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UNIVERSITE DE LAUSANNE
FACULTE DES SCIENCES
SOCIALES ET POLITIQUES SESSION DE JANVIER 2015
LA COMMUNICATION AU CENTRE DU DÉBAT : COMMENT ANNONCER LE
DIAGNOSTIC ET LE PRONOSTIC DE FIN DE VIE AUX PATIENTS D’ONCOLOGIE
PÉDIATRIQUE.
Mémoire de Psychologie de la Santé et Psychosociologie
Présenté par Melinda Conte
Directeur Remy Amouroux
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Remerciements
« Je m’abstiens de garder mes mots: j’ai passé une grande partie de ma vie à
ne pas dire les choses que je voulais dire, et je l’ai regretté. La nature nous
impose d’envoyer des messages subliminaux, de communiquer avec les gestes,
parce que nous avons peur de nous exposer pour ce que nous sommes.
Également face à nous-mêmes. Quand tout sera fini je suis sûr qu’une minute
me sera accordée pour repenser à toutes les fois que je voulais hurler ce que je
ressentais, mais que je me suis tu par peur de ne pas être compris, et je
regretterai les objectifs que j’ai abbandonné parce que la crainte d’échouer
m’a empêché de les poursuivre. »
Charles Bukowski
Je tiens à exprimer mes sincers remerciements à M. Rémy Amouroux,
directeur de mon mémoire, pour m’avoir guidé dans le déroulement de mon
mémoire de Master. Mes remerciements vont également aux soignants qui ont
dédié leur temps pour participer à mon enquête et à M. Ilario Rossi qui a
accepté d’être l’expert de ma soutenance.
De même, je suis reconnaissante envers ma famille, mes collègues d’université,
ma meilleure amie Valentina et mes autres amis, qui m’ont encouragée et
soutenue dans mes efforts.
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Motivations
Tout discours scientifique se doit d’être neutre, ce qui sera le cas de ce
mémoire de Master, mais une prémisse s’impose. En raison de l’intimité des
motivations personnelles à la base de ce travail, je me permets de les décrire en
utilisant la première personne.
J’ai choisi de faire des études de Psychologie de la Santé et Psychosociologie
car j’ai toujours été intéressée par des sujets tels que la santé psychique, les
dynamiques de groupe en milieu médical, de même que la prévention et la
promotion de la santé publique. Puis, c’est en débutant mes études de Master à
l’Université de Lausanne que j’ai commencé à découvrir certaines
problématiques de Psycho-oncologie. La Psycho-oncologie est un domaine en
pleine croissance, mais elle touche des thématiques socialement très sensibles,
ce qui peut rendre difficile de les aborder de manière ouverte à tout public.
C’est ce dont je me suis rendue compte lorsque j’étais à la recherche d’un stage
dans ce domaine et que d’autres collègues m’ont confié ne pas pouvoir
travailler en cancérologie, et plus particulièrement avec les patients
pédiatriques.
En début de deuxième année, j’aurais dû commencer un stage avec le Dr.
Mannocci Galeotti, responsable des soins palliatifs de l’Hospice de Borgo San
Lorenzo – Italie –, et Mme Caligiani, responsable de l’unité de Psycho-
oncologie du réseau de santé de Florence – Italie –, mais à cause de problèmes
bureaucratiques, ce projet n’a finalement pas abouti à sa phase pratique.
Toutefois, j’avais déjà eu des premiers échanges au sujet d’éventuelles actions
de mon cahier des charges, telles que le soutien psychologique au deuil des
familles ou les groupes de soutien pour le personnel des soins palliatifs. J’ai
donc décidé d’approfondir ces sujets dans mon mémoire de Master.
Avant d’en arriver au thème de la communication avec les patients d’oncologie
pédiatrique, mon projet de base était un peu large et suite aux conseils avisés
de mon directeur de mémoire, M. Amouroux, j’ai choisi ce sujet plus ciblé. En
effet, après une première série de lectures générales, il y avait une information
qui revenait à plusieurs reprises. Il s’agissait du fait que les soignants et les
parents auraient tendance à ne pas communiquer de façon honnête le diagnostic
de cancer aux enfants. Ces lectures m’ont fait prendre conscience que bien
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qu’il y ait des codes déontologiques de médecine et de psychologie, la nature
humaine fait que les choses dans la pratique ne se passent pas toujours selon
ces normes.
Finalement, ce sont ces évènements de ma vie personnelle et mes premières
lectures en matière de Psycho-oncologie qui constituent la base de ce mémoire
de Master au sujet de la communication du diagnostic et du pronostic aux
patients d’oncologie pédiatrique. Par la suite, j’espère que ce mémoire puisse
m’ouvrir les portes vers une future carrière de psychologue en milieu médical.
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Table des matières
Résumé .............................................................................................................................................................. 7
Introduction ....................................................................................................................................................... 8
Chapitre 1 : Le cancer comme source de doute et débat ................................................................................. 12
1.1 Le cancer biologique et ses doutes ............................................................................................................ 12
1.2 Les conséquences psychologiques du cancer ............................................................................................ 14
1.3 Historique de la communication du diagnostic de cancer ......................................................................... 19
Chapitre 2 : Le dilemme éthique de la communication et la voix des patients pédiatriques ........................... 23
2.1 Définition d’une bonne communication .................................................................................................... 23
2.1.1 Problèmes de communication dus au langage ........................................................................................ 24
2.2 Débat sur la communication : faut-il ou non annoncer le diagnostic de cancer et le pronostic de fin de vie
aux patients d’oncologie pédiatrique ? ............................................................................................................ 26
2.2.1 Ne rien dire à l’enfant afin de le protéger ............................................................................................... 26
2.2.2 Informer l’enfant afin de le préparer ...................................................................................................... 29
2.2.3 L’opinion des patients pédiatriques ........................................................................................................ 31
Chapitre 3 : Formations sur la communication avec les patients .................................................................... 36
3.1 Considérations générales ........................................................................................................................... 36
3.2 Le protocole SPIKES et le guide Calgary Cambridge ............................................................................... 37
3.3 D’autres formations ................................................................................................................................... 40
Chapitre 4 : Comment annoncer le diagnostic aux patients d’oncologie pédiatrique...................................... 43
4.1 La perception du corps et de la maladie chez les enfants .......................................................................... 43
4.2 Annoncer le diagnostic de cancer à un enfant ........................................................................................... 47
4.2.1 Phase 1 : un premier entretien avec les parents sans l’enfant ................................................................. 49
4.2.2 Phase 2 : planifier avec les parents la rencontre suivante avec l’enfant ................................................. 49
4.2.2.1 Phase 2a : qui devrait être présent ?..................................................................................................... 50
4.2.2.2 Phase 2b : dans quel setting faut-il se trouver ? ................................................................................... 51
4.2.3 Phase 3 : annoncer le diagnostic de cancer à l’enfant ............................................................................ 52
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4.2.3.1 Phase 3a : qu’est-ce que l’enfant sait à propos de sa maladie ?........................................................... 52
4.2.3.2 Phase 3b : qu’est-ce que l’enfant voudrait savoir exactement ? .......................................................... 53
4.2.3.3 Phase 3c : quelles sont les paroles qu’il serait préférable d’utiliser ? .................................................. 53
4.2.4 Phase 4 : révision avec l’enfant .............................................................................................................. 54
Chapitre 5 : Comment annoncer le pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique .................. 56
5.1 Les soins palliatifs ..................................................................................................................................... 56
5.2 La perception de la mort chez les enfants .................................................................................................. 57
5.3 Annoncer le pronostic de fin de vie à un enfant ........................................................................................ 59
5.3.1 Phase 1 : annoncer aux parents le pronostic de fin de vie de l’enfant .................................................... 60
5.3.2 Phase 2 : annoncer le pronostic de fin de vie à l’enfant ......................................................................... 61
5.3.2.1 Phase 2a : comment l’enfant se sent-il ? .............................................................................................. 61
5.3.2.2 Phase 2b : qu’est-ce qui a été fait jusque-là ? ...................................................................................... 62
5.3.2.3 Phase 2c : qu’est-ce qu’il va se passer ? .............................................................................................. 63
Chapitre 6 : Comparaison entre la littérature et la pratique en Suisse ............................................................. 65
6.1 Entretiens exploratoires en Suisse ............................................................................................................. 65
6.1.1 Construction du guide d’entretien .......................................................................................................... 66
6.1.2 Analyse du contenu manifeste ................................................................................................................ 69
6.1.2.1 Annonce diagnostique ......................................................................................................................... 71
6.1.2.2 Annonce pronostique ........................................................................................................................... 72
6.1.2.3 Résolution de conflit ............................................................................................................................ 73
6.1.2.4 Formation ............................................................................................................................................ 74
6.1.2.5 Modèle de communication .................................................................................................................. 75
6.1.2.6 Support psychologique ........................................................................................................................ 76
6.1.2.7 Travail multidisciplinaire .................................................................................................................... 77
6.1.2.8 Savoir des enfants ................................................................................................................................ 78
6.1.2.9 Manque de temps ................................................................................................................................. 78
6.1.2.10 Législation ......................................................................................................................................... 79
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6.1.2.11 Symbolisme ....................................................................................................................................... 80
Discussion........................................................................................................................................................ 81
Conclusion ....................................................................................................................................................... 87
Bibliographie ................................................................................................................................................... 88
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Résumé
Le cancer est un sujet sensible qui cause encore beaucoup de souffrance.
Lorsqu’il touche les enfants, les parents décident parfois de ne pas révéler le
diagnostic ou le pronostic, avec l’intention de les protéger. De leur côté, les
soignants qui voudraient communiquer ouvertement avec les enfants sont
entravés par une législation limitante. D’autres ont un abaissement d’empathie
qui les empêche de communiquer correctement. Cependant, ne pas expliquer la
situation aux patients pédiatriques signifie renoncer à la relation médecin-
patient, ce qui risque d’affecter la compliance, la réussite du traitement et le
système de santé publique. Pour aider les soignants et les parents à annoncer le
diagnostic et le pronostic aux enfants, nous avons fait une synthèse de la
littérature scientifique et créé un modèle semi-structuré en quatre phases
d’annonce du diagnostic, plus deux phases supplémentaires en cas de stade
terminal. Comme nous avons pu le constater dans une enquête effectuée dans
plusieurs hôpitaux suisses, il y a encore un manque de directives écrites, ce qui
laisse une ouverture à la recherche dans le domaine de la communication avec
les patients pédiatriques et l’élaboration de programmes de formation. Ceci
laisse également une place à l’intervention de psychologues.
Mots clés – cancer, diagnostic, pronostic, communication, patients pédiatriques
Abstract
Cancer is a sensitive topic that still causes a lot of suffering. When it comes to
children, adults sometimes decide not to reveal the diagnosis or the prognosis,
in order to protect the young patients. As far as caregivers are concerned, those
who would like to openly communicate with children are hindered by a
limiting legislation. Others are hindered by a lowering of empathy that prevents
them from using proper communication skills. Nevertheless, not to explain the
situation to pediatric patients would mean to give up on doctor-patient
relationship, which may affect compliance, treatment result and public health
system. In order to help caregivers and parents to announce the diagnosis and
the prognosis to pediatric patients, we made a scientific literature review and
created a semi-structured model of diagnosis announcement in four phases, and
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in case of terminal stage we added two more phases. As we have seen in a
survey conducted in several Swiss hospitals, there is still a lack of written
guidelines. This leaves an opening for research in the field of communication
with pediatric patients and teaching programs development as well as for the
intervention of psychologists.
Key words – cancer, diagnosis, prognosis, communication, pediatric patients
Introduction
Le cancer est l’une des principales causes de mort dans notre société et
représente donc un problème majeur pour la santé publique (Lyons &
Chamberlain, 2008 ; Oppenheim, 2004). Selon les données de l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS), cette maladie a été responsable de 13% de la
mortalité mondiale en 2008. Son diagnostic étant une épreuve traumatisante, il
serait très important, outre l’accompagnement de médicine classique,
d’envisager un soutien psychologique en parallèle (Balez, Berthou et
Carpentier, 2014 ; Barruel, Dauchy, Charles, Le Bihan et Lombardi, 2012 ;
Oppenheim & Dauchy, 2004). Les conséquences psychologiques sembleraient
indépendantes de l’âge du patient, cependant le comportement de son
entourage peut ne pas l’être. La maladie chez l’enfant est perçue socialement
comme particulièrement douloureuse, c’est pourquoi les adultes auraient
tendance à ne pas vouloir lui communiquer les mauvaises nouvelles, par souci
de protection (Beale, Baile et Aaron, 2005 ; Gaab, Owens et MacLeod, 2013 ;
Lyons & Chamberlain, 2008 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004).
Bien qu’il s’agisse au départ d’un comportement lié à de bonnes intentions des
parents, il risque d’être la cause de peur et d’anxiété chez l’enfant. En effet, ce
dernier percevrait que quelque chose ne va pas avec son corps, que son
entourage se comporte de façon suspicieuse et tente de l’isoler. Ceci peut être
une source de souffrance psychologique et risque de détruire la relation de
confiance entre l’enfant et les adultes (Beale et al., 2005 ; Gaab et al., 2013 ;
Holland, 2002 ; Lascar, Alizade et Diez, 2013 ; Skeen & Webster, 2004).
Lorsque nous parlons d’adultes, outre les parents de l’enfant en question, nous
faisons aussi référence aux soignants. Même s’il existe des codes
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déontologiques et des guides qui leur suggèrent de communiquer avec les
patients pédiatriques, parfois la difficulté de la situation incite les soignants à
adopter ce comportement de protection (Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster,
2004 ; Wassmer et al., 2004 ; Zwaanswijk et al., 2010). Il existe une autre
interprétation à ce genre de situation. En effet, il est possible d’observer un
phénomène d’abaissement de l’empathie avec le temps chez les soignants
(Balez et al., 2014 ; Woloschuk, Harasym et Temple, 2004). Ce déficit
d’empathie a donc un effet sur l’annonce diagnostique et pronostique, car il
entrave la marge de prise de décision laissée au soignant par les codes
déontologiques au sujet de la communication avec les patients pédiatriques.
Outre l’influence de l’empathie sur la prise de décision du soignant, nous
pouvons également observer un effet négatif sur l’alliance thérapeutique avec
le patient, ce qui représente un facteur de risque sur sa compliance et ainsi sur
l’efficacité du traitement (Al Odhayani & Ratnapalan, 2011 ; Ammentorp,
Sabroe, Kofoed et Mainz, 2007 ; Balez et al., 2014 ; Barruel et al., 2012 ;
Oppenheim, 2004). Cette situation peut être considérée comme une inégalité en
matière de prise en charge du patient pédiatrique, facteur qui risque
d’influencer de manière négative la santé publique (Moatti, Spira, Singh-
Manoux et Thiebaut, 2012). De plus, lorsque des sujets sensibles sont abordés,
tels qu’une maladie grave, les décisions thérapeutiques et le rapport à la mort,
il devient un devoir éthique de réfléchir à une solution (Massé, 2012 ;
Oppenheim, 2004). A ce propos, il existe des formations, mais elles visent
principalement la communication avec les patients adultes (Baile et al., 2000 ;
Silverman, Kurtz, et Draper, 2010). Au vu de toute cette problématique, la
question principale de ce mémoire est de savoir comment annoncer le
diagnostic et le pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique.
Toutefois, ayant conscience qu’il n’y a pas d’unanimité sur cette question dans
la littérature, nous allons explorer ce débat, à savoir s’il faut ou non rendre
l’enfant actif dans le traitement en lui communiquant le diagnostic, le pronostic
ou encore en lui donnant un pouvoir de décision. Ainsi, nous nous sommes
posés une première question – « quelle est l’origine de ce débat ? » (Meitar,
2004 ; Rixe, Khayat et Fischer, 2002 ; Stuber & Seacord, 2004). Pour ce faire,
nous avons commencé par décrire la variable « cancer ». En effet, sans
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disposer de véritables références à ce sujet, il est raisonnable de suggérer que
les adultes n’auraient pas de grande difficulté à communiquer aux enfants le
diagnostic de maladies simples à soigner, comme une légère grippe ou une
varicelle. Ce qui rend cette communication difficile serait le fait que les causes
du cancer et leurs solutions ne sont pas toutes connues. La description de la
biologie du cancer (Rixe et al., 2002), ses conséquences psychologiques
(Meitar, 2004 ; Stuber & Seacord, 2004) et l’évolution de la communication en
médecine (Holland, 2002), seraient selon nous à la base de certains conflits.
Cette hypothèse nous pousse à préciser la question citée ci-dessus, à
savoir « quelles sont les raisons qui poussent les soignants et les parents à
communiquer ou non ces informations à l’enfant ? » (Gaab et al., 2013). Au vu
de la littérature à notre disposition, nous pensons donc qu’il serait éthique et
bénéfique d’informer les patients pédiatriques. Tout en montrant aussi les
arguments contraires, nous allons appuyer notre hypothèse sur l’opinion même
des enfants et des adolescents, ainsi que sur leurs droits en matière de santé. Le
fait de leur communiquer ce dont ils souffrent peut diminuer la peur et
l’anxiété à ce sujet, ainsi qu’augmenter la relation de confiance envers l’adulte
et le pouvoir de contrôle de la situation (Al-Amri, 2013 ; Canouï, 2004 ; Gaab
et al., 2013 ; Jacobnson, Richardson, Parry-Langon et Donovan, 2001 ; La
Valle, Payne, Gibb et Jelicic, 2012 ; Wilson, Raval, Salvina, Raval et Panchal,
2012 ; Zwaanswijk et al., 2010).
Comme nous l’avons déjà cité, il existe des formations sur la communication,
qui ont généralement un effet positif sur l’empathie des soignants et sur leur
capacité de construire une relation avec les patients (Barth & Lannen, 2010).
Nous allons en présenter plusieurs, tout en soulignant la nécessité d’avancer
avec la recherche et l’enseignement. En effet, l’enfant n’est pas un petit adulte,
mais un individu pour qui il est raisonnable d’adapter la communication au
stade de développement cognitif (Eiser, 1985). En posant la question « quelle
est la compréhension du corps et de la maladie chez l’enfant ? », nous voulons
trouver une façon adaptée d’annoncer le diagnostic de cancer pédiatrique.
Ainsi, nous proposons un modèle semi-structuré en quatre phases pour aider les
parents des patients et les soignants d’oncologie pédiatrique à communiquer un
diagnostic aux enfants (Lascar et al., 2013 ; Skeen et Webster, 2004 ; Stock,
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Hill et Babl, 2012). Ce type de discours sur l’adaptation de l’annonce de
mauvaises nouvelles serait valable aussi en cas de pronostic négatif, tous les
cancers ne sont pas connus et lorsqu’il n’y a plus de possibilité de guérison, il
faudrait l’annoncer aux patients et à leur famille. Nous nous demandons donc
« quelle est la compréhension spécifique de la mort chez l’enfant ? Et comment
la lui annoncer ? » (Beale et al., 2005 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar et al.,
2013 ; Skeen et Webster, 2004). Dans ce cas, nous avons proposé deux phases
supplémentaires sur la manière de communiquer le pronostic de fin de vie, ce
qui donnerait aux enfants un pouvoir de contrôle sur cette période.
Si la théorie à notre disposition est essentiellement anglophone, nous avons
tenté d’y comparer la pratique en Suisse. Nous avons demandé l’opinion de
soignants de différents hôpitaux suisses au sujet du débat de communication du
diagnostic et du pronostic – « est-ce que le résultat de ce débat est le même
dans la pratique et la théorie ? ». Finalement, la discussion et la conclusion de
ce mémoire offrent une synthèse de la théorie, de notre proposition de modèle
et de la situation en Suisse, ainsi que des propositions pour une suite de
recherches dans ce domaine.
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Chapitre 1 : Le cancer comme source de doute et débat
Avant d’entrer en plein dans le sujet de la communication du diagnostic et du
pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique, nous devons
introduire le cancer en tant qu’objet physique avec ses conséquences
psychologiques. En effet, ce premier chapitre permet de comprendre que toute
la complexité du discours oncologique chargé en émotions et l’incertitude qui
règne autour de la guérison d’un cancer sont probablement les variables
responsables des entraves de communication de la part des parents. De plus,
nous allons voir que le débat entre les personnes en faveur de l’information des
enfants au sujet de leur maladie et celles qui s’y opposent, ne serait pas une
histoire récente (Holland, 2002 ; Rixe et al., 2002 ; Stuber & Seacord, 2004 ;
Zwaanswijk et al, 2007).
1.1 Le cancer biologique et ses doutes1
Le cancer est le résultat d’une multiplication erronée de cellules. Ces cellules
peuvent se transformer pour de multiples raisons, que ce soit par une
modification de leur ADN causée par des agents chimiques, des virus, des
facteurs génétiques, hormonaux ou des facteurs environnementaux au sens
large. Ces cellules malades forment initialement la tumeur primitive, ce qui
signifie que la maladie se trouve à un stade localisé. Toutefois, les cellules
tumorales acquièrent progressivement la capacité de migrer vers d’autres
organes pour y former des métastases, ce qui signifie que la maladie quitte le
stade localisé pour le stade métastatique.
Cette évolution de tumeur primitive à métastase se fait par étapes. Initialement,
la cellule cancéreuse, comme les cellules normales, va recevoir des signaux de
son microenvironnement, signaux qu’elle va transmettre à son noyau par les
cascades d’activation intracellulaire. Dans le cas des cellules cancéreuses, ces
signaux sont augmentés par de multiples mécanismes complexes, amenant une
1 Les notions de biologie de ce sous-chapitre au sujet du cancer font partie du chapitre de Rixe,
O., Khayat, D., & Fischer, G.-N. (2002). Aspects biomédicaux et psychologiques des cancers
et des traitements thérapeutiques. Dans G.-N., Fischer (dir.), Traité de psychologie de la santé
(1e éd., 211-226). Paris : Dunod. Quelques indications supplémentaires ont été données par le
Professeur Pierre-Yves Dietrich (8 septembre 2014), médecin chef de service, responsable de
la recheche en cancérologie des Hôpitaux Universitaires de Genève.
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certaine anarchie dans la cellule et promouvant prolifération, invasion et
métastatisation. L’invasion signifie que les cellules tumorales vont ronger ou
infiltrer les tissus voisins, y compris les vaisseaux sanguins ou lymphatiques.
Une fois dans ces vaisseaux, elles vont s’accrocher aux parois puis circuler
vers d’autres organes où elles s’arrêteront pour former les métastases – chaque
métastase est de ce fait une nouvelle tumeur.
Selon que la maladie soit localisée ou répandue, le pronostic sera très différent,
ainsi que les traitements proposés. Parmi les traitements locaux, il y a la
chirurgie, dont l’objectif est l’exérèse de la masse tumorale en préservant si
possible la fonction globale de l’organe. Elle est utilisée pour la tumeur
primitive ou pour certaines métastases quand le processus métastatique reste
limité à une ou deux localisations. La radiothérapie permet également de traiter
efficacement certaines tumeurs et est un outil remarquable pour les traitements
palliatifs. Son utilisation en pédiatrie est plus complexe, car il faut tenir compte
des effets secondaires à très long terme. Parmi les traitements généraux, nous
trouvons la chimiothérapie, qui intervient directement sur l’activité de
développement des cellules – par l’administration de molécules naturelles ou
produites par synthèse chimique –, et l’hormonothérapie, dont l’objectif global
est de stimuler les lymphocytes patrouilleurs impliqués dans la reconnaissance
des cellules tumorales. Le pronostic dépendrait donc fortement du stade de la
maladie et des traitements à disposition. Bien que la science ait de plus en plus
de connaissances sur les différentes étapes de l’évolution de la tumeur
primitive à métastase, le pronostic peut être malheureusement très incertain ou
même négatif si la tumeur est de grande taille, envahissant de nombreux
organes et/ou métastasique (O’Leary, Krailo, Anderson et Reaman, 2008 ; Rixe
et al., 2002). En effet, quand la mort survient après une maladie, le cancer en
serait encore la cause principale chez les enfants et adolescents (Morgan,
2009).
Le pronostic, qu’il soit négatif ou positif, aura une grande influence sur la
qualité de vie de la personne malade. De même que le type de cancer, car celui-
ci nous indique quel organe est le plus ciblé et quelles seront les conséquences
pour le corps du patient (Rixe et al., 2002 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stuber &
Seacord, 2004). Il est possible de diviser le cancer en six types : 1) les
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carcinomes épidermoïdes et adénocarcinomes qui attaquent les poumons, le
sein ou encore le côlon ; 2) les sarcomes qui attaquent les tissus conjonctifs,
tels que la graisse ou les muscles ; 3) les tumeurs germinales qui attaquent
certaines cellules des testicules et des ovaires ; 4) les tumeurs cérébrales ; 5) les
lymphomes/leucémies et autres tumeurs du système hématopoïétiques ; 6) et
les mélanomes.
Tout en voulant expliquer ce qu’est le cancer, toutes ces informations
« biologiques » ont été volontairement simplifiées. En effet, nous sommes
fortement conscients qu’en tant que psychologues, nous ne pouvons en aucun
cas nous substituer à la médecine, qui est la véritable experte en matière de
cancérologie. Comme le souligne le code de déontologie édicté par la
Fédération Suisse des Psychologues (FSP), nous devons exercer la profession
de façon responsable et consciencieuse, car les conséquences de nos actes
peuvent avoir un grand impact sur les patients. Donc, face à nos limites dans la
problématique du cancer en tant qu’objet biologique, il est de notre devoir de
laisser les explications de niveau avancé aux spécialistes de cette maladie.
Nous quittons donc le cancer comme objet biologique afin de continuer ce
mémoire sur des aspects plus psychologiques.
1.2 Les conséquences psychologiques du cancer
Le cancer est une maladie qui porte une charge émotionnelle relativement
lourde et il faudrait essayer de comprendre si les patients ont une réaction
normale à une situation anormale, ou une réaction psychopathologique
(Canouï, 2004). Stuber et Seacord (2004) affirment que la plupart des anciens
patients pédiatriques ne souffrent pas de grosses séquelles psychologiques sur
le long terme. Elles citent des études où les anciens patients pédiatriques
affirment être heureux, tout en gardant des effets secondaires somatiques, et
que leur cancer les auraient changés, mais de manière positive. Toutefois, nous
pensons que cela peut être possible qu’avec une bonne prise en charge
multidisciplinaire du patient. Ce type de collaboration est possible uniquement
s’il y a reconaissance des rôles et des responsbilités de chaque professionnel,
donc également de la place du psychologue (Barruel et al., 2012). En cas de
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mauvaise prise en charge, cela pourrait être une cause de dépression et
d’anxiété.
Le fait de ne pas communiquer le diagnostic et le pronostic aux enfants
malades pourrait effectivement être le signe d’une prise en charge non
optimale. Comme nous allons le développer dans ce mémoire, lorsque les
enfants n’ont pas d’informations au sujet de leur situation, cela augmenterait le
risque d’anxiété, de dépression, de peur, d’un sentiment d’insatisfaction et cela
rendrait plus difficile l’adaptation psychosociale pour les enfants qui guérissent
(Canouï, 2004 ; Gaab et al., 2013 ; Holland, 2002 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen
& Webster, 2004). Mise à part les conséquences psychologiques causées par la
problématique de la communication du diagnostic et du pronostic aux patients
d’oncologie pédiatrique, le cancer aurait des conséquences émotionnelles
propres à un certain nombre de situations. Cependant, nous ne sommes pas en
mesure de donner la prévalence de ces différents troubles psychologiques, car
ce type d’études se base sur des échantillons restreints et n’est pas menés de
façon prolongée.
A propos de la dépression, le personnel soignant a besoin de distinguer une
dépression d’ordre psychologique causée par une crise existentielle, de la série
de symptômes somatiques causés par le cancer et son traitement. Par exemple,
la fatigue et l’envie de toujours dormir seront plus probablement causées par le
second cas. Il sera donc important de passer par une évaluation psychologique
au cas où il y aurait des doutes sur l’origine de certains comportements (Stuber
& Seacord, 2004).
Par rapport à l’anxiété, il s’agit la plupart du temps du résultat de troubles de
l’adaptation, de la séparation – surtout chez les enfants plus jeunes qui ont un
long séjour à l’hôpital – ou de phobies – qui sont parfois la cause d’une anxiété
préexistante à la maladie. Généralement, cela ne dérive pas en graves désordres
psychiatriques, mais il est de notre devoir de prévenir les facteurs qui
pourraient les favoriser (Beale et al., 2005 ; Stuber & Seacord, 2004).
Parmi d’autres conséquences émotionnelles du cancer, principalement à
l’adolescence, il y a des questions concernant la sexualité des patients. Certains
traitements qui ont pour but d’éradiquer le cancer, ont malheureusement des
effets secondaires sur la fertilité des patients (Skeen & Webster, 2004). En
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effet, le cancer a une influence sur une large variété de domaines comme la
santé et la vie de famille, mais aussi la vie sociale en dehors de la maison et la
scolarité (Stuber & Seacord, 2004). Selon le temps d’hospitalisation et le type
de cancer, cela peut signifier devoir répéter une ou plus années scolaires, ou
avoir des difficultés cognitives. À ce sujet, il serait important d’évaluer à
plusieurs reprises les enfants qui retournent à l’école, car parfois ces difficultés
peuvent apparaître plusieurs années après la guérison. De même, comme nous
venons de l’illustrer ci-dessus, selon le type de traitement, certaines activités
seront limitées et la santé générale fragilisée.
Il est possible que le patient souffre d’un trouble de stress post-traumatique. En
effet, si l’enfant était très anxieux pendant la maladie, cela augmenterait les
probabilités de développer ce type de trouble, en ayant des symptômes qui
auraient tendance à régresser avec le temps, et cela serait généralement plus
présent chez les filles.
Bien que les enfants utilisent parfois le déni comme une forme de défense en
minimisant leurs états d’âme pour ne pas faire de peine à leur famille, le cancer
aura de toute façon des conséquences psychologiques sur toutes les personnes
qui entourent le patient (Gulati et al., 2012 ; Meitar, 2004 ; Stuber & Seacord,
2004).
Les parents décrivent habituellement le diagnostic de cancer comme ayant un
fort impact émotionnel (Gulati et al., 2012). Ils auraient tendance à développer
un trouble de stress post-traumatique, avec une prévalence plus élevée que
celle de leurs enfants malades et comparable à celle des adultes qui survivent à
un cancer. En effet, ils se trouvent dans une situation où l’enfant a un certain
risque de ne pas vaincre la maladie et aucun parent ne voudrait survivre à son
propre enfant. De plus, la probabilité de pronostic négatif leur est constamment
rappelée, car ils rencontrent sans doute à l’hôpital d’autres parents dont les
enfants font une rechute ou se trouvent en phase terminale. Ceci correspondrait
à une sorte de perte de contrôle parental, une impuissance où il ne resterait plus
qu’à être dépendant des soignants (Lyons & Chamberlain, 2008 ; Meitar,
2004 ; Morgan, 2009 ; Stuber & Seacord, 2004).
Cette dépendance, causée en partie par la multitude d’informations que les
parents reçoivent, pourrait être aussi la cause de toute la réorganisation de la
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vie de famille. Les parents remettraient en question leur propre couple et leur
relation avec l’enfant malade. De plus, outre un enfant malade, les parents
doivent éventuellement faire face à la souffrance psychologique de leurs autres
enfants (Lascar et al., 2013 ; Lobato & Kao, 2002 ; Meitar, 2004 ; Oppenheim,
2004).
Le risque pour un frère ou une sœur d’un patient d’oncologie pédiatrique est de
se sentir, parfois non sans raison, ignoré (Lascar et al., 2013 ; Meitar, 2004). La
fratrie de l’enfant malade a le droit de savoir, afin de pouvoir comprendre ce
qu’il se passe, parce qu’elle aussi vit cette situation. Il serait souhaitable que les
parents évitent de faire semblant de rien avec eux (Canouï, 2004). Certains
enfants pourraient avoir peur en voyant leurs parents tristes et se sentir confus
par l’impossibilité de les réconforter. Il serait donc important que les parents
expliquent la situation à tous les membres de la famille, car le risque est que,
sans explications, les autres enfants essaient de donner du sens à la situation
par eux-mêmes en imaginant des choses, ou qu’ils craignent pour leur propre
mort (Lascar et al., 2013).
Toutefois, même avec une bonne information, les frères et sœurs des patients
en oncologie risquent d’éprouver des conflits intérieurs. À savoir, d’un côté un
sentiment de jalousie envers l’enfant malade, qui recevrait les attentions des
adultes, et de l’autre côté un sentiment de culpabilité pour cette jalousie, ou
pour l’anxiété et certains symptômes somatiques qu’ils ressentent alors qu’ils
ne sont pas malades (Meitar, 2004). Lobato et Kao (2002) ont montré qu’il
était possible d’aider ces frères et sœurs d’enfants malades grâce à des groupes
d’intervention visant à accroître leur connaissance de la situation, ainsi que leur
capacité d’adaptation.
Tout comme le patient et sa famille, les soignants seraient aussi affectés
psychologiquement par le cancer (Dikici, Yaris et Artiran Igde, 2013). Le
département d’oncologie pédiatrique est particulièrement sensible et éprouvant
à vivre. En effet, certains facteurs de stress seraient spécifiques à ce domaine,
tels que la morale, des conflits internes, la perte et le deuil (Zander, Hutton et
King, 2010). Les soignants qui quotidiennement font face au cancer sont sujets
à des troubles psychologiques (Morgan, 2009 ; Vanderwerker, Laff, Kandan-
Lottick, McColl et Prigerson, 2005 ; Zander et al., 2010). Vanderweker et al.
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(2005) ont testé 200 soignants et ont observé que 13% de cette population
étaient en traitement pour des troubles psychologiques, ou du moins en
présentait les symptômes typiques, tels que trouble panique, dépression
majeure, trouble de stress post-traumatique ou trouble anxieux généralisé. Bien
que cette étude n’ait pas visé l’oncologie pédiatrique comme objet spécifique,
nous retrouvons ces résultats aussi pour les soignants qui s’occupent d’enfants
et d’adolescents (Morgan, 2009 ; Zander et al, 2010). Morgan (2009) nous
montre que les soignants d’oncologie pédiatrique peuvent passer par des états
d’anxiété, de tristesse, d’impuissance et de colère. De plus, il arrive qu’ils
vivent une sorte de triple échec. Lorsqu’un enfant meurt, les soignants
pourraient avoir l’impression de ne pas avoir assez de compétences pour sauver
le patient, de ne pas avoir accompli leur rôle d’adulte qui prend en main la
situation ou encore d’avoir trahit les parents. Parfois ils doivent endurer des
conflits intérieurs, des dilemmes comme celui de persévérer avec des
traitements lourds ou vouloir soulager le patient.
D’un point de vue neurologique, Riess (2010) cite plusieurs études qui
montrent une corrélation entre la réaction physiologique de la peau et
l’intensité des affects, ce qui signifierait une sorte de prédisposition à percevoir
la douleur du patient de la part du médecin et percevoir le niveau d’empathie
du médecin de la part du patient. Cependant, il faut comprendre que même si
nous avons des preuves neurologiques de la perception de la douleur chez
autrui (Danziger, Faillenot et Peyron, 2009 ; Riess, 2010), les soignants ne
pouraient tout de même pas ressentir profondément l’expérience subjective du
patient. Il y a un lien entre le stress des soignants, voire même les situations de
burnout, et l’exposition constante à la douleur des patients. Cette exposition
influence la capacité de régulation des émotions (Riess, 2010). Ceci
expliquerait pourquoi les soignants ont tendance à diminuer leur implication
émotionnelle, un phénomène qui débuterait de façon relativement précoce.
Woloschuk et al. (2004) ont montré que l’empathie des étudiants baisse de
manière systématique entre l’entrée en faculté de médecine, la deuxième année
et la fin de leurs stages. Ces auteurs font l’hypothèse que les étudiants
commencent leurs études avec un haut niveau d’idéalisme et qu’ils se font
rattraper par la réalité. Ils soulignent également une différence de genre, à
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savoir que si d’un côté le niveau d’empathie baisse chez tous les étudiants, de
l’autre côté les étudiantes ont un niveau plus élevé que les étudiants. Toutefois,
elles ont également un niveau de désirabilité sociale plus élevé, ce qui peut
avoir influencé cette différence. Finalement, il faut également souligner qu’il
ne s’agit pas d’un manque absolu d’empathie, mais son abaissement est
statistiquement significatif et mérite donc d’être étudié, afin de trouver un
moyen de le contrer. L’empathie est essentielle pour avoir de bonnes
compétences en communication et une alliance thérapeutique idéale (Balez et
al., 2014 ; Barth & Lannen, 2011).
Cependant, il est possible de travailler cette empathie par le biais de
formations. Balez et al. (2014) se sont posé la question de comment inverser la
tendance à l’abaissement de l’empathie et ils ont donc mesuré l’impact d’une
formation de l’annonce du diagnostic de lymphome avec des patients simulés
sur le niveau d’empathie d’étudiants en cinquième année de la faculté de
médecine de Brest – France –. Les résultats aux échelles d’évaluation de
l’empathie de Jefferson ont montré une augmentation statistiquement
significative après la formation. Ceci est une des preuves qu’il est bien possible
de rétablir un bon niveau d’empathie et par conséquent la communiction, mais
nous allons parler de ces formations plus en détails dans les prochains
chapitres.
Nous allons voir maintenant comment la charge émotionnelle due à
l’incertitude de la survie de l’enfant est un facteur qui a influencé l’histoire de
la communication du diagnostic.
1.3 Historique de la communication du diagnostic de cancer
Dans les deux siècles passés, le diagnostic de cancer portait avec lui une forte
stigmatisation, qui discriminait le patient porteur de la maladie, ainsi que sa
famille (Holland, 2002). En regardant la relation patient-soignant, plus
précisément la communication du diagnostic, de son traitement et du pronostic,
les enfants n’étaient nullement pris en considération (Skeen & Webster, 2004).
Cependant, il ne s’agissait pas là d’un comportement réservé uniquement aux
enfants, les patients adultes n’étaient souvent pas non plus informés de leur
cancer.
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Au XIXème siècle, il y avait la croyance que le médecin pouvait raccourcir la
vie d’un patient, non seulement par ses actes, mais également par ce qu’il disait
(Schwartsmann & Brunetto, 2013). Si nous prenons le tout premier code
d’éthique de l’Association Médicale Américaine en 1847, celui-ci
recommandait aux médecins de ne pas transmettre au patient des informations
qui puissent lui faire perdre espoir (Al-Amri, 2013). Ce qui peut paraître
comme un manque d’éthique aujourd’hui, avait une sorte de justification à
l’époque. Les causes et les conséquences des pathologies cancéreuses n’étaient
pas encore claires, le diagnostic était considéré comme l’annonce d’une mort
certaine, les médecins jugeaient donc cruel et inhumain de rompre tout espoir
chez leurs patients. Toutefois, ce choix était suivi par une prise de conscience
des patients que quelque chose n’allait pas, que cette souffrance n’était pas
réellement prise en considération par la famille et le médecin (Holland, 2002).
De ce fait, il se créait une ambiance passive, dans laquelle quelque chose était
cachée et cela pouvait produire un sentiment d’isolement et une attitude de non
confiance (Skeen & Webster, 2004).
Par la suite, le XXème siècle sera traversé par une évolution dans la
communication du diagnostic de cancer (Demin & Gamley, 2013 ;
Schwartsmann & Brunetto, 2013). Même si nous n’avons pas encore atteint la
perfection, cette évolution penche aujourd’hui en faveur d’une information
ouverte favorisant la participation des patients dans la prise de décisions. En
effet, les soignants sont passés d’une recherche des avantages à court terme de
l’évitement, aux avantages à long terme de l’information ouverte et honnête.
Le changement de cette pratique d’évitement constant serait dû aux
améliorations des thérapies et à l’accroissement des connaissances du public au
sujet de cancer (Holland, 2002 ; Schwartsmann & Brunetto, 2013). Nous
devons prendre en considération le fait que cette communication de diagnostic
peut être influencée aussi par d’autres facteurs, tels que des idéologies –
comme dans l’ancienne société soviétique, où certains sujets devaient rester
secrets – et donc que cette évolution a pu varier selon les époques et les pays.
(Demin & Gamley, 2013).
L’American Cancer Society a été formée en 1913 et c’est à ce moment qu’ont
commencé les premiers programmes de prévention du cancer qui
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encourageaient les gens à faire des contrôles s’ils manifestaient certains
symptômes. Il s’agit aussi de la période où outre la chirurgie, la radiothérapie
devenait également un traitement contre le cancer. La chimiothérapie a rejoint
ces traitements au début des années ’50. C’est à cette même période qu’ont
commencé les premières recherches sur les effets psychologiques du séjour à
l’hôpital des patients atteints de cancer (Holland, 2002). Cependant, selon une
recherche à Philadelphie – Etats Unis – des années ’50, seuls 3% des médecins
affirmaient toujours annoncer les cas de cancers aux patients. Ceci était encore
le résultat de la peur des soignants d’une possible réaction contreproductive
pour le patient ou de la demande de sa famille (Schwartsmann & Brunetto,
2013). Donc, jusque dans les années ’60, la plupart des médecins décidaient
encore de ne pas révéler le diagnostic aux patients (Holland, 2002 ; Rixe et al.,
2002). Il faudra attendre l’avancé de succès ultérieurs dans la cancérologie
pour que la stigmatisation tombe, que les médecins puissent informer
pleinement les patients et que les facteurs psychologiques soient pris en
considération.
Pour passer à d’autres pays, si nous prenons le code éthique entre les années
’70 et fin ‘80 de l’Association Médicale Italienne, celle-ci imposait d’informer
la famille, tout en donnant le droit aux médecins de ne pas informer le patient
lorsqu’il avait une maladie grave ou létale. Nous trouvons encore ce type de
recommandation en 1995 dans le Code d’Éthique Médicale du Liban et de ne
jours, dans certains pays orientaux comme la Chine ou le Japon. Dans les
sociétés sud-américaines, ne pas informer les patients de leur cancer était une
habitude courante il y a encore une vingtaine d’années. Si nous prenons le cas
du Brésil, ceci était dû non seulement à la sensibilité du sujet, mais aussi au
manque de spécialistes dans ce domaine. En effet, l’oncologie est une
spécialisation récente et qui ne serait pas encore disponible dans toutes les
écoles brésiliennes de médecine. Néanmoins, la plupart des pays sud-
américains ont aujourd’hui des codes d’éthique médicale qui engagent à
informer les patients ou leurs représentants légaux au sujet du diagnostic et des
traitements possibles (Al-Amri, 2013 ; Schwartsmann & Brunetto, 2013).
Pour parler plus spécifiquement de la situation des enfants et adolescents, vers
les années 90’, des données statistiques montraient qu’un cinquième des
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patients d’oncologie pédiatrique âgés entre 13-15 ans n’était pas informés de
leur maladie et que la proportion montait à un tiers pour ceux entre 8-12 ans
(Last & van Veldhuizen, 1996, dans Skeen & Webster, 2004). Cela montrait
que plus le patient était jeune et moins il avait de chance d’avoir des
explications au sujet du diagnostic, du traitement et du pronostic. Dans le cas
de phase terminale, la proportion montait, avec uniquement 19% des familles
qui communiquaient la fin de vie à leur enfant (Goldman & Christine, 1993,
dans Skeen & Webster, 2004).
De nos jours, la science avance avec la compréhension des causes, des
différentes étapes de développement du cancer et des traitements les moins
invasifs possibles (Rixe et al., 2002). Ces avancées, les mouvements de défense
des droits du patient et l’établissement de codes éthiques de la pratique médico-
psychologique, auraient pour résultat une communication complète à propos du
diagnostic (Holland, 2002 ; Oppenheim & Dauchy, 2004 ; Rixe et al., 2002),
du moins pour les adultes, car comme nous le verrons dans les prochains
chapitres, cela ne serait pas encore systématiquement le cas pour la population
pédiatrique (Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al.,
2004 ; Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010). Entre les années ’60
et 2008, le taux de guérison du cancer chez les enfants et les adolescents a
évolué de 10% à 80%. Les thérapies ont changé et laissent de moins en moins
de séquelles sur le long terme (Gibson, 2008 ; O’Leary et. al., 2008). Toutefois,
nous n’en sommes pas encore à un taux de 100%, ce qui alimente l’incertitude
des soignants et des parents.
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Chapitre 2 : Le dilemme éthique de la communication et la voix des
patients pédiatriques
Nous pouvons commencer la défense de notre hypothèse, à savoir qu’il serait
éthique et bénéfique d’informer les patients pédiatriques au sujet de leur
maladie et de leur pronostic. Ceci pour protéger la santé psychique de
l’individu et l’équilibre de la santé publique. Pour ce faire, nous allons définir
ce qu’est une bonne communication, les raisons qui peuvent pousser les adultes
à annoncer ou non le diagnostic de cancer et ce que les patients pédiatriques en
pensent (Beale et al., 2005 ; Blackstone, 2010 ; Canouï, 2004 ; Gaab et al.,
2013 ; Gulati et al., 2012 ; Hatano, Yamada et Fukui, 2011 ; Howells & Lopez,
2008 ; Jacobson et al, 2001 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ;
Stock et al., 2012 ; Lascar et al., 2013 ; La Valle et al., 2012 ; Wilson et al.,
2012 ; Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010).
2.1 Définition d’une bonne communication
La communication est une variable complexe que nous allons tenter de définir.
En effet, la communication ne se limite pas à la production d’un langage parlé,
mais il faut prendre en considération beaucoup plus de facteurs. Dans
l’ensemble de ces facteurs, nous devons considérer aussi les gestes ou le
regard, c’est-à-dire le langage corporel. De plus, la communication peut passer
par la forme orale, écrite et par la technologie également. Donc, selon cette
définition, il s’agit d’une variable multimodale (Blackstone, 2010). Par
exemple, Lascar et al. (2013) décrivent l’expression des enfants passant par
plusieurs modalités, comme la parole, en racontant des histoires ou des rêves
qu’ils ont fait, le dessin ou encore le jeu.
Devoir prendre en considération toutes ces modalités peut mettre en difficulté
toute personne et communiquer avec les patients pédiatriques à propos de
maladies graves peut s’avérer une tâche encore plus complexe si les adultes ne
savent pas par où commencer. Toutefois, les adultes devraient s’adapter à cette
situation stressante pour eux, en utilisant une communication ouverte et
honnête (Al-Amri, 2013 ; Lascar et al., 2013). « Une communication ouverte se
définit en tant que libre expression verbale et/ou non verbale de pensées
positives et négatives et sentiments qui peuvent inclure les peurs, questions, et
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préoccupations de l’enfant liées à la maladie, le traitement et pronostic, ainsi
qu’à la mort et son processus » (p. 158, traduit de Lascar et al., 2013). Il est
possible d’avoir une communication de ce type de qualité, mais uniquement
par la construction d’une relation interpersonnelle de respect mutuel, de
confiance et d’empathie, ainsi que par un échange d’informations et la
participation active de tous les acteurs dans la discussion (Al-Amri, 2013 ;
Beale et al., 2005 ; Blackstone, 2010 ; Howells & Lopez, 2008 ; Zwaanswijk et
al., 2007). Les avantages de l’utilisation de cette communication honnête et
ouverte peuvent être le fait d’augmenter la compréhension de la situation que le
patient est en train de vivre, l’effet bénéfique que cela peut apporter à son
comportement et donc à son adhésion au traitement, ou encore la possibilité
que cela donne d’obtenir des informations sincères et complètes (Al Odhayani
& Ratnapalan, 2011 ; Ammentorp et al, 2007 ; Balez et al., 2014. ; Barruel et
al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ; Oppenheim, 2004).
Cependant, la langue reste probablement l’un des outils les plus indispensables
à la communication et son niveau peut permettre ou entraver l’accès aux
informations en matière de santé et aux services de soins (Gibson, 2008 ;
Gulati et al., 2012). Donc, avant de décrire le débat sur la communication du
diagnostic et du pronostic aux patients pédiatriques, nous allons prendre en
considération une sorte de sous-problématique, à savoir les effets négatifs du
manque de communication causés par un langage qui amène des difficultés de
compréhension.
2.1.1 Problèmes de communication dus au langage
Nous venons de voir que la communication est un outil complexe, qui parfois
peut être difficile à employer et à interpréter. Le langage serait une variable qui
influence cette interprétation (Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ;
Lascar, et al., 2013 ; Oppenheim, 2004 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wilson et
al., 2012). De ce fait, nous pouvons penser que les enfants ne seraient pas les
seuls acteurs vulnérables dans le domaine du débat de la communication du
diagnostic et du pronostic.
En effet, les personnes qui ne parlent pas correctement la langue de la
consultation peuvent également être des acteurs vulnérables. Par exemple,
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Gulati et al. (2012) ont essayé de comprendre le rôle de la communication et du
langage dans l’expérience vécue par des migrants asiatiques au Canada dont les
enfants étaient patients d’oncologie pédiatrique. Ces parents faisaient
remarquer que l’utilisation d’interprètes n’était pas régulière et, dans certains
cas, le service ne fournissait pas de traduction dans la bonne langue.
Avec la globalisation des sociétés occidentales (Gulati et al., 2012 ; Gibson,
2008 ; Wilson et al., 2012), les hôpitaux recourent de plus en plus à des
services d’interprètes, mais il faudrait s’assurer que ce service soit adéquat
(Blackstone, 2010). Lorsqu’ils ne passent pas par un service formel, ils
recourent à des interprètes informels, à savoir des soignants, des membres de la
famille, des amis ou encore directement le patient. Toutefois, parfois les
parents concernés par la traduction auraient encore quelques perplexités. Dans
l’étude de Gulati et al. (2012), les parents n’étaient pas sûrs de la quantité des
informations traduites. Cependant, ils appréciaient la présence d’un interprète
même lorsqu’ils étaient capables de parler correctement la langue de la
consultation, surtout pendant la première période du diagnostic et en cas
d’informations vitales. Se trouvant dans une situation émotionnellement
chargée, quand cela est possible, le fait d’offrir l’opportunité aux patients et à
leurs familles de s’exprimer dans leur langue native permettrait de rendre cette
situation plus confortable. Avec un environnement plus familier, il leur serait
plus facile d’accepter une communication ouverte et honnête, aussi par le fait
qu’il y aurait moins d’entraves à poser des questions et de répondre aux
questions des soignants.
Toutefois, le langage ne semble pas être uniquement un problème pour les
personnes qui ne parlent pas la langue de la consultation, mais il peut devenir
une entrave selon l’état d’âme de la personne et le niveau de compréhension
des informations sensibles (Canouï, 2004 ; Gibson, 2008 ; Gulati et al., 2012 ;
Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004). L’hypothèse selon laquelle la
plupart des parents ne serait pas experte en matière d’oncologie pédiatrique,
nous paraît raisonnable. Il faudrait donc prendre en considération cette lacune
de connaissances et de termes spécifiques au monde de la médecine, afin
d’élaborer une communication plus efficace. En effet, lorsque les parents se
trouvent face aux explications de manœuvres médicales très complexes, ils
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préfèrent généralement que les soignants utilisent un langage simple pour les
décrire et ils pensent qu’il serait utile de les accompagner d’outils visuels
(Gibson, 2008 ; Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ; Skeen &
Webster, 2004).
Finalement, l’incapacité de communiquer de façon complète avec les soignants
peut être une entrave au fait de prendre part aux discussions concernant la
maladie et le traitement.
2.2 Débat sur la communication : faut-il ou non annoncer le diagnostic de
cancer et le pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique ?
Dans les deux prochains sous-chapitres, nous allons présenter les arguments
qui peuvent pousser les adultes à ne pas annoncer le diagnostic de cancer, que
nous pouvons résumer par la volonté de protéger l’enfant, ou de l’annoncer,
principalement pour le préparer (Beale et al., 2005 ; Canouï, 2004 ; Gaab et al.,
2013 ; Gulati et al., 2012 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen &
Webster, 2004 ; Stock et al., 2012 ; Wilson et al., 2012 ; Zwaanswijk et al.,
2007 ; Zwaanswijk et al., 2010).
2.2.1 Ne rien dire à l’enfant afin de le protéger
Bien qu’il y ait un bon nombre d’arguments cités dans l’introduction de ce
mémoire qui prouvent l’utilité de communiquer aux patients pédiatriques leur
maladie et pronostic, nous concevons que certaines personnes puissent ne pas
être d’accord et ceci pour plusieurs raisons. Étant donné la sensibilité du sujet,
certains soignants et parents tendent à ne pas vouloir communiquer le
diagnostic et le pronostic d’une maladie aux enfants (Beale et al., 2005 ; Gaab
et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004). La raison
principale serait l’intention de protéger l’enfant (Canouï, 2004 ; Gaab et al.,
2013 ; Gulati et al., 2012 ; Hatano et al., 2011 ; Skeen & Webster, 2004 ;
Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010).
Gaab et al. (2013) ont effectué des entretiens qualitatifs semi-structurés avec 19
parents de patients en soins palliatifs pédiatriques – encore vivants ou morts
depuis six mois –, afin de savoir quelles pouvaient être les raisons de parler ou
de ne pas parler de la mort avec leurs enfants malades. Les patients en question
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n’étaient pas tous atteints de cancer, mais nous pensons que c’est la situation
d’un enfant gravement malade qui a un impact sur la communication et que ces
raisons seraient transposables également au fait de ne pas annoncer le
diagnostic de cancer.
Plusieurs participants ont cité le souhait de vouloir préserver les liens familiaux
comme facteur les empêchant de discuter de ces sujets avec l’enfant. Parfois
parce que l’enfant ne voulait pas en parler avec sa famille, ou les parents
pensaient que l’enfant avait déjà compris les informations nécessaires, ou
encore parce que c’était un membre de la famille externe au noyau parents-
enfants qui conseillait de ne pas en parler avec l’enfant afin de protéger les
relations de ce noyau. Nous voulons faire une réflexion au sujet de l’enfant qui
est décrit comme réfractaire à la discussion. Gaab et al. (2013) ont eux-mêmes
affirmé que le fait de ne pas avoir vérifié en parallèle le point de vue des
enfants était un point faible de leur étude. Bien que cette hypothèse soit
vraisemblable, il paraît important de s’assurer qu’il s’agit véritablement de
l’attitude de l’enfant et non d’une perception des parents qui reflèterait leur
propre évitement. Nous en parlerons de manière plus détaillée plus loin dans ce
même chapitre.
Une autre raison liée à l’intention de protéger l’enfant, serait celle de ne pas
provoquer de changement brusque d’émotion. En effet, les parents ont affirmé
vouloir faire en sorte que la famille ne ressente pas d’émotions négatives et
qu’elle ne perde pas espoir (Gaab et al., 2013 ; Lascar et al., 2013). De plus, ils
veulent éviter d’avoir des regrets, de subir des reproches ou que l’enfant se
sente coupable (Gaab et al., 2013 ; Zwaanswijk et al., 2010). Les participants
de l’étude de Gulati et al. (2012) affirmaient également que lorsque l’enfant
parlait la langue de consultation et qu’il avait 10 ans ou plus, il pouvait être
considéré comme un bon interprète, mais que s’il était au courant de toute la
situation, ils avaient le sentiment de ne pas pouvoir le protéger des
informations angoissantes.
Une troisième raison qui entraverait la communication au sujet du diagnostic et
du pronostic a été résumée par les auteurs dans la catégorie de l’évitement de
changement négatif des perceptions. C’est-à-dire que les parents voudraient
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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protéger leur enfant de l’inconnu ou de la stigmatisation à propos de la mort.
De plus, il y aurait aussi une tentative de préserver l’innocence de l’enfant.
Figure 1. Représentation schématique des raisons qui font que les parents ne
communiquent pas le pronostic de fin de vie aux enfants. Tiré et traduit de
Gaab et al. (2013).
D’autres auteurs affirment que parmi les raisons qui peuvent pousser les
adultes – les soignants et les parents – à ne pas vouloir communiquer aux
enfants les informations au sujet d’une maladie grave, il y a le sentiment
d’impuissance, le deuil, ou encore la croyance selon laquelle l’enfant est trop
petit et ne peut pas comprendre (Skeen & Webster, 2004).
Bien que l’intention de protéger l’enfant d’une situation douloureuse soit
compréhensible, les adultes négligent un axiome de la communication, à savoir
que l’être humain ne peut pas ne pas communiquer (Canouï, 2004). Comme
nous l’avons expliqué auparavant, même lorsque nous n’exprimons pas de
paroles, notre attitude et notre comportement sont interprétés par l’autre, donc
ils communiquent un message. Il est difficile que l’information ne sorte pas du
cercle proche de l’enfant. Plus précisément, nous voulons dire que l’enfant
arrivera très probablement à comprendre la situation en discutant avec d’autres
enfants hospitalisés (Skeen & Webster, 2004).
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
29
2.2.2 Informer l’enfant afin de le préparer
Le choix de ne pas révéler à l’enfant quels sont le diagnostic et le pronostic ne
nous paraît pas judicieux, nous avons trouvé des auteurs en accord avec notre
hypothèse. La raison principale des parents pour en parler serait l’intention de
préparer l’enfant et de lui donner un rôle actif dans le traitement (Beale et al.,
2005 ; Canouï, 2004 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et al.,
2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012 ; Wilson et al., 2012 ;
Zwaanswijk et al., 2010).
Toujours selon l’étude de Gaab et al (2013), certains parents disent vouloir
parler de la mort avec l’enfant pour des raisons de reconnaissance. En effet,
certains parents seraient tout de même conscients du fait que l’enfant malade,
ainsi que la fratrie, sont déjà au courant que quelque chose ne va pas. Leur
enfant pouvait avoir compris la situation directement par ses symptômes
physiques ou en observant le comportement de son entourage. Le choix final
était donc de ne pas lui mentir en cachant le pronostic. Pour certaines familles,
il s’agissait de leur fonctionnement habituel, à savoir d’avoir toujours une
attitude d’ouverture complète et honnête à la discussion avec les enfants. Dans
d’autres cas, la discussion à propos de la mort des enfants n’était pas une
véritable initiative des parents, mais ils avaient décidé de répondre au
questionnement de l’enfant.
Une autre raison d’affronter le sujet de la mort avec l’enfant malade est celle de
lui donner du pouvoir. Ainsi, les parents souhaitent informer l’enfant afin de lui
permettre d’affronter le problème et de l’aider à se sentir en paix avant de
mourir. L’enfant pourrait donc être actif dans la prise de décisions, ce qui
améliorerait sa qualité de vie.
Certains parents décident de communiquer à l’enfant malade son pronostic à
des fins d’enseignement. La tentative serait celle d’apprendre à l’enfant
comment mieux faire face aux situations difficiles. Ils pensent que l’enfant peut
ainsi comprendre pourquoi le pronostic est négatif et qu’il va recevoir des
réponses aux questions qui sont importantes pour lui.
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Figure 2. Représentation schématique des raisons qui font que les parents
communiquent le pronostic de fin de vie aux enfants. Tiré et traduit de Gaab et
al. (2013).
Si nous préparons l’enfant à ce qui se passe, en l’informant du diagnostic et de
sa prise en charge, ceci aurait pour résultat de prévenir ou diminuer son stress
(Beale et al., 2005 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen et
Webster, 2004 ; Stock et al., 2012). En effet, il s’agit d’une façon de
développer des stratégies de coping, qui seraient moins développées chez
l’enfant. Lorsqu’il se trouve dans le milieu hospitalier, il peut y avoir beaucoup
de stimuli nouveaux. Nous devons reconnaitre que l’enfant pourrait avoir peur
des soignants, qui représentent des adultes qu’il ne connait pas, et des
nombreux outils utilisés dans la prise en charge du patient. Ne pas informer les
enfants de tous ces changements rendrait les adultes négligeants et signifierait
ne pas aider l’enfant à faire face au stress. (Stock et al., 2012).
Finalement, communiquer le diagnostic aux patients d’oncologie pédiatrique
ne se limiterait pas à donner une série d’informations, mais il s’agirait d’un
processus qui leur permettrait de donner un sens à ce qui se passe, ce qui peut
se révéler bénéfique aussi au niveau pratique dans la suite du traitement
(Canouï, 2004). Cependant, bien que nous offrions l’opportunité de discuter
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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ouvertement de la maladie et tout ce qu’y est relié, certains enfants et
adolescents pourraient ne pas vouloir en parler. Il est donc de notre devoir de
respecter cette volonté, tout en restant vigilant s’ils changent d’idée (Skeen &
Webster, 2004). Pour cette raison, nous allons vérifier ce que les enfants et
adolescents pensent à propos de la communication de sujets liés à la santé.
2.2.3 L’opinion des patients pédiatriques
Plusieurs études sur le désir des enfants de discuter de la maladie et de son
traitement sont citées dans la littérature et paraissent être en accord avec les
lignes directrices de certains services d’oncologie pédiatrique, qui suggèrent de
rendre ces patients participatifs en leur communicant les informations au sujet
de leur situation (Beale et al., 2005 ; Canouï, 2004 ; Hatano et al., 2011 ;
Jacobson et al, 2001 ; La Valle et al., 2012 ; Wilson et al., 2012 ; Zwaanswijk
et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010).
Pour vérifier si les patients pédiatriques atteints de cancer veulent réellement
en discuter avec les adultes, l’étude de Wilson et al. (2012) peut déjà nous aider
à comprendre quelles sont les tendances générales des enfants lorsqu’il s’agit
de communiquer des émotions. Les auteurs ont organisé des entretiens
structurés avec des enfants par rapport à leur décision d’exprimer des émotions
telles que la colère et la tristesse, ainsi que la communication d’éventuelles
douleurs physiques. Plus précisément, ils ont cherché à comprendre si ces
émotions étaient contrôlées ou communiquées et quelles sont les raisons qui
justifient ce choix. De ce fait, ils ont utilisé des vignettes avec des situations
qui invoquaient une de ces émotions et la présence d’une personne, à savoir
une mère, un père ou un autre enfant. Il y avait une variable bien spécifique à
leur étude, car les participants entre 6 et 9 ans provenaient de trois milieux
culturels différents. Un groupe représentait la banlieue de classe moyenne des
États-Unis, un autre la banlieue de classe moyenne indienne et le dernier la
vielle-ville indienne. Ce type d’étude peut nous donner des indications non
seulement sur la tendance des enfants à exprimer leurs émotions, mais aussi
des possibles différences culturelles qui influencent cette tendance et qui
peuvent donc nous indiquer comment organiser des interventions toujours plus
individualisées. En effet, nous avons effleuré cette variable lorsque nous avons
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illustré les problèmes dus au langage et nous allons nous y intéresser encore
dans les prochains chapitres.
Wilson et al. (2012) ont trouvé des différences culturelles entre ces trois
groupes. Par rapport à l’expression de la colère, de la tristesse ou de la douleur,
les enfants américains auraient plus tendance à les communiquer par rapport
aux deux groupes d’enfants indiens. Pour eux, il s’agirait d’un désir de vouloir
en parler, alors que les enfants indiens seraient plutôt enclins à contrôler leurs
émotions afin de respecter certaines normes sociales. De plus, la différence
était plus significative entre les enfants américains et les enfants indiens de la
vielle-ville. Ceci reflèterait une tendance générale selon laquelle les cultures
occidentales ont une approche intra-personnelle qui inciterait les personnes à
manifester leurs émotions et selon laquelle les cultures orientales ont une
approche interpersonnelle qui inciterait les personnes à s’intégrer au groupe par
le biais d’une pression sociale (Hatano et al., 2011 ; Wilson et al., 2012).
Cependant, si nous prenons en considération la communication de la douleur, il
n’y avait pas de différence entre les trois groupes. Tous ces enfants
demanderaient de l’aide pour obtenir des soins.
Après avoir vu cette tendance à exprimer les émotions et la douleur, nous
allons voir ce que les patients pédiatriques pensent de la communication ciblant
plus spécifiquement la santé. L’étude de La Valle et al. (2012) cherchait à en
savoir plus sur le point de vue des enfants et adolescents anglais au sujet des
soins médicaux qui les visent. En effet, les patients en dessous de 16 ans ne
sont pas questionnés par les statistiques officielles du NHS – n.b. National
Health System –. Habituellement, les enfants et adolescents décrivent leur vécu
en matière de soins comme étant positive, mais il y a tout de même certains
sujets négatifs qui surviennent régulièrement. Parfois ils ressentent un manque
de respect de la part des adultes faisant partie de l’entourage médical. De plus,
les soignants auraient tendance à utiliser une communication qui n’est pas
adéquate pour leur compréhension. Ils n’ont pas souvent de pouvoir de
décision, mais quand cela arrive, ils décrivent positivement leur participation
active (Jacobson et al, 2001 ; La Valle et al., 2012). Enfin, ils se sentent en
difficulté au sujet de leur passage des soins pédiatriques vers les soins pour
adultes. Donc, il va de soi qu’ils souhaiteraient être traités avec plus de respect
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
33
dans une relation de confiance mutuelle, avoir un environnement personnalisé
pour les jeunes et pouvoir faire des choix à propos de leurs soins. Plus
concrètement, les enfants et adolescents désirent être écoutés et souhaitent que
les soignants agissent selon leurs recommandations, savoir si celles-ci sont
efficaces et lorsqu’il ne serait pas possible de suivre leur choix, ils voudraient
que les soignants leur expliquent pourquoi.
Les jeunes anglais n’ont pas l’impression d’avoir un accès facilité par les
adultes aux informations en matière de santé. Par exemple, les campagnes
publiques de sensibilisation sont décrites comme ne ciblant pas véritablement
les sujets sensibles pour lesquels ils auraient des questions et qui ne visent
explicitement que le public adulte. Ce qui aurait pour résultat de leur rendre la
tâche difficile lorsqu’il s’agit de bonnes décisions en matière de santé (La Valle
et al., 2012). Cela souligne l’importance d’adapter le contenu et le format des
informations selon l’âge des personnes concernées (Eiser, 1985 ; Lascar et al.,
2013 ; La Valle et al., 2012 ; Skeen & Webster, 2004).
Passant de la santé en général, à celle des patients d’oncologie pédiatrique, la
tendance semble rester la même. En 2007, Zwaanswijk et al. ont organisé des
focus groups online pour illustrer les préférences en matière de communication
chez des patients d’oncologie pédiatrique, leurs parents et des anciens patients.
Le but était de vérifier si le concept de partage de l’information permettant une
participation active des enfants dans le traitement du cancer, suggéré par les
guides pour soignants, correspondait aux attentes de ces différents groupes.
Sans aller dans le détail de tous les arguments cités dans ces focus groups, nous
pouvons voir que ce concept est généralement partagé aussi par les différents
groupes. À savoir, que les personnes souhaitent une communication
mutuellement ouverte et honnête, même quand cela signifie admettre de ne pas
pouvoir donner certaines réponses (Al-Amri, 2013 ; Zwaanswijk et al., 2007).
Nous voudrions souligner une particularité que nous n’avons pas trouvée dans
d’autres références. Les patients actuels et les anciens patients ont exprimé le
désir d’avoir également un échange d’informations ne concernant pas leur
condition médicale. Si ce mémoire se focalise sur le droit du patient
pédiatrique à être informé de ce qui lui arrive, nous ne devons pas oublier qu’il
est préférable de toujours laisser une marge d’adaptation au cas par cas.
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L’expertise éthique est là pour nous rappeler que si nous considérons la
communication ouverte comme une intervention légitime et justifiable d’intérêt
publique, il faut parfois garder une place pour l’intérêt d’un seul individu
vulnérable (Massé, 2012). En effet, ces participants des focus groups
voudraient que leur identité ne soit pas définie juste par le fait d’être patients.
Le patient a donc droit à être renseigné sur sa maladie, mais également à avoir
des interactions humaines au sujet d’autres aspects de sa vie (Zwaanswijk et
al., 2007).
En 2010, Zwaanswijk et al. ont à nouveau tenté d’illustrer quelles étaient les
préférences par rapport au niveau d’intégration des enfants dans l’échange
d’informations ou de la prise de décision au sujet de leurs soins. Les réponses
ont montré que l’empathie des soignants est très importante aux yeux des trois
groupes de participants, que les informations devraient être données à tous les
membres de la famille en même temps et qu’il serait préférable de laisser les
enfants prendre part aux décisions médicales.
Les études sur la tendance naturelle qu’auraient les patients pédiatriques à
vouloir être informés de leur maladie et de leur pronostic, nous aident à
renforcer notre hypothèse. De plus, il existe aussi des droits qui protègent leur
opinion. Selon la Charte de l’enfant hospitalisé érigée par l’UNESCO, « les
enfants et leurs parents ont le droit de recevoir une information sur la maladie
et les soins adaptée à leur âge et leur compréhension, afin de participer aux
décisions les concernant. » (p. 32 Charte de l’enfant hospitalisé Unesco, OMS
1989, dans Canouï, 2004). Bien que cette charte soit universelle, les hôpitaux
se basent principalement sur les textes légaux de leur pays et ces textes ne
donnent pas toujours le droit de choisir aux mineurs (Barruel et al., 2012 ;
Canouï, 2004).
Par exemple, si nous lisons les bases juridiques pour le quotidien du médecin
éditées par l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) et la Fédéretion
des Médecins Suisses (FMH), celles-ci considèrent que les enfants ne sont pas
capables de discernement, les informations concernant la maladie doivent donc
être données aux parents. La limite de capacité de discernement est considérée
comme totalement acquise à partir de 16 ans, mais il existe des exceptions
lorsque les patients ont entre 12 et 16 ans. Dans cette tranche d’âge, il
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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appartient au médecin d’analyser la capacité de discernement au cas par cas.
De manière générale, ces bases juridiques suisses soulignent cependant que les
parents ont plus de pouvoir de décision que leur enfant. Toutefois, même quand
les textes légaux s’opposent à la charte de l’enfant hospitalisé éditée par
l’Unesco, nous pensons que le droit à l’information devrait rester un devoir
éthique et humain (Canouï, 2004).
Ceci dit, nous allons maintenant citer une série d’études sur la manière de
former les soignants au sujet de la communication et proposer par la suite une
démarche qui prenne en considération tous les acteurs cités jusque-là, de même
que leurs inquiétudes et leurs droits.
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Chapitre 3 : Formations sur la communication avec les patients
Nous venons de voir le débat entre les personnes en faveur de l’information des
enfants au sujet de leur maladie et celles qui s’y opposent, et nous avons pris
position en faveur de la communication ouverte avec les patients pédiatriques.
Avant de proposer notre démarche de communication du diagnostic et du
pronostic de fin de vie, nous allons présenter des modèles structurés déjà
existant (Baile et al., 2000 ; Silverman et al., 2010) et une série de formations
qui les utilisent comme outils de base (Ammentorp et al., 2007 ; Back et al.,
2007 ; Bonnaud-Antignac, Campion, Pottier et Supiot, 2010 ; Gulbrandsen,
Jensen, Finset et Blanch-Hartigan , 2013 ; Simmenroth-Nayda, Heinemann,
Nolte, Fischer et Himmel, 2014).
3.1 Considérations générales
Comme nous l’avons cité dans la problématique, il arrive parfois que les
soignants aient de la difficulté à communiquer ouvertement avec les patients
(Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004 ;
Zwaanswijk et al., 2010). Dans un domaine aussi chargé émotionnellement, il
serait bénéfique de fournir au personnel un entrainement pratique sur la façon
d’annoncer les mauvaises nouvelles et non uniquement un simple guide à
consulter (Dikici et al., 2013 ; Fallowfield & Jenkins, 2004). Bien que le but
principal des soignants soit de procéder à un recueil d’informations pour
pouvoir trouver une solution au problème du patient, des études sur les
techniques de communications des pédiatres ont montré qu’il peut y avoir
beaucoup de différence entre soignants. Nunes et Ayala (2010) ont analysé les
consultations médicales de cinq pédiatres, trouvant ce même constat. Leur
échantillon était petit, mais cela pourrait indiquer un besoin de lignes
directrices et d’entrainements plus spécifiques que ceux déjà utilisés. Cela
montre à nouveau que le simple bon sens ne semble pas être ne variable fiable
quand il s’agit d’annoncer un diagnostic ou un pronostic (Canouï, 2004).
Par conséquent, il serait utile d’organiser des sessions d’entrainement pratique
pour les soignants, afin de trouver une manière de gérer une communication
honnête et ouverte, qui prendrait en considération l’empathie et la capacité
d’encourager les personnes à garder espoir. Cela aiderait les soignants à gérer
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les réactions des parents des enfants malades (Baile et al., 2000 ; Fallowfield &
Jenkins, 2004 ; Lang et al., 2002 ; Lascar et al., 2013 ; Riess, 2010 ; Silverman
et al., 2010). A ce propos, les soignants auraient parfois tendance à laisser
implicitement aux parents la tâche de communiquer à un enfant les
informations au sujet de sa maladie (Hatano et al., 2011 ; Veldtman et al.,
2000). Il ne faut évidemment pas juger ce comportement, mais la mise en place
de ces sessions pratiques permettrait de rappeler aux soignants que les parents
ne sont pas toujours aptes à effectuer correctement cette tâche, car ils peuvent
ne pas comprendre eux-mêmes les concepts présentés par les soignants ou
simplement ne pas retenir toute la quantité d’informations (Veldtman et al.,
2000).
Enfin, grâce à ces sessions d’entrainement, les soignants pourraient améliorer
leur capacité d’écoute et les bonnes stratégies de communication en général
(Skeen & Webster, 2004). Toutefois, pour qu’ils assurent une communication
adaptée à l’âge des enfants (Blackstone, 2010), ils devraient être formés pour
répondre de manière correcte aux questions des enfants. Ce qui consisterait
aussi à ne pas inventer des informations uniquement pour donner une réponse,
mais plutôt à être honnêtes en disant qu’ils ne connaissent pas la réponse et
qu’ils vont chercher des renseignements à ce sujet (Lascar et al., 2013 ; Skeen
& Webster, 2004). Ceci dit, nous devons signaler que ce type de formation
existe, du moins en ce qui concerne la communication entre soignant et patient
adulte. Les deux modèles plus connus sont le protocole SPIKES (Baiele et al.,
2000) et le guide de Calgary Cambridge (Silverman et al., 2010).
3.2 Le protocole SPIKES et le guide Calgary Cambridge
Baile et al. (2000) ont développé un protocole d’annonce de mauvaises
nouvelles en six étapes nomé SPIKES. Dans leur étude, ils appliquent ce
protocole au cas des patients souffrant de cancer. Il permettrait aux oncologues
de toucher quatre objectifs principaux, à savoir obtenir et donner des
informations, offrir un support émotionnel et élaborer la suite de la prise en
charge avec la collaboration du patient. Plus spécifiquement, les six étapes
consistent à établir un setting adapté, évaluer la perception du patient, évaluer
ce que le patient veut savoir à propos de la mauvaise nouvelle, donner des
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38
informations, s’adresser au patient de façon empathique et établir la prise en
charge de la maladie, tout en résumant régulièrement les informations. Ce type
de protocole, qui décrit des stratégies de communication par étapes, permettrait
aux soignants d’avoir plus de confiance en leur capacité à donner des
mauvaises nouvelles. En effet, 99% des soignants qui ont participé à une étude
sur l’utilisation du SPIKES pensent qu’il s’agit d’un protocole simple et
pratique, même si la cinquième étape sur l’empathie du soignant semble être la
plus difficile à appliquer de façon optimale (Baile et al., 2000). Comme nous
l’avons déjà observé, l’empathie est un point délicat dans la pratique des
soignants, mais elle peut être encouragée et entrainée (Balez et al., 2014 ;
Riess, 2010 ; Woloschuk et al., 2004).
L’Université de Nantes – France –, organise un entrainement en trois sessions
pour ses étudiants de médecine de cinquième année lors du stage en oncologie
(Bonnaud-Antignac et al., 2010). Premièrement, un cours pendant lequel la
classe discute de différentes techniques de communications et des six points du
SPIKES plus en détail. Si cette première session est obligatoire, les deux autres
sont facultatives. De façon volontaire, les étudiants peuvent participer ensuite à
un entretien simulé avec un patient acteur qui est enregistré, pour voir la
manière dont ils appliquent les conseils du cours. Pour finir, un feedback par
une psychologue et un médecin sur la performance de l’étudiant lors de
l’entretien simulé. Avant et après chaque session les étudiants font une auto-
évaluation et une deuxième évaluation est remplie par des experts, à savoir la
psychologue et le médecin. Finalement, les étudiants sont évalués une dernière
fois lors de l’examen de fin d’année. Les résultats de l’année académique
2004-2005 ont montré d’un côté que les étudiants avaient le sentiment d’avoir
amélioré leurs compétences en communication après les trois sessions et de
l’autre côté que les étudiants avec un plus grand sentiment d’amélioration
avaient expliqué plus correctement le SPIKES lors de l’examen de fin d’année.
Cependant, les auteurs ne peuvent en dire plus à propos de l’efficacité à long
terme de leur formation sur la pratique actuelle de ces anciens étudiants.
Sur cette même voie, Back et al. (2007) ont également testé l’efficacité des
formations en matière de communication de mauvaises nouvelles. La formation
de leur étude consistait en un workshop de quatre jours, appelé Oncotalk, qui
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se basait sur les six points du protocole SPIKES. Outre la communication
standardisée de mauvaises nouvelles de Baile et al. (2000), le workshop se
concentrait également sur une discussion en six étapes de la transition en soins
palliatifs élaborée par Back et al. (2007). A savoir, l’évaluation de la
compréhension du patient de son état, la définition de buts communs, le
questionnement à propos de ses craintes, comment faire face à ses émotions, la
proposition du plan de soins et la révision de sa compréhension des cinq
premières étapes. Les participants étaient évalués avant et après la formation
par des entretiens enregistrés avec différents patients simulés par des acteurs.
Cette évaluation ciblait les différentes étapes enseignées, ainsi que l’expression
verbale empathique des oncologues. Les auteurs ont prouvé l’efficacité des
modèles de communication standardisée, les participants avaient amélioré de
manière statistiquement positive leurs compétences en matière de
communication après la formation. De plus, dans 91% des cas, les évaluateurs
pouvaient reconnaître s’il s’agissait de l’entretien pré ou post workshop, alors
que les entretiens leur étaient présentés de manière aléatoire. Cependant,
comme dans l’étude de Bonnaud-Antignac et al. (2010), ses améliorations
concernaient des évaluations à court terme.
Outre le protocole SPIKES, nous pouvons citer un deuxième modèle bien
connu. Dans les pays anglophones, selon Silverman et al. (2010), le
programme le plus utilisé lors de l’enseignement de la communication avec les
patients serait celui du guide de Calgary-Cambridge. Ce guide est divisé en
plusieurs sections, à savoir comment commencer l’entretien, recueillir
l’information, structurer la consultation, construire la relation, expliquer et
planifier le suivi, et enfin, comment terminer l’entretien. Chacune d’entre elles
est divisée en sous-sections, avec un total de 71 outils de base qui guident le
soignant dans l’entretien médical. Simmenroth-Nayda et al. (2014) ont testé la
validité de la version courte du guide de Calgary Cambridge, à savoir les 28
outils utilisés lors de l’anamnèse du patient, pour voir si cette version peut être
utilisée pour évaluer les compétences communicationnelles des étudiants de
médecine. Ils ont demandé à 30 membres de la faculté de médecine de
l’Université de Göttingen – Allemagne – d’évaluer cinq entretiens, avec
patients simulés, d’étudiants du cours de compétences cliniques de base. Ces
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évaluateurs étaient des médecins, des étudiants assistants, des psychologues et
des sociologues. Les entretiens ont été évalués deux fois à 12 semaines
d’intervalle. La distribution des items, ainsi que la fidélité test-retest ont
montré que la version courte du guide Calgary Cambridge est un outil valide,
qui permet d’évaluer les compétences des étudiants en matière de
communication avec les patients. Cependant, les auteurs suggèrent que les
évaluateurs doivent également être formés sur ces outils de communication.
3.3 D’autres formations
Nous avons trouvé d’autres études à propos de l’efficacité des formations en
matière de communication avec les patients. Par exemple, Ammentorp et al.
(2007) ont comparé le sentiment d’efficacité perçue de soignants ayant
participé à un cours de cinq jours – une première session de trois jours et une
deuxième session de deux jours quatre semaines plus tard –, à celui d’un
groupe contrôle n’ayant pas reçu ce cours sur la communication avec les
patients. Le cours proposé se focalisait sur la manière de structurer une
consultation, quelles techniques de communication utiliser – telles que
l’écoute, la reformulation ou le questionnement –, et comment appréhender les
craintes et les besoins des patients. Bien que les auteurs n’aient pas évalué
directement la performance des participants, le sentiment d’efficacité perçue a
été considéré comme un bon prédicteur de performance. En effet, les
questionnaires d’auto-évaluation des soignants ayant participé au cours ont
montré qu’ils ont augmenté leur sentiment d’efficacité perçue. L’évolution a
été observée avant le cours, juste après, trois mois plus tard et l’effet était
encore présent six mois après la première auto-évaluation. Toutefois, les
auteurs disent qu’il n’est pas possible de savoir si ce résultat est biaisé par la
désirabilité sociale des soignants, qui auraient la volonté de montrer que cette
formation est utile. Par rapport aux études décrites dans la section précédente,
nous pouvons voir qu’Ammentorp et al. (2007) ont fourni des résultats sur une
durée plus longue.
Gulbrandsen et al. (2013) ont fait une évaluation de l’effet à long terme des
formations en matière de communication avec les patients. Les 62 médecins de
leur étude ont dû participer à une formation de 20 heures, à propos du modèle
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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Four Habits. Ce modèle donne une série de techniques sur la manière de
commencer une consultation, de spécifier le point de vue du patient, de montrer
de l’empathie et de conclure cette consultation. Leur performance avec des
vrais patients a été enregistrée avant la formation et 12 mois plus tard.
L’analyse statistique a montré l’amélioration générale des performances. De
plus, les médecins ont dû remplir un questionnaire sur leur sentiment
d’efficacité perçue avant et après la formation, ce qui a montré la corrélation
positive entre performance et sentiment d’efficacité perçue – ce qui selon nous
valide l’hypothèse d’Ammentorp et al. (2007). Après une évaluation trois ans
plus tard, le sentiment d’efficacité perçue était encore influencé de manière
positive par la formation. Les auteurs disent qu’il s’agit de la première étude
qui a observé l’effet à long terme de ce type de formation, ce résultat cependant
ne pourrait pas être dissocié de l’expérience acquise dans ce laps de temps.
Toutefois, une confirmation pourrait venir d’une méta-analyse de 13 études sur
des formations diverses en matière de communication avec les patients, qui a
montré qu’il y a généralement une amélioration des compétences et de
l’attitude après avoir y participé (Barth & Lannen, 2010).
Cependant, il y a besoin de continuer les recherches dans ce domaine, car nous
ne sommes pas encore en mesure de définir quelle est la durée minimale pour
concilier un effet de longue durée et des coûts de formation non élevés. De
plus, étant donné la difficulté de certains soignants à adapter leur
communication au niveau des enfants, car entravés par un abaissement
d’empathie, nous pensons que ces formations devraient être développées en
fonction de certaines spécificités. Contrairement à notre raisonnement,
Silverman et al. (2010) affirment que chaque soignant serait capable d’adapter
les outils du guide de Calgary Cambridge à toute situation. Dans le dernier
chapitre de leur ouvrage, ils donnent des exemples pour appliquer les outils à
des situations particulières, mais l’exemple de la situation d’annonce de
mauvaise nouvelle a pour cible le patient adulte et l’exemple concernant le
patient enfant est décrit uniquement dans une situation de visite pédiatrique
générale. De cette façon, ils considéreraient que la communication du
diagnostic et du pronostic aux patients d’oncologie pédiatrique serait à adapter
par le soignant lui-même, ce qui risque d’être compliqué en vue de la
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fluctuation du niveau d’empathie qui pourrait biaiser la prise de décision du
soignant concernant l’adaptation des outils à la communication de mauvaises
nouvelles avec les enfants.
C’est pour cette raison que nous allons décrire de façon très détaillée une
démarche d’annonce du diagnostic et du pronostic de fin de vie calibrée au
niveau de compréhension des patients pédiatriques. Ceci afin d’ouvrir une
nouvelle piste au niveau de la recherche et donner assez d’informations pour
faire évoluer l’enseignement aux futurs spécialistes d’oncologie pédiatrique.
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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Chapitre 4 : Comment annoncer le diagnostic aux patients d’oncologie
pédiatrique
Bien qu’il soit difficile de communiquer le diagnostic d’une maladie grave aux
patients adultes, il faut prendre en considération le fait que cette tâche se
complexifie quand les soignants se trouvent face aux patients pédiatriques. À
l’exception d’adultes qui ont des problèmes de communication, tels qu’une
expression incorrecte de la langue de la consultation ou une sorte d’entrave
cognitive, nous pouvons envisager qu’ils seront capables de comprendre le
diagnostic et le traitement. Alors que face aux enfants, les soignants devraient
comprendre leur capacité de perception et de compréhension de la maladie
avant de pouvoir choisir la meilleure stratégie pour expliquer le diagnostic et la
suite de la prise en charge. Nous allons donc porter notre réflexion sur la
compréhension qu’ont les enfants de leur corps et maladie, pour ensuite
illustrer une démarche d’annonce du diagnostic de cancer qui nous parait
adéquate (Eiser, 1985 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen &
Webster, 2004 ; Varni, Limbers et Burwinkle, 2007).
4.1 La perception du corps et de la maladie chez les enfants
Jusqu’à l’âge de 2 ans, les enfants ne pourraient pas appréhender le monde qui
est distinct d’eux. À ce moment, ils se trouvent au début de leur apprentissage
social et ils sont encore totalement dépendants des autres. De plus, leur
capacité de mémorisation serait encore limitée, il faudrait donc attendre qu’ils
parlent pour qu’ils puissent avoir un moindre concept de ce qu’est la maladie.
Cela signifie que les soignants ont plus de pouvoir sur les soins et moins de
possibilités d’avoir une participation consciente des enfants (Skeen & Webster,
2004 ; Varni et al., 2007).
Pour pouvoir comprendre ce que les enfants savent de leur corps, il est possible
de leur demander de le dessiner. Ainsi, en dessous de 5 ans, lorsque les enfants
dessinent leur corps, ils ont tendance à représenter les os, le sang et la
nourriture. De ce fait, lorsqu’ils sont questionnés à propos de la fonction des
organes du corps humain, leurs réponses montrent une compréhension très
basique, dans laquelle un organe correspond à une action spécifique et ils ne
sont pas conscients des différentes connections. Par exemple, les enfants de 5
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ans pourraient dire que le cerveau sert à penser et que le cœur permet d’aimer.
Il faudrait attendre encore quelques temps pour passer de « le cerveau sert à
penser » à une représentation de la mentalisation de ses propres actes (Eiser,
1985). Lorsqu’il y a un changement dans le corps et qu’une maladie se
développe, les enfants entre 4 et 7 ans ont tendance à l’interpréter comme une
conséquence de la magie ou de la sorcellerie, et la percevraient donc comme
une punition (Skeen & Webster, 2004). Ainsi, les traitements médicaux
seraient aussi perçus comme une punition, car cela prend du temps avant de
voir la disparition des symptômes désagréables. De plus, ils pensent que les
médicaments avec un mauvais goût ne font pas d’effet, contrairement à ceux
avec un bon goût. Ces côtés « négatifs » de la situation du malade seraient
finalement perçus comme une façon volontaire de leur nuire de la part des
soignants (Eiser, 1985). Selon la revue de littérature de Varni et al. (2007), à
partir de 5 ans, les enfants sont capables de passer des tests qui mesurent leur
qualité de vie. Toutefois, il faut que les versions de ces tests soient adaptées
aux enfants. Ceci nous suggère qu’il serait possible de prendre en considération
l’opinion des enfants de 5 ans et plus au sujet des soins, lorsque les
informations sont adaptées à leur niveau de développement. En ce qui concerne
les plus jeunes enfants, il ne s’agirait tout de même pas de les ignorer, mais il
faudrait une présence plus proche des parents lorsque nous sommes à la
recherche d’informations sur leur enfant.
Lorsque les enfants entre 5 et 7 ans dessinent leur corps, ils représentent
habituellement les os, le sang, le cœur et le cerveau. Parfois ils dessinent aussi
l’estomac et/ou les poumons, mais ce ne serait pas une chose aussi régulière.
Cependant, parfois il pourrait y avoir de la confusion entre l’emplacement des
organes et leurs fonctions. Ce n’est qu’à partir de l’âge de 10 ans que les
éléments cités ci-dessus sembleraient être systématiquement présents dans
leurs illustrations du corps humain. Toutefois, bien que le nombre d’organes
dessinés augmente, les enfants entre 7 et 11 ans ne dessinent pas encore les
différentes connexions entre ces organes (Eiser, 1985). Dans cette même
tranche d’âge, les enfants développerent leur compréhension de ce qu’est la
maladie. Ils se rendraient compte du fait qu’il est possible d’attraper une
maladie et qu’il ne s’agit donc pas d’une apparition magique et punitive (Skeen
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& Webster, 2004). Par contre, il peut y avoir des confusions telle que l’idée
que toutes les maladies s’attrapent par le contact physique. Lorsqu’il s’agit par
la suite de passer au traitement des maladies, ces enfants savent que le but est
d’améliorer la situation, même si cela représente parfois une longue attente et
ils croient encore que les soignants ne sont pas au courant de la douleur que
peut causer le traitement, à moins qu’un enfant ne se mette à pleurer (Eiser,
1985).
Les enfants ont une représentation plus complète du corps humain quand ils
deviennent adolescents. En effet, dans leurs dessins, il est possible de retrouver
les éléments basiques représentés par les enfants plus jeunes et une série
d’organes tels que le foie, les reins, ou l’appareil reproductif. C’est aussi à ce
moment qu’ils auraient une meilleure compréhension des différentes fonctions
des organes, ainsi ils dessineraient les connexions des organes impliqués dans
la reproduction ou dans le système digestif. De plus, au sujet des maladies, les
adolescents comprendraient que les maladies peuvent dépendre de
prédispositions personnelles, qu’elles ne sont pas forcément contagieuses et
que le somatique peut être influencé par des facteurs psychologiques.
Lorsqu’un traitement se révèle nécessaire, les adolescents savent que la
situation peut prendre du temps à s’améliorer et ils sont capables de
comprendre des explications médicales sans trop de simplifications. Les
adolescents ont aussi des capacités de raisonnement abstrait et de déduction qui
leur permettraient d’engager une communication presque équivalente à celle
des adultes, il serait donc important de prendre en considération des
discussions au sujet de leurs opinions et besoins d’indépendance (Eiser, 1985 ;
Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012).
Ceci dit, il est possible de se questionner au sujet d’une éventuelle différence
de perception ou de compréhension de la maladie selon l’état de santé des
enfants. Or, il ne semble pas y avoir de consensus clair à ce sujet. Pour une
même hypothèse de départ, à savoir l’idée qu’un enfant avec plus d’expérience
dans le domaine de la maladie aurait un meilleur niveau de compréhension,
plusieurs études trouvent un effet significatif, d’autres ne trouvent aucun effet
et certaines trouvent un effet d’interaction entre l’expérience et l’âge.
Finalement, l’âge parait être le seul facteur commun à ces études au sujet de la
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compréhension des enfants par rapport à la maladie et la mort (Crisp, Ungerer
et Goodnow, 1996 ; Eiser, 1985 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen et Webster, 2004 ;
Veldtman et al., 2000).
Par exemple, l’étude de Veldtman et al. (2000) contredit en partie le concept de
compréhension de la maladie proportionnelle au stade de développement de
l’enfant. En effet, dans l’ensemble de leurs entretiens semi-structurés
concernant la condition cardiaque chez des enfants âgés entre 7 et 18 ans, ils
ont vu que seulement 30% des enfants et adolescents avaient une
compréhension correcte de leur maladie. Ce résultat était selon eux
indépendant de l’âge des participants. Cependant, nous devons souligner le fait
qu’au niveau de la compréhension de la variable isolée « évolution de la
maladie dans le temps », ils avaient trouvé le même résultat que les autres
études citées auparavant, à savoir que les enfants arriveraient à se représenter
l’évolution de leur maladie en fonction de leur âge.
Dans ce même esprit de contradiction, Crisp et al. (1996) ont également tenté
de comprendre le lien entre l’expérience personnelle d’un enfant en matière de
santé et sa compréhension des causes des maladies. Avec leurs deux études,
l’une ayant la fibrose kystique pour maladie cible et l’autre le cancer, les
auteures ont émis deux hypothèses. En premier lieu, les enfants avec une plus
longue exposition à une maladie avaient un meilleur niveau de compréhension
que les autres enfants. En second lieu, l’expérience pouvait être plus utile pour
les enfants plus âgés, car ceux-ci ont un bagage cognitif plus développé, leur
permettant d’en tirer davantage de bénéfices. À l’inverse des autres études
donnant des résultats mitigés, elles n’ont pas comparé une population malade à
une population saine, mais elles ont décidé de répartir les participants en quatre
groupes. Premièrement, elles ont partagé deux groupes en fonction de leur âge,
puis ces deux groupes ont encore été partagés entre les enfants qui ont eu une
longue hospitalisation et ceux qui ont été hospitalisés uniquement pour un bref
contrôle, sans aucun historique de maladie particulière. Cependant, cette
méthodologie ne leur a pas permis d’obtenir des résultats moins mitigés que les
autres études. En effet, elles ne confirment pas explicitement leurs hypothèses,
mais elles conseillent de penser l’expérience comme effet facilitateur et
d’évaluer chaque enfant pour ses capacités individuelles (Crisp et al., 1996).
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Tableau 1
Les stades cognitifs, la compréhension de l’enfant et la manière d’examiner
(tiré de Rosenberg & Thivierge, 2005, tableau n. 12.1, p.330)
Enfant Médecin
Âge Stade cognitif Genre d’explication Manière de comprendre Manière d’examiner
Moins de 6
mois
Purement
réceptif
Aucune. Au moyen de sensations directes
et d’activités motrices.
Il est d’ordinaire facile d’examiner
l’enfant sur la table d’examen.
Commencer par une partie du corps
moins intime, par exemple l’abdomen.
De 6 mois à
2 ans
Examiner l’enfant en le faisant tenir par
le parent.
S’approcher doucement de l’enfant.
Se servir de jouets, particulièrement ceux
qui attirent l’attention, du type boîte à
surprise, ou de la lumière de l’otoscope.
De 2 ans à
6 ans
Prélogique Phénoménisme pour les
plus jeunes.
Contagion pour les plus
âgés.
Au moyen de représentations et
de liens faits entre les
événements.
Aucune séparation entre la réalité
intérieure et la réalité extérieure.
Utiliser des mots simples.
Expliquer chaque acte médical.
Proposer à l’enfant de participer à
l’examen.
Tirer parti des préférences ou des
passions de l’enfant, par exemples les
superhéros.
De 7 ans à
10 ans
Concret –
logique
Contamination pour les plus
jeunes.
Intériorisation pour les plus
âgés.
Au moyen d’actions réelles et
mentales sur des objets réels.
Par inversion mentale des
changements dans le monde.
Au moyen d’un système de règles
stables.
Reconnaitre la capacité de l’enfant à
comprendre, ce qui améliorera sa
collaboration.
Plus de 10
ans
Formel –
logique
Explication physiologique.
Explication
psychophysiologique.
Par la pensée abstraite. Respecter la confidentialité et l’intimité
de l’enfant, en particulier à
l’adolescence.
4.2 Annoncer le diagnostic de cancer à un enfant
Selon la tranche d’âge du patient, il faudrait adapter chacune des phases du
modèle que nous allons présenter. En effet, d’après une part de littérature, il ne
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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serait pas possible de fixer un modèle, c’est pour cette raison que les auteurs se
limitent à donner des listes de conseils (Canouï, 2004 ; Howells & Lopez,
2008 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012).
Cependant, nous avons décidé de proposer un modèle de communication qui se
déroule en quatre phases, car nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que
tous les soignants et parents sont capables d’appliquer ces conseils de façon
coordonnée (Baile et al., 2000 ; Silverman et al., 2010). En effet, comme nous
l’avons expliqué dans les chapitres précédents, il existe déjà des modèles de
communication qui sont enseignés pour contrer la baisse d’empathie des futurs
médecins et assurer une prise en charge de qualité (Balez et al., 2014 ; Barruel
et al., 2012 ; Moatti et al., 2012 ; Oppenheim, 2004 ; Woloschuk et al., 2004),
mais ceux-ci représentent uniquement la base d’un vaste domaine de recherche
qui nécessite de se dévélopper ultérieurement. Ainsi, nous avons décrit une
démarche très détaillée à propos de la communication du diagnostic et du
pronostic de fin de vie, avec l’intention de donner une base pédagogique pour
les futurs soignants d’oncologie pédiatrique et un point de départ pour la
recherche dans ce secteur.
Tableau 2
Modèle en quatre phases de la communication de diagnostic aux patients d’oncologie pédiatrique
Modèle de communication de diagnostic de cancer aux enfants et adolescents
Phase 1
Annoncer le diagnostic
aux parents de l’enfant
pour qu’ils puissent
intégrer les informations et
se ressaisir
émotionnellement, pour
ensuite être en mesure
d’aider l’enfant
Phase 2
Planifier la
communication à l’enfant :
- En présence des
parents, seul avec
le soignant ou la
famille sans le
soignant ;
- Endroit calme,
sécurisant et avec
du matériel
didactique ;
Phase 3
Annoncer le diagnostic à
l’enfant :
- A partir de ce
qu’il sait déjà ;
- Sans aller au-delà
de ce qu’il
voudrait savoir ;
- Utilisant un
langage adapté au
patient ;
Phase 4
Réviser les informations
avec l’enfant pour vérifier
s’il y a des
incompréhensions ou
d’autres questions et
rappeler que nous sommes
toujours à disposition
Note. Ce modèle est le résultat d’une synthèse du guide pratique pour annoncer le diagnostic de cancer en neufs points
de Skeen et Webster (2004) et de l’ensemble des conseils que nous avons trouvé dans la littérature.
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4.2.1 Phase 1 : un premier entretien avec les parents sans l’enfant2
Bien que nous soyons convaincus du besoin de communiquer le diagnostic de
cancer aux patients d’oncologie pédiatrique, il est clair que les parents
devraient recevoir ce diagnostic en premier. Canouï (2004) affirme que la
primauté de l’information revient aux parents, qui la revendiquent, car ils
souhaitent contrôler l’information. Même si nous comprenons ce concept, notre
modèle les informe en premier pour une autre raison. Il est du devoir légal et
éthique des parents de soutenir leur enfant. Toutefois, ils ne peuvent pas être en
mesure d’accomplir cette tâche, s’ils sont eux-mêmes effondrés par la triste
nouvelle. Afin de pouvoir apporter leur support à l’enfant de façon optimale, il
paraît donc indispensable de leur transmettre les premières informations au
sujet du diagnostic, du pronostic et du traitement, pour qu’ils puissent les
intégrer. Ainsi, ils auront le temps de poser des questions et de prendre en
considération leur propre état d’âme (Canouï, 2004 ; Dikici et al., 2013 ; Lang
et al., 2002 ; Lascar et al., 2013).
4.2.2 Phase 2 : planifier avec les parents la rencontre suivante avec
l’enfant
Lorsque les parents ont pu se ressaisir, du moins en partie, il serait nécessaire
de planifier avec eux dans le plus court délai possible, la communication du
diagnostic au patient (Baile et al., 2000 ; Canouï, 2004 ; Dekici et al., 2013 ;
Lachance, 2005 ; Lascar et al, 2013 ; Silverman et al., 2010). Les parents sont
une excellente source d’informations, ils connaissent le langage de leur enfant,
son expérience en matière de santé et ils peuvent prédire de façon relativement
fiable ses réactions aux situations stressantes (Lang et al., 2002). De plus, ils
peuvent nous aider avec des notions sur les croyances religieuses ou les
habitudes et les coutumes de la famille. Il est de notre devoir de respecter ces
croyances, du moment que celles-ci n’entravent pas les droits du patient (Al-
2 Comme nous l’avons écrit dans la note du tableau 2, le modèle que nous proposonsest est
inspiré principalement du guide pratique pour annoncer le diagnostic de cancer en neufs
points de Skeen et Webster (2004). Pour des questions de lisibilité du texte, nous citons ces
auteurs dans cette note, mais nous soulignons qu’ils sont la source principale de ces sous-
chapitres.
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Amri, 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Holland, 2002 ; Howells & Lopez, 2008 ;
Lascar et al., 2013 ; Oppenheim & Dauchy, 2004 ; Wilson et al., 2012).
4.2.2.1 Phase 2a : qui devrait être présent ?
Au vu de ces informations, il faut décider si les professionnels annoncent le
diagnostic à l’enfant avec ou sans la présence de ses parents, ou si ceux-ci
veulent communiquer le diagnostic à leur enfant en privé (Baile et al., 2000 ;
Beale et al., 2005 ; Howells & Lopez, 2008 ; Lang et al., 2002 ; Rosenberg &
Thivierge 2005).
La première option donnerait l’opportunité d’avoir directement une source
d’information scientifique de la part des soignants, de même que le support
affectif de la part des parents – qui sont supposés être les adultes à qui l’enfant
fait le plus confiance (Beale et al., 2005). Cependant, il est important d’éviter
une ambiance suspecte et de complot en mettant à l’écart l’enfant et en ne
s’adressant qu’aux parents (Lascar et al., 2013).
La deuxième option, à savoir discuter sans la présence des parents, est souvent
demandée par les adolescents plus âgés, qui ont un niveau de compréhension
du monde comparable à celui des adultes et qui voudraient être plus
indépendants ou qui souhaiteraient la présence d’une autre personne (Eiser,
1985 ; Lang et al., 2002 ; Stock et al., 2012). Nous nous permettons d’ouvrir
une parenthèse sur un sujet sensible qui touche les adolescents. Comme nous
l’avons cité au chapitre 1, certains traitements qui ont pour but de déraciner le
cancer, ont parfois aussi des effets secondaires sur la fertilité des patients. Nous
sommes ici dans une situation délicate, où la communication autour de la
sexualité s’avère autant compliquée que celle au sujet des maladies graves.
Peut-être que l’adolescent ne veut pas aborder ce sujet avec les parents, ou que
les parents ne souhaitent pas en discuter à cause de leurs croyances religieuses.
Toutefois, les soignants ont l’obligation légale d’informer les patients de ces
conséquences, il s’agit donc de trouver un juste compromis entre le patient et
sa famille. En ce qui concerne à nouveau la seconde option, il est aussi possible
que les enfants plus jeunes veuillent avoir un entretien seuls avec le soignant
après avoir reçu le diagnostic, pour poser des questions ou parler de certains
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sujets qu’ils ne veulent pas traiter avec les parents (Lang et al., 2002 ;
Rosenberg & Thivierge, 2005 ; Silverman et al., 2010).
La dernière option quant à elle, permettrait à la famille de se réunir de manière
privée et de gérer de façon plus personnelle la communication du diagnostic.
Par la suite, les patients et leurs parents pourront discuter avec les soignants
pour avoir plus de détails sur les prochaines étapes du traitement.
Enfin, nous devons souligner un aspect particulier de ces options, à savoir que
si nous parlons toujours de l’enfant et de ses parents, il serait probablement
plus correct de parler de l’enfant et sa famille. Dans ce système familial, nous
ne devons pas oublier l’éventuelle fratrie. En effet, le patient n’est pas
forcément le seul enfant pour qui les informations au sujet du cancer sont
bénéfiques. Il paraît donc important de planifier aussi la manière d’annoncer le
diagnostic aux frères et sœurs, aux grands-parents et aux amis du patient, et de
proposer pour cela l’aide des soignants et d’un psychologue (Canouï, 2004 ;
Lang et al., 2002 ; Lascar et al., 2013 ; Lobato & Kao, 2002 ; Meitar, 2004).
4.2.2.2 Phase 2b : dans quel setting faut-il se trouver ?
Selon l’option choisie par les parents, il semble nécessaire d’organiser
également l’emplacement de l’annonce (Baile et al., 2000 ; Dikici et al., 2013 ;
Howells & Lopez, 2008 ; Rosenberg & Thivierge, 2005). Dans la mesure du
possible, les parents qui désirent d’abord discuter en privé avec leur famille
choisiront probablement de le faire chez eux à la maison – endroit qui devrait
être celui où l’enfant se sent le plus en sécurité. Toutefois, lorsque l’enfant est
trop malade et doit rester à l’hôpital, il est primordial que l’environnement soit
accueillant et sécurisant pour l’enfant (Canouï, 2004 ; Howells & Lopez, 2008 ;
Lascar et al., 2013 ; Rosenberg & Thivierge, 2005 ; Stock et al., 2012). Pour
cette raison, il paraît raisonnable de ne pas communiquer le diagnostic de
cancer dans la même salle où sont effectués les traitements, à moins que
l’enfant ne puisse pas quitter son lit. Dans ce cas-ci, il serait plus indiqué que
les parents ou autres membres de la famille ne restent pas debout, mais
s’asseyent près de l’enfant. Si à l’inverse l’enfant a la possibilité de bouger,
l’annonce devrait plutôt se réaliser dans une salle à part et le soignant devrait
privilégier un contact de proximité au lieu de se retrouver éloigné et séparé du
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patient, par exemple par une table. De plus, le médecin ne devrait pas oublier
de régler sa chaise de façon à se mettre à la hauteur de l’enfant (Baile et al.,
2000 ; Howells & Lopez, 2008) et même si possible, quitter momentanément
sa blouse blanche contre une tenue plus décontractée de tous les jours
(Rosenberg & Thivierge, 2005).
De plus, il est également possible de préparer du matériel didactique, celui-ci
pouvant servir de support de compréhension et d’aide-mémoire. De même, de
la lecture doit pouvoir être mise à diposition, par exemple des flyers ou des
livres, adaptés à l’âge de l’enfant. Nous pouvons aussi inclure dans cette
suggestion, du matériel en version traduite et culturellement adéquate. Pour les
enfants plus jeunes, il serait aussi possible d’organiser une session de jeu avec
certains outils des soignants, afin qu’ils puissent renforcer leur compréhension
de manière plus concrète (Blackstone, 2010 ; Gaab et al., 2013 ; Gibson, 2008 ;
Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ; Rosenberg & Thivierge, 2005 ;
Silverman et al., 2010 ; Stock et al., 2012).
4.2.3 Phase 3 : annoncer le diagnostic de cancer à l’enfant
Après avoir obtenu l’accord des parents sur la modalité de communication, le
soignant devrait rencontrer l’enfant pour lui annoncer son diagnostic, lui
donner l’opportunité de poser des questions et lui poser des questions pour
savoir si les informations ont été intégrées de manière adaptée à son niveau de
développement et de compréhension (Gaab et al., 2013 ; Lang et al., 2002 ;
Lascar et al., 2013 ; La Valle et al., 2012). Ceci, tout en gardant à l’esprit que
l’enfant a son propre fonctionnement et qu’il faut respecter ses temps de
réaction (Howells & Lopez, 2008 ; Lascar et al., 2013).
4.2.3.1 Phase 3a : qu’est-ce que l’enfant sait à propos de sa maladie ?
Pour communiquer le diagnostic, il est possible de commencer par ce que
l’enfant connaît à propos de la situation qu’il est en train de vivre (Baile et al.,
2000 ; Canouï, 2004 ; Dikici et al., 2013 ; Howells & Lopez, 2008 ; Silverman
et al., 2010). En effet, comme nous l’avons argumenté dans ce mémoire, les
enfants comprennent souvent qu’ils sont malades en regardant le
comportement des adultes et par leur propre vécu des symptômes physiques
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(Beale et al., 2005 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et al.,
2013). Ces connaissances peuvent être un point de départ à partir duquel le
soignant est en mesure de corriger ou compléter les informations au sujet de la
maladie (Howells & Lopez, 2008).
4.2.3.2 Phase 3b : qu’est-ce que l’enfant voudrait savoir exactement ?
Lorsque le soignant a analysé le niveau de compréhension de son patient, et
avant de se lancer dans une série d’explications détaillées, il ne doit pas oublier
de lui demander ce qu’il veut exactement savoir et lui annoncer qu’il est là
pour l’écouter (Baile et al., 2000 ; Canouï, 2004 ; Howells & Lopez, 2008 ;
Lascar et al., 2013 ; Silverman et al., 2010). Nous savons que certains enfants
et adolescents veulent être informés au sujet d’une éventuelle maladie et
collaborer de façon active au traitement (Jacobson et al., 2001 ; La Valle,
2012 ; Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010), mais cela n’est pas
forcément le cas pour certains individus. Certains patients d’oncologie
pédiatrique ne souhaitent pas connaitre tous les détails de la maladie ou du
moins pas tout de suite lors de l’annonce du diagnostic (Canouï, 2004). En
effet, ce dernier point n’est pas anodin si nous considérons le stade de
développement de l’enfant. Jusqu’à l’âge de 5 ans, les enfants n’auraient
vraisemblablement pas encore acquis entièrement la notion de permanence,
ceci également à cause d’une mémoire qui ne serait pas encore très
performante (Eiser, 1985). Il semble donc raisonnable de donner des
informations au sujet du traitement par étapes. Toutefois, l’une des choses les
plus importantes est de répondre aux questions des enfants (Lascar et al.,
2013 ; Lobato & Kao, 2002 ; Stock et al., 2012).
4.2.3.3 Phase 3c : quelles sont les paroles qu’il serait préférable d’utiliser ?
Comme pour les adultes pour lesquels il est déjà utile d’adapter le langage
spécifique en langage plus ou moins commun, les termes et expressions utilisés
par les soignants devraient être encore plus simplifiés pour le patient
pédiatrique (Canouï, 2004 ; Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ;
Lascar et al., 2013 ; Silverman et al., 2010 ; Stock et al, 2012). Si l’enfant ne
comprend pas le langage utilisé par le soignant ou comprend littéralement
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certaines expressions, qu’il serait donc conseillable d’éviter, il risque
d’imaginer la situation de façon erronée et de ressentir de l’anxiété à ce sujet. Il
s’agit donc d’expliquer le diagnostic, le pronostic et les traitements avec des
termes adaptés à l’âge de l’enfant et si possible, en tentant d’éviter les
abréviations (Canouï, 2004 ; Gulati et al., 2012 ; Howells & Lopez, 2008 ;
Lascar et al., 2013 ; Stock et al, 2012). Stock et al. (2012) donnent des
explications sur les manières d’adaptation du langage en fonction de l’âge des
enfants. Bien qu’ils présentent un guide pratique pour le personnel des
urgences, où les interventions peuvent paraître effrayantes aux yeux des
enfants, nous pensons qu’il est possible de transposer ce type de guide
langagier en oncologie pédiatrique. De plus, ces lignes directrices peuvent
aussi être utilisées par les parents. Elles feraient ainsi partie de l’enseignement
thérapeutique, ce qui permettrait à ces derniers d’avoir un certain contrôle de la
situation.
Le langage devrait également être ajusté lorsqu’un enfant ne parle pas ou peu
la langue de consultation. Dans ce genre de situation, il semble ainsi préférable
de faire appel à un interprète pour éviter de fausses interprétations (Blackstone,
2010 ; Gibson, 2008 ; Gulati et al., 2012). Comme nous l’avons expliqué au
chapitre 2, la globalisation des sociétés occidentales oblige les hôpitaux à
utiliser des services d’interprètes (Blackstone, 2010 ; Gibson, 2008 ; Gulati et
al, 2012 ; Wilson et al., 2012). Un service formel d’interprètes se révèle donc
être une solution adéquate et plus fiable que les traductions faites par des
soignants ou des membres de la famille du patient. Au final, il paraît primordial
que l’interprète ait une notion du langage adapté aux enfants. Dans l’idéal, la
personne la plus adaptée serait un interprète communautaire, de façon à
prendre en considération non seulement la langue, mais également la culture et
le monde de sens du patient (Gibson, 2008 ; Métraux, 2002).
4.2.4 Phase 4 : révision avec l’enfant
Nous pensons que l’enfant nécessite d’un peu de temps pour intégrer les
nouvelles informations au sujet de sa maladie, cependant il semble nécessaire
de trouver un moment pour les réviser (Silverman et al., 2010). Pour cela, le
soignant devrait questionner l’enfant afin de vérifier qu’il n’y ait pas de fausses
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croyances ou incompréhensions qui se sont créées (Howells & Lopez, 2008).
Une fois qu’il s’est assuré que les informations de la discussion précédente
aient bien été apprises, le soignant devrait demander à l’enfant s’il n’a pas de
nouvelles questions et le rassurer au sujet de sa disponibilité pour d’autres
discussions avec ou sans ses parents.
Par la suite, la planification d’une prise en charge émotionnelle de l’enfant et
de sa famille, peut s’avérer précieuse. Bien sûr, elle ne serait plus de la
compétence de l’oncologue ou des infirmiers, mais plutôt du ressort d’un
psychologue ou d’un pédopsychiatre (Barruel et al., 2012 ; Lobato & Kao,
2002).
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Chapitre 5 : Comment annoncer le pronostic de fin de vie aux patients
d’oncologie pédiatrique
Comme il s’agit d’un sujet très sensible, les soignants et les parents auraient
tendance à ne pas vouloir communiquer le pronostic de phase terminale aux
enfants, même s’il semblerait que ceux-ci soient souvent déjà conscients que
les choses se passent mal. Ils existent de nombreux débats sur quelle pourrait
être la façon la plus adéquate de communiquer avec des enfants atteints de
cancer en phase terminale. Le fait de communiquer, c’est-à-dire d’informer et
aussi d’écouter l’enfant, peut avoir un impact positif allant d’une meilleure
compliance au traitement, à une réduction de l’anxiété et de la peur –
sentiments qui peuvent être encore présents en soins palliatifs si des familles
encouragent le secret envers le patient. En effet, les enfants ressentent un fort
sentiment d’isolement lorsqu’ils ont la perception que les adultes leur cachent
la vérité. De manière générale, les conseils décrits dans le chapitre précédent
seraient valables aussi dans cette dernière étape de la maladie, mais nous allons
ajouter certains aspects spécifiques à celle-ci, à savoir le contexte particulier
des soins palliatifs, la compréhension des enfants au sujet de la mort et une
démarche d’annonce du pronostic de fin de vie (Baile et al., 2000 ; Beale et al.,
2005 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar
et al., 2013 ; Morgan, 2009 ; Skeen & Webster, 2004).
5.1 Les soins palliatifs
Il aura fallu attendre 1982 pour voir le premier centre de soins palliatifs
pédiatriques en Angleterre, car auparavant, les enfants en phase terminale
étaient hospitalisés avec les adultes. En analysant des statistiques de 2007,
Morgan souligne que parmi la totalité des soins palliatifs aux Etats Unis, seul
10% de ceux-ci s’occupe uniquement des patients pédiatriques (Romesburg,
2007, dans Morgan, 2009). Ce retard et ce manque d’infrastructures pourraient
être dus au fait que certains soignants ne savent pas que les enfants et les
adolescents ont des besoins spécifiques. En effet, les soins palliatifs pour
enfants sont un peu différents de ceux pour adultes. Bien que le but principal
soit le même, à savoir la prise en charge active du corps et de l’esprit des
patients, ainsi que de leur famille, les enfants n’intègrent pas exclusivement les
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soins palliatifs en cas de fin de vie. La tendance serait de prendre en charge les
patients pédiatriques dans ce département, dès qu’apparait le risque de mourir,
mais tout en étant encore dans une phase de soins actifs visant la résolution de
la maladie. De plus, la prise en charge serait aussi spécifique au développement
de chaque enfant pris individuellement, comme nous le suggérons dans ce
mémoire (Morgan, 2009).
Lorsque nous sommes face à la phase terminale d’un cancer, le soutien
psychologique ne consisterait plus principalement à soigner un trouble
particulier, mais il se centrerait sur l’état d’âme général du patient, afin de
maximiser la possibilité d’un effet bénéfique sur son état physique. La
flexibilité est probablement la caractéristique principale dans ce domaine, car
l’état physique peut rendre le mouvement de l’enfant difficile. Il faudrait donc
répondre aux besoins de l’enfant en s’adaptant à cette éventuelle entrave
physique (Kreitler & Krivoy, 2004).
Cependant, pour qu’un bénéfice pour le patient soit ressenti, il est très
important de bien prendre en charge également les soignants, qui vivent une
sorte de triple échec. Lorsqu’un enfant meurt, le personnel soignant risque
d'avoir l’impression de ne pas avoir eu assez de compétences pour sauver le
patient, de ne pas avoir respecté leur rôle d’adulte qui prend en main la
situation ou encore d’avoir trahi les parents de l’enfant. De plus, ils doivent
parfois supporter des conflits internes, entre persévérer avec des traitements
lourds et le fait de vouloir soulager le patient. Il ne faudrait donc pas sous-
estimer le fait que les soignants vivent aussi le deuil de la mort de leurs patients
(Baile et al., 2000 ; Morgan, 2009). Ceci est un aspect qu’il faudrait prendre en
considération dans les programmes de formation, dont nous avons parlé dans le
chapitre précédent.
5.2 La perception de la mort chez les enfants
Comme nous l’avons vu pour la compréhension de son propre corps et de ce
qu’est une maladie, qui évoluent par étapes liées au développement cognitif de
l’enfant, la compréhension de la mort suivrait cette même logique (Beale et al.,
2005 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004).
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Ainsi, les enfants en dessous de 2 ans ne pourraient pas comprendre ce qu’est
la mort, car ils n’ont pas encore la notion d’identité des objets et de la
permanence (Kreitler et Krivoy, 2004). Cette limite de compréhension peut être
prolongée jusqu'à leurs 3 ans, où il n’existe pas encore la notion
d’irréversibilité. Donc si quelqu’un de proche meurt, ils interprèteraient cela
comme une séparation ou un abandon. Après l’âge 3 ans, ils commencent à
comprendre que cela arrive de mourir, tout en pensant encore quelque temps
qu’il s’agit d’une chose temporaire (Skeen & Webster, 2004). En effet, encore
vers 5 ans, selon Lascar et al. (2013), les enfants parfois ne voient pas encore la
mort comme un évènement irréversible, mais plutôt comme une sorte
d’absence, qui laisse donc envisager un possible retour. Pour cette raison, ils
affirment qu’il faudrait expliquer le plus honnêtement possible que cela n’est
pas le cas. Selon leur pratique, il faudrait éviter par exemple les expressions du
type « il est parti en voyage » (p. 161, traduit de Lascar et al., 2013) lorsque
nous parlons de quelqu’un que l’enfant connaissait et qui est décédé. En
résumé, les enfants entre 2 et 7 ans interprètent la mort comme un état de
sommeil, car ils n’auraient pas encore une compréhension très claire de son
universalité et irréversibilité (Kreitler & Krivoy, 2004).
Ensuite, les enfants entre 6 et 12 ans comprendraient que toutes les personnes
meurent et que cela n’est pas réversible. Toutefois, il peut y avoir encore des
pensées au sujet de sensations physiques que les personnes mortes ressentent,
comme la sensation de froid. En effet, les enfants ont tendance à personnifier la
mort, le plus souvent comme un personnage maléfique et la comprendraient
comme une sorte de punition (Kreitler & Krivoy, 2004 ; Skeen & Webster,
2004).
C’est à partir de 12 ans que l’enfant va acquérir une bonne compréhension de
la mort, comparable à celle des adultes et selon l’environnement dans lequel il
grandit, cette compréhension pourrait être plus ou moins influencée par les
croyances religieuses. Cependant, il est probable qu’ayant un plus haut niveau
de discernement, les adolescents montrent plus de peur ou de colère quand ils
savent que leur pronostic est négatif. Il serait donc bien qu’ils puissent
exprimer ces émotions et avoir un support psychologique plus intense (Kreitler
& Krivoy, 2004 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004).
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Les descriptions ci-dessus se réfèrent plutôt à la compréhension de la mort en
général, mais il est vraisemblable que la conscience qu'un individu lui-même
est en train de mourir puisse évoluer de façon différente. En effet, plusieurs
auteurs affirment que les enfants atteints d’une grave maladie ressentent que
les choses ne vont pas bien et qu’il leur reste peu de temps à vivre. Il sera donc
important de bien observer l’enfant, car si dans certains cas, il peut exprimer le
tout verbalement, il se peut aussi qu’il l’exprime de façon symbolique comme
par le dessin, en jouant ou par d’autres comportements. Ceci peut s’expliquer
par le déni ou par le fait de ne pas directement en parler pour protéger ses
parents (Baile et al., 2000 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Kreitler &
Krivoy, 2004 ; Lascar et al., 2013).
Finalement, comme nous l’avons décrit précédemment pour la compréhension
des enfants de ce qu’est une maladie, le débat sur l’effet de l’expérience sur la
compréhension de la mort apparaît également ici. Par exemple, le fait d’avoir
déjà vécu la perte d’un proche ne permettrait pas aux enfants d’accélérer le
développement de la compréhension de la mort. Cependant, les enfants atteints
de cancer en phase terminale auraient une tendance moins forte à voir la mort
comme une punition. Selon Kreitler et Krivoy (2004), cela signifie qu’il
n’existe pas vraiment de différence de compréhension de la mort entre les
enfants en bonne santé ou malades, mais qu’il reste toutefois une différence
d’anxiété perçue, avec un niveau plus élevé pour les enfants en bonne santé.
D’un autre côté, des auteurs affirment que les enfants qui se trouvent aux soins
palliatifs auraient une meilleure compréhension du concept de la mort par
rapport aux autres enfants, car ils seraient déjà au courant de leur pronostic, à
cause de leur propre vécu, ce qui serait donc aussi une sorte d’expérience
(Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ; Lascar et al.,
2013).
5.3 Annoncer le pronostic de fin de vie à un enfant
Nous allons proposer deux phases, qui pourraient appartenir au modèle que
nous avons présenté dans le chapitre précédent, mais qui seraient plus
spécifiques à la communication du pronostic de fin de vie. En vue de la
sensibilité du sujet et selon la tranche d’âge du patient, il faudrait donc adapter
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ces phases. Leur but est à nouveau d’aider des soignants et des parents qui
éprouvent de la difficulté à appliquer des conseils de façon coordonnée.
Tableau 3
Modèle en deux phases de la communication de pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie
pédiatrique
Modèle de communication de pronostic de fin de vie aux enfants et adolescents
Phase 1
Annoncer le pronostic de fin de vie aux parents de
l’enfant pour qu’ils puissent se ressaisir
émotionnellement, pour ensuite être en mesure d’aider
l’enfant ;
Phase 2
Annoncer le pronostic de fin de vie à l’enfant :
- A partir de l’état somatique et de ce qu’il sait
déjà ;
- En expliquant ce qui a été fait jusque-là et selon
ce qui qu’il veut savoir ;
- Planifiant la suite des événements sur le court
terme avec lui et sa famille ;
Notes. Ces deux phases ne seraient pas à considérer comme un modèle indépendant, cela serait bien trop réducteur,
mais plutôt complémentaires au modèle de communication du diagnostic de cancer.
Ce tableau est issu d’une synthèse du guide pratique pour annoncer le pronostic de fin de vie en septs points de Skeen et
Webster (2004) et de l’ensemble des conseils que nous avons trouvé dans la littérature.
5.3.1 Phase 1 : annoncer aux parents le pronostic de fin de vie de l’enfant
Pour les mêmes raisons que lors de l’annonce du diagnostic, nous pensons que
les parents devraient être informés du pronostic négatif en premier (Skeen &
Webster, 2004). Certains parents éprouvent de la difficulté à affronter le
discours de la mort avec leurs enfants, à cause du paradoxe que cela pourrait
créer. En effet, le rôle de soignants qu’ils ont envers leur enfant malade devrait
représenter une source de sécurité et de support, contrairement à l’action de
donner de mauvaises nouvelles (Gaab et al., 2013). L’impact émotionnel de la
communication de la fin de vie n’est donc aucunement négligeable (Skeen &
Webster, 2004). Tout en représentant une situation très difficile à vivre, des
études ont mis en évidence que les parents en deuil par la perte de leur enfant
malade soulignent l’importance que cela a pour eux d’avoir été en relation avec
des soignants engagés, qui ont montré leurs émotions personnelles et qui leur
ont laissé de la place pour s’exprimer (Baile et al., 2000 ; Fallowfield &
Jenkins, 2004). Il serait donc adéquat de prévoir par la suite une intervention
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centrée sur la famille (Kreitler & Krivoy, 2004 ; Stuber & Seacord, 2004). « Le
moment même de la mort fait violence. Toute mort est vécue par celui qui reste
comme une perte personnelle de substance vitale. La mort de l’autre induit
toujours une emprise sur son propre territoire de vivant, c’est une onde de
choc, […] il revient au psychologue de tenir la position de tiers afin de faire
émerger l’ensemble des manifestations de violence. […] Le psychologue a
donc un rôle de reconnaissance et de légitimation de la violence. » (p. 516,
Bonnaud-Antignac & Ferreol, 2008).
De plus, bien que le sujet des croyances religieuses devrait avoir déjà été
discuté auparavant (Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004), nous
pouvons supposer que ce moment de la maladie de l’enfant soit celui le plus
influencé par cette variable. Plus précisément, lorsque nous parlons de
croyances religieuses, celles-ci peuvent influencer les décisions regardant deux
entités, à savoir le corps et l’esprit (Keller, 2006). Si jusque-là les soignants
avaient une plus grande probabilité de trouver un compromis entre les soins
somatiques de l’enfant et les croyances religieuses de la famille (Hatano et al.,
2011 ; Skeen & Webster, 2004), lorsque nous parlons de mortalité, nous
pensons que la marge de discussion risque de diminuer. Dans certains cas
spécifiques, il est donc utile de discuter avec un guide spirituel de la
communauté en question, comme le dit Lehmann (2005) : « En soins palliatifs,
cependant, le médecin a toujours la responsabilité d’ ‘ouvrir la porte’, de
comprendre les intérêts, les croyances et les besoins spirituels de son patient,
de chercher la ressource appropriée pour aider ce dernier dans son
cheminement spirituel. » (p. 725, dans Lehmann, 2005).
5.3.2 Phase 2 : annoncer le pronostic de fin de vie à l’enfant
En accord avec les parents, il faudra annoncer à l’enfant que les traitements
n’ont malheureusement pas pu soigner le cancer, mais que les soignants et sa
famille seront là pour lui apporter du confort.
5.3.2.1 Phase 2a : comment l’enfant se sent-il ?
Avant de communiquer le pronostic à l’enfant, il est possible de commencer
par lui demander comment il se sent. En effet, comme nous l’avons plusieurs
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fois décrit, les enfants pourraient comprendre la situation avant que les adultes
ne s’en rendent compte. Ses conditions physiques peuvent faire prendre
conscience à l’enfant que la situation est plutôt négative et il est donc important
de prendre du temps pour qu’il puisse exprimer quel est son vécu de la maladie
(Baile et al., 2000 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Kreitler & Krivoy,
2004 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004).
Cela serait une première base qui pourrait nous permettre de parler du
pronostic de fin de vie. Il est possible à ce moment de parler de ce que l’enfant
sait au sujet de la mort, aussi pour aider les parents qui ne sont pas forcément
au courant du niveau de développement et donc de compréhension de leur
enfant (Gaab et al., 2013 ; Silverman et al., 2010). Tôt ou tard, tous les enfants
normalement constitués arrivent à un moment du développement où ils savent
que tout le monde meurt un jour (Kreitler & Krivoy, 2004). Cependant, l’idée
que naturellement chaque personne meurt après une longue vie est socialement
partagée (Lyons & Chamberlain, 2008). Alors, dans le cas où le patient ne
l’aurait pas encore ressenti, il faudrait lui expliquer que les choses peuvent se
dérouler différemment, mais qu’en cas de pronostic de fin de vie, il reste tout
de même des soins pour accompagner la personne et que la famille sera
présente jusqu’à la fin (Skeen & Webster, 2004).
5.3.2.2 Phase 2b : qu’est-ce qui a été fait jusque-là ?
Toujours en respectant le niveau de compréhension de l’enfant, il faudrait lui
expliquer ce qui s’est passé jusque-là, à savoir que les soignants et la famille
ont travaillé dur afin d’appliquer le traitement (Baile et al., 2000 ; Silverman et
al., 2010). Cependant, il arrive que les traitements n’arrivent pas à guérir le
cancer et que malheureusement c’est ce qui se passe dans sa situation. Ceci tout
en restant attentifs aux besoins de l’enfant, mais sans le forcer à discuter de sa
mort s’il ne le souhaite pas (Silverman et al., 2010 ; Skeen & Webster, 2004).
Comme nous l’avons décrit dans les chapitres précédents, il est du droit du
patient de savoir son pronostic, cela correspond souvent à ce que les patients
pédiatriques souhaitent, mais il faut respecter le fait que certains enfants ne
veulent pas en parler ou souhaitent en parler avec une seule personne
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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spécifique (Baile et al., 2000 ; Jacobson et al, 2001 ; Kreitler & Krivoy, 2004 ;
La Valle et al., 2012).
Tout en respectant cette volonté du patient de vouloir une discussion seul avec
un soignant, il faudrait pourtant tenter de promouvoir la communication des
besoins et des désirs entre les deux parties, car cela peut être bénéfique pour
tous les acteurs en jeu. Les proches de l’enfant devraient être présents pendant
toutes les interventions de soutien, être des agents actifs qui recevraient
directement un soutien moral en même temps que le patient. En effet, cela
permettrait de diminuer la peur de la séparation ou d’être abandonné, qui est
souvent présente chez ces enfants. (Kreitler & Krivoy, 2004).
5.3.2.3 Phase 2c : qu’est-ce qu’il va se passer ?
Après avoir communiqué le diagnostic, il serait essentiel de pouvoir anticiper
la suite des évènements, afin que l’enfant puisse organiser autant que possible
le temps qu’il lui reste à vivre (Baile et al., 2000 ; Silverman et al., 2010 ;
Skeen & Webster, 2004). Il faut le rassurer sur le fait que les soignants et les
parents vont continuer à prodiguer les soins pour qu’il puisse vivre de la façon
la plus confortable possible, poser à tout moment des questions et être aidé
dans la réalisation de ses projets à court terme (Gaab et al., 2013 ; Lascar et al.,
2013). Dans ce même ordre d’idées, Beale et al. (2005) suggèrent de rendre
l’enfant participatif aux choix de la prise en charge en phase terminale, ce qui
pourrait lui donner la capacité d’envisager le futur d’un nouveau point de vue.
De cette façon, l’enfant garde la possibilité de prendre le contrôle, du moins
partiellement, du fonctionnement de sa vie et de pouvoir l’organiser à court
terme (Beale et al., 2005 ; Silverman et al., 2010). Par exemple, le personnel
soignant peut discuter avec l’enfant, en accord avec sa famille, de l’endroit où
il voudrait passer le temps qu’il lui reste à vivre. Ceci dépendra aussi de l’état
physique de l’enfant et de la possibilité d’effectuer les soins à domicile ou à
l’hôpital (Kreitler & Krivoy, 2004). Un autre exemple peut être celui de projets
futurs comme l’organisation de ses propres funérailles ou de la succession de
ses possessions (Skeen & Webster, 2004).
Ce dernier exemple illustre un sujet très délicat et pourrait heurter la sensibilité
des parents. Toutefois, nous devons nous rappeler, ainsi que l’expliquer parfois
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aux parents, que l’enfant en fin de vie tente ainsi d’avoir un sentiment de
contrôle sur les évènements et de donner du sens à ses derniers jours de vie
(Lang et al., 2002). En effet, il s’agit pour l’enfant d’une période où il risque de
se sentir perdu, il peut avoir peur de se séparer de sa famille, mais également
de sa maison et de ses objets en général – ce qui explique pourquoi il pourrait
vouloir donner ses objets personnels. Il peut arriver aussi que l’enfant ait peur
d’avoir mal et de souffrir, car ce sont des choses qu’il peut déjà avoir ressenties
pendant la maladie ou dont il a été témoin chez d’autres enfants du
département. Il est donc important de rassurer l’enfant que nous sommes là
pour répondre à ses questions, pour l’écouter, pour l’aider un maximum en se
focalisant sur l’ici et maintenant. Pour résumer, il ne faudrait pas prendre trop
de temps en planifiant des projets et en utilisant des solutions à long terme,
mais plutôt trouver des stratégies de coping qui ciblent des objets très
spécifiques – par exemple, si l’enfant a peur de dormir dans l’obscurité, la
solution plus directe serait de laisser une lumière dans la pièce (Kreitler &
Krivoy, 2004).
Finalement il est bien d’insister sur le fait qu’il ne va pas être abandonné, que
sa famille l’aime et qu’il en fera toujours partie. Il serait aussi raisonnable
d’anticiper les états d’âme que le patient et sa famille vont éprouver
prochainement, que le fait d’être triste ou fâché est une réaction normale aux
vues de la situation. L’enfant doit être aussi rassuré au sujet du fait que
quelqu’un va aider sa famille (Baile et al., 2000 ; Skeen & Webster, 2004).
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Chapitre 6 : Comparaison entre la littérature et la pratique en Suisse
La plupart des soignants reconnaissent l’importance d’une participation active
des enfants pendant une consultation médicale (Lascar et al., 2013 ; Skeen &
Webster, 2004 ; Zwaanswijk et al., 2010). Cela rejoint les lignes directrices des
soins d’oncologie pédiatrique qui suggèrent de rendre ces patients participatifs
en leur communiqueant les informations à propos de leur situation. Toutefois,
cette opinion et ces directives ne correspondraient pas toujours à la pratique, où
les adultes prennent le dessus sur la situation. L’analyse de Wassmer et al.
(2004) sur 51 consultations pédiatriques qui visait à comprendre comment
fonctionne la communication entre médecins, parents et enfants, a confirmé
cette tendance où le médecin conduit l’entretien et il ne reste plus beaucoup de
place pour l’enfant (Howells & Lopez, 2008 ; Wassmer et al., 2004). Cette
tendance, influencée par un abaissement de l’empathie avec le temps et une
certaine limitation législative (Barruel et al., 2012 ; Woloschuk et al., 2004),
est à l’origine de notre problématique, qui se base essentiellement sur une
littérature anglophone. Si nous en tirons les informations au sujet de certains
soignants, celle-ci décrit une tendance à laisser la tâche d’annoncer la maladie
aux parents des enfants, bien qu’il est possible parfois que cela dépende du
vouloir même des parents (Hatano et al., 2011 ; Skeen & Webster, 2004 ;
Veldtman et al., 2000 ; Zwaanswijk et al., 2007). Plusieurs raisons sont citées,
comme la peur d’être blâmés, de causer d’extrêmes réactions aux patients ou
aux parents, de ne pas se sentir à l’aise avec leurs émotions ou les situations
difficiles en général (Lascar et al., 2013). Ces raisons, même humainement
compréhensibles, risquent de faire adopter une attitude distante aux soignants.
Ainsi, dans ce chapitre nous allons présenter la situation que nous avons pu
constater en Suisse.
6.1 Entretiens exploratoires en Suisse
Nous allons tout d’abord spécifier l’objectif de l’enquête, par rapport aux
hypothèses extraites de la littérature à notre disposition. Le but des entretiens
que nous avons effectués était de comparer la pratique des soignants en Suisse
et les tendances décrites dans la littérature, essentiellement anglophone, en
matière de communication du diagnostic et du pronostic aux patients
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d’oncologie pédiatrique. Dans ce contexte, nous avons donc contacté par
courrier électronique les services d’oncologie pédiatrique de différents
hôpitaux suisses. Après avoir accepté les conditions de notre étude exploratoire
– annexe 1 – neuf personnes travaillant en contact avec des patients
d’oncologie pédiatrique ont participé aux entretiens (Guittet, 2013 ; Nils &
Rimé, 2003). Cet échantillon était composé de cinq hommes et quatre femmes,
dont la participation était volontaire et non rémunérée. Ces personnes ont
toutes été rencontrées sur leur lieu de travail, du mois de février au mois de
septembre 2014. Nous avons eu également un entretien téléphonique d’environ
20 minutes avec un dixième participant, qui nous a donné des renseignements
utiles. Cependant, il n’a pas été possible de l’enregistrer et par conséquent d’en
avoir une trace écrite dans les annexes de ce mémoire.
En ce qui concerne le déroulement général des entretiens, nos conversations
ont duré de 13 à 40 minutes. Le temps annoncé était d’environ 20 minutes, ce
qui a été en effet la durée moyenne, mais nous n’avons pas voulu forcer les
personnes à répondre ou les freiner, ceci afin de maintenir une évolution la plus
naturelle possible. Ces entretiens ont été enregistrés à l’aide d’un dictaphone
Philips à 2GB, puis les conversations ont été retranscrites en respectant les
clauses d’anonymisation des données. Ensuite les enregistrements ont été
effacés comme établi dans le formulaire de consentement (Nils & Rimé, 2003).
6.1.1 Construction du guide d’entretien
L’entretien de recherche est une méthode scientifique de recueil
d’informations, pendant lequel deux personnes ont une conversation. Des
questions sont posées par le chercheur, qui les adapte selon les réponses
données par le participant. Dans cette définition, nous pouvons voir plusieurs
caractéristiques de l’entretien de recherche. Le participant fournit un discours
par rapport à sa perception et son interprétation des évènements. Ce discours
sera facilité autant que possible par le chercheur qui, d’une part, va guider la
réflexion du participant et, de l’autre va s’assurer que l’objectif de recherche ne
soit pas oublié, tout en adaptant le guide d’entretien à son déroulement dans
l’ici et le maintenant. Selon la directivité du chercheur, le participant sera très
cadré ou aura une expression libre (Nils & Rimé, 2003). La relation entre les
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deux personnes devrait idéalement être de type égalitaire, se basant sur la
confiance et la collaboration (Guittet, 2013).
Dans le cas de nos entretiens, nous avons choisi de procéder d’une manière
relativement standardisée, car l’objectif de ceux-ci était de faire une
comparaison entre les éléments fournis par la littérature et la pratique médicale
en Suisse. Ceci justifie notre intérêt pour le contenu manifeste du discours de
nos participants, en défaveur d’un contenu latent. De plus, ce choix a été
influencé par notre manque d’expérience dans le domaine des entretiens de
recherche qualitative. En somme, nous avons tenté d’utiliser une technique
entre l’entretien semi-structuré, avec un guide d’entretien préétabli, mais
flexible aux stimulations de nos participants, et l’entretien exploratoire, en nous
adressant à des experts dans le domaine de la communication avec des patients
pédiatriques, ceci afin de compléter notre travail de lecture (Nils & Rimé,
2003).
Pour construire notre guide d’entretien de façon à garder une certaine
flexibilité, nous l’avons partagé en trois parties. Premièrement une
introduction, dans laquelle nous nous sommes présentés, nous avons
brièvement rappelé le but de l’entretien et les conditions de son déroulement,
signées dans le formulaire de consentement – annexe 1 – (Guittet, 2013).
Deuxièmement, une série de questions préétablies qui ciblaient le sujet de la
communication du diagnostic aux patients d’oncologie pédiatrique. Ces
questions ont été adaptées au cas par cas, tout en cherchant à rester dans le
sujet concerné (Nils & Rimé, 2003). Lorsque nous avons réfléchi aux questions
du guide d’entretien, nous nous sommes focalisés sur leur ordre, car la manière
de répondre des participants risque d’être influencée par cela. Ainsi, les
questions qui touchaient un même thème devaient avoir une suite logique et
harmonieuse, afin de faciliter le déroulement de l’entretien (Lorenzi-Cioldi,
2003). Nous avons commencé par deux questions – annexe 2 – qui
permettaient d’entrer en discussion avec le participant tout en douceur et aussi
de vérifier si la personne pouvait bien appartenir à notre population cible. Juste
après ces premières questions générales de mise en confiance, nous sommes
passés à des questions plus difficiles ou sensibles (Nils & Rimé, 2003). Afin de
pouvoir standardiser nos questions, nous avons suivi les conseils donnés par
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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Lorenzi-Cioldi (2003) et Nils et Rimé (2003). Elles devaient être le plus
explicite et univoque possible, car une question trop générale pourrait induire
le participant à une interprétation ambiguë (Lorenzi-Cioldi, 2003). De même,
nous avons fait attention aux formulations, en évitant de suggérer à
l’interlocuteur de répondre d’une manière plutôt qu’une autre. De plus, tout en
étant dans un contexte scientifique, Nils et Rimé (2003) conseillaient d’utiliser
des formulations correspondant au langage parlé plutôt qu’écrit et de garder
une structure simple.
Plus en détails – annexe 2 –, nous avons demandé aux participants s’ils
annoncent directement le diagnostic à l’enfant (Howells & Lopez, 2008 ;
Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004 ;
Zwaanswijk et al., 2007 ; Zwaanswijk et al., 2010). Nous n’avons pas
interviewé uniquement des oncologues, c’est pourquoi nous avons utilisé
parfois des questions alternatives plus adaptées aux autres spécialisations, tout
en gardant le même sujet de discussion. Comme le conseillent Nils & Rimé
(2003), nous avons demandé de donner également un exemple, pour
comprendre la procédure qu’ils utilisent. Nous avons tenté de comprendre les
motivations et de voir comment ils se comportent en cas de conflit avec les
choix de communication des parents (Beale et al., 2005 ; Gaab et al., 2013 ;
Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004). Ces questions étaient celles
que nous considérons les plus sensibles, puis nous sommes passés à des
questions qui pouvaient nous aider à nous diriger vers la conclusion. Nous
avons demandé des informations au sujet d’éventuels programmes de
formation et de l’utilité de différents modèles de communication pour
soignants et/ou parents. Ce n’était pas prévu dans le guide d’entretien, mais dès
notre première discussion, nous avons ajouté une question sur le support
psychologique pour le personnel de l’hôpital.
Finalement, une troisième partie de clôture, afin de savoir si le participant
souhaitait ajouter quelque chose et si l’entretien s’était bien passé (Nils &
Rimé, 2003).
Nous devons tout de même souligner le fait que, une fois ce guide contruit,
nous n’avons pas effectué de prétest. D’habitude, cela serait la première étape
d’une étude de ce type (Guittet, 2013 ; Lorenzi-Cioldi, 2003 ; Nils & Rimé,
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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2003), mais pour des contraintes de temps et de participants à disposition, nous
ne l’avons pas effectué. De plus, nous devons aussi souligner que cette section
plus pratique ne faisait pas partie du projet initial de ce mémoire, dont
l’objectif était de recueillir la littérature concernant la manière de communiquer
le diagnostic et le pronostic de fin de vie aux patients d’oncologie pédiatrique.
Cependant, ces entretiens exploratoires et cette brève expérience en hôpital
nous ont permis d’enrichir notre savoir académique, théorique et personnel, et
ainsi de pouvoir développer une réflexion plus complète qui enrichira la partie
discussion de ce mémoire et notre future pratique.
6.1.2 Analyse du contenu manifeste
Pour analyser nos entretiens, nous nous sommes basés sur la construction de
notre guide. En effet, celui-ci touchait six thèmes que nous avons parcourus
dans la partie théorique de ce mémoire. Depuis le début, nous avons rassemblé
une grande quantité d’informations sur la manière d’annoncer le diagnostic de
cancer ou le pronostic de fin de vie aux patients pédiatriques, d’où les premiers
deux thèmes de nos entretiens. Nous avons analysé les raisons qui poussent les
personnes à expliquer ou non la maladie à l’enfant et nous nous sommes dit
que le thème de la résolution de conflit entre ces deux parties méritait d’être
investigué dans la pratique. Avant ces entretiens, nous avions uniquement deux
références anglophones au sujet de la formation sur la communication avec les
patients. Il nous semblait donc indispensable d’en savoir plus au niveau des
structures hospitalières suisses. De plus, nous voulions avoir une opinion à
propos des modèles de communication structurés ou non, afin d’avoir une idée
de l’acceptabilité de notre modèle dans la pratique. Finalement, étant engagés
dans le domaine de la psychologie, la question du support psychologique est
née spontanément.
Cependant, gardant une certaine flexibilité, cinq autres thèmes sont ressortis, à
savoir le travail multidisciplinaire, le savoir des enfants, le manque de temps, la
législation et le symbolisme. Nous nous sommes rendus compte en partie de
ces thèmes pendant le déroulement même de nos entretiens. Puis, nous les
avons codés de manière plus systématique après plusieurs relectures des
transcriptions des entretiens. Dans le tableau 4, nous présentons le résultat de
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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notre analyse de contenu, mais nous laissons la possibilité aux lecteurs de
revoir les entretiens dans les annexes et d’ouvrir la voie à d’autres pistes
d’analyse. En effet, nous n’avons pas pu comparer notre codage avec une
deuxième ou plusieurs personnes. Ceci pourrait donc être une opportunité d’en
discuter et même d’approfondir ces informations avec de nouveaux entretiens.
Tableau 4
Résumé de l’ensemble de thèmes et sous thêmes des entretiens exploratoires
Thèmes et sous-thèmes des entretiens exploratoires au sujet de la communication du
diagnostic et du pronostic de fin de vie patients d’oncologie pédiatrique
Thèmes préétablis Sous-thèmes Thémes
supplémentaires
Sous-thèmes
L’annonce
diagnostique
- Le dire d’abord aux parents ;
- Choisir qui le dit à l’endant ;
- S’adapter à l’âge de l’enfant ;
- Qui doit être présent au moment
de l’annonce.
Le travail
multidisciplinaire
- Les infirmières ;
- Les pédopsychiatres et
les psychologues ;
- Les autres professions.
L’annonce
pronostique
- Le dire d’abord aux parents ;
- Choisir qui le dit à l’endant ;
- S’adapter à l’âge de l’enfant ;
- Qui doit être présent au moment
de l’annonce ;
- Le fait de connaitre déjà les
patients.
Le savoir des enfants
La résolution de
conflit
- L’occurrence des conflits ;
- Donner des explications ;
- S’adapter au souhait des parents ;
- La difficulté de s’adapter au
souhait des parents.
Le manque de temps
La formation - Ne pas avoir suivi une formation
sur la communication ;
- Motivations pour suivre ou non
cette formation ;
- Les formations extrenes ;
- Les formations internes ;
- Faire des lectures ;
- Formation par l’expérience.
La législation - Les informations
générales ;
- Les informations
concernant les études
cliniques.
Les modèles de - En faveur d’un modèle semi- Le symbolisme
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communication structuré ;
- En opposition à l’utilisation d’un
modèle.
Le support
psychologique
- Ne pas avoir besoin d’un support
psychologique personnel ;
- Besoin et utilité d’un support
psychologique personnel ;
- Discuter avec les collègues ;
- Support psychologique externe ;
- Support psychologique interne.
Notes. Le savoir des enfants, le manque de temps et le symbolisme sont des thèmes évoqués à plusieurs réprises par les
participants, mais qu’ils n’ont pas dévéloppé autant que les autres thèmes.
6.1.2.1 Annonce diagnostique3
Selon le personnel interrogé dans cinq hôpitaux suisses, il y aurait une claire
volonté d’annoncer le diagnostic de cancer aux patients pédiatriques. Les
soignants disent discuter toujours d’abord avec les parents, afin de pouvoir leur
annoncer la mauvaise nouvelle, en essayant de les convaincre de partager le
diagnostic avec l’enfant selon des modalités qu’ils vont établir ensemble, de
leur donner la possibilité d’exprimer leurs émotions et en leur rappelant qu’ils
vont répondre à leurs questions autant de fois qu’il leur faudra « …je pense que
je le dis au moins une fois dans une annonce diagnostic c’est que "vous pouvez
tout oublier on vous dira tout ce qui faut autant de fois qui faut et c’est bien
normal que que ça vous passe"… » – annexe 10.
Par rapport à la personne chargée de communiquer le diagnostic à l’enfant,
plusieurs solutions sont envisageables. Les oncologues proposent de le faire
avec la présence des parents ou de leur laisser la possibilité de parler à leur
enfant en privé, tout en restant disponibles pour répondre à leurs questions dans
un second temps. Un participant avec de l’expérience et beaucoup de tacte
nous explique ces possibilités « …je le fait volontiers mais que, s’ils le veulent
pas et qu’ils veulent le faire eux-mêmes je suis aussi ouvert à ça quitte à
assister à la discussion s’ils veulent, ou bien revenir dans un deuxième temps et
3 Nous avons mis des exemples pour illustrer les différents thèmes. Ces exemples sont pris
tels qu’ils ont été prononcés et que nous les avons retranscrits.
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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s’ils veulent que je complète des choses et s’il y a des questions
particulières… » – annexe 4 –.
L’objectif serait d’informer les enfants, tout en adaptant cette annonce à leur
âge. Ainsi, il y aurait un langage plus adéquat pour les enfants plus jeunes,
avec des explications simplifiées, parfois à travers des histoires illustrées, ou
un langage plus évolué pour les adolescents.
De plus, quand il n’y a pas de contraintes temporelles, les oncologues préfèrent
communiquer le diagnostic en présence d’une infirmière, qui sera responsable
du patient en question « The idea is that one of the nurses who will be
responsible for that patient for the next hours or some days and one of the
pediatric psychologists are here […] the idea is that at least three persons
from different, profession are there… » – annexe 11 –, ou des intervenants qui
avaient le patient en charge avant eux pour le passage du mandat. Cependant,
nous avons constaté une différence entre les hôpitaux de Suisse latine et ceux
de Suisse alémanique. Ce deuxième groupe trouve utile d’avoir la présence de
psychologues lors de l’annonce, alors que le premier groupe ne ressent pas ce
besoin, en laissant la place aux pédopsychiatres pour la suite de la prise en
charge.
6.1.2.2 Annonce pronostique
De manière générale, le fonctionnement de l’annonce pronostique serait
semblable à celui que nous venons de décrire pour l’annonce diagnostique
« Oui la procédure est tendanciellement la même dans le sens, avant on discute
ou tendanciellement je discute avant avec les parents, ainsi au moins ils ont la
possibilité de poser toutes les questions qu’ils veulent en privé… » – annexe 6
–. Les parents sont les premiers à être mis au courant, afin qu’ils puissent poser
toutes leurs questions. Ensuite les adultes vont discuter des modalités de
communication, à savoir qui le dit à l’enfant et où l’enfant va passer le temps
qui lui reste à vivre. Les informations sont adaptées encore une fois à l’âge de
l’enfant et les différents spécialistes sont là pour soutenir en groupe la famille.
Toutefois, les participants ont insisté sur une différence entre les deux
situations d’annonce. Lors du suivi des soins, le personnel soignant et la
famille apprennent à se connaître, ce qui crée un lien particulier. D’un côté,
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73
cela donne des pistes aux médecins sur le choix des mots à utiliser pour
affronter certains discours difficiles, mais de l’autre, cela devient un devoir
émotionnellement très chargé « …second you know each other parents of the
patients and doctors and nurses know each other and this discussion of end of
life is much REALLY much more stressful for all participants including
professionals because you know each other…» – annexe 11.
6.1.2.3 Résolution de conflit
Si nous avons pu constater que la communication en oncologie pédiatrique
n’est pas un tabou pour les praticiens en Suisse, ce sujet reste plus délicat pour
les parents. Par contre, les avis des participants sont un peu partagés entre ceux
de Suisse latine, qui disent que les parents s’opposent rarement au fait de
rendre l’enfant participatif « …c’est rare quelqu’un qui ne veut absolument
rien dire aux enfants… » – annexe 4 –, et ceux de Suisse alémanique qui sont
plus souvent face à cette situation conflictuelle. Dans un des entretiens, le
participant remarque une opposition plus fréquente quand les familles viennent
d’une culture différente « …that’s a quite common situation particularly, in
families coming from, the south east of Europe, so in Italy or ex-Yugoslavia
that’s quite common that families do not inform the child, or also families
coming from Turkey… » – annexe 9 –.
Afin de résoudre le conflit, les participants décrivent plusieurs solutions. Celle
qui paraît être la plus efficace est de prendre du temps pour expliquer aux
parents qu’il est normal de leur part de vouloir protéger l’enfant, que celui-ci le
fait aussi de son côté, mais qu’il est important d’expliquer les choses aux
enfants avec les mots justes, pour les rassurer, car ils ressentent beaucoup de
choses et ont besoin eux aussi de comprendre. Ceci arriverait à convaincre les
parents d’ouvrir la discussion avec leur enfant.
Par contre, quand les parents restent réfractaires à l’ouverture de la discussion,
les soignants tentent de garder une bonne alliance thérapeutique en s’adaptant à
la situation. Partir dans un véritable conflit peut être préjudiciable, le risque
étant de ne pas assurer des soins de qualité, donc le personnel médical
commence par exprimer son respect à la famille, en acceptant de suivre ses
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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directives à propos de la communication. Le plus souvent, il s’agit de ne pas
utiliser les mots cancer, tumeur et de modifier les termes techniques des soins.
Cependant, le fait de devoir coordonner ces directives parentales rend parfois le
travail très difficile pour le personnel. En effet, quand les soignants sont limités
dans leur possibilité d’explications et que l’enfant pose des questions bien
spécifiques, un dilemme se crée entre leur propre conviction et le souhait des
parents, comme nous le décrit un participant « … ça peut être difficile de de
gérer si un enfant dit à une, "je sais que je vais mourir" ou "je suis trop jeune
pour mourir", ON S’Y ATTEND PAS donc c’est toujours, EST-CE QUE J’OSE
DIRE OU PAS ? parce qu’on sait peut-être que la famille ne le souhaite pas, si
c’est ouvert ok, la frontière n’y est pas, mais oui ça peut être difficile ouais
difficile. » – annexe 5 –. De plus, il est difficile que tous les spécialistes des
différents services soient au courant et le fait que par erreur quelqu’un parle à
l’enfant de son cancer semble inévitable « Cet accord-là, ça risque de de mal
passe se se passer quoi y a trois quatre semaines, en radiologie où le le
radiologue ou la personne qui était le médecin qui était là a dit les choses très
franchement à l’enfant devant la maman qui n’a pas du tout aimé, donc ça ça
met tout le monde un peu mal à l’aise… » – annexe 4 –.
6.1.2.4 Formation
De notre point de vue, la formation paraît être un sujet problématique, à savoir
qu’aucun de nos participants n’a eu de formation spécifique en ce qui concerne
la communication avec les enfants et diverses explications ont été données
pour ce manque. Certains médecins disent que ce type de formation n’existait
pas quand ils ont fait leurs études il y a 15 ans ou plus, autrement ils l’auraient
volontiers suivi. Cependant, en imaginant que des cours soient disponibles de
nos jours, ces médecins disent avoir difficilement le temps pour les suivre ou
avouent se sentir mal à l’aise avec certaines modalités, telles que les jeux de
rôles devant un public. D’autres participants ont simplement reconnu ne pas
avoir recherché ces cours.
Dans un hôpital que nous avons visité en Suisse alémanique, les médecins
organisent une formation interne afin de développer leurs compétences en
matière de communication, mais le tout vise la discussion entre adultes « …but
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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talking to parents yes, we did […] we have a COURSE HERE a peer group
where we do videos and, show each other how we talk to parents and analyze
our, our way of, discussing issue… » – annexe 9 –.
Concernant les cours qui existent en dehors des structures dans lesquelles
travaillent nos participants, la plupart vise la communication entre adultes.
Cette situation se réplique quand la formation est proposée en interne. A notre
connaissance, la seule structure qui offre une formation spécifique sur la
communication de mauvaises nouvelles aux patients pédiatriques est celle
décrite dans l’entretien avec notre dixième participant pour lequel nous n’avons
pas de trace écrite. Cependant, aucun des neuf autres participants ne semble en
être au courant « Non il en n’a pas eu mais même pendant la formation en
générale que je sache non ILS NE SONT MÊME PAS PRÉVUS et il n’y en a
pas en ce moment CHEZ NOUS en Suisse mais également à l’étranger je n’ai
pas vu tellement de ces choses. » – annexe 6 –.
Toutefois, certains oncologues nous ont affirmé essayer de combler leur
manque de formation dans ce domaine par la lecture d’articles scientifiques. De
plus, l’expérience de travail semble avoir comblé ce manque, car les collègues
plus expérimentés passent leur savoir aux plus jeunes « …et puis avec le temps
on a quand même réussi à faire en sorte disons en travaillant ici en travaillant
ailleurs en travaillant avec des gens qui ont travaillé ailleurs à avoir une façon
de faire qui paraît adéquate… » – annexe 3 –.
6.1.2.5 Modèle de communication
Selon nos participants, un modèle standard n’est pas applicable dans la réalité
pratique, mais la plupart disent qu’il serait possible d’utiliser un modèle semi-
structuré. Une sorte de check-list avec un certain nombre de points à ne pas
oublier paraît utile, tout en gardant à l’esprit qu’il faut s’adapter aux personnes
qui sont en face des soignants « … un peu une chose au milieu selon moi parce
que, LE STANDARD va bien comme check-list standard ce que je dois faire ok,
mais il faut toujours l’adapter aux personnes que tu as devant… » – annexe 7.
Un outil plus structuré qu’une check-list rendrait plus difficile leur travail et
deux oncologues se sont montrés très opposés à cette idée, en ne laissant de
place qu’à l’expérience et au traitement au cas par cas « …suivre un protocole
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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ça parait ILLUSOIRE de penser qu’on puisse suivre un protocole qui va
marcher pour tout le monde qui va être la bonne façon pour tout le monde, s’il
y en ait de bonne façon de faire […] un protocole me semble impossible, en
tout cas AVOIR UN PROTOCOLE QUI PUISSE CONVENIR À TOUT LE
MONDE me semble impossible (rire) » – annexe 10 –. Une de ces deux
personnes nous a même avoué en privé que le type de mémoire que nous avons
proposé ne serait d’aucune utilité. Nous en dirons plus dans la discussion du
mémoire.
6.1.2.6 Support psychologique
Le support psychologique est un autre thème pour lequel les avis sont mitigés
et parfois contradictoires. En effet, un seul de nos participants dit recourir à un
soutien psychologique « … I do that for myself I have a psychological support,
and I, yeah I I think that’s extremely useful and I feel that I need it… » –
annexe 9 –, même si la plupart disent qu’il y a besoin de pouvoir parler de ses
propres émotions « … c’est important que ça ait lieu et c’est important que les
gens puissent dire qui peuvent se poser des questions et pis en parler. » –
annexe 3 –. Cependant, le personnel préfère discuter entre collègues, plutôt que
de se confier à des psychologues.
Les hôpitaux n’obligent pas le personnel à discuter avec un spécialiste, même
en cas de décès d’un patient, mais si quelqu’un le souhaite, cette possibilité est
offerte. La plupart des services dans lesquels nous sommes passés ont tenté
d’organiser des discussions de groupe entre collègues, mais ces moments de
discussion ont été interrompus car les personnes ne sont plus venues ou parce
que leur organisation reposait sur l’initiative personnelle d’un membre du
personnel qui ne travaille plus « … we had some kind of TEAM SUPERVISION
but we haven’t done that since years now… » – annexe 9 –. Toutefois, les
médecins reconnaissent que les infirmières sont plus impliquées, tout en
justifiant parfois qu’elles y trouveraient plus de nécessité qu’eux. Ces constats
sont parfois contradictoires par rapport aux avis sur le besoin d’exprimer ses
émotions. L’exemple le plus parlant est probablement celui d’un participant
qui, dans un premier temps, s’exprimait sur le fait de parler avec ses collègues
de la manière suivante « …ça permet d’exprimer ses émotions d’exprimer son
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
77
ressenti sur une sur une situation et pis là déjà le plus gros du travail est fait
dans la protection de de de soi… », pour ensuite ajouter ironiquement « …aller
mettre un psychiatre à côté de chacun ou un psychologue à côté de chacun
pendant pendant sa vie professionnelle je pense que c’est aussi illusoire on
peut imaginer ça au golf pour (grand rire) à côté d’un golfeur pendant ses 18
trous… » – annexe 10 –. En général, les participants exprimaient des
sentiments très forts quand ils parlaient du travail en oncologie pédiatrique,
mais ils avaient tendance à se montrer fermés lorsqu’il s’agissait de décrire
explicitement leur stratégie de coping. Nous ferons des commentaires plus
approfondis dans la partie consacrée à la discussion.
6.1.2.7 Travail multidisciplinaire
Le travail multidisciplinaire est un thème qui a souvent été évoqué par les
participants. Les médecins reconnaissent un rôle très important aux infirmières.
S’il n’y a pas de contraintes temporelles, elles sont généralement présentes lors
de l’annonce du diagnostic et du pronostic. De leur côté, les infirmières sont
satisfaites que leurs opinions soient sérieusement prises en considération
pendant les réunions de réseaux multidisciplinaires « En groupe entre médi
médecins donc c’est aussi nous infirmières c’est c’est beaux ici on nous
demande aussi notre avis on participe il y a des réseaux multidisciplinaires… »
– annexe 5 –. En effet, puisqu’elles passent plus de temps avec les patients et
leurs familles, le contact peut parfois devenir très personnel. De plus, comme
nous l’avons décrit ci-dessus, les médecins leur reconnaissent une meilleure
organisation des groupes de parole.
Dans l’équipe de ces services d’oncologie pédiatrique, il y a des spécialistes
pour le support psychologique des patients et de leurs familles. Cependant,
nous avons constaté une grande différence entre les hôpitaux de Suisse latine et
ceux de Suisse alémanique. Dans le premier groupe cité, il y a des
pédopsychiatres qui s’occupent du soutien émotionnel pendant la prise en
charge du patient « …les pédopsychiatres QUI vont voir la famille dans un
second temps… » – annexe 10 –, alors que dans le deuxième groupe, il y a des
psychologues qui, sauf contrainte de temps, sont présents également au
moment de l’annonce diagnostique « ... OR we also, sometime do is we do this
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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type of discussion together with a psychologist and the ru the role of the
psychologist is to SIT SIDE parents and TRY TO ASK QUESTIONS, or to
FORMULATE, CORCENRS or WHATEVER, AS A advocate for the parents…»
– annexe 8 –.
Finalement, la coordination doit se faire entre un nombre assez élevé d’acteurs
tels que des oncologues, infirmières, psychologues, chirurgiens, radiologues,
intervenants de pédiatrie générale, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, les
bénévoles, les écoles et beaucoup d’autres.
6.1.2.8 Savoir des enfants
En dehors de deux participants, tous ont évoqué une profonde conviction que
les enfants sont au courant quand quelque chose ne va pas. Même les enfants
très jeunes comprennent à leur façon que quelque chose ne va pas « … la
plupart du temps ils sont capables de réaliser que ça ne va pas même s’il est
petit même quatre cinq ans comme ça ils comprennent à leur façon… » –
annexe 4 –, et ceux qui sont un peu plus grands arrivent à l’exprimer, en
parlant avec les soignants de choses qu’ils ne peuvent pas dire à leurs parents,
soit parce que ce n’est pas une habitude de la famille ou soit pour les protéger
« …elle m’a dit "et surtout tu dis pas à mes parents que je sais".
L’IMPORTANT pour cet enfant c’était de protéger ses parents elle savait très
très bien ce qui arrivait… » – annexe 10 –. Selon un participant, ils sont
conscients de leur maladie avant que les adultes ne s’en rendent compte « … en
principes les enfants le SAVENT déjà avant avant avant NOUS… » – annexe 5
–. De plus, même si les adultes ne souhaitent pas en parler, les enfants sont
capables de voir autour d’eux des indices très parlants, comme les regards, les
visages très concernés et toutes les réactions en général « …ils le savent aussi
parce qu’ils VOIENT dans nos REGARDS dans nos RÉACTIONS TOUT LEUR
DIT que ça va pas… » – annexe 10 –.
6.1.2.9 Manque de temps
Le temps est un facteur qui a été décrit comme particulièrement stressant et qui
entrave la coordination du travail multidisciplinaire. C’est un sujet auquel nous
n’avons pas pensé lors de la construction du guide d’entretien, mais les
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
79
participants en ont souvent parlé. Par exemple, il n’y aurait pas beaucoup de
temps pour suivre des formations continues « … j’aimerais bien pouvoir suivre
une fois que je n’ai pas encore eu le temps… » – annexe 4 –, pour participer à
des groupes de discussion, pour organiser l’annonce du diagnostic et du
pronostic de façon structurée, les infirmières et psychologues n’arrivent pas
toujours à y être présents « …sometimes the nurse has no no n n n no time to to
come… » – annex 8 –, et les oncologues n’ont pas assez de temps pour se
remettre en question en prenant un moment de réflexion sur la manière dont
s’est passée une annonce « … to really write it down you don’t do that in in
your DAY TO DAY as a doctor life because you do not have the time… » –
annexe 9 –.
6.1.2.10 Législation
Nous avons remarqué qu’il est difficile d’obtenir des renseignements à propos
de la législation sur l’information aux patients pédiatriques. Un seul de nos
participants nous a clairement expliqué que les adolescents sont responsables
de leurs choix en matière de santé à partir de l’âge de 16 ans et, de ce fait, ils
devraient être informés comme des adultes. En d’autres termes, ils peuvent
décider s’ils veulent accepter ou refuser des traitements et les parents ne
peuvent pas s’y opposer. « Légalement c’est seize ans, dès seize ans je peux
décider de REFUSER ou ACCEPTER une thérapie et les parents ne peuvent
rien dire donc même en tant que médecin si un parent oh vient et dit "mon fils a
17 ans" dit "IL N’EST PAS MAJEUR c’est moi qui décide" non c’est dès seize
ans, donc dès seize ans vu qu’ils ont cette faculté l’information devrait être
COMPLÈTE, ABSOLUE, COME SI JE LA DONNAIS à un adulte… » – annexe
6 –.
L’information est plus réglementée lorsqu’il s’agit d’essais cliniques. Si les
parents souhaitent participer à une étude sur des traitements en phase
expérimentale, selon le protocole, les enfants doivent signer les formulaires de
consentement « …il y a dans nos protocoles des des comment dire des
formulaires à signer par le consentement par les enfants… » – annexe 4 –.
Cependant, la limite d’âge dans ce type de situation ne nous est pas claire. Ce
que nous pouvons constater, c’est qu’il existe des protocoles pour les
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Conte, M. A. Mémoire de Master 2014
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informations sur les essais cliniques, mais il n’y en aurait pas pour les
informations sur le diagnostic et le pronostic.
6.1.2.11 Symbolisme
Le langage symbolique est un sujet que nous n’avons pas imaginé dans ce
mémoire et, même si nous avons dit que cette analyse se limitait au contenu
explicite des entretiens, nous devons signaler un terme qui est apparu très
souvent. En effet, la prise en charge est décrite comme un « chemin » qui doit
être parcouru en groupe et qui se dirige vers quelque chose de positif. Les
termes « chemin » ou « cheminement » ont également été employés en parlant
du deuil. « Voilà, pouvoir être encore dans un cheminement, pour essayer de le
remettre dans un cheminement positif et dans un chemin, LE MEILLEUR QUI
SOIT même si st c’est un chemin qu’on voudrait jamais prendre et que et que
et qui est le pire chemin à prendre pour un parent. » – annexe 10 –.
Nous soulignons aussi deux images symboliques utilisées par deux des
participants. Une première, très parlante, est une comparaison entre recevoir
l’annonce du diagnostic de cancer et recevoir « …une batte de baseball dans la
figure… » – annexe 10 –. La deuxième est le moment où la tumeur est enlevée
par l’intervention chirurgicale. Une étape qui, selon ce participant, est
symbolique pour les parents du patient « …parce que la chirurgie c’est une
étape un peu, clef d’une part dans le traitement mais aussi symboliquement,
pour les parents là il y a le moment où on va l’enlever cette tumeur… » –
annexe 3 –.
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81
Discussion
Finalement, nous allons nous focaliser sur un certain nombre d’interprétations
par rapport à la littérature essentiellement anglophone, notre proposition de
modèle qui en est dérivée et les résultats de nos entretiens exploratoires dans
différents hopitaux suisses.
Le modèle que nous proposons naît d’un besoin de communication dans les
services pédiatriques où sont traitées des maladies graves. En effet, la maladie
chez l’enfant est perçue socialement comme particulièrement douloureuse, ce
qui influencerait une tendance des adultes à ne pas vouloir communiquer les
mauvaises nouvelles (Beale et al., 2005 ; Gaab et al., 2013 ; Lyons &
Chamberlain, 2008 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004). Cette
tendance serait ultérieurement influencée par l’abaissement de l’empathie avec
le temps chez les soignants et une législation qui parfois limite la volonté de
ceux-ci de discuter plus en détails avec les patients pédiatriques (Balez et al.,
2014 ; Barruel et al., 2012 ; Oppenheim, 2004 ; Woloschuk et al., 2004).
La littérature au sujet de la communication avec les enfants malades est
partagée entre les auteurs qui proposent une solution sous forme de liste de
conseils particulièrement souples (Canouï, 2004 ; Howells & Lopez, 2008 ;
Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012) et ceux qui
proposent des modèles plus structurés (Baile et al., 2000 ; Silverman et al.,
2010). Nous avons donc fait une synthèse de toutes ces références afin de créer
un modèle semi-structuré, à savoir quatre phases d’annonce du diagnostique,
plus deux phases supplémentaires en cas de stade terminal, et une marge
d’adaptation à l’interieur de chaque phase, afin de pouvoir adapter les conseils
au cas par cas. Cependant, nous pensons que le besoin de structure se justifie
par la nécessité de donner une base aux soignants et parents plutôt que de se
fier au seul bon sens (Canouï, 2004).
Tout en sachant l’importance de la démarche que nous décrivons afin
d’améliorer le vécu de la maladie des patients d’oncologie pédiatrique et de
leur famille, nous nous rendons compte des contraintes que cela pourrait
représenter dans le domaine pratique. En effet, cela prend du temps (Dikici et
al., 2013 ; Fallowfield & Jenkins, 2004), non seulement pour la mise en place
d’un tel projet, mais également pour son exécution régulière, quotidienne et
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ceci représenterait un désavantage pour les finances des systèmes de santé
publique (Oppenheim, 2004). Toutefois, la santé publique a le devoir éthique
d’assurer une égalité de qualité des soins pour tous les patients, donc également
pour ceux pédiatriques (Moatti et al., 2012). Ce type de démarche toucherait un
grand nombre d’acteurs, car parmi d’autres, l’oncologie est un domaine qui
nécessite des équipes multidisciplinaires. Il faudrait donc avoir une
coordination qui permet d’obtenir une continuité de la communication et qui
assure que tout le monde est au courant de ce qui a été dit ou non (Fallowfield
& Jenkins, 2004 ; Kreitler & Krivoy, 2004). Barruel et al. (2012) suggèrent
d’attribuer ce rôle aux psychologues, ce qui faciliterait la construction d’une
bonne alliance thérapeutique de leurs collègues avec les pateints.
Notre projet voudrait être une alternative à une pratique médicale parfois trop
focalisée sur le seul fonctionnement biologique de la maladie, une approche
centrée non uniquement sur les adultes et une démarche pédagogique détaillée
pour aider les étudiants de médecine à développer leurs compétences
communicationnelles. Ceci dit, il est évident qu’il ne s’agit encore que d’une
proposition théorique, qui nécessite d’être testée sur le terrain, ainsi que d’être
jugée par des experts afin de vérifier sa validité, sa conformité aux codes
déontologiques et aux besoins des patients (Fallowfield & Jenkins, 2004).
Cependant, nos entretiens exploratoires nous ont permis de faire un premier pas
dans cette direction.
Par rapport à la problématique soulignée par ce mémoire, nous avons pu
constater que la totalité de nos participants ont la convinction que l’enfant doit
être mis au courant de sa maladie. Donc, la situation en Suisse paraît être moins
grave que celle décrite dans la littérature (Lascar et., 2013 ; Skeen & Webster,
2004 ; Wassmer et al., 2004 ; Zwaanswijk et al., 2010), mais il reste tout de
même certaines contraintes de communication de la part des parents. Si nous
nous focalisons sur les bases juridiques pour le quotidien du médecin éditées
par l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) et la Fédération des
Médecins Suisses (FMH), les soignants ont peu de marge sur la communication
directe avec les enfants. En effet, celles-ci considére que les enfants ne sont pas
capables de discernement, les informations concernant la maladie doivent donc
être données aux parents. Nous retrouvons ici les indications sur la législation
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qu’un seul de nos participants avait su nous décrire en détails, à savoir que la
limite de capacité de discernement est considérée être totalement acquise à
partir de 16 ans. Cependant, ce guide laisse une marge d’adaptation lorsque les
patients ont entre 12 et 16 ans. Dans cette tranche d’âge, c’est au médecin
d’analyser la capacité de discernement au cas par cas. De manière générale, il
est cependant souligné que les parents ont plus de pouvoir de décision que leur
enfant.
Cette limite de discernement n’est pas très claire, à savoir que les soignants
devraient décider si un patient donné a atteint une certaine maturité à ses 12, 16
ou 18 ans. Ces bases juridiques laissent donc la possibilité aux médecins de se
fier entièrement à leur bon sens, chose que nous déconseillons (Canouï, 2004),
en vue d’un éventuel déficit d’empathie (Woloschuk et al, 2004), qui risque
d’entraver une prise de décision judicieuse. Cette ambiguité explique
également pourquoi les participants nous ont souvent parlé d’une volontée de
communication avec leurs patients pédiatriques, mais de l’absence de
directives explicites sous forme écrite.
Avec ce type de législation, qui limite l’âge des patients ayant le droit de prise
de décision, il est également compréhensible qu’aucun de nos participants n’ait
eu de formation pratique en matière de communication avec les enfants. De
plus, si d’un côté la littérature nous donne le protocole SPIKES (Baile et al.,
2000), le guide Calgary-Cambridge (Silverman et al., 2010) et d’autres
formations personalisées par les universités comme programmes
d’enseignements efficaces, de l’autre aucun de nos participants n’était au
courant de l’existence de ces modèles. Toutefois, nous devons avouer que nous
avons également eu de la difficulté à obtenir des informations au sujet des
formations existantes dans ce domaine et quand elles existent, elles ne ciblent
pas forcément la situation pédiatrique. Pour le moment, nous avons vu que la
formation des soignants suisses en matière d’annonce de mauvaises nouvelles
se base principalement sur l’observation de collègues plus expérimentés et ils
sont encore loin des entainements avec des patients simulés (Al Odhayani &
Ratnapalan, 2011). Autrement seuls deux hôpitaux de Suisse allémanique nous
ont expliqué leur formation de façon plus concrète. Dans le premier, que nous
avons pu visiter, des sessions d’entrainement entre oncologues et psychologues
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qui reviennent sur des entretiens d’annonce du diagnostic passés avec les
parents de patients sont organisées. Toutefois, les acteurs qui sont présents sont
tous adultes. Dans le deuxième cas, un hôpital que nous n’avons pas pu visiter,
notre dixième participant nous a expliqué qu’il collabore avec l’université du
canton en question. Cette université donne un cours sur la manière d’annoncer
les mauvaises nouvelles aux adolescents, de plus, la personne responsable de
ces cours et une autre collaboratrice donnent des conférences à l’hôpital pour le
personnel soignant. Tout en étant une organisation cantonale, les participants
des autres cantons n’étaient cependant pas au courant. Il nous semble donc
indispensable d’agir sur l’axe de la formation, en élaborant des programmes
adaptés aux craintes des personnes qui ne se sentent pas à l’aise avec certaines
situations de groupe et en divulgant l’information par rapport à l’existence de
ces formations (Dikici et al., 2013 ; Fallowfield & Jenskins, 2004).
Les différentes phases que nous proposons pourraient servir exactement
comme guide pour ce type de formation. Nous les avons décrites de façon très
détaillée, car nous voulions donner une base pour l’enseignement de la
communication avec les patients pédiatriques aux futurs soignants et un point
de départ dans la recherche dans ce domaine. Quand nous en avons parlé avec
nos participants, ceux-ci nous expliquaient qu’ils trouvaient plus utile une sorte
de check-list avec des points à ne pas oublier et qui permettrait de s’adapter à
différentes situations. Selon eux, quelque chose de plus structuré qu’une check-
list rendrait plus difficile leur travail. Nous pouvons donc imaginer une version
plus concise de notre modèle, que les oncologues pourraient employer comme
aide-mémoire pour leur pratique, mais il devrait être utilisé dans sa version
intégrale lorsqu’il s’agit de l’enseignement des jeunes médecins encore en
formation.
Lorsque nous avons discuté avec les participants, nous avons été surpris
d’observer un certain niveau de contradiction. En fait, même les soignants qui
se disaient totalement opposés à un protocole structuré ont en réalité une
pratique très proche de celle que nous proposons. Comme décrit dans la phase
1 de l’annonce du diagnostic ou du pronostic, tous nos participants parlent avec
les parents en premier. Puis, comme décrit dans la phase 2, tous nous ont
expliqué comment ils tentent d’organiser la communication avec les enfants,
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selon différentes modalités adaptées à l’âge du patient. Lorsqu’ils obtiennent
cet accord de la part des parents, ils se rendent disponibles pour parler avec
l’enfant, avec des mots simplifiés et parfois du matériel illustré, comme nous le
suggérons dans la phase 3. Seule la phase 4 n’a pas été citée, mais nous
pensons que ceci a été dû à la courte durée de nos rencontres. Nous pouvons
affirmer que la pratique des soignants suisses plus expérimentés correspond
plus ou moins à notre modèle et qu’il est donc possible de laisser une trace
écrite de ce fonctionnement, en ne se confiant plus uniquement au bon sens
d’une volonté implicite de communication en oncologie pédiatrique (Canouï,
2004). De plus, légalement, il existe déjà des protocoles écrits par rapport à
l’information donnée aux enfants lors d’essais cliniques.
Lors de nos entretiens, un autre aspect nous a surpris, à savoir l’incongruence
entre l’expression d’émotions très fortes et le fait de décider de ne pas en parler
avec un spécialiste. Les participants ont utilisé parfois des expressions très
fortes en décrivant leur état d’âme, telles que « on est tous catastrophés » –
annexe 3 –, « c’est toujours quand même un grand, vraiment désespoir je ne
saurais comment dire autrement vraiment » – annexe 7 –, « ça vient vous
chercher dans les tripes », « on est dans l’horreur » ou « c’est TELLEMENT
HORRIBLE » – annexe 10. Cependant, ces descriptions étaient suivies d’un
étonnement lorsqu’ils étaient questionnés à propos d’un éventuel soutien
psychologique. Nous avons interprété cette attitude comme le reflet de la
tendance à diminuer l’implication émotionnelle des soignants face aux
situations particulièrement difficiles à vivre (Riess, 2010, Woloschuk et al.,
2004). De plus, le fait qu’un seul de nos participants a recours à un soutien
psychologique externe confirme les résultats de Vanderweker et al. (2005).
Nous devons rappeler que selon leur étude, le 13% de 200 participants déclarait
avoir un suivi ou présentait des symptômes de différents troubles
psychologiques (Morgan et al., 2009 ; Vanderweker et al., 2005 ; Zander et al.,
2010). Il s’agit d’une minorité, mais qu’il ne faut absolument pas négliger, car
elle pourrait avoir une influence sur la qualité de la prise en charge des
patients. Une réflexion plus profonde pourrait être utile dans ce domaine. Nous
pourrions nous demander si nous surestimons la gravité de l’état émotionnel
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des soignants ou si des changements sont nécessaires au niveau de
l’intervention psychologique dans les hôpitaux suisses.
Le concept du rôle des psychologues dans les services d’oncologie pédiatrique
est ressorti lors de notre enquête pratique. Nous avons pu constater des
différences entre leur utilisation en Suisse allémanique, dont la pratique est en
train de se rapprocher de celle décrite dans la littérature anglophone, et en
Suisse latine. En Suisse allémanique, les psychologues sont appelés à assister
les oncologues dès l’annonce du diagnostic, alors qu’en Suisse latine, nous ne
parlons plus de psychologues, mais de pédopsychiatres avec une formation en
médecine et qui sont là plutôt pour la prise en charge suivante. Cette différence
de point de vue sur le rôle des psychologues pourrait avoir une influence sur
l’applicabilité de notre projet au niveau suisse.
En résumé, nous avons mené une enquête qui nous a donné un apperçu de la
situation en Suisse, qui paraît moins grave que celle décrite dans la littérature
essentiellement anglophone, dans le sens où les soignants ne sont pas
réfractaires à la discussion de sujets sensibles avec les patients pédiatriques.
Cependant, cela devrait être accompagné de consignes écrites plus claires, afin
de ne pas se fier uniquement à l’équilibre fragile du bon sens (Canouï, 2004 ;
Woloschuk et al., 2004). Des formations devraient être organisées et l’aide de
psychologues envisagée dans le domaine de la communication en oncologie
pédiatrique (Barruel et al., 2012). Finalement, il serait utile de prendre le
modèle que nous avons proposé comme point de départ et de l’améliorer grâce
aux soignants qui sont directement impliqués dans la pratique.
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Conclusion
Le diagnostic de cancer est une épreuve traumatisante et quand il touche
l’enfant, les adultes le perçoivent de manière encore plus douloureuse, ils ont
donc parfois tendance à ne pas vouloir lui communiquer cette mauvaise
nouvelle (Beale et al., 2005 ; Gaab et al.,2013 ; Lyons & Chamberlain, 2008 ;
Oppenheim & Dauchy, 2004 ; Skeen & Webster, 2004 ; Wassmer et al., 2004).
Toutefois, cette tendance risque d’être la cause de peur et d’anxiété chez
l’enfant, alors source de souffrance psychologique (Beale et al., 2005 ; Gaab et
al., 2013 ; Holland, 2002 ; Lascar et al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004). De
plus, elle n’est pas éthique, car elle n’assure pas une prise en charge de qualité
de la part des soignants, ce qui a un impact négatif sur la santé publique en
général (Massé, 2012 ; Moatti et al., 2012)
Au même titre que d’autres auteurs qui pensent qu’il faut en parler afin de
préparer l’enfant et lui donner un rôle actif dans le traitement, nous avons
réfléchi à un modèle semi-structuré d’annoce de diagnostic et de pronostic aux
patients d’oncologie pédiatrique, afin de ne pas se fier au seul bon sens (Beale
et al., 2005 ; Canouï, 2004 ; Gaab et al., 2013 ; Hatano et al., 2011 ; Lascar et
al., 2013 ; Skeen & Webster, 2004 ; Stock et al., 2012 ; Wilson et al., 2012 ;
Zwaanswijk et al., 2010).
Si la situation de la communication avec les patients pédiatriques semble
relativement moins problématique en Suisse, nous avons pu constater qu’il
reste une marge de travail à faire pour la rendre optimale. Selon nous, il y
aurait besoin de lignes directrices plus explicites à propos des stratégies de
communication avec les enfants, ce qui aiderait à gérer certaines situations de
conflit avec les parents. Ceci donnerait également la possibilité d’élaborarer
une formation plus ciblée du jeune personnel dans les hôpitaux et de faire
avancer la recherche. Enfin, cela permettrait de dessiner, de façon plus claire,
le rôle des psychologues dans ce genre de service, à savoir une ressource au
moment de l’annonce du diagnostic ou du pronostic, du suivi de la famille et
du support moral pour tout le personnel soignant.
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