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LA LENTE MUTATION DES ÉLITES ADMINISTRATIVES FÉDÉRALES SUISSES Yves Emery et al. I.I.S.A. | Revue Internationale des Sciences Administratives 2014/4 - Vol. 80 pages 725 à 747 ISSN 0303-965X Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-administratives-2014-4-page-725.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Emery Yves et al., « La lente mutation des élites administratives fédérales suisses », Revue Internationale des Sciences Administratives, 2014/4 Vol. 80, p. 725-747. DOI : 10.3917/risa.804.0725 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour I.I.S.A.. © I.I.S.A.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lausanne - - 130.223.63.59 - 19/01/2015 15h05. © I.I.S.A. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Lausanne - - 130.223.63.59 - 19/01/2015 15h05. © I.I.S.A.
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La lente mutation des élites administratives fédérales suisses

Feb 28, 2023

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LA LENTE MUTATION DES ÉLITES ADMINISTRATIVES FÉDÉRALESSUISSES Yves Emery et al. I.I.S.A. | Revue Internationale des Sciences Administratives 2014/4 - Vol. 80pages 725 à 747

ISSN 0303-965X

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-administratives-2014-4-page-725.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Emery Yves et al., « La lente mutation des élites administratives fédérales suisses »,

Revue Internationale des Sciences Administratives, 2014/4 Vol. 80, p. 725-747. DOI : 10.3917/risa.804.0725

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Copyright © 2014 IISA – Vol 80 (4) : 725-747

RevueInternationale des SciencesAdministratives

La lente mutation des élites administratives fédérales suissesYves Emery, David Giauque et Frédéric Rebmann 1

Résumé

La présente contribution a pour objectif de faire le point sur le profil des élites admi-nistratives suisses, au niveau fédéral, en montrant l’évolution de leur profil lié à ce qu’il convient maintenant d’appeler la vague de nouvelle gestion publique (NGP), laquelle a bénéficié d’un terreau très favorable en Suisse. Ces élites correspondent à un ordre institutionnel spécifique, en lien avec des structures et fonctionnements organisation-nels particuliers, et possèdent des spécificités en matière de trajectoires profession-nelles et de formation. Or, les réformes administratives qui se sont développées depuis les années 1980 ont transformé l’ordre institutionnel dans lequel évoluent les cadres dirigeants de l’administration fédérale. Cet article analyse dans quelle mesure ces transformations ont pu avoir un impact sur les caractéristiques de ces élites, à travers les indicateurs de capital scolaire, capital social, ainsi que de trajectoire professionnelle interne ou externe à l’administration. Les résultats montrent une lente mais significa-tive évolution des profils de ces élites, en direction d’une managérialisation croissante reflétant celle du contexte dans lequel elles évoluent.

Remarques à l’intention des praticiens

Les relations politico-administratives sont bien sûr fonction des individus mais dépendent étroitement des profils des acteurs. Actuellement, celles-ci se transforment sous l’impact des réformes administratives mais également de par l’évolution des pro-fils des acteurs tant politiques qu’administratifs. Aussi, mieux comprendre la lente évolution des profils des élites administratives autorise une meilleure compréhension du binôme politico-administratif. La managérialisation progressive de l’élite adminis-trative soulignée dans le présent article permet également de mieux saisir quelles sont les expériences professionnelles, qualifications et compétences qui sont aujourd’hui valorisées au sein de la haute fonction publique suisse.

1 Yves Emery est professeur à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP), Lausanne. Courriel : [email protected]. David Giauque est professeur à l’Université de Lausanne, Faculté des sciences sociales et politiques, Institut d’études politiques et internatio-nales (IEPI) Courriel : [email protected] et Frédéric Rebmann est Doctorant à l’Univer-sité de Lausanne, Faculté des sciences sociales et politiques, Institut d’histoire économique et sociale (IHES). Courriel : [email protected].

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Mots-clés : élites administratives, professionnalisme, professions, réforme du secteur public.

IntroductionLes élites administratives aux niveaux fédéral, cantonal et dans une moindre mesure communal, n’ont que peu fait l’objet d’analyses récentes en Suisse. Les rares études portant spécifiquement sur les élites administratives suisses sont focalisées sur la haute fonction publique de l’Administration fédérale (Klöti, 1972 ; Roth, 1994), plus rarement sur la Confédération et les Cantons (Urio, 1989), ce qui dans ce dernier cas touche une population de quelque 1200 personnes. Des cadres dirigeants qui sont désignés, dans la pratique administrative suisse, par diverses appellations telles que hauts fonctionnaires 2, cadres supérieurs, grands commis de l’État, mais également bien que plus rarement managers publics (Farn-ham et al., 1996), une appellation plus courante dans les pays anglo-saxons. Dans ce texte, les cadres dirigeants retenus occupent des fonctions dépendant direc-tement de l’autorité politique, désignées généralement par « chef d’office » pour l’administration fédérale, et « chef de service » pour les cantons 3. Ces personnes appartiennent à la catégorie des élites administratives, c’est-à-dire des individus détenant des positions les autorisant à prendre des décisions d’importance pour leur organisation et les personnes qui en font partie. Bien sûr, cette notion d’élite est très controversée dans la littérature et il existe de multiples définitions. Cepen-dant, nous appuyant sur Rouban, nous définirons la notion d’élite de la manière suivante : « On définira ici en revanche une élite comme un groupe social dispo-sant de ressources diverses (économiques, culturelles, réseaux de relations, etc.) plus importantes et plus durables que celles des autres groupes sociaux lui per-mettant d’imposer un ordre institutionnel et la doctrine qui lui correspond, ce qui lui permet notamment de définir… ce qu’est une élite. L’ordre institutionnel vient organiser les carrières ou les trajectoires professionnelles dans le milieu admi-nistratif ou politique. Il permet également d’articuler les pratiques sociales aux exigences de légitimation d’un régime politique (l’accent mis sur la scientificité de l’État ou sur le pluralisme des mécanismes de décision, etc.) » (Rouban, 2007 : 221). Cette définition met l’accent sur le fait que la notion d’élite est collective, il s’agit d’un collectif et non de quelques individus. Elle est bien évidemment relative dans la mesure où au sein d’une élite existent également des hiérarchies, tous ses membres n’occupant pas les mêmes positions et ne possédant pas les mêmes ressources. Elle est, finalement, contestée dans le sens où les débats sur l’existence et l’origine des élites sont encore très vivaces.

2 Le terme de « fonctionnaire » a été largement abandonné par les statuts de la fonction publique en Suisse (Bellanger et Roy, 2013), c’est pourquoi nous utiliserons préférentiellement l’expression de cadres dirigeants.

3 Au sein des administrations communales (quelque 2400 en Suisse) se trouvent naturellement aussi des cadres dirigeants, assimilables à des chefs de service. Dans certaines grandes villes, ces chefs de service peuvent avoir des responsabilités managériales supérieures (en termes d’effectifs subordonnés, de budget, etc.) à ceux de petits cantons.

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La présente contribution a pour objectif, précisément, de faire le point sur les particularités des cadres dirigeants de l’administration fédérale composant cette élite administrative fédérale, en soulignant quelques évolutions récentes liées à ce qu’il convient maintenant d’appeler la vague de nouvelle gestion publique (NGP), laquelle a bénéficié d’un terreau très favorable en Suisse (Giauque et Emery, 2008). Les élites administratives fédérales suisses correspondent donc à un ordre institutionnel spécifique, en lien avec des structures et fonctionnements organisationnels particuliers, et possèdent des spécificités en matière de trajec-toires professionnelles, de formations également. Ce groupe social possède donc des caractéristiques assez durables qui se trouvent en lien avec un environnement institutionnel spécifique. Or, les réformes administratives qui se sont développées depuis les années 1980 ont transformé, du moins en partie, l’ordre institutionnel dans lequel évoluent les cadres dirigeants de l’administration fédérale. Dès lors, il paraît légitime de se demander si les transformations à la fois structurelles, organisationnelles, managériales contemporaines ont pu avoir un impact sur les caractéristiques des élites administratives. Par caractéristiques, nous pensons notamment aux types de formation qui permet les trajectoires professionnelles de ces élites. Il s’agit d’investiguer le type de formation suivi, mais également de s’interroger sur la formation continue, de plus en plus importante. Il s’agira éga-lement de voir si ces élites sont issues du sérail administratif ou d’un autre milieu. Ce sont précisément les objectifs de l’article, au-delà du fait d’évoquer lesdites caractéristiques, qui n’ont pas fait l’objet de nombreuses recherches jusqu’ici.

Alors que les pays anglo-saxons connaissent les premières initiatives de managérialisation durant les années 1980, il faut attendre la décennie suivante pour que les administrations helvétiques soient également touchées. Au début des années 1990, la NGP se développe en Suisse, puisque tant l’Administration fédérale que nombre de cantons et grandes villes se lancent dans l’application de principes issus de cette nouvelle manière de concevoir et piloter les services publics (Lienhard et al., 2005). L’approche NGP ambitionne alors de transformer les cadres dirigeants en responsables d’entreprises publiques (Delley, 1994) ayant des prestations à fournir à des clients. Dans cette perspective universaliste qui assimile la gestion publique à la gestion tout court, les théories et méthodes issues de la gestion d’entreprise privée constituent un répertoire central, à la fois instrumental et valoriel, dans lequel puiser pour augmenter l’efficience et l’efficacité des services dirigés. Outre les outils de management public liés à la définition et au pilotage des prestations, à l’organisation et la gestion financière, la NGP contribue à transformer en profondeur les processus et outils de GRH publique (Desmarais et al., 2007). Parmi les changements les plus marquants, relevons (Emery et Giauque, 2012) le renforcement de la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, des processus de recrutement recourant de manière plus systématique à des outils d’évaluation validés, en particulier des assessments pour les cadres dirigeants, et le développement de processus de formation permettant d’actualiser le niveau de compétences du personnel en place, avec des cursus de formation suggérés ou obligatoires pour les cadres intermédiaires et cadres dirigeants.

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Un accent particulier est alors mis sur la gestion des performances à tous les niveaux de la hiérarchie, ce qui implique une définition plus claire des responsa-bilités, la fixation des objectifs à atteindre, un système d’évaluation des perfor-mances et, comme cela est maintenant fréquent dans la fonction publique suisse, un système d’incitatifs financiers (salaire à la performance, en vigueur dès 2003 au sein de l’Administration fédérale). Pour les cadres dirigeants en particulier, ces changements ont eu des répercussions importantes, d’abord au niveau politique (Schmidt, 2007), notamment dans la clarification des finalités et objectifs pour-suivis par les politiques publiques mises en œuvre, et au niveau des méthodes de fonctionnement de l’administration publique. Ces méthodes impliquent que les cadres dirigeants maîtrisent de nouvelles compétences, dans le registre de la managérialisation.

De nombreuses évaluations, en Suisse et au niveau international, ont permis d’apprécier les apports, mais également et surtout les limites de la NGP, dans un environnement légal et institutionnel qui demeure résolument public (Meier et O’Toole Jr, 2009 ; Schmidt, 2007). Reste qu’il manque singulièrement d’études sur l’impact de ces réformes sur les élites administratives, d’où l’intérêt de la pré-sente contribution. Pour ce faire, nous allons mobiliser un cadre théorique parti-culièrement pertinent dans l’environnement politico-administratif suisse : le cadre institutionnel et les chemins de dépendance qu’il génère seront mis en évidence par l’approche néo-institutionnelle, comme grille de lecture des évolutions carac-térisant la haute fonction publique suisse, et en particulier des caractéristiques des cadres dirigeants publics.

À la lumière de ce cadre théorique développé sous le point suivant, cet article expose les particularités institutionnelles suisses, notamment celles qui ont trait à l’administration fédérale, le niveau le mieux documenté et que nous retien-drons en priorité pour notre analyse. Dans un deuxième temps, nous présentons les spécificités marquantes de la haute fonction publique helvétique, ce qui nous permettra de mettre en exergue les changements progressifs récents qui expliquent en partie l’émergence de nouvelles caractéristiques parmi les élites administratives suisses. Sur la base de ces analyses, nous formulerons les princi-pales conclusions touchant l’évolution de ces élites.

Perspective théorique générale et propositions de rechercheLa perspective théorique à partir de laquelle notre réflexion est construite s’inscrit dans les réflexions propres à la théorie néo-institutionnelle des organisations dans sa version à la fois historique et sociologique (DiMaggio et Powell, 1983 ; Scott, 1995). La version historique, souvent sollicitée dans les approches comparatives des administrations publiques notamment (Kuhlmann, 2010a), part de l’idée selon laquelle les évolutions institutionnelles que l’on peut observer, notamment au niveau du fonctionnement politico-administratif, se développent toujours en lien étroit avec les conditions institutionnelles qui prévalaient et l’histoire parti-culière des institutions. La structuration, le fonctionnement de l’appareil admi-nistratif, de même que ses réformes suivent un chemin de dépendance  (path dependency) particulier toujours plus ou moins lié aux spécificités institutionnelles

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et aux particularités des systèmes politiques nationaux. « From this theoretical perspective, subsequent policy choices appear to be conditioned by ‘policy lega-cies’ springing from the past » (Kuhlmann, 2010b : 1117). En ce sens, des com-paratistes ont montré que les réformes administratives sont fonction des types de régime politique, voire des traditions administratives (Lodge, 2007 ; Painter et Peters, 2010 ; Pollitt et Bouckaert, 2004). Ainsi, les pays fédéraux plus décen-tralisés, dont les gouvernements sont fondés sur des principes d’inclusion et de consensus, engendrent des réformes administratives incrémentales, comme c’est le cas en Suisse, où la culture est caractérisée par des mécanismes de régula-tion qui empêchent tout changement radical (Berchtold, 1989 ; Germann, 1996 ; Giauque, 2013).

La version plus « sociologique » de l’approche néo-institutionnelle souligne, quant à elle, qu’il existe un lien important entre l’environnement et les orga-nisations et que ces dernières sont à la fois le reflet des institutions sociétales plus larges dans lesquelles elles s’inscrivent tout en contribuant à modeler ces institutions sociales en retour (Brint et al., 1991). Comme le notait l’un des pré-curseurs de la théorie néo-institutionnelle, à savoir Selznick, les organisations se transforment, avec le temps, en institutions. « Institutionalization is a process. It is something that happens to an organization over time, reflecting the orga-nization’s own distinctive history, the people who have been in it, the groups it embodies and the vested interests they have created, and the way it has adapted to its environment… In what is perhaps its most significant meaning, to institu-tionalize is to infuse with value beyond the technical requirements of the task at hand » (Selznick, 1957 : 16-17). La version sociologique de l’approche néo-insti-tutionnelle des organisations insiste donc plus particulièrement sur l’importance des schèmes cognitifs, des valeurs culturelles, des normes et règles qui ont pour particularité d’imprégner fortement les perceptions des acteurs et influencent, par conséquent, à la fois les actions futures de leurs membres mais également les institutions elles-mêmes (Hall et Taylor, 1996).

Cette perspective néo-institutionnelle part du postulat selon lequel les « condi-tions institutionnelles » d’origine constituent un cadre duquel les changements institutionnels ultérieurs s’éloignent rarement de manière radicale. Autrement dit, un chemin de dépendance trace d’une certaine manière les grandes lignes des changements institutionnels et les réformes et transformations sont marquées autant par des éléments de continuité que par des facteurs d’innovation. En sou-lignant l’importance de l’histoire des institutions ainsi que celle des valeurs et de la culture dans le développement et la structuration des organisations, l’approche néo-institutionnelle insiste ainsi plutôt sur le caractère plus spécifiquement incré-mental des réformes institutionnelles plutôt que sur des transformations de plus large échelle (Kuhlmann, 2010b : 1117).

Si notre démarche s’inspire principalement du courant néo-institutionnaliste, elle ne saurait faire abstraction des écrits portant sur la sociologie des élites, laquelle s’intéresse en priorité aux membres de la corporation politique, plus rare-ment aux cadres dirigeants de l’administration publique (Genieys, 2011). L’étude des élites politiques met en exergue l’importance du lien entre structures poli-tiques (ou type de régime politique) et profil des élites politiques, qui se trouvent

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en profonde interaction. Les structures influencent donc les profils, de même que les élites en place ont un impact sur lesdites structures. Le profil sociographique des élites diffère par conséquent d’un régime autoritaire, par exemple, à un régime plus démocratique (Page et Wright, 1999). Cette réflexion peut donc se rapprocher des considérations néo-institutionnalistes présentées précédemment. Dès lors, nous partons de l’idée principale selon laquelle les caractéristiques des élites administratives suisses reflètent les particularités d’un ordre institutionnel spécifique. Ce dernier est étroitement lié aux structures et au fonctionnement de l’administration fédérale, aux valeurs qui y prévalent, aux trajectoires profession-nelles dites « normales » ou considérées comme « légitimes » et contribuant ainsi à une certaine reproduction des élites. Dans le présent article, nous prendrons soin de tisser un lien entre structures étatiques ou institutionnelles et caracté-ristiques des élites administratives. En particulier, nous nous questionnerons sur l’évolution des particularités en matière de trajectoire professionnelle des élites par le truchement de deux principaux indicateurs : la formation suivie par ces élites et l’origine des élites, c’est-à-dire le fait qu’elles proviennent d’un parcours interne à l’administration ou plutôt extérieur à celle-ci. L’idée principale ici est d’anticiper un changement dans les caractéristiques des élites administratives suite à l’adoption de réformes ayant conduit à modifier l’ordre institutionnel dans lequel évoluent les acteurs étudiés.

Sur la base de ces références théoriques, nous sommes dès lors en mesure de formuler deux propositions de recherche. La première porte sur la persistance d’un profil particulier de haut fonctionnaire en Suisse. Nous posons en forme de première hypothèse que les cadres dirigeants fédéraux suisses possèdent majoritairement des profils « traditionnels », observables depuis près de 100 ans (voir ci-après, point 5), c’est-à-dire que leur trajectoire professionnelle est rendue possible par la fréquentation de filières de formation supérieure en droit, par une promotion interne en gravissant les échelons hiérarchiques, et qu’ils sont les pro-duits d’un parcours professionnel principalement exercé dans le secteur public, où la composante « carrière militaire » demeure importante.

Ceci étant, les caractéristiques des dirigeants de l’administration publique évolue du fait des changements institutionnels et organisationnels induits par des réformes administratives successives, notamment la mise en œuvre de prin-cipes et outils inspirés de la NGP (Giauque et Emery, 2008). L’ordre institutionnel s’en trouve ainsi affecté et dans une certaine mesure transformé. Il est dès lors probable d’identifier des évolutions lentes, incrémentales, mais néanmoins signi-ficatives des caractéristiques propres aux élites administratives, c’est pourquoi nous posons en deuxième proposition de recherche l’apparition d’un nouveau type d’élites administratives dont les caractéristiques principales sont les sui-vantes : elles sont formées au management et à l’économie, sont de plus en plus nombreuses à provenir de l’extérieur de l’administration voire du secteur public, sont de plus en plus mobiles et de moins en moins issues du corps des officiers de l’armée suisse.

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De quelques caractéristiques institutionnelles suissesComme nous le mentionnions précédemment, l’ordre institutionnel au sein duquel évoluent les élites administratives suisses possède une histoire particulière et se compose d’organisations, de structures spécifiques. En concordance avec notre réflexion institutionnaliste, nous présentons donc ici quelques caractéris-tiques institutionnelles suisses. Ces dernières sont susceptibles de constituer des éléments explicatifs quant aux caractéristiques propres aux élites administratives suisses.

La marque des origines

La Suisse est un État fédéral fortement décentralisé qui est la marque de ses origines puisqu’il s’est développé sur la base d’un accord entre cantons (niveau régional ou provincial), lesquels possèdent encore une grande autonomie et indépendance à l’égard du niveau fédéral. Malgré une centralisation progressive de certains domaines de compétences, les prérogatives cantonales restent très importantes (Kriesi et Trechsel, 2008).

La dépendance du niveau fédéral à l’égard du niveau cantonal se reflète éga-lement dans la composition des Chambres fédérales. Le bicaméralisme helvétique est fondé sur deux chambres : le Conseil national (représentant la population) et le Conseil des Etats (représentant les Cantons). En conséquence, dans la compo-sition des élites politiques, la logique cantonale prévaut également, ce d’autant plus que les Chambres fédérales (composées de représentants des cantons) pos-sèdent d’importantes prérogatives pour contrôler, amender ou proposer des lois, sans compter les nombreuses possibilités offertes directement aux cantons pour proposer des lois ou soumettre des lois fédérales à référendum. Le « fédéralisme coopératif », ou fédéralisme d’exécution caractérisant le système politique suisse, est aujourd’hui bien documenté (Braun, 2000).

L’organisation du gouvernement et la relation de l’administration vis-à-vis des institutions politiques

Le système politique suisse est également caractérisé par ses institutions de démo-cratie directe (Papadopoulos, 1998), ce qui fait de lui un cas un peu particulier. Un grand nombre de « garde-fous » ont donc été créés pour permettre aux citoyens, mais également aux niveaux de gouvernance cantonal et communal, de participer à la définition des politiques publiques (Kriesi et Trechsel, 2008 : 50-51). D’autre part, des phases pré-parlementaires sont souvent constituées afin d’intégrer les groupes d’intérêt les plus puissants dans la phase préparatoire des projets de loi (phase de consultation), autorisant la qualification du système politique suisse de modèle néo-corporatiste.

Ainsi, les marques des origines de l’État fédéral suisse, fortement décentralisé, fondé sur des institutions de démocratie directe, intégrant les groupes d’inté-rêt dans le processus décisionnel, et privilégiant un style de gouvernement de concordance (Kriesi et Trechsel, 2008), constituent des spécificités institution-nelles qui imprègnent très fortement la structuration et le fonctionnement de l’appareil administratif, particulièrement aux niveaux de management supérieurs.

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Ces caractéristiques institutionnelles déploient leurs effets directs sur le « pen-sable » et/ou le « possible » en matière de fonctionnement administratif mais également en termes de réformes administratives. L’appareil bureaucratique suisse est ainsi le miroir des institutions politiques suisses, même s’il doit, parfois, en contrebalancer quelques défauts. Il est notamment marqué par le caractère « milicien » du système politique suisse, la majorité des politiciens n’étant pas des professionnels de la politique. Dès lors, la bureaucratie étatique devient un partenaire incontournable dans les processus décisionnels, puisque son expertise est fortement sollicitée dans les différents dossiers. Dans un environnement plus managérialisé, le profil recherché pour les cadres dirigeants intègre de manière croissante des compétences autrefois réservées à la conduite d’entreprise privée : gestion stratégique, optimisation des coûts, orientation-clients, pour n’en citer que quelques-unes.

Une fonction publique « ouverte »

Le profil et le parcours professionnel des agents publics suisses sont très diversi-fiés. Ils sont sélectionnés non pas sur la base d’un cursus académique spécifique menant à un concours, comme en France, mais en fonction de compétences spécifiques dans le cadre d’un recrutement classique, en principe ouvert à tous les citoyens. Car il faut le rappeler, la fonction publique suisse n’est pas une fonction de carrière, mais un système dit ouvert (Germann, 1986) où chaque citoyen peut prétendre postuler pour des fonctions publiques, y compris au niveau supérieur, moyennant naturellement les diplômes et compétences requises dans les profils recherchés (Giauque et Emery, 2008). Dès lors, il n’est pas rare de rencontrer des profils très peu homogènes, où des salariés ayant fait toute leur carrière au sein d’organisations publiques côtoient des collègues venant du privé, et ce à tous les niveaux de la hiérarchie. Cette perméabilité entre secteur public et secteur privé, typique pour une fonction publique ouverte est, d’une certaine manière, le reflet de l’ouverture du système politique suisse aux différents groupes d’intérêts formant la société civile (cf. ci-dessus) ; elle contribue d’ailleurs, peu ou prou, au caractère représentatif de la fonction publique en général (Rosenbloom et Dolan, 2006).

Les cadres dirigeants dans l’administration publique suisse

Si la présente contribution est centrée sur les cadres dirigeants de l’administration fédérale, fonctions les plus importantes dans la hiérarchie du fédéralisme suisse, il est évident que d’un point de vue purement quantitatif la grande majorité des cadres dirigeants se trouve dans les cantons et villes suisses (quelques 140) 4. Il est important de souligner que le système suisse ne fonctionne pas avec des cabinets ministériels, comme c’est le cas de bien des pays francophones (France ou Belgique par exemple) : le personnel politique associé aux membres du gouvernement se limite à un ou deux conseillers personnels. C’est dire que les cadres dirigeants de

4 Voir http://www.badac.ch/db/db.php?abs=region5_1&code=Vs3.12d&annee=X&arg=&lang = Fr (consulté le 5.7.2013).

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l’administration sont en lien de subordination directe avec les membres du gou-vernement. Ils dirigent des entités structurelles appelées le plus souvent « office » (c’est le cas au sein de l’administration fédérale) ou « service » (le plus souvent dans les cantons et communes). À ces fonctions de « ligne », il convient d’ajouter au sein des cadres dirigeants des fonctions de secrétaire général et de chancelier, ainsi que, pour le cas spécifique de l’administration fédérale, celle de secrétaire d’État 5 en charge de fonctions impliquant des négociations avec d’autres États, au plus haut niveau (art. 46, LOGA). Ainsi, au sein de l’administration fédérale, quelques 70 cadres dirigeants peuvent être identifiés. En pratique, il n’est pas rare de considérer que les personnes assumant la suppléance des titulaires en place (directeur-trice suppléant-e) sont également des cadres dirigeants, même si nous ne les avons pas intégrées dans nos analyses. Finalement, relevons que les cadres dirigeants ne sont pas nommés en fonction de leur appartenance politique, mais avant tout de leur profil de compétences ; il serait cependant exagéré d’affirmer que l’appartenance politique (si elle est attestée) ne joue aucun rôle (Giauque et al., 2009).

Perméabilité et ouverture au monde de l’entreprise

Autant les caractéristiques du système politique suisse, relevant d’une recherche d’équilibre et de consensus, peuvent contribuer à un certain enlisement des réformes institutionnelles, autant l’appareil bureaucratique s’avère, quant à lui, très ouvert aux méthodes, principes de gestion et outils propres au monde des entreprises privées, du fait de sa composition, d’une part, et du fait des conditions d’emploi qui y prévalent, d’autre part. L’approche en termes de réformes admi-nistratives est donc souvent qualifiée de « techniciste » et « apolitique » pour sou-ligner l’importance prise par la modernisation des principes de management au sein de l’administration (Hablützel et al., 1995 ; Varone, 2006 : 295). Les projets de nouvelle gestion publique ont d’ailleurs, pour la plupart, été initiés et soutenus par les cadres dirigeants de l’administration plutôt que par les membres du gou-vernement ou du parlement (Giauque et Emery, 2008).

Méthodologie d’enquêteComme explicité précédemment, les trajectoires professionnelles des cadres dirigeants suisses seront principalement appréhendées par trois indicateurs : le premier a trait au capital scolaire des hauts dirigeants publics, soit le niveau de formation (universitaire, ou non-universitaire), ainsi que la discipline de formation (droit, économie, sciences humaines, etc.). Le deuxième indicateur est en lien avec le capital social, indicateur en relation avec les lieux de sociabilité et de rencontre des élites. Dans le cas présent, nous nous limiterons à la question de la carrière militaire qui a souvent été considérée comme un lieu de sociabilité central pour les élites suisses (qu’elles soient politiques, économiques ou administratives du reste) (Mach et al., 2011). Finalement, un troisième indicateur a été pris en compte ici, à

5 Voir la loi sur l’organisation du gouvernement et de l’administration (RS 172.010 Loi du 21 mars 1997 sur l’organisation du gouvernement et de l’administration (LOGA).

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savoir le parcours professionnel des élites : avant tout issu du monde administratif lui-même (par promotion interne) ou de l’extérieur du champ administratif (par recrutement externe). L’ordre institutionnel dans lequel évoluent les élites admi-nistratives est donc principalement appréhendé sur la base de ces trois indicateurs qui permettent de reconstruire des « profils types » de trajectoire professionnelle. Or, certaines trajectoires sont plus compatibles avec un ordre institutionnel spé-cifique, dotant ainsi les acteurs de ressources adéquates et légitimes pour faire partie de l’élite. D’où l’importance d’identifier des trajectoires « types », au sens wébérien du terme, voire des ruptures dans ces trajectoires suite aux réformes administratives engagées. Bien sûr, le choix de ces différents indicateurs des élites administratives suisses laisse de côté plusieurs dimensions importantes, telles que le capital économique de ces élites (leurs liens avec le monde économique) ou encore leur capital politique (leurs différentes appartenances ou affiliations poli-tiques). Nous n’ignorons pas l’importance de ces dernières dimensions cepen-dant, faute de données empiriques à notre disposition, nous ne sommes tout simplement pas en mesure de les exploiter dans la présente étude. L’approche retenue, bien souvent sollicitée dans les études sur les élites, est une approche sociographique diachronique.

En fonction du cadre théorique retenu, il est important de mettre en perspec-tive historique l’évolution éventuelle des trajectoires des élites administratives afin d’apprécier dans quelle mesure un lien peut être fait entre les caractéristiques institutionnelles de l’appareil administratif suisse, et les profils qui auront été observés. La disponibilité des données nous a contraints à centrer l’analyse sur les cadres dirigeants actifs au niveau fédéral, de rares données disponibles incluant leurs homologues cantonaux. Cette focalisation « fédérale » constitue une limite claire à la présente analyse et nous incite à être prudents quant à l’extrapolation des constats effectués. Cependant, le niveau fédéral, sommet de la structure fédéraliste suisse, est souvent considéré comme particulièrement illustratif des tendances propres à l’appareil administratif suisse en général 6. À noter que l’analyse ne porte pas sur les compétences effectives des cadres dirigeants, les données à ce sujet faisant défaut (cf. infra, conclusion).

Afin de réunir les informations concernant les profils de formation des cadres dirigeants suisses, nous avons procédé en deux phases. Dans un premier temps, nous résumons la littérature existante portant directement sur ce sujet, littérature secondaire peu fournie et surtout datée, permettant de dresser un premier profil-type du haut dirigeant public suisse, et des évolutions qui l’ont caractérisé.

Dans un deuxième temps, nous nous sommes basés sur les données pri-maires 7 issues du projet de recherche intitulé « Les élites suisses au XXe  siècle. Un processus de différenciation inachevé ? » 8, dirigé par A. Mach et T. David de

6 Il en va ainsi, par exemple, de la réforme du statut de la fonction publique fédérale, qui a donné le ton pour les cantons et les communes (voir Bellanger et Roy, 2013).

7 Pour être précis l’un des auteurs du présent article (F. Rebmann) est à l’origine de la récolte des données sur la base desquelles la présente analyse est fondée.

8 Cf. www.unil.ch/iepi/page54315.html.

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l’Université de Lausanne et financé par le Fonds national de la recherche scien-tifique (FNS). La base de données développée dans le cadre de ce projet permet d’effectuer une analyse du profil biographique des élites administratives helvé-tiques sur six cohortes 9 réparties sur le 20e et le 21e siècle : 1910, 1937, 1957, 1980, 2000 et 2010. Ces cohortes, séparées par un intervalle d’une vingtaine d’années (sauf pour la dernière), permettent de mettre en évidence les évolutions dans la composition et le profil des élites administratives fédérales 10. À noter, que les échantillons étudiés dans la présente enquête correspondent en fait à la quasi- totalité de la population des cadres dirigeants fédéraux suisses, et ce pour les six cohortes sous enquête.

Tableau 1 : Échantillon de l’enquête portant sur les six « cohortes »

1910 1937 1957 1980 2000 2010 Total

Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports

11 17 19 20 9 12 88

Département fédéral de l’intérieur

15 12 13 17 14 13 84

Département fédéral des finances

7 9 10 12 11 11 60

Département fédéral de l’économie

4 8 10 8 9 11 50

Département fédéral de justice et police

5 6 6 10 10 7 44

Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication

4 7 6 5 8 8 38

Département fédéral des affaires étrangères

2 2 3 5 4 5 21

Banque Nationale Suisse 3 3 3 3 3 3 18

Chancellerie fédérale 3 2 2 3 3 3 16

Total 54 66 72 83 71 73 419

9 L’appellation « cohorte » n’est pas tout à fait exacte, dans la mesure où les personnes formant ces cohortes n’ont pas fait l’objet d’un suivi longitudinal. Il s’agit plutôt de « coupes » de la haute fonction publique, effectuées à différents moments-clés choisis pour leur signification historique.

10 Les profils correspondent aux personnes en fonction au moment de l’analyse, et non pas à leur entrée en fonction, qui est pour la plupart antérieure à l’analyse effectuée.

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À partir d’une approche des élites de type positionnelle (Mach et al., 2011), sont recensés dans cette base de données les cadres dirigeants se trouvant au sommet de l’appareil administratif et en contact direct avec les membres du gouvernement. L’échantillon se compose ainsi des secrétaires généraux des sept Départements fédéraux ainsi que les directeurs des Offices fédéraux. À ces deux groupes de hauts fonctionnaires, ont encore été ajoutés le chancelier et les vice-chanceliers de la Confédération ainsi que les membres du Directoire de la Banque nationale suisse (BNS), soit deux instances parmi les plus centrales des institutions suisses. La première car elle représente l’état-major du gouvernement fédéral 11 et la seconde car elle est en charge de la politique monétaire de la Suisse. Par ailleurs, dans le cadre du mouvement d’agentification (Gilardi, 2002, 2008 ; Maggetti, 2007), ont également été intégrées en 2000 et 2010 quelques instances de régulation autonomes telles que la Commission de la concurrence, l’Institut suisse des produits thérapeutiques (Swissmedic), ou encore l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA).

Présentation et discussion des résultats : évolution des profils des élites administratives suissesLes élites suisses vivent un processus de différenciation et de professionnalisation au cours de l’après-guerre (Klöti, 1972). C’est alors la consolidation du modèle du haut fonctionnaire expert de son domaine, et promu à des fonctions dirigeantes sur la base de son expertise technique. La formation universitaire a toujours joué un rôle important pour la nomination des hauts fonctionnaires (voir tableau ci-dessous), mais elle tend à devenir un critère quasi indispensable pour occuper un poste de haut fonctionnaire fédéral, alors même que l’école professionnelle ou l’apprentissage sont des voies de formation qui n’ont fait que diminuer dans le temps puisque seuls 2.7 % des hauts fonctionnaires se disent non-universitaires en 2010.

Tableau 2 : Niveau de formation des hauts fonctionnaires étudiés

1910 1937 1957 1980 2000 2010

Non-universitaire

24,1 % 15,2 % 4,2 % 6,0 % 4,2 % 2,7 %

Indéterminé 14,8 % 1,5 % 2,8 % 0,0 % 0,0 % 0,0 %

Universitaire 61,1 % 83,3 % 93,1 % 94,0 % 95,8 % 97,3 %

Ce constat, qui diffère sensiblement des élites d’entreprise (Mach et al., 2011), rappelle celui posé par Roth en 1991, auteur d’une des rares études portant sur notre population-cible, selon laquelle la quasi-totalité des cadres dirigeants de la Confédération sont détenteurs d’un titre d’études supérieures, tout en ayant un

11 Art. 30 à 34 LOGA.

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âge moyen de plus de 50 ans ; ce qui signifie qu’au moment où ils ont obtenu ce diplôme, ils faisaient partie d’une élite puisque moins de 5 % étaient alors détenteurs d’un tel titre (Roth, 1994). D’autre part, ce même auteur indique qu’à cette époque, la formation juridique est la plus fréquente (36.2 %), suivie par les sciences naturelles (22.9 %), les sciences humaines et sociales (18.1 %), alors que l’économie et les sciences commerciales ne totalisent que 8.6 % (Roth, 1994 : 25). Tout en relevant que la proportion de juristes est en forte diminution, alors que celle des sciences sociales et économiques croit notablement. En effet, les données plus anciennes fournies par Klöti (1972 : 175) indiquent par exemple qu’en 1969, ces mêmes chiffres montraient une proportion encore plus élevée de juristes (42 %), alors que les ingénieurs représentaient 20 %, les sciences sociales et économiques 10 %, et les sciences naturelles 5 %.

Mais quelles sont les filières universitaires privilégiées par les cadres dirigeants publics au niveau fédéral ? Si la filière du droit semble se maintenir durant les six périodes considérées (voir tableau ci-dessous), relevons l’augmentation importante du nombre de hauts fonctionnaires au bénéficie d’une formation universitaire en sciences économiques et la diminution tout aussi importante du nombre de ceux possédant un diplôme universitaire en sciences techniques et naturelles (les polytechniciens). La proportion de hauts fonctionnaires titulaires d’une formation universitaire en sciences économiques équivaut à celle des hauts fonctionnaires au bénéfice d’un diplôme universitaire en droit pour ce qui a trait à la cohorte de l’année 2010. Ainsi, le début des années 1950 marque un chan-gement majeur par rapport à la situation précédente, avec un fort accroissement des hauts dirigeants publics titulaires de formations en sciences économiques (Rebmann, 2011 :105).

Tableau 3 : Types de formation des élites administratives suisses selon les cohortes

1910 1937 1957 1980 2000 2010

Technique/naturelle/médecine/math

37,0 % 37,9 % 36,1 % 27,7 % 23,9 % 23,3 %

Economique/Business

16,7 % 13,6 % 15,3 % 19,3 % 26,8 % 31,5 %

Droit 20,4 % 39,4 % 36,1 % 44,6 % 32,4 % 31,5 %

Sciences humaines

11,1 % 9,1 % 8,3 % 12,0 % 19,7 % 15,1 %

Autres 7,4 % 3,0 % 5,6 % 1,2 % 2,8 % 2,7 %

Indéterminé 14,8 % 1,5 % 4,2 % 0,0 % 0,0 % 0,0 %

Total 107,4 % 104,5 % 105,6 % 104,8 % 105,6 % 104,1 %

Note : les totaux dépassent les 100 % car certains hauts fonctionnaires sont au bénéfice de plusieurs formations

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Sur la base de ces données, nous pouvons relever que jusqu’au début des années 2000, le type de formation ouvrant le plus à une carrière de dirigeant public est le droit. L’ordre institutionnel propre à l’administration fédérale jusque-là légitime donc ce type de cursus. Par contre, dès les années 2000, nous assistons à une augmentation spectaculaire du nombre de dirigeants publics au bénéfice d’un cursus universitaire en économie/business. Les réformes managé-riales au sein de l’administration peuvent conduire à des changements institu-tionnels qui ont, pour leur part, des impacts sur les profils des hauts dirigeants publics. L’ordre institutionnel propre aux élites administratives fédérales suisses est-il en train de se transformer, légitimant dès lors d’autres parcours universi-taires, plus proches de disciplines telles que l’économie ou le business ? Toutefois, la relation inverse pourrait également être défendue, un changement de profil pouvant amener davantage de projets de réforme. Sans que nous puissions le démontrer du fait de la méthode suivie, des mécanismes de type ASA (attrac-tion  – selection  – attrition) (Wright et Christensen, 2010) ont probablement conduit au fait que les offices fédéraux offrant plus de latitude entrepreneuriale ont attiré des cadres disposant d’une formation en économie ou gestion, y com-pris certains venant du secteur privé. Il est également intéressant de relever que ce débat n’est pas nouveau. Dans les années 1970 déjà, Klöti discute le profil le plus adéquat pour exercer les fonctions dirigeantes de l’administration, en oppo-sant les spécialistes, détenteurs de diplômes en lien avec le domaine de l’office dirigé, et les généralistes, formé plus largement à l’administration publique 12, une discipline inexistante en Suisse. La philosophie suisse en la matière, proche de celle de l’Allemagne par exemple, est opposée à celle d’autres pays qui pri-vilégient des généralistes, telle la Grande-Bretagne (Urio, 1989). Klöti pose alors en hypothèse, il y a maintenant 40 ans, que la proportion d’économistes dans les fonctions dirigeantes devrait augmenter.

Des compétences nouvelles recherchées

Le mouvement amorcé par la NGP produit un nouveau choc de culture puisque le modèle du haut fonctionnaire expert dans son domaine se voit assez brutale-ment remis en question par celui du manager (Hablützel, 2013). De spécialistes techniques excellant dans leur domaine de politiques publiques, il leur revient de se transformer en gestionnaires stratèges capables d’analyser leur environnement et leur service pour formuler des axes de développement, d’acquérir des qualités de leadership susceptibles de dynamiser leurs équipes, de maîtriser leurs coûts de production sur la base de principes dérivés de la comptabilité analytique, d’opti-miser les prestations et services fournis aux « clients » en s’inspirant du manage-ment de la qualité, ainsi que d’introduire des tableaux de bord et indicateurs per-mettant de piloter leurs activités. Autant de compétences qui sont développées avant tout dans des cursus universitaires liés à la gestion d’entreprise, dans une moindre mesure à l’administration publique. Des compétences également déve-loppées par la formation continue portant sur des thèmes de gestion publique.

12 L’auteur cite l’exemple de la France (ENA), tout en relevant que pour la Suisse, il n’existe alors pas d’école spécialisée en administration publique.

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Nos six cohortes révèlent une augmentation très importante du nombre de fonctionnaires ayant bénéficié d’une formation continue. De 1910 à  1980 (à l’exception de la cohorte de 1957) aucun haut fonctionnaire ne déclare avoir suivi une formation continue, alors qu’ils sont 1.4 % et surtout 20.5 % à le men-tionner en 2000 et 2010 respectivement. Le développement des programmes de formation continue proposés, et souvent imposés, aux cadres de l’administra-tion, explique cette évolution (Emery et al., 2004 ; Germann et Graf, 1988). Par ailleurs, la majorité des formations continues fréquentées (même si leur nombre reste modeste pour le cas des cohortes analysées aux fins de cette étude) se concentre sur les domaines du « business » et de « l’administration publique » (voir tableau 5 en particulier), témoignant d’une dynamique visant à doter les cadres dirigeants de concepts et d’outils correspondant à la mouvance de la nouvelle gestion publique évoquée précédemment.

Tableau 4 : Les hauts fonctionnaires au bénéfice d’une formation complémentaire

1910 1937 1957 1980 2000 2010

Hauts fonctionnaires au bénéfice d’une formation complémentaire (%)

0,0 % 0,0 % 1,4 % 0,0 % 1,4 % 20,5 %

Tableau 5 : Filières principalement fréquentées dans le cadre des formations complémentaires (formation continue)

Filières suivies 1957 2000 2010

Business 0 1 8

Public Administration 0 0 2

Sécurité 0 0 2

Droit 0 0 2

Autres 1 0 3

Total 1 1 17

Au vu de la complexité croissante des rôles devant être assumés par les mana-gers publics, il n’est guère surprenant de constater que la palette des compétences dont ils devraient faire preuve ne cesse de s’élargir, nous le constations il y a déjà plus de dix ans (Emery, 1997). Certaines études comparatives le mettent bien en avant, notamment celle de Kuperus et Rode réalisée sur les profils de cadres supérieurs au sein des pays de l’Union européenne, et visant à identifier les nou-velles compétences recherchées chez les cadres dirigeants européens (Kuperus et Rode, 2008). En l’occurrence, les compétences communes les plus fréquentes

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sont les suivantes : leadership, vision, stratégie, obtention de résultats, communi-cation, gestion des ressources humaines et des relations interpersonnelles, mana-gement général, et finalement connaissances techniques. On y voit clairement des compétences techniques, autrefois dominantes, en quelque sorte « noyées » dans un ensemble de compétences typiques du management (public) 13. Si le lien entre formations suivies et compétences n’est pas toujours établi, nous partons de l’idée que ces nouvelles compétences recherchées se reflètent dans l’évolution des cursus de formation initiaux et complémentaires des cadres dirigeants.

La formation militaire demeure importante

Les analyses conduites par Roth mettent en exergue le fait que « la fréquence du nombre d’officiers chez les hauts fonctionnaires de la Confédération est suffisam-ment élevée (supérieure à 50 % depuis 1938, administration militaire non comprise (…) pour souligner l’importance accordée à cet engagement personnel et direct vis-à-vis de l’État. La valorisation sociale et symbolique très marquée du grade militaire comme compétence générale en matière d’organisation et de commandement s’est répandue, par un effet d’osmose, dans l’ensemble de la société suisse » (Roth, 1994 : 133). C’est dire que le management de cette époque passe principalement par la fréquentation de l’école d’officiers, qui est d’ailleurs contrôlée par l’admi-nistration fédérale elle-même. Si l’on s’intéresse de plus près à cette variable bien particulière, soit l’appartenance des cadres dirigeants publics suisses à la famille des officiers, il apparaît qu’elle reste stable jusque dans les années 2000 avant de subir une évolution remarquable durant la première décennie du XXIe siècle. Dans notre étude, la cohorte 2010 fait apparaître un changement important dans la mesure où le nombre de hauts fonctionnaires ne faisant pas partie de l’état-major militaire excède pour la première fois le nombre de leurs homologues possédant un grade d’officier (voir tableau 6 ci-dessous). Étant donné la relative stabilité de cette variable « armée », il est probablement trop tôt pour tirer des conclusions définitives concernant l’affaiblissement de l’importance de cette affiliation dans la réalisation d’une carrière de cadre dirigeant au sein de l’administration fédérale.

Tableau 6 : Grades militaires des hauts fonctionnaires suisses

1910 1937 1957 1980 2000 2010

Officiers 50,0 % 56,1 % 61,1 % 61,4 % 59,2 % 42,50 %

Indéterminé 1,9 % 1,5 % 2,8 % 1,2 % 0,0 % 8,2 %

Non officiers 48,1 % 42,4 % 36,1 % 37,3 % 40,8 % 49,3 %

Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %

13 À noter à ce propos que le référentiel de compétences développé au sein de l’administration fédérale comporte de nombreuses compétences de direction, compétences sociales et compé-tences personnelles, qui rejoignent celles que nous venons d’évoquer. Voir http ://www.epa.admin.ch/themen/ausbildung/00268/index.html?lang=fr.

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Si être officier de milice constitue encore un atout dans la possibilité d’obtenir une fonction dirigeante au sein de l’administration fédérale, représentant un pro-cessus informel d’acculturation aux fonctions dirigeantes administratives, cette condition devient de moins en moins prégnante dans les nominations récentes.

Mobilité des cadres entre les secteurs public et privé

Un autre indicateur important pour mieux comprendre les trajectoires des cadres dirigeants de l’administration est en lien avec la mobilité dont ils font ou non preuve entre les secteurs public et privé. L’administration publique suisse ne connaît pas de lieu de formation unique pour préparer ses membres à une fonc-tion publique, le recrutement s’effectuant de façon ouverte (cf. ci-dessus). Ce qui occasionne évidemment plus de « circulation » croisée entre les secteurs public et privé 14. Si, théoriquement, un système de recrutement ouvert peut occasionner plus d’échanges entre les secteurs, il n’en reste pas moins que les cadres diri-geants publics suisses sont bien souvent issus majoritairement du secteur public, en gravissant plus ou moins rapidement les échelons hiérarchiques (la figure du montagnard). Tel est très majoritairement le cas des hauts fonctionnaires fédéraux suisses même si, ici également, des changements lents mais perceptibles sont à l’œuvre. Ainsi, entre 1910 et 1980 la proportion de hauts fonctionnaires étant recrutés à l’extérieur (la figure du parachuté) de l’administration reste stable et à un niveau relativement bas (entre 7 % au minimum et 12.3 % au maximum). À noter que la catégorie « autres » comprend les personnes travaillant déjà au sein de l’administration fédérale au moment de leur nomination, mais au bénéfice de moins de dix ans d’ancienneté.

Une inflexion importante se produit durant la période 1980-2010 puisqu’à l’étude de la cohorte des hauts fonctionnaires de l’année 2000 nous pouvons constater que 26.8 % d’entre eux ont été recrutés à l’extérieur de l’administra-tion dont 12.7 % sont issus des milieux économiques. Le tableau 7 (ci-dessous) révèle qu’en 2010, la proportion de « parachutés » se tasse quelque peu (23.3 %) mais le nombre d’entre eux provenant des milieux économiques augmente en revanche (16.4 %) (tableau 8, ci-dessous).

Tableau 7 : Parcours des hauts fonctionnaires suisses

1910 1937 1957 1980 2000 2010

Montagnards 51,9 % 56,1 % 66,7 % 59,0 % 47,9 % 45,2 %

Autres 37,0 % 31,8 % 26,4 % 28,9 % 25,4 % 31,5 %

Parachutés 11,1 % 12,1 % 6,9 % 12,0 % 26,8 % 23,3 %

14 Selon les informations fournies par l’Office fédéral du personnel, de 2008 à 2012 plus de 24 % des démissions enregistrées concernent des personnes qui quittent leur emploi pour travailler dans le secteur privé. Ce chiffre est certainement sous-évalué étant donné que de nombreux démissionnaires n’ont pas indiqué le secteur vers lequel ils s’orientaient (chiffre 2012 : 1575 démissions, dont 384 pour le secteur privé et 1092 n’ayant pas donné d’infor-mations précises).

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Tableau 8 : Provenance des hauts fonctionnaires suisses de type « parachutés »

1910 1937 1957 1980 2000 2010

Académique 0,0 % 1,5 % 1,4 % 1,2 % 8,5 % 5,5 %

Economique 7,4 % 10,6 % 4,2 % 9,6 % 12,7 % 16,4 %

Autre 3,7 % 0,0 % 1,4 % 1,2 % 5,6 % 1,4 %

Cette tendance soutient notre hypothèse selon laquelle le profil des cadres dirigeants publics fédéraux tend à se diversifier et à favoriser des trajectoires plus « entrepreneuriales », avec un accent sur l’économie d’entreprise et le business. Elle démontre également la plus grande perméabilité entre secteurs, phénomène probablement lié à la montée lente mais explicite des référents managériaux issus du monde des entreprises privées dans la gestion des organisations publiques fédérales nécessitant évidemment de la part des hauts fonctionnaires de nou-velles compétences qu’il est vraisemblablement plus aisé de trouver en dehors de l’administration qu’en son sein (Giauque et Emery, 2008). En relation avec les réformes NGP de ces dernières années, on peut partir de l’idée que les gestion-naires du privé sont de plus en plus attirés par l’exercice de fonctions dirigeantes au sein de ces structures administratives publiques, du fait de la transférabilité des compétences acquises dans le privé (cf. le mécanisme ASA évoqué ci-dessus).

Un mouvement qui ne va d’ailleurs pas que dans un sens, dans la mesure où les cadres dirigeants de l’administration sont de plus en plus nombreux à ne pas terminer leur carrière au sein de la fonction publique, ce qui équivaut à une bifurcation de carrière. « L’âge de fin de poste est à cet égard illustratif, puisque les hauts fonctionnaires tendent à quitter leur poste de plus en plus jeunes. Si le fonctionnaire type de 1910 quitte son poste à l’aube de son 67e anniversaire pour partir en général à la retraite, il le quitte en 2000 vers 59 ans, ce qui permet d’en-tamer une nouvelle carrière dans le privé. (…) En d’autres termes, il est vraisem-blable que le poste de haut fonctionnaire soit considéré comme l’apogée d’une carrière en 1910, alors qu’il est davantage envisagé en 2000 comme une étape, permettant d’accéder à un autre poste au sein du secteur privé notamment » (Rebmann, 2011 : 108-109). La pratique du « pantouflage », bien documentée et décrite par les spécialistes de l’administration publique française (Rouban, 2009, 2004), s’instaurerait ainsi progressivement en Suisse également, bien que le phé-nomène soit très récent et demeure à confirmer.

Conclusions et pistes de rechercheSur la base des résultats et discussions qui précèdent, les principales tendances à l’œuvre en rapport avec les caractéristiques des hauts fonctionnaires fédéraux suisses peuvent être résumées ainsi :

• Tout d’abord, l’étude axée sur les six cohortes permet de constater une rela-tive stabilité des profils, étayant notre première proposition de recherche : les

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cadres dirigeants fédéraux sont encore majoritairement des universitaires, ayant étudié le droit, au bénéfice d’une importante ancienneté, ayant fait principalement leur carrière au sein de l’administration publique, au bénéfice de promotions internes (figure des montagnards) et déclarant, pour la majo-rité d’entre eux (à l’exception de la cohorte 2010), un grade d’officier au sein de l’armée de milice. Cette relative stabilité peut s’expliquer, de notre point de vue, par les chemins de dépendance que constituent l’histoire et les structures particulières des institutions politico-administratives suisses. Cependant, cet ordre institutionnel hégémonique jusqu’au milieu des années 1990 environ, est actuellement remis en question par des réformes institutionnelles, organi-sationnelles et managériales s’inscrivant dans la mouvance de la NGP.

• Aussi, notre deuxième point, une dynamique de managérialisation progressive de la population étudiée apparaît, tendance perceptible par l’augmentation sensible du nombre de cadres dirigeants au bénéfice d’une formation uni-versitaire de type sciences sociales (particulièrement en économie), de l’ac-croissement de la fréquentation de formations continues dans les domaines « économie/business » et de « l’administration publique », de même que l’élé-vation du nombre de dirigeants publics provenant du milieu des affaires et du secteur privé (les parachutés). Ces différentes tendances sont suffisamment éloquentes, nous semble-t-il, pour constituer des indicateurs sérieux de cette managérialisation évoquée précédemment. Un nouvel ordre institutionnel axé sur des référents plus « économiques et managériaux » est-il ainsi en train de voir le jour ?

• Troisièmement, la diminution importante du nombre d’officiers au sein de cette population de hauts fonctionnaires fédéraux constitue un fait unique depuis le début du XXe siècle, phénomène trop récent cependant pour être considéré comme une tendance durable et révélatrice d’un bouleversement systémique du profil des dirigeants publics suisses.

Sur la base des points précédents, notre deuxième proposition de recherche est également provisoirement étayée par nos résultats : les trajectoires des cadres dirigeants publics se trouvent en lente mutation, à tout le moins au niveau fédé-ral. Point de révolution, comme nous nous y attendions notamment parce que les chemins de dépendance constituent des repères bien ancrés difficilement contournables, mais de lentes transformations principalement dues aux change-ments organisationnels et institutionnels que nous avons soulignés au cours de notre réflexion. Ceci dit, la plus grande perméabilité des offices fédéraux suisses à l’égard du monde des affaires et des entreprises privées, relevée notamment par l’augmentation importante des parachutés au détriment des montagnards, par l’accroissement de profils « économie/business » au détriment des profils « poly-techniques » et « juristes » et par la diminution récente du nombre d’officiers au sein de la population des hauts fonctionnaires, sont des tendances qui font un large écho aux évolutions récentes constatées plus généralement au sein des élites économiques suisses. La légitimité de l’ordre institutionnel prévalant jusque dans les années 1990 est ainsi remise en question par les transformations insti-tutionnelles et organisationnelles récentes au sein des administrations fédérales.

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Dès lors s’ouvre une période de redéfinition d’un nouvel ordre institutionnel, probablement plus imprégné par des logiques et valeurs d’entreprise et de mana-gement, permettant ainsi l’apparition de nouvelles trajectoires professionnelles.

Mach et al. (2011) ont montré dans une étude récente portant sur des cohortes d’élites économiques suisses des transformations similaires à celles que nous relevons dans notre propre recherche. Ils notent la diminution de l’impor-tance du grade militaire, soulignent la managérialisation des élites économiques (notamment par le fait qu’ils/elles sont de plus en plus nombreux à avoir fré-quenté des Business schools) et constatent l’arrivée d’une élite plus diversifiée, plus internationale, au sein des directoires des grandes entreprises suisses, relevant ainsi une perméabilité plus importante du tissu économique suisse aux influences internationales et principalement anglo-saxonnes. Dès lors, de saisis-santes ressemblances peuvent être relevées entre les tendances à l’œuvre dans les secteurs privé et public en termes de profils de leurs dirigeants, c’est pourquoi nous posons en hypothèse qu’il existe une « homologie structurale » entre l’évo-lution des élites publiques et privées en Suisse.

L’analyse développée dans cet article présente toutefois certaines limites. La première porte sur le caractère réducteur de l’indicateur retenu pour notre analyse : la formation académique (et la formation continue). La formation suivie n’est pas synonyme des compétences acquises, ni et surtout des comporte-ments concrètement adoptés (Barzucetti et al., 1995 ; Kirkpatrick, 1959). Plus profondément encore, les valeurs inspirant ces comportements, au fondement de l’identité professionnelle des cadres dirigeants, ne peuvent être analysées par la méthode suivie. Une investigation qualitative en profondeur reste nécessaire pour y répondre, laquelle devrait interroger les cadres dirigeants de même que leurs partenaires de travail sur la perception que ces différents acteurs ont des évolutions en cours (Fortier, 2011).

À l’exception d’une étude récente (Rebmann, 2011) et d’autres études maintenant plus datées (Roth 1994, Urio, 1989 ; Klöti, 1972), il n’existe pas d’enquêtes portant spécifiquement sur une sociologie des élites administratives. En conséquence, cet article est une contribution originale au redéploiement d’études visant à mieux connaître qui sont les élites administratives suisses, et apprécier dans quelle mesure les tendances résumées ci-dessus se confirment et continuent à ressembler aux évolutions des élites économiques. Étant donné la traditionnelle proximité et la relative perméabilité entre secteurs public et privé en Suisse, de même que l’accent mis sur la modernisation managériale des orga-nisations publiques, cette hypothèse « d’homologie structurale » dans l’évolution des élites publiques et privées semble constituer une idée à approfondir. En ren-versant la perspective, on pourrait d’ailleurs à cet égard se demander dans quelle mesure la managérialisation des profils dirigeants publics ne constitue pas une forme d’institutionnalisation rampante des intérêts privés, mais là également, la méthode suivie ne permet pas d’y répondre.

Enfin, le fait que l’analyse présentée soit basée sur des statistiques en lien avec six « cohortes », constituées d’un nombre relativement restreint de hauts fonc-tionnaires de la Confédération, par rapport à l’ensemble des cadres dirigeants publics à tous les niveaux du fédéralisme, constitue une limite objective aux ten-

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dances mises en exergue, lesquelles ne sauraient être extrapolées. De même, en l’absence de données à quelques exceptions (cf. partie méthode) sur les profils des dirigeants des nouvelles organisations indépendantes développées en Suisse durant cette dernière décennie (dont les agences indépendantes de régulation), il est difficile de vérifier si ces nouvelles formes organisationnelles et institution-nelles vont générer d’autres types d’élites. Des recherches pour combler ces lacunes devront donc être entreprises ces prochaines années.

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Page 24: La lente mutation des élites administratives fédérales suisses

Emery, Giauque et Rebmann Élites administratives fédérales suisses 747

Selznick, P. (ed.) (1957) Leadership in Administration : A Sociological Interpretation.Evanston, IL : Row et Peterson.

Urio, P. (1989). Sociologie politique de la haute administration publique en Suisse. Paris : Eco-nomica.

Varone, F. (2006) “L’administration fédérale”, In U.  Klöti, P.  Knoepfel, H.  Kriesi, W.  Linder, Y. Papadopoulos et P. Sciarini (Eds.), Handbuch der Schweizer Politik (pp. 289-316), Zürich : Verlag Neue Zürcher Zeitung.

Wright, B. E., et Christensen, R. K. (2010) “Public Service Motivation : A Test of the Job Attrac-tion-Selection-Attrition”, International Public Management Journal, 13(2), 155-176.

Yves Emery est Docteur en sciences économiques de l’Université de Genève, pro-fesseur à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP, Université de Lausanne, Suisse), responsable de l’unité de recherches management public et gestion des ressources humaines. Directeur de recherches, consultant au sein de nom-breux services publics au niveau suisse et international, auteur de multiples ouvrages et articles scientifiques. Rédacteur en chef associé pour la Revue internationale des Sciences Administratives (RISA), membre de comités éditoriaux de plusieurs autres revues scientifiques et professionnelles

David Giauque est professeur associé à l’Université de Lausanne (Suisse), membre de l’Institut d’études politiques et internationales (IEPI) et membre du Swiss Public Admi-nistration Network (SPAN). Ces recherches portent principalement sur les thématiques suivantes : sociologie des organisations et des administrations publiques ; gestion des ressources humaines publique ; réformes de l’administration publique ; public service motivation ; valeurs publiques. Par ailleurs, dernièrement, il vient de terminer une recherche portant sur la santé au travail parmi les cadres intermédiaires des hôpitaux suisses faisant face à des changements importants.

Frédéric Rebmann est doctorant à l’Université de Lausanne. Il a travaillé sur le projet de recherche intitulé Les élites suisses au 20e siècle. Un processus de différenciation inachevé ?, financé par le Fond national suisse de la recherche scientifique (FNS). Il termine actuellement une thèse de doctorat portant sur l’histoire de l’appareil admi-nistratif fédéral suisse sous l’angle de la haute fonction publique, des commissions extra-parlementaires et des organes en charge de la régulation de la concurrence entre 1910 et 2010.

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