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1 R.-H. Bautier, La phase cruciale de l’histoire des archives : la constitution des dépôts d’archives et la naissance de l’archivistique (XVI e -début du XIX e siècle), dans Archivum, 18, 1968, p. 139-149, à la p. 139. 2 G. Marini et C. Ruggieri, Memorie istoriche degli Archivi della Santa Sede e della biblioteca Ottoboniana ora riunita alla Vaticana, Rome, 1825. 3 Regestum Clementis papae V ex Vaticanis archetypis (...) nunc primum edi- tum, cura et studio monachorum ordinis S. Benedicti, t. I, Rome, 1885, p. XLVII- LXV (pour la période XVI e -XVII e siècles). OLIVIER PONCET LES ARCHIVES DE LA PAPAUTÉ (XVI e -MILIEU XVII e SIÈCLE) LA GENÈSE D’UN INSTRUMENT DE POUVOIR Dans une communication, désormais classique, prononcée lors du VI e congrès international des archives tenu à Madrid en 1968 1 , Ro- bert-Henri Bautier proposait une périodisation de l’histoire des archi- ves avant leur situation présente. Il suggérait de voir se succéder ainsi «l’époque des archives de palais (qui correspond en gros à l’Antiquité); celle des trésors des chartes (XII e -XVI e siècle); celle des archives arse- nal de l’autorité (XVI e -début du XIX e siècle); celle, enfin, des archives laboratoire de l’histoire (début du XIX e -milieu du XX e siècle)». Dans le même temps, il reconnaissait à la troisième de ces périodes la quali- fication de «phase cruciale de l’histoire des archives», au cours de la- quelle les dépôts d’archives s’étaient constitués au moment même où l’archivistique, entendue comme théorie consciente de l’archivage des documents, était fondée. À ses yeux, «la formation des archives vati- canes en 1610» durant le pontificat de PaulV (1605-1621) constituait «un des grands événements de l’archivistique». Alors, l’Archivio segre- to Vaticano, prototype de la modernité archivistique? Dès 1809, Gaetano Marini, l’un des deux préfets de l’Archivio se- greto Vaticano, composa une histoire de son dépôt d’archives, his- toire qui fut publiée seulement en 1825 par les soins du premier custode de la Bibliothèque vaticane, Angelo Mai 2 . C’est ce même mé- moire que reprirent, en le commentant à l’aide de documents iné- dits, les bénédictins du Mont-Cassin dans l’introduction de leur re- geste des bulles de Clément V en 1885, peu de temps après l’ouver- ture de l’Archivio au public 3 . Si l’on y joint un important article de
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May 13, 2023

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1 R.-H. Bautier, La phase cruciale de l’histoire des archives : la constitutiondes dépôts d’archives et la naissance de l’archivistique (XVIe-début du XIXe siècle),dans Archivum, 18, 1968, p. 139-149, à la p. 139.

2 G. Marini et C. Ruggieri, Memorie istoriche degli Archivi della Santa Sede edella biblioteca Ottoboniana ora riunita alla Vaticana, Rome, 1825.

3 Regestum Clementis papae V ex Vaticanis archetypis (...) nunc primum edi-tum, cura et studio monachorum ordinis S. Benedicti, t. I, Rome, 1885, p. XLVII-LXV (pour la période XVIe-XVIIe siècles).

OLIVIER PONCET

LES ARCHIVES DE LA PAPAUTÉ(XVIe-MILIEU XVIIe SIÈCLE)

LA GENÈSE D’UN INSTRUMENT DE POUVOIR

Dans une communication, désormais classique, prononcée lorsdu VIe congrès international des archives tenu à Madrid en 19681, Ro-bert-Henri Bautier proposait une périodisation de l’histoire des archi-ves avant leur situation présente. Il suggérait de voir se succéder ainsi«l’époque des archives de palais (qui correspond en gros à l’Antiquité);celle des trésors des chartes (XIIe-XVIe siècle); celle des archives arse-nal de l’autorité (XVIe-début du XIXe siècle); celle, enfin, des archiveslaboratoire de l’histoire (début du XIXe-milieu du XXe siècle)». Dansle même temps, il reconnaissait à la troisième de ces périodes la quali-fication de «phase cruciale de l’histoire des archives», au cours de la-quelle les dépôts d’archives s’étaient constitués au moment même oùl’archivistique, entendue comme théorie consciente de l’archivage desdocuments, était fondée. À ses yeux, «la formation des archives vati-canes en 1610» durant le pontificat de Paul V (1605-1621) constituait«un des grands événements de l’archivistique». Alors, l’Archivio segre-to Vaticano, prototype de la modernité archivistique?

Dès 1809, Gaetano Marini, l’un des deux préfets de l’Archivio se-greto Vaticano, composa une histoire de son dépôt d’archives, his-toire qui fut publiée seulement en 1825 par les soins du premiercustode de la Bibliothèque vaticane, Angelo Mai2. C’est ce même mé-moire que reprirent, en le commentant à l’aide de documents iné-dits, les bénédictins du Mont-Cassin dans l’introduction de leur re-geste des bulles de Clément V en 1885, peu de temps après l’ouver-ture de l’Archivio au public3. Si l’on y joint un important article de

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4 V. Peri, Progetti e rimostranze. Documenti per la sotia dell’Archivio segretoVaticano all’erezione alla metà del XVIII secolo, dans Archivum historiae pontifi-ciae, 19, 1981, p. 191-237.

5 Il ne sera pas ici question de reprendre le débat sur la qualification de «se-greto» qui fit (et fait encore) couler bien de l’encre inutile; voir pour une mise aupoint E. Sastre Santos, En torno al título de «Archivio segreto Vaticano», dansEuntes docete, 47, 1994, p. 401-450.

6 V. Peri (Progetti e rimostranze...) échappe brillamment à ce travers, bienqu’il cède à l’approche «immobilière» de l’histoire de l’Archivio qui donne unelarge audience à l’histoire des locaux, ces derniers envisagés comme l’incarnationde la réalité politique archivistique, en sous-estimant l’ample travail de récupéra-tion des documents d’archives conservés en main privée.

7 On le trouve par exemple sous la plume de G. Gualdo, L’Archivio segretoVaticano da Paolo V (1605-1621) a Leone XIII (1878-1903). Caratteri e limiti deglistrumenti di ricerca messi a disposizione tra il 1880 e il 1903, dans Archivi e archi-vistica a Roma dopo l’unità. Genesi storica, ordinamenti, interrelazioni. Atti del

Vittorio Peri paru un siècle plus tard environ4, l’essentiel des docu-ments relatifs à l’histoire de l’Archivio Vaticano durant l’époque mo-derne ont ainsi été publiés. À la lumière de quelques nouvelles dé-couvertes, que l’on ne saurait qualifier d’ultimes sans beaucoup deprésomption, il a semblé possible de revisiter brièvement cette his-toire complexe, parfois confuse pour le non-initié, afin de tenter dedégager les traits spécifiques de cette création et de mesurer l’exacteoriginalité de ce projet.

De tous les grands dépôts d’archives au monde, il n’en est pasun qui ait donné lieu à plus d’études et de publications sur sonhistoire que les archives de la papauté, et plus particulièrement del’Archivio Vaticano5. L’écriture de ce récit, comme dans biend’autres cas semblables, emprunte largement la voie d’une lecturetéléologique des vicissitudes de ce dépôt supposé évidemment des-tiné à un développement logique et rectiligne. Il est fréquent deparcourir l’histoire des archives de la papauté suivant un cheminlinéaire pris à rebours à la lumière de ce que l’Archivio segreto Va-ticano est devenu à son âge classique du XVIIIe au XXe siècle,c’est-à-dire le dépôt central des archives de la plupart des dicas-tères de la Curie. Sont alors généralement gommés ou négligéstous les autres projets qui n’ont pas abouti, et pour cause6. En-suite, cette histoire est volontiers isolée du reste des réformes ar-chivistiques qui affectèrent les institutions romaines et pontificalesen général, de sorte que tout effort dans le sens d’une meilleuregestion des archives à Rome paraîtrait se résumer au seul ArchivioVaticano. Pour essayer d’infléchir cette vision, la notion et leterme d’archives centrales seront volontairement cités. Ils ontcontre eux de n’avoir jamais été employés au cours de l’époqueconsidérée même si certains des meilleurs connaisseurs des archi-ves pontificales ne rechignent pas à en user7. Il exprime cependant

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convegno Roma, 12-14 marzo 1990, Rome, 1994 (Pubblicazioni degli Archivi di Sta-to, Saggi 30), p. 164-185, à la p. 166.

8 Sur la valeur réelle de cette fourchette chronologique, voir G. Gualdo, Sus-sidi per la consultazione dell’Archivio Vaticano. Volume I. Lo schedario Garampi. IRegistri Vaticani. I Registri Lateranensi. Le «Rationes Camerae». L’archivio concis-toriale, Cité du Vatican, 1989 (Collectanea Archivi Vaticani, 17), p. XVI, n. 3.

9 V. Peri (Progetti e rimonstranze..., p. 211) déclare que la séparation desfonctions de préfet de l’Archivio de celle de premier custode de la Vaticanepar bref du 23 juillet 1630 pourrait constituer «la data di fondazione dell’Ar-chivio».

de manière commode la notion d’un réseau de dépôts d’archivesdisséminés à Rome, au sein même des administrations qui les pro-duisent ou dans des lieux de conservation ad hoc comme le Châ-teau Saint-Ange ou la Bibliothèque vaticane.

Les années 1610-1612 – nomination de Michele Lonigo commepréfet des registres et bulles de la Bibliothèque vaticane (27 octo-bre 1610), transfert de volumes de la Chambre apostolique (20 dé-cembre 1611) et affectation au premier custode de la Vaticane dutitre de garde des Archives (31 janvier 1612) – sont habituellementretenues pour marquer la naissance de l’Archivio segreto8. Commetoute date de fondation, celle-ci (parfois discutée9) est tropcommode et trop lapidaire pour dire pleinement la portée de ladécision de Paul V. Celle-ci donnerait presque à croire que dunéant sortit un archivio idéal brusquement imposé à tous, pape,Curie et officiers, comme une évidente révélation. Il n’en est rien.L’impact réel des réformes archivistiques de la papauté au débutde l’époque moderne mérite d’être soupesé à l’aune d’un arc detemps plus large que le seul pontificat du pape Borghese. Aucuneinstitution ne naît ex nihilo, pas plus qu’aucune n’est figée dansune table de marbre. Les premiers temps sont souvent décisifsdans les traits constitutifs de son caractère et il en est des institu-tions comme des plantes. Une fois la décision prise, souvent rema-niement de tentatives infructueuses, refondation de formules ina-daptées, voire obsolètes, ou mise en œuvre de projets quelquefoislongtemps remâchés, la nouvelle institution puise dans les pre-miers moments de son existence, dans les orientations que luidonnent ses premiers principaux animateurs, ce qui fait sa forceou, parfois sa faiblesse intrinsèque. Selon les cas, elle prospère, vé-gète ou disparaît. La genèse de l’Archivio segreto comme l’histoirede ses premières décennies constituent à cet égard une excellenteillustration de cet ensemble de désordres, d’illusions, de renonce-ments, de marches heurtées, de solutions compliquées, si révéla-teur d’une réalité historique des institutions à mille lieues d’unehypothétique marche administrative triomphale.

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10 Voir par exemple l’inventaire qu’en dressa à partir du 6 décembre 1518 lebibliothécaire dominicain Zenobio Acciaiolo : les mauristes de Saint-Germain-des-Prés s’en procurèrent une copie au début du XVIIIe siècle, par l’intermédiairede dom Joseph Avril, prieur de l’abbaye de Corbie, et la publièrent partiellement(B. de Montfaucon, Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova (...), 2 vol.,Paris, Briasson, 1739, t. I, p. 202-215. Un texte plus complet, peut-être auto-graphe, est conservé à la B. A. V., Chigi, H II 49, «Tabula scripturarum anti-quarum que asservantur in Arce S. Angeli» : Acciaiolo acheva son inventaire ana-lytique de 114 documents le 5 avril 1519.

11 Bullarium romanum, t. V.12 A.-J. Marquis, Le collège des correcteurs et scripteurs d’archives. Contribu-

tion à l’étude des charges vénales de la Curie romaine, dans E. Gatz (éd.), RömischeKurie. Kirchliche Finanzen. Vatikanisches Archiv. Studien zu Ehren von HermannHoberg, 2 vol., Rome, 1979 (Miscellanea historiae pontificiae, 45-46), t. I, p. 459-471.

Le XVIe siècle archivistique à Rome semble frappé d’un granddiscrédit qui tient sans doute autant au faible nombre de mesuresprises dans ce domaine qu’au caractère utopique de celles qui l’ontété. Dans la première moitié du XVIe siècle, les archives centrales dela papauté relevaient encore du statut de trésor des chartes,commun à toutes les archives d’État des puissances séculières de l’é-poque. Depuis le Grand Schisme d’Occident, le Château Saint-Angeabritait les documents originaux les plus remarquables de la papau-té. Les registres de bulles les plus anciens constituaient une autre in-carnation de l’essence archivistique de la papauté. Sous Sixte IV, ilsfurent placés, en compagnie d’ouvrages précieux, dans une partie dela nouvelle Bibliothèque vaticane que l’on appelait la Biblioteca se-creta pontificia. La formule, pour neuve qu’elle fût pour la papautédu XVe siècle – conjugaison de la stabilité et de l’innovation immobi-lières –, n’était en soi guère originale. Une forteresse, une biblio-thèque : bien des princes de l’Europe occidentale d’alors n’avaientpas imaginé d’autre solution pour préserver leurs archives les plusprécieuses. Des inventaires venaient régulièrement décrire le conte-nu des documents jugés les plus précieux10.

En dehors de ce noyau privilégié, la première préoccupation despapes fut d’assurer un minimum de conservation et d’ordre au seindes administrations productrices. Le désordre dans les papiers desadministrations semblait ainsi de règle dans la première moitié duXVIe siècle. Jules II, dans une bulle de 1507, déplorait ainsi le mau-vais état de conservation des archives de la Chambre apostolique etimposait aux officiers indélicats de rapporter sous huit jours les do-cuments distraits des archives qu’ils détenaient chez eux11. C’est en-suite un motif fiscal qui conduisit à la création du collège des scrip-teurs et correcteurs d’archives par la bulle consistoriale Sicut pru-dens paterfamilias du 1er décembre 1507, à un moment où la papautéétait engagée dans une coûteuse politique militaire12.

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13 J. Lesellier, Notaires et archives de la Curie romaine (1507-1625). Les no-taires français à Rome, dans Mélanges d’archéologie et d’histoire, 1933, p. 250-275;J. Grisar, Notare und Notariatsarchive im Kirchenstaat des 16. Jahrhunderts, dansMélanges Eugène Tisserant. Vol. IV. Archives Vaticanes, Histoire ecclésiastique,Première partie, Cité du Vatican, 1964 (Studi e Testi, 234), p. 251-300. M. L. SanMartini Barrovecchio, Il collegio degli scrittori del’Archivio della Curia romana e ilsuo officio notarile (secoli XVI-XIX), dans Studi in onore di Leopoldo Sandri,3 vol., Rome, 1983 (Pubblicazioni degli Archivi di Stato, 98, Saggi, 1), t. II, p. 847-872, part. p. 851-852. Le terme même d’archivio di Curia ne doit pas être surinter-prété mais bien rapporté à l’activité notariale de la Ville.

14 ASV, Arch. Arcis I-XVIII, no 6509, fol. 50-51, s. l., s. d. : ce très intéressantmémoire adressé au pape mentionne un cardinal de «Santa Croce» (peut-êtreMarcello Cervini, le futur Marcel II, cardinal titulaire de Sainte-Croix-de-Jérusa-lem de 1540 à 1555) et «Mons. San Felice», évêque de Cava (= Giovanni Tomma-so San Felice, évêque de 1520 à 1550).

15 ASV, Arch. Arcis I-XVIII, no 6509, fol. 84, s. l., s. d.

Ces officiers, au nombre de 101, devaient rédiger les actes detoute nature (accords, testaments, ventes, arbitrages, etc.) entre lesmembres de la Curie et les habitants de Rome. Ils devaient déposer,sous les huit jours, ces documents dans un dépôt dit de la Curie etqualifié d’archivium publicum où ils pourraient, sauf volonté ex-presse des parties, être consultés en cas de litige. S’y ajoutait encorele dépôt des protocoles de certains notaires romains. Outre des écussonnants et trébuchants, cette réforme procura au Saint-Siège l’im-pulsion nécessaire au premier dépôt régulier d’actes notariés àRome13. Toutefois, ces diverses mesures furent lentement mises enœuvre et acceptées.

En effet, vers le milieu du siècle, un mémoire anonyme faisaitétat d’emprunts de protocoles de notaires romains par des notaires deprovince, protocoles qui n’étaient pas rendus et le plus souventétaient perdus14. En dépit de réels efforts de classement, la désorgani-sation paraît chose commune à la Chambre apostolique, garante apriori sourcilleuse des droits domaniaux et fiscaux de la papauté. Lespropos tenus en 1550-1560 par un commissaire de la Chambre, res-ponsable ex officio des archives de son dicastère, en disent long surl’importance d’archives bien ordonnées au sein d’une monarchieélective où le turn-over administratif et le spoil-system parmi les plusimportants collaborateurs du souverain pontife étaient de règle aprèschaque conclave15. Après avoir adressé au pape régnant la liste deschâtellenies, forteresses et terres pour lesquelles une provision étaitperçue par la Chambre, le commissaire expliquait au pape d’alors :

Et certes s’il n’y a pas tous les papiers qui devraient y être et si ceuxdont on dispose ne sont pas bien classés pour les raisons que je vousexposerai de vive voix, je me suis cependant efforcé de voir ce qu’il y a(...). Votre Sainteté sait combien est grandement préjudiciable au bongouvernement de l’État ecclésiastique la fréquente mutation des pon-

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16 «Et se bene non vi sono tutte quelle scritture che vi dovrebbono essere néquelle che s’hanno, sono ben ordinate per le cagioni che Le diro a bocca. Ho perofatto qualche fatica di veder quel che c’è (...). Sa V. Santità quanto sia di pregiu-dicio al buon governo de lo Stato ecclesiastico in molte cose la spessa mutationede’ pontefici quando sono assunti huomini non informati bene di questo governoet che pero nel primo anno del ponteficato con esser tallora i ministri anco ines-perti, suogliano molti per importunità impetrar assai cose pregiudiciali dela Ca-mera apostolica et si dura poi fatica a rassettarle».

17 Bullarium Romanum, t. VII, p. 373-374, Rome, 15 juin 1565 : «Statutumnobis sit cum ad publicam utilitatem, tum ad privatam Romanorum pontificumcommoditatem, tabularium seu archivium eorum omnium, quae ad nos et Se-dem apostolicam quoquomodo pertinent, conquisitis undique et transcriptis, nonin alma modo Urbe et ditione nostra ecclesiastica, verum per universum terra-rum orbem, exemplaribus, libris, voluminibus et aliis scripturis in Palatio nostroVaticano, quanta possumus diligentia, parare atque instruere».

18 V. Peri, Progetti e rimonstranze..., p. 193 : «un’apertura e [...] una lungimi-ranza quasi avveniristica per la sua epoca».

19 G. Gualdo, L’Archivio segreto vaticano..., p. 165.20 Pie IV n’estimait pas que la remise en ordre des offices curiaux entrait

dans les compétences des Pères conciliaires et il en fit une claire déclaration dansl’instruction qu’il remit au cardinal Ludovico Simonetta, pro-dataire et légat auconcile, en novembre 1561 (J. Susta, Die Römische Curie und das Concil vonTrient unter Pius IV., 4 vol., Vienne, 1904, t. I, p. 116-118, instruction au cardinalLudovico Simonetta, Rome, [19-20 novembre 1561]).

tifes quand sont élus des hommes qui ne sont pas bien informés de cegouvernement et qui pourtant, dans la première année de leur pontifi-cat, alors que les ministres sont également inexpérimentés, ont la mau-vaise habitude d’ordonner des choses très préjudiciables à la Chambreapostolique et que l’on peine ensuite beaucoup à réparer16.

Tandis que les administrations centrales semblaient livrées àelles-mêmes et à la bonne volonté des individus pour la gestion quo-tidienne de leurs archives, la grande décision archivistique dudeuxième tiers du XVIe siècle romain a trait aux archives d’État, po-litiques et ecclésiastiques. En 1565, Pie IV institua un vaste dépôtdestiné à recueillir «tout ce qui touche de quelque façon au Siègeapostolique». Il s’agissait de «rechercher et de transcrire, non seule-ment à Rome et dans l’État ecclésiastique mais aussi dans tout l’uni-vers, des livres, des rouleaux et d’autres écritures, et des les installer,avec tout le soin possible, dans le Palais apostolique»17. On a pu voirdans cette décision «une ouverture et une anticipation presque futu-riste pour son époque»18. Germano Gualdo n’hésite pas à la qualifierde «chimérique, illusoire, utopique»19. Le caractère de la décisionprise est en fait triple : logique, centralisateur et irréaliste.

Logique d’abord. Pie IV ne faisait alors que remplir le pro-gramme qu’il avait promis au Concile de Trente, savoir réformer parlui-même la Curie pour l’adapter aux nouvelles exigences de l’Égliseuniverselle20. En témoignent les multiples réformes administratives

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21 J. L. Rodríguez de Diego, Instrucción para el gobierno del Archivo de Si-mancas (año 1588), Madrid, 1989, p. 40-41.

22 V. Peri, Progetti e rimostranze..., p. 199-200.23 Regestum Clementis papae V..., p. LIII-LIV.

qui furent décidées au cours des années 1561-1562 et qui intéres-saient, entre autres, la rote, la pénitencerie, la Chambre apostolique.Le climat administratif européen était ensuite favorable à la volontéde concentration archivistique : en 1567, l’archiviste que Philippe IIavait nommé dès 1561, reçut l’ordre de concentrer autour du trésordes chartes de Castille les papiers de la plupart des administrationscentrales de l’époque21. En 1578, Elisabeth Ire imposa le versementdes documents de l’activité gouvernementale en un lieu centralisé,creuset du State Papers Office. La décision de Pie IV enfin, en dépitdes mesures concrètes qu’elle prévoyait (comme l’institution d’un re-gistre de prêt, la rédaction de décharges écrites en échange du verse-ment de documents), était avant tout totalement irréaliste sur unplan matériel. Le rêve d’un dépôt central doté d’instruments de re-cherches généraux de toutes les ressources disponibles dans lesautres archives et bibliothèques de Rome, de l’État ecclésiastique,voire du monde entier, ne dépassa guère le stade des déclarationsd’intention. L’impact sur l’archivistique pontificale fut limité. Lesmodèles administratifs antérieurs demeuraient prégnants : la miseen place de ce nouveau dépôt était confié à la responsabilité du car-dinal Marcantonio Amulio (ou Da Mula), bibliothécaire du SacréPalais. Sous les successeurs de Pie IV, des missions furent confiées àdivers personnages et des inventaires demandés, par exemple auvice-légat d’Avignon. Des versements furent effectués : ainsi s’ex-plique la clôture de la série des Registri Vaticani à la date de 1568.Mais l’ampleur du projet emportait avec elle une lassitude crois-sante.

Le pontificat de Sixte Quint marqua une rupture avec cette po-litique et la remit radicalement en cause. Le pape, après un pre-mier mouvement favorable à l’entreprise de récupération et de cen-tralisation de documents22, favorisa l’extension de la Bibliothèquevaticane. Son opinion fut bientôt faite : le salut des archives passaitpar une extrême décentralisation de leur gestion. Par une bref du29 avril 1587, il supprima l’archivium generale ecclesiaticum, voulupar Pie IV et qu’avait confirmé Pie V en 156823, pour confier àchaque curie épiscopale le soin d’inventorier et de conserver elle-même ses archives :

(...) naguère, lors de l’érection d’archives ecclésiastiques géné-rales, dans lesquelles nous songions à mettre tous les inventaires dechoses, de biens et de droits et des documents concernant les égliseset lieux pieux institués dans toute l’Italie et à conserver dans notre Pa-

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24 V. Peri, Progetti e rimostranze..., p. 200 : «(...) nuper in erectione Archiviigeneralis ecclesiastici, in quo omnia inventaria rerum, bonorum ac jurium etscripturarum pertinentium ad ecclesias et pia loca per universam Italiam consti-tuta recondere et in palatio nostro apostolico asservare meditabamur, rei ipsiusdifficultas satis aperte monstravit. (...) erectionem et institutionem tam archiviigeneralis ecclesiastici quam ipsius officii archivistae generalis (...) supprimimuset extinguimus».

25 Bullarium Romanum, t. IX, p. 20-23.26 Bullarium Romanorum, t. IX, p. 23-27 : «Cum itaque ex diligenti earum-

dem scripturarum custodia, fraudes et falsitates, quae litibus, discordiis ac peri-culis hujusmodi ut plurimum viam praebent, arceantur dominia, possessiones etfamiliae ipsae conserventur, justitia denique cum animi certitudine ac publica etprivata omnium utilitate aequa lance administretur ac proinde publica archivianedum in Europa sed etiam in pluribus aliis universis orbis etiam barbarici parti-bus qui hac potissimum ratione commune bonum subditorum suorum atqueadeo societatis humanae vinculum inter se retinuerunt, accurate instituta fue-rint; operae pretium vero et condecens sit ut quod omnibus in exemplum salu-brioris regiminis et administrationis rerum publicarum cedere dignoscitur id ip-sum nostro Statui ecclesiastico, cui superioribus illis saeculis ob bellicos tumul-tus, quibus ille ac universa fere Italia tum exarsit tantum publicae quietisbeneficium impendi non potuit nun tandem nostrae provisionis ministerio salu-briter introducatur».

27 Bullarium Romanum, t. IX, p. 27-30, Rome, 31 octobre 1588.

lais apostolique, la difficulté de l’entreprise elle-même nous l’a assezclairement démontré. (...) Nous avons supprimé et éteint l’érection etinstitution tant des archives ecclésiastiques générales que l’officemême d’archiviste général24.

Le 20 juillet 1588, un bref confia aux chefs d’ordre régulier eux-mêmes, soi-disant demandeurs, le soin de rassembler les inventairesdemandés dans les couvents de chacun des ordres à Rome25. Le sou-verain pontife paracheva bientôt cette politique archivistique décen-tralisatrice, élément selon lui d’un meilleur maillage administratifde l’État ecclésiastique. Par une bulle du 1er août 1588 qui reprenaitles topoi de la menace des faux et de l’efficacité administrative, il ré-glementa la gestion des archives dans l’État ecclésiastique, à l’excep-tion de Rome et de Bologne26. Il instituait des archives publiquesdans chaque ville, bourgade, église ou monastère où serait portéstout type d’acte suivant une nomenclature d’une grande précision; ilprévoyait enfin la nomination d’un préfet pour toutes ces archives.Une bulle du 31 octobre 1588 précisait les prérogatives de cet officierqualifié alors de régent27. Prélat ou docteur voire licencié in utroquejure, il pouvait nommer des commissaires chargés d’inspecter les di-verses archives ainsi créées; il disposait d’un pouvoir réglementairesur le travail des archivistes à qui il pouvait adresser des recomman-dations circulaires. Il possédait enfin une juridiction propre puisquele pape lui accordait de faire expédier, avec l’aide d’un ou deux se-crétaires, des documents sous son propre sceau.

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28 M. Caravale, A. Caracciolo, Lo Stato pontificio da Martino V a Pio IX, Tu-rin, 1978 (Storia d’Italia, XIV), p. 383 sq.

29 K. Jaitner, Die Hauptinstruktionen Clemens’ VIII. für die Nuntien und Le-gaten an den europäischen Fürstenhöfen 1592-1605, 2 vol., Tübingen, 1984 (Ins-tructiones pontificum Romanorum), t. I, p. LXVIII-LIX.

L’application de cette décision est-elle lisible dans l’histoire desarchives locales? Il semble en tout cas qu’aucun préfet ait jamais éténommé. Au moins, sur ce dernier point (création d’une charge), unetelle mesure s’apparente à d’autres créations institutionnelles dupontificat où il est malaisé de déterminer ce qui relève d’une simplevisée financière (par la vente de l’office nouvellement créé) de ce quiest motivé par un réel souci d’amélioration administrative. La briè-veté du règne de Sixte Quint, suivi de pontificats encore plus courts,n’aide guère l’historien à nuancer une telle appréciation. Il n’en restepas moins que cette politique archivistique semble trancher avec l’o-rientation générale qui fut donnée durant son pontificat à l’exercicedu pouvoir pontifical et qui visait à renforcer le rôle central de laCurie autour de la personne du souverain pontife28. Cette oppositionn’est en en réalité qu’apparente. Le projet de Sixte Quint visait, avecla somme de réalisme que l’on reconnaît à ce pape, à mieux distin-guer les différents niveaux de responsabilité en matière d’archives.La Curie n’avait pas à intervenir dans la gestion des archives deséglises et couvents locaux. La volonté de multiplication d’archives àdes échelons inférieurs de l’État ecclésiastique manifestait en re-vanche une conception large du gouvernement de ces territoires etl’attachement à une réelle efficacité administrative. Le préfet-régentimaginé par Sixte Quint était ainsi placé au sommet de cet édificeépuré de la confusion avec les archives ecclésiastiques et renforcé denouvelles créations. Il incarnait en réalité au plus près la marque ab-solutiste que l’on attribue volontiers au règne du pape Peretti. Ainsiplutôt que d’abandon du souci des archives, il s’agit bien d’un chan-gement d’objectif : aux visées universelles du souverain pontife chefde la Chrétienté s’est substitué le regard, plus réaliste en matièred’archives, du pape, souverain de l’État ecclésiastique et maître de laCurie romaine.

Avec Clément VIII, élu le 30 janvier 1592, la papauté, abandon-nant pour un temps une politique globale encore soutenue par SixteQuint, revint à l’idée d’une réforme archivistique in capite, savoir re-lancer l’idée d’un dépôt central. L’état d’esprit du pape et de ses col-laborateurs, en particulier le futur cardinal Bartolomeo Cesi, tréso-rier général au début du pontificat29, était toutefois bien éloigné desprojets des années 1560. Il ne s’agissait plus de réunir au siège ro-main le maximum de documentation relative au monde ecclésias-

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30 Voir Pièce justificative no 1.31 G. Mercati, Opere minori, 6 vol., Cité du Vatican, 1937-1984 (Studi e testi,

76-80, 296), t. III, p. 221, cité par V. Peri, Progetti e rimostranze..., p. 205.32 Voir Pièce justificative no 2.

tique catholique, mais bien de rationaliser la gestion des archives dela seule Curie dans le sens d’une meilleure gestion administrative.

Aucune décision normative écrite ne fut promulguée durant lerègne du pape Aldobrandini mais le souverain pontife avait fait partde ses intentions au cours d’un consistoire le 29 janvier 1593. Le tex-te d’une bulle fut alors rédigé, en italien d’abord30 puis mise au neten latin sous une forme abrégée31. Mais de ces deux brouillons, il nesemble pas que l’on soit jamais passé au stade de la rédaction défini-tive couchée sur parchemin et scellée par la chancellerie. La versionen langue vulgaire fournit le plan de travail que se fixait le souverainpontife.

Une fois de plus l’incurie dont les archives pontificales étaientvictimes constituait la première motivation de la réforme. La suiteétait plus originale. Le rédacteur dénonçait tout d’abord l’habitudefâcheuse qu’avaient les nonces et les divers secrétaires, puis leurs hé-ritiers, de conserver par-devers eux les correspondances diploma-tiques ainsi que les dépêches adressées au pape par les princes et lesRépubliques. Ensuite, constatation était faite que les documents del’activité centrale de la papauté étaient dispersés dans les services etdans divers dépôts d’archives, comme en autant de «boutiques»(botteghe). La riposte à ces inconvénients était de construire un ar-chivio au Château Saint-Ange où seraient rassemblés tous les docu-ments utiles aux intérêts du Saint-Siège. Les neveux des papes et lescardinaux, nonces, etc. étaient tenus de déposer sous quinze joursles papiers qu’ils détenaient, avec permission d’en conserver une co-pie; quant aux actes qui pouvaient toucher aux intérêts de laChambre apostolique, ils devaient être au besoin recopiés dans lesautres dépôts d’archives et compilés aux frais de la Chambre. Lagarde de cet archivio était confiée au trésorier général du pape. Undeuxième texte, plus pratique et à usage interne, donnait la liste deceux qui devaient être sollicités pour déposer leur papiers, accompa-gnée du type d’acte qu’ils étaient susceptibles de fournir32. En soi,l’idée de remédier à la dispersion des papiers du gouvernement pon-tifical n’était pas neuve : sans remonter aux dépouilles des cardi-naux médiévaux, notons par exemple le bref écrit par Grégoire XIIIà l’évêque de Liège le 12 février 1575 pour l’inviter à faire rechercher,à Liège, la trace éventuelle des papiers du pontificat d’Adrien VI.Mais la nouveauté ici réside dans l’extension générale de ce principeà tous les agents d’un rang supérieur de la papauté, principalementles acteurs de sa diplomatie.

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33 ASV, Indice 18, fol. 16-23v et 83-84 : les décharges ici rassemblées se pour-suivent jusqu’au 17 août 1608. Voir aussi un mémoire qui trace le bilan de cettecollecte, qui intéresse principalement les papiers des nonces jusqu’en 1592 : ibid.,fol. 1-6, «Nota delli libri et scritture che alla giornata si ripongano nell’Archivio diCastello eretto da N. S. Clemente VIII».

34 Voir dans ce volume la contribution que lui dédie Orietta Filippini(p. 705-736).

35 Regestum Clementis papae V..., t. I, p. LVIII, note 1 : «(...) ad colligendaacta insigniora veterum Romanorum pontificum praedecessorum nostrorum,concessiones nimirum, alienationes, infeudationes et similia, eaque in archivoarcis nostrae Sancti Angeli de Urbe reponenda, ne lapsu temporis pereant (...)».

36 V. Peri, Progetti et rimostranze..., p. 228, document no 1.

Ces textes, demeurés semble-t-il à l’état de notes, reçurent un dé-but d’exécution puisque l’on conserve des décharges de dépôts dedocuments à partir du 7 juin 1593 : signés d’abord par B. Cesi, tréso-rier général, puis par le commissaire de la Chambre apostolique, ilsse poursuivent sans interruption notable durant tout le pontificat33.Ils montrent le succès remporté par Clément VIII auprès de certainsparents ou héritiers de nonces, succès dont peu de souverains pou-vaient se vanter en Europe occidentale à la même époque. Ainsi,tous les éléments qui inspirèrent la politique de Paul V et de ses suc-cesseurs se trouvaient réunis dès le pontificat de Clément VIII : cen-tralisation dans un lieu indépendant de la Bibliothèque, le vieilArchivio di Castello réaménagé pour l’occasion; renoncement partielà des inventaires ou des copies de pièces pour exiger des versementsréguliers et rétrospectifs de documents originaux, principalement decorrespondances diplomatiques et de secrétaires. Clément VIIIn’était toutefois pas allé jusqu’à désigner un archiviste autonome etavait confié le soin de cette opération à des officiers de la Chambreapostolique, qu’il estimait peut-être être les seuls à pouvoir obtenirle retour des papiers souhaités.

L’élément de continuité archivistique le plus net entre Clé-ment VIII et Paul V se nommait Michele Lonigo34. Ce clerc origi-naire du diocèse de Padoue avait été au service de la famille Cesi etprincipalement du cardinal Bartolomeo. Paul V le créa le 3 mai 1607notaire de l’Archivio de la Curie romaine et le chargea de «recueillirles actes les plus remarquables des anciens pontifes romains, [ses]prédécesseurs, notamment les concessions, les aliénations, les inféo-dations et autres choses semblables et de les déposer dans nos archi-ves du Château Saint-Ange à Rome pour qu’ils ne disparaissent pasavec le temps»35. Il en fit surtout le 27 octobre 1610 un «préfet desregistres et des bulles de la Bibliothèque vaticane»36.

Lorsque fut institué officiellement en 1611 le nouvel ArchivioVaticano, Lonigo était ainsi, de fait, par la pratique même des ver-sements d’archives qui se poursuivirent à un rythme soutenu, l’hé-

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37 Voir Pièce justificative no 3.38 ASV, Indice 19, fol. 90 et v, s. d. : Antonio Massarelli, neveu de feu Angelo

Massarelli, ex-secrétaire du concile de Trente, avertit Paul V qu’il lui adressaitdes documents détenus par diverses personnes, comme le pape lui avait deman-dé. Ibid., fol. 102-103v, liste de documents trouvés, entre autres, chez les héritiersde Cinzio Pamphili, notaire du concile de Trente.

39 Voir Pièce justificative no 4.40 En témoigne le manuscrit BAV, Vat. lat. 10247, publié par F. Gasparolo,

Costituzione dell’Archivio Vaticano e suo primo indice, sotto il pontificato di Pao-lo V. Manoscritto inedito di Michele Lonigo, dans Studi e documenti di storia e di-ritto, 8 (1887), p. 3-64.

41 C. M. Grafinger, Die Ausleihe vatikanischer Handschriften und Druckwerke(1563-1700), Cité du Vatican, 1993 (Studi e testi, 360), p. 357-358, no 501, ordre dePaul V au premier custode de la Bibliothèque, s. l., 2 décembre 1615 : «Volendonoi in ogni modo proveder alla conservatione delli libri dell’Archivo novo da noinella Biblioteca Vaticana frabricato, et ovviar insieme a gl’inconvenienti che ognigiorno nascer possono, mentre li detti libri si lasciano veder et ricercar da ogn’u-no a beneplacito loro; però commandiamo a voi custode del detto nostro Archi-vio soto pena della disgratia nostra, et altre pene ad arbitrio nostro; che sottoqual si voglia pretesto non lasciate veder a chi si sia li detti libri per occasione dicercar bolle o altre scritture, ne anco alli notarii della nostra Camera apostolica,o ad altri che vi potessero pretender raggione o interesse per qual si voglia indul-to o privilegio a quali con queste particolarmente deroghiamo. Contentandosi pe-ro noi che ad instanza de detti notarii possiate voi ricercar le scritture et bolle cheper privati negotii vi sarano da essi di tempo in tempo addimandate et con licen-za nostra o de nostri ministri ciove thesorieri et commissario della nostra Came-

ritier des archivistes de Clément VIII37. Les documents relatifs àl’activité conciliaire de Trente, qui constituaient déjà une cible dechoix depuis quelques décennies, furent par exemple pourchassésavec ardeur auprès des descendants des anciens officiers duConcile, comme son secrétaire Angelo Massarelli ou son notaireCinzio Pamphili38. Un plan de collecte fut dressé pour déterminerles autres cibles les plus prometteuses39. La nouveauté du pontificatde Paul V tenait toutefois dans la solution architecturale donnée auproblème archivistique posé depuis longtemps aux pontifes ro-mains. Le transfert, dans les actuels locaux de l’Archivio Vaticano,du noyau originel de ce dernier (registres de bulles et de brefs, re-gistres de la Chambre apostolique, de diverses collections docu-ments et correspondances, pour une période allant jusqu’au ponti-ficat de Pie V) eut lieu entre décembre 1614 et janvier 161540. En re-vanche, le pape Borghese n’avait pu se résoudre à rompre le lienorganique qui unissait archives et Bibliothèque dont le premiercustode conservait l’autorité sur Lonigo et ses successeurs. Le gar-dien (custode) des archives demeurait le premier custode de la Bi-bliothèque et c’est bien à lui (en l’occurrence Niccolò Alemanni,premier custode depuis le 15 décembre 1614) que Paul V re-commandait une discrétion absolue dans la communication desdocuments conservés dans son nouvel archivio41. Au reste, Aleman-

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ra lasciar copiar dette scritture e bolle concernenti negotii privati a detti notarii aquali conserviamo solo inviolabilmente gl’emolumenti delle copie predette ettransonti che si faranno con la licenza come di sopra, in omnibus et per omniacome in questa parte sia hora hanno goduto et posseduto; revocando nel restoogni concessione, indulto et privilegio che sopra il governo et visione di detti libria detti notarii fosse per il passato stato concesso o potessero in qualunque modopretendere».

42 L. Sandri, Un prefetto dell’Archivio Vaticano, Michele Lonigo (1572-1639) eil suo processo, dans Studi in onore di Riccardo Filangieri, 3 vol., Naples, 1959,t. II, p. 503-523.

43 À titre d’exemple, ASV, Arch. Arcis I-XVIII, no 1244, compilation dédiéeaux investitures sous Sixte IV (1477-1484), précédée (fol. 1-2v) du bref conférantla charge de notaire de l’Archivio à M. Lonigo du 3 mai 1607).

ni cumulait depuis le 9 août 1617 la charge de préfet des registres etbulles de la Bibliothèque vaticane retirée à Lonigo alors poursuivipour infidélité dans le service et pour mœurs42.

Avant son retentissant procès, Lonigo avait eu le temps de pro-duire plusieurs inventaires des documents conservés dans l’Archivio,les premiers de l’époque moderne. Ils concernent d’abord les droitsde la Chambre apostolique et la domination temporelle du pape surles diverses parties de l’État ecclésiastique43. Si l’on songe qu’à ladate de la première nomination de Lonigo en 1607, le pape était en-gagé dans la crise de l’Interdit vénitien et dans une lutte polémiquede très grande importance à propos de sa souveraineté spirituelle ettemporelle sur les princes et les États, la création d’un nouvel Archi-vio dépassait le simple remède à une anarchie documentaire endé-mique à Rome. Le nouvel Archivio constituait bien un dispositif es-sentiel dans la lutte politique qui opposait alors la papauté auxautres puissances catholiques en Europe.

Ainsi, en à peine vingt ans, les pontifes romains avaient complè-tement tourné le dos aux «archives-trésor des chartes» pour privilé-gier la notion d’«archives-arsenal du pouvoir». Ce faisant ils avaientégalement commencé de promouvoir la notion de papiers d’Étatdont la fortune traverse toute l’histoire de l’archivistique jusqu’à nosjours.

Le bref pontificat de Grégoire XV, qui élargit à son avènementen 1621 Michele Lonigo sans pour autant le réintégrer dans ses fonc-tions, n’imprima aucune marque particulière sur le fonctionnementde l’Archivio Vaticano. Son successeur, Urbain VIII, élu le 6 août1623, ne tarda pas en revanche à se saisir avec détermination de laquestion des archives centrales de la papauté. Sous son pontificat,elles acquirent une réelle indépendance et commencèrent de formerun véritable réseau organisé. En quelques années, Urbain VIII posaen effet les bases d’une véritable rénovation archivistique à Rome,

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44 Voir Pièce justificative no 5.45 ASV, Arm. XXXVI, 38, fol. 336-337, liste des «congrégations» tenues au

Château Saint-Ange en exécution du bref du 27 janvier 1624. Du 25 juin 1624 au15 juillet 1627, 48 séances eurent lieu pour inventorier les 16 armoires inférieures;Les armoires supérieures (de A à D) furent inventoriées au cours de 12 séancesentre le 12 juillet 1627 et le 18 août 1632; enfin, 7 séances suffirent, entre le 18août et le 11 décembre 1632, pour décrire l’appendice et les ajouts de documentsfaits par Giambattista Confalonieri, archiviste du Château Saint-Ange (1626-1638).

46 Voir ainsi le transfert de plusieurs volumes d’actes conciliaires de la Bi-bliothèque à l’Archivio en 1630 : C. M. Grafinger, Die Ausleihe..., p. 358, no 502,ordre d’Urbain VIII à Felice Contelori, s. l., 7 mai 1630.

47 Voir par exemple cette «Nota delli libri delle lettere recopiate per l’Archi-vio Vaticano» (ASV, Arm. XXXVI, 38, fol. 419-420v, s. d.) qui fait état de l’entréede nombreux volumes de correspondances de nonciatures de la période de Clé-ment VIII, en particulier 12 volumes relatifs à la France de 1591 à 1604 (fol. 420et v).

48 Pour le seul cas français, paraissent ainsi les correspondances des cardi-naux Du Perron (Paris, 1623) et d’Ossat (Paris, 1624), de Philippe de Fresne-Canaye, ambassadeur à Venise sous Henri IV (Paris, 1635-1636), etc. Cette«transparence» éditoriale de l’action diplomatique tranche avec l’attitude du se-cond tiers du XVIIe siècle marqué, à l’inverse, par une culture du secret élevé aurang de meilleure méthode de gouvernement par certains auteurs, dont le moinscélèbre n’est pas Gabriel Naudé, à travers ses Considérations politiques sur lescoups d’Estat (Rome [i. e. Paris], 1639).

dans trois directions : en premier lieu les archives des papes, puis lesarchives du Sacré Collège et des congrégations cardinalices, les ar-chives des notaires romains enfin.

Six mois après son élection, le 27 janvier 1624, le nouveau sou-verain pontife ordonnait un récolement général assorti d’un inven-taire de tous les documents qui se trouvaient rassemblés dans les di-vers dépôts d’archives du Saint-Siège, dispersés entre le Palais apos-tolique, la Bibliothèque et le Château Saint-Ange44. Le récolementpour le Château Saint-Ange, très soutenu de 1624 à 1627, dura au to-tal près de huit ans jusqu’en 163245. Par ailleurs, la politique de col-lecte de documents, certes encore conciliaires46 mais pour l’essentieldiplomatiques se poursuivit à un rythme soutenu47. Ces versementsétaient d’autant plus importants qu’il s’agissait autant que possibled’en contrôler l’accès ou la diffusion le cas échéant dans un sens fa-vorable au Saint-Siège. Le pontificat d’Urbain VIII s’inscrit en effetdans un contexte général en Europe d’une divulgation des secrets dela correspondance diplomatique sur une très large échelle. La chosen’était pas nouvelle : depuis longtemps existaient des copies d’ins-tructions aux ambassadeurs de tous pays, de correspondances, derelations (principalement vénitiennes). Mais à coup sûr ces années1620-1630 virent fleurir une production imprimée inédite de dé-pêches diplomatiques presque contemporaines48. Mieux, un certain

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49 Relatione fatte dall’Ill.mo cardinal Bentivoglio in tempo delle sue nuntiaturede Fiandra e di Francia, Cologne, 1629 : la première édition a été procurée parl’humaniste Erycius Puteanus (1574-1646) professeur à l’université de Louvain.Des rééditions, parfois augmentées de pièces inédites, eurent lieu à Bruxelles, Pa-ris ou Venise.

50 Sur F. Contelori, la littérature est relativement abondante même si biendes aspects du personnage demeurent au final encore à découvrir. On pourra voirG. B. Beltrani, Felice Contelori ed i suoi studi negli archivi del Vaticano, dans Ar-chivio della Società romana di storia patria, 2, 1879, p. 165-208, 257-279, et 3,1880, p. 1-47; A. Kraus, Das päptsliche Staatssekretariat unter Urban VIII. 1623-1644, Rome-Fribourg-Vienne, 1964 (Forschungen zur Geschichte des pâpstlichenStaatssekretariat, 1), p. 174-176. F. Petrucci, Felice Contelori, dans Dizionario bio-grafico degli Italiani, vol. 28, Rome, 1983, p. 336-341.

51 V. Peri, Progetti e rimostranze..., p. 211.52 Bullarium Romanum, t. XIII, p. 402-408, Rome, 15 décembre 1625.53 O. Poncet, La papauté et la provision des abbayes et des évêchés français de

1595 à 1661. Recherches sur l’esprit des institutions pontificales à l’époque de la Ré-forme catholique, thèse dact. de l’université de Paris IV-Paris-Sorbonne, 1998,2 vol., t. I, p. 341-342.

nombre d’entre elles furent livrées à l’impression du vivant, sinonavec l’assentiment implicite de leur auteur, comme les dépêches deGuido Bentivoglio nonce en Flandre puis en France sous Paul V pu-bliées dès 1629 et rééditées plusieurs fois avant la mort de leur au-teur en 164249.

La principale réforme introduite par le pape dans l’institution del’Archivio fut la fin du lien organique qui l’unissait à la Bibliothèque.À la mort d’Alemanni, Urbain VIII nomma le 27 novembre 1626 Fe-lice Contelori premier custode de la Bibliothèque vaticane, chargequi emportait avec elle la responsabilité directe sur l’archivio50.Quatre ans plus tard, Contelori, devenu entre-temps secrétaire de lacongrégation des Confins (1629) et surtout commissaire général dela Chambre apostolique (19 mai 1630) abandonna définitivementtoute fonction à la Bibliothèque vaticane. Mais il emporta avec luil’autorité sur les archives qu’il se fit reconnaître par un bref du 23juillet 1630 : Vittorio Peri n’a pas hésité à écrire, avec quelque jus-tesse, que de ce moment date la véritable fondation de l’Archivio Va-ticano51.

Urbain VIII obligea ensuite le Sacré Collège à tenir correcte-ment ses archives et institua pour ce faire le 15 décembre 1625 un ar-chivio particulier placé sous la protection et la surintendance directedes trois cardinaux chefs d’ordre52. Il liait étroitement ces archives àla congrégation consistoriale dont le secrétaire faisait office d’archi-viste : le premier titulaire, Giovanni Battista Lauri, se distingua parune remarquable activité de classement, de copies, de reliures, d’in-ventaire des archives jusque-là dispersées53. Sixte Quint, lorsqu’il

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54 J. Metzler, Francesco Ingoli, der erste Sekretär der Kongregation (1578-1649), dans Sacrae Congregationis de Propaganda Fide memoria rerum (...), 1622-1972, J. Metzler éd., 5 vol., Rome-Fribourg-Vienne, 1971-1976, t. I/1, p. 197-243.

55 Bullarium Romanum, t. XIII, p. 387-392, Rome, 16 novembre 1625.

avait systématisé en 1588 les congrégations cardinalices perma-nentes pour assister le pape dans la gestion des affaires de l’Église etde l’État ecclésiastique, n’avait en effet rien prévu pour leurs archi-ves. Pendant longtemps, les secrétaires de ces congrégations étaientdemeurés d’obscurs personnages avant tout absorbés dans destâches de copistes. Le pontificat d’Urbain VIII correspondit à l’arri-vée ou à l’affirmation du pouvoir d’organisation des secrétaires decongrégations. Qu’il s’agisse de Francesco Ingoli à la Propagande54,de Prospero Fagnani à la congrégation du Concile ou de FrancescoPaolucci à la congrégation des Evêques et des Réguliers, il est indé-niable que les années 1620-1630 correspondent à une période defonctionnement professionnel et bien huilé de ces institutions dontles archives sont alors mieux tenues.

Urbain VIII, enfin, réglementa la tenue et la consultation des ar-chives notariales romaines, plus d’une fois souci principal des ré-flexions et des décisions du siècle passé55. La réforme d’Urbain VIII,destinée cette fois à durer, visait à remédier une fois de plus auxnombreux faux et au détestable état dans lequel étaient conservés lesprotocoles de notaires. Se référant explicitement à un archivium pu-blicum des premiers temps de l’Église, «sub nomine cartophylacii»,le pape instituait pour les archives des notaires de Rome un dépôtd’archives «général» qui serait qualifié d’Urbanum. Il nommait un«conservateur» de ces archives en la personne de Camillo Perini, unclerc de Florence, docteur utriusque juris, et plaçait toute l’institu-tion «sous la protection et la surintendance suprême» de son neveule cardinal Francesco Barberini.

Outre cette sollicitude qui touchait à l’ensemble du réseau archi-vistique romain, Urbain VIII et son neveu Francesco Barberini dé-montraient leur volonté de faire de l’Archivio une puissance de feudocumentaire et politique de premier plan, tant au service de la pa-pauté qu’au service de la famille Barberini dont les intérêts sont plusd’une fois confondus au cours du pontificat. Les choix institution-nels et humains semblaient suivre des voies paradoxalement oppo-sées. Tandis que l’Archivio Vaticano accédait à une forme d’indépen-dance administrative en quittant la sphère de la Bibliothèque, sonresponsable n’était plus issu du monde des clercs comme Lonigomais se révéla un véritable érudit et polygraphe. Felice Contelori, s’ilfut comme ses prédécesseurs un inlassable rédacteur d’inventaires,se signala en revanche par une très intense production de traités etrecueils de documents. Sa méthode de preuves documentaires, qu’il

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56 Il conviendrait de rapprocher son activité de celle que développent à lamême époque pour le compte du roi de France les érudits Pierre Dupuy et Théo-dore Godefroy : C. Cavillon, Les inventaires du Trésor des chartes et de la Chambredes comptes à l’époque moderne, dans Gazette des Archives, 166 (1994), p. 285-303.

57 Sur ce conflit, voir M. A. Visceglia, Il cerimoniale come linguaggio politico.Su alcuni conflitti di precedenza alla corte di Roma tra Cinquecento e Seicento,dans M. A. Visceglia, C. Brice (éd.), Cérémonial et rituel à Rome (XVIe-XIXe siècle),Rome, 1997 (Collection de l’École française de Rome, 231), p. 117-176, part. p. 154-162.

conviendrait d’examiner pour elle-même56, fait assurément de luiun des grands personnages de l’historiographie italienne de cettepériode. Il incarne à merveille cette nouvelle forme de combat polé-mique fondée sur la mise en batterie de textes édités et commentés,les fameuses bella diplomatica dont le règne de Louis XIV offrit lesillustrations les plus remarquables. On retiendra en particulier sontraité sur le Préfet de Rome composé à l’aide de documents extraitsde l’Archivio au moment où Urbain VIII provoquait une vive polé-mique en nommant son neveu Taddeo à cette charge ressuscitéepour l’occasion57. Il a également rédigé de très nombreux mémoiresdemeurés manuscrits en liaison avec les combats politiques ou ad-ministratifs de la papauté et des Barberini : le plus connu est sonHistoria Cameralis en sept volumes, véritable introduction des archi-ves relatives aux droits de la Chambre et par là même à la souverai-neté temporelle des papes. De manière générale, il n’est pas unconflit où la souveraineté temporelle et spirituelle du pape était en-gagée qui ne vit Contelori porter le fer de ses écrits. Citons ainsidans le cadre de la guerre de Trente Ans, son traité sur l’interventiondes souverains pontifes dans l’élection du roi des Romains commeempereur et son Discours sur l’institution des sept électeurs, ses écritsrelatifs à Urbino au moment de la dévolution du duché à la papautéen 1632 et ses multiples libelles composés à l’époque de la premièreguerre de Castro en 1642-1644 contre les prétentions du duc deParme et de Plaisance. Cet appui au pouvoir des Barberini fut pu-bliquement récompensé par des charges qui firent de leur titulairel’un des personnages les plus en vue de la Curie : chanoine de Saint-Pierre (1er juin 1634), référendaire des deux signatures (17 janvier1635) et surtout secrétaire de la Consulta (janvier 1635), c’est-à-direde fait le plus important responsable de l’État ecclésiastique. Sonmorceau de bravoure, on le sait, fut la polémique qui l’opposa à laRépublique de Venise à propos de la relecture, défavorable à la Ré-publique, qu’il fit de son soutien à la papauté contre Frédéric Barbe-rousse en 1177. Son travail d’érudition conduisit à la détériorationdes rapports avec Venise jusqu’au retrait de l’ambassadeur en 1635,affront que Venise fit payer à Contelori aussitôt après la mort d’Ur-bain VIII en obtenant d’Innocent X son renvoi des Archives. Aucun

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58 Au reste, ce paradoxe qui veut que les promoteurs d’une réforme s’en dis-pensent et conservent par-devers eux des papiers qu’ils demandent à leurs colla-borateurs de remettre aux archives de l’État, n’est pas propre à Rome : en France,Richelieu en est un bon exemple : F. Hildesheimer, Richelieu, Paris, 2004, p. 493-497, «Richelieu et les archives».

archiviste, jusqu’à Garampi, ne fut plus étroitement associé au pou-voir pontifical que Contelori.

Le fil de l’histoire des archives centrales de la papauté suit étroi-tement l’évolution du pouvoir pontifical lui-même. En dehors d’épi-sodes à dominante financière (Jules II, Sixte Quint), l’unité de l’É-glise, alors en butte aux hérétiques comme aux Turcs (souci très netchez Pie V), inspira une vision inquisitrice et centralisatrice, dans ledomaine ecclésiastique d’abord. Ce sursaut catholique qui affecta demanière tangentielle les archives était l’expression d’un programmethéologique qui entraînait des dispositions irréalistes sur le planpratique. La nouvelle génération de souverains pontifes arrivée aupouvoir à partir de la dernière décennie du XVIe siècle, celle qui n’a-vait pas participé directement aux travaux de Trente, était davantagesoucieuse d’une meilleure gestion de l’État et de la Curie et saisitpleinement les contradictions du pouvoir temporel. Ce réalisme fa-vorisa la réalisation progressive et comme par emboîtages successifsd’un archivio adapté. Pour autant, la persistance du caractère de tré-sor des chartes, et ce plus longtemps que partout en Europe, est unfait indéniable. Dans le même temps, la politique archivistique de lapapauté est faite d’innovations, à l’instar d’autres pouvoirs (Es-pagne, Angleterre) et en avance sur d’autres (France). Les deuxconceptions coexistent donc plus qu’elles ne se succèdent, commeun discours aux vertus d’abord pédagogiques voudrait le faire ac-croire.

L’élément le plus porteur pour l’avenir est le sort réservé aux pa-piers d’État. S’il faut attendre le pontificat d’Alexandre VII pour quela Secrétairerie d’État verse ses archives anciennes à l’Archivio Vati-cano, et si les Barberini, après les Borghese, sont les premiers à re-nier pour ce qui les concerne la notion de papiers publics58, les opé-rations de récupération de correspondances du XVIe siècle sont lan-cées avec succès. Elles constituent le socle sur lequel fut bâtil’essentiel de la documentation non médiévale conservée à l’ArchivioVaticano et représentent, avec les registres de bulles, de brefs et dedocuments de la Chambre et avant la réunion avec l’Archivum Arcis,le plus sûr gage de modernité reconnu au novo Archivio.

L’importance des hommes qui ont en charge ces archives va pa-rallèlement croissant. D’abord officiers ès fonctions (les gens de laChambre), ils deviennent des personnels spécialisés, bien identifiéset parviennent à faire vivre l’institution parfois sur leur seul nom, en

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particulier tant que la dissociation administrative d’avec la Biblio-thèque n’est pas effective. Si Lonigo est encore d’un rang un peu in-férieur, Contelori par son ambition intellectuelle couronnée par descharges et bénéfices de premier ordre, illustre les potentialités of-fertes à un responsable d’archives éminemment politiques dans uncontexte de contestation tous azimuts de l’autorité pontificale.

L’histoire des archives centrales de la papauté au début de l’âgemoderne reflète à merveille l’appréhension et la gestion de leurcharge par les divers souverains pontifes. Elle constitue à sa manièreun excellent miroir de la pratique du pouvoir. La morale pourrait enêtre : dis-moi ce que tu fais de tes archives, je te dirai comment tugouvernes.

Olivier PONCET

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1 Describenda a.2 Partem barré.

ANNEXES

1.

Minute de bulle consistoriale pour la création d’archives centraliséesdes organismes curiaux

[1593]. – [Rome]

A. Minute, papier, marge droite frottée sur 0,5 cm. ASV, Armadio XXXVII,40, fol. 32-33.

a. Regestum Clementis papae V ex Vaticanis archetypis (...) nunc primum edi-tum, cura et studio monachorum ordinis S. Benedicti, t. I, Rome, 1885,p. LV-LVII, note 1. – b. V. Peri, Progetti e rimostranze. Documenti per lastoria dell’Archivio segreto vaticano dall’erezione alla metà del XVIII secolo,dans Archivum historiae pontificiae 19 (1981), p. 191-237, à la p. 204, éd.partielle.

INDIQUÉ : G. Marini et C. Ruggieri, Memorie istoriche degli archivi della San-ta Sede e della Biblioteca Ottoboniana ora riunita alla Vaticana, Rome,1825, p. 28, repris par H. Lämmer, Monumenta Vaticana historiam ec-clesiasticam saeculi XVI illustrantia, ex tabulariis Sanctae Sedis apostoli-cae secretis, Fribourg-en-Brisgau, 1861, p. 447.

Au dos (fol. 33v) : Con N. S. Per l’archivio delle scritture.

Rescribenda1 succinte et in optimo carattere ut non transeat primam fa-ciem2 huius folii et dicat prius Ill.mus dominus meus si est convertenda lati-no sermone.

Havendo noi per l’adietro considerato la poca cura quale in tutti i secolipassati è stata et hora e più che mai usata circa la conservatione delle scrit-ture et ragioni concernenti l’autorità et dignità di questa Santa Sede aposto-lica et interesse della Camera et se i primi tempi meritano alcuna scusa perle turbulentie d’Italia e di questa Santa Sede, gli più bassi meritano repren-sione poiché cessate, per Dio gratia, quelle flutuationi si è continuato questasomma negligenza non già servata dalli altri principi et republiche etiamstranieri né da quelli che da noi sonno di mandati barbari. Et ancorché Be-nedetto XII, Sisto 4o, Innocentio 8o, Pio quinto, Gregorio XIII et Sisto Vo no-stri predecessori, per quanto si vede, habbino con somma pietà pensato aquesta conservatione delle scritture, non dimeno per varii accidenti nonl’hanno potuto essequire.

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3 constructioni ab.4 li detti ab.

Per il che quelle scritture che più importano, come lettere di principi etrepubliche mandate al pontifice et le copie delle mandate da lui ad essi et cosigli fatti de’ legati et nontii mandati pure a principi et republiche non si ritrova-no hoggi appresso al pontifice ma rimangono etiam nelli loro originali appres-so a quelli che ne sonno stati ministri co’ lor secretarii et heredi et se ne vannoin perditione et altre scritture et raggioni si trovano distratte in diversi lochi, etquesti sono gli atti consistoriali appresso il R.mo vicecancellario, le capitula-tioni et atti de’ conclavi et electioni di pontifici appresso prothonotarii, giura-menti de obedienze de’ principi appresso maestri delle cerimoni[e], vi sonnopoi la secretaria dei Brevi domestici, la secretaria di Brevi apostolati, l’altr[a]de’ Secretarii apostolici, la Bibliotheca, l’Archivio della Camera, l’Archivio diCastello, quello di Santo Offitio, registro delle bolle et registro delle suppliche,nelle quali, come in diverse botteghe, sonno disperse, erectioni di principatitemporali et di chiese patri[ar]chali, metropolitane e cathedrali et altre infeu-dationi, vicariati, capitulatio[ni], confederationi, relationi, instruttioni, lega-tioni, pagamenti di censi, constit[utioni]3 publiche, depositioni, devolutioni,confiscationi de’ beni feudali e lor possess[ioni] et altre raggioni attinenti alladignità, autorità predicte et all’interesse della Ca[mera].

Ci sono anco varie raggioni nelli archivii di Campidoglio et di monasterii,hospitali, chiese cosí di Roma come delle città del Stato et lor comunità, comesono transactioni perpetue fra esse, comunità et collegii sopra confini, fiumi,monti, gabelle, pedagii, passi et altri (sic) cose publiche, essentioni di dettecommunità, inventarii di rocche et altri simili et di queste et altre ne sono ancoprodotte nelle cause vertenti cosi in rota come al auditor della Camera.

Pero habbiamo pensato di constituire un’archivio in Castel Sant’Angelosenza però rimovere l’editti4 né far loro preiuditio alcuno, manco nell’av-venire, et ordinare per nostra bolla concistoriale ad perpetuam rei memo-riam che in esso da qualunche persona etiam nepoti di papi et cardinali diS. Chiesa et altri a’ quali appartiene et ogn’ altra persona di qualunche digni-tà et titolo cosi ecclesiastica come secolare sotto pena di scommunica etc.debba in termini di quindici giorni haver consegnate dette scritture cosi ori-ginali come copie in detto archivio ritenendosene, se cosí vorrà, le copie etpiù provedere con modi opportuni da dechierarsi in detta nostra bolla chenell’ avvenire si debbano riporre tale scritture in esso et che nelli archivii etoffitii che non sono proprii della Camera per non dar loro questo disturbo etspesa siano deputati homini a cercarle et redurle in libri a spese della Came-ra con dechiaratione et promissione da farsi da noi in detta bolla che dettescritture reposte che saranno non si possino mai cavare per qualunche ur-gente et necessaria causa di detto archivio et che non se ne possino far copiese non per interesse proprio et immediato della Sede et Camera apostolicama per altri interessi si debba andar da quelli offitiali a chi hoggi tocca condargli il loro emolumento a talche non gli sia fatto alcun preiuditio.

Si deputarà in custode di detto archivio il nostro thesaurario generaleche è et sarà pro tempore con doi sotto custodi, l’uno de’ quali sarà notario

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5 Antonio Boccapaduli (1534-1593), secrétaire des brefs aux princes (1591-1593).

6 Marcello Vestri di Barbiano († 1606), secrétaire des brefs (1596-1606).

di Camera et l’altro notario chierico con tenere doi chiavi, una appresso det-to custode principale, l’altro appresso detto notario di Camera, né possinomai entrare in detto Archivio se non tutti a tre insieme et alle scritture cheloro transuntaranno se gli dia piena fede in giuditio et fora et detto custodeprincipale giudicarà quelle scritture che si dovrà retenere et quelle che si po-tran restituire nella consegnatione da farsi come di sopra.

Et con le dette provisioni si potrà effectuare cosi sanctissima opera alaude di Dio et honore et utile della Santa Sede et Camera apostolica.

2.

Mémoire sur le mode de collecte des archives pontificales conservéesen main privée

[1593]. – [Rome]

A. Original, papier. ASV, Armadio XXXVII, 40, fol. 34 et v.

Per ridurre tutte le scritture della Sede Apostolica nel Archivio di CastelSanto Angelo.

Prima è necessario di fare una constitutione delle scomuniche che tuttiquelli che hanno in mano scritture auttentiche pertinenti in qualsivoglia mo-do alla Sede apostolica o alli papi passati, ne debbiano dare le auttentiche indetto archivio, ritenendosene se vogliono copia, comprendendo in cio etiamquelli che ritenessero lettere, instruttioni, relationi, capitulationi et qualsivo-glia altra scrittura pertinente alla Sede apostolica etiam che fussero dette let-tere dirette a i secretarii di detti papi.

È anco necessario di ordinare a chi tiene li mandati delle obedienze pre-stati da i principi, assieme con il rogito di dette obedienzie, che li consegni,li quali facilmente saranno in mano del Boccapaduli5 o di Mons. Vestri6 o de’mastri di cirimonie, assieme con li rogiti e giuramenti fatti del assuntionede’ sommi pontefici e giuramenti prestati.

Tutte le constitutioni de’ sommi pontefici originali et bolle, et in spetie labolla di Pio quinto, e sue confermationi quale saranno appresso de’ segretarii.

Ancora farsi dare le minute da detti segretarii dei brevi quali trattano del-le giurisdittioni ritenendosene un’ [altra] copia collationata.

Dalla Bibliotecha Vaticana far fare copie collationate delle sen[tentie]perpetue et più importanti alla Sede apostolica et l’istesso fare delle scritturenel archivio della Camera et che sonno appresso i notari di esse assieme coni pagamenti de’ canoni alla Sede apostolica et mandati di essi pagamenti.

Item l’Ill.mo cardinale vicecancellario debbia dare una copia de’ decreticoncistoriali de’ sommi pontefici.

Item tutti li governatori debbiano fare diligenza nelli archivi di tutte [le]communità et mandar nota di tutte le scritture appartenenti a’ concession’di castelli.

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7 Tolomeo Galli (1526-1607), originaire de Côme, secrétaire d’État de Pie IV,fait cardinal en 1565, secrétaire d’État de Grégoire XIII.

8 Geronimo Rusticucci (1537-1603), secretarius intimus de Pie V, fait cardi-nal de Sainte-Suzanne en 1570.

9 Bartolomeo Cesi (1568-1621), trésorier général de la Chambre apostolique(1590-1596), fait cardinal en 1596.

10 Lanfranco Margotti (1558-1611), fait cardinal en 1608, secrétaire d’État dePaul V (1609-1611).

11 Michele Ghislieri (1503-1572), fait cardinal dit Alessandrino en 1555, élupape sous le nom de Pie V (1565-1572).

3.

Note de Michele Lonigo

[1611-1617]. – [Rome]

A. Original autographe de Michele Lonigo, papier. ASV, Arch. Arcis I-XVIII,no 6505, fol. 71.

Informatione delli libri delle nonciature che si hebbero dalli cardinaliComo7 et Rusticucci8.

Gl’heredi dell’Ill.mo et Rev.mo signor cardinale di Como bo. me. dono-rono alla S.tà di Nostro Signore sei casse di lettere de’ nuntii diversi della Se-de apostolica legate in diversi libri, le quali casse furono portate nella guar-darobba di S. S. et consignate al signor Giovanni Battista Simoncelli, guar-darobba.

Cinque di dette casse poi furono di ordine espresso di detto N. S. consi-gnate all signor cardinale di Cesi9 che si cavorono di detta guardarobba conricevuta di detto Michele Lonigo, una delle quali casse aperta ne furono ca-vati li libri della nonciatura di Venetia et fatto a quelli l’indice generale dellinegotii che in essi si contengono fu datto esso indice a N. S. che lo diede alsignor cardinale Lanfranco10 bo. me. et li detti libri della nonciatura di Vene-tia furono posti in Castel Sant’Angelo come per ricevuta ch’è nelle mani diS. S. appare furono poi ultimamente le dette cinque casse di negotiati inte-gralmente consignate alla Libraria Vaticana manco li libri di Venetia, soliquali come è detto di sopra erano stati già messi in Castello.

Da gl’heredi dell’Ill.mo signor cardinale Rusticucci bo. me. si hebbe so-lamente un mezzo sacco di lettere sciolte et confuse perché li libri di quellasua secretaria, per quanto dissero li detti heredi erano stati prima dati al car-dinale Alessandrino11, di queste lettere legate insieme se ne fecero diversi vo-lumi et quelli di Venetia, Napoli et Spagna, fattoli l’indice generale che pari-mente fu dato a S. S.tà et di là passò al signor cardinal Lanfranco furonomessi in Castello. Li altri che erano di Savoia, di Fiorenza et di Francia furo-no ultimamente messi nella Libraria Vaticana all’hora che vi si messeroquelli del signor cardinale di Como detti di sopra.

Sono donque in Castello, del cardinale di Como li libri di Venetia sola-mente et del cardinale Rusticucci li libri di Venetia, Napoli et Spagna, li in-dici et repertorii delli quali gl’hebbe il cardinale Lanfranco dalle mani diN. S. Nella Libraria Vaticana veramente sono il rimanente delle sei casse diComo et tutti gl’altri libri del cardinale Rusticucci detti di sopra.

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12 et così anco da’ legati et nuncii o loro heredi, de la main de M. Lonigo, barré.13 copie, barré.14 in autentico fatte, barré.15 Marcello Vestri di Barbiano († 1606), secrétaire des brefs (1596-1606).16 et registri di bolle, barré.17 Antonio Boccapaduli (1534-1593), secrétaire des brefs aux princes (1591-

1593).18 sonno, barré.19 bisogna, barré.20 pur, barré.

4.

Mémoire sur les versements à obtenir pour l’Archivio segreto Vaticano

[1611-1617]. – [Rome]

A. Original, avec des ajouts autographes de Michele Lonigo, papier. ASV, Ar-madio XXXVII, 40, fol. 35-36v.

Nota di quelli da’ quali si hanno da havere le scritture per ridurle nel-l’archivio di Castel Santo Angelo.

Da nipoti di papi, segretarie heredi loro12

Le13 lettere, instruttioni, relationi, capi-tolationi et altre scritture pertinenti allaSede Apostolica autentiche14.

Si puotria anco adimandare dalli heredi de’ legati et nuncii altre volte mandatia’ prencipi et a republiche gesta eorum et statuire che nell’avvenire functaeorum legatione deberent illa reponere in archivio.

Dal vicecancellario Le copie de’ decreti consistoriali in au-tentico

Da Mons. Vestrio15 Minute de’ brevi quali sonno investiturea16 constitutioni, obedienze de’ principi,lettere di principi

Da Boccapaduli17 Obedienze et risposte che concerninol’autorità et dignità di questa Santa Sede

Et anco dalla secretaria apostolica quale è in cura delli secretarii adimandare leinvestiture et altre cose perpetue concernenti l’interesse della Sede o Came-ra apostolica.

Da maestri di ceremonie,segretario del Collegio, prothonotarii

Rogiti de obedienze et dell’elettioni de’Sommi pontifici et juramenti di conclave

Dalla Bibliotheca Vaticana Scritture che concernino giurisditione etsuprema autorità apostolica

Quanto alla biblioteca quelle cose che s’adimandino è18 troppo generale la di-manda et perché anco ci sonno investiture, obedientie19 et altre cose20 con-cernenti l’interesse della Sede et Camera apostolica si puotria restringere adimanda sotto questa forma.

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21 Roma, barré.22 cosí, barré.23 come, barré.

Dal Archivio della Camera Investiture de’ feudi

Dal governatore di città21 L’inventarii delle terre et della giurisdi-tione de’ confini. Item le sententie date su-per privatione seu confiscatione castro-rum et locorum jurisdictionalium con glipossessi pigliati

Da abbati et altri religiosi Le giurisditioni temporali che hanno

Et contra tutti questi altri Si spedisca una scommunica accio deb-bano consignare dette scritture et altriche in qualsivoglia modo appartenganoall’utile, autorità et dignità della Sedeapostolica

Si puotria anco ordinare a tutti gli notarii massime22 di rota23 per la gravità del-le cause che sono state et sonno in detto tribunale che faccino etiam per-mettino che chi sarà deputato a questo faeci (sic) dilligenza di ritrovarescritture perpetue che attenessero all’interesse o dignità della Sede et Ca-mera apostolica, quali fossero stati prodotte in dette cause. Item commet-tere una simil dilligenza all’archivio di Campidoglio.

5.

Bref ouvert ordonnant le récolement et l’inventaire des archivesdu Saint-Siège et de la Chambre apostolique

1624, 27 janvier. – Rome

A. Original, vélin, jadis scellé en placard de l’anneau du pêcheur. ASV, Archi-vum Arcis I-XVIII, no 5521.

B. Copie, papier. ASV, Arm. XXXVI, 38, fol. 335 et v et 338.

INDIQUÉ : G. Marini et C. Ruggieri, Memorie istoriche degli archivi della San-ta Sede e della biblioteca Ottoboniana ora riunita alla Vaticana, Rome,1825, repris par H. Lämmer, Monumenta Vaticana historiam ecclesiasti-cam saeculi XVI illustrantia, ex tabulariis Sanctae Sedis apostolicae secre-tis, Fribourg-en-Brisgau, 1861, p. 448.

URBANUS PP. VIII.

Ad perpetuam rei memoriam. Conservationis iurium Sedis et Cameraenostrae apostolicae juxta creditum nobis desuper pastoralis officii debitumquantum cum Domino possumus prospicere cupientes motu proprio et excerta scientia ac matura deliberatione nostris, dilectos filios thesaurarium

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24 Ulpiano Volpi (1559-1629), évêque de Chieti (Theatinensis) (1609-1615), se-crétaire des brefs (1623-1627).

vel prothesaurarium et commissarium nostros et dictae Camerae generalesnecnon clericus ejusdem Camerae nunc et pro tempore existentes archi-vorum Status nostri ecclesiastici praesidem et mensarium custodemque Bi-bliothecae nostrae Vaticanae apostolica auctoritate tenore presentium faci-mus, constituimus et deputamus eisque per presentes commitimus et man-damus ut quamprimum omnes vel saltem tres ex ipsis utraque archivanostra Sedisque et Camerae predictarum scilicet tam in palatio nostro apos-tolico et Bibliotheca Vaticana quam in Arce Sancti Angeli existentia omni-aque in eis contenta visitent necnon adhibito uno ex Camerae predictae no-tariis per ipsum thesaurarium seu prothesaurarium eligendo inventariumomnium et singulorum librorum, bullarum, brevium, instrumentorum etscripturarum tam publicarum quam privatarum quarumcumque in eisdemarchiviis repertarum et existentium illis etiam si videbitur per suos numeroscartulatis manu dicti notarii conscribendum incipiant et ceptum usque adfinem debitum prosequantur atque ita finitum et absolutum reponant incapsulis in eisdem archiviis existentibus claudendis duabus differentibusclavibus quarum altera penes thesaurarium et altera penes custodem predic-tos sint et esse debeant et deinde singulis quibusque sex mensibus et etiamquoties eis similiter videbitur utraque archiva predicta illorum libros, bullas,litteras et scripturas tam publicas quam privatas quascumque ac etiam scri-nia, mansiones et alia necessaria adhibito notario ut supra de novo visitentinventariumque predictum revideant, conferant, novas scripturas in eisdemarchiviis reponendas eidem inventario addi ac alia quae pro meliori custodiaet conservatione archivorum, librorum, scripturarum et aliorum predicto-rum eis necessaria videbuntur faciant et exequantur super quibus omnibuset singulis plenaria, liberam et amplam facultatem et potestatem auctoritateet tenore predictis concedimus et impartimur. Volumus autem, declaramusatque ordinamus ut si aliqui absentes vel impediti fuerint ex deputatis hu-jusmodi alii non impediti a nobis tamen nominandi substituantur notariusvero ut pensatur adhibendus in libro particulari quem in utriusque archiviispredictis retineri jubemus singulas visitationes describat et quicquid adden-dum et adnotandum erit, addat et adnotet suaque manu tam visitationesquam inventarium predictum una cum deputatis subscribat, inventariumautem et libri visitationum predictarum apud eadem archiva in suis origina-libus et absque alicuius copiae sumptione relinquantur e ita observari man-damus, non osbtantibus constitutionibus et ordinationibus, prohibitionibus,privilegiis, indultis et litteris apostolicis quomodolibet editis et quibusvisconcessis ac etiam juramento, confirmatione apostolica vel quavis firmitatealia roboratis caeterisque contrariis quibuscumque.

Dat. Romae apud Sanctum Petrum sub annulo piscatoris die XXVII ja-nuarii MDCXXIIII pontificatus nostri anno primo.

U. THEATIN24.