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Le Conditionnement Évaluatif : un effet polymorphe interprété au sein d’une approche intégrative à multiples processus Julien Bouy , Arielle Syssau et Nathalie Blanc Laboratoire Epsylon, Montpellier 3, France RÉSUMÉ L’effet de Conditionnement Évaluatif (CE) réfère au changement évaluatif d’un stimulus initialement neutre, à l’issue de l’expérience de celui-ci en relation avec un stimulus affectivement signifiant. Les recherches menées sur le CE ont permis d’illustrer sa généralité tout en révélant nombre de résultats contradictoires. Ces divergences empiriques suggèrent, d’une part, que des distinctions sont à faire entre les effets de CE, et d’autre part, que des processus de différente nature puissent être en jeu selon les effets considérés. Cette revue de questions propose de considérer les effets de CE directs et indirects comme des points d’un même continuum, et soumet une interprétation théorique de ces différents effets dans le cadre d’une approche intégrative à multiples processus particularisée par : 1. la fonction conférée aux processus associatifs et élaboratifs, envisagés sous-tendre le CE ; 2. la relation entre ces processus ; et 3. la nature des contenus mémorisés. Les déterminants situationnels susceptibles d’agir sur le type d’effet manifesté seront également discutés dans le cadre de l’approche théorique soutenue. Evaluative Conditioning: An integrative multiple processes approach ABSTRACT Evaluative Conditioning (EC) effect can be defined as an evaluative change of a neutral stimulus, resulting from the relation experienced between this stimulus and a stimulus affectively significant. Numerous studies conducted on EC highlighted the generality of this phenomenon but also revealed several inconsistent results. These inconsistencies underline that two important distinctions have to be considered. The first one deals with the type of EC effects obtained, either direct or indirect. The other one concerns the type Correspondance : Julien Bouy, Laboratoire Epsylon EA 4556 Dynamique des Capacités Humaines et des Conduites de Santé, UFR Médecine, Sciences du Sujet et de la Société, STAPS, Universités Montpellier et St-Etienne, 4 boulevard Henri IV, F-34000 Montpellier. E-mail : [email protected] L’année psychologique/Topics in Cognitive Psychology, 2014, 114, 125-172
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Le Conditionnement Évaluatif : un effet polymorphe interprété au sein d’une approche intégrative à multiples processus

May 11, 2023

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Michel Boeglin
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Le Conditionnement Évaluatif : un effetpolymorphe interprété au sein d’une approche

intégrative à multiples processus

Julien Bouy∗, Arielle Syssau et Nathalie Blanc

Laboratoire Epsylon, Montpellier 3, France

RÉSUMÉL’effet de Conditionnement Évaluatif (CE) réfère au changement évaluatifd’un stimulus initialement neutre, à l’issue de l’expérience de celui-ci enrelation avec un stimulus affectivement signifiant. Les recherches menéessur le CE ont permis d’illustrer sa généralité tout en révélant nombre derésultats contradictoires. Ces divergences empiriques suggèrent, d’une part,que des distinctions sont à faire entre les effets de CE, et d’autre part,que des processus de différente nature puissent être en jeu selon les effetsconsidérés. Cette revue de questions propose de considérer les effets de CEdirects et indirects comme des points d’un même continuum, et soumetune interprétation théorique de ces différents effets dans le cadre d’uneapproche intégrative à multiples processus particularisée par : 1. la fonctionconférée aux processus associatifs et élaboratifs, envisagés sous-tendre leCE ; 2. la relation entre ces processus ; et 3. la nature des contenusmémorisés. Les déterminants situationnels susceptibles d’agir sur le typed’effet manifesté seront également discutés dans le cadre de l’approchethéorique soutenue.

Evaluative Conditioning: An integrative multiple processes approach

ABSTRACTEvaluative Conditioning (EC) effect can be defined as an evaluative change of a neutralstimulus, resulting from the relation experienced between this stimulus and a stimulusaffectively significant. Numerous studies conducted on EC highlighted the generality ofthis phenomenon but also revealed several inconsistent results. These inconsistenciesunderline that two important distinctions have to be considered. The first one deals withthe type of EC effects obtained, either direct or indirect. The other one concerns the type

∗Correspondance : Julien Bouy, Laboratoire Epsylon EA 4556 Dynamique des Capacités Humaines et desConduites de Santé, UFR Médecine, Sciences du Sujet et de la Société, STAPS, Universités Montpellier etSt-Etienne, 4 boulevard Henri IV, F-34000 Montpellier. E-mail : [email protected]

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of processes underlying EC effects, associative and elaborative ones. In this article, wepropose an integrative theoretical approach that takes into account these two distinctionsand offers new insight by considering a possible continuum between direct low-levelassociative effects and indirect high-level elaborative effects. To our view, this approachcould make a significant contribution to the understanding of EC effects. The contributionof this new theoretical approach is finally discussed with respect to critical functionaldeterminants of EC.

1. INTRODUCTION

Dans une perspective évolutionniste, il est généralement considéré que lesobjets et les événements désignés comme « émotionnels » signalent uneopportunité ou une menace pour le bien-être ou la survie de l’espèce.L’évaluation de la valence émotionnelle (positive vs négative) d’un objet oud’un événement présente ainsi un caractère informatif crucial qui engendreune tendance à approcher ou désirer les stimuli évalués positivement,alors que les stimuli évalués négativement tendent à être évités. Dèslors, afin que les individus puissent s’adapter à un monde sans cesseen changement, il est essentiel qu’ils soient en mesure de modifier leursréponses évaluatives envers les objets et événements avec lesquels ilsinteragissent dans l’environnement. Le Conditionnement Évaluatif (CE)est présenté comme une des voies de formation et de modification desévaluations (voir De Houwer, Thomas, & Baeyens, 2001 ; De Houwer, 2011,pour des revues).

Prenons une situation familière pour illustrer le phénomène de CE.Imaginons que nous faisons la connaissance d’un individu dont le prénom,qui nous est totalement inconnu à l’origine, ne nous évoque aucuneréaction affective particulière nous laissant ainsi dans un état d’indifférence.Maintenant, imaginons que les différentes interactions que nous avons aveccette personne se soldent systématiquement par des expériences négatives(par ex., cette personne est toujours extrêmement désagréable) ou par desexpériences positives (par ex., cette personne est toujours charmante etsympathique). Il est alors possible qu’à la suite des diverses rencontres avecl’individu en question, son prénom acquière une signification évaluativecongruente avec les expériences que nous aurons vécues, de telle manièreque nous pourrions désormais juger ce prénom comme déplaisant ouà l’inverse comme plaisant. Cette nouvelle évaluation du prénom peutêtre considérée comme un effet de CE dans le sens où ce changementévaluatif relève de la formation d’une relation suite à la (aux) rencontre(s)particulière(s) avec une personne (dé)plaisante. Le CE réfère ainsi au

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changement évaluatif d’un Stimulus initialement Neutre (SN) suite àl’expérience (répétée) d’une relation entre celui-ci et un Stimulus Affectif(SA) positif ou négatif, de sorte que ce SN tende à être évalué positivementlorsque le SA est de valence positive, et négativement lorsque le SA est devalence négative.

Bien que très proche des autres formes de conditionnement au niveaudes procédures expérimentales mises en œuvre (c’est-à-dire, on présenteun couple composé d’un stimulus neutre et d’un stimulus inconditionnel,puis on mesure si le stimulus neutre, désormais conditionnel, génère uneréponse comportementale différente suite à cet appariement), les études surle CE sont distinguées des autres études menées sur le conditionnement,ou plus largement sur l’apprentissage associatif, en raison de la nature desréponses comportementales mesurées. Si, dans l’ensemble des études surle conditionnement, divers changements comportementaux sont examinés,les études sur le CE se limitent aux changements des réponses évaluatives.Par ailleurs, comme le rapporte De Houwer (2007), dans la littératurele terme « conditionnement évaluatif » est utilisé de manière équivoque.Ce terme peut faire référence à différents aspects tels que l’« effet » deCE lui-même, la « procédure » qui produit l’effet, ou les « processusmentaux » qui sous-tendent l’effet. Nous souscrivons pleinement auxrecommandations de De Houwer (2007) qui encourage une utilisation del’expression « CE » pour désigner l’effet plutôt que la procédure ou lesprocessus impliqués. Cette recommandation a pour intérêt d’éviter unecertaine confusion conceptuelle, mais surtout une restriction du CE à uneffet résultant d’une procédure précise ou de l’opération d’un unique typede processus mentaux.

L’objectif de cette revue de questions est de présenter et de discuter leCE comme un effet polymorphe dans le cadre d’une approche théorique àmultiples processus. Comme nous le rappelons dans la première sectionde cet article, les résultats disponibles sur le CE, de part leur variété etleur nombre, illustrent de manière consensuelle la généralité de l’effet (parex., voir De Houwer et al., 2001), mais soulèvent également plusieurscontroverses théoriques du fait de divergences empiriques récurrentes (parex., voir De Houwer, Baeyens, & Field, 2005). Nous considérons que cedéfaut d’équivalence entre les effets observés traduit la possibilité pour le CEde se manifester sous des formes distinctes, dont une forme directe et uneforme indirecte, présentant des caractéristiques fonctionnelles singulières.Dans cette perspective, la pertinence d’une théorie à multiples processus sejustifie par la nécessité de rendre compte de l’ensemble des effets de CE misen évidence (par ex., voir De Houwer, 2007, pour une revue). La deuxièmesection est précisément consacrée à une discussion sur la nature et le rôle

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des processus susceptibles de sous-tendre le CE : des processus cognitifs debas niveau de type associatif, versus des processus cognitifs de haut niveaude type élaboratif 1. Dans un premier temps, nous présenterons brièvementles modèles associatifs et élaboratifs du CE généralement évoqués dans lalittérature courante dans le cadre d’une approche théorique à multiplesprocessus du CE (par ex., voir De Houwer, 2007 ; De Houwer et al.,2005 ; ou encore Jones, Fazio, & Olson, 2009). Puis, nous poursuivronspar les linéaments d’une approche à multiples processus alternative, quenous soutiendrons dans cet article, désignée par la suite sous les termesd’approche « intégrative ». Si, à l’image de l’approche précédemmentévoquée, cette approche « intégrative » envisage des processus de typeassociatif et élaboratif pour rendre compte des différents effets de CE àmême de se produire, elle se distingue en revanche de celle-ci sur un certainnombre de points majeurs, dont : la perspective d’un continuum entre lesdifférents effets de CE ; le rôle conféré à chacun des processus selon la formede l’effet manifesté ; la relation entretenue entre ces processus ; la nature etle format de mémorisation des connaissances acquises lors d’un CE. Enfin,la dernière section prolongera notre proposition théorique en abordantla question des déterminants à même d’influencer le type d’effet de CEmanifesté et la nature des processus qui sous-tendent son émergence. Enparticulier, nous attribuons un rôle majeur à la conscience et à l’attentionpour la génération de tout effet de CE.

2. CONSENSUS ET CONTROVERSES

2.1. Un effet généralLa littérature sur le CE rapporte un grand nombre de résultats significatifsimpliquant des SN et des SA de modalités sensorielles variées. Parmicelles-ci, on remarque que des effets de CE peuvent être produits pour et pardes stimuli imagés (par ex., Pleyers, Corneille, Yzerbyt, & Luminet, 2009),auditifs (par ex., Van Reekum, Van den Berg, & Frijda, 1999), gustatifs (parex., Coppens, Vansteenwegen, Baeyens, Vandenbulcke, Paesschen, & Eelen,2006), haptiques (par ex., Hammerl & Grabitz, 2000), verbaux (par ex., DeHouwer, Hermans, & Eelen, 1998), ou encore par des stimuli électrocutanés

1Le terme « élaboratif » fait référence à des processus impliquant un degré variable d’élaboration cognitive. Dansle contexte du CE, le degré d’élaboration cognitive se rapporte à la quantité de pensée allouée aux stimuli (SN etSA) expérimentés et à leur relation afin de mettre en lien certaines de leurs caractéristiques.

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(par ex., Lipp, Siddle, & Dall, 2003). De plus, un CE peut émerger lorsquele SN et le SA sont de modalités sensorielles distinctes (par ex., Johnsrude,Owen, Zao, & White, 1999 ; Van Reekum et al., 1999). Concernant lesSNs, des effets de CE sont observés pour des stimuli non familiers maiségalement pour des stimuli très familiers (par ex., Ruys & Stapel, 2009). Lesrecherches démontrent qu’un SA est en mesure de produire un changementévaluatif sur un SN quelle que soit sa valence, les SNs deviennent positifsaprès appariement avec un SA évalué positivement et vice versa (par ex.,Field & Moore, 2005). Par ailleurs, la force de la valence du SA ne semble pasdéterminante pour la manifestation de l’effet. Même un SA moyennementou faiblement valencé peut permettre un effet de CE (par ex., Baeyens,Crombez, Van den Bergh, & Eelen, 1988).

Un bref tour d’horizon de la littérature sur le CE est suffisant pourse rendre compte de l’importante diversité des procédures qui permettentde produire un CE (pour de plus amples détails voir De Houwer et al.,2001 ; De Houwer, 2011). En particulier, les paramètres méthodologiquesliés à la phase d’apprentissage (c’est-à-dire, les présentations des pairesde stimuli SN-SA) divergent fréquemment d’une étude à l’autre. Parmices variations, on note essentiellement les paramètres temporels liés auxprésentations des couples de stimuli (par ex., les temps de présentationdes SNs et des SAs, l’intervalle temporel entre le SN et le SA d’unepaire donnée), le type d’appariement SN-SA (séquentiel ou simultané),le nombre de paires SN-SA et de stimuli de remplissage présentés, ou lenombre de présentations de chaque paire SN-SA. Sur ce dernier point,bien que la répétition de l’exposition au couple de stimuli semble être unecaractéristique essentielle, un CE peut tout de même émerger après uneseule exposition à la relation SN-SA (par ex., Kim, Lim, & Bhargava, 1998).En somme, le changement évaluatif d’un SN peut se produire dans diversesconditions de rencontre avec un SA.

Nous avons vu que le CE concerne une grande variété de stimuli et deprocédures, nous abordons maintenant brièvement les caractéristiques despopulations étudiées. Bien qu’à notre connaissance peu de résultats soientactuellement disponibles sur ce sujet, les données rapportées confortent lagénéralité du CE. Tout d’abord, à la question du genre de l’individu quiexpérimente la relation SN-SA, les résultats ne révèlent aucune différencesignificative dans la probabilité du succès du CE entre les participantsmasculins et féminins, ni même dans les tailles des effets respectifs (voirHofmann, De Houwer, Perugini, Baeyens, & Crombez, 2010). En cequi concerne l’âge des participants, la plupart des recherches portentsur des populations adultes, notamment étudiantes. Bien que très peud’études aient été menées sur des enfants, les résultats obtenus par Field

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(2006) démontrent que cette population peut également manifester unchangement évaluatif par CE. Cette étude ne concerne cependant que desenfants âgés de 7 à 11 ans. Par ailleurs, la méta-analyse de Hofmann etal. (2010) met en évidence des tailles d’effet significativement plus faiblesavec les enfants en comparaison aux adultes. Le faible nombre de donnéesdisponibles chez l’enfant suscite toutefois une certaine prudence avant deconclure qu’ils sont moins réceptifs au CE qu’une population plus âgée.

Pour résumer, les données empiriques disponibles sur le CE permettentde l’envisager comme un phénomène général et omniprésent. En effet, leCE concerne une diversité de stimuli, de procédures et de populations.Cependant, tous les effets de CE mis en évidence ne sont pas équivalents.

2.2. Des effets inégauxDifférentes caractéristiques conduisent à l’observation de résultats di-vergents en matière de CE, caractéristiques qui sont évoquées ci-après.Notons que notre objectif n’est pas de proposer une revue exhaustivede l’ensemble des résultats disponibles quant à chaque caractéristiqueabordée, mais plutôt de fournir une présentation succincte des principauxrésultats divergents, voir a priori antagoniques, observés à propos dechaque caractéristique discutée. Pour chacune d’elles, nous distinguonssystématiquement les résultats en faveur d’une sensibilité des effets de CE(ou forte sensibilité) des résultats en faveur d’une insensibilité (ou faiblesensibilité) des effets vis-à-vis de la caractéristique considérée. Commenous l’argumenterons plus spécifiquement dans la partie suivante de cetarticle, ces divergences empiriques illustrent la possibilité pour le CE de semanifester sous des formes qualitativement distinctes.

2.2.1. La conscience et la mémoire de la relationLe rôle de la conscience de la relation entre le SN et le SA pour l’émergenced’un effet de CE est sans nul doute la question la plus étudiée et controverséeparmi les chercheurs du domaine. On peut définir ce type de consciencecomme la connaissance explicite de la relation existant entre les stimuli(c’est-à-dire, la connaissance que le SN et le SA entretiennent une relationparticulière). Cette attention particulière pour l’impact de la conscienceprovient de la valeur qui lui est communément attribuée dans la littératuresur l’apprentissage. Il est généralement considéré que la conscience d’unprocessus ou d’un contenu mental représente un des indicateurs dudegré d’automaticité de ce processus ou du processus sous-jacent (voirBargh, 1994 ; Moors & De Houwer, 2006). Dans le cadre du CE, la

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nécessité ou non de la conscience de la relation SN-SA pour la générationd’un effet de CE est communément envisagée comme une illustrationpartielle du degré d’automaticité de l’apprentissage. Dans cette optique,les effets dépendants de la conscience de la relation se manifesteraient demanière non automatique, alors que les effets indépendants de celle-cise manifesteraient automatiquement. Ainsi, la question critique est dedéterminer si la relation SN-SA doit être consciente pour l’individu, etremémorée, afin qu’un effet de CE puisse se produire et continuer às’exprimer. Autrement dit, pour en revenir à notre illustration précédentedu CE, faut-il inéluctablement disposer de la connaissance explicite que leprénom-SN est le prénom de l’individu (dé)plaisant (c’est-à-dire, le SA)précédemment rencontré pour qu’un changement évaluatif du prénomapparaisse ?

D’un côté, plusieurs auteurs font part d’une étroite dépendance entre leseffets de CE et la conscience de la relation (par ex., Bar-Anan, De Houwer,& Nosek, 2010 ; Pleyers, Corneille, Luminet, & Yzerbyt, 2007 ; Pleyers etal., 2009 ; Stahl & Unkelbach, 2009 ; Stahl, Unkelbach, & Corneille, 2009).Les effets de CE mis en évidence par ces auteurs sont systématiquementaccompagnés de la connaissance consciente des participants vis-à-vis dela relation SN-SA, alors qu’aucun effet de CE n’est obtenu lorsque cetteconnaissance ne peut être explicitement rapportée par les participants.La méta-analyse de Hofmann et al. (2010) corrobore ces résultats enprésentant la conscience de la relation comme un modérateur critiquedes effets de CE obtenus dans les différentes études considérées. Toutefois,d’après Stahl et al. (2009), seule la conscience de la valence du stimulus-SAavec lequel le SN a été expérimenté durant l’apprentissage est une conditionnécessaire et suffisante pour la manifestation d’un CE. Autrement dit, pourStahl et al. (2009), la connaissance explicite de l’identité du SA ne serait pasindispensable pour observer un effet de CE. Pris ensemble, ces différentsrésultats suggèrent que la conscience de la relation SN-SA expérimentéejoue un rôle majeur dans la manifestation d’un effet de CE.

Par contraste, un nombre conséquent de travaux soutiennentl’hypothèse d’une indépendance du CE à l’égard de la conscience dela relation, en rapportant des effets de CE lorsque les participants nemontrent pas de connaissances explicites de la relation SN-SA (par ex.,Baeyens, Eelen, & Van den Bergh, 1990 ; Fulcher & Hammerl, 2001 ;Hammerl & Fulcher, 2005 ; Jones et al., 2009 ; Sweldens, Van Osselaer, &Janiszewski, 2010). Précisons que la contribution de nombre de ces étudesreste discutable dans la mesure où des maladresses méthodologiques et/oudes problèmes statistiques majeurs quant aux mesures de la consciencemises en place sont susceptibles de nuire à la validité des résultats obtenus

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et aux conclusions qui en découlent (par ex., Baeyens et al., 1990 ; Fulcher& Hammerl, 2001 ; Hammerl & Fulcher, 2005). Par exemple, afin d’évitertout biais d’interprétation, il est vivement recommandé d’analyser laconscience de la relation à un niveau intra-individuel (c’est-à-dire, analyseinter-item), plutôt qu’à un niveau inter-individuel (c’est-à-dire, analyseinter-sujet), lorsque plusieurs paires SN-SA sont présentées durant la phased’apprentissage (par ex., voir Pleyers et al., 2007 ; voir aussi Field, 2000, etShanks & St. John, 1994, pour des suggestions à propos de la mesure de laconscience de la relation). Or, la majorité des études révélant des effets deCE indépendants de la conscience de la relation mesurent cette dernière defaçon inter-individuelle, ce qui limite la portée de ces résultats quant à laquestion du lien entre CE et conscience de la relation. Bien que plusieursauteurs fassent preuve d’un certain scepticisme face à cette question (parex., Field, 2000 ; Pleyers et al., 2007, 2009), elle nous semble plus que jamaisjudicieuse, et ceci pour deux raisons.

Premièrement, de récentes études respectant les exigencesméthodologiques et statistiques quant à la mesure de la consciencerapportent des effets de CE significatifs alors que les participantsse montrent non conscients des relations SN-SA qui ont mené à lamanifestation d’un effet de CE, et non conscients de la valence des SAs(par ex., Balas & Gawronski, 2012 ; Hütter, Sweldens, Stahl, Unkelbach,& Klauer, 2012 ; Sweldens et al., 2010). Ces résultats nous semblent parailleurs appuyés par certains travaux révélant des effets de CE alors queles auteurs mettent en place des paramètres procéduraux concernant laprésentation des paires SN-SA qui compromettent la conscience de larelation (par ex., Jones, et al., 2009 ; Olson & Fazio, 2001 ; Walther &Nagengast, 2006). Deuxièmement, les méthodes de mesure de la consciencenotamment préconisées par Pleyers et al. (2007) et Stahl et al. (2009), etactuellement considérées comme suffisamment fiables et sensibles, ne sontpas préservées d’éventuels biais d’interprétation. En effet, celles-ci peuventpar exemple mener à considérer à tort un participant comme conscientd’une relation SN-SA (voir Hütter et al., 2012). Nous poursuivrons ladiscussion des difficultés et limites importantes qui touchent l’étude durôle de la conscience de la relation, et de la conscience au sens large, dans leCE au sein de la dernière section de l’article.

En conclusion, ces divergences empiriques semblent révéler unesensibilité inégale des effets de CE à la conscience et la mémoire de larelation. Pris ensemble, les différents résultats disponibles suggèrent queselon les effets considérés, la connaissance consciente d’une relation SN-SAdoit être présente (par ex., Pleyers et al., 2007) ou non (par ex., Sweldens etal., 2010) pour l’expression d’un CE.

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2.2.2. Les ressources cognitives et attentionnellesÀ l’image de la conscience de la relation, le rôle des ressources cognitivesprésente des implications théoriques cruciales pour le CE. La quantité deressources cognitives exigée pour l’activité d’un processus mental donnéest perçue comme un autre indicateur du degré d’automaticité de ceprocessus (voir Bargh, 1994 ; Moors & De Houwer, 2006). Les ressourcescognitives étant limitées en capacité, la mise en œuvre d’un processuscoûteux interférera avec celle d’un autre processus si celui-ci est égalementcoûteux. Par contraste, un processus dit « efficient » (c’est-à-dire, noncoûteux) ne subira pas de telles interférences et pourra de ce fait opérer enparallèle d’un processus coûteux. Bien que le rôle des ressources cognitivesdans le CE ait été beaucoup moins examiné que le rôle de la conscience dela relation, les résultats sont tout autant contrastés.

D’un côté, certains auteurs rapportent que la réalisation d’unetâche distractrice durant la phase d’apprentissage, c’est-à-dire durant laprésentation des stimuli SN-SA, n’affecte pas la génération d’un CE. Parexemple, Hammerl et Fulcher (2001) et Walther (2002) observent des effetsde CE pour les participants en condition de double tâche et de simpletâche. Ces résultats suggèrent que la charge attentionnelle impliquée par lamanifestation d’un CE peut être relativement modeste. Par ailleurs, d’autresrésultats soutiennent la conclusion inverse.

Plus récemment, Field et Moore (2005), Pleyers et al. (2009), ou encoreDedonder, Corneille, Yzerbyt et Kuppens (2010) ne sont pas parvenus àobserver un effet de CE lorsque les participants étaient placés en conditionde double tâche, alors que les participants exemptés de la tâche distractricemontraient un effet de CE classique. Ainsi, dans ces études l’émergence d’uneffet de CE s’est révélée relativement coûteuse sur le plan attentionnel.

En résumé, les conclusions au sujet de la charge cognitive impliquée parla manifestation d’un effet de CE sont contrastées. Selon certains travaux,le CE semble être compromis par la réalisation d’une tâche distractricedurant l’expérience des stimuli SN-SA, alors que selon d’autres résultats, lessituations de double tâche ne semblent pas nuire à sa manifestation. Notonsque la présence d’effets de CE en condition de double tâche ne démontrepas pour autant que le processus sous-jacent n’implique aucun coût at-tentionnel. Précisons que certains paramètres méthodologiques des étudesrapportant de tels résultats semblent critiquables et ne permettent donc pasde conclusions fortes et éclairées quant au coût attentionnel des effets deCE observés (voir Pleyers et al., 2009). La difficulté de la tâche secondairepourrait être un facteur décisif dans la réussite ou l’échec d’un CE encondition de double tâche, une difficulté trop élevée semblant contraindre

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la manifestation de tout effet de CE (par ex., Brunstrom & Higgs, 2002). Àl’image d’un certain nombre de chercheurs (par ex., Pacton & Perruchet,2008 ; voir aussi Mackintosh, 1975), nous considérons que tout apprentis-sage, incluant les formes incidentes (c’est-à-dire, non intentionnelles), exigeun minimum d’implication attentionnelle de la part des participants sur lesstimuli pertinents (par ex., le SN et le SA). Le CE ne dérogerait pas à cetterègle (par ex., Brunstrom & Higgs, 2002 ; Jones et al., 2009).

2.2.3. Les buts de l’individuUne autre caractéristique perçue comme un des indicateurs du degréd’automaticité d’un processus se rapporte à la sensibilité du dit processusaux buts de l’individu (voir Bargh, 1994 ; Moors & De Houwer, 2006). Àl’instar des caractéristiques précédemment évoquées, il est habituellementconsidéré que la sensibilité du CE aux buts des participants, tels que les butsde traitement ou les buts de contrôle évaluatif, illustre en partie la naturedu processus à l’œuvre.

Concernant les buts de traitement, certaines études démontrent uneinfluence de ceux-ci sur le CE. Par exemple, Corneille, Yzerbyt, Pleyers etMussweiler (2009) ont constaté que les participants qui s’engagent dansune tâche de CE avec le but de traiter les similarités perceptives entrele SN et le SA d’une paire donnée montrent des effets significativementplus forts que les participants dont l’intention est de traiter les différencesperceptives entre ces stimuli (un effet de CE est malgré tout observé danscette dernière condition). Dans la même veine, une expérience menéepar Gast et Rothermund (2011a) révèle que les participants qui ont pourobjectif de focaliser leur attention sur la dimension évaluative des stimuliSN-SA présentés durant la phase d’apprentissage manifestent un CE à ladifférence des participants dont l’objectif est d’évaluer une autre dimensionde ces mêmes stimuli (par ex., l’âge des individus représentés sur lesimages).

Par contraste, certains résultats tels que ceux obtenus par Olson,Kendrick, et Fazio (2009) suggèrent que le CE est particulièrement propiceà la manifestation d’apprentissage incident, c’est-à-dire sans que le butd’apprendre ne soit exigé, à la différence d’apprentissage concernantd’autres dimensions des stimuli (par ex., leur taille). Plus largement, lagrande majorité des études menées sur le CE rapportent des résultatssignificatifs bien qu’elles n’invitent pas les participants à traiter les stimuliSN-SA avec un but latent particulier. Habituellement, la consigne pour laphase d’apprentissage est simplement de porter attention aux différentsstimuli présentés (par ex., Pleyers et al., 2009). Étant donné qu’une telle

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consigne paraît suffisante pour que des effets de CE émergent, les butsde traitement ne semblent pas être une caractéristique déterminante pourla manifestation d’un CE (il est peu probable qu’avec une telle consigne,l’ensemble des participants des différentes études ait traité les stimuli avecle même but latent).

D’autres résultats divergents se rapportent aux buts de contrôle (oucontrôlabilité) des réponses évaluatives au SN à la suite de la manifestationd’un CE. Pour reprendre l’illustration du CE précédemment proposée,cette question réfère à la capacité de contrôle des réponses évaluativesgénérées par le prénom-SN à la suite de l’expérience avec l’individu-SA.Cette problématique a été récemment étudiée par Balas et Gawronski(2012) au sein de deux expériences examinant dans quelle mesure lesréponses évaluatives au SN peuvent être intensifiées, atténuées, ou inverséesà la suite de la phase d’apprentissage. Si une partie de leurs résultatsconfirme la capacité de contrôle de certains effets de CE, ces mêmes auteursobservent en parallèle un échec de contrôle des réponses évaluatives.Ainsi, l’étude de Balas et Gawronski (2012) présente des conclusionscontrastées au sujet de la contrôlabilité du changement évaluatif d’un SN :certaines réponses évaluatives conditionnées apparaissent délibérémentcontrôlables par les participants, alors que d’autres non. Ces observationsantinomiques peuvent être appuyées par les résultats de Sweldens et al.(2010, Expérience 3). En effet, ces derniers constatent également un défautd’équivalence dans la capacité à modifier les réponses évaluatives au SNà la suite de la phase d’apprentissage, selon les effets de CE obtenus.On précisera que ces résultats qui témoignent d’une sensibilité divergentedes effets de CE aux buts de contrôle évaluatif, ont été uniquementobservés sur des mesures évaluatives explicites (c’est-à-dire, des échellesd’évaluation).

Ainsi, les différentes études menées sur l’impact des buts de l’individurévèlent que le CE peut être influencé par les buts des participants, etnotamment par les buts de traitement et les buts de contrôle évaluatif(par ex., Balas & Gawronski, 2012 ; Corneille et al., 2009 ; Gast &Rothermund, 2011a). Il semblerait que certains buts particuliers (parex., un but évaluatif durant la phase d’apprentissage) agissent sur laforme du changement évaluatif manifesté (par ex., Gast & Rothermund,2011b). En parallèle, d’autres résultats suggèrent une indépendanceentre le CE et certains buts : les buts de contrôle évaluatif n’agissentpas sur tous les effets de CE (par ex., Balas & Gawronski, 2012 ;Sweldens et al., 2010) ; le but d’apprendre n’est pas une conditionrequise pour l’émergence d’effets significatifs (par ex., Olson et al.,2009).

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2.2.4. La résistance des effets post-apprentissageLa question de la résistance des effets de CE consiste à examiner dansquelle mesure le changement évaluatif d’un SN résultant d’un CE sera t-ilmaintenu dans le temps. Les procédures d’extinction, de réévaluation duSA, ou de contre-conditionnement, peuvent notamment nous renseignersur cette problématique. Les premières permettent d’analyser si la réponseévaluative générée par la présentation du SN à la suite de la phased’apprentissage se montre altérée dans le temps dans la mesure où lestimulus responsable de ce changement évaluatif (c’est-à-dire, le SA)n’accompagne plus les expériences du SN. Autrement dit, le prénom-SNconservera t-il la capacité à générer une réponse évaluative positive (ounégative) stable dans le temps même si l’individu plaisant (ou déplaisant)n’accompagne plus les expériences du prénom ? Les procédures deréévaluation du SA examinent quant à elles l’effet d’un changement dela valence du SA sur les réponses évaluatives générées par le SN aveclequel ce SA a été antérieurement apparié. Dans ce cas, l’évaluation duprénom-SN sera t-elle impactée par un changement de l’évaluation dela personne-SA responsable de la manifestation d’un CE sur ce prénom(par ex., l’évaluation négative du prénom, provenant de l’expériencenégative vécue avec la personne, sera t-elle maintenue dans le cas oùla personne est désormais évaluée positivement) ? Enfin, les procéduresde contre-conditionnement, se déroulant postérieurement à la phased’apprentissage, consistent à coupler un SN avec un SA de valence différentede celle du SA avec lequel ce SN a été apparié en phase d’apprentissage.L’évaluation positive du prénom sera-t-elle maintenue dans la mesure oùce prénom n’est plus expérimenté avec l’individu plaisant initial, mais avecun nouvel individu déplaisant ?

Différents résultats illustrent une certaine disposition du CE à semontrer résistant. En effet, certaines observations suggèrent que les effetsde CE peuvent ne pas être affectés, ou du moins faiblement affectés, parles essais d’extinction (par ex., Blechert, Michael, Williams, Purkis, &Wilhelm, 2008 ; Diaz, Ruiz, & Baeyens, 2005 ; Vansteenwegen, Crombez,Baeyens, & Eelen, 1998). Par ailleurs, cette possible résistance des effets deCE est confortée par plusieurs travaux menés sur l’impact des procéduresde réévaluation du SA. Parmi ceux-ci, les études de Gast et Rothermund(2011b) et de Sweldens et al. (2010) démontrent que la réponse évaluativeconditionnée au SN (c’est-à-dire, la réponse évaluative générée par le SNaprès un CE) peut être imperméable à une réévaluation du SA qui aoccasionné le changement évaluatif de ce SN.

Par contraste, d’autres résultats dévoilent un manque de résistance deseffets de CE. Conformément à ces résultats, les effets de CE se révèlent

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altérés par les essais d’extinction (par ex., Blechert, Michael, Vriends,Margraf, & Wilhelm, 2007 ; Lipp, Oughton, & Lelievre, 2003), par lesprocédures de réévaluation du SA (par ex., Gast & Rothermund, 2011b ;Sweldens et al., 2010), ou encore par les essais de contre-conditionnement(par ex., Kerkhof, Vansteenwegen, Baeyens, & Hermans, 2011).

Prises ensembles, ces différentes études suggèrent une résistance inégaledu CE dans le temps. Certains effets apparaissent relativement robustes etpeu enclins à être altérés par les procédures d’extinction et de réévaluationdu SA, alors que d’autres effets témoignent d’une forte sensibilité à cesmêmes procédures ou encore aux procédures de contre-conditionnement.Notons cependant que la méta-analyse conduite par Hofmann et al.(2010) révèle un effet d’extinction significatif sur l’ensemble des résultatsconsidérés. Autrement dit, il est possible que tous les effets de CE soient,dans une certaine mesure, sensibles aux essais d’extinction, mais que lavitesse et le degré pour lesquels la réponse évaluative conditionnée estaffaiblie soient variables selon les effets de CE. Dans cette perspective, nousproposons d’envisager que tous les effets de CE ne soient pas affectés demanière comparable par les rencontres répétées du SN sans le SA à lasuite de la phase d’apprentissage. Bien que les résultats de Hofmann et al.(2010) ne permettent pas de soutenir cette hypothèse, ils ne la réfutent pasdavantage. Soulignons à ce propos que Hofmann et al. (2010) observentdes effets de CE certes affaiblies par les essais d’extinction mais néanmoinstoujours significatifs à la suite de ces essais.

2.2.5. Les informations verbales pertinentespour la relation SN-SAEnfin, d’autres résultats contradictoires concernent l’influence des informa-tions verbales pertinentes pour la relation SN-SA sur les effets de CE. Cettequestion peut notamment être opérationnalisée par la communicationd’informations pertinentes pour la relation SN-SA sous forme verbale,soit avant les présentations physiques des stimuli SN-SA (c’est-à-dire, desinformations sur la relation SN-SA à venir), soit après les présentationsdes stimuli SN-SA et après la manifestation d’un changement évaluatifdu SN (par ex., des informations sur la relation SN-SA précédemmentexpérimentée). Les informations communiquées avant les présentationsSN-SA consistent par exemple à informer les participants qu’ils vontprochainement être exposés à des relations impliquant un stimulusneutre et un stimulus affectivement signifiant (par ex., De Houwer,2006 ; Lipp, Mallan, Libera, & Tan, 2010). On pourrait se demandersi informer verbalement un individu sur le fait qu’il va prochainement

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rencontrer une personne très désagréable dont le prénom est X est suffisantpour que ce prénom soit désormais évalué négativement. Quant à lasensibilité aux informations communiquées après les présentations SN-SA,la manifestation d’un CE peut être étudiée, à l’image de l’étude de Sweldenset al. (2010), en informant les participants de l’absence de lien pertinententre les SNs et les SAs qui viennent de leur être présentés. Par exemple,faire remarquer à l’individu qu’il n’y a aucun lien entre le comportementdéplaisant de la personne-SA et son prénom-SN, et ainsi suggérer qu’iln’y a aucune raison d’évaluer le prénom selon le comportement de cettepersonne, serait-il suffisant pour que l’évaluation (nouvellement) négativedu prénom soit « révisée » ?

Certaines données mettent en évidence une influence significative desinformations verbales pertinentes pour les relations SN-SA sur les effetsde CE. Par exemple, signaler aux participants qu’ils vont prochainementêtre exposés à un stimulus neutre particulier systématiquement suivi parun stimulus affectif spécifique peut être suffisant pour occasionner un effetde CE, même si le couple SN-SA n’est jamais réellement présenté (par ex.,De Houwer, 2006). Par ailleurs, alerter les participants sur l’absence depertinence du SA vis-à-vis du SN qui leur a été précédemment présentépeut entrainer une atténuation ou une « disparition » de l’effet de CE surce SN (par ex., Sweldens et al., 2010).

En revanche, d’autres résultats ne révèlent aucun impact des infor-mations verbales pertinentes pour les relations SN-SA sur les réponsesévaluatives aux SNs, que ces informations soient communiquées avant (parex., Lipp et al., 2010) ou après (par ex., Sweldens et al., 2010) les présen-tations des relations SN-SA. Ces conclusions contrastées suggèrent que lacommunication d’informations verbales pertinentes au sujet d’une relationSN-SA peut dans certains cas permettre la génération, l’atténuation ou la« disparition » d’un effet de CE (par ex., De Houwer, 2006 ; Sweldens et al.,2010), alors que dans d’autres cas ces mêmes informations n’ont aucune in-fluence sur les effets de CE (par ex., Lipp et al., 2010 ; Sweldens et al., 2010).

2.3. Des effets indirects et des effets directsNous retiendrons de la discussion menée jusqu’à présent que l’ensemble desrésultats disponibles sur le CE révèle des effets qualitativement distincts,menant néanmoins au même résultat : le changement évaluatif d’un SNaprès les expériences répétées d’une relation SN-SA. Parmi ces divergencesempiriques, nous avons souligné des différences de sensibilité entre les effetsde CE rapportés vis-à-vis de la conscience de la relation, des ressourcescognitives disponibles, des buts de l’individu, de la résistance des effets, ou

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des informations verbales pertinentes communiquées sur la relation SN-SA.Cette variabilité récurrente dans les caractéristiques fonctionnelles desdifférents effets obtenus en laboratoire justifie que le CE soit appréhendécomme un effet polymorphe et non pas uniforme, tel est notre conceptiondu CE sur laquelle nous reviendrons en détail plus loin. Dans cetteperspective, qui rompt avec la conception qui dominait jusqu’alors, il n’yaurait pas « un » effet de CE, mais « des » effets de CE. La littérature récentediscrimine deux formes d’effets de CE affichant des propriétés singulières :des effets indirects et des effets directs (par ex., Balas & Gawronski, 2012 ;Gast & Rothermund, 2011b ; Jones et al., 2009 ; Sweldens et al., 2010).

Cette distinction est loin d’être négligeable. Dans le premier cas,c’est-à-dire dans le cadre d’un effet de CE indirect, le SN devient positifou négatif car il fait référence à un SA évalué positivement ou négativementou prédit son occurrence imminente. Le SN est alors indirectement positifou négatif pour l’individu. Par exemple, à la suite d’une expériencenégative avec la personne-SA, entendre son prénom-SN générerait uneréponse évaluative négative car il nous ferait penser à (au comportementde) cette personne déplaisante (ou prédirait son arrivée prochaine). Enrevanche, lors d’un effet de CE direct, le SN est évalué positivementou négativement à la suite des expériences de la relation SN-SA sansfaire référence au SA et sans prédire son occurrence. Dans ce cas, lechangement évaluatif du SN n’est pas médiatisé par le souvenir del’individu-SA déplaisant ou de l’expérience négative avec celui-ci : entendrele prénom-SN générerait directement une réponse évaluative négative sansque l’individu-SA déplaisant ne soit évoqué ni attendu.

Un des moyens permettant d’illustrer lequel de ces deux types dechangement évaluatif est manifesté par les participants consiste à examinerl’impact d’une réévaluation du SA sur l’évaluation du SN conditionné (parex., Gast & Rothermund, 2011b ; Sweldens et al., 2010). Alors qu’uneréévaluation du SA a un impact sur l’évaluation (conditionnée) du SNlorsque le changement évaluatif est d’ordre indirect, elle ne doit pas agirsur l’évaluation du SN dans le cas d’un effet d’ordre direct. L’influencedifférentielle d’une réévaluation du SA sur les effets directs et indirectsn’est pas la seule divergence fonctionnelle que l’on peut noter entre cesdeux formes de CE. Par exemple, à la différence des effets indirects, leseffets directs se caractériseraient par : une indépendance à l’égard dela connaissance consciente d’une relation (par ex., Balas & Gawronski,2012 ; Hütter et al., 2012 ; Jones et al., 2009 ; Sweldens et al., 2010),un coût cognitif et attentionnel mineur (par ex., Jones et al., 2009), desréponses évaluatives conditionnées pas ou difficilement contrôlables (parex., Balas & Gawronski, 2012), ou encore une insensibilité aux informations

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dévaluant la relation SN-SA (par ex., Sweldens et al., 2010). Dès lors, ilest probable que les spécificités fonctionnelles apparentes des effets directset indirects justifient une partie des contradictions empiriques rapportéesdans la littérature. Toutefois, nous considérons que le caractère polymorphedu CE ne se limite pas à cette dichotomie, mais que des disparités ausein même de ces effets respectifs sont envisageables notamment entre leseffets indirects. Autrement dit, nous faisons l’hypothèse que des variabilitésdans les effets indirects, imputables à plusieurs facteurs situationnels dontles particularités de la relation SN-SA expérimentée, sont susceptiblesd’expliquer certaines divergences empiriques précédemment évoquées.Cette idée sera plus amplement développée dans la section suivante, lors del’introduction de notre proposition théorique à multiples processus du CE.

3. LA PERSPECTIVE THÉORIQUE À MULTIPLESPROCESSUS DU CE

Les précédentes considérations concernant le polymorphisme du CEsoulèvent la question des processus mentaux en mesure de sous-tendrela manifestation des différents effets de CE, dont les formes directes etindirectes précédemment évoquées. En accord avec un nombre grandissantd’auteurs, nous considérons qu’une théorie à multiples processus sembleà ce jour la conceptualisation du CE la plus appropriée pour concilierl’ensemble des résultats obtenus depuis les articles initiateurs de Staats etStaats (1957) ou de Razran (1940) (voir De Houwer, 2007 ; et De Houweret al., 2005, pour des revues). Cette section aborde plus en détail la natureet la fonction des processus susceptibles d’être sollicités lors d’un CE. Nousprésentons tout d’abord brièvement la conception à multiples processusdu CE dominante dans la littérature courante, nommée ici « approchesimple », qui envisage le CE comme le résultat de l’opération de processusassociatifs de bas niveau ou de processus élaboratifs propositionnels dehaut niveau. Nous proposons par la suite les linéaments d’une approche àmultiples processus alternative, qualifiée d’« intégrative », qui se distinguede la conception actuellement dominante dans la manière d’appréhenderles processus associatifs et élaboratifs à l’œuvre dans le CE, en particulier ence qui concerne : la fonction qui leur est respectivement conférée, la relationqu’ils entretiennent, ou encore le format sous lequel ils donnent lieu à lamémorisation de connaissances.

En outre, précisons que dans cette section, lorsque nous traiterons laquestion de la nature des processus qui sous-tendent le CE, nous nous fo-caliserons sur les processus qui gouvernent la génération d’un changement

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évaluatif du SN lors de l’exposition à une nouvelle relation SN-SA (c’est-à-dire, les processus responsables de l’apprentissage), les processus quigouvernent la génération de la réponse évaluative conditionnée au SN à lasuite de cet épisode d’apprentissage (c’est-à-dire, les processus responsablesde l’expression de l’apprentissage) n’étant pas l’objet de cet article.

3.1. Une approche « simple » à multiples processus3.1.1. Des processus associatifs de bas niveaupour des effets directs et indirectsUn grand nombre d’auteurs ont proposé des processus exclusivementassociatifs et de bas niveau pour rendre compte du CE (par ex., Baeyens,Eelen, Crombez, & Van den Bergh, 1992 ; Jones et al., 2009 ; Martin & Levey,1978). Bien que ces modèles diffèrent sur un certain nombre d’éléments, ilspartagent néanmoins plusieurs prédictions fondamentales.

Ces modèles associatifs postulent de concert que les expériences répétéesd’une relation entre un SN et un SA ont pour résultat la formation etle stockage automatique d’une association entre des représentations enmémoire. Cette association serait par la suite récupérée automatiquementlors de la rencontre du SN, induisant alors un changement évaluatifde celui-ci. Le caractère automatique de la formation de l’association sematérialise par une indépendance aux buts de l’individu et à la consciencede la relation SN-SA, et une charge cognitive et attentionnelle faiblevoire nulle. Ainsi, ces modèles envisagent le CE comme un apprentissageautomatique, incident, peu coûteux au niveau cognitif et attentionnel,et qui n’exige pas d’être conscient de l’existence d’une relation entrele stimulus neutre et le stimulus affectif. Par ailleurs, l’association neprendrait pas en compte la valeur de la relation entretenue par le SNet le SA, c’est-à-dire la manière par laquelle ces stimuli sont liés l’un àl’autre lors de l’apprentissage. Ce qui est mémorisé consiste simplementen la présence d’une relation entre le SN et le SA ou entre certaines deleurs caractéristiques. La probabilité de récupération d’une associationdonnée dépendrait étroitement de sa force, sachant que la répétition(du traitement) de la relation expérimentée lors des expositions SN-SArenforcerait l’association stockée en mémoire.

Une des principales divergences entre les différents modèles associatifsdu CE concerne le type de représentations associées lors de l’épisoded’apprentissage, renseignant notamment sur la forme de l’effet de CE (parex., effet direct ou effet indirect). Alors que certains auteurs prévoient queles expériences SN-SA résultent en une association entre la représentation

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du SN et la représentation du SA (par ex., Baeyens et al., 1992 ;Martin & Levey, 1978), d’autres proposent une association directe entrela représentation ou une caractéristique du SN et la Réponse Évaluative(RE) générée par le SA (par ex., Jones et al., 2009). En d’autres termes,les expériences SN-SA sont supposées générer soit une association detype SN-SA, pour des effets de CE indirects, soit une association de typeSN-RE, pour des effets de CE directs. Dans les deux cas, les représentationsassociées peuvent être non conscientes pour l’individu. On préciseraque les modèles associatifs du CE adoptent, à notre connaissance, unevision « computo-symbolique » vis-à-vis de la nature des représentationsmentales : entre autre, les représentations seraient des entités amodales(c’est-à-dire, abstraites), constantes et stables dans le temps.

3.1.2. Des processus élaboratifs de haut niveaude type propositionnel pour des effets indirectsD’autres auteurs proposent que le changement évaluatif d’un SN puisserelever d’un processus de raisonnement contrôlé de haut niveau, suiteà l’acquisition de connaissances propositionnelles résultant d’inférencesconscientes (par ex., De Houwer, 2009 ; Fishbein & Middlestadt, 1995 ;Mitchell, De Houwer, & Lovibond, 2009). De telles connaissancespropositionnelles correspondraient à des inférences logiques, structuréespar des règles syntaxiques, concernant la nature de la relation qui uniele SN au SA. À la différence des modèles associatifs précédemmentdécrits, ce type de modèles propositionnels accorde une place centraleà la valeur de la relation que le SN et le SA entretiennent. Dans cetteperspective, un effet de CE résulte systématiquement de l’acquisitiond’une proposition consciente vis-à-vis de la relation SN-SA expérimentée,ce qui limite par conséquent le pouvoir explicatif de ces modèlesaux effets de CE indirects. Pour reprendre la logique de De Houwer(2009, 2011), toute proposition reliant le SN et le SA peut engendrerun changement évaluatif du SN, qu’elle implique ou non une raisonjustifiée d’évaluer positivement ou négativement le SN, dans la mesureoù cette connaissance propositionnelle est utilisée par les participantspour évaluer le SN. Ainsi, un même couple SN-SA pourrait conduire auchangement évaluatif du SN par le biais de connaissances propositionnellessur différents aspects de leur relation (par ex., un lien prédictif,sémantique, perceptif, etc.), qu’elles justifient directement l’appréciationdu SN (par ex., « le SN me fait penser au SA » ou « Le SN préditl’occurrence imminente du SA »), ou non (par ex., « le SN et le SAco-occurrent »).

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Ainsi, les modélisations propositionnelles conçoivent le CE commeun apprentissage de haut niveau élaboré, non automatique (c’est-à-dire,dépendant d’un raisonnement contrôlé et intentionnel), caractérisé parl’acquisition d’une connaissance propositionnelle consciente à la suite d’unraisonnement inférentiel sur la nature de la relation SN-SA (par ex.,prédictive, sémantique). Parmi les multiples différences avec les modèles as-sociatifs précédemment évoqués, les processus élaboratifs-propositionnelssont supposés dépendre étroitement de la conscience de la relation SN-SAainsi que des buts de l’individu, et impliquer une charge cognitive etattentionnelle élevée.

3.1.3. Une proposition à multiples processuscombinant les modèles associatifs et propositionnels du CEInitialement, les modèles théoriques propositionnels ont été proposéscomme une alternative radicale aux modèles théoriques associatifs pourexpliquer l’ensemble des effets d’apprentissage associatif (par ex., DeHouwer, 2009 ; Mitchell et al., 2009). Cependant, face aux difficultésrencontrées par les théoriciens pour rendre compte de l’intégralité deseffets de CE par l’intermédiaire de processus exclusivement associatifsou propositionnels, de plus en plus d’auteurs envisagent que ces deuxtypes de processus puissent jouer un rôle dans le CE (par ex., DeHouwer, 2007 ; De Houwer et al., 2005). Bien qu’à ce jour lespropositions à multiples processus du CE restent principalement à l’étatde suggestions ou de recommandations, les différents auteurs souscrivantà ce type d’approche émettent des considérations théoriques analogues(par ex., De Houwer, 2007 ; De Houwer et al., 2005 ; Jones etal., 2009 ; Stahl & Unkelbach, 2009). En particulier, ces propositionsthéoriques à multiples processus, réunies sous les termes d’« approchesimple à multiples processus », reposent sur une combinaison desmodèles associatifs et propositionnels du CE au sein d’une approcheunitaire.

En plus de reprendre les prédictions respectives de ces modèles, cetteapproche « simple » à multiples processus conçoit l’opération des processusassociatifs et élaboratifs dans le CE de manière totalement indépendante,chacun de ces processus étant impliqués dans des effets distincts (voirFigure 1). En conséquence, les connaissances acquises par le biais desprocessus élaboratifs (par ex., des propositions) seraient dissociées enmémoire des connaissances acquises par l’intermédiaire des processusassociatifs (c’est-à-dire, des associations).

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Effet de CE Direct ou Indirectde Bas Niveau

Effet de CE Indirectde Haut Niveau

Exposition à une nouvelle relation SN-SA

Effet de CE direct ou indirect Effet de CE indirect

Processus associatifsFormation automatique d’uneassociation SN-RE ou SN-SA

Processus Élaboratifs/Propositionnels

Raisonnement inférentielsur la relation SN-SA

Conscience de la relation SN-SA

Formation non-automatiqued’une proposition SN-SA

Figure 1. Rôle des processus associatifs et élaboratifs dans l’émergence d’effets de CEdirects et indirects d’après l’Approche « simple » à multiples processus du CE.

Figure 1. A simple multiple processes approach of EC effect.

3.2. Une approche « intégrative » à multiples processus3.2.1. Des patrons d’activation représentationnelsassociatifs et des traitements relationnels élaboratifsDans les considérations à multiples processus du CE que nous qualifionsde « simple », les auteurs admettent plus ou moins explicitement unelimite exclusive entre les processus supposés sous-tendre le CE (par ex., DeHouwer, 2007 ; De Houwer et al., 2005 ; Jones et al., 2009) : un effet deCE donné est considéré résulter soit de processus associatifs de bas niveau,soit de processus élaboratifs-propositionnels de haut niveau. Bien que nouspartagions l’idée selon laquelle des processus associatifs et élaboratifs soient

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appropriés pour rendre compte de l’ensemble des effets de CE directs etindirects, notre conception de la fonction de ces processus et de leur relationest sensiblement différente de celle proposée dans l’approche présentéeprécédemment.

Dans le cadre de l’approche « intégrative » à multiples processus quenous proposons, les processus associatifs permettent la mémorisation decontenus mentaux représentationnels sous la forme de patrons associatifs.Les processus élaboratifs permettent la formation de relations entredes contenus représentationnels conduisant à la création en mémoirede nouveaux patrons associatifs ou au renforcement partiel de patronsassociatifs déjà existants. En ce sens, notre approche défend l’idéed’une interaction entre les processus associatifs et élaboratifs supposéssous-tendre le CE et rejoint ainsi une des prédictions fondamentalesdu modèle récemment proposé par Gawronski et Bodenhausen (2011).Le format associatif constitue l’unique format de mémorisation desconnaissances ; les processus élaboratifs, qui ne possèdent pas de formatde mémorisation propre, agissent sur les associations mémorisées enpermettant leur renforcement et la production de nouvelles associations.

En revanche, contrairement à Gawronski et Bodenhausen (2011) etaux précédents modèles du CE, nous ne concevons pas les processusélaboratifs comme des processus de raisonnement propositionnel. D’aprèsla définition large et d’ordre strictement fonctionnelle que nous adoptons,l’élaboration correspond à un traitement relationnel entre des contenusmentaux. Dans cette perspective, de tels traitements relationnels ne sontpas nécessairement conduits par la formation de propositions syntaxiques(par ex., De Houwer, 2009 ; Mitchell et al., 2009). Autrement dit,élaborer, c’est mettre en lien des informations pouvant être issues de lasituation et de notre mémoire. Appliqué au CE, nous considérons quel’élaboration consiste à établir des liens entre certaines caractéristiquesde la représentation formée par le SN et certaines caractéristiques de lareprésentation formée par le SA conduisant ainsi à l’émergence d’unereprésentation commune de ces stimuli. Cette considération nous amène àsouligner une deuxième divergence entre notre approche et les précédentesapproches du CE : le statut des représentations mentales.

Nous concevons les représentations comme étant distribuées, situées etdynamiques. En accord avec un certain nombre de modèles connexion-nistes dont le modèle de Masson (1995), nous concevons la représentationd’un stimulus comme la construction d’un patron d’activation de plusieursunités (c’est-à-dire, une représentation distribuée sur plusieurs unités).Nous imputons alors le caractère « construit » du patron d’activation au faitque la représentation émerge de l’interaction entre les activations générées

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par la situation présente et les unités activées en mémoire (représentationsituée). En ce sens, à chaque instanciation, les unités du patron d’activationd’un stimulus donné sont plus ou moins différentes (représentationdynamique), certaines ayant déjà été antérieurement coactivées par cestimulus contrairement à d’autres unités (par ex., activées par la situation).En d’autres termes, ce qui est « récupéré » en mémoire lors de l’interactionavec un stimulus est toujours une réactivation partielle (c’est-à-dire,une reconstruction) de représentations antérieures de ce stimulus. Parailleurs, à chaque émergence d’un patron d’activation donné, les unitésqui le composent sont systématiquement associées par l’intermédiaire desprocessus associatifs. Ainsi, les unités du patron d’activation d’un stimulusdéjà coactivées par ce stimulus dans le passé (c’est-à-dire, les unités déjàassociées par le passé) verront leur association renforcée. On notera quedans la proposition de Masson (1995), les unités sont sub-symboliques,c’est-à-dire que ce modèle ne définit pas ce que ces unités associent (parex., des traitements, des propriétés sensori-motrices, sémantiques)2. Quelleque soit la nature de ces unités, nous postulons que les unités particulièresautomatiquement coactivées en mémoire par la rencontre d’un stimulusdépendent d’au moins trois facteurs généraux : 1. le contexte de rencontre,et plus précisément la similarité entre le contexte dans lequel les unitésont été antérieurement coactivées et le contexte actuel ; 2. la fréquence àlaquelle les unités ont été coactivées lors des rencontres antérieures avec lestimulus (c’est-à-dire, du fait d’associations renforcées) ; et 3. la récence dela rencontre, c’est-à-dire la récence de la coactivation antérieure des unités.Dès lors, ces trois facteurs influenceraient le niveau de réactivation partielle(ou de reconstruction) du patron associatif émergeant automatiquementlors de la rencontre du stimulus, de telle sorte que la représentation présentedu stimulus tendra à se rapprocher de la représentation antérieure de cestimulus la plus similaire contextuellement, la plus fréquente, et/ou la plusrécente.

Dans le cadre de cette conception des représentations, l’établissementd’une relation entre des stimuli correspondrait à l’émergence d’un patrond’activation commun sur la base du partage d’unités de représentationcoactivées par ces stimuli. Plus des stimuli donnés ont cooccurré dans descontextes variés, plus ils disposeraient de patrons associatifs communs etpartageraient d’unités fortement associées (du fait de la fréquence de

2Nous ne nous positionnerons pas dans cet article sur la question de la nature des unités de représentation.Toutefois, nous pensons qu’une approche incarnée de la cognition telle qu’envisagée par Versace et al. (2002),qui impliquerait dans le cas présent que les unités correspondent à des activations strictement sensori-motrices,pourrait se révéler très pertinente pour le CE étant donné l’objet d’étude (c’est-à-dire, les réponses évaluatives).

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coactivation d’unités communes entre les différents contextes, renforçantl’association entre ces unités). En conséquence, lorsque nous rencontronsces stimuli, l’établissement d’une relation entre ceux-ci serait privilégié(c’est-à-dire, plus automatique) en raison du partage élevé d’unitéscommunes entre leurs patrons d’activation associatifs. À l’image d’uncertain nombre de chercheurs s’inscrivant dans des courants théoriquesdifférents mais partageant l’attribution de propriétés dynamiques ausystème cognitif (par ex., Masson, 1995 ; Perruchet & Vinter, 2002 ;Versace, Nervers, & Padovan, 2002), nous considérons que la fréquencede la cooccurrence d’une relation entre des stimuli donnés dans descontextes variés est déterminante pour qu’une abstraction de cette relationsoit atteinte. Une telle considération permet notamment d’envisager lesrelations d’ordre sémantique. Ainsi, plus les stimuli sont apparus ensembledans différents contextes (plus ils disposent de patrons d’activationcommuns dans le cadre de notre approche), et plus l’émergence d’unerelation sémantique entre ces stimuli serait favorisée (sur la base desdifférentes unités communes coactivées par les stimuli entre les contextes).

Les considérations théoriques énoncées ci-dessus concernant les pro-cessus associatifs, élaboratifs et les représentations fondent nos prédictionsquant à la fonction des processus associatifs et élaboratifs selon les effets deCE considérés, prédictions que nous développerons ci-après.

3.2.2. Le continuum du CE : d’un effet direct de bas niveauà un effet indirect inférentiel de haut niveauLa fonction des processus associatifs et élaboratifs dans le CE telle quenous l’envisageons dans le cadre de l’approche intégrative et dynamique estrésumée ci-aprés : 1. les processus associatifs permettent la mémorisationdes représentations émergeantes du SN, du SA et de leur relation sous laforme de patrons d’activation associatifs distribués sur plusieurs unités ;2. les processus élaboratifs permettent la création de relations entreles représentations du SN et du SA sur la base des unités coactivéesqu’elles partagent, ce qui conduit à l’émergence et à la mémorisationd’un patron d’activation commun. Dans cette perspective, les processusassociatifs sont envisagés comme « l’assise mnésique » et permettent dece fait la mémorisation de représentations plus ou moins complexes3. Lamémorisation d’une relation entre le SN et le SA serait possible suite àl’intervention des processus élaboratifs. Les patrons d’activations générés

3On précisera que de telles considérations ont déjà été envisagées dans le domaine de l’apprentissage (par ex.,Gawronski & Bodenhausen, 2011), et notamment par Perruchet et Vinter (2002) avec lesquels nous partageonsun certain nombre d’hypothèses analogues dans le cadre de notre proposition théorique.

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par les expériences SN-SA - à savoir le patron d’activation généré par leSN, par le SA, ou par la relation SN-SA - seraient alors associés plus oumoins automatiquement selon qu’ils aient requis ou non l’intervention desprocessus élaboratifs pour émerger, et suivant leur degré d’intervention.Cette approche « intégrative » rompt avec la dichotomie selon laquelle lesprocessus associatifs sont des processus élémentaires associant uniquementdes contenus simples, tandis que les processus élaboratifs de haut niveauopèrent isolément afin de rendre compte de la mémorisation de contenuscomplexes (par ex., les processus propositionnels), dichotomie fréquentedans le CE (par ex., voir l’approche « simple » à multiples processusprécédemment décrite), mais aussi plus largement dans le domaine del’apprentissage associatif. Ainsi, l’approche « intégrative » à multiplesprocessus soutenue ici diverge d’une conception dichotomique du CEdistinguant un effet de bas niveau automatique d’un effet de hautniveau non automatique, et privilégie, par l’articulation proposée entre lesprocessus associatifs et élaboratifs, une conception basée sur un continuumentre les différents effets de CE dont la manifestation est plus ou moinsautomatique selon les effets considérés (voir Figure 2). Cette considérationconditionne alors notre approche de plusieurs propriétés de manièregraduelle telles que « l’automaticité », « l’élaboration », « la conscience »,« le coût cognitif et attentionnel », ou encore « la contrôlabilité ».Les distinctions dichotomiques éventuelles (par ex., automatique/nonautomatique, etc.) ont pour seul objectif de simplifier la discussionthéorique. Nous discuterons ci-après trois points du continuum du CEenvisagé, des effets les plus « bas niveau » aux effets les plus « haut niveau » :un effet de CE direct automatique ; un effet de CE indirect automatisé ; etun effet de CE indirect inférentiel.

3.2.2.1. L’effet de CE direct :des médiations associatives de bas niveauEn accord avec l’approche « simple » précédemment décrite, nousconsidérons que la manifestation d’effets de CE directs n’est pas dépendantede l’opération des processus élaboratifs. Pour reprendre une de nosprédictions, les traitements élaboratifs permettent l’établissement derelations entre les représentations du SN et du SA. Or, un effet de CEdirect n’est pas conduit par une relation SN-SA mais par une relationentre le SN et la RE. Autrement dit, le SN ne réfère ou ne prédit pasun SA mais est directement évalué positivement ou négativement (parex., le prénom est évalué négativement indépendamment du souvenir ducomportement négatif de la personne). Dans le cadre de notre approche, la

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manifestation d’un effet de CE direct repose sur l’intégration automatiquede la (des) réponse(s) évaluative(s) au SA au patron d’activation duSN en tant qu’unité(s) de ce patron durant les expériences de larelation SN-SA. Ainsi, cette intégration ne dépend pas de traitementsrelationnels élaboratifs car elle n’exige pas la formation d’un patrond’activation commun SN-SA pour se produire. Bien qu’automatique,une telle intégration serait néanmoins fonction de certains traitementsparticuliers. En effet, elle serait la conséquence de traitements conjoints etrépétés de certaines caractéristiques du SN et de la réponse évaluative auSA. Selon nos hypothèses générales, les traitements conjoints favoriseraientl’intégration automatique de la réponse évaluative au SA dans le patrond’activation du SN par des coactivations SN-RE. La répétition de cestraitements permettrait de renforcer automatiquement les liens entre lesunités précédemment activées par le SN et la réponse évaluative au SAdans la mesure où elles sont toujours coactivées et traitées conjointement.Ainsi, tout facteur favorisant/contraignant l’apparition de tels traitementsest supposé favoriser/contraindre la manifestation d’effet de CE direct.

Dans cette perspective, l’intervention de processus de haut niveau detraitements relationnels, tels que les processus de traitements élaboratifs,ne sont pas requis pour la manifestation d’un effet de CE direct maispeuvent tout de même accompagnés ou être impliqués dans celle-ci dansla mesure où ils permettent, voir favorisent, des traitements conjointset répétés SN-RE. Autrement dit, des traitements relationnels SN-SAexplicites peuvent privilégier l’émergence automatique d’un effet de CEdirect s’ils promeuvent des coactivations répétées SN-RE. Une tellesituation pourrait se produire lors d’expériences de relations impliquantle même SN et des SAs systématiquement distincts mais de mêmevalence comme dans les études de Sweldens et al. (2010) ou de Hütteret al. (2012). Prenons un exemple pour illustrer cette idée. Imaginonsque nous fassions la connaissance d’un nouveau collègue de travail(le SN) et qu’à chacune de nos rencontres, celui-ci tienne des proposqui nous déplaisent systématiquement bien qu’étant différents (les SAsde même valence). Lors de chacune de ces rencontres, des traitementsrelationnels entre ce collègue-SN et le propos-SA évoqué déclencheront descoactivations SN-SA automatiquement associées, alors que les coactivationscommunes entre les diverses rencontres SN-SA, relevant dans ce cas ducollègue-SN et des réponses évaluatives négatives aux propos déclarés,seront automatiquement renforcées. Ainsi, des traitements relationnelsentre le collègue-SN et les divers propos négatifs-SA pourraient favoriserla formation et le renforcement automatique de liens SN-RE, et doncl’émergence d’un CE direct, en dépit du fait que de tels traitements

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seraient indéniablement explicites dans le cas présent. En conséquence,le simple fait de penser à ce collègue de travail ou de le rencontrerdéclencherait une réponse évaluative négative directement sans qu’aucundes propos déplaisants n’ait besoin d’être remémoré. Nous reviendrons surces procédures de présentation SN-multiples SAs de même valence dans lasection suivante.

Du fait que la manifestation d’un CE direct reposerait sur uneintégration automatique de la réponse évaluative au patron d’activation duSN, la formation d’une relation SN-RE est envisagée comme : peu coûteuse(une certaine implication cognitive et attentionnelle serait néanmoinsnécessaire pour que le SN et le SA puissent être traités conjointement),incidente, non ou difficilement contrôlable, et indépendante à la consciencede la relation. Les participants pourraient néanmoins se montrer conscientsde la relation SN-SA, mais cette dernière n’agirait pas sur la manifestationde l’effet qui ne repose pas sur une relation SN-SA. On précisera que parabsence de rôle de la conscience de la relation dans ces effets de CE directs,nous n’entendons pas absence d’un rôle de la conscience au sens large (lescaractéristiques du SN et la réponse évaluative au SA auraient été, d’aprèsnotre positionnement théorique, traitées consciemment). Nous adoptonsune vision de la conscience similaire à celle de Perruchet et Vinter (2002),attribuant un rôle crucial aux activités conscientes dans l’apprentissage,mais distinguant des niveaux variés de conscience (par ex., automatiquevs. non automatiques, élevés vs. faibles, durables vs. brefs, conscience vs.métaconscience), point sur lequel nous reviendrons plus loin.

Dans leur ensemble, les prédictions énoncées ci-dessus à propos de lagénération d’effet de CE direct nous semblent compatibles avec les résultatsobtenus par les auteurs rapportant de tels effets (par ex., Balas & Gawronski,2012 ; Hütter et al., 2012 ; Jones et al., 2009 ; Sweldens et al., 2010).

3.2.2.2. L’effet de CE indirect :des médiations élaboratives de plus ou moins haut niveauDans le cadre de l’approche « intégrative » que nous proposons, touteffet de CE indirect nécessite l’intervention de processus élaboratifs dansla mesure où l’effet repose sur une relation entre le SN et le SA (par ex.,le prénom est évalué négativement car il évoque la personne déplaisanteou prédit son arrivée imminente), et requiert de ce fait une relationentre les représentations émergeantes du SN et du SA (c’est-à-dire, entreleurs patrons d’activation respectifs). Cette dépendance des effets de CEindirects aux processus élaboratifs les positionne, en terme d’automaticitéou de coût vis-à-vis de leur manifestation, au-dessus de la manifestation

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Effet de CE Direct Effet de CE Indirect

Exposition à une nouvelle relation SN-SA

Effet de CE direct Effet de CE indirect

Traitementsconscientsconjoints et

répétés du SNet de la réponseévaluative au SA

Processus Élaboratifs

Bas Niveau Haut Niveau

Fort partaged’unités de

représentationcommunes SN-SA

automatisée

plus automatique

Faible partaged’unités de

représentationcommunes SN-SA

inférentielle

moins automatique

Formation d’unpatron d’acti-

vation associatifdu SN intégrant

la réponseévaluative au SA

Processus Associatifs

Formation d’un patron d’activationassociatif commun SN-SA

automatique non automatique

Figure 2. Rôle des processus associatifs et élaboratifs dans l’émergence des effets de CEdirects et indirects d’après l’Approche « intégrative » à multiples processus du CE.

Figure 2. An integrative multiple processes approach of EC effect.

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d’un effet direct. Ces derniers reposent sur l’intégration automatique dela réponse évaluative au patron d’activation du SN, alors que les effetsindirects impliquent une relation entre les patrons d’activation du SNet du SA. Toutefois, en lien avec nos prédictions, nous envisageons desdistinctions entre les effets de CE indirects, leur manifestation pouvant êtreplus ou moins coûteuse et contrôlée. En effet, selon les unités communescoactivées par les représentations du SN et du SA, l’élaboration, c’est-à-direl’établissement d’une relation entre le SN et le SA, serait plus ou moins« automatisée » ou « inférentielle ».

Dans le cas où le SN et le SA partagent un grand nombre d’unitésd’activation communes, la relation SN-SA devrait être formée sansimpliquer un coût cognitif important, ni l’intention délibérée d’établirune relation entre le SN et le SA. La relation SN-SA s’impose en quelquesorte à l’esprit de l’individu sans qu’il ait œuvré pour l’établissementd’une telle relation. L’élaboration qui conduit à la manifestation de cetype d’effet est qualifiée d’« automatisée », dans le sens où l’émergenced’un patron d’activation commun SN-SA est facilitée par le partage élevéd’unités d’activation communes entre les stimuli SN et SA. Les unitéscommunes entre le SN et le SA coactivées par la rencontre des stimuliverraient alors leurs associations renforcées (c’est-à-dire, ces unités avaientdéjà été coactivées et associées par le passé, et leur réactivation lorsde l’expérience de la relation SN-SA renforcerait leur association). Ceseffets correspondraient aux effets indirects les moins coûteux, élaborés etcontrôlés dans une perspective continue. Comme nous l’envisageons pourtout effet indirect reposant sur une relation SN-SA, la conscience de larelation SN-SA serait requise pour que ce type d’effet soit généré, maisémergerait dans ce cas de manière plus automatique que pour tout autreeffet de CE indirect.

Par contraste, lorsque le SN et le SA ne partagent pas d’unitéscommunes, aucune relation entre ces stimuli ne pourrait « s’imposer àl’esprit » comme dans le cas des effets indirects précédemment discutés.Les patrons d’activation du SN et du SA ne possèdent aucunes tracescommunes en mémoire car les unités coactivées par le SN et le SA n’ontjamais été associées par le passé. L’établissement d’une relation SN-SAreposerait dans ce cas sur une élaboration qualifiée d’« inférentielle ».L’individu doit rechercher de manière contrôlée et intentionnelle ce quirelie le SN et le SA (par ex., le SN prédit le SA) pour établir un patrond’activation SN-SA commun en produisant des inférences. L’élaborationinférentielle sur la relation SN-SA permettrait ainsi de former de nouvellesassociations entre les unités coactivées par le SN et le SA. Dans le cadred’une conception continue vis-à-vis de l’automaticité de la manifestation

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des effets indirects, ces effets indirects « inférentiels » seraient alors les pluscoûteux, contrôlés, intentionnels, et donc les moins automatiques.

Pour résumer nos prédictions quant aux effets de CE indirects, ledegré de partage d’unités coactivées par le SN et le SA lors de la phased’apprentissage déterminerait l’automaticité de l’élaboration pour établirune relation entre le SN et le SA (c’est-à-dire, pour former un patronassociatif commun SN-SA), et de ce fait l’automaticité de l’apprentissage.Cette hypothèse nous conduit à concevoir l’effet de CE indirect dans uneperspective continue, sa manifestation pouvant se révéler plus ou moinsautomatique, coûteuse, intentionnelle, contrôlée.

En guise de conclusion, l’approche « intégrative » à multiples processuspermettrait de rendre compte du caractère polymorphe du CE par uneinteraction entre des processus de mémorisation associatifs et des processusde traitements relationnels élaboratifs. L’articulation alors envisagée entreles processus associatifs et élaboratifs justifie la conception d’un continuumdu CE consentant à de multiples manifestations de CE, qu’elles soientplus ou moins automatiques. D’après la conception distribuée, située, etdynamique des représentations adoptée, les caractéristiques situationnellesrelatives aux rencontres de la relation SN-SA sont considérées comme undéterminant majeur des patrons d’activation associatifs formés lors de cesrencontres, et par conséquent de l’effet de CE manifesté (par ex., un effetdirect, indirect automatisé, indirect inférentiel).

4. DÉTERMINANTS SITUATIONNELS DES EFFETS

Dans la continuité de la précédente section, cette dernière partie estconsacrée à la question des caractéristiques situationnelles, exogènes ouendogènes à l’individu, susceptibles de jouer un rôle déterminant sur lamanifestation possible d’un CE et sur le type d’effet manifesté. Dans lecadre de notre proposition « intégrative » à multiples processus du CE, cescaractéristiques sont supposées agir sur le CE en influençant les patronsd’activation que les expériences SN-SA font émerger. Nous proposons dediscuter certains de ces déterminants situationnels dans la perspective dumodèle « intégratif » du CE soutenu, selon leur influence potentielle sur lestrois points du continuum du CE précédemment considérés : « les effetsde CE direct automatique », « les effets de CE indirects automatisés »,et « les effets de CE inférentiels ». Une partie de nos prédictions quantà l’influence envisagée de ces déterminants s’avère compatible avec lesdonnées empiriques actuellement disponibles dans la littérature sur le CEce qui nous conduit à reconsidérer l’interprétation de certains effets mis en

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évidence. Certaines prédictions que nous développons demeurent toutefoisspéculatives, aucune donnée ne permettant d’appuyer ou de réfuter leurvalidité à ce jour.

4.1. Des déterminants exogènes4.1.1. Les paramètres procédurauxLes paramètres procéduraux relatifs à la phase d’apprentissage (c’est-à-dire,les présentations des relations SN-SA) sont régulièrement évoqués entant que modérateur important de la nature de l’apprentissage manifesté(par ex., Gawronski & Bodenhausen, 2011 ; Jones et al., 2009 ; Squire,1987). Dans la perspective de l’approche « intégrative » proposée, lesconditions particulières de rencontres des stimuli SN-SA sont susceptiblesd’agir sur la forme directe ou indirecte de l’effet de CE manifesté selonqu’elles favorisent ou contraignent des traitements conjoints et répétés decertaines caractéristiques du SN et de la réponse évaluative au SA. Lesparamètres procéduraux favorisant de tels traitements devraient promou-voir l’émergence d’un effet de CE direct car l’intégration automatique dela réponse évaluative du SA au patron d’activation généré par le SN seraitfavorisée par les coactivations répétées SN-RE. En revanche, lorsque de telstraitements ne sont pas rendus possible par les conditions procédurales,l’émergence d’un effet de CE devrait davantage relever de traitementsrelationnels (plus ou moins automatiques selon le degré de partage d’unitéscoactivées communes) entre les patrons d’activation du SN et du SA, etdonc être de forme indirecte. Ces hypothèses générales sont en partieappuyées par les résultats de Jones et al. (2009). Leurs résultats suggèrentque forcer une alternance attentionnelle des participants rapide et répétéeentre le SN et le SA (par des présentations alternées rapides et répétées duSN et du SA), et favoriser ainsi des traitements SN-RE dans une continuitétemporelle étroite, avantage l’émergence d’effets de CE directs. Les étudessur le CE ont permis d’identifier plusieurs autres conditions qui semblentagir sur l’émergence privilégiée d’un effet de CE direct/indirect.

Parmi ces conditions, l’étude menée par Sweldens et al. (2010) met enévidence un rôle de la stabilité de la relation SN-SA et de la simultanéitéde l’occurrence de ces stimuli. Concernant le rôle de la stabilité dela relation, les résultats de Sweldens et al. (2010) montrent que lesprésentations d’une relation SN-SA stable, c’est-à-dire lorsqu’un SN donnéest systématiquement couplé avec le même SA, conduisent à l’émergenced’effets de CE indirects. En revanche, lorsqu’un SN donné est présentéplusieurs fois avec un SA différent mais de même valence (c’est-à-dire,chaque occurrence du SN est accompagnée de l’occurrence d’un SA

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différent mais de valence négative, par exemple), l’émergence d’effets deCE directs est dès lors favorisée (voir aussi Balas & Gawronski, 2012 ;Hütter et al., 2012). Dans ce cas précis où le SN est systématiquementexpérimenté avec un SA différent de même valence, nous envisageons queles coactivations répétées de certaines unités du SN et de certaines unitéscommunes entre les réponses évaluatives aux différents SA, du fait qu’ilssont de même valence, renforcent la liaison entre ces unités. Comme nousl’avons précédemment évoqué, des traitements explicites de chaque relationSN-SA expérimentée sont possibles, et vraisemblables dans les études deSweldens et al. (2010) ou de Hütter et al. (2012) étant donné les temps deprésentations mis en place, bien que l’effet émergeant, de forme directe,soit considéré selon nos hypothèses comme imputable à des médiationsassociatives de bas niveau (voir la partie consacrée à l’effet de CE directdans la section précédente).

Dans une autre expérience, ces mêmes auteurs constatent queles présentations SN-SA simultanées, reposant sur des cooccurrencessimultanées du SN et du SA, engendrent des effets de CE directs à l’inversedes présentations SN-SA séquentielles, basées sur une présentation du SNprécédant celle du SA. Jones et al. (2009) rapportent des résultats identiquesquant au rôle de la proximité SN-SA dans le type de CE généré (c’est-à-dire,les stimuli SN-SA présentés simultanément amènent à un changementévaluatif direct du SN).

On peut également évoquer les paramètres temporels de présentationpour chacun des stimuli. Par exemple, lorsque l’un des stimuli estprésenté très brièvement (par ex., une présentation subliminale), untraitement relationnel inférentiel de la relation SN-SA est difficilementenvisageable. Conformément à notre approche, un effet de CE obtenudans ces conditions (par ex., De Houwer, Baeyens, & Eelen, 1994) relèveplus probablement d’un changement évaluatif direct. Les effets indirectsfondés sur une élaboration inférentielle seraient les plus compromis parces conditions de présentation, étant donné les difficultés rencontrées pourque de tels traitements puissent être effectués et qu’un haut niveau deconscience de la relation puisse être atteint. On soulignera toutefois unmanque d’études méthodologiquement valides rapportant des effets de CElorsque le SN et/ou le SA sont présentés très brièvement. Selon nous, ceconstat ne conduit pas à contester le caractère peu coûteux des effets directs,leur manifestation reposant néanmoins sur un minimum d’implicationattentionnelle et cognitive pour permettre l’intégration conjointe SN-REdans le focus attentionnel (voir la partie à suivre sur le focus attentionnel).

Les caractéristiques énoncées ci-dessus ne sont évidemment pasexhaustives. D’autres paramètres procéduraux seraient à même

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d’influencer les patrons d’activation associatifs liés aux expériencesSN-SA. Parmi celles-ci, les caractéristiques physiques des stimuli (par ex.,leur taille) semblent également pertinentes. Les résultats de Jones et al.(2009) suggèrent qu’un changement évaluatif direct est privilégié lorsque leSN est plus grand que le SA, c’est-à-dire lors d’une saillance supérieure duSN par rapport à celle du SA. Ces auteurs évoquent en contraste l’étude dePleyers et al. (2009) dans laquelle une image-SN de petite taille est fonduedans une image-SA de grande taille, suggérant une saillance supérieuredu SA par rapport au SN. Les résultats obtenus par Pleyers et al. (2009)suggèrent des effets de CE indirects fortement modérés par la consciencede la relation. L’interprétation que nous faisons de ces résultats contrastésest qu’ils sont imputables au fait que le contenu du focus attentionnel desparticipants, et par conséquent les unités coactivées par les stimuli SN-SA,est influencé par les saillances relatives du SN ou du SA (voir la discussionultérieure sur le focus attentionnel).

Ainsi, les paramètres procéduraux adoptés dans les études sontsusceptibles d’influencer de manière conséquente les effets de CE générés(c’est-à-dire, le patron d’activation associé durant les rencontres de larelation SN-SA) et le type de processus impliqués dans la manifestationde ces effets. Il est par conséquent recommandé que ces paramètres soientconsidérés avec attention par les auteurs du CE. En accord avec nos prédic-tions, nous soulignons que les effets directs, compte tenu de leurs exigencesspécifiques en matière de traitements réalisés, dépendent de caractéristiquesprocédurales particulières. Or, les études qui emploient de telles procéduressont à ce jour minoritaires dans le CE, ce qui peut expliquer pourquoi deseffets indirects semblent davantage rapportés par les auteurs. Autrementdit, nous considérons que les paramètres généralement utilisés dans lesétudes favorisent l’émergence d’effets indirects au détriment d’effets directs(par ex., les paires SN-SA sont stables et présentées un grand nombre defois, présentées de manière séquentielle, etc).

4.1.2. Les relations SN-SA particulièresUne des hypothèses centrales du modèle proposé repose sur l’impact dela relation SN-SA particulière expérimentée sur le niveau d’automaticitéde la manifestation d’un CE, notamment de forme indirecte. Nouscontestons dès lors l’hypothèse d’équivalence « d’associabilité » entre touttype de stimuli traditionnellement postulée par les théories classiques duconditionnement. Cette idée, selon laquelle toutes les relations SN-SA nesont pas équivalentes au niveau de leur facilité d’association, a déjà étéenvisagée dans le cadre du conditionnement Pavlovien avec la théorie de

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préparation (par ex., Seligman, 1970 ; Öhman & Mineka, 2003). Seligman(1970) suggère que les organismes sont plus ou moins préparés pourapprendre une relation SN-SA donnée, du fait de l’histoire évolutionnairede l’espèce et de son appareil associatif. Le degré de préparation estconçu par Seligman (1970) comme un continuum, qui s’étend de relationspréparées, à des relations contre préparées, en passant par des relationsnon préparées. Les relations SN-SA préparées correspondent aux relationsqui génèrent un conditionnement très facilement après un nombre réduitd’essais SN-SA. Les relations SN-SA non préparées se rapportent auxrelations pour lesquelles l’organisme n’est pas biologiquement préparémais qui peuvent tout de même engendrer un conditionnement (avecdavantage de présentations que pour les relations préparées). Enfin, lesrelations SN-SA contre préparées correspondent aux relations qui nepeuvent engendrer un conditionnement, ou alors qui exigent un très grandnombre d’expositions afin que le SN génère une réponse conditionnée.

Malgré les divergences entre ces interprétations théoriques et cellesque nous proposons dans le cadre du CE, nous partageons un certainnombre de prédictions communes avec Seligman (1970). Sur la base ducontinuum du CE précédemment évoqué, les relations SN-SA préparéescorrespondraient aux relations qui coactiveront un grand nombre d’unitéscommunes SN-SA durant les présentations, menant alors à des effetsindirects « automatisés » dont la manifestation est relativement aisée. Lesrelations non ou contre préparées seraient assimilables aux relations quicoactivent peu ou pas d’unités communes entre le SN et le SA. Dans cescas-là, une élaboration inférentielle relativement coûteuse est nécessairepour établir une relation entre le SN et le SA et pour qu’un effet deCE se manifeste. Par ailleurs, conformément à ce que nous envisageonspour les effets indirects automatisés, les relations préparées se montreraientplus robustes dans le temps et peu sensibles à la contiguïté entre lesstimuli (c’est-à-dire, le SN et le SA n’ont pas besoin d’être spatialementni temporellement adjacents pour que la manifestation d’un effet soitfavorisée).

Cette hypothèse concernant la faible sensibilité des effets indirects au-tomatisés à la contiguïté SN-SA nous conduit à reconsidérer l’interprétationclassiquement proposée face à certains résultats obtenus. Field et Davey(1997) et Davey (1994) envisagent un possible artefact visuel imputableà la procédure d’appariement des stimuli SN-SA si certains contrôles nesont pas rigoureusement effectués. En particulier, ces auteurs soulignentl’influence de la similarité visuelle entre les différents stimuli SN et SA(indépendamment de leur appariement) sur l’évaluation des SNs lors de laphase de mesure. Lorsque différents stimuli imagés sont présentés en qualité

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de SNs et de SAs durant l’apprentissage, les similarités perceptives partagéesentre certains SNs et certains SAs peuvent amener les participants à évaluerles SNs visuellement similaires à des SAs positifs positivement, et les SNsvisuellement similaires à des SAs négatifs négativement, indépendammentde leur contiguïté spatiale et temporelle. Notre approche permet de prédireun tel effet, qui correspondrait à un effet indirect automatisé, c’est-à-direà la formation d’un patron d’activation commun SN-SA sur la base desunités d’activation communes entre le SN et le SA (recouvrement visueldans ce cas). Cependant, contrairement à Davey (1994) et à Field et Davey(1997), nous ne considérons pas un tel effet comme un artefact procéduralmais comme un véritable effet de CE. Précisément, ces auteurs qualifientcet effet d’artefact car l’évaluation du SN ne dépendrait pas du SA quia été couplé avec ce SN, donc de la relation SN-SA manipulée par leschercheurs, mais du SA le plus similaire visuellement. Selon Davey (1994),ce résultat proviendrait d’une augmentation de la saillance temporaire descaractéristiques visuelles partagées entre les SNs et les SAs durant la phased’apprentissage, qui amènerait les participants à évaluer les SNs en phase detest sur la base des caractéristiques momentanément saillantes. Autrementdit, Davey (1994) envisage que le changement évaluatif du SN soituniquement contextuel et ne dépende d’aucun lien ou association SN-SAétabli en mémoire. À la différence de Davey (1994), nous considéronsque les unités communes activées par le SN et le SA durant la phased’apprentissage engendrent la formation d’un patron associatif communSN-SA, partiellement réactivé par la présentation ultérieure du SN en phasede test. Dans cette perspective, le changement évaluatif du SN résulte belet bien d’un effet de CE et non d’un artefact procédural. Conformémentà nos hypothèses, l’établissement d’une relation entre des stimuli SN-SAnon contigus serait automatisé par un partage élevé d’unités communescoactivées par ces stimuli, et de ce fait favorisé par rapport à l’établissementd’une relation entre des stimuli SN-SA contigus mais ne partageant pasd’unités communes.

D’autres résultats soutiennent nos prédictions quant à la manifestationfavorisée des effets indirects automatisés. Par exemple, comme le repren-nent De Houwer et al. (2001), Todrank, Byrnes, Wrzesniewski, et Rozin(1995) observent un CE sur des photographies de visages neutres (les SNs)uniquement lorsque les odeurs utilisées en tant que stimuli affectifs sontconsidérées comme plausiblement humaines par les participants (par ex.,une odeur de sueur/parfum). Dans la même veine, Evans et Weiss (1978)obtiennent un CE négatif pour le mot « chocolat » lorsque le SA négatif(par ex., le mot « boutons ») peut être relié sémantiquement au concept« chocolat » par les participants, alors qu’un échec de la procédure est

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observé lorsque les participants n’ont pu établir de lien sémantique entrele mot « chocolat » et le SA négatif (par ex., le mot « fièvre »). Dans cescas précis où la manifestation d’un CE est facilitée par une relation SN-SAsémantique, le partage élevé d’unités communes entre les SN et les SArésulterait de la fréquence importante de cooccurrences de ces stimuli dansdes contextes variés.

En conclusion, dans notre approche, les relations SN-SA particulièressont envisagées comme des déterminants majeurs de la probabilité qu’uneffet de CE se manifeste, et de la facilité avec laquelle il se manifestera. Plusles stimuli SN-SA partagent d’unités coactivées communes, du fait de leurproximité physique (par ex., Field & Davey) ou de la fréquence importantede leurs cooccurrences passées dans différents contextes (Evans & Weiss,1978 ; Todrank et al., 1995), plus l’établissement d’une relation entre cesstimuli est facilité. Cette hypothèse incite donc à reconsidérer les résultatsinterprétés comme artefact procédural par Davey (1994) et Field et Davey(1997).

4.2. Des déterminants endogènes4.2.1. L’expérience conscienteSelon notre positionnement théorique, l’action des déterminants situ-ationnels, tels que les conditions procédurales ou les relations SN-SAparticulières, sur le type d’effet de CE manifesté lors de la situationd’apprentissage (par ex., direct, indirect automatisé, indirect inférentiel),résulte de la modification de l’expérience consciente vécue par les individusdurant cette situation. Nous envisageons que l’effet de CE manifesté, quelqu’il soit, est déterminé par le contenu de l’expérience consciente durantl’exposition aux stimuli SN-SA. Autrement dit, nous partons de l’idée queles patrons d’activation générés par les expériences SN-SA sont conscients,mais de qualité et de durabilité variables. En revanche, les processus quisous-tendent leur émergence ne le sont pas nécessairement. En ce sens,nous pourrions rajouter à la définition des représentations précédemmentévoquée l’attribut « contenu conscient ». Une telle approche est déjàdéfendue par certains auteurs dans le domaine plus large de l’apprentissage(par ex., Perruchet & Vinter, 2002 ; Perruchet et al., 1997). Toutefois, à notreconnaissance, elle n’est pas partagée par les auteurs proposant une approcheassociative du CE (par ex., Baeyens et al., 1992 ; Jones et al., 2009 ; Martin& Levey, 1978). Ces derniers postulent généralement que les processusassociatifs sont des processus de bas niveau permettant d’associer desreprésentations non conscientes. Pour reprendre la distinction évoquée par

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Perruchet et Vinter (2002, voir commentaires associés), les extrémités de ladimension « conscience » d’un contenu mental peuvent être distinguéespar : une conscience de bas niveau, automatique, brève et difficilementou non reportable ; une conscience de haut niveau, non automatique etexplicitable. La première forme de conscience correspondrait aux étatsconscients impliqués dans la majeure partie de notre vie mentale. Laconscience de la relation, quant à elle, tendrait à relever de la secondecatégorie. En effet, cette dernière impliquerait la conscience explicite del’ensemble des contenus dont l’individu a une expérience consciente àun moment donné, même si ces contenus se sont imposés de manièreautomatique à la conscience. Cette distinction a une incidence cruciale surla manière d’appréhender l’influence de la conscience dans le CE. D’uncôté, elle permet de différencier l’absence de rôle de la conscience de larelation SN-SA lors de l’apprentissage de l’absence absolue de rôle de laconscience. D’un autre côté, cette distinction permet de redéfinir la relationentre conscience et automatisme, souvent empreinte de confusions. Danscette perspective, « automatique » n’est pas équivalent à « non conscient »,et « conscient » n’est pas équivalent à « non automatique ».

Nous considérons, en accord avec un certain nombre d’auteurs du CE,que la conscience d’une relation SN-SA est une caractéristique requisepour la manifestation de tout effet de CE indirect (c’est-à-dire, le patrond’activation commun conscient est associé). En revanche, cette conscience,bien que considérée de « haut niveau » et explicitable, émergerait demanière plus ou moins automatique selon les unités communes coactivéespar les stimuli SN-SA. Comme nous l’avons précédemment évoqué dansle cas de la manifestation d’un CE indirect automatisé, elle « s’imposeraità l’esprit » des participants. À l’opposé, la manifestation d’un CE indirectinférentiel serait le résultat d’une élaboration plus coûteuse, intentionnelleet contrôlée. En plus de conduire à la génération d’un effet de CE indirect,la conscience de la relation influencerait la robustesse de cet effet dans letemps (c’est-à-dire, la réactivation du patron associatif commun SN-SA).Autrement dit, lorsque l’effet repose sur une relation SN-SA consciente, ilfaudrait que le SN continue à évoquer consciemment le SA afin que l’effetde CE indirect persiste. Cette dernière hypothèse est partiellement appuyéepar les résultats récemment mis en évidence par Gast, De Houwer et DeSchryver (2012).

Ainsi, lorsque la mémoire de la relation, c’est-à-dire la conscience de larelation post-apprentissage, n’est pas rapportée par les participants malgréla manifestation d’un effet de CE, nous envisageons deux possibilités : 1.la mesure de la conscience/mémoire de la relation manque de sensibilité(par ex., voir Shanks & St. John, 1994, pour une revue à ce sujet) ; 2.

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la mémoire/conscience de la relation n’est pas ou plus requise pour lamanifestation de l’effet de CE. Dans ce dernier cas, l’effet de CE générédurant la phase d’apprentissage était soit instantanément de type direct,soit de type indirect mais aurait évolué vers un CE de type direct (par ex.,Fulcher et Cocks, 1997). D’après nos hypothèses précédemment formulées,la génération d’un effet de CE direct, qui peut tout de même avoir étéaccompagnée de traitements conscients de « haut niveau » (par ex., laconscience d’une relation SN-SA), se suffit d’actes conscients de bas niveau.Notre modèle rejoint étroitement le modèle de Perruchet et Vinter (2002)sur cet aspect. Les caractéristiques du SN et la réponse évaluative au SAtraitées conjointement et de manière répétée conduisant à l’émergenceautomatique d’un patron d’activation SN-RE sont conscientes, même si ledegré et le temps de conscience peuvent être et sont probablement souventfaibles.

Précisons que les hypothèses soutenues ci-dessus au sujet du rôleattribué à la conscience, que ce soit pour la manifestation d’un effet directou d’un effet indirect, ne peuvent être vérifiées à ce jour et semblentdifficilement vérifiables. Par conséquent, elles restent à ce stade de notreréflexion de simples spéculations. L’étude du rôle de la conscience dans lamanifestation d’un CE présente en effet un certain nombre de contraintes etdifficultés majeures (voir Gawronski & Walther, 2012, pour une discussionplus approfondie sur ce sujet).

Tout d’abord, le rôle causal de la conscience dans l’émergence de touteffet de CE, constituant pourtant la problématique majeure des études surle CE, semble difficilement mesurable pour ne pas dire non mesurable, quece soit pour la conscience de bas niveau ou de haut niveau. La conscienceétant une propriété intrinsèque aux individus, celle-ci est uniquementmanipulable de manière indirecte. En conséquence, les seuls liens quisont véritablement démontrables entre conscience et CE sont d’ordrecorrélationnel.

Deuxièmement, la dépendance entre conscience de la relation etémergence d’un effet indirect fait également face à des difficultés de mesure.Généralement, les auteurs mesurent la conscience de la relation aprèsla mesure des effets de CE, elle-même effectuée à la suite de la phased’apprentissage. Or, ce choix de mesure ne renseigne pas sur un éventuellien entre la présence de la conscience de la relation durant l’apprentissageet l’émergence d’un CE, bien que de tels liens soient souvent inférés,mais entre la conscience/mémoire de la relation post-apprentissage et ladurabilité/l’expression de l’effet de CE. La mise en place de la mesure dela conscience durant l’apprentissage (par ex., Dawson, Rissling, Schell, &Wilcox, 2007 ; Fulcher & Cocks, 1997), et non après, pourrait permettre de

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nous renseigner sur une telle relation entre la conscience de la relation etl’émergence d’un CE mais elle engendre également son lot de biais. Celle-cirepose sur la mesure de l’attente des participants vis-à-vis du stimulus quisuit ou accompagne la présentation d’un SN donné, ce qui a tendance àpromouvoir l’apparition de la conscience d’une relation SN-SA dans lamesure où l’attention des participants est dirigée sur les stimuli et sur leurrelation.

Enfin, l’implication d’activités conscientes de bas niveau dans lamanifestation de CE direct est à ce jour non démontrable et restepar conséquent, au même titre que l’hypothèse de leur absence oude leur inexistence, un postulat (voir Perruchet & Vinter, 2002, et lescommentaires associés, pour un débat à ce sujet). Ce type d’activités debas niveau est par définition difficilement explicitable par les individus.Or, les mesures actuelles de la conscience de la relation sont baséessur des rapports verbaux explicites d’informations concernant la relationSN-SA, et ne sont donc pas adaptées pour appréhender ces formes deconscience SN-RE. Nous considérons néanmoins ces dernières commepotentiellement mesurables. Un patron d’activation traité sous basseconscience, et de fait de manière peu profonde, serait automatiquementmémorisé sous ce seuil de conscience (et ce niveau de profondeur).La réactivation partielle de ce patron, c’est-à-dire de certaines unitésd’activation de celui-ci, se ferait alors sous le niveau de conscience etde profondeur avec lesquels il a été initialement traité. Cette possibilitéde réactivation partielle serait néanmoins compromise par l’absencede renforcement rapide des liens entre les unités d’activation d’un telpatron. En ce sens, les contenus mentaux de bas niveau de consciencesont envisagés comme théoriquement mesurables, à la différence dereprésentations non conscientes. Toutefois, nous admettons que la mesurede l’implication de tels contenus dans les effets de CE directs pose plusieursinterrogations, tel que le moment et la manière dont ils doivent êtremesurés.

En conclusion, les prédictions quant aux liens entre conscience dela relation ou conscience de bas niveau et manifestation d’un CEdemeurent, à ce jour, spéculatives et relèvent donc des intuitions etconvictions des auteurs. Il est possible que de nouvelles techniques demesure de la conscience permettent de résoudre ces difficultés, et ainsiappuyer, ou réfuter, nos hypothèses. Nous maintenons néanmoins notrepositionnement quant au rôle que nous attribuons à l’expérience conscientedurant l’exposition aux stimuli SN-SA, sur la manifestation d’un CE etsur le type d’effet manifesté, dans la mesure où les données actuellementdisponibles ne se montrent pas incompatibles avec cette idée.

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4.2.2. Le focus attentionnelNous postulons qu’aucun changement évaluatif n’émerge sans quecertaines caractéristiques des stimuli SN-SA, ou de leur relation, ne soienttraitées consciemment. Si tout effet de CE dépend étroitement de laconscience, quelle que soit sa forme, alors il faut remonter vers ce quimène à la conscience, à savoir l’attention. Il existe en effet un lien trèsétroit entre conscience et attention. Pour reprendre Perruchet et Vinter(2002) : « l’attention est généralement localisée du côté des processus,et la conscience du côté des états mentaux résultant de ces processus4 ».Dans cette perspective, l’attention devrait être un pré-requis pour touteffet de CE. L’attention peut être étudiée sous deux aspects : un aspectqualitatif, le contenu du focus attentionnel, et un aspect quantitatif, lacharge attentionnelle. Conformément à la littérature sur l’apprentissage(par ex., Mackintosh, 1975), nous avançons l’idée que tous les effets de CEexigent qu’une certaine quantité d’attention soit dirigée sur les événementspertinents pour se manifester, bien que cette quantité soit considéréecomme variable selon l’effet concerné (par ex., direct, indirect automatisé,indirect inférentiel).

Plusieurs auteurs qui accordent une place centrale aux processusassociatifs envisagent que tous les éléments présents dans le focusattentionnel à un certain moment soient associés (par ex., Frensch& Miner, 1994 ; Perruchet & Vinter, 2002). Dans cette perspective,l’attention serait une condition nécessaire mais surtout suffisante pourl’apprentissage. Cette hypothèse trouve un support important dans lesrésultats rapportés par Pacton et Perruchet (2008). Ces derniers observentque des relations non adjacentes (par ex., lorsque le SN et le SA sontdistants spatio-temporellement) peuvent être apprises si les participantstraitent conjointement les stimuli pertinents. Par ailleurs, lorsque lesparticipants portent attention aux relations non adjacentes, les relationsadjacentes ne sont pas apprises. Par contraste, lorsque les participantsconcentrent leur attention sur les relations adjacentes, ce sont les relationsnon adjacentes qui ne sont pas apprises. Un point intéressant est à soulignerquant à l’apprentissage qui se manifeste, à savoir qu’il semble incident(c’est-à-dire, non intentionnel). En ce sens, il n’est pas supposé avoirconsommé une grande quantité de ressources attentionnelles. Ces résultatssuggèrent par ailleurs que le « renommé » effet de contiguïté, selon lequelles stimuli contigus mènent plus aisément à leur association (par ex.,

4Attention is generally located on the side of the processes, and consciousness on the side of the mental states resultingfrom these processes (Perruchet & Vinter, 2002, p. 303).

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Jones et al., 2009), dérive uniquement des contraintes attentionnelles. Eneffet, l’attention est naturellement dirigée sur les événements qui sontdans une proximité spatio-temporelle élevée. En revanche, les résultats dePacton et Perruchet (2008) suggèrent que si certains facteurs situationnelsexigent de porter attention à des événements non adjacents, alors ceux-ciintègrent le même contenu attentionnel et sont de ce fait associés. Dansle cadre de l’approche « intégrative » précédemment décrite, ces résultatsmis en évidence par Pacton et Perruchet (2008) correspondraient aux effetsindirects automatisés : un partage élevé d’unités communes coactivées pardeux stimuli, même s’ils n’occurrent pas de manière contiguë, favoriseral’émergence et l’association d’un patron d’activation commun SN-SA.Autrement dit, la relation entre un SN et un SA partageant un grandnombre d’activations communes durant la phase d’apprentissage tendraà intégrer le focus attentionnel de manière privilégiée par rapport àune relation entre un SN et un SA partageant peu d’unités communescoactivées, indépendamment de la contiguïté respective de ces stimuli (voirla discussion précédente concernant les relations SN-SA particulières). Pourque la relation SN-SA intègre le focus attentionnel dans le cas où les stimulipartagent peu de coactivations communes, une élaboration inférentielleplus coûteuse, intentionnelle et contrôlée serait indispensable. Concernantles effets de CE directs, supposés être les moins coûteux, les traitementsconjoints (et répétés) de certaines caractéristiques du SN et de la réponseévaluative au SA engendreraient leur intégration automatique au contenudu focus attentionnel, et de ce fait leur association (et leur renforcement)automatique sous la forme d’un patron associatif SN-RE. Dans cetteperspective, les facteurs permettant des traitements répétés SN-RE au seindu même contenu attentionnel favoriseraient l’émergence d’effet de CEdirect. Cette hypothèse nous semble compatible avec les résultats obtenuspar Gast et Rothermund (2011b) qui révèlent qu’un focus attentionnelévaluatif durant les présentations SN-SA favorise l’émergence d’effets deCE direct.

Ainsi, notre approche « intégrative » du CE envisage que le contenudu focus attentionnel durant l’exposition aux stimuli SN-SA déterminerale patron d’activation émergeant à la suite de ces expériences, et de cefait le type d’effet de CE manifesté (par ex., direct, indirect automatisé,indirect inférentiel). En ce sens, tous les effets de CE considérés exigeraientune certaine implication attentionnelle de la part des participants, bienque variable selon le type d’effet, afin que les éléments pertinents puissentmener à la formation d’un patron associatif. Concernant les effets indirects,c’est la relation SN-SA qui doit être l’objet du focus attentionnel. Le coûtlié à l’établissement d’une relation SN-SA serait alors fonction des unités

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communes coactivées par les stimuli SN-SA durant leurs présentations.Pour les effets directs, moins coûteux, il serait nécessaire que certainescaractéristiques du SN et la réponse évaluative au SA soient traitéesconjointement et de manière répétée dans le même focus attentionnel. Pourque de tels traitements attentionnels conjoints puissent être effectués, dessauts attentionnels très brefs entre le SN et le SA semblent s’avérer suffisants(par ex., Jones et al., 2009).

5. CONCLUSION

L’objectif de cet article était de discuter le caractère polymorphe del’effet de conditionnement évaluatif au sein d’une perspective à multiplesprocessus. Concevoir le CE comme un effet définit celui-ci de manière large,c’est-à-dire comme le changement évaluatif d’un stimulus en raison d’unerelation précédemment expérimentée entre ce stimulus et un stimulusaffectivement signifiant. La première section témoignait de la généralité del’effet de CE, mais également des divergences récurrentes observées entreles différents effets de CE obtenus révélant des effets fonctionnellementinégaux quant aux conditions sous lesquelles ils se manifestent. Cesdivergences majeures nous amènent à distinguer deux formes générales deCE possibles lors des expériences d’une relation entre un SN et un SA :des changements évaluatifs de type direct et des changements évaluatifsde type indirect. Compte tenu des divergences apparentes entre ces deuxformes de CE, les modèles à multiples processus du CE sont ceux quisemblent avoir le plus fort pouvoir explicatif (De Houwer, 2007). Afinde discuter d’une telle perspective, nous avons tout d’abord présenté uneconception à multiples processus « simple », régulièrement évoquée dans lalittérature sur le CE (par ex., De Houwer, 2007 ; De Houwer et al., 2005),conception qui distingue au moins un processus associatif, automatique,responsable de la formation d’associations SN-SA ou SN-RE (par ex.,Baeyens et al., 1992 ; Jones et al., 2009 ; Martin & Levey, 1978) et unprocessus élaboratif de raisonnement propositionnel, responsable de laformation de connaissances propositionnelles syntaxiques sur la nature dela relation SN-SA (par ex., De Houwer 2009 ; Fishbein & Middlestadt, 1995 ;Mitchell et al., 2009). Cette approche « simple » envisage l’intervention desdeux types de processus de manière isolée et indépendante, chacun desprocessus pouvant être responsable d’un effet de CE du fait que chacund’eux possède son propre format de stockage.

Par la suite, nous avons proposé une approche à multiples processus« intégrative » reposant sur l’hypothèse d’une interaction entre des

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processus associatifs de mémorisation et des processus élaboratifs detraitements relationnels. Cette approche « intégrative » appréhende lespatrons d’activation associatifs, résultats des processus associatifs, commel’unique format de stockage. Les processus élaboratifs sont définis commedes processus de traitement permettant d’établir des relations entre lesSN et les SA, sur la base des unités communes qu’ils partagent entreleurs patrons d’activation respectifs lors des rencontres situationnellesSN-SA. Les combinaisons envisagées entre ces processus justifient notredéfinition du CE sur un continuum, admettant dans un sens autantd’effets de CE différents que de relations SN-SA particulières. Nousavons alors proposé de discuter trois points de ce continuum : des effetsdirects automatiques, des effets indirects automatisés, et des effets indirectsinférentiels. Chacun de ces effets serait caractérisé par une manifestationplus ou moins automatique, coûteuse, intentionnelle, et contrôlée. Dansla perspective de cette approche, la conscience est une propriété crucialepour le succès de tout effet de CE. En particulier, le contenu de l’expérienceconsciente détermine le patron d’activation associatif formé durant lesrencontres SN-SA, et de ce fait le type d’effet de CE généré. En amontde la conscience, une place toute aussi importante est accordée aufocus attentionnel étant donné les liens étroits que ces deux propriétésentretiennent. Comme nous l’avons déjà évoqué, notre approche partageun certain nombre d’hypothèses communes avec le modèle de Perruchetet Vinter (2002). Les autres déterminants situationnels du CE, tels queles conditions procédurales de la phase d’apprentissage ou les relationsSN-SA particulières auxquelles les participants sont exposés, sont supposéesagir sur les effets par la modification du contenu du focus attentionnelet de l’expérience consciente vécue. On précisera qu’à ce jour, de telleshypothèses sur la conscience ne sont pas vérifiables notamment en raisonde multiples limites qui touchent à la mesure d’une telle propriété.

Une meilleure connaissance fondamentale du CE pourrait de touteévidence bénéficier à la compréhension du comportement humain,notamment en raison de l’influence critique de nos réponses évaluativessur notre comportement. En effet, il est communément admis que nousévaluons continuellement les objets et événements qui nous entourent etque le résultat de ce processus évaluatif influence particulièrement notrecomportement futur. Compte tenu de ce lien étroit entre l’évaluationet le comportement, le CE présente un intérêt appliqué évident etpotentiellement prometteur. Parmi ces intérêts, le CE pourrait être utiliséafin de tenter de modifier les appréciations des individus qui ne sont paspropices à leur bien-être, que ce soit dans un contexte thérapeutique (parex., le traitement de certains troubles mentaux et/ou comportementaux

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pourrait être enrichi par le CE : voir par exemple Houben, Schoenmakers,& Wiers, 2010), ou encore dans un contexte de prévention santé (parex., les campagnes de promotion santé pourraient bénéficier du CE, deseffets de CE dans le contexte de messages publicitaires sont régulièrementrapportés : voir par exemple Pleyers et al., 2009 ; Walther & Grigoriadis,2004 ; mais aussi Syssau & Bouy, 2009). Le champ d’application du CE ne selimiterait pas aux domaines préventifs ou thérapeutiques, mais serait selonnous relativement large. À ce jour, l’étendue des applications possibles duCE reste encore à explorer et représente un challenge prometteur pour lesfutures études menées sur ce phénomène.

Reçu le 22 mai 2012.Révision acceptée le 29 mars 2013.

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