1 Introduction générale au système immunitaire L’immunité fait référence aux mécanismes de défense d'un organisme vivant contre des agents étrangers, notamment infectieux, susceptibles de menacer son bon fonctionnement ou sa survie. L'ensemble des cellules et tissus et des molécules qui concourent à opposer une résistance aux infections est appelé système immunitaire. Les organes et tissus lymphoïdes sont disséminés dans l'organisme, les cellules circulent dans ces organes et entre ces organes via le sang et la lymphe. Les cellules communiquent entre elles soit par contact direct (notion de récepteur-ligand) soit à distance par le biais de molécules sécrétées (notion de récepteur-médiateur). Ces molécules sécrétées, solubles, sont appelées les cytokines. Ce terme générique regroupe des lymphokines, des monokines, des chimiokines. On parle aussi pour certaines d’interleukines pour lesquelles il existe une nomenclature internationale. La réaction coordonnée de ces cellules et molécules porte le nom de réponse immunitaire. Sur le plan physiologique, le système immunitaire joue un rôle important pour prévenir les infections, éradiquer les infections déclarées et empêcher la prolifération tumorale. La réponse immunitaire se déclenche parce que le système immunitaire reçoit des signaux de « danger », et que certaines cellules sont capables de reconnaître des motifs moléculaires associés aux pathogènes (Pathogen Associated Molecular Patterns ou PAMPS) tandis que d'autres reconnaissent spécifiquement des molécules ou antigènes identifiés comme étant étrangers à notre organisme. On parle d’antigènes du non-soi. À l’inverse, la réponse immunitaire ne se déclenche pas en présence d’antigènes du soi, et en absence de signal de danger. L'organisme dispose de deux systèmes de défense: l'immunité innée et l’immunité adaptative. L'immunité innée, encore appelée naturelle ou naïve, correspond à une réponse constitutive d'action immédiate, non spécifique de l’agent pathogène, non adaptative. Elle repose sur une distinction globale du soi et du non-soi. Cette distinction passe par le fait que les cellules de l'immunité innée expriment un ensemble de récepteurs (pathogen Recognition Receptors ou PRRs) capables de reconnaitre les PAMPS. L'immunité adaptative ou acquise est apparue il y a environ 500 millions d'années chez les premiers vertébrés. Cette réponse est spécifique de l'antigène du fait que les cellules de l'immunité adaptative, les lymphocytes, portent un seul type de récepteur capable de reconnaitre un déterminant antigénique (encore appelé épitope). La réponse adaptative est
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Introduction générale au système immunitaire
L’immunité fait référence aux mécanismes de défense d'un organisme vivant contre des
agents étrangers, notamment infectieux, susceptibles de menacer son bon fonctionnement
ou sa survie.
L'ensemble des cellules et tissus et des molécules qui concourent à opposer une résistance
aux infections est appelé système immunitaire.
Les organes et tissus lymphoïdes sont disséminés dans l'organisme, les cellules circulent
dans ces organes et entre ces organes via le sang et la lymphe.
Les cellules communiquent entre elles soit par contact direct (notion de récepteur-ligand) soit
à distance par le biais de molécules sécrétées (notion de récepteur-médiateur).
Ces molécules sécrétées, solubles, sont appelées les cytokines. Ce terme générique
regroupe des lymphokines, des monokines, des chimiokines. On parle aussi pour certaines
d’interleukines pour lesquelles il existe une nomenclature internationale.
La réaction coordonnée de ces cellules et molécules porte le nom de réponse immunitaire.
Sur le plan physiologique, le système immunitaire joue un rôle important pour prévenir les
infections, éradiquer les infections déclarées et empêcher la prolifération tumorale.
La réponse immunitaire se déclenche parce que le système immunitaire reçoit des signaux
de « danger », et que certaines cellules sont capables de reconnaître des motifs
moléculaires associés aux pathogènes (Pathogen Associated Molecular Patterns ou
PAMPS) tandis que d'autres reconnaissent spécifiquement des molécules ou antigènes
identifiés comme étant étrangers à notre organisme. On parle d’antigènes du non-soi.
À l’inverse, la réponse immunitaire ne se déclenche pas en présence d’antigènes du soi, et
en absence de signal de danger.
L'organisme dispose de deux systèmes de défense: l'immunité innée et l’immunité
adaptative.
L'immunité innée, encore appelée naturelle ou naïve, correspond à une réponse
constitutive d'action immédiate, non spécifique de l’agent pathogène, non adaptative. Elle
repose sur une distinction globale du soi et du non-soi. Cette distinction passe par le fait que
les cellules de l'immunité innée expriment un ensemble de récepteurs (pathogen Recognition
Receptors ou PRRs) capables de reconnaitre les PAMPS.
L'immunité adaptative ou acquise est apparue il y a environ 500 millions d'années chez les
premiers vertébrés. Cette réponse est spécifique de l'antigène du fait que les cellules de
l'immunité adaptative, les lymphocytes, portent un seul type de récepteur capable de
reconnaitre un déterminant antigénique (encore appelé épitope). La réponse adaptative est
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limitée dans le temps à l'éradication de l'agresseur dont elle garde la mémoire. Elle repose
sur une distinction très fine du non-soi parce qu’au cours de leur fabrication dans les
organes lymphoïdes primaires, la majeure partie des cellules de l'immunité adaptative
reconnaissant des antigènes du soi sont éliminées.
L'immunité innée fournit une réponse immédiatement recrutable en attendant que l'immunité
acquise devienne opérationnelle. Elle repose sur des mécanismes humoraux (complément,
cytokines, protéines de la phase aiguë de l'inflammation, ...) et cellulaires (cellules à
fonction phagocytaire ou lytique, telles que les polynucléaires, les cellules tueuses
naturelles, ou NK pour "Natural Killer », macrophages, ..). Son activation constitue la
réponse inflammatoire.
L’immunité adaptative, de mise en œuvre plus lente apparaît plus tardivement et est
spécifique du pathogène. Les cellules de l’immunité adaptative sont les lymphocytes B et T.
Ils sont respectivement responsables de l’immunité humorale et cellulaire. Les lymphocytes
B peuvent reconnaitre les épitopes dans leur forme native alors que les lymphocytes T
reconnaissent les épitopes sous forme de peptides et à condition qu'ils soient présentés par
des molécules du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH).
La réponse immunitaire, qui se déroule dans les organes lymphoïdes secondaires, est
le résultat de la première rencontre entre les lymphocytes naïfs et l’antigène. La réponse
secondaire se produit lors d’expositions ultérieures avec le même antigène. Cette réponse
est plus rapide, plus ample et plus durable, donc plus importante et plus efficace pour
éliminer l’antigène. La réponse secondaire résulte de l’activation des lymphocytes
mémoires. Ces cellules qui ont longue durée de vie ont été induites lors de la réponse
primaire. La mémoire permet d’optimiser la capacité du système immunitaire à combattre les
infections persistantes et récurrentes. La mémoire concerne aussi bien les lymphocytes
B que les lymphocytes T.
Le principe des vaccins repose sur le concept de la mémoire. Les objectifs sont d’induire une
protection durable contre l’agent pathogène, de rendre notamment par les rappels vaccinaux
cette réponse la plus adaptée possible aux antigènes du pathogène.
La réponse immunitaire, notamment au cours d'une infection, se déroule en 3 phases :
- une réponse précoce entre 0 et 4 h par l'intermédiaire de l'immunité innée qui
aboutit à 99% à l’élimination des pathogènes
- une réponse intermédiaire entre 4 et 96 h mettant en jeu également la réponse
immunitaire innée permet d'éliminer l'agent infectieux à 99,9%.
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- une réponse plus tardive après 96 h mettant en jeu l’immunité adaptative. Celle-ci
aboutit à l’expansion clonale de cellules B et T reconnaissant spécifiquement les
antigènes de l'agent pathogène. Cela permet l'élimination à 99,99% de l'agent
infectieux et surtout à l'éducation du système immunitaire avec génération de
lymphocytes mémoires. Après élimination de l’antigène, la réponse immunitaire
décline.
Au cours de la réponse immunitaire, il existe :
- une interaction étroite entre l'immunité innée et adaptative : c’est là qu’intervient notamment
le rôle des cellules présentatrices d’antigène qui permettent de présenter les peptides
antigéniques aux lymphocytes T.
- de nombreuses coopérations cellulaires entre les lymphocytes B et T pour aboutir à une
réponse humorale efficace.
- des coopérations cellulaires entre les lymphocytes T CD4 et CD8 pour aboutir une réponse
cellulaire efficace.
Bien connaître le système immunitaire en situation physiologique permet de mieux
comprendre les dysfonctionnements du système immunitaire et de nombreuses pathologies,
d’utiliser de façon adaptée des armes thérapeutiques curatives et préventives (vaccins par
exemple), de développer les transplantations d'organes et de tissus.
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Structure et organisation générale du système immunitaire
A partir d’une cellule souche hématopoïétique (CSH) totipotente (qui peut également donner
naissance aux globules rouges ou aux plaquettes), sont générées des cellules souches
lymphoïdes (CSL) et des cellules souches myéloïdes (CSM). Les premières donnent naissance
aux lymphocytes B, aux lymphocytes T CD4 ou CD8 et aux cellules NK. Les secondes sont à
l’origine des trois types de granulocytes : polynucléaires neutrophiles, éosinophiles et
basophiles, ainsi qu’aux monocytes qui se différencient par la suite en cellules dendritiques ou
en macrophages.
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Figure 3. Les cellules de l’immunité.
Ce schéma regroupe d’une part les cellules circulantes présentes dans le sang périphérique (à
gauche) et d’autre part les cellules localisées exclusivement dans les tissus (à droite). Le
compartiment vasculaire est limité par les cellules endothéliales. Les cellules épithéliales
constituent une barrière protégeant les tissus de l’environnement extérieur. A noter que :
- les plasmocytes dérivent des lymphocytes B - les macrophages sont les formes de différenciation tissulaire des monocytes - on trouve de cellules dendritiques immatures dans le sang périphérique - les mastocytes sont l’équivalent tissulaire des polynucléaires basophiles.
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Notion d’antigène et d’immunorécepteurs
Marie Christine Béné, Chantal André, Y Lebranchu, Alain Chevailler ,
Ce chapitre explique par quels moyens le système immunitaire perçoit les éléments de son
environnement. Réparties dans les différents territoires de l'organisme, les cellules de l'immunité
innée et de l'immunité adaptative, ainsi que les anticorps de l'immunité humorale, peuvent
reconnaître le "non soi". Les interactions mises en jeu, plus ou moins raffinées, se font au
niveau moléculaire, entre la structure à reconnaître, globalement appelée "antigène" et la
structure de reconnaissance qui appartient au grand groupe des "immunorécepteurs".
II-Les antigènes
II-1.Définitions
II-1-a. Les antigènes
Les antigènes sont définis par le fait qu'ils peuvent être "reconnus" de manière spécifique par le
système immunitaire adaptatif. Deux autres mots doivent être associés à cette notion, ceux
d'immunogène et d'haptène.
Globalement, tous les immunogènes sont des antigènes, et tous les haptènes sont des
antigènes. La différence réside dans le fait que les haptènes ne sont pas immunogènes, c'est-
à-dire qu'ils peuvent être reconnus par les immunorécepteurs, mais qu'ils ne peuvent pas
induire la formation des immunorécepteurs solubles que sont les immunoglobulines. A l'inverse,
les immunogènes peuvent initier une réponse immunitaire spécifique. C'est par exemple le cas
des formulations vaccinales.
II-1-b. Les épitopes
Une autre définition importante à connaître est celle d'épitope. Le synonyme de ce mot est
déterminant antigénique. Il s'agit précisément de la structure moléculaire, souvent très petite,
reconnue par les récepteurs pour les antigènes de l'immunité adaptative.
Sur des protéines, un épitope peut être constitué seulement de quelques acides aminés, qui
seront reconnus spécifiquement par des lymphocytes T, des lymphocytes B ou des anticorps.
Les protéines portent souvent plusieurs épitopes différents.
Sur des sucres, un épitope peut être constitué de 2 à 3 résidus glycosyl, reconnaissables par
des lymphocytes B ou des anticorps.
II-1-c.Antigènes et biodiversité
Allergènes
Certains antigènes de l’environnement peuvent induire des manifestations cliniques patentes
définissant le cadre des allergies. On les appelle des allergènes. Ce terme désigne des
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antigènes portés par des éléments étrangers au soi capables d'induire et d'activer ces réponses
pathologiques. Le degré de précision dans la définition des allergènes est variable. On peut en
effet utiliser pour identifier les sujets à risque des extraits bruts, des allergènes purifiés dits
"majeurs" ou des protéines recombinantes encore plus spécifiques. Il existe également une
nomenclature très précise de définition des allergènes, qui reprend la taxonomie et identifie les
différentes molécules reconnues comme immunogènes. Par exemple Fel d 1 désigne l'antigène
majeur de Felis domesticus, une protéine de la salive du chat impliquée dans les allergies aux
poils de ces animaux.
Xenoantigènes
D'autres antigènes sont reconnus comme tels parce qu'ils sont caractéristiques d'espèces
différentes. On parle alors de xenoantigènes. Ces structures sont à l'origine de l'inefficacité des
greffes d'organes animaux à l'homme. Ils sont par contre largement utilisés pour la production,
par des animaux, d'immunoglobulines utiles en sérothérapie ou à visée diagnostique.
Alloantigènes
Certaines structures moléculaires portées par les cellules de sous-groupes d'individus d'une
espèce donnée, peuvent entraîner le rejet de greffes et sont définis comme des alloantigènes.
Ils dépendent de protéines codées par des allèles différant d'un individu à l'autre. Les plus
importants pour la transplantation, sont les antigènes du complexe majeur d'histocompatibilité.
Les antigènes des groupes sanguins portés par les hématies sont aussi des alloantigènes.
Autoantigènes
Enfin, le système immunitaire est parfois tellement désorienté qu'il monte des réponses
immunitaires contre l'organisme auquel il appartient. Dans ce contexte pathologique de
l'autoimmunité, on parle d'autoantigènes.
Antigènes vaccinaux
La capacité des microorganismes à induire des réponses immunitaires spécifiques a été mise à
profit depuis les travaux de Edward Jenner et Louis Pasteur pour générer des vaccins. L'idée
est de conduire le système immunitaire à monter une réponse spécifique en l'absence de
pathologie, de manière à éviter cette dernière si l'individu vacciné vient à être au contact du
pathogène. C'est une attitude de prévention active. Les antigènes utilisés doivent cependant
induire une réponse qui sera efficace en cas de contagion. Il existe ainsi des antigènes
vaccinaux inertes, totalement sans danger, et des antigènes vaccinaux atténués,
potentiellement capables de reproduire le cycle de réplication du pathogène, plus efficaces mais
plus dangereux chez les individus immunodéprimés.
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II-2. Critères d’immunogénicité
II-2-a.Taille, structure chimique
D'une manière générale, les molécules (ou les structures) les plus grosses sont mieux
identifiées par les cellules chargées d'informer le système immunitaire de la présence
d'éléments à considérer comme du "non soi" que les petites molécules telles que les haptènes.
La structure chimique de ces molécules est également un critère important et on peut décrire
une hiérarchie dans l'immunogénicité plaçant en premier plan les protéines, puis les
carbohydrates, suivis des lipides eux-mêmes mieux identifiés que les acides nucléiques.
II-2-b. Eléments étrangers ou reconnus comme tels
Les notions de soi et de non-soi sont majeures dans la reconnaissance en tant que tels
d'immunogènes potentiels. Dans la majorité des cas, le système immunitaire est capable
d'émettre des signaux de danger en présence d'éléments exogènes potentiellement délétères.
Dans les maladies auto-immunes, cette reconnaissance est en défaut et la réponse immunitaire
se met en place contre des éléments de l'organisme lui-même. A l'inverse, des mécanismes de
tolérance peuvent permettre une cohabitation entre des éléments du non-soi et l'individu. C'est
le cas par exemple avec les flores saprophytes des muqueuses. Toute la subtilité de cet
équilibre tient dans la mise en place de réponses immunitaires agressives ou non.
II-2-c. Structures complexes
D'une manière générale, les structures moléculaires répétitives sont de mauvais antigènes.
C'est probablement pour cette raison que de nombreux microorganismes présentent à leur
surface des motifs identiques répétés, qui ne favorisent pas la mise en place de réponses
immunitaires.
II-2-d. Des molécules dégradables
Il est important pour un bon immunogène de pouvoir être dégradé dans les cellules de
l'immunité innée qui l'identifient. En effet ces cellules isolent de l’antigène entier les épitopes
capables de stimuler le système immunitaire. C'est probablement une des raisons de la
supériorité des antigènes protéiques à présenter des propriétés immunogènes.
II-2-e. Forme physique
Les antigènes particulaires sont bien supérieurs aux antigènes solubles pour induire des
réponses immunitaires. Là encore, le rôle crucial des cellules de l'immunité innée en amont des
réponses adaptatives est mis en cause. Cette problématique rejoint celle de la taille mentionnée
plus haut. C'est aussi un élément important à prendre en considération pour vacciner contre des
haptènes ou pour comprendre l'immunogénicité de certains haptènes qui se fixent à des
éléments figurés du sang. Par exemple la pénicilline n’engendre la production d’anticorps que
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lorsqu’elle se fixe sur des hématies, ce qui peut par la suite conduire à des phénomènes
d’hémolyse immunologique.
II-2-f.Dose
Lorsqu'on cherche à générer une réponse immunitaire, par exemple dans un contexte de
vaccination, il est important de considérer la dose d'immunogène à administrer. En effet, de
fortes doses entraînent une anergie/sidération du système immunitaire et on obtient donc un
effet inverse à celui attendu.
Par contre, l'utilisation répétée de petites doses, sous forme de ce qu'on appelle des rappels
induit un renforcement des réponses par la génération de cellules mémoire et la maturation
d'affinité de la réponse humorale (voir chapitre 7).
II-2-g.Voies d’administration
Dans la nature, les antigènes entrent le plus souvent en contact avec le système immunitaire
par voie muqueuse. Les stratégies de vaccination, dans l'optique d'assurer la pénétration de
l'immunogène; utilisent les voies sous-cutanée, intra-musculaire ou intra-veineuse. On sait
maintenant pourquoi la voie sous-cutanée, interpellant directement les cellules de l'immunité
innée en charge de la veille des "signaux de danger", est supérieure aux deux autres. Les
données scientifiques sont encore insuffisantes pour démontrer l'avantage potentiel d'une
immunisation muqueuse (par voie nasale ou sublinguale).
II-2-h. Adjuvants
Dans les modèles d'immunisation animale, on mélange depuis longtemps l'antigène à
administrer à des huiles minérales, additionnées ou non de mycobactéries tuées. Ces
substances sont appelées adjuvant incomplet ou complet de Freund, du nom de leur inventeur.
Elles génèrent au point d'injection une réaction inflammatoire et une activation des cellules de
l’immunité innée qui améliore la reconnaissance de l'antigène, sa présentation et l'expression
des signaux de costimulation, à la surface des cellules présentatrices de l'antigène, nécessaires
à l'activation des lymphocytes T. Elles limitent également la diffusion de l'antigène, permettant
une meilleure réponse coordonnée focale des différentes populations cellulaires du système
immunitaire.
Pour l'immunisation humaine, et selon le même principe, les vaccins contiennent en plus de
l'antigène de l'hydroxyde d’alumine ou des squalanes.
III-Antigènes T-indépendants ou T-dépendants
Pour générer une réponse immunitaire, les antigènes peuvent mettre en jeu ou non l'ensemble
des types lymphocytaires. Ainsi on parle d'antigènes T-indépendants lorsque les lymphocytes B
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produisent des anticorps sans l’aide de lymphocytes T. C'est le cas pour des antigènes tels que
certains polysaccharides ou polymères répétitifs ou des antigènes résistant à la dégradation.
Pour les antigènes T-dépendants, les lymphocytes B ont besoin de l’aide des cellules T pour
produire des anticorps, et ces immunogènes induisent également une réponse cellulaire. C'est
le cas des protéines, dont les peptides épitopiques doivent être isolés et présentés aux
lymphocytes T.
IV-Notion de "hapten-carrier" ou "haptène-porteur"
C’est un moyen de rendre les haptènes immunogènes, en associant une molécule immunogène
(porteur) et un haptène lié de façon covalente à cette molécule, le plus souvent une protéine.
Cette structure portera des déterminants antigéniques issus de la molécule porteuse, de
l’haptène et parfois de la région de liaison entre les deux, aussi appelée linker. C’est la molécule
porteuse qui détermine le type de réponse et notamment sa dépendance aux lymphocytes T.
V-Antigènes peptidiques
Le comportement des lymphocytes vis-à-vis des antigènes peptidiques est différent selon qu'il
s'agit de lymphocytes T ou B.
Les lymphocytes T ne reconnaissent que des séquences peptidiques linéaires, d'une taille de 8
à 20 acides aminés. Mais ces peptides sont impérativement "présentés" par des molécules du
système majeur d'histocompatibilité dont c'est le rôle essentiel (voir chapitre 4). Dans la mesure
où ces molécules varient d'un individu à l'autre certains peptides seront toujours présentés, on
parle d'épitopes dominants. D'autres ne le seront que par certains individus, on parle d'épitopes
privés.
Les lymphocytes B reconnaissent les antigènes directement, en liant des structures très petites
de 4 à 8 acides aminés. Il existe beaucoup moins d'épitopes potentiels sur un peptide donné
que ce qu'on pourrait calculer en fonction de sa taille en acides aminés. Les épitopes ont des
structures particulières.
Les épitopes des antigènes peptidiques peuvent également être reconnus directement par les
anticorps. Leur reconnaissance dépend toutefois de leur accessibilité dans l’espace et certains
épitopes peuvent être "cachés", si la protéine est de grande taille et repliée, ou si elle est
fortement glycosylée.
Par ailleurs, la structure elle-même de la protéine peut générer deux types d'épitopes:
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- des épitopes linéaires correspondant à une séquence d’acides aminés consécutifs sur
la protéine
- des épitopes conformationnels correspondant au rapprochement dans l'espace
d’acides aminés localisés à des endroits différents de la protéine mais dépendant du
repliement de celle-ci pour être accessibles. (Figure 4)
Enfin, dans la mesure où les épitopes peptidiques peuvent ne représenter que quelques acides
aminés, certains épitopes sont partagés par des molécules différentes. On parle alors de
réactivité croisée. C'est aussi souvent le cas pour les glycosylations qui sont le produit de
mécanismes épigénétiques et très redondants dans le monde vivant ce qui permet d'expliquer
des réactions croisées entre des bactéries et des cellules ou tissus humains.
VI-Immunorécepteurs
Les cellules du système immunitaire disposent, le plus souvent à leur surface, de structures
moléculaires leur permettant de reconnaître les antigènes. Cette reconnaissance est
relativement grossière pour les cellules de l'immunité innée, capables de sentir rapidement les
signaux de danger, sans grande spécificité. Ces structures de reconnaissance de motifs
moléculaires propres aux pathogènes sont appelées PRR pour Pattern Recognition Receptor.
Ils se fixent à des domaines moléculaires présents sur les agents pathogènes eux-mêmes
appelés PAMPs pour Pathogen Associated Molecular Pattern ou parfois DAMPs pour Danger
Associated Molecular Pattern. Les mieux connus sont les récepteurs Toll-like ou TLR (Toll Like
Receptors) qui présentent une structure proche de la molécule Toll initialement décrite chez la
drosophile. On peut citer également les CLRs (C-type Lectin Receptors) et les NLRs (NOD-Like
Receptors). Ces récepteurs sont notamment présents sur les monocytes, les macrophages, les
cellules dendritiques et les polynucléaires.
Sur les lymphocytes, les immunorécepteurs sont à l'inverse extrêmement spécifiques d'un
épitope précis. Ils sont tous identiques à la surface d'une cellule donnée. Sur les lymphocytes B,
une immunoglobuline de membrane, identique aux anticorps que ce lymphocyte pourra produire
après avoir été activé, constitue le récepteur B pour l'antigène ou BCR (B-Cell Receptor). Sur
les lymphocytes T, on trouve le TCR (T-Cell Receptor), plus petit, et ne présentant pas
d'équivalent soluble. Le TCR ne reconnaît que les épitopes peptidiques présentés par les
molécules du complexe majeur d'histocompatibilité.
Dans un organisme ayant déjà rencontré des antigènes, une coopération s'instaure entre
immunité innée et immunité adaptative. Ainsi, les cellules de l'immunité innée possèdent des
récepteurs reconnaissant la partie constante (Fc) d'un anticorps complexé à un antigène
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appelés FcR. Les cellules NK possèdent aussi des FcR, ainsi que toute une famille de
récepteurs contrôlant leur activité cytotoxique et leur permettant de reconnaître des cellules
infectées.
La liaison des immunorécepteurs à leurs ligands induit une cascade d'événements aboutissant à
l'activation des cellules et passant souvent par l'internalisation du complexe récepteur-antigène.
A retenir
Les antigènes sont reconnus par des récepteurs spécifiques du système immunitaire
adaptatif
Les antigènes portent des épitopes ou déterminants antigéniques
L’immunogénicité peut être augmentée par l'addition d'adjuvants, comme pour les
vaccins
Les antigènes peptidiques doivent être dégradés pour être présentés aux lymphocytes T
Les lymphocytes B et les anticorps reconnaissent directement les antigènes
De nombreux types d'immunorécepteurs participent à la reconnaissance des antigènes
par le système immunitaire
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Figure 4. Reconnaissance des antigènes par les anticorps. Ce schéma fait apparaître, en haut, comment certains anticorps ne peuvent reconnaître les antigènes protéiques que dans leur conformation tridimensionnelle (épitopes conformationnels). En bas, il illustre le fait qu’un même anticorps peut reconnaître deux protéines différentes partageant une séquence peptidique commune.
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Le complexe majeur d’histocompatibilité humain (HLA).
Polymorphisme et présentation des antigènes aux lymphocytes T.
Myriam Labalette, Siamak Bahram, Marie Christine Béné
monocytes/macrophages et lymphocytes B. L’activation de ces cellules augmente la densité
d’expression des molécules CMH II à leur surface.
Les lymphocytes T quiescents n’expriment pas les molécules CMH de classe II. Leur
expression est induite par l’activation de ces cellules.
Les cellules épithéliales et endothéliales n’expriment pas les molécules CMH de classe II à
l’état basal, mais peuvent les exprimer dans un contexte inflammatoire.
III-3. Les deux classes de molécules CMH présentent les antigènes à deux
populations de lymphocytes T distinctes
Les lymphocytes T caractérisés par l’expression des molécules CD8 sont susceptibles de
répondre aux antigènes présentés par les molécules CMH de classe I. L'expression
ubiquitaire de ces dernières permet aux mécanismes effecteurs de l’immunité dépendant des
lymphocytes T CD8 de s’exercer vis-à-vis de la quasi-totalité des cellules nucléées.
Les lymphocytes T qui expriment les molécules CD4 sont susceptibles de répondre aux
antigènes présentés par les molécules CMH de classe II à la surface des cellules
présentatrices d’antigène «professionnelles».
On parle de restriction de classe I ou de classe II de la reconnaissance au contexte CMH.
III-4. Les produits des gènes CMH (Figure 6)
Les molécules CMH sont des glycoprotéines de membrane. Les produits des gènes de
classe I ou de classe II ont la même structure générale. Ce sont des hétérodimères dont les
chaînes et s’apparient de manière non covalente.
La partie extracellulaire de l’hétérodimère expose deux domaines proximaux (proches de la
membrane cellulaire) conformés selon le modèle «domaine immunoglobulinique» et deux
domaines distaux de structure originale comportant chacun une plage de feuillets β plissés
surmontée d’une hélice .
L’appariement des deux domaines distaux délimite un sillon médian, ou sillon de
présentation, dans lequel peut s’enchâsser un peptide. Cette fixation s’opère selon le
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modèle « clé-serrure », ce qui exige une complémentarité suffisante entre la forme et les
caractéristiques physicochimiques du sillon et celles du peptide.
Le sillon a pour vocation de contenir un peptide dont 2 à 4 acides aminés doivent se nicher
dans des « poches d’ancrage » au fond du sillon, ce qui n’est possible que si les acides
aminés d’ancrage du peptide ont des caractéristiques physicochimiques adéquates.
Le peptide est retenu par des liaisons non covalentes étagées sur toute la longueur du sillon,
ce qui stabilise la molécule HLA. L’enchâssement du peptide est une nécessité pour que la
molécule HLA puisse s’exprimer à la surface de la cellule.
Chaque gène CMH de classe I code pour une chaîne alpha, ancrée dans la membrane, qui
possède trois domaines extracellulaires. Son domaine proximal 3 s’apparie à la
β2-microglobuline qui est une protéine invariante formant un domaine immunoglobulinique,
codée par un gène qui n’appartient pas au complexe génique HLA. Les domaines distaux 1
et 2 délimitent le sillon de présentation. Les extrémités des hélices alpha de ces domaines
sont rapprochées, ce qui ferme le sillon. Le peptide enchâssé est donc de petite taille, en
moyenne 9 acides aminés, car ses deux extrémités sont bloquées dans le sillon.
Chaque paire de gènes CMH de classe II code pour deux chaînes, une chaîne alpha et une
chaîne beta, toutes deux ancrées dans la membrane, comportant chacune deux domaines
extracellulaires. L’appariement des domaines distaux 1 et β1 délimite le sillon de
présentation. Les extrémités de leurs hélices alpha sont moins rapprochées que dans le cas
de la classe I et le sillon de présentation est ouvert. Le peptide peut déborder et donc être
plus long, entre 12 et 25 acides aminés. Sa partie médiane satisfait aux contraintes
d’ancrage.
Si l’on considère l’ensemble des molécules HLA codées par le même allèle, on constate que
des peptides de séquence différente peuvent s’y enchâsser, pourvu qu’ils respectent les
conditions de taille et les critères d’ancrage. A la surface de la cellule, l’ensemble des
molécules HLA d’un allotype donné présente ainsi une collection de peptides. L'origine de
ces peptides diffère selon qu’il s’agit de molécules de classe I ou de classe II.
IV-Formation des complexes CMH-peptides (Figure 7)
L’expression à la surface des cellules des molécules de classe I et de classe II est
subordonnée à l’enchâssement d’un peptide: il n’y a pratiquement pas de molécules CMH
«vides» à la surface des cellules.
L’apprêtement (ou processing) des antigènes correspond à l’ensemble des étapes
préalables à l’enchâssement d’un peptide. Les peptides issus de la fragmentation des
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protéines intracellulaires sont présentés très rapidement, ce qui permet aux lymphocytes T
d’exercer presque « en temps réel » la surveillance de toute modification du « non soi ».
L’approvisionnement des molécules du CMH en peptides tire parti des processus normaux
du catabolisme cellulaire, différents selon qu’il s’agit de protéines endogènes (synthétisées
par la cellule elle-même) ou exogènes (ingérées à partir du milieu extracellulaire). Ces
processus sont complétés par l’intervention de molécules spécialisées (enzymes,
transporteurs protéiques), qui pour certaines sont codées par des gènes (invariants ou très
peu variants) localisés dans la région II du CMH.
L’origine des peptides présentés dépend de la classe du CMH, avec des particularités
notables dans le cas des cellules dendritiques.
IV-1. Les molécules de classe I présentent des fragments de protéines
endogènes
Les molécules présentées sont des protéines synthétisées dans le cytosol, protéines du
« soi » en « fin de vie » ou défectueuses (protéines qui n’acquièrent pas leur conformation
correcte ou « ratés » de la biosynthèse). La cellule traite de la même façon les protéines
codées par son propre génome et les protéines « non soi » qui peuvent être présentes dans
le cytosol après transformation maligne ou parce qu'elles sont codées par un génome viral.
On distingue 3 étapes dans l’apprêtement :
- Fragmentation : après "étiquetage" des protéines à éliminer par la fixation
d'ubiquitine, elles sont dégradées par le protéasome, tunnel multi-enzymatique qui
assure la dégradation de protéines en libérant des peptides de longueur variable.
- Translocation des peptides issus du protéaosme vers le réticulum endoplasmique : la
très grande majorité des peptides sera totalement dégradée, mais environ 1‰ sont
injectés dans le réticulum endoplasmique par le transporteur TAP (Transporter
Associated with Antigen Processing ).
- L’un des peptides injectés dans le réticulum pourra alors s’enchâsser dans le sillon
béant d’une molécule de classe I en cours de formation, la stabiliser et permettre son
acheminement vers la surface de la cellule.
L’extrémité N-terminale des peptides trop longs pour s’enchâsser peut éventuellement être
raccourcie par des peptidases présentes dans le cytosol ou le réticulum endoplasmique.
Les cytokines proinflammatoires, en particulier l’interféron-, améliorent l’efficacité du
processus d’apprêtement, notamment en induisant la formation de l’immunoprotéasome.
Dans cet organite, les protéases du protéasome sont remplacées par des protéases
spécialisées aboutissant à un meilleur respect des exigences d’enchâssement de l’extrémité
C-terminale du peptide.
7
L’ensemble des peptides enchâssés par les diverses molécules de classe I exprimées à la
surface de la cellule constitue donc un échantillon des protéines endogènes normales ou
du « non soi ». Cette particularité permet d’éviter que les mécanismes effecteurs de
l’immunité adaptative n’entraînent des dommages collatéraux : une cellule qui réalise une
protéosynthèse anormale sera correctement repérée par les lymphocytes T CD8+ effecteurs,
mais une cellule saine voisine (« innocent bystander ») ne risque pas d’être lésée.
IV-2. Les molécules de classe II présentent des protéines exogènes
Dès sa synthèse dans le réticulum endoplasmique, l’hétérodimère CMH de classe II
s’associe à la protéine invariante Ii. La chaîne Ii s’enroule (comme le serpent d’un
caducée) autour de l’hétérodimère, avec deux conséquences importantes :
- elle obstrue le sillon de présentation, ce qui empêche la capture d’un peptide présent dans
le réticulum endoplasmique
- elle déroute le complexe [hétérodimère de classe II + Ii] vers les vésicules
intracytoplasmiques composant l’endosome. L’endosome est un compartiment subcellulaire
comprenant des vésicules d’acidité croissante qui assure le recyclage des membranes de la
cellule (processus normal et permanent ; il s’agit donc de protéines endogènes du « soi »),
l’ingestion de protéines exogènes et la fusion avec les lysosomes, qui apportent des
protéases actives à pH acide.
La conjonction du transport du complexe [classe II + Ii] vers une vésicule de l’endosome
permet aux protéases lysosomiales de fragmenter les protéines captées dans la vésicule et
de rogner progressivement la chaîne Ii.
Un peptide intralysosomial, dérivé des protéines dégradées peut alors s’enchâsser, ce qui
permet à la molécule de classe II chargée en peptide de gagner la membrane plasmique.
Les molécules de classe II présentent donc en surface un échantillon « mixte », issu des
protéines transmembranaires du « soi » recyclées et des protéines exogènes. Cet
échantillonnage est le reflet du microenvironnement de la cellule.
Il existe une exception à cette présentation des antigènes exogènes par les molécules du
CMH de classe II. En effet, comme les autres cellules nucléées, les cellules dendritiques
portent des molécules CMH de classe I. Quand elles sont stimulées, elles peuvent exposer à
leur surface des molécules de classe I qui ont la particularité d’enchâsser des peptides
dérivés de protéines exogènes. On parle de présentation croisée.
Par ailleurs, certaines toxines bactériennes, appelées super antigènes, sont capables
d’établir directement (sans apprêtement) un pontage entre une molécule HLA de classe II et
divers lymphocytes T. Ces super antigènes se fixent à une région non polymorphique de la
molécule CMH et à une région V adéquate, partagée par de nombreux lymphocytes T (plus
8
de 1%) quelle que soit leur spécificité. Ce pontage a comme conséquence l’activation
polyclonale de ces lymphocytes T générant une réponse inflammatoire importante.
V. Reconnaissance des molécules CMH à la surface de la cellule par les
lymphocytes T
A l’étape de reconnaissance de l’antigène, les lymphocytes T examinent la surface de la
cellule présentatrice. Quand des molécules HLA présentent un peptide qui correspond à la
spécificité de l’immunorécepteur du lymphocyte T, le signal d’activation s’amorce. Dans le
cas contraire, le lymphocyte T s’éloigne et reste quiescent.
Au niveau moléculaire, un complexe ternaire se forme dans lequel le peptide antigénique est
en « sandwich » entre la molécule HLA et le TCR. Le paratope du TCR est alors en
contact avec :
- d’une part, les acides aminés du peptide accessibles entre les berges du sillon
- d’autre part, plusieurs acides aminés des hélices alpha qui bordent le sillon de la molécule
HLA classique.
Le TCR reconnaît ainsi un « ligand composite » dans lequel :
- environ un tiers des acides aminés (2 à 4) sont ceux du peptide antigénique
- deux tiers sont des acides aminés des deux hélices du CMH
En raison du polymorphisme du CMH, et à partir d’une protéine donnée, chaque
allotype HLA présente des peptides conformes à ses contraintes d’ancrage et comporte lui-
même des acides aminés variants par rapport aux autres allotypes. La même protéine sera
donc reconnue différemment par les lymphocytes T de deux individus distincts.
Le processus d’activation du lymphocyte T commence ainsi par un signal cognitif, initié par
l’interaction du TCR avec son peptide antigénique enchâssé dans la molécule CMH. Il
nécessite l’implication d’un « co-récepteur » (CD4 ou CD8 selon la population lymphocytaire
T considérée) qui interagit avec la molécule HLA :
- la molécule CD4 se lie au domaine proximal non polymorphique d’une molécule de classe II.
- la molécule CD8 se lie au domaine proximal 3, non polymorphique d’une molécule de
classe I.
Ainsi, les lymphocytes T CD4+ peuvent répondre face à des cellules qui expriment des
molécules de classe II et les lymphocytes T CD8+ peuvent répondre face à toute cellule qui
exprime des molécules de classe I.
Comme mentionné plus haut, selon le génotype de chaque individu, le CMH définit un
ensemble de peptides, un «répertoire de peptides», capables de s’enchâsser dans au
9
moins une de ses molécules. Ce répertoire individuel conditionne des différences
interindividuelles de réponse immune adaptative vis-à-vis de certains antigènes. On parle de
sujets bon ou mauvais répondeurs. A l’extrême, certains individus s’avèrent incapables de
répondre efficacement à un antigène donné, avec des conséquences sur l’immunité anti-
infectieuse et l’efficacité de certains vaccins.
L’hétérozygotie constitue un avantage, car le nombre de molécules CMH exprimées à la
surface des cellules, l’existence de plusieurs gènes dans chaque classe et leur allotypie
multiplient les chances pour un peptide donné de pouvoir s’enchâsser, donc de pouvoir
induire une réponse immune adaptative chez un individu donné. Comparés aux
homozygotes, les sujets hétérozygotes ont un répertoire plus vaste de peptides présentables
car ils ont une «double chance» de présentation pour chaque gène CMH exprimé.
En raison des contraintes d’apprêtement et d’enchâssement, une protéine antigénique
donnée ne comporte généralement qu’un seul peptide apte à être présenté efficacement au
lymphocyte T spécifique (épitope dominant). Pour un même antigène, en fonction du
polymorphisme, l’épitope dominant peut cependant être différent selon les individus. Les
autres fragments peptidiques, dits sous-dominants ou privés, de l’antigène n’interviennent
généralement pas ou peu dans la réponse immune. Ils sont moins bien enchâssables ou
plus fragiles quand la protéine est fragmentée, ils sont moins présents à la surface des
cellules et sont donc moins aptes à stimuler les lymphocytes correspondants. La majorité
des fragments peptidiques issus de l’antigène reste «invisible» pour les lymphocytes T. On
parle de peptides cryptiques.
VI-Autres molécules HLA et molécules apparentées
VI-1. Les récepteurs de la famille KIR des cellules NK reconnaissent certaines
molécules de classe I classique
La possibilité d’interaction est déterminée par un acide aminé critique à une position précise
de l’hélice 1, sans que le peptide enchâssé n'intervienne dans la reconnaissance. Il s’agit:
- de HLA-C, dont les divers allotypes peuvent être répartis en deux sous-groupes (C1 /
C2) cibles de la famille KIR2
- d’un sous-groupe d’allotypes de HLA-B, cible de la famille KIR3
- et de quelques allotypes de HLA-A
VI-2. Reconnaissance des molécules apparentées au HLA
Les molécules de classe I non classiques de type HLA-E s’expriment principalement en cas
de stress et peuvent alors être reconnues par certains récepteurs des cellules NK. De
même, les molécules HLA-G jouent un rôle lors de la grossesse. Elles sont exprimées par le
10
placenta ce qui leur permet de contrôler les cellules NK qui envahissent l’utérus gravide.
Elles ont également un rôle dans l’immunité anticancéreuse.
Les molécules MICA ou MICB sont reconnues par certains récepteurs de cellules NK ou de
lymphocytes T non conventionnels. Leur expression sur les épithéliums est induite par le
stress et elles jouent un rôle important dans le maintien de l’intégrité de ces structures.
Les molécules CD1 ont une structure apparentée aux molécules HLA, mais leurs gènes sont
localisés sur un autre chromosome. Elles présentent des antigènes non protéiques à des
lymphocytes T non conventionnels, à l’interface de l’immunité innée et de l’immunité
adaptative.
A retenir
Les molécules du CMH sont extrêmement polymorphes (allotypie). Les individus sont
généralement hétérozygotes pour leurs haplotypes CMH.
Les molécules de classe I et de classe II comportent un sillon de liaison à un peptide
antigénique dont la possibilité d’enchâssement est déterminée par l’allotypie du CMH.
Les lymphocytes T ne peuvent reconnaître un antigène protéique qu’après que celui-
ci ait été apprêté (fragmenté) et enchâssé par une molécule CMH.
La reconnaissance de l’antigène est restreinte au CMH : les berges du sillon de la
molécule CMH et le peptide antigénique enchâssé sont reconnus conjointement par
l’immunorécepteur TCR du lymphocyte T.
Les lymphocytes T CD4+ reconnaissent un peptide antigénique enchâssé par une
molécule de classe II.
Les molécules de classe II sont présentes sur les cellules présentatrices d’antigène
permettant l’initiation de la réponse des lymphocytes T CD4+ ;
Les lymphocytes T CD8+ reconnaissent un peptide antigénique enchâssé par une
molécule de classe I.
Les molécules de classe I sont présentes sur la plupart des cellules, qui peuvent être
détruites par les lymphocytes T CD8+ si elles ont produit elles-mêmes la protéine
antigénique reconnue comme du "non soi" (infection, cancer).
La diversité interindividuelle considérable des molécules du CMH leur fait jouer un
rôle majeur dans l’immunité adaptative et dans l’immunité de greffe.
11
Figure 5. Position des gènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II et de classe I sur le bras court chromosome 6. Les gènes des chaînes alpha (DPA, DQA et DRA) et beta (DPB, DQB et DRB) des molécules de classe II sont présents sur ce chromosome. Seules les chaînes alpha des molécules de classe I sont codées par des gènes localisés sur le chromosome 6. Le gène de la beta2 microglobuline est localisé sur le chromosome 15.
12
Figure 6. Structure moléculaire des molécules de classe I (en vert) et de classe II (en bleu) du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). A noter que ces molécules, y compris la beta2 microglobuline (en vert foncé), appartiennent à la superfamille des immunoglobulines pour leurs domaines proximaux (proches de la membrane phospholipidique, figurée en jaune) comme l’indique la présence de feuillets beta plissés. Par contre, les sillons de présentation ont une structure particulière avec un fond de feuillets beta-plissés et des hélices alpha.
13
Figure 7. Apprêtement des antigènes protéiques.
La partie gauche de la figure (en vert) montre l’apprêtement des peptides présentés par les molécules de classe I. (1) Les protéines endogènes ubiquitinylées sont dégradées dans le protéasome. (2) les peptides ainsi produits sont transportés par les molécules TAP (Transporter Associated with antigen Processing) vers le réticulum endoplasmique (RE) où ils se lient (3) au sillon de présentation d’une molécule de classe I du CMH. (4) Le complexe CMH de classe I-peptide est rapidement exporté à la membrane cellulaire.
La partie droite de la figure (en bleu) montre l’apprêtement des peptides présentés par les molécules de classe II. (1) La molécule, protégée par la chaîne invariante (Ii), qui bloque le sillon de présentation, est synthétisée dans le réticulum endoplasmique (RE). (1’) Parallèlement, des protéines exogènes sont endocytées par la cellule dans un endosome (2) Le complexe CMH de classe II/Ii est transporté également vers l’endosome. La fusion de l’endosome avec des lysosomes apporte des enzymes protéolytiques qui dégradent à la fois l’antigène et la chaîne Ii. Ceci permet aux peptides produits à partir de l’antigène de se fixer au sillon de présentation des molécules de classe II devenu accessible. (3) Le complexe CMH de classe II-peptide est alors exporté à la membrane cellulaire. La flèche au milieu du schéma indique le phénomène de cross-présentation qui permet à certains antigènes exogènes d’être présentés par les molécules de classe I.
1
Les cellules dendritiques
Bernard Bonnotte, Cyril Hoarau, Michelle Rosenzwaig,
Pierre Bongrand, Estelle Seillès, Nils-Olivier Olsson
(Blood DC Antigen 2) pour les pDC, la langérine/CD207 spécifique des cellules de Langerhans,
ou DC-SIGN (DC-Specific Intercellular adhesion molecule-3-Grabbing Non-integrin) pour les
cellules dendritiques interstitielles.
Les récepteurs NLR représentent une famille reconnaissant des composants
intracellulaires des microorganismes. Après la reconnaissance des PAMP, les NLR activent des
voies de signalisation aboutissant à la production de cytokines pro-inflammatoires.
Des produits cellulaires appelés DAMP peuvent aussi être reconnus par les cellules
dendritiques. Les DAMPs incluent les protéines du choc thermique (HSP), les HMGB1 (High-
Mobility Group Box 1 protein), la β-défensine et l’acide urique.
Ces différents récepteurs des cellules dendritiques reconnaissent des PAMPs et des DAMPs
différents et leur engagement entraîne une cascade spécifique de signalisation aboutissant à un
profil particulier d’expression de gènes. Ces récepteurs délivrent des signaux moléculaires
distincts engendrant un type différent d’activation des cellules dendritiques et donc une réponse
immunitaire adaptée au danger identifié.
IV-2. Capture de l’Ag
Après un contact microbien ou après stimulation par des cytokines inflammatoires, les cellules
dendritiques capturent les antigènes ainsi reconnus. Les cellules dendritiques immatures sont
capables de capturer et d’apprêter une grande variété de molécules et de microorganismes.
Différents mécanismes peuvent être utilisés par les cellules dendritiques pour capturer les
6
antigènes : l’endocytose, la phagocytose ou la pinocytose. Les antigènes solubles sont captés
par micropinocytose ou macropinocytose. Ces mécanismes consistent en la formation de replis
membranaires qui s'intègrent dans le cytoplasme sous forme de petites vésicules. La cellule
dendritique peut absorber ("boire") l’équivalent de son volume en l'espace d'une heure. Les
antigènes solides (ou particulaires) sont captés par endocytose et phagocytose.
Les cellules dendritiques immatures expriment de nombreux récepteurs qui facilitent
l’endocytose :
- le récepteur du mannose peut se lier à de nombreuses glycoprotéines mannosylées
exprimées par de multiples microorganismes (Candida, Pneumocystis…)
- les récepteurs pour le fragment constant des IgG (FcRI) ou des IgE (FcRII ou CD23)
permettent de capter des antigènes associés à des immunoglobulines sous forme de
complexes immuns
- les récepteurs « scavengers » (éboueurs) se lient aux lipoprotéines modifiées et
permettent leur phagocytose
- les récepteurs de la famille des lectines C ;
- les récepteurs pour les corps apoptotiques
- les récepteurs du complément CR3 et CR4.
Les récepteurs de la famille des lectines C jouent aussi ce rôle.
L’internalisation de l’antigène est un processus propre aux cellules dendritiques immatures qui
diminue au cours de leur maturation. Les propriétés d’endocytose, de macropinocytose ou de
phagocytose sont perdues lorsque les cellules dendritiques deviennent matures avec
notamment une diminution de l’expression des récepteurs spécifiques de l’endocytose et de la
phagocytose.
V-Maturation des cellules dendritiques
Une fois l’antigène capturé, plusieurs événements s’enchaînent et se succèdent dans la vie
des cellules dendritiques, pour aboutir à leur maturation, à l’apprêtement de l’antigène, et, après
migration, à sa présentation aux lymphocytes T. Les cellules dendritiques peuvent reconnaître
l’environnement de différentes façons et plusieurs moyens existent pour leur maturation. Lors du
processus d’activation, elles interagissent avec d’autres effecteurs de l’immunité présents au
site inflammatoire. L’invasion par les agents pathogènes aboutit à l’activation des cellules
effectrices de l’immunité innée (neutrophiles, mastocytes, cellules NK, basophiles). En fonction
des interactions cellulaires et du microenvironnement cytokinique créé par ces cellules, les
7
cellules dendritiques entrent dans un programme spécifique de maturation avec comme résultat
final l’induction des différents types de réponses T. Les cellules dendritiques orchestrent donc
les différents acteurs de l’immunité et de ce fait font le lien entre l’immunité innée et
l’immunité adaptative.
Après avoir capturé des antigènes, les cellules dendritiques migrent dans les ganglions
lymphatiques pour achever leur maturation car seules les cellules dendritiques matures
présentent efficacement les antigènes aux lymphocytes T. La maturation et la migration des
cellules dendritiques sont deux processus qui ont lieu le plus souvent simultanément. La
migration de cellules dendritiques immatures des tissus périphériques vers les organes
lymphoïdes secondaires est possible mais, dans ce cas, elles initient un processus de tolérance.
La maturation des cellules dendritiques peut être déclenchée par différents stimuli qui peuvent
être :
- des produits bactériens ou viraux détectés par les PPR, notamment les TLR et les NOD
- des cytokines inflammatoires
- des complexes immuns reconnus par les récepteurs Fc
- des molécules de la famille des récepteurs au TNF comme le CD40L
- des signaux de danger induits par la mort cellulaire.
Ce processus de maturation comprend plusieurs événements coordonnés : des
changements de morphologie, de cytosquelette et de mobilité, la perte de la capacité de
phagocytose/endocytose et de sécrétion des chimiokines, la surexpression des molécules de
costimulation et d’adhérence, la translocation des complexes peptide-CMH à la surface de la
cellule, la sécrétion de cytokines qui polarisent les effecteurs immunitaires.
Les cellules dendritiques immatures ont pour fonction la capture de l’antigène. Elles ont une
activité de phagocytose et de pinocytose très intense, mais une capacité de présentation très
faible. Leur surface comporte peu de molécules de CMH et de costimulation.
Les cellules dendritiques matures sont dévolues à la présentation de l’antigène. Les cellules
dendritiques deviennent matures après avoir reçu un « signal de danger » le plus souvent issu
de la réponse innée (sécrétion de cytokines, activation directe par les TLR…). Les cellules
dendritiques matures ont des propriétés de phagocytose diminuées. Par contre elles ont une
capacité de présentation très forte. Elles expriment à leur surface de grandes quantités de
molécules de CMH et des molécules de costimulation (CD80, CD86, CD40).
8
VI-Migration des cellules dendritiques
Les agents pathogènes envahissent les tissus périphériques alors que les lymphocytes sont
concentrés dans les organes lymphoïdes secondaires. Les cellules dendritiques, grâce à leur
propriété de migration au cours de la maturation, font le lien entre la périphérie et les organes
lymphoïdes secondaires. La bonne coordination entre la maturation et la migration des cellules
dendritiques est une étape clé dans la sensibilisation des lymphocytes. L’activation des cellules
dendritiques est suivie d’un changement radical dans le répertoire des récepteurs de
chimiokines qu’elles expriment, et ce changement permet leur migration de la périphérie vers les
ganglions lymphatiques de drainage. En effet, la maturation est associée à la diminution
d’expression des récepteurs de chimiokines inflammatoires et à l’expression de novo de CCR7.
Ce récepteur reconnaît deux chimiokines, CCL19 et CCL21, qui sont sécrétées dans les zones
riches en lymphocytes T des organes lymphoïdes secondaires. Les cellules dendritiques quittent
ainsi les tissus inflammatoires et entrent dans la circulation lymphatique qui les conduit vers les
ganglions lymphatiques de drainage. CCR7 est le récepteur principal qui oriente la mobilisation
des cellules dendritiques vers les compartiments riches en lymphocytes T des ganglions.
VII-Activation des lymphocytes par les cellules dendritiques (Figure 8)
Les cellules dendritiques matures ont donc toutes les propriétés pour stimuler efficacement les
lymphocytes T. Après avoir capturé et apprêté les antigènes, elles migrent dans les régions
riches en lymphocytes et expriment en grande quantité à leur surface des complexes peptide-
CMH ainsi que des molécules de costimulation. Elles peuvent alors délivrer aux lymphocytes T
les signaux d’activation, de prolifération et de différenciation qui leur sont nécessaires.
L’interaction cellule dendritique-lymphocyte implique un dialogue dans les deux sens qui fait
intervenir la reconnaissance du peptide par le récepteur T (TCR) associé au complexe CD3, les
molécules du CMH, les molécules de costimulation et les molécules d’adhésion (voir le chapitre
12). Les cellules dendritiques interviennent dans ce dialogue comme activateurs mais aussi
comme régulateurs de la réponse immunitaire car elles polarisent les lymphocytes T en les
orientant vers la voie de différenciation la plus adaptée à l’agression. Une interaction avec des
cellules dendritiques matures est nécessaire pour une survie à long terme des lymphocytes T et
leur différenciation en cellules mémoire.
9
A retenir
Les cellules dendritiques dérivent d’un progéniteur hématopoïétique
Il existe des cellules dendritiques myéloïdes et des cellules dendritiques plasmacytoïdes
Les cellules dendritiques forment un réseau de cellules sentinelles
Les cellules dendritiques immatures des tissus captent les antigènes
Les cellules dendritiques ayant capté des antigènes migrent dans les ganglions pour
achever leur maturation
Les cellules dendritiques sont des cellules présentatrices d’antigènes professionnelles
aux lymphocytes T.
Les cellules dendritiques sont les seules à pouvoir activer des lymphocytes T naïfs.
10
Figure 8. Maturation des cellules dendritiques immatures (en haut) qui se différencient en cellules dendritiques matures (en bas) tout en migrant vers les organes lymphoïdes secondaires, en réponse aux signaux de danger, afin de présenter les antigènes aux lymphocytes T.
IV Fonctions effectrices des anticorps ................................................................................... 5
IV-1. Fonctions effectrices portées par le fragment Fab ..................................................... 5
IV-1-a. Réactions de neutralisation des toxines bactériennes ......................................... 5
IV-1-b. Inhibition de l’adhésion bactérienne aux surfaces cellulaires .............................. 5
IV-1-c. Blocage de l’infectiosité des virus ....................................................................... 5
IV-2. Fonctions effectrices portées par le fragment Fc ....................................................... 6
IV-2-a. Transport des anticorps ...................................................................................... 6
IV-2-b. Interactions entre anticorps et cellules dans la réponse humorale ...................... 6
2
I.Introduction
Les immunoglobulines encore appelées anticorps sont les effecteurs solubles de l’immunité
humorale spécifique d’antigène. Elles comportent une partie variable, différente pour chaque
anticorps, capable de reconnaître l’épitope d’un antigène, et une partie effectrice permettant
que cette reconnaissance soit suivie d’effets dans le système immunitaire.
II-Structure générale d'une molécule d'immunoglobuline (Figures 9 et 10)
II-1-Structure générale des molécules d’immunoglobulines
II-1-a. Structure de base d'une immunoglobuline
Les immunoglobulines sont des molécules symétriques formées de quatre chaînes
polypeptidiques homologues 2 à 2 et reliées par des ponts disulfures: deux chaînes lourdes
(H pour heavy) et deux chaînes légères (L pour light).
Chaînes lourdes
Il existe cinq types de chaînes lourdes, désignées par les lettres grecques (gamma)
(alpha) (mu) (delta) (epsilon) qui définissent les cinq classes d'immunoglobulines,
respectivement IgG, IgA, IgM, IgD, et IgE. Certaines classes sont divisées en sous classes
comme pour les IgG (IgG1 à IgG4) et les IgA (IgA1 et IgA2).
Chaînes légères
Il existe deux types de chaînes légères, appelées (kappa) et (lambda) qui peuvent se
combiner avec n'importe quel type de chaîne lourde. Pour une immunoglobuline donnée, les
deux chaînes légères sont toujours identiques. Le rapport entre les anticorps porteurs de
chaînes légères et varie d'une espèce à l'autre, ce rapport est de 2/1 chez l'homme.
II.1.b. La molécule d'immunoglobuline est organisée en domaines
Les chaînes lourdes et légères de la molécule d'immunoglobuline sont constituées de
domaines d'environ 110 acides aminés stabilisés par des ponts disulfures intracaténaires.
Chaque domaine est constitué de deux séries de feuillets beta-plissés antiparallèles reliés
par des boucles d’acides aminés dans lesquelles se trouvent les régions CDR (voir plus
bas). Les chaînes légères comportent deux domaines alors que les chaînes lourdes en
possèdent quatre (IgD, IgG, IgA) ou cinq (IgM et IgE).
Les domaines amino-terminaux des chaînes lourdes et légères varient considérablement
d'un anticorps à l'autre. Ils sont notés respectivement VH (variable heavy) et VL (variable
light). Les autres domaines des chaînes légères et lourdes sont constants et notés CL
(constant light), ou CH1, CH2, CH3 (constant heavy 1, 2 et 3) voire CH4.
3
L'association est telle que les domaines VH et VL sont appariés de même que les domaines
CH1 et CL. Les deux domaines CH3 des chaînes lourdes interagissent l'un avec l'autre,
alors que la composition en sucres des domaines CH2 empêche une telle interaction.
II-1-c.La molécule d'immunoglobuline comporte deux régions distinctes
L'association VH-VL constitue le site de fixation de l'anticorps pour l'antigène. On appelle
Fab (Fragment antibody) l’association entre les domaines VH-VL-CH1-CL. Chaque
monomère d’immunoglobuline comporte donc deux Fab.
La partie constante des deux chaînes lourdes associées comportant les domaines CH2-
CH3, voire CH4) constitue le Fc. Cet acronyme désigne historiquement la capacité de cette
structure à cristalliser lorsque des immunoglobulines sont digérées par de la papaïne.
II-1-d.Variabilité des anticorps (Figure 11)
Variation isotypique
Chaque chaîne d’immunoglobuline définit un isotype avec une structure en acides aminés
qui lui est propre dans chaque espèce. Ainsi, lorsqu'une immunoglobuline humaine est
injectée à un animal elle induit une réponse immunitaire dirigée contre l'immunoglobuline
injectée. Les anticorps synthétisés par l’animal sont appelés anticorps anti-isotype. Par
exemple, les anticorps anti-IgA humaines ne reconnaissent que les IgA de l'homme.
Variation allotypique
La variation allotypique (allotypes) concerne quelques acides aminés, rend compte de
variations génétiques (polymorphisme) à l'intérieur d'une même espèce et implique le plus
souvent les régions constantes des chaînes lourdes. Un allotype donné est donc retrouvé
pour un sous-groupe d'individus dans une même espèce.
Variation idiotypique
Les modifications de la séquence en acides aminés de la région variable, en particulier dans
la zone hypervariable directement responsable de la spécificité du site anticorps,
déterminent l'existence des idiotypes liés aux réarrangements VDJ et VJ des gènes des
immunoglobulines survenant lors de la maturation des lymphocytes B dans la moelle
osseuse.
II-2. Structure et répartition des différentes classes et sous-classes
d’immunoglobulines.
On distingue chez la plupart des mammifères cinq classes d’immunoglobulines : IgG, IgA,
IgM, IgD, et IgE. Elles diffèrent par leur composition en acides aminés et en sucres et par
conséquent par leur masse moléculaire et leur charge. A ces différences entre les classes
s’ajoute l’hétérogénéité des sous-classes à l’intérieur de chaque classe.
4
Les IgG sont des monomères réparties uniformément dans les compartiments intra- et
extravasculaires. Elles constituent la classe majoritaire lors de la réponse secondaire et
l’essentiel des gammaglobulines plasmatiques.
Les IgA sont majoritaires dans les sécrétions muqueuses (salive, colostrum, lait, sécrétions
bronchiques et uro-génitales) et elles sont à plus de 80% sous forme dimérique, maintenues
sous cette forme par la pièce J. Les IgA sécrétoires existent principalement sous forme
dimérique en association avec la pièce sécrétoire ou poly Ig-Receptor. Dans les muqueuses,
les dimères d'IgA sont sécrétés par les plasmocytes sous-épithéliaux et s'associent avec la
pièce sécrétoire, synthétisée par les cellules épithéliales, au cours de la traversée de la
barrière épithéliale. La pièce sécrétoire facilite le transport et protège les IgA de la
protéolyse. La sous-classe IgA1 est majoritaire dans le sérum, la sous-classe IgA2 est
surtout présente dans les sécrétions (voir chapitre 16).
Les IgM présentent une structure pentamérique et sont essentiellement confinées dans le
compartiment intravasculaire. Les IgM constituent la plupart des anticorps "naturels" et sont
majoritaires lors de la réponse primaire. Les IgM possèdent un domaine constant
supplémentaire et sont associées entre elles par la pièce J.
Les IgD sont des monomères qui représentent moins de 1% des immunoglobulines
plasmatiques. Leur fonction biologique n’est pas connue précisément.
Les IgE sont des monomères à quatre domaines constants. Elles sont présentes soit sous
forme de traces dans le sérum, soit fixées à la surface des mastocytes et des basophiles à
un récepteur de haute affinité (FcRI). Les IgE jouent un rôle dans l’immunité anti-parasitaire
contre les helminthes, et dans les réactions d’hypersensibilité immédiate.
Principales caractéristiques des différentes classes d’Immunoglobulines.
IgG IgA IgM IgD IgE
Masse moléculaire (kDa) 150 160 900 185 200
Sous classes G1 à G4 A1 et A2 1 1 1
Nombre de sous unités 1 1 ou 2 5 1 1
% sucres 3 8 12 13 12
% total des immunoglobulines 75 15 à 20 10 <1% <0.01
Concentration sérique (g/L) 8 à 18 3,5 à 4,5 1 à 2 0-0.4
(<100
UI/mL)
0.02-0.5
(<250
UI/mL)
5
III–Interactions antigène-anticorps.
Les séquences d’acides aminés des régions variables des chaînes lourdes et légères,
dérivant des réarrangements géniques VDJ et VJ, ont une très grande variabilité d’une
immunoglobuline à l’autre. Elles contiennent des régions hypervariables («régions
déterminant la complémentarité» ou CDR pour Complementary Determining Region) et des
régions charpentes (FR pour Framework Regions).
Le repliement des chaînes peptidiques des régions VH et VL permet de rapprocher dans
l’espace les 6 CDR qui forment chacun une boucle, l’ensemble constituant le site de liaison
de l’antigène.
De nombreuses liaisons non-covalentes participent à l’interaction entre l’antigène et les
acides aminés du site anticorps. Bien que ces forces attractives (liaisons hydrogène,
hydrophobes, forces de Van der Waals et électrostatiques) soient faibles, leur grand nombre
permet une énergie de liaison élevée entre le déterminant antigénique (épitope) et le site
anticorps (paratope). La force de liaison antigène-anticorps est appelée affinité de
l'anticorps. L'avidité désigne la force avec laquelle un anticorps multivalent se fixe à un
antigène plurivalent.
IV Fonctions effectrices des anticorps
IV-1. Fonctions effectrices portées par le fragment Fab
IV-1-a. Réactions de neutralisation des toxines bactériennes
De nombreuses bactéries exercent leur pouvoir pathogène en sécrétant des protéines
appelées toxines. Pour exercer son pouvoir pathogène, la toxine doit interagir avec un
récepteur spécifique à la surface de la cellule cible. Les anticorps qui reconnaissent la toxine
et empêchent son interaction avec la cellule sont des anticorps neutralisants appelés
antitoxines. Dans le compartiment extracellulaire ce sont surtout des IgG alors qu'il s'agit
d'IgA au niveau des surfaces muqueuses de l’organisme.
IV-1-b. Inhibition de l’adhésion bactérienne aux surfaces cellulaires
De nombreuses bactéries possèdent des protéines d’adhésion appelées «adhésines». Des
anticorps dirigés contre ces protéines inhibent l’adhésion et préviennent l’infection.
IV-1-c. Blocage de l’infectiosité des virus
Lorsqu’un virus infecte une cellule, il doit d’abord se fixer sur un récepteur membranaire
spécifique. Les anticorps spécifiques de virus peuvent prévenir l'infection virale soit en
bloquant la fixation du virus sur son récepteur, soit en désorganisant la structure de la
particule virale.
6
IV-2. Fonctions effectrices portées par le fragment Fc
IV-2-a. Transport des anticorps
Les IgG maternelles peuvent traverser le placenta et être déversées dans la circulation
sanguine du foetus. Ainsi, à la naissance, les nouveaux-nés ont un taux et un répertoire
d’IgG plasmatiques équivalent à celui de leur mère. Le transport sélectif des IgG de la mère
au foetus est assuré par les récepteurs néonataux au fragment Fc (FcRn) présents au
niveau du placenta.
Au niveau de la lamina propria des muqueuses, les IgA dimériques sont internalisées par la
cellule épithéliale, ce processus est appelé transcytose. Le dimère d'IgA s'associe avec la
pièce sécrétoire, et le complexe est libéré à la surface des muqueuses et dans les
sécrétions.
IV-2-b. Interactions entre anticorps et cellules dans la réponse humorale
Afin d’éliminer physiquement les pathogènes, les anticorps peuvent activer le système du
complément (voir chapitre 10). Ils peuvent également activer une grande variété de cellules
effectrices en interagissant avec les récepteurs au fragment Fc des immunoglobulines (FcR)
qu’elles expriment à leur surface.
Phagocytose et dégradation des particules opsonisées
De nombreuses bactéries sont reconnues, ingérées et détruites par les cellules
phagocytaires (macrophages et polynucléaires). Cependant, certaines bactéries pathogènes
ont des capsules polysaccharidiques qui empêchent leur phagocytose directe. Ces bactéries
deviennent sensibles à la phagocytose lorsqu’elles sont recouvertes d’anticorps spécifiques.
Le recouvrement par des anticorps d’un microorganisme pour permettre sa phagocytose est
appelé opsonisation. S’il s’agit d’antigènes solubles, leur interaction avec des anticorps et le
système du complément formera des complexes immuns dont la phagocytose sera favorisée
par le même mécanisme.
Cytotoxicité dépendante du complément (CDC)
Les anticorps fixés sur leur antigène peuvent activer la voie classique du complément. Si
l’activation de ce système va à son terme, la formation du complexe d’attaque membranaire
conduit à la lyse de la cellule sur laquelle se sont initialement fixés les anticorps.
Cytotoxicité dépendante des anticorps (ADCC)
Une cellule infectée par un virus peut exprimer des protéines virales à sa surface et être
reconnue par des anticorps spécifiques. Le fragment Fc de ces anticorps peut alors interagir
avec les FcR présents sur les cellules NK, les monocytes/macrophages ou les
polynucléaires et activer ces dernières pour détruire la cellule cible.
7
Ainsi, les cellules NK expriment le récepteur FcRIII (CD16) qui reconnaît les IgG1 et les
IgG3. Le mécanisme de lyse des cellules NK est identique à celui des cellules T CD8+
cytotoxiques et implique le système perforine-granzyme. Ce processus est appelé ADCC
(Antibody Dependent Cell-mediated Cytotoxicity).
A retenir
Les immunoglobulines sont des doubles hétérodimères glycoprotéiques comportant
deux chaînes lourdes identiques et deux chaînes légères identiques (isotypes)
Il existe cinq classes d’immunoglobulines : IgG, IgA, IgM, IgD, IgE, par ordre de
concentration plasmatique.
Chaque classe est associée soit à une chaîne légère kappa soit à une chaîne légère
lambda
La partie variable des immunoglobulines leur confère leur spécificité pour l’antigène
(activité anticorps)
La partie constante des chaînes lourdes des immunoglobulines gouverne les
fonctions effectrices des immunoglobulines
8
Figure 9. Structure d’une molécule d’immunoglobuline (ici IgG).
La molécule est composée de 12 domaines de structure comparable, définissant la superfamille des immunoglobulines. Chaque domaine est composé de feuillets beta-plissés reliés par des boucles d’acides aminés. Au niveau des domaines variables (VH,VL), ces boucles constituent les sites de reconnaissance de l’antigène (CDR = Complementary Determining Regions). A noter que l’immunoglobuline comporte :
- deux chaînes lourdes (H) identiques entre elles (en bleu clair) comportant trois domaines constants (CH) et un domaine variable (VH)
- deux chaînes légères (L) identiques entre elles (en bleu foncé), comportant un domaine constant (CL) et un domaine variable (VL).
Par ailleurs la partie variable définit le Fab (Fragment antibody) et la partie constante des chaînes lourdes définit le fragment Fc (Fragment cristallisable).
9
Figure 10. Classes et sous-classes d’immunoglobulines
Les IgG (en bleu) comportent 4 sous-classes se différenciant par la composition en acides aminés de leur chaîne lourde et par la longueur de leur région charnière. Il n’y a pas de sous-classe pour les IgD (en orange) qui ressemblent aux IgG, ni pour les IgE (en rouge) qui ont par contre un quatrième domaine constant. Il y a deux sous-classes d’IgA (en vert) se différenciant par la composition en acides aminés de leur chaîne lourde et par la longueur de leur région charnière. Les IgM (en mauve) sont des pentamères composés de monomères à quatre domaines constants reliés par une pièce J (en jaune). A noter que les deux chaînes légères (en violet), qui peuvent être kappa ou lambda s’associent indifféremment à tout type de chaîne lourde, tout en restant identiques (isotype kappa ou lambda, et spécificité du domaine VL) au sein d’une immunoglobuline donnée.
10
Figure 11. Variabilité des anticorps.
Ce schéma montre comment les différences de composition en acides aminés définissent :
- les isotypes (domaines constants des chaînes lourdes) - les allotypes (petite région au sein d’un domaine) - les isiotypes portés par le Fab au niveau des zones hypervariables des
V-Sélection du répertoire des lymphocytes B .......................................................................14
V-1. Mécanismes de la tolérance B centrale .....................................................................14
V-2. Mécanismes de la tolérance B périphérique ..............................................................15
2
I-Introduction (Figure 12)
Les lymphocytes B représentent environ 5 à 15% des lymphocytes circulants et sont définis
par la présence d’immunoglobulines (Ig) de surface. Ces immunoglobulines, produites par la
cellule elle-même, jouent le rôle de récepteur spécifique pour l’antigène (BCR). Les
immunoglobulines sont des hétérodimères protéiques, composées de deux chaînes lourdes
H (pour Heavy) identiques et deux chaînes légères L (pour Light) identiques. Chaque chaîne
est composée d'une région constante C et d'une région variable V. L'association des
domaines variables des chaînes lourdes et légères définit le site de fixation à l'antigène. Le
BCR est associé à des molécules responsables de la transduction du signal après contact
avec l’antigène : les chaînes Igou CD79a et Igou CD79b. D'autres molécules sont
présentes à la surface du lymphocyte B, associées aux différentes fonctions de ces cellules.
Leur expression varie en fonction de l'état de différenciation des lymphocytes B.
Les lymphocytes B après activation se transforment en plasmocytes qui sécrètent des
immunoglobulines (anticorps) de la même spécificité que leur BCR. Différentes chaînes
lourdes déterminent des classes d’immunoglobulines ou isotypes. Il existe également des
sous-classes. On décrit ainsi cinq types de chaînes lourdes : gamma, alpha, mu, delta et
epsilon subdivisées en neuf sous-classes IgG1, IgG2, IgG3, IgG4, IgA1, IgA2, IgM, IgD et
IgE. Les chaînes légères sont soit kappa soit lambda.
II-Le récepteur pour l’antigène des lymphocytes B (BCR)
La reconnaissance spécifique de l’antigène est la caractéristique majeure de la réponse
immunitaire adaptative. La molécule impliquée dans ce processus au niveau du lymphocyte
B est une immunoglobuline exprimée à sa surface.
Le BCR est caractérisé par sa diversité, qui résulte de recombinaisons des segments de
gènes codant les chaînes lourdes et légères qui le constituent. Le nombre élevé d’antigènes
susceptibles d’être rencontrés par l’organisme implique que le génome permette la synthèse
d’au moins plusieurs millions de molécules différentes. Cependant, les régions constantes
des différentes chaînes lourdes et légères sont invariables alors que les régions variables
sont différentes d'une immunoglobuline à l'autre et spécifiques chacune d’un épitope
antigénique. Plusieurs segments de gènes participent à la constitution des régions variables.
II-1.Organisation et expression des gènes d’immunoglobulines (Figure 13)
La formation des chaînes lourdes et des chaînes légères des immunoglobulines résulte de
l’association de plusieurs segments de gènes qui sont organisés en loci sur des
chromosomes différents.
3
Le locus des gènes des chaînes lourdes (IGH) est situé sur le chromosome 14. Il
comprend environ 70 segments regroupés en trois familles de gènes dits de variabilité (V),
de diversité (D) et de jonction (J). Neuf gènes codent les régions constantes (C) des 9
classes et sous-classes d'immunoglobulines. Dans l'ordre, sur le chromosome 14, on trouve
les gènes des divers domaines constants des régions C, C, C3, C1, C2, C1, C2, C4,
C1, C2. Le gène C2 est un pseudogène.
Il y a deux loci pour les gènes des chaînes légères (IGL). Les gènes des chaînes légères
sont situés sur le chromosome 2. Le locus Ig humain, en configuration germinale,
comporte 31 à 35 segments V fonctionnels ainsi que 5 segments J. Les segments V et
J codent la partie variable de la chaîne légère. Un seul segment C code pour la partie
constante.
Les gènes des chaînes légères sont situés sur le chromosome 22. Le locus Ig humain, en
configuration germinale, comporte environ 30 segments V ainsi que 4 segments J. Il existe
au moins 6 gènes C différents, chacun étant précédé d’un seul gène J qui lui est propre. La
recombinaison se fait au hasard entre l'un des gènes V et un gène J.
II-2.Génération de la diversité des immunoglobulines (Figure 14).
Deux mécanismes différents assurent la diversité du BCR, respectivement la diversité
combinatoire et la diversité jonctionnelle.
La diversité combinatoire est gouvernée par le hasard du choix des segments constituant
les régions variables. Les régions variables des chaînes H sont obtenues par l’association,
dans un premier temps, d'un segment de jonction JH avec un segment de diversité DH, puis
le réarrangement de cette association D-JH avec un segment variable VH, le tout aboutissant
à la formation d'un exon VDJ. Les régions variables des chaînes L sont générées seulement
par jonction de segments VL et JL pour former un exon VJ. Les régions d'ADN comprises
entre les différents segments sont délétées lors de ces réarrangements sous forme d'un
ADN circulaire ou épisome. Les segments géniques codant les régions variables des
chaînes H et des chaînes L sont ensuite associés aux exons codant la région constante des
chaînes correspondantes. Après épissage, les ARN messagers matures sont prêts à être
traduits en protéines. Le passage de la forme membranaire à la forme sécrétée des
immunoglobulines s'effectue par épissage alternatif d'un même transcrit primaire de chaîne
lourde.Le grand nombre de segments V, D et J disponibles et les multiples combinaisons
possibles entre ces éléments constituent la base de la diversité combinatoire.
La première étape de la recombinaison des gènes d’immunoglobuline repose sur la
reconnaissance de séquences d’ADN spécifiques adjacentes aux gènes V, D et J, appelées
RSS (séquence signal de recombinaison). Chaque RSS est constituée d’un motif consensuel
4
très conservé de sept nucléotides (heptamère CACAGTG) et d’un autre de neuf nucléotides
(nonamère ACAAAAACC). Ces deux motifs sont séparés par une séquence peu conservée
de 12 ou 23 nucléotides. Ce type de séquences est présent en 3’ des gènes V, en 5’ des
gènes J et flanque les gènes D. Elles sont complémentaires. Les deux heptamères et les
deux nonamères s’associent, ce qui a pour effet de mettre exactement bout à bout les gènes
V et J. La ligation des gènes V et J est assurée par des enzymes spécifiques qui
reconnaissent ces motifs, les recombinases. La recombinaison ne peut s’effectuer qu’entre
RSS possédant un séparateur de taille différente (règle 12/23) permettant d’éviter des
réarrangements non désirés. Les recombinases RAG-1 et RAG-2 sont les seules enzymes
lymphoïdes nécessaires à la recombinaison V(D)J. Elles permettent le clivage de la
séquence RSS, l’ouverture de la structure en épingle à cheveux et la jonction des segments
codants au cours de la recombinaison. L’expression des gènes RAG-1 et RAG-2 est
strictement contrôlée lors du développement lymphocytaire B permettant les réarrangements
d’abord au niveau du locus IGH, puis au niveau des gènes de chaînes légères.
La diversité jonctionnelle permet d'augmenter encore la diversité créée par les
mécanismes de recombinaison. Lors des processus de recombinaison V(D)J, les
mécanismes de réparation de l’ADN créent une variabilité dans les zones de jonction entre
les gènes associés et la position précise à laquelle les segments génétiques V(D)J se
joignent peut légèrement varier. Ce phénomène induit un degré supplémentaire de diversité
par délétion ou insertion de nucléotides dans les régions variables des immunoglobulines.
Au niveau des segments codants on trouve deux types d’insertion nucléotidique:
i) les insertions «non-templated» où jusqu'à 15 nucléotides (N) sont ajoutés au hasard par
la terminal déoxynucléotidyl transférase (TdT). Le terme de «non templated» signifie qu'il n'y
a pas d'appariement base à base sur un segment d'ADN. Cette insertion est spécifique du
stade précoce du développement du lymphocyte B, pendant lequel la TdT est exprimée et où
a lieu la recombinaison V(D)J. La TdT ajoute ces nucléotides sans amorçage, avec une
préférence pour des résidus G. Ces régions N sont ainsi riches en G-C.
ii) les insertions « templated » où quelques nucléotides sont ajoutés au niveau des joints
codants. Ces nucléotides sont appelés P en raison de la structure palindromique des
séquences RSS et sont complémentaires de l’extrémité du joint codant à proximité de la
séquence RSS.
La recombinaison V(D)J permet donc in fine de générer un vaste répertoire
d’immunoglobulines à partir d’un nombre restreint de gènes. En effet, grâce à l’utilisation des
différents gènes du répertoire, des coupures de l’ADN quelquefois imprécises, ainsi que des
diversités N et P, il est possible pour un individu de générer théoriquement jusqu’à 109
immunoglobulines différentes.
5
Cependant, le tribut à payer pour cette variabilité particulièrement importante est la
répercussion aléatoire de ces ajouts ou excisions de nucléotides sur le cadre de lecture des
protéines à synthétiser. Ainsi, seule une séquence recombinée sur trois peut coder une
protéine fonctionnelle.
Le contrôle de la recombinaison VDJ s’exerce d’une part grâce à l’expression des
recombinases. Celles-ci sont en effet exprimées uniquement dans les cellules lymphoïdes et
à certains stades de différenciation des lymphocytes. La chaîne H est réarrangée avant la
chaîne L, la chaîne avant la chaîne , et tout allèle réarrangé de manière improductive est
exclu. Une autre voie de contrôle est assurée par l’accessibilité des séquences RSS. Ces
dernières sont bloquées au niveau chromatinien par des protéines se liant aux RSS ou des
modifications de l’ADN rendant la séquence RSS inaccessible. Ces séquences doivent être
activement ouvertes pour la recombinaison.
II-3. Exclusion allélique et exclusion isotypique
Chaque lymphocyte synthétise des anticorps d’une seule spécificité, correspondant aux
réarrangements des régions variables. Ainsi, ces immunoglobulines sont produites à partir
d'un seul chromosome 14 et de l’un des deux chromosomes 2 ou 22. Ce phénomène est
appelé exclusion allélique. Au cours de la différenciation du lymphocyte, une première
recombinaison est tentée sur l'un des deux chromosomes 14 pris au hasard. Si la
recombinaison est réussie, c'est-à-dire si une chaîne lourde fonctionnelle peut être
synthétisée, le réarrangement est dit productif. Le second chromosome n’est alors pas
recombiné et ne sera pas exprimé. Si au contraire, la tentative est un échec, et ne conduit
pas à la synthèse d’un produit fonctionnel (réarrangement abortif), une nouvelle
recombinaison est tentée sur l'autre chromosome. Lorsque le réarrangement productif d'une
chaîne lourde est effectif, le même scénario se reproduit avec les chromosomes codant les
chaînes légères. Si les échecs se répètent pour tous les gènes possibles, le lymphocyte ne
produira jamais d'immunoglobuline.
De plus, une même cellule n'exprime jamais à la fois une chaîne et une chaîne c'est
l'exclusion isotypique. La toute première tentative de recombinaison pour les chaînes
légères s'effectue au niveau de l'un des deux gènes . En cas d'échec il est fait appel au
gène de l'autre chromosome 2 ou aux gènes .
Le mécanisme de l’exclusion allélique n’est que partiellement élucidé. Il fait appel à des
signaux médiés par le Pré-BCR. Le pré BCR est constitué de la chaîne lourde issue du
réarrangement productif d’un allèle codant la chaîne lourde µ associé à une pseudo-chaîne
légère VpreB/5. Les signaux médiés par ce pré-BCR bloquent l’accessibilité des
recombinases RAG sur le deuxième allèle de la chaîne lourde µ non recombinée et les
6
redirige vers le locus des chaînes légères pour initier les premières recombinaisons. La
formation d’un BCR complet associant chaîne lourde et chaîne légère bloque les
recombinaisons sur les autres allèles de chaîne légère.
III-Ontogénèse des lymphocytes B. (Figure 15)
On peut séparer l’ontogenèse des lymphocytes B en deux phases principales, dépendantes
ou non de la présence d'antigène.
La première phase de différenciation et de maturation des lymphocytes B est indépendante
de l’antigène. Elle se déroule dans la moelle osseuse et aboutit à la génération de
lymphocytes B immatures exprimant une immunoglobuline de surface capable de
reconnaître un antigène.
La seconde phase, d’activation et de différentiation finale, est dépendante des antigènes
du soi d’abord puis du non-soi en périphérie, au niveau des organes lymphoïdes
secondaires. Elle aboutit à la formation de plasmocytes et de cellules B mémoires
spécifiques d’un antigène.
Les étapes de différenciation qui conduisent de la cellule souche hématopoïétique au
lymphocyte B immature se déroulent dans la moelle osseuse en l'absence de stimulation
antigénique.
III-1-Différents stades du développement B
III-1-a.Les progéniteurs lymphoïdes communs (CLP)
Les cellules souches hématopoïétiques (HSC pour Hematopoietic Stem Cells) sont à
l'origine de toutes les cellules sanguines et donc des lymphocytes (voir chapitre 2). Elles sont
caractérisées par leur potentiel de différenciation en de multiples lignées, leur grande
capacité d'auto-renouvellement et la présence à leur surface du marqueur CD34. Les
précurseurs lymphoïdes communs issus des HSC possèdent la capacité de reconstituer de
façon restreinte la lignée lymphoïde (cellules T, B et NK) in vivo.
III-1-b.Le stade pré-pro B
Dans la moelle osseuse, les précurseurs B les plus immatures constituent une sous-
population de cellules appelées pré-pro-B qui ne sont pas totalement engagées dans la voie
B et n'ont pas encore réarrangé les gènes des immunoglobulines. Les cellules pré-pro-B
expriment très faiblement les gènes RAG-1 et RAG-2. Par contre, l'expression du gène
7
codant pour Ig (CD79a) est détectée dès ce stade sous forme de protéines CD79a
intracytoplasmiques.
III-1-c.Le stade pro-B
A ce stade les réarrangements des gènes d'immunoglobulines commencent à se mettre en
place, selon une cinétique contrôlée, permettant ainsi de distinguer deux populations. Les
réarrangements débutent au locus IGH par la jonction d'un segment DH avec un segment JH.
Ces événements caractérisent le stade pro-B précoce, auquel apparaît le marqueur CD19.
Ces premiers réarrangements sont suivis dans les cellules pro-B tardives par l'assemblage,
sur un seul allèle, d'un segment VH avec les segments DJH réarrangés. Seuls les segments
VHDJH en phase de lecture correcte et sans codon stop codent pour une région variable
fonctionnelle et permettent la synthèse d'une chaîne lourde intracytoplasmique.
III-1-d.Le stade pré-B
Une petite proportion de la chaîne lourde mu est alors exprimée à la surface des cellules,
maintenant pré-B, en association avec une pseudo chaîne légère formée de la liaison non
covalente des protéines 5 et VpréB. Ce complexe forme le pré-BCR qui permet à la cellule
de passer au stade ultérieur de la différenciation et d'entrer dans une phase d'expansion
clonale. Le pré-BCR joue aussi un rôle critique dans l'exclusion allélique en induisant une
diminution transitoire de l'expression des gènes RAG qui arrête la recombinaison des gènes
de chaînes lourdes sur l'autre allèle.
Les gènes RAG sont alors réexprimés pour réaliser les réarrangements VLJL des gènes des
chaînes légères. Ils sont monoalléliques et débutent au locus Ig. Si aucun réarrangement
productif sur les deux allèles ne s'est produit, ils se poursuivent au locus Ig comme indiqué
précédemment.
III-1-e.Le stade B immature
Ce stade est caractérisé par la production d'une chaîne légère classique qui remplace la
pseudo chaîne légère et donne naissance à une IgM de surface conférant à la cellule sa
spécificité de reconnaissance de l'antigène.
Ces cellules produisent par ailleurs un long transcrit d’ARN couvrant les régions constantes
des chaînes mu (µ) et delta (. Un épissage de cet ARN associe la région variable aux
domaines constants de l’un ou l’autre isotype. Ces cellules B immatures ou naïves
8
coexpriment ainsi les deux types d’immunoglobulines avec la même spécificité. On parle de
cellules µLes lymphocytes B immatures sont alors sujets à un processus de sélection
négative au cours duquel les cellules possédant des immunoglobulines membranaires
spécifiques pour les antigènes du soi sont éliminées par des mécanismes détaillés plus loin.
Les cellules qui survivent quittent alors la moelle osseuse pour se rendre dans les organes
lymphoïdes secondaires où elles pourront subir les dernières étapes de maturation.
III-2-Régulation de la différenciation lymphocytaire B
III-2-a.Rôle des cytokines et des récepteurs de cytokine
Les premières étapes du développement sont strictement dépendantes du
microenvironnement particulier apporté par les cellules stromales de la moelle osseuse. Ces
cellules stromales régulent la croissance, la maturation et la survie des précurseurs par
l’intermédiaire de facteurs solubles (IL7, Stem Cell factor ou SCF, SDF-1) et de contacts
avec les cellules en développement.
III-2-b.Rôle des facteurs de transcription
Au cours de la différenciation lymphocytaire, les facteurs de transcription, en se fixant sur
différents promoteurs et activateurs, sont impliqués dans la quiescence, la survie et la mort
des progéniteurs B ainsi que dans les prises de décisions lors de l'engagement des cellules
dans une lignée spécifique. Un certain nombre de ces facteurs de transcription apparaissent
ainsi fondamentaux : Ikaros, E2A, EBF, Pax5 et LF1.
IV. Différenciation B dépendante de l’antigène.
IV-1. Différenciation post-médullaire des lymphocytes B
Les cellules B immatures qui ont quitté la moelle osseuse passent par un stade
intermédiaire, le stade B transitionnel. C’est à ce stade qu’a lieu la sélection périphérique.
Les lymphocytes B qui survivent à la sélection périphérique expriment une IgM et une IgD de
surface et se différencient soit en lymphocytes B folliculaires conventionnels impliqués dans
les réponses humorales dépendantes des lymphocytes T soit en lymphocytes B de la zone
marginale qui sont impliqués dans les réponses humorales thymo-indépendantes.
Les lymphocytes B folliculaires représentent 80% des cellules B de la rate adulte et
possèdent la capacité de coloniser les ganglions lymphatiques. Après activation par leur
rencontre avec l’antigène, les lymphocytes B peuvent soit se différencier rapidement en
plasmocytes à IgM à courte durée de vie, soit former les centres germinatifs où ils subissent
9
les processus d’hypermutation somatique et de commutation isotypique, avant de se
différencier en cellules B mémoires ou en plasmocytes long survivants (voir plus bas).
Les cellules B mémoires constituent un groupe minoritaire de cellules à longue durée de
vie, capables de persister à l’état quiescent sans proliférer (de plusieurs mois à plusieurs
dizaines d’années chez l’homme). Elles n’expriment en général plus d’IgD, ont commuté
(expriment un autre isotype), et peuvent avoir des localisations préférentielles telles que les
muqueuses pour les cellules ayant commuté pour produire des IgA. Les cellules mémoires
ont la faculté de répondre très rapidement à des pathogènes. En effet, elles peuvent
présenter rapidement et efficacement l’antigène aux lymphocytes T lors d’une réponse
secondaire et se différencier en plasmocytes.
Les plasmocytes, exprimant CD38 et CD138, sont les cellules effectrices de la réponse
immunitaire humorale. Ce sont de vraies usines de production et de sécrétion d’anticorps à
destination de l’ensemble de l’organisme. La durée de vie de ces cellules sécrétrices peut
être courte ou longue selon le type de signaux reçus lors de la stimulation antigénique.
D’autres cellules B périphériques interviennent dans les réponses immunes T-
indépendantes. Leurs origines restent encore controversées mais leur action est essentielle
puisque ce sont ces cellules qui vont constituer la première ligne de défense contre certains
micro-organismes comme les bactéries encapsulées : ce sont les cellules B de la zone
marginale folliculaire (MZ) de la rate et les cellules B1 présentes notamment dans la cavité
péritonéale. Ces cellules B périphériques sont à l’origine d'autoanticorps dits «naturels»,
polyréactifs, de faible affinité dont les fonctions sont multiples : élimination des débris
cellulaires, transport de cytokines ou encore formation des complexes antigènes/anticorps
présentés aux cellules B folliculaires par les FDC dans les centres germinatifs.
Enfin des lymphocytes B régulateurs sont de découverte plus récente. Ils soulignent
l’importance de l’homéostasie B dans le maintien de l’équilibre du système immunitaire. Ces
lymphocytes B producteurs d’IL-10 exercent ainsi d’importantes fonctions de régulation de la
réponse immune.
IV-2- Activation des lymphocytes B
Certains signaux adressés aux lymphocytes B par leur environnement moléculaire et
cellulaire seront pour certains directement dépendants du BCR (liaison paratope-épitope),
et pour d’autres non directement dépendants du BCR.
IV-2-a.Stimulation par le BCR
A la suite du pontage d'au moins deux BCR, facilité par la présence d’épitopes répétés sur
l’antigène, les molécules de signalisation CD79a et CD79b sont activées. Cette activation
10
implique une phosphorylation qui s'effectue sur les résidus tyrosine présents sur les motifs
ITAMs (immunoreceptor tyrosine-based-activation-motif) de la portion intracytoplasmique
des molécules CD79 par des kinases associées au BCR (Blk, Fyn, Lyn…). Des
phosphatases (SHP-1, SHIP...) sont chargées de limiter cette signalisation. La
phosphorylation permet l’ancrage de protéines adaptatrices et favorise le recrutement en
cascade de molécules de signalisation. Celles-ci activent ensuite des facteurs de
transcription qui traversent la membrane nucléaire (translocation), et activent les gènes
contrôlant le programme fonctionnel des lymphocytes B.
Cette activation dépendante du BCR est modulée par des signaux indépendants du BCR
qui permettent, en fonction du stade de développement du lymphocyte B, de l'orienter soit
vers une mort programmée ou apoptose, soit vers la prolifération. L'apoptose concerne la
sélection négative au cours de l’ontogénie B ou diminution de la taille du clone (contraction
clonale) après activation. La prolifération concerne la sélection positive au cours de
l’ontogénie B ou l'expansion clonale après activation B, Ces signaux gouvernent aussi la
différenciation et la maturation qui font évoluer les cellules du lymphocyte B naïf au
lymphocyte B mature, puis au lymphocyte B mémoire ou au plasmocyte.
IV-2-b.Molécules accessoires de l’activation lymphocytaire B
D'autres signaux membranaires en relation avec l'environnement cellulaire du lymphocyte B
(cytokines, complément, molécules d'adhérence...) permettent de contrôler la signalisation
du BCR vers la survie, l'apoptose, l'activation, la prolifération ou la différenciation. Ces
signaux jouent également un rôle déterminant dans les coopérations cellulaires.
Par exemple, au cours d’une infection, le fragment C3d produit par l'activation du
complément enrobe le micro-organisme. La molécule CD21, présente à la surface du
lymphocyte B, est capable de reconnaître C3d, quelle que soit la structure qui le porte. CD21
vient compléter la reconnaissance du pathogène par le BCR. Cette double reconnaissance
enclenche à la fois l’activation de CD21 via la molécule signal CD19 et l’activation du BCR
par ses molécules signal CD79. Dans ce cas, la coopération est positive et aboutit à
l'activation et à la prolifération du lymphocyte B.
Dans d'autres cas, un effet négatif sur l'activation du lymphocyte B peut être observé. Par
exemple lorsqu’une immunoglobuline, par l’intermédiaire de sa partie constante Fc, lie le
FcR-IIB (CD32B), présent sur les lymphocytes B, ceci délivre un signal de frein à l’activation
concomitante du lymphocyte B par l’intermédiaire de la liaison de l’antigène sur le BCR.
IV-2c. Interaction lymphocyte T / lymphocyte B lors des réponses thymo-dépendantes
11
Au sein des organes lymphoïdes secondaires, à l’interface entre la zone corticale-et la zone
paracorticale, l'interaction lymphocyte B/lymphocyte T est le plus souvent antigène
dépendante et donc spécifique. Le lymphocyte B joue le rôle d’une cellule présentatrice
d'antigènes pour le lymphocyte T préalablement activé par une cellule dendritique au sein de
la zone T. C’est le cas pour les antigènes protéiques qui sont capturés par le BCR,
internalisés dans le lymphocyte B avec ce dernier et apprêtés pour permettre l'exposition
membranaire de peptides sélectionnés dans les sillons de présentation des molécules CMH
de classe II qu'expriment les lymphocytes B à leur surface. Cette interaction est complétée
par l'expression de molécules de co-stimulation. Sur le lymphocyte B l’expression de
CD80/CD86 permet la liaison au CD28 des lymphocytes T (second signal qui favorise
l’expansion clonale et l’activation T). Sur le lymphocyte T activé, l’expression du ligand du
CD40 (CD40L ou CD 154) permet la liaison au CD40 des lymphocytes B. Au cours de cette
étroite interaction, le lymphocyte B reçoit de la part du lymphocyte T des signaux
nécessaires à sa prolifération et sa maturation, comme de l’IL-2 et de l’IL-4.
IV-3-Modifications de structure du BCR après contact antigénique
Les immunoglobulines de membrane subissent de nouvelles modifications dans les organes
lymphoïdes secondaires. Cette différenciation est dépendante de l’antigène et entraîne une
modification de la maturation des ARN messagers des chaînes lourdes, qui se traduit par la
disparition des immunoglobulines membranaires et la sécrétion d'IgM dans le cas d’une
différenciation en plasmocytes à IgM à courte durée de vie.
Lorsque le lymphocyte B passe après activation par la voie du centre germinatif au sein des
organes lymphoïdes secondaires, il subit au stade de « centroblaste »une modulation de
l’affinité de son immunoglobuline pour l’antigène. Ce phénomène est dû à des
hypermutations somatiques dans les gènes codant les régions variables des
immunoglobulines. Après sélection positive des lymphocytes B portant une immunoglobuline
de forte affinité pour l’antigène intervient au stade « centrocyte » la commutation de classe
ou commutation isotypique encore appelée "class switching". Des immunoglobulines
circulantes ou portées par des lymphocytes B mémoires d'une nouvelle classe (on parle
aussi de nouvel isotype) apparaissent : des IgG ou des IgA ou des IgE. Ceci correspond à
un déplacement des gènes VDJ réarrangés dans la moelle osseuse en amont des gènes
codant pour les domaines constants, sans changement de la spécificité antigénique.
IV-3-a.Immunoglobuline membranaire ou sécrétée
L’immunoglobuline de membrane (BCR) est identique à l’immunoglobuline sécrétée
(anticorps), à l’exception d’une séquence d’acides aminés située dans la partie C terminale
12
des chaînes lourdes H. Les immunoglobulines de membrane sont plus longues que leurs
homologues sécrétés, et les acides aminés supplémentaires sont nécessaires pour traverser
la membrane cellulaire et y ancrer la molécule. A noter que seuls trois acides aminés sont
présents dans le cytoplasme d’une IgM de membrane, ce qui ne suffit pas pour transduire un
signal.
IV-3-b.Maturation des messagers et sécrétion des IgM
Après stimulation, un lymphocyte B peut secréter des IgM solubles alors que les IgM et les
IgD membranaires disparaissent. Les parties variables et les chaînes légères de ces trois
types d'immunoglobulines sont identiques. Ce phénomène résulte d'une modification de la
maturation des messagers et peut-être aussi d'une variation du site d'arrêt de la
transcription. La partie constante des chaînes mu est codée par 6 exons. Les deux derniers
(exons 5 et 6) codent pour la partie transmembranaire de l'IgM de membrane. Après
stimulation antigénique, la maturation des messagers se modifie et seuls les messagers de
l'immunoglobuline sécrétée, qui ne contiennent que les exons 1 à 4 sont retrouvés dans le
cytoplasme. La chaîne synthétisée ne possède plus la séquence peptidique nécessaire à
l'ancrage dans la membrane et elle est donc totalement sécrétée.
IV-3-c.Les hypermutations somatiques
Les hypermutations somatiques sont induites à la suite d’une stimulation antigénique, dans
la zone sombre des centres germinatifs des organes lymphoïdes secondaires, à un stade où
le lymphocyte B est appelé centroblaste. Ces modifications sont essentiellement ciblées sur
la région variable des gènes d’immunoglobuline des cellules B activées. Les mutations
introduites permettent la modulation, et donc dans certains cas l’augmentation de l’affinité
pour l’antigène. A la suite de ce phénomène, les lymphocytes B appelés centrocytes, qui
expriment à leur surface des immunoglobulines de forte affinité pour l’antigène, seront
sélectionnés grâce aux cellules folliculaires dendritiques au sein de la zone claire des
centres germinatifs. L’ AID (Activation-Induced cytidine Deaminase»), une enzyme
exclusivement exprimée dans les centres germinatifs in vivo est responsable de ces
hypermutations somatiques.
IV-3-d.Commutation de classe (Figure 16)
La spécificité antigénique des immunoglobulines est déterminée par les régions variables
des chaînes lourdes et légères. Les fonctions effectrices, en revanche, dépendent des
13
régions constantes (C) des chaînes lourdes et varient selon les isotypes. Les IgM sont
majoritairement produites au cours de la réponse primaire, alors que les IgG, IgA ou IgE sont
majoritairement produites au cours d'une réponse secondaire ou tertiaire. Au cours du
changement d'isotype ou commutation de classe, le gène réarrangé VDJ se rapproche
d’un nouveau segment constant codant pour les domaines constants d'une classe
d'immunoglobulines différente par un processus de recombinaison somatique. Les
lymphocytes B matures peuvent alors exprimer et sécréter une des classes
d'immunoglobulines (IgG, IgA ou IgE) spécifiques de l’antigène. Ce processus est primordial
pour la diversité fonctionnelle des réponses anticorps. La commutation de classe est un
mécanisme complexe et hautement régulé. Il cible des "points chauds" de recombinaisons
appelés régions «switch» ou S, situées en amont de tous les domaines constants à
l'exception de C. Les régions «switch» sont des sites de recombinaison de longueur
variable . AID est absolument indispensable pour cette commutation de classe.
IV-4.Le centre germinatif, lieu de l’hypermutation somatique et de la commutation
isotypique (Figure 17).
Suite à une immunisation avec un antigène qui entraîne une réponse T-dépendante, on
observe dans les organes lymphoïdes secondaires la formation de structures particulières
appelées centres germinatifs. Ces structures apparaissent quelques jours après
l’exposition à l’antigène et persistent jusqu’à quelques semaines. Elles sont associées à
l’expansion oligoclonale de cellules B spécifiques, sont le site de l’hypermutation somatique,
de la commutation isotypique et d’une sélection éliminant les cellules produisant des
anticorps de faible affinité.
Dans les centres germinatifs, on distingue deux zones principales dites zone sombre et zone
claire. Les centroblastes sont des lymphocytes B en prolifération qui ne fabriquent plus
d’immunoglobulines de surface car leurs gènes subissent les hypermutations somatiques. Ils
sontlocalisés dans la zone sombre, dont la forte densité cellulaire est à l'origine de ce nom.
Dans la zone claire, les lymphocytes B sont de plus petite taille, ne prolifèrent plus, et sont
enchevêtrés dans un large réseau de cellules folliculaires dendritiques. Ces lymphocytes
expriment leur nouvelle immunoglobuline de surface et sont appelés centrocytes.
Les cellules folliculaires dendritiques peuvent retenir l’antigène sous sa forme native à leur
surface, sous forme de complexes immuns pendant plusieurs mois, et le rendre ainsi
accessible aux centrocytes issus de la prolifération dans la zone sombre. Seuls les
centrocytes exprimant un récepteur de haute affinité pour les épitopes présentés par les
14
cellules folliculaires dendritiques sont sélectionnés efficacement en captant l’antigène. Au
contraire, si les mutations ne modifient pas, voire diminuent l’affinité du BCR, ces cellules
sont alors éliminées par apoptose. Suite à cette sélection, les centrocytes ayant capté
l’antigène l’apprêtent et le présentent sous forme de peptides dans leurs molécules du CMH
de classe II aux lymphocytes T helper folliculaires, présents spécifiquement au sein de la
zone claire. Ces lymphocytes T helper folliculaires donnent alors des signaux de survie et de
différenciation aux lymphocytes B, qui peuvent alors subir la commutation de classe. Ils
maturent ensuite soit en plasmocytes, soit en cellules B mémoire.
V-Sélection du répertoire des lymphocytes B
Le système immunitaire est soumis à deux impératifs sélectifs opposés : produire des
lymphocytes B ayant des récepteurs membranaires susceptibles de reconnaître un grand
nombre d’antigènes et contrôler les lymphocytes susceptibles de réagir avec le soi. La
tolérance au soi du système immunitaire est donc un état physiologique acquis dans lequel
le système immunitaire ne réagit pas contre les éléments qui le constituent. Avant leur départ
vers la périphérie, les cellules B immatures subissent un processus sélectif qui diminue
fortement le nombre de clones B auto-réactifs : tolérance centrale. Cependant, malgré
l’efficacité de ce processus, certains clones auto-réactifs gagnent la périphérie justifiant la
mise en place d’un mécanisme additionnel de tolérance : tolérance périphérique.
V-1. Mécanismes de la tolérance B centrale
Quatre mécanismes sont impliqués dans l’acquisition de la tolérance centrale des
lymphocytes B : -1) la réédition des récepteurs pour l’antigène, -2) la délétion clonale, -3)
l’anergie et -4) l’ignorance clonale. La mise en place de ces mécanismes est intimement liée
à l’affinité du BCR pour l’antigène du soi qu’il reconnaît. En cas d’affinité forte ou pour les
antigènes induisant une agrégation importante des récepteurs membranaires, les signaux
intracellulaires induits favorisent les mécanismes de réédition des récepteurs de l'antigène et
de délétion clonale. En dessous d’un certain seuil d’affinité ou si l’antigène agrège moins le
BCR (un antigène soluble par exemple), les clones B auto-réactifs seront tolérisés par
induction d’une anergie. Enfin, si l’antigène n’est pas ou peu présent dans la moelle
osseuse, les clones auto-réactifs quittent celle-ci sans subir de mécanisme actif de tolérance
selon un processus d’ignorance clonale. Le « receptor editing » est le principal acteur de la
tolérance centrale, l’anergie et la délétion jouant un rôle secondaire.
15
V-2. Mécanismes de la tolérance B périphérique
La tolérance périphérique peut avoir lieu à deux niveaux : dans la rate au stade des
lymphocytes B transitionnels et dans les centres germinatifs lors de l’activation des
lymphocytes B folliculaires.
Les lymphocytes B transitionnels migrent de la moelle osseuse vers la rate où
l’affinité/avidité de leur BCR est testée vis-à-vis des antigènes du soi. Les lymphocytes B
ayant un BCR d’affinité faible pour le soi poursuivent leur développement en migrant dans un
follicule primaire. Ils constituent le pool des lymphocytes B folliculaires et recirculent entre les
organes lymphoïdes secondaires et le sang. Les cellules B ayant un BCR d’affinité forte pour
le soi en périphérie sont éliminées. La première phase de cette sélection consiste en
l’exclusion folliculaire des lymphocytes B. Dans les zones extra-folliculaires, les lymphocytes
B auto-réactifs subissent alors soit une paralysie fonctionnelle par anergie soit une
élimination par délétion clonale. Le choix entre ces deux mécanismes de tolérance dépend
de l’affinité du BCR pour le soi et/ou de la forme physique de l’antigène : affinité forte et
antigène soluble pour l’anergie, affinité très forte et antigène membranaire pour la délétion.
Les cellules B anergiques exclues des follicules meurent en quelques jours par apoptose.
Un second mécanisme de tolérance est celui mis en place au niveau des centres germinatifs
et décrit plus haut.
16
A retenir
Les lymphocytes B sont issus de progéniteurs hématopoïétiques et se différencient
dans la moelle osseuse
Le réarrangement aléatoire des gènes codant pour la partie variable des chaînes
lourdes et légères des immunoglobulines s’effectue dans la moelle osseuse et aboutit
à la constitution d’un récepteur B pour l’antigène (BCR) spécifique pour chaque
lymphocyte B
L’ensemble des réarrangements productifs des gènes des immunoglobulines
constitue le répertoire B, sélectionné pour éliminer les clones auto-réactifs
Les lymphocytes B naïfs sortent de la moelle osseuse et gagnent les organes
lymphoïdes secondaires
La rencontre avec l’antigène induit l’activation des lymphocytes B, par le BCR et par
des molécules accessoires
Le lymphocyte B qui a reconnu l’antigène peut le présenter à un lymphocyte T
Après avoir rencontré l’antigène les lymphocytes B activés forment des centres
germinatifs dans lesquels ils prolifèrent et se différencient en plasmocytes à longue
durée de vie sécréteurs d’immunoglobulines de classe IgG, IgA et IgE, ou en cellules
B mémoire
Dans le centre germinatif, les gènes des immunoglobulines subissent des
hypermutations somatiques et la commutation de classe
Les lymphocytes B issus des centres germinatifs sont les plus affins car ils ont été
sélectionnés grâce à leur rencontre avec les antigènes portés par les cellules
folliculaires dendritiques,
17
Figure 12. Le BCR, récepteur pour l’antigène des lymphocytes B.
Le BCR est, à la surface du lymphocyte B, un complexe multimoléculaire comportant :
- une immunoglobuline de surface (ici une IgM) avec une partie transmembranaire et
quelques acides aminés intracytoplasmiques
- et de part et d’autre, deux hétérodimères CD79a (Ig) et CD79b (Ig) dont chaque chaîne
comporte un domaine de la superfamille des immunoglobulines extracellulaire et une longue
portion intracytoplasmique portant un motif d’activation ITAM (Immunoreceptor Tyrosine
Activating Motif).
18
Figure 13. Organisation des gènes d’immunoglobuline.
Ce schéma montre l’organisation des familles de gènes codant pour les chaînes légères
lambda sur le chromosome 22, pour les chaînes légères kappa sur le chromosome 2 et pour
les chaînes lourdes sur le chromosome 14.
Pour chaque locus, les répertoires de gènes de variabilité (V) apparaissent en vert, les
répertoires des gènes de jonction (J) en orange et les gènes des domaines constants (C) en
rose.
Sur le chromosome 14, le répertoire des gènes de diversité (D) est figuré en violet.
19
Figure 14. Génération de la diversité des immunoglobulines.
Ce schéma montre les étapes du réarrangement des gènes codant pour un domaine variable de chaîne lourde (VH). Il se fait en trois étapes :
- choix d’un gène D et d’un gène J dans les répertoires correspondants - chois d’un gène V dans ce répertoire - génération d’un ARN à partir de la séquence VDJ-domaine constant ainsi
constituée sur le chromosome 14 réarrangé. La production d’une chaîne lourde mu se fera après épissage de cet ARN.
20
Figure 15. Ontogénèse des lymphocytes B.
Ce schéma décrit les principales étapes de maturation des lymphocytes B dans la moelle osseuse à partir d’une cellule souche hématopoïétique. Ces étapes se caractérisent par l’expression séquentielle d’antigènes de différenciation (CD, Cluster of Differentiation) et l’implication, également séquentielle des gènes Pax et Rag (voir le texte). Les cellules matures gagnent les organes lymphoïdes secondaires ou elles se différencieront potentiellement en plasmocytes après activation antigénique.
21
Figure 16. Commutation de classe ou switch des gènes des immunoglobulines.
Ce schéma montre comment le segment VDJ réarrangé dans la moelle osseuse, est déplacé au cours de l’activation lymphocytaire B vers les gènes codant pour un autre domaine constant (ici epsilon pour fabriquer des IgE de même spécificité que l’IgM initiale).
22
Figure 17. Activation B dans le centre germinatif.
L’activation d’un lymphocyte B naïf se déroule dans le centre germinatif après reconnaissance de l’antigène et aide d’un lymphocyte T helper. La prolifération clonale s’effectue dans la zone sombre. La zone claire est le siège de la sélection des lymphocytes B nouvellement formés gardant les cellules présentant la meilleure affinité (les autres meurent par apoptose), ainsi que de la commutation de classe. Ces étapes dépendent de contacts avec les cellules dendritiques folliculaires et avec des lymphocytes T helper. Les cellules sélectionnées positivement quittent le centre germinatif sous forme de plasmocytes producteurs d’immunoglobulines ou de lymphocytes B mémoire. Les cellules B naïves n’ayant pas rencontré d’antigène sont repoussées dans la zone du manteau.
1
Origine, différenciation et répertoire lymphocytaire T
Guy Gorochov, Jean Daniel Lelièvre, Gilles Thibault, Antoine Toubert
IV-2-c. Facteurs impliqués dans l’ontogénie et la survie des lymphocytes T ......................... 8
V-Les autres lymphocytes T : lymphocytes T , lymphocytes NKT ............................................. 8
V-1. Les lymphocytes T ....................................................................................................... 8
V-2. Les lymphocytes NKT ....................................................................................................... 8
2
I-Introduction
Ce chapitre explique l’origine et la différenciation des lymphocytes T depuis la moelle osseuse
jusqu’à la sortie du thymus. Durant cette différenciation les précurseurs lymphocytaires T
acquièrent un récepteur de surface spécifique de l’antigène (TCR). La structuration finale du
TCR dépendant des hasards des recombinaisons de l’ADN, plusieurs étapes de reconnaissance
des TCR par des antigènes du soi s’effectuent dans le thymus. Ces étapes appelées sélections
visent à conserver un répertoire de lymphocytes T capables de reconnaître un grand nombre
d’antigènes extérieurs et de survivre en périphérie (sélection positive) mais ne reconnaissant
pas les antigènes du soi (sélection négative). A côté des lymphocytes T dits conventionnels
on décrit des lymphocytes T et les lymphocytes NKT ayant des fonctions et un
développement différents. L’étude de ces lymphocytes sera abordée en fin de chapitre. Une
grande partie des éléments sur lesquels reposent la connaissance des mécanismes régissant
l’ontogénie T provient d’expériences effectuées dans les modèles murins. Le développement
des lymphocytes T de la souris et de l’homme différent cependant par certains points. Ce qui est
observé chez l’homme est décrit ici, en ne précisant qu’à de rares exceptions les différences
existant avec le modèle murin.
II-Le récepteur T pour l’antigène (T-cell receptor ou TCR)
II-1. Le TCR du lymphocyte T mature
Le lymphocyte T reconnaît via son TCR des peptides antigéniques présentés par le complexe
majeur d’histocompatibilité (CMH). Le TCR des lymphocytes T CD4 reconnaît des peptides de
12 à 25 acides aminés présentés par les CMH de classe II des cellules présentatrices
d’antigène (CPA). Ces peptides proviennent de la dégradation intra cellulaire de protéines extra-
cellulaires. Le TCR des lymphocytes T CD8 reconnaît des peptides de 9 acides aminés
présentés par les CMH de classe I, présents sur toutes les cellules de l’organisme. Ces peptides
sont d’origine intra-cellulaire.
II-2. Structure du complexe TCR - CD3 (Figure 18)
Il est important de distinguer le TCR proprement dit, permettant la reconnaissance de l’antigène,
du complexe TCR-CD3 qui assure la transduction d’un signal d’activation dans le lymphocyte T
suite à cette reconnaissance.
II-2-a. Module de reconnaissance - le TCR
On distingue deux types de TCR en fonction des chaînes qui le constituent : TCR et TCR .
Ces derniers représentent un type de lymphocytes T particuliers minoritaires dans le sang
circulant (<10 % des lymphocytes T) qui sera abordé en fin de chapitre. Les TCR ont une
3
structure de type « immunoglobulin like » (cf chapitre 7) et sont composés d’une chaîne et
d’une chaîne comportant chacune un domaine variable et un domaine constant. Chaque TCR
est différent d’un lymphocyte T à l’autre, les différences étant liées à des modifications dans les
régions variables des chaînes qui le composent. Ces deux chaînes sont reliées par un pont
disulfure. La partie intracytoplasmique (COOH terminale) du TCR est courte.
II-2-b. Module de transduction du signal - le complexe CD3
Le TCR qui reconnaît l’antigène est associé au complexe CD3 qui transmet un signal à
l’intérieur de la cellule. Contrairement au TCR, le complexe CD3 est formé de plusieurs peptides
invariants : les chaînes et . Les chaînes du complexe CD3ont, comme les
chaînes du TCR une structure « immunoglobulin like », mais possèdent toutefois une queue
intra-cytoplasmique un peu plus longue. Les chaînes et leur variant la chaîne, dont le
domaine extracellulaire est réduit, comportent à l’inverse une longue portion intracytoplasmique
avec plusieurs motifs de type ITAM (Immuno-receptor Tyrosine Activation Motif) sièges de
résidus tyrosine cibles de phosphorylation par des protéines kinases spécifiques à l’origine de la
transduction d’un signal d’activation. Il y a aussi des ITAM sur les autres chaînes du CD3, 10
ITAM en tout pour un complexe TCR-CD3.
II-2-c. Les molécules CD4 et CD8 (Figures 19 et 20)
Les molécules CD4 et CD8 sont des déterminants majeurs des lymphocytes T et permettent de
distinguer en périphérie des lymphocytes auxiliaires exprimant la molécule CD4 et des
lymphocytes cytotoxiques exprimant la molécule CD8. Ces molécules, également importantes
pour distinguer les différents stades de maturation des thymocytes au cours de l’ontogénie,
appartiennent à la superfamille des immunoglobulines. Les molécules CD4 et CD8 stabilisent
l’interaction CMH/TCR en interagissant avec une partie faiblement polymorphe du CMH et
participent à la signalisation intracellulaire en recrutant des kinases de type lck.
III-Le thymus
III-1.Structure
Le thymus a été défini dans le chapitre 2. On peut préciser ici qu'il s'agit d'un organe impair,
médian, bilobé, thoracique ou le plus souvent cervico thoracique, situé dans le médiastin
antérieur. Son aspect classique en tomodensitométrie prend la forme d’un triangle.
Sur le plan histologique, chaque lobe thymique est organisé en unités fonctionnelles, les lobules
séparés entre eux par des invaginations de la capsule appelées trabécules. Au sein de ces
lobules on distingue une zone externe, la corticale, et une zone plus centrale, la médullaire. Les
précurseurs lymphoïdes provenant de la moelle osseuse pénètrent dans le thymus par des
4
veinules post capillaires situées au niveau de la jonction cortico-médullaire, migrent vers le
cortex pour se diriger ensuite vers la médullaire.
Ces différentes régions sont composées de cellules différentes. Outre les thymocytes à leur
différents stades de développement (cf plus loin) on trouve dans le thymus des cellules
épithéliales et des fibroblastes dans le cortex et dans la médullaire, cependant que des
macrophages et des cellules dendritiques sont également présents dans la médullaire. Chez
l’homme, au sein de cette dernière on retrouve des structures histologiques particulières,
appelées corpuscules de Hassal, composées de cellules épithéliales et de cellules dendritiques
et qui seraient le siège de la différenciation des cellules T régulatrices (cf chapitre 13).
III-2. Organogénèse et évolution durant la vie
Le thymus provient de la troisième poche pharyngée de l’endoderme. Il est fonctionnel dès la
sixième semaine de vie embryonnaire. De très nombreux facteurs sont indispensables à sa
formation. La déficience en facteur de transcription Tbx1 est à l’origine d’un syndrome
malformatif complexe touchant la tête et les organes cervicaux et intrathoraciques
(malformations cardiaques) s’accompagnant d’une absence de thymus et d'un déficit
immunitaire grave, le syndrome de Di George.
C’est à l’intérieur du thymus que les précurseurs lymphoïdes provenant de la moelle osseuse
terminent leur maturation pour aboutir à la formation de lymphocytes T matures dits naïfs. La
plus grande part de l’activité du thymus a lieu durant la vie in utero. La longue durée de la
gestation chez l’Homme fait que le thymus est totalement mature à la naissance et a déjà
produit un grand nombre de lymphocytes T naïfs. Cependant contrairement à ce que l’on a
longtemps pensé, le thymus reste actif après la naissance. La thymectomie post natale
s’accompagne ainsi d’une diminution sensible du nombre des lymphocytes T naïfs. L’activité
thymique diminue ensuite progressivement au cours de la vie, avec une chute plus rapide après
l’adolescence, le tissu thymique étant progressivement remplacé par du tissu adipeux.
Cependant cette involution est très variable selon les individus et une activité thymique notable
peut parfois être mise en évidence à un âge très avancé. Il semble d’ailleurs qu’il existe une
corrélation positive entre la persistance d’une activité thymique et la longévité.
IV-Le développement lymphocytaire T
Le passage dans le thymus permet aux précurseurs lymphoïdes de se développer pour donner
naissance à des lymphocytes T matures dit « naïfs ». La production journalière est estimée à
environ 108 lymphocytes par jour.
5
Lors de ce développement, les lymphocytes immatures appelées thymocytes subissent un
certain nombre de modifications phénotypiques. A l'instar de ce qui se passe dans la moelle
osseuse pour les lymphocytes B, les gènes codant pour les chaînes du TCR se réarrangent,
aboutissant à la formation d’un pré-TCR puis d’un TCR mature permettant aux thymocytes
d’interagir avec les autres cellules du thymus (cellules épithéliales et cellules dendritiques), le
but final étant de produire des lymphocytes T susceptibles de reconnaître des antigènes
extérieurs et ne réagissant pas avec des antigènes du soi.
IV-1.Les différents thymocytes
La maturation des thymocytes est caractérisée par une intense prolifération en réponse
notamment à la synthèse intrathymique d’interleukine 7 (IL-T, cf plus loin) et par des
phénomènes de mort/survie cellulaire sous la dépendance de signaux transmis par le TCR. En
fonction du degré de maturation on distingue plusieurs stades de maturation thymocytaire.
Les principaux stades de développement des thymocytes sont les suivants (Figure 21):
- Thymocytes multipotents ou DN1 (Double négatif, ie : CD4-/CD8-): ces cellules peuvent
donner naissance à des lymphocytes T, des lymphocytes NK et des cellules dendritiques
- Thymocytes pro T ou DN2: ces cellules peuvent donner naissance à des lymphocytes T et
des lymphocytes NK mais n'ont plus le potentiel de se différencier en cellules dendritiques
- Thymocytes DP (Double positifs, ie : CD4+/CD8+) : il s’agit du premier stade exprimant le
complexe TCR-CD3
- Thymocytes SP (Simple positifs, ie : CD4+/CD8- ou CD4-/CD8+). Ces cellules ont passé
l’étape de sélection négative (cf plus loin) et ont perdu soit le CD4 soit le CD8.
IV-2. TCR et sélections thymiques
IV-2-a. Les gènes du TCR
Parallèlement à l’évolution phénotypique les thymocytes fabriquent par réarrangement les gènes
codant pour les chaînes du TCR. Les segments génétiques utilisés sont situés sur les
chromosomes 14 (répertoires TCR et et 7 (répertoires TCR et . L’organisation des loci
génétiques concernés est très similaire à celle retrouvée au niveau des loci codant pour les
chaînes lourdes des immunoglobulines (voir chapitre 6). On distingue ainsi des segments de
type V (Variable), D (Diversité) et J (Jonction) pour les chaînes et , V et J pour les chaînes
et .
Comme c’est le cas pour les immunoglobulines, on assiste à des réarrangements de type VJ, ou
DJ puis VDJ au cours de la différenciation des thymocytes, liés à la présence de « séquences
signal de recombinaison » de part et d’autres de ces segments. Ces signaux sont reconnus par
le complexe enzymatique de la recombinase (comprenant notamment les enzymes RAG
6
(Recombination Activating Gene) capable de cliver puis de réparer l’ADN. Ceci explique que le
déficit congénital en enzymes RAG soit responsable d’un déficit immunitaire touchant les
populations lymphocytaires T et B. Les réarrangements ont lieu dans un ordre chronologique
précis : .
Les réarrangements s’accompagnent de l’excision de petits fragments d’ADN qui se retrouvent
sous forme épisomale dans le cytoplasme, les TREC (T cell Receptor Excision Circle), car un
réarrangement productif de la chaîne implique l’élimination complète du locus de la chaîne .
La quantification des TRECs dans les lymphocytes T périphériques est utilisée pour apprécier
l’activité thymique. Contrairement à ce qui est observé au cours de la maturation des
lymphocytes B, il n’y a pas d’accumulation de mutations somatiques dans les gènes codant pour
les TCR.
La taille théorique du répertoire des lymphocytes T est très grande. Lorsque l’on tient compte
de la diversité germinale (nombre de différents segments V, D et J pour les deux chaînes), des
différentes possibilités combinatoires qui en résultent pour chaque chaîne de TCR
(réarrangements VJ ou VDJ), des différentes possibilités combinatoires entre chaînes et enfin
de la diversité jonctionnelle (imprécision des processus de réparation après coupure aboutissant
à la délétion ou l’addition aléatoires de nucléotides au niveau des boucles CDR3) on estime que,
par ces mécanismes, 1015 TCR différents pourraient être générés. Le nombre de lymphocytes T
dans l’organisme est toutefois limité à 1012 et la taille mesurée du répertoire est en fait de l’ordre
de 108 TCR différents. L’essentiel de la diversité idiotypique des TCR repose sur les parties
jonctionnelles qui codent pour les boucles hypervariables CDR3 des chaînes et. régions qui
interagissent principalement avec les peptides antigéniques.
IV-2-b. Sélections thymiques
Les réarrangements des chaînes du TCR conduisent à l’expression de TCR plus ou moins
complets à la surface des thymocytes. Ceux-ci permettent la reconnaissance de structures
antigéniques présentées par les cellules non thymocytaires indispensables à la délivrance de
signaux de survie ou de mort cellulaires. Les thymocytes passent, en fonction de la maturation
de leur TCR, par plusieurs étapes durant lesquelles ils reçoivent ce type de signaux, ce sont les
étapes de sélection. La finalité de celles-ci est de sélectionner des thymocytes ayant un TCR
fonctionnel et non susceptibles d’induire des phénomènes d’auto-immunité en périphérie. Ce
système est très coûteux en énergie car les cellules sont sélectionnées a posteriori.
Il est important de comprendre que seuls des antigènes du soi sont exprimés et présentés par
les cellules épithéliales corticales et par les cellules dendritiques médullaires du thymus.
L’avidité du TCR pour le complexe CMH-antigène détermine le type de signal que reçoit le
7
thymocyte. Les différentes étapes franchies au cours de la différenciation des thymocytes et
aboutissant à la production de lymphocytessont détaillées ci-après.
La -sélection est la première à survenir. Lorsqu’ils ont réarrangé efficacement leur chaîne
les thymocytes immatures expriment un TCR incomplet appelé pré-TCR correspondant à
l’association d’une chaîne à une chaîne dite preT. Malgré son nom cette chaîne est très
différente d’une chaîne classique puisqu’elle ne contient pas de domaine variable et est donc
identique sur tous les thymocytes. Ce pré-TCR transmet des signaux de survie et de
prolifération. Plus de 90% des cellules qui arrivent à ce stade meurent du fait de l’absence
d’expression de pré TCR à leur surface. Au cours de cette étape de prolifération survient le
réarrangement du locus En principe, on pourrait donc trouver en circulation des lymphocytes
partageant la même chaîne , mais exprimant des chaînes différentes.
La sélection positive a lieu au stade DP lorsque les thymocytes expriment un
TCRpotentiellement fonctionnel. Des antigènes du soi sont présentés par les cellules
épithéliales corticales aux thymocytes DP. Les thymocytes dont le TCR ne reconnaît pas le
complexe CMH-peptide du soi ne reçoivent pas de signal de survie et meurent. L’avidité du TCR
pour le complexe CMH-peptide du soi est ici intermédiaire. Cette étape permet l’élimination des
lymphocytes T impropres à collaborer avec les molécules HLA (CMH humain) de l’hôte. En effet,
la reconnaissance de l’antigène par les lymphocytes T a toujours lieu dans le contexte du CMH.
On parle de « restriction de la reconnaissance de l’antigène par le CMH ».
La sélection négative, contrairement aux deux précédentes, s’accompagne d’une mort des
cellules recevant un signal trop intense via le TCR. Elle entraîne ainsi la délétion des thymocytes
exprimant un TCR ayant une trop forte affinité pour les antigènes du soi. Les cellules présentant
ces antigènes sont ici les cellules dendritiques situées à la jonction cortico-médullaire. Ces
cellules captent les antigènes exprimés par les cellules épithéliales médullaires et les présentent
via leur CMH aux thymocytes double-positifs DP. La protéine cruciale de cette étape est la
protéine AIRE (AutoImmune REgulator) présente dans les cellules épithéliales thymiques
médullaires et indispensable à l’expression ectopique d’antigènes tissulaires (par exemple
l’insuline).
Suite à ces différentes étapes, les thymocytes donnent naissance à des lymphocytes T naïfs
simple-positifs (SP) CD4+ ou CD8+ qui quittent le thymus par les vaisseaux de la jonction
cortico-médullaire. Au cours des rencontres ultérieures avec l’antigène, il ne surviendra ni
mutation somatique, ni commutation de classe au niveau des loci des TCR.
8
IV-2-c. Facteurs impliqués dans l’ontogénie et la survie des lymphocytes T
De nombreux facteurs sont impliqués dans l’ontogénie des lymphocytes T. Deux facteurs
précoces sont particulièrement intéressants à connaître car ils sont impliqués dans des
pathologies observées chez l’Homme ou peuvent s’avérer utiles dans le cadre de stratégies de
reconstitution lymphocytaire T : l’IL-7 et les protéines Notch. Le répertoire est ensuite
considérablement modulé en périphérie par l’interaction avec les différents antigènes. Ces
derniers induisent des expansions clonales pouvant persister pendant plusieurs mois.
V-Les autres lymphocytes T : lymphocytes T , lymphocytes NKT
A côté des lymphocytes T « classiques » on distingue d’autres populations de lymphocytes
T, les lymphocytes T et les lymphocytes NKT. Ces lymphocytes ont une ontogénie différente
et surtout une diversité beaucoup plus restreinte.
V-1. Les lymphocytes T
Bien qu’ayant des caractéristiques phénotypiques assez similaires les lymphocytes T se
distinguent des lymphocytes par un grand nombre de points. Contrairement aux lymphocytes
T , la plupart des lymphocytes T matures ont un phénotype double-négatif DN CD4- CD8- ,
ou simple positif SP CD8+, ou exceptionnellement SP CD4+.
Pendant l'ontogénie, les lymphocytes T ne passent pas par les mêmes étapes de
différenciation intrathymique et la dichotomiese produit précocement au cours de
l’ontogénie T.
La répartition tissulaire des lymphocytes T après leur sortie du thymus est différente de celle
des lymphocytes qui sont majoritairement dans les ganglions et le sang. On retrouve les
lymphocytes essentiellement dans les tissus, les muqueuses et la peau.
La diversité des TCR est beaucoup moins grande que celle des TCR . Ainsi une même
chaîne V est exprimée par la majorité des lymphocytes , celle-ci variant suivant l’âge. Les
TCR ne sont pas restreints par le CMH. Ils ne reconnaissent pas des épitopes classiques
mais plutôt des épitopes conservés au sein des pathogènes. Pour ces raisons les lymphocytes
T sont considérés comme des cellules appartenant à l’immunité innée.
V-2. Les lymphocytes NKT
Les lymphocytes NKT représentent un groupe hétérogène de lymphocytes T. Comme leur nom
l’indique ils possèdent des caractéristiques phénotypiques propres aux lymphocytes T
(notamment un TCR et la présence de CD3) mais également aux lymphocytes NK (expression
des molécules CD56 et CD16).
9
Le TCR des lymphocytes NKT est quasi invariant. La chaîne est toujours formée à partir de la
même association de segments génétiques V14 et J18. Il existe par ailleurs une certaine
diversité des chaînes exprimées par ces cellules, mais beaucoup plus restreinte que dans le
cas des lymphocytesclassiques. Le TCR ainsi formé reconnaît non pas des peptides
présentés par le CMH mais des lipides et des glycolipides présentés par la molécule CD1d.
La fréquence dans le sang des lymphocytes NKT est assez variable (0,001 à 3% des
lymphocytes circulants). Ces cellules jouent un rôle important dans la régulation des réponses
immunitaires et leur absence, ou dysfonction, est à l’origine de pathologies auto-immunes,
inflammatoires ou tumorales.
A retenir
Le thymus est le lieu de l’éducation des lymphocytes T. Les lymphocytes T qui ont une
affinité faible ou trop forte pour les complexes CMH/peptides y sont éliminés dans des
étapes de sélection positive, puis négative.
La reconnaissance de l’antigène par les lymphocytes T est restreinte par les molécules
du CMH.
Comme pour les anticorps, le répertoire TCR résulte du réarrangement de segments
génétiques initialement séparés sur l’ADN des précurseurs de lymphocytes T.
A la différence des anticorps, il n’y a ni accumulation de mutations somatiques ni
commutation de classe au niveau des loci des TCR. Il n’y a donc pas de maturation
d’affinité de la réponse T.
Contrairement aux immunoglobulines qui existent sous forme membranaire et secrétée,
le TCR n’existe que sous forme membranaire.
10
Figure 18. Le TCR, récepteur pour l’antigène des lymphocytes T.
Le TCR est, à la surface du lymphocyte T, un complexe multimoléculaire comportant :
- un module de reconnaissance, ou TCR proprement dit, constitué d’un
hétérodimère de la famille des immunoglobulines (ici), avec pour chaque chaîne un domaine variable distal, un domaine constant proximal, une partie transembranaire et quelques acides aminés intracytoplasmiques - un module de transduction du signal, ou complexe CD3 qui comporte
o 4 molécules de la superfamille des immunoglobulines avec un domaine extra cellulaire arrangées, de part et d’autre du TCR, en deux hétérodimères
et ,
o un dimère ou localisé entre les deux chaînes du TCR, Dix motifs d’activation ITAM (Immunoreceptor Tyrosine Activating Motif) sont présents sur les
portions intracytoplasmiques du complexe CD3.
11
Figure 19. Association TCR/CD4. La taille du CD4 lui permet de se fixer au MHC de classe II sur la cellule présentatrice d’antigène.
Figure 20. Association TCR/CD8. La taille du dimère CD8 lui permet de se fixer au MHC de classe I sur la cellule présentatrice d’antigène.
12
Figure 21. Ontogénèse des lymphocytes T.
Ce schéma décrit les principales étapes de maturation des lymphocytes T dans la moelle osseuse à partir d’une cellule souche hématopoïétique, puis dans le thymus. Ces étapes se caractérisent par l’expression séquentielle d’antigènes de différenciation (CD, Cluster of Differentiation), une migration des cellules de la moelle osseuse vers la corticale puis la médullaire thymique dans laquelle se déroulent les étapes de sélection clonale centrale (voir le texte). Les cellules naïves, CD4 ou CD8 gagnent les organes lymphoïdes secondaires où elles matureront après activation antigénique.
1
Lymphocytes NK (“Natural Killer”)
Sophie Caillat Zuckman, Eric Vivier, Gilles Thibaut
- Les autres récepteurs activateurs des cellules NK reconnaissent des ligands
exprimés sur les cellules dites en «détresse». Ces molécules d’alerte sont exprimées
lors d’une infection virale, d’une transformation tumorale, mais également après des
lésions de l’ADN ou un stress génotoxique…
Plusieurs récepteurs activateurs agissent le plus souvent de manière synergique pour induire
les fonctions effectrices NK.
Parmi les plus importants:
- les récepteurs de la famille NCR (NKp30, NKp44 et NKp46)
- les récepteurs CD94/NKG2D, DNAM-1 et NKp80 jouent un rôle important dans la
défense anti-virale et anti-tumorale
VI-Conclusion
Les cellules NK ont un rôle majeur dans l’élimination des cellules anormales. Grâce à leurs
récepteurs inhibiteurs, elles jaugent (surveillent) l’expression de surface des molécules CMH
de classe I, qui reflète le bon état physiologique des cellules de l’organisme. Des avancées
géantes dans l’identification de leurs récepteurs et de leurs mécanismes d’action laissent
7
envisager leur utilisation prochaine en thérapeutique contre les tumeurs ou dans le cadre
des allogreffes.
A retenir
Les cellules NK (cellules «tueuses naturelles») exercent leurs fonctions en absence
d’immunisation spécifique préalable.
Elles sont caractérisées par l’expression des molécules NKp46, CD56 et CD16, et
par l’absence d’expression des marqueurs CD3 (lymphocytes T) et CD19
(lymphocytes B).
Leur compétence fonctionnelle est acquise au cours de leur maturation par
interaction de certains de leurs récepteurs avec les molécules du CMH de classe I du
soi. On parle de « tueurs par défaut »
Elles exercent des fonctions de cytotoxicité directe ou dépendante des anticorps
(ADCC) et de production de cytokines (IFN-γ, TNF, chimiokines…) vis-à-vis des
cellules tumorales ou infectées, tout en respectant les cellules saines.
Cette distinction cellules anormales/cellules saines est possible grâce à des signaux
transmis par des récepteurs inhibiteurs (KIRL, CD94/NKG2A…) sensibles à l’absence
d’expression des molécules du CMH de classe I, et des récepteurs activateurs (NCR,
CD16, NKG2D…) détectant la présence de molécules de « détresse».
8
Figure 22. Cytotoxicité NK dépendante. Ce schéma représente, à gauche, comment les cellules saines exprimant des molécules de classe I du CMH sont protégées de la lyse NK par la balance positive de liée à l’engagement des KIR inhibiteurs à ces molécules. A droite, on voit qu’une cellule malade active les récepteurs activateurs des cellules NK en raison d’une perturbation de la balance reconnaissance CMH de classe I/reconnaissance activateurs.
1
Le système du Complément
Marie-Agnès Dragon-Durey, Jean Yves Cesbron, Alain Chevailler,
L’immunité innée agit en étroite coopération avec l’immunité adaptative et joue un rôle
majeur dans l’engagement des réponses immunitaires spécifiques. Parmi les cellules de
l’immunité innée, certaines sont d’origine lymphoïde comme les cellules NK, d’autres
d’origine myéloïde comme les polynucléaires et les monocytes/macrophages.
Comme indiqué dans le chapitre 2, on distingue des polynucléaires (ou granulocytes)
neutrophiles, éosinophiles et basophiles. On les identifie au microscope, sur des étalements
sanguins ou médullaires, sur la base de leur morphologie et de la teinte des granulations
présentes dans leur cytosol après utilisation de colorants de cytologie dont le plus courant
est le May Grünwald Giemsa (MGG). Ces cellules ont des noyaux polylobés à l’origine de
leur nom.
Les polynucléaires neutrophiles ont un noyau comportant 3 à 5 lobes et des granulations qui
prennent les colorants acides et basiques pour aboutir à une teinte beige. Les polynucléaires
éosinophiles ont un noyau bilobé et des granulations prenant les colorants acides en
particulier l'éosine de couleur orangée. Les polynucléaires basophiles ont des granulations
prenant les colorants basiques et apparaissent violet foncé au MGG.
Les polynucléaires neutrophiles sont des cellules phagocytaires, ce qui n’est pas le cas des
éosinophiles ni des basophiles qui ont surtout une capacité d’exocytose, libérant à l'extérieur
le contenu de leurs granulations.
Les phagocytes dits mononucléés, en raison de leur noyau massif, réniforme, non lobé,
constituent un autre type de cellules phagocytaires. Ce sont les monocytes sanguins qui se
différencient en macrophages dans les tissus. Les monocytes et les macrophages possèdent
des granulations qui jouent un rôle majeur dans leurs fonctions mais qui sont moins bien
individualisées que celles des polynucléaires.
Les mastocytes sont présents dans de nombreux tissus. Ils possèdent un grand nombre de
granulations basophiles.
II-Facteurs chimio-attractants
Les polynucléaires et les monocytes/macrophages sont des cellules mobiles capables de
migrer de façon orientée vers un site infectieux ou inflammatoire. Cette migration se fait sous
l’influence d’un gradient de concentration de molécules chimio-attractantes émises par
l’agent pathogène ou induites par celui-ci. Des récepteurs pour ces molécules, présents à la
surface des polynucléaires ou des monocytes/macrophages induisent une migration orientée
dans le sens du gradient (chimiotactisme), qui est également accélérée (chimiocinèse).
3
Les principaux facteurs chimio-attractants sont des dérivés des protéines bactériennes
(comme les N-formyl peptides), des facteurs lipidiques dérivés des membranes cellulaires
(comme le Platelet Activating Factor (PAF) ou le leucotriène B4 (LTB4)), les
anaphylatoxines issues du complément (C3a, C5a, voir ce chapitre) et enfin des cytokines
à activité chimioattractante appelée chimiokines.
III-Origine et devenir des polynucléaires et des monocytes/macrophages
Les polynucléaires et les monocytes sont produits dans la moelle osseuse à partir de cellules
souches hématopoïétiques pluripotentes qui se transforment en progéniteurs myéloïdes.
Ceux-ci se différencient en plusieurs types cellulaires sous l’influence de l’environnement
stromal et de facteurs de croissance comme le GM-CSF (Granulocyte Monocyte-Colony
Stimulating Factor). Une première étape correspond à un stade de progéniteur commun aux
polynucléaires et aux macrophages. Les polynucléaires se différencient ensuite sous
l’influence du G-CSF (Granulocyte-Colony Stimulating Factor), et les phagocytes
mononucléés sous l’influence du M-CSF (Monocyte-Colony Stimulating Factor).
Les polynucléaires aux différents stades de maturation présents dans la moelle osseuse
constituent une réserve rapidement mobilisable en cas d’infection. Au cours de cette
maturation, les granulations définissant les différents types de polynucléaires et qui jouent un
rôle majeur dans leurs fonctions apparaissent successivement. Après leur maturation
médullaire, les polynucléaires quittent la moelle osseuse et passent dans la circulation
sanguine.
Chez l’adulte sain, les polynucléaires neutrophiles représentent la majorité des globules
blancs circulants et leur nombre varie de 1.8 à 7 milliards par litre. Une diminution du nombre
de polynucléaires neutrophiles circulants (neutropénie) expose à un risque infectieux,
particulièrement grave en dessous de 500 millions par litre. Leur demi-vie dans le sang est
brève (6 à 10 heures). Une migration rapide et massive des polynucléaires neutrophiles du
sang circulant peut survenir en cas d'apparition d'un foyer inflammatoire où ces cellules
exercent leur rôle puis meurent soit par nécrose soit par apoptose. En l’absence de stimulus
inflammatoire, ils meurent spontanément par apoptose en moins de trois jours et peuvent
être phagocytés par les macrophages, évitant ainsi la libération de leur contenu toxique. Une
grande partie est également éliminée par l'intestin.
Les polynucléaires éosinophiles et les polynucléaires basophiles sont beaucoup moins
nombreux dans le sang et représentent respectivement 1 à 3% et moins de 1% des globules
blancs. Ils peuvent également migrer du sang vers les tissus pour y exercer leurs fonctions.
4
Les monocytes et les macrophages dérivent du progéniteur déjà décrit et passent par
diverses étapes de maturation dans la moelle osseuse. Les monocytes sont libérés vers le
sang sous l’influence de chimiokines spécifiques. La demi-vie des monocytes dans le sang
est d’environ 2 à 3 jours. Sous l’influence de facteurs chimioattractants, les monocytes
circulants migrent dans les tissus où ils se différencient en macrophages dont il existe
différentes populations. Contrairement aux polynucléaires neutrophiles, les macrophages ont
une demi-vie longue de plusieurs jours à plusieurs mois. Certains peuvent se multiplier. Il
faut distinguer les macrophages récemment dérivés des monocytes sanguins dans un
contexte inflammatoire (cellules activées), des macrophages résidents participant à
l’homéostasie dans les tissus. Ces cellules acquièrent certaines particularités en fonction de
leur microenvironnement tissulaire. Ainsi, certains macrophages ont des capacités qui leur
sont propres tout en conservant des propriétés communes comme la capacité de produire de
grandes quantités de médiateurs de l’inflammation notamment des cytokines pro-
inflammatoires. C’est notamment le cas des macrophages alvéolaires pulmonaires, des
cellules microgliales du système nerveux central, des cellules ostéoclastiques des os, des
cellules de Küppfer du foie ou encore des cellules macrophagiques des organes
hématopoïétiques.
IV-Caractéristiques et fonctions spécifiques des polynucléaires et des
monocytes/macrophages
IV-1.Polynucléaires neutrophiles
Les polynucléaires neutrophiles humains sont une des premières barrières de défense lors
de l’introduction d’un agent pathogène dans l’organisme. Ils sont un des pivots de l’immunité
innée. Ils constituent un puissant système de défense contre les agents pathogènes,
principalement les bactéries et les champignons, mais aussi contre des cellules ou des
molécules endogènes altérées. Les activités microbicides et cytotoxiques des polynucléaires
neutrophiles dépendent de mécanismes très intriqués comprenant la libération d’enzymes
protéolytiques et la production rapide de formes réactives de l’oxygène. Ce dernier
phénomène s’appelle l’explosion oxydative des polynucléaires neutrophiles.
Les fonctions des polynucléaires neutrophiles ont longtemps été restreintes à leur rôle de
cellules phagocytaires « tueuses ». Ils jouent en fait un rôle beaucoup plus complexe,
participant à l’engagement et à la régulation des réponses immunitaires innées et
adaptatives ainsi qu’à l’homéostasie tissulaire. Les polynucléaires neutrophiles activés par
un agent pathogène sont le plus souvent bénéfiques à l’organisme en participant à son
élimination. Ceci est illustré par la survenue d’infections graves et/ou répétées dans certains
déficits primitifs touchant des fonctions des polynucléaires neutrophiles. Cependant, leur
5
activation excessive, prolongée ou se déroulant dans un site inapproprié, peut conduire à
des lésions tissulaires sévères, impliquées dans la physiopathologie de différentes maladies
inflammatoires aiguës ou chroniques.
L'essentiel des molécules intervenant dans les fonctions des polynucléaires neutrophiles, est
synthétisé et stocké dans les granulations apparaissant au cours de la granulopoïèse. On
distingue:
- les granulations azurophiles ou primaires,
- les granulations spécifiques ou secondaires,
- les granulations contenant de la gélatinase ou tertiaires
- et les vésicules sécrétoires.
La dégranulation permet une libération dans le phagosome et dans le milieu extracellulaire
des molécules contenues dans les granulations et jouant un rôle dans les fonctions mêmes
des polynucléaires neutrophiles :
- molécules bactéricides,
- enzymes (en particulier la myéloperoxydase ou MPO),
- médiateurs de l’inflammation,
- cytokines pro- et anti-inflammatoires intervenant dans la régulation des réponses
immunitaires de l’hôte et dans les réparations tissulaires.
IV-1-a.Migration tissulaire des polynucléaires neutrophiles (Figure 24)
Les polynucléaires neutrophiles sont les premières cellules à migrer du sang circulant vers
un foyer inflammatoire. Sous l’influence de différents stimuli provenant de foyers
inflammatoires, ils adhèrent aux cellules endothéliales des capillaires ou des veinules post-
capillaires, se glissent entre celles-ci par diapédèse et se dirigent de façon orientée vers leur
cible tissulaire. Cette migration dépend de molécules d’adhérence exprimées d’une part par
les polynucléaires neutrophiles, et d’autre part par les cellules endothéliales. La première
étape de cette migration fait intervenir une adhérence aux cellules endothéliales, réversible,
par l’intermédiaire de molécules de la famille des sélectines, la L-sélectine (CD62L) à la
surface des polynucléaires neutrophiles, les E- et P-sélectines (CD62E et CD62P) à la
surface des cellules endothéliales, activées par des médiateurs provenant du foyer
inflammatoire. Ceci induit un ralentissement du flux des polynucléaires et initie la phase dite
de roulement à la surface de l’endothélium activé. Les cellules endothéliales activées
favorisent alors sur les polynucléaires la perte des L-sélectines et augmentent l’expression
membranaire de β2 intégrines activées, en particulier CD11b/CD18. Les β2 intégrines
activées se lient aux molécules d’adhérence ICAM (Intercellular Adhesion Molecules)
exprimées à la surface des cellules endothéliales. Il y a alors une fixation non réversible
qui consolide l’ancrage du polynucléaire et l’immobilise à l’endothélium inflammatoire. Le
6
résultat final de ces événements est le passage (diapédèse) des polynucléaires
neutrophiles vers le foyer inflammatoire.
IV-1-b.Reconnaissance, phagocytose et destruction
Arrivés au contact de l’agent pathogène, les polynucléaires neutrophiles reconnaissent leur
cible grâce à des récepteurs de reconnaissance, les PRR, qui se lient à des motifs
moléculaires conservés au cours de l’évolution des microorganismes: les PAMPs (voir
chapitre 3).
Les PRRs sont présents à la surface des cellules phagocytaires, dans les endosomes et
dans le cytosol. Leur engagement active de multiples mécanismes aboutissant à
l’amplification de la réponse inflammatoire, à la stimulation de la bactéricidie, à la régulation
de la migration et à l’apoptose.
Chez l’homme, les TLR reconnaissent, selon leur type, plus particulièrement certains motifs
(voir chapitre 3). Par exemple, TLR4 reconnaît les lipopolysaccharides (LPS) des bactéries
Gram négatif, TLR2 reconnaît les peptidoglycans des bactéries Gram positif. Les TLR
engagent des voies de signalisation impliquées dans les fonctions effectrices des
polynucléaires neutrophiles.
La fixation du polynucléaire neutrophile à sa cible est facilitée par les opsonines,
particulièrement les immunoglobulines d’isotype IgG1 et IgG3 et les protéines du
complément dérivées de C3. Les immunoglobulines se fixent de façon spécifique sur les
épitopes de l’agent pathogène par leur site anticorps, et sur les récepteurs Fc des
polynucléaires neutrophiles par leur fragment Fc. Les polynucléaires neutrophiles expriment
constitutivement deux récepteurs Fc de faible affinité, CD32a (Fc RIIa) et CD16b (FcR
IIIb), tandis que l'expression du récepteur de haute affinité CD64 (Fc RI) est inductible par
l’interféron- (IFN) produit par d’autres cellules immunitaires. Différentes réponses des
polynucléaires neutrophiles sont induites par l’engagement des récepteurs Fc notamment
la mobilisation de calcium intracellulaire, la phosphorylation de protéines, la production
d’anions superoxyde.
Les protéines provenant de l’activation du complément, notamment C3b et C3bi, se déposent
à la surface de l’agent pathogène et se lient aux récepteurs CR1(CD35), CR3 (CD11b/CD18)
et CR4 (CD11c/CD18) des polynucléaires neutrophiles.
La reconnaissance et l’adhérence à la cible sont le plus souvent suivies d’une phagocytose
de la particule lorsque sa taille le permet. L’ingestion du pathogène se fait grâce à la
formation du phagosome, vacuole contenant la particule ingérée. Un phagolysosome est
ensuite constitué lorsque les diverses granulations contenues dans le polynucléaire
neutrophile ont fusionné avec le phagosome. Tous ces événements permettent une
destruction optimale de l’agent pathogène dans l'espace protégé du phagolysosome.
7
Deux grands types de mécanismes coopératifs interviennent pour détruire l’agent pathogène
phagocyté:
- des mécanismes de dégranulation indépendants de l’oxygène, conduisant au
déversement de substances bactéricides dans le phagosome. On peut noter qu’une
centaine d’enzymes différentes présentes dans les polynucléaires permettent la
destruction de pratiquement toutes les structures biologiques
- la production de formes réactives de l'oxygène, par activation du système
enzymatique de la NADPH oxydase dans l’explosion oxydative. Les polynucléaires
neutrophiles produisent très rapidement des formes toxiques de l’oxygène altérant la
structure des protéines, des lipides et des acides nucléiques.
- par ailleurs, la myéloperoxydase libérée dans le phagolysosome catalyse la formation
d’acide hypochloreux (eau de Javel), hautement bactéricide.
La production des formes réactives de l'oxygène joue un rôle majeur dans la microbicidie
comme le montrent les déficits de leur production conduisant à la survenue d’infections
graves et répétées à bactéries et champignons. Produites de façon excessive ou
inappropriée dans le milieu extracellulaire, elles peuvent participer à la survenue de lésions
tissulaires au site inflammatoire (« dégâts collatéraux »).
IV-1-c.Polynucléaires neutrophiles et régulation du système immunitaire (Figure 25)
Les polynucléaires neutrophiles ne sont pas uniquement des cellules tueuses, ils jouent
également un rôle dans l’engagement et la régulation des réponses immunitaires innées et
adaptatives ainsi que dans le remodelage tissulaire. Les formes réactives de l'oxygène
produites dans le milieu extracellulaire modulent la signalisation intracellulaire. Elles régulent
les fonctions des cellules présentes au site inflammatoire comme, par exemple, la production
de cytokines pro-inflammatoires ou anti-inflammatoires, les réponses prolifératives
lymphocytaires et l'apoptose. L’IL-8, la principale cytokine produite par les polynucléaires
neutrophiles, est responsable, en conjonction avec d'autres facteurs chimioattractants, d’une
importante amplification de la migration des polynucléaires neutrophiles sur le lieu de
l’inflammation. Les polynucléaires neutrophiles peuvent aussi produire des chimiokines pour
attirer d'autres cellules immunitaires, comme les monocytes, les cellules dendritiques, les
cellules NK ou les lymphocytes. L’IL-17 produite par les lymphocytes Th17 favorise aussi
l’afflux tissulaire de polynucléaires neutrophiles.
Une originalité des polynucléaires neutrophiles est de pouvoir libérer rapidement par
exocytose granulaire des médiateurs et cytokines dès leur arrivée sur le site inflammatoire et
de relayer dans un deuxième temps cette production par une synthèse de novo.
8
Même si la production de cytokines par les polynucléaires neutrophiles est inférieure à celle
des monocytes, ce sont les premières cellules infiltrant massivement le foyer inflammatoire,
et leur production de cytokines peut être déterminante à ce stade précoce de la réponse
immunitaire innée.
Après élimination de l’agent pathogène, la réponse inflammatoire s’autolimite. Ceci implique
la diminution de l’accumulation des polynucléaires neutrophiles dans le site inflammatoire, la
suppression de leur activation, la production de protéines anti-inflammatoires, l’induction de
leur apoptose et leur élimination par les macrophages.
IV-2.Polynucléaires éosinophiles
Après leur production dans la moelle osseuse et un bref séjour sanguin, les polynucléaires
éosinophiles gagnent les tissus, en particulier la peau et les muqueuses (digestives,
respiratoires, urogénitales…). Ils y exercent alors de multiples fonctions en s’impliquant dans
les réponses immunitaires innée et/ou adaptative.
Différents facteurs d’induction favorisent l’engagement des progéniteurs granuleux vers la
lignée éosinophile et l’expression des protéines de leurs granulations spécifiques. Ces
dernières contiennent des protéines très basiques (cationiques):
- la protéine basique majeure (MBP, seule localisée au centre de la granulation : le
core)
- la Protéine Cationique de l’Eosinophile (ECP),
- la Neurotoxine Dérivée de l’Eosinophile (EDN)
- et la peroxydase de l’éosinophile (EPO).
L’action conjug<<uée de facteurs chimioattractants et de molécules d’adhérence sur les
cellules sanguines circulantes et les cellules endothéliales conditionne la domiciliation
tissulaire des polynucléaires éosinophiles, comme décrit pour les polynucléaires
neutrophiles. On peut noter le rôle particulier de l’éotaxine-1 (CCL-11) dans cette
mobilisation. En conditions pathologiques, de nombreux autres facteurs chimioattractants
sont aussi impliqués comme des cytokines (IL-5), des médiateurs lipidiques (leucotriènes,
PAF), des anaphylatoxines ou encore l’histamine.
Les polynucléaires éosinophiles peuvent libérer leurs granulations spécifiques
cytotoxiques à bas bruit (processus de « piecemeal degranulation »). Ceci peut être
favorable pour l'hôte pour détruire des larves de parasites ou des cellules tumorale. Ceci
peut aussi être défavorable par exemple dans la constitution de lésions de l’épithélium
bronchique dans l’asthme. Les polynucléaires éosinophiles ont aussi, comme les
polynucléaires neutrophiles, une capacité importante de production de formes réactives de
l’oxygène.
9
Les polynucléaires éosinophiles sont essentiellement des cellules pro-inflammatoires.
Ils peuvent produire des médiateurs vasoactifs, chimioattractants ou activateurs cellulaires,
impliqués à la fois dans la réponse inflammatoire. Les polynucléaires éosinophiles stockent
ou synthétisent des cytokines (IL-1, IL-4, IL-6, TNFα…), des chimiokines (éotaxines), des
médiateurs lipidiques (leucotriènes, prostaglandines, PAF…), des protéines cationiques
(MBP, EPC, EPO…) qui entretiennent et amplifient les réactions inflammatoires. Ces effets
pro-inflammatoires peuvent être protecteurs lorsqu'ils ont une action anti-infectieuse ou anti-
tumorale ou participent au remodelage tissulaire. Ils peuvent être délétères s'ils sont mal
contrôlés.
IV-3.Polynucléaires basophiles et mastocytes
Les polynucléaires basophiles ont un noyau bilobé et un cytoplasme riche en granulations.
Ils représentent moins de 1% des leucocytes circulants. Ils migrent vers les tissus dans
certaines conditions pathologiques comme les allergies et les parasitoses où, malgré leur
très faible nombre, ils jouent un grand rôle en conjonction avec les mastocytes tissulaires et
les éosinophiles. Ces derniers ont longtemps été considérés comme la forme tissulaire des
polynucléaires basophiles, en raison de leurs similitudes phénotypiques et fonctionnelles.
Aujourd’hui la question est débattue.
Les polynucléaires basophiles deviennent matures dans la moelle osseuse, migrent dans le
sang, puis éventuellement dans les tissus où leur demi-vie est de l’ordre de 7 jours.
Les mastocytes, également issus de la moelle osseuse, terminent leur maturation dans les
tissus où ils peuvent se multiplier et séjourner plusieurs mois.
Les polynucléaires basophiles et les mastocytes sont des acteurs essentiels des réponses
allergiques. Les polynucléaires basophiles possèdent aussi, comme les mastocytes, des
fonctions importantes dans la régulation des réponses immunitaires.
Les polynucléaires basophiles et les mastocytes sont des cellules-clé de
l’hypersensibilité immédiate (type 1). Ce mécanisme de l’allergie, dépendant de la fixation
d’IgE sur ces cellules (par l’intermédiaire d’un récepteur spécifique FcRI) et d’un second
contact avec l’allergène, est détaillé dans l’ouvrage consacré à l’immunopathologie. Il conduit
à l’activation des basophiles et des mastocytes, à l’origine de la libération extracellulaire de
dérivés actifs comme l’histamine, des protéases, les dérivés des leucotriènes et
prostaglandines, et de nombreuses cytokines. Tous ces médiateurs sont à l’origine des
signes cliniques immédiats puis retardés de la réaction allergique.
Grâce à leur production d’IL-4 en réponse à une stimulation allergénique, les polynucléaires
basophiles participent aussi à la différentiation des lymphocytes T naïfs en lymphocytes Th2
10
durant la réponse immunitaire primaire. Ils sont également impliqués, via la libération d’IL-4
et d’IL-6, dans la stimulation des lymphocytes B au cours des réponses immunitaires
secondaires (cf. chapitres ad hoc).
IV-4.Monocytes-Macrophages
Les monocytes et les polynucléaires dérivent du progéniteur hématopoïétque (voir chapitre
2) mais leur différenciation les conduit à s’individualiser sur les plans phénotypique et
fonctionnel. Les macrophages jouent un rôle majeur dans l’élimination des polynucléaires
neutrophiles apoptotiques, des cellules mortes et des débris cellulaires, favorisant ainsi la
résolution des processus inflammatoires et le retour à l’homéostasie. Les
monocytes/macrophages sécrètent des quantités importantes de cytokines (environ 10 à 100
fois plus que les polynucléaires neutrophiles) et jouent ainsi un rôle majeur dans la régulation
des réponses immunitaires.
Au cours d'une réponse inflammatoire, les monocytes gagnent les tissus quelques heures
après les polynucléaires neutrophiles. Les mécanismes de migration par diapédèse qu'ils
utilisent sont pratiquement les mêmes que ceux employés par les polynucléaires
neutrophiles.
Les mécanismes de reconnaissance des pathogènes par les monocytes/macrophages font
intervenir les PRRs, et les récepteurs pour les dérivés du complément et pour les fragments
Fc des Immunoglobulines avec certaines particularités comme l’expression constitutive d'un
FcRI (CD64) de forte affinité. Les capacités microbicides des monocytes/macrophages
diffèrent de celles des polynucléaires neutrophiles. Ils contiennent des granulations moins
bien individualisées et équipées d’un arsenal de peptides anti-microbiens moins puissants.
De plus, si la myéloperoxydase est présente dans les monocytes, elle disparaît
progressivement lors de la maturation macrophagique, en parallèle avec une diminution de
l’activité bactéricide. L’explosion oxydative des monocytes est donc moins intense que celle
des polynucléaires neutrophiles.
A l’inverse, les macrophages dérivés des monocytes ont une durée de vie beaucoup plus
longue que les polynucléaires neutrophiles. Alors que les polynucléaires neutrophiles
détruisent rapidement les bactéries à multiplication extracellulaire et les champignons, les
monocytes/macrophages tuent les bactéries à multiplication intracellulaire après activation
par l’IFN En fonction de leur environnement, les macrophages récemment dérivés des
monocytes dans le foyer inflammatoire se polarisent en deux sous-populations:
- sous l’influence de l’IFNles macrophages sécrètent des quantités très importantes
de cytokines pro-inflammatoires. Ces macrophages sont capables de tuer les
bactéries qu’ils hébergent
11
- sous l’influence de l’IL-4 et l’IL-13, les macrophages produisent des cytokines anti-
inflammatoires et ne détruisent pas les bactéries intracellulaires.
A retenir
Les polynucléaires et les monocytes sont produits dans la moelle osseuse à partir de
cellules souches hématopoïétiques
Les polynucléaires et les monocytes/macrophages sont des cellules mobiles
capables de migrer de façon orientée vers un site infectieux ou inflammatoire
Les activités microbicides et cytotoxiques des polynucléaires neutrophiles dépendent
de la libération d’enzymes protéolytiques et de la production de formes réactives de
l’oxygène. On parle d’explosion oxydative.
Une série d’étapes impliquant des interactions étroites avec les cellules endothéliales
permet aux phagocytes de migrer vers les sites inflammatoires des tissus. C’est la
diapédèse.
Les polynucléaires éosinophiles et basophiles sont des cellules proinflammatoires
douées également de propriétés cytotoxiques.
Les monocytes/macrophages ont des propriétés de phagocytose, de cytotoxicité et
produisent de grandes quantités de cytokines pro-inflammatoires ou anti-
inflammatoires selon le microenvironnement où ils se trouvent.
12
Figure 24. Migration transendothéliale des granulocytes.
Ce schéma montre les différentes étapes et les signaux moléculaires conduisant à la diapédèse (voir le texte).
13
Figure 25. Régulation du système immunitaire par les cellules du système immunitaire.
L’encart indique les médiateurs produits par les polynucléaires neutrophiles, les monocytes et les macrophages au cours de leur activation et leur interaction avec les cellules NK.
Immunité adaptative : activation et polarisation des lymphocytes T.
Marcelo de Carvalho, Olivier Adotévi, Valérie Frenkel,
III-2.Hétérogénéité des cellules T mémoire .......................................................................................... 5
III-3.Facteurs contrôlant la persistance des lymphocytes T mémoire .......................................... 6
III-3-a.Durée de vie des lymphocytes T mémoire ............................................................ 6
III-3-b.Mécanismes assurant la persistance des lymphocytes T mémoire ....................... 6
III-3-c.Evolution à long terme du compartiment T mémoire ............................................. 7
2
I-Introduction
De nombreuses maladies infectieuses ne se produisent qu’une fois dans la vie d'un individu,
en dépit du fait que l'exposition aux agents infectieux qui en sont responsables se renouvelle
tout au long de la vie. Après la maladie (on parle de primo-infection), le système immunitaire
pourra éliminer les agents pathogènes avant qu’ils puissent induire des symptômes. Cette
protection acquise après la primo-infection est due à la mémoire immunitaire.
Cette mémoire est une caractéristique fondamentale et spécifique de l’immunité
adaptative. Lors d’un premier contact antigénique, l'organisme développe une réponse
primaire. Les lymphocytes T et B possédant des immunorécepteurs spécifiques de
l’antigène (TCR/BCR) prolifèrent et génèrent des cellules qui garderont la « mémoire » de
cette rencontre. Ceci permettra à ces cellules-filles de mieux réagir lors d’un nouveau
contact antigénique, en développant une réponse secondaire encore appelée réponse
anamnestique.
La mémoire a les caractéristiques de spécificité d’une réponse immunitaire adaptative, y
compris l’existence potentielle de réactions croisées.
Les principales caractéristiques d’une réponse secondaire sont bien établies. Même après
une période prolongée, pouvant atteindre plusieurs dizaines d’années, voire toute la vie de
l’individu, le système immunitaire est capable de mettre en place plus rapidement des
moyens de défense spécifiques plus efficaces vis-à-vis de l’antigène correspondant. La
réponse secondaire est à la fois plus rapide, plus intense et généralement plus efficace
que la réponse primaire. Ce sont les mécanismes de mémorisation qui sont à la base du
concept de la vaccination.
II-Caractéristiques d'une réponse-mémoire ou secondaire (Figure 27)
Pour la mémoire T comme pour la mémoire B, les performances de la réponse secondaire
ne sont pas simplement le fait d’une augmentation quantitative des cellules spécifiques de
l’antigène. A la plus grande fréquence des clones spécifiques immédiatement recrutables
au moment du nouveau contact antigénique, s’ajoute une meilleure performance de ces
cellules « mémoire » quand on les compare à celles de cellules naïves. Leur réactivité
supérieure s’appuie sur :
- la forte affinité de leur immunorécepteur, conséquence de l’activation préférentielle
des clones T les plus affins aux étapes initiales de la réponse primaire et de la sélection des
cellules B les plus affines au terme de la réponse primaire,
- un seuil de déclenchement de leur activation plus facilement atteint, la réponse se
développant en présence d'une dose inférieure à celle requise pour une réponse primaire, et
nécessitant une moindre exigence en signaux de costimulation
3
- une sensibilité étendue aux différentes cytokines capables d’induire leur
prolifération (IL-2, IL-7, IL-15 pour les cellules T mémoire, BAFF (B cell Activating Factor
belonging to the TNF Family) et APRIL (A PRoliferation-Inducing Ligand) pour les cellules B
mémoire) grâce à l’expression de récepteurs correspondants sur les cellules mémoire
- une fonction effectrice rapidement voire immédiatement opérationnelle.
- leur présence au sein même des tissus périphériques (peau, muqueuses) pour
certaines d’entre elles (cellules mémoires résidentes) leur permettant ainsi d’être aux
premières loges pour agir sans délai contre l’agresseur.
L’acquisition de ces propriétés caractéristiques des cellules mémoire est réservée à un tout
petit nombre de cellules activées, qui ont pu échapper à la mort par apoptose. Quand les
cellules mémoires reçoivent les signaux indispensables à leur survie, elles parviennent à se
maintenir au fil des années pour exercer cette propriété essentielle de tout système
immunitaire évolué qu’est la mémoire immunologique.
Les cellules T mémoire peuvent changer de polarité fonctionnelle Th1/Th2. On parle de
plasticité. Les cellules B mémoire peuvent aussi effectuer une nouvelle commutation
isotypique et de nouvelles mutations du BCR au cours de la prolifération.
Seule l’immunité mémoire supportée par les cellules T sera traitée dans ce chapitre.
Les notions concernant les cellules B mémoires sont décrites dans le chapitre 4.
III-La mémoire T
Lors d’un premier contact antigénique, l’expansion clonale des lymphocytes T spécifiques
d’un antigène augmente fortement leur fréquence et déséquilibre transitoirement de façon
plus ou moins intense le compartiment lymphocytaire T périphérique. Cet équilibre doit être
rétabli pour ne pas menacer à terme le bon fonctionnement du système immunitaire. Outre le
risque de réponse explosive lors d’une réexposition à l’antigène, l’accumulation de clones T
de taille disproportionnée gênerait considérablement le recrutement de lymphocytes T
spécifiques de nouveaux antigènes. Ainsi, après élimination (ou clairance) de l’antigène ou
son confinement dans l’organisme (immunité non stérilisante), différents mécanismes
interviennent. Il faut en effet d’une part assurer le maintien d’un compartiment de cellules T
naïves de taille suffisante pour faire face à de nouvelles stimulations antigéniques. D’autre
part, la constitution d’un panel de cellules T mémoires est nécessaire pour permettre une
réponse immunitaire plus rapide et plus efficace lors de réexpositions antigéniques.
Ce respect de l’homéostasie lymphocytaire implique une véritable compétition pour la
génération et la survie entre ces deux grandes catégories de cellules T, naïves et mémoire.
III-1.La contraction clonale
En dehors du cas des antigènes thymo-indépendants, toute réponse immunitaire primaire
comprend trois étapes :
- le recrutement de clones T spécifiques de l’antigène,
4
- leur expansion clonale plus ou moins intense,
- puis une disparition d’une partie des cellules générées, ou contraction clonale,
s’accompagnant de la persistance de lymphocytes T mémoire.
Les lymphocytes T CD4+, comme les lymphocytes T CD8+, obéissent à cette dynamique
mais avec une amplitude souvent beaucoup plus marquée pour les lymphocytes T CD8+. Au
cours des primo-infections virales, l’activation, la multiplication et la différenciation des
lymphocytes T CD8+ naïfs spécifiques génèrent en 5 à 7 jours un grand nombre d’effecteurs
cytotoxiques (cytotoxic T lymphocytes ou CTL CD8), capables de lyser leur cible grâce à leur
équipement en granules cytotoxiques (granzymes et perforine), l’expression du ligand de
Fas (CD95L/CD178) et/ou la production de cytokines pro-inflammatoires (IFN-, TNF-).
Après l’élimination du stimulus antigénique, la contraction clonale permet l’élimination de la
majorité de ces lymphocytes T activés (~ 95%) et seul un petit contingent des lymphocytes T
initialement activés par l’antigène bénéficie des conditions de survie nécessaires pour
instaurer la mémoire immunitaire. En effet, l’essentiel du processus de contraction clonale
repose sur la mort des lymphocytes T activés par apoptose. Les lymphocytes T
effecteurs sont programmés pour subir l’apoptose. De manière tout à fait paradoxale, les
signaux à l’origine de l’activation initiale et de la croissance des cellules T (engagement du
TCR et exposition à l’IL-2) sont aussi à l’origine de l’activation du programme de mort de la
cellule T. Toutefois, dans les premiers jours suivant une activation optimale, la cellule activée
traverse une « fenêtre de résistance » à l’apoptose. Elle peut alors proliférer grâce à la
présence de quantités élevées du facteur anti-apoptotique Bcl-xL. La production de ce dernier
est déclenchée par l’engagement de la voie de costimulation CD28 et l’IL-2.
Après cette courte période (48-72h), trois destins sont possibles pour la cellule T activée :
La mort par apoptose active : la mort induite par l’activation cellulaire (Activation
Induced Cell Death : AICD) est provoquée par le réengagement du TCR sur les cellules
présentatrices, favorisé par la promiscuité cellulaire au site même de l’expansion clonale.
Elle permet d’éviter l’emballement incontrôlé du clone.
L’apoptose passive par carence en cytokines : la majorité des cellules T activées
migrent vers les sites inflammatoires où elles sont moins menacées par un processus
d’apoptose active, mais où elles s'exposent à une carence en facteurs de croissance
notamment d'IL-2.
La survie en tant que cellules T mémoire, pour les cellules rescapées de ces
processus d’apoptose.
La qualité de la réponse primaire et le degré de contraction clonale conditionnent la taille et
les qualités du pool de cellules T mémoire. Ces qualités dépendent de nombreux facteurs:
- la nature de l’antigène : pathogène vivant ou, à l’extrême, peptides synthétiques,
- la dose initiale et la voie d’administration de l'antigène, qui conditionnent l’intensité de
la prolifération initiale,
5
- l’intensité de la réponse inflammatoire à la phase initiale de l’activation des cellules T,
- la quantité de cytokines de croissance produites,
- et, dans le cas des cellules T CD8+, une aide cognitive des cellules T CD4+.
En revanche, à l’échelon individuel d’une cellule T activée, le seul élément établi à ce jour
est un avantage de survie pour les cellules qui préservent une forte expression membranaire
du récepteur à l’IL-7 (IL-7R ou CD127). Elles représentent 5 à 15% des cellules T activées.
Ces cellules T activées CD127++ pourraient constituer les précurseurs des cellules T
mémoire.
III-2.Hétérogénéité des cellules T mémoire
Les réponses secondaires impliquent le recrutement d’un nombre plus élevé de cellules T
spécifiques (changement quantitatif) et plus réactives (changement qualitatif) lors de la
réexposition à l'antigène.
La réponse immunitaire secondaire repose sur les cellules T mémoire. Elles présentent un
TCR de forte affinité pour l’antigène, et ont été initialement sélectionnées pour proliférer.
Leur statut de cellules mémoire leur confère un profil différent de marqueurs membranaires,
une réactivité accrue et des capacités fonctionnelles modifiées. Contrairement aux cellules B
mémoire, les processus de commutation isotypique et d’hypermutation somatique n’existent
pas pour les cellules T mémoire.
Une classification reposant sur la présence ou l’absence des molécules CCR7 (récepteur de
chimiokines interagissant avec CCL19 et CCL21), CD62L (ou L-Sélectine) et CD45RA à la
surface des cellules T circulantes permet d’identifier trois grandes catégories de cellules
ayant échappé à la phase de contraction clonale.
Les cellules T de mémoire centrale (TCM) sont CCR7+CD45RA-, expriment majoritairement
CD62L, ont un fort potentiel prolifératif et constituent une réserve pour la génération rapide
de nouvelles cellules T effectrices en cas de ré-exposition à l’antigène. CCR7 et CD62L leur
confèrent la capacité de retourner dans les organes lymphoïdes secondaires où elles sont
susceptibles d’interagir rapidement avec les cellules présentatrices d’antigènes.
Les cellules T mémoire effectrices (TEM) sont CCR7-/CD45RA-, et n'expriment en général
pas CD62L. Elles agissent immédiatement en cas de réinfection. Elles sont présentes dans
la circulation sanguine et lymphatique mais également dans des tissus non-lymphoïdes ce
qui favorise une action rapide au plus près de la source d’infection. Elles possèdent une
grande capacité proliférative et sécrètent rapidement dès leur activation des cytokines. Elles
peuvent déjà renfermer des granulations cytotoxiques.
Les cellules T de différenciation terminale (TDT) sont CCR7-/CD45RA+, ont des capacités
effectrices immédiates mais une capacité proliférative limitée. Ces cellules, très minoritaires
au sein des lymphocytes T CD4+, sont surtout présentes au sein du compartiment T CD8+
mémoire chez l’adulte et le sujet âgé.
6
III-3.Facteurs contrôlant la persistance des lymphocytes T mémoire
La préservation de la mémoire T à moyen et long terme est cruciale. Elle pose la question de
la durée de vie des cellules T mémoires et de leurs modalités de survie.
III-3-a.Durée de vie des lymphocytes T mémoire
Il faut distinguer la durée de vie d’un lymphocyte T individuel (qui peut être longue grâce à
son caractère quiescent) et la durée de vie du clone lymphocytaire T (qui peut être longue
grâce à une prolifération à bas bruit, les cellules mères générant des cellules filles).
La durée de vie des lymphocytes T mémoire est globalement courte. La majorité d’entre
elles se renouvelle régulièrement contrairement aux lymphocytes T naïfs qui ont une durée
de vie longue. Le turnover des cellules CD4+ TCM et TEM est estimé respectivement à 45 et 15
jours alors qu’il atteint un an et plus pour les cellules T naïves. Ces divisions régulières plus
ou moins rapprochées correspondent à un processus d’auto-renouvellement des
lymphocytes T mémoire. Une réponse T mémoire peut ainsi subsister pendant plus d'une
dizaine d’années. Les régulations des pools de lymphocytes T CD4+ et CD8+ mémoire sont
indépendantes. Leurs besoins sont différents et les lymphocytes T CD8+ vivent plus
longtemps que les lymphocytes T CD4+ mémoire.
III-3-b.Mécanismes assurant la persistance des lymphocytes T mémoire
Deux grands types de signaux peuvent a priori être délivrés à des lymphocytes T mémoire
pour permettre leur survie
- le signal délivré par l’engagement du TCR via les complexes CMH-peptide
correspondants
- et/ou le signal impliquant l’engagement des récepteurs aux cytokines.
Le signal délivré par l'antigène peut impliquer l’antigène initial, à l'origine du
déclenchement de la réponse primaire. La persistance d’un tel antigène est étroitement liée
à sa nature. Certains sont éliminés, d’autres sont persistants. C'est le cas des virus qui
restent dans leurs sites de latence, par exemple les virus du groupe herpès comme le
cytomégalovirus (CMV) et le virus d’Epstein-Barr (EBV). C'est aussi le cas de pathogènes
induisant la formation de granulomes comme les mycobactéries.
Les modalités de la réponse primaire à un antigène sont déterminantes sur le nombre et la
nature des lymphocytes T mémoire générés.
Les antigènes susceptibles d’induire des immunisations croisées peuvent également
activer à bas bruit des lymphocytes T mémoire en raison d'un mimétisme moléculaire entre
l'antigène initial et celui impliqué dans cette réaction croisée. Ce type d'engagement des
TCR entraîne le plus souvent une réponse proliférative peu productrice de cytokines. Le
seuil d’activation élevé nécessaire pour le déclenchement de réponses cytotoxiques n’est
généralement pas atteint, ce qui évite la mise en place de réponses inappropriées
7
potentiellement délétères. Ces réactions croisées représentent un processus minoritaire
dans le maintien des clones T mémoire.
Les cytokines homéostatiques (IL-7 et IL-15) assurent la persistance antigène-
indépendante des lymphocytes T mémoire. Ces cytokines sont essentielles pour la
génération, la prolifération, la différenciation et la survie des lymphocytes T.
L’IL-7 est essentiellement produite par les cellules stromales des organes lymphoïdes
primaires et secondaires. Elle délivre un signal de survie aux lymphocytes T qui expriment
son récepteur, CD127.
L’IL-15 est produite constitutivement en petite quantité par de nombreux types cellulaires
mais peu ou pas par les lymphocytes T eux-mêmes. Elle est essentielle à la survie des
lymphocytes T CD8+ mémoire. Les cellules dendritiques et les macrophages stimulés par
l’inflammation peuvent contribuer à produire de l’IL-15.
En situation physiologique, les faibles concentrations de ces deux cytokines donnent lieu à
un processus de compétition entre les lymphocytes T mémoire pour leur survie ce qui régule
la taille du compartiment T mémoire.
III-3-c.Evolution à long terme du compartiment T mémoire
On assiste au fil des années à un déséquilibre des populations lymphocytaires T au profit du
compartiment des lymphocytes T mémoire. Avec l’involution thymique liée à l'âge, le
compartiment des lymphocytes T naïfs subit une décroissance progressive qui affecte tout
particulièrement celui des lymphocytes T CD8+ naïfs.
Le compartiment T mémoire voit au contraire sa taille augmenter progressivement, sans que
sa diversité soit toujours bien préservée. La quantité limitée des cytokines homéostatiques
disponibles et la persistance de certains antigènes engendrent une compétition pour leur
survie. Cette compétition concerne des clones T spécifiques d’un même agent pathogène et
des clones T spécifiques d’antigènes différents. Ces processus rendent compte de l’érosion,
voire de la disparition complète de la mémoire T vis-à-vis de certains antigènes ou au
contraire de sa présence chez les sujets très âgés, qui se traduit par la fragilité ou la
robustesse des vieillards vis-à-vis des infections communes.
8
A retenir
La protection acquise après une primo-infection est due à la mémoire immunitaire.
Les lymphocytes T mémoire sont issus du petit nombre de lymphocytes T activés qui
échappe à la contraction clonale.
La réponse immunitaire secondaire, a pour caractéristique d’être plus rapide, plus
intense et plus efficace que la réponse primaire.
Les réponses immunitaires secondaires recrutent un nombre plus élevé de
lymphocytes T spécifiques (changement quantitatif) et plus réactifs (changement
qualitatif).
La qualité de la réponse primaire et le degré de contraction clonale conditionnent la
taille et les qualités du pool des lymphocytes T mémoire.
Les lymphocytes T mémoire sont hétérogènes et peuvent être classés en trois
catégories selon leur phénotype : mémoire centrale (TCM), mémoire effectrice (TEM) et
différenciation terminale (TDT).
Les lymphocytes T mémoire ont une durée de vie globalement courte qui dépend d’une
ré-exposition à l’antigène ou des signaux délivrés par l’IL-7 et l’IL-15.
9
Figure 27. Réponses primaire et secondaire. Ce schéma superpose les courbes d’évolution des clones cellulaires T ou B (en vert) et de la production des anticorps (IgM en bleu turquoise et IgG en bleu foncé) au cours du premier contact avec un antigène (réponse primaire) et des contacts ultérieurs (réponse secondaire). Dans ce cas, la réponse plus intense traduit l’activation des cellules mémoires générées au cours de la réponse primaire.
1
Réponses aux pathogènes, immunité anti-infectieuse
Ghislaine Sterkers et Marie-Anne Gougerot-Pocidalo
VIII-Immunité innée dans les muqueuses ....................................................................................... 6
2
I-Introduction
Situé aux interfaces épithéliales de l’organisme avec l’environnement, le système immunitaire
muqueux est le contact de première ligne avec les agents infectieux et les antigènes.
Il couvre un très vaste territoire de plus de 600 m², l’équivalent d’un terrain de football américain.
Paradoxalement, c’est un système immunitaire de connaissance beaucoup plus récente que le
système immunitaire systémique, puisque son étude n’a vraiment été abordée qu’à la fin des
années 1970. Il utilise les mêmes acteurs moléculaires et cellulaires, mais il présente des
particularités remarquables, partagées par l'ensemble de ce grand tissu dans tous ses territoires,
et visant principalement en physiologie à une tolérance active vis-à-vis de l’environnement.
Le Concept de Système Immunitaire Commun Muqueux (CMIS Common Mucosal Immune
System) a été proposé dans les années 1970 sur les notions suivantes
• structures anatomiques communes
• effecteurs identiques = les IgA sécrétoires
• migration des cellules entre les différents sites
A la fin du XX° siècle, une nomenclature a été adoptée, désignant ce système immunitaire par
l'acronyme MALT pour Mucosae Associated Lymphoid Tissue. Par analogie, on parle aussi de
GALT pour les structures associées à l'intestin (Gut en anglais), de NALT pour la muqueuse
Nasale, de BALT pour le tissu Bronchique…
II-Organes et tissus muqueux
Le MALT inclut plusieurs structures anatomiques bien identifiables. Ainsi, au niveau de la sphère
ORL, le terme de "cercle ou anneau de Waldeyer" regroupe les amygdales palatines, les
amygdales pharyngées, les amygdales linguales, les végétations adénoïdes et le tissu
lymphoïde tapissant la trompe d’Eustache en deçà de l'oreille interne.
Au niveau du tube digestif, les Plaques de Peyer et l’appendice constituent d'autres structures
identifiables macroscopiquement. Apparentés aux plaques de Peyer, les nodules solitaires
constituent des structures plus petites mais très nombreuses, réparties dans tout le tube digestif,
avec une prédominance dans l'iléon.
Dans tous les autres territoires muqueux (digestifs, respiratoires, génito-urinaires), on observe
par ailleurs un tissu lymphoïde diffus tapissant de façon plus ou moins dense la lamina propria
sous-épithéliale.
3
III-Muqueuses et environnement
Le MALT, en contact direct avec l'extérieur, est confronté à différents types d'antigènes. Les
plus importants en volume sont les antigènes alimentaires, représentant environ 1 tonne par
an chez un humain. Ils sont dégradés, absorbés et servent à la nutrition. Le MALT développe à
leur égard une tolérance active quotidienne.
Les antigènes microbiens sont également importants, mais essentiellement représentés par la
flore saprophyte qui comporte environ 1014 germes dans l’intestin, et diffère selon les territoires
muqueux. Les flores ORL, cutanée, génitale et digestives sont très variées mais parfaitement
tolérées. Elles jouent un rôle efficace pour contrer la prolifération de microorganismes
pathogènes. Les germes qui les composent sont également capables de produire des
antibiotiques microbiens. Au niveau digestif, la flore intestinale participe à la dégradation des
aliments, contribue au bon fonctionnement de la coagulation en produisant de la vitamine K et
limite physiquement par son volume l’accès des antigènes et des germes pathogènes aux
cellules épithéliales et aux muqueuses sous-jacentes.
L'environnement apporte également d'autres antigènes, comme les poussières, les acariens, les
pollens et les produits chimiques.
IV-Sites inducteurs du MALT
Il faut considérer que la majorité des antigènes de l’environnement parviennent finalement dans
le tube digestif. C'est le cas évidemment des antigènes alimentaires, mais également des
secrétions ORL et lacrymales, avalées constamment. Même les secrétions bronchiques
remontent grâce à la ciliature de la muqueuse vers le carrefour oro-pharyngé. De plus, tous les
individus ont des contacts buccaux directs et indirects avec leur environnement, essentiellement
manuportés, et conduisant toutes sortes d'antigènes vers le tube digestif.
Les plaques de Peyer et les nodules solitaires constituent ainsi les sites inducteurs majeurs du
MALT. Leur épithélium particulier comporte des cellules épithéliales dédifférenciées appelées
cellules M présentant de nombreuses microvésicules et une forme particulière leur permettant
un contact étroit avec des cellules dendritiques, des macrophages et des lymphocytes au niveau
de leur membrane basale. Ces cellules sont particulièrement adhésives et captent de façon
sélective les microparticules, souvent antigéniques, qui parviennent à leur contact. Elles leur font
traverser leur cytoplasme sous forme de vésicules (d'où l'aspect vacuolé de ces cellules) et les
libèrent dans le microenvironnement immunocompétent sur lequel elles reposent.
Les cellules lymphoïdes naïves T et B sont ainsi informées et sélectionnées, les cellules B
prolifèrent et constituent le centre germinatif des nodules solitaires ou les plus nombreux centres
4
germinatifs des plaques de Peyer. Les ganglions mésentériques de voisinage peuvent aussi
contribuer à cette réponse immunitaire spécifique. Les lymphocytes B produits quittent ensuite le
nodule ou la plaque de Peyer par le système lymphatique efférent qui les draine, gagnent la
circulation lymphatique puis se déversent par le canal thoracique dans la circulation systémique.
C'est le mécanisme de recirculation mentionné plus haut comme une caractéristique
particulièrement développée dans le MALT.
Ces lymphocytes B activés colonisent alors tous les territoires muqueux, par voie sanguine, en
quittant la circulation périphérique au niveau des veinules post-capillaires particulières qui
irriguent ces tissus. Ces veinules à haut endothélium ou HEV (High Endothelial Venules) captent
les cellules de par leurs propriétés d'adhésion spécifiques et leur permettent de gagner la lamina
propria. Les lymphocytes B activés quelques heures auparavant au contact de l'antigène
terminent à ce niveau leur différenciation en plasmocytes et produisent des IgA spécifiques de
cet antigène, effecteurs solubles du MALT.
V-Effecteurs solubles (Figures 28 et 29)
Les IgA sécrétoires représentent le composant humoral majeur et caractéristique du MALT. Ce
sont les plus polymorphes des immunoglobulines, et les plus glycosylées. Leur production est le
résultat d'une commutation de classe préférentielle pour les IgA orientée au niveau des centres
germinatifs des muqueuses par le TGF-beta (Transforming Growth Factor).
La production quotidienne d'IgA est de 3 à 4 grammes, et cette quantité double par la production
de la glande mammaire chez une femme allaitante.
Dans l'espèce humaine, il existe deux sous-classes IgA1 et IgA2.
Les IgA secrétoires présentent la particularité de résulter de la combinaison d’IgA dimériques (2
molécules d’IgA et une pièce de jonction ou pièce J) synthétisées par les plasmocytes de la
lamina propria des muqueuses et de la pièce secrétoire (encore appelée poly Ig recepteur)
élaborée dans les cellules épithéliales. Leur association se fait lors d’un phénomène de
transcytose dirigée permettant aux IgA dimériques captées par la pièce secrétoire au niveau
baso latéral des cellules épithéliales, d'être internalisées et libérées au pôle apical sous forme
d’IgA secrétoires complètes.
La compréhension de ce phénomène a permis de mieux préciser les rôles des IgA sécrétoires.
En tapissant la surface des muqueuses, elles peuvent capter les antigènes et empêcher leur
entrée dans le tissu sous jacent. Leur grande taille et leurs quatre fragments Fab leur permettent
de constituer de volumineux complexes immuns qui complètent ce rôle d'élimination. La taille de
ces complexes leur permet également d'être captés par les cellules M, augmentant le contact du
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système immunitaire avec l'antigène. Les IgA, pendant leur passage dans la cellule épithéliale,
sont capables de reconnaître des virus et de les éliminer lors de leur sortie apicale dans la
lumière de la muqueuse. Enfin, si elles ont reconnu dans la lamina propria un antigène ayant
réussi à traverser la barrière épithéliale, elles peuvent effectuer leur transcytose sous forme d'un
complexe immun, permettant là encore l'exclusion de l'antigène.
VI-Régulation
Par la mise en jeu constante des sites inducteurs et de la production d'IgA secrétoires
spécifiques, les réponses immunitaires muqueuses sont constamment adaptées à
l’environnement. Elles génèrent un état physiologique de tolérance particulier de par son
caractère non inflammatoire. En effet, les IgA n'activent pas le complément et sont
essentiellement destinées à neutraliser les antigènes et leur empêcher de gagner l'immunité
systémique. Les réponses cellulaires qui prennent place dans les plaques de Peyer et les
nodules solitaires sont non seulement très orientées vers la production d'IgA (commutation de
classe par le TGF-beta) mais également très fortement régulées. Les lymphocytes T activés par
la présentation antigénique développent un profil cytokinique appelé Th3 caractérisé par la
production importante de cytokines immunosuppressives notamment le TGF-beta.
VII-Développement
Comme dans son fonctionnement, le développement du MALT dépend de l’environnement, et
est pratiquement « vide » à la naissance chez les mammifères. Chez le nouveau-né, il existe
dans les muqueuses digestives et bronchiques de petits foyers de quelques lymphocytes B à
IgM de membrane et quelques foyers de lymphocytes T, mais il n’y a pas d'organes lymphoïdes
muqueux, de plaques de Peyer, ni de nodules solitaires. Les premiers plasmocytes produisent
des IgM et apparaissent dans le tube digestif. Les IgA apparaissent ensuite et ne sont
détectables dans les secrétions qu'à 3 semaines de vie.
Pendant cette période de transition, une immunité muqueuse « passive » est transmise par le
lait maternel, très riche en IgA secrétoires et en molécules de l'immunité innée. Le colostrum
produit pendant les premiers jours après l'accouchement est ainsi essentiellement un lait immun,
qui sera complété un peu plus tard par les protéines et glycoprotéines en faisant un lait aliment,
qui conserve ses propriétés immunitaires.
La maturation progressive du MALT, au fil des contacts de l'enfant avec son environnement,
constitue une véritable éducation du système immunitaire. Ceci explique les affections de la
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petite enfance, ainsi que les réponses inflammatoires aux modifications de l’environnement
survenant en l'absence de mémoire immunitaire constituée.
VIII-Immunité innée dans les muqueuses
L'immunité innée joue également un grand rôle au niveau des muqueuses. Il peut s'agir d'un
rôle purement physique, comme l'effet-barrière de l'étanchéité des épithéliums ou l'effet
"chasse" des secrétions muqueuses comme la salive. Ces secrétions sont également riches en
molécules antiseptiques protectrices comme le lysozyme, la lactoferrine ou les défensines. Les
flores saprophytes peuvent aussi être considérées comme participant à cette immunité innée.
Les cellules de l'immunité innée, comme les polynucléaires éosinophiles et les mastocytes sont
également facilement sollicitées. Leurs secrétions potentiellement très toxiques se neutralisent
mutuellement, maintenant un état non inflammatoire dans les muqueuses. Les macrophages et
les cellules dendritiques participent également activement à la protection de ce tissu, tout en
jouant leur rôle de cellules présentatrices d'antigènes.
Les lymphocytes T intraépithéliaux ou IEL (Intra-Epithelial Lymphocytes) sont des cellules
particulières des muqueuses, intermédiaires entre l'immunité innée et l'immunité cognitive et
essentiellement localisées dans l'intestin. Comme leur nom l'indique, elles sont au contact direct
des cellules épithéliales, réparties le long des muqueuses à raison d'environ 1 IEL toutes les 10
cellules épithéliales. Doués de propriétés cytotoxiques, ils semblent jouer un rôle de surveillance
lorsque les cellules épithéliales intestinales, en constant renouvellement, passent au-dessus de
ces IEL dans leur mouvement vers le sommet des villosités intestinales. Les cellules infectées
par un virus ou tumorales, dont les molécules MHC de classe I présentant des antigènes
anormaux, peuvent alors être éliminées par les IEL.
A retenir
L’ensemble des muqueuses est protégé par un système immunitaire dédié appelé MALT
(Mucosae Associated Lymphoid Tissue)
Les sites inducteurs du MALT (plaques de Peyer et nodules solitaires) assurent une
protection dynamique vis-à-vis des antigènes de l’environnement qu’ils captent par des
cellules spécialisées, les cellules M
Les IgA secrétoires sont les principaux anticorps de l’immunité muqueuse et empêchent
la pénétration des antigènes
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A côté de cette immunité spécifique, l’immunité innée et les flores commensales sont des
éléments importants de la protection que les tissus muqueux exercent vis-à-vis de
l’environnement
Le système immunitaire muqueux est pratiquement inexistant à la naissance, protégé de
façon passive par le lait maternel, et se constitue au fur et à mesure des rencontres de
l’enfant avec l’environnement
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Figure 28. Structure d’une IgA secrétoire. Ce schéma montre comment le dimère d’IgA (en vert) est stabilisé au niveau des domaines constants par la pièce J (en jaune). De plus, cette structure est protégée des protéases des muqueuses par le poly-Ig recepteur ou pièce secrétire (en orange), constitué de 5 domaines de la superfamille des immunoglobulines et fortement glycosylée.
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Figure 29. Fonctions des IgA sécrétoires. Les IgA de la lamina propria (en bas) sont présentes sous forme de dimères. La pièce sécrétoire exprimée par les cellules épithéliales, permet le transport de ces immunoglobulines en se fixant à la pièce J. Cette transcytose aboutit, dans la lumière de la muqueuse à la libération d’IgA secrétoires formant de volumineux complexes immuns avec les antigènes qui y sont présents (panel de gauche). Le panel du milieu montre comment un antigène présent dans la cellule épithéliale peut être neutralisé au cours de la transcytose et éliminé lors de la libération dans la lumière de la muqueuse de ce complexe IgA secrétoire/ antigène. Le panel de droite illustre la façon dont ce mécanisme permet également de reconduire vers la lumière de la muqueuse un complexe immun formé dans la lamina propria.