Faculteit Letteren & Wijsbegeerte 2014-2015 Flore Roggeman Routines conversationnelles à l’office de tourisme : de l’ouverture à la clôture Étude comparative des actes de langage des néerlandophones et des francophones de Belgique Masterproef voorgelegd tot het behalen van de graad van Master in de Taal- en Letterkunde Frans - Nederlands Directrice de recherche : Prof. dr. Marleen Van Peteghem Codirectrice de recherche : Prof. dr. Els Tobback
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Faculteit Letteren & Wijsbegeerte
2014-2015
Flore Roggeman
Routines conversationnelles à l’office de tourisme : de
l’ouverture à la clôture
Étude comparative des actes de langage des néerlandophones et des
francophones de Belgique
Masterproef voorgelegd tot het behalen van de graad van
Master in de Taal- en Letterkunde
Frans - Nederlands
Directrice de recherche : Prof. dr. Marleen Van Peteghem
Codirectrice de recherche : Prof. dr. Els Tobback
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REMERCIEMENTS
Ce mémoire de master est le résultat de longues journées de travail et je suis fière de le
présenter aujourd’hui. Evidemment, ce mémoire n’aurait pas été possible sans la coopération
de quelques personnes.
Mes premiers remerciements vont au professeur Els Tobback qui a accepté de guider ce
travail avec beaucoup d’enthousiasme, même si elle n’est plus liée à l’université de Gand. Sa
direction méthodologique et son appui efficace ont aidé à l’achèvement de ce mémoire.
J’aimerais également remercier le professeur Marleen Van Peteghem pour son œil critique,
ses corrections et ses suggestions utiles.
Ma gratitude va également aux employés des offices de tourisme qui ont participé à cette
recherche. Sans leur participation, je n’aurais jamais eu une base solide de données pour
commencer le travail. Joana, Julie, Pim, madame Dejardin et monsieur Kerckhofs de l’office
de Liège, Marianna, Aurélien, Cathérine, Cécile, madame Defauw et monsieur Vanderwinnen
de l’office de Namur, Goele et Klaar de l’office de Louvain et finalement Annemie et Lien de
l’office d’Ostende. Ce remerciement est également adressé à tous les visiteurs qui ont donné
leur consentement pour l’utilisation de l’enregistrement. Un grand merci à tous!
Enfin, ce mémoire n’aurait pas pu aboutir sans le soutien de mes parents, de mes frères et de
mes amis qui m’ont redonné du courage dans les moments de doute.
Flore Roggeman
Gand
Mai 2015
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LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Les 8 scénarios d’ouverture dans le corpus
Tableau 2 : Qui commence l’interaction ?
Tableau 3 : La prise de contact : réciprocité (NL/FR)
Tableau 4 : Les moyennes des composantes de la prise de contact
Tableau 5 : Comparaison moyennes FR/NL
Tableau 6 : Nombre de vœux dans le corpus NL et FR
Tableau 7 : Chiffres généraux pour les remerciements dans les deux corpus (NL/FR)
Tableau 8 : Les moyennes des remerciements par personne (NL/FR)
Tableau 9 : Les manques de clôtures selon la fonction dans la conversation
Tableau 10 : Chiffres globaux pour la requête
Tableau 11 : Les formulations autres dans le corpus FR/NL
Tableau 12 : Nouvelle classification pour l’acte de la requête
Tableau 13 : Formulation indirectes self-oriented ou other-oriented (FR/NL)
Tableau 14 : Chiffres globaux de l’adoucissement des requêtes
Tableau 15 : Chiffres globaux pour la demande d’information
Tableau 16 : Les marqueurs des demandes d’information directes (FR/NL)
Tableau 17 : Chiffres globaux de l’adoucissement des demandes
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LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Bureau d’Ostende
Figure 2 : Bureau de Louvain (I)
Figure 3 : Bureau de Louvain (II)
Figure 4 : Bureau de Namur
Figure 5 : Bureau de Liège (I)
Figure 6 : Bureau de Liège (II)
Figure 7 : Classification de l’ouverture de Möller (2000 : 120-121)
Figure 8 : Classification de l’ouverture de Hmed (2000 : 140-141)
Figure 9 : Classification finale de l’ouverture
Figure 10 : Classification de la clôture de Hmed (2000 : 141)
Figure 11 : Classification de la clôture de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112-114)
Figure 12 : Classification des remerciements de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 129-130)
Figure 13 : Classification des remerciements et des réactions aux remerciements (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 128-134)
Figure 14 : Classification finale de la clôture
Figure 15 : Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111-112)
Figure 16 : Caractéristiques de l’ouverture à la française
Figure 17 : Caractéristiques de la clôture à la française
Figure 18 : Caractéristiques du remerciement à la française
Figure 19 : Répartition des directifs selon Kerbrat-Orecchioni (2008b : 84)
Figure 20 : La classification de la requête de Dumas (2008 : 201-204)
Figure 21 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 100-101).
Figure 22 : Classification de la requête de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 117)
Figure 23 : Classification de la requête de van der Wijst (2000 : 190-195)
Figure 24 : Procédés d’adoucissement et des requêtes plus brutales (Kerbrat-Orecchioni 2008b :
102-105)
Figure 25 : Classification finale de la requête
Figure 26 : Typologie de l’acte de la question de Flament-Boistrancourt & Cornette (1999 :
128-131)
Figure 27 : Typologie de l’acte de la question de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 88-89)
Figure 28 : Classification finale de la demande d’information
Figure 29 : La requête à la française
Figure 30 : La demande d’information à la française
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LISTE DES GRAPHIQUES
Graphique 1 : La prise de contact des francophones
Graphique 2 : La prise de contact des néerlandophones
Graphique 3 : Paradigme de salutations dans l’ouverture (NL)
Graphique 4 : La manifestation de la disponibilité communicative FR
Graphique 5 : La manifestation de la disponibilité communicative NL
Graphique 6 : Paradigme des composantes de la clôture FR
Graphique 7 : Paradigme des composantes de la clôture NL
Graphique 8 : Paradigme des pré-clôtureurs FR
Graphique 9 : Paradigme des pré-clôtureurs NL
Graphique 10 : Paradigme des salutations clôturantes NL
Graphique 11 : Paradigme des vœux FR
Graphique 12 : Paradigme des vœux NL
Graphique 13 : Paradigme des remerciements FR : les types
Graphique 14 : Paradigme des remerciements NL : les types
1.2. CORPUS ............................................................................................................................................. 13
1.3. LES OFFICES DE TOURISME : OCCUPATION DES LIEUX ....................................................... 14
1.4. LES PARTICIPANTS ........................................................................................................................ 18
CHAPITRE 2 : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE ..................................19
2.2.2.2. La clôture ...................................................................................................................................................................... 25
2.2.2.3. Les remerciements..................................................................................................................................................... 28
2.2.3. Les rituels dans une perspective comparative ....................................................31
2.2.3.2. La clôture ...................................................................................................................................................................... 34
2.2.3.3. Les remerciements..................................................................................................................................................... 36
2.3. LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DANS LES OFFICES DE TOURISME EN
FLANDRE ET EN WALLONIE ..................................................................................................................... 37
2.3.2.1.1. Les scénarios possibles ..................................................................................................................................... 38
2.3.2.1.2. Le déclencheur ..................................................................................................................................................... 43
2.3.2.2. La prise de contact ............................................................................................................................................................. 45
2.3.2.2.3. Réciprocité des prises de contact .................................................................................................................. 48
9
2.3.2.2.4. Multiplication des prises de contact ............................................................................................................. 50
2.3.2.3. La manifestation de la disponibilité communicative ............................................................................................ 51
2.3.2.3.1. Distribution générale .......................................................................................................................................... 51
2.3.3.2. Les pré-clôtureurs .............................................................................................................................................................. 60
2.3.3.2.1. Préférence des locuteurs ................................................................................................................................... 60
2.3.3.2.2. Nombre de pré-clôtureurs ................................................................................................................................ 62
2.3.3.3. Les salutations ..................................................................................................................................................................... 64
2.3.3.3.1. Absence d’échange de salutations ................................................................................................................ 64
2.3.3.3.2. L’éventail des salutations ................................................................................................................................. 65
2.3.3.4. Les vœux ............................................................................................................................................................................... 69
2.3.3.5. Les remerciements ............................................................................................................................................................. 71
2.3.3.5.2. Types de remerciements ................................................................................................................................... 72
2.3.3.5.3. Réactions aux remerciements ......................................................................................................................... 77
2.3.3.5.4. Absence de remerciements .............................................................................................................................. 80
2.3.3.6. Autre ....................................................................................................................................................................................... 81
2.3.3.6.1. Conversations sans clôture .............................................................................................................................. 81
2.3.3.6.2. Les projets .............................................................................................................................................................. 83
2.3.3.6.3. Cas uniques ............................................................................................................................................................ 83
3.2.2. La demande d’information et la requête: perspective générale .........................90
3.2.2.1. La requête ..................................................................................................................................................................... 90
3.2.2.1.2 Typologie de base ................................................................................................................................................ 90
3.2.2.2. La demande d’information ..................................................................................................................................... 98
3.2.3. La demande d’information et la requête: perspective comparative .................103
3.2.3.1. La requête .................................................................................................................................................................. 103
3.2.3.2. La demande d’information .................................................................................................................................. 105
3.3. L’ACTE DE REQUETE ET LA DEMANDE D’INFORMATION DANS LES OFFICES DE
TOURISME EN FLANDRE ET EN WALLONIE ........................................................................................ 108
3.3.2. La requête .........................................................................................................108
3.3.2.1. La nature des requêtes ................................................................................................................................................... 108
10
3.3.2.1.1. Les formulations directes ................................................................................................................................... 109
3.3.2.1.2. Les formulations indirectes conventionnelles ............................................................................................ 110
3.3.2.1.3. Autre .......................................................................................................................................................................... 112
3.3.2.2. Les adoucisseurs .............................................................................................................................................................. 117
3.3.2.2.1. Nombre d’adoucisseurs ...................................................................................................................................... 117
3.3.2.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement ................................................................................................... 118
3.3.3. La demande d’information ................................................................................125
3.3.3.1. La nature des demandes................................................................................................................................................ 125
3.3.3.1.1. Les formulations directes ................................................................................................................................... 126
3.3.3.1.2. Les formulations indirectes ............................................................................................................................... 128
3.3.3.1.3. Autre .......................................................................................................................................................................... 129
3.3.3.2. Les adoucisseurs .............................................................................................................................................................. 131
3.3.3.2.1. Nombre d’adoucisseurs ...................................................................................................................................... 131
3.3.3.2.2. Préférence des procédés d’adoucissement ................................................................................................... 132
ANNEXE 1. CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION ............................................................................... 142
ANNEXE 2: LES DONNÉES GÉNÉRALES DE LA CLÔTURE ............................................................... 143
A. Les données générales FR .........................................................................................143
B. Les données générales NL .........................................................................................145
ANNEXE 3: LES REQUETES FRANCOPHONES ..................................................................................... 147
ANNEXE 4: LES REQUETES NEERLANDOPHONES ............................................................................. 148
ANNEXE 5: LES DEMANDES D’INFORMATION FRANCOPHONES .................................................. 149
ANNEXE 6: LES DEMANDES D’INFORMATION NEERLANDOPHONES .......................................... 150
ANNEXE 7: TYPOLOGIE DE LA REQUETE FR/NL ............................................................................. 151
A. Nature des requêtes...........................................................................................151
B. Typologie des procédés d’adoucissement de la requête FR/NL .......................152
ANNEXE 8: TYPOLOGIE DE LA DEMANDE D’INFORMATION FR/NL .......................................... 153
A. Nature des demandes d’information .................................................................153
B. Typologie des procédés d’adoucissement de la demande d’information FR/NL154
ANNEXE 9: LES TRANSCRIPTIONS ET LES ENREGISTREMENTS .................................................... 155
Nombre de mots (de l’introduction à la conclusion): 41.816
Nombre de mots sans notes en bas de page: 40.706
11
CHAPITRE 1: INTRODUCTION
1.1. INTRODUCTION
L’objet de ce travail est de comparer le fonctionnement des actes de langage des locuteurs
francophones et néerlandophones belges. Quatre actes de langage sont au cœur de cette étude :
le rituel d’ouverture, le rituel de clôture, l’acte de la requête et l’acte de la demande
d’information. En nous appuyant sur des corpus authentiques, enregistrés dans quatre offices du
tourisme belges dans la période d’octobre jusqu’à décembre 2014, un certain nombre de
phénomènes récurrents peuvent être observés à partir desquels quelques grandes tendances
peuvent être dégagées. Or, comme nous travaillons avec un échantillon de 40 conversations
néerlandophones et 40 conversations francophones, l’analyse que nous présenterons n’est
évidemment pas un inventaire exhaustif de tous les aspects du fonctionnement des actes de
langage en néerlandais et en français.
Notre étude s’inscrit dans le domaine de la pragmatique (inter)culturelle vu que nous
analyserons les pratiques discursives des locuteurs dans deux communautés linguistiques
différentes. La pragmatique étudie le langage en acte, raison pour laquelle la parole peut être
considérée comme une forme d’action. De cette manière, tout acte réalisé par le biais du langage
peut être étiqueté comme un acte de langage (ou speech act en anglais) (Kerbrat-Orecchioni
2008b : 1-2).
Au-delà de la description des fonctionnements des actes de langage en néerlandais et en
français, nous tenterons également de pointer les règles communicationnelles sous-jacentes qui
déterminent les actes de langage. Béal (2010 : 22) explique que les locuteurs suivent
inconsciemment certaines règles dans une conversation. Ces règles sont liées à la culture à
laquelle on appartient. Cette idée est confirmée par Hmed (2008 :147) : en effet, la culture et la
langue « drainent un flot de règles conversationnelles et de comportements langagiers ».
Afin d’expliquer l’existence de ces règles de communication, Béal (2010 : 28) s’appuie sur
la notion de l’ethos communicatif, ce qu’elle appelle le niveau le plus abstrait qui englobe toutes
ces règles sous-jacentes. Ainsi, à partir d’un grand nombre d’interactions différentes dans une
culture, on fait observer « une convergence des règles implicites observées par les participants »
et ceci correspond à la spécificité de la culture en question (Béal 2010 : 28-29). Ces règles
correspondent donc « à l’idée que se fait la culture en question de la façon appropriée de
s’adresser les uns aux autres dans toutes sortes de situations de la vie quotidienne » (Béal 2010 :
29).
Notre approche est comparative, c’est-à-dire que nous comparerons les actes de langage de
locuteurs natifs dans leur langue maternelle (néerlandais vs. français). En d’autres mots, il s’agit
12
donc d’une observation et d’une description « en parallèle » (Béal 2000 : 16 et Béal 2010 : 32).
Le choix de cette approche se justifie par le fait que c’est une démarche très efficace pour
découvrir les traits discursifs les plus saillants des locuteurs (Béal 2010 : 33).
Notre étude examine la situation linguistique en Belgique, un pays trilingue (le néerlandais,
le français et l’allemand). Dans ce travail, nous nous limiterons au néerlandais et au français. Ce
choix de focalisation belge est motivé par plusieurs raisons. D’une part, étant belge nous-même,
il nous était plus facile de recueillir des données. Ainsi, la prise de contact avec quatre offices de
tourisme belges nous a permis d’atteindre assez rapidement un nombre suffisant de
conversations (80 au total). D’autre part, la Belgique est intéressante d’un point de vue
interculturel : il y a trois communautés linguistiques au sein d’un seul pays. La question se pose
alors de savoir si ces trois communautés ont vraiment une culture différente car la variation
culturelle est présente à tous les niveaux du système conversationnel (Katsiki 2000 : 93). En
outre, les études comparatives des actes de langage en néerlandais et en français sont plutôt
rares (cf. Danblon, De Clerck & van Noppen 2005 et Tobback 2014). Nous tenterons donc de
combler une lacune dans la littérature existante avec cette étude comparative.
Le choix de l’office de tourisme comme situation particulière de l’interaction, s’explique
entre autres par le fait que les conversations dites « interlangues » peuvent également s’y
produire, c’est-à-dire les conversations dans lesquelles les locuteurs s’expriment dans une
deuxième langue (Béal 2010 : 34). Ainsi, les phénomènes d’interférence entre la langue
maternelle et la deuxième langue peuvent être analysés. Nous avons également enregistré de
telles conversations, mais faute de temps, nous traiterons seulement les conversations entre
locuteurs natifs (s’exprimant dans la même langue) dans cette étude.
Ce travail propose une comparaison des actes de langage tels que le rituel d’ouverture, le
rituel de clôture, l’acte de la requête et l’acte de la demande d’information des locuteurs
néerlandophones et francophones belges. L’étude se compose de quatre grands chapitres. La
suite de ce premier chapitre est consacrée à la présentation du corpus (1.2.), la description des
occupations des lieux des offices de tourisme (1.3.) et quelques informations supplémentaires
concernant les participants à la recherche (1.4.). Les deux chapitres suivants sont consacrés aux
rituels d’ouverture et de clôture (chap. 2) et aux actes de la requête et de la demande d’info
(chap. 3). Chacun d’eux est organisé d’une manière identique: l’état de la question précède
chaque fois l’analyse du corpus. Ainsi, le rituel d’ouverture et celui de clôture seront au cœur du
deuxième chapitre. Le troisième chapitre est consacré à l’acte de la question et à l’acte de la
demande d’information. Enfin, le quatrième et dernier chapitre présente en guise de conclusion
les ressemblances et les divergences les plus saillantes des analyses tout comme la conclusion
concernant les ethos communicatifs des deux groupes linguistiques.
13
1.2. CORPUS
Ce travail s’appuie sur un corpus de données authentiques, composé de 80 conversations
dont 40 conversations néerlandophones et 40 conversations francophones. Toutes les
conversations sont enregistrées dans quatre offices de tourisme belges.1 De manière plus
précise, deux bureaux néerlandophones (Ostende et Louvain) et deux bureaux francophones
(Liège et Namur) ont participé à cette recherche. Nous travaillerons donc avec des
enregistrements sur le vif, ce qui fournit la source la plus riche pour une recherche de la langue
parlée (Béal 2000 : 18).
Les bureaux fonctionnent de la même manière : le personnel essaie d’aider les visiteurs et
de répondre à leurs questions. Dans la plupart des cas, il s’agit de conversations à deux mais
évidemment, il se peut que la conversation se déroule entre plusieurs personnes. Les
« trilogues » et autres « polylogues » sont donc également pris en compte dans cette recherche
(Kerbrat-Orecchioni 2008 : 56). Par ailleurs, nous avons remarqué que les bureaux flamands et
wallons diffèrent beaucoup au niveau des occupations des lieux. Ces différences ont notamment
des conséquences importantes pour le déroulement de la conversation. Nous préciserons ces
différences dans la section suivante (1.3.).
Le personnel des bureaux était au courant de la recherche : ils savaient qu’il s’agissait d’une
recherche linguistique concernant les styles conversationnels des néerlandophones et des
francophones. Certes, ils ne disposaient pas d’informations plus détaillées pour qu’ils ne
modifient pas leur propre « style conversationnel ». Les visiteurs, par contre, n’ont pas été mis
au courant de la recherche à l’avance.
Conformément aux recherches de Màrquez Reiter et Stewart (2008 : 280) et de Danblon, De
Clerck & van Noppen (2005), nous n’avons demandé la permission d’utiliser l’enregistrement
qu’à la fin de la conversation, notamment après la clôture.2 En demandant la permission avant le
début de la conversation, nous aurions risqué de mettre les visiteurs mal à l’aise et de leur faire
modifier leur « style conversationnel ». En outre, il y aurait eu ainsi une perte de spontanéité.
Béal (2010 : 36) partage une telle approche: « d’un point de vue éthique, il faut bien entendu
obtenir un accord préalable des participants, cependant il est souhaitable qu’ils ne sachent pas
exactement quand ils sont enregistrés ». Lorsque les visiteurs n’étaient pas d’accord avec
l’enregistrement, nous l’avons supprimé. Au total, une seule personne a refusé sa collaboration.
Par ailleurs, les visiteurs sont tous inconnus des employés. Les visites amicales ou familières ne
sont donc pas prises en compte dans cette recherche.
1 Toutes les conversations sont enregistrées dans la période d’octobre 2014 jusqu’à décembre 2014. Elles
sont enregistrées par le biais d’un dictaphone de 10 cm. 2 Il y a quatre exceptions: dans quatre conversations du corpus, la permission n’est pas demandé à la fin
de l’interaction. Dans un cas, elle est demandée d’avance (la conversation 7 du corpus francophone) et
dans les trois autre cas elle est demandée au milieu de la conversation (les conversations 3, 6, et 16 du
corpus francophone). Voir annexe 9 pour les transcriptions des enregistrements.
14
Vu que nous analyserons les actes de langage des néerlandophones et francophones belges,
il est évident que seules les conversations des natifs ont été retenues dans cette analyse. Comme
il n’était pas toujours facile de distinguer les francophones belges des Français, nous avons
toujours demandé l’origine des personnes enregistrées. Les employés sont également des
locuteurs natifs du néerlandais ou du français.3
Pour ce qui est de la transcription, nous avons utilisé le logiciel ELAN. Les transcriptions et
les enregistrements sont disponibles via le cédérom (cf. annexe 9).
Regardons maintenant de plus près l’organisation pratique des bureaux et les différences
entre les offices néerlandophones et francophones.
1.3. LES OFFICES DE TOURISME : OCCUPATION DES LIEUX
Il y a des différences entre les bureaux néerlandophones et francophones qui valent la peine
d’être précisées. Les différences se situent sur le plan de l’occupation des lieux, c’est-à-dire sur
le plan de l’organisation pratique des bureaux. Avant d’expliquer ces différences, nous nous
concentrerons d’abord sur quelques ressemblances.
Ainsi, les quatre offices en question se situent dans des environnements urbains. Chaque
bureau dispose d’un grand comptoir derrière lequel les employés sont assis. A côté de ce
comptoir, chaque bureau a un espace où beaucoup de dépliants et plusieurs guides gratuits sont
exposés. Les visiteurs qui se présentent face au comptoir, sont obligés de rester débout vu qu’il
n’y a pas de possibilité de s’asseoir. Ceci indique déjà que la conversation dite prototypique
dans un office de tourisme est une conversation assez courte de quelques minutes. En outre, les
employés ne sont pas mobiles. C’est ce que Traverso (2008 : 47) appelle le « type
canalisateur » : les employés doivent orienter les visiteurs rapidement vers « un face-à-face
transactionnel ou vers une file d’attente ». Ceci explique pourquoi le personnel dans un office
de tourisme se trouve généralement dans l’espace qui lui est réservé, à savoir derrière le
comptoir, donc face au visiteur.
Or, il y a évidemment des différences entre les quatre bureaux. La différence la plus
importante entre les bureaux francophones et néerlandophones, concerne la place des employés.
Dans les bureaux néerlandophones, les employés sont assis à leur propre bureau et il y a une
distance de quelques mètres entre les collègues. Ceci indique que la tâche des employés dans les
bureaux néerlandophones est plutôt individuelle : c’est chacun pour soi, chaque employé
s’occupe de son propre visiteur. Nous préciserons ceci avec une représentation schématique de
l’occupation des lieux des deux bureaux néerlandophones.
3 A l’office de tourisme de Namur, un des employés est d’origine roumaine. Les conversations où elle
prend la parole ne sont pas prises en compte dans cette recherche. Seules les conversations où son
collègue (natif belge) prend la parole sont utilisées. Dans quelques-unes de ces conversations, la collègue
non native intervient, mais ces parties ne sont pas étudiées.
15
Voici le plan du bureau d’Ostende. Nous avons indiqué les places des employés avec des
croix (X).
Figure 1 : Bureau d’Ostende
Lorsque nous étions sur place, seules les places à l’extrême gauche et à l’extrême droite
étaient prises. Ceci montre que les employés s’éloignent le plus possible l’un de l’autre,
probablement pour ne pas se déranger. En outre, les différentes places sont séparées par des
petits murs: il s’agit donc clairement d’un espace individuel. Nous nous sommes toujours placée
devant le comptoir (indiqué sur le plan par O) : de cette manière, les visiteurs ne pouvaient pas
nous confondre avec un des employés. En outre, de cette manière nous pouvions nous éloigner
de la conversation afin que les visiteurs n’aient pas l’impression d’être mis sur écoute.
Le bureau de Louvain est beaucoup plus petit que celui d’Ostende, mais, malgré cet espace
limité, les employés étaient également assis le plus loin possible l’un de l’autre. Nous le
préciserons par le biais de quelques photos.
16
Figure 2 : Bureau de Louvain (I)
Figure 3 : Bureau de Louvain (II)
Ce qui est spécifique pour l’office de tourisme à Louvain, c’est que les employés sont
assis dans une position plus élevée que les visiteurs. Ceci est pour Kerbrat-Orrecchioni (1992 :
75) un élément qui sert à « se rehausser symboliquement ». C’est un phénomène qu’elle inscrit
dans la « relation verticale », de manière plus précise dans le « système des places » : la relation
verticale est dissymétrique, c’est-à-dire qu’il y a une certaine hiérarchie entre les interlocuteurs
inversement à la relation horizontale ou les interlocuteurs en présence se montrent plus proches
en fonction de leur degré de connaissance mutuelle (Kerbrat-Orrecchioni 1922 : 39 & 71).
Pourtant, étant donné ce rehaussement, c’est le visiteur qui est roi vu que l’employé est soumis à
toutes ses questions. Ce rehaussement est présent uniquement dans l’office du Louvain.
17
L’organisation pratique dans les bureaux francophones est bien différente. Ici, les employés
sont assis l’un à côté de l’autre. Ils semblent considérer le lieu de travail comme un espace
commun et cette approche commune sera claire dans les conversations : en effet, lorsque un des
employés est en train de parler avec un visiteur, l’autre employé n’hésite pas à intervenir dans
cette conversation. Cela ressort clairement du plan schématique et des photos ci-dessous.
Figure 4 : Bureau de Namur
Figure 5 : Bureau de Liège (I)
18
Figure 6 : Bureau de Liège (II)
Béal (2010 : 188), qui a analysé les styles conversationnels des francophones et des
anglophones, a fait la même observation dans son corpus « bureau ». Ainsi elle a remarqué que
les Français semblent considérer le lieu de travail comme un territoire commun. En outre, ils
considèrent la journée de travail comme « une seule et unique longue conversation à épisodes »,
ce qu’elle indique par le terme de « conversation endémique » (Béal 2010 : 190-191). Par
contre, la conception de l’espace des Australiens est différente : ils le considèrent comme « une
mosaïque de territoires individuels juxtaposés », c’est-à-dire qu’il y a une certaine distance à
respecter (Béal 2010 : 198). Dans cette optique, il semble que les francophones belges aient la
même conception de l’espace que les Français contrairement à la conception de l’espace des
néerlandophones qui est comparable à celle des Australiens.
1.4. LES PARTICIPANTS
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les employés étaient les seuls à être au courant
de la recherche. Les visiteurs de leur côté, n’étaient informés qu’après la fin de la conversation.
Nous n’avons pas appliqué des critères de sélection imposés au préalable : tous les visiteurs
étaient des sujets d’expérience potentiels. La seule contrainte était que les visiteurs soient
d’origine belge, parlant soit le néerlandais, soit le français. Il s’ensuit que participants sont tous
des personnes venant de toutes les provinces de la Belgique et qu’elles sont de tous les âges,
sexes et classes sociales.
A première vue, ceci peut être considéré comme un désavantage vu que beaucoup de
« variables » entrent en ligne de compte. En même temps, étant donné un tel amalgame de
personnes, leurs conversations se prêtent mieux à des conclusions plus généralisatrices. Si nous
n’analysions qu’une couche de la population (par exemple de jeunes locuteurs de 16 à 26 ans),
les tendances observées seraient moins représentatives pour tous les néerlandophones ou les
francophones de la Belgique.
19
CHAPITRE 2 : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE
CLOTURE
2.1. INTRODUCTION
Ce chapitre est consacré aux rituels d’ouverture et de clôture. Ces rituels seront d’abord
situés au sein de la théorie des actes de langage (2.2.1.) et ensuite nous présenterons un aperçu
de la littérature existante traitant ces rituels (2.2.2.). Ils seront examinés d’une perspective
générale d’une part, où les approches et les classifications seront éclaircies, et d’une perspective
comparative d’autre part où nous prêterons attention aux caractéristiques des francophones
telles qu’elles ressortent des analyses.
2.2. ETAT DE LA QUESTION : LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE
DANS LES INTERACTIONS DE COMMERCE ET DE SERVICE
2.2.1. INTRODUCTION
Kerbrat-Orecchioni (2008b: 110-111) affirme à juste titre que les séquences d’ouverture et
de clôture visent à organiser le début et la fin de la conversation : ce sont « deux moments
particulièrement délicats à gérer pour les interactants dans la mesure où ils impliquent une
rupture par rapport à l’état précédent ». Ces séquences peuvent, par conséquent, être
caractérisées incontestablement par « leur caractère fortement ritualisé » vu qu’elles offrent aux
locuteurs des formules toutes prêtes à l’utilisation dans la vie quotidienne. Autrement dit, ce
sont des formules entières qui sont enregistrées dans nos cerveaux. Hmed (2008 : 140) confirme
cette idée en notant que « les séquences dites encadrantes sont fortement ritualisées et peuvent
rappeler de loin celles rencontrées dans les conversations ». Ces rituels figurent souvent dans
des conversations en contexte commercial ou dans le secteur de service où il s’agit surtout de
brèves rencontres, raison pour laquelle nous avons cherché des analyses traitant l’ouverture et la
clôture à la lumière de ces contextes.
Le sujet des rituels n’a pas manqué de retenir l’attention de nombreux chercheurs. Nous les
regarderons d’abord d’une perspective générale (2.2.2.) pour nous tourner ensuite vers les
rituels dans une perspective comparative (2.2.3.) : dans cette partie nous comparerons sur la
base de la littérature comparative le français avec d’autres langues. Nous essayerons ainsi de
dériver les caractéristiques françaises de ces rituels telles qu’elles ressortent de la littérature
examinée.
20
Malheureusement, dans la littérature examinée, il ne s’agit pas du français belge, mais du
français hexagonal. Nous aimerions faire la même chose pour le néerlandais, mais vu que la
quasi-absence de littérature sur l’ouverture et la clôture d’une conversation en néerlandais, nous
ne pouvons qu’énumérer les caractéristiques des francophones.
2.2.2. LES RITUELS : PERSPECTIVE GENERALE
Dans ce qui suit, nous allons passer en revue quelques considérations générales concernant
les rituels d’ouverture et de clôture. Avant de commencer, il faut bien sûr savoir ce que sont
exactement des rituels. Béal (2010 : 183) les décrit par opposition aux routines. La notion de
rituel est liée à la politesse et elle la définit en s’appuyant sur Goffman (1974) : « les rituels
sont, eux, presque toujours routinisés, puisqu’ils font appel à des formules plus ou moins figées
et font peser de lourdes contraintes sur le type d’enchaînement attendu dans l’échange » (Béal
2010 : 183).
Par contre, la notion de routine, que l’on doit à Coulmas (1981), « met l’accent, non sur la
valeur symbolique d‘un comportement, mais sur son caractère récurrent et stéréotypé » (Béal
2010 : 183). En d’autres termes : un échange routinier ne relève pas de la politesse comme c’est
le cas d’un rituel.
Dans la suite de son ouvrage, elle ajoute une troisième catégorie à celle des rituels et des
routines, à savoir celle des « routines conversationnelles élaborées ». Les rituels et les routines
contiennent tous les comportements brefs alors que les « routines conversationnelles élaborées »
regroupent les échanges plus longs comme les séquences d’ouverture et de clôture dans les
visites, qui font justement l’objet de notre étude. Elle signale que dans de tels échanges, il existe
des formules figées, mais il y a cependant « une plus grande place à l’initiative individuelle »
(Béal 2010 : 184-185).
Afin de comprendre le fonctionnement de ces rituels, il faut d’abord se concentrer sur
quelques principes de base de la politesse. Sur ce sujet, la grande référence est la théorie de la
politesse de Brown et Levinson, dont quelques principes doivent être abordés dans une analyse
des actes de langage.
La théorie de la politesse de Brown et Levinson fournit le cadre théorique le plus cohérent,
qui a inspiré beaucoup d’autres recherches (Kerbrat-Orecchioni 1992 : 167). Leur conception de
la politesse est entièrement fondée sur la notion de face. Plus précisément, ils considèrent que
tout humain possède deux faces, à savoir la face négative et la face positive. La face négative
implique « les territoires du moi » (corporel, spatial ou temporal, bien et réserves, matérielles ou
cognitives). La face positive, par contre, correspond en quelque sorte au narcissisme et à
« l’ensemble des images valorisantes que les interlocuteurs construisent et tentent d’imposer
d’eux-mêmes dans l’interaction » (Kerbrat-Orecchioni 1992 : 167).
21
Ils ont également élaboré les notions FTA (face threatening acts) et FFA (face flattering
acts). De cette manière, tous les actes de langage peuvent être repartis en différentes catégories
selon leur comportement par rapport aux faces. Ainsi, l’offre peut être considérée comme un
acte menaçant pour la face négative pour celui qui l’accomplit. L’excuse, quant à elle, est un
acte qui est menaçant pour la face positive de celui qui l’exprime (Kerbrat-Orecchioni 1992 :
169-170). Il est également possible que certains actes de langage relèvent de plusieurs
catégories en même temps.
La théorie de politesse est assez importante pour cette étude vu que c’est surtout dans le
fonctionnement des rituels que, selon Kerbrat-Orecchioni (1992 : 193), les valeurs de la
politesse sont particulièrement présentes.
C’est bien sûr dans le fonctionnement des « rituels » que ces principes de politesse entrent en
action de la façon la plus spectaculaire, dans ces échanges que l’on dit « formulaires » ou
« routinisés », comme les salutations, les vœux, les excuses, remerciements ou compliments »
(Kerbrat-Orecchioni 1992 : 193).
En outre, les règles de politesse peuvent varier d’une société à l’autre, raison pour laquelle
le style conversationnel de deux sociétés peut différer (Kastler 2000 : 159).
Dans ce qui suit, nous regarderons brièvement de plus près les différentes approches
possibles pour analyser les rituels dans une conversation. Les études qui suivent s’appuient
notamment sur des classifications pour décrire les comportements communicatifs des locuteurs.
Par le biais de ces classifications, il est facile de comparer des groupes de locuteurs quant à
l’emploi d’un acte de langage.
Nous nous concentrons surtout sur les rituels à la française vu qu’il existe peu de recherches
sur le néerlandais à ce niveau. En outre, il s’agit des analyses sur le français de la France. La
question se pose alors si ces constations valent également pour le français de la Belgique.
Nous traiterons les rituels d’ouverture (2.2.2.1.) et de clôture (2.2.2.2.) séparément. Le
remerciement, composante du rituel de clôture, sera également abordé séparément (2.2.2.3.).
2.2.2.1. L’ouverture
Béal (2010) a analysé les interactions quotidiennes des locuteurs francophones et des
locuteurs anglophones. L’analyse des ouvertures des interactions est également une partie de la
recherche. Elle a distingué trois parties dans ce rituel, à savoir (I) les salutations, (II) les
commentaires et (III) les rires de bienvenue et ensuite elle a appliqué cette classification dans
son corpus de « situations de visite » (Béal 2010 : 215-217). Nous discuterons brièvement les
résultats de cette classification dans la section 2.2.3.
Dans cette analyse, nous travaillons avec un corpus dans lequel les personnes ne se
connaissent pas si bien que la répartition de Béal n’est pas pertinente pour notre recherche. Il est
22
finalement important de souligner qu’une telle classification ne prend pas en compte les
caractéristiques linguistiques des différentes séquences, qui, justement, constituent l’objet de
cette étude.
Möller (2000) a également analysé les propriétés conversationnelles de deux groupes de
langues, à savoir des germanophones et des francophones. Son corpus est constitué, à l’inverse
de celui de Béal (2010), d’interactions commerciales, raison pour laquelle sa typologie est plus
intéressante pour nous vu qu’il s’agit également des rencontres entre inconnues. En outre, sa
répartition est fondée davantage sur des propriétés purement linguistiques que celle de Béal
(2010).
Möller (2000 : 116) fait d’abord la distinction entre les tâches globales et les tâches
locales : le premier concerne l’ouverture et la clôture de l’interaction et le deuxième le choix
d’un article, le type de paiement et cetera. Ce n’est pas vraiment cette répartition qui nous
intéresse, mais surtout les différentes composantes qu’il distingue au sein de la séquence
d’ouverture, qui est donc selon lui « une tâche globale ». Nous avons schématisé sa répartition
dans la figure ci-dessous :
Ouverture (Möller : 2000)
1. Prise de contact
a. Une salutation Bonjour
b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle
c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?
d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive
2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients
a. Des questions rituelles Vous désirez
b. Un seul appellatif Madame
c. Une pause
Figure 7 : Classification de l’ouverture de Möller (2000 : 120-121)4
Comme le montre la figure, Möller (2000 : 120-121) distingue deux parties dans le rituel
d’ouverture. De manière plus précise, il s’agit de deux actes de langage : d’une part la prise de
contact et d’autre part la manifestation de la disponibilité communicative envers les clients. Au
sein de ces deux actes de langage, il a distingué plusieurs composantes.
Il est important de souligner que Möller (2000) a établi cette classification de la séquence
d’ouverture du point de vue de du vendeur. Ceci s’explique par le fait que selon lui, les énoncés
des clients sont moins ritualisés que celles des vendeurs (Möller 2000 : 121). Cependant, nous
4 Remarquons que Möller (2000 : 120) distingue à la fois les catégories « un appellatif + une salutation »
et « une salutation + un appellatif ». Nous les aborderons ici dans une seule catégorie, à savoir dans « une
salutation + un appellatif » dont l’ordre peut varier.
23
pensons que la classification de Möller est applicable également aux énoncés des clients (même
s’ils ne saluent pas toujours le commerçant), à l’exception du deuxième acte de langage, la
manifestation de la disponibilité communicative, qui concerne seulement le point de vue des
employés.
Au sein de la catégorie de la manifestation de la disponibilité communicative, Möller (2000)
a distingué trois composantes, à savoir (I) des questions rituelles, (II) les appellatifs et (III) une
pause. Cependant, il n’explique pas vraiment ce qu’il entend sous « pause ». Il mentionne
seulement qu’une telle pause se produit très souvent après la salutation de la part de vendeurs
(Möller 2000 : 121). Selon nous, ce terme reste vague vu qu’il y a différentes situations
possibles lorsqu’une pause est réalisée, par exemple : un visiteur entre, l’employé le salue et le
visiteur continue simplement à regarder les dépliants, ou l’employé a dit « bonjour », mais le
visiteur ne répond pas parce qu’il est encore en train de chercher des choses dans son sac. La
pause peut donc être due à plusieurs facteurs, et Möller (2000) n’explique pas la nature des
pauses dans son corpus.
Dans la mesure du possible, nous inclurons tout de même cette composante dans la
classification mais sans évoquer la cause de la pause : vu que nous avons travaillé avec des
enregistrements sonores (et ne pas avec du matériel visuel), il sera impossible d’interpréter
systématiquement la cause de la pause.
Nous mettrons donc cette classification à l’épreuve de notre corpus. Nous regarderons de
cette manière quelle composante de cette classification est la plus populaire. Une autre question
que Möller (2000) s’est posée est de savoir qui ouvre le plus l’interaction des deux groupes de
locuteurs : les commerçants français ou les clients français et dans quelle mesure leur
comportement est différent de celui des locuteurs allemands.
Comme Möller (2000), Hmed (2000) a également étudié les actes de langage dans les
interactions de commerce. Elle s’est concentrée sur « leur structure générale, c’est-à-dire leur
organisation en séquences, ainsi que sur la description comparative des différents actes de
langage rencontrés » (Hmed 2000 : 137). Elle s’est appuyée sur un triple corpus contenant des
interactions dans des boucheries : un corpus français (Villefranche), un corpus tunisien
(Ezzahra) et un corpus mixte (une boucherie maghrébine à Lyon). Elle accorde deux fonctions à
l’ouverture : premièrement, pour le client, la salutation fonctionne comme (I) une réparation de
son intrusion dans le territoire du commerçant et pour le commerçant, de son côté, la salutation
vise à souhaiter la bienvenue. Deuxièmement, (II) l’échange des salutations assure au client
d’être pris en compte par l’autre (Hmed 2000 : 140). Selon elle, les séquences d’ouverture
peuvent contenir les composantes suivantes :
24
Ouverture (Hmed 2000)
1. Attribution du tour : très souvent réalisée par le non verbal : regard, position corporelle,…
Quand l’attribution du tour est verbalisée, sur le mode assertif ou interrogatif, on passe généralement
directement à la requête.
2. Echange de salutations : en règle générale : « bonjour (+ appellatif) »
3. Salutations complémentaires : la présence de celles-ci s’explique généralement du fait d’une relation
proche entre les participants, mais cela n’est pas systématique.
4. Requête
Figure 8 : Classification de l’ouverture de Hmed (2000 : 140-141)
Nous n’avons pas appliqué cette classification à notre corpus pour quatre raisons. Pour
commencer, nous n’avons pas tenu compte des (I) données non verbales, représentées par la
première composante de sa typologie. Deuxièmement, il y a (II) plus de variation au niveau des
échanges de salutations qui mérite d’être analysée. Hmed ne se limite qu’à la règle générale, à
savoir « bonjour (+ appellatif) », mais il y a plus de possibilités que celle-ci. Dans la
classification de Möller (2000 : 120-121) par exemple, plusieurs composantes sont distinguées à
ce niveau. Troisièmement, comme Hmed (2000 : 141) l’indique elle-même, (III) les salutations
se produisent généralement en cas d’une interaction entre des personnes qui se connaissent.
Ceci peut être le cas dans des boucheries où les commerçants ont après un certain temps leurs
clients fidèles, mais cette composante n’est pas pertinente pour notre corpus de « visites dans un
office de tourisme » : dans une conversation prototypique dans office de tourisme, les
interlocuteurs ne se connaissent pas. Un touriste vient au bureau afin d’obtenir plus
d’informations sur une ville qui n’est pas la sienne. Finalement, nous ne considérerons (IV) la
requête pas comme une partie des séquences d’ouverture mais plutôt comme un acte de langage
isolé (cf. chapitre 3).
Nous finissons cette section générale de l’ouverture par une remarque supplémentaire de
Kerbrat-Orecchioni (2008a). Dans son analyse des interactions dans les petits commerces
français, elle prend en considération seulement les salutations (accompagnées ou non d’un
terme d’adresse) pour le rituel de l’ouverture. Selon nous, la séquence d’ouverture peut être
constituée encore d’autres composantes que des salutations (cf. classification de Möller).
Cependant, sa description des salutations est très détaillée. Nous décrirons les caractéristiques
de la salutation, observées dans son corpus dans la section 2.2.3.
Contrairement à Möller (2000), elle explique qu’une ouverture peut être assurée par la
réalisation d’un simple terme d’adresse (avec différents schémas mélodiques possibles) comme
« Madame/ » ou « Madame\ » (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 112). C’est donc une sorte de forme
elliptique de la salutation. Möller (2000) a distingué également la forme d’un simple terme
d’adresse, mais chez lui il s’agit d’un cas de la manifestation communicative envers les clients.
25
En d’autres termes, l’emploi d’un terme d’adresse ne fait pas partie de la prise de contact
initiale. Kerbrat-Orecchioni (2008a), en revanche, considère l’emploi d’un simple terme
d’adresse comme une salutation à part entière (et donc comme une prise de contact).
Il est vrai que cette distinction concernant les termes d’adresse dite simples pourrait être
problématique pour notre analyse : avons-nous affaire à une simple prise de contact (cf. la
remarque de Kerbrat-Orecchioni 2008a) ou avons-nous affaire à une manifestation de la
disponibilité communicative de la part des commerçants (cf. observation de Möller 2000). En
tout cas, nous maintenons les deux types afin d’être le plus exhaustive possible et nous verrons
dans quelle mesure nos données reflètent ces deux types possibles.
Ayant examiné les travaux de Beal (2010), Möller (2000), Hmed (2000) et Kerbrat-
Orecchioni (2008a) de plus près, nous avons vu que chacun travaille avec sa propre typologie.
Nous optons pour la classification de Möller (2000) pour les raisons décrites ci-dessus.
Toutefois, nous y ajoutons l’appellatif comme composante de la prise de contact qui a été
évoqué par Kerbrat-Orecchioni (2008a). Ainsi, nous aboutissons à notre classification finale
pour l’ouverture que nous mettrons à l’épreuve à notre corpus :
Ouverture : classification finale
1. Prise de contact
a. Une salutation Bonjour
b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle
c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?
d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive
e. Un simple terme d’adresse Madame
2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients
a. Des questions rituelles Vous désirez
b. Un seul appellatif Madame
c. Une pause
Figure 9 : Classification finale de l’ouverture
2.2.2.2. La clôture
Dans son étude sur les actes encadrants des Français et des Tunisiens, Hmed (2000 : 140)
signale que la matérialisation linguistique de la clôture d’une interaction semble encore plus
obligatoire pour les francophones que celle de l’ouverture. Autrement dit, les séquences de
clôture sont plus systématiquement marquées et plus étendues.
Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) confirme cette idée: « l’absence de la séquence de clôture
n’est quasiment jamais repérée : on éprouve, en France, le besoin manifeste de cette sorte
26
d’épilogue rituel ». La classification de la séquence de clôture qui ressort du corpus de Hmed est
représentée ci-dessous (Hmed 2000 : 141).
Clôture (Hmed 2000)
1. L’échange de salutations : c’est la composante centrale. Plusieurs échanges à fonction
euphorisante sont aussi formulés lors de la clôture.
2. Les vœux : ces actes se retrouvent d’ailleurs essentiellement dans cette séquence.
3. Les remerciements : ces actes peuvent apparaître ailleurs que dans la clôture. Ils sont très
fréquents en France et l’on constate qu’ils sont le plus souvent formulés par les vendeurs, ce qui
signifierait peut-être que ce sont eux les plus gros bénéficiaires de la transaction.
Figure 10 : Classification de la clôture de Hmed (2000 : 141)
Hmed (2000 : 141) explique que les composantes dans sa classification ne se limitent pas
seulement à l’acte de la clôture. Elle souligne que la clôture peut contenir à côté de l’échange de
salutations, des remerciements, des vœux et également des promesses de se revoir (Hmed 2000 :
140). Ces « promesses de se revoir » vont être étiquetées par Kerbrat-Orecchioni (2008b)
comme des « projets ». Ce terme sera adopté dans la suite de l’analyse.
Pour l’analyse d’un acte de langage comme la séquence de clôture, Kerbrat-Orecchioni
(2008b) s’est appuyée sur un corpus de librairie-papeterie-presse. Selon elle, les petits
commerces constituent des lieux privilégiés pour observer le fonctionnement de la politesse
linguistique. En outre, cette politesse se concentre particulièrement dans les séquences
encadrantes de l’ouverture et de clôture de l’interaction (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 106). Elle
distingue les composantes suivantes dans la séquence de clôture (Kerbrat-Orecchioni 2008a :
Figure 11 : Classification de la clôture de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112-114)
L’échange de salutations est selon Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) la composante centrale
de la clôture (cf. Hmed 2000 : 140). Néanmoins, cet échange peut être accompagné d’autres
27
actes qui sont énumérés dans la figure ci-dessus, mais il est rare que la clôture comporte toutes
ces composantes.
Dans un autre ouvrage de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 120), elle ajoute que les actes de
langage comme les vœux et les projets peuvent être considérés comme des « salutations
complémentaires ». Ces actes sont problématiques dans la mesure où ils ont des caractéristiques
« qui empêchent de les assimiler totalement à des salutations » (Kerbrat-Orecchioni 2008b :
120). Ainsi, une formule votive peut entraîner un remerciement de l’autre (par exemple « bonne
soirée » - « merci »), tandis qu’une simple salutation peut seulement entraîner une autre
salutation. Une situation comme celle-ci est par exemple impossible : « bonsoir » - « merci »,
mais tout ce qui concerne l’acte du remerciement sera discuté dans la section suivante (2.2.2.3.).
Kerbrat-Orecchioni (2008a) fait beaucoup référence à Dumas (2008). L’étude de celle-ci
n’est pas comparative non plus, mais elle trait quelques éléments qui sont importants pour une
comparaison des interactions de commerce et de service. Son objectif est de pouvoir identifier
des « principes de variation internes aux interactions qui, pris isolément ou combinés aux
critères externes mentionnés précédemment, permettent d’opérer des regroupements et de
proposer des distinctions » (Dumas 2008 : 182). Pour aboutir à ceci, elle s’est appuyée sur cinq
corpus de données authentiques français, chaque corpus étant composé d’une quarantaine de
conversations.5 Conformément aux analyses de Hmed (2000) et Kerbrat-Orecchioni (2008a),
Dumas (2008 : 199-200) affirme également que la clôture est principalement réalisée par des
salutations et ces salutations peuvent être accompagnées par d’autres actes comme des
remerciements, des vœux et des projets.
Ce qui est intéressant dans l’analyse de Dumas, c’est qu’elle ne regroupe pas les séquences
selon des composantes présentes ou des schémas, mais qu’elle le fait par des regroupements en
fonction du nombre de clôtureurs. Ce choix est bien argumenté :
Il reste cependant impossible d’établir des règles plus précises à cet égard : l’intervention clôturante
des commagents6 comme celle des cliagers
7 prennent de nombreuses formes et les formules attestées
sont abondantes en raison de la diversité de clôtureurs qui peuvent se combiner et former des
échanges à un, deux, trois ou quatre clôtureurs (Dumas 2008 : 200).
En d’autres termes : les possibilités combinatoires des composantes existantes dans la
séquence de clôture sont trop élevées de sorte qu’il est impossible de les généraliser. Cela
explique la raison pour laquelle elle a analysé son corpus selon le paramètre du nombre de
clôtureurs, sans faire de distinction entre les différentes composantes. De cette manière, deux
scénarios sont distingués : l’usage d’un nombre symétrique de clôtureurs d’une part et l’usage
d’un nombre dissymétrique d’autre part.
5 Il s’agit des corpus suivants: des interactions enregistrées dans une librairie-papeterie-presse, un tabac-
presse, une banque, un bureau de poste et le service d’état civil d’une mairie (Dumas 2008: 182). 6 Autre mot pour « commerçants ».
7 Autre mot pour « clients ».
28
Quant à nous, nous aimerions quand même insister sur la variation dans les composantes
dans la clôture, même si Dumas (2008) considère qu’un tel travail est presque impossible à
cause de la grande possibilité de variation.
Avant de faire le bilan en ce qui concerne la séquence de clôture, nous commenterons les
remerciements comme composante de la clôture. Nous analyserons le remerciement seulement
dans la séquence de clôture, mais cet acte de langage peut également se produire en cours de
l’interaction. De plus, le remerciement peut se réaliser dans plusieurs formes. Etant donné cette
complexité, cet acte de langage mérite une section à part.
2.2.2.3. Les remerciements
Pour définir le terme de remerciement, nous adoptons la définition proposée par Kerbrat-
Orecchioni (2008b) :
Le remerciement est un acte par lequel un locuteur accuse réception d’un « cadeau » quelconque, en
témoignant de sa reconnaissance envers le responsable de ce cadeau (le terme cadeau devant être pris
au sens large, et désignant toute forme d’« action bienfaisante » que l’on peut accomplir envers
autrui : cadeau, au sens strict, service, faveur, compliment ou autre cadeau verbal ») (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 124).
Kerbrat-Orecchioni (2008a : 121-122) a distingué trois types de remerciements selon leurs
places dans l’interaction :
- Le « remerciement prospectif » se situe au début de l’interaction, ce qui est
exceptionnel ;
- Le remerciement en cours d’interaction figure essentiellement après la réception du
produit ou après la réception de la monnaie ;
- Le remerciement en séquence de clôture apparaît soit après une formule votive, soit
pour marquer la bonne fin de la transaction (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a : 122).
Nous ne commenterons pas les deux premiers types et nous limiterons au dernier. Béal
(2010 : 220) confirme que ce type de remerciement a bel et bien une fonction clôturante.8
Kerbrat-Orecchioni (2008b : 114) explique que le remerciement en séquence de clôture peut
réagir à un vœu, mais qu’il a essentiellement « une valeur de bilan et de ratification satisfaite de
la transaction ». Dumas (2008 : 205) confirme cette idée: en effet, cet acte de langage doit être
8 Dumas (2008 : 205-206), par contre, ne distingue que deux moments dans l’interaction dans lesquels le
remerciement peut figurer : lors de la remise du produit (bien ou service) par le commerçant et dans la
séquence de paiement. Vu qu’une interaction, même en site commerciale, ne finit pas toujours par le
paiement de sorte que le remerciement ne porte pas sur cet acte, nous considérons la distinction de
Kerbrat-Orecchioni (2008a) comme plus adéquate.
29
vu comme « une formule réactive, comme l’expression d’une gratitude verbale pour une action
ou le résultat d’une action demandée ».
Kerbrat-Orecchioni (2008b) traite le remerciement au même niveau de l’excuse, un autre
acte de langage. Comme l’excuse, le remerciement est décrit comme un acte de langage
appartenant à la catégorie des « expressifs » : « les expressifs sont un ensemble des actes
consistant à exprimer un certain état psychologique du locuteur vis-à-vis d’un état de choses
spécifié dans le contenu propositionnel » (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 122).
Nous présenterons sa classification dans la figure ci-dessous :
Les remerciements (Kerbrat-Orecchioni 2008b)
i. Expressions directes
a. Formule performative : « je te remercie »
b. Elliptiquement : « merci »
ii. Expressions indirectes
a. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du
sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »
b. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à
vous »
c. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »
Figure 12 : Classification des remerciements de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 129-130)
Comme le montre la figure, il existe deux sortes d’expressions : les expressions directes
d’une part et les expressions indirectes d’autre part. Plusieurs sous-classes ont été distinguées au
sein de ces deux catégories (cf. la figure 12).
Par ailleurs, les locuteurs peuvent réagir différemment à un remerciement, raison pour
laquelle nous examinerons également les réactions aux remerciements. Il y a les réactions
négatives d’une part, qui sont peu fréquentes mais qui peuvent bel et bien se produire et il y a
les réactions positives d’autre part (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 132-133). Premièrement, cette
réaction peut par exemple prendre la forme d’un « je vous en prie » : avec cette formule, le
locuteur « déclare avoir effectué de bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante »
(Kerbrat-Orecchioni 2008b : 133). Deuxièmement, la réaction au remerciement peut également
consister en l’expression d’une minimisation, voire une dénégation du cadeau, par exemple dans
« merci infiniment – mais c’est bien normal ». D’après Kerbrat-Orecchioni (2008b : 133), c’est
la réaction positive qui est omniprésente.
De cette manière nous obtenons la classification suivante, qui est assez complexe :
30
Remerciements (Kerbrat-Orecchioni 2008b)
1. Expressions directes
a. Formule performative « je te remercie »
b. Elliptiquement « merci »
2. Expressions indirectes
a. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du sentiment
approprié (gratitude, plaisir, joie) « je vous suis très reconnaissant »
b. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à vous »
c. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même « c’est superbe »
Réactions aux remerciements
1. Réactions négatives
a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels
enchaînements sont « contestataires »
b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement
2. Réactions positives
a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante
« je vous en prie »
b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont
l’existence n’est contestée qu’un apparence)
« Merci infiniment – Mais c’est bien
normal »
Figure 13 : Classification des remerciements et des réactions aux remerciements (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 128-134)
Faisons le bilan à propos du rituel de la clôture. Nous l’avons schématisé dans la figure ci-
dessus (la figure 14). Ce schéma sera mis à l’épreuve de notre corpus.
31
Clôture : classification finale
1. Pré-clôture : « voilà », « (bon) allez »
2. Echange de salutations : « au revoir »
3. Les vœux : « bonne journée », « bon week-end »
4. Les projets : « à plus tard », « à bientôt »
5. Les remerciements :
a. Expressions directes
i. Formule performative: « je te remercie »
ii. Elliptiquement : « merci »
b. Expressions indirectes
i. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du
sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »
ii. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil
à vous »
iii. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »
Réactions aux remerciements
1. Réactions négatives
a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels
enchaînements sont « contestataires »
b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement
2. Réactions positives
a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action
bienfaisante : « je vous en prie »
b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont
l’existence n’est contestée qu’un apparence) : « Merci infiniment – Mais c’est bien
normal »
Figure 14 : Classification finale de la clôture
2.2.3. LES RITUELS DANS UNE PERSPECTIVE COMPARATIVE
Dans ce qui précède, nous avons découvert les paramètres d’analyse pertinents pour les
rituels d’ouverture et de clôture dans des petits commerces. Les travaux consultés sont soit
exclusivement consacrés au français, soit il s’agissait d’études comparatives ayant le français (la
culture française) comme point de départ. Dans la présente section, nous focaliserons l’aspect
comparatif dans le but de trouver une première réponse à la question de savoir ce qui caractérise
typiquement les rituels d’ouverture et de clôture à la française. Comme pour la section
32
précédente (2.2.2.), nous traiterons successivement le rituel d’ouverture (2.2.3.1.), le rituel de la
clôture (2.2.3.2.) et le remerciement (2.2.3.3).
2.2.3.1. L’ouverture
Même si Béal (2010) ne traite pas les rituels dans le contexte des commerces, la description
comparative qu’elle fournit des rituels en ‘situations de visites’, permet de découvrir quelques
contrastes intéressants entre les habitudes des Français et des Australiens. Une des différences
les plus frappantes concerne la longueur des rituels d’ouverture. Ainsi, les séquences
d’ouverture des Français sont nettement plus longues que celles des Australiens (Béal 2010 :
21). Elle a constaté que les Français mêlent ces séquences avec d’autres commentaires qui
concernent les aspects circonstanciels de l’interaction (par exemple l’heure de l’arrivée). Les
séquences d’ouverture chez les francophones sont donc très élaborées, raison pour laquelle Béal
(2010 : 216) les appelle des « rituels élaborés ».
Par ailleurs, les salutations d’ouverture des Français ont lieu immédiatement après
l’ouverture de la porte. Les séquences d’ouverture des Australiens, en revanche, sont plus
courtes et moins élaborées en comparaison de celles des Français. En d’autres termes, les
Australiens se limitent à l’essentiel si bien que Béal (2010 : 220-222) étiquette leurs séquences
d’ouverture comme « un rituel minimal ».
Möller (2000) a comparé les interactions commerciales en Allemagne et en France. Dans
l’acte de l’ouverture, il a distingué deux actes de langage, à savoir (I) la prise de contact et (II)
la manifestation de la disponibilité communicative. Nous ne retenons que deux éléments de son
analyse contrastive.
Premièrement, il a remarqué que ces deux actes de langage (I et II) sont souvent présents
dans le corpus français : il y a donc à la fois une prise de contact qui est très souvent suivie par
une manifestation de la disponibilité communicative de la part des commerçants. Contrairement
au Français, les Allemands ne font rarement recours au deuxième acte de langage (la
manifestation de la disponibilité communicative) (Möller 2000 : 120-121).
Deuxièmement, il y a une différence sur le plan de la prise de parole : qui ouvre
l’interaction, le commerçant ou le client (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a) ? Ainsi, il a constaté
que les commerçants ouvrent presque toujours l’interaction en France tandis qu’en Allemagne,
les clients ouvrent également souvent l’interaction (Möller 2000 : 122). Kerbrat-Orecchioni
(2008a : 111) affirme que les ouvertures sont produites le plus souvent par les commerçants. En
outre, les clients français du corpus ne saluent pas toujours les vendeurs si bien qu’ils formulent
immédiatement le but de leur visite (Möller 2000 : 121-122).
Hmed (2000) de son côté a comparé le rituel d’ouverture des Français à celui des Tunisiens.
Il en ressort deux différences importantes : tout d’abord, comparés aux Tunisiens, les
33
francophones paraissent plutôt distants. Ceci semble avant tout s’expliquer par l’existence d’un
éventail de termes d’adresse beaucoup plus étendu en tunisien. Ainsi, les termes d’adresse
expriment non seulement le sexe et l’âge, mais également d’autres paramètres comme la
parenté, le respect, la familiarité et l’affection (Hmed 2008 : 270). Ceci n’est pas le cas en
français où seulement le sexe et l’âge peuvent être exprimés par le biais d’un terme d’adresse.
La deuxième différence concerne l’absence de salutations d’ouverture : très marquée en
France, ceci ne semble pas le cas en Tunisie, où, les salutations d’ouverture apparaissent plutôt
comme facultatives (Hmed 2000 : 140-142). Par ailleurs, les Tunisiens connaissent des vœux
d’ouverture, une composante de l’ouverture qui n’a pas d’équivalent dans la langue française. A
cela s’ajoute qu’un tel vœu est exclusivement de l’initiative du commerçant qui se traduit
littéralement par « Que ta journée soit de miel et de dattes » (Hmed 2000 : 142).
Pour terminer, nous nous s’attarderons encore sur quelques observations faites par Kerbrat-
Orecchioni (2008a). Même s’il ne s’agit pas d’un travail contrastif, il est intéressant car il
fournit des observations très précises sur les particularités des interactions dans des petits
commerces français. Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111-112) distingue trois caractéristiques
saillantes de la salutation des Français. Premièrement, la salutation est quasi systématique ce qui
est conforme aux observations faites par Hmed (2000). Deuxièmement, elle est le plus souvent
réalisée d’abord par le commerçant, ce qui confirme l’étude de Möller (2000). Troisièmement,
la salutation verbale n’est presque jamais accompagnée d’une salutation gestuelle comme une
bise ou une poignée de main. Par ailleurs, elle a observé que la salutation s’exprime presque
toujours sous la forme d’un « bonjour ». Les salutations plus familières comme « salut » et voire
« bonsoir » sont extrêmement rares (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111). A propos de la salutation,
il faut distinguer deux schémas prosodiques :
Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a)
1. Avec mélodie descendante : « Bonjour\ », « Madame bonjour\ » ou « Bonjour madame\ »
2. Avec mélodie montante : « (Madame) bonjour/ »
Figure 15 : Schémas prosodiques dans la salutation (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 111-112)
Le premier schéma mélodique signifie une véritable salutation qui est, selon Kerbrat-
Orecchioni (2008a : 111), surtout réalisée par le commerçant. De telles salutations sont
normalement toujours suivies d’une réaction du client, qui se produit également sous la forme
d’une salutation. Le deuxième schéma mélodique, par contre, donne à la salutation une valeur
de question comme « vous désirez ». Cette valeur s’ajoute donc à la valeur de la salutation si
bien que Kerbrat-Orecchioni (2008a : 112) l’appelle un « amalgame pragmatique »: ceci permet
« d’accélérer le cours des événements ». Dans ce cas, la réaction de la part du client est
facultative parce qu’il peut passer immédiatement à l’acte de la requête ou à l’acte de la
34
demande d’information (cf. chapitre 3). Malgré le fait que cette distinction prosodique
supplémentaire est très intéressante, nous ne l’appliquerons pas à notre corpus faute de temps.
Sur la base de ce qui précède, il semble bien possible de conclure que les rituels d’ouverture
des Français présentent quelques particularités par rapport à d’autres langues et cultures. Les
caractéristiques principales repérées dans la littérature (Béal 2010, Möller 2000, Hmed 2000,
Hmed 2008 & Kerbrat-Orecchioni 2008a) sont reprises dans la figure 16.
Caractéristiques de l’ouverture à la française
- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :
o Commerçants
Les conversations sont entamées le plus par les commerçants
Les commerçants manifestent dans la plupart des cas leur disponibilité
communicative envers les clients
o Visiteurs
Les visiteurs francophones ne saluent parfois pas le commerçant de sorte qu’ils
formulent immédiatement le but de leur visite
o En général
Lorsqu’ils font recours aux termes d’adresse, ce sont des termes d’adresse
neutres comme « madame » et « monsieur »
L’absence d’ouverture est marquée en français
Figure 16 : Caractéristiques de l’ouverture à la française
2.2.3.2. La clôture
Regarderons maintenant de plus près la littérature à propos de la clôture. Nous recourons
aux analyses comparatives de Béal (2010) et Hmed (2000) et aux études (non comparatives) des
interactions francophones de Kerbrat-Orecchioni (2008a & 2008b) et Dumas (2008).
Commençons à nouveau par l’étude de Béal (2010) qui a comparé des interactions des
Français aux interactions des Australiens. Comme c’est le cas pour l’ouverture, les clôtures
tendent également à être nettement plus longues chez les Français qu’entre les Australiens (Béal
2010 : 21).
Hmed (2000), qui a comparé le comportement conversationnel des Tunisiens à celui des
Français, a découvert que, conformément à l’analyse de l’ouverture, que la clôture chez les
francophones se matérialise le plus souvent par un échange de salutations entre le client et le
commerçant. Les séquences de clôture chez les Tunisiens, par contre, sont rarement réalisées
par un échange de salutations. Une autre formule est utilisée, à savoir une expression figée qui à
35
la valeur d’une évaluation positive de l’interaction (Hmed 2000 :143).9 Cet acte n’a pas
d’équivalent en français.
Kerbrat-Orecchioni (2008a) de son côté, a constaté que les salutations de clôture sont
souvent accompagnées d’autres composantes clôturantes, à savoir des pré-clôtures, des vœux,
des projets et des remerciements. Ainsi, les vœux sont employés très fréquemment par les
francophones : ils apparaissent dans la moitié des conversations de son corpus (Kerbrat-
Orecchioni 2008a : 113). En outre, ces formules votives sont le plus souvent l’initiative du
commerçant. Les projets, en revanche, sont plutôt rares (que dans 10% des interactions) et ne
semblent donc pas être typique pour les Français. En général, le commerçant français utilise
plus de rituels de clôture comparé au visiteur français et les rituels de clôture sont souvent
prononcés en chevauchement (Kerbrat-Orecchioni 2008a : 114).
Dumas (2008) se distingue des autres linguistes de la littérature examinée parce qu’elle ne
se fonde pas sur une classification selon les types de composantes, mais selon le nombre de
clôtureurs. Ainsi, il ressort de son analyse que les francophones utilisent le plus souvent deux
clôtureurs (Dumas 2008 : 200).
En guise de résumé, nous reprenons ci-dessous ce qui semble caractériser les clôtures en
site commercial des Français :
Caractéristiques de la clôture à la française
- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :
o Commerçants
Ils utilisent plus de rituels de clôture que les clients
Ils utilisent plus de vœux
o Visiteurs
Les séquences de clôture sont plus courtes que celles des commerçants
o En général
Les clôtures tendent à être assez longues
L’absence de la clôture est très marquée en français, voire plus marquée que
l’absence d’une séquence d’ouverture
L’échange de salutations est la composante la plus fréquente
La clôture est le plus souvent composée de 2 clôtureurs
Figure 17 : Caractéristiques de la clôture à la française
9 Il s’agit d’une sorte de vœu ou d’une bénédiction à valeur d’un remerciement (Hmed 2000 : 143).
36
2.2.3.3. Les remerciements
Pour l’acte du remerciement, nous ne disposons que du travail de Kerbrat-Orecchioni
(2008b). Nous nous limiterons donc à rappeler les traits les plus saillants de cet acte de langage
réalisé par les Français dans des petits commerces.
En ce qui concerne les expressions directes du remerciement, elle a noté que ceci est
exprimé très souvent « sur le mode de l’hyperbole », par exemple « un grand merci » (Kerbrat-
Orecchioni 2008b : 136).
Pour ce qui est du nombre des remerciements, elle a constaté qu’ils sont massivement
présents dans toutes les conversations en site commercial. Ainsi, le nombre s’est élevé en
moyenne à 3,5 par interaction (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 139-140).
Finalement, en ce qui concerne les réactions, il faut signaler que la réaction positive est
incontestablement la réaction prototypique à un remerciement. Le pendant négatif est à coup sûr
très marqué (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 133).
Sous forme de tableau :
Caractéristiques du remerciement à la française
- En contexte où les interlocuteurs ne se connaissent pas :
o Les remerciements sont massivement présents dans les conversations commerciales
o Le remerciement est exprimé très souvent sur le mode de l’hyperbole
o La réaction positive au remerciement est omniprésente. Une réaction négative est très
rare.
Figure 18 : Caractéristiques du remerciement à la française
37
2.3. LES RITUELS D’OUVERTURE ET DE CLOTURE DANS LES OFFICES DE
TOURISME EN FLANDRE ET EN WALLONIE
2.3.1. INTRODUCTION
Dans ce qui suit, nous présenterons les analyses du corpus des rituels d’ouverture et de
clôture dans les offices de tourisme belges. Nous aborderons d’abord le rituel d’ouverture dans
la première section (2.3.2.) pour ensuite nous pencher sur celui de la clôture (2.3.3.). Chaque
section se compose d’une sous-section générale dans laquelle quelques chiffres globaux seront
fournis. Les autres sous-sections représenteront les actes de langage distingués au sein du rituel
en question.
2.3.2. L’OUVERTURE
Pour l’analyse de l’ouverture, nous traiterons successivement la prise de contact (cf.
2.3.2.2.) et la manifestation de la disponibilité communicative de la part de l’employé (cf.
section 2.3.2.3.). Tout d’abord, nous fournirons quelques données générales (2.3.2.1.).
2.3.2.1. Données générales
Dans cette section, nous donnerons d’abord un aperçu des différents scénarios possibles
pour l’ouverture ainsi que de leur répartition sur les deux corpus (néerlandophone et
francophone).
Ensuite, nous analyserons le paramètre du déclencheur, c’est-à-dire : est-ce que c’est le
visiteur ou l’employé qui commence l’interaction ? Finalement, nous discuterons plus en détail
les cas où il n’y a pas d’ouverture du tout.
Rappelons pour commencer notre classification :
38
Ouverture : classification finale
1. Prise de contact
a. Une salutation Bonjour
b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle
c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?
d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive
e. Un simple terme d’adresse Madame
2. Manifestation de la disponibilité communicative envers les clients
a. Des questions rituelles Vous désirez
b. Un seul appellatif Madame
c. Une pause
Figure 9 : Classification de l’ouverture
2.3.2.1.1. Les scénarios possibles
Pour commencer, nous avons examiné le comportement des locuteurs dans l’interaction: le
visiteur, d’une part, et l’employé, d’autre part. Sur la base de notre corpus de 80 conversations
(40 NL et 40 FR), nous avons ainsi détecté 8 scénarios différents. Ils sont représentés dans le
tableau 1 par ordre décroissant d’apparition dans le corpus francophone : le symbole ✔ marque
la présence du paramètre et le symbole ✗ l’absence de celui-ci.
Dans ce qui suit, nous présenterons brièvement chacun des scénarios repérés : nous les
illustrerons par un exemple et nous commenterons les différences et les ressemblances
observées pour les deux corpus.
N° de
Schéma Prise de
contact
employé
Prise de
contact
visiteur
Manifestation
disponibilité
communicative
Nombre
d’ex FR % FR
Nombre
d’ex NL % NL
(1) ✔ ✔ ✗ 18 45% 22 55%
(2) ✔ ✔ ✔ 12 30% 3 7,5%
(3) ✗ ✗ ✗ 5 12,5% 2 5%
(4) ✗ ✗ ✔ 2 5% 0 0%
(5) ✔ ✗ ✗ 1 2,5% 6 15%
(6) ✗ ✔ ✗ 1 2,5% 1 2,5%
( ✗ ✔ ✔ 1 2,5% 0 0%
( ✔ ✗ ✔ 0 0% 6 15%
40 100 40 100
Tableau 1 : Les 8 scénarios d’ouverture dans le corpus
39
(1) Prise de contact par l’employé et par le visiteur ; absence de manifestation de la
disponibilité communicative
Le premier scénario est le plus fréquent dans les deux langues : dans près de la moitié des
interactions françaises (45%) et dans plus de la moitié des interactions néerlandaises (55%), il y
a une prise de contact des deux parties, mais l’employé ne manifeste pas explicitement sa
disponibilité communicative comme c’est le cas dans l’extrait 1.
Extrait 1 : schéma (1) FR
V1 : bonjour
E1 : bonjour
V1 : vous avez un petit un petit un petit plan de promenade pour le centre historique ?
Corpus FR conversation 110
(2) Prise de contact par l’employé et par le visiteur ; présence explicite de manifestation de
la disponibilité communicative
Le deuxième scénario semble bien plus représenté dans le corpus francophone (30%) que
dans le corpus néerlandophone (7,5%). Il faut toutefois interpréter ces données de manière
prudente étant donné que dans la majorité des cas, c’est par une pause que l’employé manifeste
sa disponibilité communicative : dans le corpus francophone, il s’agit de 11 cas des 12 ; dans le
corpus néerlandophone, il y a une pause dans les 3 cas.11
Or, il y a un exemple du corpus francophone dans lequel il y a une manifestation de la
disponibilité communicative qui n’est pas une pause, mais un appellatif (l’extrait 2).
Remarquons que la réalisation de l’appellatif et la demande d’information du visiteur sont
réalisées en chevauchement.12
Extrait 2 : schéma (2) FR
C1 : bonjour
V1 : bonjour
V2 : bonjour
V2 : bonjour madame
10
Pour les conventions de transcription, voir annexe 1. 11
Nous avons critiqué cette composante de pause dans la classification de Möller (2000) vu que la
signification de cet élément reste un peu vague : en effet, on ne peut jamais retracer la cause de la pause
produite. Nous avons néanmoins décidé d’inclure cette marque parce qu’elle peut, selon nous, bel et bien
être une manifestation de la disponibilité communicative de l’employé et ainsi notre classification est la
plus exhaustive possible. 12
Le chevauchement est marqué par l’insertion de crochets ‘[‘ alignés verticalement au début du
chevauchement.
40
V2 : [on vient d’un autre office de tourisme pour la place du cyclocross on nous a dit que c’est ici ?
C1 : [monsieur
C1 : oui
Corpus FR conversation 37
L’appellatif « monsieur » est utilisé par l’employé pour manifester sa disponibilité
communicative envers le client. Ceci est important, car nous avons également inclus les
appellatifs comme élément au sein de l’acte de la prise de contact (et non seulement comme
élément dans l’acte de la manifestation de la disponibilité communicative) (cf. infra).
(3) Absence de prise de contact par l’employé et par le visiteur ; absence de manifestation
de la disponibilité communicative
Ce scénario présente les conversations dans lesquelles il n’y a pas d’ouverture du tout. Nous
les discuterons de manière plus détaillée sous 2.3.2.1.3. (absence d’ouverture), mais il est déjà
clair qu’une telle absence est plus présente dans le corpus francophone (12,5%) que dans le
corpus néerlandophone (5%).
(4) Absence de prise de contact par l’employé et par le visiteur ; présence explicite de
manifestation de la disponibilité communicative
L’absence de la prise de contact de la part des employés peut être compensée par la
présence d’une manifestation de la disponibilité communicative. Ceci est seulement applicable
au corpus francophone (2 occurrences). Voici un extrait du corpus :
Extrait 3 : schéma (4) FR
E1 : je peux vous aider madame ?
V1 : oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de (.) la X a téléphoné
Corpus FR conversation 6
Il n’y a donc pas de prise de contact, ni de l’employé, ni du visiteur, mais il y a bel et bien
une manifestation de la disponibilité communicative de la part de l’employé. Cette
manifestation s’est produite par le biais de ce que Möller (2000 : 121) appelle « une question
rituelle ».
41
(5) Présence de prise de contact par l’employé, absence de prise de contact par le visiteur ;
absence de manifestation de la disponibilité communicative + (6) absence de prise de
contact par l’employé, présence de prise de contact par le visiteur ; absence de
manifestation de la disponibilité communicative
Nous traitons le cinquième et le sixième scénario ensemble parce qu’il n’y a pas une
manifestation de la disponibilité communicative. La prise de contact est présente, mais soit
l’employé, soit le visiteur prend contact.
Le cinquième scénario (pas de prise de contact du visiteur et pas de manifestation de la
disponibilité communicative), semble être une caractéristique des néerlandophones belges : ce
scénario représente 15% du total des situations d’ouverture, ce qui est un pourcentage non
négligeable. Regardons l’extrait ci-dessus.
Extrait 4 : scénario (5) NL
E1 : goeiedag mevrouw
V1 : mogen er hier flyers gelegd worden ?
Corpus NL conversation 36
Le visiteur pose immédiatement sa question sans prendre le temps de saluer l’employé. Les
autres 5 exemples du corpus qui présentent ce schéma, ont tous la même forme : il s’agit chaque
fois d’un visiteur qui pose immédiatement sa demande ou sa requête. Nous n’avons rencontré
qu’une fois ce scénario dans le corpus francophone.
Les cas dans lesquels l’employé ne prend pas contact et dans lesquels il n’y a pas non plus
une manifestation de la disponibilité communicative (scénario 6), sont extrêmement rares. Dans
chaque corpus nous n’avons trouvé qu’un exemple. Voici l’exemple du corpus francophone :
Extrait 5 : schéma (6) FR
V1 : bonjour juste une petite question le musée Saint-Georges c’est où exactement ?
E1 : le BAL le musée des beaux-arts ?
V1 : oui
Corpus FR conversation 23
Dans l’extrait 5, le visiteur pose immédiatement sa question après avoir salué l’employé. Il
n’a donc pas la possibilité de saluer le visiteur parce que celui-ci est tellement vite avec sa
demande d’information.
42
(7) Absence de prise de contact par l’employé, présence de prise de contact par le visiteur ;
présence de manifestation de la disponibilité communicative + (8) présence de prise de
contact par l’employé, absence de prise contact par le visiteur ; présence de manifestation
de la disponibilité communicative
Le scénario (7) et le scénario (8) peuvent également être traités ensemble : dans ces
scénarios, il y a toujours la manifestation de la disponibilité communicative de l’employé et soit
l’employé soit le visiteur ne prend pas contact.
Quant au scénario (7), où l’employé ne prend pas contact, il n’y a qu’un exemple dans tout
le corpus (l’extrait 6).
Extrait 6 : scénario (7) FR
V1 : bonjour je fais partie de la X une organisation [concernant les X
E1 : [hmm
V1 : le 5 décembre à la cathédrale je peux mettre une affiche et déposer quelques flyers ?
Corpus FR conversation 8
Nous considérons la production de « hmm » comme une sorte de manifestation de la
disponibilité communicative : ce régulateur marque l’écoute et l’attention de l’employé (Béal
2010 : 113). Cependant, ce régulateur n’a pas encore de place dans la classification que nous
avons adoptée : ce n’est ni une question rituelle, ni un appellatif et ni une pause, raison pour
laquelle nous ajoutons la catégorie autre à notre classification (cf. infra).
Le scénario (8) (sans prise de contact du visiteur) est seulement repéré dans le corpus
néerlandophone avec une fréquence de 6 occurrences, ce qui correspond à 15% du total.
Extrait 7 : scénario 8
E1 : dag
V1 : hebt gij een kaartje van Oostende ?
Corpus NL conversation 19
L’employé prend donc contact avec le visiteur, mais cet acte n’est pas réciproque. Il est
remarquable que ce scénario se soit seulement produit en Flandre. Ce phénomène est donc, sur
la base de notre corpus, une caractéristique que nous pouvons attribuer aux néerlandophones.
En résumé, les paragraphes qui précèdent ont mis en lumière les différents scénarios en ce
qui concerne la séquence de l’ouverture dans notre corpus. Pour chaque langue, le scénario de
« prise de contact de l’employé + prise de contact du visiteur + absence d’une manifestation de
la disponibilité communicative » est le plus fréquent. Cependant, quelques grandes différences
entre les néerlandophones et les francophones belges se sont fait remarquer.
43
Premièrement, la présence de tous les paramètres (prise de contact de l’employé et du
visiteur + la manifestation de la disponibilité communicative) est assez fréquente dans le corpus
francophone (30%) tandis que c’est plutôt rare dans le corpus néerlandophone (7,5%). Or, il ne
faut pas oublier que la plupart de ces manifestations de la disponibilité communicative se sont
produites sous la forme d’une pause et c’est exactement une des composantes que nous avons
critiquée dans l’état de la question.
Deuxièmement, nous avons vu que les visiteurs flamands semblent être plus directs que
leurs compatriotes francophones : ainsi, le visiteur ne prend dans 30% des conversations pas
contact avec l’employé, c’est-à-dire qu’il pose donc immédiatement sa question. Dans le corpus
francophone, en revanche, ce n’est que dans 7,5% des conversations.
Troisièmement, il est ressorti du corpus que l’absence d’une prise de contact de la part de
l’employé est vraiment très marquée dans chaque langue. Or, en Flandre ceci semble être encore
plus marqué qu’en Wallonie (2,5% NL vs. 10% FR).
2.3.2.1.2. Le déclencheur
Kerbrat-Orecchioni (2008: 111) a constaté que ce sont surtout les employés qui entament la
conversation en site commercial. Cette observation est confirmée par les résultats de notre
corpus : en effet, les employés commencent dans la plupart des cas l’interaction verbale. Il est
remarquable que les résultats sont tout à fait identiques dans les deux corpus: l’employé
déclenche l’interaction dans 60% des cas
# NL % NL # FR % FR
Employé 24 60% 24 60%
Visiteur 16 40% 16 40%
Total 40 100% 40 100%
Tableau 2 : Qui commence l’interaction ?
2.3.2.1.3. Absence d’ouverture
Comme nous l’avons vu, dans la plupart des cas l’interaction commence par une séquence
d’ouverture. Cependant, nous avons rencontré quelques conversations dans lesquelles une telle
séquence n’est pas présente. Dans le corpus néerlandophone, il s’agit de 2 conversations (5% du
total) et dans le corpus francophone, il s’agit même de 5 conversations (12,5%). Afin de
découvrir les raisons pour ce constat, il faut que ces conversations soient examinées de plus
44
près. En outre, ce que tous les extraits sans ouverture ont en commun, c’est que chaque fois le
visiteur entame la conversation
Premièrement, il est possible que la séquence d’ouverture ne se soit pas produite parce que
la conversation s’est déroulée à un moment où il y avait beaucoup de monde. L’extrait 8 du
corpus néerlandophone présente une telle situation. Comme les visiteurs faisaient la queue, il
était possible de suivre la conversation du visiteur qui précède. La dame de cet extrait avait sans
doute entendu la conversation du visiteur avant elle qui portait également sur l’exposition
Musee. Ceci explique pourquoi l’ouverture reste probablement absente : elle se base sur la
conversation précédente, visible par l’emploi du mot « ook ».
Extrait 8
V1 : wij willen ook zo’n boekje van Musee alstublieft
E1 : ja
E1 : das zeven euro alstublieft
Corpus NL conversation 15
L’autre conversation néerlandophone sans séquence d’ouverture s’est également réalisée à
un moment où il y avait beaucoup de monde.13
Tournons-nous maintenant vers les conversations du corpus francophone qui ne comportent
pas de séquence ouvrante. Les raisons pour lesquelles les séquences d’ouverture ne se sont pas
produites, ne sont pas tout à fait claires. Nous l’illustrons par un exemple (l’extrait 9).
Extrait 9
V1 : euh je je voulais me renseigner de de prendre le bateau ici et euh on m’a dit que c’est que c’est
pas (inaud.)
E1 : les informations ?
V1 : oui
Corpus FR conversation 9
Il s’agit dans cet extrait de deux filles qui voulaient aller à Maastricht en bateau. Elles ont
simplement opté, probablement inconsciemment, pour poser leur question immédiatement sans
prendre d’abord contact avec l’employé. Ceci montre qu’il n’est pas toujours facile de retracer
les causes de l’absence d’une séquence ouvrante.
Après cet aperçu général à propos de l’ouverture, nous pouvons passer à l’analyse des deux
actes de langage distingués dans notre classification, à savoir la prise de contact (2.3.2.2.) et la
manifestation de la disponibilité communicative (2.3.2.3.).
13
La conversation 3.
45
2.3.2.2. La prise de contact
La prise de contact est le premier acte de langage distingué par Möller (2000). Nous avons
réparti cette section en quatre parties. Dans un premier temps, nous regarderons les prises de
contact au niveau macro (2.3.2.2.1.) pour ensuite examiner le niveau micro (2.3.2.2.2.). La
réciprocité (2.3.2.2.3.) et la multiplication (2.3.2.2.4.) des prises de contact sont les deux autres
thèmes qui seront abordés dans la suite.
2.3.2.2.1. Macro-niveau
La prise de contact est le premier acte de langage dans la séquence d’ouverture distingué
par Möller (2000). Au sein de cette catégorie, il y a différentes possibilités de prendre contact
avec l’autre interlocuteur (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a):
a. Une salutation Bonjour
b. Une salutation + un appellatif Bonjour mademoiselle
c. Une question de salutation Madame Dupont vous allez bien?
d. D’autres types d’énoncés Voilà la jeune fille du quartier qu’arrive
e. Un simple terme d’adresse14
Madame
Nous avons examiné ceci pour nos deux corpus. Le graphique ci-dessous représente les
résultats pour le corpus francophone.
Graphique 1 : La prise de contact des francophones
14
Elément distingué par Kerbrat-Orecchioni (2008a).
35
2
0
0
0
33
4
0
0
0
68
6
0
0
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
une salutation
une salutation + un appellatif
une question de salutation
d'autres types d'énoncés
un simple terme d'adresse
La prise de contact des francophones
total
visiteur
employé
46
Comme le graphique le montre, seules deux catégories de la classification sont présentes
dans notre corpus, à savoir « une salutation + un appellatif » (« bonjour madame ») et « une
salutation » (« bonjour »).
Les salutations ont une nette majorité. Lorsqu’il y a une prise de contact, on a dans 91,89%
des cas affaire à une salutation. Dans 8,12% il s’agit alors d’une salutation avec un appellatif.
Cette préférence pour les salutations dites simples se manifeste à la fois chez les visiteurs et
chez les employés, ce qui confirme la recherche de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111).
Comparons maintenant ces données à celles du corpus néerlandophone.
Graphique 2 : La prise de contact des néerlandophones
Conformément aux résultats des francophones, les néerlandophones optent également pour
une salutation dite « simple » pour prendre contact avec l’interlocuteur (90,78%). L’emploi
d’une salutation avec un appellatif est plutôt rare (9,52%). À nouveau, les employés et les
visiteurs se comportent donc de la même manière quant au choix du type pour prendre contact.
Bref, au macro-niveau de la prise de contact il n’y a pas vraiment des différences entres les
francophones et les néerlandophones.
2.3.2.2.2. Micro-niveau
Toutefois, en regardant le micro-niveau, nous constatons qu’il y a bel et bien des écarts
entre les deux groupes de langues. Les différences se situent au niveau des salutations: la
salutation dans le corpus francophone est incontestablement « bonjour », il n’y a pas de
31
5
0
0
0
26
1
0
0
0
57
6
0
0
0
0 10 20 30 40 50 60
une salutation
une salutation+ un appellatif
une question de salutation
d'autres types d'énoncés
un simple terme d'adresse
La prise de contact des néerlandophones
total
visiteur
employé
47
variation possible. Dans le corpus néerlandophone, par contre, il y a plus de variation. Cette
variation est représentée dans le graphique ci-dessous.
Graphique 3 : Paradigme de salutations dans l’ouverture (NL)
Il paraît que les néerlandophones, comparés aux francophones, disposent d’un éventail plus
riche de salutations. Ainsi, ils ont fait appel à 6 formes différentes. De toutes ces possibilités, la
variante « goeiedag » est la forme la plus fréquente : elle présente plus de la moitié des
salutations (53,79%).
En outre, c’est nettement la forme préférée par les employés, mais également pour les
visiteurs. Les visiteurs de leur côté, font régulièrement appel à d’autres formes comme
« goeiemiddag », « goeiemorgen », « goeienavond », « dag » et « hallo ».
Les trois premières formes énumérées ci-dessus, sont entièrement dépendantes du moment
de la visite. Un visiteur qui vient au bureau vers 16h, ne va évidemment jamais dire
« goeiemorgen ». A ce point, la forme « dag » semble être plus neutre parce qu’elle est
indépendante du moment de la visite. Cependant, il n’a que 5 occurrences de « dag ».
Comparons un extrait qui contient la forme « dag » à un extrait qui comporte la forme
prototypique « goeiedag ».
Extrait 10
E1 : goeiedag
V1 : dag
V2 : het Musee welke richting is dat uit ?
Corpus NL conversation 24
Extrait 11
E1 : goeiedag
3
23
8
2 0 0
5
11
3 3 4 1
8
34
11
5 4 1
0
5
10
15
20
25
30
35
40
Paradigme des salutations dans l'ouverture (NL)
employé
visiteur
total
48
V1 : goeiedag euh wij hebben de kaarten van de tentoonstelling (.) maar euhm […]
Corpus NL conversation 23
Sur la base du contexte, il semble qu’il n’y a pas de différence au plan sémantique entre les
deux salutations « goeiedag » et « dag ». Toutefois, c’est la forme de « goeiedag » qui est
préférée par les locuteurs.
Une autre forme que nous avons rencontrée à travers le corpus, est « hallo » (4
occurrences). Regardons un extrait.
Extrait 12
E1 : goeiedag
V1 : hallo ‘k heb een vraagje kunde hier ook tickets krijgen voor het Musee of is dat alleen in het euh
Corpus NL conversation 13
Il est important de souligner que la forme « hallo » est toujours réalisée par le visiteur. C’est
un emploi que nous ne retrouvons pas chez les employés parce que c’est une forme qui est
plutôt utilisée dans des conversations informelles. En outre, « hallo » est chaque fois suivi
immédiatement par une question du visiteur si bien que la salutation n’est pas vraiment
accentuée : elle ne se retrouve pas isolée dans un énoncé.
Cependant, la forme informelle français « salut » n’est jamais apparue dans le corpus
francophone.
2.3.2.2.3. Réciprocité des prises de contact
L’autre aspect qui ressort de la micro-analyse des données, est que les francophones et les
néerlandophones diffèrent sur le plan de la fréquence de la prise de contact dans une interaction.
De cette manière, nous avons distingué 3 situations.
Premièrement, il se peut que les locuteurs produisent (I) une prise de contact réciproque :
celui-ci veut dire qu’à la fois l’employé et le visiteur, se saluent et prennent contact.
Extrait 13
E1 : bonjour
V1 : bonjour je voudrais savoir quand sont organisées les visites guidées au musée Saint-Georges
Corpus FR conversation 11
Deuxièmement, il est possible que (II) la prise de contact ne soit pas réciproque : soit le
visiteur ne prend pas contact, soit c’est l’employé qui se tait. Dans l’extrait 14, c’est le visiteur
qui ne salue pas.
49
Extrait 14
E1 : dag mevrouw
V1 : mag ik mag ik de fietsroute alstublieft.
Corpus NL conversation 8
Troisièmement, (III) l’ouverture peut également être absente. Dans le corpus
néerlandophone, il s’agit de 2 conversations qui n’ont pas d’ouverture et dans le corpus
francophone c’est le cas dans voire 7 conversations.
Ainsi nous obtenons le tableau suivant qui est établi sur la base des chiffres absolues (sur
40, le nombre total de conversations).
FR NL
Prise de contact réciproque 30 25
Prise de contact non réciproque 3 13
- pas de réponse du visiteur 1 11
- pas de réponse de l’employé 2 2
Rien : pas d’ouverture 7 2
Tableau 3 : La prise de contact : réciprocité (NL/FR)
En général, la prise de contact réciproque est la situation prototypique dans les deux corpus.
Or, les francophones belges prennent plus systématiquement contact en comparaison des
néerlandophones. Ainsi, 30 des 40 conversations (75%) francophones présentent cette
réciprocité alors que dans le corpus néerlandophone il s’agit de 25 conversations (62,5%).
Dans le corpus néerlandophone, il y a plus de cas dans lesquels la prise de contact n’est pas
réciproque et ceci est surtout dû au comportement du visiteur. Au total, il s’agit de 13
conversations où la salutation n’est pas réciproque. Dans 11 des 13 cas, c’est le visiteur qui ne
salue pas l’employé. Dans toutes ces conversations, nous avons toujours affaire à une question
ou à une requête directe de la part du visiteur.
Dans le corpus francophone, par contre, il n’y a que 3 conversations où la prise de contact
n’est pas réciproque. La prise de contact non réciproque semble donc être plus marquée en
français que c’est le cas en néerlandais.
50
2.3.2.2.4. Multiplication des prises de contact
Pour terminer, nous avons constaté une autre différence par rapport à la prise de contact
entre les deux groupes de langues. Ainsi, les locuteurs francophones prennent parfois plus d’une
fois contact : une première fois après l’ouverture de la porte et une deuxième fois devant le
comptoir. Quatre conversations francophones de notre corpus présentent cette situation (l’extrait
15).
Extrait 15
E1 : bonjour
V1 : bonjour
V1 : bonjour
E1 : bonjour
V1 : excusez-moi c’est la première fois […]
Corpus FR conversation 40
Cela nous rappelle l’étude de Béal (2010 : 21) qui a remarqué que les salutations chez les
Français ont lieu immédiatement après l’ouverture de la porte. Sur ce plan, les francophones
belges se rapprochent donc des Français.
Par ailleurs, comme les employés francophones se trouvent plus proches l’un à l’autre, ils
prennent parfois tous contact avec le(s) visiteur(s). Ceci est apparu 4 fois des 40 conversations
et une telle situation est entièrement absente dans le corpus néerlandophone, ce qui est bien sûr
dû à la disposition des lieux. L’extrait 16 illustre une telle situation.
Extrait 16
E1 : bonjour
V1 : bonjour
E2 : bonjour
V1 : on a ces ces tickets ici à l’entrée du musée X pour voir une exposition mais je X par où ?
Corpus FR conversation 27
Nous offrons finalement quelques moyennes globales qui concernent la prise de contact (le
tableau 4). Nous avons calculé deux types de moyennes : les moyennes par personne d’une part
et les moyennes par conversation d’autre part.
Dans ce premier type, nous avons tenu compte du nombre de locuteurs au total des
conversations vu que cela diffère pour les deux corpus. Ainsi, dans le corpus néerlandophone,
nous avons enregistré 102 personnes différentes (dont 62 visiteurs et 40 employés) à l’inverse
du corpus francophone où il y avait au total 100 locuteurs (dont 50 visiteurs et 50 employés).
51
A propos du deuxième type de moyenne, nous avons calculé tout par rapport au nombre
total de conversations (40).
Moyennes NL FR
# composantes de la prise de contact par personne
Visiteur 0,44 0,74
Employé 0,90 0,74
Total 0,62 0,74
# composantes de la prise de contact par conversation
Visiteur 0,68 0,93
Employé 0,90 0,93
Total 1,76 1,85
Tableau 4 : Les moyennes des composantes de la prise de contact
Les francophones obtiennent à tous les niveaux une moyenne plus élevée que les
néerlandophones, à l’exception de la moyenne des employés calculée par personne.
Ces chiffres plus élevés sont sans doute dus au fait que les francophones se saluent parfois
plus d’une fois. Cependant, ce sont des différences infimes entre les deux groupes de langues.
2.3.2.3. La manifestation de la disponibilité communicative
La manifestation de la disponibilité communicative est le deuxième acte de langage
distingué par Möller (2000). Cet acte reflète uniquement le point de vue de l’employé. Dans
2.3.2.3.1., nous regarderons dans un premier temps les résultats de l’application de la
classification à notre corpus. Nous constaterons qu’il y a des manifestations communicatives
qui ne vont pas dans cette classification. Celles-ci seront examinées dans la partie autre
(2.3.2.3.2.).
2.3.2.3.1. Distribution générale
La manifestation de la disponibilité communicative est absente dans la majorité des
conversations. Si elle est présente, elle se présente surtout sous la forme d’une pause.15
15 La composante de la pause a été critiquée. Ainsi, Möller (2000) reste un peu vague en ce qui concerne
la délimitation de ce terme. Nous avons souligné qu’une pause peut être remplie par différentes situations.
Cependant, il se peut bien sûr bel et bien produire une pause de la part de l’employé qui a vraiment pour
but d’être une manifestation de la disponibilité communicative.
52
Nous illustrons les possibilités de la manifestation de la disponibilité communicative dans
les graphiques 4 et 5.
Graphique 4 : La manifestation de la disponibilité communicative FR
Graphique 5 : La manifestation de la disponibilité communicative NL
Ce qui est sûr, c’est que l’absence de cet acte n’est pas marquée dans les deux langues,
mieux encore, c’est plutôt normal. La pause occupe dans chaque corpus la deuxième place.
Nous ne donnons pas d’exemples d’extraits dans lesquels la manifestation de la disponibilité
communicative s’est produite par une pause parce que cette pause peut également être due à une
autre raison que l’expression de cette disponibilité communicative (cf. note en bas de page p.
50).
2% 2%
28%
5%
63%
La manifestation de la disponibilité communicative FR Des questions rituelles Un seul appellatif Une pause Autre Rien
0% 2%
17%
3%
78%
La manifestation de la disponibilité communicative NL
Des questions rituelles Un seul appellatif Une pause Autre Rien
53
Les emplois des questions et des appellatifs sont plutôt rares dans les deux langues. De
manière plus précise, nous avons rencontré une question rituelle dans le corpus francophone
(2%) et un emploi d’un appellatif (2%). Dans le corpus néerlandophone, en revanche, nous
n’avons pas rencontré une question rituelle mais l’emploi d’un appellatif est quand même une
fois repéré. En outre, dans chaque langue nous avons rencontré des cas qui n’avaient pas de
place dans une des catégories établies par Möller (2000). Nous les avons regroupés sous la
catégorie autre (cf. infra).
Pour ce qui est des appellatifs, rappelons que nous avons deux fois inclus cette composante
dans la classification de l’ouverture: d’une part dans (I) l’acte de la prise de contact (cf.
Kerbrat-Orecchioni 2008a), d’autre part dans (II) l’acte de la manifestation de la disponibilité
communicative (cf. Möller 2000).
L’emploi de l’appellatif comme prise de contact n’est pas repéré dans notre corpus à
l’inverse de l’emploi de l’appellatif comme marque de la manifestation de la disponibilité
communicative qui est bel et bien présente dans notre corpus (2%, un exemple dans chaque
corpus).
Regardons l’exemple du corpus francophone (l’extrait 17). L’appellatif « monsieur » est
produit en chevauchement avec la demande d’information de la part du visiteur.
Extrait 17
E1 : bonjour1
V1 : bonjour2
V2 : bonjour3
V2 : bonjour madame
V2 : [on vient d’un autre office de tourisme pour la place du cyclocross on nous a dit que c’est ici ?
E1 : [monsieur
Corpus FR conversation 37
Nous avons déjà discuté cet exemple dans les scénarios possibles (2.3.2.1.1.). Les trois
premiers « bonjours » se sont réalisés après l’ouverture de la porte tandis que « bonjour
madame » de V2 s’est produit devant le comptoir. Ceci reflète ce que nous avons déjà démontré
dans la section de la prise de contact : il arrive souvent que les francophones se saluent
plusieurs fois dans la prise de contact (cf. Béal 2010). L’appellatif « monsieur » est donc
clairement une manifestation de la disponibilité communicative.
L’employé peut également exprimer sa disponibilité communicative par le biais d’une
question rituelle. Ce phénomène n’est pas repéré dans le corpus néerlandophone. Dans le corpus
francophone, par contre, nous avons dénombré un exemple :
54
Extrait 18
E1 : je peux vous aider madame ?
V1 : oui euh je reviens pour avoir des X plusieurs des X en anglais madame de (.) la X a téléphoné
Corpus FR conversation 6
Dans cet extrait il n’y a pas de prise de contact. Cependant, cette absence est compensée par
une manifestation très explicite de la disponibilité communicative de l’employé. Nous n’avons
dénombré qu’un exemple dans notre corpus, mais il n’est donc pas remarquable qu’une telle
question rituelle apparaisse dans une conversation où il n’y a pas de prise de contact.
2.3.2.3.2. Autre
Finalement, pour chaque langue nous avons dû créer une catégorie autre vu que nous avons
rencontré des cas qui n’ont pas de place dans les catégories existantes. Dans le corpus
francophone, il s’agit de 2 cas (5%) et dans le corpus néerlandophone il s’agit d’un cas (3%).
Regardons d’abord les extraits francophones.
Extrait 19
E1 : oui
V1 : euh je voulais savoir si vous avez d’autres livres sur la guerre 14 euh 18
Corpus FR conversation 7
Extrait 20
V1 : bonjour je je fais partie de la X une organisation [concernant les X
E1 : [hmm
V1 : le 5 décembre à la cathédrale je peux mettre une affiche et déposer quelques flyers ?
Corpus FR conversation 8
Dans le premier extrait (l’extrait 19), il n’y a pas de prise de contact. L’employé manifeste
sa disponibilité communicative par le mot « oui » pour montrer qu’il est là pour aider le visiteur.
Dans le deuxième extrait (l’extrait 20), il y a bien une prise de contact de la part du visiteur.
Celui-ci pose immédiatement sa question après la prise de contact de sorte que l’employé n’a
pas le temps de saluer le visiteur. Par contre, l’employé montre qu’il écoute le visiteur par le
biais de « hmm ».
Les mots « hmm » et « oui » sont des « régulateurs » (cf. Béal 2010 et Tobback 2014). Ils
sont définis de la manière suivante : les régulateurs sont de petits mots qui « indiquent l’écoute,
l’attention et l’engagement dans l’interaction. Il sont brefs et ils sont souvent produits en
chevauchement » (Béal 2010 : 113).
55
Selon nous, ce sont donc clairement des manifestations de la disponibilité communicative
comme la définition le montre. Regardons finalement l’exemple dans le corpus néerlandophone
que nous avons étiqueté comme autre.
Extrait 21
E1 : goeiemorgen
E1 : u mag bij mij komen hoor
Corpus NL conversation 6
Dans cet extrait, le visiteur hésitait à venir au comptoir. Probablement, cette hésitation était
due à la présence du chercheur qui se trouvait à côté du comptoir pour enregistrer les
conversations. Cet énoncé n’est pas une question rituelle vu qu’il n’y a pas d’intonation
montante. C’est plutôt une simple annonce pour indiquer que l’employé est prêt à résoudre les
questions du visiteur, raison pour laquelle nous l’avons considérée comme une manifestation de
la disponibilité communicative. Néanmoins, c’est le seul exemple dans le corpus
néerlandophone.
2.3.2.4. Conclusion
Les sections qui précèdent ont mis en lumière le rituel d’ouverture dans les offices du
tourisme belges. En général, l’absence de ce rituel est rare dans nos corpus (5% NL et 12,5%
FR) et conformément à l’étude de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 111), les employés entament
dans la plupart des cas la conversation (60% dans chaque corpus).
Deux actes de langage ont été distingués dans le rituel d’ouverture : la prise de contact
d’une part et la manifestation de la disponibilité communicative d’autre part (Möller 2000).
Ainsi, nous avons fait observer que le scénario le plus fréquent est la présence de la prise de
contact des locuteurs en combinaison avec une absence de la manifestation de la disponibilité
communicative (45% FR et 55% NL).
La salutation dite simple est le procédé favori des locuteurs néerlandophones et
francophones pour prendre contact (91,89% FR et 90,78% NL), ce qui confirme l’étude chez les
Français de Kerbrat-Orecchioni (2008a : 111). Au macro-niveau, les deux groupes de langues se
comportent donc de la même manière.
Or, au micro-niveau il y a bel et bien des différences. Ainsi, il est incontestable que les
néerlandophones disposent d’un éventail plus riche au niveau des salutations, notamment
« goeiedag », « goeiemiddag », « goeiemorgen », « goeienavond », « dag » et « hallo »
contrairement à une forme francophone « bonjour ». La forme « goeiedag » est la forme la plus
neutre en néerlandais (53,79%).
56
Nous avons également constaté que la prise de contact réciproque est la situation
prototypique dans une interaction (75% FR et 62,5% NL) et pour finir, les francophones
peuvent multiplier les prises de contact. Ainsi, 4 des 40 conversations francophones présentent
une telle situation.
En ce qui concerne la manifestation de la disponibilité communicative, nous avons fait
observer qu’elle se présente la plus souvent sous la forme d’une pause (63% FR et 78% NL).
Les questions rituelles (2% FR et absentes dans le corpus NL) et les appellatifs (2% FR et 3%
NL) sont plutôt rares.
Finalement, nous avons dû créer une sous-catégorie autre au sein de la catégorie de la
manifestation de la disponibilité communicative pour y regrouper les exemples qui ne sont ni
une pause, ni un appellatif et ni une question rituelle. Dans le corpus francophone, 5% des
énoncés ont été classés dans cette catégorie. Il s’agissait des régulateurs. Dans le corpus
néerlandophone, 3% des énoncés ont été classés sous autre et il s’agit d’une annonce avec la
signification d’une question rituelle, mais sans l’intonation ascendante.
57
2.3.3. LA CLOTURE
Le programma de l’analyse de la clôture est plus vaste dans la mesure où cinq actes de
langage seront analysées, à savoir les pré-clôtureurs (2.3.3.2.), les salutations (2.3.3.3.), les
vœux (2.3.3.4.), les remerciements (2.3.3.5.) et la catégorie autre (2.3.3.6.). Conformément à
l’analyse de l’ouverture, nous nous penchons d’abord sur quelques données générales (2.3.3.1.).
2.3.3.1. Données générales
Rappelons d’abord la classification que nous avons appliquée à notre corpus :
Clôture : classification finale
1. Pré-clôture : « voilà », « (bon) allez »
2. Echange de salutations : « au revoir »
3. Les vœux : « bonne journée », « bon week-end »
4. Les projets : « à plus tard », « à bientôt »
5. Les remerciements :
a. Expressions directes
i. Formule performative: « je te remercie »
ii. Elliptiquement : « merci »
b. Expressions indirectes
i. Assertion focalisée sur le remercieur (bénéficiaire du cadeau) : expression du
sentiment approprié (gratitude, plaisir, joie) : « je vous suis très reconnaissant »
ii. Assertion focalisée sur le remercié (auteur du cadeau) : éloge : « c’est très gentil à
vous »
iii. Assertion focalisée sur le cadeau lui-même : « c’est superbe »
Réactions aux remerciements
1. Réactions négatives
a. Un enchaînement qui nie l’existence préalable d’une offense et d’un cadeau. De tels
enchaînements sont « contestataires »
b. Les vraies réactions négatives dans lesquelles on refuse d’accepter le remerciement
2. Réactions positives
a. Formule d’avoir effectué avec bon cœur, étant au service d’autrui, l’action bienfaisante : « je
vous en prie »
b. Une minimisation, voire une dénégation du cadeau pour lequel on est remercié (et dont
l’existence n’est contestée qu’un apparence) : « Merci infiniment – Mais c’est bien normal »
Figure 14 : Classification des composantes dans la clôture
58
Avant de passer à l’étude détaillée de chaque composante clôturante, nous offrons d’abord
quelques informations générales. Les données précises pour chaque conversation à propos de la
séquence de clôture se trouvent en annexe 2 .16
(1) Au total, le corpus francophone contient 176 clôtureurs, dont 80 sont produits par les
employés et 96 par les visiteurs. Le corpus néerlandophone contient 123 clôtureurs, dont 52 sont
produits par les employés et 71 par les visiteurs. Du côté néerlandophone, ce sont dont les
visiteurs qui utilisent le plus de clôtureurs.
Avant de tirer des conclusions, il faut toutefois regarder les moyennes vu que le nombre de
participants diffère pour les deux groupes linguistiques (le tableau 5).17
Moyenne de clôtureurs FR NL
Nombre de clôtureurs par conversation: 4,4 3,08
Nombre de clôtureurs par personne: 1,76 1,21
moyenne par employé: 1,60 1,30
moyenne par visiteur: 1,92 1,15
Tableau 5 : Comparaison moyennes FR/NL
En général, nous pouvons conclure que les francophones utilisent nettement plus de
clôtureurs que les néerlandophones par conversation (4,4 vs. 3,08) et cela se confirme également
pour les moyennes par personne (1,76 vs 1,21). Les moyennes confirment en outre ce que nous
avons noté plus haut : dans le corpus francophone, ce sont les visiteurs qui utilisent le plus de
clôtureurs, alors que dans le corpus néerlandophone ce sont les employés qui utilisent le plus de
clôtureurs, mais ces différences sont infimes.
(2) À la suite de Dumas (2008 : 201), nous avons également examiné dans quelle mesure il
y a de la symétrie dans les séquences de clôture. Ainsi, le nombre de clôtureurs peut être
symétrique ou dissymétrique. Les deux groupes de locuteurs du corpus se sont comportés d’une
manière tout à fait pareille : dans chaque corpus, nous avons rencontré dans 10 conversations
une utilisation symétrique du nombre de clôtureurs. En d’autres termes, un quart du corpus
montre de la symétrie dans la séquence de clôture, à l’inverse de trois quarts où il y a une
situation dissymétrique.
(3) Avant de passer aux analyses individuelles de chaque composante clôturante, nous
fournissons encore deux graphiques qui donnent une vue d’ensemble sur la répartition de toutes
les composantes clôturantes dans les deux corpus.
16
Dans les deux tableaux en annexe, toutes les données obtenues des francophones et des
néerlandophones à propos de la clôture sont énumérées. 17 Dans le corpus francophone il y avait 50 visiteurs et 50 employés. Dans le corpus néerlandophone, en
revanche, il y avait 62 visiteurs et 40 employés.
59
Graphique 6 : Paradigme des composantes de la clôture FR
Graphique 7 : Paradigme des composantes de la clôture NL
Même s’il faut tenir compte que le nombre de locuteurs diffère légèrement pour chaque
corpus (100 au total pour le corpus francophone et 102 pour le corpus néerlandophone), les
graphiques montrent déjà quelques grandes tendances. En général, il est clair que toutes les
composantes de la clôture sont plus fréquentes dans le corpus francophone que dans le corpus
néerlandophone.
Dans ce qui suit, nous passerons à l’étude des composantes individuelles de la clôture : nous
traiterons successivement les pré-clôtureurs (2.3.3.2.), les salutations (2.3.3.3.), les vœux
(2.3.3.4.) et les remerciements (2.3.3.5.). Finalement nous avons encore créé une catégorie autre
(2.3.3.6.) consacrée aux projets (très rares dans nos corpus) et à quelques cas exceptionnels.
0 10 20 30 40 50 60 70 80
pré-clôtureurs
salutations
voeux
remerciements
projets
autre
pré-clôtureurs
salutations voeuxremercieme
ntsprojets autre
Total 41 51 13 70 0 1
Visiteur 22 21 8 45 0 0
Employé 19 30 5 25 0 1
Paradigme des composantes de la clôture FR
Total
Visiteur
Employé
0 10 20 30 40 50 60
pré-clôtureurs
salutations
voeux
remerciements
projets
autre
pré-clôtureurs
salutations
voeuxremercie
mentsprojets autre
Total 36 28 3 54 1 1
Visiteur 19 11 2 39 0 0
Employé 17 17 1 15 1 1
Paradigme des composantes de la clôture NL
Total
Visiteur
Employé
60
2.3.3.2. Les pré-clôtureurs
2.3.3.2.1. Préférence des locuteurs
Premièrement, nous avons examiné la fréquence des pré-clôtureurs utilisés dans nos deux
corpus. Les résultats sont représentés dans les graphiques ci-dessus. Au total, nous avons
dénombré 41 pré-clôtureurs dans le corpus francophone (dont 19 de l’employé et 22 du visiteur)
et 36 dans le corpus néerlandophone (dont 17 de l’employé et 19 du visiteur).
Graphique 8 : Paradigme des pré-clôtureurs FR
Graphique 9 : Paradigme des pré-clôtureurs NL
Les graphiques ci-dessus permettent de voir que les néerlandophones disposent d’un
éventail plus riche de pré-clôtureurs : ainsi, nous avons dénombré 11 types différents tandis que
dans le corpus francophone il n’y en a que 8.
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Paradigme des pré-clôtureurs FR
EMPLOYE
VISITEUR
TOTAL
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Paradigme des pré-clôtureurs NL
EMPLOYE
VISITEUR
TOTAL
61
En outre, il est clair que chaque langue a un pré-clôtureur préféré : pour le français, c’est le
mot « voilà » (34,15%) et pour le néerlandais c’est le mot « oké » (41,67%). Cependant, il faut
bien distinguer les rôles (employé/visiteur) dans l’interaction parce que le choix du pré-
clôtureur diffère selon la fonction du locuteur dans l’interaction. Ainsi, pour le corpus
francophone, la forme préférée de l’employé est « voilà » (42,11%) mais pour le visiteur c’est la
forme « oké » (même si la différence avec « voilà » est minime, cf. infra). En ce qui concerne le
corpus néerlandophone, l’employé n’a pas vraiment un pré-clôtureur préféré : « oké ? »
(23,53%) et « goed ? » (23,53%) sont employés aussi fréquents (4 fois chacun).
Il est intéressant de faire observer que ces pré-clôtureurs néerlandais prennent une forme
interrogative, donc avec une intonation montante. Par contre, le pendant francophone « voilà »
n’est pas interrogatif. Au total, 9 pré-clôtureurs des 17 (i.e. 52,94%) utilisés par les employés
néerlandophones prennent la forme interrogative (« oke ? », « goed ? » ou « ja ? »), à l’opposé
des employés francophones qui n’utilisent que 3 fois une forme interrogative sur un total de 19
pré-clôtureurs (« ça va ? », i.e. 15,79%).
Regardons, en guise d’illustration, les extraits 22 et 23. Le premier extrait (l’extrait 22)
provient du corpus néerlandophone où une femme a demandé le plan d’un circuit cyclotouriste.
Le deuxième extrait (l’extrait 23) est issu du corpus francophone où un couple vient de
demander un plan de Liège. Nous avons souligné dans chaque extrait les pré-clôtureurs.
Extrait 22
E1 : goed ?
V1 : ja
E1 : zo
E1 : alstublieft
V1 : danku
Corpus NL conversation 8
Extrait 23 :
E1 : voilà
V2 : merci
V1 : merci
V1 : au revoir
E1 : au revoir
V1 : au revoir
Corpus FR conversation 12
Il y a beaucoup d’exemples dans le corpus néerlandophone qui sont analogues à celui du
premier extrait: les employés flamands veulent être sûrs si les visiteurs ont demandé tous ce
62
qu’ils voulaient, ce qui explique la forme interrogative « goed ? ». Le marqueur « voilà » dans
le corpus francophone a, selon nous, pas la même signification. C’est une sorte de fin de ce que
l’employé vient de présenter tandis que la forme interrogative « goed ? » est plutôt orientée plus
vers le visiteur.
En ce qui concerne les visiteurs, les néerlandophones et francophones font le plus souvent
recours au même pré-clôtureur, à savoir « oké » (68,42%). Hormis ce marqueur « oké », les pré-
clôtureurs « (heel) goed », « ja », « voilà » et « ça va » sont également utilisés mais avec une
fréquence plus basse. Regardons l’extrait 24.
Un homme a rendu visite à l’office de tourisme de Louvain pour obtenir plus d’information
sur le Vesialiuswandeling. Après d’avoir acheté le plan de promenade, la conversation finit de la
manière suivante :
Extrait 24
V1 : oké dankuwel
E1 : oké ?
E1 : alstublieft
V1 : daag
Corpus NL conversation 29
La séquence de clôture est donc déclenchée par le biais du pré-clôtureur « oké ».
Remarquons que l’employé utilise à nouveau le pré-clôtureur interrogatif (« oké ?»).
Les visiteurs francophones, de leur côté, n’ont pas une nette préférence pour un certain pré-
clôtureur : la différence entre « voilà » et « oké » est minime avec 7 occurrences pour « oké »
(31,82%) et 6 occurrences pour « voilà » (27,27%). Les autres pré-clôtureurs rencontrés chez
les visiteurs francophones sont « ça va », « allé », « bon » et « d’accord », mais avec une
fréquence très basse (respectivement 4, 2, 1 et 2 sur 22).
2.3.3.2.2. Nombre de pré-clôtureurs
La séquence de clôture n’est pas nécessairement limitée à la présence d’un seul pré-
clôtureur. L’extrait 22 ci-dessus a montré la présence de deux pré-clôtureurs, à savoir « goed ? »
et « zo ». Les occurrences de pré-clôtureurs peuvent monter à un chiffre assez élevé. Les deux
extraits ci-dessous le prouvent :
Extrait 25
E1 : d’accord oké ça va très bien merci beaucoup
V1 : merci
63
E1 : au revoir
Corpus FR conversation 32
Extrait 26
E1 : ah oké in orde
V1 : bedankt
E1 : tot straks
Corpus NL conversation 20
Dans l’extrait 25 du corpus francophone, l’employé a utilisé quatre pré-clôtureurs dans un
seul énoncé. Dans l’extrait 26 du corpus néerlandophone, l’employé en utilise deux.
De manière plus générale, nous avons observé que le nombre de pré-clôtureurs s’élève à
deux pour les locuteurs dans tout le corpus. Cependant, il y a des exceptions. Ainsi, dans le
corpus francophone il y a une conversation dans laquelle 4 préclôtureurs sont utilisés par un
seul visiteur, ce qui est très exceptionnel (l’extrait 25).
En guise de résumé, il y a donc bel et bien des différences dans l’usage des pré-clôtureurs
entre les Flamands et les Wallons. De manière générale, chaque groupe de langue a un pré-
clôtureur favori : pour les néerlandophones, c’est le mot « oké » tandis qu’il s’agit de la forme
« voilà » pour les francophones.
Toutefois, il faut bien distinguer les fonctions dans la conversation car le choix du pré-
clôtureur dépend de ce rôle. Ainsi, le pré-clôtureur favori des employés francophones est
« voilà », ce qui diffère de ceux des employés néerlandophones (« oké ? » et « goed ? »). C’est
une différence entre les deux groupes de langues que nous avons soulignée: le marqueur
« voilà » indique simplement le point de vue de l’employé, marquant une sorte de conclusion de
sa propre présentation des informations. Les pré-clôtureurs « oké ? » et « goed ?» des
néerlandophones, en revanche, sont d’une nature différente à cause de leur intonation montante :
ainsi, ils s’axent davantage sur le point de vue du visiteur.
En ce qui concerne les pré-clôtureurs des visiteurs, les résultats sont plus comparables. En
général, les visiteurs néerlandophones et francophones font le plus souvent recours au mot
« oké ». Cependant, dans le corpus néerlandophone, ce pré-clôtureur est clairement la forme
préférée tandis que la différence avec les autres pré-clôtureurs est plus petite dans le corpus
francophone.
64
2.3.3.3. Les salutations
2.3.3.3.1. Absence d’échange de salutations
L’échange de salutations est selon Hmed (2000) et Kerbrat-Orecchioni (2008a) l’acte
central dans la séquence de clôture. En effet, l’échange de salutations apparaît dans beaucoup de
conversations dans notre corpus. Toutefois, l’absence d’un tel échange s’avère plus marqué
dans le corpus francophone que dans le corpus néerlandophone. En effet, seules 11
conversations dans le corpus francophone ne comportent pas un échange de salutations (27,5%).
Dans le corpus néerlandophone, par contre, il s’agit de 21 conversations (52%) : plus de la
moitié des conversations néerlandophones se sont donc produites sans un échange de
salutations.
Evidemment, ceci ne signifie pas qu’il n’y a pas de clôture du tout : il se peut que d’autres
composantes de la clôture soient bel et bien présentes comme des pré-clôtureurs, des
remerciements, des vœux ou même des projets.
Regardons d’abord un exemple du corpus francophone. Deux femmes ont des tickets pour
une exposition dans un musée et elles demandent le chemin. Après que l’employé a expliqué le
chemin, tout est dit et la conversation se finit de la manière suivante :
Extrait 27
V1 : ça va
E1 : ça va ?
V2 : merci
V1 : merci
E1 : je vous en prie
Corpus FR conversation 27
On ne voit donc pas des échanges de salutations, mais il y a bien des pré-clôtureurs (« ça
va » et « ça va ? »), des remerciements (« merci ») et une réaction de l’employé à ces
remerciements (« je vous en prie »). Il est donc clair que les salutations ne sont pas absolument
nécessaires pour finir une interaction.
L’extrait suivant est un exemple dans lequel l’employé néerlandophone n’exprime aucun
clôtureur pour finir la conversation si bien que le visiteur ne salue pas non plus. Ceci s’est
produit 8 fois dans le corpus néerlandophone contre seulement 3 fois dans le corpus
francophone. Comme l’extrait 28 le montre, l’employé n’utilise aucun marque de clôture. De la
part du visiteur, par contre, il y a un remerciement.
65
Extrait 28
V1 : das gratis ?
E1 : das gratis
V1 : oh dankuwel
Corpus NL conversation 4
Toutefois, il faut savoir que cette conversation s’est déroulée à un moment où il y avait
beaucoup de monde. Il y a avait une file d’attente de sorte que les visiteurs pouvaient
immédiatement attaquer l’employé avec leur demande d’information ou leur requête dès que la
conversation précédente était finie. Cela peut expliquer le manque de clôture ou de salutations
dans certains cas. Les éléments contextuels jouent donc certainement un rôle dans la production
des actes de langage.
Même si c’est une composante souvent présente dans nos corpus, l’échange de salutations
ne semble donc pas une composante aussi essentielle pour les Belges que comme pour les
Français (cf. Kerbrat-Orecchioni 2008a et Hmed 2008): la clôture peut bien se réaliser par le
biais d’autres composantes. Or, dans certains cas ces composantes sont également absentes,
mais ceci s’explique surtout par des éléments contextuels.
2.3.3.3.2. L’éventail des salutations
Une autre différence entre les néerlandophones et les francophones, concerne les types de
salutations clôturantes. Les locuteurs francophones ne font appel qu’à un type, à savoir « au
revoir » : ils n’ont pas d’autres possibilités. Les conversations francophones finissent donc
presque toujours comme le montre l’extrait 29. L’employé vient d’expliquer à un visiteur le
chemin et la conversation finit de la manière suivante :
Extrait 29
V1 : merci
E1 : de rien au revoir
V1 : au revoir
Corpus FR conversation 19
La seule possibilité de variation, c’est l’ajout d’un appellatif tel que « madame » ou
« monsieur », mais ce procédé est plutôt rare : des 51 salutations en séquence de clôture, il y en
n’a que 3 qui ont la forme de « au revoir + monsieur/madame » (5,88%). En outre, de tels
échanges sont seulement réalisés par les employés. Tous les visiteurs francophones ont donc
utilisé la forme simple « au revoir ».
Examinons alors le comportement des néerlandophones sur le plan des salutations. Au total,
nous avons dénombré 28 salutations, ce qui un chiffre beaucoup moins élevé que celui des 52
66
salutations francophones. Or, les néerlandophones peuvent faire, à nouveau, appel à un éventail
plus vaste de salutations. C’est ce que montre le graphique 10 :
Graphique 10 : Paradigme des salutations clôturantes NL
Nous avons dénombré 4 types de salutations : « tot ziens », « daag », « goeiedag » et
« salu ».18
La forme « salu » est une variante informelle et n’apparaît qu’une fois dans le corpus
où elle est utilisée par un visiteur. Cette salutation n’est en tout cas pas une salutation
prototypique dans une conversation dans un office de tourisme ce qui est dû à son caractère
informel. Comme nous l’avons expliqué dans l’état de la question, les conversations dans les
offices de tourisme sont des conversations polies : une telle forme n’y est donc pas vraiment à
sa place.
La forme est apparue dans une brève conversation enregistrée à Ostende où un homme avait
demandé un sac. L’homme avait un âge entre 40 et 50 et l’employé et lui ne se connaissaient
pas. Nous fournissons la conversation entière afin de mieux pouvoir expliquer la présence de la
forme « salu ».
Extrait 30
V1 : goeiedag
E1 : goeiedag
V1 : zou ‘k een plastieken zakje X ?
V1 : en dat daarin steken
E1 : een ?
E1 : een draagtasje ja
V1 : een draagtasje ja op z’n Nederlands ja een draagtasje (rire)
E1 : zo alsjeblieft
18
Nous considérons « goeiedag » égal à la forme « goede(n)dag ».
0
2
4
6
8
10
12
14
16
tot ziens daag goeiedag salu
Paradigme des salutations clôturantes NL
EMPLOYE
VISITEUR
TOTAL
67
V1 : dankuwel merci danku
V1 : salu hé
Corpus NL conversation 22
La seule explication pour la présence de « salu » que nous pouvons déduire de cet extrait est
la présence de plusieurs rires de la part du visiteur. Ces rires ont probablement brisé la glace
dans ce contexte plutôt formel si bien que l’homme a probablement fait appel sur la variante
informelle « salu », mais ceci n’est qu’une hypothèse.
En général, nous pouvons déduire du graphique 10 que la salutation « daag » est la forme
la plus fréquente dans le corpus néerlandophone (53,57%). Pour le visiteur, c’est manifestement
la formulation la plus courante avec 9 attestations sur 11 salutations.
Extrait 31
V1 : danku vriendelijk hé
E1 : daag
V2 : daag
Corpus NL conversation 16
Dans cet extrait, un groupe de Flamands avait demandé des informations sur une exposition
et l’interaction est close par la salutation « daag ». Pour l’employé néerlandophone, « daag » est
aussi fréquent que « goeiedag » (6 occurrences) et la forme « tot ziens » est également apparue
5 fois dans le corpus. A première vue, l’employé néerlandophone n’a donc pas vraiment une
salutation préférée car il varie entre ces trois formes. Toutefois, il est remarquable que ces
formes, « tot ziens » et « goeiedag », soient uniquement réalisées par les employés (à
l’exception d’un « tot ziens » d’un visiteur).
Par ailleurs, la salutation clôturante « goeiedag » semble être une forme typique de
Louvain : ainsi, 5 des 6 occurrences de ce type sont produites par l’employé de Louvain.19
Evidemment, nous ne pouvons pas faire des généralisations étant donné le nombre restreint de
données. L’exemple ci-dessous montre que « goeiedag » apparaît dans les mêmes contextes que
« daag ».20
Un homme a demandé plus d’informations sur le début et sur la fin du marché de
Noël à Louvain. Après avoir reçu ces informations, la conversation finit ainsi :
Extrait 32
V1 : bedankt hé
E1 : ja graag gedaan
19
Comme nous n’avons qu’enregistré les interactions d’un seul employé et les visiteurs, les réalisations
de « goeiedag » sont donc le produit d’un seul locuteur. En d’autres termes, il se peut que l’emploi de
« goeiedag » soit une caractéristique énonciative de cet employé qui ressort de son idiolecte. 20
Evidemment, « dag» dans « goeiedag » est précédé par « goeie ». Le résultat est en quelque sorte un
vœu, mais les locuteurs ne ressentent plus cette signification votive.
68
V1 : daag
E1 : goeiedag
Corpus NL conversation 38
La forme « tot ziens » est utilisée comme salutation clôturante et apparaît également dans
les mêmes contextes comme « daag » et « goeiedag ». Cependant, comme c’est le cas pour
« goeiedag », « tot ziens » semble être une forme typique de l’employé. Des 6 cas repérés dans
notre corpus, il y en a 5 qui sont produits par l’employé. Or, à l’inverse de « goeiedag », la
forme « tot ziens » est produite surtout dans les conversations enregistrées à Ostende (5 à
Ostende, 4 réalisations de l’employé et 1 réalisation du visiteur vs. 1 à Louvain de l’employé).
Dans l’extrait ci-dessous, un couple demande plus d’information sur l’exposition de Jan
Hoet. Ils reçoivent plus d’information et ils décident d’acheter deux tickets. Après cet achat, ils
sont satisfaits et la conversation peut être close :
Extrait 33
V2 : voila
V2 : bedankt hé
E1 : tot ziens hé
Corpus NL conversation 16
Tout bien considéré, nous pouvons conclure que « daag » est la variante la plus neutre dans
le corpus néerlandophone, utilisée à la fois par les visiteurs et par les employés pour finir
l’interaction. En outre, c’est une forme qui est apparue dans les deux offices examinés (à
Ostende et à Louvain). A côté de « daag », « tot ziens » et « goeiedag » sont d’autres salutations
clôturantes qui sont employées fréquemment par les locuteurs et ils apparaissent dans les
mêmes contextes de « daag ».
Toutefois, il y a des différences : premièrement il y a la différence géographique. Ainsi, la
salutation « goeiedag » est surtout utilisée à Louvain tandis que la forme « tot ziens » est surtout
employée à Ostende. Deuxièmement, ce sont deux formes qui sont presque uniquement utilisées
par les employés. Les visiteurs font surtout appel à la forme neutre « daag ».
Evidemment, comme nous l’avons déjà remarqué, nous ne pouvons pas généraliser ces
constatations étant donné le nombre réduit de données, mais ce sont en tout cas des tendances
frappantes qui peuvent être examinées à l’avenir.
Après avoir regardé de plus près les salutations clôturantes, nous examinons ensuite la
présence des vœux dans nos corpus (2.3.3.4.).
69
2.3.3.4. Les vœux
Le vœu permet de souhaiter quelque chose à quelqu’un et nous avons montré dans l’état de
la question qu’un vœu peut être une composante de la séquence de la clôture. Or, au vu du
tableau suivant, cette composante n’est pas représentée de la même manière dans les deux
corpus :
Corpus NL Corpus FR
Employé Visiteur Employé Visiteur
1 2 5 8 Total : 3 Total : 13
Tableau 6 : Nombre de vœux dans le corpus NL et FR
En effet, l’emploi des vœux est assez rare dans les deux corpus, mais dans le corpus
néerlandophone sa présence est vraiment exceptionnelle. De plus, tous les vœux dans le corpus
néerlandophone sont réalisés dans le bureau de Louvain. Dans les graphiques ci-dessous, nous
voyons la distribution précise des types de vœux qui sont employés. Nous traiterons d’abord de
la distribution dans le corpus francophone et nous nous concentrons ensuite sur celle du corpus
néerlandophone.
Graphique 11 : Paradigme des vœux FR
Comme le graphique le montre, le vœu « bonne journée » est le vœu le plus fréquent pour
les employés et pour les visiteurs francophones. Ce vœu est présent dans l’extrait 34 ci-dessous.
Extrait 34
V1: voilà
E1: merci bien monsieur
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
bonnejournée
à vous aussi bonne finde journée
bonnesoirée
bonweekend
Paradigme des voeux FR
employé
visiteur
total
70
V1: bonne journée au revoir
E1: merci vous aussi au revoir
Corpus FR conversation 38
Le contexte de l’interaction est le suivant : un homme cherche des promenades à faire à
Namur. Il est sans doute satisfait par les informations reçues et pour cette raison il souhait
probablement l’employé une bonne journée.
Les autres vœux repérés dans le corpus n’ont qu’un nombre de 1 ou 2 attestations. Ceci est
dû, selon nous, au fait que ce sont des formes plus spécifiques de la variante neutre « bonne
journée ». Premièrement, « à vous aussi » est un simple écho d’un autre vœu. Cette forme est
également présente dans l’extrait 34 ci-dessus. Deuxièmement, les formes « bonne fin de
journée » et « bonne soirée » peuvent seulement être produites dans l’après-midi vers 17h ou
18h. Cet emploi est par exemple exclu au cours de la matinée. Finalement, « bon weekend » est
un vœu qui s’utilise seulement le vendredi ou le samedi.21
Tout cela est très logique, mais c’est
la raison pour laquelle le nombre d’attestations de ces formes est tellement bas. Finalement, les
visiteurs francophones ont utilisé plus de vœux en comparaison des employés.
L’emploi des vœux dans le corpus néerlandophone, par contre, est très rare. Il y a une
occurrence de l’employé et deux occurrences des visiteurs. En outre, les occurrences du visiteur
proviennent du même locuteur.
Regardons d’abord de plus près la distribution précise des trois vœux produits :
Graphique 12 : Paradigme des vœux NL
Comme le graphique le montre, il n’y a que trois types de vœux qui sont employés, et
chaque type n’apparaît qu’une fois. En outre, ce sont trois types qui divergent beaucoup sur le
plan sémantique : dans le corpus francophone, tous les types se rapprochent plus ou moins sur le
plan sémantique ce qui est également visible dans la composition des mots (« bonne journée »,
« bonne soirée », « bon weekend » et « bonne fin de journée »). Seule la forme « à vous
aussi » est une exception à ce niveau.
21
Les jours d’enregistrement se sont toujours déroulés le vendredi ou le samedi. Cela explique la
présence de ces vœux dans le corpus.
0
0,5
1
1,5
veel plezier fijne avond smakelijk
Paradigme des voeux NL
employé
visiteur
total
71
Finalement, 2 des 3 vœux dans le corpus néerlandophone proviennent du visiteur, le
troisième est produit par l’employé. Nous discuterons un extrait néerlandophone dans lequel le
vœu « veel plezier » est présent (l’extrait 35). Il s’agit d’un couple qui vient d’acheter des
tickets pour une certaine promenade à Louvain. Le vœu « veel plezier » est donc orienté sur
cette promenade.
Extrait 35
V1 : oké ja dankuwel
V2 : ja oké bedankt
E1 : alstublieft veel plezier
V1 : daag
E1 : goeiedag
Corpus NL conversation 32
Il est évident que nous ne pouvons pas généraliser ces résultats vu qu’il s’agit d’un nombre
très réduit d’occurrences. Mais ce que nous pouvons conclure avec certitude, c’est que les
francophones belges tendent à utiliser plus de formules votives à l’opposé des néerlandophones.
2.3.3.5. Les remerciements
La section des remerciements est divisée en 4 parties. Premièrement, nous offrons quelques
chiffres globaux (2.3.3.5.1.) qui sont indispensables pour la suite de l’étude du remerciement.
Deuxièmement, nous regarderons de plus près les types de remerciements (2.3.3.5.2.) qui sont
utilisés dans nos corpus en nous appuyant sur la classification établie dans 2.2.2.3. Les réactions
aux remerciements seront au cœur de la troisième partie (2.3.3.5.3.). Finalement, nous traiterons
également les conversations qui n’ont pas de remerciement en séquence de clôture (2.3.3.5.4).
2.3.3.5.1. Chiffres généraux
Nous examinerons seulement le remerciement en séquence de clôture bien que nous
sachions que cet acte de langage peut apparaître également à d’autres endroits dans la
conversation. Regardons tout d’abord quelques chiffrés généraux pour les remerciements dans
nos corpus :
72
Remerciements # NL # FR
Employé 15 25
Visiteur 39 45
Total 54 70
Moyenne NL FR
# par conversation 1,35 1,75
Tableau 7 : Chiffres généraux pour les remerciements dans les deux corpus (NL/FR)
La première partie du tableau donne le nombre de remerciements en chiffres absolus. A
première vue, les francophones utilisent davantage de remerciements (70) comparés aux
néerlandophones (54). Or, il convient de signaler que ces chiffres ne tiennent pas encore compte
du nombre de participants (cf. le tableau 8). Dans les deux corpus, ce sont les visiteurs qui
réalisent le plus de remerciements, ce qui est normal : en effet, l’employé rend un service en
faveur du visiteur qui reçoit en quelque sorte un cadeau. C’est ainsi que les moyennes suivantes
sont obtenues : dans les interactions néerlandophones, il y a en moyenne 1,35 remerciement par
conversation. Dans les interactions francophones, par contre, il s’agit d’un chiffre un peu plus
élevé, à savoir 1,75.
Ces chiffres diffèrent beaucoup de l’analyse de Kerbrat-Orecchioni (2008b : 139-140)
concernant les interactions commerciales dans une boulangerie à Lyon. Elle a constaté chez les
Français qu’il y a 3,5 remerciements par interaction. Même si notre analyse ne se situait pas
dans un contexte purement commercial mais plutôt dans le contexte de service, nous pouvons
déjà déduire de ces chiffres que les Belges remercient donc plus moins dans un office de
tourisme que les Français dans une boulangerie (Kerbrat-Orecchioni 2008b).22
Regardons de plus près les moyennes par personne :
# moyenne de remerciements
par personne
NL FR
Employé 0,63 0,90
Visiteur 0,38 0,50
Total 0,53 0,70
Tableau 8 : Les moyennes des remerciements par personne (NL/FR)
Ce tableau confirme que les francophones utilisent plus de remerciements par personne que
leurs compatriotes flamands bien que les différences ne soient pas énormes.
2.3.3.5.2. Types de remerciements
Le corpus francophone fait apparaître une préférence très nette pour la forme elliptique
« merci ». Cette forme est utilisée dans 70,37% des remerciements. La forme « merci » semble
donc être la forme prototypique pour exprimer un remerciement comme le montre l’extrait 36.
22
Nous disons « pas purement commercial » parce que dans un office de tourisme il y a également la
possibilité d’acheter des objets (des tickets, des guides de promenade et cetera). Cependant, la fonction
principale est rendre service aux visiteurs au lieu de vendre quelque chose.
73
Extrait 36
V1 : Oui oui oui je sais mais bon je ne sais pas à quelle heure je reviens de Bruxelles hein voilà (rire)
V1 : merci
V2 : merci
E1 : de rien au revoir
Corpus FR conversation 11
A côté de la forme « merci », les locuteurs francophones font également recours à d’autres
formes comme l’illustre le graphique 13.
Graphique 13 : Paradigme des remerciements FR : les types
Comme le montre le graphique, « merci beaucoup » est une autre forme qui est utilisée
fréquemment par les visiteurs. Le graphique montre également que les formulations directes
sont beaucoup plus fréquentes que les formulations indirectes. En outre, dans la catégorie des
formulations directes, nous retrouvons seulement les elliptiques (« un gros merci », « merci à
vous », « merci bien », « merci beaucoup » et « merci »). Nous n’avons rencontré aucune
formule performative telle que « je te remercie ».
Par ailleurs, nous avons signalé dans l’état de la question que le remerciement en français
est souvent exprimé « sur le mode de l’hyperbole » (Kerbrat-Orecchioni 2008b : 136) et, en
effet, ces formes sont présentes dans nos données mêmes si elles ne sont pas tellement
nombreuses (1 occurrence de « un gros merci » et 1 occurrence de « un grand merci »). Il est
remarquable que dans ces constructions, la forme « merci » soit employée comme un substantif.
Ceci est impossible en néerlandais : « * een grote danku », « *een grote bedankt ». Par contre,
« een grote dankuwel » semble déjà plus acceptable. Voici quelques exemples de Google :
0
8
0
0
1
0
0
0
0
0
0
30
8
1
1
1
1
1
1
1
0
38
8
1
2
1
1
1
1
1
0 5 10 15 20 25 30 35 40
formule performative
merci
merci beaucoup
un grand merci
merci bien
merci à vous
un gros merci
super
c'est parfait
c'est super
Dir
ect
Ind
irec
t
Paradigme des remerciements FR: les types
TOTAL
VISITEUR
EMPLOYE
74
Een grote dankuwel aan iedereen die mee hielp aan “The Spark”.23
Een grote dankuwel aan Ward D'hoore voor het filmpje!24
Dikke proficiat voor de VZW Mol en een grote dankuwel.25
Cependant, de tels types d’expressions sont absents dans notre corpus néerlandophone.
Voici un des exemples du mode de l’hyperbole du corpus francophone (l’extrait 37). Dans cet
extrait, une femme est à la recherche des petits guides de Liège avec suffisamment de photos et
elle les reçoit de sorte qu’elle est extrêmement contente.
Extrait 37
V1 : super
V1 : voilà un grand merci et bonne journée
E1 : de rien
E1 : merci à vous aussi
Corpus FR conversation 6
Tournons-nous maintenant vers les données néerlandophones (le graphique 14). Ici, la
forme elliptique « dankuwel » est la forme la plus fréquente avec 13 occurrences (31,71% du
total des remerciements).
Cette forme ne correspond pas vraiment à la forme « merci » du français, mais plutôt à
« merci bien », ce qui est une forme renforcée de « merci ». Toutefois, la forme « merci bien »
est très rare dans le corpus francophone (3,70% des remerciements) tandis que la forme
« dankuwel » est très fréquente dans le corpus néerlandophone (31,71%).
Graphique 14 : Paradigme des remerciements NL : les types