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théâtre dès 13 ans 45 minutes L’INTERVENTION CIE THÉÂTRE DU MANTOIS DOSSIER D’ACCOMPAGNEMENT SPECTACLE VIVANT FESTIVAL JEUNE PUBLIC ET FAMILLES 19 E ÉDITION 15 MARS < 1 ER AVRIL 2017
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L’INTERVENTION CIE THÉÂTRE DU MANTOIS · FESTIVAL JEUNE PUBLIC ET FAMILLES 19E ÉDITION 15 MARS < 1ER AVRIL 2017 - 2 - ... en liberté» que Hugo compose durant son exil à Jersey

Jun 17, 2020

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théâtre dès 13 ans45 minutes

L’INTERVENTIONCIE THÉÂTRE DU MANTOIS

DOSSIER D’ACCOMPAGNEMENT

SPECTACLE VIVANT

FESTIVALJEUNE PUBLIC ET FAMILLES19E ÉDITION

15 MARS < 1ER AVRIL 2017

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L’INTERVENTIONCIE THÉÂTRE DU MANTOIS

ThéâtreDès 13 ansDurée 45 minutes

Mise en scène Eudes Labrusse et Jérôme ImardJeu Claire Fretel et Philipp WeissertCostumes, éléments scénographiques et accessoires Cécile Pelletier

Le taudis d’un couple d’ouvriers : Marcinelle et Edmond sont jeunes et courageux mais la pauvreté et les privations leur pèsent. Ils n’ont à se partager qu’un morceau de pain et le souvenir douloureux de leur petite fille, morte à l’âge de deux ans parce que le médecin n’est pas arrivé à temps. Et c’est cette même pauvreté qui met leur amour à rude épreuve. La pièce s’ouvre ainsi sur une scène de jalousie mutuelle : il lui reproche de regarder avec un peu trop d’attention les beaux hommes riches ; elle a peur qu’il ne cède au charme des belles toilettes d’une de ces dames…La rupture de leur couple est déjà proche quand font irruption dans leur vie une demi-mondaine et son baron du moment, le riche excentrique M. Gerpivrac. Marcinelle et Edmond sont alors tiraillés entre la fidélité à leurs origines modestes faites de bonheurs simples, et l’attrait éblouissant d’une vie luxueuse, que leur fait entrevoir cette nouvelle rencontre…

C’est la question de l’injustice et des cloisonnements sociaux que pose l’auteur, avec humour et tendresse, dans cette «comédie» aussi grinçante que virulente.

Le Théâtre du Mantois en propose une forme itinérante et autonome, avec un dispositif particulier en bi-frontal et un «jeu de rôles» virtuose des comédiens qui interprètent à deux chacun des deux couples…

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AUTOUR DU SPECTACLE

Une forme itinérante de proximité

Le projet est conçu comme une forme itinérante et autonome, destinée à être jouée dans des lieux alternatifs : salles d’établissements scolaires, médiathèques, locaux associatifs, petites salles... Il permet ainsi de faire découvrir en toute proximité un aspect méconnu du théâtre hugolien.

Un quatuor en duo : le grand théâtre (social) du monde

C'est la particularité du travail que nous menons autour de la pièce d'Hugo : dans cette dernière, deux couples sont présents sur scène, la distribution concernant donc quatre acteurs ; notre traitement propose une "réduction" avec seulement deux comédiens dont chacun interprète les deux hommes ou les deux femmes de chacun des couples. Naturellement, ce choix d'un "quatuor en duo" est orienté par la forme même du spectacle – qui se veut donc légère et itinérante : il est plus adapté de jouer à deux dans une salle de classe qu'à quatre, aussi bien en termes d'espace que de réalité économique. Mais ce choix est avant tout porteur de sens, aussi bien dramaturgique et théâtral que social, et nous semble approfondir l'essence même des intentions de la pièce.Qu'un même acteur joue alternativement le rôle d'une personne pauvre ou riche nous semble renforcer l'idée que les injustices ne reposent sur aucune valeur autre qu'un déterminisme social malheureux : comme dit la chanson, on ne choisit pas de naître dans la misère – et le hasard aurait très bien pu faire que telle personne opulente aurait pu vivre dans l'indigence, et vice-versa.Ce "double jeu" met en relief le poids des contraintes sociales. Il renvoie implicitement aussi, sur scène, au "grand théâtre du monde" caldéronien : la vie est une comédie dans laquelle chacun joue un "rôle" sans l'avoir choisi, que Dieu (ou le hasard donc) nous a assigné de façon tout à fait arbitraire – et qui aurait donc pu être tout autre. Cette manière originale d'aborder la pièce suppose une adaptation énergique du texte original – puisque dans ce dernier, il arrive que les deux femmes notamment se croisent : une adaptation qui en respecte donc totalement l'esprit, mais peut permettre au fond de le rendre plus ludique et à même d'offrir une dynamique de jeu réjouissante aux acteurs – qui devront s'engager dans une sorte de "jeu de rôles" virtuose.

NOTE D’INTENTION

L’Intervention fait partie d’une série de courtes pièces, relativement méconnues, du «Théâtre en liberté» que Hugo compose durant son exil à Jersey et Guernesey : le recueil a été publié à titre posthume en 1886 et les pièces qui le composent n’ont jamais été jouées de son vivant.

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Une représentation en bi-frontal

L’autre particularité du projet sera scénique : la représentation se développe dans une configuration bi-frontale, avec des rangs de spectateurs en longueur de chaque côté de la scène improvisée dans la salle. Après avoir travaillé avec ce dispositif dans notre dernier spectacle (Jeanne Barré, la Voyageuse invisible - et avec les mêmes comédiens d’ailleurs, qui y sont donc rompus), nous savons combien il renforce une grande intimité avec les comédiens – même dans une forme qui est déjà à la base conçue comme de proximité. Ce choix est lui aussi lié aux contraintes de la forme itinérante : le bi-frontal permet une configuration immédiatement originale et simplement «spectaculaire» quand on investit une salle de classe ou de médiathèque – dans lesquelles le rapport frontal est toujours complexe et peu satisfaisant.

Mais là encore, ce choix nous semble faire sens pour jouer des rapports binaires que suppose la pièce (homme / femme, couple riche / pauvre etc.) et que nous renforcerons avec notre distribution en duo.

Une modernité du propos – et de la mise en scène

L’adaptation, qui est donc d’abord formelle (il fallait redécouper certains passages pour pouvoir jouer à deux au lieu de quatre), et la mise en scène, devaient aussi se pencher sur une possible actualisation du texte.Le propos, fondamentalement, demeure moderne : en ce qui concerne bien sûr les cloisonnements sociaux, le poids des inégalités ; mais aussi dans les rapports psychologiques, ambigus, malsains même, dans le regard des riches sur les pauvres et vice-versa. Le contexte (le milieu du XIXe) est toutefois évidemment daté et le texte sans doute peu parlant pour certains de ses aspects (et notamment le cadre social) pour les plus jeunes à qui le spectacle est destiné : certaines modernisations ont été envisagées pour inscrire le spectacle, par les costumes, les accessoires, la musique surtout – qui jouera entre rock et rap, dans une forme de contemporanéité.

Le miroir des apparences

Cette modernité du propos est fortement présente à travers la fascination pour les apparences. Avec cette courte pièce, Hugo explore et tourne en ridicule la façon dont l’être humain a tendance à toujours trouver l’herbe plus verte dans le pré du voisin. Marcinelle et Edmond ne sont pas les seuls envieux : Eurydice aspire à retrouver la simplicité d’une vie sans mondanité et le cœur d’artichaut du baron s’éprend de Marcinelle. Une thématique qui renvoie bien sûr à notre société de séduction et de consommation qui encourage à vouloir toujours plus de possessions, de beauté, de richesse... Au mépris de ce que la vie a déjà offert à chacun.

Scènographie de Jeanne Barré, la voyageuse invisible, création 2014, compagnie Théâtre du Mantois

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POUR ALLER PLUS LOIN

LE TITRE : UN «THÉÂTRE D’INTERVENTION» ?

La raison pour laquelle Victor Hugo a choisi ce titre n’est pas évidente au premier abord. On voit bien sûr qu’Eurydice et Gerpivrac «interviennent» dans la vie de Marcinelle et Edmond, à la fois pour leur proposer le rêve qu’ils croient caresser et pour leur en montrer l’inanité. La connotation du mot de ce point de vue renvoie du reste à la Providence, donnant à la pièce un faux air de conte. On peut penser aussi au rôle que joue la robe de l’enfant à la fin de la pièce : elle «intervient» en quelque sorte pour empêcher le couple de se briser. Mais il est possible de deviner peut-être une autre intention encore d’Hugo : il s’agit là, en effet, de l’un des premiers exemples de ce qu’on a pu appeler par la suite précisément le «théâtre d’intervention», un théâtre politique s’essayant à regarder la réalité en face pour éperonner la conscience des spectateurs. C’est, avec Mille francs de récompense et La Forêt mouillée, que l’on trouve aussi dans le Théâtre en liberté, une des rares pièces de Hugo dont l’action se déroule au XIXe siècle. Elle est même la plus contemporaine de toutes, puisque, écrite entre le 7 et le 14 mai 1866, la pièce se passe exactement l’un de ces jours-la, Hugo s’étant amusé à glisser des allusions puisées «en direct» dans les journaux de la semaine. Au-delà de l’anecdote, cette tentative d’un «théâtre du quotidien» bien avant la lettre a incontestablement valeur «d’intervention» de la part de son auteur, de prise de position.Elle est, tout en restant souvent cocasse, une dénonciation des aliénations et des déterminations, elle expose clairement un point de vue critique sur l’ordre social, sur la domination des femmes par les hommes aussi. Elle est, même, un cri de colère contre le fait que la condition sociale a droit de vie ou de mort sur les individus : moins pauvre en effet, la fille de Marcinelle et d’Edmond ne serait pas morte.

Si notre contexte social n’est plus celui du Second Empire, il n’est pas certain que tout le scandale en soit aujourd’hui épuisé, et il est sûr en revanche que L’Intervention met en œuvre l’un des ressorts les plus nécessaires du théâtre moderne : la révolte et la critique des injustices.

La forme proposée par le Théâtre du Mantois (spectacle «hors les murs», joué par exemple au cœur même d’un établissement solaire, avec un rapport public très proche, accentué par la bi-frontalité) va dans le sens de cette notion d’un «théâtre d’intervention».

LA MORT DE LA PETITE FILLE ET CELLE DE LÉOPOLDINE

Léopoldine est la fille de Victor Hugo. En février 1843, âgée de 19 ans, elle épouse Charles Vacquerie. Quelques mois plus tard, les époux se rendent chez un notaire dans la ville de Caudebec à bord d’un canot neuf. Au retour du rendez-vous, un tourbillon de vent renverse la barque. Léopoldine finit par se noyer et son mari, pourtant bon nageur, se laisse mourir dans l’eau pour accompagner sa jeune femme.

Les morts prématurées et tragiques de sa fille et de son gendre auront une très grande influence sur l’œuvre et la personnalité de Victor Hugo. L’écrivain n’apprendra la mort de sa fille préférée que quatre jours plus tard dans la presse. « On m’apporte de la bière et un journal, Le Siècle. J’ai lu. C’est ainsi que j’ai appris que la moitié de ma vie et de mon cœur était morte » écrira-t-il plus tard.Ce drame va effectivement bouleverser la vie de Victor Hugo. La mort de Léopoldine impressionnera aussi beaucoup sa jeune sœur Adèle Hugo âgée de 13 ans, au point d’ébranler la santé psychique de l’adolescente.Mesurant la fragilité de la vie et du bonheur, l’auteur s’abstient de toute publication pendant plusieurs années. Il s’initie aussi au spiritisme et aux tables tournantes. Enfin, ce pilier de l’ordre monarchique et bourgeois se mue en héraut des humbles et de la République.

Il consacrera à la mémoire de sa fille de nombreux poèmes, notamment le fameux «Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne…» et À Villequier dans Pauca Meae, l’ensemble du quatrième livre Les Contemplations, ainsi que : «Elle avait pris ce pli...» Dans L’intervention, un personnage absent est essentiel à l’intrigue : celui de la petite fille du couple Marcinelle-Edmond, morte de maladie à deux ans (voir la fin de l’extrait proposé) ; c’est son souvenir qui, dans la dernière scène, permet au couple de résister à la rupture. Il est évident que, dans la pièce, ce fantôme de la petite fille a pour l’auteur des échos très forts avec la disparition de sa propre fille.

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EXTRAIT DU TEXTE

SCÈNE PREMIÈRE / EDMOND, MARCINELLEUne chambre mansardée. Mobilier très pauvre.

EDMOND Au diable, la jalouse ! MARCINELLE Au diable, le jaloux ! EDMOND Allons. La paix. Embrasse-moi. MARCINELLE Non. EDMOND Tu ne m’aimes donc pas ? MARCINELLE Je t’adore. EDMOND Hé bien, alors ? MARCINELLE Je te déteste. EDMOND Pourquoi ? MARCINELLE Parce que je t’adore. EDMOND Veux-tu m’embrasser?MARCINELLE Où est mon carton? Je suis en retard. Il faut que j’aille porter mon ouvrage. EDMOND (lui saisit doucement le bras) Promets-moi que tu ne me feras plus de scènes ? MARCINELLE Promets-moi que tu ne seras plus jamais bête. EDMOND Quel est le plus bête de l’homme jaloux ou de la femme jalouse ? MARCINELLE C’est toi. EDMOND Non, c’est la femme. MARCINELLE Je te dis que c’est toi qui es bête. EDMOND La femme jalouse a l’air d’avouer qu’elle n’est pas jolie. MARCINELLE Et l’homme jaloux avoue qu’il n’est pas spirituel. EDMOND Peu importe, tu es jolie. Tu l’es trop. MARCINELLE Et toi !... mais je ne te dirai pas ce que je pense. Il ne faut jamais donner d’avantages aux hommes. Ils en abusent. Voyons. Es-tu toujours jaloux? EDMOND Oui. Et toi, es-tu toujours jalouse? MARCINELLE Non. Mais que je te vois regarder une femme !

EDMOND Ah ! Si nous n’étions pas pauvres, nous ne serions pas jaloux. MARCINELLE C’est vrai. Je sais bien que je ne suis pas affreuse, mais ma robe est laide. Tu vois des femmes mieux mises que moi, et cela m’inquiète. Je n’ai pas de quoi acheter toutes les choses nécessaires sans lesquelles une femme n’est pas une femme, les rubans, les chiffons, les fanfreluches, l’assaisonnement, quoi ! Je ne suis pas assez riche pour être jolie. Un manche à balai sur lequel il y a une robe de soie me fait concurrence, et j’ai peur de toutes les toilettes qui passent, et que tu peux voir. Même si ce ne sont que des poupées, il leur est tellement facile de prendre le mari de leur prochaine !EDMOND Eh bien, et toi, qui regardes caracoler sur le boulevard des idiots en bottes vernies, crois-tu que cela m’amuse, moi, avec ma blouse ! Tes élégants ont des gants blancs, et moi j’ai les mains noires du travail. Fainéants !MARCINELLE Te rappelles-tu notre petite fille ? EDMOND Ah ! C’est mon songe de tous les instants. MARCINELLE Quand elle jouait là, te la rappelles-tu ? EDMOND Avec sa petite robe blanche. MARCINELLE Que je savonnais moi-même. EDMOND Et dont tu avais fait les dentelles. MARCINELLE Elle essayait de parler. Comme elle nous faisait rire ! Au lieu de dire : bonjour, elle disait azor. Te rappelles-tu ? EDMOND Nous sommes bien pauvres, et pourtant avec sa robe blanche à dentelles, elle avait l’air d’une petite reine. Oh ! Saleté de tuberculose! MARCINELLE Elle n’avait que deux ans. EDMOND Deux ans. C’est une drôle de chose que le bon Dieu ne puisse pas prêter un ange plus longtemps que cela. MARCINELLE Tu sais bien ce placard ! (Elle montre un placard)EDMOND Eh bien? MARCINELLE J’ai là sa petite robe. Veux-tu la voir? EDMOND Non. Je pleurerais. Et j’ai besoin de mes yeux pour travailler. — Allons, au boulot !

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DISCOURS DE VICTOR HUGO CONTRE LA MISÈRE

9 juillet 1849, discours à l’Assemblée législative.

Je ne suis pas, messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine ; mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. Remarquez-le bien, messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. (Nouveaux murmures à droite). La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. (Oui ! oui ! à gauche). Détruire la misère ! oui, cela est possible. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli. (…)Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a point pour base l’ordre moral consolidé ! (Très bien ! très bien ! Vive et unanime adhésion.) Vous n’avez rien fait tant que le peuple souffre ! (Bravo à gauche.) Vous n’avez rien fait, tant qu’il y a au-dessous de vous une partie du peuple qui désespère ! Vous n’avez rien fait, tant que ceux qui sont dans la force de l’âge et qui travaillent peuvent être sans asile ! tant que l’usure dévore nos campagnes, tant qu’on meurt de faim dans nos villes ! (mouvement prolongé) tant qu’il n’y a pas des lois fraternelles, des lois évangéliques qui viennent de toutes parts en aide aux pauvres familles honnêtes, aux bons paysans, aux bons ouvriers aux gens de cœur (Agitation). Vous n’avez rien fait, tant que l’esprit de révolution a pour auxiliaire la souffrance publique ! Vous n’avez rien fait, tant que dans cette œuvre de destruction et de ténèbres, qui se continue souterrainement, l’homme méchant a pour collaborateur fatal l’homme malheureux ! (Profonde sensation). Vous le voyez, messieurs, je le répète en terminant, ce n’est pas seulement à votre générosité que je m’adresse, c’est à votre sagesse, et je vous conjure d’y réfléchir. Messieurs, songez-y, c’est l’anarchie qui ouvre les abîmes, mais c’est la misère qui les creuse. (C’est vrai ! c’est vrai !) Vous avez fait des lois contre l’anarchie, faites maintenant des lois contre la misère !

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LE THÉÂTRE DE VICTOR HUGO (PAR ANNE UBERSFELD)

Théoricien du drame, Hugo est le principal auteur de la révolution romantique au théâtre. Déchiré par l’opposition politique et personnelle de ses parents, pris dans les remous de l’histoire (guerre d’Espagne, exécution de son parrain…) opposant à l’Empire, puis la Restauration, Hugo cherche, très jeune, dans le théâtre, une solution imaginaire aux contradictions du monde et du moi ; adolescent il explore tous les genres. En 1827, il ose une préface qui est un manifeste, et un drame atteint de gigantisme (six mille vers), Cromwell ; les deux le rendent immédiatement célèbre. La Préface, bien au-delà de la lutte contre les trois unités et la tragédie néoclassique sclérosée, est un manifeste pour la liberté du théâtre, liberté concrète mais réglée par la pensée de l’histoire, par la poésie, par le grotesque considéré comme présence subversive d’une contre-culture populaire. Le drame, « miroir de concentration », est aussi miroir du monde.

De triomphes en échecs – 1829 – 1843 Hugo écrit en 1829, coup sur coup, Marion de Lorme et Hernani. Marion, qui avait pour modèles les comédies de Corneille, est arrêté par la censure pour offense à... Louis XIII. Pour Hernani, devant la cabale qui s’annonce (menée par les auteurs « classiques » qui tiennent le Théâtre-Français et les subventions), Hugo, fait appel à la jeunesse, littérateurs et artistes ; le combat est leur combat : pour la liberté de l’art, pour le droit de tout dire. Hugo, pour garder sa liberté, change de théâtre ; la Porte-Saint-Martin, théâtre privé, lui offrant de meilleures garanties contre la censure. Mais ce n’est pas une solution capable de le satisfaire : ce qu’il veut, c’est investir la totalité de la scène française, et d’abord le Théâtre-Français, théâtre de l’élite et des grandes œuvres classiques. Il conçoit une curieuse stratégie croisée : pour le Théâtre-Français, une tragédie « grotesque », en vers, de forme quasi classique, mais dont le héros est un bouffon du roi et le sujet un régicide manqué. Pour la Porte-Saint-Martin, un drame en prose, qui est, parle sujet, une tragédie familiale, une sorte de drame des Atrides dans la tribu des Borgia. La première partie de la tentative se solde par un des grands désastres de l’histoire du théâtre... et par un procès ; la pièce ayant été interdite, illégalement, Hugo intente un procès au théâtre, mais ne réussit pas à sauver Le roi s’amuse (décembre 1832). Le second volet s’ouvre sur un triomphe, celui de Lucrèce Borgia, à la Porte-Saint-Martin (janvier 1833). Hugo récidive à la fin de 1833 par un autre drame historique en prose, Marie Tudor, image transposée de la Révolution de 1830.

Hugo cherche une salle nouvelle : le pouvoir la crée pour lui et pour Dumas : la Renaissance. Hugo y fait jouer l’œuvre qui correspond le mieux, sans doute, à son idéal, Ruy Blas (1838). L’œuvre est bien accueillie par le public, mais excite le ricanement de la critique. En 1843, il donne au Théâtre-Français un drame d’un type nouveau, proprement épique, Les Burgraves, il y reprend le problème d’Hernani, l’opposition de la révolte et de la légitimité, de l’ordre et de la liberté, ici résolue par la réconciliation et le pardon. L’œuvre laisse le public plus ébaubi que conquis. Hugo renonce au théâtre pour plus de vingt ans.

La dramaturgie de Hugo

Malgré la multiplicité des formes et des formules, un certain nombre de traits se dessinent : importance de l’histoire, fût-ce de l’histoire symbolique, refus de l’actualité, de l’allusion et, sauf des exceptions tardives, du contemporain ; importance de l’écriture poétique en alexandrins ou en prose, importance de la parole, et même de la tirade, mais d’une parole toujours problématique. Drame grotesque, le drame de Hugo donne la parole à qui ne l’a pas, un ouvrier (Marie Tudor), une prostituée (Marion de Lorme), un proscrit politique (Hernani), un simple soldat (Lucrèce Borgia), un laquais (Ruy Blas), parole scandaleuse par nature, mais aussi scandaleusement inefficace. Le pessimisme de l’œuvre l’éloigne du mélodrame, presque toujours conformiste et optimiste, et la psychologie des personnages, bien loin d’être superficielle, travaille dans l’inattendu, la violence : c’est une psychologie des états exceptionnels. Si le drame est drame de l’histoire, il est tragédie moderne par l’importance des liens familiaux, fraternels en particulier, dans la mesure où le problème central de tout drame d’Hugo, du début à la fin de sa carrière, est toujours le problème de l’identité. C’est par là que, bien au-delà des querelles littéraires, il retrouve dans la dernière décennie un regain d’actualité. Souvent dédaigné par les doctes, le théâtre d’Hugo est très bien accueilli par le public. Après des décennies de représentations médiocres, Vilar le ressuscite avec Ruy Blas et Marie Tudor, joués par Gérard Philipe et Maria Casarès ; il y eut, après, beaucoup de représentations intéressantes, et, parmi elles, Mille francs de récompense d’Hubert Gignoux, et le Hernani, montés par Vitez pour le centenaire du poète.

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L’ÉQUIPE ARTISTIQUE

Mise en scène

Eudes LabrusseDirecteur du Théâtre du Mantois, il est écrivain : une dizaine de textes publiés à L’Avant Scène Théâtre, dont Le Rêve d’Alvaro qui a obtenu l’aide à la production de la DMDTS; certains créés par le Théâtre du Mantois, d’autres par les compagnies L’Art Mobile ou La Bouche d’Ombre ; il est appelé pour mener des ateliers dans diverses structures (Centre National des Arts du Cirque, différents Atelier de Pratique Artistique, maison d’arrêt etc.). Il est également co-metteur en scène des spectacles de la compagnie (Monsieur et Monsieur, Le Collier de perles du Gouverneur Li Qing, Madame, Le Bouc, Nalia la nuit, Le Rêve d’Alvaro, Elias Leister a disparu, Le Couperet – et dernièrement, Jeanne Barré, la Voyageuse invisible). Il a par ailleurs dirigé pendant douze ans La Nacelle, salle de spectacle d’Aubergenville, pour laquelle il a obtenu le statut de Scène Conventionnée. Il a aussi été président du Groupe des 20 Théâtres en Île-de-France entre 2011 et 2014.

Jérôme ImardAprès avoir enseigné la philosophie, notamment comme chargé de cours à la Faculté de Villetaneuse, il se consacre exclusivement au théâtre depuis 1995. Co-directeur du Théâtre du Mantois, il poursuit conjointement un travail de metteur en scène et de comédien. Il joue avec Daniel Postal, Corinne Guédet, participe de 1997 à 2004 à de nombreuses créations d’Engrenage Théâtre (comme comédien et collaborateur artistique de René Albold) et aborde les répertoires classique et contemporain : Dom Juan, Cyrano de Bergerac (De Guiche), La Dame de chez Maxims (Petypon), Les Émigrés de Slawomir Mrozek, Cendre de Cailloux de Daniel Danis, et Noce de Jean Luc Lagarce. Metteur en scène associé du Théâtre du Mantois, il co signe avec Eudes Labrusse les créations de la compagnie. Il participe depuis cinq ans aux «concert-lecture» du Festival d’Île-de-France. Il assure parallèlement des activités pédagogiques en lien avec diverses compagnies, associations ou institutions.

Jeu

Claire Fretel En 2000, elle fonde sa première compagnie et joue Tu m’aimes comment ? écrit et mis en scène par Marc-Michel Georges. Après des études d’Histoire à la Sorbonne, elle entre au Cours Florent puis intègre l’ESAD en 2004. Elle assiste Nathalie Colladon à la mise en scène d’Anna et

Nina et rencontre Elodie Bensoussan qui la met en scène dans Après la pluie de Sergi Belbel (2004-2006). En 2006, elle initie un partenariat entre ANETH et le Collectif Mona pour travailler sur des textes contemporains et met en lecture El Mona de Koffi Kwahulé pour les mardis midis du Théâtre du Rond Point. Tout en poursuivant son travail de comédienne, elle se tourne vers la mise en scène avec Araberlin de Jalila Baccar (création en 2008, lauréate du prix Paris Jeunes Talents) et Devenir le Ciel de Laurent Contamin (création en 2011). Elle est entre 2012 et 2016 assistante à la mise en scène auprès de Pierre Notte pour l’ensemble de ses créations. En 2015, elle créé avec la compagnie Les Filles de Simone le spectacle C’est (un peu) compliqué d’être l’origine du monde, joué notamment au Théâtre du Rond Point.

Philipp WeissertComédien, il achève sa formation à l’École Claude Mathieu en 1995. S’ensuit un compagnonnage avec Jérôme Imard et Eudes Labrusse au sein de la compagnie du Théâtre du Mantois : il joue dans Le collier de perles du gouverneur Li-Qing, Madame, Elias Leister a disparu. Il travaille également avec Fabian Chappuis : comédien dans Marie Stuart ; assistant dans Le Cercle de craie caucasien ; avec René Albold au Théâtre du Masque d’Or (Cyrano de Bergerac, Ruy Blas, Berlin ton danseur est la mort, Musée Haut - Musée Bas, Le conte d’hiver) ; Francis Sourbié au Vingtième Théâtre (Manon Lescaut, Rodogune, Georges Dandin) ; il fait partie de l’aventure de La Guinguette a rouvert ses volets (3 nominations au Molières 2005, prix Spedidam de la meilleure comédie musicale) et de celle des Coquelicots des tranchées, mise en scène de Xavier Lemaire, Molière 2015 du meilleur spectacle de théâtre public. Par ailleurs, il participe régulièrement à des pièces radiophoniques pour France Culture et France Inter. Il est un des acteurs de la série télé Un village français.

Scénographie, costumes, accessoires

Cécille PelletierFormée aux Beaux-Arts d’Anvers, elle est passionnée par la matière, ses alliages, ses transformations : tissus, métal, bois, plâtre, peinture. Son travail de plasticienne lui a permis de travailler dans les différents univers du spectacle vivant : le théâtre, la danse, le théâtre de rue, cirque, la musique. Après une période parisienne à travailler pour des artistes aux univers différents (Alain Sachs, Alfredo Arrias, différents metteurs en scène flamands à Anvers…), la vie a délocalisé ses créations en Bretagne. L’univers de l’art de la rue et de la danse occupe désormais une large partie de son travail : objets détournés, costumes-sculptures qui ont élargi son expérience dans un axe plus scénographique.

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Les Francos est un festival jeune et tout public organisé par une compagnie de théâtre professionnelle, Le Théâtre du Mantois.

Président Jacques JaudeauDirection Eudes LabrusseCodirection Jérôme ImardAdministration Anne Conforti-SoutySecrétariat Aïcha Audrey YodjouDéveloppement culturel et relations publiques Constance WincklerCoordination et communication du festival Anne-Lise Jacques et Clément FahyAssistante de production Juliana CanattoneDirection technique Nicolas PrigentChargée d’accueil et de billetterie Laureen Champagne-Aubry

Festival Les Francos - Théâtre du MantoisPavillon des Festivals - 28 rue de Lorraine78200 Mantes-la-Jolie01 30 33 02 26 www.les-francos.org

l’équipe

Composition du dossier d’accompagnement Eudes Labrusse

Sources dossier de la compagnie, Anne Ubersfeld.