LE TOURISME À PARIS, ENJEUX ET DÉFIS
Intervenant Paul ROLLDirecteur Général de l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris Président du conseil de l’IREST
[ Mardi 12 mars 2013 ] CONFERENCE IREST
« Le tourisme à Paris est une légitimité… »
Une destination touristique doit avoir une légitimité, c’est-à-dire qu’elle doit être capable de se
différencier des autres. Dans ce cas là, il faut qu’une destination touristique ait des réseaux propres en
termes d’hébergements ainsi qu’une attractivité que les touristes ne peuvent trouver ailleurs. C’est la
raison pour laquelle, une légitimité touristique repose sur deux facteurs : la capacité à accueillir les
visiteurs et la capacité leur permettant d’y séjourner.
Par ailleurs, ces dernières années, on constate le développement de l’hébergement touristique
non marchand : les visiteurs séjournent le temps des vacances ou d’un week-end, chez leur famille ou
chez des amis. Ce type d’hébergement devient de plus en plus important.
Paris, une destination touristique majeure
La destination Paris se caractérise au niveau du secteur hôtelier par une double logique ; tout
d’abord, au sein de Paris intra muros, la capacité est de 80 000 chambres. De plus, si l’on ajoute la
capacité de la petite couronne, on atteint une capacité hôtelière de 114 000 chambres pour la destination
Paris en 2011. Si l’on prend une destination urbaine comparable telle que Londres, on atteint une
capacité de 110 000 chambres (grand Londres). Paris compte donc parmi les parcs hôteliers les plus
importants. Il convient toutefois de nuancer : la croissance de la capacité hôtelière parisienne est faible
en comparaison à d’autres destinations qui se développent beaucoup telles que Istanbul, Berlin, Bangkok
ou Singapour, qui présentent une capacité importante et en pleine croissance. Ce problème de croissance
sera développé en infra.
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Conférence du 12 Mars 2013 L’Office du Tourisme et des Congrès de Paris
[ Mardi 12 mars 2013 ] CONFERENCE IREST
Par ailleurs, l’activité hôtelière est un élément essentiel de l’activité économique de la ville de
Paris. En effet, si le tourisme disparaissait de Paris, les tickets de métro serait plus chers et 160 000
emplois disparaitraient (13% des emplois parisiens). Aujourd’hui, Paris est une ville touristique. En
terme économique, si on ajoute aux 13% d'emplois directs, les emplois indirects (grands magasins) le
chiffre augmente jusqu’à 22% des emplois parisiens. 1 salarié sur 5 est directement ou indirectement lié
au secteur touristique (commerces, restauration,…) à Paris. Ainsi, malgré toutes les critiques sur l’usage
de cette notion, Paris est une ville touristique.
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Fondements de la légitimité touristique parisienne
Pour quelles raisons vient-on à Paris ? La légitimité de la destination Paris repose sur plusieurs
facteurs présentés dans le tableau ci-dessous.
Trois principaux secteurs créent les fondements de la destination Paris, et en font sa légitimité.
On distingue : une offre culturelle remarquable, une richesse d’un point de vue patrimonial et
architectural, le luxe (Paris est le berceau de grandes marques de mode). Ces trois volets sont
indissociables de la destination Paris. On ne peut, par exemple, retirer à Paris son statut de capitale du
luxe, où sont apparues les marques de luxe les plus prestigieuses telles que Cartier.
On pourrait penser que ces trois fondements sont insuffisants pour une ville telle que Paris, mais
il faut être conscient qu’une ville ne peut être la « meilleure » sur tous les plans. Par exemple, Paris est
une destination plus faible que d’autres en ce qui concerne les sorties nocturnes. Il ne faut cependant pas
considérer cela comme un complexe mais comme un fait. De plus, Paris est plus légitime d’un point de
vue touristique que de nombreuses autres villes.
Le tourisme à Paris : un succès qui amène à relever des défis
Un développement hôtelier insuffisant
L’activité hôtelière suit les fluctuations des activités économiques mondiales et nationales. On
constate par exemple des chutes du taux d’occupation lors des crises économiques ou des chocs
pétroliers ces dernières décennies. Actuellement, le taux d’occupation s’élève à 80%, et est en hausse.
Pour rester compétitive, la destination Paris a compris qu’il fallait qu’elle développe son parc hôtelier,
mais paradoxalement, le développement du parc hôtelier parisien est en stagnation ces dernières années.
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Ceci peut s’expliquer par le coût très élevé du foncier au sein de la capitale, dû à la très faible
disponibilité des terrains et à l’inflation, et par les limites imposées par l’urbanisme. Ainsi, on s’aperçoit
globalement que la capacité hôtelière a très peu augmenté ces dernières années : une dizaine de milliers
de chambres. Ce faible développement n’est pas dans la logique que devrait suivre une ville touristique
telle que Paris.
Au contraire l’emploi dans ce secteur devrait y être développé. On constate que, en dehors de
Paris intra muros et des grands “hubs” comme Marne La Vallée, Roissy, ou La Défense, la capacité
hôtelière est marquée par un hébergement quasi nul. Une ville comme Saint-Germain-en-Laye, à 20
minutes de Paris, n’abrite pas d’équipement hôteliers ; de même, Versailles n’accueille que des touristes
d’affaires, en dehors de ce secteur sa capacité hôtelière est nulle.
Un parc hôtelier essentiellement destiné à une clientèle aisée
Cette problématique de la capacité d’hébergement explique les prix importants pratiqués dans la
capitale. En effet, le prix constitue la seule variable ajustable. Les prix élevés sont dus à la faiblesse de la
capacité d’hébergement. On constate que la croissance des prix moyens est supérieure à celui de
l’inflation. Les 3 et 4 étoiles sont de plus en plus nombreux. Paris devient donc une ville chère, de plus
en plus marquée par une « gentrification touristique », ce qui ne permet d’accueillir qu’un certain type
de clientèle. Cela est particulièrement problématique pour l’accueil des jeunes (qui n’ont pas forcément
les moyens de résider à l’hôtel) et l’enjeu d’avenir qu’ils représentent.
La question du prix élevé de l’hébergement nous amène à parler de l’hôtellerie de grand luxe, qui
peut faire l’objet de débats. Cette hôtellerie semble très présente à Paris, du fait de la communication
importante qui l’entoure ; cependant, en termes de capacité, l’hôtellerie de grand luxe est faible. Elle
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représente en effet 1600 chambres soit 2% du parc hôtelier. Elle génère pourtant de nombreux emplois,
dans une période de délocalisation des activités (téléphonies…). En moyenne, le grand luxe crée 4
emplois pour une chambre. La période actuelle est propice à la croissance économique des Palaces, mais
avec la réouverture successive en 2016, de nombre d’entre eux, le secteur devrait connaitre une crise. Le
prix moyen d’une chambre à Paris est donc supérieur à 700 euros, ce qui fait de Paris la ville la plus
chère au monde. De plus, en termes d’évolution la destination Paris à un taux de croissance extrêmement
faible. Le développement de son tourisme est en retard par rapport aux autres destinations du même
type.
Une destination aux nombreux atouts
Le mix clientèle parisien : une des clés du succès de la destination
Le marketing mix de la destination Paris est l’une des clés de son succès. La tendance est
actuellement la suivante : la destination Paris connaît un recul significatif du marché nord américain.
Cette lourde perte pourrait être un problème pour l’activité touristique parisienne, mais Paris est capable
de compenser les baisses de clientèle américaine et anglo-saxonne avec d’autres clientèles émergentes,
telles que la Russie, la Chine, etc. et ceci grâce à son marketing mix. La destination Paris n’est donc pas
dépendante d’un marché en particulier, ni d’un moyen de transport spécifique. Ceci est un véritable
atout pour son développement touristique.
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De nouveaux pays émetteurs : l’avenir du tourisme à Paris
Les marchés émetteurs évoluent : de nouveaux pays émetteurs apparaissent et croissent, comme
on peut le voir sur la carte ci-dessous.
L’avenir de la destination Paris repose aujourd’hui sur les marchés asiatiques, africains,
d’Amérique du Sud et du Moyen-Orient. Le marché européen est, par contre, actuellement en recul. Ce
sont donc aussi les profils des visiteurs qui évoluent radicalement, ce qu’il convient bien sûr d’anticiper
dans les stratégies touristiques.
Le tourisme d’affaires à Paris : une complémentarité plus que nécessaire
Un des atouts de la destination Paris est la complémentarité de son offre de tourisme. Quand le
tourisme d’agrément faiblit, le tourisme d’affaire se renforce, et inversement, et ce en fonction de la
saisonnalité. Cependant le tourisme d’affaire parisien doit faire face à quelques difficultés : l’activité de
congrès peut difficilement s’intensifier dans la mesure où la ville n’abrite qu’un seul Palais des Congrès
et sa capacité hôtelière est insuffisante. Pour remédier à ce manque et rester compétitif sur la scène
internationale, une demande de construction d’un nouveau Palais des Congrès sur le site de la Porte de
Versailles a été faite, et il est prévu d’y augmenter la capacité hôtelière. Tout ceci devrait voir le jour en
2017.
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Quelques pistes pour l’avenir du tourisme à Paris
Aujourd’hui, toutes les villes qu’elles soient touristiques ou non doivent se pencher sur le
domaine de l’écologie. Concernant le tourisme, ce secteur est important à prendre en compte car si
l’image du tourisme devient destructrice, ceci marquera le début d’une crise du secteur touristique. La
durabilité du tourisme est donc un sujet essentiel. Dans ce contexte, à Paris on ne crée des équipements
pour les visiteurs c’est-à-dire autant pour les touristes que pour les habitants. De plus, les transports en
commun sont développés pour permettre aux touristes de circuler librement dans la ville. Si le touriste
n’empruntait pas les transports en communs, le prix du billet serait de 10% à 15% plus cher. Ainsi, Paris
a mis en place un schéma de mise en valeur de la ville. La fréquentation touristique parisienne pourrait
dépasser les 20 millions d’arrivées en 2030.
Par ailleurs, la programmation culturelle parisienne est si importante qu’un visiteur ne peut tout
voir en un seul séjour. De plus, les files d’attentes sont parfois très longues et empêchent le touriste
d’accéder à une partie de l’offre culturelle. Aujourd’hui, l’Office du Tourisme met en place des offres
alternatives faisant découvrir d’autres sites permettant de proposer aux touristes de nouvelles possibilités
de visite lorsque le temps d’attente est trop important. Ceci afin d’éviter les frustrations.
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La destination Paris et les mutations touristiques mondiales
Un inversement des marchés émetteurs et récepteurs
Les arrivées touristiques internationales dans les pays émergents devraient dépasser celles des
pays avancés dès 2015. Une culture nouvelle non occidentale apparaît et ceci oblige les « anciennes »
destinations à changer leurs habitudes (horaires d’ouverture, langues). L’Asie du nord-est sera la région
du monde la plus visitée en 2030, devant l’Europe. La part de l’Europe dans les arrivées internationales
devrait passer de 51% en 2010 à 41% en 2030.
Paris fait donc face à de nouvelles villes concurrentes et va perdre des parts de marché mais
profitera tout de même des déplacements mondiaux. Une adaptation aux marchés est nécessaire pour
que la destination perdure, et si la ville réussit ce pari, la croissance de la fréquentation touristique de
Paris à l’horizon 2030 devrait être positive.
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Des leviers pour s’adapter à cette nouvelle tendance.
La destination Paris dispose de deux leviers qu’elle peut actionner pour s’adapter à cette nouvelle
tendance. Tout d’abord, elle doit changer ses habitudes de fermeture des commerces le dimanche. La
France est l’un des seuls pays à fermer ses commerces le dimanche ce qui, pour une destination
shopping, est problématique. Les ouvrir permettrait de répartir au mieux les dépenses touristiques, un
jour où le tourisme d’affaire est absent. De plus, Paris doit également développer et renforcer son réseau
TGV, notamment en multipliant les trains et en aménageant les horaires. Cet enjeu de l’accès à Paris est
un levier de développement touristique crucial.
Pour développer son tourisme, Paris compte aussi beaucoup sur ses habitants, qui sont de plus en
plus nombreux et se renouvellent en permanence.
Quelques renouvellements de l’offre touristique parisienne : 2013 : fondation Jérôme Seydoux –
Pathé dans un immeuble de Renzo, Palais Galliera, la Monnaie ; 2014 : Zoo de Vincennes, Musée de
Picasso ; 2015 : Musée de l’Homme, Philharmonie de paris ; 2016 : fin des aménagements des halles ;
2017 : parc d’expo de la porte de Versailles
Des inquiétudes pour la destination Paris
L’industrie touristique parisienne peut sembler en perte de vitesse aujourd’hui, surtout en raison
des problèmes de capacité hôtelière. Beaucoup pensent que les projets du Grand Paris permettront de se
trouver une solution à ce problème, cependant M. Roll estime qu’ils n’auront pas d’impacts avant 2025.
De plus, Paris doit faire face à de nouvelles complexités liées à l’arrivée des nouveaux marchés.
Maintenant, le problème n’est plus celui des langues mais celle de l’alimentation ou des horaires comme
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cité en supra. Concernant l’alimentation, l’OTCP a sorti récemment le premier guide parisien recensant
les restaurants où l'on peut manger végétarien. Ceci est une nouvelle problématique auquel la destination
doit s’adapter si elle souhaite perdurer.
Le transport est aussi une nouvelle problématique pour la destination. Car la problématique
première du touriste est de savoir où se loger et comment se rendre sur place.
L’aérien est un véritable outil de développement touristique pour une destination. Le problème
est qu’actuellement les compagnies n’ont plus pout but de faire atterrir le plus d’individus possible mais
d’utiliser au maximum les différents hubs. Ainsi, ce qui était la clé du développement touristique
commence à s’atténuer. Le monde du tourisme évolue et le développement des transports avec lui ; le
Moyen Orient et l’Asie prennent le pas sur les compagnies européennes.
De plus, pour de nombreux acteurs du tourisme, Paris ne capitalise pas suffisamment sur son
tourisme. Ceci s’illustre par le fait que les hôteliers disent ne pas être heureux alors que ce sont les seuls
à avoir la main sur le prix de la destination.
Conclusion
Paris constitue une destination extrêmement attractive et une ville très vivante, qui accueille de
plus en plus d’habitants. Cependant, trois problèmes majeurs se posent pour la destination. Tout d’abord,
l’augmentation globale des prix la rend de moins en moins accessible. De plus, elle souffre de problèmes
de sécurité (pickpockets), ce qui est néfaste pour son image. La ville est obligée de faire un état des lieux
tous les trois mois afin d’améliorer et de renforcer la sécurité sur certains sites (notamment aux abords
de certains hôtels qui sont la cible privilégiée des pickpockets). Enfin, la longueur des files d’attentes est
problématique ; elle provoque l’insatisfaction chez les visiteurs et fragilise donc la destination. Ces trois
points sont des freins au développement touristique de la ville et ne doivent pas être minimisés si Paris
veut perdurer sur le marché international.
Pour finir, M. Roll a aussi évoqué le rôle spécifique de l’Etat. Aujourd’hui, à l’heure de la
décentralisation et de la baisse des budgets de l’Etat, ce ne sont plus des subventions et des interventions
qui sont attendues de sa part mais une aide, un accompagnement qui apporte de la cohésion et facilite les
démarches : suppression des barrières à l’entrée de certains secteurs (suppression des VISA, ouverture
du marché du transport aérien par exemple). L’Etat doit permettre au tourisme de devenir un outil de
développement économique à part entière.
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Questions
1) Etudiant M1 GSVT : « Vous parlez beaucoup du secteur de l’hôtellerie mais aucunement de
celui des tours opérateurs et des agences de voyages. Qu’en est-il ? »
Monsieur Roll : « C’est qu’il ne pèse plus grand-chose dans le secteur de l’activité parisienne.
Pas plus de 10%. Paris est une destination mature, c’est pourquoi le touriste organise seul son
voyage. De plus, le but de l’OTCP est de faire baisser le coût de la destination mais les agences
de voyages et les tours opérateurs, en plus du coût du voyage, prennent une commission, ce qui
augmente encore le prix de la destination Paris. Ainsi, ces métiers sont actuellement fragilisés.
Paris devient un fabricant de produit qui ne sait plus se vendre. »
2) Etudiante M1 EDTI : « A part avec les prix, comment augmenter le taux d’occupation ? »
Monsieur Roll : « Si on enlève les dimanches et jour fériés, Paris à un taux d’occupation de
96%. Ainsi, seule la construction de nouveaux hôtels permettrait à Paris d’augmenter son taux
d’occupation. Mais le problème est qu’il est très long de construire un nouvel hôtel : entre son
projet et son ouverture on peut compter en moyenne 8 ans. »
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