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Les Effets Structurels au Sein des Espces Chimiques
La ractivit chimique des molcules organiques dpend en grande partie des effets structurels (ou
effets lectroniques) observs le long des liaisons ou sur les atomes. Il nest pas donc tonnant que les
comportements ractionnel et acido-basique des molcules puisse sinterprter laide deffets structurels,
notamment leffet inductif (ou effet inducteur) et leffet msomre.
Leffet inductif (ou effet inducteur)
Potentiel dionisation & Affinit lectronique
Pris isolment, un atome peut ou bien cder ou capturer un lectron. Ainsi, lnergie ncessaire
pour extraire un lectron (parmi les lectrons les plus faiblement lis au noyau) un atome gazeux isol, A
(A A+ + e-), est appele nergie ou potentiel dionisation, EI = Hf(A+) - Hf(A). Tandis que
lnergie libre au cours de laddition dun lectron supplmentaire un atome gazeux neutre (A + e-
A-) est appele affinit lectronique, AE = Hf(A-) - Hf(A). (Bibliographie : Chimie Organique : Mthodes et
Modles (P. Vogel), Eds. De Boeck Universit, 1998, p. 46.).
Le potentiel dionisation est, cependant, li des facteurs interdpendants que sont : la grosseur de
latome, la charge du noyau et leffet dcran des couches lectroniques. Il augmente ds lors en sens
inverse de la dimension des atomes. Cette dernire diminuant de gauche droite et de bas en haut du
tableau de classification priodique, les atomes fort potentiel dionisation sont ainsi situs droite du
tableau priodique, soit : O ; S ; N ; F ; Cl ; Br ; I ; etc. Ils sont en consquence dits lectrongatifs. Et les
atomes grande affinit lectronique sont dits lectropositifs. Ils sont pour la plupart situs gauche du
tableau priodique, tels Li ; Na ; Mg ; etc.
Electrongativit des atomes & liaison polarise (ou polaire)
Llectrongativit (EN) absolue dun atome A dpend la fois du potentiel dionisation et de
laffinit lectronique. Elle est donne par la relation de Mulliken : = (EI(A) AE(A))/2 et est ainsi
dfinie comme laptitude intrinsque dun atome sattirer les deux lectrons localiss (lectrons s
ou lectrons ) dune liaison covalente simple, .
La diffrence dlectrongativit entre deux atomes A et B simplement lis apporte ds lors une perturbation plus ou moins significative dans la distribution du nuage lectronique internuclaire. Celui-ci
est en consquence dsuniformment rparti entre les atomes A et B (figure 1).
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liaison A-B non polarise liaison A+-B- polarise
A B
Figure 1. Reprsentation graphique de la distribution spatiale du nuage lectronique des lectrons dans une liaison A-B
Symtrie lectronique, N = 0 Dissymtrie lectronique, N < 2
liaison A+ B- ionique
A+ B-
Rupture lectronique, N > 2B-A+
Une liaison est ainsi dite polarise ou polaire lorsque la diffrence des lectrongativits, EN,
des deux atomes quelle lie est infrieure 2 units (dlectrongativit) sur lchelle (thorique) de Linus
Pauling (Bibliographie : Organic Chemistry (J. Mc Murry), Eds. Brooks/Cole, 1996, p. 40.). Elle est intermdiaire
entre la liaison covalente simple non polarise (EN # 0), comme les liaisons homonuclaires telle que la
liaison carbone-carbone (C-C) de lthane, et les liaisons ioniques (EN > 2), telle celle qui lie Na+ Cl-.
Dans une liaison polarise, le doublet dlectrons (ou lectron s ) est plus proche de latome le
plus lectrongatif. Ce dernier porte ainsi une charge fractionnaire ngative note -, tandis que son voisin
est corrlativement charg +. Les deux charges sont opposes mais gales en valeur absolue e (0 <
< 1 et e, la valeur numrique de la charge de llectron) : la quantit de charge partielle perdue par latome le moins lectrongatif se retrouve intgralement sur latome le plus lectrongatif (exemple : la molcule
de chloromthane, H3C+0,2-Cl-0,2 (Bibliographie : Organic Chemistry (J. McMurry), Eds. Brooks/Cole, 1996, p. 42.)).
Mais en ce qui concerne la liaison simple C(sp3)-H, la diffrence dlectrongativit EN = 0,4
entre le carbone hybrid sp3 (EN = 2,6) et lhydrogne (EN = 2,2) nest pas assez leve pour quelle
puisse tre considre comme polarise. Llectrongativit de latome de carbone dpend toutefois de
son tat dhybridation. Elle augmente avec le pourcentage de caractre s de ltat dhybridation
orbitalaire. Les liaisons C-H dans lactylne sont ds lors plus polarises que celles dans lthylne,
lesquelles sont plus polarises que les liaisons C-H dans les alcanes (tableau 1). Cest ce qui explique par
ailleurs les nettes diffrences dacidit observes entre lactylne, lthylne et lthane (voir plus loin).
Tableau 1. Electrongativit de latome de carbone en fonction de son tat dhybridation.
Etat dhybridation de C % de caractre s Electrongativit de Csp3 25% 2,48sp2 33% 2,75sp 50% 3,29
Ordre dlectrongativit : C(sp) > C(sp2) > C(sp3)Bibliographie : 100 exercices de Chimie Organique (F. Szymczak, A. Masson), Eds Ellipses, 1993, p. 26.
Il est bon de signaler quune liaison peut tre fortement polarise mais difficile rompre. Cest plutt lnergie de liaison (ou lnergie de dissociation) qui permet de quantifier la force dune liaison. Par exemple, la liaison O-H dans les alcools (463 kJmol-1), bien que polarise, est plus forte que la liaison non polarise C-H (413 kJmol-1) (Bibliographie : Introduction la Chimie Organique (A. Streitwieser, Jr & C. H. Heathcock), Eds. Ellipses, 1986, p. 98.).
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Classement des groupes en fonction de la nature et de lintensit de leur effet inductif
Leffet inductif se traduit par la diffrence dlectrongativit (EN) entre deux atomes lis par
une liaison covalente du type . Il est symbolis par la lettre I et est graphiquement reprsent par une
petite flche que lon place sur la liaison polaire tudie et toujours oriente vers latome le plus
lectrongatif. Pareillement llectrongativit, leffet inductif dsigne aussi la tendance dun atome
attirer facilement lui les lectrons dune liaison . De la mme faon que pour latome, on dfinit aussi
leffet inductif dun groupe datomes. Ainsi, latome ou le groupe datomes qui a cette proprit est
qualifi dattracteur ou daccepteur dlectrons. On dit quil possde un effet inductif (ou inducteur)
attracteur ou accepteur not -I . A linverse de leffet -I , on a aussi leffet +I . Ce dernier concerne, spcifiquement, les atomes ou groupe datomes qui, au lieu de sattirer les lectrons, ont plutt
tendance les refouler vers leur voisin avec lequel il partage la mme liaison . On parle alors deffet
inductif (ou inducteur) donneur et on le note +I (figure 2).
Figure 2. Illustration des effets -I et +I
CH3CH2 MgBr +
effet +I de MgBr;CH3CH2 Br
+
effet -I de Br
En accord avec llectrongativit des atomes, leffet inductif consiste en le dplacement
dlectrons s dans une molcule. Il est ds lors transmissible de proche en proche, mais en sattnuant,
le long des liaisons entre les centres atomiques adjacents (figure 3a). Comme une onde qui se propage, il
sestompe partir de trois liaisons successives et est quasiment inexistant au-del. Il est, cependant,
intgralement boost par une double liaison qui se trouve sur son chemin. Leffet inductif est de la sorte
transmis sans affaiblissement le long des doubles liaisons conjugues (voir paragraphe msomrie) (figure
3b).
;
Figure 3a) L'effet inductif est attnu partir de trois liaisons sigma adjacentes. 3b) Au lieu de s'attnuer, l'effet inductif est propulser parla double liaison vers la quatrime liaison sigma.
C C C CCl+ ++- + -iI I A CH2 CH CH2CH CH2
Par exemple, dans les molcules dites vinylogues, telles Cl-CH2-CH=CH-CH=CH-CH2-O-H et Cl-
CH2-CH2-O-H, leffet -I de latome de chlore est presque le mme sur les deux liaisons O-H (Bibliorgraphie : Comprendre et Apprendre la Chimie Organique (P. Caubre), Eds. P. U. Nancy, tome 1, 1987, p.67.). Cette
transmission particulire de leffet inductif le long des doubles liaisons conjugues est lorigine du
Composs dont les chanes carbones linaires ne diffrent que par la prsence dune ou de plusieurs doubles liaisons (R. Milcent, ibid, p. 141.).
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principe de vinylogie : les groupes fonctionnels de deux composs vinylogues ragissent presque de la
mme faon (Bibliographie : Chimie Organique : Strochimie, Ractions et Ractivit (R. Milcent), Eds EDP Sciences, 2007, p.
141.). A noter aussi que leffet inductif est en plus cumulatif (figures 3c et 3d).
H3CC
H3C
H3C CO
O H
;
c) Illustration de l'additivit des effets inductifs -I et +I.
d) L'effet inductif -I du t-Bu s'oppose l'effet +I de O sur H.
Figure 3.
H3CC
H3C
H3CH3C
CH
H3C
H3C CH2 H3CF
C
F
FF
C
H
HF
C
H
F
Les atomes et les groupes datomes ne produisent pas tous le mme effet +I ou le mme effet -I. Ils sont classs par rapport lhydrogne, lequel possde un effet inductif nul not 0I, soit de manire non exhaustive :
Effets +I : -O- > -COO- > t-Bu- > i-Pr- > n-Pr- > Et- > Me- > R-CH=CH- > RCC-> D > H-(Bibliographie : a) Chimie Organique : Mthodes et Modles (Pierre Vogel), Eds. De Boeck Universit, 1998, p.598 ; b) Chimie Organique avec Exercices Corrigs (H. Quiniou & J.-C. Meslin, Eds. Armand Colin, 1993, p. 53.) ;
Effets -I : -NR3+ > -SR2+ > -NH3+ > -NO2 > -SO2R > -CN > -SO2Ar > -COOH > -F > -Cl > -
Br > -I > -OAr > -COOR > -OR > -COR > -SH > -OH > -CCR > -Ar > -CH=CR2
Les consquences de leffet inductif
Moment dipolaire de liaison & moment dipolaire permanent
Figure 4.
= q.d = e.d
A B
q qd
Le moment dipolaire renseigne sur le caractre ionique partiel dune liaison. Cest une grandeur
vectorielle qui dcoule de la polarisation des liaisons , A+-B-. Il est souvent dsign par la lettre grecque
. Son module est donn par lexpression = IqI.d, o q reprsente la charge partielle, e, en Coulomb
(ou C) porte par les deux atomes A et B et d, la distance internuclaire en mtre (m). Il est exprim en Coulomb mtre (C.m) ou, le plus souvent, en Debye ou D (1D = 3,3410-30 C.m). Il est graphiquement
symbolis par une flche que lon dispose paralllement la liaison polaire tudie. La flche est parfois
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marque dune croix la queue et est toujours oriente de latome charg positivement, A+, vers latome
charg ngativement, B- (figure 4).
La liaison polarise est intermdiaire entre les deux cas extrmes dune liaison non polarise ( =
0) et dune liaison ionique (ionique= 1,6.10-19 x d, avec d la distance interatomique). On dfinit alors son
pourcentage de caractre ionique partiel par la relation (observ/ionique) x 100. Par exemple, pour la liaison
H-Cl (dHCl = 1,275 ), le moment dipolaire observ est de 1,07 D, alors que si latome de chlore stait accapar des deux lectrons de la liaison, le moment dipolaire ionique serait gal 1,6.10-19 x 1,275.10-10 =
20,42.10-30 C.m, soit 6,12 D. Le pourcentage de caractre ionique partiel de la liaison H-Cl est par
consquent gal 17% = (1,07/6,12) x 100.
De la mme faon que pour la liaison, on dfinit aussi un moment dipolaire permanent (ou global)
pour la molcule. Mais la polarisation (ou la polarit) dune molcule, au repos et sans apport extrieur, est
la consquence de la polarisation de lune ou de quelques unes de ses liaisons. Il en dcoule la cration
dun diple permanent. Lampleur de la polarisation de la molcule peut ds lors tre quantifie par la
dtermination du moment dipolaire permanent. Les molcules qui prsentent un moment dipolaire
permanent sont ainsi dites polaires (exemple : HBr, HCl, NH3, C6H5NO2, leau, les alcools, les
monohalognoalcanes, les aldhydes et les ctones, etc.) et celles ne le prsentant pas sont dites apolaires
ou non polaires (exemple : H2, N2 O2, Cl2, CH4, C6H6, CCl4). Ces dernires possdent pour la plupart un
centre de symtrie.
Pour calculer le moment dipolaire dune molcule qui prsente plusieurs liaisons de covalence
polarises, on applique la rgle de la composition vectorielle des diffrents moments de liaison
(Bibliographie : 100 exercices de Chimie Organique (F. Szymczak & A. Masson), Eds Ellipses, 1993, p. 23.). Par
exemple, pour une molcule qui possde deux liaisons polarises, le moment dipolaire rsultant est nul
lorsque les deux moments de liaison le composant sont de mme intensit, coplanaires et orients dans
des sens opposs (exemple : la molcule de CO2, O=C=O). Si, en revanche, laddition des vecteurs des
diffrents moments de liaison nest pas nulle, la molcule prsentera un moment dipolaire permanent
(exemple : CH2Cl2 ; (CH3)2C=O). Mais la flche le dcrivant ira dans ce cas du barycentre des charges
positives vers celui des charges ngatives (exemple : calcul du moment dipolaire de la molcule de 1,2-
dichlorocyclohexane (figure 5).
Figure 5. Calcul du moment dipolaire global d'une molcule par addition vectorielle : cas des molcules d'eau et du 1,2-dichlorocyclohexane.
CClCosxxD
OHCos(D
OH
OHH
OH = 1,51D
CCl CCl)2
CClCCl
CClcosCCl
cosxxxxd'oD
CCl CCl
autrement faon de calculer ,
Cl
CCl = 1,55 D
Cl
Cl
Cl
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La dfinition du moment dipolaire permanent dune molcule nous amne signaler lexistence
des solvants protiques (polaires) et des solvants aprotiques, polaires comme apolaires. Ces solvants ont
une importance capitale en synthse organique. Ils ont, en effet, une influence ractionnelle sur diverses
ractions, singulirement de substitution nuclophile et dlimination que nous aborderons dans un des
prochains chapitres. Mais il sagit moins de discuter dans ce paragraphe des effets de solvant sur les
ractions en elles-mmes (Bibliographie : Chimie Organique Avance (Carey & Sundberg), Tome 1, Eds. De Boeck, pp.
232-239.) que de donner dans le tableau 2 les noms de quelques solvants qui rentrent dans lune ou lautre
catgorie et les modules de leur moment dipolaire permanent. Bien entendu, la particularit et le rle de
chaque type de solvant seront discuts prochainement.
Tableau 2. Les moments dipolaires () et constantes dilectriques () de quelques solvants.
Solvants aprotiques Solvants protiques
apolaires polaires
() () () () () ()
n-hexane 0,00 1,88 pyridine 2,37 12,4 eau 1,80 78,40cyclohexane 0,00 2,02 actone 2,86 20,7 acide actique 1,68 06,15benzne 0,00 2,28 DMF 3,87 37,0 thanol 1,74 24,50tolune 0,43 2,38 MeCN 3,45 37,5 mthanol 1,71 32,70Et2O 1,30 4,34 DMSO 3,90 46,7 cyclohexanol 1,86 15,00CCl4 0,00 2,24 PhCN 4,05 25,2 dithylne glycol 2,31 31,70
Bibliographie : Chimie Organique : Htrolments, Stratgies de Synthse et Chimie Organomtallique (N. Rabasso), De Boeck, 2006, p. 383.
Effet de champ (ou effet inductomtre) & polarisabilit
Une liaison polaire simple, C+-Y- (ou double, C+=Y- (Bibliographie : Chimie Organique avec Exercices
et Tests (V. Loppinet), Eds. Masson, 1996.)), peut subir une augmentation de polarisation grce au pouvoir
polarisant (cest--dire, leffet de champ ou inductomtre), distance, dun ractif, lectrophile ou
nuclophile, du mme milieu ractionnel. On dit quil ya effet de champ du ractif sur la liaison. Mais il
sagit l dun effet de champ intermolculaire (figure 6). De la mme faon, il existe aussi un effet de
champ intramolculaire. Ce dernier cas de figure est observ lorsque la molcule qui porte la liaison C+-
Y- possde un site entirement ou partiellement charg mais suffisamment loign de celle-ci
(Bibliographie : Chimie Organique : Strochimie, Ractions et Ractivit (R. Milcent), Eds EDP Sciences, 2007, p. 143.). En
outre, dans les systmes conjugus (se reporter au paragraphe sur la msomrie), leffet de champ
intramolculaire dun atome ou groupe datomes effet +I ou effet -I se transmet facilement le long des
liaisons (Bibliographie : Chimie Organique Avance (Corey & Sundberg), Eds. De Boeck, Tome 1, 1996, p. 199.). Dans
le premier exemple comme dans le second, la distance interatomique C+-Y- et les charges partielles des
La constante dilectrique, , renseigne sur la capacit dun solvant sparer les charges. Elle indique aussi la capacit des molcules sorienter dans un champ lectrique. Au contraire des solvants polaires, les solvants apolaires possdent des constantes dilectriques et des moments dipolaires trs faibles.
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atomes C et Y saccroissent avec lintensit de leffet de champ (figure 6). Cette dernire dpend la fois du pouvoir polarisant du polarisateur, de la proximit avec la liaison polarise et de la polarisabilit de
cette dernire. Leffet de champ peut ainsi aller jusqu provoquer une sparation de charge totale entre C et Y. La capacit dune liaison subir laugmentation de polarit est ainsi appele polarisabilit. A linverse du pouvoir polarisant, la polarisabilit augmente avec le rayon de latome le plus lectrongatif, cest--dire
de droite gauche et de haut en bas du tableau de classification priodique. A noter que leffet de champ
est essentiellement observ lors des ractions de substitution nuclophile bimolculaire, SN2.
Figure 6. Illustration de l'effet de champ d'un ractif A- sur une liaison C-Y(Bibliographie : "Chimie Oraganique : Strochimie, Rcations et Ractivit" (Ren Milcent), Eds. EDP Scienes, 2007, p. 143.).
C YA-
' 'A- ' ''C Y
C Y''A- C Y'' ''
De la mme manire que pour la liaison, on peut aussi dfinir la polarisabilit dune molcule
quelconque, polaire ou non polaire. Pour cela, on place un chantillon macroscopique de la substance
tudie dans le vide pouss qui spare les deux armatures dun condensateur. On applique ensuite une
diffrence de potentiel aux armatures. Le champ lectrique ainsi gnr dforme le nuage lectronique des
molcules, particulirement les molcules non polaires. Celles-ci sont au dbut alatoirement rparties. A
lissue de la polarisation, elles forment des diples paralllement orients au champ lectrique. Lesquels
diples crent leur tour un champ lectrique induit qui soppose au champ lectrique appliqu.
Lefficacit de ce dernier dpend de laptitude des molcules subir la distorsion lectronique. Ainsi, la
polarisabilit dune molcule peut tre dfinie comme le moment dipolaire induit par un champ lectrique
de force unit.
Aussi, linstar de la molcule, la polarisabilit dun atome ou dun ion peut tre induite par des
charges voisines. Elle renseigne sur la rponse des lectrons dun atome ou dun ion aux interactions
lectrostatiques dun champ lectrique extrieur. Elle est en rapport avec llectrongativit des atomes.
Plus un atome est lectrongatif, plus difficile sera la dformation de son nuage lectronique. Mais la
polarisabilit dpend aussi du numro atomique et de la charge porte par latome. Ainsi, les atomes ou les
ions qui subissent difficilement la polarisabilit sont qualifis de durs et ceux dont les nuages
lectroniques y rpondent plus facilement sont dits mous (Bibliographie : Chimie Organique Avance (Carey &
Sundberg), tome 1, Eds. De Boeck, pp. 18 & 19.).
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Consquence de leffet inductif sur lacidit et la basicit des composs organiques.
Daprs la dfinition de Bronstd-Lowry, les proprits acide et basique sont, respectivement, la
capacit dune entit chimique cder ou accepter un proton, H+. La force dun acide ou dune base
dpend donc de laffinit du centre atomique (noyau) hte pour le proton en partance ou larrivage. Elle
est mesure par la Ka (constante dacidit) ou par son corollaire, lexposant ou le produit dacidit (pKa).
Lacidit ou la basicit dun compos chimique fait intervenir un dplacement dlectrons,
notamment les lectrons dans une liaison avec le proton. Cela voudrait dire que leffet inductif dun
atome ou groupe voisin peut influer, dune manire plus ou moins significative, les proprits acido-
basiques. Il peut tre senti par le centre atomique devant cder ou accueillir le proton et faciliter ou
renforcer en consquence la mise en libert de ce dernier.
Il est toutefois important de noter quen chimie organique, lchelle des pKa ne sarrte pas
seulement 14 comme pour la chimie gnrale, cest--dire la chimie des solutions. Elle va au-del des 50
units de pKa (figure 7).
CH3 -CO
-CH2 -CO
-CH3
0 10 20 30 40 50
C2 H
5 O-CO-CH
2- C O-CH
3
ur eN
H2 -CO
-NH
2
C2 H
5 O-CO
-CH2 -CO
-OC2H
5
H2 O
CH3 CH
3 OH
C H3 -C O
-CH3
CH
CH
CH2
CH2
tha ne,p ropan e
NH3
Figure 7. Echelle approche de pKa.(Bibliographie : "L'Essentiel de la Chimie Organique Travers les Problmes des Concours" (D. Guignard), Eds Ellipses, 1991, p. 104.)
A titre illustratif, nous donnons ci-dessous quelques exercices dapplication sur les consquences
de leffet inductif sur lacidit et la basicit de composs chimiques. Mais, avant cela, il convient de poser
quelques pralables qui rentrent en ligne de compte dans la rsolution des exercices, soit :
la Ka = 10-pKa augmente dans le sens inverse du pKa. Ainsi, pour une concentration
donne, plus le pKa est petit, plus grande sera la Ka et plus forte sera lacidit, mais plus
faible sera la base conjugue de lacide du mme couple ;
pour les bases, cest le pKa du couple acido-basique qui est le plus souvent donn. Le pKb
est produit par lexpression du pKe, soit pKb = pKe - pKa ou Kb = 10-pKe + pKa. La Kb
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augmente donc avec le pKa. Lon dira en consquence que plus la valeur du pKa dun
couple acido-basique est grande, plus la base conjugue sera forte ou plus lacide conjugu
de celle-ci sera faible ;
pour discuter de la force dun acide, on se rfre le plus souvent sa base conjugue. Plus
la base est stable, moins elle est ractive et moins elle est basique. Plus fort sera alors son
acide conjugu. Pareillement, sil sagit dune base, il arrive aussi quon cale le raisonnement
sur son acide conjugu.
Par exemple, sur la figure 8 ; il est report les rsultats de ltude comparative des
pKa de leau et de composs organiques.
H2O CH3CH2 OH C
CH3
CH3
H3C OH
OH
; ; ;
pKa = 14 pKa = 15,5 pKa = 19pKa = 10
eau thanol phnolalcool tertiobutylique
Bibliographie : "Chimie Organique : Exercices et Problmes Rsolus." (J.-P. Beynier & J. Mesplede), Eds. Bral, 1990, pp. 17 & 18.Figure 8.
Lanion phnolate (ou phnate), Ph-O-, est le seul alcoolate pouvoir tre stabilis
par msomre (voir plus loin la notion de msomrie). Il est donc la base la plus
stable. Il est par consquent moins ractif que les autres bases et, de ce fait, lanion
le moins basique. Son acide conjugu, le phnol, est donc plus acide que les autres
acides. En ce qui concerne lanion tertiobutylate, t-BuO-, lion O- est protg par
les trois groupes mthyles de leffet de solvatation, ce qui est impossible avec lion
thanolate. Le tertiobutylate est donc moins stable que lthanolate. Il est beaucoup
plus ractif et par consquent plus basique. Son acide conjugu, le tertiobutanol est
de la sorte moins acide que lthanol. Le classement des acidits est ds lors le
suivant : PhOH > H2O > EtOH > t-BuOH.
dans le deuxime exemple figure 9, le classement des acidits donne : actylne >
thylne > thane. Lacidit augmente avec le pourcentage de caractre s des
carbones hybrids. Lexplication est alors vite trouve en rsonnant sur la stabilit
des bases conjugues. La force de rtention des doublets dans les bases conjugues
saccrot avec le pourcentage de caractre s . La stabilit des anions suit en
consquence lordre : HCC- > H2C=CH- > H3C-CH2- . Mais celle-ci va dans le
sens inverse de la basicit, do HCC- est moins basique que H2C=CH- qui est
son tour moins basique que H3C-CH2- . Lordre dacidit est ds lors le suivant :
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HCCH > H2C=CH2 > H3C-CH3 (Bibliographie : Chimie Organique : Htrolments, Stratgies de Synthse et Chimie Organomtallique (N. Rabasso), De Boeck, 2006, p. 7.).
pKa = 50 pKa = 44 pKa = 25
H2C CH2 HC CHH3C CH3
Figure 9.
H3C CH2 H2C CH HC C
Exercice 1. Influence des deux effets +I et I sur lacidit.
pKa = 2,86 Figure 10.
l'acide 2-chloroactique
; ;Cl CH2 CO
O Heffet de Cl;
pKa = 4,88
l'acide propanoque
effet +I de CH3pKa = 3,77
l'acide formique
effet 0I de
H CO
O H
pKa = 4,76
l'acide actique
CH3 CO
O H
CH3 CH2 CO
O H
(Bibliographie : " Chimie organique : Strochimie, Entits Ractives et Ractions " (Ren Milcent), Eds. EDP Sciences, 2007, p. 138.)
effet +I de CH3CH2-
Daprs les valeurs des pKa (figure 10), lacidit crot dans le sens : acide 2-chloroactique > acide
formique > acide actique > acide propanoque. Leffet accepteur I du groupe Cl est responsable de la forte acidit relative de lacide 2-chloroactique. Tandis que les groupes CH3- et CH3CH2- tant inductifs
donneurs, lacidit relative de leur driv respectif en est diminue, par comparaison lacide formique qui
prsente un groupe -H effet inductif nul, 0I. Le classement Et- > Me- des effets +I tabli plus haut est ici vrifi. Lacide propanoque est, en effet, moins acide que lacide actique.
Exercice 2. Transmission de leffet inductif.
CH2 CH2 CO
O H
H3C CH2 CH CO
O HCl
H3C
- -A
l'acide butanoque ou butyrique
pKa = 4,10pKa = 3,80pKa = 4,90
l'acide -chlorobutanoque l'acide -chlorobutanoque
CH CH2 CO
O H
H3C
ClB C
pKa = 4,50 CH2 CH2 C
O
O H
H2C
Cl -
l'acide -chlorobutanoque
pKa = 5,03CH3 C CO
O H
CH3
CH3
l'acide 2,2-dimthylpropanoque
(Bibliographie : " Chimie organique : Exercices Corrigs" (F. Hnin & J. Hnin), Eds. Estem, 2007, p. 154.).Figure 11
ED
Le classement figure 11 est le suivant : B > C > D > acide actique > A > E. Dans les composs A et E, leffet +I des groupes Pr et tert-Bu vont dans le sens contraire de leffet I de latome doxygne qui est li au proton. Les deux effets inductifs sopposant lun lautre, leffet I sur latome
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doxygne est fortement diminu. A et E sont donc les moins acides. Mais le groupe t-Bu tant plus inductif donneur que le groupe n-Pr, lacide E est par consquent le moins acide. Lordre dacidit B > C> D obit la loi de transmission de leffet inductif. Ce dernier sattnue au fur et mesure que latome de chlore sloigne de la fonction COOH.
Exercice 3. Additivit de leffet inductif.
Cl C CO
O HCl
Cl
CH3 C CO
O HCH3
CH3
Figure 12.
;-
pKa = 1,29
acide 2,2-dichlorothanoque
pKa = 2,86
-
Cl CH2 CO
O H
acide 2-chlorothanoque
;Cl CH CO
O HCl -pKa = 0,65
acide 2,2,2-trichlorothanoque
CH3 CH CO
O H
CH3
+
pKa = 4,86
acide 2-mthylpropanoque
+pKa = 5,05
acide 2,2-dimthylpropanoque
;
Dans le premier groupe des composs de la figure 12, lacidit crot avec les effets inductifs Icumuls des atomes de chlore : acide 2,2,2-trichlorothanoque > 2,2-dichlorothanoque > 2-
chlorothanoque. Tandis que dans le deuxime groupe, les mthyles ont un effet +I, ce qui rend difficile le dpart du proton. Les effets donneurs des mthyles saccumulant, lacide 2,2-dimthylpropanoque est
moins fort que lacide 2-mthylpropanoque.
Exercice 4. Influence des effets +I sur la basicit des amines
trimthylamine (TEA)
pKa = 9,81
dimthylamine (DEA)
pKa = 10,72
ammoniac (AMO)
pKa = 09,25
mthylamine (MEA)
pKa = 10,64
Figure 13 (Bibliographie : "Chimie Organique" (J. Mesplde), Eds Bral, 2000, p. 227.).
NCH3
HH
CH3N
HH3C
NH H
H H3C
NH3C CH3
La basicit des amines dpend de la disponibilit du doublet devant accueillir le proton. Ds lors,
tout ce qui tend augmenter la densit lectronique autour de latome dazote accrot la basicit des
amines. Inversement, tout effet qui tend amoindrir cette densit lectronique ou rendre le doublet libre
moins disponible diminue la basicit. Vu que le nombre de groupes mthyles augmente de la mthylamine
la trimthylamine (figure 13), lordre de basicit devait tre celui-ci : trimthylamine > dimthylamine >
mthylamine > ammoniac. Il existe, cependant, une anomalie dans ce classement qui est apporte par la
trimthylamine. Les mesures ayant t faites en solution aqueuse (dans leau), la prsence des mthyles
occasionne une gne strique qui fait que le doublet de latome dazote est beaucoup moins disponible
dans la trimthylamine que dans les autres amines. Mais on peut aussi expliquer la faible basicit de la
trimthylamine en calant le raisonnement sur son acide conjugu, le trimthyammonium, (CH3)3NH+. A
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cause de la gne strique des groupes mthyles, le trimthylammonium est, en effet, moins solvat en
solution que les ammoniums primaire et secondaire. Il est donc lacide conjugu le plus fort. Sa base
conjugue, la trimthylamine est par consquent beaucoup moins forte que les deux amines primaire et
secondaire, ce qui donne le classement suivant : DEA > MEA > TEA > AMO (Bibliographie : a) Chimie Organique avec Exercices Corrigs (H. Quiniou & J.-C. Meslin), Eds. Armand Colin, Coll. Flash U, 1993, p. 237 ; b) Chimie
Organique (M. Kiel), Eds Estem, 2004, p. 79.). La raison de lanomalie apporte par la trimthylamine est que les
mesures ayant t faites dans leau, il ya eu un effet de solvatation des ammoniums. Vu quil ny a pas
possibilit de solvatation en milieu gazeux, les mesures de pKa effectues sur les mmes amines gazeuses
ont toutefois permis de corriger lordre de basicit dans le sens TEA > DEA > MEA > AMO
(Bibliographie : 100 Exercices Rsolus de Chimie Organique (F. Szymczak & A. Masson), Eds. Ellipses, 1993, pp. 24-26.).
Consquence de leffet inductif sur la formation des liaisons ou ponts hydrogne
Figure 14 (Bibliographie : a) "Abrg de Chimie Organique" (J. Smadja), Eds Blin, 2004, p. 5 ; b) "L'indispensable de Chimie Organique" (G. E. Senon), Eds. H2O, 2006, p . 30.).
-
+ +
- - -
80%
a) Liaison hydrogne intramolculaire lors d'un quilibre cto-nolique.L'nol est fortement stabilis par la liaison hydrogne.
forme -dictone
20%
OO OO HOO
H
O
O H O
OH- + -
-+-
b Liaison hy drogne intermolculaire,un exemple de dimrisation des acides acrboxyliquesdans un solvant aprotique.
forme nol
La polarisation des liaisons entrane, parfois, des interactions diple-diple au sein dune molcule
ou entre deux molcules voisines. Par exemple, une distance de proximit convenable entre groupes
fonctionnels appropris, il se cre une liaison hydrogne (ou pont hydrogne) entre un atome dhydrogne
li a un htroatome (le plus souvent O ou N) et un autre htroatome de la mme molcule (liaison
hydrogne intramolculaire) (figure 14a) ou dune molcule voisine (liaison hydrogne intermolculaire)
(figure 14b).
La liaison hydrogne est le plus souvent reprsente en pointill, W+-Y-..H+-Z-. Il ne sagit
pas dune liaison covalente mais dune interaction lectrostatique longue distance. Lnergie de la liaison
hydrogne est en consquence trs faible. Par exemple, pour une liaison hydrogne du type O.H,
lnergie de liaison est, en effet, comprise entre 20 et 40 kJmol-1 vs 400 420 kJmol-1 pour une liaison O-H
covalente (Bibliographie : Chimie Organique : les GrandsPrincipes (J. McMurry), Eds. Dunod, 2003, p. 255.). Ainsi, la
somme des nergies des liaisons hydrogne intermolculaires reprsente lnergie quil faut fournir, en sus
de celle de vaporisation ou de fusion, pour changer ltat dun corps qui prsente de pareils liens. Les
liaisons hydrogne intermolculaires sont ainsi lorigine des points dbullition levs de leau (100C
sous 1 atm pour seulement 18 gmol-1), des alcools et des phnols, par comparaison leur correspondant
de masses molaires similaires : les hydrocarbures, les theroxydes et les halognoalcanes. Par exemple, la
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temprature dbullition du propan-1-ol (65 gmol-1) est mesure sous pression atmosphrique +97,4C,
tandis que, dans les mmes conditions exprimentales, celles du butane (58 gmol-1) et du chlorothane (65
gmol-1) sont, respectivement, -0,5C et 12,3C (Organic Chemistry (J. McMurry), Eds. Brooks & Cole, 1996, pp.
1143-1148.). Le mme phnomne est galement observ avec les points de fusion, voire dautres
constantes physiques. En outre, les liaisons hydrogne intermolculaires favorisent aussi la miscibilit
entre deux liquides dont les molcules sont capables de les former. La miscibilit dpend, cependant, du
caractre hydrophobe des liquides en mlange. Et lhydrophobicit savre le plus souvent dterminante
en prsence de chanes alcoyls assez longues allant au-del de cinq atomes de carbone.
Les liaisons hydrogne jouent galement un rle important dans la stabilisation de molcules tant
synthtiques (figures 14a et 15) que naturelles (comme les protines, lADN et lARN). Par exemple, la
cohsion des deux brins de lADN est assure par les liaisons hydrogne trs fortes entre les paires de
bases guanine-cytosine et adnine-thymine (Bibliographie : Comprendre et Apprendre la Chimie Organique (P.
Caubre), Eds PU Nancy, tome 2, 1998, pp 42 & 140.). Par voie de consquence, la stabilisation des molcules par
liaison hydrogne intramolculaire, en particulier, une influence avre sur les proprits acido-basiques
(Bibliographie : Chimie Organique : Mthodes et Modles (P. Vogel), Eds. De Boeck, 1998, pp. 633 & 634.). La forte acidit
de lacide ortho-hydroxybenzoque par rapport au N,N-dimthylanilium est ainsi attribue la stabilisation
de la base conjugue du premier par pont hydrogne (figure 15a).
Figure 15a ("Chimie Organique : Mthodes et Modles " (P. Vogel), Eds De Boeck, 1998, pp. 633 & 634.).
acide ortho-hydroxybenzoque acide para-hydroxybenzoque
COO
OH
+ H
pKa = 4,58
COOH
OHpKa = 2,98
C
O
HO O
H
C
O
HO O
+ H
Aussi, dans le deuxime exemple figure 15b, lacide conjugu du 1,8-(N,N-dithylamino)-2,7-
dimthoxynaphtalne est stabilis par deux liaisons hydrogne, ce qui est impossible avec le N,N-
dimthylanilinium, lacide conjugu de la N,N-dimthyaniline. Cette dernire est par consquent beaucoup
moins basique que le 1,8-(N,N-dithylamino)-2,7-dimthoxynaphtalne.
Figure 15b. Illustration de l'influence des liaisons hydrogne sur l'acidit et la basicit("Chimie Organique : Mthodes et Modles " (P. Vogel), Eds De Boeck, 1998, pp. 633 & 634.).
OMeMeO
N N
1
2
345
6
78 9
10
1,8-Bis-(N,N-dithylamino)-2,7-dimthoxynaphtalne
1
2
345
6
78 9
10
OMeMeO
NH
NH
N N H
pKa = 16,3 pKa = 5,1N,N-dimthylaniline
H+ H+
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Msomrie & Systmes conjugus
Un systme conjugu (ou systme dlocalis) est une espce chimique, neutre ou charge, dont le
squelette molculaire prsente des orbitales p adjacentes capables de se recouvrir paralllement deux
par deux. Tous ou partie de ses lectrons p , savoir les lectrons (ou doublets) des doubles (et/ou
triples liaisons) et/ou les lectrons n (ou doublets libres) non-liants, sont ainsi dplaables sur toute
larchitecture polyatomique tudie. Ils sont partags par au moins trois atomes (les lectrons p et n
sont plus mobiles que les lectrons s (lectrons ), donc moins retenus par le noyau). Les proprits
physico-chimiques et spectroscopiques dun systme conjugu ne peuvent toutefois tre dcrites par les
structures de Lewis classiques. Ainsi, lon use souvent de la thorie de la msomrie (Heinsenberg 1926),
qui nest autre chose quune extension de la thorie de Lewis, pour expliquer certains faits exprimentaux
lis de pareilles entits chimiques. Mais il est bon de prciser demble que les terminologies msomrie
(elle est due Ingold), dlocalisation et rsonance ont la mme signification. Elles sont ds lors utilises
indiffremment. La terminologie rsonance (elle est introduite par Pauling) a, cependant, une connotation
plus anglaise que franaise.
La msomrie, qui veut dire entre plusieurs formes (daprs Ren Milcent, dans Chimie Organique :
Strochimie, Entits Ractives et Ractions Eds. EDP Sciences, 2007, p. 147.), est un concept mathmatique de la
reprsentation des systmes conjugus bas sur des considrations purement de mcanique quantique.
Cest un procd dcriture qui sert dcrire ou formuler la vraie structure dun systme conjugu qui ne
peut tre validement reprsente par un modle de Lewis unique. Cette structure, laquelle est la plus
raliste dentre toutes celles possibles dun systme conjugu, est dite hybride de rsonance. Elle est la
rsultante de deux ou plusieurs formes ou structures dites limites ou canoniques partiellement fausses
mais qui encadrent la ralit (Bibliographie : Hawleys Condensed Chemical Dictionnary (Sr, R. J. Lewis), 13th Edition, Eds.
J. Wiley & Sons, 1997, p. 965.). Lesquelles formes limites sont aussi appeles msomres, formes ou structures
msomres, formes ou structures rsonantes ou de rsonance. Elles diffrent uniquement par la position
des charges formelles. Elles sont, cependant, fictives et nont par consquent aucune ralit physique,
encore moins une existence indpendante (Bibliographie : Chimie Organique : Strochimie, Entits Ractives et Ractions (R. Milcent), Eds. EDP Sciences, 2007.).
A lorigine, la msomrie tait applique aux seuls drivs aromatiques, notamment le benzne qui
prsente beaucoup de structures de Lewis approximatives possibles mais non satisfaisantes (figure 16a).
Elle est par la suite tendue aux autres systmes conjugus. Mais il nya pas que les lectrons p qui sont
toujours concerns par la msomrie. Les lectrons des orbitales d des lments partir de la troisime
priode peuvent aussi tre lobjet dune dlocalisation. Ce type de msomrie est le plus souvent observ
Elles reprsentent en fait les charges qui apparaissent sur les atomes lors du passage dune forme msomre une autre. En chimie organique, les charges formelles dsignent les charges effectives portes par les atomes dans une molcule ou un ion. La somme algbrique desquelles donnent la charge totale de la molcule ou de lion.
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chez les mtaux de transition de complexes organomtalliques (Bibliographie : Introduction la Chimie Molculaire
des Elments de Transition (F. Mathey & A. Sevin), Eds. Ellipses, 1991, pp. 72, 98 & 108.). En outre, dans le cadre dune
hyperconjugaison (ou hyperrsonance) (figures 14a et 16b), les lectrons s de la liaison H-C dun
groupe mthyle (-CH3), mthylne (-CH2R) ou mthyne (-CHR2) dans un motif du type H-C-C1=C2 sont
le plus souvent dlocaliss vers une orbitale p du C1 sp2 , entranant ainsi la mise en libert du proton
de la liaison H-C (figure 16b) (Bibliographie : Chimie Organique : Strochimie, Entits Ractives et Ractions (R. Milcent), Eds. EDP Sciences, 2007, p. 158 ; Comprendre et Apprendre la Chimie Organique (J. Caubre), Eds. , p. 69.).
C C CR2
H
R
R
R
C C CR2
R
R
R
H
Figure 16b. Un exemple d'hyperconjugaison ("Adcanced Organic Chemistry: RactionsMechanisms and Strutures" (J. March), Eds. John Wiley & Sons, 1992, p. 68.)
Claus
; ;
Deware
Figure 16a. Les structures toutes fausses du benzne.Landenburg
Kkul
; ;;
Les principaux cas de msomrie
En msomrie, la dlocalisation des lectrons p recommande une certaine homologie dans la
disposition spatiale des orbitales p tant occupes (1 ou 2 lectrons) que vacantes (0 lectron). Celles-ci
doivent tre adjacentes et parallles. Cela implique ds lors que la structure polyatomique engage dans le
processus de dlocalisation soit suffisamment plane, la faveur dun recouvrement du type parallle non
perturb ou optimum des orbitales p . Les centres atomiques (les noyaux) de la structure fondamentale
implique dans la msomrie sont en consquence hybrids sp ou sp2 (figure 17).
-3/4+1/4+1/4+1/4
Figure 17. Orbitales p adjacentes et parallles impliques dans la conjugaison des liaisons du benz ne et de l'hexa-1,3,5-trine.
hybride de rsonance
benzne
hybride de rsonance
Hexa-1,3,5-trineH2C
CH2
H
H
H
H
H2CCH2
H2CCH2
H2CCH2
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Ainsi, toutes les structures polyatomiques nadmettent pas la msomrie. La dlocalisation des
lectrons p et n nest observe que pour certains motifs tels que ceux ci-aprs dcrits. Mais cela
nempche pas quun systme conjugu puisse en cumuler plusieurs sortes (Bibliographie : a) Chimie Organique (M. Hiel), Eds Estem, 2004, p. 66 ; b) Chimie Organique avec Exercices Corrigs (H. Quiniou & J-C. Meslin), Eds A.
Colin, Collect. Flash, 1993, p. 55.).
Motif p-s-p : alternance de liaisons multiple et simple (A=B- C=D)
A) Le propanal, un exemple de systme conjugu.
B) Quatre exemples de systmes non conjugus : pas d'alternance entre les liaisons et les liaisons .
Figure 17.
hybride de rsonance
C C CO
H
H
H
C C CH
H
O
H
C C CH
H
H
H
C C CH
H
CH
H
hexa-1,4-dine cyclohexa-1,4-dineAllne Allne
C C CO
H
H
H
propanal
; ; ;
-2/3
+1/3+1/3
C C CO
H
H
H
Motif p-s-n : liaison multiple-liaison -doublet libre (A=B- C:)
hybride de rsonanceC C NH2H
H
C C NH2H
H
C C NH2H
H
C C CH2
H
NH2
H
HB) L'allylamine, un exemple de systme non conjugu : deux liaisons sparent le doublet et la paire libre.
A) La vinylamine, un exemple de systme conjugu : seule une liaison spare le doublet et la paire libre.
Figure 19.
+1/2-1/2
Motif p-s-v : liaison multiple-liaison -orbitale vacante (A=B- C)
CH2 CH2 CH2
ion benzylium
CH2CH2
Figure 20. hybride de rsonance
CH2+2/5
+1/5
+1/5
+1/5
Motif v-s-n : orbitale vacante-liaison -atome porteur dun doublet libre (A- B:)
hybride de rsonance
H2C NH2 H2C NH2 H2C NH2+1/2 +1/2
Figure 21.
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Motif p-s-e : liaison multiple-liaison -atome porteur dun lectron clibataire (A- B=C).
CH
H2C
C
H
H
C
H
H2C
CH2
Figure 22
Motif e-s-n : atome porteur dun lectron clibataire-liaison -doublet libre (A- B:)
H2C OH H2C OH
Figure 23
Dans llaboration des formes rsonantes, les flches incurves double hameon indiquent le
dplacement des lectrons dun doublet , dun doublet libre ou dune charge ngative vers une liaison
ou un atome qui prsente une orbitale p vacante. Dans les cas despces charges, elles sont toujours
diriges du moins (-) vers le plus (+). Les flches un hameon sont destines au transfert dun lectron
dune liaison covalente , dun doublet libre, dune charge ngative ou dune orbitale atomique. Les
flches double sens, en revanche, matrialisent quant elles le passage dune forme msomre une
autre. Elles sont donc diffrencier des deux flches des ractions quilibres, lesquelles dsignent la
transformation chimique ou la formation de molcules.
Les rgles dcriture et de slection des formes rsonantes
Toutes les structures rsonantes possibles dun systme conjugu nont pas toujours le mme
poids statistique, cest--dire la mme contribution la formation de lhybride de rsonance. En
gnral, il yen a qui sont moins contributifs, parce que plus dstabiliser ou plus nergtiques que dautres.
Ainsi, la structure hybride de rsonance, qui est la moyenne pondre de toutes les formes msomres
possibles, ressemblera plus aux formes msomres les plus contributifs (ou plus probables) dites
majoritaires quaux formes les moins contributifs (ou moins probables) dites minoritaires. Llaboration
des formes msomres dun systme conjugu obit ds lors des rgles dcriture et de slection, soit :
Rgles dcriture des formes rsonantes
Seuls les lectrons des doublets et des doublets libres non-liants n sont
dlocalisables et jamais les lectrons (sauf, bien entendu, dans le cas dune
hyperconjugaison).
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La disposition de larchitecture polyatomique doit demeurer plane. Elle ne change
pas dune forme msomre une autre. Cela veut dire que les noyaux ne bougent
pas.
C CR
R1
H
HC C
H
R1
R
H
Figure 24 ("Comprendre et Apprendre la Chimie Organique" (P. Caubre), tome 1, Eds. P. U. Nancy, 1987, p. 69.).
Le nombre des lectrons clibataires demeure inchang en passant dune forme
msomre une autre.
La charge totale de la forme initiale est retrouve dans chacune des formes
rsonantes.
Le transfert des lectrons se fait de proche en proche au sein des systmes
dlocaliss qui prsentent plusieurs liaisons multiples conjugues.
Figure 25
H2C CH CH CH CO
RH2C CH CH CH C
O
R
H2C CH CH CH CO
RH2C CH CH CH C
O
R
Rgles de slection des formes rsonantes
La rgle de loctet doit tre vrifie pour le maximum datomes des lments des
deux premires priodes. Les formes pour lesquelles les atomes des dits lments
ne satisfont pas la rgle de loctet sont priori exclure.
C CH
H H
NCH3
H3C CH3
C CH
H H
NCH3
H3C CH3
ion trimthylvinylammonium
A
la forme B est impossible
B
Figure 26. Il n'existe pas de msomrie car les atomes d'azote et d'oxygne des formes rsonantes B ne respectent pas la rgle de l'octet.
B la forme B est impossible
CH OR
R'
CH
HCH O
R
R'
CH
H BAion vinyloxonium la forme B est impossible
OH
A
OH
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Les msomres non chargs qui prsentent le plus grand nombre de doubles ou
triples liaisons sont plus stables et par consquent plus contributifs.
H2C C
H
CH
CH2H2C C
CH
H
CH2
A BC
Figure 27. Le msomre A ne comporte pas de charge. Il est par consquent plus stable que les msomres B et C. Ces dernierssont tous les deux valables, mais sont moins contributifs que A la formation de l'hybride de rsonance.
H2C CC
H
H
CH2
Les formes msomres les plus stables sont celles pour lesquelles la somme des
valeurs absolues des charges de tous les atomes est la plus faible (cest un corollaire
de la deuxime rgle). Les formes prsentant plus de deux charges sont ds lors
peu contributives.
BA
2 charges 4 charges
N
O
ON
O
O
La forme B est improbable pour deux raisons :a) O qui est plus lectrongatif que C est charg (+), tandis que C est charg (-)b) la somme des charges dans B est plus garande que la somme des charges dans A.
Figure 30.
Parmi les formes msomres charges, celles qui portent des charges de signes
contraires plus proches ou des charges de mme signe plus loignes lune de
lautre sont plus stables. La prsence la fois de deux charges de mme signe sur
un atome rend ainsi la forme msomre totalement instable.
a) La forme A est plus contributive que la forme B.
Figure 29.
E
N N ON N O N N O
b) La forme Eest impossible en raison de la prsence des deux charges (-) sur l'un desd'azote, de la proximit des deux chrages (+) et du nombre total lev de charges.
C D
H2C CC
H
H
CH2CH2C C
CH
H
CH2
A
Pour plusieurs formes limites charges concurrentes, celles pour lesquelles les
atomes trs lectrongatifs portent les charges (-) ont plus de poids que celles
qui contiennent des charges (+) sur ces mmes atomes.
Dans la forme B, l'atome de carbone, qui est moins lectrongatif que l'atome d'oxygne,porte la chrage (-). B est donc moins contributive que A.
B
C C
H
H
H
O
A
C C
H
H
H
O
Figure 28.
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Il ya toutefois des exceptions. Par exemple, entre les msomres -ICOI+ IC=OI
et entre ceux -ICNI IC=NI-, les premires sont plus contributives bien que le
carbone, qui est moins lectrongatif que O et N, soit le porteur de la charge (-).
Les formes pour lesquelles un groupe lectroattracteur (-I) est directement li un centre atomique charg positivement sont trs instables. Ils sont improbables,
donc exclure.
NOO
C
F
FF A
B C D E
Les formes A et E sont les moins charges. Elles sont plus stables et donc majoritaires. La forme B est destabilise par l'effet inductif attracteur trsprononc du goupe -CF3. Elle est exclure.
NOO
C
F
FF N
OO
C
F
FF N
OO
C
F
FF N
OO
C
F
FF
Figure 31.
Les formes limites pour lesquelles un groupe lectrodonneur (+I) est directement li un centre atomique charg ngativement sont trs instables et par consquent exclure.
Figure 32. La forme B est destabilise par l'effet lectrodonneur du groupe tertio-butyle. Elle est aussi exclure.
O
C
H3C
H3C
H3
O
C
H3C
H3C
H3
O
C
H3C
H3C
H3
O
C
H3C
H3C
H3
O
C
H3C
H3C
H3
A B C D E
Ds lors, pour choisir le plus stable entre deux systmes conjugus, on compte le nombre de
formes limites produites par chacun. On en repre ensuite les identiques et en limine les improbables. De
ce fait, le systme conjugu le plus stable sera celui qui prsentera le plus grand nombre de formes limites.
Plus grand est le nombre de formes limites valides dun systme conjugu, plus grande sera sa stabilit et
plus facile sera sa formation mais plus difficile sera sa ractivit.
Effet msomre & Classement des effets msomres de quelques substituants
Dans un systme conjugu, la prsence dun groupement peut orienter le sens du transfert des
lectrons au cours dun processus de dlocalisation lectronique. On parle alors deffet msomre ou
deffet lectromre du groupement en soi. Les groupements directement lis aux centres atomiques qui
participent une msomrie sont ainsi classs en msomres donneurs (not +M) et en msomres accepteurs (not -M) (tableau 3). Ils sont dits msomres donneurs lorsquils induisent une charge (-) sur
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un centre atomique adjacent. Et ils sont dits msomres accepteurs ou msomres attracteurs sils
gnrent une charge (+) sur celui-ci.
Tableau 3.
Les groupements diffrent, cependant, par leur aptitude donner ou sattirer les lectrons
dlocalisables. Ainsi, il est possible de les classer comme ci-dessous en fonction de lintensit de leur
action, par comparaison latome dhydrogne qui prsente un effet lectromre nul, 0M. Par exemple, un atome charg a un effet lectromre plus important que son homologue non charg (-O- > -O-).
Effet +M : -O- > -NH2 > -NHR > -NR2 > -OH > -OR > -F > -Cl > -Br > -I
Effet -M : -NO2 > -SO3H > -SO3R > -CN > -CHO > -COR > -COOR > -CONH2
Ltude comparative des classements des groupements en fonction de leffet inductif et de leffet
msomre quils prsentent montre que, dans les systmes conjugus, les groupements polaires
comportant des liaisons multiples, tels -C=O, -C=N, -NO2, exercent un effet msomre -M et un effet inductif -I allant dans le mme sens. Les deux effets sont ds lors cumulatifs. En revanche, les atomes et groupements, comme -Cl ; - Br ; -I ; -OH ; -OR ; -NH2 ; -NHR ; -NR2, etc., prsentent un effet inductif (-I) et effet msomre (+M) opposs. Mais leffet msomre est du premier ordre. Il est le plus souvent prpondrant sur leffet inductif. Ce dernier est masqu sil est deffet contraire. (Bibliographie : Comprendre
et Apprendre la Chimie Organique (P. Caubre), Eds. P. U. Nancy, tome 1, 1987, p. 71.).
Enonc de quelques rsultats exprimentaux expliqus par la thorie de la msomrie
Consquences de la msomrie sur les longueurs des liaisonsdC=O = 120 pm < dC-O = 131 pm < dC-O = 143 pm
Figure 33. Dlocalisation des lectrons de l'ion carbonate (CO32-) et les longueurs de ses liaisons .
C
O
O OC
O
OO
C
O
OO
C
O
O O
-2/3
-2/3-2/3 hybride de rsonance
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Pour rappel, signalons une fois de plus que la thorie de Lewis est fonde sur la localisation des
liaisons de covalence (un lectron localis appartient un atome ou est partag par seulement deux
atomes), tant les que les . Elle ne permet pas toujours de rendre compte de la structure des espces
chimiques de manire exacte. En effet, dans lexemple de lion carbonate (CO32-) figure 33, il a t
exprimentalement prouv que, contre toute attente base sur la thorie de Lewis, les trois liaisons CO
sont quivalentes. Ainsi, la longueur de chacune delle est gale 1,31 vs 1,43 pour la liaison simple
C-O vs 1,20 pour la C=O.
Ce rsultat exprimental ne peut tre expliqu par la thorie de Lewis. La thorie de la msomrie
apporte nanmoins une explication la structure du carbonate en prconisant la dlocalisation des
lectrons sur les trois atomes doxygne. Compar lune des structures de Lewis, lhybride de
rsonance rsulte ainsi dune augmentation de lordre des liaisons simples et dune diminution, dans les
mmes proportions, de lordre des doubles liaisons (ordre de liaison = nombre de liaisons chimiques,
partielles et entires, entre deux atomes).
Consquences de la msomrie sur la stabilit et la ractivit de systmes conjugus
Cyclohexne
"Cyclohexa-1,3, 5-trine"
Benzne
Cyclohexa-1,3-dine
-119,7 kJmol-1-229,7 kJmol-1
-330,0 kJmol-1
(calcul)-206,3 kJmol-1
E-123,7 kJmol-1
+ 2H2
+ 2H2
+ 2H2
2H2 +
Figure 34. Bilans nergtiques des ractions d'hydrognation catalytique du suppos cyclohexa-1,3,5-trine et du benzne(Bibliographie : "Trait de chimie organique" (Vollhardt & Schore), 2ime dition, 1995, p. 355.)
Cyclohexane
Aussi, dans lexemple du benzne (C6H6), les six liaisons C-C sont toutes identiques. Les atomes
de carbone adjacents sont situs les uns des autres la mme distance de 1,39 , cest--dire entre celles
dune double liaison C=C (1,34 ) et dune liaison simple C-C (1,47 ). En outre, contre toute attente,
lnergie dgage au cours de lhydrognation catalytique du benzne en cyclohexane (C6H12) vaut
seulement H = -208 kjmol-1. Ce dernier rsultat na, cependant, de sens que si nous le comparons la
H obtenue par un simple calcul thorique bas sur lexistence de trois doubles liaisons C=C dans la
structure de Lewis suppose du benzne, cest--dire lune ou lautre des deux structures du cyclohexa-
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1,3,5-trine proposes par Kkul (figure 16). Ainsi, considrant que lhydrognation catalytique de la
seule double liaison du cyclohexne fournit -119,7 kJmol-1, la chaleur de raction attendue pour le
benzne, sous sa forme cyclohexa-1,3,5-trine, devrait tre de -330,0 kJmol-1, cest--dire 3 x (-119,7) + 3 x
9,7 (ce dernier facteur reprsente la correction de rsonance du cyclohexa-1,3-dine, ds lors que les trois
additions de H2 sont conscutives et non concomitantes (Bibliographie : Trait de Chimie Organique Vollhardt &
Schore, 2ime dition, 195, p. 517.)). La diffrence dnergie de -123,7 kJmol-1 (ou -29,59 kcalmol-1) entre la
molcule hypothtique du benzne, savoir le cyclohexa-1,3,5-trine, et sa molcule relle, savoir
lhybride de rsonance de la figure 34, est explique par la dlocalisation des lectrons sur lensemble du
noyau aromatique (figure 17). Cette nergie, qui est appele nergie de rsonance et souvent note Er,
assure, en fait, la stabilit thermodynamique et cintique du benzne. Et pour preuve, en raison de sa
stabilisation par msomrie, le benzne sest montr inerte, 25 C, lgard des ractions doxydation et
daddition de ractifs auxiliaires tels KMnO4, Br2 et HCl (Bibliographie : Trait de Chimie Organique Vollhardt &
Schore, 2ime dition, 195, p. 517.).
En revanche, dans le cas du buta-1,3-dine (figure 35), lnergie de rsonance, Er, est seulement de
15 kjmol-1. Le buta-1,3-dine est en consquence beaucoup moins stabilis que le benzne. Cela tait
pourtant prvisible, vu que ce dernier possde un plus grand nombre de liaisons dlocalisables
(Bibliographie : Trait de Chimie Organique Vollhardt & Schore, 2ime dition, 195, p. 517.). Mais la msomrie du buta-
1,3-dine peut tre mieux apprcie en envisageant, par exemple, sa raction avec lacide bromhydrique
(HBr). En effet, conduite -80C, la raction donne lieu, et ce de manire fortuite, la formation du 3-
bromobutne 80% et du 1-bromobut-2-ne 20%. Les rapports sont toutefois inverss lorsque la
raction est effectue +40C. Indpendamment des conditions exprimentales, la formation du 1-
bromobut-2-ne, B2, ne peut tre explique que par la thorie de la msomrie, en envisageant lexistence de la forme rsonante B1 figure 34 (Bibliographie : Chimie Organique (Beynier & Mesplede), 1990, pp. 23 & 24.).
Figure 34. La raction du buta-1,3-dine avec l'acide bromhydrique (HBr). Les deux formes msomresA1 et B1 expliquent, respectivement, les formations des drivs A2 et B2.
HBr
B1
CH
H
C CHH
CHH
H
CH
H
C CHH
CHH
H A1
buta-1,3-dine
CH
H
C CHH
CH
H Br
H
CH
C CHH
CH
H Br
H H
A2
B2
3-bromobutne
1-bromobut-2-ne
CH
H
C CHH
H
CH
Comme pour le benzne et le buta-1,3-dine, lnergie de rsonance des systmes conjugus ne
peut toutefois tre quantifie (Bibliographie : Prcis de Chimie : Chimie Organique (J. Mesplede & J. -L. Queyrel), Eds.
Breal, 1995, p. 194.). Elle reprsente une diffrence dnergie entre deux valeurs thorique et exprimentale.
En cela, elle na pas dintrt pratique sauf de permettre destimer le gain de stabilit apporte au systme
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conjugu par la msomrie. Ainsi, plus grande est la dlocalisation des lectrons, plus grande sera-t-elle en
valeur absolue et plus grande sera la stabilit du systme conjugu. Cest ce qui explique, par ailleurs, la
grande stabilit des systmes hyperconjugus naturels (systmes de plus de huit doubles liaisons
conjugues), tels les pigments appartenant la famille des carotnes : -, - et -carotnes (figure 36). Du
fait de la forte dlocalisation de leurs lectrons , les systmes hyperconjugus absorbent fortement la
lumire dans le domaine allant de lultraviolet au visible, gnrant ainsi des couleurs intenses et varies.
Par exemple, le -carotne est le pigment responsable de la couleur orange de la carotte.
-carotne
-carotne
Figure 36. Quelques exemples de systmes hyperconjugus naturels appartenant la famille des carotnes.
-carotne
Consquences de la msomrie sur les proprits acido-basiques
Leffet msomre +M ou leffet msomre -M dun groupement une influence plus ou moins significative sur les comportements acido-basiques des systmes conjugus. Nous en donnons ici quelques
exemples illustratifs.
Figure 37 ("Chimie Organique : Exercices corrigs" (F. Hnin & J. Hnin), Eds. Estem, 1996, p. 156.).
CH2NHEt; ;
C = N-thylbenzylamine
pKa = 9,33
NH2 NHEt;
A = Aniline B = N-thylanilinepKa = 4,63 pKa = 5,12
CH3(CH2)2NH2
D = N-propylamine
pKa = 10,7
La basicit des amines dpend de la disponibilit du doublet dlectrons sur latome dazote devant
accueillir le proton. Ainsi, les basicits des amines de la figure 37, sont ranges dans lordre dcroissant,
soit : A < B < C < D. Or, dans les composs A et B, les paires libres sont engages dans la dlocalisation lectronique avec le noyau aromatique. La densit lectronique de B est cependant renforce par leffet +Idu groupement thyle. B est donc plus basique que A. Dans le compos C, la paire libre de latome
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dazote nest pas conjugue avec les doubles liaisons du noyau aromatique. En labsence de msomrie, la
densit lectronique de latome dazote dans C est nanmoins amoindrie par leffet -I assez faible du benzyle. Le compos D prsente uniquement un effet +I du propyle, il est en consquence plus basique que les autres amines.
Figure 37 ("Chimie Organique : Exercices et Problnes Rsolus" (J.-P.. Beynier & J. Mesplde), Eds. Bral, 1990, p. 18).
C C H3C C C
ON
OCH2
ON
OCH2
ON
OCH2
C = CyclopentadineB = PhnylactylneA = NitromthanepKa = 10 pKa = 13,5 pKa = 25
D = Propyne
pKa = 18,5
C C H H3C C C H; ; ;O
NO
CH2 H
;
Dans la srie de composs figure 38, lordre dacidit va dans le sens A > C > B > D. Le nitromthane (A) est ainsi le compos le plus acide. Son acidit est renforce par leffet -I du groupe NO2, en plus de la stabilisation de sa base conjugue par msomrie. Lion cyclopentadinyle est la base
conjugue du cyclopentadine. Il est galement stabilis par msomrie, ce qui nempche pas que le
cyclopentadine est moins acide que le nitromthane. Les doublets libres des bases conjugues du
phnylactylne et du propyne ne sont pas dlocalisables. Ces anions sont ds lors beaucoup moins
stables, donc plus ractifs que les deux premiers. Le phnylactylne et le propyne sont donc les acides les
moins forts. Le phnylactylne est toutefois moins acide que le propyne, en raison de la lgre
stabilisation du doublet de sa base conjugue par leffet -I du phnyle.