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UNIVERSITE DE LAUSANNE FACULTE DES SCIENCES SOCIALES ET POLITIQUES SESSION DE JANVIER 2015 LA COMMUNICATION AU CENTRE DU DÉBAT : COMMENT ANNONCER LE DIAGNOSTIC ET LE PRONOSTIC DE FIN DE VIE AUX PATIENTS D’ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE. Mémoire de Psychologie de la Santé et Psychosociologie Présenté par Melinda Conte Directeur Remy Amouroux
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LA COMMUNICATION AU CENTRE DU DÉBAT : COMMENT ANNONCER LE DIAGNOSTIC ET LE PRONOSTIC DE FIN DE VIE AUX PATIENTS D’ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE.

Mar 29, 2023

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Page 1: LA COMMUNICATION AU CENTRE DU DÉBAT : COMMENT ANNONCER LE DIAGNOSTIC ET LE PRONOSTIC DE FIN DE VIE AUX PATIENTS D’ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE.

UNIVERSITE DE LAUSANNE

FACULTE DES SCIENCES

SOCIALES ET POLITIQUES SESSION DE JANVIER 2015

LA COMMUNICATION AU CENTRE DU DÉBAT : COMMENT ANNONCER LE

DIAGNOSTIC ET LE PRONOSTIC DE FIN DE VIE AUX PATIENTS D’ONCOLOGIE

PÉDIATRIQUE.

Mémoire de Psychologie de la Santé et Psychosociologie

Présenté par Melinda Conte

Directeur Remy Amouroux

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

1

Remerciements

« Je m’abstiens de garder mes mots: j’ai passé une grande partie de ma vie à

ne pas dire les choses que je voulais dire, et je l’ai regretté. La nature nous

impose d’envoyer des messages subliminaux, de communiquer avec les gestes,

parce que nous avons peur de nous exposer pour ce que nous sommes.

Également face à nous-mêmes. Quand tout sera fini je suis sûr qu’une minute

me sera accordée pour repenser à toutes les fois que je voulais hurler ce que je

ressentais, mais que je me suis tu par peur de ne pas être compris, et je

regretterai les objectifs que j’ai abbandonné parce que la crainte d’échouer

m’a empêché de les poursuivre. »

Charles Bukowski

Je tiens à exprimer mes sincers remerciements à M. Rémy Amouroux,

directeur de mon mémoire, pour m’avoir guidé dans le déroulement de mon

mémoire de Master. Mes remerciements vont également aux soignants qui ont

dédié leur temps pour participer à mon enquête et à M. Ilario Rossi qui a

accepté d’être l’expert de ma soutenance.

De même, je suis reconnaissante envers ma famille, mes collègues d’université,

ma meilleure amie Valentina et mes autres amis, qui m’ont encouragée et

soutenue dans mes efforts.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Motivations

Tout discours scientifique se doit d’être neutre, ce qui sera le cas de ce

mémoire de Master, mais une prémisse s’impose. En raison de l’intimité des

motivations personnelles à la base de ce travail, je me permets de les décrire en

utilisant la première personne.

J’ai choisi de faire des études de Psychologie de la Santé et Psychosociologie

car j’ai toujours été intéressée par des sujets tels que la santé psychique, les

dynamiques de groupe en milieu médical, de même que la prévention et la

promotion de la santé publique. Puis, c’est en débutant mes études de Master à

l’Université de Lausanne que j’ai commencé à découvrir certaines

problématiques de Psycho-oncologie. La Psycho-oncologie est un domaine en

pleine croissance, mais elle touche des thématiques socialement très sensibles,

ce qui peut rendre difficile de les aborder de manière ouverte à tout public.

C’est ce dont je me suis rendue compte lorsque j’étais à la recherche d’un stage

dans ce domaine et que d’autres collègues m’ont confié ne pas pouvoir

travailler en cancérologie, et plus particulièrement avec les patients

pédiatriques.

En début de deuxième année, j’aurais dû commencer un stage avec le Dr.

Mannocci Galeotti, responsable des soins palliatifs de l’Hospice de Borgo San

Lorenzo – Italie –, et Mme Caligiani, responsable de l’unité de Psycho-

oncologie du réseau de santé de Florence – Italie –, mais à cause de problèmes

bureaucratiques, ce projet n’a finalement pas abouti à sa phase pratique.

Toutefois, j’avais déjà eu des premiers échanges au sujet d’éventuelles actions

de mon cahier des charges, telles que le soutien psychologique au deuil des

familles ou les groupes de soutien pour le personnel des soins palliatifs. J’ai

donc décidé d’approfondir ces sujets dans mon mémoire de Master.

Avant d’en arriver au thème de la communication avec les patients d’oncologie

pédiatrique, mon projet de base était un peu large et suite aux conseils avisés

de mon directeur de mémoire, M. Amouroux, j’ai choisi ce sujet plus ciblé. En

effet, après une première série de lectures générales, il y avait une information

qui revenait à plusieurs reprises. Il s’agissait du fait que les soignants et les

parents auraient tendance à ne pas communiquer de façon honnête le diagnostic

de cancer aux enfants. Ces lectures m’ont fait prendre conscience que bien

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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qu’il y ait des codes déontologiques de médecine et de psychologie, la nature

humaine fait que les choses dans la pratique ne se passent pas toujours selon

ces normes.

Finalement, ce sont ces évènements de ma vie personnelle et mes premières

lectures en matière de Psycho-oncologie qui constituent la base de ce mémoire

de Master au sujet de la communication du diagnostic et du pronostic aux

patients d’oncologie pédiatrique. Par la suite, j’espère que ce mémoire puisse

m’ouvrir les portes vers une future carrière de psychologue en milieu médical.

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Table des matières

Résumé .............................................................................................................................................................. 7

Introduction ....................................................................................................................................................... 8

Chapitre 1 : Le cancer comme source de doute et débat ................................................................................. 12

1.1 Le cancer biologique et ses doutes ............................................................................................................ 12

1.2 Les conséquences psychologiques du cancer ............................................................................................ 14

1.3 Historique de la communication du diagnostic de cancer ......................................................................... 19

Chapitre 2 : Le dilemme éthique de la communication et la voix des patients pédiatriques ........................... 23

2.1 Définition d’une bonne communication .................................................................................................... 23

2.1.1 Problèmes de communication dus au langage ........................................................................................ 24

2.2 Débat sur la communication : faut-il ou non annoncer le diagnostic de cancer et le pronostic de fin de vie

aux patients d’oncologie pédiatrique ? ............................................................................................................ 26

2.2.1 Ne rien dire à l’enfant afin de le protéger ............................................................................................... 26

2.2.2 Informer l’enfant afin de le préparer ...................................................................................................... 29

2.2.3 L’opinion des patients pédiatriques ........................................................................................................ 31

Chapitre 3 : Formations sur la communication avec les patients .................................................................... 36

3.1 Considérations générales ........................................................................................................................... 36

3.2 Le protocole SPIKES et le guide Calgary Cambridge ............................................................................... 37

3.3 D’autres formations ................................................................................................................................... 40

Chapitre 4 : Comment annoncer le diagnostic aux patients d’oncologie pédiatrique...................................... 43

4.1 La perception du corps et de la maladie chez les enfants .......................................................................... 43

4.2 Annoncer le diagnostic de cancer à un enfant ........................................................................................... 47

4.2.1 Phase 1 : un premier entretien avec les parents sans l’enfant ................................................................. 49

4.2.2 Phase 2 : planifier avec les parents la rencontre suivante avec l’enfant ................................................. 49

4.2.2.1 Phase 2a : qui devrait être présent ?..................................................................................................... 50

4.2.2.2 Phase 2b : dans quel setting faut-il se trouver ? ................................................................................... 51

4.2.3 Phase 3 : annoncer le diagnostic de cancer à l’enfant ............................................................................ 52

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4.2.3.1 Phase 3a : qu’est-ce que l’enfant sait à propos de sa maladie ?........................................................... 52

4.2.3.2 Phase 3b : qu’est-ce que l’enfant voudrait savoir exactement ? .......................................................... 53

4.2.3.3 Phase 3c : quelles sont les paroles qu’il serait préférable d’utiliser ? .................................................. 53

4.2.4 Phase 4 : révision avec l’enfant .............................................................................................................. 54

Chapitre 5 : Comment annoncer le pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique .................. 56

5.1 Les soins palliatifs ..................................................................................................................................... 56

5.2 La perception de la mort chez les enfants .................................................................................................. 57

5.3 Annoncer le pronostic de fin de vie à un enfant ........................................................................................ 59

5.3.1 Phase 1 : annoncer aux parents le pronostic de fin de vie de l’enfant .................................................... 60

5.3.2 Phase 2 : annoncer le pronostic de fin de vie à l’enfant ......................................................................... 61

5.3.2.1 Phase 2a : comment l’enfant se sent-il ? .............................................................................................. 61

5.3.2.2 Phase 2b : qu’est-ce qui a été fait jusque-là ? ...................................................................................... 62

5.3.2.3 Phase 2c : qu’est-ce qu’il va se passer ? .............................................................................................. 63

Chapitre 6 : Comparaison entre la littérature et la pratique en Suisse ............................................................. 65

6.1 Entretiens exploratoires en Suisse ............................................................................................................. 65

6.1.1 Construction du guide d’entretien .......................................................................................................... 66

6.1.2 Analyse du contenu manifeste ................................................................................................................ 69

6.1.2.1 Annonce diagnostique ......................................................................................................................... 71

6.1.2.2 Annonce pronostique ........................................................................................................................... 72

6.1.2.3 Résolution de conflit ............................................................................................................................ 73

6.1.2.4 Formation ............................................................................................................................................ 74

6.1.2.5 Modèle de communication .................................................................................................................. 75

6.1.2.6 Support psychologique ........................................................................................................................ 76

6.1.2.7 Travail multidisciplinaire .................................................................................................................... 77

6.1.2.8 Savoir des enfants ................................................................................................................................ 78

6.1.2.9 Manque de temps ................................................................................................................................. 78

6.1.2.10 Législation ......................................................................................................................................... 79

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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6.1.2.11 Symbolisme ....................................................................................................................................... 80

Discussion........................................................................................................................................................ 81

Conclusion ....................................................................................................................................................... 87

Bibliographie ................................................................................................................................................... 88

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Résumé

Le cancer est un sujet sensible qui cause encore beaucoup de souffrance.

Lorsqu’il touche les enfants, les parents décident parfois de ne pas révéler le

diagnostic ou le pronostic, avec l’intention de les protéger. De leur côté, les

soignants qui voudraient communiquer ouvertement avec les enfants sont

entravés par une législation limitante. D’autres ont un abaissement d’empathie

qui les empêche de communiquer correctement. Cependant, ne pas expliquer la

situation aux patients pédiatriques signifie renoncer à la relation médecin-

patient, ce qui risque d’affecter la compliance, la réussite du traitement et le

système de santé publique. Pour aider les soignants et les parents à annoncer le

diagnostic et le pronostic aux enfants, nous avons fait une synthèse de la

littérature scientifique et créé un modèle semi-structuré en quatre phases

d’annonce du diagnostic, plus deux phases supplémentaires en cas de stade

terminal. Comme nous avons pu le constater dans une enquête effectuée dans

plusieurs hôpitaux suisses, il y a encore un manque de directives écrites, ce qui

laisse une ouverture à la recherche dans le domaine de la communication avec

les patients pédiatriques et l’élaboration de programmes de formation. Ceci

laisse également une place à l’intervention de psychologues.

Mots clés – cancer, diagnostic, pronostic, communication, patients pédiatriques

Abstract

Cancer is a sensitive topic that still causes a lot of suffering. When it comes to

children, adults sometimes decide not to reveal the diagnosis or the prognosis,

in order to protect the young patients. As far as caregivers are concerned, those

who would like to openly communicate with children are hindered by a

limiting legislation. Others are hindered by a lowering of empathy that prevents

them from using proper communication skills. Nevertheless, not to explain the

situation to pediatric patients would mean to give up on doctor-patient

relationship, which may affect compliance, treatment result and public health

system. In order to help caregivers and parents to announce the diagnosis and

the prognosis to pediatric patients, we made a scientific literature review and

created a semi-structured model of diagnosis announcement in four phases, and

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in case of terminal stage we added two more phases. As we have seen in a

survey conducted in several Swiss hospitals, there is still a lack of written

guidelines. This leaves an opening for research in the field of communication

with pediatric patients and teaching programs development as well as for the

intervention of psychologists.

Key words – cancer, diagnosis, prognosis, communication, pediatric patients

Introduction

Le cancer est l’une des principales causes de mort dans notre société et

représente donc un problème majeur pour la santé publique (Lyons &

Chamberlain, 2008 ; Oppenheim, 2004). Selon les données de l’Organisation

Mondiale de la Santé (OMS), cette maladie a été responsable de 13% de la

mortalité mondiale en 2008. Son diagnostic étant une épreuve traumatisante, il

serait très important, outre l’accompagnement de médicine classique,

d’envisager un soutien psychologique en parallèle (Balez, Berthou et

Carpentier, 2014 ; Barruel, Dauchy, Charles, Le Bihan et Lombardi, 2012 ;

Oppenheim & Dauchy, 2004). Les conséquences psychologiques sembleraient

indépendantes de l’âge du patient, cependant le comportement de son

entourage peut ne pas l’être. La maladie chez l’enfant est perçue socialement

comme particulièrement douloureuse, c’est pourquoi les adultes auraient

tendance à ne pas vouloir lui communiquer les mauvaises nouvelles, par souci

de protection (Beale, Baile et Aaron, 2005 ; Gaab, Owens et MacLeod, 2013 ;

Lyons & Chamberlain, 2008 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004).

Bien qu’il s’agisse au départ d’un comportement lié à de bonnes intentions des

parents, il risque d’être la cause de peur et d’anxiété chez l’enfant. En effet, ce

dernier percevrait que quelque chose ne va pas avec son corps, que son

entourage se comporte de façon suspicieuse et tente de l’isoler. Ceci peut être

une source de souffrance psychologique et risque de détruire la relation de

confiance entre l’enfant et les adultes (Beale et al., 2005 ; Gaab et al., 2013 ;

Holland, 2002 ; Lascar, Alizade et Diez, 2013 ; Skeen & Webster, 2004).

Lorsque nous parlons d’adultes, outre les parents de l’enfant en question, nous

faisons aussi référence aux soignants. Même s’il existe des codes

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déontologiques et des guides qui leur suggèrent de communiquer avec les

patients pédiatriques, parfois la difficulté de la situation incite les soignants à

adopter ce comportement de protection (Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster,

2004 ; Wassmer et al., 2004 ; Zwaanswijk et al., 2010). Il existe une autre

interprétation à ce genre de situation. En effet, il est possible d’observer un

phénomène d’abaissement de l’empathie avec le temps chez les soignants

(Balez et al., 2014 ; Woloschuk, Harasym et Temple, 2004). Ce déficit

d’empathie a donc un effet sur l’annonce diagnostique et pronostique, car il

entrave la marge de prise de décision laissée au soignant par les codes

déontologiques au sujet de la communication avec les patients pédiatriques.

Outre l’influence de l’empathie sur la prise de décision du soignant, nous

pouvons également observer un effet négatif sur l’alliance thérapeutique avec

le patient, ce qui représente un facteur de risque sur sa compliance et ainsi sur

l’efficacité du traitement (Al Odhayani & Ratnapalan, 2011 ; Ammentorp,

Sabroe, Kofoed et Mainz, 2007 ; Balez et al., 2014 ; Barruel et al., 2012 ;

Oppenheim, 2004). Cette situation peut être considérée comme une inégalité en

matière de prise en charge du patient pédiatrique, facteur qui risque

d’influencer de manière négative la santé publique (Moatti, Spira, Singh-

Manoux et Thiebaut, 2012). De plus, lorsque des sujets sensibles sont abordés,

tels qu’une maladie grave, les décisions thérapeutiques et le rapport à la mort,

il devient un devoir éthique de réfléchir à une solution (Massé, 2012 ;

Oppenheim, 2004). A ce propos, il existe des formations, mais elles visent

principalement la communication avec les patients adultes (Baile et al., 2000 ;

Silverman, Kurtz, et Draper, 2010). Au vu de toute cette problématique, la

question principale de ce mémoire est de savoir comment annoncer le

diagnostic et le pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique.

Toutefois, ayant conscience qu’il n’y a pas d’unanimité sur cette question dans

la littérature, nous allons explorer ce débat, à savoir s’il faut ou non rendre

l’enfant actif dans le traitement en lui communiquant le diagnostic, le pronostic

ou encore en lui donnant un pouvoir de décision. Ainsi, nous nous sommes

posés une première question – « quelle est l’origine de ce débat ? » (Meitar,

2004 ; Rixe, Khayat et Fischer, 2002 ; Stuber & Seacord, 2004). Pour ce faire,

nous avons commencé par décrire la variable « cancer ». En effet, sans

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disposer de véritables références à ce sujet, il est raisonnable de suggérer que

les adultes n’auraient pas de grande difficulté à communiquer aux enfants le

diagnostic de maladies simples à soigner, comme une légère grippe ou une

varicelle. Ce qui rend cette communication difficile serait le fait que les causes

du cancer et leurs solutions ne sont pas toutes connues. La description de la

biologie du cancer (Rixe et al., 2002), ses conséquences psychologiques

(Meitar, 2004 ; Stuber & Seacord, 2004) et l’évolution de la communication en

médecine (Holland, 2002), seraient selon nous à la base de certains conflits.

Cette hypothèse nous pousse à préciser la question citée ci-dessus, à

savoir « quelles sont les raisons qui poussent les soignants et les parents à

communiquer ou non ces informations à l’enfant ? » (Gaab et al., 2013). Au vu

de la littérature à notre disposition, nous pensons donc qu’il serait éthique et

bénéfique d’informer les patients pédiatriques. Tout en montrant aussi les

arguments contraires, nous allons appuyer notre hypothèse sur l’opinion même

des enfants et des adolescents, ainsi que sur leurs droits en matière de santé. Le

fait de leur communiquer ce dont ils souffrent peut diminuer la peur et

l’anxiété à ce sujet, ainsi qu’augmenter la relation de confiance envers l’adulte

et le pouvoir de contrôle de la situation (Al-Amri, 2013 ; Canouï, 2004 ; Gaab

et al., 2013 ; Jacobnson, Richardson, Parry-Langon et Donovan, 2001 ; La

Valle, Payne, Gibb et Jelicic, 2012 ; Wilson, Raval, Salvina, Raval et Panchal,

2012 ; Zwaanswijk et al., 2010).

Comme nous l’avons déjà cité, il existe des formations sur la communication,

qui ont généralement un effet positif sur l’empathie des soignants et sur leur

capacité de construire une relation avec les patients (Barth & Lannen, 2010).

Nous allons en présenter plusieurs, tout en soulignant la nécessité d’avancer

avec la recherche et l’enseignement. En effet, l’enfant n’est pas un petit adulte,

mais un individu pour qui il est raisonnable d’adapter la communication au

stade de développement cognitif (Eiser, 1985). En posant la question « quelle

est la compréhension du corps et de la maladie chez l’enfant ? », nous voulons

trouver une façon adaptée d’annoncer le diagnostic de cancer pédiatrique.

Ainsi, nous proposons un modèle semi-structuré en quatre phases pour aider les

parents des patients et les soignants d’oncologie pédiatrique à communiquer un

diagnostic aux enfants (Lascar et al., 2013 ; Skeen et Webster, 2004 ; Stock,

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Hill et Babl, 2012). Ce type de discours sur l’adaptation de l’annonce de

mauvaises nouvelles serait valable aussi en cas de pronostic négatif, tous les

cancers ne sont pas connus et lorsqu’il n’y a plus de possibilité de guérison, il

faudrait l’annoncer aux patients et à leur famille. Nous nous demandons donc

« quelle est la compréhension spécifique de la mort chez l’enfant ? Et comment

la lui annoncer ? » (Beale et al., 2005 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar et al.,

2013 ; Skeen et Webster, 2004). Dans ce cas, nous avons proposé deux phases

supplémentaires sur la manière de communiquer le pronostic de fin de vie, ce

qui donnerait aux enfants un pouvoir de contrôle sur cette période.

Si la théorie à notre disposition est essentiellement anglophone, nous avons

tenté d’y comparer la pratique en Suisse. Nous avons demandé l’opinion de

soignants de différents hôpitaux suisses au sujet du débat de communication du

diagnostic et du pronostic – « est-ce que le résultat de ce débat est le même

dans la pratique et la théorie ? ». Finalement, la discussion et la conclusion de

ce mémoire offrent une synthèse de la théorie, de notre proposition de modèle

et de la situation en Suisse, ainsi que des propositions pour une suite de

recherches dans ce domaine.

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Chapitre 1 : Le cancer comme source de doute et débat

Avant d’entrer en plein dans le sujet de la communication du diagnostic et du

pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique, nous devons

introduire le cancer en tant qu’objet physique avec ses conséquences

psychologiques. En effet, ce premier chapitre permet de comprendre que toute

la complexité du discours oncologique chargé en émotions et l’incertitude qui

règne autour de la guérison d’un cancer sont probablement les variables

responsables des entraves de communication de la part des parents. De plus,

nous allons voir que le débat entre les personnes en faveur de l’information des

enfants au sujet de leur maladie et celles qui s’y opposent, ne serait pas une

histoire récente (Holland, 2002 ; Rixe et al., 2002 ; Stuber & Seacord, 2004 ;

Zwaanswijk et al, 2007).

1.1 Le cancer biologique et ses doutes1

Le cancer est le résultat d’une multiplication erronée de cellules. Ces cellules

peuvent se transformer pour de multiples raisons, que ce soit par une

modification de leur ADN causée par des agents chimiques, des virus, des

facteurs génétiques, hormonaux ou des facteurs environnementaux au sens

large. Ces cellules malades forment initialement la tumeur primitive, ce qui

signifie que la maladie se trouve à un stade localisé. Toutefois, les cellules

tumorales acquièrent progressivement la capacité de migrer vers d’autres

organes pour y former des métastases, ce qui signifie que la maladie quitte le

stade localisé pour le stade métastatique.

Cette évolution de tumeur primitive à métastase se fait par étapes. Initialement,

la cellule cancéreuse, comme les cellules normales, va recevoir des signaux de

son microenvironnement, signaux qu’elle va transmettre à son noyau par les

cascades d’activation intracellulaire. Dans le cas des cellules cancéreuses, ces

signaux sont augmentés par de multiples mécanismes complexes, amenant une

1 Les notions de biologie de ce sous-chapitre au sujet du cancer font partie du chapitre de Rixe,

O., Khayat, D., & Fischer, G.-N. (2002). Aspects biomédicaux et psychologiques des cancers

et des traitements thérapeutiques. Dans G.-N., Fischer (dir.), Traité de psychologie de la santé

(1e éd., 211-226). Paris : Dunod. Quelques indications supplémentaires ont été données par le

Professeur Pierre-Yves Dietrich (8 septembre 2014), médecin chef de service, responsable de

la recheche en cancérologie des Hôpitaux Universitaires de Genève.

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certaine anarchie dans la cellule et promouvant prolifération, invasion et

métastatisation. L’invasion signifie que les cellules tumorales vont ronger ou

infiltrer les tissus voisins, y compris les vaisseaux sanguins ou lymphatiques.

Une fois dans ces vaisseaux, elles vont s’accrocher aux parois puis circuler

vers d’autres organes où elles s’arrêteront pour former les métastases – chaque

métastase est de ce fait une nouvelle tumeur.

Selon que la maladie soit localisée ou répandue, le pronostic sera très différent,

ainsi que les traitements proposés. Parmi les traitements locaux, il y a la

chirurgie, dont l’objectif est l’exérèse de la masse tumorale en préservant si

possible la fonction globale de l’organe. Elle est utilisée pour la tumeur

primitive ou pour certaines métastases quand le processus métastatique reste

limité à une ou deux localisations. La radiothérapie permet également de traiter

efficacement certaines tumeurs et est un outil remarquable pour les traitements

palliatifs. Son utilisation en pédiatrie est plus complexe, car il faut tenir compte

des effets secondaires à très long terme. Parmi les traitements généraux, nous

trouvons la chimiothérapie, qui intervient directement sur l’activité de

développement des cellules – par l’administration de molécules naturelles ou

produites par synthèse chimique –, et l’hormonothérapie, dont l’objectif global

est de stimuler les lymphocytes patrouilleurs impliqués dans la reconnaissance

des cellules tumorales. Le pronostic dépendrait donc fortement du stade de la

maladie et des traitements à disposition. Bien que la science ait de plus en plus

de connaissances sur les différentes étapes de l’évolution de la tumeur

primitive à métastase, le pronostic peut être malheureusement très incertain ou

même négatif si la tumeur est de grande taille, envahissant de nombreux

organes et/ou métastasique (O’Leary, Krailo, Anderson et Reaman, 2008 ; Rixe

et al., 2002). En effet, quand la mort survient après une maladie, le cancer en

serait encore la cause principale chez les enfants et adolescents (Morgan,

2009).

Le pronostic, qu’il soit négatif ou positif, aura une grande influence sur la

qualité de vie de la personne malade. De même que le type de cancer, car celui-

ci nous indique quel organe est le plus ciblé et quelles seront les conséquences

pour le corps du patient (Rixe et al., 2002 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stuber &

Seacord, 2004). Il est possible de diviser le cancer en six types : 1) les

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carcinomes épidermoïdes et adénocarcinomes qui attaquent les poumons, le

sein ou encore le côlon ; 2) les sarcomes qui attaquent les tissus conjonctifs,

tels que la graisse ou les muscles ; 3) les tumeurs germinales qui attaquent

certaines cellules des testicules et des ovaires ; 4) les tumeurs cérébrales ; 5) les

lymphomes/leucémies et autres tumeurs du système hématopoïétiques ; 6) et

les mélanomes.

Tout en voulant expliquer ce qu’est le cancer, toutes ces informations

« biologiques » ont été volontairement simplifiées. En effet, nous sommes

fortement conscients qu’en tant que psychologues, nous ne pouvons en aucun

cas nous substituer à la médecine, qui est la véritable experte en matière de

cancérologie. Comme le souligne le code de déontologie édicté par la

Fédération Suisse des Psychologues (FSP), nous devons exercer la profession

de façon responsable et consciencieuse, car les conséquences de nos actes

peuvent avoir un grand impact sur les patients. Donc, face à nos limites dans la

problématique du cancer en tant qu’objet biologique, il est de notre devoir de

laisser les explications de niveau avancé aux spécialistes de cette maladie.

Nous quittons donc le cancer comme objet biologique afin de continuer ce

mémoire sur des aspects plus psychologiques.

1.2 Les conséquences psychologiques du cancer

Le cancer est une maladie qui porte une charge émotionnelle relativement

lourde et il faudrait essayer de comprendre si les patients ont une réaction

normale à une situation anormale, ou une réaction psychopathologique

(Canouï, 2004). Stuber et Seacord (2004) affirment que la plupart des anciens

patients pédiatriques ne souffrent pas de grosses séquelles psychologiques sur

le long terme. Elles citent des études où les anciens patients pédiatriques

affirment être heureux, tout en gardant des effets secondaires somatiques, et

que leur cancer les auraient changés, mais de manière positive. Toutefois, nous

pensons que cela peut être possible qu’avec une bonne prise en charge

multidisciplinaire du patient. Ce type de collaboration est possible uniquement

s’il y a reconaissance des rôles et des responsbilités de chaque professionnel,

donc également de la place du psychologue (Barruel et al., 2012). En cas de

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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mauvaise prise en charge, cela pourrait être une cause de dépression et

d’anxiété.

Le fait de ne pas communiquer le diagnostic et le pronostic aux enfants

malades pourrait effectivement être le signe d’une prise en charge non

optimale. Comme nous allons le développer dans ce mémoire, lorsque les

enfants n’ont pas d’informations au sujet de leur situation, cela augmenterait le

risque d’anxiété, de dépression, de peur, d’un sentiment d’insatisfaction et cela

rendrait plus difficile l’adaptation psychosociale pour les enfants qui guérissent

(Canouï, 2004 ; Gaab et al., 2013 ; Holland, 2002 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen

& Webster, 2004). Mise à part les conséquences psychologiques causées par la

problématique de la communication du diagnostic et du pronostic aux patients

d’oncologie pédiatrique, le cancer aurait des conséquences émotionnelles

propres à un certain nombre de situations. Cependant, nous ne sommes pas en

mesure de donner la prévalence de ces différents troubles psychologiques, car

ce type d’études se base sur des échantillons restreints et n’est pas menés de

façon prolongée.

A propos de la dépression, le personnel soignant a besoin de distinguer une

dépression d’ordre psychologique causée par une crise existentielle, de la série

de symptômes somatiques causés par le cancer et son traitement. Par exemple,

la fatigue et l’envie de toujours dormir seront plus probablement causées par le

second cas. Il sera donc important de passer par une évaluation psychologique

au cas où il y aurait des doutes sur l’origine de certains comportements (Stuber

& Seacord, 2004).

Par rapport à l’anxiété, il s’agit la plupart du temps du résultat de troubles de

l’adaptation, de la séparation – surtout chez les enfants plus jeunes qui ont un

long séjour à l’hôpital – ou de phobies – qui sont parfois la cause d’une anxiété

préexistante à la maladie. Généralement, cela ne dérive pas en graves désordres

psychiatriques, mais il est de notre devoir de prévenir les facteurs qui

pourraient les favoriser (Beale et al., 2005 ; Stuber & Seacord, 2004).

Parmi d’autres conséquences émotionnelles du cancer, principalement à

l’adolescence, il y a des questions concernant la sexualité des patients. Certains

traitements qui ont pour but d’éradiquer le cancer, ont malheureusement des

effets secondaires sur la fertilité des patients (Skeen & Webster, 2004). En

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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effet, le cancer a une influence sur une large variété de domaines comme la

santé et la vie de famille, mais aussi la vie sociale en dehors de la maison et la

scolarité (Stuber & Seacord, 2004). Selon le temps d’hospitalisation et le type

de cancer, cela peut signifier devoir répéter une ou plus années scolaires, ou

avoir des difficultés cognitives. À ce sujet, il serait important d’évaluer à

plusieurs reprises les enfants qui retournent à l’école, car parfois ces difficultés

peuvent apparaître plusieurs années après la guérison. De même, comme nous

venons de l’illustrer ci-dessus, selon le type de traitement, certaines activités

seront limitées et la santé générale fragilisée.

Il est possible que le patient souffre d’un trouble de stress post-traumatique. En

effet, si l’enfant était très anxieux pendant la maladie, cela augmenterait les

probabilités de développer ce type de trouble, en ayant des symptômes qui

auraient tendance à régresser avec le temps, et cela serait généralement plus

présent chez les filles.

Bien que les enfants utilisent parfois le déni comme une forme de défense en

minimisant leurs états d’âme pour ne pas faire de peine à leur famille, le cancer

aura de toute façon des conséquences psychologiques sur toutes les personnes

qui entourent le patient (Gulati et al., 2012 ; Meitar, 2004 ; Stuber & Seacord,

2004).

Les parents décrivent habituellement le diagnostic de cancer comme ayant un

fort impact émotionnel (Gulati et al., 2012). Ils auraient tendance à développer

un trouble de stress post-traumatique, avec une prévalence plus élevée que

celle de leurs enfants malades et comparable à celle des adultes qui survivent à

un cancer. En effet, ils se trouvent dans une situation où l’enfant a un certain

risque de ne pas vaincre la maladie et aucun parent ne voudrait survivre à son

propre enfant. De plus, la probabilité de pronostic négatif leur est constamment

rappelée, car ils rencontrent sans doute à l’hôpital d’autres parents dont les

enfants font une rechute ou se trouvent en phase terminale. Ceci correspondrait

à une sorte de perte de contrôle parental, une impuissance où il ne resterait plus

qu’à être dépendant des soignants (Lyons & Chamberlain, 2008 ; Meitar,

2004 ; Morgan, 2009 ; Stuber & Seacord, 2004).

Cette dépendance, causée en partie par la multitude d’informations que les

parents reçoivent, pourrait être aussi la cause de toute la réorganisation de la

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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vie de famille. Les parents remettraient en question leur propre couple et leur

relation avec l’enfant malade. De plus, outre un enfant malade, les parents

doivent éventuellement faire face à la souffrance psychologique de leurs autres

enfants (Lascar et al., 2013 ; Lobato & Kao, 2002 ; Meitar, 2004 ; Oppenheim,

2004).

Le risque pour un frère ou une sœur d’un patient d’oncologie pédiatrique est de

se sentir, parfois non sans raison, ignoré (Lascar et al., 2013 ; Meitar, 2004). La

fratrie de l’enfant malade a le droit de savoir, afin de pouvoir comprendre ce

qu’il se passe, parce qu’elle aussi vit cette situation. Il serait souhaitable que les

parents évitent de faire semblant de rien avec eux (Canouï, 2004). Certains

enfants pourraient avoir peur en voyant leurs parents tristes et se sentir confus

par l’impossibilité de les réconforter. Il serait donc important que les parents

expliquent la situation à tous les membres de la famille, car le risque est que,

sans explications, les autres enfants essaient de donner du sens à la situation

par eux-mêmes en imaginant des choses, ou qu’ils craignent pour leur propre

mort (Lascar et al., 2013).

Toutefois, même avec une bonne information, les frères et sœurs des patients

en oncologie risquent d’éprouver des conflits intérieurs. À savoir, d’un côté un

sentiment de jalousie envers l’enfant malade, qui recevrait les attentions des

adultes, et de l’autre côté un sentiment de culpabilité pour cette jalousie, ou

pour l’anxiété et certains symptômes somatiques qu’ils ressentent alors qu’ils

ne sont pas malades (Meitar, 2004). Lobato et Kao (2002) ont montré qu’il

était possible d’aider ces frères et sœurs d’enfants malades grâce à des groupes

d’intervention visant à accroître leur connaissance de la situation, ainsi que leur

capacité d’adaptation.

Tout comme le patient et sa famille, les soignants seraient aussi affectés

psychologiquement par le cancer (Dikici, Yaris et Artiran Igde, 2013). Le

département d’oncologie pédiatrique est particulièrement sensible et éprouvant

à vivre. En effet, certains facteurs de stress seraient spécifiques à ce domaine,

tels que la morale, des conflits internes, la perte et le deuil (Zander, Hutton et

King, 2010). Les soignants qui quotidiennement font face au cancer sont sujets

à des troubles psychologiques (Morgan, 2009 ; Vanderwerker, Laff, Kandan-

Lottick, McColl et Prigerson, 2005 ; Zander et al., 2010). Vanderweker et al.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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(2005) ont testé 200 soignants et ont observé que 13% de cette population

étaient en traitement pour des troubles psychologiques, ou du moins en

présentait les symptômes typiques, tels que trouble panique, dépression

majeure, trouble de stress post-traumatique ou trouble anxieux généralisé. Bien

que cette étude n’ait pas visé l’oncologie pédiatrique comme objet spécifique,

nous retrouvons ces résultats aussi pour les soignants qui s’occupent d’enfants

et d’adolescents (Morgan, 2009 ; Zander et al, 2010). Morgan (2009) nous

montre que les soignants d’oncologie pédiatrique peuvent passer par des états

d’anxiété, de tristesse, d’impuissance et de colère. De plus, il arrive qu’ils

vivent une sorte de triple échec. Lorsqu’un enfant meurt, les soignants

pourraient avoir l’impression de ne pas avoir assez de compétences pour sauver

le patient, de ne pas avoir accompli leur rôle d’adulte qui prend en main la

situation ou encore d’avoir trahit les parents. Parfois ils doivent endurer des

conflits intérieurs, des dilemmes comme celui de persévérer avec des

traitements lourds ou vouloir soulager le patient.

D’un point de vue neurologique, Riess (2010) cite plusieurs études qui

montrent une corrélation entre la réaction physiologique de la peau et

l’intensité des affects, ce qui signifierait une sorte de prédisposition à percevoir

la douleur du patient de la part du médecin et percevoir le niveau d’empathie

du médecin de la part du patient. Cependant, il faut comprendre que même si

nous avons des preuves neurologiques de la perception de la douleur chez

autrui (Danziger, Faillenot et Peyron, 2009 ; Riess, 2010), les soignants ne

pouraient tout de même pas ressentir profondément l’expérience subjective du

patient. Il y a un lien entre le stress des soignants, voire même les situations de

burnout, et l’exposition constante à la douleur des patients. Cette exposition

influence la capacité de régulation des émotions (Riess, 2010). Ceci

expliquerait pourquoi les soignants ont tendance à diminuer leur implication

émotionnelle, un phénomène qui débuterait de façon relativement précoce.

Woloschuk et al. (2004) ont montré que l’empathie des étudiants baisse de

manière systématique entre l’entrée en faculté de médecine, la deuxième année

et la fin de leurs stages. Ces auteurs font l’hypothèse que les étudiants

commencent leurs études avec un haut niveau d’idéalisme et qu’ils se font

rattraper par la réalité. Ils soulignent également une différence de genre, à

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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savoir que si d’un côté le niveau d’empathie baisse chez tous les étudiants, de

l’autre côté les étudiantes ont un niveau plus élevé que les étudiants. Toutefois,

elles ont également un niveau de désirabilité sociale plus élevé, ce qui peut

avoir influencé cette différence. Finalement, il faut également souligner qu’il

ne s’agit pas d’un manque absolu d’empathie, mais son abaissement est

statistiquement significatif et mérite donc d’être étudié, afin de trouver un

moyen de le contrer. L’empathie est essentielle pour avoir de bonnes

compétences en communication et une alliance thérapeutique idéale (Balez et

al., 2014 ; Barth & Lannen, 2011).

Cependant, il est possible de travailler cette empathie par le biais de

formations. Balez et al. (2014) se sont posé la question de comment inverser la

tendance à l’abaissement de l’empathie et ils ont donc mesuré l’impact d’une

formation de l’annonce du diagnostic de lymphome avec des patients simulés

sur le niveau d’empathie d’étudiants en cinquième année de la faculté de

médecine de Brest – France –. Les résultats aux échelles d’évaluation de

l’empathie de Jefferson ont montré une augmentation statistiquement

significative après la formation. Ceci est une des preuves qu’il est bien possible

de rétablir un bon niveau d’empathie et par conséquent la communiction, mais

nous allons parler de ces formations plus en détails dans les prochains

chapitres.

Nous allons voir maintenant comment la charge émotionnelle due à

l’incertitude de la survie de l’enfant est un facteur qui a influencé l’histoire de

la communication du diagnostic.

1.3 Historique de la communication du diagnostic de cancer

Dans les deux siècles passés, le diagnostic de cancer portait avec lui une forte

stigmatisation, qui discriminait le patient porteur de la maladie, ainsi que sa

famille (Holland, 2002). En regardant la relation patient-soignant, plus

précisément la communication du diagnostic, de son traitement et du pronostic,

les enfants n’étaient nullement pris en considération (Skeen & Webster, 2004).

Cependant, il ne s’agissait pas là d’un comportement réservé uniquement aux

enfants, les patients adultes n’étaient souvent pas non plus informés de leur

cancer.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Au XIXème siècle, il y avait la croyance que le médecin pouvait raccourcir la

vie d’un patient, non seulement par ses actes, mais également par ce qu’il disait

(Schwartsmann & Brunetto, 2013). Si nous prenons le tout premier code

d’éthique de l’Association Médicale Américaine en 1847, celui-ci

recommandait aux médecins de ne pas transmettre au patient des informations

qui puissent lui faire perdre espoir (Al-Amri, 2013). Ce qui peut paraître

comme un manque d’éthique aujourd’hui, avait une sorte de justification à

l’époque. Les causes et les conséquences des pathologies cancéreuses n’étaient

pas encore claires, le diagnostic était considéré comme l’annonce d’une mort

certaine, les médecins jugeaient donc cruel et inhumain de rompre tout espoir

chez leurs patients. Toutefois, ce choix était suivi par une prise de conscience

des patients que quelque chose n’allait pas, que cette souffrance n’était pas

réellement prise en considération par la famille et le médecin (Holland, 2002).

De ce fait, il se créait une ambiance passive, dans laquelle quelque chose était

cachée et cela pouvait produire un sentiment d’isolement et une attitude de non

confiance (Skeen & Webster, 2004).

Par la suite, le XXème siècle sera traversé par une évolution dans la

communication du diagnostic de cancer (Demin & Gamley, 2013 ;

Schwartsmann & Brunetto, 2013). Même si nous n’avons pas encore atteint la

perfection, cette évolution penche aujourd’hui en faveur d’une information

ouverte favorisant la participation des patients dans la prise de décisions. En

effet, les soignants sont passés d’une recherche des avantages à court terme de

l’évitement, aux avantages à long terme de l’information ouverte et honnête.

Le changement de cette pratique d’évitement constant serait dû aux

améliorations des thérapies et à l’accroissement des connaissances du public au

sujet de cancer (Holland, 2002 ; Schwartsmann & Brunetto, 2013). Nous

devons prendre en considération le fait que cette communication de diagnostic

peut être influencée aussi par d’autres facteurs, tels que des idéologies –

comme dans l’ancienne société soviétique, où certains sujets devaient rester

secrets – et donc que cette évolution a pu varier selon les époques et les pays.

(Demin & Gamley, 2013).

L’American Cancer Society a été formée en 1913 et c’est à ce moment qu’ont

commencé les premiers programmes de prévention du cancer qui

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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encourageaient les gens à faire des contrôles s’ils manifestaient certains

symptômes. Il s’agit aussi de la période où outre la chirurgie, la radiothérapie

devenait également un traitement contre le cancer. La chimiothérapie a rejoint

ces traitements au début des années ’50. C’est à cette même période qu’ont

commencé les premières recherches sur les effets psychologiques du séjour à

l’hôpital des patients atteints de cancer (Holland, 2002). Cependant, selon une

recherche à Philadelphie – Etats Unis – des années ’50, seuls 3% des médecins

affirmaient toujours annoncer les cas de cancers aux patients. Ceci était encore

le résultat de la peur des soignants d’une possible réaction contreproductive

pour le patient ou de la demande de sa famille (Schwartsmann & Brunetto,

2013). Donc, jusque dans les années ’60, la plupart des médecins décidaient

encore de ne pas révéler le diagnostic aux patients (Holland, 2002 ; Rixe et al.,

2002). Il faudra attendre l’avancé de succès ultérieurs dans la cancérologie

pour que la stigmatisation tombe, que les médecins puissent informer

pleinement les patients et que les facteurs psychologiques soient pris en

considération.

Pour passer à d’autres pays, si nous prenons le code éthique entre les années

’70 et fin ‘80 de l’Association Médicale Italienne, celle-ci imposait d’informer

la famille, tout en donnant le droit aux médecins de ne pas informer le patient

lorsqu’il avait une maladie grave ou létale. Nous trouvons encore ce type de

recommandation en 1995 dans le Code d’Éthique Médicale du Liban et de ne

jours, dans certains pays orientaux comme la Chine ou le Japon. Dans les

sociétés sud-américaines, ne pas informer les patients de leur cancer était une

habitude courante il y a encore une vingtaine d’années. Si nous prenons le cas

du Brésil, ceci était dû non seulement à la sensibilité du sujet, mais aussi au

manque de spécialistes dans ce domaine. En effet, l’oncologie est une

spécialisation récente et qui ne serait pas encore disponible dans toutes les

écoles brésiliennes de médecine. Néanmoins, la plupart des pays sud-

américains ont aujourd’hui des codes d’éthique médicale qui engagent à

informer les patients ou leurs représentants légaux au sujet du diagnostic et des

traitements possibles (Al-Amri, 2013 ; Schwartsmann & Brunetto, 2013).

Pour parler plus spécifiquement de la situation des enfants et adolescents, vers

les années 90’, des données statistiques montraient qu’un cinquième des

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patients d’oncologie pédiatrique âgés entre 13-15 ans n’était pas informés de

leur maladie et que la proportion montait à un tiers pour ceux entre 8-12 ans

(Last & van Veldhuizen, 1996, dans Skeen & Webster, 2004). Cela montrait

que plus le patient était jeune et moins il avait de chance d’avoir des

explications au sujet du diagnostic, du traitement et du pronostic. Dans le cas

de phase terminale, la proportion montait, avec uniquement 19% des familles

qui communiquaient la fin de vie à leur enfant (Goldman & Christine, 1993,

dans Skeen & Webster, 2004).

De nos jours, la science avance avec la compréhension des causes, des

différentes étapes de développement du cancer et des traitements les moins

invasifs possibles (Rixe et al., 2002). Ces avancées, les mouvements de défense

des droits du patient et l’établissement de codes éthiques de la pratique médico-

psychologique, auraient pour résultat une communication complète à propos du

diagnostic (Holland, 2002 ; Oppenheim & Dauchy, 2004 ; Rixe et al., 2002),

du moins pour les adultes, car comme nous le verrons dans les prochains

chapitres, cela ne serait pas encore systématiquement le cas pour la population

pédiatrique (Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al.,

2004 ; Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010). Entre les années ’60

et 2008, le taux de guérison du cancer chez les enfants et les adolescents a

évolué de 10% à 80%. Les thérapies ont changé et laissent de moins en moins

de séquelles sur le long terme (Gibson, 2008 ; O’Leary et. al., 2008). Toutefois,

nous n’en sommes pas encore à un taux de 100%, ce qui alimente l’incertitude

des soignants et des parents.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Chapitre 2 : Le dilemme éthique de la communication et la voix des

patients pédiatriques

Nous pouvons commencer la défense de notre hypothèse, à savoir qu’il serait

éthique et bénéfique d’informer les patients pédiatriques au sujet de leur

maladie et de leur pronostic. Ceci pour protéger la santé psychique de

l’individu et l’équilibre de la santé publique. Pour ce faire, nous allons définir

ce qu’est une bonne communication, les raisons qui peuvent pousser les adultes

à annoncer ou non le diagnostic de cancer et ce que les patients pédiatriques en

pensent (Beale et al., 2005 ; Blackstone, 2010 ; Canouï, 2004 ; Gaab et al.,

2013 ; Gulati et al., 2012 ; Hatano, Yamada et Fukui, 2011 ; Howells & Lopez,

2008 ; Jacobson et al, 2001 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ;

Stock et al., 2012 ; Lascar et al., 2013 ; La Valle et al., 2012 ; Wilson et al.,

2012 ; Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010).

2.1 Définition d’une bonne communication

La communication est une variable complexe que nous allons tenter de définir.

En effet, la communication ne se limite pas à la production d’un langage parlé,

mais il faut prendre en considération beaucoup plus de facteurs. Dans

l’ensemble de ces facteurs, nous devons considérer aussi les gestes ou le

regard, c’est-à-dire le langage corporel. De plus, la communication peut passer

par la forme orale, écrite et par la technologie également. Donc, selon cette

définition, il s’agit d’une variable multimodale (Blackstone, 2010). Par

exemple, Lascar et al. (2013) décrivent l’expression des enfants passant par

plusieurs modalités, comme la parole, en racontant des histoires ou des rêves

qu’ils ont fait, le dessin ou encore le jeu.

Devoir prendre en considération toutes ces modalités peut mettre en difficulté

toute personne et communiquer avec les patients pédiatriques à propos de

maladies graves peut s’avérer une tâche encore plus complexe si les adultes ne

savent pas par où commencer. Toutefois, les adultes devraient s’adapter à cette

situation stressante pour eux, en utilisant une communication ouverte et

honnête (Al-Amri, 2013 ; Lascar et al., 2013). « Une communication ouverte se

définit en tant que libre expression verbale et/ou non verbale de pensées

positives et négatives et sentiments qui peuvent inclure les peurs, questions, et

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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préoccupations de l’enfant liées à la maladie, le traitement et pronostic, ainsi

qu’à la mort et son processus » (p. 158, traduit de Lascar et al., 2013). Il est

possible d’avoir une communication de ce type de qualité, mais uniquement

par la construction d’une relation interpersonnelle de respect mutuel, de

confiance et d’empathie, ainsi que par un échange d’informations et la

participation active de tous les acteurs dans la discussion (Al-Amri, 2013 ;

Beale et al., 2005 ; Blackstone, 2010 ; Howells & Lopez, 2008 ; Zwaanswijk et

al., 2007). Les avantages de l’utilisation de cette communication honnête et

ouverte peuvent être le fait d’augmenter la compréhension de la situation que le

patient est en train de vivre, l’effet bénéfique que cela peut apporter à son

comportement et donc à son adhésion au traitement, ou encore la possibilité

que cela donne d’obtenir des informations sincères et complètes (Al Odhayani

& Ratnapalan, 2011 ; Ammentorp et al, 2007 ; Balez et al., 2014. ; Barruel et

al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ; Oppenheim, 2004).

Cependant, la langue reste probablement l’un des outils les plus indispensables

à la communication et son niveau peut permettre ou entraver l’accès aux

informations en matière de santé et aux services de soins (Gibson, 2008 ;

Gulati et al., 2012). Donc, avant de décrire le débat sur la communication du

diagnostic et du pronostic aux patients pédiatriques, nous allons prendre en

considération une sorte de sous-problématique, à savoir les effets négatifs du

manque de communication causés par un langage qui amène des difficultés de

compréhension.

2.1.1 Problèmes de communication dus au langage

Nous venons de voir que la communication est un outil complexe, qui parfois

peut être difficile à employer et à interpréter. Le langage serait une variable qui

influence cette interprétation (Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ;

Lascar, et al., 2013 ; Oppenheim, 2004 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wilson et

al., 2012). De ce fait, nous pouvons penser que les enfants ne seraient pas les

seuls acteurs vulnérables dans le domaine du débat de la communication du

diagnostic et du pronostic.

En effet, les personnes qui ne parlent pas correctement la langue de la

consultation peuvent également être des acteurs vulnérables. Par exemple,

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Gulati et al. (2012) ont essayé de comprendre le rôle de la communication et du

langage dans l’expérience vécue par des migrants asiatiques au Canada dont les

enfants étaient patients d’oncologie pédiatrique. Ces parents faisaient

remarquer que l’utilisation d’interprètes n’était pas régulière et, dans certains

cas, le service ne fournissait pas de traduction dans la bonne langue.

Avec la globalisation des sociétés occidentales (Gulati et al., 2012 ; Gibson,

2008 ; Wilson et al., 2012), les hôpitaux recourent de plus en plus à des

services d’interprètes, mais il faudrait s’assurer que ce service soit adéquat

(Blackstone, 2010). Lorsqu’ils ne passent pas par un service formel, ils

recourent à des interprètes informels, à savoir des soignants, des membres de la

famille, des amis ou encore directement le patient. Toutefois, parfois les

parents concernés par la traduction auraient encore quelques perplexités. Dans

l’étude de Gulati et al. (2012), les parents n’étaient pas sûrs de la quantité des

informations traduites. Cependant, ils appréciaient la présence d’un interprète

même lorsqu’ils étaient capables de parler correctement la langue de la

consultation, surtout pendant la première période du diagnostic et en cas

d’informations vitales. Se trouvant dans une situation émotionnellement

chargée, quand cela est possible, le fait d’offrir l’opportunité aux patients et à

leurs familles de s’exprimer dans leur langue native permettrait de rendre cette

situation plus confortable. Avec un environnement plus familier, il leur serait

plus facile d’accepter une communication ouverte et honnête, aussi par le fait

qu’il y aurait moins d’entraves à poser des questions et de répondre aux

questions des soignants.

Toutefois, le langage ne semble pas être uniquement un problème pour les

personnes qui ne parlent pas la langue de la consultation, mais il peut devenir

une entrave selon l’état d’âme de la personne et le niveau de compréhension

des informations sensibles (Canouï, 2004 ; Gibson, 2008 ; Gulati et al., 2012 ;

Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004). L’hypothèse selon laquelle la

plupart des parents ne serait pas experte en matière d’oncologie pédiatrique,

nous paraît raisonnable. Il faudrait donc prendre en considération cette lacune

de connaissances et de termes spécifiques au monde de la médecine, afin

d’élaborer une communication plus efficace. En effet, lorsque les parents se

trouvent face aux explications de manœuvres médicales très complexes, ils

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préfèrent généralement que les soignants utilisent un langage simple pour les

décrire et ils pensent qu’il serait utile de les accompagner d’outils visuels

(Gibson, 2008 ; Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ; Skeen &

Webster, 2004).

Finalement, l’incapacité de communiquer de façon complète avec les soignants

peut être une entrave au fait de prendre part aux discussions concernant la

maladie et le traitement.

2.2 Débat sur la communication : faut-il ou non annoncer le diagnostic de

cancer et le pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique ?

Dans les deux prochains sous-chapitres, nous allons présenter les arguments

qui peuvent pousser les adultes à ne pas annoncer le diagnostic de cancer, que

nous pouvons résumer par la volonté de protéger l’enfant, ou de l’annoncer,

principalement pour le préparer (Beale et al., 2005 ; Canouï, 2004 ; Gaab et al.,

2013 ; Gulati et al., 2012 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen &

Webster, 2004 ; Stock et al., 2012 ; Wilson et al., 2012 ; Zwaanswijk et al.,

2007 ; Zwaanswijk et al., 2010).

2.2.1 Ne rien dire à l’enfant afin de le protéger

Bien qu’il y ait un bon nombre d’arguments cités dans l’introduction de ce

mémoire qui prouvent l’utilité de communiquer aux patients pédiatriques leur

maladie et pronostic, nous concevons que certaines personnes puissent ne pas

être d’accord et ceci pour plusieurs raisons. Étant donné la sensibilité du sujet,

certains soignants et parents tendent à ne pas vouloir communiquer le

diagnostic et le pronostic d’une maladie aux enfants (Beale et al., 2005 ; Gaab

et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004). La raison

principale serait l’intention de protéger l’enfant (Canouï, 2004 ; Gaab et al.,

2013 ; Gulati et al., 2012 ; Hatano et al., 2011 ; Skeen & Webster, 2004 ;

Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010).

Gaab et al. (2013) ont effectué des entretiens qualitatifs semi-structurés avec 19

parents de patients en soins palliatifs pédiatriques – encore vivants ou morts

depuis six mois –, afin de savoir quelles pouvaient être les raisons de parler ou

de ne pas parler de la mort avec leurs enfants malades. Les patients en question

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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n’étaient pas tous atteints de cancer, mais nous pensons que c’est la situation

d’un enfant gravement malade qui a un impact sur la communication et que ces

raisons seraient transposables également au fait de ne pas annoncer le

diagnostic de cancer.

Plusieurs participants ont cité le souhait de vouloir préserver les liens familiaux

comme facteur les empêchant de discuter de ces sujets avec l’enfant. Parfois

parce que l’enfant ne voulait pas en parler avec sa famille, ou les parents

pensaient que l’enfant avait déjà compris les informations nécessaires, ou

encore parce que c’était un membre de la famille externe au noyau parents-

enfants qui conseillait de ne pas en parler avec l’enfant afin de protéger les

relations de ce noyau. Nous voulons faire une réflexion au sujet de l’enfant qui

est décrit comme réfractaire à la discussion. Gaab et al. (2013) ont eux-mêmes

affirmé que le fait de ne pas avoir vérifié en parallèle le point de vue des

enfants était un point faible de leur étude. Bien que cette hypothèse soit

vraisemblable, il paraît important de s’assurer qu’il s’agit véritablement de

l’attitude de l’enfant et non d’une perception des parents qui reflèterait leur

propre évitement. Nous en parlerons de manière plus détaillée plus loin dans ce

même chapitre.

Une autre raison liée à l’intention de protéger l’enfant, serait celle de ne pas

provoquer de changement brusque d’émotion. En effet, les parents ont affirmé

vouloir faire en sorte que la famille ne ressente pas d’émotions négatives et

qu’elle ne perde pas espoir (Gaab et al., 2013 ; Lascar et al., 2013). De plus, ils

veulent éviter d’avoir des regrets, de subir des reproches ou que l’enfant se

sente coupable (Gaab et al., 2013 ; Zwaanswijk et al., 2010). Les participants

de l’étude de Gulati et al. (2012) affirmaient également que lorsque l’enfant

parlait la langue de consultation et qu’il avait 10 ans ou plus, il pouvait être

considéré comme un bon interprète, mais que s’il était au courant de toute la

situation, ils avaient le sentiment de ne pas pouvoir le protéger des

informations angoissantes.

Une troisième raison qui entraverait la communication au sujet du diagnostic et

du pronostic a été résumée par les auteurs dans la catégorie de l’évitement de

changement négatif des perceptions. C’est-à-dire que les parents voudraient

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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protéger leur enfant de l’inconnu ou de la stigmatisation à propos de la mort.

De plus, il y aurait aussi une tentative de préserver l’innocence de l’enfant.

Figure 1. Représentation schématique des raisons qui font que les parents ne

communiquent pas le pronostic de fin de vie aux enfants. Tiré et traduit de

Gaab et al. (2013).

D’autres auteurs affirment que parmi les raisons qui peuvent pousser les

adultes – les soignants et les parents – à ne pas vouloir communiquer aux

enfants les informations au sujet d’une maladie grave, il y a le sentiment

d’impuissance, le deuil, ou encore la croyance selon laquelle l’enfant est trop

petit et ne peut pas comprendre (Skeen & Webster, 2004).

Bien que l’intention de protéger l’enfant d’une situation douloureuse soit

compréhensible, les adultes négligent un axiome de la communication, à savoir

que l’être humain ne peut pas ne pas communiquer (Canouï, 2004). Comme

nous l’avons expliqué auparavant, même lorsque nous n’exprimons pas de

paroles, notre attitude et notre comportement sont interprétés par l’autre, donc

ils communiquent un message. Il est difficile que l’information ne sorte pas du

cercle proche de l’enfant. Plus précisément, nous voulons dire que l’enfant

arrivera très probablement à comprendre la situation en discutant avec d’autres

enfants hospitalisés (Skeen & Webster, 2004).

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

29

2.2.2 Informer l’enfant afin de le préparer

Le choix de ne pas révéler à l’enfant quels sont le diagnostic et le pronostic ne

nous paraît pas judicieux, nous avons trouvé des auteurs en accord avec notre

hypothèse. La raison principale des parents pour en parler serait l’intention de

préparer l’enfant et de lui donner un rôle actif dans le traitement (Beale et al.,

2005 ; Canouï, 2004 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et al.,

2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012 ; Wilson et al., 2012 ;

Zwaanswijk et al., 2010).

Toujours selon l’étude de Gaab et al (2013), certains parents disent vouloir

parler de la mort avec l’enfant pour des raisons de reconnaissance. En effet,

certains parents seraient tout de même conscients du fait que l’enfant malade,

ainsi que la fratrie, sont déjà au courant que quelque chose ne va pas. Leur

enfant pouvait avoir compris la situation directement par ses symptômes

physiques ou en observant le comportement de son entourage. Le choix final

était donc de ne pas lui mentir en cachant le pronostic. Pour certaines familles,

il s’agissait de leur fonctionnement habituel, à savoir d’avoir toujours une

attitude d’ouverture complète et honnête à la discussion avec les enfants. Dans

d’autres cas, la discussion à propos de la mort des enfants n’était pas une

véritable initiative des parents, mais ils avaient décidé de répondre au

questionnement de l’enfant.

Une autre raison d’affronter le sujet de la mort avec l’enfant malade est celle de

lui donner du pouvoir. Ainsi, les parents souhaitent informer l’enfant afin de lui

permettre d’affronter le problème et de l’aider à se sentir en paix avant de

mourir. L’enfant pourrait donc être actif dans la prise de décisions, ce qui

améliorerait sa qualité de vie.

Certains parents décident de communiquer à l’enfant malade son pronostic à

des fins d’enseignement. La tentative serait celle d’apprendre à l’enfant

comment mieux faire face aux situations difficiles. Ils pensent que l’enfant peut

ainsi comprendre pourquoi le pronostic est négatif et qu’il va recevoir des

réponses aux questions qui sont importantes pour lui.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Figure 2. Représentation schématique des raisons qui font que les parents

communiquent le pronostic de fin de vie aux enfants. Tiré et traduit de Gaab et

al. (2013).

Si nous préparons l’enfant à ce qui se passe, en l’informant du diagnostic et de

sa prise en charge, ceci aurait pour résultat de prévenir ou diminuer son stress

(Beale et al., 2005 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen et

Webster, 2004 ; Stock et al., 2012). En effet, il s’agit d’une façon de

développer des stratégies de coping, qui seraient moins développées chez

l’enfant. Lorsqu’il se trouve dans le milieu hospitalier, il peut y avoir beaucoup

de stimuli nouveaux. Nous devons reconnaitre que l’enfant pourrait avoir peur

des soignants, qui représentent des adultes qu’il ne connait pas, et des

nombreux outils utilisés dans la prise en charge du patient. Ne pas informer les

enfants de tous ces changements rendrait les adultes négligeants et signifierait

ne pas aider l’enfant à faire face au stress. (Stock et al., 2012).

Finalement, communiquer le diagnostic aux patients d’oncologie pédiatrique

ne se limiterait pas à donner une série d’informations, mais il s’agirait d’un

processus qui leur permettrait de donner un sens à ce qui se passe, ce qui peut

se révéler bénéfique aussi au niveau pratique dans la suite du traitement

(Canouï, 2004). Cependant, bien que nous offrions l’opportunité de discuter

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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ouvertement de la maladie et tout ce qu’y est relié, certains enfants et

adolescents pourraient ne pas vouloir en parler. Il est donc de notre devoir de

respecter cette volonté, tout en restant vigilant s’ils changent d’idée (Skeen &

Webster, 2004). Pour cette raison, nous allons vérifier ce que les enfants et

adolescents pensent à propos de la communication de sujets liés à la santé.

2.2.3 L’opinion des patients pédiatriques

Plusieurs études sur le désir des enfants de discuter de la maladie et de son

traitement sont citées dans la littérature et paraissent être en accord avec les

lignes directrices de certains services d’oncologie pédiatrique, qui suggèrent de

rendre ces patients participatifs en leur communicant les informations au sujet

de leur situation (Beale et al., 2005 ; Canouï, 2004 ; Hatano et al., 2011 ;

Jacobson et al, 2001 ; La Valle et al., 2012 ; Wilson et al., 2012 ; Zwaanswijk

et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010).

Pour vérifier si les patients pédiatriques atteints de cancer veulent réellement

en discuter avec les adultes, l’étude de Wilson et al. (2012) peut déjà nous aider

à comprendre quelles sont les tendances générales des enfants lorsqu’il s’agit

de communiquer des émotions. Les auteurs ont organisé des entretiens

structurés avec des enfants par rapport à leur décision d’exprimer des émotions

telles que la colère et la tristesse, ainsi que la communication d’éventuelles

douleurs physiques. Plus précisément, ils ont cherché à comprendre si ces

émotions étaient contrôlées ou communiquées et quelles sont les raisons qui

justifient ce choix. De ce fait, ils ont utilisé des vignettes avec des situations

qui invoquaient une de ces émotions et la présence d’une personne, à savoir

une mère, un père ou un autre enfant. Il y avait une variable bien spécifique à

leur étude, car les participants entre 6 et 9 ans provenaient de trois milieux

culturels différents. Un groupe représentait la banlieue de classe moyenne des

États-Unis, un autre la banlieue de classe moyenne indienne et le dernier la

vielle-ville indienne. Ce type d’étude peut nous donner des indications non

seulement sur la tendance des enfants à exprimer leurs émotions, mais aussi

des possibles différences culturelles qui influencent cette tendance et qui

peuvent donc nous indiquer comment organiser des interventions toujours plus

individualisées. En effet, nous avons effleuré cette variable lorsque nous avons

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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illustré les problèmes dus au langage et nous allons nous y intéresser encore

dans les prochains chapitres.

Wilson et al. (2012) ont trouvé des différences culturelles entre ces trois

groupes. Par rapport à l’expression de la colère, de la tristesse ou de la douleur,

les enfants américains auraient plus tendance à les communiquer par rapport

aux deux groupes d’enfants indiens. Pour eux, il s’agirait d’un désir de vouloir

en parler, alors que les enfants indiens seraient plutôt enclins à contrôler leurs

émotions afin de respecter certaines normes sociales. De plus, la différence

était plus significative entre les enfants américains et les enfants indiens de la

vielle-ville. Ceci reflèterait une tendance générale selon laquelle les cultures

occidentales ont une approche intra-personnelle qui inciterait les personnes à

manifester leurs émotions et selon laquelle les cultures orientales ont une

approche interpersonnelle qui inciterait les personnes à s’intégrer au groupe par

le biais d’une pression sociale (Hatano et al., 2011 ; Wilson et al., 2012).

Cependant, si nous prenons en considération la communication de la douleur, il

n’y avait pas de différence entre les trois groupes. Tous ces enfants

demanderaient de l’aide pour obtenir des soins.

Après avoir vu cette tendance à exprimer les émotions et la douleur, nous

allons voir ce que les patients pédiatriques pensent de la communication ciblant

plus spécifiquement la santé. L’étude de La Valle et al. (2012) cherchait à en

savoir plus sur le point de vue des enfants et adolescents anglais au sujet des

soins médicaux qui les visent. En effet, les patients en dessous de 16 ans ne

sont pas questionnés par les statistiques officielles du NHS – n.b. National

Health System –. Habituellement, les enfants et adolescents décrivent leur vécu

en matière de soins comme étant positive, mais il y a tout de même certains

sujets négatifs qui surviennent régulièrement. Parfois ils ressentent un manque

de respect de la part des adultes faisant partie de l’entourage médical. De plus,

les soignants auraient tendance à utiliser une communication qui n’est pas

adéquate pour leur compréhension. Ils n’ont pas souvent de pouvoir de

décision, mais quand cela arrive, ils décrivent positivement leur participation

active (Jacobson et al, 2001 ; La Valle et al., 2012). Enfin, ils se sentent en

difficulté au sujet de leur passage des soins pédiatriques vers les soins pour

adultes. Donc, il va de soi qu’ils souhaiteraient être traités avec plus de respect

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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dans une relation de confiance mutuelle, avoir un environnement personnalisé

pour les jeunes et pouvoir faire des choix à propos de leurs soins. Plus

concrètement, les enfants et adolescents désirent être écoutés et souhaitent que

les soignants agissent selon leurs recommandations, savoir si celles-ci sont

efficaces et lorsqu’il ne serait pas possible de suivre leur choix, ils voudraient

que les soignants leur expliquent pourquoi.

Les jeunes anglais n’ont pas l’impression d’avoir un accès facilité par les

adultes aux informations en matière de santé. Par exemple, les campagnes

publiques de sensibilisation sont décrites comme ne ciblant pas véritablement

les sujets sensibles pour lesquels ils auraient des questions et qui ne visent

explicitement que le public adulte. Ce qui aurait pour résultat de leur rendre la

tâche difficile lorsqu’il s’agit de bonnes décisions en matière de santé (La Valle

et al., 2012). Cela souligne l’importance d’adapter le contenu et le format des

informations selon l’âge des personnes concernées (Eiser, 1985 ; Lascar et al.,

2013 ; La Valle et al., 2012 ; Skeen & Webster, 2004).

Passant de la santé en général, à celle des patients d’oncologie pédiatrique, la

tendance semble rester la même. En 2007, Zwaanswijk et al. ont organisé des

focus groups online pour illustrer les préférences en matière de communication

chez des patients d’oncologie pédiatrique, leurs parents et des anciens patients.

Le but était de vérifier si le concept de partage de l’information permettant une

participation active des enfants dans le traitement du cancer, suggéré par les

guides pour soignants, correspondait aux attentes de ces différents groupes.

Sans aller dans le détail de tous les arguments cités dans ces focus groups, nous

pouvons voir que ce concept est généralement partagé aussi par les différents

groupes. À savoir, que les personnes souhaitent une communication

mutuellement ouverte et honnête, même quand cela signifie admettre de ne pas

pouvoir donner certaines réponses (Al-Amri, 2013 ; Zwaanswijk et al., 2007).

Nous voudrions souligner une particularité que nous n’avons pas trouvée dans

d’autres références. Les patients actuels et les anciens patients ont exprimé le

désir d’avoir également un échange d’informations ne concernant pas leur

condition médicale. Si ce mémoire se focalise sur le droit du patient

pédiatrique à être informé de ce qui lui arrive, nous ne devons pas oublier qu’il

est préférable de toujours laisser une marge d’adaptation au cas par cas.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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L’expertise éthique est là pour nous rappeler que si nous considérons la

communication ouverte comme une intervention légitime et justifiable d’intérêt

publique, il faut parfois garder une place pour l’intérêt d’un seul individu

vulnérable (Massé, 2012). En effet, ces participants des focus groups

voudraient que leur identité ne soit pas définie juste par le fait d’être patients.

Le patient a donc droit à être renseigné sur sa maladie, mais également à avoir

des interactions humaines au sujet d’autres aspects de sa vie (Zwaanswijk et

al., 2007).

En 2010, Zwaanswijk et al. ont à nouveau tenté d’illustrer quelles étaient les

préférences par rapport au niveau d’intégration des enfants dans l’échange

d’informations ou de la prise de décision au sujet de leurs soins. Les réponses

ont montré que l’empathie des soignants est très importante aux yeux des trois

groupes de participants, que les informations devraient être données à tous les

membres de la famille en même temps et qu’il serait préférable de laisser les

enfants prendre part aux décisions médicales.

Les études sur la tendance naturelle qu’auraient les patients pédiatriques à

vouloir être informés de leur maladie et de leur pronostic, nous aident à

renforcer notre hypothèse. De plus, il existe aussi des droits qui protègent leur

opinion. Selon la Charte de l’enfant hospitalisé érigée par l’UNESCO, « les

enfants et leurs parents ont le droit de recevoir une information sur la maladie

et les soins adaptée à leur âge et leur compréhension, afin de participer aux

décisions les concernant. » (p. 32 Charte de l’enfant hospitalisé Unesco, OMS

1989, dans Canouï, 2004). Bien que cette charte soit universelle, les hôpitaux

se basent principalement sur les textes légaux de leur pays et ces textes ne

donnent pas toujours le droit de choisir aux mineurs (Barruel et al., 2012 ;

Canouï, 2004).

Par exemple, si nous lisons les bases juridiques pour le quotidien du médecin

éditées par l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) et la Fédéretion

des Médecins Suisses (FMH), celles-ci considèrent que les enfants ne sont pas

capables de discernement, les informations concernant la maladie doivent donc

être données aux parents. La limite de capacité de discernement est considérée

comme totalement acquise à partir de 16 ans, mais il existe des exceptions

lorsque les patients ont entre 12 et 16 ans. Dans cette tranche d’âge, il

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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appartient au médecin d’analyser la capacité de discernement au cas par cas.

De manière générale, ces bases juridiques suisses soulignent cependant que les

parents ont plus de pouvoir de décision que leur enfant. Toutefois, même quand

les textes légaux s’opposent à la charte de l’enfant hospitalisé éditée par

l’Unesco, nous pensons que le droit à l’information devrait rester un devoir

éthique et humain (Canouï, 2004).

Ceci dit, nous allons maintenant citer une série d’études sur la manière de

former les soignants au sujet de la communication et proposer par la suite une

démarche qui prenne en considération tous les acteurs cités jusque-là, de même

que leurs inquiétudes et leurs droits.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Chapitre 3 : Formations sur la communication avec les patients

Nous venons de voir le débat entre les personnes en faveur de l’information des

enfants au sujet de leur maladie et celles qui s’y opposent, et nous avons pris

position en faveur de la communication ouverte avec les patients pédiatriques.

Avant de proposer notre démarche de communication du diagnostic et du

pronostic de fin de vie, nous allons présenter des modèles structurés déjà

existant (Baile et al., 2000 ; Silverman et al., 2010) et une série de formations

qui les utilisent comme outils de base (Ammentorp et al., 2007 ; Back et al.,

2007 ; Bonnaud-Antignac, Campion, Pottier et Supiot, 2010 ; Gulbrandsen,

Jensen, Finset et Blanch-Hartigan , 2013 ; Simmenroth-Nayda, Heinemann,

Nolte, Fischer et Himmel, 2014).

3.1 Considérations générales

Comme nous l’avons cité dans la problématique, il arrive parfois que les

soignants aient de la difficulté à communiquer ouvertement avec les patients

(Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004 ;

Zwaanswijk et al., 2010). Dans un domaine aussi chargé émotionnellement, il

serait bénéfique de fournir au personnel un entrainement pratique sur la façon

d’annoncer les mauvaises nouvelles et non uniquement un simple guide à

consulter (Dikici et al., 2013 ; Fallowfield & Jenkins, 2004). Bien que le but

principal des soignants soit de procéder à un recueil d’informations pour

pouvoir trouver une solution au problème du patient, des études sur les

techniques de communications des pédiatres ont montré qu’il peut y avoir

beaucoup de différence entre soignants. Nunes et Ayala (2010) ont analysé les

consultations médicales de cinq pédiatres, trouvant ce même constat. Leur

échantillon était petit, mais cela pourrait indiquer un besoin de lignes

directrices et d’entrainements plus spécifiques que ceux déjà utilisés. Cela

montre à nouveau que le simple bon sens ne semble pas être ne variable fiable

quand il s’agit d’annoncer un diagnostic ou un pronostic (Canouï, 2004).

Par conséquent, il serait utile d’organiser des sessions d’entrainement pratique

pour les soignants, afin de trouver une manière de gérer une communication

honnête et ouverte, qui prendrait en considération l’empathie et la capacité

d’encourager les personnes à garder espoir. Cela aiderait les soignants à gérer

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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les réactions des parents des enfants malades (Baile et al., 2000 ; Fallowfield &

Jenkins, 2004 ; Lang et al., 2002 ; Lascar et al., 2013 ; Riess, 2010 ; Silverman

et al., 2010). A ce propos, les soignants auraient parfois tendance à laisser

implicitement aux parents la tâche de communiquer à un enfant les

informations au sujet de sa maladie (Hatano et al., 2011 ; Veldtman et al.,

2000). Il ne faut évidemment pas juger ce comportement, mais la mise en place

de ces sessions pratiques permettrait de rappeler aux soignants que les parents

ne sont pas toujours aptes à effectuer correctement cette tâche, car ils peuvent

ne pas comprendre eux-mêmes les concepts présentés par les soignants ou

simplement ne pas retenir toute la quantité d’informations (Veldtman et al.,

2000).

Enfin, grâce à ces sessions d’entrainement, les soignants pourraient améliorer

leur capacité d’écoute et les bonnes stratégies de communication en général

(Skeen & Webster, 2004). Toutefois, pour qu’ils assurent une communication

adaptée à l’âge des enfants (Blackstone, 2010), ils devraient être formés pour

répondre de manière correcte aux questions des enfants. Ce qui consisterait

aussi à ne pas inventer des informations uniquement pour donner une réponse,

mais plutôt à être honnêtes en disant qu’ils ne connaissent pas la réponse et

qu’ils vont chercher des renseignements à ce sujet (Lascar et al., 2013 ; Skeen

& Webster, 2004). Ceci dit, nous devons signaler que ce type de formation

existe, du moins en ce qui concerne la communication entre soignant et patient

adulte. Les deux modèles plus connus sont le protocole SPIKES (Baiele et al.,

2000) et le guide de Calgary Cambridge (Silverman et al., 2010).

3.2 Le protocole SPIKES et le guide Calgary Cambridge

Baile et al. (2000) ont développé un protocole d’annonce de mauvaises

nouvelles en six étapes nomé SPIKES. Dans leur étude, ils appliquent ce

protocole au cas des patients souffrant de cancer. Il permettrait aux oncologues

de toucher quatre objectifs principaux, à savoir obtenir et donner des

informations, offrir un support émotionnel et élaborer la suite de la prise en

charge avec la collaboration du patient. Plus spécifiquement, les six étapes

consistent à établir un setting adapté, évaluer la perception du patient, évaluer

ce que le patient veut savoir à propos de la mauvaise nouvelle, donner des

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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informations, s’adresser au patient de façon empathique et établir la prise en

charge de la maladie, tout en résumant régulièrement les informations. Ce type

de protocole, qui décrit des stratégies de communication par étapes, permettrait

aux soignants d’avoir plus de confiance en leur capacité à donner des

mauvaises nouvelles. En effet, 99% des soignants qui ont participé à une étude

sur l’utilisation du SPIKES pensent qu’il s’agit d’un protocole simple et

pratique, même si la cinquième étape sur l’empathie du soignant semble être la

plus difficile à appliquer de façon optimale (Baile et al., 2000). Comme nous

l’avons déjà observé, l’empathie est un point délicat dans la pratique des

soignants, mais elle peut être encouragée et entrainée (Balez et al., 2014 ;

Riess, 2010 ; Woloschuk et al., 2004).

L’Université de Nantes – France –, organise un entrainement en trois sessions

pour ses étudiants de médecine de cinquième année lors du stage en oncologie

(Bonnaud-Antignac et al., 2010). Premièrement, un cours pendant lequel la

classe discute de différentes techniques de communications et des six points du

SPIKES plus en détail. Si cette première session est obligatoire, les deux autres

sont facultatives. De façon volontaire, les étudiants peuvent participer ensuite à

un entretien simulé avec un patient acteur qui est enregistré, pour voir la

manière dont ils appliquent les conseils du cours. Pour finir, un feedback par

une psychologue et un médecin sur la performance de l’étudiant lors de

l’entretien simulé. Avant et après chaque session les étudiants font une auto-

évaluation et une deuxième évaluation est remplie par des experts, à savoir la

psychologue et le médecin. Finalement, les étudiants sont évalués une dernière

fois lors de l’examen de fin d’année. Les résultats de l’année académique

2004-2005 ont montré d’un côté que les étudiants avaient le sentiment d’avoir

amélioré leurs compétences en communication après les trois sessions et de

l’autre côté que les étudiants avec un plus grand sentiment d’amélioration

avaient expliqué plus correctement le SPIKES lors de l’examen de fin d’année.

Cependant, les auteurs ne peuvent en dire plus à propos de l’efficacité à long

terme de leur formation sur la pratique actuelle de ces anciens étudiants.

Sur cette même voie, Back et al. (2007) ont également testé l’efficacité des

formations en matière de communication de mauvaises nouvelles. La formation

de leur étude consistait en un workshop de quatre jours, appelé Oncotalk, qui

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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se basait sur les six points du protocole SPIKES. Outre la communication

standardisée de mauvaises nouvelles de Baile et al. (2000), le workshop se

concentrait également sur une discussion en six étapes de la transition en soins

palliatifs élaborée par Back et al. (2007). A savoir, l’évaluation de la

compréhension du patient de son état, la définition de buts communs, le

questionnement à propos de ses craintes, comment faire face à ses émotions, la

proposition du plan de soins et la révision de sa compréhension des cinq

premières étapes. Les participants étaient évalués avant et après la formation

par des entretiens enregistrés avec différents patients simulés par des acteurs.

Cette évaluation ciblait les différentes étapes enseignées, ainsi que l’expression

verbale empathique des oncologues. Les auteurs ont prouvé l’efficacité des

modèles de communication standardisée, les participants avaient amélioré de

manière statistiquement positive leurs compétences en matière de

communication après la formation. De plus, dans 91% des cas, les évaluateurs

pouvaient reconnaître s’il s’agissait de l’entretien pré ou post workshop, alors

que les entretiens leur étaient présentés de manière aléatoire. Cependant,

comme dans l’étude de Bonnaud-Antignac et al. (2010), ses améliorations

concernaient des évaluations à court terme.

Outre le protocole SPIKES, nous pouvons citer un deuxième modèle bien

connu. Dans les pays anglophones, selon Silverman et al. (2010), le

programme le plus utilisé lors de l’enseignement de la communication avec les

patients serait celui du guide de Calgary-Cambridge. Ce guide est divisé en

plusieurs sections, à savoir comment commencer l’entretien, recueillir

l’information, structurer la consultation, construire la relation, expliquer et

planifier le suivi, et enfin, comment terminer l’entretien. Chacune d’entre elles

est divisée en sous-sections, avec un total de 71 outils de base qui guident le

soignant dans l’entretien médical. Simmenroth-Nayda et al. (2014) ont testé la

validité de la version courte du guide de Calgary Cambridge, à savoir les 28

outils utilisés lors de l’anamnèse du patient, pour voir si cette version peut être

utilisée pour évaluer les compétences communicationnelles des étudiants de

médecine. Ils ont demandé à 30 membres de la faculté de médecine de

l’Université de Göttingen – Allemagne – d’évaluer cinq entretiens, avec

patients simulés, d’étudiants du cours de compétences cliniques de base. Ces

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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évaluateurs étaient des médecins, des étudiants assistants, des psychologues et

des sociologues. Les entretiens ont été évalués deux fois à 12 semaines

d’intervalle. La distribution des items, ainsi que la fidélité test-retest ont

montré que la version courte du guide Calgary Cambridge est un outil valide,

qui permet d’évaluer les compétences des étudiants en matière de

communication avec les patients. Cependant, les auteurs suggèrent que les

évaluateurs doivent également être formés sur ces outils de communication.

3.3 D’autres formations

Nous avons trouvé d’autres études à propos de l’efficacité des formations en

matière de communication avec les patients. Par exemple, Ammentorp et al.

(2007) ont comparé le sentiment d’efficacité perçue de soignants ayant

participé à un cours de cinq jours – une première session de trois jours et une

deuxième session de deux jours quatre semaines plus tard –, à celui d’un

groupe contrôle n’ayant pas reçu ce cours sur la communication avec les

patients. Le cours proposé se focalisait sur la manière de structurer une

consultation, quelles techniques de communication utiliser – telles que

l’écoute, la reformulation ou le questionnement –, et comment appréhender les

craintes et les besoins des patients. Bien que les auteurs n’aient pas évalué

directement la performance des participants, le sentiment d’efficacité perçue a

été considéré comme un bon prédicteur de performance. En effet, les

questionnaires d’auto-évaluation des soignants ayant participé au cours ont

montré qu’ils ont augmenté leur sentiment d’efficacité perçue. L’évolution a

été observée avant le cours, juste après, trois mois plus tard et l’effet était

encore présent six mois après la première auto-évaluation. Toutefois, les

auteurs disent qu’il n’est pas possible de savoir si ce résultat est biaisé par la

désirabilité sociale des soignants, qui auraient la volonté de montrer que cette

formation est utile. Par rapport aux études décrites dans la section précédente,

nous pouvons voir qu’Ammentorp et al. (2007) ont fourni des résultats sur une

durée plus longue.

Gulbrandsen et al. (2013) ont fait une évaluation de l’effet à long terme des

formations en matière de communication avec les patients. Les 62 médecins de

leur étude ont dû participer à une formation de 20 heures, à propos du modèle

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Four Habits. Ce modèle donne une série de techniques sur la manière de

commencer une consultation, de spécifier le point de vue du patient, de montrer

de l’empathie et de conclure cette consultation. Leur performance avec des

vrais patients a été enregistrée avant la formation et 12 mois plus tard.

L’analyse statistique a montré l’amélioration générale des performances. De

plus, les médecins ont dû remplir un questionnaire sur leur sentiment

d’efficacité perçue avant et après la formation, ce qui a montré la corrélation

positive entre performance et sentiment d’efficacité perçue – ce qui selon nous

valide l’hypothèse d’Ammentorp et al. (2007). Après une évaluation trois ans

plus tard, le sentiment d’efficacité perçue était encore influencé de manière

positive par la formation. Les auteurs disent qu’il s’agit de la première étude

qui a observé l’effet à long terme de ce type de formation, ce résultat cependant

ne pourrait pas être dissocié de l’expérience acquise dans ce laps de temps.

Toutefois, une confirmation pourrait venir d’une méta-analyse de 13 études sur

des formations diverses en matière de communication avec les patients, qui a

montré qu’il y a généralement une amélioration des compétences et de

l’attitude après avoir y participé (Barth & Lannen, 2010).

Cependant, il y a besoin de continuer les recherches dans ce domaine, car nous

ne sommes pas encore en mesure de définir quelle est la durée minimale pour

concilier un effet de longue durée et des coûts de formation non élevés. De

plus, étant donné la difficulté de certains soignants à adapter leur

communication au niveau des enfants, car entravés par un abaissement

d’empathie, nous pensons que ces formations devraient être développées en

fonction de certaines spécificités. Contrairement à notre raisonnement,

Silverman et al. (2010) affirment que chaque soignant serait capable d’adapter

les outils du guide de Calgary Cambridge à toute situation. Dans le dernier

chapitre de leur ouvrage, ils donnent des exemples pour appliquer les outils à

des situations particulières, mais l’exemple de la situation d’annonce de

mauvaise nouvelle a pour cible le patient adulte et l’exemple concernant le

patient enfant est décrit uniquement dans une situation de visite pédiatrique

générale. De cette façon, ils considéreraient que la communication du

diagnostic et du pronostic aux patients d’oncologie pédiatrique serait à adapter

par le soignant lui-même, ce qui risque d’être compliqué en vue de la

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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fluctuation du niveau d’empathie qui pourrait biaiser la prise de décision du

soignant concernant l’adaptation des outils à la communication de mauvaises

nouvelles avec les enfants.

C’est pour cette raison que nous allons décrire de façon très détaillée une

démarche d’annonce du diagnostic et du pronostic de fin de vie calibrée au

niveau de compréhension des patients pédiatriques. Ceci afin d’ouvrir une

nouvelle piste au niveau de la recherche et donner assez d’informations pour

faire évoluer l’enseignement aux futurs spécialistes d’oncologie pédiatrique.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Chapitre 4 : Comment annoncer le diagnostic aux patients d’oncologie

pédiatrique

Bien qu’il soit difficile de communiquer le diagnostic d’une maladie grave aux

patients adultes, il faut prendre en considération le fait que cette tâche se

complexifie quand les soignants se trouvent face aux patients pédiatriques. À

l’exception d’adultes qui ont des problèmes de communication, tels qu’une

expression incorrecte de la langue de la consultation ou une sorte d’entrave

cognitive, nous pouvons envisager qu’ils seront capables de comprendre le

diagnostic et le traitement. Alors que face aux enfants, les soignants devraient

comprendre leur capacité de perception et de compréhension de la maladie

avant de pouvoir choisir la meilleure stratégie pour expliquer le diagnostic et la

suite de la prise en charge. Nous allons donc porter notre réflexion sur la

compréhension qu’ont les enfants de leur corps et maladie, pour ensuite

illustrer une démarche d’annonce du diagnostic de cancer qui nous parait

adéquate (Eiser, 1985 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen &

Webster, 2004 ; Varni, Limbers et Burwinkle, 2007).

4.1 La perception du corps et de la maladie chez les enfants

Jusqu’à l’âge de 2 ans, les enfants ne pourraient pas appréhender le monde qui

est distinct d’eux. À ce moment, ils se trouvent au début de leur apprentissage

social et ils sont encore totalement dépendants des autres. De plus, leur

capacité de mémorisation serait encore limitée, il faudrait donc attendre qu’ils

parlent pour qu’ils puissent avoir un moindre concept de ce qu’est la maladie.

Cela signifie que les soignants ont plus de pouvoir sur les soins et moins de

possibilités d’avoir une participation consciente des enfants (Skeen & Webster,

2004 ; Varni et al., 2007).

Pour pouvoir comprendre ce que les enfants savent de leur corps, il est possible

de leur demander de le dessiner. Ainsi, en dessous de 5 ans, lorsque les enfants

dessinent leur corps, ils ont tendance à représenter les os, le sang et la

nourriture. De ce fait, lorsqu’ils sont questionnés à propos de la fonction des

organes du corps humain, leurs réponses montrent une compréhension très

basique, dans laquelle un organe correspond à une action spécifique et ils ne

sont pas conscients des différentes connections. Par exemple, les enfants de 5

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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ans pourraient dire que le cerveau sert à penser et que le cœur permet d’aimer.

Il faudrait attendre encore quelques temps pour passer de « le cerveau sert à

penser » à une représentation de la mentalisation de ses propres actes (Eiser,

1985). Lorsqu’il y a un changement dans le corps et qu’une maladie se

développe, les enfants entre 4 et 7 ans ont tendance à l’interpréter comme une

conséquence de la magie ou de la sorcellerie, et la percevraient donc comme

une punition (Skeen & Webster, 2004). Ainsi, les traitements médicaux

seraient aussi perçus comme une punition, car cela prend du temps avant de

voir la disparition des symptômes désagréables. De plus, ils pensent que les

médicaments avec un mauvais goût ne font pas d’effet, contrairement à ceux

avec un bon goût. Ces côtés « négatifs » de la situation du malade seraient

finalement perçus comme une façon volontaire de leur nuire de la part des

soignants (Eiser, 1985). Selon la revue de littérature de Varni et al. (2007), à

partir de 5 ans, les enfants sont capables de passer des tests qui mesurent leur

qualité de vie. Toutefois, il faut que les versions de ces tests soient adaptées

aux enfants. Ceci nous suggère qu’il serait possible de prendre en considération

l’opinion des enfants de 5 ans et plus au sujet des soins, lorsque les

informations sont adaptées à leur niveau de développement. En ce qui concerne

les plus jeunes enfants, il ne s’agirait tout de même pas de les ignorer, mais il

faudrait une présence plus proche des parents lorsque nous sommes à la

recherche d’informations sur leur enfant.

Lorsque les enfants entre 5 et 7 ans dessinent leur corps, ils représentent

habituellement les os, le sang, le cœur et le cerveau. Parfois ils dessinent aussi

l’estomac et/ou les poumons, mais ce ne serait pas une chose aussi régulière.

Cependant, parfois il pourrait y avoir de la confusion entre l’emplacement des

organes et leurs fonctions. Ce n’est qu’à partir de l’âge de 10 ans que les

éléments cités ci-dessus sembleraient être systématiquement présents dans

leurs illustrations du corps humain. Toutefois, bien que le nombre d’organes

dessinés augmente, les enfants entre 7 et 11 ans ne dessinent pas encore les

différentes connexions entre ces organes (Eiser, 1985). Dans cette même

tranche d’âge, les enfants développerent leur compréhension de ce qu’est la

maladie. Ils se rendraient compte du fait qu’il est possible d’attraper une

maladie et qu’il ne s’agit donc pas d’une apparition magique et punitive (Skeen

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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& Webster, 2004). Par contre, il peut y avoir des confusions telle que l’idée

que toutes les maladies s’attrapent par le contact physique. Lorsqu’il s’agit par

la suite de passer au traitement des maladies, ces enfants savent que le but est

d’améliorer la situation, même si cela représente parfois une longue attente et

ils croient encore que les soignants ne sont pas au courant de la douleur que

peut causer le traitement, à moins qu’un enfant ne se mette à pleurer (Eiser,

1985).

Les enfants ont une représentation plus complète du corps humain quand ils

deviennent adolescents. En effet, dans leurs dessins, il est possible de retrouver

les éléments basiques représentés par les enfants plus jeunes et une série

d’organes tels que le foie, les reins, ou l’appareil reproductif. C’est aussi à ce

moment qu’ils auraient une meilleure compréhension des différentes fonctions

des organes, ainsi ils dessineraient les connexions des organes impliqués dans

la reproduction ou dans le système digestif. De plus, au sujet des maladies, les

adolescents comprendraient que les maladies peuvent dépendre de

prédispositions personnelles, qu’elles ne sont pas forcément contagieuses et

que le somatique peut être influencé par des facteurs psychologiques.

Lorsqu’un traitement se révèle nécessaire, les adolescents savent que la

situation peut prendre du temps à s’améliorer et ils sont capables de

comprendre des explications médicales sans trop de simplifications. Les

adolescents ont aussi des capacités de raisonnement abstrait et de déduction qui

leur permettraient d’engager une communication presque équivalente à celle

des adultes, il serait donc important de prendre en considération des

discussions au sujet de leurs opinions et besoins d’indépendance (Eiser, 1985 ;

Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012).

Ceci dit, il est possible de se questionner au sujet d’une éventuelle différence

de perception ou de compréhension de la maladie selon l’état de santé des

enfants. Or, il ne semble pas y avoir de consensus clair à ce sujet. Pour une

même hypothèse de départ, à savoir l’idée qu’un enfant avec plus d’expérience

dans le domaine de la maladie aurait un meilleur niveau de compréhension,

plusieurs études trouvent un effet significatif, d’autres ne trouvent aucun effet

et certaines trouvent un effet d’interaction entre l’expérience et l’âge.

Finalement, l’âge parait être le seul facteur commun à ces études au sujet de la

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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compréhension des enfants par rapport à la maladie et la mort (Crisp, Ungerer

et Goodnow, 1996 ; Eiser, 1985 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen et Webster, 2004 ;

Veldtman et al., 2000).

Par exemple, l’étude de Veldtman et al. (2000) contredit en partie le concept de

compréhension de la maladie proportionnelle au stade de développement de

l’enfant. En effet, dans l’ensemble de leurs entretiens semi-structurés

concernant la condition cardiaque chez des enfants âgés entre 7 et 18 ans, ils

ont vu que seulement 30% des enfants et adolescents avaient une

compréhension correcte de leur maladie. Ce résultat était selon eux

indépendant de l’âge des participants. Cependant, nous devons souligner le fait

qu’au niveau de la compréhension de la variable isolée « évolution de la

maladie dans le temps », ils avaient trouvé le même résultat que les autres

études citées auparavant, à savoir que les enfants arriveraient à se représenter

l’évolution de leur maladie en fonction de leur âge.

Dans ce même esprit de contradiction, Crisp et al. (1996) ont également tenté

de comprendre le lien entre l’expérience personnelle d’un enfant en matière de

santé et sa compréhension des causes des maladies. Avec leurs deux études,

l’une ayant la fibrose kystique pour maladie cible et l’autre le cancer, les

auteures ont émis deux hypothèses. En premier lieu, les enfants avec une plus

longue exposition à une maladie avaient un meilleur niveau de compréhension

que les autres enfants. En second lieu, l’expérience pouvait être plus utile pour

les enfants plus âgés, car ceux-ci ont un bagage cognitif plus développé, leur

permettant d’en tirer davantage de bénéfices. À l’inverse des autres études

donnant des résultats mitigés, elles n’ont pas comparé une population malade à

une population saine, mais elles ont décidé de répartir les participants en quatre

groupes. Premièrement, elles ont partagé deux groupes en fonction de leur âge,

puis ces deux groupes ont encore été partagés entre les enfants qui ont eu une

longue hospitalisation et ceux qui ont été hospitalisés uniquement pour un bref

contrôle, sans aucun historique de maladie particulière. Cependant, cette

méthodologie ne leur a pas permis d’obtenir des résultats moins mitigés que les

autres études. En effet, elles ne confirment pas explicitement leurs hypothèses,

mais elles conseillent de penser l’expérience comme effet facilitateur et

d’évaluer chaque enfant pour ses capacités individuelles (Crisp et al., 1996).

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Tableau 1

Les stades cognitifs, la compréhension de l’enfant et la manière d’examiner

(tiré de Rosenberg & Thivierge, 2005, tableau n. 12.1, p.330)

Enfant Médecin

Âge Stade cognitif Genre d’explication Manière de comprendre Manière d’examiner

Moins de 6

mois

Purement

réceptif

Aucune. Au moyen de sensations directes

et d’activités motrices.

Il est d’ordinaire facile d’examiner

l’enfant sur la table d’examen.

Commencer par une partie du corps

moins intime, par exemple l’abdomen.

De 6 mois à

2 ans

Examiner l’enfant en le faisant tenir par

le parent.

S’approcher doucement de l’enfant.

Se servir de jouets, particulièrement ceux

qui attirent l’attention, du type boîte à

surprise, ou de la lumière de l’otoscope.

De 2 ans à

6 ans

Prélogique Phénoménisme pour les

plus jeunes.

Contagion pour les plus

âgés.

Au moyen de représentations et

de liens faits entre les

événements.

Aucune séparation entre la réalité

intérieure et la réalité extérieure.

Utiliser des mots simples.

Expliquer chaque acte médical.

Proposer à l’enfant de participer à

l’examen.

Tirer parti des préférences ou des

passions de l’enfant, par exemples les

superhéros.

De 7 ans à

10 ans

Concret –

logique

Contamination pour les plus

jeunes.

Intériorisation pour les plus

âgés.

Au moyen d’actions réelles et

mentales sur des objets réels.

Par inversion mentale des

changements dans le monde.

Au moyen d’un système de règles

stables.

Reconnaitre la capacité de l’enfant à

comprendre, ce qui améliorera sa

collaboration.

Plus de 10

ans

Formel –

logique

Explication physiologique.

Explication

psychophysiologique.

Par la pensée abstraite. Respecter la confidentialité et l’intimité

de l’enfant, en particulier à

l’adolescence.

4.2 Annoncer le diagnostic de cancer à un enfant

Selon la tranche d’âge du patient, il faudrait adapter chacune des phases du

modèle que nous allons présenter. En effet, d’après une part de littérature, il ne

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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serait pas possible de fixer un modèle, c’est pour cette raison que les auteurs se

limitent à donner des listes de conseils (Canouï, 2004 ; Howells & Lopez,

2008 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012).

Cependant, nous avons décidé de proposer un modèle de communication qui se

déroule en quatre phases, car nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que

tous les soignants et parents sont capables d’appliquer ces conseils de façon

coordonnée (Baile et al., 2000 ; Silverman et al., 2010). En effet, comme nous

l’avons expliqué dans les chapitres précédents, il existe déjà des modèles de

communication qui sont enseignés pour contrer la baisse d’empathie des futurs

médecins et assurer une prise en charge de qualité (Balez et al., 2014 ; Barruel

et al., 2012 ; Moatti et al., 2012 ; Oppenheim, 2004 ; Woloschuk et al., 2004),

mais ceux-ci représentent uniquement la base d’un vaste domaine de recherche

qui nécessite de se dévélopper ultérieurement. Ainsi, nous avons décrit une

démarche très détaillée à propos de la communication du diagnostic et du

pronostic de fin de vie, avec l’intention de donner une base pédagogique pour

les futurs soignants d’oncologie pédiatrique et un point de départ pour la

recherche dans ce secteur.

Tableau 2

Modèle en quatre phases de la communication de diagnostic aux patients d’oncologie pédiatrique

Modèle de communication de diagnostic de cancer aux enfants et adolescents

Phase 1

Annoncer le diagnostic

aux parents de l’enfant

pour qu’ils puissent

intégrer les informations et

se ressaisir

émotionnellement, pour

ensuite être en mesure

d’aider l’enfant

Phase 2

Planifier la

communication à l’enfant :

- En présence des

parents, seul avec

le soignant ou la

famille sans le

soignant ;

- Endroit calme,

sécurisant et avec

du matériel

didactique ;

Phase 3

Annoncer le diagnostic à

l’enfant :

- A partir de ce

qu’il sait déjà ;

- Sans aller au-delà

de ce qu’il

voudrait savoir ;

- Utilisant un

langage adapté au

patient ;

Phase 4

Réviser les informations

avec l’enfant pour vérifier

s’il y a des

incompréhensions ou

d’autres questions et

rappeler que nous sommes

toujours à disposition

Note. Ce modèle est le résultat d’une synthèse du guide pratique pour annoncer le diagnostic de cancer en neufs points

de Skeen et Webster (2004) et de l’ensemble des conseils que nous avons trouvé dans la littérature.

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4.2.1 Phase 1 : un premier entretien avec les parents sans l’enfant2

Bien que nous soyons convaincus du besoin de communiquer le diagnostic de

cancer aux patients d’oncologie pédiatrique, il est clair que les parents

devraient recevoir ce diagnostic en premier. Canouï (2004) affirme que la

primauté de l’information revient aux parents, qui la revendiquent, car ils

souhaitent contrôler l’information. Même si nous comprenons ce concept, notre

modèle les informe en premier pour une autre raison. Il est du devoir légal et

éthique des parents de soutenir leur enfant. Toutefois, ils ne peuvent pas être en

mesure d’accomplir cette tâche, s’ils sont eux-mêmes effondrés par la triste

nouvelle. Afin de pouvoir apporter leur support à l’enfant de façon optimale, il

paraît donc indispensable de leur transmettre les premières informations au

sujet du diagnostic, du pronostic et du traitement, pour qu’ils puissent les

intégrer. Ainsi, ils auront le temps de poser des questions et de prendre en

considération leur propre état d’âme (Canouï, 2004 ; Dikici et al., 2013 ; Lang

et al., 2002 ; Lascar et al., 2013).

4.2.2 Phase 2 : planifier avec les parents la rencontre suivante avec

l’enfant

Lorsque les parents ont pu se ressaisir, du moins en partie, il serait nécessaire

de planifier avec eux dans le plus court délai possible, la communication du

diagnostic au patient (Baile et al., 2000 ; Canouï, 2004 ; Dekici et al., 2013 ;

Lachance, 2005 ; Lascar et al, 2013 ; Silverman et al., 2010). Les parents sont

une excellente source d’informations, ils connaissent le langage de leur enfant,

son expérience en matière de santé et ils peuvent prédire de façon relativement

fiable ses réactions aux situations stressantes (Lang et al., 2002). De plus, ils

peuvent nous aider avec des notions sur les croyances religieuses ou les

habitudes et les coutumes de la famille. Il est de notre devoir de respecter ces

croyances, du moment que celles-ci n’entravent pas les droits du patient (Al-

2 Comme nous l’avons écrit dans la note du tableau 2, le modèle que nous proposonsest est

inspiré principalement du guide pratique pour annoncer le diagnostic de cancer en neufs

points de Skeen et Webster (2004). Pour des questions de lisibilité du texte, nous citons ces

auteurs dans cette note, mais nous soulignons qu’ils sont la source principale de ces sous-

chapitres.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Amri, 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Holland, 2002 ; Howells & Lopez, 2008 ;

Lascar et al., 2013 ; Oppenheim & Dauchy, 2004 ; Wilson et al., 2012).

4.2.2.1 Phase 2a : qui devrait être présent ?

Au vu de ces informations, il faut décider si les professionnels annoncent le

diagnostic à l’enfant avec ou sans la présence de ses parents, ou si ceux-ci

veulent communiquer le diagnostic à leur enfant en privé (Baile et al., 2000 ;

Beale et al., 2005 ; Howells & Lopez, 2008 ; Lang et al., 2002 ; Rosenberg &

Thivierge 2005).

La première option donnerait l’opportunité d’avoir directement une source

d’information scientifique de la part des soignants, de même que le support

affectif de la part des parents – qui sont supposés être les adultes à qui l’enfant

fait le plus confiance (Beale et al., 2005). Cependant, il est important d’éviter

une ambiance suspecte et de complot en mettant à l’écart l’enfant et en ne

s’adressant qu’aux parents (Lascar et al., 2013).

La deuxième option, à savoir discuter sans la présence des parents, est souvent

demandée par les adolescents plus âgés, qui ont un niveau de compréhension

du monde comparable à celui des adultes et qui voudraient être plus

indépendants ou qui souhaiteraient la présence d’une autre personne (Eiser,

1985 ; Lang et al., 2002 ; Stock et al., 2012). Nous nous permettons d’ouvrir

une parenthèse sur un sujet sensible qui touche les adolescents. Comme nous

l’avons cité au chapitre 1, certains traitements qui ont pour but de déraciner le

cancer, ont parfois aussi des effets secondaires sur la fertilité des patients. Nous

sommes ici dans une situation délicate, où la communication autour de la

sexualité s’avère autant compliquée que celle au sujet des maladies graves.

Peut-être que l’adolescent ne veut pas aborder ce sujet avec les parents, ou que

les parents ne souhaitent pas en discuter à cause de leurs croyances religieuses.

Toutefois, les soignants ont l’obligation légale d’informer les patients de ces

conséquences, il s’agit donc de trouver un juste compromis entre le patient et

sa famille. En ce qui concerne à nouveau la seconde option, il est aussi possible

que les enfants plus jeunes veuillent avoir un entretien seuls avec le soignant

après avoir reçu le diagnostic, pour poser des questions ou parler de certains

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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sujets qu’ils ne veulent pas traiter avec les parents (Lang et al., 2002 ;

Rosenberg & Thivierge, 2005 ; Silverman et al., 2010).

La dernière option quant à elle, permettrait à la famille de se réunir de manière

privée et de gérer de façon plus personnelle la communication du diagnostic.

Par la suite, les patients et leurs parents pourront discuter avec les soignants

pour avoir plus de détails sur les prochaines étapes du traitement.

Enfin, nous devons souligner un aspect particulier de ces options, à savoir que

si nous parlons toujours de l’enfant et de ses parents, il serait probablement

plus correct de parler de l’enfant et sa famille. Dans ce système familial, nous

ne devons pas oublier l’éventuelle fratrie. En effet, le patient n’est pas

forcément le seul enfant pour qui les informations au sujet du cancer sont

bénéfiques. Il paraît donc important de planifier aussi la manière d’annoncer le

diagnostic aux frères et sœurs, aux grands-parents et aux amis du patient, et de

proposer pour cela l’aide des soignants et d’un psychologue (Canouï, 2004 ;

Lang et al., 2002 ; Lascar et al., 2013 ; Lobato & Kao, 2002 ; Meitar, 2004).

4.2.2.2 Phase 2b : dans quel setting faut-il se trouver ?

Selon l’option choisie par les parents, il semble nécessaire d’organiser

également l’emplacement de l’annonce (Baile et al., 2000 ; Dikici et al., 2013 ;

Howells & Lopez, 2008 ; Rosenberg & Thivierge, 2005). Dans la mesure du

possible, les parents qui désirent d’abord discuter en privé avec leur famille

choisiront probablement de le faire chez eux à la maison – endroit qui devrait

être celui où l’enfant se sent le plus en sécurité. Toutefois, lorsque l’enfant est

trop malade et doit rester à l’hôpital, il est primordial que l’environnement soit

accueillant et sécurisant pour l’enfant (Canouï, 2004 ; Howells & Lopez, 2008 ;

Lascar et al., 2013 ; Rosenberg & Thivierge, 2005 ; Stock et al., 2012). Pour

cette raison, il paraît raisonnable de ne pas communiquer le diagnostic de

cancer dans la même salle où sont effectués les traitements, à moins que

l’enfant ne puisse pas quitter son lit. Dans ce cas-ci, il serait plus indiqué que

les parents ou autres membres de la famille ne restent pas debout, mais

s’asseyent près de l’enfant. Si à l’inverse l’enfant a la possibilité de bouger,

l’annonce devrait plutôt se réaliser dans une salle à part et le soignant devrait

privilégier un contact de proximité au lieu de se retrouver éloigné et séparé du

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patient, par exemple par une table. De plus, le médecin ne devrait pas oublier

de régler sa chaise de façon à se mettre à la hauteur de l’enfant (Baile et al.,

2000 ; Howells & Lopez, 2008) et même si possible, quitter momentanément

sa blouse blanche contre une tenue plus décontractée de tous les jours

(Rosenberg & Thivierge, 2005).

De plus, il est également possible de préparer du matériel didactique, celui-ci

pouvant servir de support de compréhension et d’aide-mémoire. De même, de

la lecture doit pouvoir être mise à diposition, par exemple des flyers ou des

livres, adaptés à l’âge de l’enfant. Nous pouvons aussi inclure dans cette

suggestion, du matériel en version traduite et culturellement adéquate. Pour les

enfants plus jeunes, il serait aussi possible d’organiser une session de jeu avec

certains outils des soignants, afin qu’ils puissent renforcer leur compréhension

de manière plus concrète (Blackstone, 2010 ; Gaab et al., 2013 ; Gibson, 2008 ;

Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ; Rosenberg & Thivierge, 2005 ;

Silverman et al., 2010 ; Stock et al., 2012).

4.2.3 Phase 3 : annoncer le diagnostic de cancer à l’enfant

Après avoir obtenu l’accord des parents sur la modalité de communication, le

soignant devrait rencontrer l’enfant pour lui annoncer son diagnostic, lui

donner l’opportunité de poser des questions et lui poser des questions pour

savoir si les informations ont été intégrées de manière adaptée à son niveau de

développement et de compréhension (Gaab et al., 2013 ; Lang et al., 2002 ;

Lascar et al., 2013 ; La Valle et al., 2012). Ceci, tout en gardant à l’esprit que

l’enfant a son propre fonctionnement et qu’il faut respecter ses temps de

réaction (Howells & Lopez, 2008 ; Lascar et al., 2013).

4.2.3.1 Phase 3a : qu’est-ce que l’enfant sait à propos de sa maladie ?

Pour communiquer le diagnostic, il est possible de commencer par ce que

l’enfant connaît à propos de la situation qu’il est en train de vivre (Baile et al.,

2000 ; Canouï, 2004 ; Dikici et al., 2013 ; Howells & Lopez, 2008 ; Silverman

et al., 2010). En effet, comme nous l’avons argumenté dans ce mémoire, les

enfants comprennent souvent qu’ils sont malades en regardant le

comportement des adultes et par leur propre vécu des symptômes physiques

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(Beale et al., 2005 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et al.,

2013). Ces connaissances peuvent être un point de départ à partir duquel le

soignant est en mesure de corriger ou compléter les informations au sujet de la

maladie (Howells & Lopez, 2008).

4.2.3.2 Phase 3b : qu’est-ce que l’enfant voudrait savoir exactement ?

Lorsque le soignant a analysé le niveau de compréhension de son patient, et

avant de se lancer dans une série d’explications détaillées, il ne doit pas oublier

de lui demander ce qu’il veut exactement savoir et lui annoncer qu’il est là

pour l’écouter (Baile et al., 2000 ; Canouï, 2004 ; Howells & Lopez, 2008 ;

Lascar et al., 2013 ; Silverman et al., 2010). Nous savons que certains enfants

et adolescents veulent être informés au sujet d’une éventuelle maladie et

collaborer de façon active au traitement (Jacobson et al., 2001 ; La Valle,

2012 ; Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010), mais cela n’est pas

forcément le cas pour certains individus. Certains patients d’oncologie

pédiatrique ne souhaitent pas connaitre tous les détails de la maladie ou du

moins pas tout de suite lors de l’annonce du diagnostic (Canouï, 2004). En

effet, ce dernier point n’est pas anodin si nous considérons le stade de

développement de l’enfant. Jusqu’à l’âge de 5 ans, les enfants n’auraient

vraisemblablement pas encore acquis entièrement la notion de permanence,

ceci également à cause d’une mémoire qui ne serait pas encore très

performante (Eiser, 1985). Il semble donc raisonnable de donner des

informations au sujet du traitement par étapes. Toutefois, l’une des choses les

plus importantes est de répondre aux questions des enfants (Lascar et al.,

2013 ; Lobato & Kao, 2002 ; Stock et al., 2012).

4.2.3.3 Phase 3c : quelles sont les paroles qu’il serait préférable d’utiliser ?

Comme pour les adultes pour lesquels il est déjà utile d’adapter le langage

spécifique en langage plus ou moins commun, les termes et expressions utilisés

par les soignants devraient être encore plus simplifiés pour le patient

pédiatrique (Canouï, 2004 ; Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ;

Lascar et al., 2013 ; Silverman et al., 2010 ; Stock et al, 2012). Si l’enfant ne

comprend pas le langage utilisé par le soignant ou comprend littéralement

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certaines expressions, qu’il serait donc conseillable d’éviter, il risque

d’imaginer la situation de façon erronée et de ressentir de l’anxiété à ce sujet. Il

s’agit donc d’expliquer le diagnostic, le pronostic et les traitements avec des

termes adaptés à l’âge de l’enfant et si possible, en tentant d’éviter les

abréviations (Canouï, 2004 ; Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ;

Lascar et al., 2013 ; Stock et al, 2012). Stock et al. (2012) donnent des

explications sur les manières d’adaptation du langage en fonction de l’âge des

enfants. Bien qu’ils présentent un guide pratique pour le personnel des

urgences, où les interventions peuvent paraître effrayantes aux yeux des

enfants, nous pensons qu’il est possible de transposer ce type de guide

langagier en oncologie pédiatrique. De plus, ces lignes directrices peuvent

aussi être utilisées par les parents. Elles feraient ainsi partie de l’enseignement

thérapeutique, ce qui permettrait à ces derniers d’avoir un certain contrôle de la

situation.

Le langage devrait également être ajusté lorsqu’un enfant ne parle pas ou peu

la langue de consultation. Dans ce genre de situation, il semble ainsi préférable

de faire appel à un interprète pour éviter de fausses interprétations (Blackstone,

2010 ; Gibson, 2008 ; Gulati et al., 2012). Comme nous l’avons expliqué au

chapitre 2, la globalisation des sociétés occidentales oblige les hôpitaux à

utiliser des services d’interprètes (Blackstone, 2010 ; Gibson, 2008 ; Gulati et

al, 2012 ; Wilson et al., 2012). Un service formel d’interprètes se révèle donc

être une solution adéquate et plus fiable que les traductions faites par des

soignants ou des membres de la famille du patient. Au final, il paraît primordial

que l’interprète ait une notion du langage adapté aux enfants. Dans l’idéal, la

personne la plus adaptée serait un interprète communautaire, de façon à

prendre en considération non seulement la langue, mais également la culture et

le monde de sens du patient (Gibson, 2008 ; Métraux, 2002).

4.2.4 Phase 4 : révision avec l’enfant

Nous pensons que l’enfant nécessite d’un peu de temps pour intégrer les

nouvelles informations au sujet de sa maladie, cependant il semble nécessaire

de trouver un moment pour les réviser (Silverman et al., 2010). Pour cela, le

soignant devrait questionner l’enfant afin de vérifier qu’il n’y ait pas de fausses

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croyances ou incompréhensions qui se sont créées (Howells & Lopez, 2008).

Une fois qu’il s’est assuré que les informations de la discussion précédente

aient bien été apprises, le soignant devrait demander à l’enfant s’il n’a pas de

nouvelles questions et le rassurer au sujet de sa disponibilité pour d’autres

discussions avec ou sans ses parents.

Par la suite, la planification d’une prise en charge émotionnelle de l’enfant et

de sa famille, peut s’avérer précieuse. Bien sûr, elle ne serait plus de la

compétence de l’oncologue ou des infirmiers, mais plutôt du ressort d’un

psychologue ou d’un pédopsychiatre (Barruel et al., 2012 ; Lobato & Kao,

2002).

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Chapitre 5 : Comment annoncer le pronostic de fin de vie aux patients

d’oncologie pédiatrique

Comme il s’agit d’un sujet très sensible, les soignants et les parents auraient

tendance à ne pas vouloir communiquer le pronostic de phase terminale aux

enfants, même s’il semblerait que ceux-ci soient souvent déjà conscients que

les choses se passent mal. Ils existent de nombreux débats sur quelle pourrait

être la façon la plus adéquate de communiquer avec des enfants atteints de

cancer en phase terminale. Le fait de communiquer, c’est-à-dire d’informer et

aussi d’écouter l’enfant, peut avoir un impact positif allant d’une meilleure

compliance au traitement, à une réduction de l’anxiété et de la peur –

sentiments qui peuvent être encore présents en soins palliatifs si des familles

encouragent le secret envers le patient. En effet, les enfants ressentent un fort

sentiment d’isolement lorsqu’ils ont la perception que les adultes leur cachent

la vérité. De manière générale, les conseils décrits dans le chapitre précédent

seraient valables aussi dans cette dernière étape de la maladie, mais nous allons

ajouter certains aspects spécifiques à celle-ci, à savoir le contexte particulier

des soins palliatifs, la compréhension des enfants au sujet de la mort et une

démarche d’annonce du pronostic de fin de vie (Baile et al., 2000 ; Beale et al.,

2005 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar

et al., 2013 ; Morgan, 2009 ; Skeen & Webster, 2004).

5.1 Les soins palliatifs

Il aura fallu attendre 1982 pour voir le premier centre de soins palliatifs

pédiatriques en Angleterre, car auparavant, les enfants en phase terminale

étaient hospitalisés avec les adultes. En analysant des statistiques de 2007,

Morgan souligne que parmi la totalité des soins palliatifs aux Etats Unis, seul

10% de ceux-ci s’occupe uniquement des patients pédiatriques (Romesburg,

2007, dans Morgan, 2009). Ce retard et ce manque d’infrastructures pourraient

être dus au fait que certains soignants ne savent pas que les enfants et les

adolescents ont des besoins spécifiques. En effet, les soins palliatifs pour

enfants sont un peu différents de ceux pour adultes. Bien que le but principal

soit le même, à savoir la prise en charge active du corps et de l’esprit des

patients, ainsi que de leur famille, les enfants n’intègrent pas exclusivement les

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soins palliatifs en cas de fin de vie. La tendance serait de prendre en charge les

patients pédiatriques dans ce département, dès qu’apparait le risque de mourir,

mais tout en étant encore dans une phase de soins actifs visant la résolution de

la maladie. De plus, la prise en charge serait aussi spécifique au développement

de chaque enfant pris individuellement, comme nous le suggérons dans ce

mémoire (Morgan, 2009).

Lorsque nous sommes face à la phase terminale d’un cancer, le soutien

psychologique ne consisterait plus principalement à soigner un trouble

particulier, mais il se centrerait sur l’état d’âme général du patient, afin de

maximiser la possibilité d’un effet bénéfique sur son état physique. La

flexibilité est probablement la caractéristique principale dans ce domaine, car

l’état physique peut rendre le mouvement de l’enfant difficile. Il faudrait donc

répondre aux besoins de l’enfant en s’adaptant à cette éventuelle entrave

physique (Kreitler & Krivoy, 2004).

Cependant, pour qu’un bénéfice pour le patient soit ressenti, il est très

important de bien prendre en charge également les soignants, qui vivent une

sorte de triple échec. Lorsqu’un enfant meurt, le personnel soignant risque

d'avoir l’impression de ne pas avoir eu assez de compétences pour sauver le

patient, de ne pas avoir respecté leur rôle d’adulte qui prend en main la

situation ou encore d’avoir trahi les parents de l’enfant. De plus, ils doivent

parfois supporter des conflits internes, entre persévérer avec des traitements

lourds et le fait de vouloir soulager le patient. Il ne faudrait donc pas sous-

estimer le fait que les soignants vivent aussi le deuil de la mort de leurs patients

(Baile et al., 2000 ; Morgan, 2009). Ceci est un aspect qu’il faudrait prendre en

considération dans les programmes de formation, dont nous avons parlé dans le

chapitre précédent.

5.2 La perception de la mort chez les enfants

Comme nous l’avons vu pour la compréhension de son propre corps et de ce

qu’est une maladie, qui évoluent par étapes liées au développement cognitif de

l’enfant, la compréhension de la mort suivrait cette même logique (Beale et al.,

2005 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004).

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Ainsi, les enfants en dessous de 2 ans ne pourraient pas comprendre ce qu’est

la mort, car ils n’ont pas encore la notion d’identité des objets et de la

permanence (Kreitler et Krivoy, 2004). Cette limite de compréhension peut être

prolongée jusqu'à leurs 3 ans, où il n’existe pas encore la notion

d’irréversibilité. Donc si quelqu’un de proche meurt, ils interprèteraient cela

comme une séparation ou un abandon. Après l’âge 3 ans, ils commencent à

comprendre que cela arrive de mourir, tout en pensant encore quelque temps

qu’il s’agit d’une chose temporaire (Skeen & Webster, 2004). En effet, encore

vers 5 ans, selon Lascar et al. (2013), les enfants parfois ne voient pas encore la

mort comme un évènement irréversible, mais plutôt comme une sorte

d’absence, qui laisse donc envisager un possible retour. Pour cette raison, ils

affirment qu’il faudrait expliquer le plus honnêtement possible que cela n’est

pas le cas. Selon leur pratique, il faudrait éviter par exemple les expressions du

type « il est parti en voyage » (p. 161, traduit de Lascar et al., 2013) lorsque

nous parlons de quelqu’un que l’enfant connaissait et qui est décédé. En

résumé, les enfants entre 2 et 7 ans interprètent la mort comme un état de

sommeil, car ils n’auraient pas encore une compréhension très claire de son

universalité et irréversibilité (Kreitler & Krivoy, 2004).

Ensuite, les enfants entre 6 et 12 ans comprendraient que toutes les personnes

meurent et que cela n’est pas réversible. Toutefois, il peut y avoir encore des

pensées au sujet de sensations physiques que les personnes mortes ressentent,

comme la sensation de froid. En effet, les enfants ont tendance à personnifier la

mort, le plus souvent comme un personnage maléfique et la comprendraient

comme une sorte de punition (Kreitler & Krivoy, 2004 ; Skeen & Webster,

2004).

C’est à partir de 12 ans que l’enfant va acquérir une bonne compréhension de

la mort, comparable à celle des adultes et selon l’environnement dans lequel il

grandit, cette compréhension pourrait être plus ou moins influencée par les

croyances religieuses. Cependant, il est probable qu’ayant un plus haut niveau

de discernement, les adolescents montrent plus de peur ou de colère quand ils

savent que leur pronostic est négatif. Il serait donc bien qu’ils puissent

exprimer ces émotions et avoir un support psychologique plus intense (Kreitler

& Krivoy, 2004 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004).

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Les descriptions ci-dessus se réfèrent plutôt à la compréhension de la mort en

général, mais il est vraisemblable que la conscience qu'un individu lui-même

est en train de mourir puisse évoluer de façon différente. En effet, plusieurs

auteurs affirment que les enfants atteints d’une grave maladie ressentent que

les choses ne vont pas bien et qu’il leur reste peu de temps à vivre. Il sera donc

important de bien observer l’enfant, car si dans certains cas, il peut exprimer le

tout verbalement, il se peut aussi qu’il l’exprime de façon symbolique comme

par le dessin, en jouant ou par d’autres comportements. Ceci peut s’expliquer

par le déni ou par le fait de ne pas directement en parler pour protéger ses

parents (Baile et al., 2000 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Kreitler &

Krivoy, 2004 ; Lascar et al., 2013).

Finalement, comme nous l’avons décrit précédemment pour la compréhension

des enfants de ce qu’est une maladie, le débat sur l’effet de l’expérience sur la

compréhension de la mort apparaît également ici. Par exemple, le fait d’avoir

déjà vécu la perte d’un proche ne permettrait pas aux enfants d’accélérer le

développement de la compréhension de la mort. Cependant, les enfants atteints

de cancer en phase terminale auraient une tendance moins forte à voir la mort

comme une punition. Selon Kreitler et Krivoy (2004), cela signifie qu’il

n’existe pas vraiment de différence de compréhension de la mort entre les

enfants en bonne santé ou malades, mais qu’il reste toutefois une différence

d’anxiété perçue, avec un niveau plus élevé pour les enfants en bonne santé.

D’un autre côté, des auteurs affirment que les enfants qui se trouvent aux soins

palliatifs auraient une meilleure compréhension du concept de la mort par

rapport aux autres enfants, car ils seraient déjà au courant de leur pronostic, à

cause de leur propre vécu, ce qui serait donc aussi une sorte d’expérience

(Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar et al.,

2013).

5.3 Annoncer le pronostic de fin de vie à un enfant

Nous allons proposer deux phases, qui pourraient appartenir au modèle que

nous avons présenté dans le chapitre précédent, mais qui seraient plus

spécifiques à la communication du pronostic de fin de vie. En vue de la

sensibilité du sujet et selon la tranche d’âge du patient, il faudrait donc adapter

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ces phases. Leur but est à nouveau d’aider des soignants et des parents qui

éprouvent de la difficulté à appliquer des conseils de façon coordonnée.

Tableau 3

Modèle en deux phases de la communication de pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie

pédiatrique

Modèle de communication de pronostic de fin de vie aux enfants et adolescents

Phase 1

Annoncer le pronostic de fin de vie aux parents de

l’enfant pour qu’ils puissent se ressaisir

émotionnellement, pour ensuite être en mesure d’aider

l’enfant ;

Phase 2

Annoncer le pronostic de fin de vie à l’enfant :

- A partir de l’état somatique et de ce qu’il sait

déjà ;

- En expliquant ce qui a été fait jusque-là et selon

ce qui qu’il veut savoir ;

- Planifiant la suite des événements sur le court

terme avec lui et sa famille ;

Notes. Ces deux phases ne seraient pas à considérer comme un modèle indépendant, cela serait bien trop réducteur,

mais plutôt complémentaires au modèle de communication du diagnostic de cancer.

Ce tableau est issu d’une synthèse du guide pratique pour annoncer le pronostic de fin de vie en septs points de Skeen et

Webster (2004) et de l’ensemble des conseils que nous avons trouvé dans la littérature.

5.3.1 Phase 1 : annoncer aux parents le pronostic de fin de vie de l’enfant

Pour les mêmes raisons que lors de l’annonce du diagnostic, nous pensons que

les parents devraient être informés du pronostic négatif en premier (Skeen &

Webster, 2004). Certains parents éprouvent de la difficulté à affronter le

discours de la mort avec leurs enfants, à cause du paradoxe que cela pourrait

créer. En effet, le rôle de soignants qu’ils ont envers leur enfant malade devrait

représenter une source de sécurité et de support, contrairement à l’action de

donner de mauvaises nouvelles (Gaab et al., 2013). L’impact émotionnel de la

communication de la fin de vie n’est donc aucunement négligeable (Skeen &

Webster, 2004). Tout en représentant une situation très difficile à vivre, des

études ont mis en évidence que les parents en deuil par la perte de leur enfant

malade soulignent l’importance que cela a pour eux d’avoir été en relation avec

des soignants engagés, qui ont montré leurs émotions personnelles et qui leur

ont laissé de la place pour s’exprimer (Baile et al., 2000 ; Fallowfield &

Jenkins, 2004). Il serait donc adéquat de prévoir par la suite une intervention

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centrée sur la famille (Kreitler & Krivoy, 2004 ; Stuber & Seacord, 2004). « Le

moment même de la mort fait violence. Toute mort est vécue par celui qui reste

comme une perte personnelle de substance vitale. La mort de l’autre induit

toujours une emprise sur son propre territoire de vivant, c’est une onde de

choc, […] il revient au psychologue de tenir la position de tiers afin de faire

émerger l’ensemble des manifestations de violence. […] Le psychologue a

donc un rôle de reconnaissance et de légitimation de la violence. » (p. 516,

Bonnaud-Antignac & Ferreol, 2008).

De plus, bien que le sujet des croyances religieuses devrait avoir déjà été

discuté auparavant (Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004), nous

pouvons supposer que ce moment de la maladie de l’enfant soit celui le plus

influencé par cette variable. Plus précisément, lorsque nous parlons de

croyances religieuses, celles-ci peuvent influencer les décisions regardant deux

entités, à savoir le corps et l’esprit (Keller, 2006). Si jusque-là les soignants

avaient une plus grande probabilité de trouver un compromis entre les soins

somatiques de l’enfant et les croyances religieuses de la famille (Hatano et al.,

2011 ; Skeen & Webster, 2004), lorsque nous parlons de mortalité, nous

pensons que la marge de discussion risque de diminuer. Dans certains cas

spécifiques, il est donc utile de discuter avec un guide spirituel de la

communauté en question, comme le dit Lehmann (2005) : « En soins palliatifs,

cependant, le médecin a toujours la responsabilité d’ ‘ouvrir la porte’, de

comprendre les intérêts, les croyances et les besoins spirituels de son patient,

de chercher la ressource appropriée pour aider ce dernier dans son

cheminement spirituel. » (p. 725, dans Lehmann, 2005).

5.3.2 Phase 2 : annoncer le pronostic de fin de vie à l’enfant

En accord avec les parents, il faudra annoncer à l’enfant que les traitements

n’ont malheureusement pas pu soigner le cancer, mais que les soignants et sa

famille seront là pour lui apporter du confort.

5.3.2.1 Phase 2a : comment l’enfant se sent-il ?

Avant de communiquer le pronostic à l’enfant, il est possible de commencer

par lui demander comment il se sent. En effet, comme nous l’avons plusieurs

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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fois décrit, les enfants pourraient comprendre la situation avant que les adultes

ne s’en rendent compte. Ses conditions physiques peuvent faire prendre

conscience à l’enfant que la situation est plutôt négative et il est donc important

de prendre du temps pour qu’il puisse exprimer quel est son vécu de la maladie

(Baile et al., 2000 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Kreitler & Krivoy,

2004 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004).

Cela serait une première base qui pourrait nous permettre de parler du

pronostic de fin de vie. Il est possible à ce moment de parler de ce que l’enfant

sait au sujet de la mort, aussi pour aider les parents qui ne sont pas forcément

au courant du niveau de développement et donc de compréhension de leur

enfant (Gaab et al., 2013 ; Silverman et al., 2010). Tôt ou tard, tous les enfants

normalement constitués arrivent à un moment du développement où ils savent

que tout le monde meurt un jour (Kreitler & Krivoy, 2004). Cependant, l’idée

que naturellement chaque personne meurt après une longue vie est socialement

partagée (Lyons & Chamberlain, 2008). Alors, dans le cas où le patient ne

l’aurait pas encore ressenti, il faudrait lui expliquer que les choses peuvent se

dérouler différemment, mais qu’en cas de pronostic de fin de vie, il reste tout

de même des soins pour accompagner la personne et que la famille sera

présente jusqu’à la fin (Skeen & Webster, 2004).

5.3.2.2 Phase 2b : qu’est-ce qui a été fait jusque-là ?

Toujours en respectant le niveau de compréhension de l’enfant, il faudrait lui

expliquer ce qui s’est passé jusque-là, à savoir que les soignants et la famille

ont travaillé dur afin d’appliquer le traitement (Baile et al., 2000 ; Silverman et

al., 2010). Cependant, il arrive que les traitements n’arrivent pas à guérir le

cancer et que malheureusement c’est ce qui se passe dans sa situation. Ceci tout

en restant attentifs aux besoins de l’enfant, mais sans le forcer à discuter de sa

mort s’il ne le souhaite pas (Silverman et al., 2010 ; Skeen & Webster, 2004).

Comme nous l’avons décrit dans les chapitres précédents, il est du droit du

patient de savoir son pronostic, cela correspond souvent à ce que les patients

pédiatriques souhaitent, mais il faut respecter le fait que certains enfants ne

veulent pas en parler ou souhaitent en parler avec une seule personne

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spécifique (Baile et al., 2000 ; Jacobson et al, 2001 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ;

La Valle et al., 2012).

Tout en respectant cette volonté du patient de vouloir une discussion seul avec

un soignant, il faudrait pourtant tenter de promouvoir la communication des

besoins et des désirs entre les deux parties, car cela peut être bénéfique pour

tous les acteurs en jeu. Les proches de l’enfant devraient être présents pendant

toutes les interventions de soutien, être des agents actifs qui recevraient

directement un soutien moral en même temps que le patient. En effet, cela

permettrait de diminuer la peur de la séparation ou d’être abandonné, qui est

souvent présente chez ces enfants. (Kreitler & Krivoy, 2004).

5.3.2.3 Phase 2c : qu’est-ce qu’il va se passer ?

Après avoir communiqué le diagnostic, il serait essentiel de pouvoir anticiper

la suite des évènements, afin que l’enfant puisse organiser autant que possible

le temps qu’il lui reste à vivre (Baile et al., 2000 ; Silverman et al., 2010 ;

Skeen & Webster, 2004). Il faut le rassurer sur le fait que les soignants et les

parents vont continuer à prodiguer les soins pour qu’il puisse vivre de la façon

la plus confortable possible, poser à tout moment des questions et être aidé

dans la réalisation de ses projets à court terme (Gaab et al., 2013 ; Lascar et al.,

2013). Dans ce même ordre d’idées, Beale et al. (2005) suggèrent de rendre

l’enfant participatif aux choix de la prise en charge en phase terminale, ce qui

pourrait lui donner la capacité d’envisager le futur d’un nouveau point de vue.

De cette façon, l’enfant garde la possibilité de prendre le contrôle, du moins

partiellement, du fonctionnement de sa vie et de pouvoir l’organiser à court

terme (Beale et al., 2005 ; Silverman et al., 2010). Par exemple, le personnel

soignant peut discuter avec l’enfant, en accord avec sa famille, de l’endroit où

il voudrait passer le temps qu’il lui reste à vivre. Ceci dépendra aussi de l’état

physique de l’enfant et de la possibilité d’effectuer les soins à domicile ou à

l’hôpital (Kreitler & Krivoy, 2004). Un autre exemple peut être celui de projets

futurs comme l’organisation de ses propres funérailles ou de la succession de

ses possessions (Skeen & Webster, 2004).

Ce dernier exemple illustre un sujet très délicat et pourrait heurter la sensibilité

des parents. Toutefois, nous devons nous rappeler, ainsi que l’expliquer parfois

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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aux parents, que l’enfant en fin de vie tente ainsi d’avoir un sentiment de

contrôle sur les évènements et de donner du sens à ses derniers jours de vie

(Lang et al., 2002). En effet, il s’agit pour l’enfant d’une période où il risque de

se sentir perdu, il peut avoir peur de se séparer de sa famille, mais également

de sa maison et de ses objets en général – ce qui explique pourquoi il pourrait

vouloir donner ses objets personnels. Il peut arriver aussi que l’enfant ait peur

d’avoir mal et de souffrir, car ce sont des choses qu’il peut déjà avoir ressenties

pendant la maladie ou dont il a été témoin chez d’autres enfants du

département. Il est donc important de rassurer l’enfant que nous sommes là

pour répondre à ses questions, pour l’écouter, pour l’aider un maximum en se

focalisant sur l’ici et maintenant. Pour résumer, il ne faudrait pas prendre trop

de temps en planifiant des projets et en utilisant des solutions à long terme,

mais plutôt trouver des stratégies de coping qui ciblent des objets très

spécifiques – par exemple, si l’enfant a peur de dormir dans l’obscurité, la

solution plus directe serait de laisser une lumière dans la pièce (Kreitler &

Krivoy, 2004).

Finalement il est bien d’insister sur le fait qu’il ne va pas être abandonné, que

sa famille l’aime et qu’il en fera toujours partie. Il serait aussi raisonnable

d’anticiper les états d’âme que le patient et sa famille vont éprouver

prochainement, que le fait d’être triste ou fâché est une réaction normale aux

vues de la situation. L’enfant doit être aussi rassuré au sujet du fait que

quelqu’un va aider sa famille (Baile et al., 2000 ; Skeen & Webster, 2004).

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Chapitre 6 : Comparaison entre la littérature et la pratique en Suisse

La plupart des soignants reconnaissent l’importance d’une participation active

des enfants pendant une consultation médicale (Lascar et al., 2013 ; Skeen &

Webster, 2004 ; Zwaanswijk et al., 2010). Cela rejoint les lignes directrices des

soins d’oncologie pédiatrique qui suggèrent de rendre ces patients participatifs

en leur communiqueant les informations à propos de leur situation. Toutefois,

cette opinion et ces directives ne correspondraient pas toujours à la pratique, où

les adultes prennent le dessus sur la situation. L’analyse de Wassmer et al.

(2004) sur 51 consultations pédiatriques qui visait à comprendre comment

fonctionne la communication entre médecins, parents et enfants, a confirmé

cette tendance où le médecin conduit l’entretien et il ne reste plus beaucoup de

place pour l’enfant (Howells & Lopez, 2008 ; Wassmer et al., 2004). Cette

tendance, influencée par un abaissement de l’empathie avec le temps et une

certaine limitation législative (Barruel et al., 2012 ; Woloschuk et al., 2004),

est à l’origine de notre problématique, qui se base essentiellement sur une

littérature anglophone. Si nous en tirons les informations au sujet de certains

soignants, celle-ci décrit une tendance à laisser la tâche d’annoncer la maladie

aux parents des enfants, bien qu’il est possible parfois que cela dépende du

vouloir même des parents (Hatano et al., 2011 ; Skeen & Webster, 2004 ;

Veldtman et al., 2000 ; Zwaanswijk et al., 2007). Plusieurs raisons sont citées,

comme la peur d’être blâmés, de causer d’extrêmes réactions aux patients ou

aux parents, de ne pas se sentir à l’aise avec leurs émotions ou les situations

difficiles en général (Lascar et al., 2013). Ces raisons, même humainement

compréhensibles, risquent de faire adopter une attitude distante aux soignants.

Ainsi, dans ce chapitre nous allons présenter la situation que nous avons pu

constater en Suisse.

6.1 Entretiens exploratoires en Suisse

Nous allons tout d’abord spécifier l’objectif de l’enquête, par rapport aux

hypothèses extraites de la littérature à notre disposition. Le but des entretiens

que nous avons effectués était de comparer la pratique des soignants en Suisse

et les tendances décrites dans la littérature, essentiellement anglophone, en

matière de communication du diagnostic et du pronostic aux patients

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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d’oncologie pédiatrique. Dans ce contexte, nous avons donc contacté par

courrier électronique les services d’oncologie pédiatrique de différents

hôpitaux suisses. Après avoir accepté les conditions de notre étude exploratoire

– annexe 1 – neuf personnes travaillant en contact avec des patients

d’oncologie pédiatrique ont participé aux entretiens (Guittet, 2013 ; Nils &

Rimé, 2003). Cet échantillon était composé de cinq hommes et quatre femmes,

dont la participation était volontaire et non rémunérée. Ces personnes ont

toutes été rencontrées sur leur lieu de travail, du mois de février au mois de

septembre 2014. Nous avons eu également un entretien téléphonique d’environ

20 minutes avec un dixième participant, qui nous a donné des renseignements

utiles. Cependant, il n’a pas été possible de l’enregistrer et par conséquent d’en

avoir une trace écrite dans les annexes de ce mémoire.

En ce qui concerne le déroulement général des entretiens, nos conversations

ont duré de 13 à 40 minutes. Le temps annoncé était d’environ 20 minutes, ce

qui a été en effet la durée moyenne, mais nous n’avons pas voulu forcer les

personnes à répondre ou les freiner, ceci afin de maintenir une évolution la plus

naturelle possible. Ces entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone

Philips à 2GB, puis les conversations ont été retranscrites en respectant les

clauses d’anonymisation des données. Ensuite les enregistrements ont été

effacés comme établi dans le formulaire de consentement (Nils & Rimé, 2003).

6.1.1 Construction du guide d’entretien

L’entretien de recherche est une méthode scientifique de recueil

d’informations, pendant lequel deux personnes ont une conversation. Des

questions sont posées par le chercheur, qui les adapte selon les réponses

données par le participant. Dans cette définition, nous pouvons voir plusieurs

caractéristiques de l’entretien de recherche. Le participant fournit un discours

par rapport à sa perception et son interprétation des évènements. Ce discours

sera facilité autant que possible par le chercheur qui, d’une part, va guider la

réflexion du participant et, de l’autre va s’assurer que l’objectif de recherche ne

soit pas oublié, tout en adaptant le guide d’entretien à son déroulement dans

l’ici et le maintenant. Selon la directivité du chercheur, le participant sera très

cadré ou aura une expression libre (Nils & Rimé, 2003). La relation entre les

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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deux personnes devrait idéalement être de type égalitaire, se basant sur la

confiance et la collaboration (Guittet, 2013).

Dans le cas de nos entretiens, nous avons choisi de procéder d’une manière

relativement standardisée, car l’objectif de ceux-ci était de faire une

comparaison entre les éléments fournis par la littérature et la pratique médicale

en Suisse. Ceci justifie notre intérêt pour le contenu manifeste du discours de

nos participants, en défaveur d’un contenu latent. De plus, ce choix a été

influencé par notre manque d’expérience dans le domaine des entretiens de

recherche qualitative. En somme, nous avons tenté d’utiliser une technique

entre l’entretien semi-structuré, avec un guide d’entretien préétabli, mais

flexible aux stimulations de nos participants, et l’entretien exploratoire, en nous

adressant à des experts dans le domaine de la communication avec des patients

pédiatriques, ceci afin de compléter notre travail de lecture (Nils & Rimé,

2003).

Pour construire notre guide d’entretien de façon à garder une certaine

flexibilité, nous l’avons partagé en trois parties. Premièrement une

introduction, dans laquelle nous nous sommes présentés, nous avons

brièvement rappelé le but de l’entretien et les conditions de son déroulement,

signées dans le formulaire de consentement – annexe 1 – (Guittet, 2013).

Deuxièmement, une série de questions préétablies qui ciblaient le sujet de la

communication du diagnostic aux patients d’oncologie pédiatrique. Ces

questions ont été adaptées au cas par cas, tout en cherchant à rester dans le

sujet concerné (Nils & Rimé, 2003). Lorsque nous avons réfléchi aux questions

du guide d’entretien, nous nous sommes focalisés sur leur ordre, car la manière

de répondre des participants risque d’être influencée par cela. Ainsi, les

questions qui touchaient un même thème devaient avoir une suite logique et

harmonieuse, afin de faciliter le déroulement de l’entretien (Lorenzi-Cioldi,

2003). Nous avons commencé par deux questions – annexe 2 – qui

permettaient d’entrer en discussion avec le participant tout en douceur et aussi

de vérifier si la personne pouvait bien appartenir à notre population cible. Juste

après ces premières questions générales de mise en confiance, nous sommes

passés à des questions plus difficiles ou sensibles (Nils & Rimé, 2003). Afin de

pouvoir standardiser nos questions, nous avons suivi les conseils donnés par

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Lorenzi-Cioldi (2003) et Nils et Rimé (2003). Elles devaient être le plus

explicite et univoque possible, car une question trop générale pourrait induire

le participant à une interprétation ambiguë (Lorenzi-Cioldi, 2003). De même,

nous avons fait attention aux formulations, en évitant de suggérer à

l’interlocuteur de répondre d’une manière plutôt qu’une autre. De plus, tout en

étant dans un contexte scientifique, Nils et Rimé (2003) conseillaient d’utiliser

des formulations correspondant au langage parlé plutôt qu’écrit et de garder

une structure simple.

Plus en détails – annexe 2 –, nous avons demandé aux participants s’ils

annoncent directement le diagnostic à l’enfant (Howells & Lopez, 2008 ;

Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004 ;

Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010). Nous n’avons pas

interviewé uniquement des oncologues, c’est pourquoi nous avons utilisé

parfois des questions alternatives plus adaptées aux autres spécialisations, tout

en gardant le même sujet de discussion. Comme le conseillent Nils & Rimé

(2003), nous avons demandé de donner également un exemple, pour

comprendre la procédure qu’ils utilisent. Nous avons tenté de comprendre les

motivations et de voir comment ils se comportent en cas de conflit avec les

choix de communication des parents (Beale et al., 2005 ; Gaab et al., 2013 ;

Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004). Ces questions étaient celles

que nous considérons les plus sensibles, puis nous sommes passés à des

questions qui pouvaient nous aider à nous diriger vers la conclusion. Nous

avons demandé des informations au sujet d’éventuels programmes de

formation et de l’utilité de différents modèles de communication pour

soignants et/ou parents. Ce n’était pas prévu dans le guide d’entretien, mais dès

notre première discussion, nous avons ajouté une question sur le support

psychologique pour le personnel de l’hôpital.

Finalement, une troisième partie de clôture, afin de savoir si le participant

souhaitait ajouter quelque chose et si l’entretien s’était bien passé (Nils &

Rimé, 2003).

Nous devons tout de même souligner le fait que, une fois ce guide contruit,

nous n’avons pas effectué de prétest. D’habitude, cela serait la première étape

d’une étude de ce type (Guittet, 2013 ; Lorenzi-Cioldi, 2003 ; Nils & Rimé,

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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2003), mais pour des contraintes de temps et de participants à disposition, nous

ne l’avons pas effectué. De plus, nous devons aussi souligner que cette section

plus pratique ne faisait pas partie du projet initial de ce mémoire, dont

l’objectif était de recueillir la littérature concernant la manière de communiquer

le diagnostic et le pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique.

Cependant, ces entretiens exploratoires et cette brève expérience en hôpital

nous ont permis d’enrichir notre savoir académique, théorique et personnel, et

ainsi de pouvoir développer une réflexion plus complète qui enrichira la partie

discussion de ce mémoire et notre future pratique.

6.1.2 Analyse du contenu manifeste

Pour analyser nos entretiens, nous nous sommes basés sur la construction de

notre guide. En effet, celui-ci touchait six thèmes que nous avons parcourus

dans la partie théorique de ce mémoire. Depuis le début, nous avons rassemblé

une grande quantité d’informations sur la manière d’annoncer le diagnostic de

cancer ou le pronostic de fin de vie aux patients pédiatriques, d’où les premiers

deux thèmes de nos entretiens. Nous avons analysé les raisons qui poussent les

personnes à expliquer ou non la maladie à l’enfant et nous nous sommes dit

que le thème de la résolution de conflit entre ces deux parties méritait d’être

investigué dans la pratique. Avant ces entretiens, nous avions uniquement deux

références anglophones au sujet de la formation sur la communication avec les

patients. Il nous semblait donc indispensable d’en savoir plus au niveau des

structures hospitalières suisses. De plus, nous voulions avoir une opinion à

propos des modèles de communication structurés ou non, afin d’avoir une idée

de l’acceptabilité de notre modèle dans la pratique. Finalement, étant engagés

dans le domaine de la psychologie, la question du support psychologique est

née spontanément.

Cependant, gardant une certaine flexibilité, cinq autres thèmes sont ressortis, à

savoir le travail multidisciplinaire, le savoir des enfants, le manque de temps, la

législation et le symbolisme. Nous nous sommes rendus compte en partie de

ces thèmes pendant le déroulement même de nos entretiens. Puis, nous les

avons codés de manière plus systématique après plusieurs relectures des

transcriptions des entretiens. Dans le tableau 4, nous présentons le résultat de

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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notre analyse de contenu, mais nous laissons la possibilité aux lecteurs de

revoir les entretiens dans les annexes et d’ouvrir la voie à d’autres pistes

d’analyse. En effet, nous n’avons pas pu comparer notre codage avec une

deuxième ou plusieurs personnes. Ceci pourrait donc être une opportunité d’en

discuter et même d’approfondir ces informations avec de nouveaux entretiens.

Tableau 4

Résumé de l’ensemble de thèmes et sous thêmes des entretiens exploratoires

Thèmes et sous-thèmes des entretiens exploratoires au sujet de la communication du

diagnostic et du pronostic de fin de vie patients d’oncologie pédiatrique

Thèmes préétablis Sous-thèmes Thémes

supplémentaires

Sous-thèmes

L’annonce

diagnostique

- Le dire d’abord aux parents ;

- Choisir qui le dit à l’endant ;

- S’adapter à l’âge de l’enfant ;

- Qui doit être présent au moment

de l’annonce.

Le travail

multidisciplinaire

- Les infirmières ;

- Les pédopsychiatres et

les psychologues ;

- Les autres professions.

L’annonce

pronostique

- Le dire d’abord aux parents ;

- Choisir qui le dit à l’endant ;

- S’adapter à l’âge de l’enfant ;

- Qui doit être présent au moment

de l’annonce ;

- Le fait de connaitre déjà les

patients.

Le savoir des enfants

La résolution de

conflit

- L’occurrence des conflits ;

- Donner des explications ;

- S’adapter au souhait des parents ;

- La difficulté de s’adapter au

souhait des parents.

Le manque de temps

La formation - Ne pas avoir suivi une formation

sur la communication ;

- Motivations pour suivre ou non

cette formation ;

- Les formations extrenes ;

- Les formations internes ;

- Faire des lectures ;

- Formation par l’expérience.

La législation - Les informations

générales ;

- Les informations

concernant les études

cliniques.

Les modèles de - En faveur d’un modèle semi- Le symbolisme

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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communication structuré ;

- En opposition à l’utilisation d’un

modèle.

Le support

psychologique

- Ne pas avoir besoin d’un support

psychologique personnel ;

- Besoin et utilité d’un support

psychologique personnel ;

- Discuter avec les collègues ;

- Support psychologique externe ;

- Support psychologique interne.

Notes. Le savoir des enfants, le manque de temps et le symbolisme sont des thèmes évoqués à plusieurs réprises par les

participants, mais qu’ils n’ont pas dévéloppé autant que les autres thèmes.

6.1.2.1 Annonce diagnostique3

Selon le personnel interrogé dans cinq hôpitaux suisses, il y aurait une claire

volonté d’annoncer le diagnostic de cancer aux patients pédiatriques. Les

soignants disent discuter toujours d’abord avec les parents, afin de pouvoir leur

annoncer la mauvaise nouvelle, en essayant de les convaincre de partager le

diagnostic avec l’enfant selon des modalités qu’ils vont établir ensemble, de

leur donner la possibilité d’exprimer leurs émotions et en leur rappelant qu’ils

vont répondre à leurs questions autant de fois qu’il leur faudra « …je pense que

je le dis au moins une fois dans une annonce diagnostic c’est que "vous pouvez

tout oublier on vous dira tout ce qui faut autant de fois qui faut et c’est bien

normal que que ça vous passe"… » – annexe 10.

Par rapport à la personne chargée de communiquer le diagnostic à l’enfant,

plusieurs solutions sont envisageables. Les oncologues proposent de le faire

avec la présence des parents ou de leur laisser la possibilité de parler à leur

enfant en privé, tout en restant disponibles pour répondre à leurs questions dans

un second temps. Un participant avec de l’expérience et beaucoup de tacte

nous explique ces possibilités « …je le fait volontiers mais que, s’ils le veulent

pas et qu’ils veulent le faire eux-mêmes je suis aussi ouvert à ça quitte à

assister à la discussion s’ils veulent, ou bien revenir dans un deuxième temps et

3 Nous avons mis des exemples pour illustrer les différents thèmes. Ces exemples sont pris

tels qu’ils ont été prononcés et que nous les avons retranscrits.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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s’ils veulent que je complète des choses et s’il y a des questions

particulières… » – annexe 4 –.

L’objectif serait d’informer les enfants, tout en adaptant cette annonce à leur

âge. Ainsi, il y aurait un langage plus adéquat pour les enfants plus jeunes,

avec des explications simplifiées, parfois à travers des histoires illustrées, ou

un langage plus évolué pour les adolescents.

De plus, quand il n’y a pas de contraintes temporelles, les oncologues préfèrent

communiquer le diagnostic en présence d’une infirmière, qui sera responsable

du patient en question « The idea is that one of the nurses who will be

responsible for that patient for the next hours or some days and one of the

pediatric psychologists are here […] the idea is that at least three persons

from different, profession are there… » – annexe 11 –, ou des intervenants qui

avaient le patient en charge avant eux pour le passage du mandat. Cependant,

nous avons constaté une différence entre les hôpitaux de Suisse latine et ceux

de Suisse alémanique. Ce deuxième groupe trouve utile d’avoir la présence de

psychologues lors de l’annonce, alors que le premier groupe ne ressent pas ce

besoin, en laissant la place aux pédopsychiatres pour la suite de la prise en

charge.

6.1.2.2 Annonce pronostique

De manière générale, le fonctionnement de l’annonce pronostique serait

semblable à celui que nous venons de décrire pour l’annonce diagnostique

« Oui la procédure est tendanciellement la même dans le sens, avant on discute

ou tendanciellement je discute avant avec les parents, ainsi au moins ils ont la

possibilité de poser toutes les questions qu’ils veulent en privé… » – annexe 6

–. Les parents sont les premiers à être mis au courant, afin qu’ils puissent poser

toutes leurs questions. Ensuite les adultes vont discuter des modalités de

communication, à savoir qui le dit à l’enfant et où l’enfant va passer le temps

qui lui reste à vivre. Les informations sont adaptées encore une fois à l’âge de

l’enfant et les différents spécialistes sont là pour soutenir en groupe la famille.

Toutefois, les participants ont insisté sur une différence entre les deux

situations d’annonce. Lors du suivi des soins, le personnel soignant et la

famille apprennent à se connaître, ce qui crée un lien particulier. D’un côté,

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cela donne des pistes aux médecins sur le choix des mots à utiliser pour

affronter certains discours difficiles, mais de l’autre, cela devient un devoir

émotionnellement très chargé « …second you know each other parents of the

patients and doctors and nurses know each other and this discussion of end of

life is much REALLY much more stressful for all participants including

professionals because you know each other…» – annexe 11.

6.1.2.3 Résolution de conflit

Si nous avons pu constater que la communication en oncologie pédiatrique

n’est pas un tabou pour les praticiens en Suisse, ce sujet reste plus délicat pour

les parents. Par contre, les avis des participants sont un peu partagés entre ceux

de Suisse latine, qui disent que les parents s’opposent rarement au fait de

rendre l’enfant participatif « …c’est rare quelqu’un qui ne veut absolument

rien dire aux enfants… » – annexe 4 –, et ceux de Suisse alémanique qui sont

plus souvent face à cette situation conflictuelle. Dans un des entretiens, le

participant remarque une opposition plus fréquente quand les familles viennent

d’une culture différente « …that’s a quite common situation particularly, in

families coming from, the south east of Europe, so in Italy or ex-Yugoslavia

that’s quite common that families do not inform the child, or also families

coming from Turkey… » – annexe 9 –.

Afin de résoudre le conflit, les participants décrivent plusieurs solutions. Celle

qui paraît être la plus efficace est de prendre du temps pour expliquer aux

parents qu’il est normal de leur part de vouloir protéger l’enfant, que celui-ci le

fait aussi de son côté, mais qu’il est important d’expliquer les choses aux

enfants avec les mots justes, pour les rassurer, car ils ressentent beaucoup de

choses et ont besoin eux aussi de comprendre. Ceci arriverait à convaincre les

parents d’ouvrir la discussion avec leur enfant.

Par contre, quand les parents restent réfractaires à l’ouverture de la discussion,

les soignants tentent de garder une bonne alliance thérapeutique en s’adaptant à

la situation. Partir dans un véritable conflit peut être préjudiciable, le risque

étant de ne pas assurer des soins de qualité, donc le personnel médical

commence par exprimer son respect à la famille, en acceptant de suivre ses

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directives à propos de la communication. Le plus souvent, il s’agit de ne pas

utiliser les mots cancer, tumeur et de modifier les termes techniques des soins.

Cependant, le fait de devoir coordonner ces directives parentales rend parfois le

travail très difficile pour le personnel. En effet, quand les soignants sont limités

dans leur possibilité d’explications et que l’enfant pose des questions bien

spécifiques, un dilemme se crée entre leur propre conviction et le souhait des

parents, comme nous le décrit un participant « … ça peut être difficile de de

gérer si un enfant dit à une, "je sais que je vais mourir" ou "je suis trop jeune

pour mourir", ON S’Y ATTEND PAS donc c’est toujours, EST-CE QUE J’OSE

DIRE OU PAS ? parce qu’on sait peut-être que la famille ne le souhaite pas, si

c’est ouvert ok, la frontière n’y est pas, mais oui ça peut être difficile ouais

difficile. » – annexe 5 –. De plus, il est difficile que tous les spécialistes des

différents services soient au courant et le fait que par erreur quelqu’un parle à

l’enfant de son cancer semble inévitable « Cet accord-là, ça risque de de mal

passe se se passer quoi y a trois quatre semaines, en radiologie où le le

radiologue ou la personne qui était le médecin qui était là a dit les choses très

franchement à l’enfant devant la maman qui n’a pas du tout aimé, donc ça ça

met tout le monde un peu mal à l’aise… » – annexe 4 –.

6.1.2.4 Formation

De notre point de vue, la formation paraît être un sujet problématique, à savoir

qu’aucun de nos participants n’a eu de formation spécifique en ce qui concerne

la communication avec les enfants et diverses explications ont été données

pour ce manque. Certains médecins disent que ce type de formation n’existait

pas quand ils ont fait leurs études il y a 15 ans ou plus, autrement ils l’auraient

volontiers suivi. Cependant, en imaginant que des cours soient disponibles de

nos jours, ces médecins disent avoir difficilement le temps pour les suivre ou

avouent se sentir mal à l’aise avec certaines modalités, telles que les jeux de

rôles devant un public. D’autres participants ont simplement reconnu ne pas

avoir recherché ces cours.

Dans un hôpital que nous avons visité en Suisse alémanique, les médecins

organisent une formation interne afin de développer leurs compétences en

matière de communication, mais le tout vise la discussion entre adultes « …but

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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talking to parents yes, we did […] we have a COURSE HERE a peer group

where we do videos and, show each other how we talk to parents and analyze

our, our way of, discussing issue… » – annexe 9 –.

Concernant les cours qui existent en dehors des structures dans lesquelles

travaillent nos participants, la plupart vise la communication entre adultes.

Cette situation se réplique quand la formation est proposée en interne. A notre

connaissance, la seule structure qui offre une formation spécifique sur la

communication de mauvaises nouvelles aux patients pédiatriques est celle

décrite dans l’entretien avec notre dixième participant pour lequel nous n’avons

pas de trace écrite. Cependant, aucun des neuf autres participants ne semble en

être au courant « Non il en n’a pas eu mais même pendant la formation en

générale que je sache non ILS NE SONT MÊME PAS PRÉVUS et il n’y en a

pas en ce moment CHEZ NOUS en Suisse mais également à l’étranger je n’ai

pas vu tellement de ces choses. » – annexe 6 –.

Toutefois, certains oncologues nous ont affirmé essayer de combler leur

manque de formation dans ce domaine par la lecture d’articles scientifiques. De

plus, l’expérience de travail semble avoir comblé ce manque, car les collègues

plus expérimentés passent leur savoir aux plus jeunes « …et puis avec le temps

on a quand même réussi à faire en sorte disons en travaillant ici en travaillant

ailleurs en travaillant avec des gens qui ont travaillé ailleurs à avoir une façon

de faire qui paraît adéquate… » – annexe 3 –.

6.1.2.5 Modèle de communication

Selon nos participants, un modèle standard n’est pas applicable dans la réalité

pratique, mais la plupart disent qu’il serait possible d’utiliser un modèle semi-

structuré. Une sorte de check-list avec un certain nombre de points à ne pas

oublier paraît utile, tout en gardant à l’esprit qu’il faut s’adapter aux personnes

qui sont en face des soignants « … un peu une chose au milieu selon moi parce

que, LE STANDARD va bien comme check-list standard ce que je dois faire ok,

mais il faut toujours l’adapter aux personnes que tu as devant… » – annexe 7.

Un outil plus structuré qu’une check-list rendrait plus difficile leur travail et

deux oncologues se sont montrés très opposés à cette idée, en ne laissant de

place qu’à l’expérience et au traitement au cas par cas « …suivre un protocole

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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ça parait ILLUSOIRE de penser qu’on puisse suivre un protocole qui va

marcher pour tout le monde qui va être la bonne façon pour tout le monde, s’il

y en ait de bonne façon de faire […] un protocole me semble impossible, en

tout cas AVOIR UN PROTOCOLE QUI PUISSE CONVENIR À TOUT LE

MONDE me semble impossible (rire) » – annexe 10 –. Une de ces deux

personnes nous a même avoué en privé que le type de mémoire que nous avons

proposé ne serait d’aucune utilité. Nous en dirons plus dans la discussion du

mémoire.

6.1.2.6 Support psychologique

Le support psychologique est un autre thème pour lequel les avis sont mitigés

et parfois contradictoires. En effet, un seul de nos participants dit recourir à un

soutien psychologique « … I do that for myself I have a psychological support,

and I, yeah I I think that’s extremely useful and I feel that I need it… » –

annexe 9 –, même si la plupart disent qu’il y a besoin de pouvoir parler de ses

propres émotions « … c’est important que ça ait lieu et c’est important que les

gens puissent dire qui peuvent se poser des questions et pis en parler. » –

annexe 3 –. Cependant, le personnel préfère discuter entre collègues, plutôt que

de se confier à des psychologues.

Les hôpitaux n’obligent pas le personnel à discuter avec un spécialiste, même

en cas de décès d’un patient, mais si quelqu’un le souhaite, cette possibilité est

offerte. La plupart des services dans lesquels nous sommes passés ont tenté

d’organiser des discussions de groupe entre collègues, mais ces moments de

discussion ont été interrompus car les personnes ne sont plus venues ou parce

que leur organisation reposait sur l’initiative personnelle d’un membre du

personnel qui ne travaille plus « … we had some kind of TEAM SUPERVISION

but we haven’t done that since years now… » – annexe 9 –. Toutefois, les

médecins reconnaissent que les infirmières sont plus impliquées, tout en

justifiant parfois qu’elles y trouveraient plus de nécessité qu’eux. Ces constats

sont parfois contradictoires par rapport aux avis sur le besoin d’exprimer ses

émotions. L’exemple le plus parlant est probablement celui d’un participant

qui, dans un premier temps, s’exprimait sur le fait de parler avec ses collègues

de la manière suivante « …ça permet d’exprimer ses émotions d’exprimer son

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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ressenti sur une sur une situation et pis là déjà le plus gros du travail est fait

dans la protection de de de soi… », pour ensuite ajouter ironiquement « …aller

mettre un psychiatre à côté de chacun ou un psychologue à côté de chacun

pendant pendant sa vie professionnelle je pense que c’est aussi illusoire on

peut imaginer ça au golf pour (grand rire) à côté d’un golfeur pendant ses 18

trous… » – annexe 10 –. En général, les participants exprimaient des

sentiments très forts quand ils parlaient du travail en oncologie pédiatrique,

mais ils avaient tendance à se montrer fermés lorsqu’il s’agissait de décrire

explicitement leur stratégie de coping. Nous ferons des commentaires plus

approfondis dans la partie consacrée à la discussion.

6.1.2.7 Travail multidisciplinaire

Le travail multidisciplinaire est un thème qui a souvent été évoqué par les

participants. Les médecins reconnaissent un rôle très important aux infirmières.

S’il n’y a pas de contraintes temporelles, elles sont généralement présentes lors

de l’annonce du diagnostic et du pronostic. De leur côté, les infirmières sont

satisfaites que leurs opinions soient sérieusement prises en considération

pendant les réunions de réseaux multidisciplinaires « En groupe entre médi

médecins donc c’est aussi nous infirmières c’est c’est beaux ici on nous

demande aussi notre avis on participe il y a des réseaux multidisciplinaires… »

– annexe 5 –. En effet, puisqu’elles passent plus de temps avec les patients et

leurs familles, le contact peut parfois devenir très personnel. De plus, comme

nous l’avons décrit ci-dessus, les médecins leur reconnaissent une meilleure

organisation des groupes de parole.

Dans l’équipe de ces services d’oncologie pédiatrique, il y a des spécialistes

pour le support psychologique des patients et de leurs familles. Cependant,

nous avons constaté une grande différence entre les hôpitaux de Suisse latine et

ceux de Suisse alémanique. Dans le premier groupe cité, il y a des

pédopsychiatres qui s’occupent du soutien émotionnel pendant la prise en

charge du patient « …les pédopsychiatres QUI vont voir la famille dans un

second temps… » – annexe 10 –, alors que dans le deuxième groupe, il y a des

psychologues qui, sauf contrainte de temps, sont présents également au

moment de l’annonce diagnostique « ... OR we also, sometime do is we do this

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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type of discussion together with a psychologist and the ru the role of the

psychologist is to SIT SIDE parents and TRY TO ASK QUESTIONS, or to

FORMULATE, CORCENRS or WHATEVER, AS A advocate for the parents…»

– annexe 8 –.

Finalement, la coordination doit se faire entre un nombre assez élevé d’acteurs

tels que des oncologues, infirmières, psychologues, chirurgiens, radiologues,

intervenants de pédiatrie générale, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, les

bénévoles, les écoles et beaucoup d’autres.

6.1.2.8 Savoir des enfants

En dehors de deux participants, tous ont évoqué une profonde conviction que

les enfants sont au courant quand quelque chose ne va pas. Même les enfants

très jeunes comprennent à leur façon que quelque chose ne va pas « … la

plupart du temps ils sont capables de réaliser que ça ne va pas même s’il est

petit même quatre cinq ans comme ça ils comprennent à leur façon… » –

annexe 4 –, et ceux qui sont un peu plus grands arrivent à l’exprimer, en

parlant avec les soignants de choses qu’ils ne peuvent pas dire à leurs parents,

soit parce que ce n’est pas une habitude de la famille ou soit pour les protéger

« …elle m’a dit "et surtout tu dis pas à mes parents que je sais".

L’IMPORTANT pour cet enfant c’était de protéger ses parents elle savait très

très bien ce qui arrivait… » – annexe 10 –. Selon un participant, ils sont

conscients de leur maladie avant que les adultes ne s’en rendent compte « … en

principes les enfants le SAVENT déjà avant avant avant NOUS… » – annexe 5

–. De plus, même si les adultes ne souhaitent pas en parler, les enfants sont

capables de voir autour d’eux des indices très parlants, comme les regards, les

visages très concernés et toutes les réactions en général « …ils le savent aussi

parce qu’ils VOIENT dans nos REGARDS dans nos RÉACTIONS TOUT LEUR

DIT que ça va pas… » – annexe 10 –.

6.1.2.9 Manque de temps

Le temps est un facteur qui a été décrit comme particulièrement stressant et qui

entrave la coordination du travail multidisciplinaire. C’est un sujet auquel nous

n’avons pas pensé lors de la construction du guide d’entretien, mais les

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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participants en ont souvent parlé. Par exemple, il n’y aurait pas beaucoup de

temps pour suivre des formations continues « … j’aimerais bien pouvoir suivre

une fois que je n’ai pas encore eu le temps… » – annexe 4 –, pour participer à

des groupes de discussion, pour organiser l’annonce du diagnostic et du

pronostic de façon structurée, les infirmières et psychologues n’arrivent pas

toujours à y être présents « …sometimes the nurse has no no n n n no time to to

come… » – annex 8 –, et les oncologues n’ont pas assez de temps pour se

remettre en question en prenant un moment de réflexion sur la manière dont

s’est passée une annonce « … to really write it down you don’t do that in in

your DAY TO DAY as a doctor life because you do not have the time… » –

annexe 9 –.

6.1.2.10 Législation

Nous avons remarqué qu’il est difficile d’obtenir des renseignements à propos

de la législation sur l’information aux patients pédiatriques. Un seul de nos

participants nous a clairement expliqué que les adolescents sont responsables

de leurs choix en matière de santé à partir de l’âge de 16 ans et, de ce fait, ils

devraient être informés comme des adultes. En d’autres termes, ils peuvent

décider s’ils veulent accepter ou refuser des traitements et les parents ne

peuvent pas s’y opposer. « Légalement c’est seize ans, dès seize ans je peux

décider de REFUSER ou ACCEPTER une thérapie et les parents ne peuvent

rien dire donc même en tant que médecin si un parent oh vient et dit "mon fils a

17 ans" dit "IL N’EST PAS MAJEUR c’est moi qui décide" non c’est dès seize

ans, donc dès seize ans vu qu’ils ont cette faculté l’information devrait être

COMPLÈTE, ABSOLUE, COME SI JE LA DONNAIS à un adulte… » – annexe

6 –.

L’information est plus réglementée lorsqu’il s’agit d’essais cliniques. Si les

parents souhaitent participer à une étude sur des traitements en phase

expérimentale, selon le protocole, les enfants doivent signer les formulaires de

consentement « …il y a dans nos protocoles des des comment dire des

formulaires à signer par le consentement par les enfants… » – annexe 4 –.

Cependant, la limite d’âge dans ce type de situation ne nous est pas claire. Ce

que nous pouvons constater, c’est qu’il existe des protocoles pour les

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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informations sur les essais cliniques, mais il n’y en aurait pas pour les

informations sur le diagnostic et le pronostic.

6.1.2.11 Symbolisme

Le langage symbolique est un sujet que nous n’avons pas imaginé dans ce

mémoire et, même si nous avons dit que cette analyse se limitait au contenu

explicite des entretiens, nous devons signaler un terme qui est apparu très

souvent. En effet, la prise en charge est décrite comme un « chemin » qui doit

être parcouru en groupe et qui se dirige vers quelque chose de positif. Les

termes « chemin » ou « cheminement » ont également été employés en parlant

du deuil. « Voilà, pouvoir être encore dans un cheminement, pour essayer de le

remettre dans un cheminement positif et dans un chemin, LE MEILLEUR QUI

SOIT même si st c’est un chemin qu’on voudrait jamais prendre et que et que

et qui est le pire chemin à prendre pour un parent. » – annexe 10 –.

Nous soulignons aussi deux images symboliques utilisées par deux des

participants. Une première, très parlante, est une comparaison entre recevoir

l’annonce du diagnostic de cancer et recevoir « …une batte de baseball dans la

figure… » – annexe 10 –. La deuxième est le moment où la tumeur est enlevée

par l’intervention chirurgicale. Une étape qui, selon ce participant, est

symbolique pour les parents du patient « …parce que la chirurgie c’est une

étape un peu, clef d’une part dans le traitement mais aussi symboliquement,

pour les parents là il y a le moment où on va l’enlever cette tumeur… » –

annexe 3 –.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

81

Discussion

Finalement, nous allons nous focaliser sur un certain nombre d’interprétations

par rapport à la littérature essentiellement anglophone, notre proposition de

modèle qui en est dérivée et les résultats de nos entretiens exploratoires dans

différents hopitaux suisses.

Le modèle que nous proposons naît d’un besoin de communication dans les

services pédiatriques où sont traitées des maladies graves. En effet, la maladie

chez l’enfant est perçue socialement comme particulièrement douloureuse, ce

qui influencerait une tendance des adultes à ne pas vouloir communiquer les

mauvaises nouvelles (Beale et al., 2005 ; Gaab et al., 2013 ; Lyons &

Chamberlain, 2008 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004). Cette

tendance serait ultérieurement influencée par l’abaissement de l’empathie avec

le temps chez les soignants et une législation qui parfois limite la volonté de

ceux-ci de discuter plus en détails avec les patients pédiatriques (Balez et al.,

2014 ; Barruel et al., 2012 ; Oppenheim, 2004 ; Woloschuk et al., 2004).

La littérature au sujet de la communication avec les enfants malades est

partagée entre les auteurs qui proposent une solution sous forme de liste de

conseils particulièrement souples (Canouï, 2004 ; Howells & Lopez, 2008 ;

Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012) et ceux qui

proposent des modèles plus structurés (Baile et al., 2000 ; Silverman et al.,

2010). Nous avons donc fait une synthèse de toutes ces références afin de créer

un modèle semi-structuré, à savoir quatre phases d’annonce du diagnostique,

plus deux phases supplémentaires en cas de stade terminal, et une marge

d’adaptation à l’interieur de chaque phase, afin de pouvoir adapter les conseils

au cas par cas. Cependant, nous pensons que le besoin de structure se justifie

par la nécessité de donner une base aux soignants et parents plutôt que de se

fier au seul bon sens (Canouï, 2004).

Tout en sachant l’importance de la démarche que nous décrivons afin

d’améliorer le vécu de la maladie des patients d’oncologie pédiatrique et de

leur famille, nous nous rendons compte des contraintes que cela pourrait

représenter dans le domaine pratique. En effet, cela prend du temps (Dikici et

al., 2013 ; Fallowfield & Jenkins, 2004), non seulement pour la mise en place

d’un tel projet, mais également pour son exécution régulière, quotidienne et

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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ceci représenterait un désavantage pour les finances des systèmes de santé

publique (Oppenheim, 2004). Toutefois, la santé publique a le devoir éthique

d’assurer une égalité de qualité des soins pour tous les patients, donc également

pour ceux pédiatriques (Moatti et al., 2012). Ce type de démarche toucherait un

grand nombre d’acteurs, car parmi d’autres, l’oncologie est un domaine qui

nécessite des équipes multidisciplinaires. Il faudrait donc avoir une

coordination qui permet d’obtenir une continuité de la communication et qui

assure que tout le monde est au courant de ce qui a été dit ou non (Fallowfield

& Jenkins, 2004 ; Kreitler & Krivoy, 2004). Barruel et al. (2012) suggèrent

d’attribuer ce rôle aux psychologues, ce qui faciliterait la construction d’une

bonne alliance thérapeutique de leurs collègues avec les pateints.

Notre projet voudrait être une alternative à une pratique médicale parfois trop

focalisée sur le seul fonctionnement biologique de la maladie, une approche

centrée non uniquement sur les adultes et une démarche pédagogique détaillée

pour aider les étudiants de médecine à développer leurs compétences

communicationnelles. Ceci dit, il est évident qu’il ne s’agit encore que d’une

proposition théorique, qui nécessite d’être testée sur le terrain, ainsi que d’être

jugée par des experts afin de vérifier sa validité, sa conformité aux codes

déontologiques et aux besoins des patients (Fallowfield & Jenkins, 2004).

Cependant, nos entretiens exploratoires nous ont permis de faire un premier pas

dans cette direction.

Par rapport à la problématique soulignée par ce mémoire, nous avons pu

constater que la totalité de nos participants ont la convinction que l’enfant doit

être mis au courant de sa maladie. Donc, la situation en Suisse paraît être moins

grave que celle décrite dans la littérature (Lascar et., 2013 ; Skeen & Webster,

2004 ; Wassmer et al., 2004 ; Zwaanswijk et al., 2010), mais il reste tout de

même certaines contraintes de communication de la part des parents. Si nous

nous focalisons sur les bases juridiques pour le quotidien du médecin éditées

par l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) et la Fédération des

Médecins Suisses (FMH), les soignants ont peu de marge sur la communication

directe avec les enfants. En effet, celles-ci considére que les enfants ne sont pas

capables de discernement, les informations concernant la maladie doivent donc

être données aux parents. Nous retrouvons ici les indications sur la législation

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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qu’un seul de nos participants avait su nous décrire en détails, à savoir que la

limite de capacité de discernement est considérée être totalement acquise à

partir de 16 ans. Cependant, ce guide laisse une marge d’adaptation lorsque les

patients ont entre 12 et 16 ans. Dans cette tranche d’âge, c’est au médecin

d’analyser la capacité de discernement au cas par cas. De manière générale, il

est cependant souligné que les parents ont plus de pouvoir de décision que leur

enfant.

Cette limite de discernement n’est pas très claire, à savoir que les soignants

devraient décider si un patient donné a atteint une certaine maturité à ses 12, 16

ou 18 ans. Ces bases juridiques laissent donc la possibilité aux médecins de se

fier entièrement à leur bon sens, chose que nous déconseillons (Canouï, 2004),

en vue d’un éventuel déficit d’empathie (Woloschuk et al, 2004), qui risque

d’entraver une prise de décision judicieuse. Cette ambiguité explique

également pourquoi les participants nous ont souvent parlé d’une volontée de

communication avec leurs patients pédiatriques, mais de l’absence de

directives explicites sous forme écrite.

Avec ce type de législation, qui limite l’âge des patients ayant le droit de prise

de décision, il est également compréhensible qu’aucun de nos participants n’ait

eu de formation pratique en matière de communication avec les enfants. De

plus, si d’un côté la littérature nous donne le protocole SPIKES (Baile et al.,

2000), le guide Calgary-Cambridge (Silverman et al., 2010) et d’autres

formations personalisées par les universités comme programmes

d’enseignements efficaces, de l’autre aucun de nos participants n’était au

courant de l’existence de ces modèles. Toutefois, nous devons avouer que nous

avons également eu de la difficulté à obtenir des informations au sujet des

formations existantes dans ce domaine et quand elles existent, elles ne ciblent

pas forcément la situation pédiatrique. Pour le moment, nous avons vu que la

formation des soignants suisses en matière d’annonce de mauvaises nouvelles

se base principalement sur l’observation de collègues plus expérimentés et ils

sont encore loin des entainements avec des patients simulés (Al Odhayani &

Ratnapalan, 2011). Autrement seuls deux hôpitaux de Suisse allémanique nous

ont expliqué leur formation de façon plus concrète. Dans le premier, que nous

avons pu visiter, des sessions d’entrainement entre oncologues et psychologues

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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qui reviennent sur des entretiens d’annonce du diagnostic passés avec les

parents de patients sont organisées. Toutefois, les acteurs qui sont présents sont

tous adultes. Dans le deuxième cas, un hôpital que nous n’avons pas pu visiter,

notre dixième participant nous a expliqué qu’il collabore avec l’université du

canton en question. Cette université donne un cours sur la manière d’annoncer

les mauvaises nouvelles aux adolescents, de plus, la personne responsable de

ces cours et une autre collaboratrice donnent des conférences à l’hôpital pour le

personnel soignant. Tout en étant une organisation cantonale, les participants

des autres cantons n’étaient cependant pas au courant. Il nous semble donc

indispensable d’agir sur l’axe de la formation, en élaborant des programmes

adaptés aux craintes des personnes qui ne se sentent pas à l’aise avec certaines

situations de groupe et en divulgant l’information par rapport à l’existence de

ces formations (Dikici et al., 2013 ; Fallowfield & Jenskins, 2004).

Les différentes phases que nous proposons pourraient servir exactement

comme guide pour ce type de formation. Nous les avons décrites de façon très

détaillée, car nous voulions donner une base pour l’enseignement de la

communication avec les patients pédiatriques aux futurs soignants et un point

de départ dans la recherche dans ce domaine. Quand nous en avons parlé avec

nos participants, ceux-ci nous expliquaient qu’ils trouvaient plus utile une sorte

de check-list avec des points à ne pas oublier et qui permettrait de s’adapter à

différentes situations. Selon eux, quelque chose de plus structuré qu’une check-

list rendrait plus difficile leur travail. Nous pouvons donc imaginer une version

plus concise de notre modèle, que les oncologues pourraient employer comme

aide-mémoire pour leur pratique, mais il devrait être utilisé dans sa version

intégrale lorsqu’il s’agit de l’enseignement des jeunes médecins encore en

formation.

Lorsque nous avons discuté avec les participants, nous avons été surpris

d’observer un certain niveau de contradiction. En fait, même les soignants qui

se disaient totalement opposés à un protocole structuré ont en réalité une

pratique très proche de celle que nous proposons. Comme décrit dans la phase

1 de l’annonce du diagnostic ou du pronostic, tous nos participants parlent avec

les parents en premier. Puis, comme décrit dans la phase 2, tous nous ont

expliqué comment ils tentent d’organiser la communication avec les enfants,

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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selon différentes modalités adaptées à l’âge du patient. Lorsqu’ils obtiennent

cet accord de la part des parents, ils se rendent disponibles pour parler avec

l’enfant, avec des mots simplifiés et parfois du matériel illustré, comme nous le

suggérons dans la phase 3. Seule la phase 4 n’a pas été citée, mais nous

pensons que ceci a été dû à la courte durée de nos rencontres. Nous pouvons

affirmer que la pratique des soignants suisses plus expérimentés correspond

plus ou moins à notre modèle et qu’il est donc possible de laisser une trace

écrite de ce fonctionnement, en ne se confiant plus uniquement au bon sens

d’une volonté implicite de communication en oncologie pédiatrique (Canouï,

2004). De plus, légalement, il existe déjà des protocoles écrits par rapport à

l’information donnée aux enfants lors d’essais cliniques.

Lors de nos entretiens, un autre aspect nous a surpris, à savoir l’incongruence

entre l’expression d’émotions très fortes et le fait de décider de ne pas en parler

avec un spécialiste. Les participants ont utilisé parfois des expressions très

fortes en décrivant leur état d’âme, telles que « on est tous catastrophés » –

annexe 3 –, « c’est toujours quand même un grand, vraiment désespoir je ne

saurais comment dire autrement vraiment » – annexe 7 –, « ça vient vous

chercher dans les tripes », « on est dans l’horreur » ou « c’est TELLEMENT

HORRIBLE » – annexe 10. Cependant, ces descriptions étaient suivies d’un

étonnement lorsqu’ils étaient questionnés à propos d’un éventuel soutien

psychologique. Nous avons interprété cette attitude comme le reflet de la

tendance à diminuer l’implication émotionnelle des soignants face aux

situations particulièrement difficiles à vivre (Riess, 2010, Woloschuk et al.,

2004). De plus, le fait qu’un seul de nos participants a recours à un soutien

psychologique externe confirme les résultats de Vanderweker et al. (2005).

Nous devons rappeler que selon leur étude, le 13% de 200 participants déclarait

avoir un suivi ou présentait des symptômes de différents troubles

psychologiques (Morgan et al., 2009 ; Vanderweker et al., 2005 ; Zander et al.,

2010). Il s’agit d’une minorité, mais qu’il ne faut absolument pas négliger, car

elle pourrait avoir une influence sur la qualité de la prise en charge des

patients. Une réflexion plus profonde pourrait être utile dans ce domaine. Nous

pourrions nous demander si nous surestimons la gravité de l’état émotionnel

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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des soignants ou si des changements sont nécessaires au niveau de

l’intervention psychologique dans les hôpitaux suisses.

Le concept du rôle des psychologues dans les services d’oncologie pédiatrique

est ressorti lors de notre enquête pratique. Nous avons pu constater des

différences entre leur utilisation en Suisse allémanique, dont la pratique est en

train de se rapprocher de celle décrite dans la littérature anglophone, et en

Suisse latine. En Suisse allémanique, les psychologues sont appelés à assister

les oncologues dès l’annonce du diagnostic, alors qu’en Suisse latine, nous ne

parlons plus de psychologues, mais de pédopsychiatres avec une formation en

médecine et qui sont là plutôt pour la prise en charge suivante. Cette différence

de point de vue sur le rôle des psychologues pourrait avoir une influence sur

l’applicabilité de notre projet au niveau suisse.

En résumé, nous avons mené une enquête qui nous a donné un apperçu de la

situation en Suisse, qui paraît moins grave que celle décrite dans la littérature

essentiellement anglophone, dans le sens où les soignants ne sont pas

réfractaires à la discussion de sujets sensibles avec les patients pédiatriques.

Cependant, cela devrait être accompagné de consignes écrites plus claires, afin

de ne pas se fier uniquement à l’équilibre fragile du bon sens (Canouï, 2004 ;

Woloschuk et al., 2004). Des formations devraient être organisées et l’aide de

psychologues envisagée dans le domaine de la communication en oncologie

pédiatrique (Barruel et al., 2012). Finalement, il serait utile de prendre le

modèle que nous avons proposé comme point de départ et de l’améliorer grâce

aux soignants qui sont directement impliqués dans la pratique.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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Conclusion

Le diagnostic de cancer est une épreuve traumatisante et quand il touche

l’enfant, les adultes le perçoivent de manière encore plus douloureuse, ils ont

donc parfois tendance à ne pas vouloir lui communiquer cette mauvaise

nouvelle (Beale et al., 2005 ; Gaab et al.,2013 ; Lyons & Chamberlain, 2008 ;

Oppenheim & Dauchy, 2004 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004).

Toutefois, cette tendance risque d’être la cause de peur et d’anxiété chez

l’enfant, alors source de souffrance psychologique (Beale et al., 2005 ; Gaab et

al., 2013 ; Holland, 2002 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004). De

plus, elle n’est pas éthique, car elle n’assure pas une prise en charge de qualité

de la part des soignants, ce qui a un impact négatif sur la santé publique en

général (Massé, 2012 ; Moatti et al., 2012)

Au même titre que d’autres auteurs qui pensent qu’il faut en parler afin de

préparer l’enfant et lui donner un rôle actif dans le traitement, nous avons

réfléchi à un modèle semi-structuré d’annoce de diagnostic et de pronostic aux

patients d’oncologie pédiatrique, afin de ne pas se fier au seul bon sens (Beale

et al., 2005 ; Canouï, 2004 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et

al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012 ; Wilson et al., 2012 ;

Zwaanswijk et al., 2010).

Si la situation de la communication avec les patients pédiatriques semble

relativement moins problématique en Suisse, nous avons pu constater qu’il

reste une marge de travail à faire pour la rendre optimale. Selon nous, il y

aurait besoin de lignes directrices plus explicites à propos des stratégies de

communication avec les enfants, ce qui aiderait à gérer certaines situations de

conflit avec les parents. Ceci donnerait également la possibilité d’élaborarer

une formation plus ciblée du jeune personnel dans les hôpitaux et de faire

avancer la recherche. Enfin, cela permettrait de dessiner, de façon plus claire,

le rôle des psychologues dans ce genre de service, à savoir une ressource au

moment de l’annonce du diagnostic ou du pronostic, du suivi de la famille et

du support moral pour tout le personnel soignant.

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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014

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