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DEPLOIEMENT DES RESEAUX
TRES HAUT DEBIT
SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE
NATIONAL
RAPPORT D’ÉTUDE
TECHNOLOGIES ET COUTS DE DEPLOIEMENT
MECANISMES DE SOUTIEN POSSIBLES
Etude réalisée pour le compte de la DATAR
Par les cabinets TACTIS et SEBAN & ASSOCIES
Avec le soutien du CETE de l'Ouest
A la demande du Ministre de l’Espace Rural et
de l’Aménagement du Territoire
Janvier 2010
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Résumé
Le déploiement du très haut débit constitue un enjeu économique majeur pour le
développement de la société de l'information, l'attractivité des territoires, les entreprises de
travaux publics, les équipementiers télécoms, les opérateurs et les fournisseurs de services à
valeur ajoutée, et toutes les entreprises et organisations utilisatrices.
Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne visant au développement de l'économie de la
connaissance, les enjeux liés au développement du très haut débit peuvent justifier une
intervention vigoureuse des pouvoirs publics au cours des prochaines années, aux niveaux
communautaire, national et territorial, comme l’indiquent les lignes directrices adoptées par la
Commission.
Le très haut débit peut être fourni de plusieurs manières complémentaires :
- par déploiement de nouveaux réseaux tout optique jusqu'aux abonnés ; ces réseaux
permettent d'acheminer plusieurs centaines de mégabits par seconde, de manière
symétrique en voies montante et descendante ;
- par modernisation des réseaux cuivre téléphonique et coaxial existants ; cette
modernisation permet d'écouler plusieurs dizaines de mégabits par seconde en voie
descendante, et quelques mégabits en voie montante ;
- et par les technologies hertziennes de nouvelle génération ; chaque station de base a une
capacité de plusieurs centaines de mégabits, mais le débit est partagé entre les usagers
desservis par la station de base mobile.
Le tableau ci-dessous présente les coûts de déploiement pour différents niveaux de couverture :
Taux de couverture et technologies utilisées Coût
total
dont
financement
public
80% de la population et des entreprises
couverts en fibre optique à l’abonné (FTTH) 15 Mds€ 6 Mds€
100% de la population et des entreprises
couverts dont 80% en FTTH et 5% par
équipement des sous-répartiteurs et 15% en
4G/LTE (mobile de prochaine génération)
18 Mds€ 8 Mds€
100 % de la population et des entreprises
couverts en fibre optique à l’abonné 30 Mds€ 15Mds€
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La rentabilité du très haut débit et notamment de la fibre optique est obérée par la perspective
d'une concurrence durable avec le réseau cuivre téléphonique existant et les offres haut débit
que supporte ce dernier. Ceci explique que dans plusieurs pays soit considérée l’hypothèse d’une
séparation structurelle de l'opérateur historique entre l’infrastructure passive et les autres
activités. Cette séparation structurelle permet au propriétaire de l’infrastructure de financer la
transition vers le très haut débit en y réinvestissant les revenus du monopole de la boucle locale
téléphonique en cuivre, tout en prévenant les distorsions de concurrence entre opérateurs
utilisateurs de la boucle.
Compte-tenu de la structure de marché actuelle, les opérateurs de télécommunication ne
peuvent équilibrer les coûts liés à un déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire
national. Le besoin de financement public est de l'ordre de 8 milliards d’euros pour couvrir tout le
territoire en très haut débit. La couverture en fibre optique serait complétée en zone rurale par
l'équipement des sous répartiteurs et le déploiement des technologies hertziennes de prochaine
génération. A ces 8 milliards de financement public, s’ajoutent des possibilités de soutien en
termes d’autres interventions publiques (capital public, prêts bonifiés et garanties d’emprunt) qui
peuvent prendre des formes et montants très variés.
L’intervention publique viserait d’une part à dynamiser le déploiement de la fibre dans les zones
où les réseaux peuvent être rentables et d’autre part à permettre son déploiement dans les zones
non rentables pour les acteurs privés.
La modulation du financement public permettrait d’établir une forme de péréquation entre les
zones. L’Etat pourrait intervenir aux côtés de collectivités, dans le cadre de délégations de services
publics (DSP) ou de partenariats public privé (PPP). Dans ce type de montage, la participation
publique est souvent accordée en contrepartie d’un Service d’Intérêt Economique Général (SIEG)
et de la propriété des réseaux à terme, s'assimilant donc à un investissement public direct offrant
une rentabilité différée.
Si un fonds de soutien au très haut débit était créé, il pourrait intervenir en capital, en prêts à taux
bonifiés et en financement de DSP ou PPP en fonction de la nature des projets qui lui seraient
soumis. Le besoin d’investissements publics est de l’ordre de 500 millions d’euros par an sur 15
ans. Le fonds de soutien pourrait être abondé pour partie par le grand emprunt et pour partie par
une taxe opportuniste, par exemple de la même manière qu’a été alimenté le fonds national de
développement des adductions d'eau.
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Sommaire
I- INTRODUCTION............................................................................................. 6
II- RÉSEAUX ET TECHNOLOGIES TRÈS HAUT DÉBIT ............................................. 8
A) LES RESEAUX TELEPHONIQUE ET CABLE MODERNISES ...................................................... 9
B) LES RESEAUX TOUT OPTIQUE ................................................................................... 10
C) LES TECHNOLOGIES HERTZIENNES ............................................................................. 11
III- COUTS DE DÉPLOIEMENT DU TRÈS HAUT DÉBIT .......................................... 12
A) RESEAU TOUT OPTIQUE : TRENTE MILLIARDS D’EUROS .................................................. 12
B) COMPARAISON AVEC LE RESEAU TELEPHONIQUE.......................................................... 15
C) TECHNOLOGIES TRES HAUT DEBIT ALTERNATIVES ......................................................... 17
D) SYNTHESE DES COUTS DE DEPLOIEMENT..................................................................... 20
IV- EQUILIBRES ÉCONOMIQUES ........................................................................ 21
A) ECONOMIE DE LA BOUCLE LOCALE ............................................................................ 21
B) UN PROBLEME DE RECETTES, PAS DE COUTS ............................................................... 21
C) CAPACITE DE FINANCEMENT DES ACTEURS PRIVES........................................................ 23
V- LE DÉPLOIEMENT DES AUTRES INDUSTRIES DE RÉSEAU .............................. 24
A) OCTROI DE PREROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE .................................................... 24
B) OCTROI D’UNE SITUATION DE MONOPOLE OU D’OLIGOPOLE LEGAL.................................. 25
C) MECANISMES DE PEREQUATION............................................................................... 26
D) FACILITES DE FINANCEMENT .................................................................................... 29
E) ATTRIBUTION DES AIDES ET ORGANISATION INSTITUTIONNELLE....................................... 30
F) SYNTHESE ........................................................................................................... 31
VI- LES SOUTIENS POSSIBLES AU DÉPLOIEMENT DU TRÈS HAUT DÉBIT ............. 32
A) STRUCTURATION INDUSTRIELLE DES OPERATEUR DE FIBRE OPTIQUE ................................. 32
B) LES TECHNOLOGIES ALTERNATIVES............................................................................ 38
C) AIDES NON FINANCIERES ........................................................................................ 41
D) AIDES EN CAPITAL ET EN PRET .................................................................................. 44
E) AIDES EN APPORTS PUBLICS..................................................................................... 46
F) BESOIN ET SCENARIO D’INTERVENTION PUBLIQUE……………………………………………………...50
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ANNEXE 1 COUTS DE DEPLOIEMENT DES RESEAUX TRES HAUT DEBIT ................. 53
I- DONNÉES SOURCES..................................................................................... 54
II- DÉFINITION DE L’ÉCHANTILLON................................................................... 54
III- DÉFINITION DES SCÉNARII DE COUVERTURE ............................................... 55
IV- MÉTHODOLOGIE DE MODÉLISATION DU RÉSEAU OPTIQUE A DÉPLOYER .... 56
V- RÉSULTATS DE LA MODÉLISATION............................................................... 58
VI- COÛTS UNITAIRES RETENUS DANS LE MODÈLE ........................................... 59
VII- COMPLÉMENTS DE COUVERTURE A LA DESSERTE FTTH............................... 60
ANNEXE 2 LES MECANISMES DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES ............ 63
I- MECANISMES DE PEREQUATION HORIZONTALE EXISTANT ......................... 64
A) ELECTRICITE......................................................................................................... 64
B) GAZ ................................................................................................................... 68
C) COMMUNICATIONS ELECTRONIQUES......................................................................... 68
D) TRANSPORTS AERIENS............................................................................................ 70
E) TRANSPORTS FERROVIAIRES .................................................................................... 71
F) AUTOROUTES ET GRANDS RESEAUX DE TRANSPORTS..................................................... 73
G) POSTE ................................................................................................................ 76
H) EAU ................................................................................................................... 79
I) PRESSE ............................................................................................................... 80
J) AUDIOVISUEL....................................................................................................... 82
II- AUTRES TYPES D’AIDES ENVISAGEABLES POUR LES OPERATEURS ............... 85
A) PRETS A TAUX BONIFIE ........................................................................................... 85
B) GARANTIES D’EMPRUNT......................................................................................... 85
C) GARANTIES D’EMPRUNTS ACCORDEES PAR LES BANQUES AUX ENTREPRISES ...................... 87
D) PARTICIPATION ET DOTATIONS EN FAVEUR D’UN FONDS DE GARANTIE ............................. 88
E) APPORTS EN CAPITAL............................................................................................. 88
ANNEXE 3 ÉLEMENTS CARTOGRAPHIQUES.......................................................... 90
I- ARRONDISSEMENT DE FAIBLE DENSITÉ : RODEZ.......................................... 91
II- ARRONDISSEMENT DE DENSITÉ MOYENNE : SAINT-OMER.......................... 96
III- ARRONDISSEMENT DE DENSITÉ SUPÉRIEURE À LA MOYENNE : ETAMPES . 101
IV- IMBRICATION DES ZONES RENTABLES ET NON RENTABLES ....................... 106
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I- INTRODUCTION
Le soutien au déploiement des réseaux très haut débit sur le territoire national est
perçu comme un enjeu stratégique par les pouvoirs publics pour plusieurs
raisons principales :
- Le déploiement des réseaux de fibre optique, et plus généralement des réseaux
très haut débit, suppose des opérations de génie civil, de tirage de câble puis
d’installation dans les immeubles et les logements. Elles représentent plus de la
moitié du coût de déploiement du très haut débit et sont génératrices de
croissance et d’emplois, moyennement qualifiés, non délocalisables.
- Le développement du marché entrainera un besoin d’équipement en
équipements actifs de nouvelle génération, de transmission sur les réseaux
d’accès fixe et mobile ou d’équipement des ménages en terminaux mobiles ou
« box » optiques. Des équipementiers peuvent bénéficier d’un marché national
dynamique et précoce pour initier des chaines de production leur permettant de
se renforcer ensuite à l’international.
- Le développement rapide d’un marché national du très haut débit peut, de
même, favoriser le développement d’entreprises innovantes sur de nouveaux
services ou la constitution d’une base de savoir faire susceptible d’essaimer à
l’international. Les Etats-Unis, menant une politique volontariste sur Internet au
milieu des années 90, alors que la France pensait encore disposer d’une avance
sur les services télématiques d’ancienne génération, servent ici de référence.
- Les technologies de l’information et de la communication permettent de gains
de productivité importants et sont génératrices du quart de la croissance des
pays les plus avancés. Le passage au très haut débit, en permettant
l’hébergement et la maintenance de données et surtout d’applications
distantes, favorisera la compétitivité des petites et moyennes entreprises
françaises.
- Plus largement, l’amélioration de la connectivité participe du développement de
l’économie de la connaissance et s’inscrit dans la stratégie de Lisbonne. Les
applications en devenir liées à l’enseignement, à la médecine, à la sureté, à la
gestion de l’espace publique, à la domotique, supposent le déploiement de
réseaux à large bande, plus performants et fiables que les réseaux haut débit
existants.
- Finalement, une politique publique volontariste menée dès le début du cycle
d’investissement vers le très haut débit est susceptible d’anticiper et de limiter
les disparités territoriales, évitant ainsi l’apparition d’une fracture numérique
pérenne entre des grandes villes dotées de moyens de télécommunications
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performants et de zones moins denses structurellement en retard par rapport
aux standards internationaux.
Le présent rapport vise à éclairer les décisions qui pourraient être prises pour
favoriser le déploiement des réseaux très haut débit. Dans un premier temps, les
technologies pertinentes sont identifiées ainsi leurs coûts de déploiement respectifs
et le besoin de financement public attaché. Des scénarios de référence sont
proposés pour leurs articulations possibles dans le temps et sur le territoire. Ensuite,
le rapport rappelle les principaux mécanismes de soutien et de péréquation
historiquement mis en œuvre pour le déploiement des grandes infrastructures,
notamment pour l’eau, l’électricité ou le rail. La dernière partie propose différents
mécanismes de soutien et de péréquation envisageables pour favoriser le
développement du très haut débit, de manière la plus homogène possible, sur le
territoire national.
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II- RESEAUX ET TECHNOLOGIES TRES HAUT DEBIT
Il n’existe pas de définition normalisée du terme très haut débit. Les liaisons
classiques dites à haut débit fournies actuellement par les opérateurs aux abonnés
résidentiels culminent à 20 Mbits sur les réseaux fixes, ce qui fixe donc une limite
basse pour le très haut débit. Les attentes portent en outre sur une meilleure
résilience des futurs réseaux vis-à-vis des perturbations extérieures, une plus grande
symétrie des capacités de transmission entre l’abonné et le cœur de réseau et un
temps de latence, c'est-à-dire de traversée du réseau,
inférieur à celui des réseaux actuels.
Les usages et applications du très haut débit
résidentiel sont encore largement inconnus. A moyen
terme, les réseaux très haut débit se distingueront des
précédents par leur capacité à véhiculer plusieurs flux
audiovisuels haute définition simultanément et à permettre une quasi instantanéité
de transmission entre l’abonné et le réseau, ce qui permet d’accéder à des
applications ou des données stockées sur des serveurs distants, par exemple une
vidéothèque, avec le même confort que si elle demeurait chez l’abonné.
Le niveau d’exigence vis-à-vis du très haut débit sera probablement évolutif dans le
temps en fonction des usages, et donc sa définition. A ce jour, l’Autorité de
régulation a retenu un débit minimal de 50 Mbits. Dans ce document, nous
considérons qu’un réseau très haut débit doit être capable d’acheminer 30 Mbits
vers chaque abonné, soit deux flux audiovisuels haute définition, disposer d’un canal
montant à haut débit et avoir un temps de traversée du réseau court permettant
ainsi l’hébergement et l’utilisation d’applications distantes sans délais de latence
perceptible par l’utilisateur.
En suivant ces critères, il existe trois principales technologies industrielle candidates
pour véhiculer, à grande échelle, des offres très haut débit au cours de la prochaine
décennie : la modernisation des réseaux historiques du téléphone et du câble, le
déploiement des nouveaux réseaux intégralement en fibre optique jusqu’aux
abonnés et les technologies mobiles hertziennes de quatrième génération, dites LTE
ou 4G. Ces trois technologies sont détaillées dans le présent rapport.
D'autres solutions peuvent exister ou être en cours de développement. Parmi celles-
ci, on peut citer le satellite et les boucles locales en Wi-Fi, WiMax et courant
porteurs en ligne (CPL). Il s'agit de technologies plutôt adaptées à la distribution du
haut débit que du très haut débit au sens de la définition précédente. Elles
pourraient être mises en œuvre de manière ponctuelle ou transitoire. Leur succès
commercial dépendra en outre de l'intégration de ces technologies dans les gammes
d'offres commerciales des grands opérateurs, ce qui n'est pas le cas à ce jour.
Le très haut débit permet d'acheminer
plusieurs chaînes haute définition et de
travailler avec des données et applications
hébergées par des serveurs distants
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A) LES RE SEA UX T EL EPHO NI Q UE ET C ABL E MODER NI SE S
Les offres d’accès haut débit se sont développées sur des réseaux de
communications électroniques préexistants. La très grande majorité des accès haut
débit est fournie sur la paire de cuivre téléphonique, initialement dédiée à
l’acheminement de la voix. Le réseau câblé, conçu pour diffuser des services
audiovisuels, est également en mesure de supporter des accès haut débit, même si
sa part de marché effective reste faible en France.
Pour permettre la fourniture de connectivité sur les réseaux métalliques, les
opérateurs ont dû procéder au cours de la dernière décennie à une première mise à
niveau. Il s’agissait pour le cuivre téléphonique d’installer des équipements de
transmission dans les répartiteurs, et de relier ceux-ci aux réseaux centraux par des
réseaux à très haute capacité en fibre optique. Pour le câble, cela suppose de passer
d’un mode de diffusion analogique à un mode de diffusion numérique, nécessitant là
aussi le déploiement de fibre optique pour
interconnecter les plaques câblées aux réseaux
mondiaux de données.
Les réseaux métalliques peuvent être modernisés une
nouvelle fois pour supporter des débits plus élevés,
pouvant être qualifiés de très haut débit au regard de
la définition précédente. La modernisation a pour
objectif de remplacer, sur le segment de desserte des abonnés constitutif d’une
boucle locale, une partie du métal, cuivre téléphonique ou câble coaxial, par de la
fibre optique. Le lien métallique est maintenu sur les dernières centaines de mètres
uniquement, alors qu’il véhiculait précédemment le signal sur plusieurs kilomètres.
L’affaiblissement du signal étant moindre sur la partie métallique, le débit est plus
élevé.
La boucle locale téléphonique peut ainsi être modernisée en substituant le câble de
transport métallique entre les répartiteurs et les sous-répartiteurs, qui sont des
armoires de rue concentrant les lignes, par des liens optiques, puis à installer les
équipements de transmission très haut débit à ce niveau. Le débit réellement
disponible pour les abonnés sera alors fonction de la longueur résiduelle de la ligne
téléphonique en cuivre.
Malheureusement, cette longueur résiduelle a tendance à être courte en zone
urbaine dense, mais reste relativement longue en zone rurale. La modernisation du
réseau téléphonique peut permettre de fournir de manière relativement homogène
sur le territoire, une connectivité à haut débit à quelques Mbits. Elle ne permettra
pas, en revanche, sauf à réinvestir très lourdement, de fournir en milieu rural des
accès très haut débit aussi performants que ceux qui commencent à être déployés
en zone urbaine.
Le réaménagement du réseau
téléphonique permettra de monter un peu
en débit, mais ne permettra pas de fournir
du très haut débit de manière homogène,
notamment en zones rurales
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Par ailleurs, le principal câblo-opérateur a lancé un plan modernisation de son
réseau qui consiste, de la même façon, à réduire la longueur de la boucle métallique
en apportant la fibre jusqu’au dernier amplificateur. On parle de technologie FTTLA
(Fibre To The Last Amplifier). La boucle locale métallique résiduelle est d’une
longueur nettement inférieure à celle de la sous-boucle locale téléphonique,
permettant d’atteindre un débit de l’ordre 100 Mbits, donc réellement à très haut
débit. Les réseaux câblés ne couvrent qu’une dizaine de millions de ménages, situés
en zone urbaine.
B) LES RE SEA UX T O UT OPT I Q UE
A long terme, la création d’une boucle locale fibre jusqu’aux domiciles et aux
entreprises, selon une technologie dite FTTH (acronyme de l’anglais Fibre To The
Home) est la seule manière d’amener une offre de très haut débit filaire avec des
performances homogènes sur tout le territoire national. Techniquement, le réseau
est intégralement en fibre optique, du répartiteur jusqu’à l’abonné. Le faible
affaiblissement du signal transmis sur une fibre, par rapport au métal, permet de
proposer un débit homogène, indépendant de la
distance au répartiteur. Dans le présent rapport, nous
qualifions ces réseaux de « tout optique ».
On distingue deux sous familles de boucle locale en
fibre optique. La technologie PON (acronyme de
l’anglais Passive Optical Network) est la plus répandue
à l’échelle mondiale pour la clientèle résidentielle. Elle consiste à amener une seule
fibre entre le répartiteur et les immeubles ou groupes de logement et à utiliser un
coupleur optique passif pour diviser le débit de cette fibre entre les abonnés
desservis. Cette technique est économe en fibre, mais un peu complexe et donc
coûteuse au niveau électronique, pour synchroniser les flux de plusieurs utilisateurs
sur une même fibre.
La technologie alternative, dite Point à Point, consiste à tirer une fibre dédiée, par
logement, entre l’abonné et le répartiteur. Il s’agit de la technologie la plus
répandue pour les entreprises. Elle est recommandée et généralement mise en
œuvre dans le cadre des projets publics, car la cohabitation de plusieurs opérateurs
sur le même réseau est plus facile à organiser qu’avec la technologie PON. La
technologie Point à Point est en revanche plus coûteuse, surtout si les points de
concentration regroupent plusieurs milliers de lignes. Le diamètre des câbles de fibre
qui en sortent est alors important et ils peuvent être difficiles à déployer dans le
génie civil existant ou sur les appuis aériens.
Les principaux opérateurs ont commencé à déployer des réseaux tout optique,
concurrents les uns des autres, dans les plus grandes agglomérations. Cette
multiplication des déploiements est intrinsèquement peu rentable. Pour rentabiliser
le déploiement de ces réseaux en zone de faible densité, un partage des coûts entre
A long terme, les réseaux seront
intégralement en fibre optique. Ces
réseaux sont dits FTTH (acronyme
de l’anglais Fibre To The Home)
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opérateurs est indispensable. Le fait que les opérateurs soient concurrents et leurs
différences de capacité de financement, de position sur le marché, et donc de
stratégie, rend difficile la conclusion spontanée d’accords de coinvestissement. Au-
delà de la zone urbaine rassemblant une quinzaine de millions de ménages, aucune
perspective de déploiement tout optique sur fonds privés n’existe à ce jour.
C) LES T ECH NOL OG IES HERT Z IEN NES
Plusieurs technologies hertziennes sont utilisées pour fournir des accès haut débit.
Les technologies satellitaires sont intrinsèquement limitées par les délais de
traversée du réseau et la bande passante disponible, partagée en un grand nombre
d’utilisateurs potentiels. Les technologies terrestres permettent en théorie de
fournir des accès haut débit de relativement bonne qualité. En France, l’utilisation
de la téléphonie mobile de troisième génération (3G) pour le transfert de données a
connu une explosion au cours de la dernière année, avec la généralisation des
smartphones, comme l’i-phone, et des clefs 3G pour
ordinateurs portables. Les performances restent
cependant en deçà de celles des réseaux filaires haut
débit actuels.
Les industriels fondent de grands espoirs dans la 4G
(ou LTE) évoquée plus haut. Cette technologie pourrait
en particulier être utilisée dans la bande spectrale
libérée par l’extinction de la diffusion analogique de la télévision, communément
appelée « dividende numérique », qui est bien adaptée à une transmission à longue
distance, donc à l’aménagement du territoire. Le débit maximal théorique serait de
300 Mbits en voie descendante par site, en supposant qu’un même opérateur
occupe l’intégralité du dividende numérique.
Le fait de devoir partager le débit à chaque instant entre les différents utilisateurs de
la station de base est une contrainte forte. Fournir une connexion permanente à
30 Mbits à tous les ménages par l’intermédiaire du LTE supposerait de multiplier par
trente le nombre actuel de stations de base. Dit autrement, le LTE ne permet de
fournir du très haut débit que si moins d’un ménage sur trente l’exploite au
maximum de ses capacités à l’heure de pointe.
En pratique, le LTE offrira du haut débit de bonne qualité au regard des standards
actuels, mais en excluant la diffusion audiovisuelle haute définition, qui est
l'application la plus gourmande en bande passante. Le LTE sera performant pour la
desserte très haut débit des habitats les plus isolés, où il n’y aura que quelques
dizaines de ménages abonnés et actifs par station de base.
Les technologies LTE ou 4G déployées dans
la bande de fréquences du dividende
numérique permettront de fournir du très
haut débit en zone rurale, à l'exception de
la diffusion audiovisuelle haute définition
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III- COUTS DE DEPLOIEMENT DU TRES HAUT DEBIT
A) RESE AU T O UT OPT I QUE : T RENT E M IL L IAR D S D ’EURO S
Les coûts d’investissement pour construire un réseau tout optique portent sur les
postes suivants : la construction des locaux techniques des opérateurs et des points
de brassage de la fibre, le tirage de la fibre dans les fourreaux existants ou sur des
appuis aériens, de manière marginale la construction de nouvelles tranchées,
l’adduction des bâtiments et, finalement, le déploiement de la fibre dans les
colonnes montantes jusqu’aux paliers ou, pour le tissu
pavillonnaire, jusqu’à la dernière chambre de tirage ou
le dernier appui aérien.
La fourniture de services suppose ensuite la réalisation
du raccordement client. Pour les logements neufs, ce
raccordement est à la charge du propriétaire. Pour les
logements anciens, le coût de construction est actuellement supporté par les
opérateurs qui peuvent le répercuter partiellement sur leurs clients finals. La
dépense correspondante n’est engagée que lorsqu’un client s’abonne à la fibre
optique. Les opérateurs considèrent cette dépense comme une charge récurrente
plutôt que comme un investissement de premier établissement du réseau.
Le principal poste de coût de construction, représentant plus de quatre vingt
pourcents du total, est le déploiement du réseau horizontal entre les locaux
techniques des opérateurs et les logements. Ce coût reste raisonnable en zone
urbaine, de quelques centaines d’euros par prise. En revanche en zone rurale, il est
fréquent de devoir
parcourir plusieurs
centaines de mètres,
voire plusieurs
kilomètres, pour
desservir le hameau
suivant. Les coûts de
construction sont alors
de plusieurs milliers
d’euros par abonné
potentiel.
Au total, la desserte de l’intégralité des bâtiments en France, à l’exception des
bâtiments uniques isolés, tels que les hangars agricoles, suppose de déployer un
réseau d’environ 1 100 000 kilomètres, répartis comme suit : 500 000 kilomètres
pour desservir la population vivant en zone urbaine et périurbaine, représentant
quatre vingt pourcents des ménages ; 300 000 kilomètres supplémentaires pour
Les coûts de déploiement du FTTH sont
inversement proportionnels à la densité de
logements. En zone rurale, le coût est de
plusieurs milliers d'euros par ménage
0
50
100
150
200
250
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Taux de couverture des foyers
Mètre linéaire du réseau horizontal par prise
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atteindre un taux de couverture de quatre vingt quinze pourcents de la population ;
300 000 kilomètres supplémentaires pour desservir les cinq derniers pourcents,
habitant pour l’essentiel en hameaux de moins de cinq logements.
Linéaire optique nécessaire pour un arrondissement représentatif
Le déploiement s’effectue en zone urbaine dense, pour
l’essentiel, dans des fourreaux existants, qui
représentent 300 000 milles kilomètres de linéaire, et
sur réseaux aériens moyenne tension, basse tension,
sur des appuis télécom existants ou en façade pour un
linéaire trois à quatre fois supérieur. La moitié des
ménages vit dans une zone où les réseaux sont enterrés et l’autre moitié avec une
desserte aérienne. Les trois quarts du réseau optique à créer pour couvrir la France
entière seraient déployés en aérien.
Taux de couverture : 50% Taux de couverture : 80%
Taux de couverture : 95% Taux de couverture : 100%
Trente milliards d'euros pour couvrir
intégralement la France en fibre optique,
quinze milliards pour couvrir quatre-vingts
pour cent de la population
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Au sein de la dernière tranche, les cinq derniers pourcents de couverture coûtent
7 milliards d’euros. Le coût de construction d’un réseau couvrant quatre vingt quinze
pourcents de la population est donc de 23 milliards d’euros.
Dans la durée, les opérateurs du réseau optique auront à supporter des charges
récurrentes, qui ne font pas partie du périmètre du présent modèle et sont encore
largement inconnues à ce stade, faute de recul. Les trois principaux postes de
charges récurrentes sont les suivants :
- Le coût de construction supporté par les opérateurs pour le raccordement final
d’un logement situé dans un immeuble collectif est actuellement de l’ordre de
deux cents euros par abonné. Le coût de raccordement des pavillons devrait
être sensiblement plus élevé. Avec un million de clients raccordés par an, le coût
annuel serait de 300 millions d’euros. Il n’est pas impossible que, dans la durée,
le législateur transfère cette charge de construction du réseau intérieur aux
propriétaires, comme cela s’est fait pour les autres réseaux. Cette responsabilité
a d’ailleurs déjà été transférée aux promoteurs pour les immeubles neufs.
Couverture 20% 40% 60% 80% 100%
Coût de la tranche (Mds€) 1,5 2,5 4 7 15
Coût cumulé (Mds€) 1,5 4 8 15 30
0
5
10
15
20
25
30
35
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Mil
liar
ds
€
Taux de couverture des foyers
Coût du déploiement d'une boucle locale optique(en milliards d'euros constants)
15 / 107
- Le coût de location du génie civil de l’opérateur historique dans les zones où les
réseaux sont enterrés est plus difficile à estimer. Aujourd’hui, la charge annuelle
de ce génie civil, telle qu’elle apparaît dans la comptabilité de l’opérateur,
recouvre son amortissement et la rémunération du capital immobilisé, pour un
montant de l’ordre du milliard d’euros. Au-delà de cette valorisation comptable,
pour déterminer un coût de location de ce génie civil, deux variables sont
déterminantes : la répartition de la charge du génie civil entre le cuivre
téléphonique et la fibre d’une part et, d’autre part, l’amortissement progressif
des investissements réalisés il y a quarante ans, qui devrait réduire
sensiblement les dotations annuelles aux amortissements à recouvrer par
l’intermédiaire d’un tarif de location. Les recettes annuelles que tirera
l’opérateur historique de l’occupation de son génie civil par les réseaux tout
optique devraient varier progressivement de quelques dizaines millions d’euros
en 2010, puisque peu de réseaux sont déployés, à une somme de l'ordre de 500
millions d’euros en 2030, en supposant que la contribution du cuivre sera alors
négligeable.
- Enfin, les coûts de maintenance des réseaux en fibre optique sont largement
inconnus à ce jour. Le coût de maintenance des réseaux optiques de collecte est
de l’ordre de 20 centimes d’euros par mètre et par an. La boucle locale fibre
sera vraisemblablement plus coûteuse à entretenir, car davantage déployée en
aérien et dans les logements et parties communes, donc plus exposées aux
intempéries d’une part et aux erreurs de manipulation d’autre part. Là encore,
les coûts évolueront avec les déploiements, passant de quelques millions
d’euros en 2010 à peut être 600 millions d’euros à long terme, soit deux
pourcents du coût d’investissement.
Au total, la valeur actuelle nette, à un taux de dix pourcents, de ces différentes
charges récurrentes est de l’ordre de 6 milliards d’euros, avec une hypothèse de
construction régulière du réseau optique sur trois décennies, et une bascule de
l’intégralité des abonnés du cuivre vers la fibre optique sur la même période.
B) COMPA RA ISO N AV EC L E RE SEA U T EL EPHO NI QUE
La boucle locale téléphonique a été construite dans les années soixante dix et quatre
vingt sous l’impulsion de l’Etat. Le cycle d’investissement a duré une vingtaine
d’année et a culminé à plus de 2 milliards d’euros par an à la fin des années soixante
dix. Depuis une décennie, le rythme d’investissement est relativement stable, à
moins de 500 millions d’euros par an. Ces investissements couvrent la desserte des
constructions neuves et le maintien à niveau du réseau. L’investissement cumulé sur
la période de construction proprement dite est de 33 milliards, exprimés en euros
constants.
16 / 107
0
500
1000
1500
2000
2500
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000
Investissements annuels dans la boucle locale cuivre(en millions d'euros constants)
Les ordres de grandeurs sont relativement proches de ceux anticipés précédemment
pour la construction à neuf d’une boucle locale optique desservant tous les foyers.
La répartition des masses est néanmoins un peu différente. Pour la boucle locale
cuivre, la moitié des investissements a porté sur la création de génie civil, qui existe
aujourd’hui et n’est plus à reconstruire. A l’inverse, la
création de normes de sécurité et environnementales
et l’augmentation du coût du travail faiblement
qualifié renchérissent les coûts de déploiements
actuels par rapports aux coûts de déploiements des
années soixante dix.
Le déploiement de la boucle locale cuivre s’est étalé sur plus de vingt ans, et ce en
situation de monopole, avec une pression politique constante et une forte demande
du marché, les abonnés s’inscrivant plusieurs mois, voire années à l’avance pour être
raccordés au réseau. Il est peu probable que le déploiement de la boucle locale
optique se déroule sur une échelle de temps plus courte, car le contexte est
aujourd’hui moins favorable.
Il convient néanmoins de rappeler que la moitié des investissements sont suffisants
pour raccorder quatre vingt pourcents de la population. Un objectif ambitieux pour
la fibre, au moins autant que l’était le plan de rattrapage pour le téléphone,
consisterait à souhaiter le déploiement de la fibre optique pour quatre vingt
pourcents des ménages en dix ans, puis à finir la couverture au cours des dix années
suivantes. Peut être serait-il plus réaliste d’imaginer un cycle un peu plus long, d'une
trentaine d'années, vu l’existence de technologies concurrentes.
Il a fallu vingt ans pour déployer la boucle
locale cuivre téléphonique. Elle a coûté
trente trois milliards, en euros constants
17 / 107
C) TECHNOL O GIE S T RE S H AU T DEBIT AL T ERN AT IV E S
Compte tenu des masses financières et de l’échelle de temps nécessaire à la
construction d’un réseau tout optique, la question se pose de la mise en œuvre de
technologies alternatives, de manière transitoire ou avec l’objectif de se substituer
de manière durable à une boucle locale optique qui ne serait jamais déployée dans
certaines zones. La présente section vise à donner quelques ordres de grandeur sur
leurs coûts de déploiement.
La modernisation de la boucle locale cuivre
La première étape de la modernisation de boucle locale cuivre pour fournir du très
haut débit suppose d’installer de la fibre entre les répartiteurs et les sous
répartiteurs, puis d’installer des équipements actifs à coté des sous répartiteurs. Il y
a environ cent mille sous répartiteurs en France.
Exemple de réseau de desserte de sous répartiteurs cuivre
Deux scénarii peuvent être envisagés : soit l’équipement de tous les sous
répartiteurs, soit l’équipement d’une fraction d’entre eux. Un scénario possible,
étudié par l’opérateur historique, consiste à équiper un tiers des sous répartiteurs,
ceux étant éloignés de leur répartiteur de plus de deux kilomètres. Ces sous
répartiteurs concentrent en effet la majorité des lignes longues ne supportant
actuellement pas des débits élevés.
Le coût de desserte optique des seuls sous
répartiteurs situés à plus de deux kilomètres de leur
répartiteur de rattachement couterait de l’ordre de 1,5
milliards d’euros et la desserte optique de tous les
sous répartiteurs environ 2,5 milliards d’euros. Le coût de déploiement n’est pas
proportionnel au nombre de sous répartiteurs concernés, car l’équipement d’un plus
grand nombre d’entre eux permet d’optimiser les trajets de desserte, et donc de
réduire la longueur moyenne de fibre par sous répartiteur.
Le réaménagement de la boucle locale
cuivre de l’opérateur historique est une
option moins coûteuse qu'un déploiement
tout optique FTTH ...
18 / 107
Les coûts de reconfiguration et d’installation de locaux destinés à accueillir les
équipements actifs ont été en moyenne de l’ordre de 60 000 euros par sous
répartiteur, au vu des quelques centaines de premiers sites réalisés par France
Télécom. Ces coûts peuvent encore être optimisés à mesure que le processus sera
industrialisé. L’opérateur historique néerlandais, qui a lancé un plan d’équipement
de plusieurs dizaines de milliers de sous répartiteurs, supporte un coût inférieur à 30
000 euros par site, chiffre que nous retiendrons ici dans la perspective d’un plan
d’envergure nationale permettant de diminuer les
coûts unitaires de production.
Au total, le coût d’équipement d’un plan de montée en
débit par reconfiguration et équipement des sous
répartiteurs est compris entre 3 milliards d'euros pour
équiper le tiers des sous répartiteurs et 5 milliards
d'euros pour en équiper la totalité. Pour compléter un
plan de déploiement fibre couvrant quatre vingt pourcents des ménages, le coût
serait de l'ordre de 3 milliards d'euros.
0%
20%
40%
60%
80%
100%
0 10 20 30 40 50 60 70 80
Affaiblissement en dB
Affaiblissement des lignes téléphoniques et impact de l'opticalisation des sous-répartiteurs à plus de 2 km du NRA de rattachement
Proportion des lignes (en Y) situées à moins de X dB du répartiteur
En pointi llé, après réaménagement de 35 000 sous répartiteurs
Il convient néanmoins de rappeler que l’équipement des sous répartiteurs ne
permet pas de fournir des services très haut débit à l’ensemble des ménages de la
zone. En effet, en zone rurale, le quart des lignes environ est situé à plus d’un
kilomètre du sous répartiteur de rattachement. Ces lignes peuvent disposer d’un
service haut débit de bonne qualité, mais pas de services très haut débit au sens de
la présente étude. En particulier, la diffusion simultanée de deux flux audiovisuels
haute définition n’est pas garantie et le débit ne peut pas être symétrique.
... mais celle-ci n'est performante qu'en
zone urbaine dense (moins que la fibre
toutefois). En zone rurale, même
réaménagée, la boucle locale téléphonique
n'est pas adaptée pour fournir du très haut
débit
19 / 107
Dans un scénario où quatre vingt
pourcents de la couverture serait assurée
en fibre optique, la couverture
additionnelle apportée par les sous
répartiteurs est faible, de l'ordre du quart
des ménages non couvert en fibre. La plus
grande partie des ménages couverts en
fibre sont en zones urbaine ou en bourg,
proches de répartiteurs. A contrario, les
ménages non desservis en fibre sont
éloignés de leur sous répartiteur et son
équipement ne permet pas d'apporter le
très haut débit. L'équipement des sous
répartiteurs et le déploiement de fibre jusqu'à l'abonné sont donc des technologies
essentiellement concurrentes et non complémentaires. Leurs zones de pertinence
technologique et économique se recouvrent largement mais ne se complètent pas.
L’étape suivante consiste à créer de nouveaux sous répartiteurs, pour que chaque
abonné soit situé à moins d’un kilomètre de son sous répartiteur de rattachement,
celui-ci étant raccordé en fibre et hébergeant des équipements très haut débit. Les
points figurant sur la carte ci-dessus représentent les nouveaux sous répartiteurs à
créer. Chacun ne dessert que quelques dizaines de lignes.
Nous estimons que le nombre de sous répartiteurs devrait être triplé pour atteindre
cet objectif en milieu rural. Les coûts de déploiement représenteraient environ le
tiers du coût de déploiement d’un réseau tout optique, soit 5 milliards d’euros pour
couvrir les vingt pourcents de ménages situés dans les zones les moins denses. Le
tableau ci-dessous présente une synthèse du nombre de sous répartiteurs à équiper
en fonction des objectifs de couverture, et hors déploiement fibre.
Objectif Nombre
de sous répartiteurs
Couverture des zones blanche ADSL 8 000
2 Mbits pour tous 35 000
Très haut débit sur cuivre pour 85% des ménages 100 000
Très haut débit pour tous 300 000 (création)
SOUS-REPARTITEURS A CREER EN ZONE RURALE
20 / 107
Les réseaux hertziens de prochaine génération
Les fréquences du dividende numérique libérées par le passage à la télévision
numérique terrestre sont en passe d’être réallouées aux services de
télécommunication, pour y déployer des réseaux mobiles de nouvelle génération,
susceptibles de véhiculer des services très haut débit. Ainsi qu’exposé
précédemment, le service très haut débit ne peut être
fourni effectivement que si peu d’usagers sollicitent
simultanément le réseau, ce qui exclut a priori la
diffusion audiovisuelle.
Les fréquences du dividende numérique sont proches
des fréquences des réseaux de deuxième génération.
Les opérateurs déploieront donc leurs équipements
sur les mêmes pylônes et appuis aériens, déjà construits et alimentés en énergie. En
revanche, la fourniture de services très haut débit supposera probablement le
remplacement des liens de raccordements de ces pylônes aux grands réseaux
nationaux. La plupart des stations de base, en zone rurale, sont raccordées en
faisceau hertzien ou par une liaison louée sur cuivre. Ces liens devraient être
remplacés par de la fibre optique.
Le coût de déploiement d’un réseau optique de collecte vers les dix sept milles
pylônes nécessaires pour la France coûterait environ 3 milliards d’euros. S’y ajoute le
coût des stations de base. Le coût d’un déploiement complet est donc compris entre
4 et 5 milliards d’euros. Dans la durée, la dépense réelle sera supérieure, car il sera
nécessaire de densifier le réseau pour supporter la charge de trafic dans les grandes
villes. La moitié de cette somme, soit environ 2 milliards d’euros, serait nécessaire
pour couvrir les vingt pourcents de ménages situés dans les zones les moins denses.
D) SY NT HE SE DES COUT S DE DEPL OIEME NT .
Scénario Couverture Coût
80% FTTH* + 5% SR** 85% 17 Mds€
80% FTTH + 5% SR + 15% LTE*** ≈ 100% 18 Mds€
80% FTTH + 20% SR ≈ 100% 22 Mds€
100 % FTTH ≈ 100% 30 Mds€
* FTTH : déploiement d'un réseau tout optique jusqu'aux abonnés finals
** SR : montée en débit par équipement de la sous boucle locale cuivre
*** LTE : réseau hertzien de prochaine génération, dits 4G
Les équipements des réseaux hertziens de
nouvelle génération (dits LTE ou 4G) seront
déployés sur les sites 2G et 3G existants.
Les déploiements seront donc peu coûteux
pour les opérateurs
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Les scénarii présentés ci-dessus sont optimaux, en
supposant un coinvestissement des opérateurs. En
pratique, les investissements seront en partie
concurrents et redondants. Par exemple, les
opérateurs alternatifs pourraient déployer un réseau
tout optique couvrant les quatre cinquièmes du
territoire les plus denses, auxquels l’opérateur
historique répondrait en modernisant son cuivre. Dans
le même temps, trois licences mobiles de nouvelle
génération seraient attribuées, avec de fortes obligations de déploiement. Le coût
complet du déploiement du très haut débit serait alors plus proche de 40 milliards
d’euros.
IV- EQUILIBRES ECONOMIQUES
A) ECONO MIE DE L A BOU CL E L OCAL E
Il n’est pas inutile, avant d’étudier les conditions de rentabilité des futures boucles
locales optiques, de rappeler les ordres de grandeurs économiques attachés à la
boucle locale du cuivre téléphonique et la ventilation des coûts et revenus
correspondants.
Le coût de construction de la boucle locale cuivre a été, en euros constants, de 33
milliards. Avec un taux d’actualisation de l’ordre dix pourcents et un taux de progrès
technique négatif de deux pourcents, la somme de la dotation aux amortissements
et de la rémunération du capital représente entre 2 et 3 milliards par an. S’y ajoutent
environ 600 millions d’euros de coût d’exploitation et une contribution aux coûts
communs de l’entreprise. Le coût complet de la boucle locale cuivre est donc
légèrement supérieur à 3 milliards d’euros par an.
Les revenus des services de télécommunications sur réseaux fixes sont de 16
milliards d’euros par an, dont environ la moitié pour la téléphonie et un peu plus du
tiers pour le haut débit, le reste étant composé des liaisons louées et des services à
valeur ajoutée. L’autorité de régulation estime que les revenus correspondant à
l’accès, donc à la boucle locale dont l’utilisation est ouverte aux concurrents de
l’opérateur historique, représente un chiffre d’affaire annuel de 6 milliards d’euros.
B) UN PROBL E ME DE RECET T ES , P A S DE CO UT S
Construire et exploiter la boucle locale cuivre est une activité rentable. De la même
manière, construire et exploiter une boucle locale optique qui serait en monopole
sur le territoire serait une activité extrêmement rentable, même en rémunérant à
Un déploiement très haut débit
incluant de la fibre optique (FTTH), le
réaménagement de plusieurs dizaines de
milliers de sous répartiteurs cuivre et de la
4G dans le dividende numérique coûterait
18 milliards d'euros
22 / 107
dix pourcents les capitaux immobilisés. Engager une dépense de 30 milliards d’euros
pour un revenu récurrent de 6 milliards ne pose pas de problème de rentabilité ni de
mobilisation des capitaux. Les ordres de grandeurs sont équivalents à ceux engagés
dans les autoroutes, avec une rentabilité supérieure et un risque moindre.
La principale fragilité de la rentabilité de la future boucle locale optique résulte de
son absence de monopole, car elle sera en concurrence avec la boucle locale cuivre,
la diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre et satellitaire et les réseaux mobile de
3G et bientôt 4G. Cette boucle locale sera sous utilisée au début de son exploitation,
et sans doute pour une durée relativement longue. Il convient de rappeler qu’en dix
ans, il n’y a que dix huit millions d’abonnement haut
débit, soit moins de deux tiers des lignes actives. La
migration vers le très haut débit ne sera pas
instantanée.
Le problème est aggravé par le fait que la plus grande
partie des ménages et entreprises, environ les trois
quarts, sont abonnés aux services de l’opérateur
historique. La moitié des ménages n’a jamais eu d’autres fournisseurs de services.
Les opérateurs alternatifs ont intérêt à voir se déployer ou à déployer eux-mêmes
une boucle locale concurrente de celle de France Télécom, mais leur capacité à le
faire de manière rentable est obérée par leur relativement faible nombre d’abonnés.
Leurs projets de déploiements sont structurellement cantonnés à la zone urbaine en
l’absence de coinvestissement de la part de France Télécom.
Or l’opérateur historique n’a aucun intérêt à voir se déployer une boucle locale
concurrente de la sienne. Même si une boucle locale devait être déployée à grande
échelle, il n’est pas évident que France Télécom accepte de la cofinancer. Les
chiffrages précédents montrent que la modernisation de son réseau cuivre lui
coûterait moins cher, sur une grande partie du territoire, que le tiers du coût de
construction d’une boucle locale optique. D’ailleurs, les services pouvant être fournis
via un réseau tout optique ne devant pas être, au moins pendant quelques années,
radicalement différents de ceux pouvant être fournis
sur une boucle locale cuivre modernisée, cela tend à
conforter une posture attentiste de l’opérateur
historique.
Le propos n’est bien évidemment pas de considérer
que tel ou tel acteur aurait un comportement plus
vertueux qu’un autre. Le problème fondamental est
que la boucle locale cuivre a pu être déployée relativement facilement parce qu’elle
était en monopole et que, tant que celle-ci ne sera pas démontée, la boucle locale
optique sera en concurrence et donc moins facile à financer et à déployer. Une
activité de construction et de gestion d’autoroute est en général rentable. En
revanche, peu d’industriels prendraient le risque de construire une nouvelle
autoroute parallèle à une autoroute existante et non saturée, et encore moins le
gestionnaire de celle-ci.
... mais les futures boucles locales optiques
seront concurrencées par la boucle locale
cuivre de l'opérateur historique. Celle-ci
captera durablement la plus grande partie
des dépenses télécoms des ménages
Les revenus de la boucle locale sont de six
milliards d'euros par an. Le déploiement
d'une nouvelle boucle locale très haut
débit pour vingt à trente milliards d'euros
ne devrait donc pas être un problème ...
23 / 107
C) CAP ACIT E DE F I N AN CEME NT DE S A CT EUR S PRIV E S
Les opérateurs alternatifs construisent en zone très dense des boucles locales
optiques dont le coût est compris entre deux cent et deux cent cinquante euros par
prise. L’équation économique intègre les revenus qu’ils tireront de la
commercialisation de la partie terminale du réseau, dans les immeubles, auprès des
autres opérateurs ainsi que les économies de location de la boucle locale cuivre
auprès de l’opérateur historique. En zone moins dense, leur disposition à payer est
plus faible, car leur part de marché est inférieure et les
coûts de raccordement des clients vraisemblablement
plus élevés dans le tissu pavillonnaire.
Prenons ici l’hypothèse que les deux principaux
opérateurs alternatifs du haut débit ont chacun une
disposition à payer de cent cinquante euros par prise.
Considérons ensuite l’hypothèse, non fondée à ce
stade, que l’opérateur historique est prêt à financer la construction d’une boucle
locale optique pour un montant équivalent pour l’utiliser plutôt que de moderniser
son réseau cuivre. La disposition à payer des autres opérateurs est négligeable,
compte tenu de leurs parts de marché. La communauté des opérateurs est donc
disposée à payer environ 500 euros par prise.
0 €
1 000 €
2 000 €
3 000 €
4 000 €
5 000 €
6 000 €
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Taux de couverture des foyers
Coût par prise du déploiement d'une boucle locale optique
(en euros constants)
Leur disposition à payer pour couvrir quatre vingt pourcents des ménages, soit vingt
trois millions de prises, serait de l’ordre de 11,5 milliards d’euros, à comparer à un
coût de construction de 15 milliards d’euros. Le plan d’affaire de construction du
réseau n’est pas trop déséquilibré. Un étalement du paiement des opérateurs, par
exemple au moyen d’un prêt à taux bonifié ou d’une garantie d’emprunt, peut
Les opérateurs privés pourraient couvrir
en fibre, sur fonds propres, environ
la moitié des ménages. Au delà, des
apports publics seront nécessaires
24 / 107
suffire à couvrir une large partie de cette première zone, peut être la moitié des
ménages français.
Pour les vingt pourcents les moins denses en revanche, l’équation économique est
inverse. La disposition à payer des opérateurs est inférieure à six milliards d’euros,
alors que le coût de construction est de 15 milliards également. Le besoin de
financement public est évident. La mise en place de mécanismes de péréquation
entre les deux zones, les quatre vingt pourcents les plus denses et le vingt pourcents
les moins denses ne serait pas opérants, la première zone ne pouvant déjà être
qu’en partie couverte en saturant la disposition à payer des opérateurs. Un
financement public externe prélevé soit sur le consommateur d’autres segments du
marché, soit sur le contribuable, est nécessaire.
V- LE DEPLOIEMENT DES AUTRES INDUSTRIES DE RESEAU
Le déploiement des autres infrastructures de réseau a presque toujours bénéficié de
facilités accordées par les pouvoirs publics, qu’il s’agisse de mécanismes non
financiers facilitant leur implantation puis leur commercialisation ou de mécanismes
de péréquation horizontale assurant une solidarité territoriale pour le déploiement
des infrastructures.
A) OCT ROI DE PREROG AT IV E S DE P UI SS A NCE PUBL I QUE
Tous les opérateurs déployant des infrastructures ont bénéficié de prérogatives
exorbitantes du droit commun. L’exemple-type est le régime de l’article 12 de la loi
du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie, qui permet l’octroi, après enquête
publique, de servitudes d’implantation des lignes électriques sur les propriétés
privées, toujours en vigueur aujourd’hui. Des mécanismes similaires existent aussi
pour l’installation d’oléoducs et de gazoducs.
Pour les réseaux de télécommunications, tous les opérateurs disposent désormais,
d’un droit de passage sur le domaine public routier, étendu récemment au domaine
public non routier. Les opérateurs bénéficient aussi de
la possibilité d’obtenir l’octroi de servitudes sur les
propriétés privées, mais cela est très peu utilisé par les
opérateurs en pratique.
Les câblo-opérateurs ont par ailleurs longtemps
bénéficié d’une servitude leur permettant d’installer
leurs réseaux à l’intérieur des immeubles collectifs, leur épargnant ainsi l’octroi
d’une autorisation expresse de l’assemblée générale des copropriétaires.
En l’occurrence, pour le très haut débit, la loi de modernisation de l’économie du 4
août 2008 a, d’une part, modifié le régime des immeubles en copropriété des
Tous les opérateurs d'infrastructures,
y compris télécoms, disposent de droits
de passage sur le domaine public
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immeubles bâtis, en réservant des règles de majorité assouplies pour l’installation de
réseaux optiques internes et, d’autre part, institué un « droit à la fibre » pour tout
occupant d’un logement souhaitant être raccordé en très haut débit. Ces deux
dispositifs ne concernent toutefois que l’intérieur des immeubles collectifs, et
s’inscrivent dans le cadre plus large de mutualisation de la partie terminale des
réseaux optiques, le plus souvent verticale (à l’intérieur des immeubles). Aucun
mécanisme similaire n’a toutefois été prévu pour le déploiement de la partie
horizontale des réseaux.
B) OCT ROI D ’U NE SIT U AT IO N DE MO NOPOL E O U D ’OL I G OPOL E L EGAL
Il s’agit d’une voie permettant de faciliter le déploiement d’une infrastructure, les
pouvoirs publics accordant un droit exclusif de fourniture du service qui lui est
associé. Ce monopole permet en principe à l’opérateur de fixer ses prix en fonction
du seul consentement à payer de ses clients et non d’offres concurrentes.
Cette liberté tarifaire est totale dès lors qu’aucun service substituable à celui fourni
par le monopole n’existe. L’exemple-type est le service téléphonique avant
l’apparition du mobile, ou encore la fourniture d’électricité en France avant sa
libéralisation.
Cette liberté est moindre en revanche si le consommateur peut s’affranchir de la
prestation du monopole. Typiquement, la SNCF doit prendre en compte la
concurrence du transport aérien, pour certaines
liaisons TGV, et du transport routier, notamment pour
le fret.
Des mécanismes de modérations tarifaires sont
souvent mis en place, par exemple par des procédures
d’homologation des hausses par les pouvoirs publics.
Dans la durée, ceux-ci s’avèrent en général moins
contraignants et moins aléatoires que la pression tarifaire d’un marché
concurrentiel.
Enfin, le monopole tend à l’uniformité tarifaire sur sa zone d’emprise, que celle soit
imposée ou non par la puissance publique. En l’absence d’obligation légale, il est
parfois plus simple, voire plus économe, de procéder à une forme de péréquation
interne que de tenter d’identifier les coûts de chaque unité produite pour élaborer
des tarifs différenciés.
Mais le monopole est généralement contraint à l’uniformité tarifaire par la
puissance publique, qui lui impose de fournir un tarif identique quelle que soit la
localisation de sa délivrance. C’est dans ce cadre que sont mis en place les
mécanismes de péréquation.
Enfin, l’octroi de ressources rares à un nombre limité d’acteurs permet aussi
d’imposer des contraintes de couverture. L’exemple-type est fourni par les licences
La plupart des grandes infrastructures ont
été déployées par un monopole, libre de
fixer des tarifs suffisamment élevés pour
équilibrer ses coûts. Ce ne sera pas le cas
pour la fibre optique
26 / 107
de téléphonie mobile, leurs détenteurs, membres d’une forme d’oligopole légal,
sont soumis à des obligations de couverture de l’ensemble du territoire. En
revanche, l’oligopole exclut tout mécanisme de contrôle et de péréquation tarifaire,
ses étant réputés concurrents.
C) MECAN I SME S DE PERE QU A T ION
La logique de péréquation
La plupart des grandes infrastructures de réseaux ont été financées par le
mécanisme dit de la péréquation horizontale (ou géographique), qui suppose pour
simplifier, que les recettes tirées de l’exploitation d’une infrastructure dans les zones
plus denses d’un territoire viennent financer le déploiement de cette infrastructure,
et dans certains cas le déficit de son exploitation, dans les zones moins rentables.
Cette logique a gouverné la construction de la plupart des grandes infrastructures de
réseaux, qu’elles aient été déployées dans un cadre national, régional ou local, qui a
été confiée généralement à un opérateur économique disposant, sur un territoire
donné, d’un monopole de fourniture du service. Cette même logique a aussi été
appliquée à d’autres secteurs n’impliquant pas la construction d’une infrastructure,
toujours pour garantir la fourniture d’un service dans
une zone que l’initiative privée ne couvrirait pas
spontanément.
Dans la mise en place d’un mécanisme de péréquation,
la structuration du marché est déterminante. Elle
permet d’abord de circonscrire l’assiette d’un éventuel
prélèvement au niveau matériel et géographique. Elle peut aussi servir à segmenter
verticalement un même secteur pour limiter l’intensité concurrentielle à certaines
prestations, de sorte que d’autres puissent permettre aux opérateurs protégés de
réaliser cette péréquation dans leur comptabilité interne.
En fonction de la structuration du marché, la péréquation est interne ou externe. Au
niveau national, l’octroi par la puissance publique d’un monopole à un opérateur
unique et verticalement intégré conduit celui-ci à réaliser cette péréquation au sein
de sa propre comptabilité, sans autre mécanisme de redistribution externe.
L’exemple-type de la péréquation interne est celui du réseau téléphonique avant la
libéralisation. Le système coopératif mis en place entre les entreprises de presse, au
sein des Nouvelles messageries de la presse parisienne, réalise également une
péréquation entre la distribution des magazines, activité rentable, et celle de la
presse quotidienne nationale, qui ne l’est pas. Ce système coopératif a ses limites,
car il repose sur le volontariat : un éditeur de magazines peut, s’il ne souhaite pas
supporter indirectement le coût de la presse quotidienne nationale, s’adresser à un
distributeur dont l’activité repose uniquement sur les magazines.
En monopole, les mécanismes de
péréquation tarifaire sont internalisés par
l'entreprise soumise à une obligation de
tarification homogène sur le territoire
27 / 107
En revanche, dès lors qu’un marché est structuré, horizontalement et/ou
verticalement, sur une base infranationale, des mécanismes de redistribution
externes sont souvent institués, bien qu’ils ne soient pas exclusifs de péréquation
interne sur certains segments. Dans ce schéma, tous les opérateurs locaux sont
censés, en fonction de leurs capacités financières, contribuer à un fonds de
péréquation pour financer l’investissement ou l’exploitation des opérateurs locaux
devant supporter des charges particulières.
Un mécanisme de ce type a été mise en œuvre pour favoriser le déploiement des
réseaux de distribution d’électricité, dont les communes (souvent réunies dans le
cadre de syndicats) ont la charge. Les concessionnaires de ces réseaux sont soumis à
un prélèvement proportionnel au nombre de kilowatts heure fournis abondant le
Fonds d’amortissement des charges de l’électricité
(FACE), dont les recettes sont ensuite redistribuées au
niveau national, puis départemental, pour assurer la
couverture des zones rurales.
Pour le déploiement des réseaux de distribution d’eau,
un mécanisme similaire a été mis en place via le Fonds
national d’adduction en eau (FNDAE), comme pour
celui des autoroutes. Ces deux mécanismes ont été
aujourd’hui abandonnés.
Enfin, lorsque la péréquation intra-sectorielle s’est révélée insuffisante à couvrir un
besoin de financement, des ressources opportunistes extra-sectorielles ont pu être
utilisées pour abonder ces fonds : les recettes du PMU pour le FNDAE, ou encore la
part des recettes des radars automatiques allouée à l’Agence française de
financement des infrastructures de France (AFTIF), affectée notamment aux lignes à
grande vitesse. Les recettes fiscales non-affectées permettent quant à elles de
financer, à travers le budget de l’Etat certaines infrastructures routières, là encore
dans un souci d’aménagement du territoire.
Les opérateurs déployant ces réseaux ont aussi bénéficié, en plus de subventions,
d’outils de financement spécifiques : avances remboursables pour le réseau
téléphonique et les réseaux d’adduction d’eaux, des prêts à taux bonifiés et
l’émission d’emprunts obligataires (pour les autoroutes notamment).
L’impact de la libéralisation
La libéralisation d’un secteur remet généralement à plat ces modalités de
financement. Sa structuration historique éclate, au niveau horizontal comme
vertical, en imposant a minima une adaptation des mécanismes historiques de
péréquation, sinon leur suppression.
Trois options sont ouvertes pour perpétuer le financement des missions de service
public datant du monopole : la sanctuarisation d’un secteur réservé dont les acteurs
pratiquent toujours une péréquation interne, leur prise en charge par la
Les fonds de péréquation ou de soutien
sont en revanche nécessaires et
généralisés lorsqu'il n'existe pas de
monopole national, par exemple pour la
distribution électrique ou pour la
distribution d'eau
28 / 107
communauté des acteurs du secteur et leur fiscalisation, en faisant porter cette
charge sur les consommateurs.
On retrouve notamment des secteurs réservés dans les transports ferroviaires, les
services postaux et l’électricité. Pour les transports ferroviaires, l’infrastructure a été
dissociée dès 1997 de l’exploitation, avec la création
de Réseau ferré de France (RFF), ce qui a permis une
libéralisation progressive et limitée à certains
segments : fret et transport international de
voyageurs, avec possibilité de cabotage à l’intérieur
d’un même Etat sont ou seront très prochainement
ouverts à la concurrence, mais le transport régional demeure soumis à un monopole
d’exploitation.
Par ailleurs, au niveau régional, les dépenses d’infrastructures sont prises en charge
par l’Etat, par RFF et par la Région. La séparation structurelle fut ici le préalable à la
libéralisation.
Dans le secteur postal, La Poste bénéficie d’un secteur réservé (pour les courriers et
colis les plus légers) uniquement à titre transitoire, la libéralisation totale étant
prévue en 2011.
Pour l’électricité, la distribution demeure un secteur réservé, car il n’existera
toujours, même si Electricité réseau de distribution France (ERDF) vient à être mise
en concurrence, qu’un exploitant du réseau. De même, le transport est aussi confié
uniquement à Réseau de transport d’électricité (RTE). Les tarifs de ces deux
segments demeurent réglementés par le biais du Tarif d’utilisation des réseaux
publics d’électricité (TURPE), dont la fixation résulte
notamment d’une péréquation interne. Un Fonds de
péréquation de l’électricité (FPE) destiné à compenser
les charges d’exploitation des distributeurs non
nationalisés a par ailleurs été mis en place ; il est
alimenté par ERDF.
Ensuite, la prise en charge du financement des
missions de service public historiquement attachées au
monopole par les acteurs d’un marché libéralisé, c’est
la logique du service universel. Si ces missions ont un coût, les ressources dégagées
sont attribuées aux acteurs acceptant de continuer à les exécuter.
Le service universel a été mis en place dans le secteur des communications
électroniques, et le sera probablement dans le secteur postal une fois la
libéralisation achevée. Le service universel est conçu comme un service de base
fourni à partir d’une infrastructure pour l'essentiel déjà existante. En France, le coût
net du service universel des communications électroniques est faible : 880 000 euros
en 2007. Le mécanisme de service universel pourrait être peu opérant pour soutenir
le déploiement d'une nouvelle infrastructure filaire. Dans les pays où le réseau
Les fonds de péréquation peuvent être
abondés par une taxe prélevée sur les
consommateurs (électricité), sur les
opérateurs (service téléphonique)
ou par un financement extra-sectoriel
(PMU pour l'eau, budget général pour la
presse, la route ou le rail ...)
Dans les secteurs libéralisés, la tendance
est à la fiscalisation des mécanismes de
péréquation
29 / 107
cuivre est peu développé, le service universel téléphonique est le plus souvent fourni
par voie hertzienne.
Enfin, la répercussion directe sur le consommateur de charges auparavant
supportées par les opérateurs est également pratiquée. En effet, pour la production
d’électricité, les obligations tarifaires pesant sur la production fournie par EDF sont
désormais, compte tenu de l’ouverture à la concurrence de ce segment, répercutées
sur le consommateur final par le biais de la contribution pour le service public de
l’électricité (CSPE). En outre, les coûts des extensions et du branchement liés au
raccordement d’un nouvel usager au réseau de distribution ne sont pris en compte
qu’à 40% par le TURPE, de sorte que là encore les 60% restant de ces deux postes
sont pris en charge directement par la collectivité concédante et l’usager.
Ces différents mécanismes montrent que la libéralisation complique le financement
du maintien, sur la totalité du territoire, d’un niveau de service homogène. Si la
garantie d’un service universel de base peut, dans une certaine mesure, être
supportée uniquement par les acteurs du marché, aller au-delà implique de
mobiliser des financements complémentaires ou de sanctuariser des secteurs
réservés à un monopole, légal ou de fait.
Pour les communications électroniques, donc le très haut débit, le marché n’est
structuré horizontalement ou verticalement que par les logiques propres des
opérateurs privés, non un cadre réglementaire particulier. Le financement du très
haut débit sur le territoire implique nécessairement la combinaison de plusieurs
mécanismes, que ce soit l’octroi de versements compensatoires pour déploiement
de services d’intérêt économique général, de participations en capital ou de facilités
de financement tel que les prêts à taux bonifiés.
D) FA CIL IT ES DE F IN A NCE MENT
En complément des mécanismes de péréquation horizontale, de nombreux modes
de financement autres que l’aide directe aux opérateurs déployant les
infrastructures ont été utilisés. Ils ont déjà été
partiellement évoqués plus haut, et fournissent des
outils pertinents permettant de répondre, dans
certains cas, à des besoins de financement qu’il n’est
pas forcément nécessaire de satisfaire par le biais
d’aides directes.
Ces outils tels que les avances remboursables, les prêts
à taux bonifiés ou les garanties d’emprunt ont
récemment été remis au gout du jour par la crise
financière de l’automne 2008. L’émission d’un grand emprunt national pour financer
des projets d’infrastructures s’inscrit d’ailleurs dans cette logique, et les collectivités
utilisent d’ailleurs souvent la possibilité d’accorder des garanties d’emprunt.
L'octroi de prêts à taux bonifiés ou de
garanties d'emprunts sont des outils
efficaces pour alléger la charge financière
d'une infrastructure en construction,
n'ayant pas encore beaucoup de clients
et donc de recettes
30 / 107
Ces outils offrant une réelle souplesse. L’État l’a d’ailleurs récemment prouvé en
accordant sa garantie et, via la Caisse des dépôts, des prêts à des conditions
préférentielles, dans le cadre de la loi de la loi du 17 février 2009 pour l’accélération
des programmes d’investissement et de construction publics et privés. L’usage
combiné de ces outils est nécessaire au vu des importants besoins de financement
nécessaires à la construction d’un réseau très haut débit fixe à l’échelle nationale.
Si ces facilités de financement ne sont pas octroyées dans le cadre de contrats
publics, elles devront être liées à des contreparties pour leur bénéficiaire, comme
par exemple une obligation d’ouverture et de neutralité des infrastructures
déployées, à même de favoriser la concurrence sur le marché de détail.
E) AT T RIBUT IO N DES A IDE S E T ORG AN IS AT IO N IN ST IT UT ION NEL L E
Dans chacun des secteurs analysés, un maître d’ouvrage public a été clairement
identifié dès l’origine pour piloter et planifier le déploiement de l’infrastructure : les
communes pour la distribution d’électricité et l’eau, la région pour les transports
ferroviaires locaux, l’Etat pour les autoroutes, les liaisons aériennes, la production et
le transport d’électricité. Cet élément est essentiel pour asseoir un mécanisme de
financement du déploiement et des déséquilibres des charges d’exploitation, car la
maîtrise d’ouvrage unique facilite la récolte des fonds et leur redistribution.
Pour le très haut débit, la désignation d’un échelon unique pour assurer la maîtrise
d’ouvrage de projets portés par les collectivités et/ou l’Etat n’apparaît pas
essentielle. L’article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales, voté en
2004, institue un service public local facultatif dont tous les échelons (Commune,
Département, Région) peuvent devenir autorité organisatrice. Au vu de la centaine
de projets lancés depuis, cette souplesse n’a jamais conduit à des duplications de
réseaux publics, mais a au contraire permis des interventions complémentaires. Les
collectivités ont très majoritairement respecté l’obligation légale de cohérence de
leurs actions. Pour le très haut débit, cette complémentarité peut être confortée par
l’élaboration concertée de schémas directeurs d’aménagement, comme cela sera vu
plus loin. Désigner a posteriori un échelon unique risque de perturber l’équilibre des
projets déjà lancés, alors même que le très haut débit implique une mobilisation de
tous ces échelons.
Ensuite, la redistribution des fonds, prélevés en principe sur les recettes tirées des
zones rentables, s’organise à l’échelon national dans un premier temps, puis local
dans un second temps. Sur ce point, le mécanisme du FACE paraît robuste et il
permet une répartition des recettes auprès des collectivités sous l’égide de l’Etat. La
décentralisation pourrait justifier une augmentation du pouvoir des collectivités,
mais seul l’Etat est légitime à assurer, par la redistribution, une véritable solidarité
nationale entre zones urbaines et rurales.
31 / 107
F) SY NT HE SE
Intrasectoriel Extrasectoriel
Fonds d'amortissement des
charges d'électrification
(FACE)
Distributeurs
(kWh)350 M€ Subvention
Autorités
organisatrices
(communes)
Fonds de péréquation de
l 'électricité (FPE)
Distributeurs
(recette nettes)7 M€ Subvention
Distributeurs
non
nationalisés
Contribution au service
public de l 'électricité (CSPE)
Consommateurs
(kWh)1 400 M€ Subvention EDF
Eau FNDAE (supprimé en 2005)
Distributeurs
(m³ d'eau
distribués)
Prélèvement
des recettes
PMU
175 M€
Subventions
Prêts à taux
réduits
Autorités
organisatrices
(communes)
Transport
aérien
Fonds de pérequation des
transports aériens (FPTA)
Supprimé en 1999
Transporteurs
(nombre de
passagers)
150 M€ SubventionExploitants des
l ignes
PosteFonds postal national de
péréquation territoriale
Contributeur
(abattement
fiscalité locale)
140 M€ La Poste
Audiovisuel
public
Compensation de la
suppression partielle de la
publicité
Chaînes
hertziennes
nationales
Opérateurs
télécom350 M€ Subvention
France
Télévisions
Télécom Fonds de service universel
Opérateurs
(chiffre
d'affaires)
22 M€ Subvention
Opérateur(s)
désigné(s) par
appel d'offres
Routes
nationales
Entretien du réseau routier
national non concédé
Budget général
Etat1 025 M€
Investis-
sements
directs
Secteur du BTP
Bénéficiaires de
l 'aide
Montant
annuel
collecté
Electricité
Type de prélèvement,
contributeurs et assietteSecteurs Nom
Forme de
l 'aide
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VI- LES SOUTIENS POSSIBLES AU DEPLOIEMENT DU TRES HAUT DEBIT
A) ST RUCT URAT IO N IN DU ST RI EL L E DES O PERAT E UR DE F IBRE OP T I QUE
Nous distinguerons dans cette partie concurrence par les infrastructures et
concurrence par les services. On parle de concurrence par les infrastructures lorsque
deux réseaux au moins ont été déployés sur la même zone, par exemple le câble et
le réseau téléphonique. Lorsqu'il y a un seul réseau en monopole, il peut néanmoins
exister une concurrence par les services. Plusieurs
fournisseurs utilisent le même réseau pour proposer
leurs services. Le marché de l'ADSL est organisé de
cette manière.
Pour la fibre optique, une notion de concurrence par
les réseaux pourrait être introduite, intermédiaire
entre la concurrence par les infrastructures et la
concurrence par les services. Il s'agit d'un déploiement de réseaux et de câbles
optiques dans lesquels chaque opérateur disposerait du droit d'usage de long terme
d'une partie des fibres. Il n'y aurait pas duplication d'infrastructures lourdes, comme
les tranchées. Chaque opérateur disposant de ses fibres, il n'aurait pas être, à la
différence de l’ADSL, durablement locataire des lignes d'un concurrent, ce qui
diminue le besoin de régulation et assainit les conditions de marché sur le long
terme.
Les infrastructures de réseaux sont souvent perçues comme étant des monopoles
naturels. Les études économiques et l'expérience ont montré que la situation n'était
pas aussi simple. Le coût de construction de l'infrastructure est évidemment moins
élevé si un seul réseau est déployé que si plusieurs opérateurs construisent chacun
leur infrastructure, multipliant les réseaux et les investissements.
Cette notion s'applique à presque toute
industrie. Par exemple, il serait moins coûteux
de n'avoir en France qu'une seule chaîne de
production de voitures que d'avoir plusieurs
industries concurrentes. Ce modèle de
production a d'ailleurs historiquement été
retenu en Europe de l'est. L'expérience a
montré, pour l'industrie automobile, que le
marché fonctionnait de manière plus
satisfaisante en concurrence qu'en monopole.
De même, le dégroupage, impliquant la Nombre d’opérateurs
1 2 3 4
Niveau des tarifs
Il est possible d'organiser une concurrence
par les services entre plusieurs opérateurs,
même si l'infrastructure sous jacente est
unique. Ainsi, il y a plusieurs opérateurs
ADSL mais une seule boucle locale cuivre
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duplication des réseaux de collecte, a probablement conduit à un marché du haut
débit plus satisfaisant que si l'opérateur historique était resté en monopole.
Il existe en effet une autre variable à prendre en compte : la pression concurrentielle
du marché, d'autant plus importante que le nombre d'industriels est élevé. Cette
pression concurrentielle tend à diminuer les prix et stimuler l'innovation, chaque
industriel cherchant à prendre l'avantage sur ces concurrents. Le schéma ci-contre
présente une vision simplifiée de ces deux dynamiques.
Pour une boucle locale fixe, la question de l'organisation industrielle optimale
dépend de la densité. Dans les zones denses de la plupart des pays, deux boucles
locales concurrentes ont été déployées, le téléphone et le câble. Les pays où le taux
de pénétration du haut débit est le plus élevé sont ceux où la concurrence entre ces
deux réseaux a été la plus vive, comme aux Pays Bas.
La boucle locale optique n'est donc vraisemblablement pas un monopole naturel en
ville dense, typiquement sur l'emprise actuelle du câble en France. Si le câblo-
opérateur et tous les opérateurs alternatifs fusionnaient, ils auraient les moyens de
développer un réseau tout optique sur une large partie de la zone d'emprise du
câble. Ce réseau aurait un concurrent : le réseau très haut débit qu'y déploierait
vraisemblablement l'opérateur historique. Une telle
concentration du marché n'est toutefois pas
souhaitable pour le dynamisme du marché de
télécommunications dans son ensemble.
En revanche, dans les zones moins denses, l’équilibre
économique du déploiement du très haut débit parait
fragile voire impossible si plusieurs infrastructures
concurrentes devaient se déployer simultanément. En
l’état actuel de la connaissance des coûts de
déploiement et de la disposition à payer des ménages, la zone la moins dense,
typiquement la zone rurale hébergeant vingt pourcents de la population, constitue
vraisemblablement une zone de monopole naturel du très haut débit filaire. Sur les
zones les plus rurales, il n'est pas exclu que le très haut débit hertzien soit également
un monopole naturel. Le schéma ci-dessous synthétise le propos en matière
d'organisation industrielle optimale pour le déploiement du très haut débit, selon les
principes économiques exposés précédemment.
Taux de couverture
Types de zones
Organisation optimale
Grandes villes Urbain dense RuralPériurbain et petites villes
20 % 40 % 80 %60 % 100 %
Concurrence MonopolePas de certitude économique
En zone rurale, l’optimum économique et social consisterait à ne construire qu’une
seule boucle locale optique, ouverte à tous les opérateurs et neutre, afin de
minimiser les investissements et de maintenir un certain degré de concurrence sur le
marché de détail auprès des clients finals. L’exemple du haut débit sur la paire de
En zones périurbaines et rurales,
il ne serait pas raisonnable de déployer
plusieurs boucles locales optiques
concurrentes. Des mécanismes de
coinvestissement ou de partage
(dégroupage) d'une infrastructure
unique devront être privilégiés
34 / 107
cuivre, caractérisé par la compétition fondée sur le dégroupage, a montré que
l’intensité concurrentielle résultant de l’usage d’une seule boucle locale passive
partagée était satisfaisante, à condition toutefois d’une régulation contraignante
pour son détenteur. Les opérateurs se font concurrence sur les services, en utilisant
tous la même infrastructure en monopole.
Poursuivant cette logique, il est tentant de penser que la constitution d’un
monopole de réseau filaire très haut débit couvrant quatre vingt pourcents des
ménages résidant à l'extérieur des plus grandes agglomérations constituerait une
réponse adaptée. La création d’un tel acteur permettrait à la fois d'accélérer la
couverture en fibre optique et de limiter les mouvements de concentration
spontanés du secteur autour de deux acteurs, comme précédemment évoqué.
L'opérateur historique, intégré ou structurellement séparé
Il s’agit de demander à l’opérateur historique de faire migrer son réseau vers la fibre
optique, en finançant cette mutation par la rente de monopole du cuivre et en tant
que de besoin des financements publics. Dans la mesure où la rente de situation du
cuivre serait prélevée, en partie, sur les opérateurs concurrents par le maintien du
tarif du dégroupage au dessus des coûts du cuivre seul, des gages devraient leur être
donnés sur la neutralité du nouveau réseau vis à vis de l’ensemble des opérateurs,
de fait financeurs. Ces gages peuvent être gradués :
- maintien d'un opérateur historique verticalement intégré, mais régulation
asymétrique des réseaux optiques qu'il déploie, permettant leur dégroupage et
leur utilisation par les opérateurs concurrents. En droit européen, le régulateur
peut avoir des difficultés à réguler et à spécifier les caractéristiques d'une
infrastructure qui n'existe pas encore. Si cette voie devait être retenue, les
pouvoirs de l'Autorité de régulation en matière de régulation et de dégroupage
des réseaux optiques déployés par France Télécom devraient probablement être
renforcés par voie législative.
- séparation fonctionnelle du réseau de boucle locale ou de sous boucle locale au
sein de l’opérateur historique garantissant une non discrimination en matière
d’approvisionnement des opérateurs de services ; cette option ne garantit
toutefois pas que les caractéristiques structurelles du réseau déployé par
l’opérateur historique n’avantagent pas, de manière décisive, sa propre activité
sur le marché de détail au détriment de celle de ses concurrents ;
- séparation structurelle, avec ouverture du capital et des organes de décision de
l’entité créée à des investisseurs neutres, voire plus directement aux
concurrents de l’opérateur historique ; il s’agit vraisemblablement d’une
opération positive à moyen terme pour l’ensemble des acteurs, opérateur
historique et ses actionnaires compris, mais risquée à long terme pour France
Télécom qui y perd sa base arrière de monopole verticalement intégré sur le
marché fixe français ; de fait, l’opérateur historique s’est toujours opposé à une
telle scission ;
35 / 107
La solution la plus efficace serait que
l'opérateur historique déploie les futures
boucles locales optiques, en finançant ces
investissements par la rente de monopole
de la boucle locale cuivre
Une séparation structurelle a été systématiquement mise en œuvre en Europe pour
les réseaux électriques. En France, une séparation à été mise en œuvre pour le rail,
plutôt sur un modèle fonctionnel dans la mesure où RFF sous-traite la totalité des
opérations d’exploitation et de maintenance à la SNCF. Les détracteurs de la
séparation fonctionnelle estiment qu’il est très difficile, dans le secteur des
télécommunications, de dissocier réseaux et services.
Cette difficulté tend à s'amoindrir si la disjonction
s’opère entre infrastructures passives d’une part et
réseau activé et services d’autre part.
Au Royaume-Uni, la construction d'un réseau très haut
débit fixe est mise en œuvre par la division Open
Reach de British Telecom, dans le cadre d’une
séparation fonctionnelle. Le problème du financement croisé entre le cuivre et
l’optique s’y pose de manière moins aigue qu’en France, car le dégroupage est moins
utilisé. Le principal opérateur alternatif y est le câblo-opérateur, qui n’utilise pas le
réseau de l’opérateur historique du téléphone. L’entité « réseau » étant quasiment
en monopole sur son segment de marché, elle n’a que peu d’intérêt, dans la durée, à
améliorer ses performances, tant en termes de coûts que de qualité de service, et
doit être régulée durablement.
En France, il semble difficile de contraindre l’opérateur historique à une séparation
structurelle s’il n’est en est pas lui-même moteur. France Télécom pourrait arguer
d’une inégalité de traitement par rapport à ses concurrents directs, Telefonica et
Deutsche Telekom, qui sont, et resteront probablement, verticalement intégrés,
alors qu’il serait fragilisé par une telle opération.
Création d’une société de coinvestissement
Ce scénario consiste en la création d'une société projet, en charge de la construction
d'un réseau passif très haut débit, dont les opérateurs seraient clients et, dans la
mesure du possible, actionnaires. Une telle société peut être mise en place de
manière spontanée par les opérateurs pour couvrir les zones dans lesquelles
l’investissement privé est rentable, à condition de le mutualiser. Les estimations
précédentes laissent penser que les trois ou quatre
principaux opérateurs pourraient coinvestir dans un
réseau couvrant environ la moitié des ménages.
A ce stade, les opérateurs ne semblent pas s’engager
spontanément dans la constitution d’une telle société.
Il convient de noter que les opérateurs possédant une
boucle locale y ont objectivement peu intérêts, surtout
s’ils estiment que le blocage des projets de coinvestissement leur permettra de faire
perdurer leur oligopole sur la boucle locale :
- soit parce que l’absence de projet de coinvestissement bloque les initiatives de
l’Etat et évite donc une accélération du déploiement de la fibre ;
De même, les opérateurs de boucles
locales n'ont que peu d'intérêt à participer
à une société de coinvestissement
déployant un réseau de fibre optique
venant concurrencer leurs réseaux existant
36 / 107
- soit parce que l’Etat, pour accélérer le déploiement de la fibre, n’aurait d’autre
solution que de négocier un plan d’investissement avec l’opérateur historique.
Dès lors les moyens dont disposent les pouvoirs publics impulser la création d’une
société en charge de la construction de la boucle locale optique sont peu nombreux.
Deux scénarii polaires peuvent être envisagés.
Le scénario maximaliste consisterait pour l’Etat à se désengager progressivement de
l’opérateur historique, en ce qu’il n’est plus un outil permettant de mettre en œuvre
la politique industrielle souhaitée pour le très haut débit, et à s’engager
massivement dans la création d’une nouvelle structure en charge du déploiement de
la fibre optique. La valeur des parts détenue par l’Etat dans l’opérateur historique
est comprise entre 10 et 15 milliards d’euros. En attirants des fonds d’investissement
privés et en levant de la dette, l’Etat aurait donc, à budget constant, largement les
moyens de déployer un réseau fibre d’ampleur nationale.
Ce scénario est moins satisfaisant que la séparation structurelle, à la fois pour l’Etat
et pour l’opérateur historique. En effet, le nouveau réseau optique et le réseau
cuivre potentiellement modernisé seraient en concurrence sur le long terme, ce qui
obérerait leur rentabilité. Par ailleurs, les conséquences politiques et sociales d’une
telle décision sont difficiles à anticiper en France.
Un scénario maximaliste de ce type a été retenu par le gouvernement australien qui
a annoncé en 2009 la création d’une société commune à l’échelle nationale chargée
de la construction d’un réseau très haut débit couvrant quatre vingt dix pourcents de
la population d’ici huit ans. L’Etat et les collectivités locales détiendront la majorité
des capitaux pendant la phase de construction, avant de les céder au secteur privé
une fois le réseau rentable. Cette initiative, repoussoir pour l'opérateur historique,
pourrait l'amener à accepter une séparation structurelle pour pouvoir bénéficier du
programme d'aides gouvernemental.
Un scénario minimaliste consisterait à constituer une
société de coinvestissement à l’ambition mesurée,
susceptible de construire une boucle locale optique
desservant quelques millions de ménages uniquement.
Un tel scénario pourrait soit être accepté comme un
moindre mal par l’opérateur historique soit être mis en
œuvre en s’appuyant uniquement sur les opérateurs
alternatifs. L’ampleur du projet est suffisamment faible
pour ne pas mettre en danger la viabilité de l’opérateur historique, même si celui-ci
n’y participe pas.
Pour couvrir quatre millions de ménages, l’apport par l’Etat de 500 millions d’euros
en capital et d’environ 1 milliard en prêts bonifié à un taux de quatre pourcents
permet d’équilibrer le plan d’affaire d’une société projet montée avec des
investisseurs privés, même dans l'hypothèse où seuls les opérateurs alternatifs
étaient clients du réseau. Néanmoins, ici encore, la rentabilité et donc la capacité de
A terme, il pourra exister une tension entre
la politique industrielle de l'Etat tendant à
favoriser le déploiement des réseaux de
fibre optique et sa politique patrimoniale
tendant à préserver la situation de France
Télécom sur la boucle locale ...
37 / 107
couverture du territoire est structurellement dégradée par la concurrence
potentielle avec le réseau de l’opérateur historique.
Organisation de monopoles locaux
Dans l’hypothèse où il serait impossible d’arriver à une structuration industrielle
satisfaisante pour la construction du réseau optique, une version dégradée
consisterait à tenter d’établir, de fait, des situations de monopoles locaux limitant la
duplication des réseaux.
Ces monopoles locaux pourraient se constituer spontanément, si chaque opérateur
se déployait sur une zone et louait le réseau déployé pas ses concurrents sur les
autres territoires. En pratique, les opérateurs semblent tous déployer dans les
mêmes zones. Aucun accord n'a pu encore être trouvé en matière d'architecture de
réseau permettant de garantir que le réseau déployé par chaque opérateur dans sa
zone serait effectivement utilisable par ses concurrents.
L'émergence de monopoles locaux peut éventuellement être facilitée par
l’organisation d’appels d’offres régionaux. Le lauréat bénéficierait d’avantages qui
rendraient ensuite difficile la construction d’un réseau concurrent par un autre
opérateur, dès lors contraint de louer le premier réseau construit. En échange des
avantages accordés, le lauréat se verrait imposer des obligations de couverture et
d’ouverture de son réseau aux opérateurs concurrents, comme c’est le cas pour les
réseaux d’initiative publique déployés depuis 2004 par les collectivités. Le niveau
d’aide publique sera proportionnel aux surcoûts imposés au lauréat. Un mode de
fonctionnement sous forme de guichet où le premier opérateur déployant dans une
zone pourrait solliciter et bénéficier d'une aide que n'obtiendraient pas les suivants
pourrait aboutir au même résultat.
Dans une approche maximaliste, les pouvoirs publics interviennent massivement en
capital ou autres formes de financement dans la société lauréate. Le cas le plus
extrême est l’organisation d’un contrat de partenariat
dans lequel les pouvoirs publics financent l’intégralité
de la construction du réseau et perçoivent l’intégralité
des recettes potentielles.
Economiquement, ce scénario n’est pas aberrant
puisqu’il revient à faire porter le risque commercial au
capital public, dont le taux de rémunération est moins
élevé que ce que demanderait un actionnaire privé
pour un risque équivalent. En fait, il s’agit sous un autre habillage, d’un scénario
proche du projet mis en œuvre par le gouvernement australien. Il s’agit
intrinsèquement d’une renationalisation des réseaux. Compte tenu des montants en
jeu, la séparation structurelle de l’opérateur historique, voire sa renationalisation,
paraitrait plus efficace et sensiblement plus économe en argent public.
Dans une approche minimaliste, les aides accordées sont des apports en capital, en
prêts bonifiés ou en garantie d’emprunt, accordées à l’opérateur lauréat. Au premier
... dès lors, l'émergence de réseaux FTTH
semi publics, concurrents du réseau cuivre
historique, déployés dans le cadre de
partenariats public privé et cofinancés
par les collectivités, voire par l'Etat lui
même, n'est pas exclue
38 / 107
abord, cela permet de mettre sur un pied d’égalité les opérateurs alternatifs et
l’opérateur historique dans le processus d’attribution de ces contrats, ce dernier
disposant déjà de capitaux publics et donc d’une quasi garantie d’emprunt.
En fait, la situation n’est pas symétrique. L’opérateur historique peut soumissionner
en étant quasiment certain de louer le réseau qu’il construira, à moyen terme, à ses
concurrents. A l’inverse, ceux-ci ne peuvent être certains que l’opérateur historique
ne préférera pas moderniser son réseau cuivre plutôt que de louer le réseau tout
optique construit par un ou plusieurs opérateurs alternatifs. Ce scénario minimaliste
revient donc à confier pour l’essentiel la construction du réseau fibre à l’opérateur
historique. Celui-ci n’ayant que peu à gagner, à obtenir des aides en capital ou en
garantie d’emprunt dont il dispose déjà, les résultats des appels d’offres pourraient
être décevants.
B) LES T ECH NOL OG IES AL T ER NAT IV ES
Comme cela a été vu précédemment, le principal obstacle au déploiement de la
boucle locale optique résulte de sa concurrence avec le réseau cuivre modernisé de
l’opérateur historique et, dans une moindre mesure, avec les technologies
hertziennes de quatrième génération.
L’optimum économique, pour la zone de monopole naturel, serait de confier le
déploiement de ces différentes technologies à une seule et même structure, chargée
de fournir des offres de gros non discriminatoires à tous les opérateurs. Cette
structure pourrait être la filiale de l’opérateur historique en charge des réseaux en
cas de séparation structurelle, ou une nouvelle société en charge du très haut débit.
Les arbitrages entre le déploiement des différentes technologies suivant les zones
pourraient être internalisés, réduisant les risques de concurrence intermodale et
favorisant les complémentarités géographiques.
La constitution d’une telle structure globale est loin d'être garantie et la question se
pose de la régulation de la concurrence ou des complémentarités entre les futurs
réseaux optiques, le réseau cuivre modernisé et les futurs réseaux hertziens.
Le réseau cuivre téléphonique
La modernisation du réseau métallique permet une augmentation significative de la
qualité de service à un coût moindre que celui d’un réseau tout optique, dans un
délai plus court. Cette modernisation tend à exclure le déploiement, sur la même
emprise, d’un réseau tout optique. Les financements publics de la modernisation du
réseau téléphonique devraient donc se concentrer sur
les zones pour lesquelles le déploiement d’un réseau
optique n’est pas envisagé au cours de la prochaine
décennie.
Par ailleurs, les réseaux tout optiques seront en partie
déployés dans les fourreaux de France Télécom, qui
Il sera nécessaire de veiller à ce que les prix
pratiqués pour la location de fourreaux et
les concours publics mobilisés ne
découragent pas les déploiements fibre
39 / 107
accueillent déjà le réseau téléphonique. Il conviendra de s’assurer que le tarif
d’occupation appliqué à la fibre optique ne la désavantage pas vis-à-vis du cuivre. Ce
tarif est actuellement fondé sur une clef d’allocation technique, proportionnelle à la
surface des câbles optiques déployés. Il n’est pas évident que la même formule soit
appliquée de manière non discriminatoire pour les câbles en cuivre.
Une tarification alternative pourrait être envisagée, fondée sur une clef d’allocation
économique. Les redevances d’occupation de la fibre et du cuivre seraient fixées en
fonction du nombre de clients ou du chiffre d’affaires généré par chaque
technologie. Le choix d’une clef d’allocation économique a le double mérite de
faciliter au démarrage le déploiement de la fibre optique et d’éviter ensuite les
effets de cliquet, lors de la réduction du nombre d’abonnés cuivre, puis lors du
démontage du réseau téléphonique, d’ici une à deux décennies.
Enfin, il pourrait être tentant d’imposer un péage sur le cuivre, pénalisant les
opérateurs et les abonnés l’utilisant, afin de les inciter à basculer sur des liaisons
optiques. Les recettes du péage pourraient être réallouées à la construction du
réseau optique. Le Royaume Uni a ainsi récemment mis en place une taxe sur les
abonnés haut débit. Il n’est pourtant pas conseillé de taxer spécifiquement un bien
ou un service dont on veut développer l’usage. Or le taux de pénétration du haut
débit est en France encore bien inférieur à celui des pays les plus avancés, et
notamment ceux du nord de l’Europe.
De la même manière, il pourrait être envisagé d’augmenter le tarif du dégroupage
pour inciter les opérateurs alternatifs à déployer des réseaux optiques. Comme nous
l’avons vu précédemment, le principal frein au déploiement des réseaux optiques
par les opérateurs alternatifs provient du refus de l’opérateur historique de
participer à des projets de coinvestissement. Augmenter le tarif du dégroupage
n’aurait donc que peu d’incidence. En outre, la démarche consistant à augmenter la
rente de monopole cuivre de l’opérateur historique en conséquence de son refus de
déployer des boucles locales optiques paraitrait étrange, voire contestable.
Les technologies hertziennes
Les technologies hertziennes de nouvelle génération déployées dans la bande du
dividende numérique seront susceptibles de supporter
des offres haut débit de bonne qualité et, sous réserve
de faible densité de population, des offres très haut
débit, diffusion audiovisuelle haute définition exclue.
Les technologies hertziennes sont moins perturbatrices
pour le déploiement de la fibre que la modernisation
du réseau cuivre, et paraissent plus complémentaires que concurrentes de la fibre
optique. Leur performance est en effet inversement proportionnelle à la densité, le
débit d’une station de base étant partagé entre les utilisateurs à un instant donné :
- en zone relativement dense, les technologies hertziennes ne pourront pas
déstabiliser durablement le marché du très haut débit filaire, car le réseau
Les fréquences du dividende numérique
représentent un enjeu majeur pour
l'aménagement du territoire et le très haut
débit en zones rurales
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hertzien ne pourrait supporter un grand nombre d’abonnés consommant
beaucoup de débit ; la densification du réseau y est en outre devenue difficile
compte tenu de l’aversion des riverains à l’implantation de nouvelles antennes ;
- en zone rurale, les technologies hertziennes peuvent a priori supporter des
services très haut débit performants ; dans ces zones, au-delà de quatre vingt
pourcents de couverture, la fibre optique ne peut se déployer sans concours
publics massif ; le risque de dissuasion par l'hertzien de l’investissement privé
dans la fibre optique n’existe donc pas.
Il semblerait dès lors naturel que les pouvoirs publics intègrent largement le
déploiement des futures technologies hertziennes dans leur vision du déploiement
du très haut débit sur le territoire national. L’enjeu du futur appel d’offre pour
l’attribution du dividende numérique pourrait autant être la couverture du territoire
que l’augmentation de l’intensité concurrentielle et du débit en zone dense.
Un scénario consisterait à réserver au sein du dividende numérique un lot de
fréquences pour l'aménagement du territoire. Son attribution serait conditionnée à
une obligation de couverture de la totalité du territoire et à la formulation d'une
offre de gros permettant à tous les opérateurs de fournir leurs services haut débit
sur ce réseau.
Ces offres de bande passantes en gros sont techniquement possibles, et sont
classiquement appelées offres de roaming data ou offres d’accès Full MVNO data.
L’opérateur en charge du déploiement n’aurait pas le droit de commercialiser les
accès sur le marché de détail, afin de ne pas entrer en concurrence avec ses clients
opérateurs.
Il serait ainsi possible de structurer le très haut débit hertzien en zone rurale en
monopole de fait, en échange d’obligations de couverture et d’ouverture du réseau
élevées. Ce qui apparait aujourd’hui difficile à réaliser, en matière de structuration
industrielle, pour les réseaux fixes peut être mis en
place pour les réseaux mobiles de prochaine
génération en bande basse, et pour la zone rurale.
La question d’un éventuel allotissement du dividende
numérique non pas en bande de fréquences mais de
manière géographique pourrait se poser. Il pourrait
s’agir d’un allotissement régional ou d’une
segmentation entre zones urbaines et zones rurales. L’expérience de la dernière
décennie a montré que l’allotissement géographique des fréquences conduisait
systématiquement à un échec industriel. L’attribution d'un lot de fréquences destiné
à l'aménagement du territoire mais couvrant l'intégralité du territoire national parait
préférable. Un autre lot pourrait être mis aux enchères, sans être assorti
d'obligations de couverture contraignantes.
Un lot de fréquences pourrait ainsi
être attribué sous conditions de
couverture quasi intégrale du territoire et
d’offre de gros ouverte à tous les
opérateurs de détail
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C) A IDE S NO N FI NA N CIERE S
Planification territoriale
La mise en place de schémas directeurs d’aménagement numérique à l’échelle
départementale ou régionale, telle que prévue par la relative à la lutte contre la
fracture numérique déposée par le sénateur Pintat devraient permettre aux
pouvoirs publics de formaliser leurs prévisions et attentes en matière de
déploiement haut et très haut débit sur le territoire. La circulaire du Premier
ministre du 31 juillet 2009 anticipe ce mouvement, en demandant d’ores et déjà aux
préfets de susciter l’élaboration de documents de planification stratégique. Il existe
deux échelles pertinentes pour développer une vision territoriale du développement
des réseaux très haut débit.
L'échelle de la région ou du département est nécessaire pour identifier les zones où
une initiative privée est probable et celles dans lesquelles une intervention publique
sera nécessaire pour favoriser le déploiement du réseau. Il sera utile d'élaborer une
stratégie territoriale visant à privilégier, zone par zone, le soutien au déploiement
des réseaux fibre, le soutien à la modernisation du réseau cuivre ou le soutien au
déploiement des réseaux hertziens de nouvelle génération. De manière plus
opérationnelle, une analyse régionale ou départementale devrait permettre
d'identifier les barreaux interurbains sur lesquels les opérateurs ne disposent pas de
fibre optique disponible et le cas échéant d'y planifier la pose de fourreaux ou de
fibres en attente lors des opérations d'enfouissements de lignes aériennes ou de
réfection de voiries interurbaines.
Compte tenu des échelles de temps prévisionnel du déploiement du très haut débit,
l’horizon de ces schémas devrait être compris entre dix et vingt ans, avec une
réactualisation périodique. Ce type de documents pourrait, à terme, être repris et
constituer une annexe des schémas de cohérence territoriale.
En aval, une réflexion à une échelle plus fine, typiquement à la maille de la
commune, de la communauté de communes ou de l'agglomération, peut également
s'avérer nécessaire pour préparer le déploiement des réseaux optiques. A cette
échelle, il est possible grâce à des schémas d’ingénierie très haut débit d'identifier à
la maille de la rue l'existence de fourreaux disponibles ou saturés, dans le cadre du
droit d’information dont disposent désormais les collectivités, et d'identifier les
secteurs où les réseaux sont aériens, sur poteaux ou en façade. Instauré un lien
entre ces schémas directeurs et les opérations et règles d’urbanisme serait ainsi
naturel.
Opérations et règles d'urbanisme
Des infrastructures tels que des fourreaux et des chambres de tirage peuvent être
déployées en attente, c'est à dire en avance de phase par rapport à l'arrivée
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effective des réseaux très haut débit. Ces infrastructures permettent une diminution
ultérieure des coûts de déploiements.
Les opportunités de pose d'infrastructures en attente sont liées aux travaux de
grande ampleur, typiquement l'effacement du réseau électrique sur l'ensemble d'un
quartier, une opération de renouvellement urbain ou l'enfouissement d'une ligne
électrique interurbaine. En revanche, hors cas particulier, la pose des segments de
quelques dizaines ou centaine de mètres de fourreaux est inutile car ils s'avéreront
difficiles à gérer et vraisemblablement inexploitables par les opérateurs.
Dans le passé, les réseaux du téléphone et du câble ont en grande partie été
déployés en façade. Le réseau téléphonique français est encore pour un quart
enterré et pour trois quarts aérien. Les plans locaux d’urbanisme interdisent
aujourd’hui souvent ce mode de déploiement. Surtout, en l'absence de servitude de
passage, le réseau ne peut être déployé en façade qu'après les accords formels de
tous les bailleurs et copropriétés de la rue, ce qui est long et coûteux, voire
impossible.
A droit et pratiques constantes, la fibre ne sera donc probablement pas déployée
dans les rues où les réseaux sont actuellement déployés en façade. Pour lever ce
blocage, l'instauration de servitudes de passage par les pouvoirs publics peut être
nécessaire.
Les maires disposent aujourd'hui de la faculté d'instaurer une servitude sur le
domaine privé, mais sont fort logiquement réticents à l'utiliser. Une certaine forme
d'automaticité, l'instauration d'un droit de recours des opérateurs ou un transfert de
responsabilité subsidiaire vers le préfet pourrait permettre de faciliter
l'établissement de ce type de servitudes.
Par ailleurs, le déploiement des réseaux optiques suppose l'installation de points de
mutualisation, qui constituent en général des points de brassage dans le réseau.
Pour les premiers déploiements dans les plus grandes agglomérations, ces points de
mutualisation ont été installés soit dans les immeubles de grande taille soit dans des
locaux privés spécifiquement achetés à cet effet.
Aucun de ces deux modes de déploiement n'est soutenable à grande échelle et en
zone de moindre densité. Il sera donc probablement nécessaire d'installer des
armoires de brassage et de mutualisation sur le domaine public. Ces armoires auront
vraisemblablement des caractéristiques proches des sous répartiteurs
téléphoniques, qui sont des armoires de brassage du
cuivre, occupant environ un mètre carré au sol et
permettant de desservir entre deux et cinq cents
ménages.
En vertu de l’article L.113-3 du code de la voirie
routière, les ouvrages de télécommunications
disposent simplement d’une possibilité, mais non d'un
droit, d’occupation au sol de la voirie. Le gestionnaire de la voirie, dans la majorité
Il sera probablement nécessaire de
déployer des armoires de mutualisation et
de brassage de la fibre optique sur le
domaine public. Un dialogue entre
collectivités et opérateurs serait utile
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des cas la Commune, dispose du pouvoir de refuser une implantation. Les maires
sont en général hostiles à l'installation d'équipements sur le domaine public, qui
risque d'en rendre plus difficile l'entretien ou de gêner la circulation piétonne.
L'instauration d'un droit d'occupation du domaine public, en surface, au bénéfice
des opérateurs paraitrait disproportionnée. Il pourrait en revanche être demandé
que, dans le cadre de l’élaboration des schémas directeurs, les gestionnaires de
voirie (communes et intercommunalités principalement) identifient les
emplacements possibles d’implantation de SRO, permettant ainsi aux opérateurs de
les intégrer dans leurs plans de déploiement.
Cette identification permettra de préparer avec le ou les opérateurs, dans le cadre
de l’élaboration des schémas directeurs :
- l'établissement de servitudes de passage sur le domaine privé dans certaines
rues pour le déploiement de réseaux en façade ou la programmation
d’opérations d'enfouissement coordonné des réseaux existants et futurs ;
- l'identification d'emplacements dans lesquels les opérateurs seraient
susceptibles d'installer, sur le domaine public, des armoires de brassage de la
fibre optique permettant la mutualisation du réseau.
A terme, il paraitrait relativement naturel d'annexer au plan local d'urbanisme un
document graphique, réalisé dans le cadre de l’élaboration d’un schéma directeur
d’agglomération, localisant les éventuelles servitudes de passage en façade et les
lieux d'implantation privilégiés des futures armoires de brassage de la fibre optique.
Commande publique
Le levier de la commande publique a été utilisé à plusieurs reprises pour faciliter le
déploiement des réseaux, en France et à l'étranger. Les collectivités peuvent par
exemple passer un marché pour faire raccorder une partie des bâtiments publics à
un réseau très haut débit. Le réseau ainsi construit peut ensuite être réutilisés par
les opérateurs pour desservir, à coût incrémental, les logements situés à proximité.
Au stade actuel de développement du marché du très haut débit, ce levier est
vraisemblablement inefficace. Les opérateurs concentrent leurs investissements
dans les plus grandes villes afin d'y éviter une préemption du marché par leurs
concurrents. Ils n'investiraient pas pour équiper en fibre des logements situés en
zone peu dense, même si ceux étaient à proximité immédiate de réseaux optiques
existants et donc très peu coûteux à raccorder.
Enfin, le parc de logements sociaux est en général dense, car formé d’immeubles de
grande taille. Il est donc rentable pour les opérateurs d'y déployer de la fibre
optique. Les collectivités disposant d'un parc de plusieurs milliers de logements
sociaux sur leur territoire peuvent organiser un appel d'offres groupé, visant à
sélectionner un opérateur en charge de l'équipement en fibre de ce patrimoine. Si le
parc est conséquent et relativement proche des réseaux existants, les opérateurs ne
demanderont pas de compensation financière. L'opérateur lauréat pourra, après
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avoir déployé son réseau, desservir plus facilement le parc immobilier privé
environnant.
D) A IDE S E N C AP IT AL ET E N P RET
La prise de participations minoritaires au capital de société
Le projet de la ville d'Amsterdam, validé par la Commission européenne, a illustré
l’utilité, pour les pouvoirs publics, d’intervenir en tant qu’actionnaire minoritaire
d’une société constituée avec des investisseurs
privés et qui a pour objet d’établir et de déployer
une boucle locale optique mise disposition de tous
les opérateurs.
Une prise de participation publique au capital d'une
société n'entre en effet pas dans le champ des aides
d'Etat, ce qui évite un risque de veto
communautaire. Les lignes directrices publiées par la
Commission européenne en septembre 2009 en
matière d'aides au déploiement du très haut débit l’ont confirmé. En outre, elles
autorisent d'autres modes d'intervention, même en zone relativement dense,
comme cela sera vu plus loin.
Le principal intérêt d'une prise de participation en capital est de procurer aux
pouvoirs publics une position d'observation sur l'économie et la dynamique de
déploiement du très haut débit ainsi qu'une certaine influence sur la gouvernance
du projet. Le coût d'intervention est nul puisque le capital public immobilisé est
réputé à un taux normal, identique à celui des actionnaires privés.
Au regard des incertitudes actuelles sur le développement du très haut débit, la
participation publique au capital de sociétés en charge du déploiement de réseaux
passifs de fibre est une approche raisonnable. Si ces premiers déploiements
s'avèrent rentables, les bénéfices réalisés par les pouvoirs publics pourront être
réinvestis en financements dans les zones plus rurales. Surtout, les pouvoirs publics
auront eu une place leur permettant de monter en compétence et en connaissance
sur l'économie du très haut débit, avant de basculer vers une logique de partenariat
public-privé.
L'Etat est d'ores et déjà actionnaire de l'opérateur historique, détenant le quart de
son capital. Cette participation ne semble toutefois pas décisive pour amener France
Télécom à déployer un réseau optique neutre et ouvert à tous les opérateurs sur
une large partie du territoire. Dans l'hypothèse de la création d'une autre structure,
trois voies permettent d’envisager une prise de participation minoritaire des
pouvoirs publics dans une société privée :
- A l’occasion de la discussion de la proposition de loi relative à la fracture
numérique déposée par le Sénateur Pintat, un amendement autorisant la prise
Une prise de participation publique
minoritaire au capital d'un opérateur
déployant de la fibre optique fournit un bon
poste d'observation avant, le cas échéant,
d'intervenir en aides compensatoires de
services d’intérêt économique général.
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de participations minoritaires de collectivités au capital de sociétés ayant pour
objet de déployer des infrastructures et réseaux très haut débit a été adopté. La
collectivité se comporte alors comme un investisseur avisé, mais participe à la
gouvernance de la société et à l'élaboration de son plan de déploiement.
- L'Etat est susceptible de prendre une participation minoritaire dans une société
de droit privé. L'Etat intervient relativement fréquemment sous cette forme,
pour stabiliser une société ou s'assurer un certain contrôle sur une activité jugée
stratégique. Les modalités fixées par les statuts ou le pacte d'actionnaire jouent
un rôle déterminant pour la définition des objectifs du projet et de sa
gouvernance.
- La notion de partenariats publics privés institutionnels permet à une collectivité
ou à l’Etat de prendre une participation au capital d'une société ad hoc retenue
à l’issue d’une procédure de mise en concurrence, pour établir et exploiter un
réseau. Dans ce schéma, les pouvoirs publics octroient en général une
participation, permettant d'équilibrer le plan d'affaire et d'atteindre les objectifs
de l'appel d'offre initial. En contrepartie, ils disposent d'un double contrôle
contractuel et capitalistique sur la société. Ce mode d’intervention a été jugé
compatible avec le droit communautaire de la commande publique par une
communication de la Commission européenne de février 2008, mais il reste
encore à intégrer pleinement dans le droit français. Le régime des contrats de
partenariats exclut en effet expressément une prise de participation de la
personne publique dans le capital de la société lauréate. Ensuite, dans une
délégation de service public, cela serait envisageable, a priori, si la prise de
participation minoritaire d’une collectivité au capital d’une société ayant pour
objet de déployer un réseau très haut débit, évoquée ci-dessus, était
définitivement entérinée par le législateur. Cela est enfin en tout état de cause
possible pour une société d’économie mixte à capital public majoritaire, mais
une telle opération a moins d’attrait pour un opérateur privé.
Pour l'opérateur privé, le principal avantage d'ouvrir son capital aux pouvoirs publics
est de bénéficier d'une garantie implicite ou explicite de la dette de la société projet.
Si plusieurs investisseurs privés sont présents, chacun peut être suffisamment
minoritaire pour ne pas avoir à consolider les résultats et la dette de la société
projet. Dans cette hypothèse toutefois, la garantie publique peut être interprétée
comme une aide d'Etat. Alternativement, l'octroi direct
d'un prêt peut être envisagé, par exemple dans le
cadre d'un futur grand emprunt national. Le coût pour
les pouvoirs publics est plus élevé que le simple octroi
d'une garantie d'emprunt.
Le schéma ci-contre illustre l'effet levier d'un emprunt
à taux faible. Nous reprenons l'hypothèse de la partie
II, en supposant que la disposition cumulée des trois
L'opérateur privé obtient une garantie de
la dette du projet par les pouvoirs publics
et donc un abaissement de son taux
d'emprunt. L’effet levier sur l'équilibre
économique et donc l'extension possible
des déploiements est important
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principaux opérateurs à investir est de 450 euros par prise. Avec un taux de
rentabilité interne de 10%, ce qui est classique pour un opérateur, cette dépense est
équivalente à un coût de location de 4,5 euros par mois et par prise.
Chaque que opérateur louerait le réseau construit par une société projet à un tarif
de 1,5 euros par prise, soit 180 millions d’euros par an si la société a construit dix
millions de prises. A titre de comparaison, les opérateurs alternatifs verseront en
2010 environ 1 milliards d’euros à France Télécom au titre du dégroupage.
La société projet dispose d'un capital propre rémunéré à 10% et de quatre fois plus
de dette à 4%. Son taux de rentabilité interne est donc de l'ordre de 5%. Cette
société peut construire de manière rentable des prises coûtant jusqu'à 660 euros.
L'effet levier de la dette à faible taux sur le coût des prises pouvant être construites
est donc de l'ordre de 45%. En investissant de manière coordonnée dans le réseau,
les trois opérateurs auraient été capables de couvrir 9 millions de ménages. En
levant de la dette à faible taux, garantie par l'Etat, ils peuvent couvrir jusqu'à 14
millions de ménages.
E) A IDE S E N APPORT S P UBL IC S
Les concours financiers éventuellement apportés par les pouvoirs publics recouvrent
une large gamme de modes d'intervention. Il peut d’abord s'agir d'aides directes aux
entreprises. Dans ce cas, les aides peuvent avoir une
rentabilité indirecte sur l'emploi ou, d'un point de vue
financier, sur les recettes fiscales. Dans le cadre du
déploiement des réseaux d’initiative publique de
l’article L.1425-1 du code général des collectivités
territoriales, les aides ont pour l'essentiel été
attribuées dans le cadre de délégations de service public ou de contrats de
partenariats, formes qui donnent aux personnes publiques de véritables
contreparties patrimoniales au versement de leurs concours financiers. Le maître
Disposition à investir
450 €
Location4,5 € par
mois
Possibilité de construire
660 €Avec TRI
10%Avec TRI
5%
+ 45 %
Des apports publics (DSP, PPP, marchés
de travaux) seront indispensables pour
déployer le très haut débit en dehors
des centres urbains
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d'ouvrage public perçoit l'intégralité des recettes commerciales en contrat de
partenariat et une partie de celles-ci en concession, par l'intermédiaire de clauses de
retour à meilleure fortune. En outre, il sera au terme du contrat propriétaire du
réseau et pourra l'exploiter. D'un point de vue économique, ces aides s'apparentent
alors à un investissement public direct à rentabilité différée.
Les lignes directrices de la Commission européenne de septembre 2009 ont confirmé
la possibilité d’accorder, aux opérateurs déployant des réseaux d’initiative publique
à très haut débit, des versements ayant pour objet de compenser les surcoûts
induits par les missions de service public qui leur sont imposées. La Commission a
ainsi affirmé que, à l’instar du haut débit, l’établissement et l’exploitation de réseaux
très haut débit constitue bien un service d’intérêt économique général (SIEG).
L’octroi de compensations déterminées dans les conditions prévues par l’arrêt
Altmark de la Cour de justice des communautés européennes de 2003 est donc
possible.
Ces lignes directrices précisent toutefois, en fonction des territoires concernés, les
précautions à prendre avant de décider de lancer un projet soutenu par des fonds
publics. Sur les zones blanches, qui ne verront a priori, aucun réseau être
spontanément déployé par l’initiative privée, les règles d’intervention demeurent
souples.
Sur les zones grises (au moins un réseau très haut débit projeté par les opérateurs
privés) ou noires (au moins deux), il sera au préalable nécessaire de demander aux
opérateurs leurs projets de déploiement sur les trois ans à venir, calendrier et plan
de financement à l’appui. En outre, une démonstration des insuffisances de la seule
initiative privée, en termes de niveau de concurrence, de services et de tarifs, est
requise.
Cela autorise, comme la Commission l’a fait pour le Département des Hauts-de-
Seine, une intervention publique couvrant également la zone 1 circonscrite par
l’ARCEP et organisant une péréquation interne entre zones rentables et non
rentables.
Au vu du coût de déploiement d’un réseau optique sur certains territoires, on peut
s’interroger, pour respecter les lignes directrices et le principe d’universalité de
couverture induit par la notion de SIEG, sur l’existence d’une obligation de desserte,
par une même technologie, de l’intégralité du ressort territorial de la collectivité qui
agit.
Sur ce point, il n’existe pas de principe intangible. Si la notion de SIEG induit, en
matière d’industrie de réseaux, une couverture territoriale étendue, justement pour
permettre la péréquation tarifaire, elle n’impose pas une logique de « tout ou rien ».
En matière de haut débit, la Commission a par exemple qualifié de SIEG les projets
du Département des Pyrénées-Atlantiques et du Syndicat mixte Dorsal, en Limousin,
alors qu’ils n’offraient pas un accès haut débit identique sur l’ensemble des zones
rurales couvertes.
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Pour le très haut débit, un équilibre à la fois territorial et financier devra être
recherché pour tout projet ayant comme ambition de couvrir des agglomérations et
des zones rurales, afin d’assurer un minimum de péréquation. Cela étant, il est
possible de justifier de traiter différemment certaines zones au vu des coûts induits
par leur desserte optique, par exemple en leur offrant dans un premier temps une
modernisation de la boucle locale en cuivre ou une couverture hertzienne. L’échelle
de temps de construction d’une boucle locale s’étalant sur dix à vingt ans, il serait
économiquement aberrant de n’autoriser l’octroi d’aides que pour les projets
assurant une couverture complète et immédiate du territoire.
Enfin, la Commission européenne requiert que tout réseau établi grâce à des fonds
publics soit ouvert à tous les opérateurs, en insistant notamment sur le caractère
vertueux de la mise à disposition de fibres nues, sans toutefois l’imposer. En droit
français, cela ne pose pas de difficultés pour les collectivités, l’article L.1425-1 du
code général des collectivités privilégiant l’intervention sur le marché de gros. En
revanche, pour des aides qui seraient attribuées directement par l’Etat aux
opérateurs, une réflexion sur le support juridique des contreparties imposées sera
nécessaire.
En tout état de cause, une politique ambitieuse de soutien de l'Etat et/ou des
collectivités au très haut débit devrait faire l’objet d’une notification, à la
Commission européenne, d’un régime d’aide spécifique prenant en compte ces
lignes directrices. Une telle notification assurera la sécurité juridique de la politique
gouvernementale et permettra de faire l'économie d’une notification particulière de
chaque projet, à la fois longue et lourde pour les autorités qui les portent.
Dans tous les scénarii précédemment évoqués, sauf peut être la séparation
structurelle de l’opérateur historique, le besoin de financement public pour le
déploiement du très haut débit filaire en zone rurale est irréductible. Les aides visant
à un aménagement numérique du territoire sont actuellement apportées par les
collectivités territoriales avec des financements européens. Les sources de
financement sont donc pour l'essentiel les impôts locaux, fonciers et la taxe
professionnelle. Il s'agit d'un prélèvement sur une base large, ce qui est
économiquement efficace.
Dans l'hypothèse où les pouvoirs publics souhaiteraient se doter d'un fond de
péréquation venant compléter ou abonder l'action des collectivités, la présente
partie s’attache à proposer des mécanismes et la structuration institutionnelle
envisageables pour la collecte et l’attribution des financements.
Sources de financement
La source de financement la plus efficace, ainsi qu'évoquée précédemment, est le
budget général des collectivités ou de l'Etat. A titre d'exemple, le seul
réinvestissement par l'Etat des dividendes qu'il perçoit en tant qu'actionnaire de
l'opérateur historique lui permettrait de financer, en vingt ans, le déploiement de la
boucle locale optique sur l'ensemble du territoire.
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L'instauration de nouvelles taxes sur les acteurs des communications électroniques
est aussi évoquée de manière récurrente, notamment pour financer le déploiement
de la fibre optique. Le secteur des télécommunications, au sens large, compte une
multiplicité d'industriels et d'acteurs : opérateurs, équipementiers, entreprises de
génie civil, fournisseurs de contenus et de services et,
bien évidemment, les clients, résidentiels et
professionnels.
Lever un impôt supplémentaire sur des biens ou
services dont les producteurs et fournisseurs sont en
concurrence à l'échelle mondiale, ou qui peuvent être
délocalisées dans un autre pays, peut être contreproductif. Il semble donc difficile
d'instaurer une taxe sur les équipementiers ou sur les éditeurs de services en ligne.
Une exception serait toutefois justifiée pour les jeux en ligne, pour lesquels une
réglementation plus stricte peut imposer aux acteurs actifs sur le marché français
une présence nationale permettant une taxation spécifique. Les entreprises de jeux
en ligne sont des bénéficiaires potentiels du déploiement du très haut débit et
pourraient être imposés à ce titre.
Ensuite, les opérateurs, les entreprises de génie civil et les clients finals seront les
principaux bénéficiaires du remplacement des réseaux cuivre par les réseaux
optiques. Un prélèvement spécifique pourrait être imposé aux opérateurs, sur le
modèle de la taxe finançant le service public audiovisuel. Un impôt nouveau sur les
entreprises de génie civil n'est pas évident à cibler, car toutes ne sont pas actives
dans le domaine du déploiement des réseaux.
Enfin, sur le modèle du Royaume-Uni précédemment évoqué, ou encore de la
contribution au service public de l’électricité, il est possible de taxer les clients finals
en prélevant une somme de quelques euros par mois sur les consommateurs de
service haut débit, ou plus généralement aux consommateurs de services de
communications électroniques, en incluant éventuellement les abonnements à la
téléphonie mobile. Compte tenu de la généralisation et du caractère quasi
indispensable des services télécoms, un tel prélèvement serait proche d'un impôt
obligatoire.
Le besoin de financement public est d'environ 500 millions d'euros sur les vingt
prochaines années avec un déploiement utilisant les technologies alternatives à la
fibre pour les zones les plus rurales. Les fonds de l’Etat viendraient en complément
des investissements des collectivités, qui s'élèvent en moyenne à 200 millions
d’euros par an sur les dernières années. Un plan de financement possible pourrait
être le suivant.
Investissements des collectivités(niveau actuel +50%)
Subvention Etat fondée sur une taxe opportuniste
(jeux en ligne)
Investissement rentable de l’Etaten capital et en prêts bonifiés
Fond national d’aménagement numérique
Le besoin de financement est relativement
modeste, de quelques centaines de
millions par an. Il peut être couvert par une
taxe opportuniste
Financement Etat
(taxe opportuniste)
Fonds national d’aménagement numérique
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La participation de l'Etat pourrait, alternativement, être remplacée par l'octroi d'un
crédit d'impôt proportionnel aux investissements réalisés par les opérateurs pour
déployer du très haut débit en zone peu dense. Un mécanisme similaire existe déjà
pour les câbles sous marins. Les différentes sources de financement de l’Etat, en
capital en prêts et sous toutes formes de concours, pourraient être gérées par le
fonds national d’aménagement numérique institué par la proposition de loi du
Sénateur Pintat. Ensuite, il reviendrait à ce fonds d’accorder différents types d’aides
en fonction des projets et des territoires concernés.
Structuration institutionnelle
La diversité des acteurs publics intéressés, l’Etat et tous les échelons de collectivités,
implique une structure institutionnelle d'allocation des concours financiers proche
de celle mise en place pour le déploiement du réseau de distribution électrique
(FACE) ou pour les réseaux d’assainissement (FNDAE). Une déconcentration de la
prise de décision pourrait aussi être organisée, mais ne saurait se traduire par une
tutelle entre collectivités, ce qui milite pour réserver à l’Etat, par le biais du préfet de
région, au moins un rôle d’arbitre en cas de difficulté.
La présence de certains opérateurs au comité de gestion de ce fonds ne parait pas
indispensable, d'autant plus qu'ils pourraient être bénéficiaires des fonds accordés.
En revanche, il paraitrait utile, au moins les premières années, que le fonds s'appuie
sur un conseil scientifique indépendant des opérateurs et permettant de garantir
que les réseaux financés seront bien utilisables par tous les opérateurs très haut
débit pour fournir leurs services. Compte tenu des difficultés rencontrées ces deux
dernières années par les opérateurs pour s’entendre sur des principes communs de
mutualisation, une action énergique de l’Etat sur ce point devient indispensable, au
risque de voir se déployer des réseaux n’étant utilisables que par leur propriétaire.
F) BESOI N ET SCE N ARIO D ’ I N T ERV ENT ION PUBL I Q UE
Le besoin de financement public dépendra de l'ambition fixée pour les
déploiements. Dans cette partie, nous ferons l'hypothèse d'un objectif de couverture
en fibre de quatre-vingts pourcents des ménages et entreprises. Les derniers vingt
pourcents sont couverts par les technologies alternatives d'équipement de la sous
boucle locale cuivre et de réseaux hertziens de prochaine génération.
L'investissement total est de l'ordre de 18 milliards d’euros, dont 15 milliards pour la
fibre. La capacité de financement du secteur privé est estimée à 450 euros par prise
optique, soit 150 euros par opérateurs avec trois opérateurs cofinanceurs ou clients
de l'infrastructure. En revanche, la capacité de financement pour l'équipement en
débit de la sous boucle est quasi nul. Finalement, nous faisons l'hypothèse que le
secteur privé prendra en charge intégralement les coûts de déploiement des réseaux
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2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029
Cycle d’investissement et interventions publiques annuelles en millions d’euros
Financements publics
Capital public et prêts
Acteurs privés
mobile hertzien de prochaine génération. Des obligations de couverture ambitieuses
peuvent être fixées lors de l'attribution de la licence.
Le besoin total de financement est d'environ 8
milliards d'euros. Les pouvoirs publics peuvent en
outre accorder des prêts à taux bonifiés, des apports
en capital ou des garanties d'emprunts pour accélérer
les déploiements. Le volume de capitaux publics
octroyés sous forme de prêts dépend en grande partie du montage. Si l'Etat
proposait des prêts à maturité longue, une quinzaine d'années, à un taux bonifié
attractif pour les opérateurs, y compris l'opérateur historique, le besoin total
pourrait être de l'ordre de 8 milliards d'euros également. Ce volume peut être
diminué si une partie des prêts sont remplacés par des garanties d'emprunts. Le
graphique ci-après représente la ventilation des coûts et besoins en capital, prêts et
financements, sous hypothèse que les opérateurs couvrent quatre vingt pourcents
de leurs dépense avec des prêts à taux bonifiés.
En pointillé, la dépense d’un réseau intégralement en fibre optique, soit 15 Mds€, essentiellement en subvention
Couverturecumulée
20 %
40 %
60 %
80 %
100 %
Capitaux privé
Capital public et prêts bonifiés
Financements publics
1,5 Mds€
2,5 Mds€
4 Mds€
7 Mds €
3 Mds€
Coûts, et interventions publiques par tranche
4,5 Mds€
Fibre jusqu’à l’abonné
Il parait raisonnable d'envisager un cycle d'investissement sur une vingtaine
d'années, soit sur une échelle de temps comparable à celle qui a été nécessaire pour
déployer le réseau téléphonique. Un tel cycle d'investissement est en outre
compatible avec les délais de lancement des projets par l’initiative privée ou
publique ainsi qu’avec les capacités de financement de tous les principaux
opérateurs. Un cycle d'investissement plus rapide pourrait être risqué en termes
industriels et entrainer une consolidation du marché, les acteurs les plus petits
n'étant pas en mesure de suivre le rythme.
En retenant un cycle d'investissement en cloche, identique à celui de la boucle locale
cuivre, nous pouvons estimer le besoin de financement annuel. Le graphique ci-
contre n'a qu'une valeur
illustrative. Le profil
d'investissement réel dépendra
des dispositifs de soutien publics
mis en place, de l'appétence des
consommateurs pour les services
à très haut débit et de la capacité
des opérateurs à monétiser ces
services.
Les besoins de financements publics sont inférieurs à 500 millions d'euros par an. En
anticipant une légère augmentation des financements octroyés par les collectivités
Le besoin de financement public est de
8 milliards d'euros sur la durée du cycle
d'investissement
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sur la période, le besoin de financements de l'État est de l'ordre de 200 millions
d’euros par an. Ce besoin de financement pourrait être couvert par le budget
général ou :
- par un financement extra-sectoriel, prenant par exemple la forme d’une taxe sur
les jeux en lignes ; actuellement, les jeux d’argents rapporte 5 milliards par an à
l’État ; le potentiel de croissance de l’offre légale en ligne est encore inconnu ;
- par un financement intra-sectoriel, prenant vraisemblablement la forme d’une
nouvelle taxe sur les opérateurs ; le niveau en serait légèrement inférieur à celui
de la taxe finançant la suppression partielle de la publicité sur France Télévision.
Le besoin d’intervention en capital et prêts à taux
bonifiés est du même ordre de grandeur, soit 500
millions par an. Il convient de noter que ces apports en
capital et en dette ne correspondent pas à des
dépenses réelles, le capital pouvant être rémunéré à
dix pour cent et la dette être proposée à un taux
légèrement supérieur à celui auquel l'Etat emprunte pour ses propres besoins. Les
intérêts du capital et de la dette publique pourraient rapporter un à deux milliards
d’euros sur la période. Le plan de financement public global pourrait être le suivant.
Investissements des collectivités(niveau actuel +50%)
300 M€ / an
Subvention Etat(taxe opportuniste)
200 M€ / an
Investissement rentable de l’Etaten capital et en prêts bonifiés
< 500 M€ / an
Fond national d’aménagement numérique
Le besoin de financement public est de
l'ordre de 500 M€ par an. Des prêts ou
dotations en capital pourraient être
accordés pour un volume équivalent.
Financement Etat
(taxe opportuniste)
Fonds national d’aménagement numérique
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I- DONNEES SOURCES
Nous avons utilisé la base de données géographique BD TOPO de l’IGN et
notamment aux couches suivantes :
- Voirie : typologie et nature de revêtement
- Bâtiments : polygone et hauteur
- Limites administratives
Ces informations constituent un ensemble de 18,3 millions de bâtiments et de 2,7
millions de km de routes à l’échelle nationale. Il s’agit des briques élémentaires de la
base pour la constitution du modèle de coût d’une boucle locale optique. Par
ailleurs, nous avons utilisé la base de données IRIS sur les logements afin de qualifier
les bâtiments entre pavillons et immeubles.
II- DEFINITION DE L’ECHANTILLON
Au vu du nombre conséquent d’éléments à traiter, nous avons procédé à un
échantillonnage représentatif d’environ 10% de la France métropolitaine. Le niveau
d’analyse a été fixé à la maille de l’arrondissement. On rappelle que
l’arrondissement est une subdivision territoriale des départements français. On
compte 329 arrondissements en France métropolitaine. Quatre critères ont été
retenus pour s’assurer de la représentativité des arrondissements retenus :
- Le linéaire moyen de voirie par logement sur l’arrondissement
- Le taux de logement en habitat collectif sur l’arrondissement
- La densité de logements au km² de l’arrondissement
- La déclivité de l’arrondissement (différence d'altitude en son sein)
Le choix des arrondissements représentatifs doit donc permettre à la fois de
respecter critère par critère la moyenne de ces différents paramètres à l’échelle
nationale, mais aussi de pouvoir disposer d’une diversité de cas (urbain dense,
périurbain, rurbain, rural, montagneux,…). Les 30 arrondissements retenus sont les
suivants :
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Ces 30 arrondissements regroupent 300 900 km de voirie et 2,07 millions de
bâtiments, représentant près de 3,1 millions de logements. Un arrondissement a été
analysé dans chaque région.
III- DEFINITION DES SCENARII DE COUVERTURE
Quatre scénarii de couverture du territoire national ont été définis dont les taux
respectifs de couverture sont les suivants : 50%, 80%, 95%, et 100%.A chacun de ces
différents scénarii, ont été attribués les taux de couverture précis pour chacun des
arrondissements de l’échantillon. Ainsi, à titre d’exemple :
- pour assurer une couverture nationale de 50%, il faut couvrir à hauteur de 16%
l’arrondissement de Vesoul et à 67% l’arrondissement d’Aix-en-Provence ;
- pour assurer une couverture nationale de 80%, il faut couvrir à hauteur de 48%
l’arrondissement de Rodez et à 96% l’arrondissement de Strasbourg-Campagne ;
- pour assurer une couverture nationale de 95%, il faut couvrir à hauteur de 86%
l’arrondissement d’Ajaccio et à 99% l’arrondissement de Sarcelles-
Montmorency ;
La couverture par arrondissement est alors la suivante :
Taux de couverture : 50% Taux de couverture : 80%
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IV- METHODOLOGIE DE MODELISATION DU RESEAU OPTIQUE A DEPLOYER
Constitution des zones de bâti
A partir des bâtiments issus de la BD TOPO, il est procédé à un regroupement des
bâtiments dont les centroïdes sont distants de moins de 50 mètres les uns des
autres, cela permet de constituer des zones de bâtis comme l’illustre l’exemple
suivant :
Définition des catégories des zones de bâti
Une fois les zones de bâti constituées, elles se voient attribuer le nombre de
bâtiments rattachés à cette zone. Trois types de zones de bâti sont alors définis :
Catégorie de bâti Caractéristiques Exemple cartographique
Bourg Supérieur à 100
bâtiments
Hameau
Supérieur à 5 bâtiments
et inférieur ou égal à 100
bâtiments
Isolé Inférieur ou égal à 5
bâtiments
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Définition des itinéraires de raccordement des zones de bâti
On prend l’hypothèse que le réseau en étoile part des répartiteurs téléphoniques
existants. Un algorithme dit de plus court chemin est alors mis en place par palier
successif :
- Niveau 1 : Des NRA aux bâtis de type « Bourg »
- Niveau 2 : Des NRA ou des bâtis de type « Bourg » aux bâtis de type « Hameau »
- Niveau 3 : Des bâtis de type « Bourg » ou « Hameau » aux bâtis de type « Isolé »
Enfin, la voirie interne des zones de bâti est
prise en compte pour assurer la desserte fine
des habitations. Par la suite, nous procédons à
une suppression des doublons entre les
différents tronçons pour identifier les linéaires
des tronçons nécessaires au raccordement des
différents bâtis.
Ces tronçons sont distingués entre ceux permettant de raccorder une zone de bâti à
un NRA ou une autre zone de bâti, ces tronçons sont dits « extra-zone », et ceux
assurant l’irrigation d’une zone de bâti, ces tronçons sont dits « intra-zone ».
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V- RESULTATS DE LA MODELISATION
L’algorithme mis en œuvre fournit les résultats bruts suivants sur les trente
arrondissements :
Taux de
couverture 50% 80% 95% 100%
Linéaire intra-
zone 28 660 km 54 980 km 73 930 km 86 360 km
Linéaire extra-
zone 130 km 9 090 km 32 620 km 55 200 km
Linéaire total 28 790 km 64 070 km 106 550 km 141 560 km
Des retraitements de plusieurs types sont réalisés pour optimiser le tracé du réseau
optique :
- Le réseau optique raccorde des bâtiments qui ne disposent pas de lignes
téléphoniques filaires, voire d’électricité, à l’exemple du hameau de Girolata en
Corse-du-Sud, ou de nombreux gites de montagne voire de fermes ou bâtiments
en ruine.
- Le réseau optique suit la voirie ce qui n’est pas toujours pertinent en zone
montagneuse ou rurale, puisque le réseau électrique moyenne tension peut
être amené à passer à travers champs notamment lorsque la route s’avère
sinueuse.
Par la suite, nous procédons à une extrapolation pour évaluer le linéaire global
nécessaire pour desservir l’ensemble du territoire métropolitain. Les résultats issus
de l’extrapolation sont les suivants :
Taux de
couverture 50% 80% 95% 100%
Linéaire total 250 000 km 500 000 km 800 000 km 1 100 000 km
Les résultats sont présentés en annexe 3 pour quelques arrondissements
représentatifs des différents cas de figure.
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VI- COUTS UNITAIRES RETENUS DANS LE MODELE
Coût Poste Commentaire
Locaux
techniques 50 € par prise
Possibilité de réutiliser les locaux
techniques actuels de France Télécom
(répartiteurs) mais nécessité de
reconstruire des points de flexibilité (sous
répartiteurs) intermédiaires
Déploiement
horizontal 25 € par mètre
Estimation haute, les coûts de déploiement
en fourreaux existants (350 000 km) et en
aériens étant d’ores et déjà inférieurs. La
répartition prise en compte est la suivante :
Aérien68%
Fourreaux24%
Génie civil8%
L’estimation intègre une « provision » pour
la construction de 80 000 de nouvelles
tranchées.
Coût Poste Commentaire
Adduction
d’immeuble
500 € par
immeuble
Coût constaté en zone très dense pour les
immeubles raccordés à un réseau de génie
civil existant. Pas encore de recul sur le
coût d’une adduction en façade.
Colonne
montante 80 € par prise
Fortes divergences d’évaluation des coûts
entre les opérateurs à ce jour. L’estimation
intègre d’une part une certaine
industrialisation et d‘autre part une
augmentation probable des coûts constatés
pour les petits immeubles.
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VI- COMPLEMENTS DE COUVERTURE A LA DESSERTE FTTH
Dans le cadre des scénarios de couverture à 80% et 95%, les compléments de
couverture par des technologies alternatives à la fibre optique jusqu’au domicile ont
fait l’objet d’une analyse approfondie :
- Sous-répartiteur
- 4G/LTE
- Combinaison du sous-répartiteur et de la 4G/LTE
Localisation des sous répartiteurs
Selon nos estimations, les 1 523
répartiteurs présents sur les
arrondissements comprennent de
l’ordre de 9 800 sous-répartiteurs.
Cette estimation est réalisée à
partir de l’analyse des 8 000 sous-
répartiteurs éligibles à l’offre NRA
Zone d’Ombre. En effet, nous
constatons un impact de la taille du
NRA d’origine sur la taille moyenne
des sous-répartiteurs et donc le
nombre de sous-répartiteurs comme l’illustre le schéma suivant. Ainsi, nous pouvons
disposer d’une estimation fine du nombre de sous-répartiteurs par zone d’emprise
de répartiteurs. En fonction des typologies de bâti de chacune des communes des
arrondissements, nous estimons la localisation des sous-répartiteurs par type de
bâti, et donc simulons cette localisation. Sur les 30 arrondissements de l’échantillon,
les 9 800 sous-répartiteurs se répartiraient ainsi :
Ces données semblent compatibles avec le document sur la mise en œuvre de
l’accès à la sous-boucle locale publié par l’ARCEP le 23 octobre et soumis issus de sa
consultation publique.
Localisation des points hauts
Notre analyse s’appuie sur la base nationale exhaustive de l’Agence Nationale des
Fréquences sur les points hauts de téléphonie mobile (1G, 2G, 3G). Ainsi, nous
dénombrons 40 774 sites dont 4 673 sites sur les 30 arrondissements de l’analyse.
L'équipement de la moitié des points hauts est nécessaire pour couvrir l'ensemble
de la zone en bande 800 MHz. L'équipement du tiers des points hauts suffit à
équiper la seule zone rurale.
Inférieur à 30 dB58%
Entre 30 et 42 dB22%
Entre 42 et 53 dB6%
Supérieur à 53 dB14%
Répartition des sous-répartiteurs en fonction de leur éloignement au répartiteur d'origine
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Scénarii étudiés et résultats
A partir des réseaux fibre optique nécessaires pour desservir respectivement 80% et
95% du territoire des arrondissements, il s’agit de déployer de la fibre :
- En scénario 1, pour raccorder les sous-répartiteurs
- En scénario 2, pour raccorder les points hauts
- En scénario 3, pour raccorder les sous-répartiteurs et les points hauts
Seuls les sous-répartiteurs et points hauts utiles à la desserte de ces bâtis sont pris
en compte. Ainsi, les sous-répartiteurs ou sites mobiles n’assurant que la desserte de
zones déjà intégralement couvertes en FTTH sont écartés de la suite de l’analyse.
Dans le cas d’une couverture de 80%, on constate que 75% des sous-répartiteurs
sont utiles à une couverture des zones de bâtis non couvertes en fibre optique. Pour
une couverture de 95%, ce taux diminue à 70% des sous-répartiteurs (6 800 sous-
répartiteurs). Ce sont donc respectivement de l’ordre de 75 000 sous-répartiteurs et
70 000 sous-répartiteurs qu’il serait nécessaire de raccorder pour couvrir l’ensemble
des bâtis du territoire national. En se limitant aux seuls sous répartiteurs desservant
plus de dix lignes non équipées en fibre optique, ce chiffre descend à 50 000 sous
répartiteurs à équiper. Le tableau suivant présente le linéaire de réseau à déployer
pour les différents scénarii de déploiement.
Couverture FTTH 80% 95%
FTTH seul 500 000 km 800 000 km
FTTH + SR 520 000 km 803 000 km
FTTH + LTE 515 000 km 805 000 km
FTTH + SR + LTE 530 000 km 805 000 km
Le linéaire de réseau incrémental à déployer est faible, pour deux raisons. Un
déploiement fibre avec une couverture de quatre vingt pourcents est déjà très
capillaire, ainsi que le montrent les cartes présentées ci-avant. Par ailleurs, les sous
répartiteurs et dans une moindre mesure les points hauts sont situés à proximité des
zones bâties denses, typiquement plus proches de bourgs que des hameaux isolés.
Ils sont donc proches des réseaux fibre déployés.
Si l’on considère que le très haut débit nécessite un service de type TVHD, un
affaiblissement de 30 dB en ADSL constitue la limite maximum. Dès lors, sur la base
de notre échantillon, il semble que le raccordement des sous-répartiteurs par
rapport au scénario de couverture à 80% ne permette d’atteindre qu’une couverture
de 25% des foyers non éligibles au FTTH, soit 5% des foyers. Ainsi, les sous-
répartiteurs se trouvant majoritairement dans des zones déjà couvertes en FTTH,
leur apport marginal en termes de couverture très haut débit s’avère faible.
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En moyenne deux cents foyers par station de base LTE seraient non couverts en fibre
ou en VDSL. Compte tenu de la capacité de diffusion hertzienne il n’est pas
envisageable de proposer à ces ménages de services audiovisuel haute définition par
l'intermédiaire du LTE. En revanche, le LTE permet en milieu rural de proposer des
services de connectivité haut débit, voire très haut débit, plus performants que ceux
qui peuvent être acheminés par le cuivre téléphonique.
Coût de déploiement des compléments
Nous avons pris en compte les coûts unitaires suivants :
- 25 € du ml pour le déploiement du réseau optique
- 30 000 € pour l’implantation d’une armoire de rue au niveau du sous-répartiteur
- 70 000 € pour l’adduction et l’équipement actif sur chaque point haut
Le déploiement complémentaire au niveau des sous-répartiteurs et points hauts est
compris entre 1,9 et 3,5 milliards d’euros :
Taux de couverture FTTH 80% 95%
Extensions sous-répartiteurs 2,8 Mds € 2,2 Mds €
Extensions points hauts 2,2 Mds € 1,9 Mds €
Extensions sous-répartiteurs
et points hauts 3,5 Mds € 2,8 Mds €
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I- MECANISMES DE PEREQUATION HORIZONTALE EXISTANT
La péréquation horizontale (ou géographique) suppose pour simplifier, dans les
industries de réseaux, que les recettes tirées de l’exploitation d’une infrastructure
dans les zones plus denses d’un territoire viennent financer le déploiement de cette
infrastructure, et dans certains cas le déficit de son exploitation, dans les zones
moins rentables.
Cette logique a gouverné la construction de la plupart des grandes infrastructures de
réseaux, qu’elles aient été déployées dans un cadre national, régional ou local, qui a
été confiée généralement à un opérateur économique disposant sur un territoire
donné d’un monopole de fourniture du service. Cette même logique a aussi été
appliquée à d’autres secteurs n’impliquant pas la construction d’une infrastructure,
toujours pour garantir la fourniture d’un service dans une zone que l’initiative privée
ne couvrirait pas spontanément.
La libéralisation des industries de réseaux a souvent remis en cause ce principe de
péréquation « interne » à l’opérateur disposant d’un monopole, tout en prévoyant
généralement des financements alternatifs permettant de maintenir la présence de
services dans des zones moins attractives pour l’initiative privée.
Les développements qui suivent recensent les différents mécanismes de
péréquation mis en place dans la plupart des industries de réseaux, mais aussi dans
d’autres secteurs caractérisés par de fortes contraintes d’aménagement du
territoire, pour les confronter au déploiement de réseaux très haut débit. Seront
successivement présentés : l’électricité, le gaz, l’eau, les communications
électroniques, les transports ferroviaires, les services postaux, la presse écrite et
l’audiovisuel.
A) EL ECT RIC IT E
Il existe deux mécanismes de péréquation horizontale permettant le développement
du réseau électrique en prenant en considération des impératifs d’aménagement du
territoire, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE), créé par la
loi de finances du 31 décembre 1936, et le Fonds de péréquation de l’électricité
(FPE), créé par la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz.
Ensuite, un troisième mécanisme a été mis en place par la loi du 3 janvier 2003 sur
les marchés de l’électricité et du gaz, la compensation des charges du service public
de l’électricité (CSPE), mais qui ne constitue pas un véritable mécanisme de
péréquation horizontale.
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Le FACE
Le FACE a pour vocation de verser des subventions aux collectivités maîtres
d’ouvrage des travaux d’électrification rurale. Il a permis la diffusion des réseaux
électriques dans les zones rurales en permettant aux collectivités concédantes
d’alléger leurs charges d’emprunt contractés pour l’édification des réseaux. Il
intervient également pour le financement de l’extension des réseaux, le
renforcement anticipé d’ouvrages de distribution endommagés par les intempéries,
l’amélioration esthétique des réseaux, la préservation de l’environnement et la
maîtrise de la consommation d’énergie.
Ce fonds est alimenté par une contribution annuelle des gestionnaires de réseaux
publics de distribution (ERDF et les distributeurs non nationalisés), en fonction des
kilowattheures distribués en basse tension. ERDF supporte 95% du total. Le montant
de cette contribution est fixé chaque année par arrêté conjoint des ministres chargés
du budget et de l’énergie.
Les aides du FACE sont ventilées chaque année entre les départements par les
ministres chargés du budget et de l’énergie, après avis du conseil du FACE, en
fonction des besoins évalués. Chaque département répartit sa dotation entre les
différentes collectivités concernées qui réalisent les travaux.
Le taux d’aide unique du FACE est de 65% du montant TTC des travaux aidés. Ceux-ci
doivent correspondre à l’un des cinq programmes du FACE (principal,
environnement, sécurisation, sites isolés, intempéries).
Le conseil du FACE, qui administre le fonds, est composé de quinze membres
désignés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’énergie
pour trois ans renouvelables et comprend cinq représentants de l’Etat, un
représentant des conseils généraux, quatre représentants des collectivités
électrifiées, trois représentants d’EDF, un représentant des organisations agricoles,
et un représentant des régies ou sociétés coopératives d'intérêt collectif agricole
d'électricité. Le directeur est nommé par le Président d’EDF parmi les représentants
de cette entreprise, après agrément du ministre chargé de l’électricité.
Le fonds est géré sous la forme d’un compte spécial tenu dans les comptes d’EDF.
Son action représente une somme annuelle de l’ordre de 350 millions d’euros.
Le FPE
Contrairement au FACE, le FPE n’a pas vocation à intervenir en matière
d’investissement. Son rôle est toutefois important dans le développement du réseau
électrique et pour l’aménagement du territoire.
Ce fonds a été créé afin de compenser les charges supplémentaires ou déficits
d’exploitation des distributeurs non nationalisés. Son objet a été considérablement
élargi par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement
du service public de l’électricité. Le FPE intervient désormais pour compenser les
charges découlant des missions de service public portant sur le réseau public de
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distribution. Ces charges sont constituées par les pertes liées aux caractéristiques du
réseau exploité et aux conditions tarifaires réglementées (en cas d’un faible nombre
de clients disséminés dans un habitat dispersé, par exemple), ou par la participation
à l’aménagement du territoire. Depuis 2000, les distributeurs d’électricité sont en
effet investis de missions de service public tenant à la desserte rationnelle du
territoire national et au raccordement de tous aux réseaux publics dans des
conditions non discriminatoires.
Le FPE est alimenté par des prélèvements sur les recettes des organismes de
distribution bénéficiaires. La formule de péréquation réactualisée dans le décret du
14 janvier 2004 est fondée, pour chaque gestionnaire de réseau de distribution, sur
l'écart entre l'évaluation des recettes liées à l'exploitation des réseaux, nette des
reversements aux gestionnaires de réseaux amonts, et l'évaluation des charges
d'exploitation de ces réseaux. Le profil de charges repose sur une formule normative
basée sur les caractéristiques du réseau (longueur de lignes et nombre de postes) et
de la clientèle (nombre d'abonnements). Les distributeurs déficitaires ne contribuent
pas au fonds mais en perçoivent des subventions. En pratique, seul ERDF abonde ce
fonds, dont les subsides bénéficient aux distributeurs non nationalisés.
Le FPE est administré par un conseil, qui fixe les modalités selon lesquelles les
gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité adressent les
renseignements nécessaires à l’établissement de la péréquation. Ce conseil est
composé de douze membres, dont trois représentants de l’Etat, trois représentants
d’EDF, trois représentants des distributeurs non nationalisés et deux représentants
des autorités concédantes de la distribution publique d’électricité. Il est en outre
présidé par un conseiller d’Etat. Ces membres sont nommés pour trois ans par arrêté
du ministre chargé de l’énergie. Leur mandat est renouvelable.
La CSPE
A la différence du FACE et du FPE qui vise à construire, entretenir et équilibrer
l’exploitation des réseaux de distributions, la CSPE a pour objet de compenser les
surcoûts imposés aux producteurs d’électricité par les contraintes de tarification du
service public de l’électricité.
Précisément, il compense aux opérateurs qui les supportent les surcoûts liés :
- aux politiques de soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables,
- à la production dans les zones non interconnectées au réseau électrique
métropolitain continental, dus à la péréquation tarifaire nationale (Corse,
départements d'outre-mer, Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon et les îles
bretonnes de Molène, d'Ouessant et de Sein),
- à la mise en œuvre de la tarification spéciale « produit de première nécessité »
et du dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité,
- une partie des charges liées au tarif réglementé transitoire d’ajustement du
marché (TaRTAM), mis en place pour permettre aux grands comptes ayant
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renoncé au tarif réglementé de bénéficier d’un tarif à mi-chemin entre les prix
du marché et le tarif réglementé.
EDF, pour l'essentiel, Electricité de Mayotte (EDM) et les entreprises locales de
distribution (ELD) supportent de telles charges, évaluées chaque année par la
Commission de régulation de l’énergie.
Les contributeurs de ce prélèvement assis sur les KWh consommée, qui constitue un
impôt, sont les consommateurs finals ; il est recouvré, selon les cas, par leurs
fournisseurs d’électricité ou les gestionnaires du réseau de transport ou de
distribution, qui les reversent ensuite à la Caisse des dépôts. La Commission de
régulation de l’électricité (CRE) et la Caisse des dépôts versent enfin le produit de ce
prélèvement aux fournisseurs d’électricité supportant ces charges de service public.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Les logiques de péréquation du FACE et du FPE sont aussi valables dans leurs
principes pour le très haut débit, mais le contexte concurrentiel du secteur implique
une réflexion propre.
Pour leur financement, le FACE comme le FPE reposent sur l’existence de
distributeurs locaux en situation de monopole (ERDF sur 95 % du territoire et les
distributeurs non nationalisés pour le reste).
Or face à la multiplicité des exploitants de réseaux, le financement de la couverture
territoriale par les seuls opérateurs de communications électroniques sera
insuffisant. A titre d’exemple, le nouveau prélèvement imposé aux opérateurs de
communications électroniques pour financer la suppression de la télévision sur les
chaînes de service public devrait rapporter 347 millions d’euros pour 2009, chiffre
conséquent mais sans doute juste au vu de l’objectif.
Par ailleurs, le FACE comme le FPE fournissent un mécanisme institutionnel
intéressant, car il permet une redistribution nationale et départementale des fonds
en s’appuyant sur la compétence obligatoire des communes en matière de
distribution d’électricité.
Enfin, la CSPE illustre la tendance forte des industries de réseaux libéralisées à faire
peser sur l’utilisateur final des charges auparavant assumées par l’opérateur en
situation de monopole, ce qui revient de fait à fiscaliser le financement des
contraintes de service public. C’est le choix fait par les britanniques pour financer le
déploiement du haut débit, et celui également préconisé par le rapport du Conseil
économique, social et environnemental de février 2009. Pour le très haut débit, un
mécanisme de ce type pourrait par exemple s’articuler avec un prélèvement portant
sur les opérateurs.
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B) GAZ
Mécanisme
Il n’existe pas de mécanisme de péréquation géographique dans le secteur du
transport et de la distribution du gaz, mais uniquement une péréquation dite sociale,
afin de compenser les charges de service public relatives à la mise en œuvre du tarif
spécial de solidarité dont doivent bénéficier les particuliers les plus défavorisés. Ce
système a été instauré par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie.
Ces charges sont calculées sur la base d’une comptabilité tenue par les fournisseurs
qui les supportent, selon des règles établies par la CRE. La CRE peut faire contrôler
cette comptabilité par un organisme indépendant, aux frais de l’opérateur.
Les différents fournisseurs doivent contribuer à un compte géré par la Caisse des
dépôts et consignations, au pro rata de la quantité de gaz vendue aux
consommateurs finals. Le montant global de ces contributions est calculé de façon à
couvrir l’ensemble des charges entrainées par l’application du tarif de solidarité,
ainsi que les frais de gestion exposés. Les fournisseurs pour lesquels le montant de la
contribution due est supérieur au coût des charges qu’ils supportent ne versent que
la différence, deux fois par an. La Caisse des dépôts et consignations reverse selon la
même périodicité la compensation aux fournisseurs dont les charges de service
public ont excédé le montant de la contribution due. Ce mécanisme est l’équivalent
de la CSPE évoquée ci-avant.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Les remarques relatives à la CSPE valent également ici.
C) COMM UN IC AT IO NS EL ECT RONI QUE S
Mécanisme
Avant la libéralisation du secteur, l’opérateur historique pratiquait une péréquation
géographique consistant à facturer les communications téléphoniques, aux usagers
des zones densément peuplées, à un coût supérieur au coût de revient afin de
pouvoir proposer un tarif identique aux usagers des zones les moins favorisées, dont
le raccordement était nettement plus onéreux. Il assurait ainsi une mission de
service public national dans un cadre de monopole de fourniture du service.
Avec la libéralisation, la notion de service universel a été substituée, sous l’influence
communautaire, à celle de service public. Ce service universel, accessible en tout
point du territoire, doit assurer l’acheminement des communications téléphoniques,
des communications par télécopie et des communications de données à des débits
69 / 107
suffisants pour permettre l’accès à Internet, en provenance ou à destination des
points d’abonnement, ainsi que l’acheminement gratuit des appels d’urgence.
Les directives communautaires ont laissé une certaine marge aux Etats-membres
pour déterminer les conditions de fourniture de service (par un ou plusieurs
opérateurs, sur une base géographique nationale ou infranationale) et de son
financement.
En France, France Télécom en a toujours eu la charge et se voit compenser des
surcoûts induits par l’exécution de cette mission de service universel par le Fond du
service universel des communications électroniques (FSU).
Le FSU est alimenté par l’ensemble des exploitants de réseaux ouverts au public et
les fournisseurs de services de communications électroniques au public. La
contribution de chacun de ces opérateurs est calculée au pro rata de son chiffre
d’affaires réalisé au titre des services de communications électroniques, à
l’exception des prestations d’interconnexion, d’accès ou autres prestations réalisées
pour le compte d’opérateurs tiers, ainsi que de l’acheminement et la diffusion de
services de radio et de télévision et l’exploitation d’antennes collectives.
Il s’agit, par ailleurs, de contributions nettes : l’opérateur en charge du service
universel n’est pas conduit à verser des sommes d’argent pour les récupérer par la
suite.
Les ressources du Fonds sont ensuite réparties entre les prestataires de service
universel (actuellement, France Télécom). L’ARCEP a évalué le coût de la
péréquation géographique pour 2007 à 880 983 euros, pour un total du coût des
obligations de service universel de 43 941 496 euros, auquel il est retranché 21 082
405 euros d’avantages immatériels. Le coût net de l’ensemble des obligations de
service universel est ainsi évalué à 22 859 091 euros pour 2007, contre 125 millions
d’euros en 2002.
La gestion comptable et financière du fonds est assurée par la Caisse des dépôts et
consignations dans un compte spécifique. Les frais de gestion exposés sont imputés
sur le fonds.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Tout d’abord, le champ du service universel qui résulte de la directive 2002/22/CE ne
devrait pas être substantiellement modifié par le prochain « paquet télécom » pour
y intégrer l’accès à des services très haut débit. Le projet de nouvel article 4.2 de la
directive 2002/22/CE prévoit en effet que le raccordement au titre du service
universel offre « des débits de données suffisants pour permettre un accès
fonctionnel à Internet, compte tenu des technologies les plus couramment utilisées
par la majorité des abonnés et de la faisabilité du point de vue techniques », ce qui
exclut de fait un raccordement à un réseau très haut débit. Le mécanisme de
financement du service universel ne pourra donc pas être utilisé pour le
déploiement des réseaux de très haut débit.
70 / 107
Par ailleurs, le service universel est financé par la communauté des opérateurs. Or
faire reposer la couverture du territoire en réseaux très haut débit uniquement sur
le secteur serait difficile, au moins dans un premier temps, comme cela a été vu ci-
avant. Le service universel implique également la désignation d’un opérateur
assurant sa fourniture, en pratique l’opérateur historique. Si le financement des
missions de service universel de l’opérateur historique a pu, non sans difficultés
d’ailleurs, être pris en charge par la communauté des opérateurs, cela tient au fait
que le réseau était construit. Le coût net du service universel supporté par les
concurrents de France Télécom était seulement de 22 millions d’euros en 2007, sans
commune mesure avec l’effort d’investissement requis par le très haut débit, de
l’ordre de 500 millions d’euros par an.
D) TRA NSPORT S AERIE N S
Mécanisme
La loi de finances pour 1995 et la loi d’orientation pour l’aménagement et le
développement du territoire du 4 février 1995 ont institué un Fonds de péréquation
des transports aériens (FPTA) afin d’assurer l’équilibre des dessertes aériennes
réalisées dans l’intérêt de l’aménagement du territoire. Il s’agissait de contribuer à
maintenir l’existence de dessertes aériennes non rentables en compensant les
pertes subies par certains opérateurs par des contributions des autres opérateurs du
marché intérieur. Ce dispositif, d’origine communautaire, a été modifié par la loi de
finances pour 1999, qui l’a renommé « Fonds d’intervention pour les aéroports et le
transport aérien » (FIATA). Son fonctionnement et son objet même ont été
largement modifiés en 2005, mais l’étude de ce fonds dans sa forme initiale
demeure intéressante.
Le champ d’application de ce fonds s’étendait aux liaisons intérieures de la France
continentale, aux liaisons intérieures de la Corse et aux liaisons intérieures aux
départements d’outre-mer. Le trafic devait être compris entre 10.000 et 150.000
passagers annuels, aucun des aéroports reliés ne devait dépasser un trafic annuel
total de 1,5 million de passagers et il ne devait pas y avoir d’acheminement alternatif
pour que ces liaisons soient éligibles à la compensation. Un transporteur ne pouvait
être subventionné que s’il offrait un programme minimal de deux allers et retours
quotidiens 220 jours par an et maximal de 21 allers et retours par semaine.
La collectivité intéressée par une liaison lançait une procédure d’appel d’offres et
formulait une demande de participation du fonds auprès du ministre chargé de
l’aviation civile. Un représentant de ce ministère assistait à la procédure de sélection
de la meilleure offre. A l’issue de la procédure, une convention tripartite de
délégation de service public était conclue entre l’Etat, la collectivité et le
transporteur aérien. La collectivité participait à la compensation financière. Le fonds
de péréquation des transports aériens prenait en charge de 70 à 80% de la
compensation (60% à 70% si la collectivité imposait une obligation tarifaire), dans la
71 / 107
limite de 50% des recettes réalisées sur la liaison. Ces compensations ne devaient
pas introduire de distorsions de concurrence entre les transporteurs.
Les compensations versées par le fonds faisaient l’objet de règlements sous forme
d’acomptes et de soldes de régularisation au vu des résultats réels du transporteur
sur cette liaison, dans la limite du montant demandé pour chaque année
d’exploitation lors de l’appel d’offres.
Le FPTA, compte spécial du trésor, était alimenté par une taxe de péréquation due
par les entreprises de transport aérien sur le nombre de passagers embarquant dans
les aéroports de France continentale (donc hors Corse), quelle que soit leur
destination. Le montant de cette taxe était d’abord de 4 francs, avant d’être
progressivement réduit à 1 franc. Lors de la création du FIATA en 1999, cette taxe a
été remplacée par une taxe de l’aviation civile, toujours en vigueur, mais affectée à
d’autres usages.
Ces deux fonds successifs étaient gérés par un comité de gestion de quatorze puis
treize membres (quatre parlementaires, trois représentants des différentes
collectivités locales, six représentants de l’Etat en ce qui concerne le FPTA), présidé
par le ministre en charge de l’aviation civile. Le comité devait se réunir au moins une
fois par an. La direction des transports aériens en assurait le secrétariat.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Bien que ce mécanisme soit aujourd’hui supprimé, il fournit une analogie
intéressante : il allouait à une multiplicité de transport des fonds réunis pour assurer
des contraintes d’aménagement du territoire dans un secteur libéralisé.
La désignation des transporteurs par appel d’offres limite toutefois l’analogie avec
les communications électroniques, car elle accordait une exclusivité au transporteur,
en lui accordant ainsi un monopole de fait sur la liaison concernée, comme cela se
rencontre dans les secteurs postaux et ferroviaires qui seront vus ci-après.
E) TRA NSPORT S FERROV I AIRE S
Mécanisme
L’organisation du transport ferroviaire français autour du monopole de la SNCF
institué par la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982 n’a pendant
longtemps pas justifié de mettre en place une péréquation objective et
transparente, celle-ci étant réalisée au sein de la comptabilité de l’opérateur public.
L’Etat accordait en outre des contributions à la SNCF pour financer le coût des
dessertes régionales.
La directive 91/440, les trois « paquets ferroviaires » successifs de 1998/2001,
2002/2004 et 2004/2007 – la transposition du dernier paquet faisant l’objet du
projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires texte
en cours de discussion au Parlement –, et le règlement communautaire 1370/2007
72 / 107
dit « obligations de service public » ( OSP ) ont amené les autorités françaises à
réfléchir progressivement aux mécanismes permettant de continuer à financer, une
fois le secteur libéralisé, l’entretien des infrastructures et l’exploitation des services
les moins rentables.
Le financement de l’aménagement du territoire est – et sera probablement – assuré
par plusieurs biais, directement liés à la structure de la libéralisation qui distingue
d’une part l’infrastructure et les services et, d’autre part, au sein de ceux-ci, les
services internationaux, nationaux et régionaux.
En premier lieu, les services de transport ferroviaire régionaux ne sont pas ouverts à
la concurrence, excluant ainsi tout écrémage des segments rentables de cette
activité.
En effet, le règlement OSP ne remet pas en cause la possibilité des Régions
d’attribuer un contrat de service public à un seul opérateur, sans même qu’elles
soient tenues de mettre en concurrence ce contrat. Des discussions sont toutefois
en cours pour permettre aux Régions d’avoir d’autres interlocuteurs que la SNCF,
mais les exploitants des services régionaux disposeront toujours d’un monopole
local, et pourront dans ce cadre bénéficier de compensations de charge de service
public destinées à couvrir les tarifs et l’achat de matériels roulant. La régionalisation
des transports ferroviaires, amorcée dés 1997 et généralisée en 2001, est donc
définitivement consacré par le règlement OSP.
Ensuite, là-encore dans le cadre de cette régionalisation, l’entretien et la
régénération des voies sont traités dans le cadre des contrats de plan Etat Région
(CPER), en partenariat avec Réseau ferré de France (RFF). Ces investissements sont
donc pris en charge par les Régions, l’Etat et RFF, la répartition faisant l’objet de
négociations au cas par cas. Par ailleurs, le coût des redevances d’accès au réseau de
RFF pour les transports régionaux est pris en charge par l’Etat, et non les Régions,
depuis un décret de novembre 2008.
En second lieu, l’ouverture à la concurrence ne concerne que le fret et les services
internationaux de transports de voyageurs, qui ont toutefois la possibilité, à titre
accessoire, de faire du « cabotage » au sein d’un même Etat-membre. L’accès des
transporteurs au réseau de RFF n’est toutefois pas absolu, celui-ci pouvant être
limité pour tenir compte de l’équilibre économique des contrats de service public. En
clair, une Région pourrait demander au régulateur ferroviaire de s’opposer à ce
qu’un opérateur international obère, en faisant du « cabotage », l’équilibre
économique et financier de son contrat de service public.
Surtout, la directive 2007/58 autorise, à son article 3 septies, la perception, auprès
des opérateurs ferroviaires, de redevances destinées à compenser des obligations de
service public imposées à un autre opérateur dans le cadre d’un contrat de service
public. Le texte en cours de discussion au Parlement ne prévoit toutefois pas la mise
en place d’un tel mécanisme en droit français.
73 / 107
Intérêts et limites pour le très haut débit
Le financement des missions d’aménagement territoire remplies par les transports
ferroviaires présente une différence essentielle avec les communications
électroniques : les secteurs les moins rentables ne sont pas véritablement ouverts à
la concurrence car, sur le transport régional, l’opérateur est assuré de conserver une
position monopolistique, qu’il ait été désigné ou pas à la suite d’une mise en
concurrence. Cet opérateur dispose donc d’un « secteur réservé »– à l’instar de La
Poste jusqu’en 2011 comme cela sera vu ci-après –. Cela limite l’écrémage des
segments les plus rentables, ce qui est impossible pour les communications
électroniques, les directives du « paquet télécom » ne prévoyant pas de telles
exceptions.
En outre, le financement de ces missions s’articule autour de la séparation
structurelle mise en place en 1997, ce qui permet de dissocier les dépenses
d’investissement portant sur les infrastructures, de celles d’exploitation, qui
couvrent à la fois le financement des tarifs préférentiels et du matériel roulant. En
matière de communications électroniques, il n’est pas certain qu’un financement
des déficits d’exploitation soit nécessaire pour le très haut débit, le besoin de
financement portant quasi-exclusivement sur les dépenses de premier établissement
du réseau. Et sur ce point, le mécanisme tripartite mis en place entre RFF, l’Etat et
les collectivités fournit un exemple intéressant de coopération de ces deux derniers
avec un opérateur de réseau. Cela étant, renvoyer aux CPER le soin de déterminer
les parts respectives de chacun est ici impossible. En effet, seul l’Etat sera toujours
présent en matière de communications électroniques, alors que d’autres
collectivités que la Région interviennent en matière de communications
électroniques et que, par définition, il existe une multiplicité d’opérateurs
susceptibles de recevoir des subsides.
F) AUT OROUT E S ET GR AN D S RESE AUX DE T R A NS PORT S
Modes de financement de la construction des autoroutes
L’Etat a contribué au financement du réseau autoroutier par l’intermédiaire de la
Caisse nationale des autoroutes (CNA), établissement public administratif créé en
1963. Plus précisément, cet établissement a pour mission de procurer aux sociétés
concessionnaires d'autoroutes les ressources destinées au financement de la
construction ou de l'aménagement des autoroutes donnant lieu à la perception de
péages.
Pour ce faire, la Caisse émet des emprunts sur les marchés français et
internationaux. Elle contracte également des emprunts auprès de certains
établissements financiers. L’établissement répartit le produit de ces emprunts entre
les collectivités ou sociétés ayant reçu la concession de la construction ou de
l’exploitation d’autoroutes.
74 / 107
La CNA est administrée par un conseil de huit membres (cinq représentants de l’Etat,
le Commissaire général du Plan, le directeur général de la Caisse des dépôts et
consignations, un président de société d’économie mixte concessionnaire
d’autoroutes (SEMCA)).
Les ressources de la CNA comprennent le produit des emprunts émis, les sommes
versées par les concessionnaires en vue d’assurer le service de ces emprunts et de
couvrir les frais de fonctionnement de la caisse, ainsi que des ressources de
trésorerie.
Le produit des emprunts est mis à disposition des concessionnaires d’autoroutes.
Par ailleurs, la construction des autoroutes a également été facilitée par le
mécanisme dit de « l’adossement ». Celui-ci consistait à financer la construction des
nouvelles liaisons grâce au produit des péages perçus sur les usagers des autoroutes
les plus anciennes d’un même concessionnaire. En effet, une prolongation de la
durée du contrat était accordée l’exploitant s’il finançait la construction de
l’extension de son réseau par le produit des péages de ses sections en activité.
Il a été mis fin à ce système en 2001.
Le rôle de l’AFIFT
L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIFT) a été
créée en 2004 à l’initiative du Comité interministériel d’aménagement et de
développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, afin de permettre une
capacité d’intervention publique dans les grands projets d’infrastructures
ferroviaires, fluviales, maritimes et routières. Les trois quarts de ces projets à réaliser
d’ici 2025 sont non routiers et représentent un coût prévisionnel de 25 milliards
d’euros.
Il s’agit d’un établissement public administratif dont la vocation est d’affecter ses
ressources aux investissements dans ces grandes infrastructures de transport. Ses
moyens d’action sont notamment le versement de subventions d’investissement,
des avances remboursables non rémunérées, l’apport de fonds de concours et la
participation au financement des investissements prévus par des contrats de
partenariat. L’AFIFT est placée sous la tutelle du ministre chargé des transports.
L’établissement est administré par un conseil de douze membres comprenant six
représentants de l’Etat, deux parlementaires, deux élus locaux et deux personnalités
qualifiées. A l’exception des représentants de l’Etat, ces membres sont nommés par
décret pour une durée de trois ans renouvelable.
A l’origine, les ressources de l’AFIFT provenaient essentiellement des dividendes
versées à l’Etat par les SEMCA. L’exploitation du secteur autoroutier, désormais
globalement rentable, permettait ainsi de financer la construction de nouvelles
infrastructures, notamment ferroviaires.
Lorsque la totalité des SEMCA a été privatisée (en 2005), l’agence a été privée de ce
financement, qui a été remplacé par d’autres ressources routières, telles que la taxe
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d’aménagement du territoire, calculée en fonction du nombre de kilomètres
parcourus par les usagers, des redevances d’occupation domaniale, ou une fraction
du produit des amendes de radars automatiques. En outre, un quart environ du
produit de la privatisation des autoroutes a été affecté à l’AFIFT, soit 4 milliards
d’euros.
Selon le rapport Carrez sur le projet de loi de finances pour 2009, cette dernière
ressource devrait très rapidement être épuisée, et les autres ressources ne suffisent
pas à faire face aux besoins de l’AFIFT. C’est pourquoi la loi de finances pour 2009 a
prévu une augmentation de l’affectation à l’AFIFT du produit des amendes de radars
automatiques, en valeur relative. Par ailleurs, l’agence bénéficie de dotations
directes de l’Etat : en 2009, une subvention budgétaire de 1,2 milliards d’euros sera
versée à l’AFIFT.
Les SEMCA
L’équilibre des trésoreries des SEMCA a longtemps été assuré par une péréquation
de leurs ressources. Ce système a permis l’entretien et le développement des
autoroutes françaises, tout en exerçant une attraction sur les investisseurs privés,
ainsi incités à contribuer à l’édification du réseau.
Un établissement public administratif dénommé « Autoroutes de France » (AdF)
avait pour mission d’assurer une péréquation des résultats financiers des SEMCA, ce
qui permettait d’assurer l’exploitation des autoroutes les moins rentables. L’Etat a
transféré à cet établissement, à sa création en 1982, les créances qu’il détenait sur
les SEMCA, telles que des avances budgétaires, les garanties d’emprunt et les
apports en nature que la loi l’autorise à leur octroyer pour favoriser la construction
des infrastructures autoroutières.
En contrepartie, AdF percevait les excédents de trésorerie des SEMCA bénéficiaires.
L’établissement public disposait de la faculté de consentir aux SEMCA des apports en
fonds propres, notamment sous la forme de prises de participations et d’avances
d’actionnaires, lorsque cela était nécessaire.
Autoroutes de France était administré par un conseil d’administration de vingt
membres (un président désigné par décret parmi les membres du Conseil d’Etat, de
la Cour des comptes ou de l’Inspection générale des finances, dix représentants de
l’Etat, deux parlementaires, six représentants des collectivités territoriales
actionnaires et un représentant des présidents des SEMCA). La Caisse des dépôts et
consignations assurait la gestion de l’établissement sous le contrôle du conseil
d’administration, qui remboursait chaque année les dépenses afférentes à celle-ci.
Lorsque le cumul des déficits de trésorerie des SEMCA dépassait les ressources
procurées par les excédents, AdF était autorisé à recourir à l’emprunt pour financer
les besoins complémentaires (ce fut le cas en 1986 et 1987).
Outre les sommes versées par les SEMCA, les ressources de l’établissement
comprenaient les produits d’avances et les dotations reçues de l’Etat, ainsi que les
produits d’emprunts.
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Critiqué par la Cour des comptes pour l’opacité de gestion qu’il engendrait dans un
contexte de plus grande ouverture aux capitaux privés des SEMCA, AdF a été dissout
par la loi de finances pour 2009. En effet, son existence ne se justifiait plus dès lors
que les SEMCA ont été privatisées.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Au-delà de son intérêt historique, le cas des autoroutes est instructif à deux titres.
D’abord, rien n’empêche de multiplier les mécanismes pour financer la construction
et l’exploitation d’une infrastructure. Fonds obtenus par la CNA sur les marchés
internationaux et ensuite prêtés aux concessionnaires, garanties d’emprunt,
péréquation de charges d’exploitation, adossement etc. ont été utilisés ici. Seul
l’adossement est aujourd’hui prohibé par le droit communautaire, tous les autres
étant encore juridiquement viables.
Ensuite, l’assèchement rapide des sources de financement de l’AFIFT souligne la
nécessité de sanctuariser, dès l’origine, les ressources d’un éventuel fonds de
couverture du territoire en très haut débit, par le biais de prélèvements spécifiques
et/ou de l’affectation de recettes pérennes. A défaut, son fonctionnement dépendra
d’éléments conjoncturels, alors qu’il aura pour ambition de répondre à une logique
de long terme.
G) POST E
Mécanisme
Le secteur postal traverse actuellement une phase de transition. Aujourd’hui, dans le
cadre de la loi relative à la régulation des activités postales du 20 mai 2005, La Poste
continue à bénéficier d’un monopole sur un certain nombre de prestations, le «
secteur réservé », pour lui permettre de financer ses activités de service universel.
L’ouverture totale à la concurrence, prévue pour le 1er janvier 2011 au plus tard par
la troisième directive postale 2008/06, condamne toutefois ce secteur réservé. Le
financement du service universel sera alors assuré par le biais du Fonds
compensation du service postal universel, abondé par les différents opérateurs
postaux. Bien que le principe de ce Fonds soit déjà posé par l’article L.2 du code des
postes et des communications électroniques, le législateur sera très probablement
amené à intervenir de nouveau.
Le mécanisme actuel présenté ci-après est donc seulement transitoire.
Dans le cadre de la loi du 20 mai 2005, La Poste contribue au moyen de son réseau
de points de contacts et de bureaux de poste, au maillage territorial du pays,
notamment en zones rurales ou montagnardes. Un Fonds postal national de
péréquation territoriale, a été créé pour isoler, dans la comptabilité de La Poste, les
ressources affectées au financement de ses missions en matière d’aménagement du
territoire et de service universel.
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Le mécanisme prévoit que La Poste, l’Association des maires de France et l’Etat
concluent un contrat pluriannuel de présence postale territoriale, qui fixe les lignes
directrices du Fonds postal national de péréquation territoriale pour sa période
d’application. Le dernier contrat en date a été conclu pour la période 2008/2010 le
19 novembre 2007.
L’obligation de présence territoriale de La Poste s’exprime sous deux formes dans ce
contrat :
- D’une part, au titre de sa mission d’aménagement territoire, l’objectif étant
d’empêcher que, sauf circonstances exceptionnelles, plus de 10% de la
population d’un département se trouve éloignée de plus de 5 kilomètres ou de
plus de 20 minutes de trajet automobile, d’un point de contact de son réseau ;
- D’autre part, en tant qu’opérateur en charge du service universel, elle doit
garantir qu’au moins 99% de la population nationale et au moins 95 % de la
population de chaque département doivent être à moins de 10 kilomètres d’un
point de contact et toutes les communes de plus de 10 000 habitants disposent
d’au moins un bureau de Poste par tranche de 20 000 habitants. Cet objectif est
moins contraignant que celui résultant de sa mission d’aménagement du
territoire.
La ressource du fonds est principalement constituée de l’abattement de fiscalité
locale dont La Poste bénéficie depuis 1990. Les bases d’imposition de
l’établissement public font en effet l’objet d’un abattement égal à 85% de leur
montant, en raison des contraintes de desserte de l’ensemble du territoire national
et de la participation à l’aménagement du territoire qui lui incombent. Cet
abattement n’est pas compensé par l’Etat auprès des collectivités territoriales.
Alimenté par le produit de cet abattement, le montant de ce fonds est actuellement
de l’ordre de 130 à 140 millions d’euros par an.
Le contrat de présence territoriale constate l’évolution du montant des ressources
du fonds et en établit une prévision sur la période d’application.
La répartition entre les départements se fait selon deux critères : 70 % de
l’enveloppe est répartie au prorata du nombre de points de contacts au sein des
zones dites prioritaires : zones rurales y compris les zones de revitalisation rurales,
zones de montagnes et zones urbaines sensibles ; les 30 % restant de l’enveloppe est
répartie, pour chaque département, en fonction de nombre d’habitant de chaque
zone prioritaire, auxquelles est attribué un « coefficient de handicap » fonction
d’isolement du degré géographique ou économique.
Ce contrat détermine également les modalités de répartition du financement dans
les départements, avec le concours des commissions départementales de la
présence postale territoriale (CDPPT).
Les CDPPT regroupent, dans chaque département, quatre conseillers municipaux,
deux conseillers généraux et deux conseillers régionaux. Elles ont pour rôle de
donner un avis sur le projet de maillage des points de contact de La Poste dans le
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département, de proposer la répartition de la dotation départementale du Fonds
postal national de péréquation territoriale, d’être informée par La Poste des projets
d’évolution des points de contact et de consulter toute personne susceptible
d’apporter des informations utiles à l’accomplissement de ces missions.
Au total, la répartition du fonds est effectuée en priorité au profit des communes
situées en zones de revitalisation rurale, en zones de montagne et en zones urbaines
sensibles.
A l’avenir, dans le cadre de la transposition de la directive 2008/06, le financement
du service universel et des autres missions de service public confiées à La Poste
devront obligatoirement être dissociés. Selon cette directive, les ressources du
Fonds de compensation du service universel ne peuvent qu’être affectées au
financement de celui-ci, dont le périmètre exclut les missions de service public
traditionnellement confiées à La Poste (accessibilité bancaire, aménagement du
territoire, transport de la presse). Il est donc probable qu’un ou plusieurs
conventionnements particuliers entre l’Etat et La Poste viennent compléter, pour les
missions de service public, le mécanisme de financement propre au service
universel.
Intérêts et limites pour le très haut débit
En dépit des limites de l’analogie, le secteur postal préfigure la distorsion existant en
matière de communications électroniques entre les obligations issues du service
universel et un objectif national plus ambitieux. De fait, rien n’interdit à un Etat-
membre d’aller au-delà du service universel, mais il lui faudra alors respecter les
règles particulières applicables au régime des aides d’Etat.
Ainsi, tout objectif supérieur à celui contenu dans les directives du « paquet
télécom » pour le très haut débit devra tenir du régime propre des aides d’Etat. Or si
en matière postale il est évident que seule La Poste sera en mesure de réaliser ces
missions, ce qui facilitera leur prise en charge par le biais d’une relation directe avec
l’Etat respectant les principes posés par l’arrêt Altmark de la Cour de justice des
Communautés européennes, il en sera différemment en matière de
communications, compte tenu de la multiplicité à la fois des autorités organisatrices
et des bénéficiaires des aides. Une notification à la Commission européenne
Bruxelles du régime mis en place sera très probablement nécessaire.
Enfin, l’attribution des aides en fonction des « handicaps » de chaque territoire
montre également que l’élaboration de critères d’éligibilité au bénéfice de certains
financements particuliers est possible en matière d’industrie de réseaux. A ce
propos, la loi relative à la lutte contre la fracture numérique votée par le Sénat en
première lecture le 20 juillet dernier renvoie d’ailleurs à l’ARCEP le soin de
circonscrire ces zones.
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H) EAU
Mécanisme
Jusqu’à sa suppression par la loi de finances pour 2005, il existait dans le secteur de
la distribution d’eau un fonds national pour le développement des adductions d’eau
(FNDAE). Ce fonds, créé en 1954, avait pour vocation d’aider par dotation les
communes rurales pour leurs travaux d’alimentation en eau potable et
d’assainissement. Jusqu’en 1995, il pouvait également accorder des prêts à taux
réduit à ces communes maîtres d’ouvrages dans ce domaine.
Ce fonds était alimenté par une redevance sur le volume des consommations d’eau
potable distribuée, par le produit des annuités versées des prêts qu’il consentait
(lorsqu’il en avait encore la compétence), et par toutes recettes ou dotations
affectées, au titre desquelles un prélèvement sur les recettes du Pari mutuel.
Le FNDAE était géré par le ministère chargé de l’agriculture. Celui-ci était assisté
d’un comité consultatif de seize membres ainsi répartis : quatre parlementaires, un
représentant du Conseil économique et social, cinq représentants des collectivités
territoriales, quatre représentants de l’Etat, un représentant de la FNCCR, et qui
était présidé par un conseiller d’Etat.
La redevance était due par les services de distribution d’eau potable, quel que soit le
mode d’exploitation, en fonction du volume d’eau consommée. Les directions
départementales de l’équipement (DDE) et les directions départementales de
l’agriculture et de la forêt (DDAF) exerçaient le contrôle du recouvrement des
redevances, dont étaient chargés les distributeurs à titre gratuit. Après
recouvrement, le distributeur disposait d’un délai d’un mois pour verser au Trésor le
montant des redevances perçues. Le redevable de la redevance était le distributeur
et non l’usager ; la répercussion du coût de celle-ci sur le consommateur n’était donc
pas obligatoire.
Les aides financières du FNDAE étaient réparties par département sous forme de
dotations affectées à l’eau et à l’assainissement. Le département fixait la répartition
de ces dotations entre les communes rurales et leurs groupements qui réalisaient
des travaux d’alimentation en eau potable et d’assainissement. En 1997, l’aide du
fonds a été étendue aux travaux de maîtrise des pollutions d’origine agricole.
En 2004, le montant de cette taxe était de 21,34 euros pour 1.000 m³ d’eau
consommée.
Depuis 2005, les Agences de l’eau prennent en charge le financement des
investissements des communes rurales relatifs à l’eau potable et à l’assainissement.
Une majoration des redevances dues aux agences a été opérée (de l’ordre de 31
euros pour 1.000 m³ d’eau prélevée en 2005 contre 17 euros en 2004).
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Intérêts et limites pour le très haut débit
Au-delà de la multiplicité des sources de financement, dont l’utilité a été soulignée
pour le financement des infrastructures autoroutières, on observera l’existence d’un
prélèvement opportuniste portant notamment sur les recettes du pari mutuel. Pour
le très haut débit, au vu de ce précédent, un prélèvement sur les recettes futures
des jeux en lignes n’apparaît pas si incongru.
I ) PRESSE
Le secteur de la presse constitue l’un des secteurs les plus aidés par l’Etat ; il existe
près de 18 mécanismes de soutiens, directs et indirects (exemption fiscales et
sociales, tarifs préférentiels de La Poste).
Dans ce cadre, deux grands mécanismes participent d’une mission d’intérêt général :
les aides à la diffusion et les aides à la pluralité des titres nationaux et locaux.
Au titre de la diffusion, on mentionnera l’aide à la distribution de la presse
quotidienne régionale et les tarifs postaux préférentiels accordés aux entreprises de
presse, et de la pluralité des titres locaux, le Fonds d’aide aux quotidiens régionaux,
départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources
de petites annonces.
L’aide à la distribution de la presse nationale quotidienne et généraliste
Pour mémoire, en vertu de la loi Bichet du 2 avril 1947, les quotidiens nationaux
d’information politique et générale sont distribués selon deux modes : soit
directement par l’éditeur du titre, par ses propres moyens, soit par le groupage,
dans le cadre de sociétés coopératives regroupant plusieurs éditeurs. Dans ce
dernier cas, ces sociétés coopératives peuvent sous-traiter la distribution à une
société commerciale, à condition d’en détenir conjointement le contrôle. Il existe
une seule société de ce type chargée de la diffusion de la presse quotidienne
nationale : les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP). Les autres
coopératives, à savoir les Messageries lyonnaises de presse (MLP) et la Société
auxiliaire pour l’exploitation et le transport de la presse (TP), ne distribuent pas la
presse quotidienne nationale.
Les NMPP supportent des contraintes logistiques et d’urgence spécifiquement
attachées à cette activité exercée sur l’ensemble du territoire national, et pratiquent
de ce fait des tarifs de diffusion élevés. Elles exercent historiquement une forme de
péréquation interne entre la distribution de la presse nationale, déficitaire, et celle
de la presse magazine, rentable. Cela étant, les éditeurs de magazines sont libres de
supporter ces charges ou pas, car à défaut ils peuvent s’adresser aux messageries ne
distribuant que des magazines. La chute du nombre d’exemplaires vendus par les
quotidiens nationaux ne leur permettant plus de supporter de tels tarifs, le
gouvernement a décidé en 2002 de prendre en partie en charge ces coûts de
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diffusion. Cette aide annuelle est accordée à chaque éditeur en fonction du nombre
de titres vendus.
L’aide au transport postal de la presse
La presse a toujours historiquement bénéficié de tarifs privilégiés de la part de
l’opérateur postal. Au cours des vingt cinq dernières années, ces tarifs résultaient
d’accord tripartites conclus entre l’Etat, les représentants de la presse et La Poste, et
participaient des missions de service public de celle-ci.
La libéralisation du secteur postal a conduit ces trois acteurs à remettre à plat ce
mécanisme, pour le maintenir une fois le marché postal ouvert à la concurrence.
Ces tarifs spécifiques appliqués à la presse sont prévus à l’article R.1-1 du code des
postes et des communications électronique et intégrés dans le champ du service
universel postal. Ils font l’objet d’une compensation particulière prise en charge
intégralement par l’Etat.
Les accords dits « Schwartz » de 2008 prévoient ainsi l’octroi d’une subvention
annuelle de l’Etat à La Poste sur la période 2009/2015 (à hauteur de 242 millions
d’euros jusqu’en 2011, puis 232 millions d’euros en 2012 pour parvenir à 180
millions d’euros en 2015), ainsi qu’une augmentation progressive des tarifs de
transport de la presse. Cette subvention se décompose en :
- une aide au pluralisme pour la diffusion de la presse d’information politique et
générale, se traduisant par une minoration de la facture des éditeurs pour le
transport des titres de la presse d’information politique et générale. Cette aide
est gérée directement par la direction du développement des médias.
- une aide à la distribution en zones peu denses, compensant une partie des
surcoûts liés à l’acheminement dans les zones considérées et permettant ainsi le
maintien d’un tarif égal sur tout le territoire, est versée à l’opérateur postal.
Cette aide est gérée directement par la direction générale des entreprises.
Cela étant, à l’avenir, ces tarifs préférentiels ne seront pas financés par le fonds de
service universel, car la directive postale 2008/06 ne permet plus d’affecter ses
ressources, qui seront prélevées sur la communauté des opérateurs, à de telles
dépenses. Ils seront donc directement compensés par l’Etat.
Le fonds d’aide aux quotidiens régionaux et locaux d’information
Instituée en 1989 (décret n° 89-528 du 28 juillet 1989 modifié), cette aide est
réservée aux quotidiens de langue française d’information politique et générale à
diffusion régionale, départementale ou locale, et dont les recettes de petites
annonces n’excèdent pas 5 % de leurs recettes publicitaires totales. En 1997, le
bénéfice de ce fonds d’aide a été élargi aux quotidiens d’information politique et
générale à diffusion régionale, départementale ou locale dont les recettes de petites
annonces n’excèdent pas 15 % de leurs recettes publicitaires totales et dont la
diffusion est assurée à plus de 25 % par voie d’abonnement postal.
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Intérêts et limites pour le très haut débit
Les différents mécanismes d’aides présentés ci-dessus sont d’un intérêt limité pour
le très haut débit, pour deux raisons.
En premier lieu, l’empilement des différents régimes résulte des réponses données
par l’Etat aux difficultés successives rencontrées par le secteur de la presse écrite, et
non de l’ouverture à la concurrence d’un secteur auparavant sous régime de
monopole.
En second lieu, il n’existe pas de prélèvements dont le produit est affecté,
directement ou indirectement, à alimenter ces différentes aides. En effet, les
ressources nécessaires sont inscrites chaque année dans la loi de finances, et sont
ensuite redistribuées, pour la plupart, directement par la Direction du
développement des médias en fonction des règles d’éligibilité posées par décret.
Dans ces conditions, l’analogie avec le très haut débit est limitée, car il semble
préférable d’identifier, a minima sur le moyen terme, des recettes pérennes, qui
seront ensuite affectées par une entité qui devrait idéalement regrouper l’Etat et les
collectivités.
J) AUD IOV IS UEL
Mécanisme
Il ne s’agit pas à proprement parler d’un mécanisme de péréquation horizontale. Il
est toutefois pertinent de le présenter, car il repose pour partie sur le chiffre
d’affaires des opérateurs de communications électroniques.
La suppression partielle de la publicité dans l’audiovisuel public a entrainé un
manque à gagner du groupe France Télévisions estimé pour 2009 à 450 millions
d’euros par la Commission pour la nouvelle télévision publique. Afin de compenser
ces pertes, la loi de finances pour 2009 a prévu une dotation budgétaire de 450
millions au groupe télévisuel. Une programmation pluriannuelle prévoit en outre
une augmentation de ces crédits de 1,75% par an, entraînant une hausse de 7,9
millions d’euros en 2010, puis 8,1 millions d’euros en 2011, des crédits du
programme budgétaire 313 « Contribution au financement de l’audiovisuel public »
de la mission « Médias ».
La préoccupation de préserver les finances publiques a conduit le législateur à
instaurer deux taxes destinées à couvrir ces dotations. La loi relative à la
communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision en date
du 5 mars 2009 créé ainsi une nouvelle taxe sur la publicité diffusée sur les chaînes
de télévision et une taxe sur les services fournis par les opérateurs de
communications électroniques.
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• Taxe sur la publicité diffusée sur les chaînes de télévision
La taxe sur la publicité diffusée est désormais due par les différentes chaînes de
télévision dont le siège est en France, qu’elles soient diffusées sur le réseau hertzien
analogique ou numérique, ou par d’autres moyens (câble, satellite).
La taxe est assise sur le montant des sommes versées par les annonceurs à ces
télévisions ou à leurs régisseurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires,
soustraction faite du montant de la TVA. Les recettes publicitaires des sites internet
de ces chaines ne sont pas concernées, contrairement aux sommes versées dans le
cadre de parrainages d’émissions.
Le taux de cette taxe est de 3% du montant des versements annuels, avec un
abattement de 11 millions d’euros sur l’assiette. La taxe est calculée pour chaque
service de télévision, ce qui signifie que les différentes chaines d’un même groupe
(M6 et W9, par exemple) paieront séparément. Ceci est avantageux pour les
groupes, dans la mesure où l’abattement de 11 millions d’euros s’appliquera pour
chaque chaîne. En outre, pour les chaînes diffusées autrement que par voie
hertzienne terrestre en mode analogique (télévision numérique terrestre (TNT),
câble, satellite…), le taux de la taxe est fixé à 1,5% pour 2009, 2% pour 2010 et 2,5%
pour 2011.
Il existe enfin un mécanisme de plafonnement du montant de la taxe, celui-ci ne
pouvant excéder la moitié la moitié de la différence entre les recettes publicitaires
constatées pour une année n et les recettes perçues en 2008. Un taux minimal de
1,5% de taxation des recettes publicitaires est toutefois applicable, en tout état de
cause.
Les rapporteurs du projet de loi ont insisté sur le manque de dynamisme du produit
de cette taxe et son caractère aléatoire. Ce produit, estimé en prévision à un
montant compris entre 60 et 70 millions d’euros pour 2009 est, en outre, insuffisant
pour compenser les dotations de l’Etat au groupe France Télévisions (Rapport Morin-
Desailly et Thiollière pour le Sénat en date du 6 janvier 2009).
• Taxe sur les opérateurs de communications électroniques
La loi du 5 mars 2009 créé également une taxe due par tout opérateur de
communications électroniques qui fournit un service en France et qui a fait l’objet
d’une déclaration préalable auprès de l’ARCEP. Il s’agit principalement des
opérateurs de téléphonie et des fournisseurs d’accès à internet.
L’assiette de cette taxe est constituée du montant, hors TVA, des abonnements et
autres sommes acquittées par les usagers à ces exploitants. En sont néanmoins
exclus les montants correspondant aux prestations d’interconnexion et d’accès au
réseau, aux prestations de diffusion ou de transport des services de communication
audiovisuelle (télévision par ADSL, par exemple) ou aux prestations de services
universels de renseignement téléphonique. Les dotations aux amortissements, dont
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la durée est d’au moins dix ans, afférentes aux matériels et équipements nécessaires
aux infrastructures et réseaux de communications électroniques, sont déduites de
l’assiette de la taxe.
Ces sommes sont taxées selon un taux de 0,9%, avec un abattement de 5 millions
d’euros.
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé dans le sens de la constitutionnalité de
cette taxe, en considérant qu’il était loisible au législateur de compenser les
dotations budgétaires de l’Etat en instituant une nouvelle imposition pour financer
cette charge. Le juge constitutionnel a également considéré qu’il n’existait pas
d’obstacle à ce que la taxe soit assise sur les recettes des opérateurs de
communications électroniques, alors même qu’ils n’interviennent pas directement
dans le secteur audiovisuel.
Selon le rapport Morin-Desailly et Thiollière précité, le produit de cette taxe est
évalué à 347 millions d’euros pour 2009.
Intérêts et limites pour le très haut débit
La mise en place d’un tel mode de financement fournirait sans doute une source
conséquente et solide de financement d’un éventuel fonds national d’aménagement
numérique. C’est d’ailleurs la proposition du rapport du Conseil économique, social
et environnemental de février 2009 sur la couverture numérique des territoires,
reprise et quelques peu amendée par le sénateur Pintat dans sa proposition de loi
pour lutter contre la fracture numérique discutée au Sénat en juillet dernier.
Le CESE propose qu’un fonds national similaire au FACE soit alimenté par des
prélèvements sur les abonnements aux services de communications électroniques
(téléphonie fixe, ADSL et mobile), le taux (0,50 euros/mois) étant le cas échéant
modulé en fonction de la qualité de service. Ce fonds national serait complété par
des fonds régionaux alimentés par les collectivités (régions ou syndicat mixtes
régionaux), leurs contributions étant proportionnelles à leur population (10
euros/h/an).
A la suite de la discussion de la proposition de loi du Sénateur Pintat en première
lecture au Sénat le 20 juillet dernier, la création d’un Fonds national d’aménagement
numérique a été décidée, qui sera administré conjointement par l’Etat et les
collectivités sur un mode proche de celui du FACE présenté ci-avant. En revanche,
aucune source de financement n’a été instituée, le sujet étant renvoyé à la
discussion devant l’Assemblée nationale.
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II- AUTRES TYPES D’AIDES ENVISAGEABLES POUR LES OPERATEURS
Le Code général des collectivités territoriales (CGCT) et quelques autres dispositifs
légaux, souvent inspirés d’outils utilisés par l’Etat, offrent un certain nombre de
possibilités d’interventions économiques des collectivités territoriales pour favoriser
le développement économique local et l’aménagement du territoire. Ces différentes
aides pourraient être adaptées ou inspirer des solutions pour favoriser le
développement privé du réseau à très haut débit dans les zones géographiquement
peu rentables.
A) PRET S A T A UX BO NI FIE
Mécanisme
Les différentes collectivités territoriales peuvent accorder des prêts à des entreprises
dont l’activité revêt un intérêt économique local, à des conditions plus favorables
que celles offertes par le marché. Un arrêté ministériel a néanmoins fixé un taux
minimum de crédit des collectivités territoriales, calculé selon une moyenne de trois
taux. La région seule a compétence pour définir le régime et décider de l’octroi des
aides. Les départements, les communes et leurs groupements peuvent toutefois
participer au financement de ces aides dans le cadre d’une convention passée avec
la région. Ces collectivités ont même la possibilité de mettre en œuvre ces aides en
cas d’accord avec la région.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Il s’agit sans nul doute d’un outil intéressant, mais il doit pouvoir être complété par
d’autres mécanismes, le cas échéant alternatif. L’idée serait qu’un éventuel fonds
national d’aménagement numérique puisse, au coté d’autres dispositifs de soutien
(subventions, garanties d’emprunts etc.) soit en mesure d’accorder de tels prêts à
taux bonifiés.
B) GAR ANT IES D ’E MPRU NT
Mécanisme
Les différentes collectivités territoriales (et leurs établissements publics) ont la
possibilité de garantir les emprunts obtenus par une entreprise auprès d’un
établissement de crédit, dans les conditions prévues aux articles L.2251-1 et suivants
du code général des collectivités territoriales.
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La garantie d’emprunt consiste en un engagement de rembourser le prêt contracté
par une tierce personne auprès d’un établissement de crédit. Il prend la forme d’un
contrat distinct du contrat principal de prêt et comporte souvent une clause dite de
« remboursement à la première demande ». Le garant peut moduler son
engagement au moment de la conclusion de son contrat de garantie.
Un établissement de crédit sera particulièrement réceptif à une demande de prêt
assortie d’une garantie d’une collectivité publique, dont la solvabilité est
généralement incontestable. Partant, les conditions d’octroi du prêt seront plus
avantageuses pour l’emprunteur que celles qui sont normalement consenties sur les
marchés financiers.
La Commission européenne a énoncé, dans une communication de mars 2000, les
conditions dans lesquelles une garantie d’emprunt d’une collectivité est conforme
au droit communautaire. Ce sera le cas si cette garantie ne porte pas sur plus de 80%
du prêt, si l’entreprise aurait obtenu le prêt au prix du marché sans elle (ce qui
suppose nécessairement que celle-ci ne soit pas en difficulté financière), et si la
garantie est rémunérée par l’emprunteur au prix du marché.
En droit interne, il est nécessaire que l’opération réponde à un intérêt général
économique. La collectivité publique ne peut en outre accorder sa garantie que pour
autant qu’elle n’ait pas atteint un plafond au-delà duquel sa propre capacité à
garantir se bloque. Le CGCT impose ainsi un plafonnement en valeur absolue de la
capacité à garantir de la collectivité et la division des risques qu’elle prend.
A ce titre, le montant total des annuités garanties au profit d’un même débiteur ne
peut dépasser 10% de la capacité à garantir de la collectivité. La garantie publique
(une ou plusieurs collectivités ensemble) ne peut porter au plus que sur 50% des
sommes empruntées, ce qui contraint le prêteur à trouver une autre garantie.
Cette quotité peut être portée à 80% lorsque la garantie bénéficie à des entreprises
chargées d’une mission d’aménagement. La garantie peut même être totale lorsque
l’opération projetée concerne la construction de logements réalisés par des
organismes d’habitations à loyer modéré ou des sociétés d’économie mixte.
L’assemblée délibérante de la collectivité est seule compétente pour accorder une
garantie d’emprunt. Chaque élu doit avoir été précisément informé des conditions
du contrat, à peine de nullité de l’opération.
La défaillance de l’emprunteur rend la collectivité garante débitrice à sa place.
Lorsqu’il existe plusieurs garants, le prêteur peut choisir de n’en poursuivre qu’un,
qui pourra se retourner contre les autres.
Ce mécanisme rencontre un grand succès, mais n’est pas dépourvu de tout risque
pour les finances locales.
Par ailleurs, il convient de préciser que la garantie qu’accorde la collectivité dans le
cadre, par exemple, d’une délégation de service public, n’est pas soumise à ce
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régime particulier, au motif qu’elle s’inscrit dans le cadre de l’exécution d’un service
public et non d’une simple opération d’intérêt général.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Le mécanisme de la garantie d’emprunt constitue également un outil, peu coûteux
mais sans doute insuffisant à lui seul, qui permettrait de faciliter le déploiement de
réseaux très haut débit. Ce mécanisme n’a pas été utilisé pour faciliter le
financement des réseaux de collecte déployé sous l’empire de l’article L.1425-1 du
code général des collectivités territoriales depuis 2004, les soutiens financiers se
limitant à l’octroi de subventions. D’ailleurs, à droit constant, une collectivité
pourrait d’ailleurs accorder sa garantie d’emprunt à son délégataire de service
public, le cas échéant en complément d’une subvention, à condition de la valoriser
en tant qu’aide publique.
Un mécanisme de financement du déploiement des réseaux très haut débit pourrait
prévoir d’adosser des garanties d’emprunt à un fonds spécifique (le Fonds national
d’aménagement numérique), qui serait utilisé tantôt pour financer les déploiements
sous forme de subventions, accorder des prêts à taux bonifiés ou de simples
garanties d’emprunts.
A cet égard, dans le cadre de l’article 6 de la loi sur l’accélération des programmes
d’investissement du 4 février 2009, le Gouvernement a mis en place un fonds de
garantie de 10 milliards destiné à faciliter le montage financier des contrats publics
de l’Etat, des collectivités et de leurs établissements publics. Sont éligibles un certain
nombre de projets, faisant l’objet de contrats de partenariats, de concession de
travaux de l’Etat et délégations de service public des collectivités, que l’Etat juge «
prioritaires ». Cette garantie, rémunérée, est accordée aux prêts et titres de
créances finançant les entreprises titulaires de ces contrats, et ne peut dépasser 80%
de la dette adossée au projet. C’est un Comité de garantie, associé à la Mission
d’appui à la réalisation des contrats de partenariats, qui est chargé de les accorder.
Une adaptation de ce mécanisme au déploiement des réseaux très haut débit serait
possible, et sûrement pertinente.
C) PRISE E N CH AR GE DES CO MMI S SIO N S DE G AR ANT IES D ’EMP RU NT S
ACCOR DEE S P AR L E S B A NQ UES A UX E NT REPRI SE S
Mécanisme
Cette solution présente moins de risques pour les collectivités que les garanties
d’emprunt. Il s’agit pour la personne publique de s’acquitter des commissions dues
par une entreprise aux établissements de crédits qui ont garanti son emprunt. Cette
aide ne peut pas être cumulée avec une garantie ou un cautionnement de la
collectivité portant sur le même emprunt. Elle s’inscrit dans le cadre d’une
convention générale passée entre la collectivité territoriale, le prêteur et le garant.
Cette convention définit la nature des opérations, les catégories d’emprunteur
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éligibles, le taux de prise en charge des commissions, la durée d’application et les
modalités de renouvellement de l’engagement. L’assemblée délibérante de la
collectivité fixe un montant maximal de dépenses annuelles.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Il s’agit là encore d’un outil intéressant, mais qui serait en soi largement insuffisant.
Il pourrait toutefois répondre, dans certains cas, à une logique de certains projets
lancée par l’initiative privée, et donc en dehors du champ d’un service public.
D) PART IC IP AT IO N AU C APIT A L DE SOCIET E S DE GAR A NT IE ET DOT AT IO NS
EN F AV EUR D ’U N FO ND S D E G ARA NT IE
Mécanismes
Les collectivités territoriales ont encore la possibilité d’entrer dans le capital d’un
établissement de crédit revêtant la forme de sociétés anonymes ayant pour objet
exclusif de garantir les concours financiers à des entreprises nouvellement créées.
Ceci est subordonné à l’entrée de sociétés commerciales dont au moins un
établissement de crédit dans le capital de cette société. La participation publique
totale ne peut excéder 50% des participations. Une convention lie la collectivité et la
société à laquelle elle participe. Ces établissements de crédits peuvent ainsi garantir
les emprunts des entreprises, ce qui présente moins de risque qu’une garantie
directe de la collectivité.
Intérêts et limites pour le très haut débit
Ce mécanisme, ouvert aux collectivités depuis 2003, de participer aux fonds
commun de placement n’a pas rencontré un véritable succès. Il n’en reste pas
moins, comme cela a été évoqué à propos des garanties d’emprunt, qu’il s’agit pour
le très haut débit d’un outil utile.
La mise en place d’un fonds d’aménagement numérique, auquel participeraient
l’Etat et les collectivités, permettrait de prévoir dans les missions de celui-ci l’octroi
de telles garanties.
E) APPORT S EN C APIT AL
Mécanismes
Les communes et départements n’ont en principe pas le droit de participer au
capital de sociétés commerciales n’ayant pas pour objet d’exploiter les services
collectifs ou des activités d’intérêt général, telles que des sociétés d’économie mixte
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locales. Les collectivités peuvent toutefois déroger à cette interdiction lorsqu’elles y
ont été autorisées par décret en Conseil d’Etat.
Des dérogations sectorielles existent, notamment en faveur des sociétés de garantie
(voir ci-dessus), mais aussi pour les sociétés anonymes d’habitation à loyer modéré
et les sociétés locales d’exploitation du câble créées dans le cadre du Plan Câble.
Par ailleurs, les collectivités ont le droit de participer indirectement au capital de
sociétés par l’intermédiaire de sociétés d’économie mixte locale.
Enfin, les régions ont compétence pour participer au capital des sociétés de
développement régional (ou interrégional), qui ont pour vocation de mettre en
valeur des territoires défavorisés. Ces sociétés contribuent au développement
économique local par des prises de participation, crédits et cautions, en tant
qu’institutions financières investies d’une mission d’intérêt général. Elles jouissent
d’avantages tels que des exonérations fiscales.
Intérêts et limites pour le très haut débit
En matière d’aménagement numérique, peu de sociétés d’économie mixte locales
ont été créées pour établir et exploiter des réseaux d’initiative publique,
principalement à cause du manque de souplesse du droit de la commande publique
à l’égard de ces structures, qui doivent être mises en concurrence par leurs
collectivités actionnaires comme tout opérateur lambda. Il n’en reste pas moins que
la participation au capital d’une société demeure pour une collectivité, quel que soit
son niveau, un mode de partenariat pertinent avec les personnes privées. C’est
d’ailleurs, dans d’autres pays européens, un mode privilégié, y compris par le biais
de prises de participation minoritaires des collectivités.
Dans la foulée du plan France Numérique 2012, le gouvernement a d’ailleurs déposé
au Sénat un amendement, dans le cadre de la discussion de la loi relative à la lutte
contre la fracture numérique le 20 juillet dernier, permettant la prise de
participation minoritaire des collectivités au capital de sociétés ayant pour objet le
déploiement de réseaux très haut débit. Ce texte a été adopté et sera discuté à
l’automne à l’Assemblée nationale. Dans l’hypothèse ou ce texte serait promulgué,
ces sociétés pourraient bénéficier, à condition d’en remplir bien entendu les critères
d’éligibilité, les diverses aides que pourrait octroyer un fonds national
d’aménagement numérique.