Top Banner
COPYRIGHT, ©, octobre 2006, Normand Turgeon Normand Turgeon Titulaire d‟une maîtrise en administration des affaires (MBA) de l‟Université Laval et d‟un doctorat (Doctor of Philosophy, Business Adminis- tration) de la University of Tennessee (Knoxville), Normand Turgeon est professeur titulaire au Service de l‟enseignement du marketing. Il est entré en fonction à HEC Montréal en juin 1987. Depuis, il enseigne dans différents programmes d‟études et agit actuellement à titre de coordonnateur de l‟option marketing au MBA. Il a élaboré plusieurs nouveaux cours au B.A.A, au MBA et à la M. Sc. Côté recherche, il s‟intéresse plus particulièrement aux problématiques vécues par les gestionnaires de marketing et leurs organisations. Ainsi, il conjugue une perspective managériale à un style de recherche de type « recherche-action ». Il a publié des articles de recherche et des textes pédagogiques, dont un qui lui a valu d‟être colauréat du Prix PricewaterhouseCoopers 1999 du meilleur livre d‟affaires en français au Québec. Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner un discours inaugural, appelé leçon inaugurale, à l‟intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon, les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de la gestion.
25

Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

Jul 12, 2020

Download

Documents

dariahiddleston
Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
Page 1: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

COPYRIGHT, ©, octobre 2006, Normand Turgeon

Normand Turgeon

Titulaire d‟une maîtrise en administration des

affaires (MBA) de l‟Université Laval et d‟un

doctorat (Doctor of Philosophy, Business Adminis-

tration) de la University of Tennessee (Knoxville),

Normand Turgeon est professeur titulaire au

Service de l‟enseignement du marketing. Il est

entré en fonction à HEC Montréal en juin 1987.

Depuis, il enseigne dans différents programmes

d‟études et agit actuellement à titre de

coordonnateur de l‟option marketing au MBA. Il a

élaboré plusieurs nouveaux cours au B.A.A, au

MBA et à la M. Sc.

Côté recherche, il s‟intéresse plus particulièrement

aux problématiques vécues par les gestionnaires de

marketing et leurs organisations. Ainsi, il conjugue

une perspective managériale à un style de

recherche de type « recherche-action ». Il a publié

des articles de recherche et des textes

pédagogiques, dont un qui lui a valu d‟être

colauréat du Prix PricewaterhouseCoopers 1999

du meilleur livre d‟affaires en français au Québec.

Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner un discours inaugural,

appelé leçon inaugurale, à l‟intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette

leçon, les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de la gestion.

Page 2: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

PRODUCTIVITÉ ET PERFORMANCE MARKETING :

FAIRE FACE AUX DÉFIS

TABLE DES MATIÈRES

Préambule ...............................................................................................................5

Introduction ............................................................................................................8

I. Productivité et performance marketing : le développement d’un

champ d’études...........................................................................................9

II. Enjeux stratégiques ..................................................................................15

III. Améliorer la productivité et la performance marketing : regards vers

l’extérieur..................................................................................................17

IV. Quoi faire à HEC Montréal ? .................................................................19

A. Deux propositions de nature pédagogique ...........................................19

B. Une proposition de nature organisationnelle et pédagogique ..............21

C. Une proposition de nature organisationnelle .......................................21

Conclusion ............................................................................................................23

Bibliographie ........................................................................................................24

Page 3: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

5

Préambule

Quelques faits pour situer la problématique : j‟ai appris lorsque j‟étais étudiant : « I

know half of my advertising is waisted, but I just don’t know which half (John

Wanamaker1) ». J‟ai écrit en 1985 : « Les résultats d‟une étude effectuée par la firme

Booz, Allen et Hamilton […] soutiennent que sur 58 idées de générées, seulement une

en moyenne connaît un succès commercial (Pettigrew et Turgeon, p. 141) ». J‟ai lu

dernièrement dans le site du Marketing Science Institute (2006) : « It is said that at

least half of all advertising spending is ineffective, that up to 80% of new-product

initiatives fail commercially, and that 85% of sales promotions lose money ».

Autres faits : Selon Halsall et Singer (2003), les dépenses de marketing aux États-

Unis ont crû en moyenne à un taux de 7,5 % par année au cours des 10 dernières

années, tous secteurs économiques confondus. Par exemple, les dépenses de marketing

du secteur du commerce de détail ont augmenté de 12 % en moyenne par année. Ces

sommes additionnelles ont été consacrées, entres autres, à l‟acquisition de nouvelles

technologies afin de développer des outils de CRM (CRM pour Customer Relationship

Management), mieux connu ici sous l‟acronyme GRC (GRC pour Gestion de la

relation avec la clientèle). Mauvaise nouvelle : selon ces deux auteurs, ces

investissements n‟auraient pas eu tous les effets escomptés. Il en est de même du

secteur des commandites et des alliances : par exemple, dans les 10 dernières années,

2,5 milliards de dollars américains ont été investis dans l‟achat de droits de noms de

stades ( title sponsorship ou « sponsors-titres ») avec, comme résultats, des

rendements qui seraient plutôt décevants. Finalement, les trois grands de l‟industrie

automobile américaine ont accru leurs dépenses de marketing de 21 % par année entre

1995 et 2000, augmentant ainsi de 87 % la portion de ces dépenses par automobile, un

montant de 2 900 $ de coûts de marketing par véhicule. Or, durant cette période, ces

manufacturiers ont perdu 5 % de parts de marché, ce qui représente 15 milliards de

revenus uniquement pour l‟année 2000.

1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la publicité moderne et comme le père des grands magasins, avec l‟ouverture de The Grand Depot, en 1875.

Page 4: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

6

Ces faits, plutôt défavorables à la productivité marketing, doivent être évalués en

tenant compte de résultats qui, eux, lui sont plutôt favorables. Par exemple, Luo et

Donthu (2006, p. 70), mentionnent : « Contrary to the common criticisms about

advertising accountability and the decline of advertising and promotion productivity,

the study results indicate a positive influence of marketing communication productivity

on shareholder value. » Nous devons aussi tenir compte de l‟étude de Mizik et

Jacobson (2006). Ces derniers ont observé que l‟adoption d‟un style de gestion appelé

myopic marketing management, ou « gestion à l‟aveuglette », c‟est-à-dire l‟utilisation

de stratégies marketing à court terme souvent élaborées en fonction de coupures

budgétaires imposées afin d‟atteindre les objectifs trimestriels, est nuisible à long

terme pour la valeur de l‟entreprise, et ce, bien que les résultats soient positifs à court

terme. Nous pourrions être tentés de déduire que le marketing n‟est pas autant

productif que nous le souhaiterions, mais est-ce bien le marketing qui n‟est pas

productif dans ce cas précis? N‟est-ce pas plutôt les décisions financières imposées qui

ne le sont pas?

Voilà, la problématique est positionnée. Le marketing est-il productif? Est-il

performant? Que la réponse soit oui, non ou peut-être, quoi faire, dans l‟entreprise et

surtout à HEC Montréal, afin de le rendre encore plus productif, plus performant?

Cette leçon inaugurale me donnera l‟occasion d‟approfondir le thème de la

productivité et de la performance marketing, que j‟aborde en classe dans mes

enseignements, et pour lequel je nourris une curiosité intellectuelle grandissante. Je

vais donc faire un bref rappel historique de la productivité et de la performance

marketing sous la forme d‟un compte rendu chronologique. Aussi, je vais y aller d‟un

plaidoyer, un moment éditorial. En effet, c‟est une fois dans une vie consacrée à

l‟enseignement des affaires à HEC Montréal qu‟une telle tribune est offerte à un

collègue par des pairs qui ont accepté son parcours professionnel, et j‟entends bien en

profiter pour laisser un message, éloquent j‟espère. Le niveau de vie assez élevé dont

nous jouissons provient de la croissance économique dont nous sommes tous des

contributeurs. En effet, cette croissance est le fruit de nos efforts collectifs qui se

Page 5: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

7

résument en un mot : PRODUCTIVITÉ. Je ne suis pas économiste et je n‟analyserai

donc pas le concept de productivité marketing sous un angle de macro ou de micro-

économie (Bonoma et Clark, 1988). Je suis d‟abord professeur de marketing pour en

enseigner les rudiments et je suis aussi marketeur pour les appliquer; c‟est sur la base

de cette fusion des rôles que ma leçon inaugurale a été écrite. Je vais donc vous parler

de productivité et de performance marketing comme un pédagogue qui se met dans la

peau d‟un homme ou d‟une femme d‟affaires. Ainsi, je tenterai de définir les défis,

ceux des entreprises, mais surtout ceux que notre École aura à relever afin d‟amener

ses étudiants, de tous horizons, à devenir des acteurs engagés dans l‟amélioration de la

productivité marketing de leur organisation, notamment par une meilleure

compréhension des interrelations des différentes fonctions de l‟entreprise.

Conséquemment, la productivité des organisations et, incidemment, celle des

économies où nos étudiants seront des acteurs responsables, auront plus de possibilités

de s‟améliorer, le tout, autant que possible, dans une perspective de développement

durable.

Page 6: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

8

Introduction

« Prévoir et planifier, Organiser, Commander, Coordonner et Contrôler », ces

cinq ingrédients du management classique furent proposés par Henri Fayol (1841-

1925). L‟histoire dit que cette roue managériale a connu un tel succès aux États-Unis

qu‟elle fut réimportée en France par des consultants américains2. C‟est Patrick

Lagadec qui me l‟a enseignée si intelligemment dans le cours Principes de

management et qui m‟est demeurée inscrite en mémoire sous le fameux acronyme

PODC pour : Planifier, Organiser, Diriger et Contrôler.

Un ou deux trimestres plus tard, nous étions exposés à une roue managériale

similaire, celle de Philip Kotler (1973) présentée dans son livre d‟introduction au

marketing que nous appelions tous affectueusement la bible. Cet ouvrage faisait le tour

des opérations de marketing en 1041 pages sous le cycle de l‟analyse, de la

planification et du contrôle (APIC).

La roue de M. Fayol fait toujours époque. Par exemple, Kotler et Cunningham

(2004) consacre tout un chapitre sur ces aspects dans la 11e édition de leur livre

intitulé Marketing Management. Peu importe la roue managériale retenue, la française

(PODC) ou l’anglo-saxonne » (APIC), l'ingrédient contrôle m‟interpelle, et cet intérêt

pour la productivité et la performance marketing s'inscrit dans le cadre général du

contrôle organisationnel (Anthony, 1988).

D'un point de vue historique, en marketing, deux grandes écoles de pensée ont été

dominantes en matière de contrôle selon Morgan, Clark et Gooner (2002) : d'une part,

l'analyse de la productivité et, d‟autre part, l'audit marketing. Nous allons nous

intéresser à ces deux écoles et à leurs liens étroits avec la mesure de la performance

marketing.

2 www.insead.edu/library/patrimoine/fayol

Page 7: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

9

I. Productivité et performance marketing :

le développement d’un champ d’études

Disons d'emblée que la productivité est un rapport des outputs sur les inputs pour

une période donnée et qu‟elle constitue, avant tout, une mesure de l'efficience

productive. Ajoutons aussi que les économistes s'y intéressent beaucoup et qu'ils ont

décelé bien des problèmes dans sa mesure et son interprétation (Parienty, 2005). Nous

n'irons donc pas dans tous les détails techniques; nous nous en tiendrons plutôt au

grand principe déjà exposé : la productivité des organisations a un lien étroit avec la

croissance économique – et l‟emploi – et un lien tout aussi étroit avec le niveau de vie

d'une société (Parienty, 2005).

Le développement économique et le niveau de vie des nations sont toujours des

sujets d‟intérêt en marketing (par exemple, Bloom et Gundlach, 2002; Reddy et

Campbell, 1994). Les quelques pionniers à s‟y intéresser et à faire le lien avec la

productivité marketing furent Harold Maynard, Walter Weidler et Theodore Beckman

qui, dès les années 20, dans une édition de leur livre intitulé Principles of Marketing, y

allaient de deux chapitres, dont le chapitre 37 intitulé Marketing Costs et le chapitre 38

(le dernier du livre), ayant pour titre Marketing Efficiency. Les sujets suivants étaient

couverts

Chapitre 37 (p. 697-713) :

« Relative increase in cost of distribution;

Absolute increase in distribution costs;

Measuring costs of marketing. »

Chapitre 38 (p. 714-735) :

« A criticism of marketing;

Too many middlemen;

Are there too many kinds of middlemen?;

Are there too many competing middlemen?;

Size of the business unit and efficiency;

Determining number of business units;

Page 8: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

10

Are aggressive salesmanship and advertising wasteful?;

Some methods of enhancing marketing efficiency;

Rapid stock turnover;

Advantages of rapid stock-turns.»

Le marketing était défini ainsi dans leur livre (p. 3) : « It is commonly accepted

usage the term marketing covers all business activities necessary to effect transfers in

the ownership of goods and to provide for their physical distribution. »

Ainsi, pour ces auteurs, la productivité marketing se mesurait par le transfert des

biens des producteurs aux distributeurs (grossistes et détaillants) et, finalement, aux

consommateurs. Une grande partie de la mesure de l‟output portait sur la quantité de

biens transférés et la mesure de l‟input tenait compte des coûts de distribution

impliqués. C‟était une conceptualisation de la productivité centrée sur leur définition

du marketing qui était fortement à saveur économique puisqu‟elle légitimait un pan

d‟activités lié à une des colonnes vertébrales de l‟économie américaine : l‟industrie de

la distribution. Il faut noter que le marketing est considéré, à l‟époque, comme une

excroissance de l‟économie, un type d‟économie (Bartels, 1962, p. 6). Quelques écoles

de pensée sont déjà dominantes dans ce sujet-domaine qui est en ébullition : l‟école

fonctionnaliste, l‟école des commodités et l‟école institutionnaliste (Bartels, 1970).

Les efforts de Maynard, Weidler et Beckman (1927), du Bureau of Labor des États-

Unis (1959), ainsi que d‟autres chercheurs (par exemple Barger, 1955) avaient un

double objectif. D‟une part, en démontrant que les activités du marketing étaient

productives, c‟est-à-dire que l‟économie profitait de l‟organisation des activités de

distribution telles qu‟elles étaient réfléchies et organisées par ce nouveau sujet d‟étude,

les gestionnaires et les théoriciens gagnaient en crédibilité. C‟est tout le domaine du

marketing qui pouvait se présenter comme un lieu de connaissances de plus en plus

reconnu. D‟autre part, les attentions portées à la mesure de la productivité dans

l‟entreprise avaient comme objectif d‟aider les gestionnaires à être plus efficients dans

l‟allocation des sommes consacrées aux dépenses de marketing.

Page 9: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

11

Les efforts déployés n‟ont pas été vains; toutefois, un obstacle important se

dressait devant ces chercheurs et praticiens, celui de déterminer et d‟obtenir des

données de ventes (profits) – output – et des coûts marketing – input – fiables. Au fil

des ans, de nouvelles techniques ont été proposées, qu‟elles proviennent de

l‟économique (valeur ajoutée comme mesure d‟output) ou de la comptabilité

(répartition des coûts comme input).

Effectuons un grand voyage dans le temps et atterrissons en 1965, un grand

millésime pour les publications sur le sujet de la productivité en marketing. Il y a

d‟abord la publication du livre de Charles Savin (1965) dont le titre est Marketing

Productivity Analysis. Le concept de productivité y est expliqué de façon

classique (p. 9) : « The concept of productivity or efficiency is borrowed from the

subject of mechanics in the science of physics and is defined there as the ratio of effect

produced to energy expended. In the present context, marketing productivity refers to

the ratio of sales or net profits (effect produced) to marketing costs (energy expended)

for a specific segment of the business. » L‟auteur présente cinq façons d‟augmenter la

productivité marketing qui ont toutes à voir avec une augmentation ou une diminution

des ventes (ou profits) accompagnée de variations correspondantes des coûts de

marketing. L‟essentiel de sa réflexion porte donc sur la productivité des opérations de

marketing des entreprises, pas sur les grands systèmes de marketing.

Paraissaient également en 1965 les comptes rendus du Theodore N. Beckman

Symposium on Marketing Productivity tenu en l‟honneur du professeur Beckman, à

l‟Université de l‟Ohio (Heskett, 1965), pour ses 45 années de carrière. Wendell Smith

(1965), un des chercheurs invités, présente le concept de productivité marketing de

façon fort originale (p. 1) : « The concept is derived, of course, from the economist’s

notion of production as the creation of utility by increasing the want-satisfying ability

of tangible goods or by the performing of services capable of satisfying wants directly.

Productivity, then, in an absolute sense, relate to the ability of goods and services to

satisfy wants. »

Page 10: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

12

Il est possible de constater une nette évolution du concept de productivité, qui est

tout à fait conforme à l‟évolution même de ce qu‟est le marketing. En effet, selon

E. Jerome McCarthy, l‟auteur le plus prolifique de livres sur l‟introduction au

marketing à cette époque, aux États-Unis, et aussi le père des fameux 4P – produit,

prix, place, promotion3 – (Wilkie et Moore, 2003), le marketing est défini ainsi :

« Marketing is the response of businessmen to the need to adjust production

capabilities to the requirements of consumers’ demands. » (McCarthy, 1960, p. 33).

Notons ici que cette nouvelle définition du marketing met l‟accent sur le besoin

d‟ajustement de l‟entreprise aux demandes des consommateurs, alors que, auparavant,

on définissait le marketing comme étant la distribution efficiente des produits. Ce qui a

été convenu d‟appeler le concept moderne de marketing venait de faire surface : le

marketing s‟intéresse d‟abord et avant tout à la satisfaction des besoins des

consommateurs, vecteur de la création des profits des entreprises. Smith (1965) a donc

fait évoluer la conception de ce qu‟est la productivité marketing en l‟associant plus

directement à la satisfaction des besoins. À cet égard, voici ses propos : « […] I have

attempted […] to suggest as a basis for our discussions today both a broad and a

more specific notion of productivity as the concept is used in marketing. » (p. 10).

Les domaines du marketing et de la productivité marketing venaient de

s‟affranchir conceptuellement. Bien que l‟ensemble des techniques de mesure tenait

encore davantage de la science économique, un débat était lancé sur l‟établissement

d‟une façon de faire propre au marketing. En plus de l‟efficience, il y avait la nécessité

d‟accorder plus de poids à l‟efficacité dans les choix stratégiques; les segments de

marché avaient des besoins distincts et les offres marketing devaient les satisfaire.

Selon Morgan, Clark et Gooner (2002), c‟est l‟objectif qu‟avait en tête Kotler et

coll. (1977) lorsqu‟ils sont revenus à la charge avec une nouvelle conceptualisation de

l‟audit marketing vers la fin des années 70; c‟était là une démarche afin

d‟opérationnaliser la composante efficacité du concept de productivité marketing,

3 Le marketing des services compterait 7 P, soit le « processus », les « évidences physiques » et le «personnel », en plus des 4 P traditionnels (voir Paquin et Turgeon, 1998 pour une description).

Page 11: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

13

précurseur du domaine de l‟orientation marché (market orientation), si important de

nos jours.

Un nombre assez imposant de publications a été recensé durant cette période.

Bonoma et Clark (1988) ont proposé une matrice afin de classifier les différents efforts

de recherche selon les axes efficacité-efficience et macro-micro, ce qui s‟est avéré un

exercice concluant. Ils ont également proposé de positionner tout ce champ d‟étude de

l‟efficacité et de l‟efficience sous le concept de Marketing Performance Assesssment.

Concurremment, des chercheurs ont publié maints articles méthodologiques (par

exemple, sur la Data Envelopment Analysis et l‟analyse environnementale – voir Rust

et coll., 2006) afin d‟améliorer la validité et la fidélité des mesures obtenues.

Quelques années plus tard, Eccles (1991) publiait un article intitulé The

Performance Measurement Manifesto suivi, peu après, d‟un article de Kaplan et

Norton (1992) sur le tableau de bord en gestion. Une culture de métriques qualitatifs

et quantitatifs s‟imposait davantage en entreprise, sa particularité étant de tenter de

relier les résultats obtenus à la fois à la stratégie et à la valeur de l‟entreprise (Lebon et

Laethem, 2003).

Dans cette foulée, le Marketing Science Institute (MSI) décréta que la recherche

sur les métriques était une priorité pour deux de ces plans bisannuels de recherche, soit

en 2002 et en 2004. Un objectif fondamental de la part du MSI était de redonner de la

crédibilité à la fonction marketing, autant au sein des conseils d‟administration qu‟au

sein des entreprises, sur le plan fonctionnel, ainsi que sur les plans universitaire et

social.

Il y a actuellement un tel engouement pour ce sujet d‟étude, partout sur la planète,

que le réservoir de connaissances scientifiques s‟accroît sur plusieurs fronts de

recherche. Sevin, en 1965, avait fait la prédiction suivante (p. 2) : « Before the end of

the twentieth century, marketing managers, like military commanders, will probably

be utilizing “command-and-control” marketing information systems in arriving at

Page 12: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

14

their important decisions. » C‟est la bonne nouvelle que LaPointe (2006) annonçait en

proposant son tableau de bord marketing, un marketing dashboard aux gestionnaires :

« […] but the purpose of the (marketing) dashboard is to inform the key decision

makers on the current and potential state of the business and help them make better

choices. » (p. 26).

Toutefois, Clancy et Stone (2005) ne sont pas animés du même enthousiasme; en

effet, ils soutiennent que ce n‟est pas tellement les instruments de mesure, soit les

ratios ou métriques financiers ou non financiers ou ce genre d‟outils, qui font défaut en

marketing mais plutôt l‟absence de volonté des gestionnaires de les utiliser. Pourquoi?

Parce que, d‟une part, bien souvent, les résultats qu‟ils obtiendraient seraient trop

décevants. D‟autre part, et c‟est là que le bât blesse, ils auraient de la difficulté à

déterminer les moyens afin d‟améliorer les résultats, ainsi que les stratégies à proposer

et le vecteur de productivité marketing à privilégier. C‟est le sujet de la section

suivante.

Page 13: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

15

II. Enjeux stratégiques

Comment les organisations pourront-elles améliorer leur productivité et

performance marketing dans les années à venir?

Nous savons maintenant que l‟efficacité et l‟efficience sont les déterminants de la

productivité et de la performance marketing. D‟ailleurs, Hunt et Duhan (2002),

lorsqu‟ils sont confrontés au choix entre l‟efficacité et l‟efficience comme vecteur de

la compétition dans le troisième millénaire, proposent l‟analyse suivante selon la

théorie néo-classique de la concurrence : « […] competition in the third millenium will

be, can only be, efficiency seeking. Furthermore, competition should be efficiency

seeking because perfect competition in all industries maximizes consumer welfare –

neoclassical theory is both positive and normative. » (p. 97). Toutefois, en utilisant la

théorie de compétition resource-advantage, théorie développée en marketing et qui a

comme origine la théorie de la firme de type resource-based view, ils en arrivent au

constat suivant : « […] conventional business wisdom is that competition in the third

millenium will primarily be an effectiveness-seeking enterprise. That is business

success will depend crucially on innnovations that enable firms to deliver more value

to customers than do their competitors. In this view, “more customer value” means

“perceived by some market segment(s) to be worth more”. » (p. 97).

En tenant compte du fait que, selon la théorie resource-advantage », la firme

recherche une meilleure performance financière – le fameux more than, better than –,

plutôt que la maximisation, les entreprises seraient amenées à se concurrencer sur la

base d‟innovations proactives et réactives, le tout dans le but de mieux desservir les

segments actuels (efficience) et les nouveaux segments de marché définis (efficacité).

Ainsi, les entreprises devront être autant efficaces qu‟efficientes.

Sheth et Sisodia (2002) ont également contribué à la réflexion concernant la

détermination du vecteur de la productivité marketing à privilégier dans les années

futures. D‟abord, ils déplorent que la productivité marketing n‟ait été recherchée, dans

Page 14: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

16

le passé, que sous l‟angle de l‟efficience. En effet, ils indiquent : « The early emphasis

in trying to improve marketing efficiency was predominantly to attempt to minimize

marketing costs. » (p. 351). Pourtant, ils insistent pour démontrer que les entreprises

n‟ont aucun choix en matière de stratégie de marketing : « […] it must develop a

marketing mix appropriate to the segments that it seeks to serve, and then efficiently

execute the specific marketing actions necessary to achieve the desired marketing

objectives. » […] « Thus a firm should stive for effectiveness, then seek efficiency in

the achievement of that effectiveness. The effectiveness and efficiency dimensions of

productivity are multiplicative; neither is enough by itself, and one cannot compensate

for shortcomings in the other. » (p. 354). Selon eux, la formule gagnante d‟un

marketing productif est efffective efficiency .

Page 15: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

17

III. Améliorer la productivité et performance marketing :

regard vers l’extérieur

Comment mieux équiper nos étudiants à aider les organisations à adopter le mot

d‟ordre effective efficiency, à les rendre plus efficacement efficientes et, puisque

maintenant nous avons une forte clientèle internationale, à même aider au

développement économique international?

Un article récent de Yoram Wind (2005), très justement intitulé Marketing as an

Engine of Business Growth: a Cross-functional Perspective, est une source très

inspirante à ce point de ma leçon inaugurale. En effet, pour Wind, la croissance des

entreprises, fruit de leur productivité, est fonction de quatre engagements stratégiques

(p. 864) :

« Creating market-driven vision and value proposition;

Using market insights to drive innovation;

Leveraging technology and marketing to create convergence;

Rethinking customer experience and relationships. »

Des trois moyens de mise en œuvre de ces engagements, le premier étant la gestion

à l‟aide de tableaux de bord et le deuxième, le remodelage de l‟architecture des

organisations, je retiens et prend clairement position en faveur du troisième moyen

proposé, soit la création de processus d‟intégration des différentes fonctions des

organisations, le fameux cross-functional integration.

Le type d‟intégration préconisé en est un de type co-opetition, c‟est-à-dire une

intégration des fonctions administratives où il y a à la fois coopération et compétition

entre elles. Cette intégration est proposée sur la base des résultats de recherche de Luo,

Slotegraff et Pan (2006) qui ont observé des rendements supérieurs en ce qui a trait

aux ratios des consommateurs et aux ratios financiers auprès de gestionnaires ayant

mis en place ce type d‟intégration.

Page 16: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

18

C‟est cette nouvelle nécessité organisationnelle qui a incité trois auteurs du

domaine du marketing, James Mac Hulbert, Noel Capon et Nigel Piercy, à publier, en

2003, un ouvrage fort intéressant intitulé Total Integrated Marketing, livre que j‟utilise

dans mon cours à la M. Sc. Il y est écrit : « Success in the new marketplace demands

integration of the firm’s entire set of capabilities into a seamless system with the goal

of exemplary customer satisfaction. » (p. 1). Rendant justice au grand David Packard –

celui de Hewlett Packard – qui aurait dit « […] marketing is too important to be left to

marketing people » (Trout, 2006), ils ajoutent : « Like a chain, strategy is no stronger

than its weakest link. … Interdepartmental rivalry hamper far too many corporations.

Management must redirect precious time from dealing with external opportunities and

threats to solving destructive internal conflict. Widespread use of the term “functional

silo” indicates that the problem is pervasive. » (p. 45).

Il y aurait encore beaucoup de frontières entre les personnes des différentes

fonctions dans les entreprises et, selon plusieurs gestionnaires, elles devraient plutôt

disparaître que tendre à s‟imposer. Voici d‟ailleurs ce que rapporte Yoram Wind

(2005) des propos de Joseph Neubauer, PDG de ARAMARK, lors d‟une table ronde

sur l‟intégration interfonctionnelle à la Wharton School : « My experience has been

that you’ll develop the best solutions for any business problem only when you are able

to integrate the perspectives of a broad range of disciplines. I’ve had the great good

fortune to get to know hundreds of CEOs around the world, and I can absolutely

assure you that being focused is critical, but being functionaly narrow is a mistake. »

(p. 863).

Page 17: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

19

IV. Quoi faire à HEC Montréal?

Comment faire en sorte d‟enraciner fortement chez nos étudiants cette

incontournable réalité qu‟est la gestion interfonctionnelle dans l‟entreprise?

Voici quelques propositions que je vous soumets, en toute humilité. D‟ailleurs,

certaines d‟entre elles proviennent de l‟article de Yoram Wind (2006) sur

l‟implantation de la gestion interfonctionnelle à la Wharton School.

A. Deux propositions de nature pédagogique

Pourrions-nous considérer ici un retour systématique à l'utilisation de la

méthode des cas même au niveau du B.A.A. ? Et, ici, je fais référence à

l‟obligation d‟avoir un cas avec une problématique de gestion interdisciplinaire

ou interfonctionnelle par cours.

Ne pourrions-nous pas créer un cheminement Honor en gestion

interfonctionnelle?

J‟aimerais attirer votre attention sur le fait que ces deux premières propositions

qui, bien qu‟elles soient fort simples à énumérer, pourraient s‟avérer plus complexe à

implanter, surtout avec le succès qu‟exige notre École de toute innovation

pédagogique.

Afin de comprendre comment nos étudiants pourraient réagir face à un contenu de

cours interdisciplinaire, je vais utiliser les résultats d‟un sondage de collègues

américains réalisé dernièrement auprès de leurs étudiants. Les chercheurs Crittenden et

Wilson (2006) ont rapporté que de tels cours sont plutôt rares dans les écoles de

gestion aux États-Unis. Lorsqu‟ils étaient questionnés, les étudiants semblaient

partagés entre des connaissances approfondies d‟un seul champ de spécialisation et

des connaissances plus générales provenant de plus d‟un champ. D‟une part, ce sont

les étudiants finissants qui ont exprimé le plus de réserve concernant les cours

Page 18: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

20

interdisciplinaires et, d‟autre part, les filles ont exprimé plus de réserve – de façon

statistiquement significative – que les garçons. Finalement, les étudiants – tous sexes

confondus – des cheminements Honor étaient nettement plus défavorables que les

étudiants des cheminements normaux (Schelfhaudt et Crittenden, 2003). Les auteurs

ont expliqué ce dernier résultat par un manque de satisfaction marquant des étudiants

inscrits dans les différents cheminements Honor, leur apprentissage n‟ayant pas été à

la hauteur des attentes qu‟ils avaient, surtout à cause du matériel pédagogique

disponible – notamment de bonnes études de cas.

C‟est justement ce dont nous devrions nous prémunir : à moins d‟avoir une

conviction certaine que l‟École appuiera sans réserve une telle initiative pédagogique,

même si elle ne donne pas immédiatement toute la satisfaction recherchée par les

étudiants, peu de collègues voudront prendre le risque d‟une telle démarche

pédagogique même si ses bénéfices ont été jugés cruciaux par des leaders du monde

des affaires selon les résultats de l‟étude de Schelfhaudt et Crittenden (2003).

C‟est ce qui m‟amène à mes autres propositions, qui sont plus de nature

organisationnelle, et qui renforcent les deux propositions pédagogiques déjà exposées.

Page 19: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

21

B) Une proposition de nature organisationnelle et pédagogique

Nous en sommes à développer un programme de chaires de recherche. À cet effet,

ne pourrions-nous pas considérer la création d‟une chaire de gestion interfonctionnelle

dont les responsabilités seraient, entres autres, l‟élaboration de cours, la rédaction de

cas, le développement d‟un axe de recherche fondamentale et appliquée? Nous avons

vu qu‟une étude a semblé démontrer que les résultats états-uniens étaient plutôt

décevants sur la base de ratées dans le matériel pédagogique. En plus de produire un

matériel local de classe mondiale, cette chaire pourrait être un excellent laboratoire de

recherche et permettrait d‟effectuer des interventions dans le milieu des affaires. Les

étudiants auraient donc l‟occasion d‟expérimenter que « […] companies are managed

vertically but run horizontally. » (Crittenden et Dickson, 2005).

C) Une proposition de nature organisationnelle

Afin de donner l‟exemple aux entreprises, parce que les écoles de gestion doivent

donner l‟exemple… Alors, dans le seul but que les entreprises s‟inspirent de la

structure organisationnelle imaginée par Kotler au début des années 70 (Kotler, 1973),

structure appelée concept de l’entreprise marketing qui fait disparaître toutes les

fonctions de l‟entreprise autres que la fonction marketing pour les réunir sous la tutelle

de cette dernière, ne croyez-vous pas que les différents services d‟enseignement de

l‟École devraient disparaître pour se fondre au sein du Service de l‟enseignement du

marketing et, ainsi, refléter le concept de l’École marketing?

D‟emblée, je reconnais qu‟il peut s‟agir d‟une proposition amusante, voire choquante

pour certains. Toutefois, elle est faite dans le but de provoquer une discussion sur la

façon de se structurer dans bien des écoles de gestion. Ainsi, comment ne pas résister

aux propos du grand gourou du management qu‟est Peter Drucker (1909-2005) :

« Because the purpose of business is to create a customer, the business enterprise has

two – and only two – basic functions. Marketing and innovation produce results; all

Page 20: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

22

the rest are costs. Marketing is the distinguishing, unique function of the business »

(Trout, 2006). Aussi, comment ne pas résister à cet autre argument : « Marketing, in

short, is the creation and harvesting of inward cash flow […]. » (Ambler, 2003, p. 5),

et à ce dernier : « The centrality of marketing in creating growth and shareholder

value suggests a new role for marketing both as a discipline and a function. » (Doyle,

2000, p. 29).

Comme avis divergeant, Wind (2005) mentionne que c‟est une proposition

intéressante mais trop peu réaliste. En effet, comme il l‟indique fort bien, dans les

écoles de gestion, les professeurs sont logés en différents lieux selon leur discipline et,

toujours selon cette dernière, il serait fort mal convenu, et je partage cet avis, de

construire de nouveaux édifices afin de créer cet espace permettant une intégration des

fonctions.

Winston Churchill a dit : « First we shape our buildings and then they shape us »

(pris dans Paquin et Turgeon, 2004, p. 31). Ne pourrions-nous pas provoquer le destin

et considérer d‟autres façons de faire à l‟intérieur des limites physiques qui nous sont

imposées? Ainsi, ne pourrions-nous pas choisir un bureau, de façon temporaire si

requis, en fonction d‟affinités avec des collègues hors de notre service

d‟enseignement? Ne pourrions-nous pas assister aux réunions des services

d‟enseignement autres que celui auquel nous sommes rattachés?

Dans un autre ordre d‟idées, afin de briser cette appartenance fonctionnelle, ne

pourrions-nous pas avoir accès aux comptes rendus des réunions des autres services

d‟enseignement de l‟École, surtout si des éléments de pédagogie étaient à l‟ordre du

jour?

Voilà quelques suggestions de nature pédagogique et organisationnelle qui

méritent réflexion. C‟était mon côté éditorial, annoncé au début de ma leçon.

Page 21: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

23

Conclusion

Le journaliste Rudy Le Cours, dans la section Affaires de La Presse du 29

septembre dernier, rapportait que 2007 serait la pire année en termes de croissance

économique au Québec. Et il n‟annonce rien de mieux qui vaille pour 2008 si le dollar

canadien devient à parité avec le dollar américain… Il faut faire face à ce problème

qui risque de devenir permanent et endémique pour plusieurs des secteurs de notre

économie, surtout à la lumière des records de croissance des économies en émergence

comme celles de l‟Inde et de la Chine, même en matière de produits et services à haute

teneur technologique.

J‟espère bien avoir fait la démonstration que la productivité marketing est au cœur

de la valeur économique des organisations et le message est clair : une façon de

l‟améliorer est d‟introduire davantage de ponts entre les fonctions, de s‟engager dans

un management de type interfonctionnel co-opétitif dans les entreprises.

HEC Montréal devrait donc songer à modifier la pédagogie de certains cours, peut-

être même enrichir le cursus des programmes offerts, afin de favoriser un

apprentissage durable de cette réalité d‟affaires. Les quelques suggestions que j‟ai

faites à cette fin dans le cadre de ma leçon inaugurale présentent de multiples défis

pour l'ensemble du personnel de l‟École, auxquels nous saurons faire face dans les

prochaines années.

Page 22: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

24

Bibliographie

AMBLER, T. 2003, Marketing and the bottom line, FT Prentice Hall, London UK,

315 p.

ANTHONY, R. N. 1988, The management control function », HBS Press, Boston,

216 p.

BARGER, H. 1955, Distribution’s place in the American economy, Princeton

University Press, Princeton, 222 p.

BARTELS, R. 1970, Marketing theory and metatheory, Irwin, Homewood,

299 p.

BARTELS, R. 1962, The development of marketing thought, Irwin, Homewood,

284 p.

BLOOM, P. N., GUNDLACH, G.T. 2002, Handbook of marketing and society, Sage,

Thousand Oaks, 543 p.

BONOMA, T.V., CLARK, B. H. 1988, Marketing performance assessment, HBS

Press, Boston, 202 p.

BUCKLIN, L. P. 1978, Productivity in marketing, American Marketing Association,

Chicago, 117 p.

Bureau of Labor Statistics 1959, « Trends in output per man-hour in the private

economy », 1909-1958, Bulletin No. 1249, December, p.1.

CLANCY, K. J., STONE, R. L. 2005, « Don‟t blame the metrics », Harvard Business

Review, June, p. 1-2.

CRITTENDEN, V. L., DICKSON, P. 2005, « Cross-functional cases in management

education », Journal of Business Research, Vol. 58, p 944-945.

CRITTENDEN, V. L., WILSON, E. J. 2006, « An exploratory study of cross-

Functional education in the undergraduate marketing curriculum », Journal of

Marketing Education, Vol. 28, p. 81-87.

Page 23: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

25

DOYLE, P. 2000, Value-based marketing, Wiley, West Sussex, 370 p.

ECCLES R. G. 1991, « The performance measurement manifesto », Harvard Businees

Review, January-February, p.131-137.

HALSALL, C., SINGER, G. 2003, « Doing more with less », Marketing Management,

January/February, p. 31-35.

HESKETT, J. L. 1965, Papers of the Theodore N. Beckman symposium on marketing

productivity, April 22, 1965, College of Commerce and Administration The

Ohio State University, Columbus, 88 p.

HUNT, S. D., DUHAN, D. F. 2002, « Competition in the third millenium: Efficiency

or effectiveness? », Journal of Business Research, Vol. 55, p. 97-102.

KAPLAN, R. S., NORTON, D. P. 1992, The balanced scorecard, Harvard Business

Review, January-February, p. 71-79.

KOTLER, P., CUNNINGHAM, P. 2004, Marketing management, Canadian Eleventh

Edition, Pearson Prentice Hall, Toronto, 132 p.

KOTLER, P., GREGOR, W., RODGERS, W. 1977, « The marketing audit comes of

age », Sloan Management Review, Vol. 18, p. 25-43.

KOTLER, P. 1973, Marketing management, analyse, planification et contrôle, 2e éd.,

Publi-Union, Paris, 1 041 p.

LAPOINTE, P. 2006, Marketing by the dashboard light, Marketing NPV ANA, USA,

234 p.

LE COURS, R (2006), « Le Québec se dirige vers la pire performance en 2007 », La

Presse Affaires, 29 septembre, p. 1 et 4.

LUO, X., DONTHU, N., 2006, « Marketing‟s credibility : A longitudinal investigation

of marketing communication productivity and shareholder value », Journal of

Marketing, Vol. 70, p. 70-91.

LUO, X., SLOTEGRAAF, R. J., PAN, X. 2006, « Cross-functional „coopetition‟: The

simultaneous role of cooperation and competition within firms », Journal of

Marketing, Vol. 70, April, p. 67-80.

MAC HULBERT, J., CAPON, N., PIERCY, N. F. 2003, Total integrated marketing,

Free Press, New York, 356 p.

Page 24: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

26

Marketing Science Insitute 2006, „Marketing metrics and financial performance »,

Electronic Promotional Leaflet.

Marketing Science Insitute 2004, 2004-2006 research priorities, Cambridge, 28 p.

Marketing Science Insitute 2002, 2002-2004 research priorities, Electronic bulletin

MAYNARD, H. M., WEIDLER, M. A., BECKMAN, T. N. 1927, Principles of

marketing, The Ronald Press Company, New York, 790 p.

MCCARTHY, E. J. 1960, Basic marketing, A managerial approach, Irwin,

Homewood, 770 p.

MIZIK, N. JACOBSON, R. 2006, « Myopic marketing management : The

phenomenon and its long-term impact on firm value », Marketing Science

Institute Report No 06-100, 21 p.

MORGAN, N. A., CLARK, B. H., GOONER, R. 2002, « Marketing productivity,

marketing audits, and systems for marketing performance assessment :

Integrating multiple perspectives », Journal of Business Research, Vol. 55, p.

363-375.

PAQUIN, B., TURGEON, N. 2004, « La clientèle et le facteur « WOW! » », Téoros,

Vol. 23, Été, p. 27-33.

PAQUIN, B., TURGEON, N. 1999, Les entreprises de services, une approche client

gagnante, Les Éditions Transcontinental inc., 427 p.

PARIENTY A. 2005, Productivité, croissance, emploi, Armand Colin, Paris, 223 p.

PETTIGREW, D, TURGEON, N. (1985), Les fondements du marketing moderne,

McGraw-Hill Éditeurs, Montréal, 367 p.

REDDY, A. C., CAMPBELL, D. P. 1994, Marketing’s role in economic development,

Quorum Books, Westport, 143 p.

RUST, R. T., AMBLER, T., CARPENTER, G. S., KUMAR, V. Srivastava, R. K.

2004, « Measuring Marketing Productivity : Current knowledge and future

directions », Journal of Marketing, Vol.68, October, p. 76-89.

SEVIN, C. 1965, Marketing productivity analysis, McGraw-Hill Book Company, New

York, 137 p.

Page 25: Normand Turgeon - HEC Montréalbiblos.hec.ca/biblio/lecons/Cahier_Turgeon_Normand_2006_10_19.pdf · 1 John Wanamaker (1838-1922) est considéré par plusieurs comme le père de la

27

SCHELFHAUDT, K., CRITTENDEN, V. L. 2003, « Specialist or Generalist : Views

from academia and industry », Journal of Business Research, Vol. 58, p. 946-

954

SHETH, J. N., SISODIA, R. S. 2002, « Marketing productivity: issues and analysis »,

Journal of Business Research, Vol. 55, p. 349-362.

SMITH, W. 1965, « The study of productivity in marketing – Conception and

measurement », in Heskett, J. L. 1965, Papers of the Theodore N. Beckman

symposium on marketing productivity, April 22, 1965, College of Commerce

and Administration The Ohio State University, Columbus, p. 1-10.

TROUT, J. 2006, « Peter Drucker on marketing », Forbes.com.

WIND, Y. (J.) 2005, « Marketing as an engine of business growth: a cross-functional

perspective », Journal of Business Research, vol. 58, p. 863-873.

WILKIE, W. L., MOORE, E. S. 2003, « Scholarly research in marketing: Exploring

the “4 eras” of thought development”, Journal of Public Policy and Marketing,

Vol. 22, p.116-146.