Supplément au n° du mercredi 6 février 2008.Ne peut être vendu séparément.Édition Finistère
Les entreprises face à de nouveaux
enjeux
Les hommes
pages 2 et 3
Les territoires
pages 4 et 5
La compétitivité
page 6
Les valeurs
page 7
Votre PME compte aujourd’hui 20 sa-lariés. Avez-vous eu du mal à les em-baucher ?
Quand j’ai repris l’entreprise en 2001
avec neuf personnes, j’ai voulu recru-
ter des conducteurs de travaux, des
responsables de chantier, des chefs
d’équipes. Bref, des pédagogues. Hon-
nêtement, je ne pensais pas que ce se-
rait aussi diffi cile. On parle souvent des
tensions sur le marché du travail dans
le bâtiment, mais les compétences
pour des postes d’encadrement sont
encore plus rares. C’est aujourd’hui
le frein principal au développement de
mon entreprise.
Comment faire pour attirer ces com-pétences qui font défaut ?
Il faut professionnaliser le recrute-
ment. Depuis deux ans, suite à un
stage en ressources humaines (1), j’ai
davantage recours à la formation, j’es-
saye d’établir des fi ches d’emplois et
de compétences, j’ai mis en place des
parcours d’intégration. Mon objectif :
recruter des gens qui ont un poten-
tiel et les faire progresser tout en les
évaluant. C’est la clé pour les fi déliser
dans l’entreprise et éviter d’avoir un
turn-over trop important. Il faut aussi
être attractif. Je viens de prendre en
alternance un jeune de l’IUT de Lorient
en licence de gestion et d’organisation
de la production. J’espère pouvoir le
garder à sa sortie.
Cette démarche a-t-elle changé votre vision du rôle d’un chef d’entreprise ?
C’est évident ! Les ressources humai-
nes, c’est du temps constructif, pas du
temps perdu à régler des problèmes.
Même si le résultat n’est pas immé-
diat. J’ai aussi pris conscience que le
management va prendre de plus en
plus d’importance dans nos métiers.
Malheureusement, ce n’est pas encore
dans les moeurs du BTP. Mais ce chan-
gement va se faire petit à petit : c’est
comme une équipe de foot qui a l’ha-
bitude de jouer d’une certaine manière
et doit changer pour s’adapter.
Justement, quels avantages pour vous d’avoir engagé cette démarche ?
Avoir des salariés polyvalents offre
plus de souplesse à l’entreprise. No-
tre secteur est appelé à évoluer. Un
exemple : sur le marché de la rénova-
tion écologique, il faut désormais des
gens capables d’isoler une maison, de
faire un peu d’électricité, de changer
une fenêtre, tout en ayant l’esprit com-
mercial... D’où l’importance d’avoir de
bons managers pour l’encadrement.
Aujourd’hui, un conducteur de travaux
doit être à même de réaliser les en-
tretiens d’évaluation de ses ouvriers.
C’est lui qui les connaît le mieux !
Quels autres outils de ressources hu-maines avez-vous mis en place ?
Je fais une petite lettre interne pour la
communication. J’ai également em-
bauché une stagiaire en master de
ressources humaines. A terme, j’aime-
rais avoir un mi-temps sur ce poste.
J’ai également mis sur pied un livret
d’accueil. C’est normal que le nouveau
salarié connaisse la culture d’une en-
treprise pour y adhérer. Nous avons
notre propre façon de travailler. Celui
qui rejoint Plac’Isol doit savoir où il
met les pieds pour s’y sentir bien !
Jean Abbiateci
(1) Bretagne Ressources Humaines Plus
Question : comment fi déliser et faire évoluer ses salariés quand on a déjà du mal à recruter. Réponse deMaurice Magueur, gérant de Plac’Isol (plâtrerie) à Hennebont.
« Il est important de professionnaliser le recrutement »
2 Entreprises bretonnes, Cap sur 2015 - Le Télégramme - Toutes éditions - Mercredi 6 février 2008
« Des jeunes qui ont envie de mordre dedans... »
Bretagne 20152007 2015 Etre chef d'entreprise en Bretagne Entreprises bretonnes Cap sur 2015
Au journaliste qui le questionne sur l’at-trait des jeunes pour l’entreprise, Michel Emily n’hésite pas à aller à l’encontre de certaines idées reçues. « Aujourd’hui, il y a des jeunes qui ont envie de mor-dre dedans, qui bougent. Cela n’existait pas avant, c’est la génération internet. Là, j’ai un de nos garçons qui part en Chine. » Mais le PDG est conscient des efforts à fournir pour être davantage attractif. « Nos métiers n’ont pas forcé-ment bonne presse. Mais c’est dû à une vision un peu archaïque. Un gars qui fait du SAV chez nous passe son temps avec son ordinateur pour trouver l’origine d’une panne. En racontant ça, on attire les jeunes. Or, pour qu’un jeune aime son métier, il faut qu’il puisse rêver. »
Pré Vision veille sur son capital humain
Michel Emily l’avoue sans honte.
A 55 ans, le PDG de Pré Vision (1), spé-
cialisé dans le machinisme pour l’agri-
culture, l’industrie et les travaux pu-
blics, a appris son métier sur le tas. « Je
suis sorti de l’école à 15 ans, j’ai pris la
suite de mon père mécanicien de cam-
pagne. Je n’étais pas du tout formé à la
gestion des hommes. » Aujourd’hui, la
petite entreprise familiale a bien grandi
avec ses 338 salariés et ses 65 millions
d’euros de chiffre d’affaires pour 2007.
Au fur et à me-
sure de la crois-
sance, la gestion
des ressources
humaines est de-
venue de plus en
plus pressante.
« C’était diffi cile de
tout faire. Il a fallu
m’organiser, sinon
j’allais exploser ! »
Le déclic : une formation de la CRCI.
« Pendant six mois, tous les mercredis,
on a mis sur papier la défi nition de nos
métiers. J’ai appris que lorsqu’on crée
un emploi, la première chose à faire est
une défi nition de poste pour expliquer
à son collaborateur ce que l’on attend
de lui. On a vraiment fait un pas de
géant en instaurant cette organisation
d’embauche transparente. » Riche de
cette expérience, le groupe a systé-
matisé l’entretien individuel. Ainsi que
la rémunération en partie au mérite.
« Même pour un magasinier et une
secrétaire, c’est un moyen d’encoura-
ger le non-gaspi. C’est incontournable
pour que chacun se sente acteur du
groupe. La différence entre une entre-
prise qui gagne sa vie et une autre qui a
du mal, ce n’est souvent que des petits
détails. »
Aujourd’hui, la très
grande majorité des
collaborateurs de Pré
Vision ont entre 25 et
40 ans. Mais il faut
préparer la relève.
Certaines compéten-
ces sont parfois dif-
fi ciles à recruter. En
ce moment, l’entre-
prise recherche des
soudeurs et des chaudronniers. Trop
souvent, les gens, regrette le PDG, sont
cantonnés dans un métier. « Je suis en
contact avec un menuisier qui a plus de
16 ans de maison et dont la boîte vient
de couler. C’est un manuel, je pense
qu’on peut faire affaire ensemble. »
Cette souplesse dans les parcours pro-
fessionnels passe par un recours très
important à la formation. Résultat, l’an
dernier, Pré Vision a monté son propre
centre de formation.
Jean Abbiateci
(1) Pré Vision comprend les sociétés
Emily, Sofi mat, Magsi, Oxymax, Oxy-
montage.
Transparence et communication... Deux mots clés de la politique de ressources humaines mise en place par Michel Emily, PDG du groupe Pré Vision basé à Tréfl événez.
Le déclic suite à une formation
Etre attractif
Michel Emily, au centre, entouré de deux de ses
directeurs.
... le mardi 12 février à 17 heures au Ponant à Pacé pour «Bretagne 2015». Les chefs d’en-treprise présentent leurs propositions pour une Bretagne entreprenante et performan-te. Pour vous inscrire, contactez la CRCI de Bretagne au 02 99 25 41 04.
Rendez-vous...
3 Entreprises bretonnes, Cap sur 2015 - Le Télégramme - Édition Finistère - Mercredi 6 février 2008
Le solde migratoire breton est passé de 8.000 personnes par an sur la période 1990-1998 à
19.000 par ansur la période 1999-2004. Cette croissance s’explique en grande majorité par l’immigration d’actifs (Insee).
La Bretagne n’offre que tagne n offre que
32places de crèches pour 1.000 enfants contre 64
au plan national.
SeulementSSeeuulleemmeenntt
34,9%des salariés bretons ont accés à la formation contre 46,6 % à l’échelle nationale.
65%des chefs d’entreprise citent l’amélioration des conditions
de travail comme premier facteur de mobilisation et de
fi délisation des salariés.
Les Chambres de commerce et d’industriedu Finistère proposent
220000 ffoorrmmaattiioonnssIl y en a certainement
une pour vous !
Les Chambres de commerce
et d’industrie du Finistère
02 98 30 45 75www.formation.cci-brest.fr
02 98 62 39 39www.morlaix.cci.fr/
formation
02 98 98 29 29 www.quimper.cci.fr
« Cette région est
au centre d’un bas-
sin de légumes im-
portant.
Nous sommes en
contrat direct avec
trois coopératives
de producteurs, ex-
plique Claude Vil-
lain, directeur général du groupe en
France. Et le climat permet de faire
tourner l’usine de manière optimale
environ 10 mois dans l’année ». Des
atouts qui ont un impact positif sur la
production du site : 86 000 tonnes en
2007 contre 34 000 tonnes en 1994. Des
atouts qui ont un impact positif sur la
production du site : 86 000 tonnes en
2007 contre 34 000 tonnes en 1994. Si
le site de Gourin est le plus important
du groupe Ardo en France, il est aussi
le plus excentré. « Nous sommes si-
tués de plus en plus loin du centre de
consommation européen, qui est tour-
né vers l’Est, justifi e Claude Villain, et
l’infrastructure routière du Centre Bre-
tagne est peu développée ». Quelles
solutions s’offrent alors aux entrepri-
ses en terme de transports ? A 20 km,
la ville de Carhaix souhaite mettre en
place une stratégie de transports rou-
tiers privilégiant le ferroutage, mais le
directeur français du groupe Ardo, es-
time « qu’à court terme, il faut d’abord
veiller à l’amélioration du routier plus
que du ferroutage ». Et le transport
maritime ? « Cela coûte moins cher
d’acheminer les marchandises par
Rotterdam que par les ports bretons,
cherchez l’erreur !» poursuit Claude
Villain.
Elodie Robin
Gourin, une ville centre bretonne sur laquelle le groupe Belge Ardo, exportateur de légumes surgelés, achoisi en 1995 d’implanter son siège français. Le groupe y a en effet installé sa plus grosse usine de produc-tion, de conditionnement et de distribution en France. Principales motivations de ses dirigeants à l’époque ? L’offre territoriale.
En Centre-Bretagne, le défi de l’attractivité
L’esprit régional, une force pour l’emploi
4 Entreprises bretonnes, Cap sur 2015 - Le Télégramme - Toutes éditions - Mercredi 6 février 2008
C’est un espace de travail à taille hu-
maine avec des postes aménagés
pour chaque corps de métier et sur-
tout adaptés pour garantir un certain
confort dans le travail. En nous mon-
trant les conditions de travail au sein
de son entreprise, Claude Chatron
témoigne déjà de sa philosophie de
l’entreprenariat. « J’estime, confi e-t-il,
que l’on doit donner l’envie et l’intérêt
pour le travail». CQFD.
Si concilier emploi,
épanouissement
des jeunes et envi-
ronnement à forte
pression foncière
peut être un véri-
table casse-tête
pour un chef d’en-
treprise, Claude
Chatron, président
directeur général
de la société LTB en a fait sa principale
croisade. Celle qui consiste à offrir à
l‘ensemble de son personnel un cadre
de vie personnel et professionnel de
qualité. Il leur communique au quoti-
dien l’esprit régional qui fait selon lui la
force de la Bretagne. Sa recette : le so-
cial. Dès son entrée dans l’entreprise,
le nouvel employé bénéfi cie d’une aide
à l’intégration. Des moyens d’accueil
divers qui vont lui permettre de trou-
ver sa place et de devenir un maillon
reconnu de la chaîne. Parrainage, coa-
ching, formation à d’autres postes de
travail que celui pour lequel l’employé
a été recruté afi n de faire marcher, à
moyen terme, l’ascenseur social. Mais
aussi l’aide aux démarches plus per-
sonnelles, contacts auprès des mai-
ries pour trouver un logement, réseau
d’entrepreneurs pour éventuellement
aider le conjoint à trouver un emploi...
Des arguments qui fi délisent les em-
ployés. A LTB, pas de turnover, consta-
te Claude Chatron, « beaucoup sont là
depuis les débuts de l’entreprise, il y a
dix ans. Ici, avec quatre ans d’ancien-
neté on est encore considéré comme
un jeune ! »
Elodie Robin
Un silence surprenant règne dans les locaux de l’entreprise LTB, La Thermodynamique de Bretagne, spécialisée dans la fabrication de climatiseurs destinés aux marchés européen et asiatique. Une tren-taine d’employés est pourtant à pied d’œuvre. Des trois lignes de production que possède l’entreprise de Clohars-Carnoët, ne s’échappe que le bruit des perceuses. Et les surprises ne s’arrêtent pas là : l’atelier de production possède de grandes baies vitrées.
Un territoire « en voie de désertifi cation »Pour le groupe Belge Ardo, outre le défi des transports, la désertifi cation du Centre Bretagne pose problème au directeur de l’entreprise gourinoise. Les chaînes de pro-duction automatisées nécessitent l‘emploi d’une main-d’œuvre de plus en plus quali-fi ée. L’usine veille à la formation des jeunes locaux mais il est diffi cile de les garder. « Les jeunes migrent vers la zone côtière ou les agglomérations », poursuit Claude Villain. « Les questions de l’emploi du conjoint, de la scolarisation des enfants, passé le primaire, restent problématiques pour une famille. »La solution : créer une « spirale vertueuse » pour rendre le territoire attractif. C’est-à-dire « encourager fi scalement l’installation des entreprises qui créent l’offre d’emploi mais aussi celle des particuliers ».Le groupe Ardo intègre déjà au recrutement les problématiques des futurs employés. « Nous leur proposons des contacts d’agen-ces immobilières et faisons appel au réseau d’entrepreneurs pour aider le conjoint à trouver un emploi. » Il s’agit ensuite de fi -déliser le personnel en lui permettant d’ac-quérir des compétences. L’entreprise alloue le triple du budget légal pour former ses employés et leur garantir ainsi une ascen-sion professionnelle. Mais celle-ci « profi te malheureusement aux autres acteurs du secteur, » déplore le chef d’entreprise.
Unestratégie sociale
Lier l’emploi à la capacité de logement
Entreprises bretonnes Cap sur 2015
« Il faut faire attention à ne pas oublier que si l’on veut faire venir l’emploi, il faut offrir des capacités de logements, com-mente Claude Chatron, élu de la chambre de commerce. Sur la région de Quimperlé, un trois pièces coûte près de 650 euros ». Alors pour avoir « une population jeune, bien formée et heureuse de vivre là, il faut atteindre un équilibre entre l’offre locale, avec la construction par exemple de petits collectifs de qualité et l’offre entreprena-riale. » A terme, l’installation et le dévelop-pement d’entreprises pourrait permettre d’améliorer encore la qualité de vie de la région. « Pourquoi ne pas créer une crèche interentreprise ? », suggère même Claude Chatron. D’ici trois ans, cela pourrait être possible si l’on arrive à faire s’installer des entreprises ».
Bretagne 20152007 2015 Etre chef d'entreprise en Bretagne
Un site excentré
5 Entreprises bretonnes, Cap sur 2015 - Le Télégramme - Édition Finistère - Mercredi 6 février 2008
68%des chefs d’entreprise
considèrent que l’image de la Bretagne a un effet positif sur l’image de leur
entreprise, de leurs marques ou de leurs produits.
62%des chefs d’entreprise estiment que la localisation bretonne est un facteur positif pour recruter des personnes à l’extérieur de la région.
12%des chefs d’entreprise pensent que l’image de
la Bretagne a un impact négatif sur leur recrutement.
87%des chefs d’entreprise voient dans leur localisation un atout pour leur activité.
88%des chefs d’entreprise jugent
nécessaire de s’impliquer soit à titre d’entrepreneur,
soit à titre individuel dans la vie collective,
locale ou régionale.
* Enquête Bretagne 2015
PS08
0101
7
6 Entreprises bretonnes, Cap sur 2015 - Le Télégramme - Toutes éditions - Mercredi 6 février 2008
Bientôt en Bourse ?
Malgré sa taille réduite, la PME bretonne a réussi à s’imposer face aux géants du secteur... dont Alcatel. De quoi nourrir des nouvelles ambitions. « Soit on était une bonne PME vivant tranquillement dont j’aurais pu rester le PDG. Soit on donnait un coup d’accélérateur pour vi-ser une introduction en bourse à l’horizon 2009-2010. » Ces ambitions ont été ac-compagnées en amont par une nouvelle levée de fonds de 14,5 millions d’euros et l’arrivée d’un nouveau PDG, Didier Brédy. François-Xavier Ollivier qui lui a cédé son fauteuil en 2006 pour se recentrer sur la technique et la production, l’expli-que avec beaucoup d’humilité : « L’échec d’une entreprise peut arriver quand les fondateurs veulent à tout prix en garder les commandes. A un moment, il faut sa-voir mettre les meilleurs aux postes clés. Nous l’avons fait et c’est un bon choix. »
Entreprises bretonnes Cap sur 2015
Un million de chiffre d’affaires en
2006, 4 millions en 2007, 8 millions
prévus pour 2008... Quatre ans après
sa création, Ekinops, spécialisé dans
le transport optique, est en pleine
croissance. L’histoire de cette start-
up de 40 salariés, créée en 2002 par
des anciens ingénieurs d’Alcatel, avait
pourtant commencé de façon chaoti-
que. « C’était juste après l’explosion
de la bulle internet et les attentats du
11 septembre. On n’aurait pas pu choisir
un pire moment », plaisante Jean-Luc
Pamart, l’un des fondateurs. Le déclic
aura lieu en juillet 2002 : l’entreprise
devient lauréate du concours Oséo An-
var récompensant les entreprises in-
novantes. D’un coup, les investisseurs
sont moins frileux. Première levée de
fonds : sept millions d’euros.
Côté organisation,
Ekinops a fait de
Lannion son centre
technologique, en y
installant ses labo-
ratoires Recherche
et Développement
(1). Deux facteurs
ont joué dans ce
choix géographique. Premièrement, la
concentration locale d’entreprises spé-
cialisées dans les télécommunications
qui composent aujourd’hui le pôle de
compétitivité Images et Réseaux.
L’autre raison est plus circonstancielle.
Le malheur des uns faisant le bonheur
des autres, c’est au moment où Eki-
nops a commencé à recruter que son
voisin Alcatel licenciait. « Nous avons
pu embaucher assez rapidement sur
place des gens très qualifi és. On a pu
également acheter du matériel d’occa-
sion très performant », explique l’autre
fondateur François-Xavier Ollivier.
Si le coeur d’Ekinops est en Bretagne,
sa structure commerciale s’est disso-
ciée dans le monde entier, au plus près
de ses clients. Une première annexe
avait été créée en région parisienne.
L’année 2007 aura été celle de l’in-
ternationalisation, avec la création de
plusieurs bureaux aux Etats-Unis, à
Londres et à Singapour. « Pour nous,
l’Asie, c’est encore de la prospection.
Il s’agit de comprendre comment fonc-
tionne le marché pour faire des affai-
res le moment venu. »
Jean Abbiateci
Attention : success-story à la bretonne ! Cette start-up de Lannion a su valoriser son savoir-faire technolo-gique pour partir à la conquête des marchés d’Europe, d’Amérique et d’Asie.
Ekinops, branché sur l’international
Malgré sa taille réduite la PME bretonne
Jean-Luc Pamart et François-Xavier Ollivier, les deux fondateurs d’Ekinops.
Le sur-mesure pour être compétitif
Comment arrivez-vous à tirer votre épingle du jeu dans un marché de plus en plus compétitif ?
Première raison : nous nous sommes
positionnés sur le haut de gamme. Nos
120 collaborateurs conçoivent, fabri-
quent et commercialisent du matériel
d’environnement climatique, environ
1 000 unités par an. La haute cou-
ture de la climatisation ! Notre sec-
teur se développe, porté notamment
par les nouvelles réglementations
sur la consommation d’énergie. Pour
2007, notre chiffre d’affaires s’élève à
25 millions d’euros, avec une croissan-
ce d’environ 17 %.
Comment votre PME peut-elle se différencier, notamment face à des grandes entreprises ?
En étant réactive avant tout. Etre une
PME nous donne la souplesse d’adap-
ter notre produit, en proposant des
prestations que de grands groupes
américains n’ont pas la possibilité de
faire. Le sur-mesure, c’est là toute la
clé ! Pour une meilleure cohésion, nous
avons groupé sur notre site de Plou-
dalmézeau la recherche, les bureaux
d’études et la fabrication de nos pro-
duits. L’autre enjeu est celui de l’inno-
vation permanente. Nous nous devons
d’être à l’affût. Et même en avance sur
le marché pour révéler à nos clients
leurs futurs besoins.
L’innovation passe-t-elle également par toujours plus de services ?
Exact. Ce qui intéresse le client, ce n’est
pas simplement le prix de la machine,
c’est aussi le coût de son installation,
de sa maintenance, de l’électricité
qu’elle va consommer. Un exemple :
nous sommes le fournisseur unique du
groupe Auchan. Et bien, nous n’avons
pas remporté ce marché simplement
parce que nous sommes Bretons ! Nos
produits sont réputés fi ables, certes
parfois plus chers que les autres, mais
notre offre de services a fait la diffé-
rence.
Donc, la recherche du plus bas coût n’est pas une obsession dans des mar-chés de plus en plus compétitifs ?
Dans un monde extrêmement globa-
lisé, aucune activité ne peut se targuer
d’être protégée. Mais l’équation « ré-
duction des coûts = externalisation »
n’est pas une fatalité. Dans un métier
très technique comme le notre, qui
demande des compétences aussi bien
en tôlerie qu’en électronique, les coûts
d’une externalisation seraient très lar-
gement supérieurs aux avantages. En
revanche, là où l’on peut profi ter de la
mondialisation des échanges, c’est sur
le prix des composants achetés en Asie
par nos fournisseurs.
Comment envisagez-vous la place de l’entreprise bretonne dans une éco-nomie de plus en plus mondiale ?
Je pense que la maîtrise et la mise
en œuvre de notre savoir-faire va per-
mettre aux entreprises innovantes de
garder leur place, notamment sur les
marchés de niche. Dans de nombreux
pays, la compétence technique existe,
mais les gens ne savent pas l’adapter
à un besoin spécifi que. Un exemple :
nous avons climatisé les ascenseurs
de la Tour Eiffel. Jamais depuis la
Chine ou l’Inde, vous ne pourrez appor-
ter une solution à une problématique si
exceptionnelle.
Jean Abbiateci
Avec la mondialisation, comment nos entreprises bretonnes peuvent-elles rester compétitives ? En inno-vant, répond Yves Millot, PDG d’ETT (Energie Transfert Thermique) à Ploudalmézeau.
Commendifférencgrandes
En étant
PME nou
ter notre
prestatio
américai
faire. Le
clé ! Pour
avons gr
20%des emplois industriels bretons dépendent d’ores et déjà d’un établissement à participation étrangère.
Près de
9positionnant la Bretagne au 13e rang des régions exportatrices (contre le 7e rang pour le produit intérieur brut).
En 2006, les exportations bretonnes s’élevaient à près de
ne onnant la Bretags rang des régionsli (
milliardsd’euros,
Bretagne 20152007 2015 Etre chef d'entreprise en Bretagne
Ancrage local, clientèle mondiale
7 Entreprises bretonnes, Cap sur 2015 - Le Télégramme - Édition Finistère - Mercredi 6 février 2008
Vivre de la protection de l’environnement
« Il était agriculteur, ex-
plique Philippe Le Gall, et
vivait avec diffi culté de son
métier. Il y a donc ajouté
une activité annexe qui
était de récupérer différen-
tes choses, du chiffon à la
peau de lapin, dans les fer-
mes alentours. Le but étant
de les commercialiser ».
Par la suite, son grand-pè-
re fera de la récupération
son activité principale. Très jeune, son fi ls Ludovic
a été sensibilisé à ces valeurs écologiques. C’est
ainsi qu’en 1965, il crée l’entreprise briochine. Gé-
rée depuis 1990 par deux de ses fi ls, la SAS, qui
emploie aujourd’hui 95 salariés à travers la Bre-
tagne, est spécialisée dans la collecte des déchets
industriels et ménagers : ferraille, métaux non
ferreux, déchets banals ou dangereux.
« Le fondement de nos pro-
fessions est de vivre de la
protection de l’environne-
ment à travers le temps »,
explique Philippe Le Gall,
actuel président de la so-
ciété basée à Ploufragan.
La prise de conscience de
la donne écologique, par les
pouvoirs publics et les chefs
d’entreprises, Philippe Le Gall l’impute aux an-
nées 90. « Une demande sociale a émergé. Beau-
coup ont réalisé qu’ils ne pouvaient plus traiter
leurs déchets n’importe comment ». Bercé par
ces principes de préservation, le chef d’entreprise
briochin a su pressentir et fi nalement profi ter de
l’explosion de la demande. Plusieurs sites à tra-
vers la Bretagne ont vu le jour : à Briec-de-l’Odet,
Pontivy, puis Ploumilliau, Brest et plus récemment
à Guéméné-Penfao en Loire-Atlantique.
Pour assurer la pérennité
de ses activités, Philippe Le
Gall n’hésite pas à s’investir
dans le développement du-
rable. Son engagement pour
la certifi cation Iso de son
entreprise en est la preuve.
« Nous œuvrons dans le do-
maine de la gestion et la valorisation des déchets
et avons besoin que cela soit reconnu » justifi e-
t-il. De poursuivre : « La double certifi cation envi-
ronnementale et de qualité de service défi nit notre
plan d’action dans une démarche de perpétuelle
amélioration de nos activités. » Et comme si cela
ne suffi sait pas, le chef d’entreprise s’est lancé
dans le « développement durable sportif » en
sponsorisant le navigateur Bertrand Delesne qui
participait en 2007 à la Transat 6.50. « Le bassin
briochin manque de visibilité. L’idée était de s’en-
gager aux côtés de ceux qui défendent les valeurs
sportives de notre territoire. Tout mon personnel
y était associé. Nous l’avons accompagné fi nan-
cièrement et soutenu pendant sa course ». Une
démarche qui porte ses fruits puisqu’aujourd’hui
une vingtaine d’entreprises s’y sont associées. Un
club d’entrepreneurs a même vu le jour en mai
2007 et labellisera, désormais chaque année, un
projet sportif.
Elodie Robin
Chez les Le Gall, le recyclage est une histoi-re de famille. Voici quatre générations que la volonté de préserver l’environnement coule dans leurs veines. C’est avec l’arrière grand-père de l’actuel président des entre-prises Ludovic Le Gall que l’aventure com-mença.
Un développement induit par l’éveil des consciences
Une quête du développement durable
Visitez
les entreprises
du Finistère…
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Rendez-vous sur le site
du tourisme de découverte
économique
www.visitesentreprises29.com
CCI Brest CCI Morlaix02 98 00 38 00 02 98 62 39 39
CCI Quimper Cornouaille02 98 98 29 29
Pour l’élaboration de «Bretagne 2015», vous avez invité les chefs d’entreprise bretons à exprimer leur vision de la Bretagne de demain. Pourquoi cette démarche ?
Parce que c’est la mission des CCI de
solliciter l’expression des chefs d’entre-
prise et de la faire connaître à ceux qui
élaborent les politiques publiques. Cet-
te démarche nous a paru d’autant plus
nécessaire que le développement des
fi lières majeures pour la Bretagne a ten-
dance à marquer le pas : l’agroalimen-
taire, les technologies de l’information
et de la communication, la construction
automobile et navale. Durant un an, nous
sommes allés sur le terrain recueillir
leurs réfl exions et leurs interrogations.
20.000 chefs d’entreprise de tous les
secteurs d’activité ont été consultés et
plus d’un millier ont contribué à l’élabo-
ration de ce document.
Selon les chefs d’entreprise, quelles sont les conditions de réussite de la Bretagne de demain ?
Parmi les nombreux enjeux, quatre ont
été clairement identifi és : la gestion des
ressources humaines, compte tenu des
évolutions démographiques, la pression
foncière qui crée dans de nombreux ter-
ritoires un frein à l’activité économique,
la desserte énergétique de la Bretagne
et enfi n l’offre logistique. Avec l’accélé-
ration des échanges internationaux, le
renchérissement des coûts de transport,
en lien avec ceux de l’énergie et des ma-
tières premières, va affecter la compé-
titivité des entreprises à l’export. Plus
généralement, les chefs d’entreprise ont
montré leur souhait d’échapper à leur
isolement. Seuls dans leurs entrepri-
ses, ils mettent l’accent sur la nécessité
de travailler en réseau afi n que chacun
puisse s’enrichir de l’expérience des
autres.
Comme il y a moins de jeunes à entrer sur le marché du travail que de retrai-tés à en sortir, on s’achemine vers une forte pénurie de main-d’oeuvre. Com-ment les chefs d’entreprise pensent-ils relever le défi du recrutement ?
Ces évolutions obligeront les entrepri-
ses à se montrer plus attractives envers
les jeunes salariés et à mieux valoriser
les seniors. Demain, les entrepreneurs
auront davantage le souci de conserver
leur personnel que de le recruter. Il faut
rappeler aussi que 10.000 patrons bre-
tons vont céder leur entreprise dans les
cinq ans qui viennent. Ces perspectives
de transmission nécessitent de dévelop-
per des actions de sensibilisation no-
tamment des jeunes à la création et à la
reprise d’entreprises.
Dans ce contexte, une meilleure adé-
quation entre la formation et les besoins
des entreprises est indispensable. Les
chefs d’entreprise attendent aussi que le
système de formation s’adapte aux évo-
lutions technologiques et qu’il soit plus
réactif. Enfi n, ils considèrent qu’il faut
activer le rapprochement entre l’entre-
prise et l’université.
Dans quelle mesure la pression fon-cière est-elle un frein à l’activité éco-nomique ?
La Bretagne manque d’espaces dédiés à
l’activité industrielle. Du fait d’une pres-
sion générale sur le foncier en particu-
lier sur les zones littorales, certaines en-
treprises ont du mal à s’installer ou à se
développer. Jugées trop polluantes, trop
bruyantes, trop productrices de déchets,
beaucoup d’activités sont également re-
mises en cause par les riverains. A l’ave-
nir, avec le développement démographi-
que de la Bretagne, les confl its d’usage
vont se multiplier. Des arbitrages seront
nécessaires.
Dans l’ensemble, les chefs d’entreprise
souhaiteraient une meilleure écoute de
la part des collectivités territoriales lors-
que celles-ci élaborent leurs politiques
de développement économique.
Quelles sont les pistes d’actions que vous allez suggérer aux pouvoirs pu-blics ?
D’abord, développer les services de proxi-
mité dans les secteurs péri-urbains : crè-
ches, transports, commerce... Les chefs
d’entreprise constatent que l’attractivité
des territoires joue un rôle important sur
leur capacité à recruter des salariés et à
les fi déliser.
Il est important aussi de développer en
Bretagne, la culture de l’innovation et
cela dans tous les domaines. Je pense au
management des ressources humaines,
la façon de vendre les produits...
Les chefs d’entreprise bretons parta-
gent aussi la sensibilité croissante de
l’opinion aux questions d’environnement
et de développement durable. De gros
effort sont été réalisés. La Bretagne,
qui produit très peu de l’énergie qu’elle
consomme, va devoir sécuriser son ap-
provisionnement énergétique en favori-
sant notamment le développement des
énergies renouvelables.
Il faudra aussi garantir la connexion de
la Bretagne à ses marchés en améliorant
les performances logistiques. La logisti-
que conditionne une partie de la compé-
titivité des entreprises surtout à l’Ouest
de la Bretagne.
Propos recueillis
par Frédérique Le Gall
Jean-François Le Tallec, président de la Chambre régionale de commerce et d’industrie, présente la démar-che « Bretagne 2015 »
La Bretagne de 2015 vue par les patrons bretons
Bretagne 20152007 2015 Etre chef d'entreprise en Bretagne
Entreprises bretonnes Cap sur 2015
Les Chambres de commerce et d’industrie de Bretagne ont souhaité mettre en lumière les réfl exions prospectives, les préoccupations et les propositions des chefs d’entreprise bre-tons. Pilotée dans ce cadre par la Chambre régionale de commerce et d’industrie, « Bre-tagne 2015 » est l’expression des chefs d’en-treprise quant aux conditions d’exercice de leur métier en Bretagne à moyen terme.
Cette démarche s’est élaborée en trois phases (1):
L’organisation de 21 tables rondes dans les 21 pays bretons.
Ces tables rondes ont réuni plus de 200 chefs
d’entreprise de juin à novembre 2006.
Trois grands thèmes ont dominé ces rencontres
et échanges :
• les hommes qui font l’entreprise (ressour-
ces humaines, modèles entrepreneuriaux,
management, portage de l’innovation, etc.),
• l’adaptation des entreprises à leurs concur-
rences et à leurs marchés dans un contexte
mondialisé d’une part et de forte mutation
de l’économie résidentielle d’autre part,
• l’insertion des entreprises dans leur terri-
toire (attractivité territoriale et relations du
monde entrepreneurial avec les institutions
et les collectivités).
Pour approfondir ces enjeux, plusieurs grou-pes de travail, composés de chefs d’entre-prise et de permanents des CCI, se sont réunis en janvier 2007 pour échanger sur les thèmes suivants.
• « les enjeux du management »,
• « l’entreprise performante et compétitive »,
• « l’industrie et les services aux entreprises »,
• « commerces, services et mutations de
l’économie présentielle »,
• « attractivité des territoires et soutien aux
entreprises »,
• « modalités de coopération entre entrepri-
ses et collectivités ».
Afi n de compléter ces échanges, des entre-tiens ont également été réalisés avec des experts sur ces différents thèmes. Enfi n, un questionnaire a été adressé aux chefs d’entre-prise, diffusé avec la revue « Bretagne Econo-mique » et proposé sur les sites internet de la CRCI et des CCI en mai 2007.
800 chefs d’entreprise ont répondu à ce ques-
tionnaire. Par cette méthode de consultation
élargie, il s’agissait de s’assurer que la ré-
fl exion des groupes de travail était confortée
par l’opinion des chefs d’entreprise qui n’y
avaient pas participé.
(1) L’animation de la démarche, le recueil et
l’analyse des propos des chefs d’entreprise ont
été confi és au cabinet TMO Régions.