fondamentale
contenue dans l’exécution de l’obligation par le tiers, à savoir qu’une telle exécution,
bien que pouvant apporter satisfaction au créancier n’est pas à même d’éteindre
l’obligation qui se poursuit.
271. Ainsi, s’il peut fournir une satisfaction matérielle au créancier en exécutant
l’obligation, il ne peut toutefois pas éteindre la dette du débiteur, qui sera à son tour
tenu envers lui. Cette recomposition du lien d’obligation autour de la personne du tiers
jouera alors à son profit, lui permettant de recouvrer la contrepartie de ses efforts, mais
aussi à son détriment dans le cas où l’inexécution qui lui imputable le rend responsable
d’un dommage.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
113
Conclusion générale :
272. L’étude ainsi menée a été très éclairante en ce qu’elle nous a permis d’obtenir un
certain nombre de réponses concernant ce phénomène particulier qu’est l’exécution du
contrat par le tiers. Elle a tout d’abord permis de dresser un panorama des divers modes
d’exécution du contrat par le tiers, aidant ainsi à la compréhension d’un phénomène
dont les manifestations sont pour le moins diffuses.
273. Elle a surtout permis de définir le caractère spécifique de ce mode d’exécution
qui utilise un élément exogène au contrat, le tiers, pour s’approprier son côté le plus
propre, le plus intime, l’exécution. L’altérité du tiers jouera alors à plein pour permettre
de distinguer son exécution de celle du tiers. Si cette exécution est possible, elle est en
amont conditionnée par la nature de l’obligation qui peut être une limite de l’exécution
par le tiers si on est dans le cadre d’une obligation de faire. Limite qui tend cependant à
perdre de sa force, le développement des activités économiques ayant recentré
l’exécution sur le contrat lui-même que sur les personnes des contractants. Limite qui
toutefois n’aura pas lieu d’être si l’engagement du débiteur porte sur l’exécution d’une
obligation monétaire. La fongibilité de la monnaie permettant ainsi la substitution du
débiteur dans la phase d’exécution.
274. Le point crucial de l’étude a été toutefois de soulever la frustration inhérente à
l’exécution du contrat par le tiers. Si ce dernier peut conduire à satisfaire le créancier en
lui apportant une prestation matérielle équivalente à celle du débiteur, il est en revanche
incapable d’éteindre l’obligation à la manière du débiteur. Une distinction fondamentale
se révèle là entre un aspect matériel de l’obligation, qui est indépendant de la personne
de l’exécutant et un aspect plus subjectif, lié au « devoir » du débiteur de régler sa
propre dette. Il en ressort alors que loin de permettre l’exécution de la dette,
l’intervention du tiers ne fait que recomposer le lien d’obligation autour de sa personne,
soit à son profit soit à son détriment.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
114
275. La survivance de ce rapport d’obligation est donc plus ou moins un statut quo
pour le débiteur qui ne se révèle vraiment créateur que pour le tiers exécutant et
extinctif pour le créancier. Le créancier est en fait le grand bénéficiaire de l’exécution
du contrat par le tiers, et non pas le débiteur, car celle-ci lui permet d’être satisfait et de
reconstituer son patrimoine.
276. Le débiteur n’a lui qu’un intérêt limité à l’opération; celui d’échanger son
créancier contre un créancier peut-être plus patient. L’opération peut même se révéler
néfaste dans cas c’est lui qui permet au tiers d’exécuter le contrat par le biais d’un sous-
contrat ; la défaillance de ce dernier n’épargnera pas le débiteur contractuel qui pourra
voir sa responsabilité. L’étude aura alors permis de révéler cet aspect paradoxal :
l’intervention du tiers ne profite que peu au débiteur.
277. Quoi qu’il en soit, cet effort d’organisation et d’analyse sera fort utile à la fois au
théoricien qui voudra repenser les limites du cadre contractuel qu’au praticien qui
pourra ici trouver des explications techniques sur des mécanismes courants de la vie
juridique.
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
115
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• Chambres civiles :
Première chambre civile :
- Cass. civ. 24 juin 1853, DP. 1853, I, p. 124.
- Cass. civ. 24 juin 1913, DP. 1917, 1 , p. 38.
- Cass. Civ. 15 janv. 1918, DP. 1918.1.17
- Cass. civ. 12 févr. 1929, DH 1929.180.
- Cass. civ. 28 oct. 1942, DC. 1943, 29.
- Cass. civ. 28 oct. 1942, DC. 1943, 29.
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- Cass. civ. 1ère, 20 janv. 1953, JCP. 1953, II, n°7677.
- Cass. civ. 1ère, 3 mai 1955, D.1955.64
- Cass. civ. 1ère, 27 déc. 1960, D.1961.491.
- Cass. civ. 1ère, 27 décembre 1960, Bull. civ., I, n°573, p. 466.
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- Cass. civ. 1ère, 9 déc. 1981, Bull. civ. III, n°387
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- Cass. civ. 1ère, 21 juin 1988, JCP.G.1988, II, 21125.
- Cass. civ. 1ère, 18 janvier 1989, D.1989.302.
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- Cass. civ. 1ère, 2 juin 1992, D.1992, p. 407.
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Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
123
- Cass. civ. 1ère, 23 janv. 1996, JCP. 96, IV, 604.
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- Cass. civ. 1ère, 2 mars 2004, IV, 1842.
- Cass. civ. 1re, 3 fév. 2010, n° 08-14516.
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Troisième chambre civile :
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- Cass. civ. 3ème, 17 oct. 1972, JCP. 72., IV, 272.
- Cass. civ. 3ème, 22 juin 1982, n°81-11.730.
- Cass. civ. 3ème, 15 février 1983, D.1983.483.
- Cass. civ. 3ème, 5 février 1985, Bull. civ. III, n°23.
- Cass. civ. 3ème, 4 juin 1986, Bull. civ. III, n°88.
- Cass. civ. 3ème, 3 déc. 1990, n°79-13.219.
- Cass. civ. 3ème, 18 avril 1992, Bull. civ. III, n°223.
- Cass. civ. 3ème, 17 juillet 1996, Bull. civ. III, n°192.
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De la Cour d’appel :
- CA Paris, 3 avr. 2002, D. 2002, p. 1750
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
124
Table des matières :
REMERCIEMENTS ..................................................................................................................2
SOMMAIRE :.............................................................................................................................3
PRINCIPALES ABREVIATIONS ...........................................................................................4
INTRODUCTION : ...................................................................................................................5
PARTIE 1 : La nature de l’obligation, condition de l’exécution du contrat par
le tiers .................................................................................................................................... 14 TITRE 1 : L’exécution favorisée des obligations pécuniaires par le tiers…………………15
Chapitre 1 : Le paiement volontaire du tiers………………………………………………………….16 Section 1 : Le tiers initiateur du paiement……………………………………………………………………...16
Paragraphe 1 : La possibilité de payer les dettes d’autrui........................................................16 A ) Principe du paiement pour autrui ..................................................................................16 B ) Portée du paiement pour autrui .....................................................................................21
Paragraphe 2 : L’encadrement a posteriori du paiement du tiers par la gestion d’affaires. .....24 A) La gestion d’affaires, un paiement volontaire et autonome du tiers ..............................24 B ) La gestion d’affaires, un paiement accepté a posteriori par le débiteur ........................27
Section 2 : Le tiers, vecteur du paiement………………………………………………………………………..28 Paragraphe 1 : Le tiers mandataire du débiteur........................................................................28
A) La possibilité laissée au débiteur de mandater un tiers pour effectuer le paiement.......28 B) La pleine opposabilité du paiement effectué par le tiers mandataire au créancier.........30
Paragraphe 2 : Le tiers délégué du débiteur .............................................................................31 A ) Définition de la délégation paiement ou délégation à effet de payer............................31 B ) Différences entre la délégation de paiement et le mandat de paiement ........................34
Chapitre 2 : Le paiement contraint du tiers…………………………………………………………...35 Section 1 : Le paiement contraint du tiers, conséquence de l’action du créancier……….……35
Paragraphe 1 : Le paiement du tiers en vertu d’une sûreté conventionnelle............................35 A) L’exécution du tiers au titre d’une sûreté accessoire : le cautionnement.......................36 B ) L’exécution du tiers au titre de la garantie autonome ...................................................39
Paragraphe 2 : Le paiement du tiers en vertu d’une obligation extracontractuelle ..................43 A ) Le tiers contrait au paiement en vertu d’une solidarité légale ......................................43 B ) Le tiers contraint au paiement par la saisie-attribution .................................................45
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
125
Section 2 : L’exécution contrainte d’une obligation pécuniaire par le tiers, conséquence
d’une sollicitation du débiteur………………………………………………………………………………………48 Paragraphe 2 : La délégation engagement ...............................................................................48
A ) Principe de la délégation engagement...........................................................................48 B ) Effets de la délégation engagement...............................................................................49
Paragraphe 2 : La stipulation pour autrui.................................................................................50 A) Le détournement du mécanisme de la stipulation pour autrui .......................................50 B) Effets de la stipulation pour autrui .................................................................................51
Titre 2 : La possibilité d’exécution limitée des obligations de faire par le tiers………..52
Chapitre 1 : La possibilité laissée au tiers d'exécuter une obligation de faire…………..53 Section 1 : Le sous-‐contrat, exécution conventionnelle de l’obligation de faire par le
tiers……………………………………………………………………………………………………………………………..53
Paragraphe 1 : L’exécution de l’obligation de faire par le tiers à travers le contrat de sous-
traitance ....................................................................................................................................54 A ) Définition du contrat de sous-traitance .........................................................................54 B ) Principaux aspects du régime de la sous-traitance ........................................................55
Paragraphe 2 : L’exécution de l’obligation de faire par le tiers à travers le contrat de sous-
mandat ......................................................................................................................................57 Section 2 : L’exécution indirecte en nature, une exécution forcée de l’obligation de faire par
le tiers………………………………………………………………………………………………………………………….59 Paragraphe I : La faculté générale de remplacement offerte au créancier ..............................60 Paragraphe 2 : L’application de la faculté de remplacement au domaine de la construction
immobilière ..............................................................................................................................61 Chapitre 2 : Les limites à l’exécution de l’obligation de faire par le tiers …………………63 Section 1 : L’application de l’intuitus personae, le recours prohibé au tiers pour l’exécution
des obligations de faire………………………………………………………………………………………..………..63 Paragraphe 1 : L’évolution de notion d’intuitus personae d’une conception subjective à une
conception objective ................................................................................................................64 A ) L’attrait antérieur pour la conception subjective de l’intuitus personae .......................64 B ) La préférence contemporaine pour la conception objective de l’intuitus personae ......66
Paragraphe 2 : Le régime du contrat conclu intuitu personae..................................................67 Section 2 : L’aménagement de l’intuitus personae, le recours conditionné au tiers pour
l’exécution d’une obligation de faire……………………………………………………………………………..68 Paragraphe 1 : L’aménagement conventionnel de l’intuitus personae : la stipulation d’une
clause d’agrément ....................................................................................................................69 B) L’aménagement ad hoc de l’intuitus personae : la possibilité d’une acceptation
postérieure à la conclusion du contrat .................................................................................70 Conclusion de la PARTIE I :..........................................................................................72
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
126
PARTIE II : La recomposition du rapport d'obligation, conséquence de l'exécution du contrat par le tiers……………....……………………………………………………………………………………………74
TITRE I : L'exécution du contrat par le tiers génératrice de droits……………….…………75
Chapitre 1 : Le droit à la contrepartie du tiers exécutant d’une obligation pécuniaire…………………………………………………………………………………………………………...75
Section 1 : La récupération des sommes versées par la transmission de la créance
originaire : le recours subrogatoire……………………………………………………………………………….75 Paragraphe 1 : Les conditions de la subrogation personnelle ..................................................75
A ) La subrogation de source conventionnelle....................................................................76 B) La subrogation légale .....................................................................................................77
Paragraphe 2 : Les effets de la subrogation .............................................................................79 A) La transmission de la créance au tiers............................................................................79 B) La conservation de la dette sur la tête du débiteur .........................................................80
Section 2 : La récupération des sommes versées par la naissance d’une dette à la charge du
débiteur : le recours personnel du tiers solvens……………………………………………………………..82 Paragraphe 1 : L’ouverture du recours personnel du tiers solvens, fonction de la cause du
paiement ...................................................................................................................................82 A ) L’ouverture naturelle du recours personnel au tiers solvens obligé..............................82 B) Le recours personnel du tiers solvens non obligé ..........................................................83
Paragraphe 2 : Le régime du recours personnel du tiers solvens .............................................86 Chapitre 2 : Le droit à la contrepartie du tiers exécutant d’une obligation de faire….88
Section 1 : Les fondements de l’action directe en paiement …………………………………………….88
Paragraphe 1 : L’intérêt pratique de l’action directe en paiement ...........................................88 Paragraphe 2 : Les fondements juridiques de l’action directe en paiement.............................90
Section 2 : Le régime de l’action directe en paiement……………………………………………………..92 217. Paragraphe 1 : Conditions de l’action directe en paiement ..........................................92
A) La nécessité d’une créance au profit du titulaire de l’action et d’une dette du sous-
débiteur................................................................................................................................92 B) L’indifférence de la défaillance du débiteur intermédiaire ............................................93
Paragraphe 2 : Exercice de l’action directe en paiement .........................................................94 A ) Mise en œuvre de l’action directe en paiement.............................................................94 B ) Les effets positifs de l’action directe pour le titulaire de l’action ................................95
Raoul Crepu L’exécution du contrat par le tiers
127
Titre II : L’inexécution de l’obligation par le tiers génératrice de responsabilités……96 Chapitre 1 : L’inexécution d’une obligation découlant d’un engagement autonome……………………………………………………………………………………………………………97 Section 1 : L’inexécution du tiers mandataire………………………………………………………………...97
Paragraphe 1 : La responsabilité du mandataire à l’égard du mandant ...................................97 A ) La responsabilité contractuelle du mandataire à l’égard du mandant ...........................97 B ) La responsabilité conditionnée par l’intensité de l’obligation ......................................98
Paragraphe 2 : La responsabilité du mandataire à l’égard du tiers créancier...........................99 A ) La responsabilité contractuelle du mandataire à l’égard du tiers..................................99 B ) La responsabilité délictuelle du mandataire à l’égard du tiers ....................................100
Section 2 : La mauvaise exécution gérant d’affaires……………………………………………………...100 Paragraphe 1 : Responsabilité du gérant à l’égard du maître de l’affaire ..............................101 Paragraphe 2 : Responsabilité du gérant à l’égard des tiers...................................................103
Chapitre 2 : L’inexécution d’une obligation résultant d’un contrat accessoire……….104 Section 1 : Les responsabilités découlant de la défaillance du tiers exécutant
subsidiaire…………………………………………………………………………………………………………………104 Paragraphe 1 : Les responsabilités contractuelles liées au cautionnement ............................104 Paragraphe 2 : La responsabilité délictuelle de la caution à l’égard du débiteur...................105
Section 2 : Les responsabilités découlant de la défaillance du tiers exécutant
secondaire………………………………………………………………………………………………………………….106 Paragraphe 1 : Les responsabilités dans la sous-traitance......................................................106
A) Responsabilités contractuelles découlant de la défaillance du sous-traitant................106 1. Responsabilité contractuelle de l’entrepreneur principal à l’égard du maître de
l’ouvrage.......................................................................................................................106 2. Responsabilité contractuelle du sous-traitant à l’égard de l’entrepreneur principal 107
B ) La responsabilité délictuelle du sous-traitant à l’égard du maître de l’ouvrage..........107 Paragraphe 2 : Responsabilités découlant de l’inexécution d’un sous-mandat .....................109
A ) La responsabilité du mandataire initial .......................................................................109 B ) La responsabilité du sous-mandataire .........................................................................110
Conclusion de la PARTIE II : ......................................................................................112
273. Conclusion générale :..........................................................................................113
280. Bibliographie générale :.....................................................................................115
482. Table des matières : ............................................................................................124