: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade M.Arch. Jennifer Boulianne Superviseure : Geneviève Vachon : École d’architecture Université Laval Hiver 2013
���� ����� : Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou
Essai (projet) soumis en vue de l’obtention du grade M.Arch.
Jennifer Boulianne
Superviseure :
Geneviève Vachon :
École d’architecture
Université Laval
Hiver 2013
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
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Résumé Cet essai s’intéresse à la contiguïté entre l’agriculture urbaine et l’architecture résidentielle et
considère l’incidence des habitudes de vie et d’une approche production-consommation
alimentaire sur les espaces domestiques du chez-soi. Cet essai porte également sur le potentiel
des espaces culinaires et productifs dans l‘habitation collective comme catalyseur des activités
sociales et familiales à l’échelle du complexe résidentiel, de même qu’à l’échelle du logement.
Colligere est un projet conçu pour être à la fois un centre de vie de quartier et un projet de
logement coopératif «nouveau genre». Il propose un mode d’habiter plus résilient, inspiré à la fois
de la coopérative et du cohousing, où la sociabilité associée à l ‘agriculture urbaine et à la
consommation alimentaire est au cœur du projet.
!
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Avant-propos !!Dans une optique de ville durable, le projet est né d’une volonté de soulever l’importance de
l’agriculture urbaine et de l’impératif besoin de mettre en lumière sa relation avec l’habitation
collective. Composer la ville d’aujourd’hui en intégrant un mode d’habiter alternatif, déjà
implanté en Scandinavie, de même que dans plusieurs communautés américaines ou
canadiennes -le cohousing- me semble une option plausible au Québec. Le partage d’aménités
et de ressources permettrait sans doute de faire du cohousing une solution économiquement
viable en bonifiant le logement en milieu urbain, tout en offrant des avantages généralement
retrouvés dans l’habitation unifamiliale isolée (espaces extérieurs généreux pour cultiver,
espaces suffisants pour recevoir et cuisiner en groupe, etc.). Le défi consiste également à
diversifier les typologies de façon à pouvoir proposer cette alternative à différents types de
ménages et ainsi former une communauté mixte et résiliente.
Le site choisi se trouve dans un lieu que j’affectionne spécialement : le Vieux-Limoilou. Ce sont
néanmoins les caractéristiques sociodémographiques des ménages de ce quartier, de même
que les potentiels de l’îlot circonscrit qui ont tout de suite fait de Limoilou un bon candidat pour
le projet. Le caractère propre des ruelles limouloises, le langage architectural particulier des
triplex, leurs escaliers et balcons sur rue, les volumes hétérogènes de leurs annexes dans les
arrière-cours, de même que sa vie de quartier tissée serré sont des aspects de ce quartier avec
lesquels il a été intéressant de travailler.
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Remerciements !!Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à l’aboutissement de cet
essai (projet).
D’abord, un sincère merci à ma superviseure Geneviève Vachon pour sa grande disponibilité et
sa confiance tout au long de la session. Tu as su me motiver, me remotiver, voire même me
surmotiver tout en croyant en mes idées et au potentiel de mes dessins miniatures.
Un merci spécial aux membres du jury, qui ont su soulever des questionnements qui ont favorisé
l’avancement du projet et soumettre des commentaires constructifs et pertinents lors des
critiques.
Mes amis campeurs, Japo, Virginie et Tina, ce fut un plaisir de partager avec vous ce dernier
bout du parcours académique.
Merci à tous mes collègues avec qui j’ai non seulement passé 5 années mémorables, mais qui
ont su me soutenir moralement et «m’endurer» pendant le sprint final, Lydia, Virginie, Kevin, J-R,
mon cousin, Éric et compagnie.
Enfin, merci à mon copain, à ma famille et à mes amis, d’avoir cru en moi du début à la fin et
d’avoir été là dans les bons moments, comme dans les périodes difficiles.
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Équipe d’encadrement
Superviseure du projet : Mme. Geneviève Vachon | architecte et professeure
École d’architecture de l’Université Laval
Membres du jury : M. André Casault (président)| architecte et professeur
École d’architecture de l’Université Laval
M. Olivier Bourgeois | architecte
Bourgeois Lechasseur Architectes
M. Bernard-Serge Gagné| architecte
ABCP Architecture
M. Guillaume Pelletier| architecte
Atelier Pierre Thibault
!
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Liste des figures !Note : Lorsqu’il n’y a pas de références, il s’agit de photos personnelles ou d’images produites par l’auteure.
Figure 1. Le profil des ménages d'aujourd'hui 3
Figure 2. Carte des réseaux de concepts 6
Figure 3. Une publicité des jardins de la victoire (1942) 8
Figure 4. Analyse de deux dispositions dans la cuisine par Christine Frederick et
comparaison entre les points de travail et les déplacements encourus 14
Figure 5. Le triplex, type portant du quartier 23
Figure 6. Vue du site depuis la 8e rue 24
Figure 7. Vue du site depuis la 1ère avenue 24
Figure 8. L'occupation actuelle de l’îlot et identification du site choisi 24
Figure 9. Les considérations importantes pour l'implantation 26
Figure 10. Le projet dans le quartier 27
Figure 11. Revisiter le rapport de l'individu avec la nourriture 28
Figure 12. Cuisiner le projet: 3 façons de vivre l'espace de la cuisine 28
Figure 13. La ruelle culinaire, porte d'entrée de la coopérative 29
Figure 14. Plans du rez-de-chaussée, de l'étage et de la mezzanine 30-31
Figure 15. La rencontre des gastrosophes: cuisiner en tout temps 32
Figure.16 Pique-niques verticaux: lanternes dans la cour partagée 33
Figure 2. Le pique-nique vertical: interstice habité 34
Figure 18. Plans des diverses typologies 34
Figure 19. La cuisine dans le jardin, le jardin dans la cuisine! 32
Figure 20. Le mur-crémaillère intégré 36
Figure 21. Coupe perspective transversale 37
Figure 22. Appropriations diverses en cœur d’îlot 38
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!!TABLE DES MATIÈRES
Résumé .................................................................................................................................................... i!Avant-propos ......................................................................................................................................... ii!Remerciements ..................................................................................................................................... iii!Équipe d’encadrement ........................................................................................................................ iv!Liste des figures ...................................................................................................................................... v!TABLE DES MATIÈRES .............................................................................................................................. vi!
1 | I N T R O D U C T I O N : une nouvelle façon d’habiter et de cultiver en ville ............................... 1!1.1 ANGLE D’APPROCHE ........................................................................................................................ 1!
1.1.1 POURQUOI UNE COOPÉRATIVE D’AGRICULTURE URBAINE ET D’HABITATION À LIMOILOU? .............................................................................................................................................................. 3!
1.2 DÉMARCHE ........................................................................................................................................ 4!2 | C A D R E C O N C E P T U E L ............................................................................................................ 7!
2.1 LE POTENTIEL DE TOUS LES ESPACES : DE L’ESTHÉTIQUE À L’ESPACE PRODUCTIF .......................... 7!2.1.1 Les surfaces cultivables en milieu urbain ................................................................................ 7!2.1.2. LA PELOUSE, LE JARDIN PITTORESQUE ET LE PAYSAGE COMESTIBLE .................................... 8!
2.2 L’AGRICULTURE URBAINE ET L’APPROPRIATION DES ESPACES COLLECTIFS EN HABITATION ...... 9!2.2.1 LES ESPACES PRODUCTIFS GÉNÉRATEURS DE SOCIABILITÉ ..................................................... 9!2.2.2 LA COUR AVANT ET SA RELATION À L’ESPACE PUBLIC : UN ESPACE OUBLIÉ ..................... 11!
2.3 UNE NOUVELLE APPROCHE PRODUCTION-CONSOMMATION ALIMENTAIRE ............................ 12!2.3.1 CONSOMMATION ALIMENTAIRE ET CHEZ-SOI : UN ENJEU ARCHITECTURAL ....................... 12!
2.4 VERS UN MODÈLE ALTERNATIF : LE «PARCOURS» ALIMENTAIRE ................................................... 17!2.4.1 LES CARACTÉRISTIQUES SPATIALES ET FORMELLES ENTRE PRODUCTION ET CONSOMMATION : LE «PARCOURS» ALIMENTAIRE ........................................................................ 18!2.4.2 LA LIMITE : PISTE DE RÉFLEXION POUR LA RELATION JARDIN-CUISINE .................................. 20!
3 | L E P R O J E T ................................................................................................................................... 21!3.1 MISSION ET OBJECTIFS ................................................................................................................... 22!3.2 UN SITE QUI SIED AU PROJET .......................................................................................................... 23!3.3 STRATÉGIES D’IMPLANTATION ........................................................................................................ 25!3.4 PROGRAMME .................................................................................................................................. 28!3.5 CONCEPT ET FORMALISATION ....................................................................................................... 32!3.6 RÉFLEXION CRITIQUE ...................................................................................................................... 38!
4 | C O N C L U S I O N ............................................................................................................................ 41!BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................... 44!LISTE DES ANNEXES ............................................................................................................................... 47!!
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1 | I N T R O D U C T I O N : une nouvelle façon d’habiter et de cultiver en ville
Colligere
Mot latin signifiant «récolter, réunir», se rapportant à la fois
à l’acte de glaner et celui de mettre ensemble (Bégout et al., 2008)
Cet essai (projet) s’intéresse à la cohabitation de l’agriculture urbaine et de l’architecture
résidentielle en milieu urbain dense et à la façon dont la rencontre de ces deux domaines
d’intervention peut générer une nouvelle façon d’habiter et de cultiver en ville. L’essai (projet)
aborde également l’incidence des relations entre les citadins et la nourriture sur les espaces de
production et de consommation de la ville. En concevant une coopérative d’habitation et
d’agriculture urbaine à Limoilou, ce projet de recherche-création vise principalement à
comprendre et à démontrer comment l’agriculture urbaine intégrée à l’habitation collective
peut agir comme élément générateur de sociabilité au cœur d’une collectivité. Comment
l’architecture et l’agriculture peuvent-ils cohabiter dans un milieu résidentiel dense et favoriser
un mode d’appropriation des espaces collectifs ? En quoi la contiguïté de l’architecture et de
l’agriculture urbaine à l’échelle domestique peut-elle favoriser la création d’espaces de qualité
qui bonifient les liens entre les espaces de production et de consommation ? Enfin, comment
exploiter le potentiel des espaces culinaires dans l‘habitation collective pour créer ou re(créer)
un lieu convivial où il fait bon «manger ensemble» , un espace pivot des activités sociales et
familiales ?
Le défi consiste surtout à proposer une architecture résidentielle de qualité, adaptée aux besoins
des ménages d’aujourd’hui. Le mode d’habiter alternatif suggéré devrait, en offrant les
avantages d’un bon équilibre entre les parties privatives et collectives, tendre vers une meilleure
qualité de vie pour les usagers.
1.1 ANGLE D’APPROCHE
Bien que l’agriculture urbaine1 ne soit pas une pratique nouvelle, son intégration dans les plans
stratégiques de développement durable de grandes villes québécoises est quant à elle assez
récente (Wegmuller, 2010). L’intérêt grandissant pour l’agriculture urbaine amène la
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1!L’appellation agriculture urbaine est très large et désigne tout type de culture végétale en milieu urbanisé (Hista, 2007). Cette pratique recoupe différentes formes de culture et s’adresse à divers enjeux sociaux, économiques et environnementaux, dépendamment de son contexte. !
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multiplication des jardins communautaires et collectifs, notamment à Montréal et à Québec et
met en lumière les besoins des usagers de disposer d’un espace pour cultiver en ville (Reyburn,
2002). Toutefois, la disponibilité des terrains dédiés à une telle activité est restreinte et l’offre
actuelle en espaces productifs ne rencontre pas la demande des citoyens, particulièrement
dans les quartiers centraux (Hémond, 2011 ; Hista, 2007 ; Legault, 2010). Dans les jardins collectifs
des différents arrondissements de Montréal, par exemple, les délais d’attente pour l’accès à une
parcelle varient en moyenne entre 1 et 2 ans (Projet Montréal, 2012).
À Montréal et à Toronto, le verdissement et l’exploitation « verte » de nombreuses toitures au
centre-ville a également eu un fort succès et suscité l’appropriation de ces espaces
nouvellement cultivés par les citadins (Palassio, 2009). Différentes stratégies ont été explorées
pour permettre de jouxter l’agriculture urbaine aux bâtiments existants en milieux denses,
notamment l’ajout de serres permettant une culture à l’année. Par ailleurs, les techniques de
culture qui s’annexent aux bâtiments existants offrent des possibilités limitées quant à leur
intégration architecturale et à leur participation à la composition formelle et matérielle de
l’ensemble. De même, il semble que le système constructif devrait peser dans la façon dont le
bâti et l’agriculture urbaine coexistent. Ainsi, le design du bâtiment devrait être réalisé en
connivence avec celui des espaces de culture. La réflexion dans cet essai porte donc sur la
façon dont l’agriculture urbaine peut être intégrée dès l’étape de la conception, de manière à
bonifier le projet d’architecture et la qualité de vie des usagers.
À ce jour, les apports de l’agriculture urbaine dans la ville sont bien documentés, notamment en
ce qui a trait à la sécurité alimentaire, au rôle éducatif et aux impacts environnementaux qu’ils
impliquent. Par contre, le groupe de recherche Minimun Cost Housing Group de l’Université
McGill prône que « how growing can be integrated in housing and urban design at a fine grain
level has rarely been considered by designers» (MCHG, 2005:8). Cet essai (projet) s’intéresse à
l’apport d’un tel projet intégrateur pour le quartier, mais plus particulièrement à l’apport que peut
représenter l’agriculture urbaine pour le bâtiment et ses usagers à l’échelle domestique. Il s’inscrit
donc dans une démarche où l’agriculture urbaine est au cœur des préoccupations quant aux
relations personnes-milieux, sans toutefois nier l’importance des enjeux économiques et
environnementaux qui lui est associée.
Enfin, selon Ibelings (2008), dans bien des logements «la vie s’arrête à la porte d’entrée et
n’entretient pas de lien avec ce qui se passe à l’extérieur» (Bégout, Lussault et al. 2008 :241). En
ce sens, il semble important de se questionner sur les gestes quotidiens et sur leur incidence sur le
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milieu de vie. En réponse à ce constat général, l’essai (projet) s’intéresse à la façon dont la
culture, en lien direct avec une coopérative d’habitation, peut influencer le rapport des individus
avec la nourriture et ainsi redéfinir le lien entre le logement et les espaces productifs extérieurs.
L’essai traite donc plus spécifiquement du rôle des prolongements extérieurs, mais aussi de la
cuisine dans la maison sous l’angle de ce nouveau rapport à la nourriture et à la consommation
alimentaire. Le potentiel des espaces productifs et culinaires dans l’habitation comme
catalyseur de sociabilité est ainsi abordé. Finalement, les problématiques soulevées et le
contexte social particulier du Vieux-Limoilou ont orienté la proposition : un projet de coopérative
d’habitation qui intègre de l’agriculture urbaine y est proposé comme complément au tissu
résidentiel en place (Annexe 1).
1.1.1 POURQUOI UNE COOPÉRATIVE D’AGRICULTURE URBAINE ET D’HABITATION À LIMOILOU?
D’abord, les changements sociodémographiques se traduisent dans la composition des
ménages par une augmentation du nombre de ménage composés de personnes seules, de
personnes âgées et de familles monoparentales (Figure 1). On peut ainsi se questionner sur la
capacité des logements, autrefois conçus pour un certain type de ménage à répondre aux
réalités émergentes.
À Limoilou, les ménages du quartier sont composés d’environ le tiers de familles monoparentales,
de plus de 50% de personnes seules et de plus en plus de personnes âgées (Figure 1). Il semble
donc intéressant de chercher à combler, par le projet d’architecture, une demande en
logement pour ces types de ménages (Statistique Canada, 2012).
Figure 3. Le profil des ménages d'aujourd'hui Source : réalisé d’après <http://www12.statcan.ca/census-recensement/2006>
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
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Face aux besoins en mutation, la coopérative propose des avantages sociaux adaptés, où la
vie communautaire et le logement privé cohabitent, permettant notamment l’habitation multi-
générationnelle, l’entraide et la réduction de l’exclusion sociale. En effet, les diverses formes de
cohabitat, se qualifient par une communauté planifiée où plusieurs familles souhaitent
cohabiter, partager des aménités et assurer la prise de décision et la gérance de l’ensemble
(Côté, 1996 ; McCammant, 1988). Dans le contexte du Vieux-Limoilou, où la présence
d’exclusion sociale et de faibles revenus des ménages est marquée, les avantages liés au
cohousing, de même qu’à l’agriculture urbaine, pourraient représenter un enjeu socio-
économique important, à la fois en ce qui a trait au fort caractère communautaire de ces types
d’espaces et à la sécurité alimentaire qui lui est associée (Annexe 2).
!D’un point de vue environnemental, la coopérative permet également de s’adapter aux
changements climatiques, un enjeu de société important. En effet, une meilleure gestion des
ressources matérielles est favorisée par le partage d’équipements au sein du complexe
résidentiel (McCammant, 1988). De même, une meilleure gestion des ressources en terrain est
assurée par l’utilisation des espaces collectifs pour la culture et la production alimentaire et
entraîne des circuits courts de production, voire même l’autarcie alimentaire. Enfin, le site choisi
se trouve dans un secteur fortement marqué par les îlots de chaleur urbain. La transformation
d’un cœur d’îlot presqu’entièrement bâti en un îlot de fraîcheur productif pourrait donc
contribuer à diminuer ce phénomène, un souhait émis par le conseil de quartier de Limoilou en
octobre 2012 (Annexe 2).
1.2 DÉMARCHE
Cet essai (projet) aborde la notion d’appropriation des espaces collectifs d’un projet
d’habitation par le biais de l’agriculture urbaine. Dans une optique de ville résiliente, il aborde la
question des espaces résiduels, pittoresques et gazonnés en milieu urbain comme espaces
potentiels de culture. En ce sens, il reconnaît le rôle des espaces extérieurs d’un bâtiment
d’habitation collective comme support à la production alimentaire.
Cet essai (projet) s’intéresse également au caractère social associé à l’agriculture urbaine dans
la littérature et tente de cerner les caractéristiques formelles et spatiales des espaces productifs
susceptibles de générer des espaces de sociabilité dans un projet d’architecture. L’essai en
design urbain de Hémond (2011) constitue un bon point de départ en la matière puisqu’il se
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
5
penche sur l’étude des jardins collectifs de la région de Québec et établit certains critères pour
en évaluer les qualités formelles, en tenant compte de leur mode d’implantation dans les tissus
urbains.
La littérature documente également les habitudes de vie en matière de préparation et de
consommation alimentaires et en ce qui a trait au rôle de la cuisine dans l’habitation. Ces
informations permettent de comparer la façon dont la cuisine comme espace de vie est
conçue dans divers précédents architecturaux contemporains par rapport à la manière dont
celle-ci est abordée par les divers auteurs. Cette analyse vise surtout à comprendre les
différentes dimensions utiles à la conception comme les superficies requises pour les divers sous-
espaces, les patrons et les séquences de déplacement, la position relative de la cuisine dans le
logis et son rapport avec l’extérieur et les autres pièces du logement.
À travers l’analyse de divers précédents architecturaux, les relations entre les espaces productifs
et les espaces de préparation et de consommation alimentaires dans l’habitation font l’objet
d’une étude approfondie. Afin de mettre en lumière les liens qu’entretiennent ces divers
espaces, qu’ils soient intérieurs, extérieurs, collectifs ou privés, les notions de proximité, de
continuité visuelle et spatiale, de même que la nature des limites entre les espaces de
production et de consommation sont étudiées et permettent de comprendre la façon dont
celles-ci sont traduites architecturalement, notamment en ce qui a trait à la forme et à la
matérialité.
De même, puisque cette notion de limite s’avère porteuse pour le projet, son intérêt en termes
d’adaptabilité et de rapport intérieur/extérieur sont explorées dans des précédents
architecturaux qui n’allient pas nécessairement architecture et agriculture urbaine, mais qui
s’intéressent directement à ces concepts.
Enfin, la démarche de recherche-création proposée cherche à mettre en lumière la façon dont
l’architecture peut favoriser un nouveau rapport entre les individus et la nourriture dans un projet
d’habitation et d’agriculture urbaine. La carte de concepts suivante illustre les principales idées
abordées dans cet essai, tout comme les liens qui les unissent (Figure 2).
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
6
Figure 2. Carte des réseaux de concepts
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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2 | C A D R E C O N C E P T U E L
Cette section traite de l’agriculture urbaine comme outil potentiel d’appropriation des espaces
collectifs d’un projet d’habitation. Il aborde la question des espaces résiduels, pittoresques et
gazonnés en milieu urbain comme espaces potentiels de culture, dans une optique de ville
résiliente et environnementalement responsable. En fait, le rôle des espaces extérieurs d’un
bâtiment d’habitation collective est ainsi reconnu comme support à la production alimentaire.
2.1 LE POTENTIEL DE TOUS LES ESPACES : DE L’ESTHÉTIQUE À L’ESPACE PRODUCTIF
2.1.1 Les surfaces cultivables en milieu urbain
« treat every inch of space as valuable…» (Worrel, 2009 :24)
Mougeot (2006) prône l’importance de considérer les possibles surfaces cultivables dans la ville,
non pas en termes de terrain ou de surface au sol, mais bien en termes d’espace. En effet, il
considère que l’espace joue un rôle plus important que le terrain, dans le sens où celui-ci est
tridimensionnel et permet ainsi à l’agriculture urbaine de déjouer l’horizontalité et de prendre
une autre forme que celle des jardins conventionnels ou de la culture en sol, par exemple.
L’espace ainsi référé par Mougeot correspond non seulement aux terrains et à l’espace libre
comme surfaces potentielles pour la culture, mais également à la culture appliquée directement
aux surfaces des bâtiments. D’ailleurs, dans certains milieux très denses, la culture maraîchère
existe là où aucun terrain ou très peu d’espace au sol n’est disponible. Des techniques
alternatives à la culture au sol, de même que la création de surfaces à exploiter pour
l’agriculture urbaine sont ainsi développées et parfois même directement intégrées à
l’architecture. Beatley (2011) met également de l’avant l’idée de considérer les espaces
existants déjà construits en dur dans les environnements urbains denses comme des opportunités
pour intégrer de l’agriculture urbaine. L’auteur se penche d’ailleurs sur les interstices, les marges
et les espaces autour des bâtiments comme des lieux potentiels de culture dans la ville. Viljoen
(2005) traite également du potentiel des espaces inutilisés en ville pour la culture, mais à
l’échelle domestique ; il souligne que puisque l’agriculture urbaine peut incarner plusieurs formes,
« food growing can fit any unused corner in the ground, containers, or on building» (Viljoen,
2005 : 219).
Beatley (2009), quant à lui, propose de réinventer le jardin de la victoire contemporain : «the
downturn of the economy and the growing interest in local food suggest that this just might be
the perfect time to resurrect the victory garden» (Beatley, 2009 :51). Les jardins de la victoire,
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
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Figure 4. Une publicité des jardins de la victoire (1942)
!Source :http://www.nebraskastudies.org/0800/frameset_reset.html!
également appelés jardins de guerre, ont marqué l’histoire à l’époque de la Première et de la
Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis et au Canada, notamment. Durant cette période de
crise, les gouvernements incitaient les citoyens à investir les espaces gazonnés privés et publics
pour les transformer en espaces productifs, nécessaires à cette époque pour apporter à l’effort
de guerre (Boswell, 1943). Les
valeurs véhiculées à travers les
diverses formes de promotion de
ces jardins de la victoire au sein de
la population impliquaient non
seulement le consentement des
citoyens à convertir leur propre lot
en paysage comestible, mais
également à subvenir à leurs
propres besoins alimentaires
(Figure 3). Ce mouvement,
indispensable à cette période,
inspire Beatley (2011) dans sa
proposition des jardins de la
victoire d’aujourd’hui comme mode de transformation de l’environnement urbain actuellement
dominé par la pelouse et les jardins d’ornement. !
2.1.2. LA PELOUSE, LE JARDIN PITTORESQUE ET LE PAYSAGE COMESTIBLE
Les espaces occupés par des surfaces gazonnées ou des jardins d’ornement en milieu urbain
constituent des lieux potentiels pour la culture, au même titre que les espaces actuellement
inutilisés abordés précédemment. Par ailleurs, puisque l‘esthétisme est un critère très fortement
valorisé en Amérique du Nord dans l’aménagement des espaces extérieurs végétalisés, la
pelouse demeure encore aujourd’hui une culture omniprésente. Dès le début du XIXe siècle,
l’adoption graduelle du jardin anglais transformait peu à peu le paysage américain, mais la
diffusion de masse et la popularité de la pelouse n’apparut qu’après plusieurs décennies. Dès
1960, cet engouement pour les surfaces uniformes gazonnées a toutefois commencé à faire
l’objet de divers débats à l’ère de la conscience environnementale et de parutions importantes
sur le sujet, comme le Silent Spring de Rachel Bilson (Ford, 2000). Les impacts de la pelouse sur
l’environnement, que ce soit ses besoins en eau, en fertilisants ou en combustible pour la tonte
sont toujours problématiques aujourd’hui (Worrel, 2009). L’auteur H.C. Flores (2006) considère que
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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la pelouse contribue sérieusement à la dégradation rapide de l’environnement parce qu’elle est
une source de gaspillage de ressources et d’argent, mais soulève également la mauvaise
utilisation de l’espace associée à l’utilisation des espaces gazonnés. À cet effet, elle prétend
que ces derniers pourraient en moyenne produire des centaines de kilos de nourriture par
année.
Aujourd’hui, des mouvements privilégiant la production alimentaire et la transformation des
espaces conventionnellement recouverts de gazon apparaissent en milieux urbains et
périurbains. Le guerrilla gardening, et le travail de Fritz Haeg (2010) dans les banlieues
américaines, par exemple, s’inscrivent dans cette ligne de pensée où la culture maraîchère
détrône la valeur symbolique associée à la pelouse. La guérilla jardinière est un mouvement né
vers 1970 qui dénonce la rareté des terres, la mauvaise utilisation de l’espace et les abus
environnementaux (Reynolds, 2009). Le champ d’action du groupe vise en fait la
réappropriation des espaces publics délaissés par l’agriculture urbaine. Celui-ci s’attaque aux
terre-pleins, devantures de lieux institutionnels ou tout autres espaces urbains résiduels ou
abandonnés. En revanche, les écrits et projets de Haeg (2010) se concentrent plutôt sur
l’appropriation des espaces extérieurs privés, principalement les cours avant des maisons
unifamiliales de banlieue. Haeg (2010) remet en question l’utilisation de la pelouse comme
recouvrement uniforme, une «surface par défaut», qui s’impose comme monoculture et tend
vers une homogénéité et une conformité du paysage. La substitution de la traditionnelle pelouse
par un espace productif entraine une certaine biodiversité et l’apparition d’une distinction
locale en termes de culture. Ainsi, les surfaces gazonnées sont implantées dans tous les
contextes, indépendamment de la situation géographique et du climat, alors que le choix des
plants de fruits et légumes reflète les besoins inhérents à chaque type de plantation et sa
capacité à pousser dans tel ou tel type d’environnement (Viljoen, Bohn & Howe, 2005). Par
ailleurs, les auteurs soutiennent également que cette relève productive laisse place à une
certaine appropriation : «The inventiveness and opportunity for personalization in the design and
management of food growing areas is one of the most endearing characteristics.» (Viljoen,
Bohn, Howe, 2005 :219).
2.2 L’AGRICULTURE URBAINE ET L’APPROPRIATION DES ESPACES COLLECTIFS EN HABITATION
2.2.1 LES ESPACES PRODUCTIFS GÉNÉRATEURS DE SOCIABILITÉ
Le fait de cultiver les aliments transforme également la relation de l’individu avec la nourriture
par ce que Johnson (2011) appelle «the growing revolution». Cette révolution consiste, en fait, à
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
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redéfinir la connexion de l’homme avec la nourriture et, par le fait même, son rapport à la
consommation. Elle établit ce fort lien entre la culture maraîchère et la nourriture : «And
connection with food doesn’t get much closer than hands in the dirt» (Johnson,2011 : 7).
De même, les auteurs s’entendent sur le fait que le jardin est un élément rassembleur et
convivial. Cooper (2008) aborde l’idée que le jardin génère d’autres activités que le simple acte
de glaner. En effet, ce qu’il désigne comme les «garden-practices» incluent toutes les façons
d’occuper l’espace lié au jardin, que ce soit l’utilisation de l’emplacement pour une fête ou
comme lieu de rencontre ou d’exercice, par exemple.!Page (1995) considère que ces activités
«are not extraneous ‘necessities infringing on precious garden space’, but themselves ‘a form of
gardening’, at any rate a form of appropriate engagement with the garden» (Page, 1995 : 61).
Ainsi, les diverses activités pratiquées dans l’enceinte du jardin sont également considérées
comme faisant partie intégrante de celui-ci et vont bien au-delà de la simple culture
maraîchère.
Certains auteurs considèrent aussi le double rôle du jardin. En effet, Cooper (2008) souligne que
la rêverie est souvent liée à l’idée du jardin et que «many authors have been concerned to
emphasize the more ‘cerebral’ or ‘internal’ garden-practices to which the garden is hospitable-
those of contemplation, imagination, meditation, memory» (Cooper, 2008 :83). Selon l’auteur, le
jardin comme refuge d’un individu en quête de retraite, n’empêche pas ce même jardin d’avoir
un rôle tout à fait légitime comme lieu de socialisation.
Dans le même ordre d’idées, plusieurs auteurs reconnaissent le caractère social associé aux
activités de production alimentaire dans les jardins partagés, en termes de partage et
d’inclusion sociale notamment (Boulianne et al., 2010 ; Duchemin et al., 2010 ; Gorgolewski,
2011 ; Johnson, 2011 ; Massé et Beaudry, 2008). Dans la littérature, différents profils d’usagers
fréquentant les jardins partagés au Québec sont relevés ; les espaces productifs jouent alors un
rôle différent d’une personne ou d’un groupe à un autre et dépendent également des revenus,
de l’âge et du type d’habitat (Boulianne et al., 2010 ; Hémond 2011 ; Wegmuller, 2010). Les
motivations diffèrent pour une personne âgée qui s’adonne à la pratique de l’agriculture
urbaine en quête de valorisation ou pour son loisir, et pour une personne plus démunie pour qui
cette activité est synonyme de sécurité alimentaire, par exemple.
Dans son essai, Hémond (2011) analyse les jardins communautaires et collectifs de la région de
Québec et établit différents critères d’évaluation de façon à mettre en lumière les
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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caractéristiques formelles et spatiales des espaces productifs qui sont à la fois bien intégrés à leur
environnement et appropriés par les usagers. L’étude d’Hémond (2011) comprend également
une dimension urbaine importante en termes d’implantation des jardins et de leur participation à
l’espace public collectif. Dans le cadre de cet essai (projet) les enjeux urbains observés ne font
pas l’objet d’un développement exhaustif, mais l’argumentaire se concentre plutôt sur les
qualités spatiales des jardins partagés en ville.
L’accessibilité visuelle et physique, de même que les divers types d’usages et d’activités qui
interagissent avec ce jardin sont des aspects considérés dans le calcul de l’indice de qualité
formelle proposé par Hémond (2011). Cette accessibilité tient compte de la visibilité du jardin
depuis la voie publique et du type de limite en place en périphérie du jardin. L’absence de
barrière, clôture ou autre limite physique semble rendre le jardin plus invitant. Dans certains cas,
la présence de telles frontières aux abords de l’espace productif est souhaitée par les usagers
par souci de sécurité. Par ailleurs, l’encadrement du jardin par du bâti résidentiel s’avère être
une composante non-négligeable en matière de surveillance. En effet, la contiguïté avec des
arrière-cours d’habitation collective permet un certain contrôle et une sécurité naturelle contre
l’intrusion et le vandalisme. Ainsi, les clôtures et barrières ne sont pas nécessaires dans le cas où
le jardin se prévaut d’une relation étroite avec des espaces extérieurs résidentiels.
La présence d’un espace récréatif suffisant pour encourager les interactions sociales constitue
une autre qualité importante des jardins partagés. La présence de zones aménagées et de
mobilier urbain favorise l’appropriation et la sociabilité dans ce type d’environnement, que ce
soit une aire de jeu pour enfants ou un espace de détente, par exemple. Dans certains jardins,
des bacs de plantations surélevés, de même qu’un sentier accessible permettent également
aux gens à mobilité réduite de pratiquer l’agriculture urbaine. À cet égard, l’accessibilité
universelle des jardins partagés offre la possibilité à un plus grand éventail d’usagers de pratiquer
cette activité. Dans son analyse, Hémond (2011) remarque également qu’un meilleur
aménagement entraîne une occupation du site de plus longue durée par les usagers.
2.2.2 LA COUR AVANT ET SA RELATION À L’ESPACE PUBLIC : UN ESPACE OUBLIÉ Alors que la cour arrière est devenue, au fil du temps, un lieu de prédilection, la cour avant s’est
transformée en un espace sans réelle fonction, voire même un espace résiduel et inutilisé, soumis
aux règles du zonage. Elle prend parfois la forme d’une très mince bande gazonnée, peu
appropriable par les usagers, alors que dans les milieux moins denses, elle soutient une prise de
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position esthétique sous forme d’une généreuse surface gazonnée (Ford, 2000). «In most
neighborhoods, the ritual of pedestrians stopping to chat in front of a neighbor’s porch or stoop
has been replaced […] The backyard has developed to accommodate much of the activity
that once took place in front of houses » (Ford, 2000 : 60). À l’époque, la cour arrière était
destinée aux services comme la collecte des ordures, par exemple, alors que la cour avant était
un lieu de récréation et de socialisation, notamment pourvu d’équipements tels que des paniers
de basketball, par exemple. L’appropriation de la cour avant s’est toutefois amenuisée lorsque
les activités récréatives ont migré à l’arrière du bâtiment, apportant une plus grande intimité aux
résidents. L’apparition des patios et autres prolongements extérieurs, généralement situés dans la
cour arrière, a sans doute également contribué à la concentration des aménagements et
activités de ce côté du bâti (Ford, 2000).
Par ailleurs, dans ses récents projets, Haeg (2010) considère le potentiel des espaces productifs à
l’interface entre le bâti résidentiel, qui constitue un espace privé, et la rue, une voie publique,
comme moyen de contourner la tendance actuelle de s’isoler complètement du domaine
public et de pratiquer des activités seulement dans les cours arrière. Il estime qu’un
aménagement aux abords de la rue contribue à animer le domaine public en participant à la
vitalité de la rue, du quartier. Enfin, selon l’auteur, «the enclosed, cultivated space protected
behind the house is no longer a worthwhile model. The entire street must be viewed as a garden,
and by extension the entire city we are tending, and beyond» (Haeg, 2010 :21). Les projets de
l’architecte reflètent ainsi ce parti, puisque celui-ci transforme l’aspect traditionnel des cours
avant des banlieues américaines en véritable paysage comestible connecté à la rue et à ses
passants.
!2.3 UNE NOUVELLE APPROCHE PRODUCTION-CONSOMMATION ALIMENTAIRE
2.3.1 CONSOMMATION ALIMENTAIRE ET CHEZ-SOI : UN ENJEU ARCHITECTURAL
«Manger n’a jamais été qu’une petite affaire.»
(Kaufmann, 2006 :5)
Collins-Cromley (2010) considère que la nourriture est l’un des éléments qui influence le plus
fortement l’évolution de l’architecture. Une forte correspondance marque en effet le rapport
entre les courants alimentaires et les courants architecturaux, puisque les habitudes alimentaires
conditionnent la façon dont l’usager s’approprie et vit l’espace domestique, impliquant un
pendant dans la façon dont l’architecture répond aux besoins et pratiques de l’usager (Clarisse,
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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2004). À travers le temps, notre rapport à la nourriture aurait amené les diverses modifications et
transformations de la maison, plus particulièrement des espaces dédiés à la consommation dans
l’habitation. Ainsi, la cuisine, mais également la salle à manger et la terrasse extérieure se sont
transformées, autant dans leur forme, que dans le rôle qu’elles jouaient au sein de l’espace
domestique notamment face aux innovations touchant à la conservation des aliments ou à leur
cuisson (Collins-Cromley, 2010).
LES HABITUDES DE CONSOMMATION ALIMENTAIRE !Ce sont non seulement les habitudes de consommation alimentaire et le rapport de l’individu à
la nourriture, mais également les pratiques sociales et culturelles qui influencent l’environnement
bâti et les manières de vivre l’espace de la cuisine (Collins-Cromley, 2010). L’étude de l’utilisation
de la cuisine pour manger ou pour préparer les repas constitue donc une étape importante pour
identifier le rôle de cette pièce dans l’idéation de la domesticité et de la vie de famille dans la
société d’aujourd’hui (Freeman, 2004). En effet, les habitudes de vie et de consommation des
individus ne sont pas standardisées ; d’une famille à l’autre, au sein d’une culture relativement
homogène, le rapport à la nourriture ne sera pas nécessairement identique et il semble qu’au
sein d’une même famille, les repas n’aient pas exactement la même fonction (Clarisse, 2004).
Selon Clarisse (2004), le manque de temps, tout comme l’évolution du rôle des femmes dans la
société seraient à l’origine de la transformation de l’espace de la cuisine au XXe siècle. De
même, la diminution du temps de préparation des repas liée à l’accès aux préparations
« industrielles » constituerait une modification des habitudes de vie et des pratiques des usagers.
À cet effet, Kaufmann (2006) distingue deux types de pratiques dans la cuisine. L’une représente
l’action quotidienne de préparer les repas, une cuisine de l’ordinaire, répétitive, axée sur
l’économie de temps ; l’autre est événementielle, créative et marquée par un désir de rompre
avec la banalité. Il semble que le rythme imposé par la semaine et la fin de semaine implique
également une distinction dans l’usage de l’espace de la cuisine. En général, la cuisine
« monotone » serait plus souvent liée aux repas typiques des jours de semaine, alors que la
cuisine « inventive », plus ludique et appréciée, serait plutôt associée aux jours de fin de semaine.
La coexistence de ces multiples façons de vivre la cuisine, par le biais de pratiques diverses dans
la préparation des repas, soit «la cuisine ordinaire», la cuisine rapide en semaine et «LA cuisine»,
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celle du weekend, témoignent bien de l’importance de la notion de temps comme générateur
de diverses utilisations possibles de l’espace de la cuisine.
Il semble que la réponse architecturale au désir de l’usager de perdre le moins de temps
possible dans ses déplacements et ses actions aie également mené à une réduction de la taille
de la cuisine : « Pour gagner du temps, il faut perdre de l’espace» (Clarisse, 2004 : 11). Cette
diminution de l’emprise de la cuisine dans l’habitation associée au début du XXe siècle est
marquée par le taylorisme et l’efficacité. L’architecte Mario Botta remet en question la
rationalisation du temps et de l’espace et soutient qu’«on peut avoir plus de plaisir à faire dix pas
de trop dans sa cuisine qu’un demi-geste en moins» (Clarisse, 2004 :207). Le fonctionnalisme qui
caractérisait le rôle de la cuisine à cette période demeure ancré dans les mentalités et est
parfois encore prisé par rapport aux qualités formelles et expérientielles de la cuisine. Par contre,
il est possible de tirer certaines leçons de ce fonctionnalisme quant à la façon de concevoir les
différents espaces et équipements dans la cuisine, de même que les liens qu’ils entretiennent,
sans pour autant réduire la cuisine à un espace uniquement servant. Par exemple, la Figure 4
présente les esquisses de Christine Frederick (1913), une économiste domestique qui s’est
Figure 5. Analyse de deux dispositions dans la cuisine par Christine Frederick et comparaison entre les points de travail et les déplacements
Source : http://www.hungrycitybook.co.uk/blog/?page_id=14
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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penchée au début du XXe siècle sur l’analyse des séquences de travail pour améliorer
l’efficacité dans la cuisine. La Figure 4 dépeint sous forme d’analyse comparative deux
dispositions de cuisine sous l’angle des relations entre les différents points de travail et
équipements, de même que celui des déplacements encourus par la ménagère. Frederick s’est
particulièrement intéressée aux avantages d’une petite cuisine sans table dont les équipements
seraient disposés en périphérie. Ses réflexions innovantes sur l’ergonomie dans la cuisine et sur
l’importance de faire de ce lieu de travail féminin, un environnement domestique bien équipé,
l’ont aussi menée à s’interroger sur les différentes composantes de la cuisine à cette époque :
des surfaces de travail aux instruments culinaires (Rutherford, 2003). Bien que le travail de
Frederick ne constitue pas une panacée à appliquer à la cuisine d’aujourd’hui, elle demeure un
outil de compréhension des relations spatiales et des séquences de déplacement entre les
diverses activités de cette pièce.
Clarisse (2004 :210) soulève la question suivante : « Pourquoi ne pas remettre en question à
l’intérieur de l’habitation certaines de nos habitudes quotidiennes, si importantes pour notre
rapport au monde ? ». Ce questionnement rejoint la thèse de cet essai, au sens où l’exploration
d’une nouvelle façon d’aborder le rapport de l’individu à la nourriture dans l’habitation est mise
de l’avant comme piste porteuse pour la conception du logement et de l’ensemble résidentiel.
LA PLACE DE LA CUISINE DANS L’UNIVERS DOMESTIQUE !Au début du XXe siècle, la cuisine était destinée aux tâches domestiques ; elle symbolisait
principalement un lieu de travail (Clarisse, 2004). La cuisine dans la maison est ensuite passée
d’un lieu de production à un lieu de consommation alimentaire, destinée à une seule ou à
plusieurs fonctions (Parr, 2002). Aujourd’hui, la cuisine n’est plus seulement le lieu où l’on cuisine,
mais bien un espace pivot des activités familiales (Baden-Powell, 2005). Par exemple, il n’est pas
rare de constater que les enfants s’y retrouvent après l’école pour étudier ou que les parents y
demeurent après le repas, une fois les tâches terminées, seulement pour y discuter. La cuisine est
ainsi passée d’une pièce de service, d’un espace purement fonctionnel à une pièce à vivre, où
l’on y découvre le plaisir d’habiter. Ainsi, le décloisonnement de la cuisine a certainement mené
à de plus forts rapports entre celle-ci et les autres pièces de vie de l’espace domestique. La
cuisine est reconnue aujourd’hui comme le lieu fondamental des relations sociales et
interpersonnelles au sein de l’espace domestique (Freeman, 2004). En effet, par opposition aux
autres pièces de la maison qui sont généralement plus privées, la cuisine multifonctionnelle se
définit comme un important espace de sociabilité, comme un espace convivial partagé.
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
16
Bien que la cuisine constitue un lieu de prédilection pour prendre les repas, son importance dans
la maison n’empêche pas que d’autres espaces domestiques soient également utilisés au
moment des repas, tels que le séjour, soit pour la prise d’un repas festif en groupe, ou d’un repas
de type plateau-télé sur un canapé, par exemple. Les espaces extérieurs comme le balcon ou
la terrasse sont également des lieux alternatifs à la cuisine pour la préparation et la
consommation des repas (Clarisse, 2004). Par ailleurs, Collins-Cromley (2010) n’aborde pas ces
espaces comme étant séparés et distincts. Elle qualifie plutôt l’apparition de cette dispersion des
pratiques alimentaires aux autres pièces comme la «boundaryless kitchen». Selon l’auteure, dès
la fin du XXe siècle, la cuisine ne dispose plus de limite : elle s’épand et s’étale, se greffant aux
autres pièces de la maison. Cette nouvelle cuisine s’associe par exemple au salon, pour devenir
une pièce confortable, informelle et de détente. Les espaces extérieurs adjacents à la cuisine
sans limite deviennent une extension, se transforment en prolongement de cette pièce
informelle (Collins-Cromley, 2010 :222).
LA CUISINE CONTEMPORAINE !L’analyse de la cuisine contemporaine par le biais de précédents architecturaux est
principalement étudiée afin de se familiariser avec les dimensions et particularités spatiales et
techniques de cette pièce. Elle a plus servi à comprendre les relations entre les divers espaces et
sous-espaces et la façon dont les déplacements encourus et le positionnement des plans de
travail et équipements influent sur l’interaction entre les usagers. La monographie Detail in
Contemporary Kitchen Design a été très utile à cet effet puisqu’elle étudie la cuisine à une
échelle fine et technique. La consultation de ce document a ainsi été fort pratique pour
l’avancement du projet, notamment pour le positionnement et la dimension de la pièce et des
des équipements.
Les cuisines ont été analysées selon différents critères, notamment en ce qui a trait à la
configuration spatiale des plans de travail, de même qu’à l’emprise et à la matérialité de ceux-
ci. De même, la façon d’occuper la cuisine et les relations de celle-ci avec les autres pièces a
été étudiée. Dans le cas de l’annexe 3 A, on dénote dans l’analyse illustrée du projet House for
Musicians qu’un usager qui cuisine fait nécessairement dos aux autres usagers dans la pièce. La
pièce est toutefois bien connectée avec les autres pièces de vie, espace de circulation et
terrasse, à la fois en termes de continuité visuelle et physique. Les aspects positifs et négatifs
associées à ce type d’aménagement sont soulevés. L’annexe 3 A présente donc un exemple de
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17
la méthode d’analyse employée et appliquée à chaque projet, alors que l’annexe 3 B illustre
plutôt les résultats obtenus sous forme de tableau comparatif des différents projets.
2.4 VERS UN MODÈLE ALTERNATIF : LE «PARCOURS» ALIMENTAIRE !La nourriture façonne l’environnement bâti. Celle-ci est donc une ressource non négligeable en
matière de programmation architecturale ; il faut donc aborder la nourriture comme un outil
conceptuel, de design, pouvant avoir une incidence directe sur notre façon de vivre ou de
concevoir notre rapport à la consommation différemment (Steel, 2009). Gorgolewski (2011)
partage également l’idée que les connexions entre les questions d’alimentation et les formes
bâties peuvent potentiellement modifier les composantes du système alimentaire contemporain.
Face à l’individualisation grandissante des pratiques culinaires (Kaufmann, 2006), n’est-il pas
opportun de se questionner sur la façon dont l’architecte peut aborder les espaces de
consommation et de préparation alimentaire comme catalyseur de la vie sociale et
familiale dans un projet d’architecture? Ce nouveau rapport à la nourriture pourrait se traduire
par une programmation innovante au sein des diverses typologies de logements et immeubles
résidentiels collectifs ou de nouvelles promiscuités entre des fonctions mixtes dans les milieux
urbanisés. La possible contiguïté de l’habitation et de la culture maraîchère est soulevée par
Gorgolewski (2011), qui insiste qu’un «dialogue between designers and inhabitants that has the
potential to create residences that can accommodate a new way of life in which food
production is an integral part of the home environment» (Gorgolewski, 2011 : 115). La
coexistence de l’agriculture urbaine et de l’architecture en milieu urbain prend ainsi tout son
sens.
En somme, le rapport de l’individu à la nourriture a certainement eu une forte influence à la fois
sur ses pratiques et ses habitudes de préparation et de consommation des aliments, mais
également sur la façon dont celles-ci ont transformé son rapport à l’espace. De plus, ces
changements comportementaux ont indubitablement modifié la façon dont la cuisine a évolué
à travers le temps. Finalement, la nouvelle façon d’aborder l’habitat collectif en milieu urbain
s’inscrit dans une approche personne-milieu visant à questionner l’environnement bâti comme
influent sur le rapport de l’homme avec la nourriture.
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
18
2.4.1 LES CARACTÉRISTIQUES SPATIALES ET FORMELLES ENTRE PRODUCTION ET CONSOMMATION : LE «PARCOURS» ALIMENTAIRE
Dans cette stratégie alternative, où le rapport à la nourriture et à la socialisation est mis au
premier plan, les espaces de production et de consommation dans l’habitation entretiennent
des liens étroits. Les caractéristiques spatiales et formelles des espaces de production et de
consommation, de même que les relations entre ces deux types d’espaces sont analysées à
travers différents précédents architecturaux, d’échelles variées, qui allient un programme
composé d’habitation multifamiliale et d’agriculture urbaine(Annexe 4).
Ces précédents (construits ou non) sont étudiés sous l’angle de la continuité visuelle et physique
entre les espaces de production et de consommation alimentaires, des types de limites qui
ponctuent ces parcours, de la proximité entre la cuisine et les zones de culture, de la
configuration spatiale et des proportions dédiées à ces deux types d’espaces (Annexe 4).
L’échantillon se compose ainsi de quatre projet : le 60 Richmond, le MpH, l’Agro-House et le
Bosco Verticale. D’abord, le projet 60 Richmond consiste en une coopérative de résidences
pour travailleurs de 10 étages, située à Toronto et axée sur les stratégies éco-énergétiques, mais
également sur les espaces partagés intérieurs et extérieurs. MpH, est un complexe d’habitation
collective de 8 unités établie à Montréal qui allie, d’une part, une réhabilitation de bâtiments
existants et d’autre part, une construction nouvelle. De plus, ce projet met au premier plan
l’alimentation comme concept programmatique. Le projet Agro-House, conçu dans le cadre
d’un concours international, en Chine, s’intéresse également à l’agriculture urbaine et à son
rapport avec l’habitation collective. Enfin, le projet Bosco Verticale, est un projet en cours de
construction depuis 2006 à Milan, qui s’intéresse aux ambiances physiques et qui tend à
amenuiser le rapport entre les espaces intérieurs et extérieurs par le biais d’une intégration
réfléchie de la végétation.
En ce qui a trait à la continuité visuelle et physique entre les zones de culture et l’espace de la
cuisine, des distinctions majeures apparaissent lorsqu’on aborde la question du privé et du
collectif. En effet, la continuité entre les zones de culture privées et la cuisine des locataires est
souvent exploitée. Cette continuité visuelle et physique est synonyme de perméabilité entre les
différents espaces, notamment dans le cas du projet Bosco Verticale, où les prolongements
extérieurs sont en lien avec les pièces de vie (séjour et cuisine). Dans la majorité des projets
étudiés, le séjour est la pièce favorisée pour un contact avec la terrasse ou le balcon. La cuisine
se trouve toutefois souvent en relation avec le séjour, pour une séquence cuisine-séjour-espace
productif. Par ailleurs, bien que la continuité visuelle soit souhaitable entre les espaces de
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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production et les logements, ceux-ci sont souvent séparés par l’espace de circulation. En effet,
dans tous les projets étudiés, l’espace productif collectif est en relation visuelle et physique avec
le système de distribution des logements, que celui-ci soit vertical ou horizontal. Par exemple,
dans le projet Agro-House, l’espace de circulation horizontal est directement en lien avec
l’espace productif partagé ; les locataires sont donc amenés à être en relation avec l’espace
cultivé dans leur parcours entre l’extérieur du bâtiment et leur logis.
Les limites qui marquent les séparations entre les espaces productifs et les logements se
présentent sous formes de frontières franchissables, infranchissables ou amovibles. Dans le cas du
projet 60 Richmond, cette limite est infranchissable entre l’espace de circulation horizontal et
l’espace productif puisque ceux-ci ne se trouvent que très rarement au même niveau. Par
contre, puisque l’espace distributif intérieur est vitré, la relation visuelle demeure possible entre
les deux espaces. Dans la plupart des cas, cette limite est franchissable par une ou deux portes
entre les espaces productifs privés et les logements.
Dans le projet MPH, la limite entre les espaces productifs partagés et les autres fonctions
collectives du complexe résidentiel se matérialise de diverses façons. Au niveau supérieur, des
serres sur les toits sont en étroite relation avec une terrasse partagée. Ces serres sont composées
de panneaux amovibles, qui favorisent une adaptation de l’espace au gré des saisons. Ainsi, la
limite entre l’espace productif et les espaces de détente collectifs disparaît en été, pour ne
laisser place qu’à un seul grand espace. Ce projet inclut également une paroi composée de fils
métalliques, où la végétation grimpe, qui agit comme filtre entre l’espace de circulation vertical
et la cour, comme limite visuelle entre ces deux fonctions. Le projet MPH est également le seul
qui marque la séparation entre l’intérieur du logement et l’espace productif par une limite qui
devient pièce habitable. En effet, certains logements disposent d’un espace intérieur/extérieur
privé, qui joue à la fois le rôle de jardin d’hiver ou de terrasse intérieure. Les parois qui séparent
l’intérieur, la pièce intérieure-extérieure et l’extérieur sont toutes deux composées d’ouvrants,
permettant une adaptabilité de cet espace selon les besoins ou les préférences des usagers.
Dans certains cas, notamment dans le projet 60 Richmond, les superficies des espaces productifs
et culinaires des logements sont beaucoup plus importantes que celles relevées dans les autres
projets à l’étude. Dans plusieurs logements de ce projet, la proportion des espaces extérieurs
productifs associés au logement s’élève même à 50% de la superficie du logement, offrant ainsi
de très généreux espaces pour la culture. Par ailleurs, puisque ce projet est dense et situé en
milieu urbain et qu’il ne dispose d’aucun espace au sol pour cultiver, deux terrasses collectives
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
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plantées au 2e et au 6e étage sont accessibles à tous les locataires. Ainsi, les superficies
importantes dédiées aux espaces productifs collectifs s’ajoutent à l’espace collectif productif
privé et augmentent encore plus ce fort rapport.
En ce qui a trait aux cuisines, elles représentent, en moyenne, environ 20% de la superficie totale
du logement. Dans le 60 Richmond, les logements les plus petits sont ceux qui disposent d’une
plus grande proportion cuisine-logement, avec une superficie de 42% destinée à la cuisine, alors
que dans les logements de quatre chambres, 25% de la surface de plancher est octroyée à la
cuisine. Ce rapport s’explique par le fait que la superficie de la cuisine demeure la même pour
tous les logements, que ceux-ci se composent d’une seule chambre ou de plusieurs. Dans les
autres projets, il semble plus plausible de voir que ce pourcentage ne fluctue pas d’une
typologie de logement à l’autre, offrant ainsi une cuisine de taille proportionnelle au nombre
d’occupants dans chaque unité.
Dans la moitié des précédents qui ont fait l’objet de cette étude, les espaces productifs
collectifs sont orientés plein Sud, pour un maximum d’ensoleillement naturel. Par ailleurs, ceux-ci
sont parfois disposés au Sud-Ouest, à l’Ouest, à l’Est et même au Nord, dépendamment de
l’implantation du bâti et des espaces disponibles pour la culture. Il semble qu’au niveau des
espaces productifs privés, toutes les orientations sont favorisées, puisque l’importance semble
être accordée à des logements traversants dans certains cas, ou simplement à l’accès à un
espace extérieur pour tous. En effet, l’agrégation des différentes unités, le souci d’un front bâti
sur rue, de même que l’intégration des issues, circulations et services nécessaires semblent avoir
influencé l’emplacement des espaces destinés à la culture.
2.4.2 LA LIMITE : PISTE DE RÉFLEXION POUR LA RELATION JARDIN-CUISINE La limite, ayant fait l’objet d’une analyse comparée dans la section précédente, est ici analysée
dans deux projets de l’architecte Takeshi Hosaka où l’agriculture urbaine n’est pas intégrée. Il
s’agit dans ce cas de comprendre comment l’architecte traite du rapport intérieur/extérieur.
Dans le projet, Inside House and Outside House (Annexe 5), l’architecte cherche à accentuer la
relation de l’espace domestique avec l’extérieur : «by building “inside house” together with
“outside house” where you can treat those things such as nature, rain water, soil, sand, animals,
insects and birds that were eliminated by the modern architectures and cities, and acts which
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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are originally supposed to be outside the house» (Archdaily, 2011). La limite n’est alors plus une
surface, une paroi ou un seuil, elle devient tridimensionnelle : la pièce comme limite. Ce lieu
hybride entre l’intérieur et l’extérieur est ainsi une autre façon d’aborder la connexion qui peut
s’établir entre le logement et le jardin. Dans l’analyse des divers projets alliant agriculture urbaine
et habitation, la limite se matérialisait dans la majorité des cas comme une paroi plus ou moins
perméable, adaptable ou amovible. Dans le projet d’Hosaka, la Outside House, l’espace créé
par les interstices entre les divers corps de bâtiments est considéré comme pièce à vivre ; il agit
comme une extension de l’habitat.
Dans son projet Outside In, l’architecte japonais se préoccupe encore une fois du rapport
intérieur/extérieur, de même que la séquence d’espaces entre ces deux états. Ainsi, bien que
l’architecte qualifie chacun des espaces du projet dans le schéma (Annexe 5) les usagers «often
live a life in which they feel themselves being outside even while being inside» (Dezeen, 2011).
Son travail au niveau de l’adaptabilité de l’espace permet d’habiter la limite, qui, dans ce cas
est assez séquentielle. Celle-ci est traitée comme un espace, comme une pièce, comme une
limite tridimensionnelle. L’espace ainsi défini devient jardin d’hiver et est habitable en toute
saison, modifiant la façon dont les usagers peuvent occuper l’espace intérieur/extérieur créé.
Les parois, tantôt plus fixes, tantôt coulissantes et même pliables agissent comme intermédiaires
dans cette séquence intérieur-limite habitée-extérieur.
L’architecte ne cherche pas à brouiller la frontière entre l’intérieur et l’extérieur, mais plutôt à
l’épaissir, de façon à la rendre habitable. Cette nouvelle entité pourrait se traduire, dans un
projet alliant agriculture urbaine et habitation, comme une pièce où s’interpénètrent les
fonctions : un espace hybride mi- cuisine/mi- jardin. La limite, telle qu’étudiée dans divers
précédents architecturaux a particulièrement été porteuse, dans l’idée du jardin comme
prolongement du logement et de la cuisine comme prolongement du jardin.
3 | L E P R O J E T
La présente section décrit le projet d’architecture développé à la session d’hiver 2013. En
réponse aux défis et constats soulevés, le projet prend la forme d’une coopérative gourmande
d’habitation et d’agriculture urbaine dont le programme se compose de 31 logements et de
diverses fonctions associées à la production et à la consommation alimentaires, telles qu’une
généreuse cuisine collective, un commerce alimentaire et un grand jardin collectif.
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
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3.1 MISSION ET OBJECTIFS
MISSION
Faire cohabiter l’agriculture urbaine et l’architecture résidentielle dans un projet d’habitation
collective en milieu urbain dense en exploitant à l’échelle domestique les espaces productifs et
culinaires comme générateurs de sociabilité.
Revisiter les liens entre les espaces de production et de consommation dans un complexe
résidentiel contemporain au plan des usages, de l’implantation, de la matérialité et des
prolongements pour bonifier l’espace domestique du chez-soi, de même que les espaces
partagés.
OBJECTIFS DE DESIGN
Des objectifs de design, porteurs pour la conception architecturale, ont été établis en fonction
des enjeux et des constats du cadre conceptuel :
Parcours production-consommation et sociabilité
- Revisiter les espaces traditionnels de «cuisine» et de «jardin» et le lien qui les unit pour bonifier le
«parcours» production/consommation de l’usager, que ce soit dans le logement, hors logement
ou dans les espaces collectifs.
- Aménager l’ensemble pour que les espaces productifs contribuent au caractère
communautaire de la coopérative et que les aménagements et équipements communs
améliorent le «vivre ensemble». Les qualités formelles et spatiales des espaces communs devront
être pensés de façon à favoriser les échanges et la convivialité dans le projet d’architecture.
- Traiter l’interface entre l’agriculture urbaine et l’architecture pour enrichir l’expérience
sensorielle de l’usager dans son «parcours».
Appropriation
- Intégrer de façon réfléchie des espaces productifs en lien avec les logements qui prennent
forme à la fois comme espaces appropriables collectifs, mais également comme espaces
appropriables privés qui favorisent la personnalisation par les usagers.
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- Exploiter le potentiel que représentent les surfaces inoccupées dans un projet d’habitation
collective et intégrer de façon réfléchie des espaces productifs en lien avec les fonctions
associées au programme et les caractéristiques propres au site choisi.
- Traiter la contiguïté de l’agriculture urbaine et de l’architecture à l’échelle domestique, de
façon à créer des espaces habitables, agréables et confortables pour les occupants.
3.2 UN SITE QUI SIED AU PROJET Le site choisi s’inscrit dans le Vieux-Limoilou, au cœur d’un secteur en redéveloppement axé sur
le résidentiel, où est notamment prévu le projet d’éco-quartier de la Pointe-aux-Lièvres et où est
actuellement en construction la phase deux de la coopérative des Bons amis (Annexe 6). Le site
a également été choisi pour son accessibilité automobile et piétonne et sa proximité avec les
réseaux de transports en commun et de pistes cyclables (Annexe 6). Celui-ci se trouve
également dans un secteur d’intérêt marqué par l’École de cirque de Québec et les
commerces de la 3e avenue dans un rayon de 400 mètres (Annexe 6).!!!!
Le quartier se distingue par sa
densité résidentielle, par sa trame
orthogonale formée par la
rencontre de rues et d’avenues
perpendiculaires et par
l’implantation de son bâti au
pourtour d’îlots bordés d’arbres et
desservis par des ruelles en «H».
Son type portant, le triplex (Figure
5), se caractérise par la
superposition de trois logements,
chacun d’eux disposant d’une
adresse sur rue et d’une issue du côté de la ruelle. Les triplex limoulois sont majoritairement
mitoyens et habituellement implantés avec une marge de recul de 3 mètres, sur des parcelles
d’environ 7 mètres de front (Després & Larochelle, 1996). L’architecture particulière de Limoilou
est reconnaissable à ses escaliers extérieurs métalliques, d’une volée en façade, à ses grands
balcons avant qui favorisaient, à l’époque, le voisinage côté rue et donnaient même lieu à «un
mode particulier de sociabilité urbaine dans ce quartier» (Després & Larochelle, 1998 : 70).
Figure 6. Le triplex, type portant du quartier
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Le site d’intervention est présentement occupé par des garages automobiles, un commerce de
pierres tombales et un stationnement sur l’îlot formé par la 7e et la 8e rue, en bordure de la 1ère
avenue (Annexe 6). La superficie du site pour l’intervention est d’environ 5000m2 (Figures 6, 7 et
Figure 7. Vue du site depuis la 8e rue
Figure 8. Vue du site depuis la 1ère avenue
Figure 8. L'occupation actuelle de l’îlot et identification du site choisi
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8). Le site présente un fort potentiel de transformation et de densification. En effet, la perte de la
vocation commerciale automobile de la 1ère avenue a amené la dévitalisation et le déclin des
nombreux espaces commerciaux liés à l’automobile de cette rue importante du quartier. La
présence des garages, de leurs équipements et stationnements, tout comme les limites
physiques présentes sur le site, restreignent l’appropriation des ruelles par les résidents (Annexe
7). Ainsi, l’intégration d’un ensemble résidentiel à cet endroit favorise non seulement une
requalification de l’îlot, mais aussi une réappropriation du site et des ruelles attenantes par les
résidents. De plus, la densification de ce site contribuerait à mieux définir et à encadrer les voies,
soient la 1ère avenue et la 8e rue, contribuant ainsi à améliorer l’espace public collectif.
Dans son essai en design urbain, Hémond (2011) s’intéresse aux jardins partagés en milieux
denses à Québec. Le recensement de l’emplacement des différents sites occupés par des
jardins partagés dans la ville montre que le site choisi ne se situe pas dans la «zone de proximité»
des jardins existants. Ainsi, le projet s’insère dans un secteur où les résidants n’ont justement pas
accès à un jardin partagé (Annexe 8).
Le projet proposé s’inscrit aussi en complément du futur éco-quartier de la Pointe-aux-Lièvres qui
intègre également l’agriculture urbaine à son programme. Par ailleurs, il semble que Limoilou
pourrait bénéficier de la conjugaison d’agriculture urbaine et de logements dans tous les
nouveaux projets d’habitation, de façon à donner accès à un plus grand nombre de résidents à
cette nouvelle façon de vivre et cultiver en ville.
3.3 STRATÉGIES D’IMPLANTATION
La coopérative proposée s’implante sur l’îlot entre la pharmacie existante avec façade sur la
1ère avenue et 11 bâtiments résidentiels, dont 6 triplex.! Puisque le projet s’insère dans un îlot
partiellement construit, les marges de recul, de même que le gabarit, ont été dictés par le bâti
existant (Annexe 9). En ce sens, une analyse du contexte immédiat montre bien la présence des
triplex dont le rythme est assez régulier, de même que la présence de bâti de plus fort gabarit du
côté sud de la 1ère avenue, conséquence d’une construction plus récente suite à la
transformation des berges de la rivière Saint-Charles (Figure 9 a). Dans le souci de créer une
architecture respectueuse de son milieu, le projet se compose en écho à son contexte, avec
une trame rythmée d’unité qui reprend une largeur similaire à celle des triplex existants et avec
un bâti plus imposant, pour marquer le coin à l’angle de la 1ère avenue et de la 8e rue.
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L’ensoleillement est primordial afin de créer
un cœur d’îlot productif et habitable (figure 9
b). Le bâti est donc implanté de façon à
favoriser une importante entrée de lumière
naturelle dans la cour. La forme et la hauteur
du nouveau bâti sur la 7e rue laissent pénétrer
la lumière en toute saison pour l’agriculture
urbaine ou pour des activités hivernales. Le
besoin en lumière naturelle à longueur
d’année a également dicté l’emplacement
de serres sur les toits.
Il était important de favoriser une forte
relation entre les espaces collectifs du projet
et la voie publique afin de participer à
l’animation urbaine sur la 1ère avenue. Le coin
qui fait face au passage Anderson est
d’autant plus important puisqu’il se trouve
dans la continuité visuelle et est ainsi
directement lié au parcours de la rivière Saint-
Charles. La connexion du site avec les ruelles
voisines est également privilégiée pour
encourager la perméabilité de l’îlot (Figure 9
c). Les ruelles nouvelles ruelles sont toutefois
traitées différemment puisque l’une d’entre
elles devient piétonne et l’autre est plutôt
abordée comme une ruelle partagée, où la
voiture peut circuler, mais où le marcheur a
priorité. L’ajout de cases de stationnement sur
rue au niveau de la 7e rue (impossible
auparavant à cause des nombreuses
entrées du garage) permet de libérer plus
d’espace en cœur d’îlot. Ainsi, l’espace réservé au stationnement pour du covoiturage se limite
à une portion restreinte de la ruelle, qui devient l’espace collectif extérieur du complexe
Figure 9. Les considérations importantes pour l'implantation
c) Les connexions urbaines via les ruelles
b) L’ensoleillement et le dégagement en cœur d’îlot
!
a) Le gabarit des bâtiments existants et rythme des unités
8 e rue 7e ru
e
2e avenue
1ère avenue
8 e rue 7e ru
e
2e avenue
1ère avenue
8 e rue 7e ru
e
2e avenue
1ère avenue
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résidentiel. De cette façon, l’appropriation des ruelles et leur potentiel comme support de la vie
collective et sociale de l’îlot, anciennement entièrement bâti, est d’autant plus mise de l’avant
par la diversité d’activités que suggère un tel type d’aménagement.
Tel que soulevé lors du Conseil de quartier d’octobre 2012, les résidents souhaitent voir
apparaître à Limoilou une «ruelle de démonstration», afin de mettre en vitrine différents types
d’aménagements qui pourraient être répétés par les occupants des îlots du quartier. Dans le
projet, une ruelle de démonstration, où l’agriculture urbaine serait au premier plan, pourrait
mettre à l’avant-scène différentes techniques de culture et encourager les résidents des îlots
voisins à s’approprier leur ruelle, tout en la verdissant (Figure 10).
Dans une optique de paysage urbain productif, une ruelle d’arbres fruitiers est aménagée et
pourrait être répétée dans les îlots voisins et marquer un parcours dans le quartier où chacune
des ruelles serait plantée d’une essence différente (prunier, pommier, noisetier, etc.) (Figure 10).
Figure 9. La nouvelle coopérative dans le quartier Source : Google Maps
!
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3.4 PROGRAMME
Les principales fonctions du projet regroupent les notions d’habiter, de préparer/manger et de
produire (Figure 11 a). Des espaces partagés (extérieurs et intérieurs) et commerciaux
complètent le programme; on retrouve entres autres, un commerce de proximité, des
équipements collectifs pour les résidents, parfois accessibles aux gens du quartier, notamment
dans le cas de la buanderie, et de multiples espaces dédiés à l’agriculture urbaine (Figure 11 b).
Dans le but de concevoir une architecture prenant en compte les besoins des occupants,
différents types de logements sont développés en lien avec les caractéristiques
sociodémographiques des résidents
du quartier, tel qu’abordé dans la
section 1.1.1.
L’importance associée à la cuisine dans le projet d’habitation collective donne lieu à la
formalisation de trois types de cuisine, chacune ayant un rôle différent dans la coopérative et
s’adressant à différents types de ménages (Figure 12). Les ménages composés d’une personne
Figure 10. Revisiter le rapport de l'individu avec la nourriture: a) fonctions de base, b) fonctions complémentaires
b) a)
Figure 11. Cuisiner le projet: 3 façons de vivre l'espace de la cuisine
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seule, d’une famille, de colocataires ou d’une cohabitation multi générationnelle y trouvent ainsi
leur compte dans le complexe résidentiel.
À l’échelle de la coopérative, on retrouve diverses fonctions du domaine culinaire au rez-de-
chaussée, soit un café et un mini marché de type slowfood où des produits de la coopérative
pourraient être vendus sur la 1ère avenue. Il y a également une salle de cours de cuisine et une
généreuse cuisine collective qui bordent la ruelle culinaire, véritable porte d’entrée vers la cour
et lieu qu’on traverse «dans la cuisine» (Figure 13). On retrouve également diverses fonctions liée
aux plaisirs culinaires : de plus petites cuisines à sous-louer, un coin cuisine pour les tout-petits,
beaucoup d’espaces de rangement, etc. (Figure 14)
Figure 12. La ruelle culinaire, porte d'entrée de la coopérative
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Figure 13. Plans du rez-de-chaussée, de l'étage et de la mezzanine
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Figure 14. Plans du rez-de-chaussée, de l'étage et de la mezzanine
15
16 17
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3.5 CONCEPT ET FORMALISATION
La contiguïté recherchée entre agriculture urbaine et habitation, de même que les notions
abordées dans le cadre théorique, ont suggéré des pistes de solution et orienté les décisions
formelles. Le rapport de l’individu avec la nourriture a ainsi guidé la démarche exploratoire, où la
cuisine, le jardin et leur interrelation ont agi comme moteur de conception.
Cuisiner dehors, dedans, cuisiner ensemble, au quotidien : Colligere se veut un projet où
l’essence de la vie centrée sur la cuisine, sur la bouffe, est mise au premier plan (Figure 15). Cette
idée de cuisine omniprésente a défini le parti architectural et précisé les intentions quant à la
formalisation et la matérialisation; il était important que l’on puisse sentir les cuisines de
l’extérieur, percevoir les comptoirs et l’épaisseur de la crémaillère qui se poursuivent hors du
logement et que l’on distingue les volumes des boîtes à lunch qui se projettent en porte-à-faux.
De même, les espaces culinaires se démarquent par une matérialité qui leur est propre. Les
volumes destinés aux cuisines sont en bois et contrastent avec le matériau de brique utilisé pour
les espaces plus statiques du projet, soit la partie plus privative du logement : les chambres et la
salle de bain. Ce matériau a été choisi pour favoriser une bonne intégration à la fois aux triplex
déjà présents sur l’îlot, mais également au quartier.
Le concept qui unit toutes les
cuisines dans le projet est: la
cuisine dans le jardin, le jardin
dans la cuisine.
D’abord, cette idée prend la
forme des pique-niques verticaux,
c’est-à-dire des interstices mi-
jardin/mi-cuisine partagés, situés
côté cour, qui deviennent des
lieux de socialisation dans
lesquels toutes les cuisines
viennent s’ouvrir (Figure 16). Ces
espaces tempérés permettent de
tirer profit de l’alternance des
saisons et de maximiser l’espace Figure 15. La rencontre des gastrosophes: cuisiner en tout temps
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de vie des usagers, à la manière de la cuisine d’été d’autrefois. Les pique-niques verticaux
bonifient le logement en favorisant l’appropriation d’un espace intérieur/extérieur, à la fois
continuité du jardin et poursuite de la cuisine, tout en abritant la ciculation verticale. Le pique-
nique vertical est ainsi la réponse architecturale aux différents concepts abordés. Comment est-il
possible de traiter la notion de limite entre ces deux types d’espaces, abordée dans le cadre
conceptuel ? Comment la matérialiser ? Quel rôle joue-t-elle dans le projet ?
Le pique-nique vertical est ainsi imaginé de la même manière que la Outside House de Takeshi
Hosaka, au sens où il devient une pièce supplémentaire au logement, un espace appropriable
de diverses manières. L’architecte japonais définit son projet en deux temps :
«The “inside house” includes rooms where a family of four people can live in comfort,
places equipped with water supply and electric appliances, etc. It consists of an
entrance, living room, dining room, TV, air conditioner, kitchen, bedrooms, children’s
room and bathroom, etc. The “outside house” allows for things that you want to do
outside house. For example, keywords such as woodwork, work, growing plants, keeping
insects, maintenance of bicycles, hammock, sunbathing, gardening, playing with water,
seeing the sky, tools for mountain climbing, napping and reading books, etc. are
assumed». (Archdaily, 2011)
Figure 16. Pique-niques verticaux: lanternes dans la cour partagée
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Le pique-nique vertical est une structure légère avec une enveloppe de panneaux de
polycarbonate ; celle-ci peut être ouverte au gré des usagers et des saisons par un système de
panneaux coulissants. La paroi adaptable favorise ainsi une flexibilité saisonnière de cette
cheminée verte, utilisée comme lieu de culture, de rencontre ou de partage des plaisirs
culinaires. De par leur matérialité, ces éléments rappellent, de façon contemporaine, le langage
des annexes des arrière-cours limouloises.
Ces jardins d’hiver sont explorés
de 2 façons, d’une part comme
un espace terrasse partagé
entre 2 logements (plan du type
C : le foodie solitaire) (Figure 17
et 18). D’autre part, le long de la
7e rue (plan des types A et B),
chaque logement dispose d’une
terrasse privée à même cet
espace qui devient à la fois
l’annexe du jardin et celui de la
cuisine (Figure 18). Le pique-
nique vertical sert également
pour la circulation et permet
l’accès aux serres collectives en
toiture. Le transport du composte ou tout simplement la montée des vélos aux étages est facilité
par une rampe intégrée avec les escaliers.
Figure 18. Plans des 3 types de logements
Figure 17. Le pique-nique vertical: interstice habité
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L’expérience multi sensorielle associée à ce type d’espace enrichit également le projet. En effet,
l’odeur de terre humide d’un semis à peine planté, le parfum des fines herbes et des tomates
séchées au soleil ou la senteur du barbecue brésilien vont exhaler leurs arômes dans cette
cheminée de sens partagée. Dans la littérature, Barbara & Perliss (2006) s’intéressent à l’«invisible
nature of the olfactory experience, which can hardly be addressed using the usual vision-based
tools of design» (Barbara & Perliss, 2006 :13), et considèrent le potentiel des odeurs comme un
élément de composition architecturale à part entière. Cette colonne mi- jardin/mi- cuisine, où
les sens sont attisés, devient ainsi l’élément architectural dont les dimensions physique et
sensorielle rattachent les cuisines ensemble pour former un ensemble architectural cohérent.
Puis, cette idée de cuisiner partout, pour tout le monde est également explorée à l’échelle du
logement. En donnant de l’importance à la cuisine comme espace pivot des activités sociales
et familiales dans le logement, elle devient boundaryless : le logement en entier devient un lieu
de préparation et de consommation alimentaires, un espace multifonctionnel axé sur la bouffe.
La cuisine se veut un espace transformable, adaptable, qui permet à tous et chacun de cuisinier
comme il le veut, alors que les chambres et salles de bain sont concentrées dans un corps de
bâti plus statique et monofonctionnel (Figure 19). !
Figure 19. La cuisine dans le jardin, le jardin dans la cuisine!
!Ses ouvertures sur le pique-nique vertical contribuent, entres autres, au caractère perméable de
la cuisine. La cuisine est généreuse pour permettre de cuisiner à plusieurs. Son aspect
fonctionnel est essentiel et s’exprime à travers un mur crémaillère intégré qui permet le
rangement et les plans de travail (Figure 20). Ce mur-crémaillère se prolonge sur toute la
longueur du logement et sort même à l’extérieur pour souligner la présence de la cuisine. En
coupe, la lecture de la cuisine permet de comprendre qu’elle offre différentes sensations à son
usager, par le changement de niveau et par la présence variable de la crémaillère qui s’épaissit
ou devient plus légère à certains endroits et délimite des sous-zones. Cet élément de mobilier
contient donc les comptoirs, les tablettes qui se transforment avec la variation de hauteur de
plancher en banquette ou meuble télé. De plus, la notion de « filtre » entre les sphères d’activités
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privées et publiques de la maison est assurée par l’épaisseur du mur-crémaillère intégré qui vient
marquer le seuil entre l’espace de vie et les chambres.
En réponse au profil des résidents du quartier du Vieux-Limoilou et des besoins des ménages
soulevés dans la section 1.1.1 la nouvelle coopérative offre des types de logements pensés de
façon à permettre une appropriation diversifiée de l’espace, une adaptabilité possible. Par
exemple dans le logement du foodie solitaire, on peut voir que deux types d’appropriation sont
possibles pour une même configuration de logement. Ainsi, les locataires pourraient préférer une
plus grande superficie intérieure et diviser la pièce en sous-espaces, alors que le mordu de
cuisine pourrait ne souhaiter qu’avoir une grande pièce où préparer les repas, avec un
prolongement extérieur généreux. De même, le logement à la bonne franquette, peut à la fois
convenir à deux familles monoparentales qui décident de vivre ensemble et partager une seule
grande cuisine, ou à une seule famille qui désire un bureau et une chambre d’amis, par
exemple.
Le potentiel d’une cour qui serait normalement pavée ou gazonnée, mais qui devient surface
utilisable pour l’agriculture urbaine a fait l’objet d’une étude dans la section 2.1 de cet essai.
Figure 20. Le mur-crémaillère intégré
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L’espace de la cour partagée, de même que les avant-cours des plex, deviennent donc des
surfaces intéressantes à exploiter comme espaces productifs partagés et privés (Figure 21). Les
sentiers qui traversent le jardin cultivé et relient les pique-niques verticaux donnent un caractère
plus organique à la cour et tendent à briser la rigidité de l’implantation orthogonale et régulière
du bâti au pourtour de l’îlot. Le jardin est ainsi divisé non pas de façon à en faire un unique jardin
communautaire, c’est-à-dire un grand lot où chaque individu dispose de sa propre parcelle
pour cultiver, mais plutôt d’un grand espace distribué en plus petits lots exploitables. Ce
traitement cherche à encourager l’appropriation de zones par de petits groupes d’usagers, ou
encore à répondre aux nécessités de la spécialisation de certaines sous-zones pour la plantation
de riz, nordique2 par exemple, dont les besoins en eau sont très différents d’autres espèces. Tel
qu’énoncé dans le cadre théorique, les motivations sont variées pour pratiquer l’agriculture
urbaine ; les plus petites divisions pourraient ainsi être préférées par les individus moins impliqués
ou moins disposés physiquement à s’occuper d’espaces plus vastes. Les parcelles se trouvant
en lien direct avec la bande d’habitation le long de la 7e rue au rez-de-chaussée se
transforment en courettes arrière privées pour les locataires des unités qu’elles jouxtent.
Par ailleurs, certains des fragments ne sont pas prévus pour la culture : une aire de jeu gazonnée,
un carré de sable et plusieurs surfaces aménagées en bois, parfois surélevées ou creusées,
favorisent différentes manières d’occuper l’espace et la pratique de diverses activités. La
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!2!L’organisme Craque-Bitume, situé à Limoilou, effectue présentement des expérimentations de culture de riz nordique en contexte québécois.!
Figure 21. Coupe perspective transversale à travers la cour
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présence de mobilier urbain, tel que des foyers, bancs et tables à pique-nique, favorise
également son appropriation. L’intégration d’arbres fruitiers à l’aménagement de la cour
participe à la création de zones ombragées, souhaitables en été pour la détente. Le
positionnement des arbres permet de ne pas nuire à l’ensoleillement des espaces productifs tout
en ombrageant le plus possible les terrasses en bois. Un bâtiment secondaire dessert la cour et
loge le matériel de jardin et de jeu, le poulailler et le petit clapier. Des bacs pour le composte et
les déchets y sont aussi disposés et sont accessibles depuis la cour et la rue partagée. Enfin, un
espace couvert pour le rangement temporaire des vélos est également intégré du côté de la
ruelle (Figure 22).
!
!3.6 RÉFLEXION CRITIQUE
La réalisation de cet essai (projet) soulève plusieurs pistes de réflexion sur l’ensemble de la
démarche et du processus de conception. D’abord, il aurait été intéressant d’aborder les
questions d’ambiances physiques et de tester selon des paramètres d’ensoleillement et de
températures extérieures l’enveloppe de polycarbonate des pique-niques verticaux. En effet,
cette démarche aurait pu guider la conception et permettre de bien composer ces éléments
Figure 22. Appropriations diverses en cœur d’îlot
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en y intégrant des ouvrants aux endroits stratégiques pour un espace au confort optimal en
toutes saisons. Puisqu’elles agissent vraisemblablement comme espaces tampons en hiver, le
rôle thermique de ces pièces tempérées, intérieures/extérieures, et partagées aurait pu être
porteur de solutions éco-énergétiques intégrées au projet.
Lors de la critique finale, le jury a soulevé la cohérence de l’ensemble, du concept à la
matérialisation des idées apportées. Le jury a également apprécié le travail effectué à
différentes échelles dans le projet, de même que la qualité des documents graphiques
présentés. L’élaboration de types de logements originaux et leur adaptabilité pour les
considérations sociales du quartier a également fait l’objet de commentaires constructifs.
Bien qu’au départ, le projet abordait la cuisine comme moteur de conception, le
développement et les pistes d’explorations amorcées ont finalement réorienté la conception en
lien avec le rapport entre le jardin et la cuisine. Dans la démarche, des concepts clés ont donc
été abordés plus tardivement, afin de bien couvrir et traiter l’espace mi- cuisine/ mi- jardin.
Une réflexion intéressante a toutefois été soulevée lors de la critique finale quant à
l’aboutissement des solutions et idées proposées au niveau de la cuisine. En fait, certains
membres du jury ont dénoté qu’il aurait été nécessaire de «réinventer» la cuisine sous l’angle de
la matérialité et de concevoir les espaces domestiques en termes de besoins de surfaces
particulières pour des activités liées à la culture ou à la cuisine. De même, il aurait été intéressant
de développer l’intérieur du logement à une échelle encore plus fine, jusqu’à la tectonique des
matériaux et des assemblages. Les commentaires soulevés rejoignent bien mes considérations
personnelles quant à l’avancement du projet. En effet, la prochaine étape aurait sans doute
consisté à revoir, à l’échelle micro, des solutions innovantes et pratiques quant à la matérialité
de ces espaces. Par ailleurs, il semble que le souci de traiter le projet dans son ensemble et de
s’attaquer à plusieurs autres aspects a limité le développement à cet égard.
Le jury a critiqué l’aspect plastique de la cour et soulevé que l’intégration de considérations plus
pratiques et techniques de ce type d’espace aurait enrichi la proposition. Il aurait certainement
été intéressant de valider auprès d’un organisme tel que Craque-Bitume ou les Urbainculteurs la
pertinence de découper l’espace partagé de la cour de façon à permettre à de petits groupes
de s’approprier différentes parcelles de ce grand jardin. Il aurait également été intéressant de se
pencher sur les besoins des différents types de plantations suggérées dans la cour afin de jouer
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
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avec des pentes, différents niveaux et l’aménager selon l’ensoleillement et la profondeur de
substrat nécessaire pour chaque type de plant.
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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4 | C O N C L U S I O N En somme, dans une démarche de recherche-création qui tend à éclairer la production d’une
meilleure architecture résidentielle, Colligere se veut une occasion d’explorer et de mettre en
forme les différents concepts abordés dans cet essai. Au niveau programmatique, la contiguïté
de l’agriculture urbaine et de l’habitation a indubitablement généré la réflexion quant au
rapport de l’individu avec la nourriture. D’abord, la littérature a permis d’enrichir la discussion et
de comprendre les relations et le potentiel social des lieux productifs et culinaires. L’analyse de
précédents a également guidé la conception en suggérant des pistes de solution variées et
comparées dans divers projets d’architecture.
En abordant le caractère social associé à la fois à l’agriculture urbaine et aux espaces culinaires,
cet essai (projet) s’est penché sur des questions touchant les relations interpersonnelles et
sociales difficilement mesurables. Il est laborieux de généraliser et prévoir les comportements
humains quant à l’appropriation réelle et l’appréciation de ce type de projet par les usagers. La
viabilité de cette coexistence agriculture-architecture en milieu urbain demeure également une
question de taille en termes de gestion, de financement, d’engagement et de participation
citoyenne. Plusieurs projets de ce type ont vu le jour dans d’autres provinces ou d’autres pays,
mais tout porte à croire que l’implication et l’intérêt des résidents est essentiel pour s’assurer d’un
bon déroulement des activités (cuisine et jardin collectifs, entres autres).
L’ENSEMBLE URBAIN
L’analyse de site et de l’occupation actuelle a mené à des constats porteurs pour l’implantation
de la coopérative. L’étude d’autres thèmes dans le cadre théorique a permis de traduire en
orientations pour le projet, soit de composer avec l’existant, tout en proposant un ensemble
résidentiel cohérent sur l’îlot et bonifiant à la fois les façades, l’encadrement des rues et
l’expérience de l’usager par le biais d’un paysage comestible «domestique» et urbain. Enfin, les
besoins particuliers des végétaux en termes d’ensoleillement ont également influencé
l’aménagement de la cour et la disposition des serres.
LA COUR ET LES LIEUX DE PRODUCTION EXTÉRIEURS
La littérature a mis de l’avant l’idée que les espaces occupés par des surfaces gazonnées,
asphaltées ou des jardins d’ornement en milieu urbain présentent un fort intérêt comme lieux
potentiels de culture. De même, le rôle des espaces extérieurs d’un projet d’habitation collective
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a également fait l’objet d’une discussion quant à son potentiel d’appropriation. Dans cette
optique, le cœur d’ilot est ainsi passé d’un espace bétonné et occupé par du bâti à un jardin
partagé dans le projet, favorisant l’appropriation de la cour par les usagers. Dans le cadre de
cet essai (projet), Colligere s’attarde donc à établir les liens entre le bâti et le jardin, en
privilégiant les qualités inhérentes aux jardins partagés soulevées dans le mémoire d’Hémond
(2011), notamment.
Par ailleurs, l’intégration des espaces productifs dès la conception du projet permet d’enrichir les
espaces ; il est toutefois envisageable de considérer que certaines des stratégies abordées
pourraient se jouxter ou s’appliquer aux constructions d’autres îlots du quartier pour bonifier des
bâtiments existants. De même, bien que le projet s’inscrive sur un site particulier, la réflexion et les
stratégies développées pourraient également se transposer à un contexte d’intervention
différent.
LA CUISINE DANS LE LOGEMENT, LA CUISINE DANS L’ENSEMBLE
La littérature documente également les habitudes de vie en matière de préparation et de
consommation alimentaires et en ce qui a trait au rôle de la cuisine dans l’habitation. Ainsi, tel
que soulevé par Collins- Cromley (2010 :208) «The popular kitchen of the past thirty years has
reversed the home economists’ theories and incorporated social space back into the kitchen,
while attempting to preserve the efficient work space as a zone in the newly enlarged,
multipurposed room.» La cuisine est ainsi abordée dans le projet, comme une pièce à vivre,
pivot des activités sociales. Le rôle de la cuisine est également visité dans trois typologies de
logement, chacune accordant une importance différente à cette pièce «privée», «partagée»
ou «minimale». L’importance des surfaces de travail et de la disposition des équipements dans
cette pièce est relevée dans l’analyse de précédents et se traduit dans le projet par un mur-
crémaillère intégré qui traverse le logement et favorise une utilisation variée par les usagers
(changements de hauteur, différents finis, etc.).
Par ailleurs, la cuisine collective dans le complexe résidentiel, tout comme les autres fonctions
associées au domaine culinaire (salle de cours, mini-marché, etc.), sont mis au premier plan et
cherchent à ramener les qualités et le caractère social de la cuisine «domestique» à l’échelle de
l’ensemble.
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MATÉRIALISATION : LA LIMITE ENTRE CUISINE ET JARDIN
La notion de limite abordée dans le cadre conceptuel a grandement influencé la façon dont le
rapport entre les pièces que sont la cuisine et le jardin (incluant aussi la circulation verticale) a
été matérialisé. L’étude de deux de ces projets, tout comme l’analyse de précédents alliant des
programmes d’agriculture urbaine et d’habitation collective a suscité un intérêt quant à ce lien
qui unit les espaces de production et de consommation. En fait, dans le projet, les piques-niques
verticaux, les espaces mi-cuisine/mi-jardin ont permis de revisiter la limite sous forme de pièce
tempérée, à la manière dont l’architecte Hosaka Takeshi formalise une limite comme pièce,
espace.
Les limites de l’agriculture urbaine semblent être, entre autres, imposées par les lois des
municipalités et des associations de quartier et par le climat hivernal peu clément du contexte
québécois. Il demeure intéressant de développer des techniques de culture et d’innover au
niveau programmatique en ce qui a trait à la cohabitation des espaces résidentiels et productifs
en prenant en compte les dimensions et contraintes législatives et contextuelles effectives.
Enfin, l’objectif de cet essai n’est pas de romancer les enjeux associés au jardin comestible et à
la production alimentaire en milieu urbain ; il reconnaît ses importants avantages économiques,
environnementaux et sur la santé des citoyens. L’essai cherche toutefois à mettre en lumière les
enjeux socio-spatiaux de tels aménagements et la façon dont l’intégration d’agriculture urbaine
dans un projet d’habitation en architecture permet de revisiter le rapport entre l’homme et la
nourriture en terme de programmation et de qualités spatiales et formelles, pour ainsi générer
une nouvelle façon d’habiter et de cultiver en ville.
Finalement, entre l’architecture et l’agriculture urbaine, le projet se veut plus que la simple
cohabitation de deux disciplines, il devient le catalyseur de la convivialité et des plaisirs culinaires
domestiques associés à l’acte de manger, cultiver, préparer, récolter, partager, réunir.
À table !
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LISTE DES ANNEXES !Annexe 1_Planches du projet telles que présentées à la critique finale
Annexe 2_ Contexte : Cartes de l’indice de défavorisation et des îlots de chaleur urbains
Annexe 3_ La cuisine contemporaine
Annexe 4_ Analyse de précédents architecturaux : Parcours production-consommation
Annexe 5_ Analyse de précédents : la limite comme piste de réflexion
Annexe 6_ Analyse de site
Annexe 7_ Analyse de l’occupation actuelle
Annexe 8_ Les jardins collectifs et communautaires et leur rayon de proximité
Annexe 9_ Analyse du contexte bâti
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ANNEXE 2 _ CONTEXTE : ENJEUX SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX DU SECTEUR
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Annexe 3_ La cuisine contemporaine
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Annexe 3_ La cuisine contemporaine!
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
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Annexe 3 a) _ Analyse de précédents : Synthèse
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
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Annexe 3 b) _ Analyse de précédents : 60 Richmond
!
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Annexe 4 c) _ Analyse de précédents : 60 Richmond
!
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Annexe 4 d) _ Analyse de précédents : 60 Richmond
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
57
Annexe 4 e) _ Analyse de précédents : MpH
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
58
Annexe 4 f) _ Analyse de précédents : MpH
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)
59
Annexe 4 g) _ Analyse de précédents : Agro-House
!
Colligere: Une coopérative gourmande d’habitation et d’agriculture urbaine à Limoilou ESSAI (P)!
60
Annexe 4 h) _ Analyse de précédents : Bosco Verticale
!
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Annexe 5 _ Analyse de précédents : la limite comme piste de réflexion !
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Annexe 5 _ Analyse de précédents : la limite comme piste de réflexion
!
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Annexe 6 _ Analyse de site
Situation géographique_ le quartier dans la ville Source : Google Maps
Le site dans le quartier_ Accessibilité Source : Google Maps
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Annexe 6 _ Analyse de site!
Le site dans le quartier_ un secteur en développement axé sur le résidentiel Source : Google Maps
Le site dans le quartier_ Points d’intérêts à proximité (3e avenue et École de cirque) Source : Google Maps
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Annexe 7_ Analyse de l’occupation du site
APPROPRIATION DU SITE
RAPPORT À LA RUELLE_ NON APPROPRIATION
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Annexe 8 _ Les jardins collectifs et communautaires et leur rayon de proximité !
Carte réalisée d’après les relevés de l’essai de Hémond (2011) Source : Google Maps
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Annexe 9_ Analyse du contexte bâti
FONCTIONS DU BÂTI Institutionnel 1_École de Cirque de Québec 6_Pavillon municipal du parc Commercial 2_Banque 3_Rue commerciale (3e avenue) Commerces de proximité 4_Commerces de proximité 7_Pharmacie et clinique médicale 9_Commerce de pierres tombales 10_Commerces liés à l’automobile (nombreux sur la 1ère avenue) Communautaire 5_Organisation québécoise des personnes atteintes de cancer 8_Résidences pour personnes âgées
!CARACTÉRISTIQUES DU BÂTI PAR RAPPORT À LA HAUTEUR Majoritairement Triplex _ Bâtiment de 3 logements, environ 10 m Point de repère _L’église Saint-Esprit (École de Cirque de Québec) marque le paysage bâti Rapport à la Rivière Saint-Charles _Les bâtiments plus récents implantés du côté de la rivière sur la 1ère avenue sont généralement plus hauts _Les bâtiments à l’usage commercial de part et d’autre de la 1ère avenue sont plutôt de faible hauteur CARACTÉRISTIQUES DE L’IMPLANTATION DU BÂTI DE PART ET D’AUTRE DE LA 1ÈRE AVENUE Triplex _ Parcelle de forme allongée et rectangulaire - Bâti implanté sur toute la largeur de la parcelle - Occupation de 42 à 61% de la surface bâtie par rapport à l’aire libre - Marge de retrait de 1 à 3 mètres par rapport à la rue