232 Rhumatos • Juin 2012 • vol. 9 • numéro 79 SPéCIAL EULAR 2012 Traitement de la polyarthrite rhumatoïde Les petites molécules versus les nouvelles biothérapies n Parmi les nouveautés thérapeutiques dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), les “petites molécules” de synthèse de type inhibiteur des voies de signa- lisation (inhibiteur de JAK -tofacitinib- et de SyK -fostamatinib-) poursuivent leur chemin avec des données complémentaires, notamment sur le plan de la tolérance. De nouvelles cibles dirigées contre les chimiokines (CCR1), de nou- velles JAK kinases (LY3009104), les fractions du complément (récepteur du C5a) et même des cibles hormonales (Gn-RH) ont fait l’objet d’essais cliniques présentés durant ce congrès. Parallèlement ont été présentés des résultats sur de nouvelles biothérapies : nou- veaux anticorps anti-IL-6 (sarilumab, sirukumab), anti-IL-17 (LY2439821), anti-GM-CSF (mavrili- mumab), anti-IL-20 (NNC0109-0012) et administration d’IL-10 (Dekavil). Les petites molécules vont elles concurrencer “les poids lourds” des cibles cytokiniques ?Pr Eric Toussirot* *Centre Investigation Clinique Biothérapie CBT-506 et service de Rhumatologie, CHU de Besançon, Département Universitaire de Thérapeutique et Équipe d’Accueil 4266 «Agents Pathogènes et Inflammation», IFR133, Université de Franche-Comté, Besançon BLOCAGE DU GNRH DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOïDE Un essai contrôlé preuve de concept (1) : le cetrorelix est un antagoniste du Gn-RH. Les inter- relations entre le système immu- nitaire et les hormones hypotha- lamo-hypophysaires sont connues depuis plusieurs années. Cette étude est un essai randomisé éva- luant les effets du cetrorelix sur l’atteinte clinique de la PR et le TNFα circulant. Des patients sous des doses stables de traitement traditionnel ont reçu le cetrore- lix SC (3 ou 5 mg) ou un placebo sur 5 jours. Les patients étaient évalués sur la variation du DAS28 à J5, de celle du TNFα et sur le plan de la réponse ACR20. 99 pa- tients (72 % de femmes) ont parti- cipé à cette étude. Dans le groupe cetrorelix, les taux de FSH/LH baissaient comme ceux du TNFα (-25 % versus -13 % avec le pla- cebo ; p = 0,008). La variation du DAS 28 était plus marquée dans le groupe cetrorelix, sans différence significative avec le groupe pla- cebo (-0,82 versus - 0,57). En re- vanche, le taux de réponse ACR20 était plus élevé sous cetrorelix que placebo (40 % vs 18 % ; p = 0,015). Le traitement était bien toléré. C’est donc une approche origi- nale (modulation du système immunitaire par un blocage hormonal), dont l’intérêt mérite cependant d’être précisé par une durée de suivi plus prolongée. CCX354, UN INHIBITEUR DES CHIMIOKINES DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOïDE CCR1 est une chimiokine interve- nant dans le recrutement et l’ac- tivation des monocytes et macro- phages. Il est exprimé au niveau de la synoviale de PR. Le CCX354 est une molécule per os qui bloque PETITES (OU SMALL AND SMART) MOLéCULES Jeudi 7 JUIN Vendredi 8 JUIN
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232� Rhumatos • Juin 2012 • vol. 9 • numéro 79
spécial eular 2012
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Traitement de la polyarthrite rhumatoïde
Les petites molécules versus les nouvelles biothérapiesn Parmi les nouveautés thérapeutiques dans la polyarthrite rhumatoïde (PR),
les “petites molécules” de synthèse de type inhibiteur des voies de signa-
lisation (inhibiteur de JAK -tofacitinib- et de SyK -fostamatinib-) poursuivent
leur chemin avec des données complémentaires, notamment sur le plan de la
tolérance. De nouvelles cibles dirigées contre les chimiokines (CCR1), de nou-
velles JAK kinases (LY3009104), les fractions du complément (récepteur du
C5a) et même des cibles hormonales (Gn-RH) ont fait l’objet d’essais cliniques présentés durant
ce congrès. Parallèlement ont été présentés des résultats sur de nouvelles biothérapies : nou-
mumab), anti-IL-20 (NNC0109-0012) et administration d’IL-10 (Dekavil). Les petites molécules
vont elles concurrencer “les poids lourds” des cibles cytokiniques ?� Pr Eric Toussirot*
*Centre Investigation Clinique Biothérapie CBT-506 et service de Rhumatologie, CHU de Besançon, Département Universitaire de Thérapeutique et Équipe d’Accueil 4266 «Agents Pathogènes et Inflammation», IFR133, Université de Franche-Comté, Besançon
Blocage du gnRH dans la polyaRtHRite RHumatoïdeUn essai contrôlé preuve de concept (1) : le cetrorelix est un antagoniste du Gn-RH. Les inter-relations entre le système immu-nitaire et les hormones hypotha-lamo-hypophysaires sont connues depuis plusieurs années. Cette étude est un essai randomisé éva-luant les effets du cetrorelix sur l’atteinte clinique de la PR et le TNFα circulant. Des patients sous des doses stables de traitement
traditionnel ont reçu le cetrore-lix SC (3 ou 5 mg) ou un placebo sur 5 jours. Les patients étaient évalués sur la variation du DAS28 à J5, de celle du TNFα et sur le plan de la réponse ACR20. 99 pa-tients (72 % de femmes) ont parti-cipé à cette étude. Dans le groupe cetrorelix, les taux de FSH/LH baissaient comme ceux du TNFα (-25 % versus -13 % avec le pla-cebo ; p = 0,008). La variation du DAS 28 était plus marquée dans le groupe cetrorelix, sans différence significative avec le groupe pla-cebo (-0,82 versus - 0,57). En re-vanche, le taux de réponse ACR20 était plus élevé sous cetrorelix que
placebo (40 % vs 18 % ; p = 0,015). Le traitement était bien toléré. C’est donc une approche origi-nale (modulation du système immunitaire par un blocage hormonal), dont l’intérêt mérite cependant d’être précisé par une durée de suivi plus prolongée.
ccX354, un inHiBiteuR des cHimiokines dans la polyaRtHRite RHumatoïdeCCR1 est une chimiokine interve-nant dans le recrutement et l’ac-tivation des monocytes et macro-phages. Il est exprimé au niveau de la synoviale de PR. Le CCX354 est une molécule per os qui bloque
peTiTes (ou small and smaRt) moléculesJeudi
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TRAITemenT De lA PolyARTHRITe RHUmAToïDe
Placebo
CCRX354 100 mg
CCRX354 200 mg
Tous les patients
70
60
50
40
30
20
10
0
P = 0,014
ACR
20 à
la s
emai
ne 1
2
P = 0,002
PR naïves de biologiques
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Placebo
90
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70
60
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30
20
10
0LY 1 mg LY 2 mg LY 4 mg LY 8 mg
ACR20
ACR50
ACR70
Sous-unité αdu récepteurau GM-CSF
Cellule T
Macrophage
Cellule B Neutrophile
Activation et survie cellulaire réduite
Tra�c cellulairehors de l’articulation
Un anticorps monoclonal humain cible la sous-unité α du récepteur au GM-CSF
Figure 1 - Taux de réponse acr20 à la semaine 12 sous placebo, ccrX354 100 ou
200 mg, un inhibiteur de la chimiokine ccr1 chez des patients atteints de polyarthrite
rhumatoïde (d’après (2)).
Figure 2 - Taux de réponse acr20, acr50 et acr70 à la semaine 12 sous placebo ou
4 doses de lY3009104, un inhibiteur de JaK 1 et JaK2 chez des patients atteints de
polyarthrite rhumatoïde ne répondant pas suffisamment au méthotrexate (d’après (3))
(*p < 0,05 ; **p < 0,01).
Figure 3 - implication du Gm-csF dans la physiopathologie de la polyarthrite rhuma-
toïde et ciblage de la sous-unité alpha de son récepteur (d’après (4)).
l’activité du CCR1. Cette étude de phase II a évalué l’efficacité et la tolérance du CCX354 chez des PR qui ne répondaient pas au métho-trexate (MTX) (2). 166 patients ont été randomisés pour recevoir un placebo, le CCRX354 100 mg ou le CCRX354 200 mg avec une durée de suivi de 12 semaines. Les taux de réponse en ACR20 étaient plus élevés dans les groupes CCRX354 comparativement au placebo (Fig. 1). Les patients naïfs de biologiques étaient meilleurs répondeurs. Le groupe 200 mg du CCRX354 donnaient les meilleurs taux de réponse en ACR20, ACR50 et ACR70. Le traitement était bien toléré, sans différence d’ef-fets secondaires entre placebo et verum. Cette approche est donc intéressante et ouvre la voie à de nouveaux inhibiteurs pharmaco-logiques.
un nouvel anti-Jak kinase dans la polyaRtHRite RHumatoïdeLe LY3009104 (LY) est un anti-JAK ciblant JAK1 et JAK2. Cette molécule donnée per os a été tes-tée chez des PR répondant insuffi-samment au MTX. Il s’agit d’un es-sai de phase II comparant 4 doses de LY (1, 2, 4, 8 mg/j) à un placebo sur une durée de 12 semaines (3). Les taux de répondeurs ACR 20 étaient plus importants dans les groupes LY que dans le groupe pla-cebo, notamment les groupes 4 et 8 mg, avec une réponse rapide dès la 2e semaine (Fig. 2). Globalement, la tolérance était bonne, avec un taux d’infection équivalent entre les groupes LY et placebo. Cet essai montre l’efficacité du LY, notam-ment pour les doses de 4 et 8 mg/j. n
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un anticoRps anti-gm-csF dans la polyaRtHRite RHumatoïde Le GM-CSF intervient dans la phy-siopathologie de la synovite rhu-matoïde. Le mavrilimumab (MAV) est un anticorps humain dirigé contre la sous-unité α du récepteur au GM-CSF (Fig. 3). Il s’agit d’un es-sai de phase II évaluant différentes doses (10, 30, 50 ou 100 mg x 2 par sem) de MAV comparativement à un placebo sur une durée de 12 se-maines (4). 233 patients ne répon-dant pas au MTX ont été inclus dans cet essai et 216 l’ont terminé. A la semaine 12, 55,7% du groupe MAV avaientt une réduction du DAS28-CRP > 1,2 point (critère principal de jugement) compa-rativement à 34,7 % avec le pla-cebo (p= 0,003). Le groupe 100 mg donnait les meilleures réponses sur le DAS-28 ou en ACR20. Des complications infectieuses respi-ratoires hautes étaient notées. Cet anticorps monoclonal paraît pro-metteur dans la PR, d’autant qu’il donne une réponse rapide dès la 2e semaine d’administration et que son efficacité persiste à son arrêt.
un anticoRps anti-il20 dans la polyaRtHRite RHumatoïde L’IL-20 a des propriétés pro-in-flammatoires. Le NNC0109-0012 (NNC) est un anticorps humain neutralisant l’IL-20. Des données préliminaires suggèrent sa bonne tolérance et son intérêt potentiel pour améliorer la symptomato-logie de la PR. Cet essai de phase II a évalué l’efficacité de cet an-ticorps chez des patients ayant une PR active malgré le MTX (5). Les patients recevaient un pla-cebo ou le NNC 3 mg/kg SC une fois/semaine. La durée de l’essai était de 12 semaines. Le critère de jugement principal était la variation du DAS28-CRP. 67 pa-tients ont participé à cet essai. A la semaine 12, la variation du DAS28-CRP était plus impor-tante sous NNC qu’avec le place-bo. La réponse était rapide, dès la première semaine. Les autres cri-tères de jugement (ACR20/50/70, réponse EULAR) étaient signi-ficativement améliorés dans le groupe NNC comparativement au placebo. Des réactions locales à l’injection du NNC étaient notées
ainsi que des infections mineures. Ce traitement constitue donc une nouvelle piste thérapeutique in-téressante.
administRation d’il-10 dans la polyaRtHRite RHumatoïde Le Dekavil est une immunocyto-kine : il s’agit d’une construction biologique composée d’un anti-corps (F8) spécifique du domaine EDA de la fibronectine (en tant que marqueur de remodelage tis-sulaire) couplé à l’IL-10 humaine (F8-IL10). Le Dekavil permet d’améliorer la symptomatologie articulaire dans des modèles ani-maux d’arthrite et d’inhiber l’at-teinte inflammatoire (Fig. 4). L’ac-tivité du Dekavil est supérieure à celle de l’IL-10 seule chez l’animal et du fait de la construction biolo-gique, cette immunocytokine a un tropisme particulier pour la syno-viale. Il a été testé dans un essai de phase Ib en association au MTX chez des PR qui ne répondent pas à un agent anti-TNFα (6). L’objectif était de déterminer la dose maxi-male tolérée et la dose recomman-dée. Il s’agit donc d’un essai d’esca-
Figure 4 - schéma de l’immunocytokine Dekavil : anticorps F8 dirigé contre la fibronectine couplé à de l’il-10 humaine. images en
immuno-scintigraphie (immunospecT) montrant l’accumulation du F8-il-10 au niveau des sites articulaires dans un modèle animal
d’arthrite (6).
De nouvelles cibles bioloGiques eT anTicorps monoclonauX
Figure 5 - réponse clinique eular des patients traités par Dekavil (d’après (6)).
lade de dose (6, 15, 30, 60 μg/kg) de Dekavil donné par voie SC toutes les semaines jusqu’à 8 semaines. La réponse clinique était égale-ment examinée selon la réponse ACR ou la variation du DAS28. Le traitement était bien toléré. Une réponse ACR50 était notée dès la dose de 6 μg/kg. 4 patients sur 5 présentaient une bonne réponse EULAR (Fig. 5) Ces résultats favo-rables traduisent certainement le routage de la cytokine IL-10 vers les sites inflammatoires articu-laires du fait de sa combinaison à l’anticorps F8. Il s’agit d’une thé-rapeutique innovante et originale qui semble prometteuse dans la PR. Un essai de phase II est donc attendu. n