-
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 189
4. 1
Étude du fLuage deS bÉtoNS eN tRactIoN :application aux
enceintes de confinement des centrales nucléaires à eau sous
pression
conception des enceintes de confinement des centrales nucléaires
françaises
Dans les centrales nucléaires françaises de type REP (réacteur à
eau
pressurisée) avec enceinte de confinement à double paroi, la
paroi
en béton précontraint est dimensionnée pour résister à une
aug-
mentation de pression interne en situation accidentelle – de
l’ordre
de 0,5 MPa en pression absolue, pour un accident de perte de
réfrigérant primaire (figure 1).
EDF, exploitant des centrales électronucléaires REP actuellement
en
service en France, doit justifier de la capacité de leurs
enceintes de
confinement à assurer, en cas d’accident, un taux de fuite qui
soit
inférieur à 1,5 %/24 h de la masse totale de gaz (mélange air
+
vapeur) contenue dans l’enceinte. Pour vérifier que l’enceinte
est
en capacité de remplir sa fonction de confinement en cas
d’accident,
chaque enceinte subit périodiquement (avant la mise en
exploita-
tion de la centrale, puis tous les dix ans), un test en
grandeur
nature en air sec à température ambiante à sa pression de
dimen-
sionnement : c’est « l’épreuve de l’enceinte ».
Durant ces épreuves d’une durée de quelques jours – cela inclut
la
montée en pression par palier et le retour à la pression «
normale » –,
l’enceinte subit des sollicitations au cours desquelles des
contraintes
de traction peuvent apparaître dans des zones singulières
(tampon
d’accès des matériels, sas personnel…).
De plus, à très long terme (au-delà de la durée de vie prévue
de
l’ouvrage), de telles contraintes de traction pourraient
également
apparaître en zone courante de l’enceinte si les déformations
dif-
férées (retrait et fluage) ont été sous-estimées lors du
dimension-
nement de la structure [Benboudjema, 2002]. Des déformations
de
fluage par traction peuvent apparaître dans ces conditions,
avec
apparition de fissures et/ou contribuer au développement de
fis-
sures préexistantes.
Le fluage du béton constitue un des points essentiels du
comportement
mécanique du béton. Les essais correspondants sont longs et
les
résultats obtenus sont fortement influencés par l’âge du béton
au
moment du chargement, le niveau de contrainte appliqué et
les
conditions d’environnement de l’essai (température,
hygrométrie...).
Nanthilde REVIRON, Georges NAHASBureau d’analyse du génie civil
et des structures
Le béton, armé et précontraint, est un matériau couramment
utilisé pour la construction de nombreuses structures
des installations nucléaires. Dans le cas des enceintes de
confinement des réacteurs, le béton armé précontraint
remplit non seulement un rôle structurel mais aussi un rôle de
confinement, pour la protection de l’environne-
ment. Le travail de recherche mené dans le cadre de l’étude
rapportée ici a pour objectif d’évaluer l’effet du fluage
en traction du béton, d’une part, sur l’apparition de fissures
pendant les épreuves décennales, d’autre part, sur la
création d’une microfissuration du béton qui réduit sa capacité
de confinement et sa durée de vie.
-
4. 1
190 Rapport scientifique et technique 2008 - IRSN
démarche scientifique suivie
Afin de répondre aux demandes d’expertise en sûreté, le
compor-
tement du béton soumis à des sollicitations mécaniques de
traction
uniaxiale doit être connu. Il est donc important de déterminer
pour
le matériau les différents couplages physiques et mécaniques
entrant
en jeu.
C’est pourquoi une importante étude expérimentale relative
au
fluage d’un béton hydraté, âgé de 90 jours au minimum et
repré-
sentatif d’une paroi d’enceinte de confinement soumise à des
efforts
de traction, a été menée pour différents niveaux de
contrainte.
Quatre types d’essais ont été réalisés en parallèle : mesures
des
déformations d’origine thermique, des déformations de retrait
de
dessiccation, des déformations de fluage propre et des
déformations
différées totales. Une étude expérimentale sur le séchage du
maté-
riau non sollicité mécaniquement a également eu lieu.
Les résultats obtenus seront comparés à ceux établis par EDF
dans
le cadre du travail de thèse de Laurent Granger [Granger, 1996]
sur
le fluage par compression d’un matériau de composition
presque
identique.
campagne expérimentale de fluage en traction uniaxiale
description des essais
Pour cette étude, deux bâtis ont été réalisés, de manière à
pouvoir
faire plusieurs essais en parallèle (figure 2). Ils permettent
d’appli-
Alors que le fluage du béton en compression, en flexion ou
en
traction indirecte au jeune âge (dispositif de retrait empêché)
a été
considérablement étudié [Omar, 2004 ; Granger, 1996 ;
Kovler,
1994], ce n’est pas le cas du fluage en traction directe de
bétons
durcis, qui est bien moins connu [Berthollet, 2003 ; Brooks et
Neville,
1977 ; Morin et Maso, 1982]. En particulier, le domaine où
la
complaisance de fluage en traction directe est indépendante de
la
contrainte appliquée a été très peu étudié, de même que le
risque
de rupture du béton en cours de chargement.
Le fluage du béton en traction au jeune âge a été plus
souvent
étudié [Kovler et al.,1999]. En effet, lorsque la déformation du
béton
(retrait endogène, déformation thermique) est gênée ou
empêchée,
le développement de contraintes de traction peut conduire à
une
fissuration. Néanmoins, de nombreux phénomènes complexes
entrent en jeu (notamment les évolutions de la réaction
d’hydra-
tation et de la température), ce qui complique l’interprétation
des
courbes de fluage ou de relaxation.
Pour ce qui concerne les bétons hydratés, il n’est pas tenu
compte
en général, lors du calcul de structures, du comportement du
béton
en traction. En effet, dans les structures en béton armé, les
solli-
citations de traction sont équilibrées par les armatures. De
plus,
la réalisation des dispositifs expérimentaux adaptés est
délicate.
Aussi, très peu de données sont disponibles à ce jour.
Malgré le nombre important d’études réalisées sur le
phénomène
de fluage, les mécanismes mis en jeu ne sont pas encore
parfaite-
ment connus.
Figure 1 Enceinte de confinement : prédiction du comportement
différé [Granger, 1996].
8,5 MPa
12 MPa
Pr
-
La simulation, les outils de calcul et la métrologie 4. 1
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 191
aluminium adhésif) dès le démoulage, dans une ambiance à 20
°C
(± 1 °C) et 50 % (± 5 %) d’humidité relative.
Les expérimentations réalisées sur un matériau durci ne
concernent
que la phase pré-pic du comportement uniaxial du béton.
Différents
niveaux de chargement (50 %, 70 % et 90 % de la limite à la
rupture en traction) ont été auscultés avant le pic d’effort.
Les
spécimens ont été chargés à ces différents niveaux pendant
trois
jours. Plusieurs séries d’essais ont été effectuées par niveau
de
chargement pour quantifier la dispersion. Les éprouvettes
ont
ensuite été « déchargées » totalement pendant 24 heures pour
caractériser la recouvrance, puis elles ont été chargées jusqu’à
la
rupture par traction directe (sur le même bâti), afin d’évaluer
les
effets du fluage sur les propriétés mécaniques résiduelles.
formulation choisie
Dans un but de représentativité des résultats, une formulation
de
béton donnée par EDF a été utilisée. Cependant, les
caractéristiques
rhéologiques d’un béton coulé en laboratoire (essai
d’affaissement
ou « slump », résistance, module de Young) sont différentes
de
celles d’un béton de chantier ; c’est pourquoi la formulation a
dû
être ajustée. Cette étape est très importante car aucun modèle
ne
permet de prédire avec exactitude les caractéristiques d’un
béton
quer un effort de traction directe sur une éprouvette par
l’intermé-
diaire d’un empilement de masses de poids unitaire de 13 kg.
L’utilisation de masses permet d’assurer un chargement
constant
au cours de l’essai, quelles que soient la déformation du béton
et
les conditions environnementales, mais également de
s’affranchir
des contraintes associées à l’utilisation d’un asservissement
hydrau-
lique, notamment l’instabilité du système (charge appliquée
moins
constante dans le temps, émission de chaleur). L’éprouvette
est
fixée sur le bâti par l’intermédiaire de casques en aluminium
vissés
sur le bâti, d’une part, et collés sur l’éprouvette, d’autre
part.
Les corps d’épreuve sont de forme cylindrique, d’un diamètre
de 13 cm et d’une hauteur de 50 cm (figure 3). Dans le cadre
d’un
complément à l’étude (non présenté dans ce rapport),
concernant
la mesure de la perméabilité à l’air, ces corps d’épreuve
cylindriques
sont munis sur toute leur longueur d’un trou central (e.g.
cylindri-
que) de diamètre 1 cm. La mesure de perméabilité permet
notam-
ment de quantifier l’évolution de la fissuration pendant
l’essai. Le
choix d’éprouvettes cylindriques permet de faciliter
l’interprétation
des résultats.
Pour tous ces essais, le béton a durci pendant au moins 90 jours
et
a été conservé dans des conditions endogènes (film alimentaire
+
Figure 2 Bâti de fluage en traction. Figure 3 Schéma de
l'éprouvette.
50 cm
13 cm
1 cm
-
4. 1
192 Rapport scientifique et technique 2008 - IRSN
le même béton. Cependant, le ciment utilisé dans l’étude
décrite
ici est de composition légèrement différente (le ciment utilisé
en
1996 ne se fabrique plus) ; de plus, le dosage en eau a été
aug-
menté de six litres pour respecter l’affaissement au cône
d’Abrahams
(slump) et tenir compte de la variation de l’absorption des
granulats
actuels. Bien que les granulats proviennent toujours de la
même
carrière, l’absorption est passée de 1,3 % à 1,6 %.
en fonction de sa formulation. Il a donc fallu faire varier les
para-
mètres les uns après les autres pour réussir à trouver une
formula-
tion dont les caractéristiques se rapprochent le plus possible
des
données rhéologiques et mécaniques fournies par EDF. La durée
de
cette phase expérimentale a été relativement longue. La
formulation
(à base de granulats secs) et les caractéristiques du béton
utilisé
sont présentées dans le tableau 1. [Granger, 1996] a travaillé
avec
Tableau 1 Formulation et résultats de caractérisation du béton
(résistance à la compression, fendage, module de Young).
ciment (airvault)
cemii 42,5rsable granulats 5-12,5 mm
granulats 12,5-20 mm eau Plastiment hP slump air occlus
kg/m3 kg/m3 kg/m3 kg/m3 l/m3 0,35 % cm %
350 772 316 784 201 1,225 11 2,33
rc rc rc fendage fendage module module
7 jours 28 jours 90 jours 28 jours 90 jours 28 jours 90
jours
MPa MPa MPa MPa MPa GPa GPa
39,34 46,5 49,35 3,29 3,42 31,34 33,81
Figure 4 Mesure de la déformation a) différée totale ; b) de
fluage propre ; c) d’origine thermique et de retrait de
dessiccation.
a b c
-
La simulation, les outils de calcul et la métrologie 4. 1
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 193
l’essai permet de tenir compte de la part des déformations
d’ori-
gine thermique inhérentes aux fluctuations de la température
d’ambiance. L’éprouvette est conservée dans des conditions
endo-
gènes pendant l’essai. Une seule éprouvette est utilisée pour
toute
la campagne expérimentale ;
la mesure de la déformation de retrait de dessiccation
(éprouvet-
tes de 13 cm de diamètre et de 50 cm de hauteur) (figure 4c
droite) : les éprouvettes sèchent dans les mêmes conditions
que
les éprouvettes de perte de masse et les éprouvettes de
mesure
des déformations différées totales. Trois essais sont effectués
lors
de la campagne expérimentale.
instrumentation des essais
Les déplacements sont mesurés sur une base de mesure de 40 cm
en
zone centrale de l’éprouvette (les effets de bord sont
éliminés), grâce
à trois capteurs LVDT (Linear Variable Differential Transformer)
fixés à
120 °C, permettant d’éliminer les mouvements de corps rigides
sur le
béton. Les inserts soutenant les barres des extensomètres ainsi
que les
casques d’aluminium sont collés avec une colle méthacrylate.
exploitation des résultats
Perte de masse et retrait de dessiccation
La figure 5 présente l’évolution de la perte de masse en
fonction
du temps dans les conditions des essais : 20 °C (± 1 °C) et 50
%
(± 5 %) HR. La perte de masse est d’environ 0,39 % après
Présentation des essais
Afin de disposer des données nécessaires à la caractérisation
du
comportement différé du béton en vue de sa modélisation,
différents
types d’essais ont été effectués pour apprécier l’influence
des
différents paramètres sur :
les essais de caractérisation (éprouvettes de 16 cm de
diamètre
et de 32 cm de hauteur) : ces éprouvettes permettent de
qualifier
le niveau de chargement du fluage par traction directe. Les
essais
de traction par fendage (ou essais « brésiliens »), qui
consistent à
écraser un échantillon de béton entre les plateaux d’une
presse,
sont réalisés avant chaque campagne de fluage par traction ;
la mesure de la perte de masse (éprouvettes de 13 cm de
diamètre
et de 10 cm de hauteur) : l’essai permet de déterminer la
cinétique de
séchage du béton (trois éprouvettes). Pour cet essai, les faces
supé-
rieures et inférieures sont protégées pour éviter leur
dessiccation ;
la mesure de la déformation différée totale (éprouvettes de
13 cm de diamètre et de 50 cm de hauteur) (figure 4a) : les
éprou-
vettes déballées au début de l’essai sont chargées en traction
direc-
te maintenue pendant trois jours. La recouvrance est
également
suivie pendant 24 heures ;
la mesure de la déformation de fluage propre (éprouvettes de
13 cm de diamètre et de 50 cm de hauteur) (figure 4b) : les
éprou-
vettes sont chargées en traction directe maintenue pendant
trois
jours, tout en restant protégées des échanges hydriques. La
recou-
vrance est suivie pendant 24 heures ;
la mesure des déformations d’origine thermique (éprouvettes
de
16 cm de diamètre et de 100 cm de hauteur) (figure 4c gauche)
:
Figure 5 Évolution de la perte de masse en fonction du temps
(béton âgé de 90 jours).
Figure 6 Évolution des déformations de retrait de dessiccation
en fonction de la perte de masse.
Temps (jours)
Perte en masse (%)
0,1 1 10 1 0001000,010
2,5
1
0,5
1,5
2
Échantillon A Échantillon CÉchantillon B
Perte en masse (%)
Déformations de retrait de dessiccation (μm.m-1)
0,5 1 1,50- 50
200
50
0
100
150
300
350
250
Granger (1996) Résultats expérimentaux 2007
-
4. 1
194 Rapport scientifique et technique 2008 - IRSN
1996] peut s’expliquer par des différences concernant les
matériaux
utilisés ou par des mécanismes de fluage différents en
compression
et en traction. Il est à noter que [Brooks et Neville, 1977]
ont
mesuré pour un même béton une déformation de fluage propre
en
traction supérieure à celle en compression.
L’étude expérimentale du fluage propre en traction s’est révélée
être
assez difficile. D’une part, nous avons eu la rupture de deux
éprou-
vettes d’essais : l’une, en zone utile au bout de quelques
heures
seulement, l’autre à l’interface avec la colle suite à un défaut
de
collage ; les valeurs de déformation obtenues lors de ces essais
n’ont
pas été prises en compte pour le calcul de la complaisance
de
fluage. D’autre part, les valeurs relatives des déformations
de
fluage propre sont très faibles (du même ordre de grandeur que
les
déformations d’origine thermique).
Les résultats expérimentaux obtenus ne permettent pas de
conclure
sur le caractère réversible ou non de la déformation de
fluage
propre, la durée de « décharge » étant trop courte. Néanmoins,
on
constate qu’après un jour de « déchargement », environ 34 %
de
la déformation de fluage en traction s’avère réversible. Ce
résultat
est similaire à ce qui est observé lors d’essais en compression
(voir
notamment [Illston, 1965], qui a constaté qu’environ 30 % de
la
déformation de fluage propre était réversible). Par contre, ce
résul-
tat est en contradiction avec ceux de [Morin et Maso, 1982],
qui
ont observé un comportement totalement irréversible lors
d’essais
en traction.
quatre jours (correspondant à la durée totale des essais de
retrait
et de fluage).
L’évolution du retrait en fonction de la perte de masse est
présen-
tée en figure 6. On observe une zone « dormante » au début
des
essais. En effet, la microfissuration de la surface des
éprouvettes
masque la déformation par la contraction liée au départ
d’eau.
Ensuite, une zone où le retrait de dessiccation est
proportionnel à
la perte de masse est observée. Ces observations sont
conformes
à celles obtenues par d’autres auteurs [Granger, 1996] pour
dif-
férentes compositions de béton.
fluage propre
La complaisance de fluage propre en traction correspond aux
données
brutes de l’essai, desquelles on déduit les déformations
élastiques
ainsi que les déformations d’origine thermique. L’évolution
de
la complaisance de fluage propre est comparée à celle obtenue
en
compression par [Granger, 1996] pour le même béton (figure
7).
La courbe de complaisance de fluage propre en traction
présentée
est une moyenne de six essais. Nous n’avons pas observé
d’in-
fluence du niveau de chargement sur la complaisance de
fluage
propre, ce qui confirme que les déformations sont bien
proportion-
nelles à la contrainte appliquée.
Les valeurs des déformations sont environ cinq fois plus faibles
que
celles mesurées par Granger lors d’essais en compression (au
bout
de trois jours). Cette différence notable avec les essais de
[Granger,
Figure 7 Évolution de la complaisance de fluage propre en
fonction du temps, comparaison avec [Granger, 1996].
Figure 8 Évolution de la complaisance de fluage de dessiccation
en fonction du temps, comparaison avec les valeurs de [Granger,
1996].
Temps (jours)
Complaisance de fluage propre (μm.m-1.MPa-1)
1 2 30 4
Résultats expérimentaux 2007 (traction)Granger 1996
(compression)
8
2
0
4
6
12
10
2,5 3 3,5 4Temps (jours)
Complaisance de fluage de dessiccation (μm.m-1.MPa-1)
0,5 1 1,50 2
Résultats expérimentaux 2007 (traction)Granger 1996
(compression)
20
5
0
10
15
30
25
-
La simulation, les outils de calcul et la métrologie 4. 1
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 195
La partie négative au début de la courbe s’explique par la
zone
« dormante » observée en figure 6. Nous avons réalisé une
décharge
au bout de trois jours ; on voit que le fluage est
partiellement
réversible (environ 24 %).
Par ailleurs, une comparaison des résultats de cette campagne
avec
ceux obtenus par [Granger, 1996] en compression permet de
consta-
ter que les résultats sont similaires.
incidence du séchage et du fluage sur la résistance
en traction (résiduelle)
Les évolutions de la contrainte de rupture (après fluage propre
ou
fluage de dessiccation en traction) en fonction de la
contrainte
appliquée sont reportées en figure 10.
On constate globalement que les éprouvettes de béton testées
en
condition séchante ont une contrainte de rupture (après
déformation)
plus faible que les éprouvettes chargées en conditions
endogènes.
La contrainte de rupture après les essais de fluage propre est
en
moyenne de 3,47 MPa, alors qu’elle est de 2,72 MPa environ
pour
les essais de fluage total. Au vu des résultats, il semble que
la
microfissuration en peau des éprouvettes est induite par le
séchage
différentiel. En effet, la contrainte à la rupture ne semble pas
dépen-
dre de la contrainte appliquée lors du fluage. Néanmoins, ce
résultat
reste à confirmer, notamment par la réalisation d’essais de
traction
directe sur des éprouvettes conservées en condition séchante
pen-
dant 4 jours (durée des essais) mais sans chargement
mécanique.
fluage de dessiccation
Parallèlement aux essais de fluage propre, des essais avec
mesure
des déformations différées totales ont été réalisés. La
complai-
sance de fluage de dessiccation est le résultat du traitement
de
tous les essais précédents. En effet, les déformations de fluage
de
dessiccation sont déterminées en soustrayant aux
déformations
différées totales les déformations élastiques, les
déformations
d’origine thermique, les déformations de retrait de
dessiccation
ainsi que de tous les essais de fluage propre (valeur moyenne
de
tous les essais correspondants). L’évolution de la complaisance
de
fluage de dessiccation en traction est reportée en figure 8
(moyenne
sur cinq essais). Comme pour le fluage propre, il n’apparaît
pas
d’influence du niveau de chargement sur la complaisance de
fluage
de dessiccation.
Les résultats obtenus par notre campagne expérimentale sont
en
concordance avec ceux réalisés en traction [Brooks et Neville,
1977],
qui ont également observé une recouvrance d’environ 20 % à
la
décharge. De même que pour le fluage propre, ce résultat en
traction
est similaire à ce qui est observé en compression [Illston,
1965].
On note à la fin de la recouvrance une augmentation des
déformations
de fluage de dessiccation qui n’est pas explicable
physiquement.
La figure 9 montre que la complaisance de fluage de
dessiccation
en traction est proportionnelle au retrait de dessiccation (phé
no-
mène également observé en compression [Gamble et Parrott,
1978].
Figure 9 Complaisance de fluage de dessiccation en fonction du
retrait de dessiccation.
Figure 10 Contrainte à la rupture (après fluage) en fonction de
la contrainte appliquée.
40
Retrait de dessiccation (μm.m-1)
Complaisance de fluage de dessiccation (μm.m-1.MPa-1)
010 20-10 30
Résultats expérimentaux 2007 (traction)Courbe de tendance
(linéaire)
7
1
-1
3
5
11
9
15
13
19
17
y = 0,3494x + 4,4762
R2 = 0,9838
2,5 3 3,5 4Contrainte appliquée (fluage) (MPa)
*
* Rupture après 2 min (f. total) Rupture après 16 min (f.
propre)
Contrainte à la rupture après fluage en traction (MPa)
1 1,5 2
3
1,5
1
2
2,5
4
3,5
Fluage de dessiccationFluage propre (sans séchage)
-
4. 1
196 Rapport scientifique et technique 2008 - IRSN
de chargement. L’étude est d’autant plus importante que
le phénomène est mal connu et a été très peu étudié. En
effet,
la « littérature scientifique » présente principalement des
travaux concernant le fluage en compression du béton.
La comparaison effectuée ci-dessus entre les complaisances
de
fluage en traction et en compression trouve un débouché
natu-
rel dans la simulation numérique du fluage. L’objectif est
de
modéliser à la fois le fluage en compression et en traction
avec
une même loi rhéologique, en adaptant des modèles de fluage
existants [Benboudjema, 2002 ; Granger, 1996] et de mettre
ainsi
au point un outil fiable de simulation numérique du
comporte-
ment différé des ouvrages en béton armé précontraint jugés «
sensibles » sur le plan de la sûreté nucléaire, tels que
les enceintes de confinement des réacteurs.
Plusieurs axes de recherche permettraient de compléter
encore
les connaissances dans ce domaine : l’étude du fluage en
trac-
tion sur une longue durée (plusieurs mois), le temps ayant
une
influence sur la dégradation du béton en termes de résistance
et
d’étanchéité. À cet égard, il convient de souligner que les
bâtis
utilisés ont été conçus pour pouvoir réaliser de tels
essais.
D’autres sujets importants restent à étudier, comme l’aspect
multiaxial du fluage (traction/traction,
traction/compression).
Un programme expérimental a débuté avec la presse triaxiale
Astrée du Laboratoire de mécanique et technologie (LMT
Cachan), avec des éprouvettes dimensionnées et optimisées
par
des simulations numériques aux éléments finis (Cast3M). Ce
travail de R&D revêt une importance particulière car le
type
de sollicitation étudié correspond à celui subi in situ par
les
enceintes de confinement.
La comparaison aux résultats de la « littérature technique » est
déli-
cate, car il existe peu de résultats concernant l’évolution des
proprié-
tés mécaniques d’un béton soumis à une traction après
séchage
(comparativement au cas de béton soumis à une compression).
Ainsi, [Hanson, 1968] a observé, lors d’un essai de traction par
fen-
dage, une légère augmentation (3 %) de la résistance. Lors d’un
essai
de flexion [Pihlajavaara, 1974 ; Kanna et al., 1998], a été
observée
une diminution de la résistance jusqu’à une humidité relative
de
70 % puis une augmentation progressive jusqu’à une humidité
relative de 0 %. Pour les essais de traction directe
d’éprouvettes
conservées à 21 °C avec 55 % d’humidité relative, il semble
que,
lors d’une cure étanche, la résistance à la traction augmente
tout
d’abord du fait des effets de l’hydratation, puis décroît
[Fouré, 1985 ;
de Larrard et Bostvirronois, 1991], pour ensuite croître à
nouveau
[Fouré, 1985].
Il est à noter que [Morin et Maso, 1982] n’ont observé aucune
modi-
fication de la résistance du béton après fluage en traction
(chargement
de fluage à 25 % et 50 % de la résistance à la traction).
Ces essais apportent de nouveaux résultats, utiles pour la
modé-
lisation du comportement des enceintes de confinement dans
les
zones où des contraintes de traction peuvent se développer.
conclusion et perspectivesLes essais effectués ont permis de
mieux comprendre le
compor tement d’un béton soumis à des sollicitations de
fluage
en traction et d’améliorer ainsi les connaissances sur le
compor-
tement des enceintes de confinement, qui peuvent subir ce
type
-
La simulation, les outils de calcul et la métrologie 4. 1
IRSN - Rapport scientifique et technique 2008 197
Références
F. Benboudjema (2002). Modélisation des déformations différées
du béton sous sollicitations biaxiales. Application aux enceintes
de confinement de bâtiments réacteurs des centrales nucléaires,
thèse de doctorat de l’université de Marne-la-Vallée.
A. Berthollet (2003). Contribution à la modélisation du béton
vis-à-vis du vieillissement et de la durabilité : interaction des
déformations de fluage et du comportement non linéaire du matériau,
thèse de doctorat de l’Insa Lyon.
J.J. Brooks, A.M. Neville (1977). A comparison of creep,
elasticity and strength of concrete in tension and in compression,
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