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MPSI/MP - L’enfance - Introduction Devoir n° 1 : Contrôle de lecture (à composer avec la deuxième lecture, sur feuille avant QCM) Devoir n° 2 : Résumé (à corriger) Devoir n°3 : Dissertation (22 dissertations - à corriger) Int : L’enfance désigne traditionnellement la période du début de l’existence humaine, avant le statut d’adulte. Cette période, caractérisée par une forme d’inconscience et de dépendance aux adultes, par un accès progressif aux facultés physiques, à celles de la mémoire et de la raison, reste largement inconnue et mystérieuse. Pour ses parents, l’enfant n’est vu que de l’extérieur, et reste essentiellement un inconnu imprévisible par ses réactions et son autonomie progressive. Pour lui-même, l’enfant se contente de vivre dans la durée, dans un présent perpétuel, dont la nature évolue progressivement à mesure qu’il structure progressivement sa conscience. Dans la mesure où il est incapable de rendre compte de ses propres expériences et de son propre vécu, puisqu’il n’a pas encore les facultés intellectuelles qui lui permettent de s’appréhender avec distance, il vit ses expériences, mais s’avère incapable de les dire, et même de se les dire. Ces facultés se construiront à mesure que son éducation et son instruction lui permettra d’évoluer progressivement, permettant progressivement cette mise à distance de lui-même et la capacité à appréhender le monde, appréhender le passage du temps et s’appréhender par le langage. Pour l’enfant devenu adulte, cette période conserve son mystère, puisque sur la durée, dans son déroulement chronologique, elle s’apparente à une sortie progressive des limbes, d’une sorte de brouillard de l’inconscience vers la conscience, d’un univers de conscience dont l’adulte devenu enfant a toujours beaucoup de mal à connaître les tenants et les aboutissants s’il n’est pas aidé de quelqu’un qui l’aurait vu évoluer de l’extérieur. L’enfance pose donc bien et au plus haut point la question du mystère de la connaissance de soi et de la conscience humaine. Par ailleurs, l’enfant a un statut particulier dans la société, et ce statut n’a pas toujours été le même, d’un point de vue historique. Les différentes sociétés ne considèrent pas toutes l’enfant de la même manière, de la même manière que notre société n’a pas toujours considéré l’enfant comme elle le considère aujourd’hui. Intégré dans une société, l’enfant en reçoit également les influences, qui contribuent également à construire sa conscience, à se développer et à se connaître. On admet volontiers que l'enfant, aujourd'hui, a acquis un statut particulier dans la société. Il est même au centre de nos préoccupations, transformant tous les adultes en éducateurs responsables de son bien-être. On ne s'étonnera donc pas de l'abondance de travaux en sciences humaines qui le concernent : sociologues, anthropologues, historiens, économistes, philosophes, tous s'intéressent à lui... Depuis plus d'un siècle, la psychologie de l'enfant tente de percer le mystère de l'enfance, et si elle a permis d'accroître notre connaissance sur ses capacités, elle a également soulevé de nouvelles interrogations. Quelles sont les compétences précoces du nourrisson ? Comment acquiert-il le langage ? A quoi lui sert son imagination ? De la même manière, la littérature montre, à travers les genres relatifs au récit d’une vie ou à l’autobiographie, que l’enfance est une période qui a un statut particulier : période fondatrice des grandes expériences vécues, elle pose les bases de l’adulte à venir; elle se teinte d’une représentation faussée par de nombreux affects (le regret, la nostalgie, la joie, pour les plus positifs, mais aussi parfois, la colère, l’amertume, le regret). L’enfance, inscrite dans le déroulement inexorable de l’existence humaine, perd progressivement son innocence et fait entrer l’homme dans la connaissance de sa condition vivante, c’est-à-dire fait de joies, de beaux moments, mais aussi de peines, de souffrance, aboutissant finalement au mystère insondable de la mort. L’enfance, comme période de l’avant-conscience de sa propre conscience et de sa propre condition, ne donne pas immédiatement ni instantanément à l’enfant les moyens de la connaissance de soi, et une fois qu’il les a, l’adulte regrette la période de cette innocence. L'enfant se développe également grâce aux autres, dont le rôle et l'importance sont abondamment discutés. L'attachement pour sa mère et ses autres éducateurs est-il une condition ou une entrave à l'autonomie future de l'enfant ? Quelle est sa conception de la mort, et son vécu des deuils qu'il subit ? Sa place dans la société, en évolution permanente, semble échapper à toute définition claire et précise. Les décisions prises - au sein des familles, au niveau judiciaire ou éducatif - visent en priorité l'intérêt de l'enfant, envisagé comme un être en devenir, et on s'inquiète de son développement, intellectuel et affectif. Il est dorénavant sujet de droits, au point que certains craignent que cet égalitarisme entre enfants et adultes n'en vienne à nier le principe de dépendance régissant leurs rapports. Comment se socialise-t-il et intègre-t-il les règles de vie en société ? Désiré, idéalisé, surprotégé, ne risque-t-il pas de se transformer en « enfant roi », incapable de supporter la moindre frustration ? Devenu consommateur, influant sur les décisions d'achat de ses parents, n'est-il pas au contraire un « enfant proie » des annonceurs publicitaires ? Vulnérable et tyran, donc, selon le regard qu'on porte sur lui : cette apparente contradiction semble en fait révéler notre difficulté à cerner l'enfance et ses mutations. Toutes ces réflexions - parmi d'autres, liées à l'adoption ou aux pathologies enfantines -, sont au coeur des préoccupations actuelles sur l’enfant et l’enfance. Si l'enfance reste un mystère, celui-ci paraît maintenant moins entier. I. Étude lexicologique du thème : définitions du Petit Robert et du CNRTL Le langage courant est assez significatif des sens qu’on met sur la notion et des représentations qu’on en a. Il convient de se souvenir que les mots sont donnés par les adultes, et que la notion même de l’enfance, telle qu’elle est vécue par les enfants encore dans cet âge, est probablement encore différente des sens qu’on lui donne. Il conviendra d’abord d’analyser les sens du mot dans le langage courant, puis dans l’évolution historique du terme, avant d’en dégager les implications problématiques et philosophiques plus profondes. A.Dans le Petit Robert « ENFANCE » 1) Première période de la vie humaine, de la naissance à l’adolescence. L’enfance désigne ici une période chronologique, une durée de la vie humaine, un découpage qui se situe au début de l’existence. La notion d’enfance pose donc de façon aiguë la dimension chronologique de la délimitation des périodes de l’existence humaine. Cette chronologie recoupe des périodes elles-mêmes encore délimitables en sous-ensembles. Ainsi, l’enfance étant délimitée de la naissance à l’adolescence, désigne l’âge du nourrisson, entièrement dépendant des parents dans cette période de la vie, puis l’âge de la petite enfance (3-6 ans), puis l’âge de l’enfance dotée de la parole (6-10 ans), puis l’âge de la pré- MPSI/MP - Introduction à l’enfance - / 1 16 21 juin 2021 10:42
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MPSI/MP - L’enfance - Introduction

Devoir n° 1 : Contrôle de lecture (à composer avec la deuxième lecture, sur feuille avant QCM)

Devoir n° 2 : Résumé (à corriger)

Devoir n°3 : Dissertation (22 dissertations - à corriger)

Int :

L’enfance désigne traditionnellement la période du début de l’existence humaine, avant le statut d’adulte. Cette période, caractérisée par une forme d’inconscience et de dépendance aux adultes, par un accès progressif aux facultés physiques, à celles de la mémoire et de la raison, reste largement inconnue et mystérieuse.

Pour ses parents, l’enfant n’est vu que de l’extérieur, et reste essentiellement un inconnu imprévisible par ses réactions et son autonomie progressive. Pour lui-même, l’enfant se contente de vivre dans la durée, dans un présent perpétuel, dont la nature évolue progressivement à mesure qu’il structure progressivement sa conscience. Dans la mesure où il est incapable de rendre compte de ses propres expériences et de son propre vécu, puisqu’il n’a pas encore les facultés intellectuelles qui lui permettent de s’appréhender avec distance, il vit ses expériences, mais s’avère incapable de les dire, et même de se les dire. Ces facultés se construiront à mesure que son éducation et son instruction lui permettra d’évoluer progressivement, permettant progressivement cette mise à distance de lui-même et la capacité à appréhender le monde, appréhender le passage du temps et s’appréhender par le langage.

Pour l’enfant devenu adulte, cette période conserve son mystère, puisque sur la durée, dans son déroulement chronologique, elle s’apparente à une sortie progressive des limbes, d’une sorte de brouillard de l’inconscience vers la conscience, d’un univers de conscience dont l’adulte devenu enfant a toujours beaucoup de mal à connaître les tenants et les aboutissants s’il n’est pas aidé de quelqu’un qui l’aurait vu évoluer de l’extérieur. L’enfance pose donc bien et au plus haut point la question du mystère de la connaissance de soi et de la conscience humaine.

Par ailleurs, l’enfant a un statut particulier dans la société, et ce statut n’a pas toujours été le même, d’un point de vue historique. Les différentes sociétés ne considèrent pas toutes l’enfant de la même manière, de la même manière que notre société n’a pas toujours considéré l’enfant comme elle le considère aujourd’hui. Intégré dans une société, l’enfant en reçoit également les influences, qui contribuent également à construire sa conscience, à se développer et à se connaître. On admet volontiers que l'enfant, aujourd'hui, a acquis un statut particulier dans la société. Il est même au centre de nos préoccupations, transformant tous les adultes en éducateurs responsables de son bien-être. On ne s'étonnera donc pas de l'abondance de travaux en sciences humaines qui le concernent  : sociologues, anthropologues, historiens, économistes, philosophes, tous s'intéressent à lui...

Depuis plus d'un siècle, la psychologie de l'enfant tente de percer le mystère de l'enfance, et si elle a permis d'accroître notre connaissance sur ses capacités, elle a également soulevé de nouvelles interrogations. Quelles sont les compétences précoces du nourrisson  ? Comment acquiert-il le langage  ? A quoi lui sert son imagination  ? De la même manière, la littérature montre, à travers les genres relatifs au récit d’une vie ou à l’autobiographie, que l’enfance est une période qui a un statut particulier : période fondatrice des grandes expériences vécues, elle pose les bases de l’adulte à venir; elle se teinte d’une représentation faussée par de nombreux affects (le regret, la nostalgie, la joie, pour les plus positifs, mais aussi parfois, la colère, l’amertume, le regret). L’enfance, inscrite dans le

déroulement inexorable de l’existence humaine, perd progressivement son innocence et fait entrer l’homme dans la connaissance de sa condition vivante, c’est-à-dire fait de joies, de beaux moments, mais aussi de peines, de souffrance, aboutissant finalement au mystère insondable de la mort. L’enfance, comme période de l’avant-conscience de sa propre conscience et de sa propre condition, ne donne pas immédiatement ni instantanément à l’enfant les moyens de la connaissance de soi, et une fois qu’il les a, l’adulte regrette la période de cette innocence.

L'enfant se développe également grâce aux autres, dont le rôle et l'importance sont abondamment discutés. L'attachement pour sa mère et ses autres éducateurs est-il une condition ou une entrave à l'autonomie future de l'enfant ? Quelle est sa conception de la mort, et son vécu des deuils qu'il subit ?

Sa place dans la société, en évolution permanente, semble échapper à toute définition claire et précise. Les décisions prises - au sein des familles, au niveau judiciaire ou éducatif - visent en priorité l'intérêt de l'enfant, envisagé comme un être en devenir, et on s'inquiète de son développement, intellectuel et affectif. Il est dorénavant sujet de droits, au point que certains craignent que cet égalitarisme entre enfants et adultes n'en vienne à nier le principe de dépendance régissant leurs rapports. Comment se socialise-t-il et intègre-t-il les règles de vie en société  ? Désiré, idéalisé, surprotégé, ne risque-t-il pas de se transformer en « enfant roi », incapable de supporter la moindre frustration ? Devenu consommateur, influant sur les décisions d'achat de ses parents, n'est-il pas au contraire un « enfant proie » des annonceurs publicitaires ? Vulnérable et tyran, donc, selon le regard qu'on porte sur lui  : cette apparente contradiction semble en fait révéler notre difficulté à cerner l'enfance et ses mutations.

Toutes ces réflexions - parmi d'autres, liées à l'adoption ou aux pathologies enfantines -, sont au coeur des préoccupations actuelles sur l’enfant et l’enfance. Si l'enfance reste un mystère, celui-ci paraît maintenant moins entier.

I. Étude lexicologique du thème : définitions du Petit Robert et du CNRTLLe langage courant est assez significatif des sens qu’on met sur la notion et des représentations

qu’on en a. Il convient de se souvenir que les mots sont donnés par les adultes, et que la notion même de l’enfance, telle qu’elle est vécue par les enfants encore dans cet âge, est probablement encore différente des sens qu’on lui donne. Il conviendra d’abord d’analyser les sens du mot dans le langage courant, puis dans l’évolution historique du terme, avant d’en dégager les implications problématiques et philosophiques plus profondes.

A.Dans le Petit Robert

« ENFANCE »1) Première période de la vie humaine, de la naissance à l’adolescence.

• L’enfance désigne ici une période chronologique, une durée de la vie humaine, un découpage qui se situe au début de l’existence. La notion d’enfance pose donc de façon aiguë la dimension chronologique de la délimitation des périodes de l’existence humaine.

• Cette chronologie recoupe des périodes elles-mêmes encore délimitables en sous-ensembles. Ainsi, l’enfance étant délimitée de la naissance à l’adolescence, désigne l’âge du nourrisson, entièrement dépendant des parents dans cette période de la vie, puis l’âge de la petite enfance (3-6 ans), puis l’âge de l’enfance dotée de la parole (6-10 ans), puis l’âge de la pré-

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adolescence (10-13 ans) et l’âge de l’adolescence (14-18 ans), phase intermédiaire considérée comme la dernière phase avant l’accès à l’âge du jeune adulte.

• Problématiques : l’enfance n’est-elle qu’une période de la vie? Peut-elle aussi facilement se découper, mathématiquement parlant? Les périodes de la vie sont-elles cloisonnables? Quelles sont les caractéristiques qui permettent ce découpage?

2)Les enfants• L’enfance désigne aussi collectivement un groupe social. L’enfance est définie par

opposition à l’âge adulte et désigne un groupe social qui dépend des adultes pour vivre, qui lui est soumis et qui est assujetti à des règles en cours d’élaboration, dont le processus est l’éducation.

• Les enfants dans la société ont une place à part, ils sont considérés collectivement comme des êtres irresponsables encore dépendant de leur parents.

• Ils sont enfin caractérisés dans les âges de la vie par les qualités et les défauts de la jeunesse, des premiers âges de la vie. Ils ont des qualités et des défauts propres qui n’appartiennent normalement plus ensuite au monde des adultes.

• Ces âges se subdivisent encore selon des terminologies administratives qui permettent de classifier les groupes d’enfants.

• Problématiques : quelle place les enfants tiennent-ils dans la société? Quels droits et quels devoirs ont-ils? Quelle est la responsabilité de la société par rapport aux enfants et à l’enfance? Quelle place les enfants tiennent-ils par rapport aux adultes dans le monde social comme dans le monde privé?

3)Mentalité infantile réapparaissant dans le cas d’affaiblissement sénile des facultés• L’enfance désigne encore un état d’esprit, péjorativement connoté. Dans le dernier âge de

la vie, celle des vieillards, la sénilité désigne un état de régression psychologique et mental qui conduit l’adulte à la perte d’autonomie et le renvoie à la dépendance de l’enfant par rapport à ses parents.

• Cet état à la fois physique et mental montre que l’enfance n’est pas seulement désignée par son âge, mais aussi par une capacité, un état psychologique et physique de dépendance par rapport aux autres. Cet état est aussi transversal, puisqu’il peut toucher les adultes.

• Il désigne aussi une incapacité à avoir son propre jugement, à exercer pleinement ses facultés mentales et physiques. L’enfance est ainsi caractérisée par une forme d’irrationalité, d’incapacité à exercer pleinement les facultés physiques, mentales, intellectuelles, psychologiques et sociales d’un adulte. L’enfance est donc caractérisée par un manque de quelque chose.

• Problématiques : Quels sont les «  manques  » de l’enfance? Peut-on vraiment ainsi caractériser l’enfance par ses manques? Quelles sont les caractéristiques propres à l’enfance? N’existe-t-il pas une définition positive de l’enfance par ses potentialités, ses capacités, plutôt que par ses manques? Quelles qualités spécifiques ont-ils? Quels défauts? Quels sont les intérêts de ces qualités? Quels sont les inconvénients de ces défauts?

4)Première période d’existence d’une chose• Le dernier sens renvoie à nouveau à une délimitation chronologique, mais attribuée aux

choses. L’enfance est donc mathématiquement transposable aux objets en termes de délimitation chronologique.

• La suite de la définition montre que cette réduction est à nouveau péjorative : l’enfance est aussi caractérisée par son incomplétude : un domaine qui en est encore à son enfance est encore incapable de révéler pleinement ses potentialités et de s’avérer pleinement efficace, de nombreux progrès restant à accomplir.

• De la même manière, l’enfance est aussi caractérisée par opposition au monde adulte en termes de complexité. L’enfance caractérise avec condescendance la facilité à exécuter une tâche, comme si une tâche enfantine était facilement exécutable. Si elle l’est pour l’adulte, l’est-elle pour l’enfant?

• Problématiques : l’enfance semble péjorativement connotée par ses manques et ses incapacités, par ses lacunes. Ceci dit se dessine en creux la possibilité d’un point de départ, du progrès, d’un devenir, qui actualiseraient quelque chose.

CL : La définition courante du mot « enfance » révèle de nombreux aspects portés par la société de ceux qui manipulent le langage sur cet âge justement caractérisé par son absence de langage ou par son apprentissage progressif du langage. Les enfants semblent dépropriés de la capacité à se définir eux-mêmes et dépendre des mots portés sur eux par ceux qui ne sont plus des enfants.

« ENFANT »I. Être humain dans l’âge de l’enfance

• L’enfant est caractérisé par son âge, et l’étymologie souligne un manque : celui de la parole. L’enfant est donc un jeune humain non encore doté de la parole, de l’usage du langage. Il souligne donc la dépendance linguistique de l’enfant et sa jeunesse.

1)être humain dans les premières années de sa vie, de la naissance à l’adolescence. • On retrouve ici les différentes strates des âges de la vie et notamment la décomposition des

âges de l’enfance entre la naissance et l’adolescence. Les synonymes soulignent la dimension affective portée sur l’enfant, puisqu’on peut les répartir en deux ensembles : les synonymes affectueux ou les synonymes dépréciatifs.

• L’enfant semble aussi caractérisé par sa dépendance nourricière à l’égard de la mère.• Il est aussi caractérisé par la nécessité d’une intégration à une institution scolaire, à une

instruction.• Il est encore caractérisé par un état d’esprit particulier relevant du comportement ou du

jugement porté sur son comportement par les adultes. • L’enfant est aussi caractérisé par son rapport affectif à son entourage.• Son comportement et ses attitudes font aussi l’objet d’observations et de caractérisations

multiples.• Son statut de dépendance est confirmé par l’émergence de fonctions sociales dédiées à son

éducation (nurse).• Le terme désigne aussi un être collectif, sans individualité précise. On peut donc trouver des

points communs généraux à tous les enfants, au-delà de leurs caractérisations personnelles et individuelles.

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• La définition et les exemples soulignent également les soins à apporter à un enfant, dépendant de son entourage.

• Il souligne également un état de fragilité et rappelle la facilité des actions de l’enfant, supposant un parcours de la simplicité vers la complexité porté par le parcours éducatif, progressif.

• L’enfant peut aussi être considéré par rapport à sa subversion, au fait qu’il ne se comporte pas comme un enfant. Il y a donc des attentes, un comportement attendu duquel l’enfant de doit pas s’éloigner, auquel il ne doit pas déroger.

• L’enfant est encore caractérisé par sa naïveté, sa capacité à croire, ou son manque de sérieux, sa dimension ludique.

• Il est enfin associé à une fonction religieuse, témoignant de sa pureté supposée, de sa dignité à servir l’église, d’une fonction sociale et religieuse.

• Problématique : Peut-on délimiter l’enfance? Quelles sont ses caractéristiques propres? Quelle est la part de l’individuel et de l’universel dans l’enfance? Quels jugements porter sur l’enfant et en fonction de quoi? Quelles sont les attentes portées sur les enfants? Quelle fonction sociale ont-ils, doivent-ils en avoir une?

2)Personne qui a conservé dans l’âge adulte des sentiments, des traits propres à l’enfance• L’enfant est associé à une évolution : un adulte peut conserver les spécificités de l’enfance en

termes de sentiments, de traits de comportement. On peut ne pas quitter psychologiquement l’âge de l’enfance. La dénomination peut être appréciative ou péjorative.

• L’être humain est donc inscrit dans une continuité évolutive qui doit le faire passer d’un âge à l’autre selon des étapes qui sont plus ou moins accomplies et dont le résultat est sanctionné par des rites de passage. Cette évolution n’est pas uniforme ni homogène, certains aspects des deux états, adulte et enfant peuvent coexister longtemps ou s’amenuiser progressivement chez un individu.

II. Être humain à l’égard de sa filiation• Le deuxième sens inscrit l’enfant dans une généalogie, dans une hérédité filiale par rapport à

ses parents. Il souligne donc la dépendance sociale de l’enfant.

1) Être humain considéré par rapport à ses parents, fils ou fille.• L’enfant est inscrit dans une lignée, dans une hérédité biologique qui le dépasse et dont il

hérite.• Il est aussi inscrit dans un projet de couple ou dans le regret de l’absence, de l’incapacité à

en avoir. • Il hérite de la situation de ses parents en termes de légitimité, de regard porté sur cette

légitimité. • Il est tantôt considéré comme une charge, tantôt comme un bienfait, un désir.• Il s’inscrit dans un cadre légal de déclaration, qui l’inscrit dans la société.• Dans certaines expressions, l’enfance comporte une dimension affectueuse.

• Problématique : L’enfant a-t-il une existence autonome, ou dépend-il de ses parents ou de ses ascendants? Doit-on, peut-on aimer ou ne pas aimer ses/les enfants? Les enfants sont-ils un don, une charge? Peut-on défaire l’enfance du regard porté sur elle?

2)Descendant• L’enfant s’inscrit dans une lignée d’ancêtres qui remontent à avant ses parents et dont

l’hérédité peut être prestigieuse.• La descendance suggère une situation mémorielle qui positionne l’enfant d’emblée dans la

société par rapport à ses parents ou ses ancêtres, créant une sorte de déterminisme social et une attente qui pèse sur lui, sur son éducation et son avenir (dans l’aristocratie, ou dans l’expression « un enfant du peuple », notamment).

• La descendance situe l’enfant non par rapport à son individualité propre, mais par rapport à ses origines, en tant qu’il est rattaché à quelqu’un ou à quelque chose.

• Problématique : L’enfant peut-il être considéré pour lui-même dans une société, en tant qu’individu? En quoi et jusqu’à quel point l’enfant subit-il les déterminisme sociaux qui lui sont imputés? Quel est le poids de l’hérédité sur le développement de l’enfant?

3)Produit, ce qui provient de…• L’enfant est aussi un produit, le résultat d’une opération. Sexuellement parlant, l’enfant est

le produit de l’acte de reproduction. Il est dont une preuve d’une relation intime entre deux personnes. Il manifeste cette relation.

• Problématique : Comment l’enfant est-il accueilli dans une famille (socialement, affectivement)? Est-il voulu ou non? Assumé ou non? Légitime ou illégitime au regard des codes sociaux? Quels sentiments suscite sa naissance au sein du couple?

ENFANTER• Enfanter se comprend au sens propre comme au sens figuré : il s’agit d’accoucher ou de

créer, de produire. Le terme renvoie à la fois à la naissance biologique, mais aussi à la créativité

• Problématique : Le terme renvoie à deux formes appréciatives de l’enfance : la naissance biologique et la créativité. Il s’agit d’une opération connotée positivement lorsqu’elle est ainsi exprimée.

ENFANTILLAGE• L’enfantillage renvoie la notion d’enfant à une manière d’agir propre à l’enfant,

généralement péjorativement perçue et attribuée à des adultes. Le terme signale un regard dépréciatif porté sur l’enfant considéré comme inaccompli et incapable de raison, puisqu’on l’attribue à un adulte dont le comportement ne serait justement pas celui auquel on s’attend en tant qu’adulte.

• Il semble marqué par le manque de sérieux, l’incapacité à s’exprimer, à se comporter comme convenu dans le monde des adultes.

• Problématique : Cette fois, la notion d’enfance est péjorativement connotée. Il s’agit de déprécier un adulte se comportant comme un enfant, dans une attitude régressive. L’enfance n’a-t-elle que des qualités? Quelles sont ses qualités et quels sont ses défauts?

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ENFANTIN1) Enfantin est un adjectif qui reporte sur une personne ou une chose les caractéristiques

propres à l’enfant ou à l’enfance. Il y ajoute la notion d’adaptation à l’enfance : un objet enfantin est un objet convenable pour l’enfant, il suggère donc que l’enfance nécessite une forme d’adaptation, de prise en compte de ses spécificités.

2)Le deuxième sens reprend le précédent mais sur le ton péjoratif : il s’agit cette fois de suggérer la régression d’un comportement, d’une réflexion ou de propos.

3)Le troisième sens de l’adjectif suggère une forme de facilité. Les tâches enfantines seraient donc marquées par la facilité d’exécution, d’appréciation, faciles à réaliser. Il s’agit donc de discerner ici le point de vue d’adulte qui trouve les tâches enfantines faciles à réaliser. Mais le sont-elles vraiment pour les enfants? Cela suggère la complexification progressive des tâches à réaliser au cours de l’enfance, et suggère aussi la difficulté de réaliser certaines tâches apparemment simples pour les adultes, mais complexes pour les enfants.

Problématique : Quelle est la difficulté réelle des tâches de l’enfant pour lui? pour les adultes? Quelles capacité les adultes ont-ils à considérer vraiment la difficulté des tâches, des apprentissages pour les enfants? Quel regard les adultes portent-ils sur les enfants?

B. Dans le CNRTL

ENFANCEA. Premières années de la vie d’un être humain jusqu’à l’adolescence.

1)À propos d’un être de cet âge• Cette définition suppose des caractéristiques propres à l’enfance et à elle seule. Elle désigne

un être inscrit dans une période donnée. On retrouve la double problématique humaine et chronologique.

• Problématique : Jusqu’à quand l’enfance dure-t-elle? Peut-elle se décomposer en étapes? Quelles sont les caractéristiques humaines de l’enfance, qui la rendent reconnaissable pour elle-même ou par opposition à une autre période, un autre âge?

2)À propos d’un être adultea) Manque de maturité, naïveté, innocence• Cette définition rappelle la dimension péjorative ou appréciative du regard porté par les

adultes sur les enfants. L’enfance n’est pas neutre, elle fait l’objet d’un regard porté sur elle. Ce regard peut être péjoratif ou mélioratif en fonction que l’on considère la situation dans son rapport aux qualités de l’enfance ou à ses défauts présumés.

• Les synonymes suggèrent un manque d’expérience, de sérieux, de capacité à se tenir et à se comporter en adulte et semble opposer les deux âges.

• Problématique : Quels regards les adultes portent-il sur l’enfance? Quels jugements? Ne reste-t-on pas quelque par un enfant toute sa vie? Où est l’enfant qui est en nous? a-t-il disparu? Qu’en reste-t-il? En termes de qualités, de défauts?

b) (à propos d’une vieille personne) Diminution ou perte des facultés qui ramènent un vieillard à l’état mental du premier âge.

• Deux âges de la vie semblent se rejoindre dans la dimension sémantique de l’enfance : les deux extrémités de la vie semblent se rejoindre dans les caractéristiques et dans le regard portés sur elle.

• L’enfance renvoie à une perte de la raison, à une incapacité à raisonner. L’enfant est caractérisé par son incomplétude. L’état mental du premier âge semble caractériser une forme de débilité intellectuelle, de perte des capacités adultes. L’âge de l’enfance et l’âge de l’adulte ne seraient donc pas compatibles et l’enfance n’est pas souhaitable pour l’adulte. L’adulte se comportant en enfant est déprécié.

• Problématique : Quel regard porter sur l’enfance? L’enfant ne raisonne-t-il pas du tout? N’a-t-il pas sa propre façon de raisonner, de comprendre le monde qui l’entoure? Pourquoi les facultés des enfants, des adultes et des vieillards ne sont-elles pas les mêmes? En quoi et au nom de quoi celles des adultes peuvent-elles primer sur celles des enfants? Si les vieillards retournent en enfance, que cela signifie-t-il du point de vue de l’évolution de l’être humain dans le déroulement de sa vie?

3)Commencement, naissance de quelque chose• L’enfance désigne aussi d’un point de vue chronologique le début de quelque chose. Cela

implique un devenir, une forme d’évolution, d’initiation, considérée tant du point de vue des espoirs placés dans l’avenir que de celui de la crainte des risques liés à cette évolution qui prend la dimension d’une aventure.

• Problématique : Comment l’enfance s’inscrit-elle dans un devenir inéluctable? Quels en sont les apports, les espoirs, les attentes? Quels en sont aussi les risques, les dangers, les craintes (tant du point de vue de l’enfant lui-même, peu conscient de tout cela, mais aussi du point de vue des adultes, qui projettent le devenir de leur enfant dans le temps).

B. Les enfants pris dans leur ensemble, en tant qu’état de la vie. • L’enfance constitue une collectivité d’êtres aux caractéristiques communes,

reconnaissables, caractérisant un état de la vie. Cet état est temporaire, destiné à évoluer et à se concrétiser dans un autre état.

• Problématique : Qu’est-ce qui distingue un enfant d’un autre? Qu’est-ce qui permet de les assimiler, de les rassembler, de les comparer??

ENFANTA. Être humain du point de vue de son âge physique ou moral

1)âge physique : Être humain, sans différenciation de sexe, dans les premières années de sa vie et avant l’adolescence• La définition insiste sur un aspect nouveau de l’enfance, c’est sa dimension asexuée. On

retrouve la dimension chronologique de l’enfance, avec les problématiques y afférant, mais la dimension asexuée apparaît. Seul le déterminant (un ou une) permet de distinguer le genre du nom.

• La délimitation chronologique se fait par défaut : «  les premières années de sa vie  » et «  avant l’adolescence  », l’adolescence marquant un point de rupture par rapport à l’enfance.

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• Problématique : L’identité de l’enfant se construit, s’élabore. Quand? Comment? Selon quels facteurs?

a) Par référence à l’Évangile• L’enfant est un être a priori innocent, marqué par la religion et par un regard positif.• Problématique : Quel est le statut de l’enfant dans la famille? Peut-il être paradoxal (à la fois

sacralisé ou marqué par la méchanceté, le mal?). Quels rapports enfance et religion entretiennent-ils? Période de pureté? âge d’or? Ou âge de la propension au démon, au mal? Plus globalement, quel rapport l’enfant entretient-il à la morale? Au début? après son enseignement? Durant son éducation?

b)L’enfant dans les représentations plastiques• L’enfant est aussi un objet de représentation. Il suscite l’inspiration artistique, se voit inscrit

dans une dimension esthétique, idéologique et symbolique.• Problématique : L’enfant peut-il se représenter de façon réaliste? Sans se voir dévié de sa

propre image?

c) En apposition ou attribut avec valeur d’adjectif, qui n’a pas atteint son plein épanouissement• Cette définition suppose à l’enfance une dimension évolutive, durative et intensive en

constante métamorphose, appuyée sur des actes, des circonstances ou des événements qui influent sur cette évolution, active ou passive, assumée, ou subie.

• Problématique : L’enfance n’est-elle qu’un état temporaire de manque, de manque d’épanouissement, de faiblesse quelconque? L’enfance n’est-elle pas une force?

d)Spécialement au féminin : petite fille, jeune fille• La représentation de l’enfant sous la forme féminine de l’innocence incarnée renvoie à une

vision appréciative de l’enfance, mais témoigne d’une opposition entre innocence et mal, et entre fille et garçon.

• Problématique : Quel regard porte-t-on sur l’enfant garçon? sur l’enfant fille? le genre détermine-t-il une vision de l’enfance et inscrit-il l’enfant dans une évolution a priori prédéterminée?

2)En particuliera) Enfant considéré dans son comportement caractéristique• L’enfance est marquée par un comportement reconnaissable, caractéristique de cet âge.

L’enfant n’a donc pas les mêmes caractéristiques comportementales que l’adulte.• L’adulte est donc sorti de ces comportements par une éducation, par l’appropriation d’un

comportement, ou bien ces caractéristiques disparaissent d’elles-mêmes.• Problématique : Quelles sont les caractéristiques du comportement d’un enfant? Comment

ces caractéristiques évoluent-elles? Comment disparaissent-elles? Doit-on les faire disparaître? Disparaissent-elles d’elles-mêmes?

b)En parlant d’un adulte qui a conservé les particularités physiques ou morales d’un enfant.• La fin de l’enfance ne va pas de soi apparemment : les caractéristiques de l’enfance peuvent

perdurer chez un adulte tant du point de vue physique que moral. L’évolution naturelle de l’être humain ne permet donc pas toujours de distinguer le passage d’un âge à l’autre ni du point de vue physique que moral ou psychologique.

• Cet état de fait est généralement considéré appréciativement ou péjorativement (beauté, innocence ou bien manque d’évolution, immaturité). Le statut de l’enfant n’est donc pas univoque et fait l’objet d’un regard subjectif porté dessus.

• Problématique : Il reste toujours une part d’enfance en chacun des hommes, comment se manifeste-t-elle? Est-ce un handicap? Doit-on s’en débarrasser ou s’en réjouir? L’enfance est-elle un état qui disparaît une fois qu’elle est advenue, ou constitue-t-elle le socle de la suite? Quel regard porte-t-on sur l’enfance?

B. Être humain du point de vue de sa filiation1)Filiation naturelle, fils ou fille

• Biologiquement parlant, l’enfant est le produit de l’accouplement de deux personnes, une femme et un homme. On est toujours sûr de la mère, le statut ou l’identité du père reste problématique.

• L’importance de la filiation dans les sociétés patriarcales repose sur le fait que c’est le père qui transmet son nom à l’enfant, et non la mère, qui est considérée dans un statut social inférieur. Un enfant illégitime ou naturel n’est donc pas considérable du point de vue des mœurs et de la société, qui condamne la mère et l’enfant, qualifié de « bâtard ».

• De la même manière, le regard porté sur cet enfant n’est que rarement neutre : enfant de l’amour ou bâtard, le regard porté sur la mère implique un jugement sur l’enfant et sa place dans la société.

• Problématique : L’enfant est-il considéré pour lui-même ou dès sa naissance inscrit dans un devenir qui lui échappe?

2)Par analogie, filiation spirituellea) Personne placée sous le patronage d’un saint• L’enfance se situe aussi dans une lignée symbolique de l’ordre de la religion, de l’héritage

symbolique et métaphysique. On hérite du prénom de quelqu’un qui nous a précédé et qui nous dépasse, que ce soit un ancêtre ou un saint patron, qui nous inscrit dans une histoire.

• Problématique : Jusqu’à quel point l’enfant est-il considéré pour lui-même? Quel est le poids de cet héritage symbolique et/ou religieux qui pèse sur lui dès sa naissance, dès sa dénomination?

b)Par rapport à Dieu, à une entité mythique ou symbolique• D’emblée, l’enfance semble être mise sous la protection tutélaire d’une divinité, d’un

lignage protecteur. Il souligne la fragilité de l’être humain qui inscrit lui-même ses propres divinités dans cette filiation et dans cette métaphore familiale.

• Problématique : En quoi l’homme a-t-il besoin d’une figure paternelle même symbolique? En quoi révèle-t-elle sa fragilité et la précarité de sa condition?

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3)Par métaphore ou au figuréa) Produit de la nature• L’expression réinscrit l’homme dans sa dimension naturelle, comme produit de la nature

similaire à tous les autres. La hiérarchie homme/animaux/végétaux est abolie et remet l’homme à sa place, comme le produit biologique d’une chaîne dont il n’est ni plus ni moins qu’un des constituants.

• Problématique : En quoi cette vision du monde suprémaciste se justifie-t-elle? En quoi l’enfance est-elle une préparation à cette vision du monde? Peut-on concevoir une autre affectation à l’enfance que l’éducation à la domination sur le monde?

b)Produit, conséquence d’une situation, d’une activité• L’enfant est enfin le fruit d’une situation humaine (un couple, un accouplement, une union)

qui engendre par l’accouplement la naissance d’un produit biologique. L’enfant est donc bien la conséquence d’un acte sexuel qui est la plupart du temps tabou, invisible, tenu caché, mais dont les conséquences sont manifestes.

• Problématique : L’enfant est-il perçu pour lui-même, en dehors des préjugés relatifs à la situation de ses parents?

C. Être humain, jeune ou adulte, considéré comme membre d’un groupe social : famille, état• La notion d’enfance est aussi élargie au groupe naturel, voire au groupe social. La

dimension imagée de l’enfance se transpose pour l’être humain dans tous ses aspects.

1)Être humain, adulte ou non, placé sous la tutelle, la protection de personnes, d’une communauté lui tenant lieu de parents• Cette définition souligne la dimension tutélaire de la société par rapport l’individu, qui se

voit inscrit dedans. L’homme est un animal social dont le groupe se charge de l’aider, de le protéger.

• Problématique : L’éducation d’un homme peut-elle se passer de sa dimension sociale? L’être humain n’est-il éduqué que par ses parents? Quel est le poids d’une société dans l’éducation et l’évolution d’un enfant?

2)Être humain considéré dans des liens affectifs ou spirituels qui l’unissent à une personne, à une communauté ou à un pays• L’enfance prend enfin une dimension affective, voire psychologique ou même ésotérique

dans le lien que l’enfant entretient avec ses semblables, qui ne sont pas forcément sa parenté directe.

• Problématique : Jusqu’à quel point les caractéristiques de l’enfance se transposent-elles dans la société ou dans la relation aux autres chez l’être humain? Comment? Dans quelle mesure?

• « être humain considéré dans es liens avec un élément naturel » renvoie l’enfance à la nature et à sa nature propre. La boucle est bouclée.

C. Dans le dictionnaire historique de la langue française (à traiter rapidement pour montrer l’évolution des conceptions de l’enfance?)

1)Une absence de parole : Antiquité - le mot désigne d’abord en latin au sens étroit du terme le nourrisson qui ne peut pas parler, alors que d’autres termes prennent le relais pour désigner d’autres réalités de l’enfance (puer - enfant mâle, puella - jeune fille, pueri - enfants au pluriel, sans genre, liber - enfants de condition libre, marqués par leur ascendance familiale, au contraire des esclaves, enfants de…). Le mot infans finit progressivement pas désigner toutes les formes de l’enfance de 0 à 15 ans à peu près.

2)À partir de 1080 jusqu’au XVIè siècle, le mot désigne un jeune homme de condition noble employé comme page, puis tous les enfants quelle que soit leur condition ou leur genre entre 0 et 15 ans. Le terme se globalise progressivement pour s’opposer à « adulte ».

3)Le sens s’étend aux adultes par comparaison ou par extension à partir du XIIè siècle pour désigner les comportements immatures ou irresponsables, ou bien les adultes qui se comportent comme des enfants. Le sens n’est pas seulement péjoratif comme l’attestent les expressions qui naissent ensuite aux XVIè et XVIIè siècles.

4)Le sens appréciatif de l’enfant comme personne gentille, douce, tranquille évolue progressivement du XVIè au XIXè siècle. Le terme adopte donc des profils très polysémiques caractéristiques des représentations de l’enfance : tranquillité, sagesse, docilité, affection.

5)Les préoccupations éducatives du XVIIIè siècle vont commencer à considérer l’enfant dans son rapport à l’éducation et l’expression « enfant sauvage » va naître de ces préoccupations pour désigner une enfant qui n’a pas été éduqué et qui a été laissé livré à lui-même depuis son enfance. Cette expression montre le souci de l’époque qui se préoccupe des rapports entre nature et culture et qui tente de situer l’homme dans ses rapports au monde, à sa nature et à la société.

6)De nombreuses expressions se composent à partir du terme entre le XVIè et le XVIIIè siècle pour affecter certains aspects de l’enfance à des défauts humains : ainsi, l’expression « enfant de chœur » désignant un servant de messe finit par désigner tantôt un voleur, tantôt un ivrogne, tantôt un naïf.

7)Une strate sémantique supplémentaire s’ajoute entre les XIIIè et XVIIIè siècle pour désigner l’enfance dans son rapport à la biologie et à la filiation maternelle : on évoque la mort en couches, les douleurs de la portée, l’insémination, la naissance, c’est-à-dire l’évocation du début de la vie humaine dans son rapport à la nature biologique des êtres humains. Elle désigne les êtres humains encore proches de la naissance, par une vision rétrospective plutôt que prospective. L’enfance semble être un âge dont on a du mal à se détacher, dont on a du mal à détacher les autres. Ses limites sont imperceptibles autant que les étapes de son évolution.

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8)Quelques sens métaphoriques ont ensuite apparu : une œuvre anonyme (« enfant trouvé ») caractérisée à partir de l’expression qui souligne la dépendance des enfants par rapport à leurs parents; «  enfant perdu  », qui caractérise la situation de fragilité de l’enfant et de manque d’autonomie, qui a par extension désigné un soldat en avant-poste, isolé de sa base.

9)L’acception relationnelle souligne les rapports de l’enfant à son entourage dès le XIè siècle (« enfant de… »). L’enfance est donc aussi une dépendance sociale, un point de repère dans la société, pour l’enfant et pour ceux qui le considèrent (l’enfant de untel); et s’étend ensuite à des emplois imagés (« enfant de salaud », « enfant de l’amour ») pour désigner la qualité des ascendants ou de l’affection mise à l’acte de reproduction surtout hors mariage; il désigne aussi les origines régionales («  enfant du pays  ») de façon plus collective. L’enfant s’inscrit donc dans un environnement auquel il ne peut échapper et par lequel il est en partie déterminé.

10)Le XVIè siècle voit naître les sentiments dans l’acception (« mon enfant  »), et la relation paternaliste hiérarchisée du père au fils ou à la fille (« mes enfants »), puis par extension pour désigner la descendance dans une lignée sociale en fonction du prestige (bourgeoisie, noblesse, royauté, « enfants de France »). Les enfants désignent une descendance. Par extension, « enfant de Marie » désigne la naïveté et la chasteté, « enfant du Bon Dieu », la gentillesse, « enfant de troupe » le fils d’un militaire décédé élevé dans une école militaire.

11) L’extension de cet usage se fait au XVIè siècle pour désigner finalement toute relation d’un être humain inscrit dans ses origines, même au-delà de ses parents (« enfants d’Israël ») et de plus en plus dans un contexte religieux, entre les religieux (« mon père », « mon fils », « mon enfant ») ou dans la relation d’un religieux au fondateur de son ordre.

Cl : L’évolution historique du sens du mot montre sa polysémie et surtout la grande quantité de représentations que l’on se fait de l’enfance au gré des époques. L’enfance n’est pas seulement la période du début de l’existence de l’être humain; le mot se charge également d’un grand nombre d’aspects sociaux, biologiques, psychologiques, affectifs, euphoriques ou dysphoriques en fonction des époques historiques et des évolutions culturelles. L’enfance est une notion kaléidoscopique qui ne s’analyse que dans un contexte donné, constamment évolutive en fonction des époques comme de l’évolution de l’être humain dans sa propre vie, et du regard des autres porté sur l’individu ou sur la place de l’enfant dans la société. Pourtant l’enfance est aussi porteuse de constantes, de traits objectifs qu’il faudra mettre à jour.

II.Implications socio-culturelles du thème : l’enfance vue par les adultes, vécue par les enfants, racontée par d’anciens enfants.

A.Une chronologie problématique1)Délimitation biologique

• L’enfance est délimitée dans le temps par la borne qu’elle instaure dans une vie humaine : elle désigne le début de cette vie. L’inauguration n’est donc pas malaisée à constater, mais la fin de l’enfance, de la même manière, les différentes étapes par lesquelles elle passe reposent sur des signes observables qui permettent de délimiter des étapes intermédiaires.

• On admet généralement qu’entre l’état de nourrisson et l’état du préadolescent, il y a une différence énorme : les bornes de l’enfance iraient de la naissance du nourrisson aux manifestations pubertaires d’une maturité sexuelle prête à s’épanouir.

• À l’intérieur de ces deux bornes, on délimite aussi des âges intermédiaires, marqués par différents indices. L’état du nourrisson, incapable de quelque autonomie que ce soit (1 an); l’état du petit enfant, capable de marcher, mais pas encore de s’exprimer convenablement et de façon autonome (2-3/4 ans); l’état de l’enfant doté de la parole (5-10 ans) et l’état du préadolescent, qui présente les prémices d’une adolescence à venir (11-13 ans).

• Ces âges et ces délimitations varient de plus d’un individu à l’autre en fonction de son développement propre, mais tous les hommes passent plus ou moins par ces étapes, de façon plus ou moins marquée. et ces étapes ne se terminent pas pour tous au même moment, de façon uniforme.

2)Délimitation sociale• Si l’enfance est une période de la vie facilement repérable, elle est aussi liée à une condition

familiale et sociale. Si l’on remonte aux origines antiques de la conception de l’enfant, il est est d’abord celui qui est dénué de la parole (infans de la naissance à 7 ans). L’enfant est inscrit dans sa relation à ses parents, dont il dépend tant qu’il ne s’est pas lui-même autonomisé en tant qu’adulte. Le terme puer (qui a donné « puéril ») désigne l’enfant entre 7 et 15 ans, puis l’enfant en général et le terme liberi désigne les enfants par rapport à leurs parents (dans l’expression, «  ce sont les enfants de…  »). Ces derniers sont les enfants considérés dans le mariage. Dans l’antiquité, lorsque le père avait des enfants avec ses esclaves, ils conservaient leur condition d’esclave (servi). La question de la légitimité et de la reconnaissance de l’enfant se pose donc d’emblée.

• Chez les Romains, la délimitation des âges de la vie est différente de la nôtre, ce qui montre bien la dimension sociale de cette délimitation, outre les manifestations naturelles des évolutions du corps de l’enfant. Le terme infans désigne indifféremment les enfants lorsqu’ils ne parlent pas, c’est-à- dire jusqu’à 7 ans à peu près. Puis la fille vient une puella ou une virgo, «  jeune fille vierge  » avant de devenir uxor (l’épouse) puis matrona («  mère de famille »).

• Le garçon bénéficie d’un vocabulaire différent, soulignant dès lors sa différence de nature et de traitement social. D’infans, le garçon pass au statut de puer de 7 à 17 ans, puis d’adulescens de 17 à 30 ans; il est nommé juvenis entre 30 et 46 ans, senior jusqu’à 60 ans puis senex jusque’à 80 ans. Au-delà, il entre dans un âge indéfini dont le terme est fixé par le décès que les Romains appellent l’aetate provectus.

• Les enfants ne sont pas libres ni indépendants, ils dépendent de l’autorité de leur père avant tout, caractéristique d’une société patriarcale qui a perduré jusqu’au XXè siècle et qui est progressivement en train d’évoluer au XXIè siècle. La fille est d’abord soumise à son père, puis à son mari (l’âge légal du mariage est de 14 ans). Le garçon est lui aussi soumis à l’autorité toute-puissante de son père qui a tous les droits sur lui, comme sur toute la maisonnée : la mère met l’enfant au monde, le père l’inscrit dans la société par une cérémonie de reconnaissance officielle au terme de la première semaine de vie des enfants : il les reconnaît officiellement, il lui donne un praenomen, et un pendentif protecteur, la bulla, que l’enfant gardera autour du cou jusqu’à ce qu’il soit en âge de porter la toge virile, qui

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remplace la toge prétexte. Les filles sont mariées très tôt (vers 12 ans en moyenne) et passent sous l’autorité de leur mari.

• L’enfant, aux yeux de la société est donc un être asexué, dont le vocabulaire ne distingue pas le genre. Il est aussi défini par un manque, celui de la parole, et il est dépourvu de droits, dépendant exclusivement de ses parents. S’il entre bien dans la société de façon passive, par la reconnaissance que ses parents en ont et en manifestent, il n’entre activement dans cette société qu’au terme d’une période de préparation.

• La langue française a conservé ces idées d’absence de parole, d’infériorité sociale, d’absence d’autonomie et d’incapacité à raisonner, d’immaturité (pour les aspects négatifs). Les expressions montrent toutefois une forme de valorisation de l’enfance, comme celle de l’âge de l’innocence, de l’insouciance, de la joie, de la naissance et des espoirs à venir, contre une vision péjorative faite d’immaturité, de manque de raison, de bêtise, de maladresse.

3)L’évolution de la place de l’enfant et de ses représentations dans la société (Flam 18-19)• La place des enfants dans la société et la représentation qu’on s’en fait est très évolutive et

culturelle. Dans l’Antiquité, l’enfant d’esclave n’est absolument pas considéré pour lui-même et est immédiatement considéré comme un esclave à part entière, quel que soit son âge. En revanche, l’enfant libre, né de parents appartenant en bonne place à la société font l’objet d’une considération et d’une éducation étroitement liées au statut de leurs parents dans la société. Ils reçoivent une éducation. Chez lez Grecs, l’enfant de citoyen reçoit une éducation d’excellence visant à assurer sa place et son rôle dans la polis. Chez les Romains, l’enfant reçoit une éducation destinée à assurer sa place et sa promotion sociale dans la société romaine. La plupart du temps, si ses parents sont riches, ils l’envoient en Grèce pour parfaire ses études.

• Les historiens de l’enfance montrent que le statut de l’enfant a progressivement évolué depuis le Moyen-Age jusqu’à nos jours. Il est d’abord un objet sans intérêt relégué au monde des femmes, sauf s’il s’agit d’un garçon destiné à assurer une lignée dans l’ordre des guerriers ou des commerçants. Auquel cas, il fait l’objet d’un traitement spécifique. Progressivement, le Moyen-Âge et la Renaissance humaniste ont commencé à teinter l’enfance d’une forme d’affectivité. Si la mortalité infantile est encore importante à cette époque et si les enfants meurent finalement très vite et si l’on n’est pas sûr de les voir devenir adultes, l’humanisme de la Renaissance attachant de plus en plus d’importance à la personne humaine voit le statut affectif de l’enfant évoluer. C’est en fonction des classes sociales que ce statut évolue, et naturellement en fonction des prédispositions affectives des individus que sont les parents. Ainsi, dans ses Essais, Montaigne admet ne pas trouver d’intérêt pour un enfant avant l’âge de 6 ans, puisqu’il ne peut ni parler, ni commencer à échanger. Mais Montaigne est très conscient qu’il n’en va pas de même chez tous les parents et admet qu’une part d’affectivité puisse être dévolue aux enfants.

• Sous l’Ancien Régime, l’enfant est étroitement lié à l’ordre auquel il appartient : ne pouvant en sortir, son statut social est ainsi déterminé, même si une fois devenu adulte, il parvient à en sortir. Par exemple, un roturier anobli ne sera jamais considéré comme noble. Seule sa première génération portera effectivement le statut en même temps que le titre. Le XVIIIè siècle, avec l’embourgeoisement de la société, l’émergence du confort et la prise en compte

de plus en plus importante de l’individu à part entière, donne une place importante à l’enfant, comme en témoignent l’Émile et le souci d’éduquer tous les enfants, y compris les sourds et les malentendants, pour lesquels l’abbé de l’Épée, qui en 1756 invente un langage et monte une école. L’enfance n’est donc pas un statut fixe, mais est de plus en plus considérée comme un dispositif humain qui rassemble l’ensemble des conditions permettant à un individu d’acquérir ses capacités intellectuelles, morales et physiques. L’enfance est donc moins un manque qu’un devenir, une perfection en cours, dont les parents ont la charge.

• Depuis le XIXè siècle, la conception bourgeoise de l’enfance conduit à le considérer comme un être autonome, à qui l’éducation et la protection sont dues et dont les parents comme la société sont responsables devant la loi. Mais cette évolution sociale ne suffit pas à caractériser la nature des changements de rapports entre parents et enfants dans nos sociétés. La charge affective dont l’enfant est désormais porteur, d’autant plus qu’on a désormais des enfants par choix, et non plus par accident pour par le fait des relations sexuelles naturelles, fait de l’enfant un objet investi d’une affection particulièrement importante. Ils sont l’objet de soins, d’attentions, de prospectives qui investissent les adultes dans leur rôle de parents. Parent est devenu une fonction à part entière et demande des savoir-faire spécifiques. Il ne s’agit plus d’avoir des enfants et de les laisser grandir sans s’investir. Les enfants et la société l’ont bien compris, et Rousseau dénonçait déjà les petits insupportables capables de mener leurs parents par le bout du nez, de la même manière que notre société a bien compris que l’enfant était un acteur économique majeur, et donc une cible porteuse d’enjeux commerciaux très importants. Le rapport de l’enfant à la société a donc complètement changé.

• Actuellement, depuis la promulgation des droits de l’enfant en 1989 par l’Assemblée Générale des Nations Unies, les enfants ont des droits imprescriptibles, spécifiques, au même titre que les Droits de l’Homme. Lorsqu’ils n’ont pas de parents ou que leurs parents sont déficients, c’est aux états de les prendre en charge. La conception de l’enfance dans la société a radicalement changé.

4)L’infans mérite-t-il son nom?• L’enfance est-elle vraiment une période hors de la parole? Les Romains étaient

particulièrement attachés à l’art de la parole, à l’échange social et politique, et il est significatif à cet égard qu’ils aient désigné la première période de la vie par la caractéristique des nourrissons : l’absence de parole articulée. L’enfant doit donc, avant de s’intégrer à la société, apprendre à parler et il est confié pour cela dans les familles aisées, à un pédagogue, c’est-à-dire un esclave instruit, qui lui apprend à lire et à compter, enseignement souvent prolongé par celui d’un professionnel (rhetor ou grammaticus).

• En français, le vocabulaire témoigne d’une tentative de caractérisation de l’acte de parole de l’enfant qui, dès le XVIIè siècle, «  babille  », «  jabote  » ou «  jacasse  » (comme les oiseaux) et l’une des première transcriptions connue de propos enfantins remonte au début du XVIIè siècle : le médecin du futur Louis XIII a tenté de reproduire aussi fidèlement que possible les propos de l’enfant.

• Alors que l’on considère qu’il ne parle pas, on ne lui parle pas beaucoup non plus, ce qui ne facilite pas les apprentissages. Si les interactions sont fréquentes entre le nourrisson et sa

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mère, ou plus souvent sa nourrice, ils sont fondés sur une vision débile de l’enfance, faite d’un vocabulaire qu’on pense adapté au manque de raison de l’enfant, grossièrement sonorisé et dépourvu de syntaxe dans les premiers temps. C’est donc souvent de façon approximative et passive que l’enfant apprend à parler. C’est au XXè siècle que les médecins ont commencé à considérer qu’il fallait parler aux enfants non comme à des bébés, mais selon un langage structuré, certes adapté à leurs besoins et à leur capacité limitée à appréhender des idées complexes, mais sans leur parler de façon abêtissante.

• La pédiatre et psychanalyste Françoise Dolto (1908-1988) a été la première à affirmer qu’il fallait même parler au bébé dans le ventre de sa mère. Selon elle, l’enfant reçoit ces stimuli comme tous les autres et interagit à sa manière à lui par des regards, des mouvements, des expressions qui ont valeur de signes au même titre que le langage, qui s’élabore ensuite par imitation. L’entrée dans le langage articulé va jusqu’à s’apparenter à une seconde naissance, mais dont les frontières sont difficiles à cerner et ne s’établissent pas du jour au lendemain.

• Ceci dit, si l’enfant ne parle pas à proprement parler, il communique et sait assez vite se faire comprendre par des signaux qui répondent à des stimuli divers. Très vite, les cris, les pleurs, les sourires, les moments de suspension associés à l’ouverture des yeux, l’expressivité du visage et la motricité des traits s’affinant, les parents apprennent très vite et instinctivement à décoder ces signaux pour supposer les raisons de leurs manifestations. Au début, les réactions sont commandées par les sensations de bien-être, de plaisir, ou de mal-être, de déplaisir ou de douleur. Dans chaque contexte donné, seuls les parents présents et accompagnant le nourrisson (moins les parents sont en contact avec lui, moins ils peuvent comprendre les origines de ces manifestations) dans son évolution jour après jour peuvent identifier les causes probables de ces réactions et commencer à interagir avec lui, sachant que la mère a déjà commencé à interagir alors qu’elle était enceinte, et que les parents associés ont aussi pu commencer une communication intra-utérine alors même que le bébé n’était pas encore né.

• Ceci dit, pour faciliter l’insertion de l’enfant dans son milieu familial et dans la société, le langage et son apprentissage constituent des médias indispensables qui accélèrent le développement intellectuel de l’enfant et les interactions avec son entourage.

5)L’enfance finit-elle un jour?• On le voit, la délimitation des âges de la vie n’est pas la même d’une civilisation à l’autre, et

si certains repères somatiques délimitent bien certaines étapes (l’apparition des signes de la puberté par exemple, pour la fin de l’enfance), ces étapes ne sont pas définitivement fixées par la biologie, puisque l’âge légal de l’adulte indépendant dépend d’autres facteurs (majorité sexuelle à 15 ans, majorité pour l’apprentissage de la conduite à 16 ans, majorité civile à 18 ans selon les pays, responsabilité pénale des actes à partir de 12 ans) brouillent encore les repères d’une enfance dont la nature, le statut et la condition restent encore difficiles à cerner, d’autant plus qu’elles sont influencées par des facteurs socio-culturels relevant autant de l’évolution des enfants eux-mêmes que du regard que la société et leurs parents portent sur eux.

• La frontière entre l’enfance et l’âge adulte est donc poreuse, se fixe progressivement, et l’opposition entre les deux âges (enfant et adulte) pourrait bien n’être qu’artificielle. Le

lexique manifeste cette propriété par les nombreuses expressions qui transcrivent le comportement enfantin sur les adultes (en bien comme en mal) comme celles qui font l’inverse.

• Certains adultes refusent de grandir et veulent le plus longtemps possible rester dans le monde de l’enfance, ce qui engendre des angoisses allant jusque’à la maladie psychique (communément appelée syndrome de Peter Pan, du nom du héros du roman de J.M. Barrie), aujourd’hui nommée adulescence. À l’inverse, de nombreux enfants rêvent de devenir adultes le plus vite possible et de correspondre à un idéal : « devenir grand » semble une des quêtes essentielles de l’enfance.

• La réalité est probablement entre les deux. Outre le fait que l’être humain est rarement satisfait de l’état dans lequel il se trouve et se voit souvent enclin à aspirer à un autre état, l’enfance reste le stade de la vie qui fonde et détermine en grande partie sa suite : sans l’enfance, il n’y a pas d’âge adulte, et la capacité de mémoire, associée aux capacités d’évolution et de résilience caractéristiques de l’être humain font que l’enfance suit l’adulte jusqu’à la fin de sa vie, dans un rapport complexe entre deux périodes qui ne sont finalement qu’artificiellement distinguées. Cette capacité de résilience conduit également à se souvenir de l’enfance avec une forme de nostalgie.

• C’est bien plus dans l’esprit que ces notions se distinguent : selon Françoise Dolto, l’enfant est celui qui pense que ses rêves sont possibles, l’adulte celui qui sait qu’il y a certaines choses qu’il ne peut et ne pourra plus faire. L’enfance désigne alors une période ou un état qu’il regrette et probablement aussi un état d’esprit : « En fait, la très grande différence entre un être humain à l’état adulte et l’être humain à l’état d’enfant, c’est que dans l’organisme de l’enfant, l’adulte est potentiel et il en intuition les pouvoirs par le jeu du désir. Tandis que l’adulte a la cicatrisation de son état d’enfance à jamais perdu pour lui. Plus douloureux qu’une nostalgie, il porte le souvenir pénible de son impuissance à être aujourd’hui l’adulte qu’il aspirait d’être, et en même temps il ressent son impuissance à jouir encore une fois du mode de vie de l’enfant : la vue d’un enfant qui a confiance en lui en ne se sachant pas encore impuissant ou totalement confiant dans la personne de son père accentue ce sentiment du « jamais plus ». Les jeux sont faits. pour lui, c’est le représentant d’un rêve, bon ou mauvais, qui lui rappelle son époque révolue où il avait des espoirs et où le les a plus. Il est devenu une réalité et les espoirs qu’il avait enfant, s’il s’en souvient, sont trop pénibles à évoquer, étant donné ce qu’il est devenu. Je crois que c’est pour ça que l’enfant lui présentifie un souvenir pénible, puisque lui devenu adulte ne peut plus changer sa vie. » (La Cause des enfants, 1985).

B.Un processus humain inscrit dans le devenir (force de vivre, période de transformation, d’évolution, biologie, psychisme, physique

1)Des délimitations artificielles• Dans Les Données immédiates de la conscience (1900), Bergson caractérise la nécessité pour

les hommes de symboliser deux grandes expériences, celle du passage du temps (la durée) et celle du ressenti plus ou moins affirmé des phénomènes (l’intensité). Il montre que ces expériences sont immédiates, ne passent pas par quelque filtre que ce soit, et pour en rendre compte ou en matérialiser l’existence, les humains ont tendance à symboliser ces expériences, et donc à perdre le contact immédiat avec elles, voire à en remplacer l’expérience par la notion ou par le symbole. Ainsi, une durée vécue et une durée

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symbolisée par des chiffres ne relèvent pas toutes les deux de la même expérience, et surtout sont d’une nature essentiellement et fondamentalement différente.

• Le même philosophe, dans L’Évolution créatrice (1907), Bergson prend l’exemple du passage de l’enfance à l’âge d’homme comme exemple d’évolution. Il souligne l’erreur dans laquelle nous tombons lorsque nous distinguons ces deux âges par des symboles ou par des mots. Alors que les deux périodes ne peuvent se distinguer nettement, quoiqu’elles aient chacune leurs caractéristiques, repérables a posteriori, elles ne peuvent être précisément séparées par une frontière fixe et déterminable aisément. Il s’agit pour Bergson d’un progrès perceptible par l’expérience, d’un progrès sensible au sens propre du terme et non pas du passage d’une frontière nettement délimitée. L’enfance constitue donc une évolution imperceptible et permanente inscrite dans une évolution perpétuelle dans laquelle notre conscience et notre corps s’inscrivent.

• Pour Bergson, dans le même ouvrage, l’enfance est donc caractérisé par son évolution vitale, l’enfant étant inscrit dans un devenir ouvert sur tous les possibles et caractérisé par son indétermination fondamentale. Si certaines orientations sont déjà posées par l’héritage familial, social et culturel dans lequel l’enfant naît, l’individu est dans son enfance caractérisé par des indéterminations qu’il convient de lever, par des choix à faire, et à progressivement sortir des indéfinis et des possibles. La vie s’apparente donc à une aventure vécue au début sans la conscience du risque inhérent à la vie et à toute aventure : celui de la mort.

• Mais par là même, l’enfance pose une exigence, celle du devenir : inévitablement, l’enfant doit s’inscrire dans un devenir, dans une évolution à la maîtrise de laquelle il échappe en partie, inconscient parfois qu’il est des choix qui sont faits pour lui, ou des choix qu’il fait pour lui-même par les expériences qu’il vit.

2)La vie humaine, un processus en perpétuel devenir• Si l’enfance est bien le début de l’existence biologique d’un être humain, en aucun cas ce

début n’est vierge de tout. Nous venons de le voir, à peine né, l’enfant s’inscrit dans une famille, une société, une culture qui vont l’inscrire dans un monde qui lui préexiste et dont il va dans un premier temps hériter malgré lui. Si la venue au monde est bien l’ouverture d’une voie individuelle, subjective, elle est aussi continuation, continuité et perpétuation d’une autre, celle de ses ascendants. Norbert Elias, dans La Société des individus (1991) rappelle ainsi que l’enfant va se former et s’individualiser, se singulariser dans un réseau préexistant, à la fois nourricier, mais aussi tutélaire, à partir duquel il va pouvoir évoluer tantôt en suivant un modèle, tantôt en s’y opposant en fonction de ses goûts et de ses expériences personnelles.

• À ce titre, l’expérience de l’enfance est faite de paradoxes et de contradictions parfois difficiles à vivre, dont les œuvres de Lewis Caroll, Alice au Pays des merveilles (1865) et de J.M. Barrie, Peter Pan (1911) traduisent les tourments inhérents à une situation instable, constamment faite d’une réalité vécue que les souhaits et les désirs viennent contrarier en permanence. L’enfance consisterait ainsi bien en une expérience de la conscience, de structuration de la conscience indispensable, qui ne serait d’ailleurs jamais vraiment terminée, puisque si l’enfant aspire à devenir adulte tout en conservant les avantages de

l’enfance, l’adulte devenu adulte aspire à un retour à l’enfance (DOCUMENTS PHOTOCOPIÉS SUR Alice et Peter pan, Atlande 62-66)

3)Vivre son enfance, rêver son devenir puis raconter sa vie• Cette inscription dans un monde réel sur lequel l’enfant n’a que peu de prise, sinon par ses

expériences personnelles, ses interactions avec son entourage immédiat, le poussent à developper son imagination, en utilisant les éléments du monde réel pour les utiliser et les recomposer en fonction de ses désirs. L’enfance est donc en grande partie le monde de l’imaginaire et du rêve, un monde avec lequel il entretient une relation faite de croyances, de magie, d’une forme d’animisme qui fait que tout ce qui bouge ou non peut se voir doté d’une existence propre et autonome, et sur laquelle l’enfant peut projeter ses propres représentations et expériences du monde.

• Le processus animiste de la personnification des objets est particulièrement significatif de l’élaboration d’un monde à la mesure de ses capacités, de ses besoins, dont les adultes ne peuvent pas percevoir toute la portée. Ainsi, les enfants parlent à leurs jouets, dotent les objets d’une existence propre et de caractéristiques humaines comme la parole ou des sentiments, des intentions bonnes ou mauvaises, et incarnent dans des monstres la justification de leur peur de l’obscurité, par exemple, parfois aidés en ceci par les contes ou les histoires fabuleuses que les adultes leur racontent. Cette sorte de fétichisme anthropocentrique est également propre à certaines tribus primitives. Pour l’enfant, en fonction de son âge, la réalité est un immense terrain de jeux, d’expérimentations de toutes sortes, qui lui permettent d’apprendre, de se socialiser, de jouer pour jouer. La fonction didactique des jeux et des activités ludiques de l’enfance, souvent doué pour se doter de règles du jeu, pour inventer des jeux collectifs ou solitaires, lui permettent de vivre et d’élaborer son propre univers, pendant que les adultes s’occupent à l’en sortir pour le faire entrer dans le leur.

• Inscrit dans une forme de gratuité inconsciente de ce qu’il fait et des motivations de ses actes, l’enfant est caractérisé par une forme d’insouciance qui peut être mise à mal par l’entourage dans lequel il est inscrit.

• Dès lors, aux yeux des adultes, cette période révolue devient une sorte de paradis perdu, une fois qu’ils sont absorbés par les nécessités de leur préoccupations quotidiennes. Si l’entremêlement du monde réel et du monde rêvé permet à l’enfant de supporter les violences que lui inflige la vie et qu’il peut ainsi progressivement s’adapter aux exigences du monde, il perd cependant progressivement cette capacité au contact de son expérience du réel à mesure qu’il « grandit » et se rapproche de l’âge adulte. Dès lors, le souvenir de cet état d’insouciance et de capacité à commander au monde se transforme progressivement en une nostalgie qui n’apparaît que de façon diffuse et au gré des expériences de la vie, le stade ultime étant, une fois l’état d’adulte intégré, conscientisé, celui de la nostalgie d’une enfance perdue, elle-même rêvée, fantasmée, souvenue avec une forme de nostalgie mélancolique parfois. L’enfance reste donc inscrite dans l’individu devenu adulte, qui s’est construit au gré des récits qu’il s’est faits de son existence, évolutifs. Ce paradoxe fonde l’existence humaine qui voit le fondement de sa propre existence, l’enfance, comme un lieu dont il s’éloigne progressivement, sans l’avoir jamais vraiment quittée.

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• Dès lors, le décalage entre l’enfance vécue, l’enfance remémorée et l’enfance racontée est patent. Gaston Bachelard, dans Poétique du rêve (1960), attire l’attention de son lecteur sur l’écart qui sépare l’enfance vécue et l’enfance racontée. La première est la succession chronologique des événements que nous avons vécus, dont nous avons l’expérience durative et intensive. La seconde relève du récit, d’une chronologisation, d’une recomposition teintée d’affects a posteriori, propres à l’adulte analysant les rapports de cause à effet entre les événements, que l’enfant ne peut établir dans son vécu propre. Pour Bachelard, la seule solution pour approcher au plus près de l’enfance, c’est la rêverie, qui se rapproche de la démarche de l’enfance dans son rapport au monde.

• L’enfance racontée serait donc d’autant moins le récit d’une enfance par un enfant, mais le récit d’un vécu par un adulte, l’enfant étant incapable de raconter sa propre histoire et de la composer, ne serait-ce que dans le rapport qu’il entretient au monde et au langage. L’enfance est donc un temps purement vécu qui échappe à toute approche structurante et sclérosante, elle appartient au processus vital en propre, par définition, ce qui explique sa dimension mystérieusement impossible à appréhender ni de l’intérieur de son vécu, ni de l’extérieur de l’enfant une fois devenu adulte, et encore moins de l’extérieur du regard de l’adulte voyant un enfant qui n’est pas lui.

C.Un rapport au monde et au savoir problématiques : une enfance qui apprend, à éduquer1)Éducation, apprentissage, instruction

• L’enfance, caractérisée par ses manques, est aussi caractérisée par son manque de rationalité. Mais ce regard du manque porté par les adultes sur un être en devenir les conduit à davantage considérer les qualités de l’adulte sur un être qui, par définition ne les possède pas encore. Les enfants sont-ils si dépourvus de rationalité et de connaissances que cela? Sont-ils vraiment dépourvus de toute capacité autonome d’apprentissage? Entre les apports des adultes, qui veulent élever un enfant à devenir un adulte, et les capacités de l’enfant à s’approprier le monde qui l’entoure par lui-même, il y a une tension, une contradiction importantes et un équilibre à trouver. Les enfants ne sont pas des idiots imbéciles, loin s’en faut.

• Distinguons d’abord éducation, apprentissage et instruction. L’éducation est un apprentissage qui vise à acquérir les qualités propres à être en mesure de vivre en société, dans un équilibre entre ses aspirations propres et les attentes, les conventions d’une société déjà formée avant nous. L’apprentissage est l’opération qui permet d’emmagasiner des capacités, des compétences, qui permettent à l’enfant de s’autonomiser progressivement. L’instruction est le fait de transmettre des connaissances déjà établies à un enfant, afin qu’il puisse accélérer ses apprentissages (la lecture est un apprentissage, des connaissances en géographie transmise par les livres relèvent de l’instruction).

• Or, depuis l’Antiquité, l’enfant est considéré comme un état qui ne possède pas le logos, c’est-à-dire le discours rationnel et la capacité à élaborer des raisonnements de façon autonome. Ce constat a conduit à considérer que l’enfance était incapable de penser, de quelque rationalité que ce soit. Ce qui est vrai du nourrisson, l’est de moins en moins à mesure que l’enfant progresse dans ses apprentissages et dans sa fréquentation des autres hommes. Dès lors, incapable de penser, elle est considérée comme incapable de faire des choix propices à l’accès au bonheur. Aristote considère en effet que l’enfant est mû par ses

passions, ses impulsions, ses désirs, qu’il y est soumis au même titre que les animaux (Éthique à Nicomaque). Le regard adulte taxe donc l’enfant d’une forme d’incomplétude qui le rend incapable d’une action délibérée, réfléchie. L’enfance serait impulsive et devrait accéder au statut adulte de la délibération, de la réflexion et de la rationalité. Ceci motive donc l’apport des adultes et leur volonté d’éduquer l’enfant et de l’instruire.

• Descartes a lui aussi considéré l’enfance comme un être manquant de raison, insuffisamment formée pour qu’il puisse en user. L’enfant ayant des sens plus développés que la raison juge par eux, et non pas rationnellement. Il est donc incapable de quelque distance que ce soit par rapport à l’expérience de ses sens et des idées que les adultes de son entourage lui transmettent. Il accumule les préjugés sans pouvoir prendre de distance avec eux par lui-même. Or, cette accumulation de préjugés fondent l’adulte en devenir, et contribuent à façonner une représentation partielle et partiale des choses.

• Enfin, le rapport au langage de l’enfant reste problématique. Si l’être humain passe du cri initial à un langage de plus en plus élaboré, les qualités de ce langage s’élaborent progressivement et formellement dans un premier temps, avant d’accéder progressivement au statut plein et entier de la parole, c’est-à-dire de l’expression créatrice d’idées et d’une pensée fondée et élaborée. Entre ces deux extrémités de la parole, le langage peut n’en rester qu’au stade de la simple expression, ou plus avant de la communication. L’élaboration de la pensée autonome étant le stade ultime de la faculté de la parole. On apprend donc d’abord à l’enfant à s’exprimer, puis progressivement à interagir avec son ou ses interlocuteurs pour finalement s’autonomiser, s’approprier les facultés du langage et élaborer une parole qui soit autonome et relève d’une pensée élaborée, construisant par lui-même le sens de ce qu’il dit. Il sort ainsi progressivement de l’enfance pour accéder au monde des adultes par la parole, qui contribue de plus à fonder sa rationalité.

• Mais dans ce parcours complexe et progressif, l’enfant n’en reste pas au stade de l’engloutissement de compétences, de connaissances, d’expériences. Il les restitue, les expérimente ensuite par lui-même dans une interaction perpétuelle avec les autres. L’enfant n’est donc pas un réceptacle, mais un être qui développe progressivement, au contact des autres et de son expérience du monde, une pensée logique et abstraite. Cette capacité se développe d’ailleurs très tôt dans l’enfance, contrairement à ce que l’on a pu longtemps croire. Le linguiste et clinicien Jean-Claude Quentel montre que l’enfant en bas âge perçoit toutes les sollicitations extérieures comme des occasions de développer une pensée logique et abstraite de plus en plus complexe (L’Enfant, Problèmes de genèse et d’histoire, 1993). Il ne pourra s’autonomiser que par l’expression et le langage qui, progressivement, lui permettront de maîtriser ces expériences, de les cerner, de les mémoriser abstraitement et d’en tirer des relations logiques de plus en plus rapidement assimilées, ou d’assimiler des expériences abstraites par les livres, par exemple.

• L’enfant n’est donc pas un être sans intelligence, bien au contraire. Il a cette faculté d’interroger le monde et ses semblables. L’âge particulièrement pénible pour les parents autour de 4 ans est celui du « pourquoi? » et du « comment? » après la période du « non ». Après avoir manifesté son autonomie et revendiqué sa pleine capacité à manifester sa volonté, et appris à l’utiliser à son escient dans la société, l’enfant cherche à comprendre les relations qui unissent les différents phénomènes dont il fait l’expérience ou dont on lui

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parle. L’enfant cherche donc bien à comprendre le monde qui l’entoure et l’interroge, rappelant ainsi la méthode philosophique de la maïeutique socratique. Dès lors, l’enfance peut être considérée comme la période la plus intense du questionnement philosophique du monde. Le souci de compréhension du monde est le corollaire de la conscience d’une ignorance dont les lacunes restent à combler. En ce sens, l’enfant est très tôt en quête de connaissances, d’une aide à la compréhension du monde, mais ses questionnements peuvent souvent déstabiliser celui qui est interrogé par leur innocence, ou l’incapacité dans laquelle l’interrogé est mis de répondre à ces questions qui bien souvent restent sans réponse («  Maman, c’est quoi/comment quand on est mort?  »). Dès lors, cette démarche qui, lorsqu’elle se recentre sur le sujet, l’oblige à penser et à réfléchir par lui-même en dépendant de moins en moins des autres, s’apparente à une authentique démarche philosophique, d’autant plus pure qu’elle est souvent dénuée des préjugés de l’enseignement. L’ignorance de l’enfant le conduit donc aux questionnements fondamentaux de l’existence et en fait un être savant en devenir, s’il se rend conscient, on si on le rend conscient des démarches mises en œuvre pour accéder à cet état, d’où la nécessité d’une éducation et d’une instruction conçue comme guidage et non comme remplissage.

• D’un point de vue historique, les conceptions de l’éducation ont fort évolué. À cet égard, la grande rivalité qui opposait les sophistes et les partisans de la maïeutique socratique dans l’Antiquité révèle cette opposition entre une philosophie dont l’instruction était fondée sur la réflexion et l’interaction entre le philosophe et celui qui se questionnait, et une philosophie dont l’instruction n’était fondée que sur l’apprentissage de techniques rhétoriques uniquement fondées sur la forme et l’argutie. Platon, dans La République, défend une éducation centrée sur une éducation adaptée à la forme particulière de chaque cité et une conception presque universaliste de l’éducation. Chacun doit être éduqué de façon à trouver sa place la meilleure dans la cité. Au contraire, les sophistes vendent leurs services, la plupart du temps aux jeunes aristocrates athéniens pour permettre à cette aristocratie de conserver son pouvoir dans la cité athénienne.

• Cet héritage se retrouve dans la conception médiévale de l’éducation : l’aristocratie fait reposer l’éducation de ses enfants sur un gouverneur, chargé de la sphère domestique (il enseigne les manières, les codes, les valeurs liées au rang du jeune aristocrate), le précepteur (il enseigne les savoirs savants qui permettent ensuite l’accumulation de connaissances). Le clergé quant à lui dispense un enseignement ouvert à l’aristocratie comme au peuple, enseigne à lire et à écrire en vue de déchiffrer et d’apprendre par cœur les textes religieux et leurs commentaires. Ainsi, l’univers religieux et les clercs dispensent un enseignement qui peut s’adresser à tous ceux qui le sollicitent. Le peuple, quant à lui, n’a pas vocation à sortir de sa condition. Les filles héritent de la condition de leur mère, les garçons apprennent le métier de leur père ou suivent un apprentissage manuel dispensé par un patron qui enseigne ses techniques de fabrication, la seule instruction reposant sur les notions nécessaires à l’exercice d’une profession.

• Ce sont les Lumières qui ont commencé à promouvoir l’idée d’une éducation au service de l’émancipation de l’individu et de la construction d’une liberté individuelle permettant à chacun de faire ses propres choix. Il s’agira, à la fin du siècle de faire des citoyens éclairés.

• Le XIXè siècle renverra l’éducation à la sphère familiale et à la fin du siècle, avec les lois Ferry, fera en sorte que l’instruction publique soit dispensée à tous, garçons comme filles, d’abord au niveau primaire, puis au niveau secondaire.

• https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27éducation_en_France

2)Liberté et contrainte : l’apprentissage à l’autonomie, devoirs et droits• Deux conceptions de l’être humain s’opposent. La tradition chrétienne conçoit l’être

humain comme entaché par le péché originel et comme foncièrement soumis au mal. Dès lors, la contrainte, la punition et le châtiment sont là pour empêcher l’expression de ce mal, et l’être humain doit constamment lutter contre ce mal, constamment être accompagné dans cette lutte par le châtiment ou par la confession et le pardon. Le châtiment a donc une valeur éducative particulièrement tutélaire dans cette conception de l’être humain.

• Dans un contexte moins religieux, les théories psychanalytiques de Freud renvoient l’enfant à ses pulsions, qui le dominent sans qu’il puisse les maîtriser. Dès lors, la sanction est la manifestation d’un interdit, la plupart du temps exprimé par la figure paternelle. L’enfant prend ainsi la mesure de ce qu’il peut faire, et de ce qu’il doit réprimer et refouler. L’éducation devient donc un intériorisation de la loi et permet le redressement de l’individu, son évolution dans le sens de ce que permet la société, contre le principe de plaisir propre à l’enfance.

• Au contraire, les XVIIIè siècle a considéré que l’homme était naturellement bon. Les humanistes, au XVIè siècle, considéraient déjà que les châtiments corporels étaient barbares et l’abus de sanctions pervertissaient l’homme, alors que le fait de susciter ses sentiments de honte et d’admiration, méthode proche de la paideia grecque, était plus constructif. Au XVIIè siècle, Locke a considéré que l’enfant était un être de raison, raisonnable au sens propre du terme, et qu’on pouvait raisonner avec lui des raisons de faire ou de ne pas faire certaines choses, partant du principe que l’enfant était plus étourdi ou ignorant qu’un être cherchant à faire le mal. Rousseau reprend cette veine et fait confiance au naturel de l’enfant, guidé par un gouverneur soucieux de le rendre conscient des conséquences concrètes et immédiates de ses actes, plutôt que de lui asséner des leçons de morale et des châtiments qui le pervertissent.

• Dès lors, l’enjeu de l’éducation devient de rendre l’enfant conscient de ses droits et de ses devoirs dans la société, tout en préservant son individualité propre.

3)Former un homme? un citoyen?• Un des grands débats consiste à savoir si l’éducation dispensée aux enfants doit en faire des

individus libres de leurs choix et purement émancipés, ou si leur éducation doit être mise au service de la constitution d’une citoyenneté. L’éducation devient donc une question politique dont la fin du XVIIIè siècle s’emparera, avec l’ambition de donner à tous les enfants un accès à l’instruction, dès le début du XIXè siècle, en 1838, jusqu’aux décrets Ferry, fondant le modèle républicain de l’école encore en cours aujourd’hui.

• Les penseurs des Lumières ont eu l’ambition d’émanciper l’individu par l’éducation et l’instruction qui pouvaient lui être dispensées. Pour Kant, il s’agissait de développer dans chaque individu toute la perfection dont il est susceptible. Durkheim, qui s’oppose à cette conception trop individuelle de l’éducation, formule son idéal dans Éducation et sociologie

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(1922) en définissant l’école comme une institution produite par la société pour répondre à ses besoins et à ses attentes, façonnant l’individu dans ces objectifs. L’école est donc un enjeu politique central.

• Condorcet, dès le XVIIIè siècle, dans Cinq mémoires sur l’instruction publique, avait formulé cet idéal de l’articulation entre une formation de l’individu épanoui dans une société démocratique ouverte reposant sur des citoyens éclairés. C’est depuis l’équilibre idéal recherché par les institutions, tant bien que mal, pour assurer le développement nécessaire d’une instruction publique ouverte à tous, formant des citoyens conscients d’appartenir à cette société, et permettant en même temps le développement d’aspirations et d’aptitudes individuelles. Se pose dès lors le problème du rôle de l’état dans l’instruction et l’éducation de ses citoyens. L’équilibre n’est pas facile à trouver entre sentiment d’endoctrinement et sentiment délétère de permissivité et de relativisme subjectif et individualiste. Une somme d’individus instruits ne forme pas une nation, de la même manière, une masse de citoyens endoctrinés de forme pas des individus libres et capables de leurs choix de vie et de contribuer au progrès de l’état et de la vie collective. L’école est donc au croisement entre deux grandes problématiques et la conception moderne de l’éducation vise à socialiser les enfants et à les faire appartenir à une collectivité reposant sur les mêmes valeurs, leur donnant une échappatoire aux déterminismes sociaux dont ils héritent par sa famille et son entourage.

• Mais les dernière années ont vu l’école s’orienter vers la formation professionnelle individuelle de chaque élève, devant répondre à des injonctions de plus en plus précises pour se former et se préparer à une société de la concurrence de plus en plus marquée. De l’objectif d’autonomie de l’individu, on semble être passé à une injonction sociale de performance préjudiciable au pacte social. L’école, qui avait pour but de préparer l’entrée de l’individu dans la société, se voit désormais assigner pour mission la préparation de plus en plus individualisée à un parcours professionnel fait d’adaptabilité, de soumission à des injonctions de performance et d’évolution permanentes. L’équilibre entre individu, état et société n’est donc pas facile à trouver, d’autant plus qu’il dépend de la réceptivité de chacun et du milieu social dans lequel il est inscrit.

D.Un rapport aux autres et à la morale en cours d’élaboration1)Le rapport à l’univers familial

• Le rapport aux autres et à l’univers familial est marqué par l’apprentissage de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas. La tension entre liberté et coercition trouve ici son apogée, puisque deux conceptions de l’enfance s’opposent. Le rapport aux proches est immédiat dans l’enfance, et l’enfant apprend ce qui se fait et ce qui ne se fait pas par l’exemple qu’on lui donne et les corrections qu’on lui inflige. Le mimétisme passif de celui qui observe, associé aux injonctions actives de ceux qui réprimandent, conseillent, obligent, font de l’enfant un être qui ne sait pas ce qu’il fait d’emblée. Il apprend à correspondre aux attentes de son entourage sans aucune notion de ce qui est bien ou mal, dans la confrontation permanente entre ses désirs, ses pulsions et la famille. L’être humain étant un être de désir, sans limites, les frontières se tracent au fur et à mesure de cette confrontation. René Girard, dans La Violence et le Sacré (1972) affirme que ce que l’enfant

désire la plupart du temps, c’est ce que désire le modèle qu’il se donne. L’enfant n’est donc pas méchant naturellement, il est simplement influencé.

• Selon Kant, l’enfant est d’abord un être sauvage, à l’état brut, qui ne deviendra homme qu’une fois qu’on en aura fait quelque chose, au terme de son éducation. Selon Kant, dans ses Réflexions sur l’éducation (1803), l’éducation de l’enfant s’appuie d’abord sur les soins nécessités par son état de dépendance aux autres, puis la discipline (qui corrige et incite à un comportement régulier) et la culture (qui l’introduit à un ensemble plus vaste dont il hérite et qu’il apprend à connaître en s’instruisant). Le penchant naturel de l’enfant pour la liberté doit être progressivement canalisé et il doit apprendre à canaliser ses désirs. L’enfant n’est donc pas méchant ou mauvais, même s’il est turbulent ou avide de faire ce qu’il veut, il est surtout un adulte en devenir, inachevé.

• Dès lors, ce qui se joue aussi dans ce regard porté sur l’enfant et son rapport parfois critique à ses désirs et à l’obéissance qu’il est supposé devoir à ses parents, le rapport affectif aux parents. L’enfant doit-il aimer ses parents et les parents doivent-ils aimer leur enfant? Les époques et les contextes culturels font varier la réponse à cette question. Aux époques où la mortalité infantile est importante et inévitable, un enfant ne prend de valeur affective qu’à mesure que les parents ont le temps de s’attacher à lui. En fonction des milieux, les enfants sont confiés à des tiers, sur lesquels l’affection juvénile est d’abord reportée, sans que les liens affectifs réels aient la possibilité de se nouer. Montaigne, par exemple, ne voyait aucun intérêt dans les enfants en bas-âge et ne comprenait pas qu’on puisse s’obliger à s’attacher à un nourrisson ou à un enfant (Essais, II, 8, « L’affection des pères aux enfants »).

2)Le rapport à la société• Les sociétés antiques font de l’enfant une propriété du pater familias,• De la même manière, dans certaines sociétés, l’enfant est chargé de s’inscrire dans certaines

stratégies sociales qui ne le concernent pas exclusivement, et qui le dépossèdent parfois de son propre arbitre quant à son avenir. Les sociétés traditionnelles voient le rôle des filles dévolu au mariage, celui des fils à la succession patrimoniale. L’enfant devient alors un instrument de consolidation sociale d’un clan dans un ensemble plus vaste.

• De nos jours, dans les sociétés occidentales, toute l’attention est reportée sur la naissance d’un ou deux enfants qui feront ensuite l’objet de toutes les attentions familiales, en fonction des aléas et de l’évolution de la vie familiale, avec les débordements que cela peut supposer en terme d’érection d’un «  enfant-roi », individualiste et centré sur ses désirs, incapable de subir les pressions sociales ou d’obéir à ses injonctions au nom de sa liberté propre.

• Dès lors, ce modèle familial est inscrit dans la tradition politique des sociétés patriarcales, qui fondent leur organisation sur la détention du pouvoir par un seul, un homme, sur le modèle du pouvoir paternel. Depuis l’Antiquité, le roi est perçu comme le protecteur et le dirigeant de son peuple, aux prérogatives exclusives. Cette conception patriarcale s’est transférée ensuite à la royauté dans les monarchies européennes, appuyée sur la religion. Dans ce modèle, le peuple ou sa figure est infantilisée et voit se reporter sur lui les tares de l’enfance : incapacité à se diriger seul, obligation tutélaire, incapacité à raisonner. L’épisode révolutionnaire de la fin du XVIIIè siècle et la longue conquête de la démocratie

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en Europe dès le XVIIè siècle en Angleterre, ont atténué cette représentation de la société et ses effets. En effet, dès le XVIIè siècle, Hobbes a contesté le pouvoir absolu du père sur l’enfant et a remis en question le préjugé patriarcal. Selon lui, les enfants n’appartiennent pas à leur père, mais à l’état de nature, et l’autorité parentale sur les enfants est surtout matriarcale. Le philosophe anglais opère un rééquilibrage entre la toute-puissance d’un père qui hérite de ses prérogatives et la liberté de celui qui ne lui doit qu’une obéissance parce qu’il protège sa vie. Mais la majorité des régimes démocratiques conservent leurs principales caractéristiques patriarcales, que les grandes questions sociétales actuelles viennent remettre en question (question des genres, égalité homme-femme…).

3)L’émancipation de l’enfance (droits de l’enfant)• La conception de l’enfance a tellement évolué qu’elle fait désormais l’objet d’une bataille

juridique pour l’autonomiser complètement et en faire un être doué de droits, que l’état est chargé d’assurer, même contre ses parents si nécessaire. La fragilité de l’enfant le rend propice à l’exploitation, et les enfants ont vu leur enfance confisquée par une exploitation au travail aussitôt que possible, souvent sous la pression sociale et financière d’un foyer nécessiteux (mine, manufactures, tissage…). C’est au XVIIè siècle que Locke propose le premier de faire accéder les enfants des plus démunis aux écoles, afin de leur éviter la déchéance sociale. Avec le développement de la révolution industrielle en Europe, le travail des enfants devient un sujet dont les sociétés s’emparent. Dickens consacrera l’un de ses plus fameux romans à ce thème, Oliver Twist (1838). Hugo, dans les Contemplations (1856) compose un long poème, « Melancholia », dans lequel il met en scène des enfants soumis à toutes les perversions sociales de son époque. Engels, dans La Situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845) et Jules Simon, dans L’Ouvrier de huit ans (1867) évoquent la situation des enfants face au travail, et demandent que leur statut juridique soit précisé.

• Les législations vont dès lors évoluer dans le sens de la protection de l’enfance et Guizot fera voter en France une loi sur le travail des enfants en 1841, assez sommaire dans un premier temps, mais qui inaugurera un mouvement de fond.

• De la même manière que la société veut protéger l’enfant de l’exploitation, elle a aussi voulu le protéger de la sévérité des peines encourues, au nom de l’excuse de minorité. Mais la promiscuité des prisons entre les enfants et les adultes était telle que Napoléon a fixé à 16 ans l’âge de la responsabilité pénale et que ce qu’en que plus tard que des secteurs spécifiques ont été attribués aux enfants, ou au jeunes criminels, privilégiant des mesures éducatives de réinsertion plutôt que des mesures punitives. Les « maisons de correction » ainsi qu’on appelait les bagnes de détention pour mineurs, ont eu pour idéal de redresser nombre d’enfants considérés comme en perdition, mais les moyens alloués et les méthodes employées les ont réduit entre 1850 jusqu’au milieu du XXè siècle à des bagnards.

• Avec le XXè siècle et la prise de conscience que les enfants sont des personnes à part entière se sont développés des mouvements tendant à donner des droits à cette enfance. À partir de 1956 en France s’instaure le code de la famille et de l’aide sociale, légiférant sur une institution destinée à garantir les droits de l’enfance et sa prise en charge en cas de défaillance. À partir de 1980 se développent les services de l’aide sociale à l’enfance qui a vocation à venir en aide aux mineurs en difficulté et à les protéger. L’enfant est alors pleinement intégré à la société par un statut juridique. En 1966 est promulguée la

Déclaration des droits de l’enfant par l’assemblée générale des Nations unies et en 1989 est adoptée la convention internationale de l’enfant, composée de 54 articles énonçant les droits civils, économiques, sociaux et culturels de l’enfant.

• Les sociétés européennes et le droit international s’orientent donc vers une prise en compte de l’autonomie de l’enfant, et met en place des institutions chargées de garantir la prise en compte de l’enfant dans sa dignité, compensant partiellement l’état de fragilité dans lequel la période le place.

III. Implications philosophiques et littéraires du thèmeA.Le rapport de l’enfant à la littérature et de la littérature à l’enfant

1) Importance des contes et de la littérature pour enfants• Très tôt, les enfants sont initiés à la littérature et à la vie par les contes qu’on leur raconte,

indépendamment du fait qu’il observent et voient ce qui se passe autour d’eux, et qu’ils en tirent des leçons. À l’âge où ils ne savent pas encore lire, un rituel consiste à leur lire une histoire ou à la leur raconter. Cette tradition est ancrée depuis longtemps dans les mœurs, puisque les contes étaient des histoires racontées, d’abord destinées à toute la communauté, en général pour occuper la soirée. Ils trouvent leur source dans les croyances et les traditions populaires et ne sont d’abord pas fixés, sinon par une trame sommaire autour de laquelle le conteur brode. Ce n’est qu’à partir du XVIIè siècle, que ces contes populaires commenceront à être recensés et mis en vers par Perrault en France, le XIXè siècle se chargera de renouveler le genre en le spécialisant à la destination des enfants.

• Parmi cette littérature dédiée à la jeunesse, les contes figurent en bonne place. Bruno Bettelheim a montré comment les société traditionnelles ont élaboré cette «  littérature  » orale au fil du temps, dans le but inconscient d’aider l’enfant à surmonter des crises existentielles, à donner un sens à sa vie, à illustrer pour lui des situations improbables de la vie courante. Par sa simplicité, le conte permet à l’enfant d’incarner des aspects de sa vie dans des stéréotypes. Le conte ne s’embarrasse pas de détails, ne développe pas ses descriptions outre mesure et évite les digressions. Il repose sur des formules toutes faites, de convention, préétablies, et évolue en fonction des régions avec des variantes qui conservent la base originale de la morale illustrée, en fonction de critères propres à l’expérience vécue par les enfants à l’endroit de leur évolution.

• Le conte comporte une dimension initiatique, qui est reprise par tous les ouvrages de littérature mettant en scène des héros juvéniles, et si l’enfant est affronté à des difficultés incarnant les aspects dangereux de son existence, c’est toujours dans une perspective optimiste de résolution de ces difficultés, à moins que la morale n’illustre un danger duquel il convient de se méfier. Les stéréotypes «  méchants  » du conte permettent à l’enfant d’incarner inconsciemment les angoisses intimes qui le préoccupent sans qu’il puisse soit les formuler, soit les partager. Bruno Bettelheim, dans Psychanalyse des contes de fées (1976) a très bien montré comment de puissants mécanismes inconscients permettaient aux enfants, par l’intermédiaire du conte, d’utiliser leur imaginaire pour anticiper et circonvenir des aspects de leur existence qui leur sont encore inaccessible consciemment. Les contes populaires forment donc un dispositif culturel inconscient d’aide à l’enfance et d’initiation au monde des adultes.

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• Une fois parvenu à l’âge de la lecture, l’enfant peut également découvrir le monde. À l’insouciance liée à son état et à sa vie protégée, l’enfant chercherait, par la lecture, à s’affronter au monde et à ses difficultés. Le texte littéraire peut donc répondre en partie à ses préoccupations existentielles. Alors que le conte, par sa simplicité rudimentaire et orale, apporte des éléments inconscients de réponse, le texte littéraire, par son élaboration de plus en plus complexe, confronte l’enfant à des univers explicites qui l’ouvrent à un questionnement sur le monde et son environnement, suscitant souvent l’interaction avec les adultes, puisque l’enfant demande souvent des comptes sur le comportement de tel ou tel personnage, sur tel ou tel aspect de l’histoire.

• La littérature de jeunesse regroupe ainsi de nombreuses qualités propres à permettre à l’enfant une modalité différente d’entrée dans la vie, à assumer une dimension initiatique. La littérature de jeunesse permet, par le traitement spécifique qu’elle en fait, d’aborder tous les thèmes de l’existence, y compris les plus difficiles, comme la mort, la pauvreté, la misère de la condition humaine. De la même manière, la qualité et la diversité des styles employés font de la littérature de jeunesse une littérature mise à la portée des enfants dont ils sont destinataires (des Aventures de Télémaque de Fénelon, destiné aux enfants royaux, à la série des Voyages extraordinaires de Jules Verne en passant pas Alice au Pays des merveilles). Le traitement de l’intrigue et la trame narrative est toujours adaptées à un schéma permettant à l’enfant de percevoir des difficultés rencontrées par le héros, d’en identifier les causes et d’y trouver des solutions.

2)L’impossibilité d’évoquer l’enfance• Du côté des auteurs, l’évocation de l’enfance est un des passages obligés dans leur œuvre.

D’une manière ou d’une autre, l’enfance, si elle n’est pas forcément centrale, est toujours évoquée de manière au moins indirecte. Mais lorsque certains auteurs s’attachent à évoquer l’enfance, ou leur enfance, ils rencontrent une difficulté : celle de la reconstitution des souvenirs. En effet, plus on remonte dans l’enfance, moins les souvenirs sont précis et structurés, voire carrément absents.

• Deuxième difficulté : l’adulte n’est plus un enfant. Il ne peut donc évoquer l’enfance que comme un adulte; alors même que l’enfant, lui, est enfant, mais s’avère incapable de la distance nécessaire pour raconter son enfance. Tout au plus sera-t-il capable de raconter son quotidien, ou d’évoquer ses souvenirs à sa manière. Entre les deux, le système d’apprentissage de la langue et de la composition des récits s’est imposé à lui par son éducation et son instruction. Dès lors, la richesse du vécu de l’un se voit progressivement réduite à une recomposition symbolique par l’autre.

• Par ailleurs, l’enfance est marquée par l’incertitude d’un devenir inconnu. L’adulte, lui, a la connaissance plus ou moins structurée de ce devenir advenu. Il ne peut pas raconter son enfance avec le regard d’un enfant, il ne peut que la restituer, tout au plus en reconstituer les souvenirs qu’il en a et en donner une interprétation. La composition du récit d’enfance est le meilleur moyen de s’aviser qu’elle est à jamais perdue. L’enfant, quant à lui, appréhende son enfance dans le processus du devenir : l’avenir lui est interdit et ne se révèle à lui que progressivement pour sa vie authentique. D’où l’intérêt de l’imagination pour l’enfant et sa capacité à anthropomorphiser les objets du monde, pour leur faire vivre des aventures par procuration. Il s’agit là en quelque sorte, par le jeu et l’imaginaire, de vivre sa vie par

procuration, d’en répéter les principaux aspects, de les intégrer et éventuellement de s’adapter aux circonstances imposées par l’existence réelle.

3)L’évocation de l’enfance en littérature• Dès lors, c’est cette conscience de la perte de l’enfance qui est mise en scène dans les œuvres

qui l’évoquent. Les grands romans sur l’enfance et la jeunesse partent du constat de la disparition de l’objet de la quête du roman : l’enfant, qui a disparu sous l’adulte que l’auteur est devenu.

• Georges Perec, dans W ou le souvenir d’enfance (1975), affirme qu’il n’a « pas de souvenirs d’enfance ». Il met en lumière la façon dont ses souvenirs et son histoire personnelle se sont effacés. Dans ce roman, il entend reconstituer ses souvenirs en mettant en scène une enquête sur un autre enfant, à la recherche duquel le narrateur se met. Perec assume paradoxalement cette absence de souvenirs qu’il met en scène. Dans les chapitres pairs, Perec part de ce qu’il sait ou croit savoir, mais chacun de ces souvenirs est nuancé, distancié par un commentaire qui en souligne la fragilité. Il aboutit au constat que bien que l’enfance nous ait constitués et qu’elle ait fait de nous ce que nous sommes, elle est perdue et nous n’y avons plus accès.

• L’enfance nous échappe donc mais elle constitue paradoxalement le point nodal à partir duquel toute l’existence s’ordonne. Il montre aussi comment les documents, les traces matérielles apparemment objectives, ne constituent en rien des éléments de recomposition de cette enfance, dans la mesure où ils sont dépourvus de sens et de vécu le temps une fois passé.

B.L’enfance, un objet philosophique ignoré? Les débats philosophiques sur l’éducation 1)L’évolution des réflexions sur l’éducation en philosophie

• La philosophie semble avoir relégué la notion de l’enfance et de l’éducation aux notions secondaires dans son corpus théorique. Pourtant, les questionnements sur l’éducation et son importance, donc sur la place des enfants dans la société, remontent à l’antiquité. Platon défendait déjà une conception libérale de l’éducation fondée sur un aspect fondamental de la civilisation grecque, l’arèté, c’est-à-dire l’excellence humaine. L’éducation consiste à atteindre cet idéal tant du point de vue des méthodes que des contenus employés. La civilisation grecque fondait toute son éducation, celle des jeunes garçons notamment, sur la paideia, dont les grands principes sont exposés dans le Phèdre, un parcours initiatique fondé sur l’admiration inconditionnelle d’un aîné, à la limite du sentiment amoureux, destinée à porter le jeune garçon au plus haut de ses capacités physiques comme intellectuelles et morale. Dans la République, Platon défend une éducation harmonieuse faite d’un équilibre entre sagesse, désir et volonté, destiné à intégrer le jeune homme à venir dans une conception harmonieuse de la Cité, au sein de laquelle il est destiné à jouer un rôle.

• Au contraire de cet idéal, les sophistes défendaient une conception purement utilitaire de l’éducation, fondée sur la maîtrise des discours et des procédés rhétoriques destinés à défendre une cause, parfois au prix de la mauvaise fois ou de la vérité, en s’appuyant sur une forme de relativisme, sur l’habileté à manier la rhétorique plutôt qu’à chercher la vérité.

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• Platon concevait l’éducation comme une formation du caractère libre de l’enfant, par les jeux et les activités sportives. Cette éducation est destinée à faire apparaître le tempérament profond de chacun des enfants afin de déterminer la place la plus pertinente à lui attribuer dans la société.

• À partir du XVIè siècle, après la période médiévale où l’enfant est destiné à perpétuer la place de ses origines dans la société, les humanistes vont défendre, contre l’enseignement médiéval fondé sur un apprentissage rhétorique et savant sclérosé, un épanouissement de l’enfant et une éducation convergeant vers un idéal d’épanouissement dont Gargantua de Rabelais (1534) a présenté le parcours idéalisé. Le jeune Gargantua, fils de Pantagruel, roi d’Utopie, est d’abord éduqué par des rhéteurs médiévaux réputés, mais particulièrement inefficaces. Il est ensuite confié à un précepteur humaniste, Ponocrates, qui en fait progressivement, par un enseignement diversifié composé de lectures, de jeux, d’interactions diverses dans le cadre très libéral de l’Abbaye de Thélème, un futur monarque éclairé, dont le contre-modèle est l’infâme Picrochole, archétype du tyran médiéval. Montaigne lui-même, dans une lettre adressées à Diane de Foix (Essais, I, 26; « De l’institution des enfants », 1580), posera les principes idéaux d’une éducation libérale fondée sur le souci de l’enfant et le refus des excès stériles d’un enseignement médiéval dépassé.

• Rousseau va, avec son Émile (1762), littéralement révolutionner la conception de cette éducation en la faisant prendre en compte l’état de nature supposé perdu par le passage à la société. L’éducation doit redessiner le contrat social en faisant des êtres éduqués ceux qui empêcheront la corruption de la nature humaine par la vie en société. Il ne s’agit donc plus de transmettre des héritages en termes de codes sociaux, de connaissances, de comportements, mais bien d’éduquer un enfant pour lui-même, à partir de lui-même et d’en faire un sujet libre de tous les présupposés sociaux corrupteurs. L’enfant doit être au centre de tout, et non plus le simple réceptacle d’un enseignement dispensé par un adulte.

• Dès lors, le XIXè siècle a vu, notamment chez les anglo-saxons, se développer de nombreuses philosophies de l’éducation dans une perspective instrumentaliste, fondée surtout sur l’expérience, et non sur la transmission des savoirs. John Dewey, un psychologue et philosophe américain, a développé un courant nommé l’instrumentalisme, destiné à rompre avec une philosophie classique destiné à l’enseignement des élites. Selon lui, la philosophie doit être un instrument de transformation collective et délibérative du monde. Son projet s’inscrit dans la quête d’un renforcement de la démocratie. À la fin du XIXè siècle, il met donc en place une école expérimentale dans laquelle il fait la promotion d’une école destinée à élaborer des conceptions pédagogiques fondées sur le développement d’une éducation par projets, fondée sur l’action et non sur la réception passive d’un cours. Il s’agit de développer chez l’enfant des capacités destinées à le préparer non à une condition précise, mais à une adaptation permanente à son environnement, de façon active, et par se participation effective à ses apprentissages. L’opposition entre deux traditions de l’enseignement (classique et «  progressiste  ») se manifeste donc de façon de plus en plus nette et de moins en moins théorique par ces expériences. Les débats se poursuivent encore au XXè siècle avec l’opposition entre un enseignement classique et des écoles qui tentent une autre approche, comme les Montessori, par exemple.

2)Philosophe enfant, enfant philosophe?• Alors même qu’entre 4 et 7 ans l’enfant ne cesse d’interroger ses parents sur tous les

phénomènes qui l’entourent et le préoccupent, abordant même des questions comme celle de Dieu, de la mort, de la liberté, curieux de tout ce qui l’entoure et de ce qu’il constate, l’enfant progressivement perd cette capacité à interroger le monde à l’adolescence, ou du moins perd la capacité à partager ces interrogations sans arrière-pensée avec ses parents. Ses préoccupations seront davantage partagées avec ses pairs ou des adultes moins proches du noyau familial.

• La philosophie a longtemps déconsidéré l’enfant au nom de son supposé manque de rationalité. Il ne fait pas l’objet d’une réflexion philosophique, étant lui-même incapable d’un produire ou d’en recevoir une. Si l’éducation antique prévoit bien un enseignement et un accompagnement de l’enfant par son instruction, l’enfance en elle-même ne fait l’objet d’aucune réflexion spécifique.

• Or les démarches de la philosophie s’approchent de l’infantilisation : faire passer des notions abstraites à ses semblables nécessite parfois de passer par l’intermédiaire des mythes, des approximations, des contes. La technique même de la maïeutique employée par Socrate consiste à employer le questionnement pour pousser son interlocuteur dans ses retranchements, comme le font les enfants. Le philosophe ne devrait-il pas s’inspirer des techniques de l’enfance pour philosopher? De la même manière, les enfants, parce qu’ils posent des questions, sont-ils des philosophes? La tension entre les deux démarches montre bien que philosopher, c’est certes poser des questions, ce que savent faire les enfants, mais c’est aussi apporter des réponses, ou les esquisser, ce que savent faire les adultes. La nature du questionnement philosophique reprend donc bien l’évolution de l’enfance vers l’âge adulte.

Cl : L’enfance revêt des caractéristiques innombrables et des aspects problématiques insoupçonnés. Elle est une période de la vie vécue dans la durée, puis progressivement vécue dans la conscience, à mesure que celle-ci se structure en fonction des relations, de l’éducation et de l’apprentissage du langage qui permettent une distanciation, au point que l’enfance ne se voit plus réduite ensuite qu’à des souvenirs parcellaires, impossibles à reconstituer pleinement, et impossibles à revivre. La conscience se structure progressivement et cesse de ne s’inscrire que dans la durée pour symboliser le monde et l’appréhender par l’intermédiaire d’un système symbolique de représentation du monde. C’est le passage à l’âge adulte.

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