VALORISER LA CITOYENNETE PARTICIPATIVE DE LA PERSONNE PROTEGEE : UN ENJEU D’ADAPTATION POUR LE SERVICE MANDATAIRE Marie-Hélène BONNEAU 2014
Feb 12, 2017
VALORISER LA CITOYENNETE PARTICIPATIVE DE LA
PERSONNE PROTEGEE : UN ENJEU D’ADAPTATION POUR
LE SERVICE MANDATAIRE
Marie-Hélène BONNEAU
2014
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
R e m e r c i e m e n t s
Sans les personnes protégées que j’ai pu rencontrer ou avec lesquelles j’ai
travaillé, ce sujet de mémoire n’aurait pas vu le jour, en tout cas, pas de mon fait. Leur
évocation a égrené ma recherche, car il en est un certain nombre que je n’oublie pas.
Elles m’ont montré leur intérêt pour l’échange dans la réciprocité, leur besoin de
s’exprimer, leurs capacités à compenser leurs difficultés par des astuces, leur faculté à en
rire. L’humour que j’ai appris à utiliser d’un collègue, assistant social, au tout début de ma
carrière, est venu bien souvent ponctuer nos échanges pour atténuer la tension des
situations. Je ne peux clore mon sujet sans les remercier de tous leurs témoignages qui
ont orienté le sens de mon travail.
Mes remerciements s’adressent particulièrement à l’ATMP74, aux bénévoles et
aux professionnels impliqués au côté des personnes protégées qui s’efforcent de faire
face aux situations d’apparence inextricables dans lesquelles ils laisseront beaucoup
d’énergie, sans abandonner l’envie de questionner le sens de leur travail, ce que j’ai
intégré à ma réflexion.
La construction de ce mémoire a été lente et laborieuse. Conseillers, lecteurs et
re-lecteurs se sont relayés autour de moi pour m’aider à garder la cohérence dans mon
propos, m’encourager et m’apporter leurs remarques pertinentes qui m’ont permis d’aller
au bout de cet écrit, je leur en suis vraiment reconnaissante.
Pour finir, je veux remercier plus particulièrement mon compagnon de route pour
son écoute patiente et son soutien inébranlable.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
Marie-Hélène BONNEAU-Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
S o m m a i r e
Introduction
1 L’évolution de la protection juridique, un enjeu d’adaptation pour
l’AMP74 ................................................................................................................ 3
1.1 Les nouveaux principes fondamentaux de la protection juridique ................ 3
1.1.1 Le plaidoyer européen pour la suppression des régimes d’incapacité juridique
totale. ................................................................................................................... 3
1.1.2 L’affirmation française des droits et libertés de la personne à protéger ................ 5
1.1.3 L’évolution de la population des majeurs protégés ............................................... 8
1.2 Du droit des incapacités au droit des usagers ............................................... 10
1.2.1 De l’aliénation à la psychiatrie ............................................................................ 10
1.2.2 La loi de 1968 : Le sujet incapable ..................................................................... 11
1.2.3 La loi de 2007 : l’autonomie et le droit des usagers ............................................ 14
1.3 Le service de l’ATMP 74 à la croisée du judiciaire et du social .................... 17
1.3.1 L’histoire de l’engagement des parents .............................................................. 17
1.3.2 Environnement et contexte du service ................................................................ 19
1.3.3 Une organisation nouvellement intégrée dans le champ de l’action sociale ........ 23
2 L’accompagnement tutélaire à l’épreuve des droits fondamentaux ............ 29
2.1 La dimension politique de la personne protégée ........................................... 29
2.1.1 La citoyenneté de la personne protégée ............................................................. 29
2.1.2 La participation de la personne protégée ............................................................ 31
2.2 L’approche des « capabilités » ........................................................................ 34
2.2.1 Le primat des libertés ......................................................................................... 35
2.2.2 Les opportunités réelles de participation ............................................................ 35
2.2.3 Soutenir les capabilités pour réduire les vulnérabilités ....................................... 36
2.2.4 L’autonomie partagée en réponse à la demi-capabilité de la personne protégée 38
2.3 L’institution juste ............................................................................................. 40
2.3.1 Promouvoir l’éthique dans la relation à l’usager ................................................. 40
2.3.2 L’éthique de direction pour le développement d’une culture soutenante ............. 43
3 Construire une Institution juste ....................................................................... 47
3.1 Elaborer un nouveau « vivre ensemble » ....................................................... 47
3.1.1 Favoriser la participation des personnes protégées ............................................ 47
Marie-Hélène BONNEAU-Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
3.1.2 Créer du sens commun ...................................................................................... 52
3.2 Développer une compétence collective .......................................................... 56
3.2.1 Organiser la coordination des compétences ....................................................... 57
3.2.2 Repositionner l’encadrement intermédiaire sur le management ......................... 59
3.3 Devenir un acteur des solidarités locales ...................................................... 62
3.3.1 Promouvoir la relation de l’Institution avec les juges ........................................... 62
3.3.2 Quels échanges avec la direction de la cohésion sociale pour les personnes
protégées ? ........................................................................................................ 63
3.4 Elaborer un référentiel d’évaluation construit sur la participation des
personnes protégées ....................................................................................... 64
3.4.1 La construction du lien social permettant le contre don ...................................... 65
3.4.2 La participation de la personne à la mesure de protection et la personnalisation
de l’accompagnement. ....................................................................................... 67
3.4.3 La valorisation de l’autonomie ............................................................................ 68
3.4.4 La participation des personnes au fonctionnement du service ............................ 69
3.5 Evaluation des autres actions envisagées ..................................................... 70
3.5.1 La création de sens commun.............................................................................. 71
3.5.2 Les compétences collectives .............................................................................. 71
3.5.3 Le positionnement des responsables de service ................................................ 72
3.5.4 Les différentes coopérations .............................................................................. 72
Conclusion ............................................................................................................... 75
Bibliographie ........................................................................................................... 77
Liste des annexes ...................................................................................................... I
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s
ADAPEI Association départementale des amis et parents de personnes handicapées
mentales
ANDP Association nationale des délégués et personnels des services tutélaires
ANESM Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et
services sociaux et médico-sociaux
APA Allocation personnalisée à l’autonomie
ARS Agence régionale de santé
ATMP74 Association tutélaire des majeurs protégés de Haute Savoie
BTS Brevet de technicien supérieur
CAFDES Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service
d’intervention sociale
CAFERUIS Certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité
d'intervention sociale
CASF Code de l’action sociale et des familles
CNC Certificat national de compétence
CNSA Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
CESF Conseillère en économie sociale et familiale
CREAI Centre régional pour les enfants, les adolescents et les adultes inadaptés
CREDOC Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie
CRPD Convention on the rights of persons with disabilities
Convention relative aux droits des personnes handicapées
CRTS Comité régional du travail social
CODERPA Comité départemental des retraités et des personnes âgées
DDASS Direction départementale des affaires sanitaires et sociales
DDCS Direction départementale de la cohésion sociale
DGCS Direction générale de la cohésion sociale
DIPM Document individuel de protection des majeurs
DREES Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
DRJSCS Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale
ESAT Etablissement et service d’aide par le travail
FRA Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne
INSEE Institut national de la statistique et des études économiques
MASP Mesure d’accompagnement social personnalisé
MJPM Mandataire judiciaire à la protection des majeurs
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014
OMPMP Observatoire national des populations « majeurs protégés »
OPCA Organisme paritaire collecteur agréé
PACS Pacte civil de solidarité
RMI Revenu minimum d’insertion
RSA Revenu de solidarité active
SAVS Service d’accompagnement à la vie sociale
SAMSAH Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés
SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance
UDAF Union départementale des associations familiales
UDAPEI Union départementale des amis et parents de personnes handicapées
mentales
UNAF Union nationale des associations familiales
UNAPEI Union nationale des amis et parents des personnes handicapées mentales
UTRA Union tutélaire Rhône Alpes
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 1 -
Introduction
« J’ai 80 € par semaine, je gère toute seule. Quand j’ai besoin d’un supplément, j’appelle
ma curatrice. Je ne comprends pas pourquoi elle refuse de me donner de l’argent quand
j’ai de l’argent sur mon compte. Je voudrais qu’elle en mette un peu de côté et qu’elle
m’en donne plus. Ce sont les choses pour me faire plaisir qui me manquent le plus : aller
au restaurant, à la foire. J’ai appelé, mais je n’ai pas eu ma curatrice. Ça va être trop tard.
Si je pouvais donner mon avis personnel, il me faudrait 100 € par semaine. » (Extrait de
mon entretien avec Rose le 17 novembre 2012).
Pendant de nombreuses années, l’activité principale des services mandataires a
concerné la gestion et la protection des biens. L’argent est au cœur de la relation qui
s’instaure avec les personnes protégées notamment autour de l’établissement du budget
et de ses incidences sur leur mode de vie. De ce fait, les services ont développé un
accompagnement tutélaire qui témoigne de la prise en compte des difficultés des
personnes, autres que celles liées à l’argent. Cependant l’importance des champs
d’intervention, la diversité de la population suivie, le nombre de mesures exercées par les
mandataires judiciaires conduisent les professionnels à s’interroger sur le contour de leur
intervention. Le service mandataire est-il un service d’action sociale ? Malgré son
apparition dans la liste des établissements et services participant à l’action sociale, la
question reste en suspens. Souvent méconnue, la protection juridique reste envisagée
par les partenaires comme le dernier recours lorsque les autres modalités
d’accompagnement se sont heurtées à l’impossibilité de contractualiser la prise en
charge, au refus de soin, à l’isolement.
Les services d’action sociale mettent en œuvre les dispositifs visant à pallier les difficultés
d’une partie de la population en développant différents modes d’accueil ou
d’accompagnement. Leur finalité est de promouvoir, entre autres, l’autonomie, la
protection des personnes et l’exercice de la citoyenneté. C’est bien ces objectifs que la loi
du 5 mars 2007, réformant le dispositif de protection des personnes majeures, assigne
aux services mandataires à travers l’émergence de la protection de la personne. De
nombreuses dispositions dans les textes les invitent à respecter les choix de vie, à
rechercher l’accord de la personne, l’expression de son consentement, à connaitre ses
attentes et ses besoins et à en tenir compte, à co-construire le cadre dans lequel la
mesure peut s’exercer.
J’ai voulu m’interroger sur le sens même de la protection, celle qui met en sécurité, à l’abri
des autres et de soi-même, celle qui pare à toutes les situations de danger. Celle qui se
vit souvent comme une perte de liberté, une perte de possibilité de choix, une perte
d’informations. La protection ne peut pas avoir un prix si lourd à payer qui va à l’encontre
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 2 -
de la finalité du service mandataire. La sécurité peut ramener la confiance, la confiance
en soi, en son environnement, la confiance des autres, mais elle ne constitue pas, en tout
cas pas à elle seule, les aspirations essentielles des personnes : choix de vie, désirs,
rêve, idéal. C’est sur ce faux déterminant de la protection juridique que s’est construit le
paradoxe de la protection et de l’autonomie. Et c’est dans le vécu de ces antagonismes
que se débattent souvent les professionnels pris entre la logique de protection née du
mandat confié par le juge et celle de l’action sociale rappelée plus haut. Quel
accompagnement tutélaire pour substituer la dialogique au paradoxe ? En tant que
directrice, il me paraît essentiel de répondre à cette question pour être en mesure de
conduire l’adaptation du service à ses nouveaux enjeux.
Je me suis d’abord intéressée à l’histoire de la protection juridique parce qu’elle
raconte à travers la médecine et le droit l’évolution d’une prise de conscience mondiale :
Chaque être humain a des droits inaliénables et les états démocratiques doivent veiller à
ce qu’il en garde l’exercice.
Puis, j’ai recherché les références théoriques qui me permettent d’élaborer les repères
nécessaires à des pratiques renouvelées pour faire sens autour du nouvel enjeu de la
protection juridique : Protéger, c’est promouvoir l’autonomie et la participation des
personnes en favorisant leur expression et leur responsabilité. J’ai pu cheminer avec des
auteurs qui se sont intéressés à l’incomplétude de l’être humain, sa faillibilité, sa
vulnérabilité et aux opportunités à construire avec lui pour le rendre plus capable de lien,
d’échange, de participation, de confiance en soi.
Le service mandataire que je dirige témoigne de l’engagement des bénévoles et des
professionnels à soutenir cette évolution qui commence à modifier les représentations
communes de la personne protégée mais qui reste à ancrer dans les pratiques.
L’ATMP74 doit maintenant franchir de nouvelles étapes et se rapprocher de ce qu’elle a
laissé à distance en entrant dans un nouveau rapport d’usage avec les personnes
protégées. Ma conception de l’humain et des rapports entre les personnes, fondée sur
une posture éthique, imprègne profondément la conduite de cette adaptation que je veux
mener en référence à « l’Institution juste » de Paul RICOEUR.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 3 -
1 L’évolution de la protection juridique, un enjeu d’adaptation
pour l’AMP74
1.1 Les nouveaux principes fondamentaux de la protection juridique
1.1.1 Le plaidoyer européen pour la suppression des régimes d’incapacité
juridique totale.
A) Les recommandations des Institutions européennes
L’Union européenne a ratifié le 5 janvier 2011 la Convention on the Rights of Persons with
Disabilities (CRPD) adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2006 qui
garantit l’égalité des droits des personnes handicapées. A sa suite, 24 États membres de
l’Union européenne ont ratifié cette convention. Dans son article 12, la CRPD affirme que
« les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur
personnalité juridique » avec jouissance de la capacité juridique dans des conditions
d’égalité avec les autres1. Elle enjoint aux États parties prenantes d’adopter « les mesures
appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont
elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique ».
Dès le 23 février 1999, le Comité des Ministres du conseil de l’Europe avait adopté une
recommandation2 préconisant la préservation maximale de la capacité juridique et
affirmant que, sur la base des principes de nécessité et de subsidiarité, « aucune mesure
de protection ne devrait être instaurée à moins qu’elle ne soit nécessaire ».
Depuis 2009, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a inscrit au rang des
priorités la réforme des dispositifs relatifs à la capacité juridique. Dans sa résolution
16423, l’Assemblée « invite les États membres à s’assurer que les personnes
handicapées disposent de la capacité juridique et l’exercent au même titre que les autres
membres de la société ». Pour ce faire, elle leur demande de garantir « que personne ne
limite ni n’exerce à leur place leur droit de prendre des décisions ». Elle insiste sur
1 Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13
décembre 2006, traduction française, p 10 consultée le 25 janvier 2014 sur http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?navid=15&pid=605 2 Recommandation 99 du comité des ministres du conseil de l’Europe du 23 février 1999 consultée
le 25 janvier 2014 sur https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=429025&SecMode=1&DocId=781106&Usage=2, p10 et 11. 3 Résolution 1642 adoptée le 26 janvier 2009 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de
l’Europe consultée le 25 janvier 2014 sur http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta09/FRES1642.htm
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 4 -
l’importance de « mesures adaptées à leur situation » et sur la nécessité d’une aide à la
prise de décision par une tierce personne.
B) Les droits de l’Homme et la capacité juridique
Le document thématique « Á qui appartient-il de décider ? »4, commandé et publié par le
Commissaire aux Droits de l’Homme le 20 février 2012 s’attache à approfondir la réflexion
sur « le droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et
psychosociales ».
Il définit la capacité juridique comme « la possibilité pour une personne d’agir dans le
cadre du système juridique » et de devenir sujet de droits. A ce titre, elle joue un rôle
fondamental dans l’exercice des libertés comme celle de se marier, d’hériter, de travailler.
La capacité juridique est également source d’estime de soi et de responsabilisation en ce
qu’elle permet de prendre des décisions et de les assumer. L’égalité des droits pour les
personnes handicapées n’échappe pas au changement de paradigme qui incite à
promouvoir l’inclusion sociale en adaptant l’environnement pour permettre aux personnes
handicapées d’exercer leurs droits, de choisir leur mode de vie et de participer à la vie
sociale, culturelle, civique et économique de la société.
Sur le plan quantitatif, ce document thématique pointe qu’environ un million d’européens
sont placés sous un régime de tutelle les privant complètement de leur capacité juridique,
parfois à vie. En raison de l’amélioration des soins et de l’avancée en âge, on ne peut
qu’envisager la progression du nombre de personnes concernées par ces mesures.
Il est donc urgent d’agir au niveau des États membres, car toutes les juridictions
européennes ont mis en place des procédures dans lesquelles l’incapacité est assignée
aux personnes handicapées. Cet état des lieux a conduit le commissaire aux droits de
l’homme à joindre à ce document plusieurs recommandations parmi lesquelles figurent la
suppression des « mécanismes prévoyant une déclaration d’incapacité totale et une
tutelle complète » et l’élaboration de « solutions d’accompagnement à la prise de
décision ».
C) Les législations des États membres
L’analyse de l’agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (FRA) publiée en
octobre 2013 sur les normes nationales et internationales en matière de capacité juridique
des personnes dresse l’état des lieux des cadres juridiques nationaux et s’intéresse
4 Commissaire aux droits de l’Homme, Document thématique : A qui appartient-il de décider ? Le
droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et psychosociales. Février 2012 consulté le 25 janvier 2014 sur https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1908565
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 5 -
notamment au droit à la capacité juridique dans les Etats membres de l’Union
européenne. Elle relève que « de nombreux États européens sont dotés de législations
obsolètes qui se révèlent incompatibles avec l’article 12 de la CRPD, en application
duquel il y a lieu de favoriser une prise de décision assistée, et non une prise de décision
substitutive5 ».
Si la plupart des Etats membres ont adopté des régimes faisant varier le degré de
capacité juridique pour instaurer des mesures adaptées à la situation des personnes,
l’Agence des droits fondamentaux note que Chypre, l’Irlande et la Roumanie ne prévoient
qu’un seul degré de restriction à la capacité juridique, c’est celui de la mise sous tutelle
totale. Cependant, l’Agence souligne que plusieurs Etats membres ont admis la nécessité
d’harmoniser leurs législations avec les normes internationales et européennes en
vigueur. C’est le cas notamment de l’Angleterre (2005), de la France (2007) et de
l’Allemagne (2009). Pourtant, malgré ces révisions récentes, seules l’Allemagne et la
Suède ont supprimé la mise sous tutelle complète pour leur substituer des mesures
d’assistance qui restreignent au minimum la capacité juridique des personnes.
1.1.2 L’affirmation française des droits et libertés de la personne à protéger
A) Le principe d’autodétermination
Dans la lignée de la recommandation de 1999 du Conseil de l’Europe qui préconise la
prise en compte de manière prééminente des intérêts et du bien-être du majeur protégé
ainsi que le respect de ses souhaits et sentiments6, la France replace la personne au
cœur du dispositif de la protection juridique. La réforme du 5 mars 2007 donne valeur
législative à l’arrêt de principe de la Cour de cassation du 18 avril 1989 qui affirmait que
les régimes civils d'incapacité « ont pour objet, d'une façon générale, de pourvoir à la
protection de la personne et des biens de l'incapable ».7
Tout en prévoyant cette protection, la loi française définit aux articles 458 et suivants
du code civil un ensemble de configurations dans lesquelles cette protection de la
personne sera assurée par le protégé lui-même. Il en va ainsi des actes à caractère
strictement personnels qui ne peuvent donner lieu ni à une assistance ni à une
représentation quel que soit l’état de santé de la personne protégée : les actes de
5 L’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne (FRA). La Capacité juridique des
personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapées mentales FRA octobre 2013 consulté le 25 janvier 2014 sur http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra-2013-legal-capacity-intellectual-disabilities-mental-health-problems_fr.pdf p 31 6 CRDPD, Op cité, p 12
7 Cour de Cassation, arrêt du 18 avril 1989 consulté le 1
er février 2014 sur
http://www.easydroit.fr/jurisprudence/Cour-de-Cassation-Chambre-civile-1-du-18-avril-1989-87-14-563-Publie-au-bulletin/C36447/
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 6 -
l’autorité parentale, le choix de changement de nom, le consentement à sa propre
adoption ou à celle de son enfant.
L’article 459 du code civil prévoit, quelle que soit la gradation de la mesure de
protection, que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne
dans la mesure où son état le permet ». Cela concerne aussi le choix du lieu de résidence
et la liberté d’entretenir des relations avec les personnes de son choix. Ces prises de
décisions personnelles dans le cadre de la mesure de protection peuvent être
accompagnées, comme le prévoit l’article 457-1 du code civil, des informations que doit
donner la personne chargée de la protection à la personne protégée sur « sa situation
personnelle, les actes à poser, leur utilité, leur degré d’urgence, les effets et les
conséquences d’un refus de sa part ».
B) La présomption de capacité
Lorsque la personne n’est pas en état de prendre seule une décision éclairée, elle
pourra être assistée, voire représentée par une personne chargée de sa protection.
Cependant, son consentement éclairé devra toujours être recherché. Cette préoccupation
est devenue essentielle depuis la loi du 2 janvier 2002 pour les usagers des services
sociaux et médico-sociaux, ainsi que pour les patients des établissements de soins
depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Elle tente de concilier les
principes d’autonomie et de protection comme l’affirme Benoît EYRAUD en 2008 à
l’occasion d’une journée d’étude de l’ANDP8 : « C’est lorsque cette présomption de
capacité est maintenue quand bien même l’incapacité paraît totale, que peut encore être
préservée la liberté individuelle9 »
Parce que cette présomption de capacité est maintenue, la révision des mesures de
protection devient incontournable, l’incapacité n’étant ni définitive ni rédhibitoire. Il n’y a
jamais eu autant de mainlevées qu’à l’occasion de ces révisions même si elles constituent
parfois une parenthèse dans un long parcours d’assistance. Cette présomption de
capacité est légitime et rend incontournable pour le juge l’audition systématique de la
personne avant le prononcé éventuel d’une mesure de protection (hors cas
d’incompatibilité avec l’état de santé).
C) Les dispositifs de contractualisation : la MASP10 et le mandat de protection future
C’est dans cet esprit du respect des droits et libertés que la réforme de 2007 a
particulièrement innové en créant, hors de la sphère judiciaire, un espace ouvert pour la
contractualisation. Cela concerne l’accompagnement des personnes en difficulté pour la
8 Association Nationale des délégués et personnels des services tutélaires.
9 ANDP journée d’études du 25 janvier 2008. « Analyse de la pratique : Le sujet est (toujours) là ».
10 Mesure d’accompagnement social personnalisé.
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gestion de leurs ressources et le mandat de protection future. Jusqu’alors ces personnes
étaient orientées vers une mesure de protection juridique alors qu’elles n’avaient pas
d’altération de leurs facultés. Les nouvelles mesures d’accompagnement social
personnalisé font partie du dispositif d’action sociale confié aux conseils généraux. Ainsi
la loi désigne comme bénéficiaires de la MASP toute personne majeure « dont la santé ou
la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources » dès
lors qu’il s’agit de prestations sociales. Sa mise en œuvre sort du cadre judiciaire et relève
du contrat que la personne acceptera de conclure avec le conseil général. Elle comporte
une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social
personnalisé. La MASP est donc fondée sur la volonté de contracter du bénéficiaire et du
conseil général.
Une autre disposition innovante de la réforme du 5 mars 2007 consacre le libre
choix de la personne majeure à désigner à l’avance une ou plusieurs personnes pour la
représenter au cas où il lui deviendrait impossible de pourvoir seule à ses intérêts. Il s’agit
du mandat de protection future pour soi- même. Il est élaboré par la personne elle-même
en pleine possession de ses facultés et soucieuse de ses intérêts pour l’avenir. Dans le
cadre de ce mandat, la protection de la personne doit être conforme aux dispositions
légales concernant les mesures de protection juridique, toute stipulation contraire étant
interdite. Le mandat de protection future peut aussi s’établir pour autrui. Il correspond à la
volonté des parents d’enfant en situation de handicap de prévoir la désignation d’un
protecteur pour leur enfant et d’organiser sa vie juridique et matérielle s’ils ne sont plus en
capacité d’assumer leur autorité parentale à l’égard de leur enfant mineur ou la prise en
charge matérielle et affective de leur enfant majeur.
Si l’on a bien noté l’innovation instituée par l’apparition de formes de
contractualisation dans la sphère de la protection des personnes majeures, le rapport de
la cour des comptes de novembre 2011 à destination du Sénat sur la réforme de la
protection des majeurs relève la difficulté de sa mise en œuvre. Le nombre de MASP
dénombrées en 2009 atteint 4700 quand il en était prévu 9800. En effet de nombreuses
résistances ont été identifiées : refus des usagers de signer une MASP, prise en compte
de cet outil d’accompagnement budgétaire par les conseils généraux comme un des
dispositifs possibles au sein de l’ensemble des dispositifs d’accompagnement budgétaire
et social déjà effectifs au titre, par exemple, du RSA ou de l’accès au logement. Inspiré
par les législations étrangères, le mandat de protection future n’a lui aussi pas encore
connu les développements attendus. Au-delà d’une réforme du droit, c’est
vraisemblablement une modification en profondeur des représentations culturelles liées à
l’augmentation de l’espérance de vie qui permettra l’avancée de ce nouveau type de
convention.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 8 -
1.1.3 L’évolution de la population des majeurs protégés
A) Des statistiques éparpillées
Les mesures de protection juridique concernent désormais uniquement la personne
« dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération,
médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de
nature à empêcher l’expression de sa volonté11 ». Aucune statistique ne permet d’avoir
aujourd’hui une vision globale des bénéficiaires des mesures de protection juridique.
Cependant la thèse de doctorat en démographie de Paskall MALHERBE soutenue en juin
2012 sur « Les majeurs protégés en France, dénombrement, caractéristiques et
dynamique d’une sous population méconnue » reconstitue et analyse un certain nombre
de données. Ainsi, au 31 décembre 2008, le nombre des majeurs protégés s’élevait à
741 82512, ce qui représentait à l’époque 1,48% de la population française majeure. La
proportion de femmes majeures protégées s’établissait à 48,66%, et celle des hommes à
51,33%. 50% des majeurs protégés se situaient alors dans la tranche d’âge des 35-64
ans et un tiers des majeurs protégés avait plus de 70 ans. Le nombre de majeurs
protégés n’a depuis cessé d’augmenter pour atteindre le million en 2010, selon les
projections effectuées dans le cadre des travaux préparatoires à la réforme de 2007.
On relève dans l’annuaire statistique de la justice13, dans son édition 2011-2012, qu’en
2010, les tribunaux ont prononcé 63 601 nouvelles mesures de protection. Ces nouvelles
mesures pour l’année 2010 sont pour 54% d’entre elles des mesures de tutelle, et pour
40,53 % des mesures de curatelle, le reste étant constitué par les sauvegardes de justice.
La moitié de ces mesures a été confiée à un membre de la famille ou un proche, l’autre
moitié à des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.
Lors du comité de suivi de la mise en œuvre de la réforme de 2007, la DGCS a présenté
le 21 novembre 2013 un bilan statistique sur la protection juridique14. Au 31 décembre
2012, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçaient 414 666 mesures
de protection, ce qui constitue une progression de 6,9% depuis 2009. Ces MJPM15
relèvent de 3 catégories : les services mandataires, les mandataires privés et les
11 Code civil Article 425
12 MALHERBE P, 2012, « Les majeurs protégés en France, dénombrement, caractéristiques et
dynamique d’une sous population méconnue » Université Montesquieu Bordeaux IV p 313 disponible sur http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/71/86/44/PDF/These_Paskall_Genevois-Malherbe.pdf 13
Annuaire de la justice 2011-2012 p 83 consulté le 1er
mars 2014 sur http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_annuaire_2011-2012.pdf 14
DGCS Bilan statistique sur la protection juridique consulté le 1er
mars 2014 sur http://protection-juridique.creainpdc.fr/content/la-dgcs-dresse-un-bilan-statistique-sur-la-protection-juridique-des-majeurs 15
Mandataires judiciaires à la protection des majeurs
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 9 -
mandataires préposés qui exercent en établissement accueillant des usagers. Les 355
services mandataires autorisés à fonctionner au plan national exercent 81,2 % des
mesures confiées à des Mandataires soit 335 437 mesures de protection.
B) Les caractéristiques socio -économiques
Au-delà de ce bilan statistique, la DGCS livre également quelques chiffres sur les
caractéristiques socio-économiques concernant les majeurs protégés. La population
suivie par les services mandataires est essentiellement masculine (53,4%) et bénéficie
pour 53,3% d’entre elle d’une mesure de curatelle renforcée. 64,2% vit à domicile et
88,8% a des ressources inférieures ou égales au SMIC. Depuis 2009, les mesures de
protection concernent davantage de personnes âgées, de personnes en établissement, et
les mesures de tutelle sont plus nombreuses.
En recoupant les chiffres de l’ONPMP16 et ceux de l’enquête Handicap Incapacité
Dépendance (HID) effectuée par la DREES17 à partir de 2008, Paskall MALHERBE
propose dans sa thèse18 « une esquisse du profil socio-économique et sanitaire des
majeurs protégés » dont il ressort que la population des majeurs protégés est fortement
touchés par les problèmes de santé, qu’elle est relativement isolée et qu’elle vit avec de
faibles ressources et peu de patrimoine.
L’ONPMP, au travers de ses différentes enquêtes auprès les majeurs protégés suivis par
les Unions Départementales des Associations Familiales, relève que la population des
majeurs protégés suivie par les UDAF est une population fortement isolée dont 90% ne
vivent pas en couple bien que 40% déclarent avoir des enfants. Si 60% d’entre eux vivent
en logement autonome, dans 40% des cas ces logements sont extrêmement dégradés.
20% vivent en maison de retraite, et seuls 8 % sont propriétaires de leur résidence
principale contre 57% des ménages français. Cette population vit avec de faibles revenus.
Environ 65% des majeurs protégés sont titulaires de l’allocation adulte handicapé. Au-
delà des revenus, ce pourcentage indique que la population des majeurs protégés est
fortement touchée par des troubles de santé. La moitié d’entre elle déclare rencontrer au
moins une difficulté relative à la santé dans sa vie quotidienne.
16 Observatoire National des Populations « Majeurs Protégés » chiffres clés Mai 2011 consulté le
1er
mars 2014 sur http://www.unaf.fr/IMG/pdf/Plaquette_Chiffres_cles_ONPMP-_7_juin_2011_-_version_definitive.pdf 17
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques 18
MALHERBE P, op. cité, p 508
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 10 -
1.2 Du droit des incapacités au droit des usagers
La protection juridique s’inscrit dans l’histoire des civilisations depuis l’Antiquité. Si
elle peut refléter la préoccupation légitime d’une société à protéger les plus faibles, elle
révèle au fil du temps les particularités d’une époque, de ses coutumes, de ses progrès.
Fortement marquée par la protection des biens et les symptômes qui peuvent la mettre à
mal comme la folie ou la prodigalité, la protection juridique française a toujours été le sujet
de l’intrication du droit et de la médecine.
1.2.1 De l’aliénation à la psychiatrie
Le concept de l’aliénation s’est nourri à de multiples sources juridiques et philosophiques.
Le droit régit cette notion dans son caractère de désappropriation volontaire au bénéfice
d’un autre propriétaire. A ce dessaisissement volontaire, se juxtaposent d’autres
définitions comme l’idée d’une perte, d’un dessaisissement de l’être, d’une perte de la
conscience de soi, perte de liberté que l’on retrouve dans l’aliénation mentale, image de
la folie et de l’enfermement. En effet, sous l’Ancien régime, l’aliénation mentale peut
s’accompagner de la perte de liberté qui résultait soit de la décision judiciaire
d’enfermement, soit de la décision familiale de séquestration dès lors que l’aliéné restait
confié à sa famille. L’interdiction des fous et des prodigues a pour objectif de protéger leur
patrimoine pour qu’il n’échappe pas à leur famille.
Avec l’apparition du code Napoléon en 1804, l’interdiction est précisée en ces termes par
l’article 489 :« le majeur qui est dans un état habituel d’imbécilité, de démence ou de
fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides. » Les
prodigues qui se dessaisissent de leur patrimoine sans en envisager les conséquences
pour eux-mêmes et leur famille, bien que leur trouble ne soit pas plus défini, se voient
assister d’un conseil judiciaire pour tous les actes ayant trait à leur patrimoine.
Les progrès de la médecine font peu à peu émerger grâce aux travaux de Philippe PINEL,
savant aliéniste et Jean Etienne ESQUIROL, psychiatre, la reconnaissance de l’aliéné
comme malade avec l’obligation de le soigner dans des hôpitaux spécialisés ouverts dans
chaque département. C’est ainsi que la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés organise le
fonctionnement de ces établissements hospitaliers, fixe les modalités de placement et de
sortie et jette les bases de la psychiatrie. Elle définit un régime provisoire des aliénés non
interdits placés dans un hôpital psychiatrique : l’administration provisoire des biens. Celle-
ci est décidée par la commission administrative de surveillance de l’établissement et
exercée par l’un de ses membres. Ainsi, la protection juridique se concentre, et pour
longtemps, sur la protection des biens de l’interné, alors que la protection de la personne
relève du travail thérapeutique.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 11 -
1.2.2 La loi de 1968 : Le sujet incapable
A) Contexte et objectif
L’administration provisoire, mise en place par la loi de 1838 sur les aliénés, s’impose et
rend désuet l’ensemble du dispositif tutélaire, interdiction et conseil judiciaire, présent
dans le code civil. Très vite, l’évolution de la psychiatrie qui se met à soigner hors de
l’hôpital, dès que la maladie ne contraint plus à l’isolement, entraine une sortie
progressive des malades. La désinstitutionalisation s’accompagne, sans préparation et
sans délai, du retour à la pleine capacité et à la liberté de gestion. C’est l’ensemble des
prises en charge qui n’est plus adapté et qui va nécessiter la réforme du code civil.
La loi du 3 janvier 1968, rédigée par le doyen Jean CARBONNIER, portant réforme du
droit des incapables majeurs introduit une scission entre le médical et le judiciaire en
supprimant l’administration provisoire automatique lors d’un internement. Ainsi, elle stipule
que « les modalités du traitement médical, notamment quant au choix entre
l’hospitalisation et les soins à domicile, sont indépendantes du régime de protection
appliqué aux intérêts civils »19.
Cependant, elle dote les médecins de nouveaux pouvoirs. Celui d’effectuer, au nom du
principe de protection, une déclaration de sauvegarde de justice auprès du procureur s’ils
constatent qu’un patient a besoin d’être protégé et celui d’établir une expertise médicale
obligatoire pour qu’un juge puisse prononcer l’ouverture d’une mesure de protection si le
malade est atteint d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles.
Fondée sur « la défaillance de l’homo juridicus »20, l’incapacité dans la loi du 3 janvier
1968 est lue comme un « négatif de l’autonomie en tant qu’elle remet en cause les
potentialités de l’individu à se réaliser comme une personne juridique »21. Son
établissement se fait au vue de l’empêchement de pourvoir seul à ses intérêts du fait
d’une altération des facultés mentales ou d’une altération des facultés corporelles
lorsqu’elles empêchent l’expression de la volonté.
Mais la loi prévoit aussi un régime de protection basé sur des critères de subjectivité, pour
pallier à des attitudes non conformes avec la norme sociale représentée par le
comportement de bon père de famille. Il en est ainsi pour l’intempérant, l’oisif et le
prodigue quand il « s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses
obligations familiales »22. Ainsi donc, la loi s’attache à couvrir une incapacité plus
générale en lui donnant une dimension sociale.
19 .Loi du 3 janvier 1968, article 490-1
20 BROVELLI G et NOGUES H « La tutelle aux majeurs protégés : la loi de 1968 et sa mise en
œuvre ». p 27 21
Ibid. p 28 22
Loi du 3 janvier 1968, article 488 alinéa 3
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 12 -
Dans une période de croissance où l’Etat providence a suffisamment de ressources, la loi
confie à la puissance publique l’exercice des mesures de protection des plus faibles dès
lors qu’aucune famille ne peut en assumer la charge.
Refusant de légiférer sur la protection de la personne, elle prévoit une gradation du
régime de protection afin que les malades accèdent de manière souple à l’une ou l’autre
des mesures dès qu’ils peuvent assumer davantage de responsabilité, ceci étant un
élément capital au plan thérapeutique.
B) Les mesures de protection
La loi de 1968 décline 3 types de mesures de protection :
La sauvegarde de justice :
Elle résulte, soit d’une déclaration médicale comme indiqué plus haut, soit d’une
décision du juge, prise pour la durée de l’instance, lorsqu’il est saisi d’une demande de
mesure de protection. Cela lui donne, en cas d’urgence, le temps d’instruire la procédure,
tout en prévoyant la protection de la personne. Le majeur placé sous sauvegarde de
justice garde sa capacité, mais ses actes peuvent être réduits dans leurs conséquences
voire annulés s’ils lui ont porté préjudice. La liberté d’exercice de ses droits par le majeur
peut être limitée par la décision du juge d’instituer un mandataire spécial pour réaliser des
actes déterminés à la place de la personne protégée. Dans ce cas, le pouvoir du
mandataire est l’équivalent de celui d’un tuteur pour les actes de moindre importance qui
ne nécessitent pas d’autorisation spécifique du juge ou du conseil de famille. La mesure
de sauvegarde de justice est la seule à être limitée dans sa durée. Elle s’éteint par
l’arrivée à son terme si elle n’est pas renouvelée ou par la mise en place d’une mesure
de curatelle ou de tutelle.
La curatelle :
Elle est destinée au majeur qui « sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin
d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile »23. L’assistance du curateur se
manifeste par la nécessité de poser ensemble les actes les plus importants de la vie
civile : gestion du patrimoine, vente d’un bien, acceptation d’une succession. Cette
assistance se manifeste le plus souvent par l’apposition de la signature du curateur à côté
de celle de la personne. Cette assistance peut se transformer en représentation si le juge
fait application de l’article 512 de la loi en ordonnant que le curateur « percevra seul les
revenus de la personne en curatelle, assurera lui-même, à l’égard des tiers, le règlement
23Loi du 3 janvier 1968 article 510
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 13 -
des dépenses ». La porosité avec le régime de la tutelle est manifeste. Dans le régime
de la curatelle, c’est bien la curatelle renforcée qui a toujours été la plus utilisée par les
juges, la curatelle simple relevant presque de dispositions exceptionnelles. Cependant, la
mesure de curatelle peut aussi être allégée, en étant aménagée par le juge en faveur du
majeur « plus capable », par dérogation aux dispositions habituelles de la curatelle. Ainsi,
un majeur protégé pourra être autorisé par le juge à continuer de disposer d’un chéquier
pour effectuer ses paiements.
La tutelle :
C’est le régime de protection le plus fort dans l’arsenal législatif. Inspirée de la
tutelle des mineurs, la tutelle « est ouverte quand un majeur, pour l’une des causes
prévues à l’article 490, a besoin d’être représenté d’une manière continue dans les actes
de la vie civile. »24
L’organisation d’une tutelle complète passe par la décision du juge d’instaurer un conseil
de famille composé des membres des familles maternelles et paternelles et présidé par le
juge des tutelles. C’est le conseil de famille qui élit le tuteur en son sein. Le tuteur peut
faire seul les actes de gestion courante, dits d’administration. Pour les actes de
disposition, ceux qui comportent une conséquence importante pour le patrimoine de la
personne, le tuteur doit y être autorisé par le conseil de famille. Lorsque la tutelle est
vacante (absence de famille), elle peut être confiée à un service tutélaire. Dans ce cas,
toutes les décisions qui relevaient du conseil de famille, devront être autorisées par le
juge des tutelles.
Dans la tutelle, la représentation est continue et il y a peu de place pour la liberté et
l’expression de la personne protégée. Ainsi, le majeur en tutelle est privé du droit de vote.
Il faudra attendre la loi du 11 février 2005 pour la modification de l’article 5 du code
électoral en ces termes : « Les majeurs placés sous tutelle ne peuvent être inscrits sur les
listes électorales à moins qu'ils n'aient été autorisés à voter par le juge des tutelles ». Les
évolutions sociétales inscrites dans la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS leur
sont interdites dans son article 2 qui prévoit que « Les majeurs placés sous tutelle ne
peuvent conclure un pacte civil de solidarité ».
Avec l’inflation des mesures de protection et l’explosion du coût du dispositif pour
l’Etat, la nécessité de réformer la loi du 3 janvier 1968 s’est imposée au début des années
90. L’inspection diligentée par les ministères de la justice, de l’économie et des finances
et de l’industrie, de l’emploi et de la solidarité a publié son rapport final en avril 2000,
neuf ans avant l’application de la réforme de la protection des majeurs.
24Loi du 3 janvier 1968, article 492
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 14 -
1.2.3 La loi de 2007 : l’autonomie et le droit des usagers
Longtemps attendue, la réforme du 5 mars 2007, qui s’applique depuis le 1er janvier
2009, organise deux grandes orientations qui m’apparaissent essentielles : la protection
de la personne et l’inscription de l’activité professionnelle de la protection juridique dans le
champ de l’action sociale.
A) Les principes de subsidiarité, de nécessité et de proportionnalité
Une mesure de protection ne peut être prise que lorsqu’elle est strictement nécessaire
et qu’aucun autre accompagnement de l’ordre familial ou social n’est suffisant.
Pour éviter les dérives observées sous l’empire de la loi précédente, les mesures de
protection ne pourront être envisagées par le juge qu’en cas d’altération constatée par
certificat médical, des facultés mentales ou des facultés corporelles si elles empêchent
l’expression de la volonté. Les mesures de protection doivent être nécessaires et leur
mission ne peut être remplie par aucun autre dispositif existant. A ce titre, elles sont
subsidiaires.
Pour la première fois, la volonté législative exprime comme impératif le respect des droits
et libertés fondamentales de la personne protégée. La protection « est instaurée et
assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la
dignité des personnes »25. Le législateur prévoit à cet effet la proportionnalité et
l’individualisation de la mesure de protection en fonction du degré d’altération des
facultés personnelles. Il limite la mesure dans sa durée et en prévoit la révision à son
échéance. Le juge devra motiver le degré de la mesure de protection qu’il prend au
regard de l’insuffisance d’une mesure plus légère compte tenu de l’état de santé de la
personne. Il pourra considérer que la protection de la personne n’entre pas dans les
attributions du protecteur qui n’assurera qu’une protection des biens. Il pourra également
prévoir, quelle que soit l’importance de la mesure (curatelle ou tutelle), que la protection
de la personne fera l’objet d‘une assistance. En cas de tutelle, si l’assistance apparaît
insuffisante, le juge pourra prévoir la représentation de la personne.
B) Protection de la personne et autonomie
La protection « a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la
mesure du possible l’autonomie de celle -ci »26. La loi prévoit le partage de la protection
25 Code civil, article 415, alinéa 2.
26 Code civil, article 415, alinéa 3.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 15 -
de la personne entre le protecteur qui voit son champ d’intervention s’étendre et la
personne protégée qui peut prendre « seule les décisions relatives à sa personne dans la
mesure où son état le permet »27. Décider pour soi-même vient limiter explicitement la
présomption d’une incapacité continue à se protéger et reconnaître que la personne est la
mieux à même de prendre les décisions la concernant. Cette disposition a pour corollaire
l’obligation d’informations de la personne protégée imposée au protecteur par l’article
457-1 du code civil. Celui-ci doit lui donner « toutes informations sur sa situation
personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les
conséquences d’un refus de sa part ».
La loi de 2007 favorise les décisions et choix personnels de la personne protégée qui
garde le libre choix de sa résidence et de ses relations. Quel que soit le degré de sa
protection, elle lui laisse la possibilité de réaliser des actes qui ont des conséquences
personnelles fondamentales sur sa vie. Les dispositions relatives au PACS sont
modifiées : les personnes en curatelle et en tutelle pourront conclure un pacte civil de
solidarité. Elles pourront le rompre seules sans assistance ni autorisation. La personne en
tutelle aura la possibilité de faire un testament avec l’autorisation du juge, le tuteur ne
pouvant ni l’assister, ni la représenter. Elle peut révoquer seule tout testament effectué
avant ou après l’ouverture de la tutelle. Enfin, pour rappel, le droit de vote des personnes
en tutelle devient le principe, sa suppression devant être motivée par le juge à l’ouverture
de la mesure au regard de l’état de santé de la personne.
Malgré ces indéniables avancées dans l’autodétermination des personnes, je souhaite
évoquer ici l’importance du code de la santé publique depuis la loi du 4 mars 2002 sur le
droit des malades en matière de consentement aux soins, aux traitements médicaux et
aux interventions chirurgicales. Elle indique dans son article L 1111-4 : « Le
consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché
s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ». La loi de 2007 superpose
à ce dispositif l’obligation pour le tuteur de requérir l’autorisation du juge pour prendre une
décision concernant une opération portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la
personne protégée. Elle subordonne ainsi à cette autorisation le consentement aussi
éclairé soit-il de la personne en tutelle.
On peut noter également dans le domaine de la santé que la personne en tutelle ne peut
toujours pas désigner une personne de confiance après sa mise sous tutelle, le tuteur
jouant de facto ce rôle.
Enfin, je veux revenir sur les dispositions relatives aux actes impliquant un consentement
strictement personnel énoncés dans l’article 458 du code civil : actes de l’autorité
parentale, déclaration du choix du nom ou du changement de nom d’un enfant,
27 Code civil, article 459, alinéa 1.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 16 -
consentement à sa propre adoption ou à celle de son enfant. En exigeant une décision
strictement personnelle pour ces actes et en refusant toute forme d’assistance pour y
parvenir, le législateur en a quasiment interdit l’accès aux personnes protégées.
Malgré ces quelques contradictions entre les textes, lorsque le législateur étend le champ
d’intervention du protecteur à la protection de la personne jusqu’alors acquise aux
thérapeutes, il confirme le passage de la protection juridique vers un dispositif socio-
judiciaire dans lequel le travail social peut prendre toute sa part.
C) Le droit des usagers
La loi du 5 mars 2007, en déclinant un volet préventif de mesure d’accompagnement
social personnalisé (MASP) pour les personnes présentant des difficultés à gérer leurs
ressources, fait aussi entrer la protection judiciaire des majeurs dans le code de l’action
sociale et des familles. L’article L 312-1 de ce code affirme que : « les services mettant en
œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre
du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice
ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire »
font partie des services sociaux et médico-sociaux. A ce titre, ils concourent à l’action
sociale et contribuent à une mission d’intérêt général. Les personnes prises en charge par
les services mandataires se voient garantir l’exercice de leurs droits et libertés
individuels aux fins notamment de prévenir tout risque de maltraitance : c’est le droit des
usagers. Décliné par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, il
fait l’objet d’une adaptation spécifique pour les services mandataires.
Le droit des usagers dans les services mandataires donne la priorité à l’information de
la personne et à son accès à cette information par des documents divers : notice
d’information, règlement de fonctionnement, charte des droits et libertés de la personne
protégée. Il étend l’accès de cette information à des parents ou personnes proches en cas
d’impossibilité d’informer la personne elle-même. Il garantit un accompagnement
individualisé de la personne favorisant le développement de son autonomie et
systématisant la recherche de son consentement éclairé. Il prévoit la participation directe
de la personne au document individuel de protection des majeurs qui devra définir les
objectifs de la mesure de protection. La participation des personnes protégées au
fonctionnement du service mandataire est prévue. Elle peut prendre la forme d’un conseil
de la vie sociale ou des autres formes de participation prévues par la loi.
Ainsi les personnes protégées par une mesure judiciaire contraignante deviennent
aussi usagers d’un service qu’elles n’ont, le plus souvent, pas choisi. La relation avec le
service mandataire s’en voit profondément modifiée par la participation de la personne
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 17 -
protégée au fonctionnement du service mandataire dont elle devient un acteur avec lequel
il convient de partager l’exercice même de la mesure de protection.
1.3 Le service de l’ATMP 74 à la croisée du judiciaire et du social
1.3.1 L’histoire de l’engagement des parents
A) Les premiers pas
C’est dans le registre manuscrit destiné à recevoir les procès-verbaux de
l’association tutélaire des majeurs protégés de la Haute Savoie que sont consignés en
mémoire ses premiers pas. Le procès-verbal de l’Assemblée constitutive décrit ainsi
l’objet de l’Association : « Quand il ne reste plus personne, parent ou ami, capable de
veiller sur le sort d’un handicapé majeur (et seulement dans ce cas) nous apporterons
une solution de secours ». 28
Portée par de nombreux membres de l’ADAPEI, plusieurs directeurs d’établissement, le
président de l’UDAF, le représentant de la DDASS et le conseil général, la création de
l’ATMP74 le 21 avril 1975 fait consensus autour du majeur handicapé isolé. Le Président
de l’ADAPEI justifie la nécessité de l’intervention d’un organisme spécifique « car elle
permet d’organiser autour de lui le climat d’affection que ne peut plus lui donner la famille
et de résoudre les problèmes qui se poseront à lui ».
Le premier conseil d’administration comprend 23 membres dont 14 parents de mineurs ou
d’adultes handicapés. En juin 1976, à l’occasion de sa première assemblée générale,
l’Association fait un premier bilan de son expérience. Elle exerce 5 mesures de protection
confiées à des bénévoles. C’est le président qui est en relation avec les majeurs
protégés. L’Association fait de l’information sur les mesures de protection à destination
des familles. Elle marque son attachement aux bonnes relations avec les foyers
d’hébergement à qui elle délègue une partie de l’exercice des mesures : « L’Association
doit dégager les directeurs de foyer de certaines responsabilités ou les couvrir par une
délégation de pouvoirs en matière de gestion des biens ».
Grâce aux subventions des Associations de parents, elle gère un budget de 1160 francs.
Jusqu’en 1985, l’ATMP n’obtient aucun financement de l’Etat alors qu’elle exerce 35
mesures. L’ADAPEI est le support logistique du fonctionnement de l’ATMP et c’est cette
union d’associations de parent qui a porté ses débuts en lui prêtant son cadre associatif et
en la subventionnant.
28 Annexe1 : Extrait du procès-verbal de l’assemblée constitutive de l’ATMP74
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 18 -
B) L’expansion et la professionnalisation
La convention de financement avec l’Etat en 1986 permet à l’ATMP d’embaucher sa
première salariée. A partir de cette date, l’expansion est rapide. Le budget augmente
régulièrement : 81 000 francs en 1986, 195 000 en 1987, 700 000 en 1989 et 1 520 000
en 1990. L’ATMP peut embaucher son premier directeur en 1989. Elle double quasiment
son activité entre 1989 et 1990 pour atteindre 173 mesures de protection dont 73% sont
des mesures de tutelles. 57% des bénéficiaires de ces mesures vivent en établissement
pour personnes handicapées.
Entre 1990 et 2000, l’ATMP multiplie son activité par 15. Elle créé 6 antennes pour couvrir
le territoire départemental et organise un déménagement par an pendant 10 ans pour
adapter ses locaux à son activité.
Au vu du registre des procès-verbaux des Assemblées générales, j’ai pu reconstituer
ainsi l’expansion de l’ATMP :
Progression de l’activité :
ANNEES MESURES TUTELLE CURATELLE AUTRES
(Conseil de famille)
1986 32
1988 93 63 30
1993 574 204 355 15
1995 882 288 563 31
2002 1626 501 1125
2011 2117 636 1471 10
Progression des emplois :
ANNEES SALARIES ETP MJPM SECRETAIRES NOUVEAUX
POSTES
1988 3 2 1.5 0.5
1989 5 Directeur
1997 33 24 8
2002 58 44,73 35 11 4 responsables
1 comptable
2011 88 84,91 Directrice adjointe
Juriste
Informaticien
Assistante de
direction
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 19 -
Les statuts de l’Association ont été modifiés en 2011 pour mieux prendre en compte la
diversité de la population concernée par le dispositif de la protection juridique. Ainsi, le
conseil d’Administration est composé d’une part de personnes physiques dont les parents
ou les proches sont des personnes handicapées et d’autre part, de représentants de
personnes morales, « associations à but non lucratif, dont l’objet est l’aide à des
personnes handicapées du fait d’une déficience intellectuelle, d’une maladie mentale,
d’une perte d’autonomie due au vieillissement ou à une addiction, d’une altération de ses
capacités corporelles 29».
En 2014, l’engagement des associations de parents reste intact malgré la difficulté de
trouver des bénévoles. Les 12 membres du conseil d’administration sont tous investis
dans d’autres responsabilités associatives au sein d’associations œuvrant dans le champ
du handicap et plus récemment dans celui des personnes âgées représenté par un
membre du CODERPA 30.
1.3.2 Environnement et contexte du service
A) Le quasi-monopole du service mandataire
La protection juridique dans le département
L’ATMP74 est quasiment le seul service mandataire à œuvrer sur le département.
La DRJSCS en mars 2014 a publié ses statistiques31dans lesquelles elle établit le nombre
de personnes prises en charges en Haute Savoie par des services mandataires, au 31
décembre 2011, à 2544 alors qu’à cette période l’ATMP74 exerce environ 2000 mesures.
Elle a limité son activité à la protection juridique des majeurs, alors que l’UDAF, souvent
active dans le domaine de la protection juridique, s’est cantonnée, en Haute Savoie, à la
mise en œuvre du dispositif concernant l’exercice des tutelles aux prestations sociales
puis des MASP. A la demande des juges, un service mandataire de l’Isère a obtenu un
agrément sur la Haute Savoie pour l’exercice de 350 mesures de protection.
La contribution départementale de la Haute Savoie au schéma régional de la protection
juridique des majeurs de 2010 à 2014 s’appuie sur l’évolution prévisionnelle de la
population jusqu’en 202032 :
29 Extrait des statuts de l’ATMP74
30 Comité départemental des retraités et des personnes âgées.
31DRJSCS, 9 avril 2014 « Panorama statistique jeunesse sport cohésion sociale Rhône Alpes
2013 » p 15 consulté le 13 avril 2014 sur le site http://www.rhone-alpes.drjscs.gouv.fr/Panorama-statistique-2013.html 32
DRJSCS, 24 septembre 2010, « Schéma régional des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales »p 50, consulté le 13 avril 2014 sur http://www.rhone-alpes.drjscs.gouv.fr/Les-majeurs-proteges.html
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 20 -
Haute
Savoie
Population
au 1er
janvier (en
milliers
Structure par âge Population par âge
0-19
ans
20-59
ans
60 ans
ou +
0-19
ans
20-59
ans
60 ans
ou plus
2010 726 038 25.8 53.8 20.4 187 515 390 559 147 964
2015 765 095 25.0 52.5 22.5 191 171 401 603 172 321
2020 803 973 24.2 51.2 24.4 196 513 411 451 196 009
Source : INSEE
L’augmentation de la population en Haute Savoie la met, selon la lettre de l’INSEE
de mars 200933, au 1er rang des départements de Rhône Alpes, à égalité avec l’Ain, pour
la croissance démographique. Tirée par la proximité de Genève, tous les territoires en
bénéficient. La hausse de la population confirme l’étalement périurbain des zones
urbaines. L’ATMP74 a su s’implanter au cœur de ces zones en développant des
antennes sur Annecy, Annemasse, Cluses, Thonon et la Roche sur Foron, assurant ainsi
la couverture du territoire départemental et la proximité avec les usagers et les
partenaires.
Le schéma régional fait également le constat de l’accroissement de la population des
personnes âgées via l’indicateur des bénéficiaires de l’APA en augmentation, sans
pouvoir envisager ses répercussions sur l’activité tutélaire.
En ce qui concerne les mesures de protection juridique, la DDCS établit à 19% leur
croissance entre 2007 et 2009. Près de 80% des mesures de protection concernent des
personnes à domicile alors que la moyenne régionale est de 64%. Elle reconnaît que
cette spécificité du département de Haute Savoie a « de fortes répercussions sur la
charge de travail des services de tutelle »34.
La difficulté des coopérations :
Avec quatre tribunaux d’instance et 6 juges d’Instance qui font aussi fonction de
juges des tutelles, il est difficile de travailler à une harmonisation des relations. Chaque
tribunal et son greffe dispose d’un mode d’organisation différent. Les juges, accaparés
ces dernières années par la révision des mesures de protection, ont tous leurs exigences
et attentes spécifiques de l’intervention d’un service mandataire. Ainsi, malgré la réforme
et les ajustements inévitables qu’elle engendre, il n’y a pas eu de concertation entre les
mandataires judiciaires du département et les magistrats pour envisager des
33 INSEE, mars 2009, « lettre n°108 » consultée le 13 avril 2014 sur
http://www.insee.fr/fr/insee_regions/rhone-alpes/themes/syntheses/lettre_analyses/01108/01108_RP_74.pdf 34
DRJSC, op cité, Schéma régional p 52
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 21 -
fondamentaux communs traçant des repères pour l’action des professionnels tant sur la
forme que sur le fond.
Dans le cadre de l’UDAPEI, l’injonction du conseil général sur la mutualisation de moyens
entre les associations adhérentes conditionnait le maintien du poste de son chargé de
mission. Des commissions de travail ont été constituées avec des professionnels de
chaque association adhérente pour évoquer les coopérations possibles dans le domaine
des pratiques professionnelles, des ressources humaines, des achats et des appels à
projet. Malgré la volonté de l’UDAPEI, les associations concernées ont déjà établi des
réseaux par affinités géographiques ou d’actions. Ce travail n’a donc pas abouti. La
situation de quasi-monopole dans lequel se trouve l’ATMP ne facilite pas son
rapprochement avec des associations départementales autour de la protection juridique.
J’en fais encore le constat autour du projet de service d’aide aux tuteurs familiaux
que l’ATMP74 porte depuis de très nombreuses années sans en avoir trouvé le
financement. Fin 2013, c’est l’UDAF qui inaugure ce service, subventionné par l’UNAF et
ouvert sans concertation avec l’ATMP74 alors que sur de nombreux département, on
assiste pour l’établissement de ce service à la création d’une plateforme commune
réalisée par une pluralité d’acteurs de la protection juridique.
Cette difficulté d’une situation monopolistique vécue de manière non hégémonique par
l’ATMP74 la conduit à regarder au-delà du département.
B) L’amorce d’un ancrage plus régional
L’ATMP74 fait partie des huit ATMP de la région Rhône Alpes qui ont fondé
l’Union Tutélaire Rhône Alpes (UTRA) en 1992. L’URAPEI y est membre de droit. Son
but essentiel est d’être une instance de réflexion, de promouvoir une politique
commune d’actions, de réaliser une entraide entre ses membres. Elle peut organiser et
gérer des services d’intérêt commun aux membres. C’est ainsi qu’elle s’est dotée d’une
plateforme de formation à destination des professionnels des associations adhérentes.
La réunion mensuelle des directeurs est un espace d’échange qui permet d’élaborer
des positions communes relayées par l’UTRA. Une réunion trimestrielle des chefs de
service s’est mise en place fin 2013 pour réfléchir aux pratiques professionnelles. Ces
réunions répondent à un besoin croissant de partage et d’échange d’informations. Si
des positions communes sont arrêtées et constituent un cadre de référence encore
peu formalisé, l’UTRA n’a pas encore réussi à développer de réelles coopérations
entre les associations qui restent sur des fonctionnements très individuels et pour
certaines concurrentiels.
Le conseil d’administration de l’ATMP74 au vu de l’échec des coopérations au sein de
l’UDAPEI esquisse une volonté d’implication plus forte au sein de l’UTRA dont l’objet
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 22 -
est entièrement tourné vers le regroupement régional d’associations mettant en œuvre
les mesures de protection juridique.
D’autres regroupements régionaux ont des incidences sur le partenariat de l’ATMP74.
Une charte des bonnes pratiques est en cours d’élaboration entre la chambre
interdépartementale des notaires de Savoie et les deux ATMP de Savoie et de Haute
Savoie. Il n’a pas été possible pour le moment d’étendre la concertation à l’ensemble
des services mandataires des deux départements en raison de leur difficulté à travailler
ensemble.
C) Le double contrôle de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire
L’entrée des services mandataires dans le champ de l’action sociale depuis 2009
a profondément troublé la visibilité de leurs missions par les professionnels. Le
contrôle de la justice reste inhérent à la mesure judiciaire. Il se traduit à la fois par la
surveillance annuelle des comptes de gestion remis au greffe du tribunal pour chaque
majeur protégé, et par le contrôle du juge sur les demandes d’autorisation pour agir et
les actes effectués. Ce contrôle s’exerce aussi à l’occasion des révisions des mesures,
ou suite à la demande d’un majeur protégé. Il se double d’un contrôle administratif et
financier exercé par la DDCS. Organe de contrôle de la conformité des services avec
le droit des usagers et le système de l’évaluation, décideur en matière budgétaire et
régulateur de l’activité par le biais des schémas régionaux, l’autorité administrative est
devenue omniprésente dans le paysage des services mandataires judiciaires. Au
niveau régional, certaines DRJSCS investissent la réflexion sur les usagers des
services mandataires. La DRJSCS du Nord Pas de calais35 s’est intéressée à la
participation des majeurs protégés. La DRJSCS des Pays de Loire a publié en mars
2014, à l’intention des professionnels, un guide d’accompagnement des majeurs
protégés atteints de troubles psychiques36dont l’objet est de coordonner les
interventions du mandataire judiciaire et des professionnels de santé autour du majeur
protégé, avant, pendant et après son hospitalisation.
A l’occasion de l’élaboration de son projet de service, les professionnels de l’ATMP74
se sont interrogés sur leur vision commune des missions du service mandataire. S’agit-
il d’un service administratif, d’un service social, d’un service d’auxiliaire de justice ?
Chacune des propositions a recueilli environ un tiers des réponses confirmant la
35 Les cahiers de la DRJSCS juin 2012 : pratiques et conceptions relatives à la participation des
majeurs protégés en Nord-Pas-de-Calais : une étude qualitative. 36
Le guide d’accompagnement des majeurs protégés atteints de troubles psychiques consulté le 13 avril 2014 sur le site http://www.pays-de-la-loire.drjscs.gouv.fr/Guide-d-accompagnement-des-majeurs.html
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 23 -
difficulté d’une vision partagée sur la nature des missions et au-delà de
l’accompagnement des personnes. C’est à cette croisée du judiciaire et du social que
se tient l’ATMP74 cherchant à redéfinir les orientations d’un accompagnement tutélaire
conforme au mandat judiciaire et garant du droit des usagers.
1.3.3 Une organisation nouvellement intégrée dans le champ de l’action sociale
A) Description du service mandataire de l’ATMP7437
Métiers et effectifs :
Au fil des années, l’organisation du service s’est structuré autour de deux métiers
principaux : celui de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de secrétaire.
L’expansion du service a nécessité l’adaptation de sa structure d’encadrement. Chaque
antenne est sous la responsabilité d’un chef de service qui cumule aussi la fonction de
mandataire judiciaire au prorata de la taille de l’antenne. Les effectifs actuels de l’ATMP74
se présentent de la manière suivante :
CATEGORIES PROFESSIONNELLES NOMBRE D’ETP AU 31 DECEMBRE 2013
Mandataires judiciaires 43.8 ETP
Secrétaires 26.92 ETP
Cadres 10.74 ETP
Au 31 décembre 2013, l’ATMP74 emploie 89 salariés : 30 secrétaires, 48 mandataires, 11
cadres. La féminisation des métiers est prédominante. Sur 89 salariés, 8 sont des
hommes dont la moitié est en poste de cadres. 3 antennes sur 6 sont constituées
uniquement de femmes toutes catégories professionnelles confondues.
Les mandataires judiciaires ont tous un diplôme initial de juriste (niveau master) ou de
travailleur social (conseillère en économie sociale et familiale, assistante sociale,
éducateur spécialisé). Les recrutements les plus récents se portent essentiellement sur
les CESF qui sont le plus souvent candidates au poste de mandataire. Tous, sauf les très
nouvellement embauchés, ont obtenu le certificat national de compétence rendu
obligatoire avec la loi du 5 mars 2007.
Les secrétaires ont d’abord eu une fonction comptable consistant en l’enregistrement des
opérations de gestion pour le compte des personnes protégées. Peu à peu, leur mission a
intégré une fonction plus administrative : rédaction de courrier, classement, remplissage
des dossiers administratifs. Leur niveau de recrutement s’est élevé ces dernières années
37 Annexe 2 : organigramme de l’ATMP74
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 24 -
avec de plus en plus souvent un diplôme de niveau III (BTS). L’arrivée de secrétaires
ayant un parcours dans le secteur privé du tertiaire ou de l’industrie a impulsé de manière
empirique une augmentation du champ de compétences dans l’utilisation de l’outil
informatique et une évolution de la fonction de la secrétaire /comptable vers l’assistance
du mandataire judiciaire.
Les responsables de service sont tous issus des mandataires judiciaires. Le niveau de
formation de l’encadrement (CAFERUIS, CAFDES) est une préoccupation du conseil
d’administration. Il favorise ces formations pour tous les cadres ayant une fonction
sociale : sur les 8 cadres ayant une fonction sociale 3 en sont diplômés et 3 en cours de
formation.
Situation budgétaire et financière :
Après avoir connu de nombreuses années de restrictions budgétaires, l’ATMP74 a
obtenu en 2011 les moyens de développer les fonctions supports et administratives pour
apporter aux mandataires judiciaires le soutien nécessaire à leur mission. Elle atteint le
niveau des indicateurs nationaux mis en place dans le cadre de la convergence tarifaire.
C’est en 2011 qu’elle a pu créer les postes de direction adjointe, de juriste, d’assistante
de direction et d’informaticien, 2 postes de responsables et 6 postes de secrétaires. Cette
restructuration a permis de transférer une partie des tâches administratives effectuées par
les mandataires aux secrétaires, de professionnaliser l’intervention des mandataires sur le
plan juridique et patrimonial avec le soutien de la juriste, d’assurer la mise en place des
outils relatifs au droit des usagers et d’engager une rénovation de la communication
institutionnelle (projet associatif, changement de logo, diffusion de nouvelles plaquettes
d’information, développement des interventions publiques sur les mesures de protection).
Compte tenu de l’importance de la gestion dans l’activité tutélaire, le service a pu se doter
des moyens informatiques indispensables à la sécurisation de ses données.
Avec un budget annuel de 4,2 millions d’euros, l’équilibre semble atteint en 2012, alors
que la situation financière reste toujours fragile, l’ATMP74 ne disposant pas de patrimoine
et de très peu de fonds propres. En 2013, la diminution sévère des recettes provenant de
la participation des usagers (-130 000 euros) et la perspective d’une diminution de la
dotation globale en 2014 fragilise encore un peu plus la situation financière de
l’association qui devra trouver des marges de manœuvres pour diminuer ses charges
alors qu’elle doit faire face à un accroissement sensible de l’activité sur les deux premiers
trimestres 2014.
Les flux d’activité :
La volonté politique qui a présidé à la création de l’ATMP74 était de développer un
service indépendant des associations de parents prenant en charge des services
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 25 -
d’hébergement des personnes handicapées. De cette volonté, encore présente
aujourd’hui, est né un service ayant vocation à gérer une seule activité, la protection
juridique. De ce fait, l’association est tributaire des flux d’activité dont elle n’a pas la
maitrise.
Après l’expansion des premières années, la progression s’arrête en 2009 et le nombre de
mesures stagne jusqu’en 2011 pour chuter d’une centaine de mesures à la fin de l’année
2013. Le début de l’année 2014 permet d’envisager un rebond significatif de l’activité avec
100 nouvelles mesures en trois mois, ce qui correspond à la moitié des nouvelles
mesures enregistrées en 2013. Les juges, conscients de la difficulté du service à absorber
autant de nouvelles mesures dans de si brefs délais, constatent la défection de certains
mandataires privés et une hausse importante des demandes de mesure de protection qui
ne peuvent être confiées qu’à l’ATMP74.
Avec une charge de travail fixée à 51 mesures pour un poste à temps plein de mandataire
et à 100 pour un poste à temps plein de secrétaire, le flux de l’activité, imprévisible,
variable selon les tribunaux, engendre très rapidement des répercussions sur
l’organisation interne et la charge de travail des antennes. Il suppose des ajustements
rapides en matière de recrutement et de mobilité professionnelle malgré l’absence de
perspective sur les ressources financières à court terme et une convention collective peu
attractive dans un département ou le transport et le logement constituent des charges
financières importantes pour les salariés.
B) La population accompagnée
Caractéristiques 38:
Curatelle : 66%
De 50 à 70 ans : 60,27%
Hommes : 53 %
Personnes âgées : 24%
Personnes handicapées : 60% dont 28% relèvent du handicap psychique.
Hébergement
Logement autonome
(locataire et propriétaire)
: 53,7%
Etablissement : 32,7%
Famille naturelle : 5,3%
Ces quelques statistiques mettent en évidence la prédominance des mesures de curatelle
puisqu’elles concernent deux tiers de la population accompagnée et la proportion
38 Annexe 3 : Graphiques des données de l’ATMP74 au 1
er mars 2014.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 26 -
importante de personnes handicapées bénéficiant d’une mesure de protection. La
majorité de cette population a plus de 50 ans et a déjà un parcours de vie significatif. La
part de la population hébergée dans un établissement ne constitue que le tiers des
personnes accompagnées. Si plus de la moitié vit dans un logement autonome de
manière habituelle, on constate qu’environ 10% de cette population n’est répertorié dans
aucun type d’habitat traditionnel.
Le mouvement de désinstitutionalisation, l’augmentation des soins ambulatoires en
psychiatrie, et le développement des services à la personne favorisent le maintien à
domicile de personnes qui relevaient jusqu’alors de l’hospitalisation. Aujourd’hui, 0,6% de
la population accompagnée vit de manière habituelle en établissement psychiatrique.
Besoins et attentes de la population
Les personnes protégées vivant en logement autonome bénéficient souvent de
plusieurs accompagnements qui favorisent le maintien de leur autonomie : SAVS,
SAMSAH, services à la personne, ESAT. Les prises en charge multiplient les intervenants
autour de la personne. Leur coordination et la place laissée à l’usager au milieu d’un
ensemble de dispositifs devient un enjeu significatif de la cohérence des
accompagnements.
La mesure de protection juridique concerne aussi des personnes très isolées et
désocialisées pour lesquelles elle est considérée comme le dernier recours, là ou toute
autre forme d’intervention a échoué. Des conditions de vie précaires (expulsion en cours,
logement insalubre, sans domicile fixe), le déni de la maladie, le rejet de tout soin ou de
toute forme d’aide, la perte des droits aux ressources et à la protection sociale
l’endettement qui en découle, sont à l’origine de la protection juridique. Confiée à un
service mandataire, elle est l’aveu de la nécessité d’une protection qui ne peut être le fait
d’aucun autre dispositif contractuel, social ou familial.
Cependant, la plupart des personnes protégées sont insérées dans un système familial
(fratries, enfants, petits-enfants, parents). A ce titre, elles restent parties prenantes des
enjeux historiques, affectifs, économiques qui contribuent à fonder leur identité familiale.
La population qui bénéficie d’une mesure de protection n’y est pas forcément favorable et
n’a pas initié cette démarche. Elle connait généralement les contraintes qui y sont
attachées, vécues comme une perte majeure d’accessibilité à son argent, aux
informations qui la concernent, à l’exercice de ses droits, ce qui conditionne de manière
fondamentale ses choix de vie, son autonomie et son estime de soi. L’enquête de
satisfaction réalisée auprès de 436 majeurs protégés en fin d’année 2012 a obtenu 221
réponses qui nous révèlent que 21% de ces personnes ne sont pas satisfaites de l’aide
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 27 -
apportée par l’ATMP74 pour « favoriser leur autonomie et valoriser leurs potentiels et
leurs capacités39 ». En ce qui concerne l’argent, 35% d’entre elles disent ne pas connaitre
leur budget et pour une sur trois, ce budget n’a pas été établi de manière concertée40. Six
personnes sur dix ne disposent pas de leurs relevés de compte bancaire et 49% disent ne
pas connaitre leur situation financière41.
CONCLUSION INTERMEDIAIRE :
Les nouveaux attendus législatifs et réglementaires confirment l’intérêt de la
société mondiale pour l’égalité des droits et des capacités dans la construction d’une
politique communautaire à la recherche de cohésion sociale. Le droit international
préconise l’intégrité de la capacité juridique des personnes qui ne peut pas être limitée
par des pratiques substitutives de représentation. Le droit français s’en est inspiré en
retenant le principe de nécessité et de proportionnalité sans toutefois mettre fin au régime
de représentation.
L’accent mis sur le développement de la protection de la personne, sa nécessaire
participation aux choix qui la concernent, son pouvoir d’agir et à défaut le soutien de son
autonomie, interroge les pratiques professionnelles individuelles et collectives des
services mandataires.
Le principe de précaution et la recherche du « risque zéro » tendent à la normalisation
des procédures, à la recherche de processus qui déclinent des étapes incontournables et
des outils-solution au détriment du respect de la liberté individuelle et de l’incertitude qui
jalonne les trajectoires de vie. Cependant, de nombreuses voix s’élèvent dans les
domaines économique, philosophique et social pour promouvoir la prise en compte du
choix des individus à vivre comme ils le souhaitent. Les professionnels de la protection
juridique ne peuvent pas y rester indifférents compte tenu de l’importance des pouvoirs
qui leur sont conférés.
39ATMP74 Enquête de satisfaction p 101
40 Ibid. p 59
41 Ibid. p 63 et 65
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 28 -
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 29 -
2 L’accompagnement tutélaire à l’épreuve des droits
fondamentaux
2.1 La dimension politique de la personne protégée
2.1.1 La citoyenneté de la personne protégée
A) Les sources plurielles de la citoyenneté
A travers l’histoire, la citoyenneté s’affirme comme une qualité, un état ou un concept
qui évolue en fonction de la maturité des peuples à penser leur organisation sociale et
politique.
Ainsi les cités grecques attribuaient la qualité de citoyen de manière très restrictive à des
hommes libres et selon des critères variables de naissance, de richesse, de propriété
foncière. Si son statut pouvait sembler enviable, le citoyen grec devait remplir de
nombreuses obligations. Il participait à l’exercice des pouvoirs législatif et exécutif, il
rendait la justice et devait défendre sa cité. La cité d’Athènes, en donnant le pouvoir à la
communauté des citoyens, « le démos », sans tenir compte de critère de richesses, a jeté
les bases de la démocratie entendue comme une forme de gouvernement où « la
démocratie n'est pas le pouvoir de tous mais la souveraineté de ceux qui constituent le
demos, le peuple citoyen ».42
Du contrat social, constitué par l’acte volontaire des individus à se rassembler en
renonçant à leur liberté absolue au profit des règles énoncées dans l’intérêt général,
émerge l’acte fondateur de la société voulu par le sujet citoyen. Il pose le problème de la
représentation rendue nécessaire par l’extension de la cité et du droit de vote.
En 1789, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen exprime l’affirmation de la
liberté et de l’égalité des hommes en droits : présomption d’innocence, liberté d’opinion,
liberté d’expression, droit de propriété. La puissance publique garantit les droits et libertés
du citoyen qui ne peuvent être limités que par la loi.
Ainsi la citoyenneté moderne ouvre au citoyen, au-delà du droit de participer à la vie
politique, un droit à de réelles libertés civiles et politiques.
Dans le préambule de la constitution de 1946, les obligations de l’Etat vis-à-vis du citoyen
sont affirmées. Dans ce texte, c’est la nation qui assure à chaque citoyen, hommes et
femmes, un certain nombre de droits dits « droits créances », droit à la protection de la
santé, à la sécurité matérielle, droit à des moyens convenables d’existence. Dès 1789, le
42 CNDP Centre national de documentation pédagogique consulté le 16 mai 2014 sur
http://www.cndp.fr/archive-musagora/citoyennete/citoyennetefr/quiestcitoyen.htm
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 30 -
principe de la souveraineté se concentrait dans la nation : « Nul corps, nul individu ne
peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».43 La citoyenneté française reste
attachée à ce critère de la nationalité, qui relève de l’appartenance à un ensemble
identitaire plus vaste que la communauté, le particularisme régional, ethnique ou culturel.
Etroitement liée à la démocratie, à l’exercice des droits et des libertés dans le respect de
la loi et attachée à une appartenance identitaire, la citoyenneté dépasse le cadre du droit
de vote et de l’éligibilité.
B) Eligibilité et droit de vote des personnes protégées
Jusqu’au 1er janvier 2009, les personnes protégées en tutelle étaient automatiquement
privées du droit de vote qu’elles pouvaient retrouver en saisissant le juge qui statuait sur
leur demande. Depuis cette date et la modification de la loi, l’article 5 du code électoral
stipule : « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le
maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ». Ainsi,
l’automatisme ne fait plus loi et hormis les personnes en tutelle dont le juge a supprimé le
droit de vote, la plupart des personnes protégées peuvent voter aux élections relevant du
suffrage universel.
Cependant les conditions d’inéligibilité dans les instances législatives et exécutives que
sont l’Assemblée nationale, le Conseil Général et la Municipalité s’étend aux personnes
en tutelle et en curatelle. Elles ne peuvent pas faire acte de candidature, ni être élues.
Ainsi, dans le régime politique de la démocratie française, la majorité des personnes
protégées sont interdites de représentation de leurs concitoyens par un mandat politique.
Cet empêchement s’étend aux fonctions inhérentes à la justice. Pour être électeur et
éligible aux fonctions prud’homales, il ne faut être l’objet d’aucune interdiction,
déchéance, incapacité relative aux droits civiques44. Ces conditions sont renforcées dans
le code de procédure pénale pour la fonction de juré de Cour d’Assises. La liste des
personnes incapables d’être jurés s’étend aux majeurs sous sauvegarde de justice, aux
majeurs en tutelle et aux majeurs en curatelle45.
C) L’accès au statut associatif
« L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en
commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre
que de partager des bénéfices. » nous dit l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au
contrat d’association. Pour en être membre, il suffit d’adhérer. Si cette démarche est
considérée comme constitutive d’un acte à caractère strictement personnel qui ne
43 Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, article 3
44 Code du travail, article L1441-16
45 Code de procédure pénale, article 256
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 31 -
supporte aucune représentation ni assistance, la seule volonté de la personne emporte
validité de l’adhésion.
Le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine
des personnes placées en curatelle ou en tutelle prévoit que la candidature aux fonctions
de gérant et d’administrateur d’un groupement doté de la personnalité morale est classée
comme un acte de disposition46. Il emporte donc la co-signature du curateur. Mais les
fonctions au sein d’une association et de son Conseil d’administration peuvent être
assurées par la personne protégée seule dès lors qu’elles n’ont aucune dimension à
caractère de gestion patrimoniale.
2.1.2 La participation de la personne protégée
A) La participation dans la mise en œuvre de la mesure de protection juridique
Le processus démocratique moderne favorise de plus en plus l’implication directe des
citoyens dans la préparation des décisions publiques qui les concernent. Il a également
pris corps dans le secteur social et médico-social avec la loi du 2 janvier 2002. Celle-ci
prévoit la participation directe de la personne prise en charge par des établissements et
services sociaux et médicaux-sociaux « à la conception et à la mise en œuvre du projet
d’accueil et d’accompagnement qui la concerne »47. Cette participation est envisagée
comme une des dispositions garantissant à l’usager l’exercice de ses droits et libertés
individuels.
L’ANESM dans sa recommandation de bonnes pratiques professionnelles d’avril 201248
aborde trois aspects de cette participation : la participation des personnes à leur propre
mesure de protection, la participation des personnes au fonctionnement du service et son
soutien organisé par le service et ses professionnels. Elle invite les professionnels à
identifier les objectifs et le sens de cette participation : personnalisation de
l’accompagnement, valorisation de l’autonomie, amélioration de la qualité de la prestation,
reconnaissance des personnes en tant que citoyen à l’échelle du service. Elle insiste sur
l’importance de la co-décision et de la co-construction.
La participation de la personne à l’exercice de sa mesure de protection se développe
dans une expression libre, facilitée et prise en compte par les professionnels à travers des
outils adaptés. Elle invite à poser un regard nouveau sur la personne protégée et à
questionner son pouvoir d’agir quand bien même il existe une mesure de protection. Elle
vient combattre la présomption d’incapacité identifiée dans la protection juridique par la
46 Décret n°2008 du 22 décembre 2008, annexe I, relatif aux actes de gestion du patrimoine des
personnes placées en curatelle ou en tutelle. 47
CASF, article L311-3 48
ANESM, juillet 2012 Participation des personnes protégées dans la mise en œuvre des mesures de protection juridiques
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 32 -
perte de l’exercice de droits, la minoration du droit à agir de la personne protégée ayant
pour automatisme l’attribution de ce droit à un autre. Son droit à l’information, à
l’expression de ses besoins et de ses attentes, le recueil de ses choix et de son
consentement constituent les bases d’un rapport social où la confusion n’est plus
possible entre la minoration de l’exercice des droits et la perte de ces droits.
La participation des personnes protégées au fonctionnement du service permet leur
association à la définition de l’intérêt général à l’échelle du service. Elle implique que le
fonctionnement et la qualité du service les concernent directement dans une vision
démocratisée de la relation d’aide dans laquelle la philosophie du « rien pour nous sans
nous » de la Coordination handicap autonomie fait écho. Le débat sur l’impossible
représentation des personnes protégées par les personnes protégées elles-mêmes est
caduque. Les initiatives en faveur de formes de participation autres que l’enquête de
satisfaction émergent, notamment avec les groupes de parole dont la timidité cependant
exprime bien la difficulté à s’approprier de part et d’autre l’exercice citoyen.
Le développement de la participation des personnes à la mise en œuvre de leur mesure
de protection instaure une autre dimension de l’accompagnement évoquée par Roland
Janvier et Yves MATHO49 dans la création par les professionnels des conditions qui
permettent aux personnes en difficulté de reprendre leur destin en main. Il ne s’agit pas
seulement de trouver des solutions mais de permettre un processus de recherche de
qualité et de pertinence des décisions basé sur l’échange et la reconnaissance des
capacités des personnes à exprimer et à mettre en œuvre ce qui est le mieux pour elles.
B) Participation aux échanges : don, dette et lien social
La protection juridique accorde autant d’importance à la protection de la personne qu’à
celle de ses intérêts patrimoniaux. L’argent est une considération essentielle dans la mise
en œuvre de la mesure de protection et son caractère multi dimensionnel mérite un
développement particulier.
Par son objectivation de la valeur, l’argent universalise la possibilité d’échange en
donnant un prix à chaque chose. Il permet à chacun de réaliser la satisfaction d’un besoin
ou d’un désir en rendant l’échange possible. Il permet de se libérer de toute sorte de
dettes et d’obligations mises à la charge des individus rassemblés en société autour de
normes partagées (paiement de l’impôt, du loyer, de la pension alimentaire …). L’argent
rend puissant « parce qu’il est puissance d’action » nous dit Jean BEAUJOUAN50 : « Par
49
JANVIER R et MATHO Y, 2011, Comprendre la participation des usagers dans les organisations sociales et médico-sociales. 4
ème édition DUNOD.
50 BEAUJOUAN J L’argent et le lien social, conférence du 9 mars 2006, consultée le 29 mai 2014
sur http://www.jean-beaujouan.fr/IMG/pdf/L_argent_et_le_lien_social.pdf
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 33 -
convention entre les hommes, c’est un concentré de valeur, de désir et de pouvoir, et à ce
titre un instrument d’échanges entre eux et un moteur de l’action ».
C’est pourquoi, gérer l’argent d’autrui pour autrui pèse sur cette puissance dont le
transfert légal modifie fondamentalement le rapport aux autres. Dans « Essai sur le
don », Marcel Mauss s’intéresse aux formes et raisons de l’échange dans les sociétés
primitives. L’échange s’y pratique sous la forme du don et de l’obligation de le rendre sans
laquelle le donataire perd définitivement la face et devient esclave de sa dette. La
puissance et le prestige se construise dans le « potlatch », rivalité totale dans le don et le
contre don jusqu’à la perte de toute richesse. Si dans ces sociétés, l’obligation de rendre
provient du pouvoir de la chose donnée partie constituante de l’âme de son propriétaire, il
n’en demeure pas moins que la notion de valeur y est pleinement attachée et qu’elle
forme le creuset de nos formes d’économie. Marcel MAUSS l’évoque ainsi : « De même
les cadeaux au chef sont des tributs ; les distributions de nourriture (sagali) sont des
indemnités pour travaux, pour rites accomplis, par exemple en cas de veillée funéraire. Au
fond, de même que ces dons ne sont pas libres, ils ne sont pas réellement
désintéressés »51.
L’accessibilité à l’argent pour les personnes protégées en tant qu’instrument de l’échange,
tant dans sa dimension économique que sociale, est un enjeu essentiel de
l’accompagnement par les professionnels. Richard GAILLARD, maitre de conférence en
sociologie à l’Université d’Angers, évoque la privation pour un individu de la manipulation
de l’argent : « Diminuer les possibilités d’échanger, c’est aussi réduire les capacités de
l’individu à être reconnu, et à participer à un réseau social. Que cette privation se légitime
par la protection de la personne, l’importance des processus sur lesquels elle porte peut
entrainer les effets inverses d’une protection, à savoir, sa négation en tant que sujet
social »52.
Ce paradoxe ne tient pas seulement à l’argent dans la relation tutélaire, mais également
au lien d’accompagnement. Paul Fustier, dans son ouvrage « Le lien
d’accompagnement » fait un retour vers Marcel MAUSS et repère dans le travail social
deux formes d’échanges : l’échange contractualisé qui correspond aux attendus du
contrat de travail, et l’échange par le don, interprété par la personne accompagnée dans
l’ambiguïté autour de la relation d’accompagnement et la question qu’elle se pose sur le
professionnel : « Pourquoi fait-il cela ? Qui est-il ? Qui suis-je pour lui ? ». Ce que Fustier
nomme « l’énigme d’autrui ».
51
MAUSS M Essai sur le don, extrait de l’année sociologique, seconde série, 1923-1924, tome I consulté le 31/05/2014 sur http://anthropomada.com/bibliotheque/Marcel-MAUSS-Essai-sur-le-don.pdf 52
GAILLARD .R, 2004, Janus ou l’argent dans les pratiques tutélaires, Recherches familiales UNAF consulté sur http://www.cairn.info/revue-recherches-familiales-2004-1-page-95.htm le 31 mai 2014.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 34 -
Pour les services mandataires, tout soupçon sur la gestion de l’argent doit être levé. De
ce fait l’interdit de recevoir quelque chose de la part des personnes protégées fait partie
inhérente des postures professionnelles. Richard GAILLARD y voit pour les personnes
protégées l’impossibilité de s’inscrire dans des rapports d’échange et leur maintien dans
la position de celui qui reçoit : « Par ce statut de bénéficiaire, et ce seul statut, elles
peuvent être dans la position paradoxale d’être endettées, car dans l’impossibilité de
rendre en échange de ce bénéfice et de cette protection 53».
Cette situation met les professionnels mal à l’aise devant cette relation d’échange
déséquilibrée qui les place dans une position de pouvoir à l’égard des personnes
protégées. La suggestion de Paul FUSTIER sur le métissage de ces deux formes
d’échange (échange du fait du contrat et échange par le don) pour faire lien
d’accompagnement apporte un éclairage indispensable sur ce qui se joue dans
l’accompagnement tutélaire et constitue une réelle invitation à créer un lien
d’accompagnement qui favorise le changement de place laissée à la personne protégée
pour envisager son passage de donataire à donateur dans sa participation aux échanges
créateurs de lien social et d’identité.
2.2 L’approche des « capabilités »
Rester ou redevenir acteur de sa vie et maitre de son destin est une aspiration
essentielle à laquelle se heurtent les populations accompagnées dans le cadre d’une
mesure de protection juridique. L’approche des « capabilités » d’Amartya SEN54 en
s’attachant à « l’ensemble de capacités » qui permet à l’individu d’orienter sa vie en
valorisant ce qu’il veut faire et être, interroge l’opportunité que peut constituer la mesure
de protection dans le soutien aux capabilités. Au cœur de cette approche, les libertés
jouent un rôle fondamental tant pour ce qui relève du pouvoir d’agir que du pouvoir de
choisir. La participation y garantit le processus d’élaboration de choix fondés et informés
par les individus, acteurs à part entière de leur vie. Le rôle politique des capabilités dans
la promotion de la justice sociale est affirmé par Martha NUSSBAUM55. Cette approche
inspire à B.EYRAUD dans son concept d’autonomie partagée une vision de la
collaboration possible entre la personne protégée et le mandataire judiciaire.
53 Ibid.
54 Professeur au Trinity College de Cambridge. Prix Nobel de l’économie en 1998
55 Philosophe américaine
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 35 -
2.2.1 Le primat des libertés
Pour Amartya SEN, prix Nobel d’économie en 1998, c’est au regard de cet
ensemble de capacités, qui relève à la fois du domaine individuel et du domaine politique,
qu’il faut évaluer le niveau de développement d’une société.
Son étude donne à la liberté une place centrale dans le processus du développement,
estimant trop réducteur de n’évaluer le développement qu’à l’aune de la croissance du
niveau de revenus. Pour lui, la liberté « prend en compte aussi bien les processus qui
permettent l’exercice d’un libre choix dans l’action que les possibilités réelles qui s’offrent
aux individus, compte tenu des conditions de vie dans lesquelles ils évoluent ». Ainsi, il
distingue les libertés substantielles et les libertés instrumentales.
Les libertés substantielles, ou fondamentales, ont un rôle constitutif dans le
développement. Elles prennent en compte « les capacités élémentaires » (faculté de
survie) ainsi que « les libertés qui découlent de l’alphabétisation, de la participation
politique ouverte, de la libre expression ». Essentielle dans le processus de
développement, la participation désigne la liberté d’expression et la possibilité d’influencer
les décisions.
2.2.2 Les opportunités réelles de participation
Les libertés instrumentales permettent aux individus de vivre selon leurs
aspirations. SEN en distingue cinq : Les libertés politiques (ce qui permet de choisir un
gouvernement et de le contrôler), les facilités économiques (ce qui donne accès à
l’utilisation des ressources économiques pour consommer, produire, échanger), les
opportunités sociales (ce qui valorise la santé et l’éducation), les garanties de
transparence (ce qui introduit une dimension de confiance dans les relations sociales), la
sécurité protectrice (ce qui institue la protection sociale des plus vulnérables aux aléas de
la conjoncture).
Les libertés instrumentales orientent la configuration économique, sociale et politique
d’une société. En ouvrant de multiples opportunités, elles renforcent les capacités des
personnes. Pour Sen, l’estimation des capacités concernent d’une part les
fonctionnements, c’est-à-dire ce que la personne est en mesure d’accomplir concrètement
pour réaliser ses aspirations et d’autre part les opportunités réelles dont elle dispose,
fonctionnements potentiels, qu’elle est libre de choisir ou pas, l’important étant l’existence
du choix. En situation de choisir, même si aucun choix n’est opéré, les personnes sont
considérées comme acteurs à part entière. Elles peuvent tirer parti des opportunités pour
accéder à la maitrise de leur destin.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 36 -
La CNSA56 cite l’approche des capabilités développée par Amartya SEN dans son
rapport 2013 « Affirmer la citoyenneté de tous ». Dans la deuxième partie du rapport,
« construire ensemble les politiques qui nous concernent », elle exprime son attachement
à ce que « le droit de s’exprimer (la liberté d’expression) se transforme en opportunités
réelles de se forger un avis éclairé, de faire valoir son point de vue, de faire des choix et
de se faire entendre »57.
En janvier 2013, le CRTS58 de Bretagne, à l’occasion de sa saisine pour mieux
définir la participation des usagers, a rendu un rapport qui s’intitule « Le pari de la
participation. Promouvoir la culture participative comme vecteur de transformation
sociale ». Il y observe que « la participation engendre également des opportunités de
renforcement des capacités en mettant l’accent sur la confiance en soi et sur les
relations, en développant les compétences et les réseaux, et en permettant d’acquérir un
sentiment de responsabilité »59. Le nouveau modèle économique prôné par Amartya SEN
trouve une résonnance concrète dans une action sociale nourrie par la participation des
personnes accompagnées et garante des droits permettant aux personnes d’accéder à
telle ou telle liberté. « Ainsi, le langage des droits peut compléter celui des libertés »60 .
2.2.3 Soutenir les capabilités pour réduire les vulnérabilités
A) Capabilités et droits, le ressort de la justice sociale
Martha NUSSBAUM a élaboré avec Amartya SEN la théorie des capabilités. Elle utilise
l’idée de capabilités comme « le cœur d’une description de la justice sociale minimale »61
qui doit s’inscrire dans la constitution afin de porter une « attention constante au
traitement égal des minorités »62 dont les droits doivent être particulièrement protégés.
Elle exprime ainsi sa définition de la justice sociale : « le respect pour la dignité humaine
exige que les citoyens soient placés au-dessus d’un certain seuil de capabilités dans
chacun de ces dix domaines ».63Dans cette intention, elle désigne dix capabilités
centrales dont l’absence met la vie humaine en danger : La vie - la santé du corps -
l’intégrité du corps - les sens, l’imagination et la pensée – les émotions - la raison
56 Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie
57CNSA Affirmer la citoyenneté de tous Rapport 2013 p 27, consulté le 8 juin 2014 sur
http://www.cnsa.fr/IMG/pdf/Rapport_de_la_CNSA_2013_vote_le_15_avril_2014.pdf 58
Comité Régional du Travail Social 59
Comité régional du travail social de Bretagne « Le pari de la participation » janvier 2013 consulté le 8 juin 2014 sur : http://www.crts-bretagne.fr/doc/Rapport%20Participation%20CRTS%20de%20Bretagne.pdf 60
Ibid. p 304 61
M.NUSSBAUM Capabilités comment créer un monde plus juste p101 62
Ibid. p 235 63
Ibid. p 59
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 37 -
pratique- l’affiliation - les autres espèces (animaux, plantes, nature) – le jeu - le contrôle
sur son environnement.
Si le développement des capabilités appartient aux individus, il est de la responsabilité de
la société, principalement par le biais des politiques publiques, d’en offrir l’opportunité à
chaque citoyen. Ainsi la théorie des capabilités joue un rôle politique lorsque la société se
donne pour objectif de les soutenir dans une démarche de justice sociale ou l’égalité ne
se décrète pas dans la proclamation des droits mais se pense dans la possibilité d’un
plein accomplissement de ces droits.
B) La vulnérabilité, le ressort de l’autonomie
Martha NUSSBAUM confronte son approche aux problèmes contemporains. Elle
évoque la justice à rendre aux personnes en situation de handicap et de vieillissement, et
comment leur inclusion et le soutien de leurs capabilités pour les rendre moins
vulnérables exige de repenser la coopération sociale, non pas seulement en terme
d’avantages mutuels, mais centrée sur la bienveillance et l’altruisme.
Sur le site du ministère de la justice le portail des majeurs protégés dédie de nombreuses
pages à « comment protéger une personne vulnérable ? ». La vulnérabilité des personnes
protégées renvoient ici aux motifs qui fondent leur protection : altération des facultés
mentales, altération des facultés corporelles si elles empêchent l’expression de la volonté.
En droit, cette notion est particulièrement utilisée dans le code pénal. Elle constitue
l’élément d’infraction ou la circonstance aggravante de l’infraction lorsqu’elle est commise
« sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une
infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est
apparente ou connue de leur auteur. »
Le Larousse définit la vulnérabilité comme ce qui peut être exposé à recevoir des coups,
des blessures, des attaques.
Cette conception de la vulnérabilité basée sur des états individuels (âge, infirmité,
maladie, déficiences, maternité..) génère une réponse sociale automatique de protection
spécifique, vis-à-vis de ces états qui prédisposent à des risques accrus.
Pour Martha NUSSBAUM, c’est l’être humain qui est fondamentalement vulnérable à la
foi dans sa dépendance et dans son interdépendance. La dépendance fait partie de la
condition humaine à un moment ou à un autre de l’existence et la justice consiste à
prendre soin des autres quand ces instants surgissent, en suscitant leur capacité d’agir.
La vulnérabilité est aussi le fruit de l’interdépendance entre les êtres humains ainsi
qu’entre les êtres humains et leur environnement. La confrontation avec autrui, les
émotions qu’elle suscite et l’aperçu de sa propre incomplétude devant ce qui échappe à la
maitrise crée de la vulnérabilité.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 38 -
S’ouvrir au monde et aux autres dans une vulnérabilité assumée contribue au
développement de l’autonomie dans un processus complexe d’éducation et de
développement. La protection des droits, attention permanente de la justice sociale et
l’autonomie, vecteur de coopération sociale, peuvent-elles ainsi balayer le paradoxe qu’on
leur prête pour s’unir dans le soutien aux capabilités des personnes protégées ?
2.2.4 L’autonomie partagée en réponse à la demi-capabilité de la personne
protégée
A) Les différentes significations de l’autonomie
La loi du 5 mars 2007 a fait de l’autonomie un enjeu de la protection juridique : « Elle a
pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible,
l'autonomie de celle-ci »64. En référence à son sens étymologique, l’autonomie « désigne
la capacité, la liberté et le droit d’établir ses propres lois et la capacité de se gouverner
soi-même65 ». Fondée sur une altération des capacités et assortie d’une limitation de la
liberté, l’injonction de la loi apparaît paradoxale dans le cadre de la protection juridique.
Quand se marier, acheter son logement, résilier son bail, établir son budget, choisir ses
placements financiers, donner ses biens nécessitent l’accompagnement ou l’autorisation
d’un tiers, quel sens peut prendre l’autonomie ? La dimension opérationnelle de
l’autonomie est difficile à atteindre quand sa dimension conceptuelle s’attache à de
nombreuses significations et que la représentation que s’en font les travailleurs sociaux
influence leurs pratiques. J’entends toujours cette affirmation de certains mandataires
judiciaires : « l’autonomie n’est pas le sujet de la protection juridique ».
Le CREDOC66 a publié en septembre 2003 une recherche sur « la notion d’autonomie
dans le travail social, l’exemple du RMI ». Il en énumère des sens différents selon la
notion qu’on y attache. L’autonomie peut être lue comme une valeur qui consacre la
dimension de l’adulte. Elle peut être entendue comme une compétence liée à la faculté de
s’impliquer et de mobiliser ses ressources. Elle peut renvoyer à la notion de système dont
la complexité alimente l’autonomie en multipliant les dépendances. L’autonomie peut être
considérée comme un processus continu dans lequel la dimension relationnelle est
prédominante et permet l’appropriation des normes et des règles ou l’attribution de
pouvoir.
64 Code civil, article 415 du code civil
65 Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale p 90
66 Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 39 -
B) L’autonomie en partage
Benoît EYRAUD67, dans son ouvrage « protéger et rendre capable », postule la
« demi capabilité » de la personne protégée. Cette expression met en valeur les capacités
de la personne en tenant compte de ses limites. Elle signifie « une incomplétude, qui
peut-être celle des compétences propres des personnes autant que celles affirmées par
le droit » ainsi que « le partage en deux de la capacité de la personne entre ce qui lui
reste et ce qui est attribué comme pouvoir au mandataire »68. Grâce aux récits des
acteurs de la protection juridique, personnes protégées, mandataires, juges, juristes,
médecins, B.EYRAUD conclut que l’autonomie de la personne protégée est partagée
conduisant à des formes de collaboration différentes avec le mandataire. Et il dégage trois
modalités du partage de l’autonomie :
La première consiste à préserver l’autonomie d’initiative. Par une reconnaissance de son
besoin d’aide, et une acceptation de la protection, la personne permet un
accompagnement vers la réalisation de ses aspirations dans lequel elle garde la maitrise
de l’initiative et donc de la responsabilité des actes faits dans le cadre de la protection.
La seconde modalité de partage de l’autonomie concerne l’accompagnement de « la folle
autonomie »69, celle qui répond aux dépenses inconsidérées, aux insoumissions aux
obligations, à tous les actes déraisonnables. Ici, pas d’adhésion à la mesure de
protection, mais une ambivalence constante qui rend la protection à la fois vitale et
insupportable. Pour B.EYRAUD, le partage de l’autonomie repose alors sur la
présomption que la capacité de distinguer le bien du mal est toujours présente.
« Assumer la responsabilité de l’acte avec la personne passe par l’impératif d’en faire
cesser, par autorité et parfois par la force, les conséquences ». C’est ainsi que peut se
constituer « un « nous » qui seul peut assumer une folle autonomie dans la vie civile et
sociale »70.
Enfin, la troisième modalité de partage de l’autonomie consiste à « rendre possible une
autonomie enfouie»71. Elle concerne les personnes qui se dérobent à toute relation
sociale. Marginales, elles n’expriment aucune aspiration ordinaire. La collaboration avec
le mandataire n’est pas directe. Dans le « rendre possible une autonomie
enfouie » B.EYRAUD évoque deux formes d’intervention possibles pour le mandataire.
« Porter la demande de la personne » en se référant non pas à ce qu’elle ferait, mais à ce
qui est socialement important et qui consiste le plus souvent à éviter un danger.
67 Maître de conférences en sociologie à l’université Lyon 2
68 B.EYRAUD, 2013, « Protéger et rendre capable » Editions ERES p 51
69 Ibid. p 385
70 Ibid. p 388
71 Ibid. p 388
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 40 -
Pour illustrer cette forme d’intervention, je pense à la situation d’une personne atteinte du
syndrome de Diogène. Propriétaire sur le même palier de deux appartements, elle en
occupe un dans des conditions sanitaires devenues dangereuses pour sa santé et
nécessitant une opération de nettoyage et des travaux. Pendant une hospitalisation de
courte durée, la mandataire a réussi à obtenir son accord pour libérer cet appartement en
transférant ses affaires dans celui d’en face, afin d’entamer les travaux nécessaires au
nettoyage et à la mise en sécurité des lieux. Plusieurs entreprises sont intervenues avec
les précautions nécessaires au contexte particulier de ce déménagement et de sa
réinstallation. Cette intervention a été programmée en lien avec les soignants de l’hôpital.
Dans cette forme d’intervention, le mandataire a pu contribuer à la reconnaissance d’une
place sociale pour la personne.
« Rendre possible l’autonomie enfouie », c’est aussi veiller à ce que la participation des
personnes demeurent possibles en les représentant devant les tiers, et en leur
garantissant un accès à leurs droits.
L’approche de l’autonomie que livre B.EYRAUD donne du sens à la formule légale
« favoriser l’autonomie ». Elle est étroitement attachée à la diversité des populations
rencontrées et à l’intervention du mandataire pensée en soutien d’une collaboration-
représentation qui rend visible la personne dans la vie sociale.
Ces idées viennent largement enrichir les nouveaux enjeux de la protection juridique dans
une acception de l’autonomie qui dépasse le cadre de la capacité ou non d’agir. Elles
invitent les activités de protection juridique à penser la protection autrement que par une
gestion de réduction des risques liés à la vulnérabilité et à développer des formes de
soutien aux capabilités, appuyées sur les libertés et l’accomplissement des droits.
2.3 L’institution juste
2.3.1 Promouvoir l’éthique dans la relation à l’usager
A) La visée éthique de Paul RICOEUR
Pour Paul RICOEUR72, l’éthique est « la visée de la vie bonne avec et pour autrui
dans des institutions justes »73. Elle se distingue de la morale qui renvoie à un ensemble
de normes à caractère obligatoire et s’articule avec elle sans la laisser s’imposer en
dernier ressort.
72 Philosophe Français
73 P.RICOEUR 1990 Soi-même comme un autre, Editions du SEUIL, p202
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 41 -
La définition du philosophe comprend trois composantes :
La vie bonne :
C’est la perception que l’on a d’une vie accomplie. Cette visée de la vie bonne varie d’un
individu à l’autre. Elle est « la nébuleuse d’idéaux et de rêves d’accomplissement »74 de
chacun, ce vers quoi toutes nos actions tendent.
Avec et pour autrui :
Le recours à autrui est indispensable. P.RICOEUR évoque autrui comme un manque, un
besoin, le médiateur nécessaire pour passer de la capacité à agir à l’effectuation, ce qui
rend réelle l’action. Cet autre à qui je parle, qui m’interpelle, avec qui j’agis, qui fait partie
de mon histoire et devant lequel je suis responsable.
En élaborant le concept de sollicitude « basé fondamentalement sur l’échange entre
donner et recevoir »75et porteur de responsabilités réciproques, P. RICOEUR définit
l’éthique de réciprocité. La sollicitude peut prendre deux visages. Celui de l’amitié qui
ajoute « l’idée de mutualité dans l’échange entre les humains qui s’estiment chacun eux-
mêmes »76et celui de la compassion qui vient compenser l’inégalité de puissance dans
l’authentique réciprocité de l’échange.
Dans des institutions justes :
Le vivre bien dépasse le face à face interpersonnel et s’étend aux institutions construites
en manifestation du vouloir vivre ensemble dans la durée, de manière concertée, avec
des règles communes. La justice comprend l’exigence d’égalité selon laquelle chacun est
destinataire de ce à quoi il a droit. L’enjeu de l’Institution réside dans « la répartition des
rôles, des tâches, d’avantages, de désavantages entre les membres de la société »77.
Chacun, dans l’Institution, est attributaire d’un partage juste tant dans la participation à
l’Institution que dans la distribution de la part à laquelle il peut prétendre. En cela, « la
justice ajoute à la sollicitude, dans la mesure où le champ d’application de l’égalité est
l’humanité entière »78.
B) L’éthique dans la relation à l’usager
L’inscription de la protection juridique dans l’action sociale suscite l’interrogation du sens
du travail social dans la protection juridique : Quelle place pour l’accompagnement
personnalisé, le soutien à l’autonomie, dans un contexte qui tend à la mise en conformité,
à l’automatisation de certaines démarches, à l’informatisation des données, à la logique
judiciaire ?
74
Ibid p 210 75
Ibid p 220 76
Ibid p 220 77
Ibid. p 233. 78
Ibid. p 236
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Pour Brigitte BOUQUET79, l’éthique c’est quand l’intériorisation de valeurs de référence
par les travailleurs sociaux rend possible leur mise en œuvre et les transforme en valeurs
d’usage. Ces valeurs humanistes, démocratiques, fondées sur le droit constituent le socle
qui structure l’action sociale : « L’ensemble des valeurs du service social est
essentiellement le reflet d’une éthique démocratique qui reconnaît l’importance de
l’accomplissement de la personne et du groupe, le respect des personnes et de leurs
dissemblances, tout en reconnaissant la nécessité de l’entraide et du soutien de la société
pour que chacun puisse se réaliser dans son intégralité »80.
L’éthique s’invoque dans l’action quand il y des conflits de valeurs, des distorsions entre
les discours et les pratiques. Elle interroge l’action, le sens de l’action, au nom de qui ou
de quoi on mène l’action. Le processus éthique induit ce questionnement pour construire
une décision juste, la meilleure ou la moins mauvaise possible, toujours ouverte à
l’évolution.
Pour illustrer ce propos, je pense à la situation d’un homme d’une trentaine d’années :
état de santé dégradé, consommateur de stupéfiants, titulaire de l’AAH, bénéficiaire de la
succession de son père pour un montant important. Il vient régulièrement au service voir
sa mandataire qui lui a imposé un cadre financier relativement strict, estimant que sa
santé est préoccupante et que tout l’argent qu’il demande en plus de ce qui a été défini
dans le cadre de son budget, servira à alimenter sa consommation de stupéfiant, ce qui
est sans fin. Les consignes sont claires : pas de suppléments. Il n’y a aucun partenaire
dans cette situation, la personne ayant refusé toute prise en charge sanitaire ou sociale.
Sa mère peut jouer un rôle d’alerte mais elle est aussi régulièrement victime des
violences de son fils dont elle a peur. En l’absence prolongée de la mandataire, sa
remplaçante et le service se trouvent confrontés au harcèlement quotidien de cet homme
pour obtenir de l’argent. Il argumente : besoin d’acheter de quoi se nourrir, besoin
d’acheter des cigarettes. Si on lui refuse, il ira se prostituer, il va se faire « tabasser » car
il doit de l’argent. « Vous me mettez en danger » dit-il à la mandataire ajoutant des
menaces à son propos. Par trois fois consécutives, le refus toujours opposé ne peut se
valider que par l’appel à la police qui lui fait évacuer les locaux.
Comment trancher entre ces valeurs qui s’affrontent : liberté, protection ? Une délibération
informelle entre les collègues et la responsable permet de tenir tant bien que mal la ligne
fixée par la mandataire titulaire. A quel prix, dans quel objectif, au nom de quoi, de qui ?
La mandataire remplaçante a besoin à son tour de se poser ces questions. Si elle a pu
envisager un positionnement vis-à-vis de l’usager en maintenant son refus d’accorder un
supplément sous la menace, il m’est apparu très concrètement que le questionnement
79 Personne qualifiée du Conseil Supérieur du Travail Social
80B.BOUQUET Ethique et travail social, une recherche de sens p43.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 43 -
éthique n’était pas porté par le service et que les décisions arrêtées relevaient d’une
approche individuelle. Formalisées dans des consignes succinctes, elles peuvent prendre
un caractère arbitraire et illégitime. Ce contexte rend impossible à l’Institution et encore
moins à la professionnelle d’assumer une responsabilité éthique dans la réponse faite à
la personne protégée. Et l’impossibilité d’assumer cette responsabilité pèse lourdement
sur les épaules de la mandataire qui s’efforce en outre de maintenir la relation avec la
personne protégée.
La recommandation de l’ANESM sur « le questionnement éthique dans les
établissements et services sociaux et médico-sociaux » fait de la réflexion éthique le cœur
de l’action : Elle lui donne du sens en aidant les professionnels à la lecture de la
complexité des situations, en facilitant la prise de décision la plus juste possible. Elle
contribue à la dynamique de l’organisation en interrogeant les valeurs et les règles qui la
fondent.
La situation concrète évoquée plus haut interroge la place de la réflexion éthique
dans le service mandataire. Encore méconnue et peu valorisée par le management, elle
est pourtant un enjeu central de l’engagement du directeur aux côtés des équipes.
Soutenues institutionnellement dans le processus de décision et d’actions, les
professionnels peuvent mieux en assumer les conséquences et rester ouverts au
questionnement permanent de leurs pratiques.
2.3.2 L’éthique de direction pour le développement d’une culture soutenante
Les managers et les consultants se sont appropriés le concept de management.
Décliné en méthodes, en points clés, en guide, en système de pilotage, de nombreux
ouvrages permettent d’envisager la difficulté de la fonction du directeur traversée par des
logiques diverses qu’il convient de ramasser dans une vision et une posture cohérente au
service d’un projet.
A) Responsabilité et engagement au service du projet
Roland JANVIER dans son ouvrage « Ethique de direction en Institution sociale et
médico-sociale » définit trois registres de responsabilité pour le directeur. La
responsabilité des salariés, la responsabilité des usagers et la responsabilité d’actions
sociales portées par les ambitions et le projet du politique pour la société contemporaine.
Ce projet irradie toutes les strates de l’intervention sociale. Il insuffle aux acteurs locaux la
volonté de porter une partie de ce projet dans une démarche volontariste, en référence à
des valeurs propres qui ont jeté les bases de leur engagement au service d’une partie de
la population. Le projet institutionnel ou associatif traduit cet engagement.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 44 -
L’article L 311-8 du CASF définit le projet d’établissement ou de service comme celui qui
« définit ses objectifs, notamment en matière de coordination, de coopération et
d'évaluation des activités et de la qualité des prestations, ainsi que ses modalités
d'organisation et de fonctionnement ». Le directeur est responsable de son élaboration et
de sa mise en œuvre.
Pour B.ROCHE et F.MARFOGLIA81 le projet réside dans la volonté et non dans le désir. Il
est engagement. Porté par la direction, il impulse le mouvement. Partagé, il est le moteur
du changement en appelant à la désolidarisation du système et à sa recomposition
autour d’unité nouvelle. « L’innovation que produit le projet est donc bien, par le couple
désolidariser-recomposer, le changement qui assure la continuité, le changement dans
l’identité ».82
Roland JANVIER écrit que « le projet est lien »83. C’est un flux qui relie les individus les
uns aux autres et donne réalité à la dimension du « nous » résultant de la rencontre des
projections des uns et des autres. En répondant à la question pourquoi, comment et pour
aller où, il est facteur de mobilité, agit sur l’incertitude et fait acte de confiance en l’avenir
sur lequel il tente d’influer.
Pour l’ANESM aussi une des finalités du projet de service est d’abord d’être « une
dynamique tant par le processus de production qui associe les parties prenantes que par
sa mise en œuvre qui stimule les équipes »84.
Le projet de service suscite la dynamique de l’accompagnement personnalisé. Si le
service mandataire n’a pas à élaborer des projets personnalisés d’accueil ou
d’accompagnement pour les personnes protégées, il doit élaborer avec elles, dans la
mesure du possible, le document individuel de protection des majeurs.
L’article L311-4 du code de l’action sociale et des familles le définit ainsi : « Ce contrat ou
document définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement
dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de
bonnes pratiques professionnelles et du projet d'établissement ou de service ».
Instrument d’échanges entre le professionnel et la personne, il fait le lien entre les
objectifs et les attentes de la personne et le projet porté par le service. C’est à partir de
cet échange que le professionnel peut co-construire avec la personne des indications
pertinentes d’action. Sa mise à jour annuelle par voie d’avenant décline le processus
vivant d’un accompagnement fondé sur le soutien des capabilités et des choix
d’accomplissement des personnes.
81
ROCHE B et MARFOGLIA F, 2006, L’art de manager, éléments pour comprendre, clés pour agir. 82
Ibid. p 106 83
R.JANVIER, 2011, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale p 38. 84
ANESM, mai 2010, Recommandations de bonnes pratiques professionnelles. Elaboration, rédaction et animation du projet d’établissement ou de service p 11.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 45 -
La prévalence du projet sur l’organisation engage le directeur dans une posture de
solidarité vis-à-vis des professionnels et des usagers destinataires de l’organisation. Il est
à côté des équipes qu’il soutient en apportant l’étayage nécessaire dont ils ont besoin
pour agir.
B) L’approche de la complexité
A l’heure de la démarche qualité, de l’efficacité économique, de l’évaluation des
résultats, il peut être tentant de vouloir entrer dans une démarche de simplification et de
clarification à travers l’élaboration d’outils et de méthodes dont le but est d’atteindre au
conformisme et à l’uniformité. Selon Roland JANVIER, cette simplification empêche la
perception des situations collectives et des problématiques individuelles car elle ne prend
pas en compte la complexité de la réalité dans le champ du travail social où tout est
interactions85.
Marc GENELOT, inspiré par plusieurs rencontres dont celle avec Edgard MORIN, donne
plusieurs définitions de la complexité : « La complexité se manifeste à nous d’abord sous
les traits de cette masse de situations, d’évènements, de phénomènes que nous
n’arrivons ni à comprendre ni à maîtriser »86. C’est aussi nous dit-il « un enchevêtrement
de causalités circulaires », « une conjonction d’ordre et de désordre » où « coexistent des
logiques différentes ou antagonistes ». Il en résulte incertitude et indécidabilité qui
nécessitent d’apprendre à penser la complexité pour comprendre la réalité complexe et à
la piloter.
Pour R.JANVIER, « la pensée complexe favorise une analyse des rapports d’usage qui
s’instaurent dans et autour de la relation d’aide »87. Les rapports d’usage désignent les
rapports qui s’instaurent autour de l’utilisation d’un dispositif public d’intervention entre
usagers et professionnels.
La grande réforme de la loi du 2 janvier 2002 a été d’introduire une modification de ces
rapports d’usage en donnant à l’usager des clés d’accès pour agir davantage sur le
fonctionnement des organisations dans lesquelles les usagers et les professionnels
peuvent partager du savoir et du pouvoir d’agir collectivement. Ce nouveau rapport
d’usage jette les bases de la dimension éthique du service qui peut alors soutenir un
projet démocratique basé sur le respect de chacun. En cela, « le rapport d’usage
restaure chacun dans sa citoyenneté »88.
85
JANVIER R., op cité, p 62 86
GENELOT M., 2011, Manager dans la complexité p22. 87
Ibid. p 64 88
JANVIER R. Droits et devoirs des usagers, consulté sur internet le 5 juillet 2014 : http://www.rolandjanvier.org/droit-usagers/643-droits-devoirs-des-usagers-23-04-2014/
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 46 -
L’approche de la complexité permet au directeur de relier toutes les dimensions d’un
environnement technique et humain en tension, sans en annuler ni en réduire aucune. Il
tient ensemble les éléments du système, il fait lien.
CONCLUSION INTERMEDIAIRE
La citoyenneté de la personne protégée prend à ce moment de mon étude tout
son sens. Sa liberté et l’accomplissement de ses droits nécessitent une protection dont le
nouveau visage se dessine. Elle se distingue par la place que prend la personne protégée
au côté des professionnels. Sa participation reconnue et favorisée fonde un nouveau
rapport social avec le mandataire judiciaire et lui permet par le contre don de ne pas
rester en dette. La relation entretenue par les professionnels avec les personnes
protégées devient un élément essentiel et fondateur d’un lien social basé sur la réciprocité
des échanges. Cette connaissance/reconnaissance de la personne est l’enjeu d’une
relation qui transforme le rapport de pouvoir induit par la représentation commune de la
protection juridique et l’autorité du mandat judiciaire : c’est la relation qui devient porteuse
de solutions et qui ouvre vers la liberté de choisir et d’agir pour atteindre à « la vie
bonne », perçue comme accomplissement par la personne protégée.
Cette transformation de la vision de la relation d’accompagnement dans la protection
juridique m’engage en tant que directrice du service mandataire à développer des actions
qui permettent aux professionnels et aux personnes protégées de s’approprier de
nouvelles places dans de nouveaux rapports d’usage.
Ce projet passe nécessairement par l’élaboration d’un autre « vivre ensemble » qui
s’appuie sur le droit des usagers et sur le management d’une organisation au service
d’une Institution juste.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 47 -
3 Construire une Institution juste
3.1 Elaborer un nouveau « vivre ensemble »
3.1.1 Favoriser la participation des personnes protégées
La personnalisation de l’accompagnement dans le cadre de la protection juridique
nécessite l’adaptation du service mandataire. De nouvelles représentations doivent se
substituer aux anciennes. Stratégiquement, je veux inscrire cette action de transformation
dans la continuité de l’engagement de l’ATMP74 au côté des personnes vulnérables
comme elle l’a réaffirmé dans son projet associatif89 puis dans son projet de service :
« Personnaliser l’accompagnement de la personne, c’est promouvoir une qualité d’écoute,
de compréhension et d’accompagnement qui prend en compte son histoire de vie, ses
fragilités, ses atouts personnels, ses ressources sociales et familiales ».
Un important travail de relation est déjà mis en œuvre par les professionnels. Pour de
nombreuses personnes protégées, très isolées, le mandataire judiciaire est le seul à faire
lien. Cependant, je veux éviter l’écueil de la confrontation possible entre la
reconnaissance du travail des professionnels et l’émergence de la personne protégée qui
participe à sa mesure de protection et au fonctionnement du service. Je vais donc partir
du droit des usagers et des outils existants qui en sont le support pour faire émerger cette
nouvelle orientation rendue plus lisible depuis l’écriture du projet associatif.
A) Personnaliser la mesure de protection avec le document individuel de protection
des majeurs
L’incompréhension du DIPM90
Le DIPM formalise l’orientation de l’exercice de la mesure de protection en fonction de
la prise en compte par le professionnel des besoins et des attentes des personnes
protégées. C’est le cadre individualisé de la mesure de protection juridique. Les
représentants des grands réseaux de la protection juridique UNAF, UNAPEI ont élaboré
à cette fin des modèles type de documents.
L’un d’eux est actuellement utilisé par le service. Il développe une partie évaluation de la
situation de la personne en balayant les différents domaines administratifs, financiers,
relationnels et une partie objectifs et actions. Présenté comme un outil qui formalise ce
que le professionnel faisait déjà de manière non explicite, il n’a suscité ni intérêt, ni
approche nouvelle de la relation.
89 Annexe 4 : Résultats de l’enquête de satisfaction
90 Document individuel de protection des majeurs
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 48 -
Un premier bilan de son utilisation par les mandataires cible la difficulté de faire
s’exprimer les personnes sur les enjeux de la mesure de protection pour elles. Selon les
mandataires, elles n’ont pas d’attente, sauf en ce qui concerne leur argent et pas ou peu
de projet. Le DIPM est donc une nouvelle fiche de renseignement sur la situation des
personnes. Les objectifs poursuivis pour personnaliser la mesure s’apparentent à des
actions type dans la fonction du mandataire comme la planification de la mise à
disposition d’argent.
L’observation des compétences sociales
Je pense que le DIPM est un outil d’aide à l’établissement de la relation avec la
personne protégée. Au début de la mesure de protection, il est le guide de la rencontre
avec la personne protégée axée sur le recueil de son expression. Il sera le fruit de ce que
la personne aura accepté d’exprimer sur ce qu’elle attend de la mesure de protection et
sur la place qu’elle veut ou peut y prendre. Il est l’occasion de définir les domaines de
responsabilités propres ou partagées entre le mandataire et la personne pour traduire
cette distinction dans la répartition entre eux des actions à engager. Au fur et à mesure
des avenants, il doit devenir le fil rouge de l’accompagnement de la personne, du
processus mis en œuvre pour redonner ou maintenir sa capacité, son autonomie et sa
liberté.
Le professionnel doit être en mesure de favoriser cette expression et l’émergence des
souhaits de la personne. Le référentiel d’observation des compétences sociales présenté
par Jacques DANANCIER91 me semble adapté au partage avec la personne protégée de
la compréhension de sa situation et de son parcours en s’attachant à toutes les
indications de ses capacités, de son autonomie, de ses ressources et appuis personnels
qu’elle trouve dans son environnement.
La porte d’entrée des premiers échanges est basée sur les dimensions du quotidien de la
personne protégée, plutôt que sur les nécessités induites par le fonctionnement du
service. La personne peut facilement en parler et elle peut projeter dans ces dimensions
des objectifs personnels d’amélioration, de changement, de demande d’aide. Des critères
seront à définir pour mesurer son niveau d’autonomie en vue de la co-construction de
réelles opportunités d’accomplissement pour la personne protégée.
L’enjeu de cette démarche nécessite la mise à distance de la nécessité du
fonctionnement de la mesure, du point de vue du service.
91
DANANCIER J., 2011, Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 49 -
La protection concertée
Le centre de l’attention doit se déplacer du professionnel et de ses obligations vers la
personne protégée. La recherche du consentement de la personne sur le DIPM, ses
objectifs, les actions à engager, les délais de réalisation permettront d’asseoir une relation
plus égalitaire favorisant la reconnaissance de toute la place que la personne protégée
peut prendre dans un dispositif dont elle n’est plus seulement bénéficiaire mais dont elle
est aussi partie prenante, actrice impliquée.
Le refus de consentement ou l’impossible consentement rappelle les limites de la co-
construction avec certaines personnes lorsqu’elles refusent la mesure ou sont dans
l’impossibilité d’exprimer leur accord. Il ne supprime pas le DIPM qui devient alors un outil
non partagé mais qui doit faire sens dans les valeurs et références de la personne
concernée, et, à défaut, dont le sens doit être questionné en référence aux droits et à
l’éthique.
L’intervention d’un tiers qui garantit ce cadre professionnel est indispensable. Le
responsable de service doit intervenir pour ajuster les places de chacun,
professionnel/personne protégée, personne protégée/service mandataire dans la
construction d’une protection concertée dans laquelle le juge des tutelles reste toujours le
recours possible à des arbitrages, des rappels à la loi, des autorisations, des
aménagements de mesure.
La transformation que je souhaite dans l’accompagnement implique l’appropriation par les
équipes de la démarche et d’un outil à modéliser. J’ai dans un premier temps présenté la
démarche aux responsables de services. Nous avons ensemble jeté les bases d’un outil92
qu’il faut affiner avec les professionnels, principaux utilisateurs et les usagers. J’ai eu un
temps d’échange avec chaque équipe pour affirmer l’engagement de l’ATMP74 à
travailler la personnalisation de l’accompagnement au travers du DIPM et je leur ai
présenté la démarche du référentiel d’observation des compétences sociales. Des
résistances se sont exprimées devant l’évaluation des compétences sociales : « Je
n’aime pas mettre des gens dans des cases ». Pour d’autres professionnels, au
contraire, cette démarche leur permet de clarifier leur intervention et d’asseoir leur
pratique sur un outil qui vient faire du lien avec la personne, facilitant les premières
rencontres et clarifiant le lien d’accompagnement proposé par l’ATMP74.
L’objectif est désormais d’associer à l’élaboration de l’outil des mandataires déjà investis
dans la démarche du DIPM. Ce groupe de travail aura en charge la finalisation de l’outil,
la validation par les personnes protégées auprès desquelles il sera présenté et évalué en
termes de qualité de l’échange, de mesure de l’autonomie, d’émergence des objectifs
personnalisés et des actions adaptées pour les atteindre.
92 Annexe 5 : Le DIPM basé sur l’évaluation des compétences sociales
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 50 -
Les liens entre le groupe de travail et les équipes doivent être recherchés dans la
communication de l’avancée des travaux et des retours des usagers. Il doit aussi s’établir
dans un travail propre à chaque équipe sur le DIPM en vue d’échanges inter sites. Les
responsables de service seront les référents de la démarche et de son accueil par les
personnes protégées.
La coordination des projets
Les personnes protégées sont souvent également accompagnées par d’autres
services SAVS, ESAT, établissements d’accueil. Elles y développent des projets
personnalisés. Aujourd’hui, certaines personnes protégées ont trois ou quatre projets
personnalisés dont la coordination reste oubliée. C’est un enjeu fort dans le processus
d’autonomie qui peut s’engager pour certaines d’entre elles ou dans le cadre d’un
parcours spécifique. Je pense, par exemple, aux travailleurs en ESAT qui peuvent quitter
l’hébergement collectif pour accéder à un logement autonome.
Je vais proposer cette coordination aux partenaires, formalisée dans une convention de
partenariat spécifique au projet personnalisé et au parcours de l’usager. Le service
mandataire est rarement à l’initiative des échanges avec les partenaires comme ils
peuvent l’être eux pour des synthèses. Je souhaite pour le service cette initiative de
coordination des projets lorsqu’elle est au service d’un parcours spécifique qui la rend
nécessaire, avec l’accord de la personne protégée et en sa présence. Chaque antenne
ciblera le partenariat avec lequel cette coordination est essentielle. Les conventions
seront établies par les professionnels, au plus près des besoins des usagers et validées
par leurs Institutions respectives.
B) Recueillir l’expression des personnes protégées
L’enquête de satisfaction
L’ATMP74 a diligenté en 2012 une enquête de satisfaction à destination des
personnes protégées. Des questionnaires ont été diffusés à 430 personnes protégées,
235 réponses ont été obtenues.
C’est le premier enseignement de cette enquête : les personnes protégées souhaitent
s’exprimer sur leur mesure de protection, sur leur relation avec le mandataire, sur l’accueil
par le service. Le questionnaire d’enquête élaboré par une commission des
administrateurs a souhaité s’attacher à l’information de la personne protégée, la
protection de ses droits et la valorisation de son autonomie, l’accueil, la relation avec le
mandataire. Les taux de satisfaction sont bons.
Les professionnels, d’abord surpris, y ont vu la reconnaissance de leur investissement au
côté des personnes protégées. Je relève dans les résultats de cette enquête que 48%
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 51 -
des majeurs indiquent leur complète satisfaction de l’aide apportée par l’ATMP pour
favoriser leur autonomie, valoriser leurs potentiels et leurs capacités. 21% ne sont pas
satisfaits de cette aide. Les pourcentages ne donnent pas d’indications sur les causes du
mécontentement ou de la satisfaction, sur les moyens mis en œuvre ou pas.
Les groupes d’expression
Le projet que je soutiens invite à considérer la personne protégée comme
sujet /citoyen et à ouvrir des instances de débats, d’échanges, d’informations qui
participent à la volonté d’un vivre ensemble qui dépasse le rapport individuel personne
protégée/mandataire et s’engage dans un rapport collectif soutenu par le service
mandataire où l’on peut s’interroger sur : que faisons-nous ensemble et comment le
faisons-nous ?
La loi du 5 mars 2007 a aménagé les supports à l’expression des usagers pour les
services mandataires. L’article D 471-12 du CASF prévoit que la participation des
personnes au fonctionnement du service peut s’exercer dans le cadre de groupe
d’expression. Les professionnels ont déjà repéré sur les antennes des personnes
protégées qui souhaitent participer à la relecture des documents élaborés en « facile à lire
et à comprendre » et qui souhaitent être à nouveau interrogées sur le fonctionnement du
service.
Cette modalité de participation est un enjeu essentiel de démocratie dans l’Institution :
exercice de citoyenneté dans l’affirmation de la prise en compte d’une parole singulière,
modification du rapport d’usage, déplacement de l’exercice du pouvoir. L’élaboration du
vivre ensemble ne peut pas faire l’impasse sur ces enjeux au risque de la conformité et de
l’absence de sens. Il me faut donc être particulièrement vigilante dans la mise en place de
cette forme de participation qui provoque et attend un tel changement.
La mobilisation de l’ensemble des professionnels est la condition de la réussite de ce
projet. Convaincus de l’intérêt de l’expression des personnes protégées, ce sont eux qui
pourront relayer auprès d’elles la démarche entreprise par l’Institution.
Je mettrai en place un comité de pilotage dont la mission sera de déterminer le cadre à
poser pour l’expression des personnes protégées dans un espace démocratique : De quoi
parle-t-on ? Comment ? Qui prépare, qui anime ? Que devient la parole exprimée ?
Nécessité d’un tiers modérateur ? La participation de personnes protégées dans ce
comité de pilotage est essentielle. Il aura également tout intérêt à prendre connaissance
de l’expérience des associations fédérées au sein de l’UDAPEI et concernées depuis de
nombreuses années par les modalités de participation des usagers.
Je veux que ce travail soit accompagné d’un « sage » garant du cadre démocratique à
mettre en place. Il est impératif que l’Institution, à son insu peut-être, ne manipule pas le
dispositif en réponse à des résistances non élucidées.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 52 -
Dans le même temps, il m’apparaît indispensable de susciter l’intérêt des professionnels
pour des formations à la mise en place des outils de participation adaptés aux personnes
protégées.
Cela constituera un pan entier du plan de formation dans les années à venir. La création
de groupes d’expression est une forme de participation des usagers. Il y a d’autres
supports possibles à cette participation. Sa vitalité dépend de la capacité du service à la
soutenir. Il est donc particulièrement important d’en faire un axe de formation
incontournable. Je souhaite d’ailleurs sensibiliser notre OPCA93 à l’identification de ce
besoin de formation qui émerge dans notre secteur d’activité.
3.1.2 Créer du sens commun
Si « le vivre ensemble » concerne les professionnels et les personnes protégées, il
concerne également la communauté des professionnels de l’ATMP74. Son organisation
en sites éclatés est une particularité dont je dois tenir compte dans son impact sur la
culture et l’identité commune. Pour être au plus près des usagers, six antennes ont été
ouvertes dans les bassins urbains du territoire départemental : Annecy, Annemasse,
Thonon, La Roche sur Foron, Cluses.
Annecy, où se situe le siège et deux antennes, est à 1h30 de Thonon. Le choix de la
proximité des usagers et des partenaires a divisé la communauté des professionnels qui
travaillent à une œuvre commune. C’est ainsi que j’entends souvent parler de l’ATMP de
Thonon, l’ATMP de Cluses à la place de l’ATMP74.
Le personnel ne se connaît plus ou peu. Les équipes restreintes (10 à 15 personnes)
éprouvent souvent un sentiment de solitude. La communication par mail se veut fluide et
rapide, mais elle reste désincarnée et propice à des malentendus : sécheresse de l’écrit
rapide, absence de prise en compte des contraintes des autres, voire de leurs absences.
Sous des influences diverses (partenaires, juges, personnalités locales), les antennes
génèrent des prises de position, à rebours des positions institutionnelles non repérées
comme cadre à leurs interventions.
Pour prendre en compte cette réalité, il faut penser à de multiples passerelles entre les
sites et entre les professions pour assurer l’ancrage des antennes au sein de l’ATMP74
en construisant des repères partagés qui refusent le repli sur soi au nom d’un but
commun.
93 Organisme Paritaire Collecteur Agréé.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 53 -
A) Entretenir les savoirs et les pratiques partagées
Les actions de formation
S’il est difficile de réunir tous les professionnels de l’ATMP74, chaque action peut être
pensée en interaction entre les sites : formation professionnelle, information, colloques,
réunions thématiques.
Les actions de formation trouvent ici une place privilégiée. La formation obligatoire pour le
CNC a permis les rencontres des mandataires autour des mêmes savoirs articulés à des
expériences différentes. L’UTRA propose à nos services mandataires des formations qui
me permettent d’en faire bénéficier des professionnels de différents sites. La banque de
France de Cluses propose une information au surendettement : c’est l’occasion de
proposer l’intervention à deux ou trois sites et de faire se rencontrer les professionnels
pour travailler ensemble autour d’un même sujet.
Si la formation constitue un axe important de développement professionnel individuel, je
veux aussi la penser comme accès à un savoir partagé et développer dans le plan de
formation des actions collectives aujourd’hui absentes, qui participent à la construction
d’une équipe dont les frontières dépassent celle de l’antenne.
L’analyse des pratiques
Les professionnels mandataires et secrétaires participent à l’analyse des pratiques
professionnelles organisée par site. Les responsables de service ont une analyse des
pratiques spécifique à leur catégorie professionnelle.
Des groupes travaillent depuis de nombreuses années avec le même intervenant et ne
veulent surtout pas en changer. D’autres, au contraire, ont du mal à s’engager dans la
durée avec le même intervenant. Les secrétaires, qui font aussi l’accueil des personnes
protégées, souhaitent bénéficier de l’analyse de la pratique professionnelle avec les
mandataires trouvant les situations évoquées plus riches que si elles restaient entre elles.
Les mandataires évoquent des difficultés à parler en confiance devant les secrétaires.
Je pense que l’analyse des pratiques fait partie des leviers pour que les professionnels
dessinent le vivre ensemble, celui de l’ATMP74 avec les personnes protégées. Le partage
des expériences, la compréhension des enjeux de la relation avec la personne protégée
et des situations de travail difficiles constituent une réflexion commune qui participe au
développement d’une identité professionnelle.
A ce titre, l’analyse des pratiques professionnelles peut davantage contribuer à la création
de sens commun en s’organisant aussi entre sites par mixage des équipes de
mandataires et regroupement des secrétaires de plusieurs antennes. Je vais faire cette
proposition aux responsables de service et aux intervenants actuels que je souhaite
associer au bien-fondé de la démarche en créant avec eux les opportunités nécessaires à
sa réalisation.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 54 -
B) Favoriser la transversalité
L’ATMP74 est une structure à forte connotation pyramidale. De ce fait, elle génère des
liaisons descendantes peu fédératrices qui sont une des explications probables de la
perte de repères partagés. Des commissions ad hoc ont toujours existé et réuni des
professionnels de différents sites sans que leurs travaux réussissent à intéresser ceux qui
n’y participent pas. C’est comme si la commission, extériorisée de sa base, ne faisait pas
partie du tout que représente l’ATMP74 dans laquelle elle ne peut pas réintroduire le
travail commun réalisé.
Je veux trouver des points de connexions entre les antennes et entre les antennes et le
siège. Pour cela je vais m’attacher à ce qui constitue des priorités pour elles et des points
d’achoppement réguliers.
Si au plan de l’informatique nous avons réussi notre connexion en réseau, je souhaite
également mobiliser des ressources internes dans un réseau transversal qui appartient et
profite à tous. Mobile, adaptable, identifié comme une ressource partagée, il constituera
les liens horizontaux indispensables pour relier les équipes entre elles et développer le
sentiment d’appartenance qui nous fait défaut.
Je retiens quatre points de connexion qui dans la conjoncture actuelle de l’ATMP74
répondent à des besoins du service.
« Le mandataire volant »
C’est celui qui peut remplacer rapidement un mandataire absent parce qu’il en a la
compétence, qu’il connaît les modalités de fonctionnement de l’ATMP74 et ses
partenaires. Il peut travailler sur plusieurs antennes et en cela témoigner des pratiques et
expériences diverses. Le coût d’un remplacement non effectué génère toujours des coûts
cachés : incompréhension et multiplication des sollicitations de la personne protégée, des
familles, incompréhension de l’extérieur, fatigue des collègues, erreurs. Le recrutement
d’un remplaçant peut être difficile dans certaines zones géographiques et sa formation
prend du temps.
Cette expérience a été menée par l’ATMP74 pour le remplacement des mandataires en
formation. « Un mandataire volant » remplaçait plusieurs mandataires sur des sessions
de courte durée. Elle a donné généralement satisfaction. Je veux en faire une fonction à
part entière, en définir les attendus, et l’intégrer dans les fiches de poste.
L’intégration des nouveaux salariés
En deux ans, le service a accueilli une quinzaine de nouveaux salariés. J’ai
instauré la journée des nouveaux arrivants qui réunit une fois tous les deux ans au siège
les nouveaux salariés et nous avons élaboré un livret d’accueil qui leur est destiné. La
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 55 -
formation du nouveau mandataire ou de la nouvelle secrétaire relève du responsable de
service qui l’organise et en assume la plus grande charge.
Je pense que l’intégration d’un nouveau salarié se construit autrement que par une prise
de fonction immédiate. Centrée sur le poste de travail, elle ne permet pas au nouveau
salarié de se sentir partie prenante d’un tout, d’en comprendre les buts et les articulations.
Je veux organiser un parcours d‘intégration qui prendra la forme d’un stage dans
l’entreprise, au début de la prise de fonction, auprès d’un collègue, maître de stage, qui
présentera les différentes facettes du métier, organisera des prises de contact en interne
avec des fonctions clés, partagera des situations de travail qui relèvent de sa propre
responsabilité et non de celle du nouveau professionnel.
Un management transversal pour le soutien juridique et patrimonial :
La plupart des mandataires ont une formation initiale de travailleur social.
Confrontés à des procédures judiciaires ou à des patrimoines de grande complexité, ils
n’ont pas la compétence nécessaire pour en apprécier les conséquences pour les
personnes protégées, leur en délivrer une information maitrisée et les aider à prendre
position.
Le poste de juriste a été créé pour que cette compétence existe en interne. Confrontée à
des problématiques similaires sur des antennes différentes, la juriste participe à
l’instauration de positions institutionnelles garantes des droits et des intérêts des
personnes protégées. A ce titre, elle fait du lien entre les équipes et les objectifs du
service et tisse à l’extérieur un réseau d’intervenants (avocats, notaires) familiarisés avec
nos exigences et nos contraintes.
Compte tenu du nombre de mesures et du nombre de sites déployés par l’ATMP74, je
veux affirmer ce poste dans une fonction de management transversal, lui donnant la
légitimité nécessaire pour orienter les actions et contribuer à l’élaboration et à la diffusion
de bonnes pratiques dans ces deux domaines, ainsi qu’à leur évolution et leur évaluation.
La création d’un deuxième poste s’avère nécessaire et ne pourra s’effectuer que par
redéploiement des moyens.
La création d’une instance d’aide à la décision éthique
Les professionnels ont pris l’habitude d’évoquer au sein des équipes ce qu’ils
appellent « les situations difficiles ». Ce sont souvent les mêmes situations qui reviennent
à l’étude, en recherche de l’appui de la délibération collective. Conflits de valeur,
décisions difficiles, dilemmes, incertitudes, l’exercice de la protection juridique offre un
cadre très vaste aux interrogations et à l’analyse des prises de risques que peuvent
générer la gestion de l’argent, la santé, la fin de vie, l’autonomie, les actes à caractère
personnel comme le mariage, le divorce.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 56 -
Les jeunes professionnels sont facilement porteurs de ces interrogations dans la
recherche d’une solution rapide alors que les plus anciens se sont habitués à les porter
de manière plus solitaire, partagées éventuellement avec un collègue ou un professionnel
d’une institution partenaire qui assure lui-même un accompagnement de la personne
protégée. L’éthique n’est pas une référence nommée à l’ATMP74.
Dans le souci de la construction d’une Institution juste, il est indispensable que le vivre
ensemble se manifeste dans le dépassement de la relation interpersonnelle qui laisse le
professionnel, voire l’équipe locale, seul face à l’usager ou seul face au partenaire.
L’Institution a à jouer tout son rôle de justice et d’ouverture à l’altérité en favorisant
l’élaboration collective d’une pensée éthique.
Cette pensée permettra de conjuguer la garantie de la liberté et de l’autonomie des
personnes protégées, dans le cadre de l’exercice de la mesure de protection, avec
l’autonomie des professionnels qui pourront assumer un positionnement éthique.
La valorisation de l’autonomie de l’un accompagne l’autonomie de l’autre dans une
réciprocité qui permet un lien social équilibré substituant au rapport de pouvoir, celui de
l’échange et de la coopération pour la co-construction d’une protection juridique ouverte à
l’altérité, à l’entraide, à l’analyse de la prise de risque, à l’alternative issue des
expériences des collègues.
La responsabilité éthique peut ainsi éloigner l’arbitraire de la conviction personnelle ou du
simple point de vue.
La création d’espaces internes et institutionnels de dialogue éthique est nécessaire. Je la
proposerai dans un premier temps au Conseil d’Administration dans une optique de
transprofessionnalité, d’interaction entre les sites et d’ouverture aux partenaires. Informels
pour être réactifs et non normatifs, ces espaces pourront être précurseurs de la création
d’un comité d’éthique dans des instances fédératives type UDAPEI ou UTRA.
J’accompagnerai cette création de proposition de formation à l’éthique pour les
professionnels car elle est particulièrement absente dans les formations initiales et
innommée dans les pratiques où elle n’est ni reconnue et ni assumée.
3.2 Développer une compétence collective
Si le vivre ensemble peut se constituer dans des espaces de rencontres et
d’interventions partagées, il suppose également une organisation dont la structure
soutient la construction de la compétence collective envisagée comme la collaboration
des professionnels autour d’un sens commun. C’est elle qui peut parvenir à construire
l’Institution juste, celle qui agit avec et pour autrui.
Le projet que je porte affirme la place donnée au lien d’accompagnement dans la
protection juridique. Malgré les moyens nouveaux obtenus en 2011 pour permettre à
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 57 -
l’ATMP74 de s’aligner sur les moyennes des indicateurs nationaux d’activité, les
modifications induites par l’intégration de notre secteur d’activité dans le champ de l’action
sociale via la loi du 2 janvier 2002 se heurtent à l’imparable manque de temps
systématiquement mis en avant par les professionnels.
Ils évoquent une souffrance au travail qui relève à la fois d’un sentiment de débordement
mais aussi d’une culpabilité plus ou moins enfouie devant l’impossibilité de mieux
répondre aux attentes des personnes protégées.
Les professionnels s’inquiètent des personnes protégées qui ne font aucune demande et
qui sont laissées dans l’invisibilité. L’ATMP74 n’a pas réussi malgré l’augmentation des
postes de travail à diminuer cette tension.
L’augmentation des moyens financiers n’étant pas d’actualité et n’ayant pas apporté en
son temps d’amélioration à la charge de travail ressentie, je pense qu’il faut déconstruire
les modes de pensée concernant l’amélioration du fonctionnement du service par la
contrepartie de l’augmentation des moyens.
A partir des besoins des personnes protégées, je veux valoriser et coordonner les
compétences individuelles pour susciter une compétence collective mise en synergie au
service du collectif.
Ceci implique la reconnaissance des diverses identités professionnelles et leur
nécessaire articulation au service des personnes protégées et de la mission confiée au
service mandataire. L’implication essentielle des responsables de service dans leur
participation à la compétence collective et son orchestration modifie fondamentalement
leur positionnement dans l’organisation. Ce projet que je présenterai au Conseil
d’Administration pour emporter son approbation modifie en profondeur l’organisation
actuelle du travail et les modes de management.
3.2.1 Organiser la coordination des compétences
Les personnes protégées vivent une grande diversité de situations selon leur âge, leur
mode de vie, leur environnement familial et social, leur état de santé, leur lieu de vie.
Si j’ai affirmé l’importance du lien d’accompagnement dans le soutien aux capabilités, il
me faut aussi considérer l’importance du travail administratif et technique dans la
recherche de l’instauration des droits des personnes protégées, de leur maintien et du
contrôle de leur effectivité. L’articulation et le développement des compétences doit
s’imaginer à partir des besoins de la personne protégée.
A) Recentrer les mandataires judiciaires sur le lien d’accompagnement
Pour que la protection juridique devienne le levier grâce auquel la personne
protégée peut maintenir ou retrouver de la capacité et de l’autonomie, les mandataires
doivent mobiliser à cette fin leurs compétences. J’observe au contraire que leur temps de
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 58 -
travail se mobilise plus généralement sur la technicité requise devant la complexité des
dossiers administratifs.
Parce qu’il est le plus souvent seul devant toutes les tâches, il est devenu un expert
technique des impôts, des retraites, des allocations familiales, des dossiers d’aide sociale
ou de compensation du handicap, des états des lieux, des déménagements, des remises
en état des habitations…
Faire face à l’ensemble de ces tâches est une obligation qui découle du mandat judiciaire.
Le collectif de travail que nous avons construit jusqu’alors est fondé sur cette obligation.
Nous y avons perdu une partie de l’expertise sociale de professionnels qualifiés et nous
n’avons pas suffisamment mobilisé leur capacité à imaginer et développer des modes de
collaboration et d’échanges, soutenant les personnes protégées dans l’atteinte de ce
qu’elles pourraient nommer « leur vie bonne ». Ceux qui s’y emploient se trouvent au
cœur d’un conflit de loyauté fondamental dont la sortie ne peut se traduire que par une
rupture.
Pour recentrer le mandataire sur la protection juridique comme opportunité de soutien aux
capabilités des personnes protégées, je dois envisager les formes d’appuis nécessaires
pour les autres tâches.
B) Développer des appuis administratifs et un support technique
Cela concerne en premier lieu les secrétaires qui peuvent et souhaitent pour la
plupart voir évoluer leur fonction vers l’assistance tutélaire consistant dans une prise
d’initiative élargie dans le domaine administratif et relationnel.
Elles peuvent devenir l’interface entre les mandataires et les personnes protégées, les
mandataires et les partenaires améliorant ainsi l’accessibilité du service tant décriée.
Interlocutrices averties des droits des personnes, elles peuvent en assurer l’établissement
administratif et leur suivi. Certaines d’entre elles le font déjà dans le cadre d’une
dynamique engagée avec le mandataire.
Cette évolution nécessitera de modifier la fiche de fonction actuelle de la secrétaire en
faisant de la comptabilité une fonction distincte et de l’assortir d’une formation
d’adaptation à cette évolution. J’ai pu constater que certaines d’entre elles sont déjà des
personnes ressources dans cette perspective. Leur implication dans l’évolution de la
fonction sera à mobiliser.
La technicité requise dans certains domaines est telle qu’elle relève d’une forme
d’expertise ou de spécialité. Il en va ainsi de la fiscalité, de la gestion du patrimoine, de
l’établissement des bulletins de salaire du personnel employé par la personne, des
procédures de licenciement, du suivi des travaux, des déménagements, autant de
démarches qui trouveront dans la technicité interne et dans la gestion des actes matériels
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 59 -
de la mesure de protection les conditions de leur meilleure réalisation. C’est une autre
forme d’appui que je souhaite développer.
Distinguer les fonctions et les relier entre elles permet de prendre en compte la
complexité d’un métier qui nécessite un champ de savoir et de compétences très
diversifié. L’introduction de nouveaux métiers contribuera aussi à favoriser la mobilité
interne des professionnels dont l’ancienneté est généralement importante.
A moyen égal, cette organisation s’envisagera inéluctablement avec une augmentation du
nombre de mesures de protection par mandataire judiciaire. Je serai particulièrement
vigilante à ce que celle-ci ne soit pas l’obstacle à l’objectif essentiel : favoriser un lien
d’accompagnement soutenant les vulnérabilités des personnes en favorisant leurs
capabilités.
3.2.2 Repositionner l’encadrement intermédiaire sur le management
Je ne peux porter seule, même avec l’aval du Conseil d’Administration, ce projet
de direction. J’en ai défini la philosophie et les axes stratégiques. J’ai besoin de constituer
une équipe de direction qui en assure le pilotage global, qui en imprime le sens et le fait
émerger dans l’action. Dominique GENELOT explicite ainsi le rôle intermédiaire de
l’encadrement : « Il doit à la fois être plein du projet général de l’entreprise, le décliner au
plan collectif, et faciliter l’émergence d’un sens individuel pour les collaborateurs qu’il a en
charge »94.
A) Les pièges de la fonction
La problématique de légitimité
Les postes de responsables de service ont été créés pour assurer à chaque antenne
un encadrement présent sur le site. De ce fait, chaque responsable encadre une équipe
de six à douze mandataires et de trois à cinq secrétaires. Il y a donc six responsables de
service à l’ATMP74. Deux d’entre eux sont titulaires du CAFERUIS, deux autres sont en
cours de formation pour son obtention.
Le Conseil d’Administration a toujours eu la volonté que le responsable de service ait
également une activité de mandataire pour garder le contact avec le terrain. Celle-ci varie,
selon la taille des antennes, entre 6 et 25 mesures de protection.
A la fois collègue et manager, d’emblée les deux postures professionnelles des
responsables de service sont difficiles à tenir : Comment assurer la ligne managériale
avec ses collègues ? Comment être « un bon mandataire » quand de leur aveu, leurs
dossiers sont les moins bien suivis de l’antenne ? Comment garder la distance nécessaire
94 GENELOT D. Manager dans la complexité p 206.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 60 -
pour faire tiers entre les mandataires et les personnes protégées, accompagner les
processus de régulation nécessaires entre l’individuel et le collectif ?
La prestation de serment des mandataires
L’exercice de la profession de l’ex délégué à la tutelle a souvent été vécu de manière
solitaire et parfois libérale, l’assistante sociale se prévalant du secret professionnel, le
travailleur social privilégiant le terrain, le juriste favorisant le travail sur ses dossiers. La
réforme de 2007 qui crée la profession de mandataire judiciaire et lui fait prêter serment
devant le tribunal a accrédité la thèse d’une responsabilité supplémentaire et individuelle
du mandataire judiciaire pourtant salarié d’un service.
Le retour au texte qui institue la prestation de serment95indique que cette prestation pour
un mandataire salarié ne peut s’effectuer que s’il a reçu délégation du service pour
l’exercice des mesures de protection. Elle constitue un engagement de loyauté dans
l’exercice du mandat confié par les juges et une obligation de confidentialité. Il n’y est pas
question de responsabilité supplémentaire, mais plutôt d’engagement de moralité.
La responsabilité du mandataire relève de l’exécution de son contrat de travail. La
responsabilité de l’exercice des mesures de protection incombe au service mandataire.
C’est à ce niveau de responsabilité que je dois inscrire la fonction de responsable de
service incarnant une dimension symbolique faite de distance et de proximité avec le
terrain, essentielle pour garantir la protection juridique qui fait lien, s’ouvre à l’altérité,
redonne du pouvoir et de l’autonomie.
B) Les responsables de service dans la relation du service mandataire avec les
personnes protégées.
Distinguer la fonction pour mieux la relier aux autres
Compte tenu des enjeux décrits, il est indispensable d’inscrire les responsables des
services dans une distanciation de l’antenne. Cela se fera en distinguant la fonction de
responsable de service de celle de mandataire pour lever le risque de la confusion des
rôles. Cette confusion est vécue par l’ensemble des acteurs de la protection juridique : les
personnes protégées qui n’identifient pas le responsable et s’inscrivent dans la
dépendance de la seule relation possible avec le service, les mandataires qui peuvent en
instrumentaliser la fonction à leur profit, les responsables eux-mêmes qui peuvent
minorer leur responsabilité au profit de celle de mandataire.
La distinction des fonctions est essentielle même si la réalité économique m’obligera à
envisager la réduction du nombre de postes de responsable de service. J’en profiterai
95 Code de l’action sociale et des familles, article R 471-2.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 61 -
pour développer d’autres fonctions managériales transversales (2ème poste de juriste,
responsable qualité...)
Conduire le projet en équipe de direction
Je veux construire une équipe de direction qui intègre tous les cadres du service
mandataire. Je suis une directrice qui assume le management des cadres et travaille avec
eux. Ceci n’est pas réducteur de l’autonomie dont ils ont besoin, mais « le vivre
ensemble » doit aussi s’identifier à ce niveau de l’organisation, tant sur le plan de son
organigramme que sur la culture d’encadrement qui peut s’y développer.
Le partage des valeurs, la compréhension de l’environnement, des enjeux, la recherche
des coopérations, la mobilisation des ressources, le partage des savoirs et des
expériences créent du sens commun. Leur mise en synergie doit alimenter la compétence
collective du service dans la cohérence du projet. Il m’appartient de développer une
véritable animation qui structure le travail de l’équipe des cadres autour de la recherche
de sens dans la mise en cohérence, la coordination du projet, et l’accompagnement de sa
mise en œuvre sur les antennes.
Une nouvelle légitimité du responsable de service, venant de la direction, doit en
émerger : celle de sa capacité à porter des projets, à organiser sur son antenne la
synergie des compétences individuelles autour du projet de service, à développer les
coopérations et partenariats nécessaires aux besoins des personnes protégées
Faire place au responsable de service dans la relation mandataire/personne
protégée
Le face à face mandataire/ personne protégée est une relation qui peut confiner à
l’enfermement et devenir un rapport de pouvoir qui s’oppose d’une part à la sécurité du
professionnel et d’autre part aux objectifs d’une protection concertée soutenant les
capabilités des personnes protégées.
C’est dans cet enjeu de pouvoir et de sécurité que la place du responsable de service
trouve sa pleine légitimité auprès de son équipe et des personnes protégées.
Elle rend possible le recours au responsable de service par la personne protégée en cas
de désaccord avec le mandataire. Elle rend possible l’interpellation du responsable de
service par le mandataire, ou sa propre initiative auprès du mandataire, quand les prises
de position, l’absence de réponse ou la difficulté de la situation nécessitent une relation à
un tiers qui, au nom de la mission et du service, vient mettre à distance les antagonismes,
rétablir du lien, construire du sens.
Pour cela, le rôle du responsable de service devient déterminant dans l’accompagnement
de son équipe à la mise en œuvre de nouveaux rapports d’usage basés sur l’altérité, la
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 62 -
possibilité du contre don et la participation des personnes protégées à leur mesure de
protection et au fonctionnement du service.
Mettre en œuvre les modalités de la participation des personnes protégées
Le responsable de service se tient à l’articulation entre le projet collectif et la
personnalisation de l’accompagnement au travers des DIPM. En mettant en place les
outils de la participation des personnes ,en favorisant la créativité de son équipe autour
d’autres modalités de participation adaptées au besoin des usagers, à l’actualité des
partenaires, aux locaux, en s’attachant à améliorer les compétences individuelles, en
organisant la compétence collective, il insufflera de nouveaux rapports entre les
personnes protégées et les professionnels de l’antenne, entre les personne protégées et
le service mandataire.
Le projet que je soutiens est une dynamique qui fait lien en traversant toutes les strates
de l’Institution de manière verticale et horizontale. C’est ce flux qui permettra aux
professionnels de se l’approprier, d’y donner collectivement du sens et le développer dans
l’action individuelle.
3.3 Devenir un acteur des solidarités locales
La mission de protection juridique est une mission d’intérêt général confiée par l’Etat
à l’ATPM74. Je ne peux imaginer construire une Institution juste sans que ce projet soit
visible et lisible par tous ceux qui ont légitimité à conduire la protection juridique au regard
de la justice et de la cohésion sociale. Si les niveaux de responsabilité diffèrent, les
interventions articulées des juges, de la cohésion sociale et du service mandataire
dresseront le cadre d’une protection juridique centrée sur les besoins des personnes
protégées, l’évolution de leurs problématiques et les garanties à apporter à cet exercice.
3.3.1 Promouvoir la relation de l’Institution avec les juges
L’ATMP74 travaille sur le département avec six juges des tutelles. Si les juges ont
rapproché les pratiques de leur cabinet au sein d’un même tribunal, le service mandataire
est souvent confronté à des décisions diverses qui empêchent l’élaboration de repères
partagés par les professionnels du service et par les professionnels des associations
partenaires.
Selon le ressort du tribunal, les attendus des juges ne seront pas les mêmes. J’en prends
un exemple. Celui de l’intervention du juge pour donner au tuteur l’autorisation de
consentir à une opération médicale lorsqu’elle présente un caractère d’atteinte grave à
l’intégrité de la personne. Cette atteinte grave est appréciée très différemment selon les
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 63 -
juges, ce qui ne permet pas au service d’élaborer une position institutionnelle nécessaire
aux professionnels.
Les juges sont proches des mandataires qui n’hésitent pas à les solliciter sur leurs
difficultés dans des situations où leur recours est nécessaire. Cependant, la dimension
institutionnelle est trop faible dans les relations que nous avons pu développer avec eux.
Le mandataire judiciaire qu’ils désignent pour exercer les mesures de protection reste
l’ATMP74, même lorsque l’exercice est délégué à un professionnel. Je vais développer
des actions d’informations auprès des juges sur la réalité du service, son projet et ses
évolutions. Je veux améliorer leur perception du travail institutionnel pour qu’ils
l’envisagent à travers les actions individuelles menées par les professionnels.
A cet effet, je veillerai à ce que les écrits à destination des tribunaux s’harmonisent dans
la forme et dans la construction de l’écrit, car c’est ce qui constitue le principal de nos
échanges. Ils nous permettent de justifier et de rendre compte de nos actions: reddition
de compte, rapport de diligences, saisine des juges pour obtenir leur autorisation pour
effectuer des actes déterminés.
Je leur proposerai également différentes opportunités de travail commun sur des
thématiques spécifiques, sur des questions éthiques. De nombreux organismes sont
demandeurs d’information sur les mesures de protection en général ou sur des aspects
très spécifiques tels que la santé, la gestion de l’argent. Je veux promouvoir autour de ces
demandes des interventions partagées entre l’ATMP74 et les juges.
C’est cette dimension relationnelle que je veux instaurer avec eux pour que la politique
institutionnelle soit l’écho de la protection juridique qu’elle met en œuvre.
3.3.2 Quels échanges avec la direction de la cohésion sociale pour les
personnes protégées ?
Au niveau départemental, seule la procédure contradictoire à l’occasion de l’élaboration
du budget est l’occasion d’un échange dans le cadre d’un dialogue de gestion normalisé.
La défense de nos budgets respectifs, mais interdépendants, sur des logiques qui restent
étrangères, l’une financière, l’autre fonctionnelle, ne permet pas de démontrer une volonté
politique assumée dans le cadre des moyens alloués. La clarté des documents transmis à
l’occasion des comptes administratifs et du budget et l’information régulière sur une mise
en place adaptée du droit des usagers sont les deux leviers d’échanges et de
coopérations éventuelles. L’observation de l’évolution de notre population peut constituer
également le socle d’un travail préparatoire à la contribution départementale au schéma
régional de la protection juridique, mais aussi des schémas concernant les personnes en
situation de handicap. Je proposerai au Conseil d’Administration de déposer à cet effet
auprès de la DDCS et du Conseil général une contribution pour ces deux schémas.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 64 -
Il me faut aussi trouver des voies d’accès à l’échelon régional dont la mission est de
piloter et d’animer les politiques publiques.
L’exemple de la DRJSCS du Nord Pas de Calais est éloquent dans le domaine de la
protection juridique. Elle soutient de nombreuses initiatives de recherches et d’enquêtes,
fruit de la collaboration entre les acteurs de terrain, les chercheurs (CREAI, Université…)
et les personnes protégées. Elle profite de l’élaboration des schémas régionaux pour
soutenir des projets comme celui de la mise en place de la création d’un groupe éthique
régional préconisé par les mandataires judiciaires. Elle établit des passerelles avec le
Ministère de la justice et l’ARS.
C’est au sein de notre regroupement régional, l’UTRA, que je proposerai d’impulser des
initiatives en faveur de cette coopération. Si nous voulons impulser à la protection
juridique l’élan de la loi du 5 mars 2007, lever les incertitudes sur ses silences et ses
confusions, participer aux recommandations de bonnes pratiques, aux schémas
régionaux, c’est à cette échelle que nous devons nous situer.
3.4 Elaborer un référentiel d’évaluation construit sur la participation
des personnes protégées
Selon Paul RICOEUR, l’Institution juste est celle qui développe le vivre ensemble
dans une exigence d’égalité. Elle favorise la participation de tous les acteurs à l’Institution
et s’évertue à rendre chacun attributaire de sa juste part en rôles, en tâches, en
avantages et en désavantages.
La participation des personnes protégées est essentielle à l’établissement de nouveaux
rapports d’usage que je veux instaurer entre les personnes protégées et le service
mandataire. C’est elle qui favorisera un nouveau construit social plus juste dans lequel la
protection juridique valorise les capabilités des personnes protégées dans une exigence
démocratique, respectueuse de leur choix d’accomplissement.
J’ai proposé un ensemble d’actions pour asseoir cette orientation à l’ATMP74.
Je veux maintenant mesurer si l’intention de ce projet est cohérente avec les actions
envisagées. J’ai dégagé quatre critères essentiels pour atteindre l’objectif fixé :
La construction d’un lien social permettant le contre don.
La participation des personnes à la mesure de protection et la personnalisation de
l’accompagnement.
La valorisation de l’autonomie.
La participation des personnes au fonctionnement du service.
Pour apprécier les pratiques et actions attendues dans le cadre de ces exigences
prioritaires, je concentrerai mon observation sur plusieurs d’entre elles à partir de
questionnements soutenant ma réflexion évaluative et je dégagerai les indicateurs à
mettre en place pour en mesurer l’impact sur la participation des personne protégées. La
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 65 -
mise en forme de cette évaluation pourra à terme se construire sur le modèle de grille
proposée par l’UTRA96.
3.4.1 La construction du lien social permettant le contre don
M.MAUSS et P.FUSTIER expliquent que le lien social se crée dans l’échange et la
possibilité du contre don, une réciprocité qui envisage autrui comme un autre soi-même,
mais aussi dans sa singularité qui reste une énigme et qui interpelle. L’atteinte de cette
dimension dans l’accompagnement des personnes protégées a pour objectif d’établir un
nouveau rapport d’usage entre les personnes protégées et les professionnels. Il est
favorisé par des rapports d’échanges avec le service et l’environnement extérieur qui
contribuent à la reconnaissance des personnes protégées en tant qu’individu à part
entière et à leur participation à un réseau social.
A) L’accueil
Le lieu d’accueil est-il un espace de convivialité ? La personne protégée peut-elle y
faire autre chose qu’attendre ? Les personnes qui viennent sans rendez-vous sont-elles
reçues par quelqu’un du service ? Un accueil spécifique pour les nouvelles personnes
protégées est-il prévu ? Des réunions collectives d’information sur les mesures de
protection pour les nouveaux usagers sont-elles organisées par le service ? Les
personnes protégées habituées du service sont-elles associées à l’accueil des nouvelles
personnes ? Comment sont traités les incidents vécus à l’accueil ?
Indicateurs :
Pourcentage de personnes protégées reçues en rendez-vous dans les bureaux
d’accueil,
Organisation de permanences pour favoriser l’accueil des personnes en l’absence
du mandataire,
Procédure de premier accueil,
Procédure de traitement des situations difficiles à l’accueil,
Nombre d’incidents,
Nombre de manifestations prévues à l’accueil dans l’année (Noël, Infos,
aménagement spécifique…),
Nombre de personnes protégées participant à l’accueil de nouveaux usagers.
96 Annexe 6 : grille d’évaluation proposée par l’UTRA
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 66 -
B) Les entretiens
Existe-t-il, dans son dossier, une trace des entretiens visée par la personne protégée ?
La présence du responsable de service est-elle prévue pour des entretiens spécifiques ?
La présence de la juriste est-elle prévue dans le cadre d’entretiens spécifiques ?
Peut-on repérer l’absence d’échanges entre la personne protégée et le mandataire ?
Quels moyens sont mis en œuvre pour faire lien dans ce cas ? Le juge des tutelles est-il
informé de la difficulté d’établir un lien avec la personne protégée ? La technique
d’entretien est-elle une demande fréquente de formation de la part de toutes les
catégories professionnelles ?
Indicateurs :
Nombre d’entretiens effectués par les mandataires,
Nombre de visites à domicile,
Pourcentage de personnes protégées vues moins de deux fois par an,
Nombre de réclamations des personnes protégées,
Pourcentage du plan de formation accordé à la technique d’entretien.
C) La coordination avec les partenaires
Existe-t-il des réunions ou des temps d’échange entre l’ATMP74, les partenaires et les
personnes protégées ?
Comment se manifeste la coordination des projets avec les partenaires ? La personne y
participe-t-elle ? Comment est formalisée cette coordination ?
Les conventions de partenariat sont-elles régulièrement évaluées ? Les personnes
protégées participent-elles à cette évaluation ?
Indicateurs :
Nombre de réunions ou de temps d’échange avec les partenaires,
Pourcentage de participation des personnes protégées,
Formalisation de compte rendus et mode de diffusion,
Nombre de conventions.
D) La gestion de l’argent
Existe-t-il des repères individuels et collectifs sur la gestion de l’argent fondés sur les
apports psychologiques et philosophiques ?
Un travail sur l’accompagnement budgétaire est-il réalisé ? Comment se manifeste la
participation de la personne à l’élaboration de son budget ? Quelles sont les modalités
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 67 -
d’accès à l’argent ? Y a-t-il des procédures de dépannage ? L’excédent budgétaire est-il
remis à la personne protégée ?
Le cadre de la gestion diligente, prudente et avisée est-il précisé par le service ? Les
personnes protégées sont-elles questionnées à ce sujet ?
Comment se recueille le consentement de la personne sur les actes relatifs à la gestion
de son argent et de son patrimoine ?
Le traitement des plaintes fait-il l’objet de procédures spécifiques ?
Indicateurs :
L’existence de différents outils d’accompagnement budgétaire,
Nombre de situations pour lesquelles ils sont utilisés,
Formalisation du recueil de la participation de la personne protégée sur le budget,
sur les actes relatifs au patrimoine,
Les modalités d’accès à l’argent prévues par le service,
Nombre de réclamations reçues par le service,
L’exercice d’un recours identifié pour la personne protégée en cas de désaccord
avec le mandataire. Nombre de recours.
3.4.2 La participation de la personne à la mesure de protection et la
personnalisation de l’accompagnement.
Cette participation est étroitement liée à l’approche des capabilités développées par
SEN et NUSSBAUM. Elle est fondée sur la liberté d’expression et la possibilité de faire
des choix pour accéder à la maitrise de son destin. C’est en la favorisant que les
professionnels soutiendront ces capabilités permettant aux personnes protégées d’être
actrices de leur destin.
A) La délivrance des informations nécessaires aux choix de la personne protégée
Quelles sont les informations systématiquement communiquées à toutes les personnes
protégées ? Les modalités de communication des informations sont-elles appropriées à
l’état de santé des personnes protégées ? La communication des informations est-elle
faite directement par le mandataire ? Quels sont les domaines où les informations ne sont
pas communiquées à la personne protégée ? Sur quelle évaluation ? Des sujets sont-ils
évités par le mandataire judiciaire ? Le devoir de conseil des professionnels spécialisés
(notaire, banquier, médecin …) est-il favorisé par le mandataire ?
Indicateurs :
Recensement des informations systématiques,
Récépissé de communication des outils relatifs au droit des usagers,
Procédure spécifique pour ce qui relève du droit des malades,
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 68 -
Recensement des sujets évités ou difficiles.
B) Le Document individuel de protection des majeurs
Le DIPM est-il co-construit avec la personne protégée ? Son consentement est-il
recherché ? Comment est-il formalisé ? Les modalités de son expression et de sa
participation au DIPM sont-elles formalisées ? Sert-il de fil rouge à l’accompagnement
personnalisé ? Est-il élaboré à partir de l’évaluation des compétences sociales des
personnes protégées ? L’avenant est-il systématisé en cas d’évolution de la situation de
la personne protégée ? Le DIPM est-il soumis au regard du responsable de service ? Le
DIPM est-il élaboré quand la personne protégée n’est pas en capacité d’y participer ? Le
DIPM est-il communiqué à des tiers (partenaires, juges) avec l’accord de la personne ?
Existe-t-il un processus d’observation générale des DIPM permettant d’identifier les
besoins des personnes protégées, les difficultés nouvelles ?
Indicateurs :
Documents utilisés par le service,
Nombre de DIPM effectués,
Nombre d’avenants au DIPM,
Formalisation du recueil de la participation des personnes protégées sur le DIPM,
Pourcentage de personnes protégées ayant signé le DIPM,
Formalisation du visa du responsable de service sur le DIPM,
Modalités de participation d’une autre personne quand celle de la personne
protégée n’est pas possible,
Synthèse des DIPM au sein du service.
3.4.3 La valorisation de l’autonomie
Pour M. NUSSBAUM, la vulnérabilité est inhérente à la condition humaine. Elle crée
une fragilité dans l’impossibilité de tout maitriser. Assumée, elle est le ressort du
processus de développement de l’autonomie. B.EYRAUD voit l’autonomie de la personne
protégée scindée entre le mandataire et la personne selon la ligne de partage de ses
capacités effectuée par le juge qui appelle à des formes de collaborations différentes
entre le mandataire et la personne protégée.
A) La prise en compte de l’environnement des personnes protégées :
Quand l’environnement constitue un appui et une ressource pour la personne
protégée, un contact est-il établi avec la famille, les personnes proches, les intervenants
autour de la personne protégée ?
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 69 -
Indicateur :
Identification des personnes référentes ou importantes pour la personne protégée.
B) Le partage des actions entre le mandataire et la personne protégée
La personne protégée est-elle impliquée dans les actions prévues dans le DIPM ? Des
domaines de responsabilité propre sont-ils déterminés entre le mandataire et la personne
protégée ? Les pratiques de promotion de l’autonomie sont-elles identifiées et
partagées par les professionnels ? Les essais sont-ils encouragés ? Les modalités
d’exercice de la mesure sont-elles modifiées suite à l’évolution des personnes
protégées ? Qui fait tiers dans le face à face personne protégée/ mandataire ? Comment
le mandataire rend compte des actions engagées, de leur réussite, de leur échec ? A
qui ? Son action est-elle soutenue par une instance éthique quand cela est nécessaire ?
Indicateurs :
Synthèse des objectifs et actions du DIPM,
Formalisation des pratiques de promotion de l’autonomie,
Modalités de contrôle de l’accomplissement des droits des personnes protégées,
Nombre de rencontre mandataire/ responsable pour évoquer les situations,
Nombre de rencontres responsable/personne protégée,
Nombre de réclamation des personnes protégées,
Procédure de traitement des réclamations,
Nombre de sollicitations de l’instance éthique.
C) L’évolution de la mesure de protection
Le juge est-il systématiquement saisi quand la mesure de protection doit être
adaptée ? L’accompagnement vers la mainlevée de la mesure fait-il l’objet d’un processus
d’intervention spécifique ? Des intervenants tiers y sont-ils associés ?
Indicateurs :
Nombre de requêtes adressées au juge pour modifier la mesure,
Pour la lever,
Formalisation de l’accompagnement vers la mainlevée,
Nombre de mainlevées.
3.4.4 La participation des personnes au fonctionnement du service
R.JANVIER et Y.MATHO situe la participation des personnes au fonctionnement
du service dans l’instauration de la vie démocratique à l’échelle du service. Celle qui
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 70 -
valorise la citoyenneté des personnes protégées dans la participation à la gouvernance
du service et la possibilité, par leur expression sur ce qui est le mieux pour elles,
d’influencer son fonctionnement et son organisation.
A) L’expression des personnes protégées
Quelles sont les modalités choisies par le service pour recueillir l’expression des
personnes ? Sur quels sujets ? Qui porte la démarche ? Quelles suites sont données à
ces différentes formes d’expression ? Qui rédige les comptes rendus, dépouille les
résultats ? Qui s’occupe de leur analyse et des suites à donner ? A qui sont diffusés les
comptes rendus ou résultats ?
Indicateurs :
Rythme de recueil de l’expression des personnes protégées,
Nombre de personnes protégées participantes,
Identification d’un référent qualité par les professionnels et les personnes
protégées,
Accessibilité aux compte rendus et résultats.
B) Modalités de participation
Les personnes protégées sont-elles associées à l’élaboration des outils relatifs au droit
des usagers ? Le service favorise-t-il la participation des personnes protégées à des
réunions spécifiques concernant l’organisation du service ou son fonctionnement ? Le
service favorise-t-il des actions collectives pour des personnes protégées en fonction de
leurs demandes ou de besoins identifiées ?
Indicateurs :
Nombre de personnes protégées participantes,
Nombre d’actions collectives engagées par le service,
Recensement des sujets évoqués.
3.5 Evaluation des autres actions envisagées
Pour être complète, je veux également m’assurer de la pertinence des autres actions
envisagées pour la dynamique collective du service. J’en retiens quatre axes prioritaires :
La création de sens commun
Les compétences collectives
Le positionnement des cadres
Les différentes coopérations
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 71 -
3.5.1 La création de sens commun
Le partage des savoirs et des pratiques et les décisions de l’Instance éthique doivent
contribuer à un « vivre ensemble » dans lequel les professionnels partagent des repères
communs.
Quelle place pour les actions collectives dans le plan de formation ? Quelle participation à
des colloques, réunions thématiques, journée d’échanges ? Les professionnels sont-ils
formés à l’éthique ? Des instances éthiques sont-elles mises en place ? Rendent-elles
des décisions qui sont connues de l’ensemble des professionnels ? Comment les
fonctions transversales participent aux repères communs ? Quelles modalités de
capitalisation de leurs interventions ?
Indicateurs :
Pourcentage du plan de formation dédié aux actions collectives,
Nombres de journées proposées à l’intérêt des professionnels,
Nombre de professionnels participants,
Nombre de sollicitations de l’instance éthique,
Nombre de compte rendus diffusés,
Fiche de poste des fonctions transversales,
Nombre de situations dans lesquelles interviennent les fonctions transversales,
Recueil de fiches techniques et de procédures.
3.5.2 Les compétences collectives
L’articulation des compétences collectives autour des besoins de la personne protégée
doit permettre de retrouver la prédominance du lien d’accompagnement malgré toutes les
autres tâches induites par le mandat judiciaire.
Les secrétaires sont-elles formées à l’assistance tutélaire ? Quelle place ont pris les
fonctions d’appui technique ? Un temps suffisant est-il dégagé pour recentrer le
mandataire sur le lien d’accompagnement ?
Indicateurs :
Nombre de secrétaires formées,
Nombre de postes d’appui créés par redéploiement,
Nombre de tâches transférées,
Evolution du nombre des mesures exercées par un mandataire,
Nombre de visites et de rendez-vous effectués par le mandataire,
Existence des fiches de poste adaptées à ces évolutions.
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3.5.3 Le positionnement des responsables de service
Les responsables de service conduisent sur les antennes le projet de service. Leur
fonction doit être identifiée sur l’antenne comme distincte de celle du mandataire et reliée
à un collectif de cadres constitué en équipe de direction.
Quelles sont leur niveau de responsabilité vis-à-vis des usagers et des professionnels ?
Quelle place prennent-ils dans la participation des personnes protégées à ‘exercice de
leur mesure et au fonctionnement du service ? Comment se manifeste la vie d’équipe
pour les cadres de l’ATMP74 ?
Indicateurs :
Document unique de délégation,
Fiche de poste adaptée à l’évolution de la fonction,
Nombre de DIPM avec formalisation de l’intervention du responsable de service,
Nombre de réunions du groupe d’expression sur son antenne,
Nombre de personnes protégées répondant favorablement aux propositions de
participation,
Analyse de la pratique pour les cadres,
Recueil de repères communs en matière de réponses à apporter aux demandes
du personnel,
Nombre d’évènements conviviaux.
3.5.4 Les différentes coopérations
Instrument de la justice et opérateur de la cohésion sociale, le service mandataire a à
devenir un acteur des solidarités locales en établissant des coopérations avec ses deux
autorités de contrôle, les juges et la DDCS.
Quelle participation à une meilleure connaissance de la protection juridique auprès des
partenaires et des familles ? Quels consensus avec les juges sur les silences de la loi ?
Quelle participation aux politiques publiques ? Quelles modalités de gestion des flux
d’activité ?
Indicateurs :
Nombre d’intervention commune avec les juges pour délivrer de l’information sur la
protection juridique,
Nombre de positions consensuelles diffusées et connues,
Modalités d’anticipation des flux d’activité concertées avec les juges,
Contributions départementales aux schémas départementaux,
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 73 -
Participation au schéma régional des mandataires judiciaires,
Participation aux travaux d’élaboration des bonnes pratiques.
L’établissement de ce référentiel me permet d’envisager la mise en place de mon plan
d’action en y intégrant les indicateurs nécessaires à son évaluation et d’anticiper la
démarche d’évaluation interne que le service mandataire devra entamer au cours de
l’année 2015.
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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 75 -
Conclusion
Valoriser la citoyenneté participative des personnes protégées ne se fera pas dans
la révolution. C’est un travail lent et continu dont les préalables résident dans l’acceptation
de l’incertitude qui refuse les réponses toute faites, les injonctions arbitraires de la toute-
puissance et récusent la prééminence de la logique de fonctionnement.
Au quotidien, un questionnement permanent sur le sens de nos actions permettra
l’intériorisation par l’Institution des réponses qui font valeur de références. Sur ces
références pourront émerger des pratiques renouvelées. En valorisant l’estime de soi, la
prise d’initiatives et la responsabilité des personnes protégées, en favorisant leur
expression, le service mandataire intervient au soutien des vulnérabilités. Il ouvre ainsi
des possibilités, des espaces de liberté pour qu’elles assurent mieux et elle-même leur
propre protection. C’est ainsi que se résoudra le paradoxe de la protection et de
l’autonomie dans une complémentarité assumée.
C’est un travail au jour le jour qui s’élabore avec les professionnels dans de nouveaux
rapports d’usage fondés sur la rencontre et l’échange avec les personnes, la création
d’espaces démocratiques de débats, de concertation, de co-construction qui s’ouvrent
aux personnes protégées. Un autre « vivre ensemble » dans lequel le projet d’action
sociale n’est plus celui du service, mais devient celui de toutes ses parties prenantes.
Le management et l’organisation du service que je veux déployer découle directement de
cette vision. Il a pour objectif de substituer à une chaine d’interventions une dynamique
collective porteuse de sens dans l’action auprès des personnes protégées.
La réalité viendra bien sûr heurter cette architecture laborieuse, dans des
dimensions relationnelles, financières, dans des contingences matérielles, dans les
multiples formes de l’imprévisibilité. Mais plus l’ATMP74 sera agile, informée, apprenante,
ouverte et accueillante plus elle saura trouver les ressources nécessaires pour garantir
aux personnes protégées le maintien de leur citoyenneté dans la protection : celle qui se
vit dans la liberté des choix et de l’expression, dans la prise en considération de droits
inaliénables et dans le sentiment d’appartenance à un groupe social.
Le service mandataire sera alors prêt à franchir une nouvelle étape en orientant
ses activités vers les autres types de mesures de protection qui, administratives, font
toute la place à la contractualisation avec la personne. A plus long terme, il pourra
envisager avec confiance l’évolution législative future qui abolira le système de
représentation comme l’ont déjà fait certains pays européens, au profit de solutions
d’accompagnement à la prise de décision.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 76 -
Marie-Hélène BONEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 77 -
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BROVELLI G. & NOGUES H., La tutelle aux majeurs protégés, la loi de 1968 et sa mise en
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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 I
Liste des annexes
ANNEXE 1
Extrait du procès- verbal de l’assemblée constitutive de l’ATMP74 du 21 avril 1975
ANNEXE 2
Organigramme de l’ATMP74
ANNEXE 3
Typologie de la population des majeurs protégés suivis par l’ATMP74
ANNEXE 4
Résultats de l’enquête de satisfaction effectuée par l’ATMP74 auprès des personnes
protégées en 2012
ANNEXE 5
Document Individuel de protection des majeurs de l’ATMP74 basé sur l’évaluation des
compétences sociales.
ANNEXE 6
Grille d’évaluation sur la personnalisation de l’accompagnement des personnes protégées
proposées par l’UTRA.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 II
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 III
ANNEXE 1
Extrait du procès- verbal de l’assemblée constitutive de l’ATMP74 du 21 avril 1975
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 IV
ANNEXE 2
Organigramme de l’ATMP74
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 V
ANNEXE 3
Typologie de la population des majeurs protégés suivis par l’ATMP74
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 VI
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 VII
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 VIII
ANNEXE 4 : Extraits des résultats de l’enquête de satisfaction.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 IX
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 X
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XI
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XII
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XIII
ANNEXE 5
Document individuel de protection des majeurs de l’ATMP74
basé sur l’évaluation des compétences sociales.
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XIV
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XV
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XVI
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XVII
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XVIII
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XIX
ANNEXE 6
Grille d’évaluation sur la personnalisation de l’accompagnement
des personnes protégées proposée par l’UTRA.
9-
Q9-
Q9-
Q9-
Q9-
Q9-
Quelle place pour les autres acteurs autour de la personne ?
Comment les résultats de l’action au cours de la période écoulée sont-ils évalués ou appréciés dans les
différents domaines ? Avec qui sont-ils partagés ?
Etabli avec la personne ? Ses attentes sont-elles explicitement prises en compte ?
S’appuie-t-il sur une réévaluation de la situation de la personne ?
Actions à mener Commentaires et observations
Constats et données de référence Points forts
Indicateurs en place et résultats observés :
Dispositifs de contrôle et d'audit interne : résultats observés :
Voies d'amélioration
Autres constats (préciser l'approche choisie) :
Quelles dispositions pour que ce document reste une véritable référence pour l’accompagnement tout au
long de l’année ?
Le DIPM fait-il l’objet d’un avenant annuel ?
Le cas échéant, le Juge des Tutelles est-il informé des difficultés, de l’impossibilité d’exercer la mesure ?
Sous quel délai ?
Quelles difficultés dans l’établissement d’un lien avec la personne protégée,
et quelle approche du Service pour y faire face ?
Quelle est la place des partenaires et tiers dans cette élaboration ?
Par qui est-il signé, et pourquoi (quel est le sens donné à ces signatures) ?
Les actions à mener et les responsabilités associées y sont-elles définies ?
Les objectifs de travail y sont-ils définis ? Cohérents avec l’évaluation de la situation de la personne ?
Prend-il en compte explicitement les attentes de la personne ?
S’appuie sur une évaluation complète de la situation de la personne et de ses besoins ?
Est-il élaboré avec la personne ?
Un DIPM est-il établi ? Dans les 3 mois ?
Pratiques
anecdotiques hétérogènes systématiquesvues et améliorées existante(s) conformes
La mise en œuvre des mesures de protection - La protection des personnes (« l’accompagnement tutélaire »)Retour à la liste des questions
Quelle personnalisation de l’accompagnement ? Quelle participation de la personne protégée ?
Quelques questions pour soutenir la réflexion…Les pratiques et le fonctionnement observés
Inexistantes, ou Individuelles Collectives Régulièrement re- Procédure(s)
Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XX
BONNEAU Marie-Hélène Novembre 2014
Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale
ETABLISSEMENT DE FORMATION : ARAFDES
VALORISER LA CITOYENNETE PARTICIPATIVE DE LA PERSONNE PROTEGEE : UN ENJEU D’ADAPTATION POUR LE SERVICE MANDATAIRE
Résumé :
L’émergence de la protection de la personne et l’inscription du service mandataire
dans le champ de l’action sociale conduit le service mandataire à la protection des
majeurs à envisager un nouvel accompagnement des personnes protégées. Si
l’exercice des mesures de protection juridique doit générer de la sécurité, il consiste
également à mettre en œuvre un accompagnement qui laisse à la personne le choix et
la maitrise de son destin. C’est là son aspiration essentielle.
J’ai cherché auprès des auteurs et des professionnels des approches qui s’attachent à
l’établissement du lien d’accompagnement structurant une relation plus égalitaire entre
professionnels et personnes protégées. Et je me suis largement inspirée de celles qui
s’appuient sur les capacités des personnes vulnérables pour valoriser leur citoyenneté
et leur autonomie.
L’approche des capabilités, l’éthique, l’adaptation des outils du droit des usagers au
service mandataire, le changement des rapports d’usage constituent le socle sur lequel
j’envisage de construire avec les professionnels des pratiques renouvelées permettant
l’adaptation du service à son nouvel enjeu.
Mots clés :
ACCOMPAGNEMENT, ACTION SOCIALE, AUTONOMIE, CAPABILITES, CAPACITES, CITOYENNETE, ETHIQUE, CURATELLE, DROIT DES USAGERS, PARTICITATION, PROTECTION DE LA PERSONNE, PROTECTION JURIDIQUE, SECURITE, SERVICE MANDATAIRE, MANDATAIRE JUDICIAIRE, TUTELLE.
L'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.