Sur la connaissance de la station de l'équivalence entre la femme et l'homme dans certaines demeures divines, qui a le privilège de la protection (Açimyah). *** Mohyiddin Ibn Arabi, Futûhât al-Mekkiyah, Chap. 324. A. Mostagh Firou, Etudes Traditionnelles, 1988-1989. Présentation. La mentalité moderne tendant de plus en plus vers l'uniformisation en toutes choses, on aurait grand tort d'être surpris de voir les différences qualitatives disparaître de même progressivement. Cet état de fait a profondément marqué aussi les rôles respectifs de l'homme et de la femme, si bien que désormais, l'idée d'une illusoire égalité des fonctions, des droits et des devoirs incombant à l'un et à l'autre, est acceptée partout dans le monde profane comme une chose normale et indiscutable, et cela, même dans les domaines où des différences physiologiques et psychologiques manifestes réclameraient logiquement un statut différent. En dénonçant les aberrations de la mentalité moderne, l'œuvre de René Guenon a suscité chez de nombreux auteurs des mises au point diverses du rôle de la femme dans un sens plus correct et traditionnel. Parmi les travaux publiés dans le passé sur cette question, on peut citer ceux d'Ananda K. Coomaraswamy, auxquels il sera fait appel à plusieurs reprises dans les notes qui suivront, ainsi que ceux de Giorgio Manara. Cet auteur précisément, dans un article consacré au rôle de la femme dans l'Islam, affirmait naguère très justement que « dans le taçawwuf, des possibilités de réalisation spirituelle aussi illimitées que pour les hommes sont offertes aux femmes (...) », et rappelait en outre qu' « il existe, notamment en ce qui concerne la situation de la femme, un esprit particulier à la forme islamique qui se retrouve aussi bien dans le Coran que dans les hadîth du Prophète » (1) : « A titre de référence ajoutait-il, nous rappellerons simplement (...) l'affirmation selon laquelle la femme occupe un degré hiérarchiquement subordonné à celui de l'homme (ar-rijâlu qawwâmûna ‘ala-n-nisâ’i ; Surat IV,38), sans doute en tant que modalité de manifestation individuelle à laquelle elle doit se conformer pour sa propre réalisation, et aussi en vue du dépassement
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Station de l'équivalence entre la femme et l'homme dans certaines demeures divines - Ibn Arabi
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Sur la connaissance de la station de l'équivalence entre
la femme et l'homme dans certaines demeures divines,
qui a le privilège de la protection (Açimyah).
***
Mohyiddin Ibn Arabi, Futûhât al-Mekkiyah, Chap. 324.
A. Mostagh Firou,
Etudes Traditionnelles, 1988-1989.
Présentation.
La mentalité moderne tendant de plus en plus vers l'uniformisation en toutes
choses, on aurait grand tort d'être surpris de voir les différences qualitatives
disparaître de même progressivement. Cet état de fait a profondément marqué
aussi les rôles respectifs de l'homme et de la femme, si bien que désormais,
l'idée d'une illusoire égalité des fonctions, des droits et des devoirs incombant à
l'un et à l'autre, est acceptée partout dans le monde profane comme une chose
normale et indiscutable, et cela, même dans les domaines où des différences
physiologiques et psychologiques manifestes réclameraient logiquement un
statut différent.
En dénonçant les aberrations de la mentalité moderne, l'œuvre de René Guenon
a suscité chez de nombreux auteurs des mises au point diverses du rôle de la
femme dans un sens plus correct et traditionnel. Parmi les travaux publiés dans
le passé sur cette question, on peut citer ceux d'Ananda K. Coomaraswamy,
auxquels il sera fait appel à plusieurs reprises dans les notes qui suivront, ainsi
que ceux de Giorgio Manara. Cet auteur précisément, dans un article consacré
au rôle de la femme dans l'Islam, affirmait naguère très justement que « dans le
taçawwuf, des possibilités de réalisation spirituelle aussi illimitées que pour les
hommes sont offertes aux femmes (...) », et rappelait en outre qu' « il existe,
notamment en ce qui concerne la situation de la femme, un esprit particulier à la
forme islamique qui se retrouve aussi bien dans le Coran que dans les hadîth du
Prophète » (1) : « A titre de référence ajoutait-il, nous rappellerons simplement
(...) l'affirmation selon laquelle la femme occupe un degré hiérarchiquement
subordonné à celui de l'homme (ar-rijâlu qawwâmûna ‘ala-n-nisâ’i ; Surat
IV,38), sans doute en tant que modalité de manifestation individuelle à laquelle
elle doit se conformer pour sa propre réalisation, et aussi en vue du dépassement
initiatique de l'individualité » (2). Dans une autre partie de son article, Giorgio
Manara précisait encore: « en règle générale, la femme se trouve, plus que
l'homme, liée de façon constante à une autorité dont elle dépend (...) ; dans une
communauté islamique, chaque femme (...) est placée normalement sous
l'autorité directe d'un homme, nécessairement musulman, que ce soit le père, le
tuteur, un frère ou le mari (...) ». Certes, les conceptions exprimées ici par
Giorgio Manara le sont sous une forme islamique, mais il faut savoir qu'elles
peuvent parfaitement être transposées, sous un mode ou un autre, à d'autres
formes traditionnelles orthodoxes.
En fait il aura fallu qu’arrivent les temps modernes, pour que soit envisagée la
possibilité pour la femme d'exercer la fonction de rabbin dans la tradition
hébraïque, une éventualité qui naturellement souleva, en son temps, bon nombre
de réactions dans ces milieux traditionnels. D'autre part, sans un tel rapport de
dépendance et de complémentarité entre l'homme et la femme, le sacrifice de la
satî indienne ou du harakiri de la femme japonaise serait totalement
incompréhensible et injustifié (3). Enfin, ces mêmes préoccupations
traditionnelles sont également à l'origine du fait, que, dans la tradition
chrétienne, tout en reconnaissant à la femme aussi bien qu'à l'homme la
possibilité de s'élever à la « sainteté », l'exercice du sacerdoce a toujours été
exclusivement réservé à l'homme, ainsi que René Guenon l'a fait remarquer en
diverses occasions dans son œuvre (4).
(1) Cf., Rivista di Studi Tradizionali, N" 32 (1970), « La possibilité islamique
pour la femme », p. 341-342.
(2) Ibid., note.
(3) Cf. Ananda K. Coomaraswamy, Autorité Spirituelle et Pouvoir Temporel
dans la perspective indienne du gouvernement, p. 97, éd. Arche.
(4) Ces observations restent valables même si, encore tout récemment, des
signes sont apparus donnant à penser qu'à l'intérieur de l'Eglise catholique
même, certaines tendances s'affrontent autour d'un débat visant à concéder à la
femme l'exercice du ministère sacerdotal jusqu'ici réservé aux hommes. Il
convient de se souvenir en effet de ce qu'a dit René Guenon à propos de
l'extériorisation providentielle du Christianisme dans les premiers siècles, et des
parallélisme que l'on peut établir entre les rites probablement initiatiques de
l'origine, et les rites exotériques et les sacrements qui leur succédèrent
vraisemblablement (Aperçus sur l'initiation, chap. XXIII). A ce sujet, il est
important d'ajouter que les précisions qui seront données dans le cours de cet
article sur les empêchements pour la femme d'accomplir certains rites
particuliers du domaine initiatique, sont susceptibles d'être transposées dans le
domaine exotérique et qu'elles pourront rendre plus explicites les raisons pour
lesquelles, dans l'Eglise catholique, la femme n'a jamais été admise à l'ordination
sacerdotale et à l'administration de certains sacrements. On remarquera en outre,
que certains passages de ce chapitre des Futûhât, présentent des analogies
incontestables avec les enseignements de la tradition chrétienne : Maître
Eckhart, par exemple, évoquant saint Augustin, dit de lui qu'il est comme un
« vase d'or », ouvert vers le haut et fermé vers le bas, et invite à prendre ce saint
pour modèle en ajoutant : « Les hommes sont assimilés aux forces d'en-haut
puisqu'ils ont toujours le chef découvert, tandis que les femmes sont assimilées
aux forces d'en-bas et ont toujours la tête couverte. Les puissances supérieures
(...) sont donc assimilées aux hommes car elles sont toujours nues. » (Etudes
Traditionnelles, « Comme un vase d'or massif », N" 301, juill.-août 1952, p.
213-214).
Cela étant dit, on peut légitimement se demander pour quelles raisons sont
apparus, plus récemment, dans la revue où écrivit Giorgio Manara, des articles
en parfaite opposition avec ce qui avait été pertinemment affirmé par celui-ci en
son temps, et dans lesquels est soutenu (5), sous une forme ou sous une autre,
que du point de vue initiatique il ne se trouve aucun empêchement à ce que la
femme accède, non seulement à la réalisation spirituelle, ce qui est tout à fait
correct, mais aussi « à l'exercice de fonctions hiérarchiquement plus élevées »,
ce qui est, comme on le verra par la suite, sujet à diverses restrictions très
importantes. En outre, ces mêmes articles soutiennent curieusement que du point
de vue exotérique, il n'existe aucun obstacle à ce que la femme accède à la
fonction d’Imâm, c'est-à-dire à ce qu'elle dirige « aussi bien la prière des
femmes que celle des hommes », ce qui, sous certains aspects, est une fonction
comparable à celle du prêtre chrétien ou du rabbin hébraïque.
Comme on le voit, s'il est permis de se poser des questions à l'égard d'un tel
changement de perspective sur le rôle traditionnel de la femme et quant aux
raisons qui l'ont provoqué, il n'en demeure pas moins un réel danger, c'est qu'à
une époque où de telles idées se répandent déjà que trop facilement, de
semblables affirmations n'entraînent de nouvelles confusions susceptibles de
servir davantage le désordre du monde moderne que l'orthodoxie de la tradition
(6).
Il entre certes dans le droit de ceux qui côtoient ces milieux, de vérifier si
derrière ces retournements de perspective, ne se trouverait pas quelque
circonstance insolite affectant la régularité traditionnelle, et probablement de
telles investigations conduiraient à des constatations qui ne manqueraient pas de
surprendre. Mais comme il n'est pas dans les attributions d'une revue comme
celle où nous écrivons, de se livrer à des vérifications internes de ce type, il sera
sans aucun doute beaucoup plus profitable, à maints égards, de chercher à
rétablir la vérité sur le rôle et les fonctions de la femme dans la tradition
islamique, à partir des écrits d'un Maître incontesté de cette tradition, le Sheikh
Mohyiddin Ibn Arabi. Par ailleurs, nous sommes persuadés qu'il ne sera de
surcroît pas bien difficile, à ceux qui le souhaiteraient, de transférer ces notions,
moyennant les adaptations nécessaires, à d'autres formes traditionnelles, surtout
s'ils tiennent compte du fait que le Sheikh Ibn Arabi, tout comme René Guenon,
s'applique toujours à résoudre les contradictions apparentes en faisant référence
aux principes métaphysiques, principes qui sont naturellement communs à toutes
les formes traditionnelles.
(5) Ceci se réfère aux deux numéros de la Rivista di Studi Tradizionali de
l'année 1986 parus dans le courant de 1987.
(6) II ne s'agit d'ailleurs pas d'un cas isolé et ayant des conséquences sur le plan
doctrinal : dans un article aussi récent (R.S.T., N° 64, janv.-juin 1986, p. 114),
qui n'est pourtant pas dépourvu de valeur à d'autres égards, on peut lire à propos
des rites cette affirmation par exemple: « (...) il est indispensable qu'ils soient
accompagnés d'une intention correcte ». Ceci jette un voile épais sur ce qu'a
rappelé René Guenon à maintes reprises, à savoir que « les rites possèdent une
efficacité propre ». En fait, ce qui est affirmé dans cet article témoigne d'une
notable confusion, c'est que l’ « aspiration », qui est une chose nécessaire pour
accéder à l'initiation, est prise ici pour l' « intention » — correcte ou droite -, qui
elle ne peut être obtenue qu'après un long chemin dans la voie. Devant de telles
méprises, il faut espérer que l'étude sur la « théorie du geste » annoncée
récemment dans notre revue, et à laquelle appartient ce domaine des rites,
vienne apporter dans divers milieux une plus grande clarté à cet égard. Quoi
qu'il en soit, il est curieux d'observer que si l'on rapproche le cas dont il s'agit
des autres confusions relevées depuis quelques temps dans la même revue, on
remarque manifestement une orientation allant dans le sens de la « rigueur », de
la fermeture du « Qabd », et de la « limitation », toutes choses assimilables en
grande partie à la nature féminine ; une nature qui rappelle le symbolisme de l’ «
arche », ou de la « baleine », ou encore du « dauphin » - que René Guenon
associe à la « Femme de mer » (S.F.S.S., chap. XXII, p. 170) - et à la
« matrice », qui conserve le germe d'immortalité et qui a, sous divers rapports,
un rôle analogue à celui de la caverne ou des « encadrements » ; rappelons que
selon René Guenon, ces encadrements « ont une valeur de protection, et même
doublement, en empêchant non seulement les influences maléfiques de pénétrer
dans la demeure, mais aussi les influences bénéfiques d'en sortir et de se
disperser au dehors » (S.F.S.S., chap. LXV, p. 393). Toutefois, il ne faut pas
oublier que l'éclairage de la « caverne » n'est « que le reflet d'une lumière qui
pénètre à travers le « toit du monde », par la porte solaire, qui est l’« œil de la
voûte cosmique » ou l'ouverture supérieure de la caverne ». La fermeture, dans
des conditions normales, ne peut donc être totale ; le qabd (coagula) doit être
équilibré par le bast (solve) ; l’attribut de Rahmân (qui implique la notion de
« donner l'existence - engendrer ») doit coexister avec l'attribut de Rahîm (qui
implique la notion de « protéger - conserver »).
Cette traduction intégrale du texte d'Ibn Arabî sera d'autant plus nécessaire, que
dans les récentes publications dont nous faisions état au début la citation de
passages isolés de leur contexte semble conforter les thèses exposées, alors que,
comme il sera aisé de s'en rendre compte, une lecture attentive du texte intégral
en fait au contraire ressortir toute la fausseté, ou pour le moins parfois, les
limites précises de leur application. Par exemple, en ce qui concerne l'Imamat de
la femme, qui est traité dans une autre partie de l'œuvre d'Ibn Arabî (7), il est
bien exact que cet auteur traditionnel en admet la validité dans des circonstances
particulières, mais en spécifiant que l'Imamat de la femme correspond à celui de
l’âme, tandis que celui de l'homme correspond à l'Imamat de l'intellect ('Aql).
Voici le passage en question : « Lorsque la Nafs (femme) en a assez de suivre
ton Imamat (de l'intellect — homme), et qu'elle fait l’Imam, alors toi, suis-la, et
fait la salâh derrière elle pour la protéger afin que la passion ne l'égare pas (...) ;
il est donc admis que la Nafs fasse l’imâm, et ceci est l'Imamat de la femme ».
Il est d'autre part bien trop évident, que des circonstances exceptionnelles ne
peuvent rien changer à cet égard de subordination de la femme, ni faire en sorte
de lui attribuer une égalité de fonction avec l'homme, qui, tout en remplissant
son rôle autonome et volontaire de protection lorsqu'il la suit dans l'exécution du
rite, conserve néanmoins son indépendance ; et cela de la même façon qu'un
Maître peut parfaitement suivre la salâh d'un disciple, sans pour cela que le
disciple ne prenne jamais ni la fonction ni le degré du Maître, ni qu'il y ait une
quelconque égalité de degré ou de fonction entre le Maître et le disciple. En fait,
cette « subtilité » conceptuelle exposée par Ibn Arabî n'est évidemment pas du
ressort du domaine exotérique, où les divers madhhab (rites) prescrivent
simplement : « La femme ne dirige (rôle de l'imam) ni les hommes, ni les
femmes (...) ni les prières d'obligation divine, ni les prières surérogatoires » (8).
Indépendamment du fait que ce texte d'Ibn Arabi écarte toute possibilité de
confusion sur la fonction de la femme, son importance réside aussi et avant tout
dans les précisions qu'il apporte sur la véritable nature féminine ; et ceci est
extrêmement précieux, car la voie initiatique ne pouvant être parcourue que dans
la conformité à la nature propre à chaque être (swadharma), laquelle diffère
nécessairement entre l'homme et la femme, la connaissance de la nature propre à
la femme sera donc de la plus grande utilité pour toutes celles qui, sensibilisées
par le message de René Guenon, ont l'intention d'entreprendre au moins un
approfondissement théorique, en vue de fournir un effort « opératif » par la
suite. De plus, il est tout aussi intéressant de remarquer que, précisément par le
jeu de ces différences de nature et par comparaison, le rôle et la nature de
l'homme apparaîtront aussi plus distinctement, de sorte que toutes les
complémentarités entre l'homme et la femme pourront de même être perçues
avec facilité et contribuer, si elles sont exploitées opportunément par l'un et par
l'autre, à élever la dignité de leurs rôles respectifs.
(7) Futûhât, vol. I, chap. LXIX, p. 447.
(8) Cf. La Risâlah, Epître sur les éléments du dogme et de la loi de l'Islam selon
le rite Mâlékite, Ibn Abi Zayd Al Qayrawânî, éd. 1460, p. 73.
Ainsi qu'il y a été fait allusion plus haut, il est toujours de règle, chez Ibn Arabî,
de ramener toutes choses, les êtres, leur nature, les contingences ou autres, à
leurs racines métaphysiques, et cela présente notamment l'avantage de rendre
évident ce qui serait susceptible de laisser planer un doute, comme c'est le cas
parfois lorsqu'on a affaire à une exposition de type exotérique et dogmatique, ou
lorsque la formulation est enveloppée dans la diversité des contingences. La
lecture de ce texte d'Ibn Arabî peut donc ouvrir sur des développements bien
plus amples que ceux suggérés par son titre, tout en conservant néanmoins un
côté pratique au niveau des concepts exposés.
Il est donc à souhaiter que cette traduction puisse être utile au même degré, non
seulement aux femmes, mais aussi aux hommes, notamment pour affiner leurs
rapports réciproques, afin qu'ils se conforment toujours plus harmonieusement
aux lois cosmiques qui nous gouvernent, et qui apparaissent aussi dans les
préceptes et les enseignements des Envoyés et des Maîtres des différentes
traditions.
Sur un autre plan, il ne pourra être que profitable de ce rendre compte
clairement, combien la confusion des rôles respectifs de l'homme et de la femme
constitue un empêchement de fait dans la voie de la réalisation : la régénération
ou l'harmonisation des puissances de l'être ne peut certes s'accomplira travers
des procédés ou des attitudes contraires à l'ordre cosmique (9).
Enfin, notre époque étant caractérisée par des mentalités tournées généralement
vers le « contingent » et l’ « apparent », et surtout vers leurs aspects les plus «
spectaculaires », c'est-à-dire capable de faire vibrer des « sensations », il n'est
pas douteux qu'on verra de plus en plus se multiplier, sous les formes les plus
diverses, des publications envahissant le domaine traditionnel pour y transporter,
en quelque sorte, consciemment ou inconsciemment, les usages et pratiques qui
ont cours dans le monde profane, et en vertu desquels il est licite de se faire
l'écho de n'importe quoi, dès l'instant où il s'agit de rabaisser les lecteurs au
niveau de leurs facultés inférieures; des manifestations apparentées à ce genre de
choses s'étant produites encore tout récemment, les notes qui accompagneront ce
texte d'Ibn Arabî seront donc aussi l'occasion de montrer indirectement combien,
en toutes circonstances, la réalité profonde demande à être approchée avec
beaucoup de prudence au travers des apparences, et surtout avec un ensemble de
connaissances au moins théoriques, assez étendues pour ne pas se laisser
entraîner dans des erreurs de jugement regrettables.