LES MOYENS D’ESSAI ET D’INVESTIGATION POUR L’AUSCULTATION DES STRUCTURES. Bruno GODART Université Gustave Eiffel, Champs sur Marne. Comme l’indique l’Instruction Technique pour la Surveillance et l’Entretien des Ouvrages d’Art du Ministère des Transports, dans sa première partie [1], le gestionnaire d’un ouvrage doit «faire rechercher les causes des désordres constatés, puis étudier et évaluer les différentes solutions pour remédier à ces désordres ». Pour cela, l’exploitation des inspections détaillées peuvent conduire à « l’établissement d’un programme d’investigations complémentaires ». L'établissement d'un programme d'auscultation succède à un examen très détaillé (inspection détaillée) des désordres constatés lors de la visite préalable ou des visites annuelles de routine ; en fait, dans la pratique, il est nécessaire de se faire d'abord une idée des causes possibles des désordres, ce sera l'idée directrice de l'auscultation. Il n'existe pas de méthode générale d'auscultation applicable à tous les ponts, ni même à une famille de ponts. Les explications recherchées, donc les méthodes à utiliser, diffèrent suivant la nature des désordres constatés. Les méthodes d’auscultation sont parfois fort coûteuses, et l’une des difficultés de l’établissement d’un bon programme d’auscultation est de procéder à toutes les investigations nécessaires à la détermination des causes des désordres et de leurs mécanismes, tout en évitant les essais et recherches inutiles ou qui ne permettraient pas de répondre aux questions que l’on se pose. A cet égard, il est important, lors de l’étude d’une technique ou d’un procédé d’auscultation, d’en définir clairement les possibilités et les limites [2]. 1 - OBJECTIFS GENERAUX DE L’AUSCULTATION Les investigations conduites avant l’établissement d’un projet de réparation peuvent répondre à différents objectifs que nous qualifierons de généraux : -- définir ou étayer des hypothèses de calcul : la détermination de caractéristiques mécaniques des matériaux constitue un cas courant ; si la résistance à la rupture , la limite d’élasticité ou le module sont des caractéristiques qui peuvent être évaluées sans trop de
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LES MOYENS D’ESSAI ET D’INVESTIGATION
POUR L’AUSCULTATION DES STRUCTURES.
Bruno GODART
Université Gustave Eiffel, Champs sur Marne.
Comme l’indique l’Instruction Technique pour la Surveillance et l’Entretien des
Ouvrages d’Art du Ministère des Transports, dans sa première partie [1], le gestionnaire d’un
ouvrage doit «faire rechercher les causes des désordres constatés, puis étudier et évaluer
les différentes solutions pour remédier à ces désordres ». Pour cela, l’exploitation des
inspections détaillées peuvent conduire à « l’établissement d’un programme d’investigations
complémentaires ».
L'établissement d'un programme d'auscultation succède à un examen très détaillé
(inspection détaillée) des désordres constatés lors de la visite préalable ou des visites
annuelles de routine ; en fait, dans la pratique, il est nécessaire de se faire d'abord une idée des
causes possibles des désordres, ce sera l'idée directrice de l'auscultation.
Il n'existe pas de méthode générale d'auscultation applicable à tous les ponts, ni même
à une famille de ponts. Les explications recherchées, donc les méthodes à utiliser, diffèrent
suivant la nature des désordres constatés.
Les méthodes d’auscultation sont parfois fort coûteuses, et l’une des difficultés de
l’établissement d’un bon programme d’auscultation est de procéder à toutes les investigations
nécessaires à la détermination des causes des désordres et de leurs mécanismes, tout en évitant
les essais et recherches inutiles ou qui ne permettraient pas de répondre aux questions que l’on
se pose. A cet égard, il est important, lors de l’étude d’une technique ou d’un procédé
d’auscultation, d’en définir clairement les possibilités et les limites [2].
1 - OBJECTIFS GENERAUX DE L’AUSCULTATION
Les investigations conduites avant l’établissement d’un projet de réparation peuvent
répondre à différents objectifs que nous qualifierons de généraux :
-- définir ou étayer des hypothèses de calcul : la détermination de caractéristiques
mécaniques des matériaux constitue un cas courant ; si la résistance à la rupture , la limite
d’élasticité ou le module sont des caractéristiques qui peuvent être évaluées sans trop de
2
difficultés, il existe par contre d’autres caractéristiques comme l’adhérence entre une armature
et du béton qui sont impossibles à obtenir ;
-- évaluer l’ampleur des désordres : cette évaluation fait souvent appel à une conjugaison de
techniques de contrôles non destructifs (généralement qualitatives) et de techniques
quantitatives appliquées sur des prélèvements. Lorsque les désordres sont cachés, cette
évaluation peut devenir très difficile. Si nous prenons l’exemple de la corrosion des
armatures, dans le cas du béton armé, la méthode du potentiel d’électrode permet d’obtenir
une bonne image de l’état de corrosion des aciers ; par contre dans le cas du béton
précontraint, et plus particulièrement des VIPP (Viaducs Indépendants à Poutres
Précontraintes), l’état de corrosion des câbles de précontraintes ne peut être estimée qu’au
prix fort de l’ouverture de plusieurs fenêtres dont l’emplacement aura été guidé par des
radiographies ou de la radioscopie.
-- établir le diagnostic : mis à part les cas simples où le pré-diagnostic réalisé à l’issue de
l’inspection visuelle suffit pour se forger une opinion sur la maladie affectant un ouvrage, et
les cas compliqués ou des recherches sont encore nécessaires pour identifier l’origine de la
maladie (exemple de la délamination (feuilletage) de hourdis de pont en béton armé), dans
tous les autres cas, des investigations bien menées doivent permettre l’obtention du bon
diagnostic.
2) OBJECTIFS SPECIFIQUES D’UNE AUSCULTATION
Les objectifs spécifiques d'une auscultation sont de deux sortes :
❑ apprécier la qualité du (ou des) matériau(x) en place,
❑ analyser le mode de fonctionnement réel de la structure.
Ces deux analyses utilisent les divers moyens d’auscultation dont les progrès de la
science et de la technologie nous permettent de disposer. Le plus souvent, ces deux objectifs
existent dans une même campagne d'investigations. Il peut en effet arriver qu'une défectuosité
du matériau ait une incidence directe sur le fonctionnement de la structure ; inversement, le
mauvais fonctionnement d'un ouvrage pour des raisons structurelles se manifeste par une
détérioration, au moins partielle, de certains des matériaux constitutifs.
Les moyens permettant d'apprécier l'état des matériaux comprennent :
⚫ les études et analyses sur prélèvements,
⚫ les techniques d'examen des matériaux en place, soit visuel, soit par des méthodes
plus raffinées et plus puissantes (radiographie, auscultation sonique, auscultation
électromagnétique, méthodes électrochimiques...).
Le prélèvement d’un échantillon sur un ouvrage a l’inconvénient d’être partiellement
destructif. Il est donc recommandé d’extraire des échantillons les plus petits possible, en
nombre limité, et aux endroits les moins vitaux de la structure. Il en résulte un second
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inconvénient, à savoir que les renseignements obtenus ne peuvent être représentatifs de
l’ensemble de l’ouvrage.
Le plus souvent, on utilise donc ces échantillons comme référence d’étalonnage, ou
comme élément comparatif, afin de compléter les informations que l’on peut tirer d’essais non
destructifs effectués sur l’ouvrage. A notre connaissance, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de
méthode non destructive pouvant donner des résultats suffisamment sûrs sans aucun
rattachement à un étalonnage sur le même matériau.
Les moyens permettant d'apprécier le fonctionnement de la structure sont variés, et
il est souvent nécessaire de les associer dans une même auscultation.
On peut distinguer :
⚫ les mesures d'ordre topographique ou géométrique (évolution du nivellement ou
mesure de déformation générale ou de déplacement sous chargement),
⚫ les mesures directes de forces,
⚫ les mesures locales de fonctionnement (mesure de déformation locale,
extensométrie).
Dans la mesure où les fissures représentent le symptôme le plus caractéristique d’une
pathologie d’un ouvrage, une part importante des moyens d’investigation est consacrée à leur
étude. Pour mener à bien cette étude des fissures, nous distinguons l'examen de la géométrie
des fissures et de son évolution dans le temps (allongement, variation d'ouverture à vide,
apparition de nouvelles fissures...) que nous appellons fissurographie, et l'étude du
fonctionnement mécanique de la structure au voisinage immédiat d'une fissure (mesure de
respiration, notamment), que nous appellons fissurométrie.
Dans la suite de ce document, nous allons nous intéresser uniquement aux
moyens d’auscultation permettant d'apprécier le fonctionnement de la structure
3 - MESURE DES DEFORMATIONS GENERALES ET DES MOUVEMENTS
Il existe deux façons d'utiliser les renseignements concernant la géométrie d'un
ouvrage d'art et sa variation : la topographie et le nivellement de l'ouvrage à vide peuvent
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renseigner sur son état général, et la mesure de ses déformations sous chargement renseigne
sur son fonctionnement.
3.1 - Suivi topographique
En amont de l'auscultation proprement dite, il est nécessaire au stade de la surveillance
courante d'un ouvrage, de suivre sa géométrie générale, et notamment son nivellement. Ceci
est d'autant plus intéressant si l'on possède le nivellement point zéro. Les appareils employés
sont ceux couramment utilisés par les géomètres, à savoir : les niveaux optiques et les
théodolites.
3.1.1 - Fondations et appuis
Lorsque des désordres se produisent dans les fondations d'un ouvrage, ils se
manifestent souvent par des mouvements des appuis. Le suivi d'un ouvrage doit donc
comporter la vérification périodique de la stabilité (au sens topographique) des appuis. Dans
le cas d'un ouvrage important, la meilleure solution consiste à équiper chaque appui de cibles
de visée dès la construction, et à repérer ces cibles en plan et en nivellement, par rapport à des
points fixes. Cela permet, outre un suivi périodique, de procéder facilement à une vérification
lorsque des désordres quelconques font soupçonner une instabilité des fondations.
3.1.2 - Tablier
Les mêmes dispositions peuvent être prises sur les tabliers. Des déformations
permanentes, notamment en nivellement, peuvent en effet être le signe apparent de désordres
plus profonds.
Il est à noter cependant que, lors d'une visite courante, il n'est pas nécessaire de
procéder à un nivellement de haute précision du tablier. En effet, il se trouve que le garde-
corps, qui est la partie d'ouvrage la plus visible le jour de l'inauguration, est en général
parfaitement réglé à la construction ; s'il n'est pas rectiligne, il donne au moins l'aspect d'une
courbe régulière et harmonieuse. Comme il est en outre fixé assez rigidement au tablier, et
infiniment plus souple que ce dernier, il en suivra donc fidèlement tous les mouvements.
Toute déformation anormale du tablier sera donc visible au niveau de la lisse supérieure du
garde-corps. D'une manière plus générale, une déformation permanente d'un tablier de pont
est très facilement perceptible. Il suffit de penser à regarder.
3.1.3 - Autres mesures
Dans le cadre du suivi de la géométrie générale d’un ouvrage, il est parfois fait appel à
des mesures de distances, comme par exemple dans le cadre du suivi des ouvrages atteints par
l’alcali-réaction. Si le moyen de mesure le plus courant est le distancemètre à fil d’Invar, il
existe à présent des distancemètres infrarouge (dérivés des théodolithes) qui peuvent suivre
avec précision la variation de distance entre deux points d’un ouvrage.
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A noter la possibilité de mesurer la déplanation du parement d’un mur au cours du
temps ; on utilise pour cela un laser tournant qui fournit un plan vertical de référence et une
mire qui mesure la distance entre un point quelconque du mur et le plan de référence. Cette
technique est employée pour suivre la déplanation des murs de culée et des murs de
soutènement des terres (notamment les murs en terre armée).
3.2 - Mesure de la déformation sous chargement
Le comportement général d'un ouvrage sous un chargement connu, peut dans certains
cas, donner des renseignements précieux sur son état. On mesure le plus souvent des flèches,
mais on peut aussi effectuer d'autres mesures.
3.2.1 - Mesure des flèches
La mesure des flèches prises par le tablier sous chargement est obligatoire lors des
épreuves d'un ouvrage neuf ; il s'agit en fait de la toute première opération d'auscultation qui
servira en même temps de référence pour tous les examens ultérieurs.
Dans certains cas, on peut aussi être amené à effectuer des essais de chargement d'un
ouvrage défectueux, pour étudier la manière dont il réagit. Il est à noter que, si l'ouvrage
présente des désordres susceptibles d'affecter sa force portante, on peut avoir intérêt à
procéder à une mise en charge progressive ; une bonne méthode consiste alors à charger
l'ouvrage avec des citernes vides, que l'on remplit d'eau à la demande ; on peut ainsi arrêter la
mise en charge dès que la réponse de l'ouvrage devient anormale et procéder à la vidange des
citernes sans déplacer les camions si l'environnement le permet.
La mesure des flèches se fait traditionnellement au milieu des travées essayées, mais
rien n'empêche, si on a besoin de mieux connaître la déformée d'une travée, d'augmenter le
nombre de points de mesure. Une limitation est tout de même donnée par la précision des
mesures, qui est le plus souvent de l'ordre du millimètre.
Quatre types de méthodes sont couramment employés pour mesurer les flèches :
1) le niveau hydraulique (niveau Peltier), dont la mise en place est assez lourde et
qui présente une inertie importante. Il est intéressant pour les flèches importantes.
2) les méthodes de nivellement topographique, qui nécessitent un personnel
hautement qualifié.
3) le fleximètre mécanique, dont l'ancêtre est le fleximètre Manet-Rabut (datant de
1890) ; cette méthode a l'inconvénient de nécessiter un point d'ancrage fixe sous
l'ouvrage, qu'il n'est pas toujours aisé de réaliser.
4) un appareil de conception plus récente est le flexigraphe laser plus
particulièrement utilisé sur des ouvrages de grande portée
Nous n'insisterons pas sur les trois premières méthodes qui sont anciennes et connues.
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Le flexigraphe laser comprend une source émettant un faisceau laser orientable, que
l'on place en général sur un support fixe hors ouvrage ; le faisceau constitue alors une base
fixe dans l'espace.
L'émetteur est en outre muni d'un jeu de lames semi-réfléchissantes, qui permettent de
diviser le faisceau en deux ou trois. La cible frappée par le faisceau est constituée d'une
cellule photoélectrique mobile sur un chariot vertical (suiveur de spot). Une fois que le
réglage initial est effectué c'est-à-dire que l'on a dirigé le faisceau sur la cible, celle-ci lorsque
son support se déplace verticalement, reste automatiquement centrée sur le faisceau, la flèche
prise par l'ouvrage au droit du suiveur de spot est donc égale au déplacement de la cellule sur
son chariot, déplacement qui est mesuré par un capteur potentiométrique intégré dans le
suiveur de spot. La valeur de ce déplacement peut être enregistrée en continu.
Ce matériel permet une course de 40 cm, la portée à l'extérieur atteint les 150 m dans
de bonnes conditions météorologiques et 250 m à l'intérieur d'un caisson, ou à l'extérieur, de
nuit par conditions idéales. En effet, une limitation importante de l'emploi de ce matériel
réside dans les perturbations apportées dans la propagation du faisceau laser par les
turbulences atmosphériques, ainsi que dans une dérive, d'origine thermique, de la direction du
faisceau à la sortie de l'émetteur. On peut résoudre cette difficulté, dans certains ouvrages en
caisson, en plaçant le flexigraphe à l'intérieur du tablier, en un point réputé fixe ou en un point
dont on suit le déplacement.
Le flexigraphe laser constitue donc un appareillage complémentaire plutôt que
concurrent des fleximètres traditionnels. Son domaine préférentiel d'emploi est le cas où les
appareils traditionnels ne peuvent être utilisés, soit faute de pouvoir disposer d'un point fixe
sous la travée (cas du fleximètre mécanique), soit parce que le délai de lecture est trop
important ou faute de pouvoir enregistrer les déformations (niveau Peltier et nivellement
topographique).
Il convient enfin de signaler une cinquième méthode qui vient de faire son apparition
et qui utilise le repérage de la position d’un point à l’aide de plusieurs satellites. Cette
méthode qui fait appel à la technique GPS (Global Positioning System), a été utilisée pour la
première fois en janvier 1995, lors des essais de réception du pont de Normandie pour
mesurer la flèche de la travée centrale. Pour l’instant, son domaine d’emploi reste limité à
quelques ouvrages exceptionnels qui présente des flèches de plusieurs dizaines de
centimètres.
3.2.2 - Mesure des rotations
Le comportement d'un ouvrage sous l'action de surcharges peut être étudié sous
d'autres angles que la flèche des travées ; on peut notamment mesurer l’inclinaison de piles ou
de murs à l’aide de pendule, la rotation sur appuis ou la rotation de sections de l’ouvrage, à
l'aide de clinomètres.
Même si les mesures de flèche sont plus utilisées que les mesures de rotation, ces
dernières présentent l’avantage d’être plus précises. Il existe une gamme diversifiée
d’appareils permettant de mesurer des rotations : cela va de la simple nivelle mécanique qui a
une sensibilité de 10-4 rd, jusqu’au clinomètre fourni par la société TELEMAC qui atteint une
sensibilité de 10-8 rd et dont le principe de fonctionnement réside sur la mesure de la rotation
d’une masse qui est suspendue à deux fils de silice ayant quelques microns de diamètre ; ce
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type d’inclinomètre extrèmement précis, mais fragile, nécessite une pose très méticuleuse
ainsi qu’un solide capot de protection sur ouvrage. Au centre de la gamme se situent les
clinomètres électriques qui peuvent atteindre une sensibilité de 10-6 rd et qui sont les plus
utilisés sur ouvrage.
Quant aux pendules, ceux-ci sont très utilisés par EDF, depuis plusieurs dizaines
d’années, pour suivre l’inclinaison de ses barrages, et plus récemment pour suivre
l’inclinaison des enceintes de confinement. On distingue deux grandes familles de pendules
qui sont utilisées en fonction des conditions d’accès : les pendules directs et les pendules
inverses dont le point fixe est situé en bas et dont la mesure d’inclinaison est réalisée en haut.
Les mesures à l’aide de pendules tendent à s’automatiser avec l’emploi de capteurs électriques
de déplacement ou de systèmes optiques alliés à des cellules photoélectriques.
3.2.3 - Autres mesures
Dans certain cas, le fonctionnement d’un ouvrage peut être étudier sous l’angle de son
comportement dynamique ; on utilise alors principalement des accéléromètres ou des
sismographes enregistreurs. Ces derniers peuvent être employés pour mesurer toute
composante alternative d'un déplacement comme par exemple :
- la composant dynamique de la flèche sous le passage d'un convoi,
- les mouvements horizontaux des têtes de pile, sous l'action de freinage d'un
véhicule.
Quant aux accéléromètres, ils fournissent des accélérations qui nécessitent une double
intégration du signal pour obtenir des déplacements.
Il faut préciser qu'on ne sait pas encore tirer tous les enseignements de l'étude des
vibrations propres d'un ouvrage. En général, il faut atteindre un endommagement important
pour apercevoir une modification des caractéristiques dynamiques de l’ouvrage, et cet
endommagement peut souvent être détecté à un stade plus précoce par d’autres techniques
d’auscultation. En outre, dans le cas des ponts, l’influence de la qualité du revêtement est
prépondérante dans l’analyse des signatures vibratoires, et l’évolution du comportement
dynamique de l’ouvrage peut être masqué par une dégradation de l’état de la chaussée.
Dans certains cas très particuliers, il arrive cependant qu'on puisse mettre en évidence
des phénomènes particuliers ; ce peut être un encastrement non prévu sur appuis dans le cas
des ponts, ou une dégradation de l’état de la structure dans le cas des cheminées industrielles
qui constituent un type de structure particulièrement sensible au plan dynamique.
4) MESURES DE FORCES SUR OUVRAGE
4.1 - Pesée de Réactions d’Appui
4.1.1 - Historique
C'est en 1970 que la pesée de réactions d'appui d'un ouvrage a été mise en oeuvre pour
la première fois (pont de Champigny/Yonne). Il s'agissait alors d'un ouvrage en construction,
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dans lequel on comptait compenser les effets de la redistribution due au fluage par une
dénivellation d'appuis effectuée juste après le clavage. C'est pour vérifier expérimentalement
cet effet qu'il a été décidé d'incorporer aux appareils d'appui sur culée, des pesons installés à
demeure, qui font l'objet de mesures périodiques depuis la construction de l'ouvrage.
En 1972, à l'occasion de l'auscultation d'un ouvrage gravement fissuré, la question a
été posée de l'évaluation des effets de la redistribution des efforts hyperstatiques, que l'on
soupçonnait d'être une des causes principales des désordres. Il a alors été procédé sur cet
ouvrage à une pesée des réactions d'appui sur culée, opération qui n'était pas prévu lors de la
construction. Depuis cette époque, si le principe de la méthode n'a pas varié, la technique
d'exécution de la mesure a été notablement affinée.
4.1.2 - But poursuivi
Dans les ouvrages hyperstatiques en béton précontraint construits selon un schéma
statique différent de leur schéma définitif, il se produit, au cours du temps, une modification
de la répartition à vide des réactions d'appui, sous l'effet du comportement différé du béton.
Cette redistribution d'efforts, lorsqu'elle est sous-estimée au niveau du calcul de l'ouvrage,
peut avoir pour conséquence l'apparition de désordres.
Prenons un exemple très schématique : on réalise une console en béton. Sous l'effet du
fluage du béton, fortement comprimé en fibre inférieure, l'extrémité de la console aura
tendance à s'abaisser (figures ci-dessous).
x
R
Figure 5.1.
Figure 5.2.
Si sous l'extrémité de la console et après sa construction, on ajoute un appui, cette
extrémité ne sera plus libre de s'abaisser (figure 5.2.), on conçoit intuitivement que, sous la
tendance à "l'affaissement" qui se traduisait dans le premier cas par un abaissement, on verra
augmenter la réaction sur l'appui simple.
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La pesée des réactions d'appui est donc souvent utilisée pour mesurer les effets dans le
temps de cette redistribution. La comparaison des valeurs de réaction mesurées avec les
valeurs théoriques résultant d'un calcul ou recalcul complet de l'ouvrage permet notamment :
• de valider ou recaler les hypothèses retenues,
• et, lorsque les hypothèses du projet s'avèrent trop optimistes, d'expliquer parfois une
grande partie des désordres observés, liés à une insuffisance de la résistance à la flexion.
Un autre phénomène très important, dont il faut tenir compte lorsqu'on effectue une
mesure, a été mis en évidence par les mesures effectuées sur le premier ouvrage cité plus haut
: c'est l'incidence des gradients thermiques. Très schématiquement, on peut se référer aux
figures 5.1 et 5.2 ci-dessus et, dans la première figure, imaginer que l'abaissement de
l'extrémité de la console est dû non plus à des phénomènes différés, mais à une différence de
température entre la fibre supérieure et la fibre inférieure, la première, exposée au soleil étant
plus chaude que la seconde.
4.1.3 - Ordres de grandeur et importance du phénomène
Prenons l'exemple d'un pont à 3 travées, de portées respectives 30 m, 60 m, 30 m. Des
réactions d'appui classiques, sur ce genre d'ouvrages, peuvent être de l'ordre de 150 T sur les
culées et 1000 T sur les piles intermédiaires (figure 5.3.).
30m60 m30 m
1000T 1000T
150T
+ 15T
Figure 5.3.
150T
+ 15T
Mt = 450 T < in
Pour fixer les idées, cette redistribution peut créer, dans la travée centrale, un moment
de l'ordre de la moitié du moment fléchissant dû à la surcharge A. Quant au gradient
thermique, il conduit à des variations de réaction d'appui sur culée qui peuvent atteindre
largement 20 % de la réaction totale au cours d'une même journée ; à titre d'exemple, on a
établi pour un certain nombre de ponts-caisson, que l'incidence, dans une section donnée,
d'une différence de température de 10° entre hourdis supérieur et hourdis inférieur était égale
à l'incidence de la surcharge A.
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Des éléments qui viennent d'être donnés résultent deux points particulièrement
importants en ce qui concerne la mesure proprement dite :
• il convient d'effectuer les mesures avec une grande précision relative : on ne pèse pas
directement une variation de réaction, on mesure la réaction totale qui est très nettement
supérieure à ce que l'on cherche ; en d'autres termes, une erreur de quelques pour cent peut
avoir une répercussion importante sur la précision avec laquelle on évalue la variation.
• il est nécessaire de tenir compte du phénomène de gradient thermique qui génère des
variations cycliques de la valeur des réactions d'appui sur une période de 24 h. Il doit donc
en être tenu compte dans l'exécution et l'exploitation des mesures effectuées, pour bien
isoler la part des variations de réaction d'appui due à la redistribution par fluage, de celle
qui résulte du gradient thermique. Ceci implique la réalisation de mesures pendant au
moins 24 heures, ou le choix de la période d'intervention (le mieux étant d'opérer pendant
des périodes de non ensoleillement).
4.1.4 - Exécution de la mesure
Pour effectuer la mesure, on dispose sous le tablier d'une part, une série de vérins (des
vérins plats Freyssinet, à l'origine), qui servent à soulever le tablier et à mesurer la force
nécessaire, et d'autre part, des comparateurs qui permettent de mesurer avec précision le
déplacement vertical du tablier. Si l'on représente graphiquement la force nécessaire en
fonction du déplacement, on trouve une courbe dont l'allure est donnée sur la figure 5.4. ci-
dessous.
La première partie du graphe correspond à la libération des appareils d'appui.
La deuxième partie, rectiligne, représente la flexion du tablier, et sa pente en constitue
la raideur ; en prolongeant cette droite jusqu'à d = 0, on obtient la réaction cherchée.
200
Ra
100
P(t)
1 2 3 4 5
Figure 5.4.
d(mm)
Dans la pratique, on n'a pas toujours obtenu des résultats aussi nets :
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• d'une part, l'existence de frottements parasites dus aux joints de chaussées ou à des
éléments de coffrages "oubliés" entre tablier et garde-grève, peuvent perturber
complètement la mesure. Il faut vérifier scrupuleusement, avant la mesure, tous les
éléments susceptibles de fausser ainsi les résultats.
• d'autre part, il ne faut pas sous-estimer les difficultés de calage du vérin. En effet, compte-
tenu de la précision nécessaire, chaque vérin est étalonné sous presse en laboratoire. Si,
dans ce cas, les conditions d'appui du vérin sont quasi-parfaites, sur chantier et il n'en est
pas de même, et en fait les vérins se déforment pour "prendre leur place" lors de la montée
; la courbe d'étalonnage établie en laboratoire n'est alors plus exacte, et quelques pour cent
de précision peuvent être vite perdus.
4.1.5 - Evolution actuelle de la méthode
Actuellement, on utilise concurremment deux techniques.
1) La technique du double vérin (figure 5.5.)
Dans cette technique, on a réglé le problème des perturbations apportées par la
déformation du vérin en séparant la fonction levage de la fonction mesure. Deux vérins sont
superposés, l'un servant à soulever l'ouvrage et l'autre à mesurer la force transmise.
capteur de pression
de précision
Figure 5.5.
vérin actif ou de levage
manomètre de
contrôle
pompe
vérin passif ou de mesure
2) La technique du vérin plat à piston (figure 5.6.)
Cette technique est à présent la plus utilisée car on trouve facilement dans le
commerce, des vérins à piston ultra-plat qui permettent le montage représenté ci-dessous, et
que ce matériel présente notamment l'avantage d'être très souple d'emploi et de permettre une
grande finesse de manoeuvre.
capteur de pression
pompe
Figure 5.6.
rotule
12
Les limites connues concernant la mise en oeuvre de ces techniques sur ouvrage en service
sont :
• la précision de la méthode (de l'ordre du pour cent), qui limite dans la pratique son
application aux culées, les descentes de charges y étant plus faibles que sur piles et donc
leur variation plus facile à appréhender (précision nécessaire sur pile de l'ordre du pour
mille),
• la hauteur libre disponible sous le tablier, qui doit être d'au moins 15 cm pour pouvoir
glisser le matériel,
• l'existence d'une surface d'appui suffisante pour lever l'ouvrage, la dimension de cette zone
étant conditionnée par le niveau de contrainte pouvant être supporté par l'ouvrage
immédiatement au contact des vérins,
• la capacité de l'ouvrage à supporter, sans renforcements préalables coûteux, une descente
de charge qui s'effectue en des points distincts des appareils d'appui,
Sur le plan pratique, on a réalisé jusqu'à maintenant de nombreuses pesées de réaction
sur culée, de l'ordre de quelques centaines de tonnes. On a déjà effectué une série de pesées
sur culée sur un grand ouvrage en région parisienne (dans un but de suivi) de l'ordre de 1000
T ; on a également procédé à des pesées sur pile, de l'ordre de 4000 T.
4.1.6 - Perspectives d'avenir
Il n'est pas besoin de revenir sur le grand intérêt présenté par la pesée directe des
réactions d'appui. Il est donc nécessaire d'en poursuivre la mise au point dans le détail, pour
aboutir à un mode opératoire officiel. Pour cela, il faut encore soit choisir définitivement entre
les deux types de matériels décrits ci-dessus, soit définir le domaine préférentiel d'emploi de
chacun d'eux.
Cependant, on peut d'ores et déjà conseiller la mise en place, dans tous les ouvrages
neufs, des réservations nécessaires pour pouvoir, le cas échéant, peser ultérieurement les
réactions d'appui. Notons en passant, que ces réservations permettent également le levage du
tablier pour toute autre raison, notamment le remplacement des appareils d'appui.
4.2 - Mesure de la tension des câbles par la méthode de l'arbalète
La méthode de l’arbalète permet de mesurer la tension résiduelle de câbles tendus, en
partant du principe que l'effort nécessaire pour dévier un câble de son tracé est proportionnel à
sa tension.
4.2.1 - Principe de la mesure
La mesure consiste :
• à pratiquer l'ouverture d'une fenêtre dans le béton afin de dégager le câble sur une longueur
suffisante, de l'ordre de 60 cm, pour permettre un positionnement correct de l'appareillage.
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La gaine ou le tube doivent être découpés avec précaution, et le coulis environnant
l'armature doit être soigneusement éliminé sur la zone concernée
• à appliquer au câble, en réalité à un fil (dans le cas d’un câble à fil parallèles) ou à un toron
(dans le cas d’un câble constitué de torons), une force perpendiculaire contrôlée, couplée
avec un capteur de déplacement qui permet de suivre simultanément la valeur de la flèche
prise par le câble. En général, il est posssible de mesurer la tension sur les 2 ou 3 torons
(ou fils) directement accessibles.
Principe de la méthode de l'arbalète.
De la connaissance simultanée de la force appliquée perpendiculairement au câble (T)
et de la flèche (d) prise par le câble sous cet effort, peut être déduite la tension (P) dans le
câble.
4.2.2 - Interprétation de la mesure
Selon la théorie, la force de précontrainte P peut être évaluée à partir de la formule
suivante :
d d3
T = 2 (P + k) --- + K ---
l l
où K et k sont des constantes de calage et l représente la demi-longueur de la fenêtre.
Dans la pratique, les effets parasites dus au frottement, à la raideur en flexion, à la
surtension introduite, nécessitent des tests de calibration. La méthode d'exploitation des
graphes tracés à l'aide de l'arbalète s'appuie sur un faisceau d'étalonnage établi en laboratoire.
14
Exemple de faisceau de référence.
La précision d'une mesure de tension est d'environ 3 %.
4.3 - Mesure de la tension des câbles par méthode vibratoire
Une méthode simple et rapide de la mesure de la tension d'un câble a été mise au point
en s'appuyant sur la théorie des cordes vibrantes. Celle-ci permet de calculer la tension à partir
de la mesure de la fréquence propre de vibration du câble, de la connaissance de sa longueur
et de sa masse linéique. Le câble est facilement mis en vibration manuellement et un simple
accéléromètre, relié à un analyseur de fréquence en temps réel, donne immédiatement les
fréquences des modes de vibration.
Cette méthode s'applique aux câbles de précontrainte extérieure, aux câbles de ponts
suspendus (câbles de retenue) et aux câbles de ponts à haubans.
4.3.1 - Théorie des cordes vibrantes :
Une corde vibrante est un fil pesant, tendu, dont la rigidité en flexion est nulle. Sa
fréquence de vibration est donnée par la formule classique :
n
Fn = ---- (T/µ)0,5
2l
F : Fréquence l : Longueur T : tension µ : masse linéique
n : ordre du mode de vibration
Cette propriété est utilisée en pratique sur ouvrage pour vérifier qu'un câble donné
répond effectivement au modèle de la "corde vibrante" (proportionnalité entre la fréquence
des différentes harmoniques Fn et le rang de l’harmonique n).
4.3.2 - Adéquation d'un câble au modèle "corde vibrante"
Un câble a un module de rigidité qui est loin d'être nul et ne peut être assimilé à une
corde vibrante que s'il est suffisamment long. Cette condition a été étudiée en laboratoire pour
définir un domaine de non dispersivité dans la propagation des ondes et préciser l'influence du
module de rigidité qui provoque une augmentation de la fréquence de vibration d'autant plus
importante que le mode considéré est élevé.
Un câble peut être assimilé à une corde vibrante si la courbe F = (n) obtenue avec un
appareillage mesurant les fréquences à 0,5 % près est une droite jusqu'au 7ème ordre de
vibration (n=7). L'erreur introduite par le module de rigidité est alors inférieure à 1 %.
La tension du câble est obtenue à partir de la relation : T = 4 F² l² µ
15
Le calcul d'erreur montre que l'on obtient une précision de 4 % pourvu que la longueur
et la masse linéique soient connues à 1 % près, ce qui est généralement le cas.
4.4 - Autres mesures directes sur ouvrages
Nous avons présenté assez largement la pesée des réactions d'appui, qui est
actuellement la seule mesure directe que l'on puisse faire pour évaluer les efforts réels
auxquels est soumis un ouvrage. En appliquant le même principe que la "pesée", il est
possible de mesurer la force existant dans des unités de précontraintes (barres et câbles), dans
des tirants (exemple des tirants de renforcement des ponts en maçonnerie ou des murs de
soutènement) ou dans des suspentes (cas des ponts suspendus). Il faut pour cela que
l’extrémité du tirant ou du câble soit accessible, qu’un vérin puisse être installé pour reprendre
l’effort existant dans le tirant ou le câble, qu’un capteur de déplacement soit installé ; en
mesurant la pression en fonction du déplacement, on cherche alors à déterminer la force qui
correspond au décollement de l’extrémité du tirant ou du câble par rapport à la structure ou
l’éventuelle plaque d’ancrage. Cette méthode nécessite parfois la fabrication de pièces
d'appuis spéciales pour le montage des vérins.
5 - ETUDE GEOMETRIQUE DES FISSURES : LA FISSUROGRAPHIE
5.1 - Intérêt de la fissurographie
Dans un ouvrage en béton, le relevé détaillé de la fissuration, ainsi que son évolution
dans le temps, constitue un élément de diagnostic très important.
La fissuration du béton est en effet la manifestation extérieure du mode de
fonctionnement de la structure et traduit assez clairement ce fonctionnement, à la condition
d'être correctement comprise.
Une fissure de fonctionnement est notamment le témoin de l'existence, à un certain
moment, de contraintes de traction dans le béton ; le fait que la fissure existe montre que la
contrainte de traction a atteint, à un certain moment, la résistance du béton, on peut ainsi, si on
peut évaluer les propriétés mécaniques du béton en place, évaluer la valeur absolue de ces
contraintes. En outre, lorsqu'il existe un champ de contrainte, la fissuration se produit
perpendiculairement à la direction de la contrainte principale de traction. Ce renseignement
peut également être très utile.
5.2 - Exécution du relevé
L'établissement d'un relevé de fissuration correct est une activité très difficile, pour
laquelle la nécessité d'une formation préalable, déjà exprimée pour l'exécution des visites, est
encore plus importante.
5.2.1 - Nature des fissures
16
Le relevé systématique de la fissuration d'un ouvrage en béton armé n'offre aucun
intérêt ; il est nécessaire dès le stade de l'examen visuel, de savoir distinguer la fissuration
normale de la fissuration due à un défaut de fonctionnement.
Si dans un ouvrage d'art en béton précontraint, toute fissure est a priori suspecte, il faut
également distinguer les fissures réelles des fissures secondaires sans danger ; par exemple,
des fissures de retrait que l'on peut voir apparaître sur la peau d'un béton dont la cure a été
insuffisante ne présentent pas la même gravité que la séparation dans la masse, par retrait
également, de parties d'ouvrages coulées à des époques différentes.
5.2.2 - Apparition et évolution
Un réflexe immédiat, lorsqu'on constate l'existence d'une fissure, doit être d'en faire
figurer directement sur l'ouvrage et également sur documents, le développement avec
indication de la date. Il est en effet extrêmement important de connaître l'évolution d'une
fissure de fonctionnement entre deux examens successifs. Il est tout aussi important, bien que
beaucoup plus difficile, de pouvoir dater, même approximativement, l'apparition d'une fissure.
Il est malheureusement très fréquent que l'on puisse affirmer que telle fissure a été constatée
pour la première fois à telle date, mais qu'on ne puisse pas préciser si elle existait ou non lors
du précédent examen.
5.2.3 - Ouverture des fissures
Un autre élément très important dans le suivi de l'évolution d'une fissure est la
variation de son ouverture dans le temps. Il est bien entendu illusoire de vouloir mesurer cette
ouverture avec précision ; néanmoins, l'indication de l'ordre de grandeur de la largeur à une
date donnée et dans des conditions de chargement connues peut être précieuse, il semble qu'il
soit suffisant d'évaluer cette ouverture avec un seul chiffre significatif lorsqu'elle dépasse le
dixième de millimètre et de ne donner aucune valeur pour les fissures plus fines.
A noter un instrument bien utile : le fissuromètre, qui est constitué d’une plaque de
plastique transparente sur laquelle sont gravés des traits d’épaisseur croissante, et que l’on
vient plaquer sur la structure pour évaluer l’ouverture d’une fissure donnée.
5.2.4 - Profondeur des fissures
Il n'est pas question, au stade d'un relevé de fissuration, de chercher à évaluer la
profondeur d'une fissure, il peut néanmoins être intéressant, dans certains cas, de savoir si une
fissure (ou un réseau de fissures) traverse totalement ou non un élément de béton. Une
méthode très simple consiste à injecter sur une face de l'eau colorée et à regarder ce qui sort
sur la face opposée. Hormis le carottage opéré au droit de la fissure, il est particulièrement
difficile de trouver une méthode d’auscultation qui permette d’évaluer la profondeur de la
fissure, ainsi que son orientation dans l’épaisseur de la pièce.
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5.3 - Report sur plan - classification des fissures
Le plan de fissuration établi à la suite du relevé est un document très précieux pour
l'établissement du diagnostic, à condition d'être convenablement dressé ; en effet, un plan sur
lequel on trouverait le report de chaque fissure par un trait de même type pourrait être un
fouillis inextricable.
Il faut tout d'abord procéder au classement des fissures par familles et donner à
chacune des familles une représentation distincte. L'utilisation des couleurs est un bon moyen
pour cette représentation.
Ce classement par familles ne constitue pas encore la détermination de la cause des
désordres ; il est pourtant nécessaire, pour le faire de procéder à une sortie de "pré-
interprétation" qui repose sur une connaissance préalable du fonctionnement normal de la
structure.
Il faut ensuite reproduire à l'échelle le dessin des fissures, en plaçant vis-à-vis les plans
qui représentent les deux faces d'un même élément d'ouvrage (intérieur et extérieur d'un
caisson, par exemple). S'il s'agit d'un ouvrage en béton précontraint, il est très intéressant
d'utiliser un fond de plan sur lequel figure le tracé des câbles de précontrainte.
Une telle représentation facilite largement l'interprétation. Par exemple, une fissure de
flexion longitudinale au voisinage d'une section dite "de moment nul" coïncide souvent avec
une insuffisance grave, voire une absence totale de précontrainte dans la partie fissurée.
5.4 - Interprétation
Nous venons de voir comment l'établissement d'un bon relevé avec un classement par
familles et une représentation sur un fond de plan adéquat facilite l'interprétation. Il faut
pourtant ajouter que, même en possession d'un relevé très bien fait, il est indispensable d'avoir
personnellement vu l'ouvrage et ses fissures pour établir correctement un diagnostic. Même
l'examen sur photographies peut être trompeur.
Enfin, dans la plupart des cas, le relevé "statique", ainsi effectué est insuffisant, il faut
le compléter par des constatations "dynamiques" c'est-à-dire par des mesures de respiration
sous diverses actions. Nous abordons là la question de la fissurométrie, qui sera développée
ci-dessous avec l'extensométrie.
6 - LES MESURES LOCALES DE FONCTIONNEMENT
(extensométrie-fissurométrie)
6.1 - Généralités
Les mesures de flèches, les pesées de réactions d'appui, un plan d'ensemble de
fissuration, sont autant de procédés qui peuvent renseigner globalement sur l'état ou le
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fonctionnement d'une structure. Ces méthodes ne permettent généralement pas d'analyser le
détail du comportement de l'ouvrage en tel ou tel point précis, et doivent être complétées par
des mesures plus ponctuelles ; par ailleurs, des investigations ponctuelles permettent, dans
certains cas, d'obtenir sur le comportement global, d'autres informations que ce que donnent
les méthodes ci-dessus.
Les seules méthodes développées à l'heure actuelle portent plus précisément sur l'étude
locale du fonctionnement d'un ouvrage, c'est-à-dire de la modification de son état sous l'effet
d'une action extérieure ; ce sont l'extensométrie et la fissurométrie.
D'une manière générale, l'extensométrie est la mesure de la déformation locale d'un
corps sous l'effet d'actions diverses ; la fissurométrie est la mesure des mouvements relatifs,
sous l'effet d'actions extérieures, des deux lèvres d'une fissure à la surface d'une pièce. On
peut considérer que la fissurométrie est un cas particulier de l'extensométrie, mais en précisant
qu'elle s'en distingue par le fait que, dans les mesures d'extensométrie, on suppose que la
matière reste continue.
6.2 - Principe de base des mesures. Quelques rappels et ordres de grandeur
6.2.1. L'extensométrie
La mesure des déformations en un point est en général utilisée comme moyen
d'évaluer la variation du champ de contraintes en ce point.
En élasticité linéaire, contraintes et déformations sont liées par les équations de Lamé :
ij ij ii ij
Ee e=
++
− 1 1 2 (I)
avec ii : contraintes normales
ij : contraintes tangentielles ou de cisaillement
eii : déformation linéique ( l / l)
eij : déformations angulaires
E : module d'Young du matériau
: coefficient de Poisson du matériau
ij = 1 pour i = j
et ij = 0 pour i j
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Les extensomètres permettent la mesure des eii (déformations linéiques). Sauf cas
d'exception (témoins sonores noyés dans le béton par exemple), on ne peut réaliser les
mesures qu'à la surface d'une pièce. Alors 23 = 31 = 33 = 0 et l'on a par exemple :
11 = E
e e1 2 11 22−
+
( ) (II)
expression qui devient :
11 = E e11 (III)
dans le cas d'une traction ou compression simple suivant l'axe 01
(22 = 0 et e22 = - e11).
En un point de la surface d'un corps (contraintes planes), la mesure des déformations
suivant trois directions permet de déterminer les contraintes principales et leur direction (les
rosettes à trois directions). Il suffit de mesurer les déformations suivant deux directions
orthogonales pour déterminer les contraintes suivant ces deux directions (relations II, rosettes
à deux directions).
Dans le cas d'une sollicitation simple (relation III), une seule direction de mesure suffit
: c'est un cas très courant dans la pratique, ce n'est toutefois pas le cas général.
Au niveau de ces rappels, et sans qu'il soit nécessaire d'aborder les problèmes propres
aux techniques de mesures, on peut faire les trois remarques suivantes :
1. l'extensométrie ne permet de mesurer que des variations de déformations (donc de
contraintes) par rapport à un état initial (sur un pont, cet état initial sera en général son état
de contrainte "à vide") ;
2. la détermination des contraintes nécessite de connaître les caractéristiques E et du
matériau : ces caractéristiques sont connues et varient peu d'un acier à l'autre ; il n'en est
pas toujours de même pour le béton ;
3. les équations de l'élasticité ne suffisent plus si l'on veut interpréter des mesures à moyen ou
long terme lorsque l'on a affaire à des phénomènes différés (fluage et relaxation). En
particulier, l'extensométrie ne peut pas mesurer directement des phénomènes de relaxation
puisqu'il s'agit d'une diminution de contraintes à déformation constante.
6.2.2. La fissurométrie
La mesure des mouvements relatifs des lèvres d'une fissure est souvent utile, en
particulier pour apprécier les surtensions, sous une action extérieure donnée, dans les aciers
(passifs ou actifs) qui traversent une fissure. Il est nécessaire de faire appel aux lois de
l'adhérence acier-béton pour estimer, par ce moyen, les surtensions. Pour les aciers passifs,
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ces lois sont assez bien connues ; pour les aciers actifs, l'adhérence se faisant par
l'intermédiaire du coulis d'injection, l'estimation de la surtension dépend totalement de la
qualité de l'injection. Le contrôle par gammagraphie au voisinage de la fissure renseigne sur
la qualité du remplissage de la gaine ; ce contrôle est indispensable pour éviter toute erreur
grossière d'interprétation. Il est quelquefois possible d'effectuer des mesures directement sur
un acier préalablement mis à jour (fenêtres).
La fissurométrie peut être utilisée aussi pour mieux apprécier le fonctionnement de la
partie non fissurée d'une section.
6.2.3- Ordres de grandeurs des quantités à mesurer
En extensométrie, on mesure des allongements relatifs qui sont des grandeurs sans
dimension : ce sont les "eii" des formules précédentes plus communément notés " "
a pour l'acier et b pour le béton
a) en construction métallique, l'unité de référence est l’hecto bar (en se souvenant
que le "Pascal" est l'unité légale : 1O MPa = 1 hbar 1 Kgf/mm2). Cette unité
constitue un seuil de sensibilité souvent suffisant dans le domaine de