LES AMIS DE RAOUL SALAN LE BULLETIN 4 EME TRIMESTRE 2012 ASSOCIATION «LES AMIS DE RAOUL SALAN» 24, rue alain Chartier - 75015 Paris - www.salan.asso.fr - [email protected]35 - Hommage à Yves Gignac - Recension du colloque «De Gaulle et l’Algérie» par Jean-Paul Angelelli - Note sur Edmond Michelet et l’affaire Si Salah - Roger Le Doussal : Commissaire de police en Algérie. Recension par Jean-Paul Angelelli - Le procès du général Salan vu par le général Zeller détenu à la prison de Tulle - Texte inédit du général Salan, écrit le lendemain de sa condamnation - Les accords OAS-FLN vus par le colonel Godard, suite et fin #
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LES AMIS DE RAOUL SALAN
LE BULLETIN
4EME TRIMESTRE 2012
ASSOCIATION «LES AMIS DE RAOUL SALAN»24, rue alain Chartier - 75015 Paris - www.salan.asso.fr - [email protected]
35
- Hommage à Yves Gignac
- Recension du colloque «De Gaulle et l’Algérie» par Jean-Paul Angelelli
- Note sur Edmond Michelet et l’affaire Si Salah
- Roger Le Doussal : Commissaire de police en Algérie. Recension par Jean-Paul Angelelli
- Le procès du général Salan vu par le général Zeller détenu à la prison de Tulle
- Texte inédit du général Salan, écrit le lendemain de sa condamnation
- Les accords OAS-FLN vus par le colonel Godard, suite et fin
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Adresse postale : 7 rue Calvin 18000 Bourges
Yves Gignac
Biographie
Il s’agit de la biographie synthétique qu’Yves Gignac
avait rédigée lui-même pour le site Internet consacré au
général Salan. Sa vie est un vrai roman, historique. Un
moderne Alexandre Dumas aurait pu l’écrire !
Né en 1920 à Bordeaux dans une famille modeste, Yves
Gignac entre en 1936 à la Caisse d’Epargne de Bordeaux.
Mobilisé en 1940, il fait son temps dans les Chantiers de
Jeunesse avant d’être démobilisé en janvier 1941. Il entre
cette année-là au séminaire des vocations tardives qu’il
quitte en 1943 pour tenter d’échapper par l’Espagne au
S.T.O. Réfugié dans un monastère à Madiran, il vit dans
la clandestinité jusqu’en 1945 qui le voit rappelé et servir
au 92ème
bataillon de génie sur le front de Royan, puis
dans les Alpes. En décembre 1945, il est volontaire pour
l’Extrême-Orient, s’engage pour trois ans au 72ème
bataillon colonial du génie et sert en
Cochinchine, au Laos et au Centre-Annam. De retour en métropole en décembre 1948, il est
démobilisé en mars 1949 avec le grade de sergent-major et devient chef comptable d’une
entreprise bordelaise. Créateur d’une section locale de l’association des "Anciens du
C.F.E.O.", il est élu, en 1950, vice-président national de l’association dont il assure la
présidence par intérim en 1951. En 1953, il devient permanent de l’association et assure son
secrétariat général, la direction de ses services sociaux et la direction de sa revue mensuelle.
En 1954, il est désigné comme vice-président du comité national d’aide aux combattants
d’Indochine (devenu en 1955 Fondation Maréchal de Lattre). En 1955, il est administrateur de
l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre et membre de la
commission « Armée-Jeunesse ». En 1956, l’Association des Combattants de l’Union
Française (A.C.U.F.) prend la suite de l’association des anciens du C.F.E.O. ; Yves Gignac y
conserve les mêmes fonctions. Il est également membre du Comité d’Action Nationale des
Anciens Combattants (C.A.N.A.C.).
Il est arrêté le 13 mai 1958, mais relâché à l’arrivée du général de Gaulle au pouvoir. Le 24
janvier 1960, il est inculpé d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et incarcéré ; il fait
ultérieurement l’objet d’un non-lieu. Recherché par la police à partir de septembre 1961, il
passe dans la clandestinité. Il est arrêté en mars 1962 ; il est soupçonné d’avoir été le délégué
général de Raoul Salan en métropole de mai à août 1961, d’être son correspondant permanent
à Paris et d’être le secrétaire général de l’O.A.S. – Métro. Il est condamné à 15 ans de
détention criminelle par la cour de sûreté de l’état. Gracié le 23 décembre 1966, il est amnistié
par décret présidentiel du 1 avril 1967. Il reprend ses fonctions au sein de l’A.C.U.F., est élu
au conseil de la section française de la confédération européenne des anciens combattants
(C.E.A.C.), devient secrétaire du chapitre français de la ligue mondiale anticommuniste
(W.A.C.L.). Il se démet en 1995 de toutes ses fonctions associatives mais crée, en 1999,
l’Association des Amis de Raoul Salan dont il est le président jusqu’en 2004. Il décède à son
domicile de Riez, dans les Alpes de Haute Provence, le 14 novembre 2012.
Chevalier de la Légion d’Honneur, titulaire de la croix de guerre des T.O.E., Yves Gignac a
collaboré à la rédaction de plusieurs ouvrages sur les guerres d’Indochine et d’Algérie, a
publié de nombreux articles de presse et donné de nombreuses conférences.
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Préface d’Yves Gignac au livre de Roger Holeindre de 2012 "C’était des hommes…"
Yves Gignac
Depuis des siècles il y a eu des hommes et des femmes qui ont laissé leurs noms dans l’Histoire pour avoir consacré leur vie au service de leurs contemporains, allant jusqu’au sacrifice de ce qu’ils avaient de plus cher, leur vie même … Ils n’étaient pas des hommes parfaits, la perfection n’est pas de ce monde. Ils avaient leurs travers, leur caractère. Mais à travers les événements qui marquèrent le temps où ils vivaient, ils surent toujours entreprendre le bon combat. Celui qui, dans la vérité, défendait ce qui constitue l’essentiel de l’ordre naturel humain : la liberté…
Roger Holeindre
Pour quelques-uns, leur nom a subsisté à l’oubli qu’engendre le temps qui passe. Hommes ou femmes, leurs noms et leurs actions demeurent dans les mémoires et… dans les livres d’histoire. Je ne citerai qu’un seul nom, celui de Jeanne d’Arc à qui la France a rendu tout récemment un solennel hommage. Beaucoup plus nombreux sont ceux qui n’ont pas franchi l’épreuve du temps, soit en raison de la modicité de leur intervention, soit, le plus souvent, parce que celle-ci s’est heurtée à l’indifférence de leurs contemporains ou à la résistance de personnalités ou de factions subversives. Roger Holeindre a eu le mérite, et le courage, de rassembler les témoignages de ceux qui, à sa connaissance, ont mené le bon combat durant la seconde moitié du XXe siècle, parmi lesquels, nombreux sont ceux qui, pour "garantir" leur témoignage, l’ont payé de leur vie. Quel que soit leur lieu de naissance ou la couleur de leur peau, vivants ou morts, tous ont un lien avec l’Indochine et la guerre que la France a été contrainte d’y mener. Parce que les combattants d’Indochine n’ont jamais eu l’appui réel de la Nation, parce que ceux qui vivaient sur cette terre que nous avions le devoir de protéger, ont été lâchement abandonnés, on comprend leur réaction et leur souci de retrouver au moins le respect de la Nation qu’ils ont servi avec fidélité jusqu’au bout. Roger Holeindre a écrit "C’était des hommes" pour qu’il reste une trace de leur vie dont l’indéniable exemplarité ne peut être qu’utile dans le monde "déboussolé" où nous vivons. Lorsqu’il m’a demandé de préfacer son ouvrage, j’ai accepté de grand cœur. Je ne savais pas qu’il me citait en bonne place digne de l’exemplarité. Je n’en suis toujours pas convaincu… Je connais Roger Holeindre depuis près de soixante ans. Nous nous sommes rencontrés en décembre 1951 à l’assemblée générale de l’association des anciens du C.E.F.E.O., dont j’étais président national par intérim depuis le mois de mars. Venant de rentrer en métropole, à la fin de son deuxième séjour en "Indo". Il accompagnait un de nos plus extraordinaires aumôniers, le Père Jego…Roger était déjà connu chez les paras sous le surnom amical de "Popeye". L’étincelle jaillit au cours de cette brève rencontre. Depuis, nous ne nous sommes plus quittés, ni de pensée, ni de cœur, même si cela n’était pas toujours évident. A tel point que très rapidement, on aurait pu dire de nous : Si l’on connaît la pensée de l’un, on connaît la pensée de l’autre… Pour tout ce qu’il rapporte dans son ouvrage des événements de cette seconde moitié du XXe siècle, je dis : c’est vrai. J’approuve totalement sa conclusion. Ce qu’il faut réformer, c’est l’homme !... "C’était des hommes" mérite d’être le livre de l’année.
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Commissaire de police en Algérie
C’est un témoignage récent de Roger Le Doussal, affecté
aux Renseignements Généraux pendant le conflit. Breton
d’origine modeste, entré dans la police, il est envoyé en
Algérie au début de 1954, ne connaissant ni le pays ni ses
habitants. Il lui restait à apprendre sur le terrain. Surtout dans
la ville de Bône où il exerça des années 1954 à 1960.
Envoyé à Alger en 1961, il occupe un poste non opérationnel
mais qui lui sera très pénible. Suspecté, à tort, d’être de
sympathie O.A.S., il sera muté en France au début de
1962. Son livre, écrit à partir de ses notes, est extraordinaire.
Il l’a rédigé en France, en confrontant ses souvenirs avec des
documents consultés (sur dérogation) aux Archives
Nationales et souvent "réservées". Il faut préciser que le
commissaire Le Doussal termina sa carrière au sommet de la
hiérarchie policière comme patron de l’Inspection Générale
des Services. Les notes appuyant ses souvenirs sont
abondantes. C’est du lourd (985 pages) !
Est-ce la raison pour laquelle ce livre a été peu cité et peu commenté ? C’est plutôt que
l’ancien commissaire décrit et dénonce la stratégie meurtrière du F.L.N. au nom du "djihad"
(guerre sainte). Il n’approuvait pas certaines méthodes que d’autres services policiers et
militaires utilisaient pour réprimer. Mais il reconnaît qu’un jugement purement moral est
difficile devant l’atrocité des méthodes barbares pratiquées par la rébellion. Lui privilégia
l’infiltration et les indicateurs locaux. De même, il n’approuva pas le contre-terrorisme de
l’O.A.S. tout en faisant remarquer que le terrorisme implacable du F.L.N. le précéda
largement. A Alger, il était chargé de comptabiliser et d’identifier toutes les victimes de toutes
origines.. Un travail pénible. Sur le plan politique, il souhaitait une solution libérale et crut en
De Gaulle. Il se rendait compte que celui-ci préparait un « désengagement sans honneur ».
Mais il tînt à rester dans la légalité et défend ses collègues souvent diffamés et pris entre deux
feux. Ce livre est sans doute un des plus sérieux écrits sur la contre-guérilla (dans les villes)
en Algérie et il est à recommander. A côté de faits cruels, il contient aussi des pages
sympathiques sur les populations civiles, européennes comme musulmanes, dont il a compris
et partagé les drames. Et bien d’autres sur les paysages (la côte surtout) qu’il admirait. Mais
en conclusion, quel terrible gâchis !
Jean-Paul Angelelli Rive Neuve Editions, 2011, 985 p. 30 €
Précisions biographiques sur la période algérienne de la carrière de Roger Le Doussal (extraites de l’annuaire du Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale)
Né le 19 août 1929 à Lorient (Morbihan). Père mort pour la France en 1940. Maître
d'internat. Licencié en droit (Faculté de Rennes - 1951). Diplômé d'études juridiques nord-
africaines (Alger - 1953). Commissaire de police (12 mars 1952), affecté en Algérie, à
Laghouat (1952), à Bou-Saada (1953), puis aux Renseignements généraux à Bône (1954-
1960) et à la direction de la sûreté nationale en Algérie, à Alger (1er
mars 1960).
Commissaire principal (16 mars 1961). Affecté à la direction des Renseignements généraux
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Le procès du général Salan
Il se tient du 15 au 23 mai 1962. Le tribunal est composé de M. Bornet, président, de MM.
Hoppenot, Cavellat, Pasteur Vallery-Radot, Gagne, des généraux Jousse, Gilliot, Gelée et du
vice-amiral Galleret. L’accusation est soutenue par l’avocat général Gavalda. Le général
Salan est défendu par Me
Tixier-Vignancour, Me Goutermanoff, M
e Menuet et M
e Le Coroller.
Le général André Zeller, condamné à quinze ans de détention criminelle est détenu à la prison de Tulle
depuis le 5 août 1961. Dans ses carnets, il note :
17 mai 1962
Au procès Salan, déclaration pleine de hauteur et de noblesse de l’accusé. Il s’oppose sans ambages à la politique d’abaissement. Il revendique toutes ses responsabilités. Qu’on le tue, puisqu’il est entre les mains de son adversaire. Mais ce meurtre passera dans l’histoire. Ce sera le symbole de la résistance à l’abandon. Ailleret, témoin à charge, apparaît bien petit, étroit, revendicatif ... Réplique difficile aux apostrophes de Me Tixier-Vignancour qui lui rappelle son attitude ambigüe du 22 avril 19611. 18 mai 1962
(…) Pendant ce temps, on juge Salan. Les témoins défilent. Valluy a, comme d’habitude, fait preuve d’une calme conception des hommes et des choses : les responsabilités des massacres d’Algérie dépassent ce procès. Salan est la victime d’une politique inavouable. En partant, Valluy a serré la main de Salan. Valluy n’est pas un homme servile comme en attire et en fabrique le régime actuel. 19 au 21 mai 1962
(…) Le procès Salan continue. La défense a engagé une dure bataille. Plusieurs témoins ont été émouvants. Le général de Pouilly, faisant allusion à son attitude en avril 1961, a déclaré qu’il avait alors choisi la discipline, mais qu’il craignait aussi d’avoir ainsi favorisé la honte et l’abandon2. Le 20 mai, j’adresse au Président du Tribunal une lettre très courte dans laquelle je fais allusion au refus de nous faire comparaître comme témoin, et dans laquelle je donne aussi mon opinion sur la conduite de Salan, guidée avant tout par des mobiles élevés. (…) 22, 23 mai 1962
J’avais écrit le 20 au président du "Haut Tribunal Militaire" pour lui faire savoir que j’avais reçu une citation à comparaître comme témoin au procès Salan, que j’avais transmis cette citation au ministre de la Justice et que personne ne m’avait répondu. Je donnais, sous forme résumée, mon opinion sur Salan, en indiquant qu’il n’était pas mené par l’ambition, mais
1 NdR : Charles Ailleret, le mardi 25 avril 1961 (non le 22), à la demande du maire de Bône, M. Grobi, et pour
empêcher une manifestation, rédige pour la population de la ville une proclamation en faveur de l’Algérie
française. 2 « Monsieur le Président, j’ai choisi une direction tout à fait différente de celle du général Salan ; j’ai choisi la
discipline ; mais choisissant la discipline, j’ai également choisi de partager, avec mes concitoyens et la nation
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uniquement par sa volonté de sauver l’Algérie. J’ai remis cette lettre, adressée au Président, au surveillant de garde le 20 à 16 heures. Quelle n’est pas ma surprise de constater qu’elle était bien parvenue au Tribunal le 21 au matin, puisque dans l’audience du 21 après-midi, le Président en a donné lecture. A la lecture des journaux – cependant bien différents les uns des autres dans leur relation du procès – on a l’impression que le débat a pris l’ampleur qu’il méritait. Il n’est pas exclusivement question de "Salan OAS" comme l’aurait sans doute voulu "le pouvoir" mais on voit s’affronter ouvertement deux tendances : celle de l’obéissance au régime (qu’on essaie de confondre volontairement avec la "Nation" en évoquant le "oui" du référendum1), celle de la défense du patrimoine matériel et moral du pays. La "défense" de Salan est constituée d’hommes vigoureux, adroits, mordants2. Elle a su faire surgir tous les incidents nécessaires. Debré a dû comparaître et s’expliquer – assez mal – sur l’affaire du bazooka. D’innombrables témoins à décharge – dont deux aumôniers, les P. Delarue et Pascal – ont justifié l’action de Salan. Le Tribunal a dû, à plusieurs reprises, délibérer et décider de faire comparaître de nouveaux témoins. Quelle que soit l’issue du procès, sa trace restera marquée dans une partie de l’opinion. La comparution de Salan devant ses juges apparaît comme un "règlement de comptes". Le chef de l’Etat a voulu supprimer un de ses adversaires. (…) Jeudi 24 mai
Coup de théâtre. Salan n’est pas condamné à mort ! Trois raisons dans mon esprit : 1°- Influence de la situation politique, en dégradation, sur le jury. 2°- Procès bien soutenu par la défense et mettant en relief les conséquences de l’abandon. 3° - Jouhaud n’avait pas bénéficié de circonstances atténuantes par 5 voix défavorables contre 4. La proportion a du s’inverser3 du fait du remplacement dans le jury de Gardet (homme-lige) par Gelée (homme libre). C’est un demi-désaveu, par le jury, de la politique de Gaulle. Conséquences importantes pour la suite. Raidissement du G.P.R.A.. Réaction des partis extrémistes. Nouveaux sursauts possibles en Algérie, etc. (…) 25 au 27 mai
(…) De Gaulle, à la suite de la sentence prononcée à l’encontre de Salan, décide de supprimer le "Haut Tribunal Militaire", qui n’a pas été assez complaisant. C’est ce qu’on appelle "la séparation des pouvoirs". Qu’en pense le garde des Sceaux ?
__________________
1 18 millions de oui, 2 millions de non lors du scrutin du 8 avril 1962 portant sur l’approbation des pseudo-
accords d’Evian, réservé à la métropole et aux D.O.M.-T.O.M. et excluant l’Algérie. 2 Maîtres Goutermanoff, Le Coroller, Menuet et Tixier-Vignancour 3 Il semble que ce soit par six voix contre trois. Le rôle de Louis Pasteur Vallery-Radot a été capital dans le vote
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Le général Salan est condamné à la détention criminelle à perpétuité le 23 mai 1962 au soir. Le lendemain,
dans sa cellule de la prison de Fresnes, il rédige le texte suivant, en quatre feuillets manuscrits, inconnu
jusqu’à ce jour. Un fac-similé du dernier feuillet est présenté.
« Désormais, je garderai le Silence » Et ce silence, je l’ai gardé.
Si au début, j’ai pris la parole, c’est que je désirais que ceux qui me comprennent, les jeunes d’abord, puis ceux qui se sont battus, sachent bien qu’ayant engagé ma responsabilité, qu’ayant eu le douloureux devoir de conduire à la mort des soldats courageux, qu’ayant au nom de la France juré que l’Algérie resterait toujours française, je me devais de réparer et de le dire dans une déclaration liminaire. Je n’allais certes pas installer une discussion de marchands de tapis avec Monsieur Michel Debré dans cette enceinte millénaire à côté de la Sainte Chapelle, ce joyau de la pureté. Je n’allais pas non plus discuter avec les valets de ce pouvoir, venus sans honte mais baissant le front porter l’accusation qu’ils n’ont pu étayer de chiffres concordants et exacts. Je n’allais pas non plus, refaisant ma carrière – quarante-trois ans c’est long lorsqu’on a vécu les événements que j’ai connus – exalter mon passé. Je ne l’ai jamais fait et j’ai horreur de ça. J’ai eu la joie d’entendre les cris de détresse de jeunes officiers, de beaux capitaines, j’ai eu la douleur d’écouter des Algériens de toutes confessions décrire leur angoisse et leur amertume devant l’abandon de leur terre, Terre de France. J’ai eu la joie d’écouter Madame la Maréchale Jean de Lattre de Tassigny me rappeler combien le Maréchal m’estimait. Sa devise n’était-elle pas « Ne pas Subir » qu’a rappelée à la barre un capitaine1 ? J’ai eu la joie d’entendre ceux que j’avais commandés, ceux qui furent mes pairs, ceux qui furent mes chefs, dire le soldat, le grand capitaine, l’homme d’armes, le meneur d’hommes que personne ne discutait. Du plus profond de mon cœur, je leur crie toute mon affectueuse reconnaissance. Que mes avocats Maître Tixier-Vignancour, Maître Goutermanoff, Maître Menuet, Maître Le Coroller, sachent combien j’ai apprécié le combat courageux qu’ils ont mené et reçoivent l’hommage ainsi que le témoignage de mon admiration pour leur talent et leur bravoure. Je sais ce que je leur dois à eux et à leurs amis du barreau. Lorsqu’à la fin des plaidoiries empreintes de tant de noblesse, de tant de générosité et chez Maître Tixier-Vignancour d’une élévation d’esprit, d’une logique implacable, sa péroraison qui ne pouvait qu’être entendue a éclaté, ému comme jamais je ne l’ai été, j’ai crié :
« Vive la France » Puis me tournant vers le Procureur Général, j’ai dit simplement ceci :
« Que Dieu me garde ! » Et j’ai entendu sans faiblesse le verdict. Les circonstances atténuantes qui m’ont été accordées marquent bien que la voie que j’ai suivie, celle de l’Honneur Militaire tout court, était bien la bonne, la seule noble, la seule possible pour le Soldat que je suis. Je pense aussi que tous ceux qui sont morts pour que la France reste Unie sont venus, cohorte sacrée, inspirer mes juges qui ont exprimé par leur décision leurs sentiments de cœur et leur sens national.
Qu’ils en soient remerciés. Et maintenant, je forme le vœu fervent que ce grand moment d’unité, que cette Marseillaise qui a fait vibrer cette salle de Justice, soient entendus dans tout le pays. Que ce grand moment nous rassemble autour des Trois Couleurs pour l’édification d’une Algérie, Province de France, où tous les habitants se tenant par la main comme à Mostaganem, comme sur le Forum, comme sur la place de la Brèche, feront taire leurs rancœurs, leurs amertumes, je dirai plus leurs haines, pour ne plus penser qu’à un avenir joyeux dans la France, leur Mère Patrie à tous.