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Études caribéennes 27-28 (Avril-Août 2014) Mondes insulaires : espaces, temporalités, ressources ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Olivier Dehoorne Les petits territoires insulaires : positionnement et stratégies de développement ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Olivier Dehoorne, « Les petits territoires insulaires : positionnement et stratégies de développement », Études caribéennes [En ligne], 27-28 | Avril-Août 2014, mis en ligne le 11 avril 2015, consulté le 14 avril 2015. URL : http:// etudescaribeennes.revues.org/7250 ; DOI : 10.4000/etudescaribeennes.7250 Éditeur : Université des Antilles et de la Guyane http://etudescaribeennes.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://etudescaribeennes.revues.org/7250 Document généré automatiquement le 14 avril 2015. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. © Tous droits réservés
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Les petits territoires insulaires positionnement et strategies de developpement

Apr 04, 2023

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Études caribéennes27-28  (Avril-Août 2014)Mondes insulaires : espaces, temporalités, ressources

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Olivier Dehoorne

Les petits territoiresinsulaires : positionnement etstratégies de développement................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'éditionélectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

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Référence électroniqueOlivier Dehoorne, « Les petits territoires insulaires : positionnement et stratégies de développement », Étudescaribéennes [En ligne], 27-28 | Avril-Août 2014, mis en ligne le 11 avril 2015, consulté le 14 avril 2015. URL : http://etudescaribeennes.revues.org/7250 ; DOI : 10.4000/etudescaribeennes.7250

Éditeur : Université des Antilles et de la Guyanehttp://etudescaribeennes.revues.orghttp://www.revues.org

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Études caribéennes, 27-28 | Avril-Août 2014

Olivier Dehoorne

Les petits territoiresinsulaires : positionnement et stratégies dedéveloppementIntroduction

1 A l’orée du XXIe  siècle, les petites îles font l’objet d’une attention particulière portée parles préoccupations en matière de changement climatique comme lors du Sommet de laTerre (Rio de Janeiro, 1992) puis de la Conférence des Nations Unies sur le développementdurable des petits États insulaires en développement (Barbade, 1994). Le monde prendconscience de la situation singulière des petits Etats insulaires en développement (PEID)1. Lecontexte est propice à la construction d’un lobbying spécifique, médiatisé à loisir par quelquesinterventions politiques spectaculaires2, qui confine l’île dans sa vulnérabilité, son inéluctablefragilité3 ; ce destin insulaire nourrit d’autant plus notre désarroi qu’il semble prophétiser ledevenir du monde.

2 Les regards portés sur les territoires insulaires sont une suite de projections. Ils furentlongtemps abordés avec la nostalgique qui amalgame des bribes de souvenirs et la compassionpour les reliquats de communautés insulaires frugales, encore épargnées par la modernité.Ultimes confins, relativement préservés des stigmates de l’industrialisation du monde,ces territoires insulaires deviennent de précieux  hotspot  de la biodiversité qu’il convientde sanctuariser, de figer tels d’éternels témoins d’une époque révolue. Prolongeant cesprojections, ces territoires sont de fragiles paradis touristiques, eux aussi promis à unedisparition accélérée. Au final, la suite des projections qui s’imposent sur ces territoires faitabstraction des dynamiques intrinsèques, des ressources humaines propres à l’île. L’île nesemble avoir d’existence qu’au regard de sa matrice qu’est le continent. Les capacités etles potentialités des îles sont toujours jaugées à travers un référentiel extérieur, fruit d’uneprojection continentale inscrite dans une longue suite de dominations qui se plaisent à donner,selon leurs propres besoins et représentations du monde, des fonctions et des utilités aux îles.

3 Mais l’île, ultime éden -entre paradis touristique des uns et sanctuaire naturel des autres- estaussi un territoire, parfois avec sa propre gouvernance -indépendante, autonome, etc.-, avecdes populations qui ont une conscience territoriale et leur propre projet. Certes, il y a toujoursdes relations privilégiées avec les puissances métropolitaines, mais dans un environnement quise décloisonne, où le poids historique des relations unilatérales édifiées à l’époque du partagecolonial s'estompe  ; la relation de dépendance envers une domination continentale uniqueévolue au gré des opportunités de la mondialisation. Il s’agit donc d’analyser l’évolution despetites îles, de prendre toute la mesure du territoire insulaire dans son positionnement et dansla définition de ses stratégies pour répondre au défi de l’économie mondialisée et se glisseropportunément dans les interstices de la mondialisation.

1. L’île dans son contexte de développement4 Les îles recouvrent des réalités diverses, tant sur le plan de la géographie physique que

des données socio-économiques. Leurs statuts politiques (indépendantes, semi-indépendantesou sous domination d’une métropole extérieure), leurs degrés d’isolement, de proximité oud’éloignement vis-à-vis des rivages continentaux ou insulaires, et des grandes lignes maritimes-qui influent directement sur le coût des transports-, sans oublier les limites de leur marchéintérieur, sont autant d’aspects qui complexifient et diversifient les destins des petites îles(Huetz de Lemps, 1989 ; Sanguin, 1997 ; Taglioni, 2006 ; Apostolopoulos et al., 2002 ; Hall,2010 ; Duvat et Magnan, 2011).

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1.1. Les premiers constats : éloignement, exiguïté, faiblesse dumarché intérieur, surcoût des transports

5 De nombreux travaux ont mis en évidence les limites communes des territoires insulaires dansleur développement (Doumenge, 1983, 1984, 1985 ; Depraetere, 1990-1991 ; Huetz de Lemps,1994 ; Logossah et  Maupertuis, 2007) ; des limites et autres contraintes qui nécessitent desadaptations, des contournements selon les dispositions de chaque territoire (Poirine, 1993,1995). Elles contraignent, prédisposent, orientent les perspectives de développement  ; leurprise en compte est essentielle dès la construction des stratégies (Connell, 1988 ; Baldacchinoet Milne, 2000 ; Baldacchino, 2006, 2010 ; Poirine, 2007).

6 L’aspect le plus commun est l’isolement, le constat d’un éloignement, variable selon lasituation des territoires. La rupture physique nécessite une adaptation de modes de transportavec des coûts plus onéreux. Subséquemment, l’isolement renvoie à l’image d’un morceaude terre, plus ou moins étroit, marqué par l’exiguïté qu’il convient de mettre en corrélationavec sa charge de population pour véritablement prendre la mesure du poids de l’île –de la petite île urbanisée à l’île «  inhabitée  ». Il en résulte des contraintes spatiales, deslimites dans les projets d’aménagement. Certes, tous les contournements sont possibles, desconstructions pharaoniques sont toujours imaginables (de la construction de simples terre-pleins à l’édification d’îles artificielles), mais il y aura toujours un surcoût qui devra être prisen compte dans le projet.

7 Outre l’exiguïté (donc les limites physiques), les économies insulaires sont construites surdes marchés intérieurs réduits qui ne permettent pas d’effectuer les économies d’échelle duniveau de celles réalisées par les gros producteurs continentaux4. Les économies insulairesne sont pas en mesure de supporter la concurrence sur les marchés des produits courants,indifférenciés, à faible valeur ajoutée. A ce titre, il est intéressant de regarder l’évolutionrécente du secteur économique de la banane dans les îles des Antilles dans un contextelibéralisé qui n’autorise plus le maintien d’accords préférentiels avec leurs métropoles deprédilection respectives. Les bananes produites et exportées par quelques gros producteursaméricains continentaux s’imposent sans difficulté à l’échelle mondiale face à la productionéclatée des îles antillaises qui doivent individuellement démultiplier leur logistique pourexporter de faibles quantités de bananes, donc plus coûteuses. Ce type de combat est perdud’avance, les soutiens financiers (par des politiques de subventions renouvelées) ne sont pas enmesure de composer les avantages comparatifs des gros producteurs ; les quelques alternativesviables pour ces petits territoires faiblement compétitifs sur des produits courants passent parune montée en gamme qui autorise de meilleures plus-values. Il est ainsi des survivances d’unmodèle économique révolu qui végètent dans certaines îles françaises des Antilles grâce à destransferts économiques sans croissance (De Miras, 1986) qui caractérisent ses économies sousperfusion.

8 Les surcoûts dans le domaine des transports sont incontournables en raison de la discontinuitéphysique qui caractérise les îles. Comme le souligne Péraldi (2002), il convient de distinguerla situation des îles de celle des autres régions périphériques continentales : dans les îles, « ladistance géographique est soumise à la "distance-accès" d'où la forte dépendance de l'activitéproductive vis-à-vis du secteur des transports maritimes ou aériens ». Le coût des transports estun facteur important dans les choix des spécialisations : le contournement de ce handicap passepar l’exportation de produits ayant un faible coût de transport ou par l’exportation de biensde valeur qui rendent le prix du fret négligeable (comme dans l’exemple de l’exportation desperles noires en Polynésie française) (Poirine, 2007). Outre la valeur des productions exportéesqui doit permettre de dégager des marges suffisantes (pour compenser le surcoût en matièrede transport), il est aussi possible d’imaginer de judicieuses combinaisons entre différentesspécialisations qui permettent l’utilisation commune d’avions, à la fois pour le transport destouristes et pour l’exportation de diverses plantes rares (exotiques et biologiques, médicinales.)–le foyer métropolitain émetteur de touristes étant aussi l’importateur de ces divers produits.

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Figure 1.  L'île de Manus : l’Alcatraz du Pacifique ?

Manus est l'île principale des îles de l'Amirauté, située à 300 km au large des côtes nord de Papouasie Nouvelle-Guinée.Cette île périphérique de la Papouasie Nouvelle-Guinée abrite un centre de rétention offshore pour demandeurs d'asile,en partenariat avec le gouvernement australien et prochainement une prison de haute sécurité (réservée aux détenusjugés dangereux qui purgent des peines d'emprisonnement souvent à vie)5.Source : Google earth, capture d’écran.

1.2. Configuration et positionnement opportun9 Le rappel des différents aspects limitants est nécessaire pour comprendre les choix de

développement ; certains handicaps s’imposent, des contraintes se précisent et prédisposentla construction des stratégies territoriales.

10 La permanence d’une relation dominé/dominant avec des puissances métropolitaines peutprocurer certains avantages pour des économies insulaires passives. L’intégration d’une île,à différents degrés -selon son statut juridique-, dans une logique territoriale dessinée parune puissance extérieure, s’accompagne de transferts économiques et financiers divers, souscouvert d’une politique de « continuité territoriale » ou de « rattrapage économique ». Lesdiverses aides publiques et autres transferts sociaux provenant de la puissance métropolitainepeuvent entretenir une économie de rente administrative à l’image de cette des îles de l’Outre-mer français (Poirine, 1993). Il en résulte une situation de dépendance -sans doute sécurisante-qui permet atténuer la vulnérabilité du territoire. La puissance métropolitaine édifie desmécanismes spécifiques pour protéger l’île du vaste monde et l’isole au profit de sa seulelogique, par exemple avec des taxes exceptionnelles sur les importations, toujours dans lesîles de l’Outre-mer français, connues sous le nom « d’octroi de mer ». Ces taxes, destinéesà « compenser les déséquilibres » et « protéger les productions locales de la concurrence »depuis plus d’un siècle et demi6  contribuent de fait au maintien de certains monopoleset autres économies de rente qui sclérosent ces économies insulaires -parfois aux alluresanachroniques-, en rupture avec leur voisinage géographique immédiat et ignorantes de leurenvironnement régional.

11 Outre les aides et les transferts divers dont bénéficient les îles intégrées (comme la Martinique,la Guadeloupe, les îles Féroé, les Malouines, etc.), d’autres îles peuvent tirer avantage de leursituation géographique « intéressante », par exemple lorsque leur situation dite « éloignée »est perçue par une puissance métropolitaine comme un « éloignement optimal » pour répondreà des fonctions spécifiques telle la détention de populations indésirables dans la métropole.C’est ici la permanence du concept de « l’île prison » rénové, il convient désormais de parler de« centres de rétention offshore » comme ceux des îles de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée)(cf. Figure1) et de Nauru au service de la politique migratoire de l’Australie –la puissance

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métropolitaine y refoule les immigrants indésirables dans de discrets bouts du monde dotésd’un aéroport indispensable pour leur transfert7.

12 D’autres îles bénéficient aussi d'une rente de situation en raison leur localisation stratégique,ancienne ou revisitée dans la géopolitique du XXIe siècle, à l’image du déploiement des basesmilitaires des Etats-Unis de l’archipel d’Hawaii (l’île d’Oahu, 1887) à l’île de Guam (1944)et plus récemment de Diego Garcia (archipel des Chagos, 1971). Parfois, l’île est en mesurede négocier cette rente de situation (rente naturelle ou géostratégique) et de tirer profit deses « services publics », invisibles (Poitrine, 1993) ; il y a alors « négociation autour d’unconsentement mutuel avec la rétribution par le pays tutélaire d’un service non-marchand –dans le sens où il n’y a pas de marché » (De Miras, 1997). Dans d’autres cas, l’accord sur lebénéfice de ladite rente s’opère directement au niveau de deux puissances métropolitaines quise partagent des archipels, des îles et îlots, avec leurs intérêts stratégiques, et les populationsautochtones du lieu, encombrantes, invisibles, sans reconnaissance politique internationale,sont tout simplement déportées sur d’autres îles comme lors de l’édification de la base deDiego Garcia incompatible avec la moindre présence civile8.

13 De la sujétion à l’affranchissement, il s’agit pour le territoire insulaire de construire lesconditions de sa compétitivité qui passe par une spécialisation intelligente, une stratégie dedifférenciation qui joue adroitement des spécificités du territoire –au besoin en s’appuyant surdes aspects identitaires porteurs de valeur ajoutée- tout en contenant les effets des handicapsidentifiés. Ces économies parmi les plus ouvertes au monde sont très sensibles aux chocsexternes (Poirine, 2007). Entre adaptation et opportunisme, il s’agit de se positionner sur desmarchés de niche pour être compétitif sur le plan mondial et d’exporter des produits et desservices avec une valeur ajoutée significative.

14 Dans ces trajectoires de développement, le secteur touristique s’est rapidement imposé commeune spécialisation plutôt aisée au regard de la généreuse dotation en ressources naturelles(mer, plage, soleil, etc.) confortées par la projection de solides ressources intangibles (Cazes,1989; Baum, 1997 ; Hall, 2010). Sous l’angle touristique, des contraintes telles l’isolement,l’éloignement, l’exiguïté du territoire peuvent devenir des facteurs attractifs (Algieri, 2006).La spécialisation touristique peut constituer dans une certaine mesure une réponse appropriée,sous réserve de se préserver de flux de visiteurs trop massifs, inadaptés aux réalités physiquesde ces petits territoires  ; soulignons que le tourisme de masse s’inscrit dans le registredes productions courantes, indifférenciées et conduit inéluctablement à une dépréciation dela destination et subséquemment à une perte de la valeur ajoutée (Dehoorne, 2007). Lepositionnement touristique de ces petits territoires est davantage celui des secteurs du haut degamme et du luxe (Theng, 2014).

15 Ces territoires longtemps négligés par les investissements directs étrangers (Brewer et Rivoli,1990 ; Alkan, 1992) deviennent désormais des places attractives (Baldacchino et Milne, 2000 ;Baldacchino, 2006 ; Hampton et Christensen, 2007). A l’écart des lumières du monde, ces lieuxdiscrets peuvent être d’avantageux paradis fiscaux tels certaines îles des Antilles néerlandaises,les archipels des Bahamas et des Bermudes, les îles Caïmans... Finalement, l’attractivitédes lieux et la convergence d’intérêts internationaux sur ces petits territoires insulaires leuroctroient une ultime richesse fondamentale : la terre, la valeur du foncier. En effet, l’exiguïtéqui induit un foncier réduit, limité, donc rare, alimente une surenchère foncière et immobilièredans le lieu élu. Cette rareté convoitée devient une source de richesse et en l’espace de deux outrois décennies, le rude quotidien d’îlots rocailleux se voit bouleversé par un afflux de capitauxinternationaux, entre plus-values et placements immobiliers9.

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Figure 2- Le développement des petites îles : contexte et configuration

16 Les trajectoires de développement des territoires insulaires sont très diverses, allant desréussites exemplaires aux échecs riches d’enseignements. Outre les contraintes structurellescommunes, plus ou moins pesantes selon les situations, la définition du positionnementoptimal de l’île nécessite de croiser plusieurs variables comme le poids spécifique du territoire(qui consiste à prendre sa mesure en croisant la superficie, la charge de population, lesniveaux de vie et de consommation –et l’intégration d’autres indicateurs socio-économiquesplus spécifiques permettant d’affiner le profil), son degré d’isolement et son statut juridique.L’analyse du contexte de développement entrecroise les aspects d’ordre économique,géographique, socioculturel, politique et historique. Le poids de l’histoire ne doit pas êtresous-estimé  ; dans nombre de cas, ses stigmates permettent d’appréhender la complexitédes jeux d’acteurs actuels. Parfois s’opposent différents groupes de populations, certainesplus natives que d’autres ; les contestations et la paralysie d’un projet peuvent résulter d’unaccaparement historique des terres et des différents leviers de pouvoir par un clan privilégiéou tout simplement un groupe d’individus qui s’appuient sur des relais et soutiens extérieurs.Inversement, certains jeunes territoires indépendants peuvent être portés par une stimulanteprise de conscience d’un destin partagé et développer un sentiment de communauté face audéfi du monde10.

17 A partir de ce socle territorial (qui collige ces différentes données), les termes dudéveloppement du territoire insulaire se précisent dans sa configuration, entre le poids desdonnées structurelles et le champ des dynamiques et interactions possibles : l’île peut s’inséreropportunément dans son voisinage immédiat, s’intégrer dans son environnement régional ets’ouvrir sur l’économie mondiale (cf. Figure 2).

2. Crises, recomposition et temporalités plurielles

2.1. Crises et pas de temps

18 Les crises cristallisent l’attention. Les économies insulaires peu diversifiées, souventdominées, sont particulièrement vulnérables à la conjoncture internationale. La crise signifiela fin d’une trajectoire, la fin de la projection d’un rythme de croissance escompté. C’estla rupture brutale, soudaine, d’une séquence temporelle qui signifie la destruction d’un état.La crise ouvre une nouvelle séquence temporelle qui est une phase de transition entre deuxétats (Dubar, 2011). De fait, elle constitue un moment de remise en cause d’une trajectoireconfrontée à des blocages, des limites, des impasses –plus ou moins faciles à identifier. Cetteremise en cause est un moment souvent douloureux sur les plans social comme économique(avec son lot de faillites, de chômage, de troubles sociaux, d’instabilités politiques…), mais

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la crise est aussi un temps transitoire de recomposition, de redéfinition d’une stratégie -d’unerévision des ressources endogènes au regard de la conjoncture-, d’une adaptation opportunequi ouvre sur une nouvelle séquence de développement.

19 Il est intéressant d’analyser les positionnements présents des territoires insulaires dans leurperspective temporelle selon que ce F. Braudel appelle « la décomposition de l’histoire enplans étagés ». Leur trajectoire peut être décomposée en séquences temporelles successivespermettant d’identifier l’enchainement des différentes phases avec leurs mécanismes detransformation. Ces pas de temps permettent de contextualiser leurs évolutions, d’un staded’un isolement initial -relatif ou réel- à des stades d’intégration graduelle dans l’économiemondialisée, et de décortiquer « les modes de constructions des mondes du temps, qu’ils’agisse de mondes façonnés par la dynamique des interactions ou alors de mondessitués sur des degrés d’échelles fort différents » (Urry, 1994, cité par Lallement, 2008).L’appréhension des pas de temps n’est pas sans nous interpeler sur « le principe de pluralitétemporelle  » (Kayser, 1990  ; Chesneaux, 1996  ;  Hartog, 2003  ; Lallement, 2008), avec«  l’existence d’étalons de mesure, de références et de pratiques multiples, aux légitimitésvariables, et dont l’usage conjoint ne favorise pas nécessairement la coopération et lacohérence sociales » (Lallement, 2008).

20 En ces « temps de crise (…) frappés d'une crise des temps » (Dubar, 2011), les îles, moinsexposées à la précipitation quotidienne de l’économie mondialisée, peuvent abriter des espacesprivilégiés, relativement préservés, propices pour « prendre son temps » tout en étant connectéau reste du monde : la lenteur, la nonchalance tant décriées des insulaires, tant d’aspectsqualifiés hier d’archaïsmes dans le tumulte de la course à la modernité, sont aujourd’huiaffichés comme un savoir-vivre, un « art de vivre »11 qui interpelle des visiteurs habités parles temporalités urbaines, en quête d’une réappropriation de leur vie personnelle et fraternelle,d’un « temps compagnon » (Chesneaux, 1996). Il s’agit donc de poser l’idée de temporalitésmultiples, avec des discontinuités, de prendre la mesure d’un « temps pluriel », hétérogène, quine renvoie plus à aucune « réalité unique » (Dubar, 2011), ce temps produit social (Elias, 1996).Des temps primitifs, ou préindustriels, à des temporalités post-capitalistes, les communautésinsulaires, dans leur lenteur apparente, construisent consciemment d’autres référentiels.

2.2. Nauru, une traversée chaotique du siècle21 Nauru, située à 420 kilomètres au sud de l’Équateur, est l’exemple même d’une île isolée,

loin de tous les rivages (continentaux et insulaires) : l’île voisine la plus proche, Banaba, està 265 kilomètres, l’archipel de Gilbert à 600 kilomètres, les îles Salomon à 1 600 kilomètreset au-delà, la métropole australienne de Sydney à 4 000 kilomètres (cf. Figure 3). Découverteen 1798, l’île de Nauru fut successivement colonie allemande (1888-1914), puis australienne(1914-1942 et 1945-1968), sans oublier les trois années d’occupation par l’armée japonaise(1942-1945).

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Figure 3. L’île de  Nauru : 420 km2 au milieu du Pacifique

Source : "Nauru on the globe (Polynesia centered)" Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Nauru_on_the_globe_(Polynesia_centered).svg#/media/File:Nauru_on_the_globe_(Polynesia_centered).svg etcapture d’écran “google earth”

2.2.1. La rente du minerai de phosphate22 L’actuelle République de Nauru est donc un petit Etat insulaire de Micronésie. L’île, d’une

forme plus ou moins circulaire, est un ancien volcan recouvert de calcaire corallien. Sonrelief se partage entre une étroite plaine littorale (dont la largeur oscille entre 120 et 300mètres) et un plateau peu élevé (71 mètres pour le point culminant). C’est sur ce plateauqui couvre les quatre cinquièmes de la superficie de l’île que se concentrait le minerai dephosphate, facile à exploiter, considéré comme l’un des plus purs au monde, qui a joué un rôledéterminant dans l’économie de l’île, entre les succès faciles, puis le temps des déboires etde son repositionnement12.

23 L’histoire du développement économique de Nauru commence au début du XXe  siècle,précisément en 1906 avec les débuts de l’extraction du phosphate. Jusqu’alors l’île vivaitdans une certaine frugalité prémoderne, entre les produits de la pêche, de quelques cultureset la récolte du coprah. L’exploitation du phosphate n’a guère profité à la population deNauru pendant les différentes colonisations, mais l’extraction eut rapidement un impact négatifsur les zones naturelles. Ce n’est qu’à partir de l’indépendance de Nauru (1968) et de lanationalisation des ressources que les Nauruans profitèrent de cette richesse  et connurent unerapide modernisation de leur mode vie.

24 La jeune république profite d’une économie de rente, en l’occurrence la rente « phosphatière ».En 1974, elle engrangea 225 millions de dollars australiens de bénéfice grâce à la ventedu minerai. L’augmentation soutenue du cours du phosphate donnait une manne financièreinespérée au début des années 1980, le PIB/habitant de Nauru était alors au second rangmondial, derrière l’Arabie Saoudite (Hugues, 2004). Cette croissance se fit dans le cadred’un étatisme économique. Les profits générés par le minerai profitent à l’ensemble de lacommunauté. L’Etat prenait à sa charge les études de ses ressortissants sur le continentaustralien et pour briser son isolement séculaire, il créa sa propre compagnie aérienne Air-Nauru (en 1972) –qui fut rapidement un gouffre financier.

25 Cette richesse matérielle inespérée précipite l’île dans un consumérisme effréné, entreimportations de véhicules de tout-terrain, de produits manufacturés en tout genre etsuralimentation. La croissance économique soutenue entretient un état d’ivresse. Quelquesplacements sont réalisés dans l’immobilier (en Australie) pour assurer des revenus ultérieurs,mais sans résultat significatif -les jeux du marché sont complexes pour des novices. Il n’y apas de capitalisation significative.

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26 Le réveil est brutal à la fin des années 1990 : la production n’est plus que de 162 000 tonnesen 2001-2002 contre 1 670 000 en 1985-1986. Très vite elle devient résiduelle avec le raclagedes derniers minerais. De la destruction de la forêt tropicale à l’asphyxie du récif corallien, lasituation écologique est dramatique ; la plaine littorale est couverte de constructions plus oumoins diffuses. Une paupérisation brutale s’abat sur le pays confronté à de sérieux défis desanté publique : le taux d’obésité de plus de 71%, le diabète concerne 40% de la population etl’espérance de vie régresse (52,5 ans pour les hommes et 58,2 ans pour les femmes en 2012)13.L’île dépend désormais totalement des importations pour vivre. Une lourde crise s’installe : lechômage touche 90% des actifs (2009), c’est la faillite du pays, tant sur le plan économique,qu’écologique ou sociétale.

2.2.2. De la crise à l’opportunisme, le rebond de Nauru27 Marasme économique, faillite d’un petit Etat insulaire, c’est sur le constat de cet état de

crise que se termine le documentaire de J.R. Salgado (2008), Nauru, une île à la dérive. Etaprès  ? L’instabilité politique s’installe au milieu des désastres économique, écologique,social, sanitaire. Que dire de plus  ? L’exiguïté du territoire, la destruction des ressourcesterrestres et dans les lagons ; quelles perspectives reste-t-il à Nauru ? Son état de petite île,son statut d’Etat indépendant, pour définir un positionnement opportuniste dans l’économiemondialisée.

28 A ce stade, il est intéressant de souligner la divergence de trajectoire avec la petite île voisinede Banaba dont le destin fut assez semblable  jusqu’à la fin des années 1990 : l’extractiondes minerais de phosphates y fit la fortune de compagnies internationales et la fin de sonexploitation laissa l’île en ruine, un désastre écologique et des populations ignorées. Mais l’îlede Banaba n’est pas indépendante ; elle fut intégrée à la République de Kiribati, une périphériedans un vaste archipel périphérique, oublié du monde,  qui regroupe 110  000 personnesréparties sur une superficie terrestre de 811 km2 au milieu de 3 550 000 km2 de territoire marin,sur trois fuseaux horaires, de la Polynésie à la Micronésie. Les 2 300 habitants de Banaba desannées 1970 ne sont plus que 300 et s’intègrent tant bien que mal dans la logique de ce vasteEtat archipel.

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Figure 4. Nauru : la traversée chaotique du XXe siècle

Source : O Dehoorne

29 Dans le cas de Nauru, son statut juridique est essentiel, c’est même la condition décisivepour sortir de la crise et devenir un territoire attractif susceptible de développer denouvelles rentes. D’ailleurs, dès 1992, la jeune République de Nauru demanda réparationà l’ancienne puissance coloniale pour la destruction écologique de l’île –déjà très avancéeà l’indépendance. L’affaire se termina par un règlement à l’amiable et le versement d’undédommagement conjoint de l’Australie, du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande14../Documents/y.island/2.txt.O.D.insularite.Corse/Le texte.docx - _ftn13.

30 Le XXe siècle fut particulièrement bousculé pour cette île qui apparait juste sur la carte dumonde. De la colonisation allemande à la colonisation britannique, de l’attaque par les sous-marins allemands (1941) en passant par les bombardements de l’armée américaine (194KK),de la naïve frugalité à l’évangélisation, de l’extraction de minerai au consumérisme, un siècleprécipité, tumultueux, marqué par le chaos de la Seconde Guerre mondiale, se termine parla faillite dans une souveraineté retrouvée (cf. Figure 4). La sortie de crise se dessine pourNauru à travers un « positionnement opportuniste » (Baldacchino, 2010, 2014) jouant sur deséconomies de rente (Poirine, 1993).

31 La République de Nauru s’appuie sur des remèdes classiques comme les possibilités demigration (vers l’Australie voisine), saisonnière ou définitive, peu prisées par la populationet la vente des ultimes ressources avec les droits de pêche. La situation de crise stimule lessolidarités régionales (non dénuées d’intérêts) avec des aides publiques au développementaccordées par les principaux Etats de la région : l’Australie en premier lieu, Taïwan (le seul« Etat » avec une ambassade à Nauru), le Japon (qui apprécie les positions de Nauru en faveurde l’abrogation du moratoire sur la chasse à la baleine).

32 De l’économie de transfert à l’économie de rente géostratégique, Nauru saisit les opportunitésde son contexte régional par exemple dans le cadre du partenaire avec l’Australie ditde la «  solution du Pacifique  » où l’île accueille un centre de détention d’immigrantsclandestins, indésirables en Australie. Un premier flux d’Afghans arrive ainsi à Nauru

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en 2001. Le partenariat évolue avec la création d’un centre de traitement offshore desmigrants15. L’opération financée par l’Australie devient une nouvelle source de revenus pourNauru qui lui assure 20% de son budget en échange de la surveillance de plus de 1000 réfugiéset de l’octroi d’un visa de cinq ans pour rester à Nauru pour 200 autres, reconnus officiellementréfugiés. Enfin au-delà des différentes possibilités de monnayage de ses votes, de vente depasseports, la diversification économique de Nauru passe aussi par l’optimisation fiscaleinternationale (cf. Tableau 1). Nauru joue habilement des services publics non marchands,géostratégiques, que son statut de petit Etat insulaire lui permet de négocier auprès despuissances Tableau 1. Lastratégie de sortie de crise de la République de Nauru (2010)

Rente migratoire

Migrations définitives (peu) par le biais des filièresmigratoires en AustralieMigrations saisonnières (peu) pour les récoltes enAustralie (dans le cadre du Programme des ouvrierssaisonniers horticoles des pays du Pacifique)

Rente naturelleVente des droits de pêche à des flottes étrangères dansles eaux territoriales ; vente des ultimes ressources deminerais de phosphates

Economie de transfert 

Des aides publiques au développement (APD),principalement australiennes (santé, éducation, sécurité),secondairement des aides venant du Japon, de laNouvelle-Zélande et de Taïwan.

Rente stratégique (Services publics non-marchands,invisibles)

Ouverture d’un centre de détention (migrants clandestins etdemandeurs d’asile) au profit de l’Australie (2001), puis un Centrede Traitement Offshore (Offshore Processing Centres [OPC]) desmigrants (20% des revenus de Nauru)

Optimisation fiscale internationale (au profit de banques,d’entreprises, de particuliers)

Monnayage des votes dans différentes commissions internationales(défense de différentes positions du Japon, de Taïwan, etc.)

Sources : Département des affaires étrangères et du commerce de l’Australie, journal The Age, Wikipédia

33 Il est à noter que l’état de catastrophe écologique et sanitaire demeure, l’île est exiguë etles écosystèmes ne relèvent pas de l’économie virtuelle. Mais Nauru aborde le XXIe siècleavec les atouts des paradis fiscaux. Il ne s’agit pas d’un paradis fiscal d’une grande notoriétéinternationale qui se caractériserait par une interconnexion croissante avec le monde desaffaires, la multiplication des flux aériens et les installations effectives de sièges d’entreprises,d’élites financières qui y établissent l’un de leurs lieux de résidence. Ici, il s’agit davantaged’une attractivité virtuelle, grâce au statut juridique de l’île, où la prise de décision sefait localement. Les conditions nécessaires à la construction d’un paradis fiscal relèventuniquement de la gouvernance locale (une communauté de 11 000 personnes). Il est dit que400 entreprises (fantômes) ont installé leur boîte aux lettres dans l’île. L’attractivité repose surla fonctionnelle du lieu qui sait jouer sur les contradictions de l’économie mondialisée, touten ayant fait le choix localement d’une économie étatique en décalage avec la doctrine néo-libérale. Nauru : territoire oublié, anachronisme, tolérance ou exception indispensable pour lebon équilibre du système dans sa globalité ?

3. Les trajectoires des territoires insulaires34 A l’état primitif, les sociétés insulaires ont développé d’ingénieuses capacités d’adaptation,

tirant avantage des moindres ressources de leur environnement insulaire et maritime, déployantdivers échanges et systèmes de troc avec les autres terres de leur voisinage, se construisanten archipel, à travers de plus ou moins vastes territoires réticulés (Bonnemaison, 1997,Duvat et Magnan,  2012). L’arrivée des explorateurs européens puis la conquête de cesterritoires et leurs mises en valeur dans le cadre des économies coloniales ont déstructuréles fondements de ces sociétés, rompant avec leur quotidien frugal -plus ou moins rude-pour tomber sous la domination de puissances extérieures et sombrer dans une dépendanceéconomique incontrôlée (Apostopoulos, 2002 ; Bertram et al., 1985, 1986 ; Hall, 1994). C’est

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le point de départ de cette « histoire en plans étagés ». La trajectoire du territoire insulaire,dans son irréversible processus de développement et d’ouverture, se structure à partir d’unesuite de séquences plus ou moins heureuses, parfois chaotiques, avec leurs moments de crise,parfois réversibles, dans leur configuration respective, selon le poids des territoires, au gré desaudaces, des assujettissements, des opportunismes (cf. figures 5a et 5b).Figure 5(a) – Le développement des petites îles : les trajectoires

Figure 5(b) – Le développement des petites îles : les trajectoires

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Source : O. Dehoorne

3.1. Les logiques de l’ouverture économique : du MIRAB vers leTouRAB

35 Les mécanismes du processus de développement économique qui caractérisent de nombreusesîles de la Caraïbe, des océans Indien et Pacifique, essentiellement à partir de la seconde moitiédu XXe siècle, ont été synthétisés à travers le modèle dit « MIRAB » (MIgrant/Remittances andAid/Bureaucraty ; Bertram et al., 1985, 1986 ; Bertram, 2006).  Ces territoires insulaires sortentde l’époque coloniale avec des statuts juridiques divers et une longue histoire du secteur publicqui a soutenu les investissements dans les infrastructures et autres projets de développement.Un précaire équilibre se construit à partir du stock de migrants potentiels et de l’exportationde mains d’œuvre dans le cadre de filières migratoires (« Migration »), des remises de fondsdes migrants (« Remittances ») et des aides venant des métropoles (« Aid ») sur lesquelless’est greffée une bureaucratie locale (« Bureaucracy »). Cette logique économique a permis demaintenir le niveau de peuplement assez stable en raison d’un flux migratoire constant vers desmétropoles dominantes. D’où l’importance des diasporas originaires des îles dans les grandesmétropoles occidentales ; modestes quantitativement au regard de la somme des immigrés deslieux, elles n’en sont pas moins essentielles pour nombre d’économies insulaires (des Comoresà la Barbade) où les membres de la diaspora sont souvent plus nombreux que la populationnative restée sur l’île. Outre les envois de fonds qui contribuent à l’amélioration du niveau devie de leur famille et de leur communauté d’origine, ces migrants retournent en vacances « aupays » où ils alimentent des flux touristiques croissants de contre saison, c’est-à-dire lors dela basse saison touristique (soit en juillet et août dans la Caraïbe) ; leur impact sur l’économietouristique est considérable dans les îles de la Caraïbe.

36 Les aides et les remises de fonds des migrants soutiennent une économie marquée par lepoids des déficits publics et commerciaux. Dans ces territoires aux restrictions commercialeslimitées ou inexistantes, des unions monétaires avec quelque grande métropole privilégiée(souvent l’ex-puissance coloniale) permettent de disposer d’une monnaie assez stable et desécuriser la valeur des investissements. Cet environnement est propice à l’arrivée de capitauxaffinitaires et plus généralement internationaux qui privilégient l’immobilier avec un goûtprononcé pour les opportunités touristiques.

37 Avec l’avènement progressif du tourisme dans ces petits territoires périphériques, Guthunz etvon Krosigk (1996) analysent la transformation du « MIRAB » en « TouRAB » (Tourism,Remittances, Aid and Bureaucracy). Sur le plan économique, l’activité touristique et sesrevenus prennent alors les commandes de l’économie et relaient au second plan les fondsenvoyés par les travailleurs émigrés. Arc-bouté sur l’argent du tourisme et des aidesinternationales, le même système bureaucratique, obsolète et pansu, perdure et nourrit desréseaux de clientélisme qui sclérosent la société.

38 Dans ce modèle, l’île est au centre de nouvelles mobilités avec d’une part l’arrivée temporairedes touristes et l’installation progressive de nouveaux résidents (investisseurs, actifs ousimples oisifs attirés par «  la destination  », néo-retraités) et, d’autre part, les départsd’autochtones qui n’ont plus les moyens matériels d’exister dans l’économique touristiquequi s’installe. D’importantes distorsions se dessinent entre les populations concernées par letourisme – qui travaillent directement avec des devises étrangères – et les autres populationscantonnées à des activités primaires et résiduelles peu rémunératrices. L’inflation est alors lelot quotidien d’une population dont la dépendance envers les importations est croissante. Lespressions sur le foncier - la ressource par excellence dans une île ! - sont exacerbées.

3.2. Le SITE et la prégnance du tourisme39 Dans ces petits territoires non industrialisés, toute stratégie d’exportation doit tenir compte

du coût de transport additionnel -qui relève de la distance et impacte directement les gainsde l’échange-, d’où des positionnements qui privilégient les exportations de produits peuaffectés par le coût de transport. Dans ces conditions, la solution la plus favorable estcertainement le déplacement du consommateur vers le lieu de production. C’est la principalecaractéristique de l’économie touristique : outre le fait de vendre des services et des prestations

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articulés autour des ressources tangibles et intangibles -et autant que possible attachés auxcaractéristiques singulières d’un territoire-, la consommation est réalisée directement dans lelieu de production, sans stockage.

40 Autant d’éléments –parmi d’autres- qui expliquent l’intérêt accru pour le tourisme. Deséléments jusqu’alors contraignants sont en mesure de constituer « une réponse appropriée sil’on considère les avantages naturels de ces espaces en la matière : dotation forte en ressourcesnaturelles touristiques (mer, plages, soleil, montagne, etc.) tandis que certaines composantesde leurs handicaps naturels (insularité, isolement, éloignement) font l’objet d’une demandesur le marché touristique » (Poirine, 2007  : 49). Les investissements requis sont moindreset des singularités (spatiale, physique, paysagère, environnementale, culturelle), limitantespour d’autres projets économiques, se révèlent être de judicieux atouts qui distinguentfavorablement la destination insulaire. Tous ces éléments valorisés dans le cadre d’unespécialisation touristique constituent un avantage comparatif.

41 Le tourisme devient alors un secteur d’activité essentiel pour le développement de nombreusesîles  qui participent aux «  Pleasure Periphery  » (Turner & Ash, 1976) de l'Amérique duNord, de l'Europe et des métropoles asiatiques. Sur le marché du tourisme international, cesdestinations insulaires sont également en concurrence directe avec les autres destinationslittorales (tropicales et subtropicales) de territoires continentaux plus accessibles, dotés deplus grandes capacités d’investissements et d’un marché intérieur en matière touristique (parexemple Cancún et la Riviera mexicaine). Mais ces destinations insulaires jouent habilementde liens de proximités privilégiées, d’ordre politique (colonie, ancienne colonie, même nation),culturel (même langue), économique (appartenance à une même zone de libre-échange,monnaie commune…), pour se positionner sur leurs marchés métropolitains (les foyersémetteurs de touristes).

42 McElroy (2006) introduit le modèle de SITE (acronyme de  Small (warm water) IslandTourist Economies) pour caractériser ce modèle de développement des petites îles qui tirentainsi avantage de leur taille (attraction, facilités d’aménagement, sécurité) et de leurs lienséconomiques privilégiés avec des métropoles dominantes pour s’imposer sur le marchétouristique, dans une économie mondialisée16. Ces destinations attirent les investissementsdirects étrangers qui se concentrent dans le tourisme et plus généralement l’immobilier. Nouspouvons considérer le SITE comme étant leur résultat du processus du TouRAB exposé parGuthunz et von Krosigk (1996).

3.3. Le PROFIT et le dépassement du tourisme43 Prolongeant et dépassant le modèle SITE, Baldacchino enrichit les analyses en caractérisant

un nouvel état d’attractivité renouvelé et diversifié des petites îles dont le tourisme n’estplus que l’une des orientations. Baldacchino (2010) introduit le modèle dit PROFITqui correspond à l’acronyme People (immigration,acteurs), Resources (gestion), OverseasManagement (diplomatie), Finance (finance, assurance, fiscalité) and Transport. Ils insistentsur l’importance des ressources extraterritoriales, indispensables au développement de cesterritoires compte tenu de l’absence d’«  hinterland  ».  Baldacchino met l’accent sur lacompétence politique plutôt que la dimension économique : ces territoires “have managed todeploy their jurisdictional power as a resource, extracting asymmetrical concessions from themetropole and using the resulting political space to carve out a more sustainable economicdevelopment trajectory – based on niche manufacturing, tourism, shrewd use of environmentaland heritage resources, banking and finance” (Baldacchino, 2006 : 2).

44 Le tourisme reste un élément remarquable, notamment en tant que porte ouverte sur lemonde, étape dans un processus de développement, dans la construction de la notoriétéde l’île. Au-delà des effets des campagnes promotionnelles –qui deviennent rapidementinaudibles-, la réputation repose sur la satisfaction du touriste (sa fidélité, les longs séjoursde retraités, etc.), la stabilité du territoire d’accueil, sa sureté et sa sécurité, sa qualité de vie.La reconnaissance de la qualité de l’île permet de se positionner à l’étage supérieur -au-delàdu tourisme-, dans une habile diversification des services publics non-marchands stratégiques(Poirine, 1995), d’attirer des financements et d’accueillir de judicieux placements dans un

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environnement fiscal sur mesure. Le paradis touristique se confond avec le paradis fiscal avecune imposition très faibles, voire inexistante, le secret bancaire, une législation très permissiveen matière de sociétés offshore (et de sociétés-écrans) et une très faible collaboration judiciaireinternationale.

45 Ces îles, qui n’en demeurent pas moins touristiques – le tourisme étant la vitrine d’unconfort de vie -, tirent désormais leur puissance financière des centres bancaires offshore, descompagnies d’assurance, du commerce (de luxe) hors taxe, des immatriculations de navires,elles s’imposent comme des paradis fiscaux et judiciaires tels les îles Caïmans, les Îles Viergesbritanniques, les Bermudes, les îles Marshall, la Barbade, les îles Turks-et-Caïcos.

46 Les autorités locales construisent un environnement propice à l’optimisation financièreinternationale et dégagent d’avantageuses marges pour leur territoire en usant judicieusementd’une diplomatie pragmatique et innovante.Photographie 1. L’île de Maurice : vente de villas de prestige, du tourisme à l’ « optimisationfiscale internationale » dans un cadre d’investissement sécurisé.

L’île de Maurice évolue vers le modèle PROFIT,  dépassant l’étape « tourisme ». Les données sont simples : 2 040 km2,

1 259 000 habitants, une dette publique de 50% du PIB, un déficit commercial récurrent (de l’ordre de 2,5 milliardsde dollars américains annuellement sur la période 2011-2013). La solution ne réside pas dans l’agriculture et la pêche(9% des actifs et 4,5% des revenus). Les secteurs de l’industrie et du tourisme, pourvoyeurs d’emplois, ne sont passuffisants sur le plan économique ; d’où l’évolution de Maurice dans le secteur la finance, de l’optimisation financièreavec la mise en place d’une juridiction offshore attractive (secret bancaire, libre circulation des capitaux, sécurisationdes transactions, absence d’imposition sur la fortune et de droit de succession…) dans un contexte de stabilité et desécurité.Source : Capture d’écran, les villas de Maurice

Conclusion47 Aborder le développement des petites îles ne peut se faire sans commencer par un regard

réaliste sur les défis économiques en prenant la mesure de l’ensemble des surcoûts (liés auxtransports), du manque de compétitivité pour les productions courantes (compte tenu des

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limites d’économie d’échelles possibles au regard de la concurrence des gros producteurscontinentaux). Il s’agit de cerner les limites et les handicaps à partir desquels peut se dessinerle projet de développement.

48 Il est inutile de nier les réalités insulaires avec leur lot de contraintes qui pourront être plus oumoins allégées selon leur insertion dans l’économie-monde, et, inversement, il est égalementinutile d’aborder ces territoires uniquement en termes de vulnérabilité, de reliquat d’autrechose, de dépendance sans substance. L’île n’est pas uniquement le prolongement d’uneprojection continentale.

49 D’où notre volonté d’aborder l’île dans sa dimension territoire, avec ses donnéesgéographiques, économiques, historiques, son peuplement, ses populations -qui peuvent fairecommunauté-, sa gouvernance, son statut juridique, les rapports au pouvoir. C’est à partirdu territoire insulaire, de la confrontation de toutes ses composantes et des possibilités desynergies que se dégagent les perspectives de développement.

50 Des outils méthodologiques permettent de poser le cadre d’analyse qui se concentre sur leterritoire insulaire dans son contexte de développement et sa configuration (cf. Figure 2). Ilss’attachent à étudier les processus, la succession de séquences, la périodisation de son histoirerythmée par les moments de crises (cf. Figure 4) pour caractériser les différents stades dedéveloppement et leurs positionnements (qu’ils soient sous domination extérieure, judicieux,au gré des opportunités de rente) (cf. Figures 5a et 5b).

51 Les territoires insulaires se construisent en toute conscience de leurs contraintes et de leurslimites, avec une communauté dont la cohésion se forge face aux défis partagés, jouantopportunément sur leur statut juridique qui autorise de nouvelles modalités de négociationpermettant de tirer avantage de leurs services géostratégiques non-marchands (Poirine,1995). Enfin, la construction d’un environnement attractif est fondamentale pour le territoireinsulaire, tant pour le paradis fiscal qui offre des conditions séduisantes de services financierset bancaires offshore, que pour le paisible territoire réputé pour son art de vivre, connectéau reste du monde -mais à son rythme-, qui joue astucieusement sur les opportunités de lamondialisation à l’ombre du tumulte de la précipitation quotidienne.

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Notes

1   Définis sur des critères démographique (moins d’un million d’habitants) et territorial (superficieinférieure à 30 000 km2).2  Par exemple la tenue d’un conseil du ministre des Maldives sous l’eau pour interpeller le monde surles enjeux du réchauffement climatique (novembre 2011).3  Par exemple l’île de Guam envahie par les serpents (le serpent brun arboricole, Boiga irregularis),probablement arrivés par dans un cargo militaire qui compte désormais deux millions d’individus (pour165 000 habitants pour 549 km2) qui, en l’absence de prédateur, détruisent l’avifaune et par voie deconséquence l’écosystème de l’île (Fritts et Dodda, 1998).4  Cf. les travaux de Renucci sur la Corse (1998).5   Le centre a connu des évènements violents en janvier 2015, entre amertume des immigrants,enfermement durable et abus sexuels…, cf. http://www.theguardian.com/australia-news/2015/mar/20/things-happen-tony-abbott-on-sexual-assault-allegations-in-offshore-detention6  L’origine de cette taxe date de 1670, alors dite « droits de poids ». Son nom actuel remonte à  1866.Cet impôt fut condamné par l’Union européenne en 1992 mais il demeure en vigueur.7  Le gouvernement central de Papouasie-Nouvelle-Guinée s’est engagé à renforcer la spécialisation del’île de Manus (à 300 kilomètres au nord, dans l’archipel de l'Amirauté) avec la construction d’une prisonde haute sécurité, « l’Alcatraz du Pacifique » (cf. Figure 1).

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8   Les Chagossiens furent déportés vers les Seychelles et Maurice  ; cf. URL  : <http://www.courrierinternational.com/article/2010/03/31/l-ile-de-la-discorde>9  Cf. L’étude de S. Theng (2014) sur l’île de Saint-Barthélemy.10   L’exemple de l’île de la Dominique est particulièrement intéressant à cet égard  ; des premiersbalbutiements d’un tourisme de nature à la mise en place d’un tourisme communautaire avec lespopulations locales au cœur du projet, se construit un sentiment de communauté et de fierté nationale(70 000 habitants) qui va au-delà des enjeux touristiques –qui n’est qu’une étape dans la stratégie dedéveloppement- (Dehoorne et al., 2009).11  Telle l’île de Saint-Barthélemy avec ses slogans promotionnelles « l’art d’être une île », « l’art devivre ».12  Les principales sources utilisées sont le site du gouvernement de la République de Nauru, URL :< http://www.naurugov.nr/>,  le Département des affaires étrangères et du commerce de l’Australie,page consacrée à Nauru, URL : <http://www.dfat.gov.au/geo/nauru/pages/nauru-country-brief.aspx>et le journal The Age, quotidien de Melbourne, URL : <http://www.theage.com.au>13  World health Organization, Western Pacific Region (2002). Obesity in the Pacific: too big to ignore,WHO14   Cour internationale de Justice (1992). Affaires de certaines terres à phosphates à Nauru, arrêt du 26juin 1992, URL < http://www.icj-cij.org/docket/files/80/6795.pdf>15   Radio Australia (2015). «  Nauro  : personne ne sera volontaire pour aller au Cambodge  »,URL <www.radioaustralia.net.au/french/2014-10-14/nauru-«-personne-ne-sera-volontaire-pour-aller-au-cambodge-»/1378825>.16 L’introduction du SITE s’appuie sur les résultats des travaux de McElroy (2006), McSorley etMcElroy (2007) et Oberst et McElory (2007) qui mettent en évidence un ensemble de trente-six petitesîles touristiques dépendantes du tourisme qui constitue un cluster.

Pour citer cet article

Référence électronique

Olivier Dehoorne, « Les petits territoires insulaires : positionnement et stratégies de développement »,Études caribéennes [En ligne], 27-28 | Avril-Août 2014, mis en ligne le 11 avril 2015, consulté le 14avril 2015. URL : http://etudescaribeennes.revues.org/7250 ; DOI : 10.4000/etudescaribeennes.7250

À propos de l'auteur

Olivier DehoorneMaître de Conférences; Université des Antilles et de la Guyane -Campus de Schœlcher - B.P. 7209 97275 Schœlcher – Martinique FWI - France; [email protected]

Droits d'auteur

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Résumés

 Le développement des petits territoires insulaires est souvent abordé sous l'angle de lavulnérabilité, des limites et autres handicaps qui pénalisent inéluctablement leurs perspectivesde croissance. Or force est de constate que quelques îles s’affichent désormais parmi leséconomies les plus prospères au monde. L’objet de cette réflexion est de proposer uncadre pour étudier les petites îles, appréhender l’évolution de leurs positionnements et leurstrajectoires de développement. Il s’agit de voir dans quelle mesure ces petites îles, auxstatuts juridiques variables et dépendantes sur le plan économique, peuvent opportunémenttirer profit de  leur situation – parfois en jouant sur leur singularité- pour se positionneravantageusement  dans la configuration actuelle de l’économie mondialisée.

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Small Island Territories: Positioning and Development StrategyThe development of the small island territories is often approached under the angle ofthe vulnerability, the limits and other handicaps which penalize inevitably their growthperspectives. However, it is noticed that some islands display nowadays among the mostprosperous economies to the world.  The object of this reflection is to propose a frame tostudy the small islands, the evolution of their positioning and trajectories of development.It’s interesting to see how small islands, with their different political statuses and economicdependences, manage their development in the globalized economy by using convenientlytheir peculiarity.

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Mots-clés : Banaba, développement, économie insulaire, Manus, Maurice, MIRAB,Nauru, petites îles, positionnement, PROFIT, SITE, territoire insulaire, TouRABKeywords : Banaba, development, insular economy, insular territory, Manus, Mauritius,MIRAB, Nauru, positioning, PROFIT, SITE, small islands, TouRAB