Lecture suivie Spinoza préface au traité théologico-politique © National Geographic
Lecture suivie
Spinozapréface au traité théologico-politique
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Navires marchands à l’entrée du port d’Amsterdam, de W. Van de Velde le jeune (1686) 2
Amsterdam au siècle d’orAmsterdam est une
« ville-monde », reliée par le grand
commerce au monde entier, des
Amériques à l’Inde.
Une ville cosmopoliteLes Provinces-Unies jouissent
d’une liberté d’imprimer sans
équivalent et beaucoup de livres y
sont publiés.
la librairie de l’EuropeLes Provinces-Unies sont un modèle de
tolérance religieuse, où des communautés
catholiques, protestantes et juives doivent
cohabiter.
La liberté religieuse
3
B. de Spinoza
1632
Naissance
1656
Excommunication
1670
Publication du TTPde Baruch (ou Bento) de
Spinoza à Amsterdam, dans
une famille de commerçants
juifs d’origine portugaise.
Spinoza étudie à l’école de la
communauté juive portugaise,
où il apprend l’hébreu.
Spinoza est frappé par un
herem, il est banni de la
communauté juive, sans doute
pour ses idées jugées trop
critiques à l’égard de la religion
traditionnelle.
Le Traité théologico-politique
paraît en latin et sans nom
d’auteur.
L’Éthique et ses autres œuvres
seront publiées après la mort
de Spinoza (1677).
4
Pourquoi un traitéthéologico-
politique ?
3 motifs donnés par Spinoza :
Source : Lettre 30 à Oldenburg de sept.-oct. 1665
Ils s’opposent à la liberté de philosopher, il faut donc les
“montrer à nu” pour en “débarrasser les esprits réfléchis”.
Les préjugés des théologiens
Une accusation grave dont Spinoza cherche à se
défendre : il s’agit au contraire de délivrer la religion de la
superstition.
l’accusation d’athéisme
C’est la liberté civile de penser et de s’exprimer selon la
raison, qui est fragile même à Amsterdam.
La liberté de philosopher
5
Spinoza expose une thèse
théorique sur la superstition et
les mécanismes qui la
produisent dans l’esprit humain.
exorde :1-110
Le plan de laPRéface
01
6
Proposition : 111-154
02 Narration : 155-228
03Division : 229-357
04
Dessin d’après un monument à Spinoza, ©Getty
La thèse du livre est
déduite de la théorie de la
superstition, qui permet de
comprendre les rapports
du religieux et du politique.
Spinoza expose les
circonstances et motifs qui
l’ont poussé à écrire ce
traité.
L’auteur expose dans
l’ordre les arguments qui
seront développés dans le
traité, et permettront de
démontrer la proposition.
7
épilogue
05
TTP
L’auteur conclut en
s’adressant directement
à ses lecteurs, les
« philosophes ».
◼ La première partie répond à la question : la liberté de
philosopher est-elle utile ou nuisible à la piété ?
◼ La seconde partie répond à la question : la liberté de
philosopher est-elle utile ou nuisible à la sécurité de l’État ?
Un traité en deux parties :
Albert Anker, La liseuse de cartes (1880) 8
1. exorde :une théorie
de la superstition
9
1.1 Cause et effets de la superstition lignes1-52
“Si les hommes pouvaient diriger toutes leurs propres affaires
suivant un avis assuré, ou si la fortune leur souriait toujours, ils
ne seraient en proie à aucune superstition.” (l.1-3)
10
0102
03
Les rouages de la superstition
« Cela, j’estime que personne
ne l’ignore, quoique la plupart
s’ignorent eux-mêmes. »
(l.12-13)
L’ignorance de soi
« [Ils] interprètent toute la nature
de façon miraculeuse comme si
elle délirait avec eux. » (l.33-35)
L’interprétation des signes
« …la cause qui fait naître la
superstition, la conserve et
l’alimente, c’est la crainte. »
(l.51-52)
la crainte
11
Analyse d’une scène : Monty Python, La vie de Brian (1979)
▪ Qu’est-ce qui déclenche l’adhésion de la foule et lui fait suivre Brian ?
▪ Pourquoi ne parvient-il pas à s’en débarrasser ?
▪ En quoi cette scène est-elle représentative de la théorie spinoziste de la superstition ?
Statue d’Alexandre le grand à Skopje / Pratiques divinatoires variées / Le sultan turc Selim III (18e s.) 12
La superstition fluctue en même
temps que la crainte qui en est la
cause, et soumet les rois eux-
mêmes aux devins.
Lignes 53-76
La superstition est naturelle,
protéiforme, et inconstante. Tous
les hommes y sont sujets.
Lignes 77-95
« Rien n’est plus efficace pour
gouverner la multitude que la
superstition. » (l.98)
Lignes 96-110
1.2 la crainte superstitieusel. 53-110
L’exemple d’Alexandre Un phénomène naturel Des effets politiques
La dispute des philosophes, Ribera (1612) 13
2. Proposition : la liberté de philosopher
doit être protégée
Réception du Grand Condé à Versailles, Jean-Léon Gérôme (1878) / Débat sur les langues lors de la première Assemblée législative du Bas-Canada le 21 janvier 1793, Charles Huot (1913) 14
« Le grand secret du régime monarchique et son
intérêt majeur est de tromper les hommes… »
(l. 111-112)
secret de la monarchie
Dans une république, la « liberté commune »
implique le « libre jugement de chacun ».
(l.119-120)
Liberté de la république
Le massacre de la Saint-Barthélemy (en 1572), François Dubois (XVIe s.) 15
Les risques de séditionLignes 121-131
16
➢Pour le sentiment et l’exercice religieux
➢Pour la paix de l’État
P1 : La liberté de juger est sans danger
➢Pour le sentiment et l’exercice religieux
➢Pour la paix de l’État
P2 : La supprimer est dangereux
➢ Il doivent donc être mis en lumière et
combattus.
P3 : Seuls les préjugés font croire le contraire
Une nécessaire défense de la
liberté
Texte : Lignes 132-154
Prédication de saint Bernardin, Sano di Pietro (v. 1450) 17
3. narration : la religion
déformée par L’orgueil et
les préjugés
Condamné par l’Inquisition, Eugenio Velazquez (1860) ©Museo Nacional del Prado 18
La religion mal en point
L.155-169
« Pour le reste, leur vie à tous est
la même. »
L’Hypocrisie des croyants
L. 170-190
Il ne reste rien de la religion
première, sinon le culte extérieur,
la crédulité et les préjugés.
La religion institutionnelle
L. 191-208
Des hommes raisonnables
« réduits à l’état de bêtes ».
Les préjugés contre la raison
L. 208-228
« Ce n’est pas la foi mais la
crédulité qui les soumet à
l’Écriture ».
Les écritures mal interprétées
19
la religion et les trois genres de
connaissance
➢ Des idées partielles correspondant aux
affections du corps.
➢ Mal comprises, elles produisent les
préjugés (le finalisme).
➢ Religion : besoin d’images, superstition et
fanatisme.
1er genre : L’imagination
Icônes : Flatpik, dDara, Eucalypt
20
Le préjugé finalisteAppendice de l’Éthique
Le Soleil existe pour faire vivre les plantes,
les plantes pour les animaux, les animaux
pour l’homme… et l’homme pour quoi ?
Nous imaginons que tout dans la nature poursuit un but.
Le finalisme aboutit à
l’anthropocentrisme, qui mène
à l’anthropomorphisme.
Nous imaginons un Dieu artisan qui a conçu la nature pour l’homme, et l’homme pour le servir.
Par exemple : je perçois le Soleil
par sa chaleur sur ma peau, sa
lumière devant mes yeux.
nous percevons les choses en tant qu’elles nous affectent et nous sont utiles.
Pourquoi le Soleil existe-t-il ? Pour nous
éclairer, nous chauffer.
nous les expliquons spontanément par leur « cause finale ».
21
la religion et les trois genres de
connaissance
➢Des idées adéquates correspondant aux
vrais rapports des choses, connues par
leurs causes.
➢La raison remet les idées de l’imagination à
leur place.
➢Religion : credo minimal et religion civile.
2ème genre : La connaissance discursive
22
la religion et les trois genres de connaissance
3ème genre : la connaissance intuitive
➢Une connaissance des essences des choses.
➢Une connaissance par laquelle je me comprends
comme étant en Dieu et éternel.
➢Religion : amour intellectuel de Dieu ou vraie
dévotion.
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➢Des idées partielles correspondant aux affections du corps.
➢Mal comprises, elles produisent les préjugés (le finalisme).
➢Religion : besoin d’images, superstition et fanatisme.
1er genre : L’imagination
la religion et les trois genres de
connaissance
➢Des idées adéquates correspondant aux vrais rapports
des choses, connues par leurs causes.
➢La raison remet les idées de l’imagination à leur place.
➢Religion : credo minimal et religion civile.
2ème genre : La connaissance discursive
➢Une connaissance des essences des choses.
➢Une connaissance par laquelle je me comprends comme
étant en Dieu et éternel.
➢Religion : amour intellectuel de Dieu ou vraie dévotion.
3ème genre : la connaissance intuitive
Nature morte à la Bible, Vincent Van Gogh (1885) 24
4. division : Des arguments
fondés sur l’écriture
sainte et la raison
découvrir le vrai sens des écritures saintes
Les argumentsdu traité
25
01
Éclaircir les relations entre la foi et la raison
02
Articuler liberté de philosopher et paix de l’état03
Anonyme, Moïse présentant les tables de la Loi, XVIe siècle, ©SHPF 26
La bible à la lumière de la raison
Il faut chercher dans la Bible ce qu’elle enseigne par elle-
même à la lumière d’une lecture critique.
▪ Une méthode de lecture critique
On peut identifier la véritable loi divine universelle : « obéir à
Dieu avec un esprit pur en pratiquant la justice et la
charité ». (l.295-296)
▪ Ce qu’enseignent vraiment les prophètes
27
L’exégèse historico-critique des textes religieuxL’humanisme a ouvert la voie à une nouvelle compréhension des textes.
©Getty
Foi, raison et liberté
➢ La foi n’a pour fin que l’obéissance à la loi divine
de justice et d’amour.
➢ La philosophie a pour fin la connaissance de la
nature par la raison.
▪ Foi et raison ont chacune leur domaine
▪ La diversité des tempéraments
Elle explique la diversité et justifie la liberté des
pratiques, des cultes et des imaginaires religieux
dans la cité, sous le contrôle de l’État.
Frontispice du Léviathan de Thomas Hobbes, colorisé. 29
La liberté de raisonner et la paix civile▪ Une démonstration à partir du
droit naturel.
▪ Le droit naturel de raisonner est conservé par les citoyens.
▪ Loi divine et lois des Hébreux.
Régents de l’orphelinat d’Haarlem, Jan de Bray (1663) 30
5. épilogue :un traité pour
lecteurs philosophes
Icônes : catkuro, Freepik31
à qui s’adresse le tTP ?
▪ Leurs préjugés sont trop
enracinés : on ne peut les
arracher à la superstition.
▪ Portée par la passion, la foule
devient dangereuse.
▪ Le Traité n’est donc pas pour eux
car ils ne sont pas disposés à le
comprendre.
Les non-philosophes ?
▪ Ils envisagent la nature et les
questions religieuses à la
lumière de la raison.
▪ Ils croient à tort que la raison
est la servante de la théologie.
▪ Moins soumis à leur
imagination et sont donc
disposés à comprendre : le
Traité leur est adressé.
Les philosophes
▪ Le Traité ne contient rien qui
doive les inquiéter.
▪ C’est cohérent avec sa
démonstration : l’État doit
encourager la liberté de
philosopher.
▪ Spinoza n’écrit pas pour
provoquer la discorde.
Les autorités civiles
Les points clefs
32
❖ La superstition est un phénomène naturel dû à l’incertitude des affaires humaines, dans lequel l’esprit est misérable, balloté entre la crainte qui la cause et l’espoir qu’il recherche par tous les moyens.
❖ La superstition rend vulnérable au pouvoir de ceux qui peuvent causer chez l’homme crédule la crainte et l’espoir.
❖ La vraie religion consiste dans l’amour de Dieu et du prochain, mais elle est corrompue par la superstition et les autorités qui l’utilisent pour leur pouvoir.
❖ La cité doit autoriser toutes les formes de culte qui ne troublent pas l’ordre public, car chacun imagine Dieu selon son tempérament.
❖ L’exercice du libre jugement doit être encouragé dans la cité, car la censure et le fanatisme sont bien plus dangereux que la controverse des arguments.
Présentation réalisée par Bertrand Vaillant
Je me suis soigneusement abstenu de tourner en dérision les actions humaines,
de les pleurer ou de les haïr ;je n’ai voulu que les comprendre.
Spinoza, Traité politique
Présentation réalisée par Bertrand Vaillant