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INSTITUT DHISTOIRE THESE DE DIPLOME DETUDES SUPERIEURES (HISTOIRE) ° n _A_ _un_e__b_i ° g L a- P h i_e d e^_M_g_r_ T_h_ojn_a_s__C_o_o_k_e_ par Soeur Marie-Stanislas-du-S. C., f. j. Licenciée en Lettres de lUniversité Laval MARS 1965
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INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

Jun 18, 2022

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INSTITUT D’HISTOIRE

THESE DE DIPLOME D’ETUDES SUPERIEURES (HISTOIRE)

° n _A_ _un_e__b_i ° g L a- P h i_e

d e^_M_g_r_ T_h_ojn_a_s__C_o_o_k_e_

par

Soeur Marie-Stanislas-du-S. C., f. j.Licenciée en Lettres de l’Université Laval

MARS 1965

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AVANT-PROPOS

L’intérêt particulier que nous portons à l’histoire régionale

nous a fait entreprendre le présent travail.

Son but est de rappeler les débuts de la carrière du premier évê­

que des Trois-Rivières, Mgr Thomas Cooke.

Nous en tenant aux années 1792 à 1835, soit de sa naissance à son

arrivée è. la cure des Trois-Rivières, nous avons essayé, è travers sa

vie et le jeu des événements, d’étudier les aspects de son apostolat.

Les sources se sont faites rares surtout en ce qui a trait aux ori­

gines de la Famille Cooke et aux années d’enfance de Thomas. Nous

les avons contrôlées dans la mesure du possible. Le biographe contem­

porain de Mgr Cooke, Mgr Napoléon Caron, P.D., sous le pseudonyme

de Meinier, publia dans L2Opi_nio^n_Publique^ Montréal, en date du

30 mai et du 6 juin 1872, une notice biographique de l’évêque des Trois-

Rivières, décédé le 31 mars 1870. Nous croyons ses données conforme

è la vérité historique.

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iii

Nous avons consulté la Vie de Mgr Cooke extraite de l'Histoire

des Ursulines des Trois-Rivières par Soeur Marguerite-Marie o. s.u.

C'est l'ouvrage le plus considérable consacré à Mgr Cooke. L'auteur

essaie visiblement d'auréoler celui qui fut, pendant plusieurs années, le

père aimé de la Communauté. Oeuvre qui se veut à la fois poétique,

laudative et historique, la Vie de Mgr Cooke nous a toutefois orientée

dans nos recherches.

Nous avons pu retrouver la majeure partie de la correspondance

de M. Cooke avec les évêques de Québec. Les lettres qu'il échangea

avec M. Desjardins, procureur de l'évêché de Québec, sont particuliè-

ment intéressantes.

Nous avons utilisé les statistiques des archives paroissiales de

Rivière-Ouelle, Caraquet, Nipisiguit, Néguac, Burnt-Church, Bartibog

et St-Ambroise de la Jeune-Lorette. Dans plusieurs paroisses, les

registres ont péri dans des incendies. C'est le cas, par exemple, de

Nelson et Petit-Rocher. Nous avons compilé, dans les livres que nous

avons examinés, 2203 baptêmes, 513 sépultures et 773 mariages signés

par M. Cooke.

A Bathurst-Ouest (Nipisiguit), nous avons retrouvé le "Cahier des

résolutions de paroisse et comptes de la fabrique de la mission de la

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iv

Sainte-Famille de Nipisiguit”. Il porte la signature de M. Cooke pour

les années 1817, 1818, 1819 et 1821.

A St-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette (Lor etteville), un Cahier

d’annonces nous a permis de suivre M. Cooke à travers son ministère

paroissial de 1832 K 1835.

Nous exprimons notre reconnaissance à Mgr Albert Tessier, P.D.

qui nous a généreusement ouvert les portes des Archives du Séminaire

St-Joseph des Trois-Rivières, de même qu’è. M. l’abbé Jean-Marie

Beauchemin, archiviste à l’Archevêché de Québec. Partout, au cours

de nos recherches, nous avons reçu l’accueil le plus sympathique.

Nous désirons remercier M. Marcel Trudel, Docteur ès Lettres,

professeur h. l’institut d’Histoire de l’Université Laval, qui nous a guidée

et encouragée dans notre travail.

Nous voulons également témoigner notre gratitude à notre Comu-

nauté qui nous a accordé les moyens d’entreprendre cette thèse et nous

a facilité les voyages et les démarches nécessaires h sa préparation.

S. M. S. S. C.

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TABLE DES MATIERES

AVANT-PROPOS ii

TABLE DES MATIERES v

TABLE DES ILLUSTRATIONS vii

SIGLES viii

BIB BIOGRAPHIE ix

INTRODUCTION 1

Chapitre premier : LES ANNEES DE PREPARATION (1804-1814) 17

Au collège de Nicolet. Un an de “recueillement philosophique". Dans la Salle des Habitants. Mon­tée vers l’autel.

Chapitre II: L’APOSTOLAT: RIVIERE-OUELLEET ACADIE (1814-1820) 39

Vicaire et secrétaire. Premières années en terre acadienne. La mission de 1819.

Chapitre III : DERNIERE ETAPE DANS LA BAIE- DES-CHALEURS (1820-1824) 61

Bénédiction de l’église et du nouveau cimetière de Caraquet. Bancs à “totaux". Voyages de M. Cooke à. travers ses missions. Construction de chapelles. Problèmes de morale. Difficultés ethniques è. Cara­quet. Les ministres protestants font du prosélytisme dans la Miramichi. Maladie de M. Cooke à différen­tes reprises. Voyages de M. Cooke à. Québec. Bilan de l’oeuvre du missionnaire en Acadie.

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vi

Chapitre IV : ST-AMBROISE-DE-LA-JEUNE-LORETTE (1824-1835)

La cure désirée. Une époque heureuse. Eloge funèbre de Mgr Plessis. M. Cooke et ^éducation. Pastorale de M. Cooke. Trois-Rivières.

CONC LUS ION

INDEX

90

112

121

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Moulin banal de la Pointe-du-Lac 12

Maison du meunier de la Pointe-du-Lac vers 1800 14

Extrait d’une lettre de Mgr Cooke (1851) à M. H. Dostie 41

M. Cooke au Nouveau-Brunswick (Carte) 44

Horloge "grand-père” ayant appartenu à M. Cooke 88

Première page de l’Eloge funèbre de Mgr Plessis 101

Mgr Thomas Cooke, 1er évêque des Trois-Rivières 117

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SIG LES

AAQ Archives de llArchevêché de Québec

AP J TR Archives du Palais de Justice de Trois-Rivières

ASN Archives du Séminaire de Nicolet

ASQ Archives du Séminaire de Québec

AS TR Archives du Séminaire de Trois-Rivières

BRH Bulletin des recherches historiques

JC ABC Journaux de la Chambre d'Assemblée du Bas-Canada

RUL Revue de l’Univer sité Laval

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BIB LIOGR APHIE

I - SOURCES

A - SOURCES MANUSCRITES

1 - ^Ar_ch_ev_ê_clié__d._e_Q_u_é_b_e_c

17 lettres de M. Cooke à. Mgr Plessis, de 1817 à 18231 lettre de M. Cooke à Mgr Panet, 18194 lettres de Mgr Plessis à M. Cooke, de 1818 à 18222 lettres de Mgr Signaÿ à M. Cooke, 1830.

2- Séminaire des Trois-Rivières

3 lettres de Mgr Plessis à M. Cooke, de 1822 à 18246 lettres de Mgr Panet à M. Cooke, de 1819 à 18303 lettres de Mgr Signaÿ à M. Cooke, de 1830 à 1835.

3 - Archives paroissiales

Pointe-du-Lac : registres (nous avons consulté le double des AP J des Trois-Rivières)

Rivière-Quelle : registres

Caraquet : registres

Nipisiguit (Bathur st-Ouest) : registres; cahier des résolutions de paroisse et comptes de la fabrique, de 1812 à 1828

Bartibog : registres

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ix

Néguac : registres; à partir de 1822, les registres de cette paroisse renferment les inscriptions de la mission de Burnt-Chur ch

S t-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette (Lor etteville) : r e gi str e s ; cahier d’annonces de 1832 à 1835.

B - SOURCES IMPRIMEES

Anonyme. .I^a^^'j^chm^tooimh^SJjmin^î^^^Quebec^ dans Revue de l’Université Laval, documents CXV, 13 (novembre 1958) : 270-274.

BIGGAR, H. -P. J^es_y^oya^es_de_C^ar_tier_. Archives du Canada, 1924. 330p. 24cm.

TRUDEL, Marcel. Champlain. Montréal, Fides, 1956. 94p. (1).Coll. Classiques canadiens. 16.5cm.

II - ETUDES

A - ETUDES SPECIALES

Napoléon Caron, ptre. Mgr Thomas Cooke, dans L’Opinion Publique, 30 mai et 6 juin 1872.

Les Ursulines des Trois-Rivières. Xîe_de_M^r_Co^oke2_ 1er évêque^e_s_Trcûs_^Riviè^rej. Montréal, s.éd., 1898. 224p. 23cm.

Anonyme. La_famille^_Ç_ooke, dans^2iB£tin_de_^recherche_s_hi_stor^i2 .gués, août, 33(1927) : 490s.

L. Le Jeune, o.m.i. Jhon}as_Coo_ke.du Canada. Ottawa, 1931. 2 vol. 27.5cm.

Jean de Chénou. Petites anecdotes sur le premier évêque des Trois- Rivières., dans L^_Bien_Public, 19 janvier 1933.

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X

Anonyme. J_amille_CookeJ dans Bulletin_des_r_echerçhes_histo^ri.2. £ucs, février, 39(1933) : 65ss.

Edgar Godin, ptre. N4gr__ThomaLs_Co.okeJ__mâ_s^onnair_e_de^.a__B_aie2 de_s_C^haleur_s_(J_817_2_1_82_3)} dans S_oc_iLété__caLiiadLenn.e_dI_HiLst:o_i2 I ■ 'E^Use c^thalique;, Rapport 1952-53, p. 43-49.

B - OUVRAGES DIVERS

ALLAIRE, J.-B.-A., ptre. Dictionnaire biographique du clergé Ç^ana-dien^fr_an£ais. Montréal, Imprimerie des Sourds-Muets 1910. 6 vol. 22cm.

Anonyme. Ency£lo£édie_lJBRRÉÊ-~tien. Paris, Casterman, 1964. 2 vol. 22cm.

Anonyme. Deux cents ans de vie paroissiale 1738-1938. Trois- Rivibres, Imprimerie Saint-Joseph, 1939. 134 (10)p. ill.24.5cm. Pages trifluviennes, série A, no 21.

AUDET, Louis-Philippe. E£ sy;stbme_ sc_qlair£_de_^.a_Pr_qyince_da Québec.» Québec, Presses Universitaires Laval, 1951. 11 vol.

BAS TIEN, Hermas. Ltenseignement de la philosophie. IlJAu_CanaLda Montréal, Edit. Lévesque, 1936. 215p. 19cm.

BEGIN, abbé Emile. F£ar^£ia_de_Lav£L Québec, Les Presses Uni­versitaires Laval, 1959. 222p. ill. 20.5cm.

BIRON, Hervé. Ç_£and_eur£_e£misbr£s_d_e_l_,E^li£e_triJ'luyienne_^_l_615- ,1.947). Trois-Rivibres, Les Editions trifluviennes, 1947. 242 (4)p. ill. 22. 5cm.

BOURNIQUEL, Camille. .Irlande. Paris, Editions du Seuil, Coll. Petite Planbte, 1955. 192p. ill. 18cm.

BRUCHESI, Jean. E££hejnin_d£s_£colie£s_. Montréal, Editions Vali- quette, 1942. 151p. 19cm.

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xi

CHOQUETTE, C.-P., chanoine. JIistoir£_du_S£minaire_de_S_aint- H^a^_inthe_d_ej>uis_sa_fondation jusqurà nos jourp. Montréal, Imprimerie de l’institution des Sourds-Muets, 1911 et 1912. 2 vol. I: 1911, 538p., II: 1912, 402(l)p. 23cm.

DES JARDINS, ^eorges, S. J. Ees_^^les_du_Québeci Montréal,

s.éd. , 1950. 128p. 18cm.

DESROSIERS, Léo-Paul. Les Engagés du Grand-Portage. Montréal Fides, 1946. 207p. 21cm.

DOUVILLE, abbé J.-A.-Ir. JBsto^ir e^_dujCollège_2Séminairp_dp_Ni2P_Z let 1803-_l_903_avec_]pp^û_^es_complèt e^s d e_s_dipecteurpro^ fpspeur^_et_é^lève_s_de_PIn^titution2 Montréal, Librairie Beauchemin (...), 1903. 2 vol. I: 1803-1860, XII-459 (4)p.H: 1861-1903, XIH-180-304 (4)p. ill. 22.5cm.

DUGRE, Alexandre, S. J. Ep^ointe^u^Lac. Trois-Rivières, Les Editions du Bien Public, 1934. 90 (2)p. ill. 24. 5cm.Pages trifluviennes, série A, no 15.

GALARNEAU, Claude. Les échanges culturels franco-canadiens depuis_176 3^,_dfrançais aujRurdJhpî.pL-demain, dans Re^cher_chep_et_DébatSj mars 1961, no 34.

GROULX, Lionel, ptre. L’enseignement français au Canada, I: Dan le_Québpc_. Montréal, Librairie d’Action canadienne-françai se, 1931. 327p. 23cm. II: Les^jmle^^e^minprités.Montréal, Librairie Granger, 1933. 271p. 23cm.

JOYCE, James. A Portrait of the Artist as a Young Man. New York The Modem Library, 1928. 299p. 18.5cm.

LINDSAY, Lionel Saint-Georges, ptre. NotrP2Dame_de_la_Jeune2 Lppette_en_la;_Nou.velle2.?l:LÊI}£.Pî Etude historique. Montréal 1900. 319p. ill. 25cm.

MARIE-DU-REDEMPTEUR, Soeur.pièplep, dans BuHeti^dej_recherches_histo^ri^ues, mai, 38(1932) : 301-315.

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xii

MARTEL, E. -Alexandre. Re^çueil_de_s_ouvenir_s. Québec, Ed. Le Courrier de Limoilou, 1949. 271p. ill. 24cm.

MIC H AUD, Adolphe. Généalogie des familles de la Rivibr e-Ouelle. Québec, Imprimerie H. Chasse, 1908. 705p. ill. 22.5cm.

PANNETON, chanoine Georges et M. lTabbé Antonio MAGNAN, sr. bæ jiwcè s^d ̂J^jn^^Riyibrejs^185 2^_1_9 5^2). Trois -Rivibr e s Editions du Bien Public, 1953. 377 (3)p. ill. 23cm.

PARIS, Jean. Paris, Editions du Seuil,1957. Coll. Ecrivains de toujours. 192p. ill. 18cm.

SAINT-DENIS, Dominique de, R.P. LŒglise catholique au Canada. PL^ÂÉ_hijt^iquç^^j^1û^tique. Montréal, s. éd., 1956. 269p. 24.5cm.

SULTE, Benjamin. Mélanges historiques. Montréal, Editions Garar 1932. 21 vol. 23cm. Etudes éparses et inédites de Benja­min Suite, compilées, annotées et publiées par Gérard Mal- chelosse.

TANGUAY, Mgr Cyprien. Répertoire du clergé canadien par ordre chronologique depuis_la^.ondation_de_la_coIonie jusquHl no_s_ jours. Montréal, Sénécal, 1893. XIII (l)-526-XLVIp. 25. 5cm.

TESSIER, abbé Albert. La jvie_rur ale_ver^s_j^800, dans Le^s_Cahijer_s d_es_Dix, 1945, no 10.

TETU, Mgr Henri. Les évêques de Québec? série 551 (no 551-03). Montréal, 1930. 144p. 20. 5cm.

THERIAULT, Yvon. Le_moulin_d.e_la_Pointe2.ÉüZ ^33_ajis, dans L^No^uvellistej 15 mars 1956.

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IN TR O D U C T ION

FILS D’EMIGRE IRLANDAIS

L’île des saints. La seigneurie Montour.

"Erin, ô vert joyaude la mer argentée. "

(Joyce)

"Ile des Saints et des Légendes", "Ile d’émeraude" ou "Verte

Erin", telles sont les appellations romantiques par lesquelles on a tou­

jours désigné l’Irlande. S’il faut en croire les Irlandais du XXe siècle,

on pourrait la définir plus justement "Le Nouveau Pays du Sourire",

car il parait qu’en Irlande, tout sourit : les paysages, les horizons

marins, les villes et, plus encore, les visages.

L’Irlande (en anglais, Ireland; en gaélique, Eire) est une île de

284, 394 km de superficie, mesurant 500 kilomètres du nord au sud et

300 de l’est à l’ouest. Elle est située à. l’ouest de l’Angleterre. Depuis

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2

1920, elle est divisée en deux Etats : la République d'Irlande, indépen­

dante, dont la capitale est Dublin; l'Irlande du Nord qui fait partie du

Royaume-Uni et dont la capitale est Belfast. Le territoire de la Républiqu

couvre les trois provinces de Leinster (à l'est), de Munster (au sud), de

Connacht (à l'ouest), et trois comtés de la province d'Ulster. Celui de

l'Irlande du Nord est formé des six autres comtés de l'Ulster : Derry,

Antrim, Dawn, Armagh, Tyrone etFermanagh.

Le climat de l'Irlande est par excellence océanique : pluvieux, égal

et doux. Il est rare d'y voir de la neige en hiver, du moins dans la plaine.

On n'y connaît pas les grandes chaleurs en été. La pluie est presque con­

tinuelle surtout sur la côte ouest. Il pleut environ 200 jours par année.

Une telle abondance d'eau jointe à la richesse de l'humus, donne au prin­

temps irlandais, en particulier, une puissance spéciale.

"Qu'y a-t-il de comparable au ciel irlandais, à cet air, à ce climat,

qui réussiraient à adoucir pour la vie l'esprit le plus lent et le plus inflexi

ble?" demande George Bernard Shaw. Et Thackeray ajoute : "Trouverait

on un tel décor le long des rivages anglais que ce serait une des merveil­

les du monde. L'imaginerait-on sur la Méditerranée ou la Baltique, que ti

te l'Angleterre affluerait pour le voir" (1).

1. Cité par Camille Bourniquel, dan s _Irlanbe, p. 6.

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3

Peu de pays ont autant souffert que l’Irlande. Peu de sols ont été

abreuvés d’autant de sang et de larmes. Pendant dix siècles, elle suppor­

ta la souffrance et l’injustice. Cent ans avant Jésus-Christ, des clans

celtiques s’emparent du territoire. Leur civilisation s’effondre en 795.

Puis ce sont les invasions Scandinaves de la fin du Ville siècle et celles

des Anglo-normands du XHe siècle. Une longue lutte met aux prises les

souverains d’Angleterre et le peuple irlandais. Au XVIIIe siècle, la Fran­

ce soutient l’Irlande dans sa révolte contre les Anglais. Après leur sou­

mission è. l’Angleterre, les Irlandais ne cessent de réclamer la "Home

Rule” qui leur est refusée. L’insurrection anti-anglaise de 1916 aboutit

au traité de 1921 qui reconnaît l’Etat libre d’Irlande, avec statut de domi­

nion et juridiction sur 26 comtés. Cet Etat, sous son ancien nom d’Eire,

adopta, en 1937 (29 décembre), une constitution indépendante qui est tou­

jours en vigueur. Le lundi de Pâques, 18 avril 1949, les derniers liens

avec l’Angleterre sont rompus. L’Eire cesse d’être un Dominion pour

devenir une république libre.

L’Irlande du Nord envoie des députés au Parlement de Westminster

qui a autorité pour les questions de défense, de relations extérieures, de

commerce et de poste; pour ses affaires propres, éducation, problèmes

sociaux, travaux publics, la province a un gouvernement et un Parlement

qui siègent è Stormont, près de Belfast.

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4

L’Irlande est une terre mystique. Ile des saints, comme on l’a

surnommée. La mission de Palladius, en 431 apràs Jésus-Christ, in­

troduisit chez les Gaëls le christianisme et l’alphabet. La tradition en

attribue le mérite à saint Patrick. L’Europe était encore plongée dans

la barbarie, quand déjà les Gaëls fondaient les monastères de Lismore,

de Clonmacnoise, de Derry, d’Aran-Mor, colonisaient l’Ecosse et la

Bretagne, et envoyaient des missionnaires à Wurzbourg, Tarente et Kiev.

Sur le monde en désordre, l’Irlande faisait rayonner l’Evangile et les

prestiges de l’intelligence.

Des écrivains irlandais se sont élevés contre le rigorisme de leurs

compatriotes. Pour un Irlandais, selon James Joyce, le feu de l’enfer

brûle "with unspeakable fury”. Ecoutons le bon Jésuite de Clongowes

Wood College en décrire les effets aux collégiens en retraite :

The blood seethes and boils in the veins, the brains are boiling in the skull, the heart in the breast glowing and bursting, the bowels a redhot mass of burning pulp, the tender eyes flaming like molten balls. (2)

Les prêtres en particulier ne comprennent pas les curés hésitants,

angoissés et déséquilibrés de Bernanos, Les fidàles se signent en toute

2. James Joyce, P* 139.

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5

occasion et attachent beaucoup d’importance aux objets de piété qui encom­

brent littéralement les étalages. On trouve dans les quotidiens des actions

de grâces aussi originales que la suivante : "Remerciements au Sacré-

Coeur par l’intercession de la Tr'és Sainte-Vierge, de Sainte Thérbse-de-

l’Enfant-Jésus et de Saint-Antoine pour les grâces accordées. Publica­

tion prosise11 (3).

Ces pratiques de piété forment ce qu’on pourrait appeler le côté

folklorique du catholicisme irlandais. Hâtons-nous d’ajouter qu’elles n’en

constituent pas heureusement la véritable essence. Actuellement, l’in­

fluence de l’Eglise en Irlande est grande. Elle joue un rôle important de

conseiller moral dans de nombreuses activités sociales : syndicats, lutte

contre le chômage, associations paysannes, ligues anti-alcooliques, etc.

Les persécutions subies pour la foi, la lutte pour l’indépendance

nationale, le tempérament mystique de l’Irlandais, l’abondance du clergé,

l’enseignement confié en grande partie aux catholiques, l’interdiction

légale du divorce, le contrôle des spectacles et des publications, les con­

grégations pieuses et les associations charitables sont autant d’éléments

qui contribuent à la survivance de la foi et au maintien de la morale chré­

tienne.

3. Bourniquel, _o£._cit., p. 134.

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6

Cette foi profonde et cette morale sévère font-elles des Irlandais

un peuple de renfrognés ? Non. Il n’est peut-être pas de pays au mon­

de où le rire soit plus en honneur. Rire amer, sans doute, mais qui fait

partie de la vie. "Qui t’a donné une philosophie aussi gaie ? L’habitude

du malheur”, disait Beaumarchais. “Contre la loi étrangère absurde et

dégradante, l’Irlande invente la dérision, ce fameux ’wit’ irlandais, cet

humour noir” (4).

Joyce parle de 1’ ”énormité morose” de Dublin, cette ville de con­

trastes.

Du havre aux tavernes, des chapelles aux ponts, le promeneur se voit, en quelques instants, assailli par mille impressions contraires. Labeur et fai­néantise, opulence et détresse, douceur et bruta­lité, charme et laideur se côtoient ici, depuis des siùcles, sous les mêmes pluies, dans le même tu­multe. La foule va, s’écoule comme les eaux noires du fleuve (la Liffey), sans qu’on puisse la dire rian­te ou désolée, affairée ou oisive. [...] tous ces gens s’observent, se connaissent, se croisent sans cesse et sans cesse s’arrêteront pour bavarder, le discours tenant h peu prbs dans la vie dublinoise le rôle qu’il tient dans la vie mar seillaise [ . . . ] Le lieu parfait oh s’affine cette éloquence est, bien enten­du, le café. L’Irlande partage avec la France l’habi­tude d’organiser son histoire civique autour des pin­tes. Eprise de rhétorique, elle est portée à tenir les rêves pour des faits et les formules pour des solu­tions. (5)

4.5.

Ibid., p. 15.Jean Paris, _Jam.ÊLP* 15.

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7

En définitive, le tempérament de l’Irlandais peut-il se laisser

définir ? Camille Bourniquel dira :

L’Irlandais est-il gai ou triste, égopste ou désin­téressé, aventureux ou timoré, mystique ou bigot ? ... L’histoire d’un peuple ne suffit pas h. solder toutes les énigmes d’une race. De Swift à Samuel Beckett, c’est moins en définitive l’amertume de la condition humaine qui transparaît sous ces refus, ce verba­lisme, cette insolence et cette mise en accusation de la vie, que l’aventure d’esprits chez qui la révé­lation de leur solitude n’a pas refoulé le besoin de se communiquer à autrui. (6)

Les Irlandais du Nord passent pour avoir mauvais caractère. Ils

se regardent comme des chiens de falfence. Si un touriste leur demande :

”Où va cette route”, ils répondent laconiquement : "Nulle part, elle est

ici et elle y reste”. On sent un malaise dans cette Irlande du Nord. Ce

qu’on en raconte aux visiteurs est-il un fait ou son mythe ? Parade d’oran

gistes au son du fifre, réactions anti-papiste s, tout est rite, volonté de

s’affirmer contre l’ennemi, de lui faire peur ou mieux, de le fasciner,

si possible.

Secouée par la tempête ou arrosée par les pluies diluviennes, l’Ir­

lande reste malgré tout une oasis de verdure et de lumière. A travers

des luttes sanglantes et fratricides, elle a conquis une autonomie qui lui

6. Ibid., p. 18.

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permet d’évoluer avec aisance sur la scène du monde démocratique.

Catholique à 95%, elle continue de miser sur sa foi et sa religion dans les

tournants difficiles comme dans le détail du quotidien. Apôtre zélée, elle

délégué des missionnaires dans le monde entier, “en particulier en Aus­

tralie, dans l’Afrique anglaise et en Extrême-Orient, soit un mission­

naire pour 457 catholiques de l’fle” (7).

C’est de ce pays que vient celui qui fait l’objet de notre étude :

Thomas Cooke.

Dès le XHIe siècle, la ville de Carlow enregistre le nom de ses an­

cêtres.

Les Cooke d’Irlande furent anoblis sur les champs de bataille. En reconnaissance de leurs services, Jacques II les ennoblit et leur donna le nom de Ç_ook_es_ Rf_th_e _C_avalie_r_s. Leur patrimoine de Carlow fut con­fisqué après la bataille d’Anghrin. On leur enleva tout ce qu’ils avaient, mais on ne put ébranler leur foi. [8)

Le grand-père du premier évêque des Trois-Rivières se nommait

John et sa grand-mère Margaret Morey. Elle était Ecossaise d’origine.

Ils demeuraient è. Cork, ville du comté de Munster. Cette partie est res­

tée presque exclusivement celtique de race et de langue, et en très grande

7

8.

Bilan du monde, Ency^lp^^^je^a:tho^lique_du_monde^_chrétien, t. II, p. 433.Tia^amille_Cooke2 dans BRH, février, 39(1933) : 65ss.

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9

majorité de religion catholique.

Quant au père, Jean-Thomas, il était "originaire de Lisle en Irlan­

de”, comme en fait foi son acte de mariage conservé aux archives parois­

siales de la Pointe-du-Lac. Nous n'en savons pas davantage sur ses ori­

gines. Jean-Thomas ne semble pas s'être facilement accommodé de la

discipline familiale et scolaire de son pays. Furent-elles aussi draconien

nés qu'il le pensait ? Joyce que nous citons encore parle des "tortures”

que les maîtres de Clongowes infligeaient à leurs élèves : "The pandybat

came down on it (Fleming's hand) with a loud smacking sound; one, two,

three, four, five, six. -- Other handl ” (9)

Le jeune Cooke et ses compagnons sentaient monter en eux cette ré­

volte qui faisait dire à Stephen Dedalus : “Bienvenue, 6 Vie I Je pars

pour la millionnième fois, chercher la réalité de l'expérience et façonner

dans la forge de mon âme la conscience incréée de ma race” (10).

Secouer le joug ou tenter l'aventure ? L'une ou l'autre expérience,

peut-être les deux à la fois déterminèrent les adolescents à quitter leur

pays. C'est ainsi que pour échapper à toute contrainte et changer d'hori­

zon, Jean-Thomas et ses camarades s'embarquèrent dans un navire en

9. Joyce, _o2,^_Çit._J p. 52.10. Ibid., p. 299.

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10

partance pour le Canada. Adroitement dissimulés dans la cale du bâti­

ment, ils s’éloignèrent subrepticement du pays natal. En mer, ils sorti­

rent de leur cachette, au grand dam d’être battus. Heureusement, le

capitaine bon enfant, bien que fort embarrassé par cette étrange recrue,

résolut de mener à bon port les jeunes délinquants. Il est facile de s’ima­

giner la douleur et l’inquiétude des parents à la nouvelle de la fugue de

leurs enfants.

A leur arrivée au Canada, les fugitifs trouvèrent des compatriotes

qui se chargèrent de leur assurer du travail. Jean-Thomas Cooke fut

confié au commandant de l’Ile Sainte-Hélène et placé par lui dans un mou­

lin des environs de Montréal. Il y apprit le métier de meunier. Vers

1790, nous le retrouvons à. la Pointe-du-Lac, sur les rives du lac Saint-

Pierre. Il y travaille au moulin du seigneur Montour.

*»* V

Champlain écrivait, le 28 juin 1603 : ”La dite terre est très bonne

et la plus plaisante que nous eussions encore vue...” (11). Quelle est

donc cette terre qu’il qualifie ainsi de "bonne et plaisante”? C’est l’em­

placement de ce qui sera plus tard le village de la Pointe-du-Lac. Cartier

11. Marcel Trudel, Champlain, Coll. Classiques canadiens, p. 21.

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11

fut le premier Blanc à en distinguer le site, le 28 septembre 1535 (12).

L’histoire de la Pointe-du-Lac commence vraiment avec ses pre­

miers seigneurs, les Godefroy. Ils venaient de Normandie et arrivèrent

à Québec en 1626. Un de leurs descendants, René, fit bâtir aux Trois-

Rivières, en 1730, une vaste maison qu’il donna aux Frères Charon.

Ceux-ci le transformèrent en hôpital. Cet hôpital, abandonné, devint la

résidence curiale en 1826, et le premier évêché des Trois-Rivières en

1852. Mgr Cooke y vécut et y mourut en 1870. Cette bâtisse existe enco­

re au numéro 864 de la rue des Ursulines. Elle forme une annexe du

Jardin de l’Enfance, propriété des Filles de Jésus. Elle fut, en 1902,

leur première résidence en terre trifluvienne.

Le dernier des seigneurs Godefroy, Louis-Joseph, laissa, en mou­

rant, sa seigneurie de la Pointe-du-Lac à sa fille Marguerite qui épousa

un loyaliste américain, Thomas Coffin, en 1786. Celui-ci fit grasse vie

et en 1795, il mit en faillite la seigneurie qui constituait la dot de son

épouse.

Les fiefs furent vendus pour la somme de $18 000 à Nicolas Mon-

tour, triste sire, buveur et viveur. C’est lui qui deviendra le maître du

12. Lie^s_yoyages_de_Cartier édités par H. P. Biggar, p. 145.

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Moulin banal de la Pointe-du-Lac

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12

jeune Jean-Thomas Cooke. Il “vécut dans toute la largesse possible en

son manoir bâti avec lIélégance des châteaux du Moyen-Age. Il fit même

venir de Gentilly un arpenteur qui localisa dans son domaine un rond et un

terrain de courses pour ses amusements" (13).

Dans son roman historique Les Engagés du Grand-Portage, Léo-

Paul Desrosiers nous en fait un portrait qui n’a rien d’attirant :

De la tête pointue jusqu’à la rotondité de la ceinture, le corps enfle progressivement comme celui d’un pitre; il se dégonfle ensuite jusqu’à, des jambes boudinées. De grosses lèvres, des yeux pâles, un peu livides ani­ment les traits grossiers. Et une huile suppure par les pores de la chair malpropre et blême. (14)

“L’envie11, dit-il, "mord à pleines dents dans sa chair" (15). Et plus loin

"Trbs libéralement, Nicolas Montour use du mensonge et de l’exagération"

(16).

Ce seigneur Montour est tout heureux de pouvoir embaucher un meu­

nier irlandais pour son moulin de la Pointe-du-Lac. Le jeune Cooke n’est

pas encore marié mais, comme disent les Canadiens, “il fait de l’oeil" à

la belle Isabelle Guay dont le père est cultivateur et capitaine de milice

13. La^^mte^du^A^Ç-^lüJ:.9e_ et_]Æe_sj^cles, dans BRH, mai, 38(1932): 301-315.

14. Léo-Paul Desrosier s, Les Engagés du Grand-Portage, p. 12.15. Ibid_., p. 62.16. Ibid_., p. 67.

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13

de l’endroit. Cependant, la famille Guay manifeste de l’opposition vis-à-

vis ce jeune Irlandais émigré. A force de constance, il réussit à obtenir 1;

main d’Isabelle et le 6 septembre 1790, Jean-Thomas et Isabelle devien­

nent mari et femme.

L’an mil sept cent quatre-vingt-dix le six septembre après la publication de trois bans de mariage aux prô­nes de nos messes paroissiales entre Thomas Cooke, originaire de Lisle, en Irlande, fils de Jean Cook et de Marguerite Morrey d’une part et Isabelle Guay, fille du Sieur André Guay, capitaine de milice et de défunte Anastasie Comeau, les père et mère, de cette paroisse d’autre part, ne s’étant point trouvé d’empêchement au dit mariage, je soussigné, curé de la visitation de la Pointe-du-Lac, ai reçu leur mutuel consentement de mariage et leur ai donné la bénédiction nuptiale avec les cérémonies prescrites de la Ste Eglise, en présen­ce du Sieur André Guay, père de l’épouse, de Pierre Guay son frère, de Théodore Panneton, de Pierre Ri- vard et plusieurs autres qui n’ont su signer de ce enquis. (17)

(Signé) J. Gagnon, ptre

Le père de l’épouse donna en douaire à sa fille une terre située sur

le bord du fleuve, à vingt-cinq arpents à l’ouest de l’église (18). Les jeu­

nes époux s’y établirent. C’est là que naquit Thomas, le 9 février 1792.

Le neuf février mil sept cent quatre vingt douze par moi prêtre soussigné a été baptisé Thomas né aujour­d’hui du légitime mariage de Thomas Cook et d’Isabelle

17. 5;LgiAtlL§_de_laLjpar£is£e_de_la^Pqinte2idu-La.cJ 1790.18. Les Ursulines des Trois-Rivières, Vi^d^Mjgr_Cooke2_ 1er évêque

d^e_s_T rois^Rîviè^rej, p. 16.

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Maison du meunier de la Pointe-du-Lac vers 1800

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14

Gay. Le parain a été André Gai et la maraine Marie Josephte Girard qui n’ont point signé. (19)

J. GagnonT. Cook

Thomas fut le premier enfant vivant de la famille Cooke. En effet,

un autre Thomas l’avait précédé dans la vie. Baptisé le 4 janvier 1791,

il fut inhumé le 10 juin de la même année, comme en font foi les actes con­

servés aux archives paroissiales de la Pointe-du-Lac.

Plus tard, le jeune ménage vint habiter au village, dans la demeure

du meunier. C’était une petite maison à deux étages située en face du mou

lin, de l’autre côté de la route. Cette maison forme aujourd’hui une an­

nexe de ce qui a été jusqu’en 1961 le Couvent des Soeurs Oblates de Bé­

thanie (20).

Comment se passa l’enfance de Thomas Cooke dans ce décor vrai­

ment enchanteur ? L’histoire n’a conservé que tràs peu de détails h. ce

sujet. Nous savons qu’à l’âge de deux ans, il faillit se noyer dans l’étang

qui alimentait le moulin. Sans le sauvetage énergique du gros saint-ber­

nard de la famille, il aurait disparu dans la cascade qui contourne le

19. R e_gi^.tr s d e_ la par ois se_ d e_ la^Vis it ati on_de_la_^qint e^-du.2.Ll?^ù. 1792.2 0 . Ces Soeurs ont maintenant un couvent neuf à quelque distance de l’an­

cien affecté à l’oeuvre de réhabilitation des alcooliques, sous le nom de Maison de Domrémy.

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15

moulin. Une plaque commémorative rappelle cet événement : "Ici Mon­

seigneur Thomas Cooke encore enfant, tombé à Veau, en fut retiré par

son chien en 1794".

Le jeune Thomas ou Tom, comme on lrappelait, et son frère André,

commencèrent très tôt à servir la messe à lTéglise paroissiale.

Ces deux enfants sTétaient fait aimer de M. Orfroy, le curé du lieu, qui, par une complaisance rare, voulut bien leur faire lui-même Vécole. On ne trouvait pas des instituteurs à toutes les portes alors, et cIétait un grand bienfait que M. Orfroy accordait h ses ser­vants de messe. André ne put rien apprendre, mais Thomas était appliqué et réussissait h merveille. (21)

On sait comment la Révolution française servit la cause religieuse

et française au Canada. Nombre de prêtres français, émigrés en Angle­

terre, après une entente faite entre ce pays et le nôtre, viendront prêter

main forte au clergé canadien.

C*est ainsi quJen lrespace de dix ans, 45 prêtres français passeront

au Canada.

Ce sont des prêtres français de la fin du XVIIIe siè­cle, donc des hommes instruits, lettrés, qui émer­veillent leurs confrères canadiens par leur savoir, eux qui sont bien ignorants, de Vaveu même de l*évê- que de Québec, d*une ignorance dont les circonstances

21. Abbé Napoléon Caron, Monseigneur Thomas Cooke, dans l’Opinion Publique, 30 mai 1872, p. 253s.

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16

sont seules responsables depuis 1763. Ces prêtres émigrés deviennent professeurs dans les trois col­lèges de l’époque ou curés de paroisse. Il y a même une région, celle du lac Saint-Pierre, qu’on appelle nla petite France”, où sept paroisses voisines ont pour pasteur un curé français émigré de la Révolu­tion. (22)

On comprend alors comment avec l’un de ces précepteurs, Thomas

Cooke put acquérir et conserver ce goût de l’étude qui le caractérisa toute

sa vie.

A la nouvelle de la fondation du collège de Nicolet, M. Orfroy n’hé­

sita pas un instant à. y envoyer h ses frais son jeune protégé. Celui-ci

y arriva au début de l’année 1804. L’école de Nicolet, fondée par M. le

curé Louis Brassard, avait été laissée à Mgr Denault qui la transforma

en séminaire. Les cours s’ouvrirent sous la direction d’un ecclésiasti­

que français, M. Roupe, plus tard prêtre de St-Sulpice.

22. Claude Galarneau, ^e^s_é^chang_es_cultur_e_ls_fr_anco_2;£ana.di_ens_depuis J.763, dans R£Çhepche_s_et_pébats_2__Le_CanadaLfrançais_aujour_d2lHii_ P^demaânj mars 1961, Cahier No 34, p. 70.

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Chapitre premier

LES ANNEES DE PREPARATION

r’* r’*

Au collège de Nicolet. Un an de "recueillement philoso­phique". Dans la Salle des Habitants. Montée vers l’au­tel.

"Le dit sieur testateur ordonne. . . qu’il soit établi dans la dite mai­son de pierre, une école. . . pour l’éducation des enfants. . . "(T estament de M. Brassard).

L’historien du Séminaire de Nicolet écrivait lors du centenaire de

l’institution en 1903 :

L’époque qui vit la fondation du collège de Nicolet, une des plus sombres dans l’histoire du Canada fran­çais, n’offrait qu’un avenir menaçant. Notre langue, nos lois, nos institutions, notre religion même, étaient alors en butte aux sourdes menées d’ennemis puissants, qui voulaient nous arracher pièce par piè­ce tout ce qui constitue notre nationalité. (1)

Abbé J.-A.-Ir. Douville, Histoire du Collège-Séminaire de Nicolet, t. I, Introduction, p. VIII.

1.

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18

Il n’est pas hors de propos de nous demander pourquoi, en ce débit

du XIXe siècle, les jours étaient si sombres.

Disons d’abord que dans les campagnes, en particulier, c’était la

pénurie d’écoles, surtout d’écoles de garçons. Dans la région des Trois-

Rivières, les parents se plaignent de n’avoir reçu aucune assistance du

Gouvernement comme Québec et Montréal,

assistance, qui seule aurait pu déterminer une per­sonne de talents connus de s’établir en cette ville, pour y enseigner les deux langues, si indispensa­blement nécessaires en cette Province, et les pre­miers principes des sciences; en conséquence des­quels la jeunesse pourrait être préparée è. compléter une éducation libérale. (2)

Louis Labadie tient une école h Berthier, de 1792 è. 1796, et Selby

Burn, d’après Benjamin Suite, ouvre une école aux Trois-Rivières vers

1800 (3). A Trois-Rivières également, une école royale existe de 1803

è. 1810. Elle est tenue par Alexander Clifford. Une autre b. Saint-Fran-

çois-du-Lac-St-Pierre, dont le maître est François Annance, reçoit des

élèves de 1804 h. 1809. C’est alors que plusieurs curés décidèrent de

fonder des écoles paroissiales.

2. JCABC, 1801, 7 février, ^-_e£uête_d.e_dw£^r_s_Habitants_de_la.Ville.P* 145-147, cité par Louis-Phi­

lippe Audet dans Le^_système^_sc_olairje _de^_la_Pr_qydnce_de_Québ_ec, t. III, p. 56.

3. Benjamin Suite, _Mélange^s_Histqiûgue_s, vol. XIX, p. 25.

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19

Lorsque en 1804, Thomas Cooke prenait le chemin de Nicolet,

une loi venait d’être passée à la Chambre du Bas-Canada : “L’Institu-

tion royale pour l’avancement des sciences”. De nos jours, les histo­

riens jugent moins sévèrement cette loi dont une prudente adaptation

aux besoins de l’époque aurait pu donner d’heureux résultats.

Ceci dit, il reste que si les Canadiens de 1800 ont eu peur, ils ont

quand même sauvé les vraies valeurs, valeurs spirituelles irremplaça­

bles qui s’appellent foi, religion, langue. Sans cesser de déplorer la

stagnation intellectuelle, peut-être même le recul qui furent la conséquen­

ce de leur crainte, on ne peut que les louer d’avoir tenu le coup.

Leur rétivité peut nous sembler, dans bien des cas, injustifiable et exaspérante. C’est elle, pourtant, qui nous a le mieux défendus, à une époque oh tant de menaces, le plus souvent enveloppées sous les apparences généreuses, planaient sur nous, cher­chant des fissures par où pénétrer et nous entamer. (4)

Comme nous l’avons dit, en réaction contre la loi des écoles de 1801,

le clergé et les fidbles fondèrent et soutinrent ces “maisons de haute édu­

cation” qui continuent de porter l’appellation imprécise, déroutante et ar­

chaïque de “Petits Séminaires” (5)

4. Abbé Albert Tessier, D^_vie_rur ale_ve£s_2.800, dans Les Cahiers de_s_Dix, no 10, 1945, p. 175.

5. Georges Desjardins, S. J., Les Ecoles du Québec, p 36.

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20

Notre intérêt se portera particuliérement sur celui de Nicolet où

Thomas Cooke, de 1804 à 1808, fit de sérieuses études d’humanités pour

l’époque, avant d’entrer au Grand Séminaire de Québec.

Vers ce temps, les enfants des campagnes étaient confiés quelques

heures, une ou deux fois par mois, ù un maître ambulant, "cet héroïque

vagabond” qui passait par les paroisses "pour y soutenir les droits de

l’alphabet et de l’orthographe". C’est pour obvier au manque d’école

dans sa paroisse que M. le curé Louis Brassard céda ses biens par tes­

tament, le 17 janvier 1797, dans le but de les faire servir à. la création

d’une école élémentaire. Il ne prévoyait pas à ce moment qu’il jetait les

bases d’un collège classique (6).

Au cours de l’année 1803, s’élabora un projet d’ouvrir des classes

latines à. Nicolet. Au retour de sa visite pastorale, Mgr Denaut approuve

le projet sans beaucoup d’enthousiasme. Il nomma M. Roupe, sous-

diacre de Montréal, comme professeur de latin et directeur des élèves.

D’après une lettre de M. Crevier-Bellerive ù Mgr Plessis, le 10

août 1806, les élèves latinistes du premier cours étaient au nombre de

18 (7). De ce nombre étaient le futur Mgr Joseph-Norbert Provencher,

6. Abbé J. -A.-Ir. Douville, O£_._cit., I: 5.7. M. Crevier-Bellerive fut le premier maître de l’école élémentaire

de Nicolet. Il continua à enseigner après la fondation du séminaire.

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21

premier missionnaire résidant de Nord-Ouest canadien et premier évê­

que de Saint-Boniface et Thomas Cooke qui deviendra le premier évêque

des Trois-Rivières.

Les débuts du collège furent plus que modestes. En cette année

1804, les élèves y firent leur classe d’Eléments. On manquait de tout,

surtout d’espace et de livres. L’école avait ”40 pieds, un seul étage,

sans autre ressource qu’une maigre pension de 36 piastres payée par

chaque écolier et un subside de 8 piastres par élève latiniste fourni par

la caisse ecclésiastique...” (8).

A l’automne de 1804, M. Roupe revint diacre, amenant avec lui un

professeur pour la classe d’Eléments et se réservant le plaisir de conti­

nuer son enseignement h ses premiers élèves, dans la classe de Syntaxe.

Thomas Cooke fit partie de ce dernier groupe.

Au début de la troisième année académique, le premier octobre

1805, M. Roupe enseigne le cours des Belles-Lettres. Il avait divisé sa

classe des deux premières années en deux parties, gardant les plus forts

pour les B elle s-Lettres et laissant les autres continuer l’étude du latin

dans la classe de Méthode. Selon la plus grande probabilité, Thomas

Cooke fut inscrit dans la classe de Méthode. Jusqu’en 1815, il n’y eut

8. Abbé J.-A.-Ir. Douville, _op^î_cit. , I : 18.

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22

guère, à Nicolet, de cours intermédiaire entre celui de Méthode et des

B elle s-Lettres. Les élèves étaient promus de l’un à l’autre sans passer

par la Versification.

Au premier octobre 1806, Thomas Cooke fait ses B elles-Lettres.

En cette fin d’année, une grande épreuve attendait la famille Cooke. Le

2 novembre, Madame Cooke mourait à 33 ans, en donnant naissance h

Elisabeth, cette fille admirable qui consacra sa vie au premier évêque

des Trois-Rivières. M. Cooke devenu curé de Saint-Ambroise-de-la-

Jeune-Lorette, écrivait à Madame Firmin Désaulniers, sa tante de la

Pointe-du-Lac, chez qui Elisabeth passe quelques jours de vacances :

"Vous voilà donc en possession de la perle de la famille. Je serais ja­

loux de vous, si je ne vous aimais pas tant” (9).

A la mort de sa mère, Thomas est âgé de quatorze ans. Il comprend

toute l’importance de la perte qu’il vient de faire. A la veille de sa mort,

l’évêque des Trois-Rivières dira :

Lorsque le pont de glace reliait la rive nord à celle du sud, j’entendais mes compagnons me dire de fois à autres : “Viens voir ta mère, elle traverse le fleu­ve à pied”. -- Je courais m’assurer du fait. C’était

9. Les Ursulines des Trois-Rivières, Vie_de_Mgr_Cook£,_J.er_évêc[ue ^e_^Troisj-Blivièr£s, p. 118.

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23

bien elle, je la reconnaissais à sa taille élancée, à son pas ferme. --- Quelle bonne mère le ciel m’avait donnée 1 (10)

Un biographe de Mgr Cooke écrira : ”... Isabelle Guay était sur­

tout remarquable par un caractère fort et une piété ardente; c’était une

femme canadienne comme celles que le Père Félix a louées du haut de la

chaire de Notre-Dame de Pari s” (11).

Madame Cooke favorisa toujours les heureuses dispositions de son

fils pour l’étude. Après l’installation de la famille au village, elle conti­

nua à s’occuper de la ferme qu’elle avait reçue de ses parents. Souvent,

quand il fut assez vieux, elle envoyait Thomas chercher les vaches pour

la traite. Un livre à la main, il partait avec les meilleures intentions

du monde. Au bout du pâturage, il s’asseyait pour lire ou étudier. La

”brunante” le surprenait et la mère devait alors dépêcher un frère ou une

soeur pour ramener le troupeau et son mauvais pasteur (12).

Après la mort de son épouse, M. Cooke fit dresser l’inventaire des

biens de la communauté. "L’an mil huit cent six, le sixième jour du mois

de décembre avant midi à la réquisition de Thomas Cook meunier”, le

10. Ibid., p. 19.11. Abbé Napoléon Caron, Monseigneur Thomas Cooke, dans L’Opinion

Publique, 30 mai 1872, p. 253s.12. Loc. cit.

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24

notaire Joseph Badeaux des Trois-Rivières consigna cet acte dans ses

greffes. Chacun des huit enfants mineurs hérite du 1/8 des biens. Tout

y est mentionné pêle-mêle, à partir des "mantelets, tabliers de coton,

jupon noir, chapeau, manchon11, jusqu ‘au “lit du requérant composé d’une

couchette, un lit de plume, une paire de draps, couvertes, courte-pointe et

tours de lit ridaux" qui “lui a été laissé”.

M. Cooke reste possesseur du matériel et des animaux de la ferme,

de “200 bottes de foin, une génisse, six poules, un cheval, deux vaches

h 30 francs chacune, une cariole". Il est fait mention de ce qui est h l’usa­

ge de l’écolier de Nicolet : ... "un lit de plume, draps et couvertes", le

tout d’une valeur de 15 Livres. L’inventaire indique des valeurs pour un

montant d’environ 800 Livres, les terrains exceptés. Ils consistent en

trois terres dont deux de "un arpent et demi de front sur vingt arpents de

profondeur". L’une d’elles est "située au milieu de la Pointe-du-Lac".

A la suite de l’inventaire, le notaire parle de "Dettes actives" :

"Le seigneur Nicolas Montour lui doit/à M. Cooke) mais (celui-ci) ne sait

pas au juste pour le présent". Les "Dettes passives" s’élèvent è. 1008 Li­

vres 12 sols (13).

13. Palais de Justice des Trois-Rivières, Greffe du notaire Joseph Badeaux.

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25

Après les poignantes émotions du Jour des Morts 1806, des parents

et des amis recueillirent et protégèrent les orphelins. Thomas, mûri

par la souffrance, reprit le chemin de Nicolet.

En 1807, M. Cooke quitta la Pointe-du-Lac pour aller travailler

aux Trois-Rivières, dIabord au moulin des Hart puis è celui de Sainte-

Marguerite. Cette même année, de société avec un nommé Courteau, il

acheta le moulin du Cap-de-la-Madeleine. Ecrivant h. Madame Désaul-

niers, le 28 octobre 1807, Thomas lui parle de ses vacances dTété. Parti

de Nicolet le 14 août, il se rend au Cap-de-la-Madeleine via les Trois-

Rivières : ”Je suis venu au Cap la même journée, où je me suis en­

nuyé” (14).

14. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit., p. 21.

Le séminaire de Nicolet agrandi, ouvre de nouveau ses portes le

1er octobre 1807. Nous retrouvons Thomas en Rhétorique. Comme tou­

jours, il est très studieux. Même, il “dévore les livres”, au dire de son

entourage. En cette année 1807, M. Roupe est remplacé par M. Jean-

Charles Bédard, jeune prêtre de Québec, ordonné depuis un an. Sous

Pimpulsion du premier directeur, les études avaient été menées avec fer­

meté. Le 17 mars, M. Roupe écrivait è. Mgr Plessis :

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26

On parle latin en classe tant qu’on veut, mais en récréation, ça ne va pas, il faudrait faire bande à part, ils (les écoliers) l’éviteraient d’eux-mêmes d’ailleurs. A Montréal, on en a souvent pris la résolution pour la classe seulement et encore la chose ne durait-elle que peu de temps. Nous ne pourrons guère faire plus miracle. Plus je l’es­saie, plus j’en sens la difficulté dans une Commu­nauté. Cependant si vous désire z la continuation, je ferai encore de nouveaux efforts. (15)

Thomas Cooke devenu évêque des Trois-Rivières était heureux d’évo­

quer devant son entourage ses souvenirs de collège. Il avait gardé parti­

culièrement fidèle la mémoire des auteurs classiques. Il se plaisait h. en

insérer de nombreuses citations dans ses discours. On comprend qu’ani­

mé d’un goût marqué pour les choses de l’esprit, il ait pu se faire précep­

teur d’enfants, fondateur d’écoles et surtout co-fondateur du collège des

Trois-Rivières.

Mais que se passait-il encore au collège de Nicolet entre 1804 et 1808,

années pendant lesquelles Thomas Cooke y séjourna ? Un examen attentif

du règlement des écoliers, en plus de susciter un vif intérêt, nous rensei­

gne sur les coutumes en usage dans les collèges du temps. Un point nous

frappe particulièrement : le silence exigé des élèves.

15. ASN, ^ette_e^_de^s_ clir e^cte^ur_s_e_t _éc^onome_s _du _Sé^mm_air_e_de^<ic_qle^t à MgrJL2é^^qiie_dejQuébec_et_autr_es documents, 1804-1806.

Page 42: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

27

Au Chapitre premier, dans l1 Article premier intitulé nOrdre des

Actions de la journée11, le "Silence11, quand ce n*est pas "Un profond

silence" est demandé au moins douze fois aux écoliers, de cinq heures

et demie du matin à huit heures et demie du soir.

On y apprend aussi que les vacances des "Fêtes" sont de courte du­

rée : les étudiants ont "le lendemain ou le surlendemain du premier de

Fan" pour "aller rendre visite à leurs parents et amis".

Les vacances dTété sxétendent du "quinze dxAoÛt au trente de Septem­

bre inclusivement". La confession mensuelle est obligatoire, même en

temps de vacances et le pénitent doit fournir le billet de confession. En

récréation, la règle est "dTaller avec les plus sages".

Les collégiens portent le traditionnel "capot bleu attaché avec une

ceinture”. Les règles dxhygiène personnelle se limitent aux soins ordinai­

res de propreté. Cependant, tous les pensionnaires doivent se faire pei­

gner trois fois la semaine à la récréation qui suit le dfher, le lundi, le

mercredi et le samedi, jours de fêtes exceptés. Et le samedi, "on pré­

pare ses hardes pour le lendemain, on se lave les mains et le visage et

on nettoie ses souliers".

Mais ce sont là des détails. La solide formation que lxon donnait au

Collège ne tarda pas à produire de fructueux résultats. M. Bédard écrivait

Page 43: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

28

à. Mgr Plessis, le 19 janvier 1808 : "Parmi mes philosophes, les plus

ingénieux sont Cook et Provencher, les plus vertueux, Provencher et

Cooke, les plus enclins à Pétat ecclésiastique, autant que je le puis con­

naître, Provencher et Cook” (16).

L’avenir prouva que le Directeur ne se trompait pas. Parmi les

finissants du cours de 1808, quatre embrassèrent Pétat ecclésiastique :

MM. Joseph-Norbert Provencher, Thomas Cooke, Jean-Louis Beaubien

et Louis Marcoux.

Lorsque le jeune fugitif John-Thomas Cooke, poussé par un fort

vent d’indépendance, quittait PIrlande pour venir en Amérique, il ne pou­

vait soupçonner même un instant ce que l’avenir lui réservait. Il aurait

été étonné d’apprendre qu’un de ses fils monterait un jour h l’autel et serait

plus tard sacré premier évêque d’un diocèse plein d’espérances.

A la fin de l’année scolaire 1807-1808, Thomas Cooke quittait le

collège de la ”rive sud”. Ses humanités finies, il se dirigea vers le Grand

Séminaire de Québec pour y étudier la philosophie que l’on n’enseignait pas

encore à. Nicolet. C’est là. que dans le travail et la prière, il se préparera

èl suivre définitivement l’appel du Seigneur. Cette année 1808 en sera une

de réflexion, de formation, mais aussi de grandes épreuves.

16. Loc. cit.

Page 44: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

29

Thomas Cooke arrive donc au Séminaire de Québec à l’automne de

1808. Il est âgé de 16 ans. Le petit campagnard se sent bien un peu dé­

paysé mais son grand désir de s’instruire l’emporte sur sa nostalgie et il

se met résolument au travail.

Le Grand Séminaire de Québec avait été fondé par Mgr François-de-

Montigny-Laval, le 26 mars 1663. Le premier évéque de Québec voulait

ainsi établir une maison de formation pour les jeunes clercs. On y ensei­

gnerait la manière d’administrer les sacrements, la prédication, le plain-

chant et la pratique éclairée de la liturgie. Tout cela, selon la coutume

en usage dans les premiers siècles.

C’est 145 ans après la fondation de cette institution que Thomas

Cooke vient y chercher la science et la formation auxquelles il aspire.

Qu’était à cette époque le programme d’études du Séminaire ? Un "Plan

d’éducation du Séminaire de Québec" d’octobre 1790 nous renseigne è. ce

sujet. Un autre plan de 1816 accuse quelques légères modifications. En

substance, il se résumait è. ceci : les classes réparties selon la mode

européenne, en 8e, 7e, 6e, 5e, 4e, 3e, Seconde ou classe des Humanités

et enfin Rhétorique, aboutissaient aux deux années de Philosophie.

En première année de Philosophie, le programme prévoyait l’étude

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30

de la Logique, de la Métaphysique et de la Morale. La deuxième année

comprenait les Mathématiques et la Physique. Pour l’orientation des

cours, on suivait "les préceptes de M. Mrs Rollin et Batteux mort en

1780. Les livres élémentaires pour l’Ecole Royale militaire, de ce der­

nier sont ceux qu’on utilisait” (17).

Pour ce qui concerne la philosophie proprement dite, son étude avait

repris après la Cession, en 1770. Ce genre de "recueillement méditatif"

n’était pas beaucoup h la mode. On pensait plutôt à. refaire les cadres de

la vie sociale passablement ébranlés. La scolastique cédait le pas à

l’empirisme de Locke et h l’idéalisme de Malebranche. Au Séminaire de

Québec, ce fut l’abbé Jérôme Demers qui inaugura en 1800, des cours de

philosophie oh l’orthodoxie fut restaurée. On peut dire que ce fut une date

dans l’histoire de la philosophie canadienne (18).

C’est dans cette atmosphère de ferveur philosophique que Thomas

Cooke entreprit ses études h l’automne de 1808. Dès le 5 octobre, il re­

çoit la tonsure de Mgr J.-O. Plessis, dans la cathédrale de Québec, avec

ses compagnons de Nicolet : Joseph-Norbert Provencher, Louis Marcoux

et Jean-Louis Beaubien. L’ancien curé de la Pointe-du-Lac, M. Urbain

17. Documents CXV dans RUL, XIII (novembre 1958) : 270-274, _Plan_ ^^ducation_du_Sémina.ire^_de^_Québ_ec, octobre 1790.

18. Hermas Bastien, L’enseignement de la philosophie, I - Au Canada français, rp. 24ss. .

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31

Orfroy, missionnaire à. Nipisiguit, s’occupe de son protégé. Dans une

lettre à Mgr Plessis, le 27 décembre 1808, apràs avoir donné le détail

du produit de sa mission, il parle du "payement de la pension au sémi­

naire de Québec de mon protégé Thomas Cook” (19).

En décembre de la même année, le jeune tonsuré apprend que son

pbre s’est noyé en traversant le Saint-Maurice entre les Trois-Rivibres

et le Cap-de-la-Madeleine. Courteau qui l’accompagnait, n’avait pas une

réputation hors de tout soupçon. Interrogé sur le sort de son compagnon

avec qui il avait fait la traversée, il aurait parlé de noyade et de sang

répandu dont la chaloupe portait les traces. Même si les témoins man­

quaient, l’unanimité se fit sur le sort de M. Cooke : il avait été assassiné

puis noyé (20). A-t-on soupçonné injustement le dénommé Courteau ?

Personne ne le sut jamais. Le Saint-Maurice aux eaux noires et profon­

des engloutit sa victime et huit enfants déjà orphelins le devinrent double­

ment en ce soir de décembre 1808.

L’oncle Labbé de la Pointe-du-Lac recueillit les enfants éprouvés

et l’oncle Firmin Désaulniers en devint le tuteur. Il semble bien, d’apràs

les lettres de Thomas citées par l’Annaliste des Ursulines, que l’oncle et

19. M. Orfroy à Mgr Plessis, 27 décembre 1808, AAQ, Correspondan-SÊ_fÈÊ_^éy^jque_s, N.B., VI-38.

20. Abbé Napoléon Caron, _op.__£it._j p. 253s.

Page 47: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

32

la tante Désaulniers assumèrent la plus grande part des responsabilités

vis-à-vis les orphelins. M. Orfroy, revenu de la Baie-des-Chaleur s en

1810, s'occupera dIAndré. Devenu prêtre, Thomas sera heureux de

veiller sur ses frères et soeurs. Ainsi il amènera avec lui à Caraquet

sa soeur Marguerite et plus tard, à St-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette,

ses soeurs Anastasie et Elisabeth.

Pour l’instant, Thomas se remet difficilement de sa rude épreuve.

Sa forte santé est ébranlée et il tombe malade durant cet hiver 1808-1809.

Le 22 février 1809, il écrit à sa tante, Madame Firmin Désaulniers :

"J’ai été malade et obligé de laisser le séminaire le 17 janvier. Je me

trouve mieux et j’espère retourner la semaine prochaine. Je fais gras

pendant le carême d’après l’ordonnance de Mgr Plessis" (21).

Thomas passe habituellement ses vacances d’été à la campagne, le

plus souvent à la Pointe-du-Lac. C’est pendant l’un de ses séjours dans

sa paroisse natale qu ’eut lieu un incident quelque peu drolatique. Mon­

seigneur Cooke, doué d’un exceptionnel talent de narrateur, se plaisait à

le raconter. A la messe paroissiale, l’abbé de Calonne (22), curé de la

21. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit., p. 23.22. Jacques-Joseph-Ladislas de Calonne (1743-1822). Prêtre français qi

dut s’exiler en Angleterre lors de la Révolution française. En 1799, il est missionnaire à l’Ile-du-Prince-Edouard. Passé de nouveau en Angleterre en 1804, il en revient en 1807. Il est alors nommé cha­pelain des Ursulines des Trois-Rivières et desservant de la Pointe- du-Lac. Il mourut aux Trois-Rivières en 1822.

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33

Pointe-du-Lac, commente la parabole du bon Samaritain. Le jeune

ecclésiastique entend la messe au choeur. Le prédicateur vilipende le

lévite peu charitable. "Passe un lévite”, dit-il, en montrant dans le

vaste choeur le seul représentant de lIordre sacré, qui comme un cou­

pable pris en faute, rougit jusqu’aux oreilles. "De celui-là", continue

le curé, pointant du doigt sa victime, que toute l’assistance dévisage,

"la conduite est inqualifiable; ce n’est qu’un hypocrite, un sans-coeur

que l’on ne peut que mépriser". "Morale", disait plus tard Mgr Cooke

en riant, "il faut avoir de l’humilité, bien souvent, pour occuper une posi­

tion en vue" (23).'«'■ *»*

Cinq ans après la fondation du séminaire de Nicolet, M. l’abbé

Antoine Girouard, curé de St-Hyacinthe, projetait l’établissement d’une

école élémentaire qui serait la base nécessaire d’un collège pour la forma­

tion des clercs. En 1809, il écrivait à Mgr Plessis : "Je vais faire arra­

cher de la pierre de la carrière et si vous me désapprouvez, je la reven­

drai" (24).

Mgr Plessis, bien qu’absorbé par la récente fondation du collège

de Nicolet, l’encouragea fortement h. marcher de l’avant : "Vos projets

23. Jean de Chénou, Petites anecdotes sur le premier évêquedesTrois- Liy_ièr_ejb dans Le_Bien_Rublic_, 19 janvier 1933.

24. Abbé C.-P. Choquette, j^^oij^jlu^é;mijmi^j2_c^jS^-Hy^£mthe_de2. puis sa fondation jusqu’à nos jours, t. I : 21.

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34

sont si conformes h. ma manière de voir, que j’y souscris d’avance, per­

suadé que Dieu en tirera sa gloire. Je voudrais que tous les curés du

diocèse pensassent comme vous et sussent faire un pareil usage de leurs

r ev enu s ” (25).

Dès 1809, M. Girouard demande un professeur de latin. Mgr Ples­

sis lui envoie l’abbé Cooke, “homme d’énergie et de talent” (26).

M. Girouard en est tout heureux : ”J’ai reçu l’abbé Cooke et j’espère

que nous réussirons. Nos Seigneurs l’ont accueilli avec la plus grande

reconnaissance pour votre bonté” (27). Aucune autre mention'n’est faite

de l’abbé Cooke sinon que l’historien du Séminaire indique son nom dans

la liste du personnel de l’année 1811. Il a pour compagnon M. Charles-

Joseph Primeau qui deviendra plus tard curé de Varennes.

Après avoir passé ses vacances de 1809 è. la Pointe-du-Lac, M.

Cooke arrive à. Saint-Hyacinthe au début d’octobre. Il a 17 ans. Toujours

selon l’historien du Séminaire, M. Girouard aurait ouvert des classes

d’abord dans la sacristie. Monseigneur Plessis n’approuve pas sa déci­

sion. C’est alors que M. Girouard décide de mettre la Salle des Habitants

à. la disposition des enfants de sa paroisse. C’est un vaste local de 30 x 36

pieds renfermé dans le presbytère. Elle est divisée en deux parties : une

25.26. Abbé Napoléon Caron, op. cit. , p. 253ss.27. Abbé C.-P. Choquette, op. cit., p. 253ss.

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35

pour les hommes et l’autre pour les femmes. C'est là que l’abbé Cooke

fera ses premières armes dans l’enseignement (28).

Une fois installé à son nouveau poste, l’abbé Cooke ne manque pas

de donner de ses nouvelles à ses parents de la Pointe-du-Lac. Il a tou­

jours un mot de reconnaissance et d’édification pour tous. Ainsi, le 30

juin 1810, il écrit : ’*Dieu est un bon père qui ne nous châtie que parce

qu’il nous aime. Gardons-nous bien de laisser passer une si belle occa­

sion de lui prouver notre amour" (29).

En plus d’être professeur, l’abbé Cooke est également procureur

de la nouvelle communauté. Il tient les comptes et élabore les prévisions

budgétaires en vue de l’aménagement de ce que l’histoire appellera le

"Vieux Collège” édifié grâce aux dons généreux des seigneurs Debartzch,

Delorme et Dénéchaud.

Cette charge vaut quelquefois à M. Cooke de petits voyages aux

Trois-Rivières où il vient s’approvisionner. Il peut ainsi se procurer la

joie de pousser une pointe jusqu’à son village natal. Quand il est longtemps

sans recevoir de nouvelles de la famille, il en réclame discrètement.

Dans ses lettres, il entretient ses parents de sujets qui les intéressent.

28. Ibid., p. 39.29. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit., p. 24.

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36

Le 16 avril 1811, il leur dit : "Le temps est charmant, les semences

sont finies. Le blé est toujours à. douze livres" (30).

M. Cooke ayant vécu les débuts de deux collèges classiques : Nico­

let et St-Hyacinthe, aura ainsi acquis une riche expérience. Il se fera

bâtisseur d’églises et de chapelles et promoteur d’oeuvres d’éducation

dans ses différentes obédiences.

Après deux années de professorat h. St-Hyacinthe, il est rappelé à

Québec pour y continuer ses études de théologie et se préparer au sacer­

doce.

Au 30 septembre 1811, l’abbé Cooke est donc au Grand Séminaire

de Québec. En plus d’étudier, "il remplace h. la salle et à la classe" (31).

Il devient Congréganiste de Marie le 19 octobre de cette même année. Le

21 décembre, il reçoit les ordres mineurs des mains de Mgr Plessis dans

la cathédrale de Québec avec Louis Gagné et François Côté (32).

De nouveau, nous le retrouvons à Québec, le 30 septembre 1812.

Tout en continuant ses études, il est Régent en Seconde et reçoit 750 Livres

30. Ibid., p. 25.31. ASQ, Gravé etc..., Manuscrit 7-196, _ALPRliÇ5diop._d£S_fondatiqn_s _17_332. ASQ, registre H, f. 7 v.

Page 52: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

37

comme émoluments (33). Ce montant équivaut à environ $125 par année

de notre monnaie actuelle. Le Plan dIéducation de 1790 mentionne : "Les

émoluments que reçoivent les régents et le troisième maître du petit Sé­

minaire sont d’être nourris, logés, chauffés, éclairés avec cent francs

par an et une Barrique de vin” (34). Nous n’avons pu vérifier si ce par­

tage valait encore en 1812. De toute façon, le jeune ecclésiastique est,

au point de vue pécuniaire, assez bien partagé.

Au début de lrannée académique 1813, M. Cooke est inscrit comme

étudiant et il professe en Rhétorique, au même salaire. Pendant ses deux

années de professorat à. Québec, il aura dans ses cours de Lettres des

élèves remarquables tels M. F.-N. Blanchet qui deviendra archevêque

de l’Orégon, MM. Thomas et Pierre Bédard. Le 10 octobre, il est admis

au sous-diaconat par Mgr Plessis dans la cathédrale de Québec avec Guil­

laume Herron (35).

Mgr Plessis qui demeurait d’ordinaire au Séminaire de Québec, ai­

mait h s’occuper personnellement de la formation des jeunes prêtres. De­

venu évêque, l’abbé Cooke essaiera de témoigner le même intérêt aux

séminaristes des Trois-Rivières. Quand il fut trop âgé pour s’acquitter

33. Gravé, oj3._cit.34. ASQ, fonds Viger-Verreau, carton 16, no 10, ^Tar^dJ^di^catio^^de,

W.35. ASQ, op. cit., registre H, f. 62v.

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38

de cette tâche, il la confia à. son coadjuteur, Mgr Laflèche, qui lraccom-

plit avec un zèle remarquable.

M. Cooke manifestait un esprit d’ordre peu ordinaire dans ses études

Il n’était pas de ceux qui voltigent d’un livre h l’autre. Il se moquait fine­

ment de certains ecclésiastiques de son temps qui avaient, disait-il, tou­

jours beaucoup de livres sous le bras mais peu de science dans la tête (36).

Il passa ses dernières vacances à St-Joachim qui était comme aujour

d’hui la ferme et la maison de campagne du Séminaire de Québec. Il sem­

ble plutôt s’y être ennuyé. Cette nostalgie qu’il éprouve loin des êtres et

des choses qu’il aime semble un aspect caractéristique de son tempéra­

ment. Le 5 septembre 1813, de St-Joachim, il écrit à sa tante, après lui

avoir demandé, en toute simplicité, "un petit pot de bon beurre pour son

déjeuner” : ”Je m’ennuie un peu aujourd’hui, c’est le mauvais temps, je

pense, qui en est la cause" (37).

Le 4 juin 1814, il est reçu diacre par Mgr Plessis dans la cathédrale

de Québec avec Guillaume Herron (38).

Enfin, il est ordonné dans la chapelle de l’HÔtel-Dieu de Québec, le

11 septembre 1814, par Mgr Plessis (39).

36. Abbé Napoléon Caron, op. cit. , p. 253ss.37. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit. , p. 26.38. ASQ, op. cit. , registre H, f. 77 r.39. Ihid., registre H, f. 84 r.

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Chapitre II

L'APOSTOLAT : RIVIERE-OUELLE ET

ACADIE ( 1 8 14- 1 820)

Vicaire et secrétaire. Premières années en terre acadienne.La mission de 1819.

"Monsieur Cooke est assez studieu: et se comporte bien. ’’(Mgr Panet à Mgr Plessis, 29 dé­cembre 1814).

Après son ordination, l’abbé Cooke, dans toute l’ardeur de ses 22 ans,

est dans une entière disponibilité entre les mains de son évêque. Celui-ci

lui donne immédiatement son obédience : il sera vicaire et secrétaire de

Mgr Bernard-Claude Panet à la Rivière-Ouelle, à. 80 milles de Québec.

Il y arrive une semaine après son ordination. Sa signature apparaît

pour la première fois au registre paroissial le 19 septembre (1). Pendant

les trois années de son séjour à la Rivièr e-Ouelle, il signera : Ptre, Vicaire

1. Il baptise ce jour Marie-Henriette Dionne.

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40

Mgr Panet, en plus d’être curé de la paroisse, se trouve, depuis

1806, coadjuteur de Mgr Plessis qui a dix ans de moins que lui et à qui

il a enseigné la philosophie au séminaire de Québec.

La Rivière-Ouelle connaît des jours heureux depuis l’arrivée de

l’abbé Panet, en 1781. Son prédécesseur, M. Laurent Parent, n’avait

pas eu l’heur de plaire à ses paroissiens. Pendant au-delà de 44 ans,

M. l’abbé Panet sera le père aimé des fidèles et le conseiller recherché

du clergé des environs.

L’abbé Cooke était donc entre bonnes mains pour s’initier à son futur

rôle de missionnaire, de curé et d’évêque. Le jeune vicaire travaille fer­

me dans la paix d’un presbytère de campagne. Mgr Panet devant faire

chaque année la visite pastorale d’une partie du diocèse, le travail du

ministère paroissial retombe presque entièrement sur le vicaire. De

plus, la correspondance considérable de Mgr Panet avec Mgr Plessis

absorbe une partie des journées du secrétaire. Un de ses historiens parle

de "ce pénible ministère” qu’il accomplit pendant trois ans (2).

En 1814, M. Cooke signe les actes de 51 baptêmes, 66 mariages et

9 sépultures; en 1815, 166 baptêmes, 32 mariages et 83 sépultures. A

2. Abbé Napoléon Caron, _Mqn^ei^neur^_ThpmaLs_Cpoke, dans L’OpinionPu^iRue, 30 mai 1872, p. 253ss.

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41

l’automne de 1815, il dut s’absenter : du 11 septembre au 20 octobre,

sa signature n’apparaft pas dans les registres. En 1816, il baptise 183

enfants, bénit 21 mariages et fait 61 sépultures; en 1817, 108 baptêmes,

6 mariages et 68 sépultures. Il signe donc en tout, durant son séjour à

la Rivièr e-Ouelle, 508 baptêmes dont 11 pour Sainte-Anne-de-la-Pocatiè-

re et 21 pour Kamouraska, 65 mariages et 221 sépultures.

Un graphologue aurait une étude intéressante à faire sur les manus­

crits de M. Cooke. L’écriture est ferme, régulière, très lisible et dénote

un réel souci d’ordre et de perfection. Sa signature est ornée d’intermi­

nables paraphes aux formes les plus capricieuses. Des pages entières de

registres sont couvertes de dessins fantaisistes tracés h. la plume. Ce qui

laisse croire que le vicaire avait suffisamment de temps pour se permettre

une petite détente dans l’art graphique.

Les premiers registres paroissiaux de la Rivière-Ouelle datent du

1er janvier 1685. Il est h. remarquer qu’ils sont rédigés en latin. La

première chapelle de 1685 fut remplacée au même endroit par une église

en bois, construite en 1694. Cette église servit au culte jusqu’en 1792,

sous le vocable de Notre-Dame-de-Liesse, vocable qui est demeuré celui

de la paroisse actuelle. Sous l’administration de M. Panet, l’église en

bois de 1694 fut remplacée en 1792 par une église de pierre qui servit jus­

qu’en 1877,

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42

. . . vieille église si originale, avec sa voûte étoi­lée, ses jubés nombreux, et son lambris extérieur peinturé primitivement en jaune, et en rose plus tard. Comme le terrain dTalluvion sur lequel on devait la bâtir n’offrait pas de fondation solide, il fallut l’asseoir sur des pilotis. . . (3)

Cette église originale servait donc au culte du temps de M. Cooke. H en

est resté le maître-autel. En chêne sculpté recouvert de dorure, il fut

importé d’Europe par le curé Laurent-Louis Parent en 1777. Comme cet

autel a toujours servi au culte, on peut donc affirmer que M. Cooke y cé­

lébra la messe.

La dernière signature du vicaire apparaît au registre le 12 septembre

1817, au baptême de George Corbin. C’est pendant son ministère labo­

rieux à la Rivière-Ouelle que M. Cooke fut appelé par Mgr Plessis à

desservir l’immense mission de la Baie-des-Chaleurs, Gaspé, Nouveau-

Brunswick et l’Ile-du-Prince-Edouard. A l’automne de 1817, il quittait

la Rivière-Ouelle pour sa nouvelle destination.

*

Dans une lettre du 20 septembre 1817, M. Cooke annonce à. ses parents

de la Pointe-du-Lac son départ pour la Baie des Chaleurs. Cette lettre

3. Abbé Adolphe Michaud, Généalogie des Familles de la Rivière-Ouell Introduction, p. 15.

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43

nous renseigne sur ses dispositions et sur l’importance de la mission

que lui confie Mgr Plessis.

J’ai environ deux cents lieues de chemin ‘à faire sur la mer pour me rendre; cinq ou six postes éloignés de dix lieues les uns des autres, qu’il faut que je déserve. Je trouverai là des sauva­ges que je n’entends pas, des anglais sans reli­gion; mais un grand nombre dracadiens très hon­nêtes gens et vertueux. Ce sera de quoi me dédom­mager de mes peines et de mes fatigues, si toute­fois j’en ai... (4)

Il en profite pour donner son adresse : ”.. . Missionnaire à Caraquet

dans la Baie des Chaleurs, qu’on devrait plutôt appeler la baie de la fraf-

cheur” (5). Ses pouvoirs sIétendent dans le territoire ”du golfe et de là

Baie des Chaleurs11, ce qui comprenait le Nouveau-Brunswick, le Cap-

4. Les Ursulines des Trois-Rivières, Vi^d^M^i^Co^oke^_ 1£L.£YÊSHê.ÉÊ-sTrois-Rivières, p. 30.

5. Loc. cit.

Breton, les fies Saint-Jean (Ile-du-Prince-Edouard) et de la Madeleine,

et le district de Gaspé.

L’abbé Cooke exercera son ministère surtout dans la Baie des Chaleurs

et dans celle de Miramichi. Il ne dépassera pas les limites du diocèse

actuel de Bathurst, sauf une fois pour se rendre à la Baie des Winds (Baie-

du-Vin), en 1819. La Baie des Winds fait aujourd’hui partie de l’archi-

diocèse de Moncton. Le district assigné au nouveau missionnaire relevait 4 5

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Cas Xnrfm

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44

du diocèse de Québec. Le 12 janvier 1819, le Nouveau-Brunswick et

l’Ile-du-Prince-Edouard étaient placés sous la direction de Mgr B. A.

Mac Aechern, évêque de Rose, qui fut nommé auxiliaire et suffragant

de l’évêque de Québec, avec résidence à Charlottetown. A partir de cette

date, M. Cooke travaillera sous la conduite du nouvel évêque en conti­

nuant quand même de dépendre de Mgr Plessis.

Les registres paroissiaux de Nipisiguit, aujourd’hui Bathurst-Ouest,

paroisse de la Sainte-Famille, portent la signature de M. Cooke pour la

première fois, le 7 août 1817 (6). Selon toute probabilité, c’est une erreur

de transcription. A cette date, M. Cooke était encore h. la Rivière-Ouelle.

Il ne semble pas avoir visité la paroisse de Nipisiguit avant le 2 octobre

1817. Nous trouvons pour ce jour, dans le “Cahier des résolutions de

paroisse et comptes de la fabrique de la mission de la Sainte-Famille de

Nipisiguit” commencé en 1812, le procès-verbal de l’élection du Marguil-

lier Joseph Aché dit Galland. Cette même année, M. Cooke signe au

registre paroissial de Nipisiguit 1 baptême, 2 mariages et une sépulture.

Il trouve une paroisse organisée, ayant son église, son presbytère et des

réunions de marguillier s. Il y a aussi à Nipisiguit une Salle des Habitants.

Dès 1812, le cahier des comptes de la fabrique mentionne qu’il faut ”finir

6. Il s’agit de la sépulture de Madame Batilde Landry.

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45

bientôt la bâtisse de la salle des habitants1*. Le 12 juin 1814, lors d’une

assemblée de paroisse, on a résolu :

lo. D’achever immédiatement cet été la bâtisse de la salle des habitants commencée depuis long­temps;

2o. D’y faire une cloison de planche qui fera la sépa­ration des hommes d’avec les femmes;

3o. D’y acheter un poël (sic) avec un tuyau.

Les paroissiens de Nipisiguit eurent du mal h finir leur salle puisque le

7 septembre 1823, le cahier indique : ”Fournir autant de planches néces­

saires pour diviser la Salle qui a appartenu h la fabrique”.

Cette salle existe encore. Elle mesure 30 x 25 pieds et sert de lieu

de réunion aux Scouts. C’est probablement le seul édifice qui reste des

constructions de M. Cooke dans la région de la Baie des Chaleurs.

Comme il l’avait dit à ses parents en partant de la Rivièr e-Ouelle,

c’est h Caraquet que le nouveau missionnaire fixa sa résidence. D’autres

prêtres de passage y avaient fait du ministère avant lui. Nous avons re­

trouvé sur une feuille volante en Appendice h. un registre des Baptêmes,

Mariages et Sépultures, un schéma de prône daté du ”ler dimanche de

janvier, Veille de l’Epiphanie 1806” et signé par M. Urbain Orfroy.

M. Orfroy fut curé de la Pointe-du-Lac avant son séjour dans la Baie des

Chaleurs où il desservit Caraquet, la région de la Miramichi et Tracadie.

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46

Nous savons que c’est lui qui envoya Thomas Cooke au séminaire de

Nicolet en 1804. C’est également lui qui, en 1808, payait à l’évêque de

Québec, la pension de son jeune protégé alors au Grand Séminaire (7).

Un autre prêtre français contribua aussi à développer chez l’abbé

Cooke le goût des missions lointaines : l’abbé Jacques-Ladislas de Ca-

lonne qui, comme nous l’avons dit, avant d’être curé h la Pointe-du-Lac

de 1807 à 1817, avait été missionnaire sur l’Ile-du-Prince-Edouar d de

1799 à 1804. M. Cooke ayant déjà entendu parler des missions de la

Baie des Chaleurs n’arrivait donc pas en pays tout à fait inconnu. Le

5 octobre 1817, son nom apparaît au registre de paroisse de St-Pierre

de Caraquet (8). Avait-il visité ce poste avant celui de Nipisiguit ?

Rien ne l’indique. En cette fin d’année 1817, il signe à Caraquet 11 bap­

têmes, 3 mariages et 12 sépultures.

En arrivant dans sa nouvelle paroisse, l’abbé Cooke trouve une égli­

se en construction. Il travaille tout de suite à en assurer l’achàvement.

Le 17 novembre, il embauche à Paspébiac ”un ouvrier maçon, charpen­

tier, menuisier habile et ayant de bons certificats” (9), à raison de

7. M. Urbain Orfroy à Mgr Plessis, 27 décembre 1808, AAQ, Çorres^- Ropfky2£e_de s. v êcjue^ N.B., VI-38.

8. Il baptise ce jour Fabien Dugat.9. M. Cooke à Mgr Plessis, 20 décembre 1817, AAQ, Correspondan-

SÊ_dÊ_s_évêc[ue_s, N.B., VI-57.

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47

100 Livres sterling par année. M. Cooke trouve ses paroissiens

"grands parleurs". Aussi, voit-il la nécessité de mettre deux salles

à leur disposition. De cette façon, ils n’auront pas la tentation d’aller

créer du désordre chez les voisins de l’église. Il s’ingénie à faire

diviser en deux une "mauvaise bâtisse en bois que les gens d’en bas

sont obligés de transporter" (10).

Les gens de Caraquet nourrissent l’ambition de voir un jour leur

église recevoir les honneurs de la consécration. Ils sont prêts h rem­

plir toutes les conditions qui leur mériteront cette faveur. Si M. Cooke

peut écrire qu’il n’y a "rien ici que de consolant pour ceux qui ont à

coeur la gloire de Dieu" (11), il sera bien obligé quelques mois plus tard,

de gémir sur l’entêtement et la paresse de ses fidèles qui manifestent

très peu d’empressement pour l’édification de leur église.

Le jeudi, 28 mai 1818, "jour de la petite Fête Dieu", a lieu la béné­

diction de la première pierre de la nouvelle église de la Pointe de Roche

(Caraquet), en présence d’un grand concours de peuple (12). Si le zèle

du curé ne se refroidit pas, l’enthousiasme des paroissiens diminue

10. Lo11. M. Cooke à. Mgr Plessis, 1er janvier 1818, AAQ, Correspondance

d,es_éyeq_ue_s, N.B., VI-58.12. d^S^aint^Pier r^e5jde^2Sï5L£â.92iÉlî_LQ2

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48

sensiblement. Non seulement ils sont nonchalants au travail mais ils

ne ménagent pas les coups de langue contre leur évêque et leur ancien

missionnaire. “Tant qu’ils n’ont pas besoin des sacrements, ils ne font

rien’1, de dire M. Cooke (13).

Enfin, Caraquet aura son église. M. Cooke est tout heureux d’an-

noncer h Sa Grandeur, le 12 octobre 1818, que le temple sera entière­

ment couvert pour la Saint-Michel. Le pasteur prévoit “bien des misè­

res, des tracasseries, des querelles11 mais il sera dédommagé s’il

réussit è. réaliser les vues de son évêque. Cette soumission è. son pre­

mier Pasteur sera un aspect marquant de la vie de M. Cooke. Quand

il s’agira d’obéir, il ne reculera devant aucune considération personnelle.

M. l’abbé J. Desjardins (14) écrivait à M. Cooke le 12 novembre

1818 : ”Votre réussite complète pour votre éminente ’basilique de St-

Pierre’, fait honneur au zèle du Bon Pasteur et du troupeau fidèle. Puiss<

l’harmonie aller même en croissant I” (15) Mais les paroissiens se las­

sent et refusent de fournir l’argent nécessaire, à tel point que le curé

se demande s’il faut les priver des sacrements. Il imagine alors un

13. M. Cooke h. Mgr Plessis, 13 juillet 1818, AAQ, Corr^sp^ndance_ d_e_s_évêç|_ue_s, N.B., VI-59.

14. Prêtre français exilé en Angleterre puis en Amérique. Procureur à l’évêché de Québec, il voua aux missions du golfe et de la Baie des Chaleurs un intérêt particulier.

15. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit. , p. 46.

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49

moyen d’obtenir les fonds que nécessite la construction de l’église.

Comme ”les Acadiens ne sont pas des gens à trafïier les allées”, ils

étaient prêts à tout pour obtenir un banc. Le pasteur fit servir cette

disposition à. ses fins. Il autorisa ses paroissiens h. fournir leur contri­

bution k l’église en journées de travail et en matériaux. Lorsque chacun

aura ainsi constitué un certain “total”, il aura le droit de s’acheter un

banc (16). Le 1er janvier 1821, 90 habitants avaient leur banc. L’ini­

tiative de M. Cooke fut donc couronnée de succhs et le systhme des

“bancs à totaux” resta en honneur dans l’Acadie.

Malgré la pauvreté des gens et la pénurie de moyens, M. Cooke

bâtira des chapelles et des résidences pour le missionnaire de passage.

Pendant 7 ans, il sera le seul prêtre résidant de la région. Le 1er jan­

vier 1818, dans une lettre datée de Caraquet, M. Cooke parle à Mgr

Plessis de la nécessité de construire une chapelle pour les “habitans de

Chipagan”. Les Acadiens de cette mission ont la tête dure. Aussi, le

missionnaire doit les obliger “en conscience” h travailler h la construc­

tion de leur chapelle. Et la perpétuelle histoire du choix de l’emplace­

ment occasionne des frictions entre le pasteur et ses ouailles.

16. M. Cooke h Mgr Plessis, 26 décembre 1818, AAQ, Correspondance d.es_évê£ues, N. B., VI-62.

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50

Pockmouche commence également sa chapelle. Les sauvages

Micmacs de l’endroit veulent bien aider aux travaux mais à condition

d’avoir des bancs pour les offices. Les Acadiens y consentent mais

M. Cooke craint qu’il n’en résulte une trop grande familiarité entre les

deux groupes ethniques au détriment des uns et des autres.

Une fois les travaux entrepris, M. Cooke n’est pas délivré de tout

soucis. Les habitants de Chipagan sont de beaux parleurs mais ne font

rien. Les gens de la Grande Anse négligent eux aussi de travailler h

leur chapelle. Au dire de M. Cooke, ”le Petit Rocher ne se sent que

trop du voisinage de Cascapeya et de Carleton. On a beaucoup de peine à

y empêcher le luxe qui ne convient pas à des chrétiens et à des gens si

pauvres” (17). Nipisiguit, par ailleurs, conserve sa piété et ne semble

pas influencé par les Anglais et les Américains qui y font le commerce

du bois. Le missionnaire, malgré ses nombreux voyages, a la douleur

de constater que, souvent les malades meurent avant qu’il ne le sache.

Dès son arrivée en Acadie, M. Cooke eut à faire face h des problè­

mes de morale. Ainsi, faut-il croire l’Irlandais qui prétend avoir laissé

sa femme en Irlande pour venir faire son salut en Amérique ? Elle est

protestante, extrêmement méchante et même a essayé d’empoisonner son

17. M. Cooke à Mgr Plessis, 13 juillet 1818, AAQ, Correspondance d. e_s_éyêques, N.B., VI-59.

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51

époux, au dire de celui-ci. Quant au chantre Joseph Landry, on semble

le jalouser dans l’entourage. H est vrai qu’on peut lui reprocher d’être

bavard. Doit-on pour cela l’éloigner du choeur et l’empêcher de faire

la prière en l’absence du missionnaire ? (18) Le 12 février 1818,

M. Cooke reçoit cette réponse de Mgr Plessis :

Vous ne devez pas croire sur sa parole l’irlandais qui prétend avoir laissé sa femme derrière lui pour mieux faire son salut, sous prétexte qu’elle ait voulu l’empoisonner, et faut qu’il le prouve par des témoins. Autrement vous pourrez bien l’absou­dre sur sa parole, mais non l’admettre à la commu­nion, si ce n’est in articulo mortis. Les Irlandais sont très sujets au divorce. H ne faut rien faire qui puisse les y encourager.. . . Le connor Joseph Landry. C’est une bonne âme qu’on peut laisser faire la prière en l’absence du missionnaire : mais il a une voix si détonnante, que c’est vraiment rendre un service essentiel au lutrin, que de l’en tenir éloigné ! (19)

Au chapitre des moeurs, M. Cooke se montra toujours d’une grande

rigidité. La morale sévère de l’époque et son ardent tempérament d’Irlan

dais faisaient cause commune. En ce temps-là, les pénitences publiques

étaient en usage au Canada et l’Acadie ne faisait pas exception à la règle.

Le 12 février 1818, Mgr Plessis recommande à M. Cooke au sujet de la

18. M. Cooke à Mgr Plessis, 20 décembre 1817, AAQ, Correspondance des évêques, N. B., VI-57.

19. Mgr Plessis à M. Cooke, 12 février 1818, AAQ, registre desLettres, vol. 9, p. 321.

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”fille déflorée à 22 ans par son parent du 2 au 3 âgé de 17 ans”, de les

séparer tous deux en les envoyant dans des paroisses différentes de

manière à. ce quîils nTaient aucune communication pendant un an. Alors

seulement, on pourra solliciter pour eux une dispense (20). Mais là ne

finit pas lIidylle.

Ces deux jeunes personnes, qui avaient donné du scandale dans

leur paroisse, trouvent la pénitence trop longue. M. Cooke demande

grâce pour

ces deux personnes que j*ai éloignées de la pa­roisse pour un an : il faut que jraie la permis­sion de les marier, sans qurelles aient fait toute leur pénitence. La fille a déjà déserté deux fois cet été pour revenir et enfin elle est ici depuis 15 jours. Le garçon est absolument nécessaire à son père qui nra que lui de capable de lui aider. (21)

Les deux coupables vont se mériter de sévères punitions. M. Cooke

décide dTemployer les grandes mesures. H écrit à Mgr Plessis :

Considérant que les pères sont aussi coupables que les enfants en ce point, et désirant en faire un exemple éclatant, je vais les obliger de châ­tier leurs enfans un dimanche à la porte de l*Egli- se; ensuite je les marierai un jour de pénitence, car je crois la dispense valide. (22)

20. Loc. cit.21. M. Cooke à Mgr Plessis, 12 octobre 1818, AAQ, Correspondance

des évêques, N. B. , VI-61.22. M. Cooke à Mgr Plessis, 26 décembre 1818, AAQ, Correspondan­

ce des évêques, N. B. , VI-62.

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53

Le curé se plaint des désordres de ses paroissiens, désordres

qui ont pour cause lrivrognerie et l’impureté. On boit beaucoup trop

à. l’occasion des noces et les étrangers se servent de la supériorité de

leur esprit pour corrompre la jeunesse. ”Caraquet peut-il être un lieu

de plaisance?” de srécrier le pasteur (23).

Au milieu des travaux de toutes sortes, M. Cooke n’oublie pas

sa famille. H manifeste même un peu de nostalgie dans ses lettres :

Je profite d’un moment de loisir pour vous donner des nouvelles de ma santé, et j’en at­tends des vôtres cet été pour me désennuyer un peu, je dis un peu, car je nrai pas le temps de m’ennuyer beaucoup. J’ai mille personnes à confesser dans trente cinq lieues de terrain. Je mets trois jours à aller d’un bout de ma pa­roisse à l’autre. Continuellement on a besoin de moi, je suis presque toujours sur le che­min : tantôt à pied, tantôt en canot, tantôt en raquette; malgré cela je ne sens encore aucune incommodité ou malaise. (24)

Et il conclut en promettant à ses parents d’aller les voir dans deux ans,

comme il l’a promis.

Une grande joie est réservée à M. Cooke en cette année 1818. Sa

soeur Marguerite quitte Québec le 24 juin, sous la protection du capitaine

Poirier pour venir demeurer avec son frère à Caraquet. Née le 5

23. Loc. cit.24. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit., p. 39.

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septembre 1797, elle épousera pendant l’hiver de 1821, Louis Allain,

de Néguac au Nouveau-Brunswick.

En 1818, M. Cooke signe au registre de Caraquet 48 baptêmes,

12 mariages et 23 sépultures. Le 9 janvier, il bénit l’union de Nicolas

et Hélène Chiasson, Fidèle Poulin et LoVsa Moriss, déjà mariés depuis

un an et demi devant un juge de paix. A Nipisiguit, il signe 13 baptêmes,

7 mariages dont un, le 13 avril entre Benjamin Lejeune et Marie Doucet

de Petit Rocher, et 8 sépultures. Le 13 avril également, il assiste à

la reddition des comptes de la fabrique de Nipisiguit par Romain Le Blanc.

EL reste à la paroisse, toutes dépenses payées, une encaisse de "quatre

vingt seize louis, quinze shilings et deux sols et demi cours actuel”.

Ce même jour, une résolution est prise par les marguilliers et plusieurs

habitants, selon l’avis du missionnaire, de réparer le logement du curé

et l’intérieur de la sacristie. M. Cooké signe ces différents actes et les

marguilliers tracent leur croix.

A la fin de l’année 1818, M. Cooke a de nombreux travaux de cons­

truction en chantier : Caraquet, Chipagan, Pockmouche, Grande-Anse,

pour ne parler que de ceux-là. Le missionnaire stimule le zèle des habi­

tants et corrige leurs moeurs un peu légères. H voyage par tous les

moyens et tous les temps pour aller porter la bonne nouvelle aux fidèles

de son immense paroisse.

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55

Le bilan de ses travaux, même s’il ne nous est que partiellement

connu, témoigne d’un généreux courage et d’un grand dévouement.

*❖ #

Quelles seront les préoccupations de M. Cooke pour 1819 ? D’abord,

il se propose d’aller vers ceux de ses enfants qu’il n’a pas encore ren­

contrés, puis de revoir ceux qu’il connaît déjà. Par-dessus tout, il veut

procurer à tous : Acadiens, Indiens, Irlandais, Ecossais, les moyens de

pratiquer leur religion. Pour cela, il continuera à faire construire des

chapelles dans les postes éloignés et des églises dans les centres plus

populeux. Ce besoin d’églises, M. Cooke en comprend toute l’urgence.

H s’en ouvre à son évêque, le 1er mai 1819, au sujet de Chipagan qui

n’avance en rien dans la construction de son église. Des mutineries écla­

tent mais les mutins sont poursuivis et refusés aux pâques cette année-

là. M. Cooke explique ainsi sa conduite : "Faute d’une chapelle, les ha­

bitants n’entendent qu’un ou deux sermons par année, les femmes sont

deux ou trois ans sans aller à confesse, les enfants sont bons à marier

avant d’avoir fait leur làre communion" (25).

A l’été de 1819, M. Cooke entreprend un long voyage dans sa missior

de Miramichi. U en écrit une relation tràs intéressante à Mgr Panet (26).

25. M. Cooke à Mgr Plessis, 1er mai 1819, AAQ, Correspondance desévêques, N. B. , VI-63.

26. Du même au même, juillet 1819, AAQ, Correspondance des évêquesN. B., VI-64. '

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56

Mgr Plessis se trouvait alors en Europe. Parti de Caraquet, M. Cooke

fait un premier arrêt à Nigaweck (Néguac). H y trouve une chapelle "en

pièces" (bois rond), construite depuis 1802 (27). La mission est compo­

sée de 18 familles acadiennes. Ce sont de bons chrétiens qui vivent dans

la simplicité. La chapelle sert à la prière publique en l’absence du mis­

sionnaire. Les habitants vont à la messe à la Rivière-à-la-Croix ou

Sainte-Croix, à Pembouchure de la rivière Miramichi. A l’entrée de la

mission Sainte-Croix qui existe encore aujourd’hui, on lit cette inscrip­

tion : "Site d’un établissement indien important sous le Régime français.

L’église fut brûlée en 1758 par une expédition anglaise”. D’ob. son nom de

Burnt-Church.

Cette année-là, il fête la Sainte-Anne avec plus de 150 familles in­

diennes venues des environs. Plusieurs de ces sauvages sont ivrognes

et pour les punir de leur vice, le missionnaire leur défend l’accès de

l’église. Malgré tout, ils sont religieux et leur foi est plus ardente que

celle de beaucoup d’Irlandais de l’Acadie. Encore ici, M. Cooke y va

parfois des punitions corporelles :

Depuis un an, deux filles seulement ont été condamnées à passer sous les verges pour mau­vaise conduite. 6 sauvages ont été battus de verges pour ivrognerie scandaleuse. (...) 20

27. Le site de cette chapelle est maintenant recouvert par les eaux de la mer.

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hommes et 12 femmes sauvages ont été mis hors de l’Eglise durant 6 mois pour s’être enivrés 1 ou 2 fois. (28)

Une église de pierre, inachevée, sert au culte. Elle ne sera jamais

finie et en 1822, elle menacera ruines. Il n’y a pas de presbytère, de

même qu’à Nigaweck. Le missionnaire doit résider chez les habitants,

"au détriment de sa réputation” (29).

Cinq lieues plus haut, c’est Bartibog, petite colonie d’Ecossais.

Les catholiques ne sont guère fervents et sont influencés par le voisinage

des protestants. Durant les huit jours qu’il passa dans cet endroit, M.

Cooke distribua la communion è. quelques femmes et filles. Pas un hom­

me ne se présenta. Malgré le paysage exceptionnellement pittoresque et

le site enchanteur de Bartibog, M. Cooke juge qu’il est impossible d’y

"vivre sans mourir d’ennui". Le petit presbytère de 12 pieds de large

est infesté par les rats. Les brigands pillent un peu partout. Vraiment,

en cette année 1819, le missionnaire ne goûte guère de consolations è.

Bartibog. Le premier acte qu’il signe au registre de la paroisse est du

28. M. Cooke è Mgr Plessis, juillet 1819, AAQ, Ç_or_r e_sp_ondanc_^de_s_N.B., VI-64.

29. En 1961, lors de notre passage à Burnt-Church, il n’y avait pas de prêtre résidant. Un Indien, Bazil Joe, nous fit visiter l’église. Le village possède une belle école. Les enfants nous parlent avec en­thousiasme de Mlle Robichaud, leur institutrice.

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6 août J30). Tous les actes qu’il signe à Bartibog sont rédigés en anglais

(31). Après une mission en apparence très peu fructueuse, M. Cooke se

met en route pour Malcolm’s Chapel.

Malcolm’s Chapel devait son nom h. l’Ecossais Malcolm qui avait

émigré è. l’Ile-du-Prince-Edouard puis dans la Baie de Miramichi. Fer­

vent converti au catholicisme, après des pourparlers avec M. Desjardins,

missionnaire à. Caraquet, il avait résolu d’établir une mission qui desser­

virait les deux côtés de la Baie. Ses projets n’aboutirent pas mais son

nom resta au poste. En cette année 1819, M. Cooke n’osa pas se rendre

h. Malcolm’s Chapel (Nelson), comme il l’avait projeté. Petit port de mer

très fréquenté, c’était le rendez-vous des matelots. Les étrangers et

les Irlandais y commettaient des désordres. M. Cooke confessa les gens

de Malcolm’s Chapel h. Bartibog. De son avis, ”il fallait avoir bon coeur

pour supporter l’odeur de Rum dont ils empoisonnent ceux qui les écou­

tent”. Malcolm’s Chapel se trouvait h. l’extrémité sud du territoire confié

h M. Cooke. Les registres de la paroisse ayant disparu dans un incendie,

30. Il baptise ce jour Jane Innis née le 8 mars de la même année.31. 5:^gi^.tr e^_de^_la^p^aroi_s_s e^^e^^t^Pi^err e^^^S^t^Pa^ul^B a^rtibo^^^r ixlge_).

La paroisse compte en 1961, 105 familles dont une vingtaine de lan­gue française. Le curé est le Rév. E. - J. Connors. Dans le porche de l’église actuelle, bénite le 11 septembre 1853, on peut voir une section de la balustrade de la première église de Bartibog '(ÎSOO- 1852).

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nous n’avons pu retrouver aucune trace du passage de M. Cooke en cet

endroit (32).

Pour clore son long voyage, M. Cooke se rendit h. 5 lieues de

Bartibog : la Baie des Winds (Baie du Vin), le dernier village de sa mis­

sion. La situation religieuse des 25 habitants était lamentable. ”Le luxe,

l’ivrognerie, l’impudicité sont leur s vices journalier s”, écrit M. Cooke

(33). Tout dénote une grande négligence de la part des fidèles : les tra­

vaux de la chapelle commencés depuis deux ans sont en suspens, le pres­

bytère n’est plus réparable et il n’y a pas une maison convenable pour

recevoir le missionnaire. En l’absence du prêtre, un "curé mariant”

unit des couples. M. Cooke se voit dans l’obligation de les démarier,

non sans difficulté. Pour y arriver, il met hors de l’église le ”curé",

les époux et leurs parents. Tout rentre dans l’ordre et les jeunes gens

qui auraient pu avoir la tentation de contracter pareil mariage, renoncent

pour l’instant è leur projet.

Année laborieuse pour M. Cooke, 1819 lui permit de constater sur

place les besoins de sa vaste mission. En cette année, il signe à. Néguac

32. Malcolm’s Chapel était située au centre du cimetière actuel de Nelson. La paroisse compte en 1961, 240 familles dont 2 de langue française. La population est irlandaise. Le curé est le Rév. B.-M. Broderick. Le patron de la paroisse est saint Patrice.

33. M. Cooke à. Mgr Plessis, juillet 1819, AAQ, Correspondance des_ éveque_s, VI-64.

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29 baptêmes, 10 mariages et 12 sépultures; à Bartibog, 18 baptêmes,

1 sépulture; h. Nipisiguit, 27 baptêmes, 7 mariages; à Caraquet, 50

baptêmes, 14 mariages et 19 sépultures. Et cela ne représente qu’une

partie de ses travaux. Ainsi, le 13 avril, il préside, à Caraquet, Ras­

semblée annuelle pour la reddition des comptes de la fabrique. Le cahier

qui contient le procès-verbal nous montre que pour 1819, l’actif est passé

de 96 Louis 15 shilings et 2 sols h 107 Louis 3 shilings et 8 sols. Ce

même jour, il assiste à l’élection du nouveau marguillier Charles Doucet

fils. L’assemblée décide è. la même réunion d’employer 50 Louis de la

caisse pour l’achat h Québec par M. l’abbé J. Desjardins, d’ornements

d’église.

Après deux ans et trois mois de ministère en Acadie, l’abbé Cooke

avait donc fait le tour des 35 lieues de sa paroisse. Si la situation n’est

pas brillante, il y a du bon travail d’amorcé un peu partout. Reste au

missionnaire à secouer la torpeur des nonchalants et à. activer le zèle des

bonnes volontés. C’est à. quoi il s’emploiera pendant les trois années

qu’il lui reste è. passer en Acadie.

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Chapitre III

DERNIERE ETAPE DANS LA BAIE-DES-CHALEURS

(1820-1823)

Bénédiction de Déglise et du nouveau cimetière deCaraquet. Bancs à. "totaux”. Voyages de M. Cookeà travers ses missions. Construction de chapelles.Problèmes de morale; Difficultés ethniques à Cara­quet. Les ministres protestants font du prosélytis­me dans la Miramichi. Maladie de M. Cooke à dif­férentes reprises. Voyages de M. Cooke à Québec.Bilan de l'oeuvre du missionnaire en Acadie.

En 1820, M. Cooke entreprend la dernière étape de son séjour

dans les missions de la Baie des Chaleurs. Sa correspondance avec M.

Desjardins constitue une source intéressante de renseignements pour cette

époque. Le procureur de Québec trouve le temps, au milieu de ses occu­

pations absorbantes, dIécrire à son confrère missionnaire, non seulement

pour régler les affaires les plus urgentes, mais pour lui donner des nou­

velles du clergé, de la politique parlementaire des Chambres, de la vie

économique du pays.

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M. Cooke continue à pourvoir ses missions tant sur le plan maté­

riel que sur le plan spirituel. On peut se figurer le travail que nécessite

une organisation qui sHmpose jusque dans les moindres détails. On s’en

rend compte en consultant la liste des envois de M. De s jardins à M.

Cooke. Celui-ci doit déployer une adresse peu commune pour procurer

à chaque poste le strict nécessaire.

Ainsi, le 6 mars 1820, M. Desjardins promet à M. Cooke des sur­

plis et des aubes. Le 8 mai, il annonce au missionnaire que lui arrive­

ront "le reliquat de votre chair apostolique; même l’oriflamme du Prince

des Apôtres, pour l’inauguration de votre nouvelle basilique”. H y a bien

aussi des reliquaires et autres ornements pour le tabernacle du Petit-

Rocher. Le 18 mai, M. Desjardins parle d’une navette qu’il faut envoyer

à Tracadie. Un tableau de la Sainte-Famille et des chandeliers sont en

chantier pour le "duché" de Nipisiguit. Enfin, un saint Bernard médite

une croisade ou un pèlerinage vers Nigaweck. Quant au cadre de Pock-

mouche, il est à la dorerie.

M. Cooke manifeste une telle activité apostolique qu’il s’entend

dire par M. Desjardins : "Vous méritez le grade d’amiral et le titre de

commodore de la baie" G). Les curés des environs de Québec parlent

1. Vie de Mgr Cooke, Ursulines des Trois-Rivières, p. 67.

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du missionnaire à ^occasion de leurs réunions : "Tous vous ont proclamé

le coq de la Baie” (2). Ses amis sIintére ssent à. son bien-etre. Un jour,

il reçoit de M. Desjardins la ‘‘recette” suivante : "Remède contre les

mouches, brûlots, maringouins : un peu dTesprit de térébenthine mêlé

avec du saindoux ou autre graisse, dont on se frotte chaque jour. Ayez-

en et recommande z-le” (3).

** ❖

Le 29 juin 1820, eut lieu à Caraquet un événement important pour

le curé et les paroissiens : la bénédiction de la nouvelle église. Les

registres paroissiaux soulignent le fait :

Le vingt-neuf Juin mil huit cent vingt nous soussi­gnés avons béni DEglise en pierre de Caraquet et assisté à la bénédiction.

Leclerc, ptre Ant. Gagnon, ptreF. Xr Ed. Leduc, eccl. T. Cooke Pt Miss. ^(4).

M. Cooke signe les actes de 28 baptêmes, 3 mariages et 3 sépultures

avant le transfert dans la nouvelle église. Après le dernier acte, il note :

2. Loc. cit.3. Ibid. ’ P*4. Registres de la paroisse de Saint-Pierre de Caraquet, 1819-

1824?

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La vieille Eglise de l’Anse ayant été abandonnée le 29 juin 1820, jour de la bénédiction de celle de la Pointe de Roche. On transporta h cette dernière Eglise tout ce qui appartenait à l’ancienne, et elle a commencé dès lors h être l’Eglise Paroissiale de Caraquet.

T. Cooke (5)

Suivent ensuite les actes signés dans la nouvelle église soit 22 baptêmes,

9 mariages et 4 sépultures. Le 20 novembre, M. Cooke bénit 5 maria­

ges :

Joseph Gallant h Marie Chiasson, Nicolas Chias- son h Colette Duguay, Joseph Malais à Esther Duguay (6), Charles Duguay h Marie Aché, Jo­seph Govin à Marie-Marthe Boudreau.

Le lendemain, il unit Joachim Terriau h Claire Govin. Que signifie cette

course au mariage ? Nous pouvons Pexpliquer par l’arrivée du temps

prohibé de l’Avent. Ou encore par le fait que M. Cooke s’absentant pour

visiter ses missions, profite peut-être de son passage dans sa paroisse

pour bénir les mariages.

La bénédiction du nouveau cimetière eut lieu le 3 décembre 1820.

M. Cooke l’indique au registre paroissial :

5. Loc. cit.6. Ces deux demoiselles Duguay étaient soeurs.

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Bénédiction du cimetière de la Pointe de Rochede Caraquet le trois décembre mil huit cent vingt. - On avait commencé h. enterrer dedans le premier du présent et depuis cette date il est défendu d’enterrer dans celui de l’Anse où était l’ancienne église : ce qui doit être bien observé.

T. Cooke, Ptre Miss. (7)

La première inhumation dans le nouveau cimetière est inscrite h la date du

1er décembre. Il s’agit de l’enfant Emilienne Landri, âgée de 11 mois.

***

Nous savons qu’en 1818, un problème se posait pour le curé de Cara­

quet : celui d’obtenir l’argent nécessaire ù l’achèvement de l’église pa­

roissiale. On se souvient du moyen qu’il prit pour y arriver : le système

des "totaux”. En 1821, l’objectif désiré était non seulement atteint mais

dépassé. Le 1er janvier, les bancs sont vendus ”h la criée”, c’est-h-dire,

h l’enchère. Les journées de travail et les matériaux évalués en argent

donnèrent la somme de 1440 Livres. Cette somme partagée entre les 90

habitants qui avaient participé h l’oeuvre commune donna une part de

16 Livres, environ $70.00 pour chacun. On décida que ce serait le total

requis pour avoir droit h l’achat d’un banc. A ceux qui avaient fourni davar

tage, on accordait un crédit sur le prix d’achat de leur banc. Ceux qui

7. ^±-ÇL^a_quet, 1819-1824, feuil- let 21.

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n’avaient pas totalisé le montant requis devaient le compléter en argent.

Quant aux paroissiens qui ne voulurent ou ne purent le faire, on leur accor­

da, suivant leur contribution de 4 Livres, 8 Livres ou 12 Livres, le 1/4,

ou la 1/2, ou les 3/4 d’un banc. Les acquéreurs pouvaient rester pro­

priétaires de leur banc moyennant une rente annuelle du 1/3 de sa valeur.

Les bancs non-vendus furent appelés Ifbancs de l’église” et mis à l’enchère

chaque année.

Le système des ”totaux” permit è. M. Cooke de recueillir ainsi une

somme d’environ $6000.00. Il pouvait alors écrire è. Mgr Plessis, le 22

janvier 1821 : “Nous voilé au-dessus de nos affaires” (8).

M. Cooke a ainsi créé une coutume qui se perpétue encore dans le

diocèse de Bathurst. Des listes détaillées permettent de retracer les

noms des donateurs, le nombre de journées de travail, les sommes d’ar­

gent et les matériaux fournis (9).

Malgré son efficacité, ce système fut parfois cause de différends

sérieux entre les curés et les paroissiens. En 1912, Mgr T.-F. Barry,

8. M. Cooke à Mgr Plessis, 22 janvier 1821, AAQ, Correspondance d_es_évèques, N. B., VI-71.

9. Abbé Edgar Godin, Mgr Thomas Cooke, missionnaire de la Baiedes Chaleurs (1817-1823), dans E^^oc£été^_canadienne_d_^Histiqire

Rapport 1952-53, p. 43-49.

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évêque de Chatham, jugea opportun d’établir un règlement au sujet des

bancs à. totaux. Ce réglement fut inséré dans le premier synode de Ba-

thur st en 1948. Mgr C.-A. Leblanc, évêque de Bathurst, nomma en

1951, trois nouveaux membres cL la Commission des Bancs d’église (10),

C’est donc que le système a vécu même si sa nécessité ne s’impose pas

comme au temps de M. Cooke.

Le grand succès de M. Cooke pour 1821 fut donc le paiement de

son église par le moyen des bancs totaux”. Comme il l’avait prédit

en 1818, les bancs se vendirent bien et les gens, en fournissant du travail

et des matériaux, eurent l’illusion de n’avoir presque rien déboursé.

M. Cooke voyait juste quand il écrivait h. Mgr Plessis au sujet de son

projet : "En un mot, j’y trouve l’avantage de l’Eglise, la tranquillité du

curé et la satisfaction des habitants” (11).

n*

*»*

M. Cooke ne limite pas son zèle h. sa paroisse. Dans une lettre

qu’il adresse h. Mgr Plessis le 30 septembre 1820, il réclame la présence

d’un prêtre à. Miramichi. Les nouveaux convertis perdent de leur ferveur

10. Abbé Edgar Godin,dans L’Evangéline, 6 décembre 1952.

11. M. Cooke à. Mgr Plessis, 26 décembre 1818, AAQ, jÇ^LLÊspoi^ance de_s_éyêç[ues, N.B., VI-62.

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et faute d’offices religieux, le dimanche, ils vont écouter un ministre

protestant (12).

Comme Mgr Plessis n’a personne de disponible pour cette mission,

il délégué M. Cooke. Le missionnaire est donc encore une fois réquisi­

tionné pour aller visiter la Miramichi une ou deux fois l’an. Mgr Plessis

s’excuse de son insistance, puis il ajoute : ”... le zèle ne connaît pas de

limites” (13).

Nous avons retrouvé des traces du passage de M. Cooke dans la

Miramichi en cette année 1820. A Bartibog, il signe 26 baptêmes et 2 ma­

riages; h Néguac, 10 baptêmes et 7 mariages (14).

En 1821, M. Cooke se dit très heureux du succès de ses missions.

Les nuques raides s’amollissent et les constructions de chapelles vont bon

train. Au cours de l’hiver, il se rend de nouveau dans la Miramichi.

Bartibog lui procure grand contentement. C’est une compensation pour

les déboires qu’il y avait essuyés en 1818. Il y signe 22 baptêmes. Lors

de sa visite, l’église est h. peine assez grande pour contenir la foule à.

l’office du dimanche. Les confessions sont nombreuses. Cependant, les

12. M. Cooke h. Mgr Plessis, 30 septembre 1820, AAQ, jCor^res^ondance d.e_s_évêc[ue_s, N. B., VI-68.

13. Mgr Plessis à M. Cooke, 20 octobre 1820, AAQ, Correspondance d_es_évê£ues, N.B., registre des Lettres, vol. 10, p. 113.

14. ^£gi^.tr£S_£aToi_ssiaux_^±_P3£.tik?_g_Êi_É£.2)l飔5^> 1820-23.

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catholiques sont peu scrupuleux au sujet du paiement des dispenses de

mariages et des dfrnes. M. Cooke regrette d’avoir à traiter ces ques­

tions avec son évêque :

... Dieu connaît les motifs qui me font agir et sait si je désire autre chose que d’être prompte­ment déchargé de cette mission anglaise. (15)

Aux premiers beaux jours du printemps, M. Cooke reprend ses

voyages. Le 22 avril, il est de passage h Nipisiguit. Il y préside l’as­

semblée annuelle pour l’élection d’un nouveau marguillier. Charles Dou-

cet est élu et Luc Doucet présente les comptes qu’il tenait depuis deux ans.

Il reste à l’actif, toutes dépenses payées, 67 Louis, 5 shilings et 6 sols.

Une assemblée de paroisse eut lieu ce même jour. On examina le

compte envoyé par M. Desjardins pour différents objets dont un poêle pour

la sacristie au coût de 5 Louis, 12 shillings et 6 sols. Il fut résolu à cette

assemblée qu’on ne tirerait plus au sort pour nommer les conducteurs

qui devaient voiturer le missionnaire k Caraquet ou au Petit Rocher. Les

nouveaux mariés, dans l’ordre de leur mariage, seraient désignés pour

cet office (16).

15. M. Cooke à Mgr Plessis, 10 février 1821, AAQ, ^J2LLÊS£on^anceN. B., VI-72.

16. Cahier des résolutions de la paroisse de Nipisiguit, 1821.

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Le 28 octobre, nous retrouvons de nouveau M. Cooke à Nipisiguit.

Il assiste, au presbytère, à. une assemblée des marguilliers anciens et

nouveaux. La réunion a lieu h. l’issue de la messe. Il est décidé qu’à

l’avenir, on ne recevrait plus de ”grain” pour le paiement des bancs

d’église. Par ailleurs, le suif serait encore accepté h. raison de pen­

ce la livre. De même pour le sucre à 4 pence la livre. Il est résolu

que l’on fera des réparations au choeur de l’église et h la sacristie. Les

planches seront fournies par les habitants et les clous par la caisse de

la fabrique. M. le Missionnaire se chargera de trouver l’ouvrier (17).

C’est la dernière fois que M. Cooke préside une assemblée de paroisse

è. Nipisiguit. Sa signature n’apparaît plus au Cahier des Résolutions de

paroisse. Cette même année, il signe h. Néguac 10 baptêmes, 4 maria­

ges et 2 sépultures.

Par une lettre du 14 février 1822, nous savons que M. Cooke est h

Miramichi. Il déplore la présence d’une famille anglaise dans le presby­

tère. Il n’y peut rien : Mgr de Rose (McEachern) se considère comme

le missionnaire de Miramichi et ”se mêle d’affaires qui semblent devoir

être laissées à. la disposition de chaque missionnaire”.

M. Cooke prie alors son évêque de le décharger pour toujours de

17. Loc. cit.

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cette mission : "La place n’est pas assez avantageuse pour se la dispu­

ter” (18).

En attendant la dernière décision de Mgr Plessis au sujet de son

retour et Québec, M. Cooke fait une tournée dans la Miramichi au cours

de l’été 1822. Le 5 août, il est à Bartibog. Il renouvelle à Mgr Plessis

son désir de rentrer à Québec. Par ailleurs, les besoins se font telle­

ment pressants qu’il ne voit pas le moment où il pourra partir. Les catho­

liques manifestent tant d’insistance pour recevoir les secours du prêtre

qu’il est presque impossible de les leur refuser. Il est grandement récom­

pensé d’être venu h Bartibog. Les gens se pressent en goélettes, en bar­

ques et en canots. L’église est remplie. M. Cooke a le bonheur de don­

ner le baptême h 22 enfants pendant cette mission. Il fit, en cette année,

h Bartibog, 27 autres baptêmes, 1 mariage et 3 sépultures. Douze délé­

gués de la mission se chargent de former un comité dans le but de présen­

ter une souscription pour assurer la résidence d’un missionnaire dans la

paroisse.

La fête de sainte Anne était chaque année l’occasion d’une réunion

de presque tous les Indiens Micmacs de la Miramichi. Mgr Plessis abolit

cette célébration aprùs 1819. A partir de 1821, il permit de la solenniser

18. M. Cooke ù Mgr Plessis, 14 février 1822, AAQ,jde_s_éyêc]ues, N.B., VI-74.

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le dimanche qui suit la Sainte-Anne. En 1822, les sauvages vinrent de

loin pour fêter leur patronne. M. Cooke se fit aider de M. Blanchet.

Ils mirent 10 jours à. confesser les Micmacs, de Pockmouche à Bouctou-

che. A la moyenne de deux catéchismes par jour, 32 petits sauvages firenl

leur première communion. Le soir, on se réunissait pour faire ”la cor­

rection des méchants” (19).

M. Cooke passe à Nipisiguit pour la dernière fois à la fin de mai

1822. Il y signe, pour l’année, 13 baptêmes et 1 mariage. Le 22 mai, il

baptise Amable Chamberland. C’est la dernière fois que sa signature appa

raft aux registres paroissiaux.

Après 1822, comme l’église de Burnt-Church tombe en ruines, les

catholiques de cette mission ont recours au ministère du missionnaire de

Néguac. Les actes des deux postes sont inscrits aux registres de Néguac,

soit 5 baptêmes et 7 mariages, tous signés par M. Cooke.

En 1823, Mgr Plessis se trouvant dans l’impossibilité d’envoyer un

prêtre pour la Miramichi, en charge encore une fois M. Cooke. Il faut

un missionnaire sachant l’anglais : M. Cooke est tout désigné. Si les

gens ne rentrent pas dans l’ordre, Mgr leur enverra "un jeune prêtre

canadien qui ne saura pas trois mots d’anglais”. Il demande h. M. Cooke

19. M. Cooke h. Mgr Plessis, 5 août 1822, AAQ, Correspondance des évêques, N.B., VI-76.

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de bien examiner devant Dieu et sa conscience ce quTil a à faire pour la

gloire de la religion et le bien de ces catholiques. Cependant, s^l déci­

de de rentrer à Québec, il sera le bienvenu. M. Cooke, plus résolu que

jamais de retourner dans sa province natale, ne craint pas dIécrire à

son évêque, le 7 juin 1823 :

Quant à moi, jJai fait pour Miramichi en particu­lier et pour les missions en général autant et même plus que je ne pouvais. Accablé maintenant de maux et menacé d’infirmités de longue durée, j’use sans scrupule de la permission de retourner à Qué­bec. Depuis lontems j’aurais dû être entre les mains des médecins : mon dernier voyage de Qué­bec, la lettre que j’eus Phonneur d’adresser à V. G. l’automne dernier en font foi. (20)

En cette année 1823, M. Cooke passe encore par Bartibog oh il

signe 49 baptêmes. Son dernier acte aux registres paroissiaux de cette

mission est inscrit le 3 août. Les cahiers de Nipisiguit ne renferment

aucune signature de M. Cooke pour 1823. H semble bien que cet autom-

ne-là, il n’ait pas fait de voyages lointains. H quittera Caraquet au dé­

but de novembre.

** *

20. M. Cooke à Mgr Plessis, 7 juin 1823, AAQ, Correspondance des évêques, N. B., VI-83.

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74

En 1819, lors de son premier grand voyage autour de sa mission,

M. Cooke se rendit compte combien elle était dépourvue d’églises et de

chapelles. On se souvient qu’en arrivant à Caraquet en 1817, il y trouve

une église en construction. Quatre ans plus tard, malgré de sérieuses

difficultés, l’église est bénite et M. Cooke se félicite dTavoir réussi à

doter sa paroisse d’un temple qui compte pour le plus beau des environs.

Dans les années suivantes, il met en chantier les chapelles de

Chipagan, Pockmouche, Grande Anse et Tracadie. La lenteur des gens

et leur peu de zèle causent des tracas au missionnaire. En 1821, il écrit

à Mgr Plessis :

Us ont bâti (les habitants de Chipagan), l’hiver dernier, une petite chapelle de vingt-deux sur vingt- huit pieds qui servira de presbytère bien vite, car ils sont maintenant occupés à préparer le bois pour une église de trente pieds sur cinquante cinq qui doit commencer au printemps; par ce moyen, on vien­dra à bout de civiliser les Chipagans naturellement bons. Pour obéir à. votre lettre pastorale, les soixan­te habitants de Tracadie se sont obligés à me remet­tre chacun un louis cet été afin d’avoir un charpentier pour faire leur église en charpente. (21)

Pendant l’hiver de 1822, M. Cooke passe dans la Miramichi. L’égli

se de Tracadie monte doucement. Elle aura 70 pieds de long, 32 de large

et 25 de haut. Pour remplir l’espace trop grand entre le toit et les

21. M. Cooke à Mgr Plessis, 22 janvier 1821, AAQ, Correspondance des évêques, N. B., VI-71.

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fenêtres, on fera des ”oeils de Boeu fictifs”-(22).

En 1822, ‘’HEglise des Chipagans sera prête à être bénite le 15

août, ... celle de Tracadie est couverte” (23). Dans cette dernière mis­

sion, les habitants ont même réussi à bâtir une sacristie de 30x28 pieds,

à deux étages, pour loger le missionnaire de passage.

En 1823, Déglise de Tracadie est enfin terminée. Elle sera bénite

le 22 juin. M. Cooke en informe ses parents de la Pointe-du-Lac :

LIéglise de Tracadie, qui avait été la principa­le cause qui mTa fait hiverner ici, malgré mes promesses, est enfin finie; elle sera bénite le 22 juin. Elle passe, après celle de Caraquet, pour la plus belle de tous ces cantons-ci. Crest la cinquième que je fais bâtir sans compter cinq presbytères que jTai aussi fait faire et jTen ai fait réparer un autre. (24)

** *

Les difficultés matérielles ne sont pas celles qui causent le plus

dIinquiétudes au missionnaire. Dès son arrivée à Caraquet, M. Cooke

doit recourir à son évêque pour régler certains cas de morale quril nTose

trancher lui-même.

22. Du même au même, 14 février 1822, Correspondance des évêques,AAQ„N. B., VI-74. "

23. Du même au même, 5 août 1822, AAQ, Correspondance des évê­ques, N. B., VI-76.

24. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit., p. 111.

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On se rappelle cet Irlandais émigré au Canada pour échapper k la

méchanceté de sa femme qui ”a essayé de Pempoisonner" (25). M. Cooke

doute de la sincérité de son paroissien et se demande sril doit l’admettre

aux sacrements.

Le missionnaire use des pénitences publiques contre les unions li­

bres. Voyant parfois ses répressions inutiles, il supplie son évêque de

lui permettre de marier les récidivistes non sans les avoir châtiés de

façon retentissante. Irlandais, Acadiens et Indiens subissent, sans dis­

tinction, les coups de sa sévérité.

Au moins deux fois au cours de 1822, il imposera des peines sévè­

res contre ceux qui violent les lois de la morale. Une certaine veuve de

Nipisiguit a débauché un jeune homme de 19 ans, son parent, dans le but

de s’en faire un mari. M. Cooke, en plus de leur refuser le mariage,

leur impose une pénitence dont ils ne se soucient gukre. ”Ils doivent

demeurer hors de l’Eglise et un chaque côté de la Rivikre de Nipisiguit

jusqu’k ce qu’il vous plaise leur accorder une dispense ou pour 6 mois

(26).

Le 2 mai, M. Cooke reçoit une réponse de Mgr Plessis. La veuve

25. M. Cooke k Mgr Plessis, 20 décembre 1817, AAQ, Correspondance des évêques, N. B. , VI-57.

26. Du même au même, 14 février 1822, AAQ, Correspondance des évêques, N. B., VI-74.

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de Nipisiguit restera veuve. Pas de dispense pour elle. Ce serait

"encourager le libertinage que de dispenser une telle personne et ouvrir

une porte que le concile de Trente a bien soigneusement fermée" (27).

Quant au veuf de Miramichi qui garde chez lui sa nièce dans des

conditions qui défient toute morale, il se voit imposer une pénitence pu­

blique. Il doit faire amende honorable à la porte de l’église de Bartibog

et entendre la messe ou la prière 12 dimanches à. la porte de l’église. Il

accomplit une partie de sa pénitence mais n’en fit ensuite qu’à sa tête,

en continuant de garder chez lui sa nièce. M. Cooke, au prône du 4 août,

les déclare hors de l’Eglise, avec défense de les enterrer dans le cime­

tière s’ils viennent à mourir dans cet état. La mère de la fille, effrayée

vient consulter M. Cooke sur la conduite à tenir.

Advenant le cas de récidive, M. Cooke demande à Mgr Plessis la

permission de faire quelque chose de plus pour punir les coupables. H

parle même de les excommunier. Le 2 septembre, Mgr Plessis engage

M. Cooke à cesser ses mesures de répression contre les coupables "de

crainte de n’être pas soutenu si Miramichi était visité par la même per­

sonne que l’année dernière” (28). Allusion discrète à Mgr de Rose qui

27. Mgr Plessis à M. Cooke, 2 mai 1822, ASTR, Correspondance des cardinaux, archevêques et évêques, A-I, P-71.

28. Du même au même, 2 septembre 1822, AAQ, Correspondance desévêques, registre des Lettres, vol. 10, p. 449.

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n’entre pas toujours dans les vues de M. Cooke au sujet des missions.

* *

La défiance avait pour ainsi dire toujours existé entre les Acadiens

et les Indiens. Ainsi, en 1818, à Pockmouche, quand il est question de

construire une chapelle, les Micmacs veulent bien aider aux travaux à

condition d’avoir des bancs pour les offices religieux. Les Acadiens

acceptent avec réticence. M. Cooke lui-même craint que des relations

trop étroites entre les deux groupes ethniques créent un danger pour les

uns et les autres.

Il se trouve qu’en 1822, Caraquet passe par une épreuve qui a juste

ment pour origine les différences de races. Une partie de la paroisse

méprise lrautre parce que celle-ci aurait, par ses ancêtres, contracté

des alliances avec les sauvages. Même, un vieillard dresse des généa­

logies pour prouver que toutes les familles, sauf la sienne, "ont du sau­

vage”. Ses enfants le soutiennent et sèment la division parmi les habi­

tants. On en vient même aux coups et plusieurs paroissiens vivent des

mois entiers dans une grande rancune. M. Cooke demande alors à Mgr

Plessis dIécrire une lettre pastorale pour convaincre ses paroissiens

ségrégationnistes que les sauvages sont regardés de Dieu comme les au­

tres hommes, qu’ils sont même admis dans les Ordres sacrés et qu’un

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p^re ne peut empêcher le mariage de son fils parce qu’il pense que la

future épouse de celui-ci a eu quelqu’un de ses ancêtres allié avec des

sauvages. M. Cooke, en attendant la lettre pastorale, humilie les uns,

console les autres, punit les coupables et essaie de rétablir l’ordre (29).

Le 21 octobre, Mgr Plessis promet à. M. Cooke la lettre pastorale

demandée :

. . . Ce désordre est tr^s ancien parmi les Acadiens orgueilleux, tellement que depuis bien des années, le sang mêlé est devenu, dans la Baie des Chaleurs, une cause de dispense, inconnue dans le reste du monde chrétien. Je tâcherai de les semoncer de mon mieux sur cet article et je me servirai d’argumens dont ceux que vous m’envoyez feront partie. (30)

Nous n’avons pu retrouver la lettre pastorale dont il est question.

De toute façon, les dissensions durent, sinon disparaître, du moins s’at­

ténuer. A partir de 1822, M. Cooke ne revient plus sur la question.

** *

M. Cooke avait toujours déploré la situation lamentable des catho­

liques de la Miramichi. En 1820, il se plaint de ce que les ministres

29. M. Cooke à Mgr Plessis, 4 octobre 1822, AAQ, Correspondance des évêques, N. B., VI-80.

30. Mgr Plessis à M. Cooke, 21 octobre 1822, AAQ, Correspondance des évêques, registre des Lettres, vol. II, p. 30.

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protestants essaient d’endoctriner les fidèles. Ceux-ci, surtout les nou­

veaux convertis, perdent de leur ferveur.

Les pasteurs protestants continuent à vouloir s’implanter dans les

missions de la Baie des Chaleurs. De Nipisiguit à Miramichi, ils essaient

de se faire des adeptes. Us bâtissent des chapelles et affichent même une

audace dont M. Cooke se plaint à Mgr Plessis. En 1823, ils seront une

des causes principales des difficultés qu’aura à surmonter M. Cooke dans

la Miramichi.

Les trois ministres protestants sont "d’une effronterie extrême".

Ils ne se font pas scrupule d’importuner les malades et d’assister aux funé­

railles des catholiques. A Bartibog, ils ont accompagné à l’église la dé­

pouille mortelle du marguillier en charge, Peter alias Patrick Taylor.

M. Cooke ne craint pas d’écrire à Mgr Plessis :

. . . Tandis que les ministres travaillent à se rendre populaires aux catholiques, le monde leur offre ses plaisirs,' ses bals, ses festins, ses comédies, ses sociétés de francs-maçons et de la Bible. D’un autre côté, le défaut d’instruction les a jetés dans une tié­deur monstrueuse;. . . (ils) n’ont pas de l’hérésie l’horreur qu’ils devraient avoir. Les temples des hérétiques sont plus fréquentés que les églises; les loges de francs-maçons, les salles de comédie sont remplies d’une foule innombrable, tandis que la mai­son de Dieu est abandonnée. Les jeunes gens igno­rent presque la voie qui conduit à l’église. Il faudrait

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81

un Jérémie pour décrire tous ces maux, la source de tant d’autres. (31)

Ainsi donc, le missionnaire, aux prises avec des forces subversi­

ves, lutte pour conserver le peu de piété des fidèles de la Miramichi.

Réveillés par le zèle de M. Cooke, ils recueillent la somme de 200 Li­

vres pour payer le missionnaire qu’on leur enverrait. Une fois la som­

me ramassée, ils en changent l’usage. M. Cooke se plaint, même s’il

fait pour le mieux, d’être obligé de porter "le fardeau des reproches” (32)

** *

Au milieu de ses courses et de ses travaux, M. Cooke semble con­

server son entrain. La bonne santé dont il jouit ne fléchit pas avant 1820.

En 1817, Mgr de Saldes lui écrivait : "J’ai appris avec plaisir que vous

jouissiez d’une bonne santé" (33).

A son retour de Québec, en 1820, M. Cooke se dit malade. Il écrit

à Mgr Plessis :

Depuis que je suis arrivé de Québec, il y a 13 jours, j’ai toujours été malade et n’ai pu dire la messe qu’une fois; je ne pourrai pas la dire encore demain.

31.32.33.

Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit., p. 109.Ibid., p. 110.Ibid., p. 52.

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82

Cependant je commence à aller mieux et j’espère être en état bien vite d’aller mettre les gens de Nipisiguit en hivernement. (34)

L’état physique de M. Cooke ne semble pas s’améliorer au cours

de 1821. Dans une lettre du 26 mai, il s’en ouvre à ses parents de la

Pointe-du-Lac. Il est souvent malade. Malgré cela, il peut faire son

ouvrage et se rendre dans ses missions lointaines.

En 1822, nous apprendrons, dans une de ses lettres, qu’il souffre

de rhumatismes dans la tête. Il s’en plaint à Mgr Plessis. Encore une

fois, il fait preuve d’une soumission presque héroïque envers son évêque.

Il lui écrit, le 30 septembre :

. . . puisque malgré mes sollicitations et mes raisons que je croyais considérables, Votre Grandeur m’en­gage ou plutôt m’oblige de rester plus lontems chargé d’une Mission fatiguante (sic); que Dieu soit loué 1 J’y resterai, je ferai ce que je pourrai; mais s’il m’arrive quelqu’accident, comme je ne reste ici que par obéissance, j’espère qu’on ne me reprochera point d’y être resté trop longtems. (35)

L’hiver de 1823 passé, M. Cooke caresse l’espoir de prendre le

chemin du retour le plus tôt possible. Le 10 mai, il annonce à ses pa­

rents, M. et Mme Firmin Désaulniers, qu’il sera bientôt parmi eux.

34. M. Cooke à Mgr Plessis, 30 septembre 1820, AAQ, Correspondance des évêques, N. B., VI-68.

35. Du même au même, 30 septembre 1822, AAQ, Correspondance des évêques, N. B., VI-79.

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83

En dépit de ses souffrances physiques, il conserve sa bonne humeur :

Le mal dont je me plains est un rhumatisme quime cause un mal de tête presque continuel et m’af- fecte même les yeux, les oreilles et les dents;mais du reste, j’ai bon pied, bonne main, on dirait mê­me que je suis gras. Peste soit de la graisse quand le principal est attaqué. (36)

Enfin, après avoir passé sa dernière année dans la Baie des Cha­

leurs, M. Cooke avoue à son évêque que depuis longtemps, il aurait dû

”être entre les mains des médecins”. Le seul reproche qu’il ait à se

faire est d’être resté trop longtemps dans une mission difficile avec une

santé chancelante.

** *

M. Cooke ne s’absentait guère de ses missions. En quittant la

Rivière-Ouelle, il avait écrit à ses parents : ”Je pars pour trois ans;

cependant j’ai la permission d’y rester tant que je voudrai, permission

dont je n’userai pas, à moins que la conduite de ma famille ne m’y obli­

ge” (37).

36. Les Ursulines des Trois-Rivières, op_. cit., p. 110.37. Ibid., p. 30.

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84

En 1820, on le voit faire un voyage à Québec. L’Annaliste des

Ursulines des Trois-Rivières parle d’un "voyage au Canada”. Le bateau

était le seul moyen pour M. Cooke d’atteindre sa mission et d’en sortir.

Absent pendant treize jours, il revient malade. La cause en est, selon

Mgr Panet, dans l’eau qu’il a bue à Québec (38).

L’année suivante, M. Cooke retourne une dernière fois à Québec.

Le procureur De s jardins lui écrit le 15 septembre :

On vous annonce, on vous désire, et pourtant on craint que vous manquiez votre passage comme la caisse oubliée. . . (...) M. Amiot m’annonce M. Cooke, et pourtant je suis incrédule comme saint Thomas, à moins que je ne le vois. . . (39)

Le voyage eut lieu après le passage de Mgr Plessis, entre le 15 sep'

tembre et le 10 octobre, date à laquelle M. Cooke écrit à M. Desjardins

qu’il a fait un heureux voyage de retour dans la Baie (40).

Cette lettre parvint à Québec après le 2 novembre. En effet, à cette

date, M. Desjardins n’a encore rien reçu. U écrit à M. Cooke : ”H nous

tarde de savoir comment vous vous êtes rendu?" (41) Ce n’est que le

38. Mgr Panet à M. Cooke, 30 octobre 1820, ASTR, Correspondance des cardinaux, archevêques et évêques, A-I, P-68.

39. M. Desjardins à M. Cooke, 15 septembre 1821, Les Ursulines desTrois-Rivières, op. cit. , p. 88.

40.41.

Ibid. , p. 90.Ibid., p. 89.

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14 novembre que M. Desjardins accuse réception de la lettre du 10 oc­

tobre (42).

M. Cooke fit donc deux voyages à Québec de 1817 à 1823, lTun en

1820, l’autre en 1821. A la fin de 1823, il quittera définitivement Cara­

quet ayant consacré six ans de ministère aux missions de la Baie des

Chaleurs.

-fi

En 1822, M. Cooke, malade et fatigué, avait manifesté le désir de

retourner à Québec. Mgr Plessis lui demande de demeurer dans ses mis

sions en attendant de pouvoir le remplacer. M. Cooke considère le désir

de son évêque comme un ordre et accepte de rester, comme il le dit, ”pa

envie de rendre service” (43).

Cependant, de Nipisiguit, il explique à Mgr Plessis les raisons qui

le forcent à rentrer à Québec en cet automne 1822 :

Non, Monseigneur, je ne suis point revenu dans laBaie par fantaisie et ce n’est point non plus par ca­price que je prends la liberté d’user du privilège que

42. Ibid. , p. 90.43. M. Cooke à. Mgr Plessis, 22 mai 1822, AAQ, Correspondance des

évêques, N. B. , VI-75.

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vous m’avez accordé, en vous annonçant mon retour pour cet automne. J’y suis forcé; je craindrais de manquer de prudence si je ne le faisais pas. (44)

L’on sait que l’évêque de Québec réitéra sa demande auprès de M.

Cooke aux fins de maintenir ce dernier dans ses missions une année de

plus. Le 30 septembre, M. Cooke écrit à. Mgr Plessis qu’il accède à. sa

demande, ayant pourtant toutes les raisons de rentrer à Québec. En ré­

ponse à sa lettre, le missionnaire reçoit cet éloge qui n’est pas mince dans

la bouche de son évêque :

Vir obediens loquetur victorias. Dieu, je n’en doute pas, vous tiendra compte d’avoir pratiqué cette vertu en demeurant une année de plus en mission. L’été prochain, vous reviendrez content de ce dernier effort et l’on vous donnera un successeur pour Caraquet auquel je désirerais qu’on pût ajouter un prêtre pour Miramichi. (45)

Dès le printemps de 1823, M. Cooke est explicite quant à son désir

de quitter définitivement la Baie. H écrit à M. et Mme Désaulniers de la

Pointe-du-Lac : ”J’achève ma sixième année cet automne, et je ne crois

pas pouvoir en entreprendre une autre” (46).

Cependant, il restera fêter encore une fois la Sainte-Anne avec les

44. Loc. cit.45. Mgr Plessis à M. Cooke, 21 octobre 1822, AAQ, Correspondance

des évêques, registre des Lettres, vol. II, p. 30.46. M. Cooke à M. et Mme Firmin Désaulniers, 10 mai 1823, Les Ursu

lines des Trois-Rivières, op. cit., p. 110.

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Micmacs, ce qui ^empêchera ”de remonter avant le mois de septem­

bre” (47).

Le missionnaire de la Baie avait gagné l’estime non seulement des

catholiques mais aussi des protestants. Apprenant le départ de M. Cooke,

le ministre protestant de Caraquet lui en exprime son regret. Dans une

lettre du 27 septembre, il fait l’éloge de son dévouement et de son désin­

téressement malgré la malice de quelques-uns de ses paroissiens. Qui

sont au juste ces quelques moutons noirs, ”a few black sheep”, dont parle

le pasteur protestant ? Il ne le dit pas et nous ne pouvons donner aucune

précision à ce sujet. Le ministre ajoute :

Although a few may be glad you are going, yet by far the greater number of your congrégation and amongst them the best and most respectable regret your departure sincerely, and let me assure you that not only they but also these of other dénomination of Christians, who hâve had the pleasure of your acquaintance, and none more so than myself. (48)

Le 20 octobre, M. Cooke est encore à Caraquet. H écrit sa dernier

lettre à Mgr Plessis. Il explique les raisons qui l’ont retenu à Caraquet.

La principale est le travail que lui a confié son évêque à la mission de

Miramichi. Il avait espéré obtenir plus tôt l’autorisation de rentrer à

47. M. Cooke à Mgr Plessis, 7 juin 1823, AAQ, Correspondance des évêques, N. B. , VI-83.

48. Rev. J. A. Blachall à M. Cooke, 27 septembre 1823, Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit. , p. 113.

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Horloge ”grand-père" ayant appartenu à M. Cooke pendant son séjour en Acadie.

Elle est aujourd’hui la propriété de M. et Mme Biaise Duguay, de Caraquet.

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Québec. C’est ce qu’il expose clairement à son supérieur : après la

lettre que je vous ai envoyée le 7 juin,

. . . j’attendais pour quitter mon poste deux mots de votre part : Viens-t’en et faute de ces deux mots, je suis demeuré ici jusqu’à présent, pensant que vous seriez, peut-être embarrassé et que je pourrais être de quelqu’utilité. Mais si je me suis trompé, si par ma gaucherie j’ai dérangé vos plans, je vous prie d’avoir la bonté de me pardonner et de croire que j’ai agi en tout pour le mieux et avec la plus grande sou­mission aux vues de V. G. (49)

M. Cooke quitte Caraquet au début de novembre 1823. Il y était

arrivé au début d’octobre 1817. Affaibli par la maladie, il retourne dans

sa Province pour y prendre du repos et y recevoir les soins que le mauvais

état de sa santé réclame. Sa dernière signature apparaît au registre de

Caraquet le 24 octobre 1823 (50).

Ainsi se terminent pour M. Cooke les années laborieuses de son

séjour en Acadie. C’est d’abord la construction de son église et le minis­

tère aux environs de Caraquet qui le réclament. Puis, en 1818, il entre­

prend des travaux de construction de chapelles à Chipagan, Pockmouche,

Grande-Anse. Vient ensuite la grande mission de 1819 où pour la premiè'

re fois, il fait le tour de sa paroisse de 35 lieues.

49. M. Cooke à Mgr Plessis, 20 octobre 1823, AAQ, Correspondance des évêques, N. B. , VI-85.

50. H baptise Marguerite, fille de Fabien Terriau et Marguerite Léger.

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89

En 1820, nous assistons à la bénédiction de l’église de Caraquet,

payée par les bancs à totaux. Puis, ce sera d’autres voyages et d’au­

tres constructions jusque dans la lointaine Miramichi. M. Cooke devra

lutter contre l’apathie des catholiques et le prosélytisme des protestants.

A deux reprises, il vient à Québec pour traiter d’affaires avec son évê­

que et consulter les médecins au sujet de sa santé quelque peu délabrée.

En 1821 et 1822, M. Cooke sollicite la faveur de rentrer à Québec.

Sur la demande de Mgr Plessis, il accepte de prolonger son séjour dans

la Baie jusqu’à ce qu’on lui trouve un remplaçant.

Des archives que nous avons consultées, il nous a été permis d’éta­

blir que M. Cooke a signé, de 1817 à 1823, 608 baptêmes, 126 mariages

et 105 sépultures.

Après l’hiver de 1824, M. Cooke sera nommé à la cure de St-Am-

broise de la Jeune Lorette, près de Québec. Il y est chargé de la parois­

se St-Ambroise, de la mission sauvage et de l’établissement irlandais

de Valcartier. C’est là, que pendant onze ans, nous le verrons se dépen­

ser activement jusqu’au moment où l’évêque de Québec le désignera au

poste des Trois-Rivières, le dernier avant son élévation à l’épiscopat.

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Chapitre IV

ST- AMBROISE - DE - LA - JEUNE - LORET TE

(1824-1835)

'’•*

La cure désirée. Une époque heureuse. Eloge funèbre de Mgr Plessis. M. Cooke et l’éducation. Pastorale de M. Cooke. Trois-Rivières.

Mgr Plessis avait promis à M. Cooke de lui confier, à son retour

de l’Acadie, la cure de St-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette, à trois lieues

de Québec. Comme Mgr Plessis ne pouvait remplir immédiatement sa

promesse, M. Cooke se retira à la Pointe-du-Lac, sa paroisse natale

(1). Mgr Plessis lui écrivait, le 26 février 1824 :

J’ai reçu en son temps votre lettre du 15 et suis flatté de vous voir revenir à des dispositions plus raisonnables. Mon dessein est de vous plaire se­lon vos désirs. . . (...) J’ai lieu de croire que l’on

1. Abbé Napoléon Caron, Mgr Thomas_Cooke, dans L’Opinion Publi­que, vol. III, no 22, jeudi 30 mai 1872, p. 253.

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apprécierait vos services aux Trois-Rivières surtout pendant la neuvaine. (2)

Enfin, le 8 mars 1824, M. Cooke reçoit sa lettre d’obédience :

Jusqu’à révocation de notre part ou de celle de nos successeurs évêques, vous êtes chargé par la pré­sente de desservir la mission sauvage de la jeune Lorette et la paroisse de St-Ambroise, dont l’établis­sement irlandais de Valcartier doit être considéré comme faisant partie. (3)

Puis l’évêque de Québec, après avoir indiqué au nouveau curé ses

pouvoirs et ses droits, conclut en disant : "Prenez le temps nécessaire

pour vous y préparer". M. Cooke signe pour la première fois au regis­

tre paroissial de St-Ambroise le 23 mars 1824 (4).

Qu’était donc à cette époque le village de St-Ambroise-de-la-Jeune-

Lorette ? Disons d’abord qu’en 1673, un groupe de Hurons vinrent se

fixer à 3 lieues de Québec, dans la seigneurie St-Gabriel, appartenant

aux Jésuites. Ils émigrèrent, en 1697, près de la chute de la Rivière

St-Charles où vivait déjà une petite colonie de Canadiens français.

Le Père Chaumonot, S. J. , avait mis sa mission de St-Gabriel sous

le vocable ,de Notre-Dame de Lorette en reconnaissance d’une faveur

2. Mgr Plessis à M. Cooke, 26 février 1824, ASTR, Correspondance Cardinaux-Evêques,_ A-1, P-71.

3. Les Ursulines des Trois-Rivières, Vie de Mgr Cooke, 1er évêque des Trois-Rivières, p. 115.

4. Inhumation de Josephte, âgée de 3 ans, fille légitime de Jean Pagé, cultivateur et d’Angéline Allain.

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obtenue par l’intercession de Notre-Dame. Les Httrons gardèrent le

même nom pour leur nouveau poste. C’est ainsi qu’on eut l’Ancienne

Lorette, aujourd’hui paroisse de Notre-Dame-de-l’Annonciation, et la

Jeune Lorette, paroisse de St-Ambroise (5).

La chapelle huronne servit jusqu’en 1795, pour les Indiens et les

Blancs. Cette année-là, Mgr Hubert, évêque de Québec, autorisa l’achat

d’un terrain pour la construction d’une chapelle destinée aux Blancs. Le

11 novembre, il donna saint Ambroise comme patron à la Jeune Lorette

et le 2 décembre, eut lieu la bénédiction de la chapelle.

Jusqu’en 1904, le même prêtre desservait les deux églises. La

paroisse de St-Ambroise portait autrefois le nom de ”Faubourg” pour la

distinguer de celle des Hurons, qui s’appelait ”Village”. Lorsque M.

Cooke arriva à St-Ambroise, en 1824, il était le sixième curé après les

abbés Joseph Paquet, Michel Amyot, Ignace Renvoysé, Antoine Bédard

(1er terme), F. -G. Rivard-Loranger et Antoine Bédard (2e terme).

La première chapelle-presbytère étant devenue trop petite, on cons­

truisit la première église de 108x48 pieds. Elle fut bénite par Mgr Ples­

sis en 1809 et consacrée le 18 octobre 1811. Elle sera démolie en 1890.

5. Depuis 1912, date de l’établissement d’une industrie de cuir dans la localité, St-Ambroise porte le nom de Loretteville.

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Ce fut dans cette église que M. Cooke exerça son ministère. D’après

son témoignage,

c’est une des plus belles églises du pays, l’or brille partout; la chaire et le banc d’oeuvre sur­passent ceux de la cathédrale de Québec. La voûte, carottée (sic), dorée et fleurie fait penser au pa­radis. Enfin, cette église est presque parfaite. (6)

Commence alors pour M. Cooke la période la plus heureuse de sa

vie. Pendant 11 ans, de 1824 à 1835, il travaillera en parfaite harmonie

avec ses paroissiens. A lire le récit de ses premières impressions, on

croirait entendre Fénelon décrire les merveilles de la Bétique. Le 22

avril, il écrit à ses parents de la Pointe-du-Lac qu’il est ”enfin arrêté,

logé, établi, avec un ménage garni de ménagères, bureaux, tables, hor­

loges, etc., et une basse-cour complète, poules, coqs, pigeons, oies,

veau, vache, cheval, etc. . . ” (7). Ses deux soeurs, Anastasie et Elisa­

beth l’ont suivi à St-Ambroise. Il en est très heureux.

M. Cooke arrive dans une paroisse en tout point organisée. Les

cérémonies sont fort solennelles : 14 chantres font retentir les voûtes

de leur voix puissante; les enfants de choeur portent robe, surplis et ra­

bat. Le nouveau curé se plaît à décrire le site pittoresque de sa paroisse.

6.7.

Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit. , p. 116.

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94

Dix arpents séparent les deux églises : celle des Hurons et celle des

Blancs. Les maisons groupées prennent l’aspect d’un faubourg. Ce fau­

bourg l’emporte de beaucoup en beauté sur celui de la Pointe-du-Lac :

Autant ce dernier est laid, autant celui-là. est beau et rempli de beau monde. Tous les voyageurs en sont enchantés.

Les modes du pays ne sont pas extraordinaires: les jeunes gens sont habillés en beaux capots d’étof­fe blanchâtre (...), ajoutez-y un capuchon plissé avec une tavelle noire. (8)

En 1826, un événement heureux vint mettre en joie le curé et ses

soeurs, pour ne pas dire la paroisse tout entière. Ce fut le mariage

d’Anastasie (Nancy) Cooke. Les registres de St-Ambroise en conservent

l’acte. L’époux, Charles Falardeau, est le fils mineur de Guillaume

Falardeau, cultivateur, et de Jeane Bédard, de St-Ambroise. Anastasie

Cooke est majeure. Plusieurs parents et amis des époux signent, de

même qu’Elisabeth Cooke qui écrit : ”Eliza. . . Cooke”. M. Cooke signe:

"Thomas Cooke, Ptre” (9).

Mariage de grande classe pour l’époque. Célébré à. 11 heures, il

réunit 70 personnes. La noce fut des plus gaies et l’on but avec modéra­

tion. M. Cooke écrivait : '‘Quantité de petits animaux ont perdu la vie

8.

9.

Ibid., p. 117. D’après Quillet : Tavèle, sorte de passementeriefort étroite.Registre de la paroisse de St-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette, T824~r8'35’. ———————————

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95

pour le plaisir des conviés” (10). Elisabeth était fille d’honneur. Elle

plut tellement au frère du marié qu’il s’en fallut de peu qu’il ne fît la

‘‘grande demande”. Il semble que les Demoiselles Cooke suscitèrent la

jalousie des filles de St-Ambroise qui se voyaient ravir les bons partis.

Anastasie alla demeurer à. l’Ancienne Lorette, sur la ferme de

son époux. Elisabeth se trouva seule pour assumer tout l’entretien du

ménage. C’est elle-même qui nous le dit :

Après le départ de Nancy, il m’a fallu prendre le train en main. La cave, la cuisine, la laiterie, les veaux, les poulets, tout me passait par les mains, tout était à mes charges. J’avais bien la bonne volon­té mais la mémoire me manquait souvent et je disais : Comment faisait ma mère pour penser à tout ce qu’elle faisait. (...) Par bonheur, mon maître m’estimait assez et ne me grondait pas fort. Cependant, je pleu­rais quelques fois, je me voulais du mal d’être si gauche, je prenais les plus belles résolutions et puis tout cela ne servait à rien. (11)

M. Cooke semble conserver l’enthousiasme qui l’animait à son arri­

vée. Ses lettres pleines d’humour dénotent un homme heureux. A l’été

1824, Elisabeth s’absente pour visiter ses parents de la Pointe-du-Lac.

M. le Curé menace la tante Désaulniers de la “poursuivre :n dommage”

si, à. cause de la promenade de sa soeur, il doit engager quelqu’un pour

10. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit. , p. 120.11. ASTR, A-2, R-180, document non daté retrouvé avec la copie ma­

nuscrite de l’éloge funèbre de Mgr Plessis prononcé par M. Cooke le 4 décembre 1826.

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faire l’ouvrage du presbytère. Il se réjouit du bonheur d’Elisabeth mais

ne manque pas de lui dire des choses agréables pour l’inciter à revenir

au plus tôt. La cuisine est partagée selon ses goûts, les graines semées

donneront bientôt des fleurs. Et le curé y va de sa poésie : "Et votre

arbre reverdi devient l’asile de mille oiseaux qui semblent répéter le

beau nom de Bébé ou Betsey. Que dirons-nous des petits oiseaux ? Ils

turlutent à faire envie” (12).

Mais il y a une ombre au tableau. Mademoiselle Cooke n’est pas ce

qu’on peut appeler une intellectuelle. Son frère s’en désole. De la dou­

ceur, il passe à la rigueur pour convaincre sa soeur, dont il se fait le

maître, qu’il est nécessaire pour elle d’apprendre à écrire. A dix-huit

ans, elle ne veut devenir ni une lettrée ni une ménagère. Les noces ont

plus d’attrait pour elle que les livres. Sauter, danser et manger la ravit.

Madame Désaulniers, devant le désarroi de son neveu, s’en vint à St-Am­

broise donner des leçons de sagesse et de cuisine à. sa nièce. Celle-ci

apprit à écrire et devint la dame de céans du presbytère. Avec beaucoup

de complaisance, elle dira plus tard : "Mon frère me laisse faire ce que

je veux et ne se mêle plus de rien" (13).

Mgr Bernard-Claude Panet succéda à Mgr J. -O. Plessis comme

12. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit. , p. 118.13. Ibid., p. 119.

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97

évêque de Québec. H prit possession de son siège épiscopal le 12 dé­

cembre 1825, à l’âge de 73 ans. L’année suivante, dans une lettre datée

du 20 octobre, il demande à son ancien secrétaire de la Rivière-Ouelle de'

prononcer l’éloge funèbre de Mgr Plessis au jour anniversaire du décès de

celui- ci.

Mgr Panet offre à M. Cooke de lui fournir les renseignements et

les notes dont il pourrait avoir besoin. H lui suggère même une sorte de

plan : ”... vertus privées (...) conduite vraiment digne d’un évêque (...)

établissements qu’il a formés et bien d’autres sujets qui se présenteront

à votre esprit” (14). C’est en fait cette marche à suivre qu’adoptera M.

Cooke. Mgr Panet ajoute : ”J’attends ce service de votre complaisance

et de votre attention à votre Evêque. En me refusant vous me chagrine­

riez beaucoup et m’exposeriez à perdre la bonne opinion que j’ai toujours

conçue de vous et de votre bonne volonté” (15). M. Cooke prit comme

thème de son sermon ce passage de l’épttre de saint Paul aux Hébreux :

"Souvenez-vous de vos Supérieurs qui vous ont enseigné les voies de

Dieu. . . et. . . imitez leur vertu” (Héb. , 13, 7). A travers le style offi­

ciel et même pompeux, les mots cachent-ils une voix et un message au­

thentiques ? Que nous révèlent-ils de l’époque et de celui qui le prononça '

14. Mgr Panet è. M. Cooke, 20 octobre 1826, ASTR, Correspondancedes cardinaux et évêques, A-I, P-68.

15. Loc. cit.

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Dans l’exorde, l’orateur rappelle à son auditoire quîil ne vient pas

”réveiller une douleur que le tems semble avoir assoupie”. La foi à

"l’heureuse immortalité” doit consoler les croyants. Puis il ajoute :

”. . . mon unique dessein est d’exposer à vos yeux la vie de Phomme juste

qui n’est plus, de graver à jamais dans votre mémoire le souvenir de ce

Pasteur chéri et de vous engager à imiter ses vertus : Mementote propo-

sitorum vestrorum. . . imitamini fidem”. Esprit de travail, piété, zèle,

justice, prudence, vertus qu’il est possible à tous de pratiquer à la suite

de Mgr Plessis. L’orateur ne craint pas de mêler ses louanges au saint

sacrifice de la messe car, dit-il, ”je prends sur l’autel tout l’encens que

je brûle sur son tombeau”.

M. Cooke glisse discrètement sur les contradictions et les ”trou-

ble s malheureux” qu’éprouva Mgr Plessis. Il suffit de rappeler ici les

démêlés de l’évêque avec le gouvernement au sujet de l’institution royale

et du droit, refusé depuis la conquête à l’évêque de Québec, d’être recon­

nu comme tel par les autorités anglaises. M. Cooke parle de la sagesse

avec laquelle Mgr Plessis vit valoir son point de vue. En cela, nous

savons qu’il a raison.

L’orateur énumère ensuite ”les fonctions publiques. . . et entrepri­

ses” de Mgr Plessis. Il ne manque pas de signaler comment l’évêque

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99

de Québec soutint de ses propres deniers le collège de Nicolet. Nous

sommes en présence d’une situation qui se répéta au Canada français :

une maison d’éducation qui naft et vit grâce au clergé.

Enfin, si l’on s’arrête à étudier les procédés littéraires qu’utilise

M. Cooke, on est frappé par leur ressemblance marquante avec ceux de

Bossuet, particulièrement dans l’Oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre.

Le mouvement lyrique s’y fait fortement sentir. Chaque partie du discours

se termine par une strophe enthousiaste caractérisée par l’usage de la

rhétorique traditionnelle : interrogations, exclamations, antithèses.

Ainsi, on lit à la fin de l’exorde : “Reconnaissez une voix que vous avez

formée vous même à la sainte parole et qui vous en témoigne sa recon­

naissance. Mais ciel 1 quelle reconnaissance J Un éloge funèbre J

Etait-ce donc là le monument que je devais élever à votre gloire?”

C’est surtout dans la péroraison que le parallélisme est frappant.

En parlant de la mort de Mgr Plessis, M. Cooke s’écrie : ”O coup fatall”

C’est le ”O nuit désastreuse” de Bossuet. ”Mgr n’est plus” : cette excla­

mation répétée plusieurs fois comme un refrain lugubre rappelle le cri

angoissé de l’évêque de Meaux : "Madame est mortel” M. Cooke conti­

nue : "Ces tristes paroles retentissent dans la ville et dans les campagnes

et portent dans tous les coins du diocèse le saisissement, la douleur, la

consternation”. Nous croirions entendre Bossuet nous dire : ”. . . Ô nuit

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100

effroyable oh retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre cette éton­

nante nouvelle : Madame se meurt J Madame est morte ! ** Et l’on pour­

rait continuer ainsi ce parallèle amusant.

La gazette fut élogieuse au sujet de ce discours. M. Cooke en fut

surpris mais reconnaissant envers ceux qui ne permirent pas l’impres-

sion de son cahier (16). Fut-il Hauteur véritable de ce sermon ? Nous

avons des raisons d’en douter fortement (17). De toute façon, on peut

dire que la composition de cet éloge funèbre est classique. L’influence

des orateurs sacrés du XVIIe siècle s’y fait nettement sentir. Thèmes,

sentiments et procédés littéraires : en tout cela, M. Cooke ne fait qu’imi­

ter Bossuet. Nous avons une preuve quIau premier quart du XIXe siècle,

le Canada français pratiquait très bien l’éloquence religieuse. Sermon édi­

fiant, éloge d’un mort pour l’instruction des vivants : tel fut ce discours

du 4 décembre 1826.

Cet éloge funèbre est aussi une intéressante synthèse de la vie de

Mgr Plessis. Qu’il soit ou non l’oeuvre de M. Cooke, il fut composé avec

ordre et méthode, à la mode des solennelles oraisons funèbres et dans la

mentalité du temps. Sans entrer dans la minutie du détail, ce qui n’eût

16. Les Ursulines des Trois-Rivières, op. cit. , p. 121.17. ASTR, A-2, R-180. Nous avons retrouvé deux copies du texte : l’une

de 20 feuillets, l’autre de 41. Une note indique : Composé parM. Raimbault. Prononcé par M. Cooke (M. Raimbault étant indisposé

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101

pas été de circonstance, M. Cooke respecte la vérité historique. Mise

à part la grandiloquence de .l’expression, nous relisons une page d’histoire

qui a le mérite d’être un résumé lucide sur celui qui en fut l’objet et de

nous remettre en mémoire la participation active que prit le clergé dans

l’administration temporelle du pays et l’organisation de ses institutions.

Très tôt, M. Cooke se rendit compte de l’ignorance des enfants de

sa paroisse. En 1826, il ouvrit deux écoles : une pour les Canadiens et

une autre pour les Hurons. Lui-même donnait, dans son presbytère, des

leçons de français, d’anglais et de latin aux jeunes garçons qui manifes­

taient des aptitudes spéciales. Parmi ses élèves, il faut mentionner Elie

Sioui, François-Xavier Picard (Tahourenché), qui devint le grand chef

de sa tribu, Joseph-Gonzague Vincent, qui fut instituteur et maître-chan­

tre, Thomas Sioui, trappeur, chasseur et pêcheur de grand métier. De

l’école canadienne sortirent des hommes éminents, entre autres, les frè­

res Racine : Antoine, sacré évêque de Sherbrooke en 1874, Dominique,

sacré premier évêque de Chicoutimi en 1878, Michel, leur frère, qui

devint prêtre.

Le 21 avril 1830, Mgr Signaÿ, évêque coadjuteur de Québec, écrit

à M. Cooke pour l’informer que le Gouverneur le délègue comme visi­

teur de l’école du Village (école indienne) tenue par Vincent Ferrier. Les

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102

rapport^ qu’on en fait ne sont pas très avantageux. Mgr Signaÿ voit

dans ce geste du Gouverneur "l’expression ouverte de la reconnaissance

d’une surveillance active et directe de MM. les Curés, sur toutes les

écoles en général" (18).

En 1830, M. Cooke partage ses travaux de ministère avec M. Fran­

çois Marcoux qui fait office de vicaire. La santé de M. Cooke laisse à

désirer. Mgr Panet lui écrit, le 15 mars :

J’ai eu une courte joie d’apprendre d’abord que vous vous trouviez bien mieux. C’est ce qui m’a engagé de vous faire écrire par Mr Cazeau que si la chose était telle, vous pouviez renvoyer Mr Marcoux qui est demandé très instamment par Mr Le Duc; mais puisque j’ai la douleur d’apprendre par votre lettre d’hier que bien loin d’être mieux, votre état est pire qu’au commencement, il faut que vous gardiez Mr Marcoux pour votre paroisse. Il ne faut pas perdre courage. Cette enflure des pieds et des mains peut être un reste de votre maladie, ou un rhumatisme universel qui peut se guérir avec quelque temps de repos et de remède. (19)

Le 13 septembre 1830, Mgr Signaÿ rappelle à M. Cooke qu’il lui a

demandé sa collaboration dans la refonte du Rituel. L’évêque coadjuteur

renouvelle sa demande car il doit mettre au point une édition de la partie

traitant de "L’Ordre de l’administration des Sacremens". Mgr Signaÿ

18. Mgr Signaÿ è. M. Cooke, 21 avril 1830, AS TR, Correspondance, Ca.rdinauxzEyê^ues, A-I, S-79.

19. Mgr Panet à M. Cooke, 15 mars 1830, ASTR, _Ç_ol:L?_?2.9L^3l:Q_c_Ê2__Ç_5-T.L d^ina^ux^ E v êqu e^Sj A -I, P - 6 8

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103

ajoute : "Si maintenant vos occupations vous permettent d’entreprendre

ce petit ouvrage, je vous en serai très obligé". Et l’on sait que M. Cooke

accéda au désir du Coadjuteur.

Le curé de St-Ambroise ne cesse de se plaire au milieu de ses pa­

roissiens. Rien ne semble avoir changé dans ses dispositions. Comme

le dit un de ses admirateurs, il sut se faire aimer "autant par ses vertus

sacerdotales que par sa vaillante manière de prendre la vie" (20). H se

plaisait à faire de joyeuses parties de pêche au lac St-Charles. Il savait

choisir ses compagnons parmi ceux qui tiraient le mieux la ligne. Très

jovial, il aimait chanter au cours des excursions. Rien ne le ravissait

autant que de l’emporter en captures sur les Messieurs de l’armée qui

l’accompagnaient de temps en temps (21).

A travers les homélies, les avis et les directives de M. Cooke, on

peut reconstituer assez fidèlement, dans son ensemble, quelle fut, à

cette époque, la vie paroissiale de St-Ambroise.

Nous avons retrouvé dans un Cahier d’annonces dont les inscriptions

s’échelonnent entre le 19 août 1832 et le 13 septembre 1835, un total de

140 titres de sermons des dimanches et fêtes. M. Cooke se contente

20. Ahatsistari, Paul Tahoiirench£,_g^rand_chef_de£_Hu^rons, dans l’Opi- nïôn“Publique, vol. X, 6 février 1879, p. 61.

21. Loc. cit.

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104

d’éc rire le sujet de ses sermons. Une vingtaine de fois, il ajoute quel­

ques mots qui indiquent sans doute des points à développer. Il faut croire

qu’il comptait sur l’acquis ou l’improvisation pour élaborer sa pensée.

Périodiquement, certains thèmes reviennent, avec les mêmes formules,

tels par exemple, la fête de l’Assomption, de la Nativité de Marie, du

St-Rosaire, de saint Ambroise, patron de la paroisse

Malgré la diversité des sujets, il est facile de trouver quelle fut

l’orientation de la prédication de M. Cooke. Disons d’abord que la mora­

le prime nettement. Quarante sermons, soit 29% du total, traitent de

la morale. Morale plutôt négative qui, dans plusieurs cas, fait planer

le spectre de la mort subite sur la tête des auditeurs. D’où, pour eux,

la nécessité pressante de la conversion, de la mortification, de la fuite des

occasions de péché, du danger de l’abus des grâces. Le 21 octobre 1832,

il note : ”Avis sur la mortification. C’est pour cela que Dieu nous a

épargnés”. Il fait ici allusion au fléau du choléra qui sévissait très for­

tement à Québec et dans les environs. Le 24 août 1834, l’épidémie réap­

paraissant avec une violence nouvelle, il écrit : ”Continuer sa conversion

dans la crainte de quelqu’autre châtiment”. La mort, les cataclysmes

de la fin des temps avec les solennelles assises du jugement dernier, la

séparation des bons et des méchants, le malheur des Juifs et le bonheur

des Gentils, le jugement particulier avec son examen des consciences,

tout cela est remis sous les yeux des fidèles.

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105

Le pasteur s’attaque ensuite aux maux qui occasionnent du désordre

dans sa paroisse. La boisson semble faire des ravages parmi son trou­

peau. U revient souvent sur l’ivrognerie, les cabarets, les marchands

de boisson dont il considère la profession comme dangereuse. Les bals,

festins, carnavals, jeux défendus, noces, divertissements, promenades

du soir dans les chemins sont des occasions où la vertu de ses parois­

siens peut sombrer. Une seule allusion directe à l’impureté. Une fois,

il est question du travail du dimanche et des sacres (22). Ce qui nous

surprend, c’est qu’il ne parle jamais du vêtement des dames.

On peut remarquer quelques efforts en ce qui concerne le dogme.

L’Assomption de Marie, l’immaculée Conception, la Toussaint, Pâques,

la Pentecôte, la Fête-Dieu, les Anges fournissent le thème de quinze ser­

mons, soit 11% de ceux dont nous avons pu retrouver les titres. Il est

fait mention deux fois de la personne du Christ et encore de façon très

vague : ”Zèle du peuple à. suivre Jésus-Christ. Bonté de Jésus pour le

peuple”. Et à l’Ascension de 1834 : ‘‘Souffrances et gloire de Jésus com­

parées”.

Quant aux sacrements, M. Cooke n’en entretient que très peu les

fidèles. Dans trois ans, il prêche une fois sur les avantages du Baptême,

22. M. Cooke note : gueux = Dieu. Nous croyons qu’il veut mettre sesauditeurs en garde contre la mauvaise habitude de jurer en disant : “Bon-gueux”, déformation de l’expression "Bon-Dieu".

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106

une fois sur l’Eucharistie, une fois sur la communion et la confession

à l’occasion de Pâques. Pour ce qui a trait au devoir pascal, à partir

de 1833, il revient sur les dispositions nécessaires pour s’acquitter

pleinement de cette obligation : correction des mauvaises habitudes,

réconciliation avec les ennemis, paiement des dettes. C’est l’aspect

négatif du problème.

La vie liturgique n’est jamais soulignée. Rien au sujet de la messe

sauf recommandation de s’y bien tenir, de n’y point dormir ni mâcher de

tabac.

Les homélies représentent 18% des sermons de M. Cooke. EL suit

le cycle des dimanches de l’année en expliquant la parole de Dieu dans

l’évangile. Comment s’y prend-il ? Nous ne le savons guère puisque

nous n’avons aucun commentaire à ce sujet.

M. Cooke semble avoir une dévotion particulière pour les panégy­

riques. La plupart du temps, il ne fait qu’écrire le nom du saint qui en

sera l’objet. Quand il ajoute quelques mots d’explication, c’est pour nous

dire tout simplement que si les saints sont arrivés à la gloire, ils ont

suivi le chemin étroit de la mortification et de la pénitence. La morale

est difficile mais non impossible à pratiquer. Quels sont les saints dont

il aime à entretenir ses fidèles ? C’est d’abord le patron de la paroisse,

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107

saint Ambroise, puis saint Mathieu et saint Louis de France. Pourquoi

ces deux derniers ? Nous n’en savons rien. Puis viennent les dévotions

typiquement canadiennes : la Sainte-Famille, sainte Anne et saint Jean-

Baptiste. M. Cooke ne raffolait pas particulièrement des célébrations de

la Saint-Jean. Devenu évêque des Trois-Rivières, il s’opposa pendant

longtemps à la société St-Jean-Baptiste parce qu’il était convaincu que

les jeux et les représentations qu’elle organisait étaient une occasion de

péché.

Les dévotions secondaires forment environ 10% de la pastorale de

M. Cooke. Le Rosaire tient la première place. Chaque année, le mois

d’octobre compte au moins deux sermons sur ce sujet. Quant au reste, il

se partage en des thèmes aussi divers que le St-Nom de Jésus, l’eau béni­

te et l’invention de la Sainte-Croix.

Il arrive de rares fois que M. Cooke prêche sur des vertus à prati­

quer : charité, persévérance; ou sur des défauts à corriger : médisance,

vanité. Trois fois, il souligne la fête de la Dédicace des églises pour

dire à ses paroissiens le bonheur que les chrétiens ont de posséder des

églises et le respect dont ils doivent les entourer.

En résumé, on peut dire que M. Cooke est bien de son époque et qu’i

ne tranche guère sur son temps. St-Ambroise est une paroisse qui croit

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108

traditionnellement à travers la parole du prêtre qui ne renouvelle guère

sa pastorale d’une année à l’autre. Il est à remarquer combien le curé

de St-Ambroise est fidèle à son sermon du dimanche. IL l’omet une seule

fois dans trois ans. CIest une fidélité qui mérite d’être soulignée.

En 1835, M. Cooke en est à. sa onzième année de ministère à St-

Ambroise. Onze années de travail ardu mais aussi de bonheur intense.

Mgr Signai songe à lui pour la cure des Trois-Rivières. M. le curé

Cadieux est malade et contrarié par quelques-uns de ses paroissiens qui

lui fonLla vie dure. Il songe à sa retraite. L’évêque de Québec fait part

à M. Cooke de son projet de le nommer curé des Trois-Rivières et du Cap

de-la-Madeleine. Il sera en même temps Grand Vicaire pour ce district

et membre de la Corporation du Séminaire de Nicolet. Mgr Signaÿ lui

écrit, le 18 septembre 1835 :

... je ne doute nullement. . . que, vos dispositions à rendre service à l’Eglise, et l’esprit ecclésias­tique qui a toujours animé vos démarches, ne vous fassent faire généreusement le sacrifice qu’exige dans ce moment votre évêque, en même temps qu’il vous témoigne des marques si sensibles de la con­fiance particulière qu’il repose en vous. (23)

23. Mgr Signaÿ à M. Cooke, 18 septembre 1835, AAQ, Correspondance des évêques, registre des Lettres, vol. 17, p. 94.

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109

Le 28 septembre, la nomination officielle arrive. M. Cooke est

donc curé des Trois-Rivières et du Cap-de-la-Madeleine. Mgr Signaÿ

lui promet un curé pour le Cap et ajoute :

J’ai l’espoir bien fondé que vous serez content de votre sort, et que vous n’aurez pas l’occasion de regretter la paix et la tranquillité dont vous jouis­siez au milieu de vos bons paroissiens de St-Am­broise. Pour ma part, je n’ai qu’à me féliciter du choix que j’ai fait de vous pour mon représen­tant dans le district des Trois-Rivières. C’est un choix auquel tout le monde, excepté vous, ap­plaudit. (24)

Le 3 octobre, l’évêque de Québec écrit à M. Cooke pour lui annon­

cer que M. Théophile Fortier sera son successeur à la cure de St-Am­

broise. Il lui parle ensuite de son futur vicaire, l’abbé James Harper.

Mais il y a une complication. Le curé Onésime Leprohon, ayant besoin

d’un assistant, réclame M. Charles Chiniquy, vicaire à St-Roch de Qué­

bec. M. Têtu, curé de St-Roch, ”jette les hauts cris de cette perte pour

sa paroisse où il faisait tant de bien”. En échange, il demande M. Harper

que l’évêque destinait à Trois-Rivières “parce qu’il sait un peu d’anglais".

Mgr Signaÿ tient ferme dans sa décision et M. Harper sera le premier

vicaire de M. Cooke, de 1835 à 1839, année où il périt en mission chez

les Têtes de Boule, dans le Haut St-Maurice.

24. Du même au même 28 septembre 1835, AAQ, Correspondance des évêques, registre des Lettres, vol. 17, p. 117.

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110

Le 5 octobre 1835, M. Cooke signe son dernier acte au registre

de St-Ambroise (25). Voici la liste des actes signés par M. Cooke à la

Jeune-Lorette, de 1824 à 1835 :

Année Baptême s Sépultures Mariage s

1824 71 65 7

1825 86 50 14

1826 87 59 20

1827 102 30 26

1828 86 40 18

1829 109 46 10

1830 107 41 15

1831 116 48 25

1832 137 93 24

1833 91 31 13

1834 90 56 7

1835 75 42 11

1157 601 190 (26)

25. Mariage de Damase Vincent, huron, et de Eléonore Picard, huronne tous deux du Village de Lorette.

26. Registre de St-Ambroi se-de-la-Jeune-Lorette, 1824-1835.

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111

Au début dîoctobre 1835, M. Cooke quittait la Jeune-Lorette avec

sa soeur, Mademoiselle Elisabeth Cooke. U prit immédiatement posses­

sion de son nouveau poste à. la cure des Trois-Rivières. Dès le 9 octo­

bre, on trouve sa signature dans le registre paroissial de cette ville (27).

27. U baptise ce jour Louis-François-Xavier, fils de Louis St-Laurent, journalier, et de Marie Parent.

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C ONC LUSION

C’en est fini du bonheur paisible qu’il goûta à St-Ambroise. Dès

son arrivée aux Trois-Rivières, M. Cooke connaîtra de mesquines tra­

casseries et des embarras de toutes sortes. Pendant 17 ans, il conduira

la barque de la paroisse de l’immaculée-Conception, jusqu’au jour où

l’Eglise, avec la plénitude du sacerdoce, lui conférera le titre de pre­

mier évêque des Trois-Rivières.

Quand John-Thomas Cooke arrivait à Montréal à bord d’un bateau

en provenance d’Irlande, une histoire commençait qui ne fut pas sans len­

demain. Comme nous l’avons vu, l’adolescent ne manquait pas de carac­

tère. Il sut d’ailleurs se frayer un chemin au pays qui deviendra le sien.

Son fils, Thomas, hérita de son ardeur et de son initiative. Il fut

sans doute un enfant comme les autres, possédant un attrait prononcé

pour l’étude, ce qui fut plutôt rare à l’époque. Point d’école alors à la

Pointe-du-Lac. Comment Thomas apprit-il à lire et à compter ?

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113

Sûrement avec l’aide d’un maître ambulant comme il s’en trouvait alors.

A l’âge de douze ans, il prit le chemin de Nicolet pour y faire, grâce à

la générosité du curé Urbain Orfroy de la Pointe-du-Lac, ses études

d’humanités. Thomas suit normalement ses classes et les professeurs

semblent satisfaits de lui.

En 1806, Madame Cooke meurt. Comme aîné de la famille, Thomas

se sentira toute sa vie responsable de ses frères et soeurs. Sa corres­

pondance est claire sur ce point, surtout après la mort de son père en

1808.

Après un an d’études philosophiques au Grand Séminaire de Québec,

il est envoyé, en 1809, comme professeur d’Eléments latins au nouveau

collège de St-Hyacinthe. Nommé procureur, il s’appliquera à préparer

un budget en vue de la construction de ce qu’on appellera le "Vieux Collèg

C’était, sans contredit, des fonctions onéreuses pour un ecclésiastique de

18 ans.

Revenu à Québec en 1811, pour y faire sa théologie et se préparer

à la prêtrise, il enseigne au Petit Séminaire, comme c’était la coutume

pour les clercs des Grands Séminaires. H reçoit, comme émoluments,

$125. 00 par an, somme intéressante pour l’époque.

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114

Prêtre en 1814, M. Cooke est envoyé par Mgr Plessis comme vicai

re et secrétaire de Mgr Panet, à la Rivière-Ouelle. Il fait les écritures

de son curé et travaille activement au ministère paroissial. En plus de

desservir la paroisse, il fait du ministère à. Sainte-Anne-de-la-Pocatière

et à Kamouraska.

Après trois ans, il est nommé aux missions de la Baie des Chaleurs

Il est préparé pour remplir ses nouvelles fonctions : il possède dévoue­

ment, santé robuste, expérience du ministère paroissial. De plus, il a

une bonne connaissance de l’anglais. Cela lui permettra de se faire enten

dre des Acadiens anglicisés, des Anglais et des Ecossais. Quant aux In­

diens, il les confessera et leur enseignera la doctrine chrétienne au moye

d’interprètes. Premier prêtre résidant de la région, il trouvera tout à

faire, même si quelques missionnaires de passage ont déjà travaillé ardtb

ment. A 600 milles de Québec, sa nouvelle paroisse sIétend sur plus de

100 milles.

Au point de vue économique, les gens sont pauvres. La culture des

patates et la pêche au hareng leur donnent de quoi manger. L’argent liqui

de est rare. Dans certains endroits comme à Malcolm’s Chapel (Nelson),

Nipisiguit (Bathurst-Ouest) et Caraquet, l’industrie du bois apporte quel­

ques revenus. Les Anglais et les Américains de Cascapeya et de Carletoi

achètent le bois aux Acadiens.

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115

Le côté intellectuel semble complètement négligé. Une seule fois,

il est question dJun maître d1 école qui ne vint jamais dans la Baie. L*ignc

rance est chose commune et les ”chevaliers de la croix” sont nombreux.

Dans le domaine religieux, les chrétiens manquent dIinformation.

D’où le laisser-aller dans les moeurs et les négligences à s’acquitter de

leurs obligations. Payer la dîme et les dispenses de mariage leur semble

quantité négligeable. M. Cooke use de punitions corporelles et publiques,

selon lTusage du temps, pour donner des leçons de sagesse sinon de vertu.

Il administre les sacrements : il baptise, confesse, marie les chrétiens

et les conduit à. leur dernière demeure. Pendant six ans qui furent pour

lui une sorte d’exil, M. Cooke ne se plaint pas sauf quand sa santé fléchit.

Sa soumission à l’évêque a quelque chose de remarquable. Soumission dé

férente mais non aveugle. En toute franchise, il expose ses problèmes et

ne craint pas de dire ouvertement son sentiment. H se révèle habile bâtis

seur. H fera construire au moins cinq églises : Caraquet, Shippegan,

Pockmouche, Tracadie et Grande-Anse.

Revenu dans la province de Québec en 1823, il est nommé à la cure

de St-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette où il passera onze années de bonheu:

Avec ses soeurs, Anastasie (Nancy) et Elisabeth, il reconstitue une sorte

de foyer familial qui avait manqué aux orphelins de jadis. Les paroissien

sont très unis à leur pasteur. De temps en temps, celui-ci est obligé de

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116

sermonner ses ouailles qui ont un fort penchant pour l*ivrognerie et les

fêtes dansantes.

Le 28 septembre 1835, Mgr Signaÿ lui donne sa nomination pour la

cure des Trois-Rivières. Plus belliqueux que les paroissiens de St-Am­

broise, les Trifluviens feront regretter à leur nouveau curé son ancien

bonheur.

En somme, que fut M. Cooke ? Au physique, ses contemporains

s’accordent à dire qu’il était de taille imposante et conservait habituelle­

ment un air sévère, sauf avec les enfants. Un front large, des yeux pluti

mélancoliques et surmontés dtépais sourcils, un nez d’aristocrate, des

oreilles fines, des joues pleines, la lèvre supérieure forte et avancée, ui

double menton, un cou légèrement engoncé dans des épaules fuyantes :

voilà ltimage que nous ont laissée de lui ses photographies et vieillesse.

Malheureusement, nous n’en avons aucune autre.

Par tempérament, M. Cooke était jovial. Son biographe, Mgr Nap<

léon Caron, P. D. , nous dit de lui, en parlant de ses années d’enfance,

qu’il était ”étrivant” (1). Irlandais bouillant, il passait de la colère vio­

lente au rire sonore, ce qui surprenait un peu ceux qui ne le connaissaier

pas. H aimait la pêche, le chant, le tabac à priser. Aux jeunes prêtres

1. Ce mot signifie : taquin.

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Mgr Thomas Cooke, 1er évêque des Trois-Rivières.

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117

qui fumaient, il disait : "Vous sentez le tabac du diable”. Nous le

voyons tout épanoui après son arrivée à St-Ambroise. C’est une agréa­

ble surprise, accoutumes que nous étions à le suivre dans son austère

correspondance avec les évêques.

Homme d’ordre, il le fut certainement. Nous avons constaté avec

quelle exactitude il faisait les inscriptions aux registres paroissiaux.

Son écriture appliquée dénote même un certain perfectionnisme.

Sur le plan intellectuel, M. Cooke semble ordinaire. Il fit ses étu­

des primaires avec des maîtres itinérants. Aucun plan d’ensemble, au­

cune coordination dans ces études. Le seul but visé était d’apprendre à

l’écolier à lire et à compter pour se tirer d’affaire. Si Thomas put se

familiariser avec les rudiments du latin, c’est grâce au dévouement de

son curé, M. Urbain Orfroy.

Etait-il exceptionnellement doué ? Nous ne le croyons pas. A Nice

let, il suivit ses classes normalement. Nous remarquons qu’en 1805, il

ne fait pas partie des heureux élus qui passent directement de la classe

d’Eléments à celle des Belle s-Lettre s. Comme d’autres de ses compa­

gnons, il doit étudier le latin une année de plus dans la classe de Méthode

En 1808, le directeur du collège de Nicolet, M. Jean-Charles Bédard

dira de lui qu’il est "ingénieux”. Ce qui signifie : plein d’adresse, plein

Page 138: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

118

d’esprit d’invention. Etait-ce le sens que le directeur donnait à ce

mot. ?

Au Grand Séminaire de Québec, Thomas Cooke étudie la philoso­

phie à un moment où cette science cherche sa voie au Canada français.

Essai de retour à la scolastique, période de tâtonnements dont les étu­

diants d’alors furent les victimes. En 1809, il est envoyé comme pro­

fesseur de latin au collège de St-Hyacinthe. Il y restera deux ans. H y

sera de surcroît, procureur de la maison. Peut-il mener de front ses

études et ses nouvelles obligations ?

De retour à Québec en 1811, il étudie la théologie et est maître

de salle. De 1812 à 1814, il continue ses études et professe dans la clas

se de Rhétorique. Eut-il vraiment la possibilité d’approfondir ses con­

naissances ?

A sa sortie du Séminaire, ses chances dans ce domaine ne furent

guère plus grandes. A la Rivière-Ouelle, son cure dira de lui qu’il est

"assez studieux". Dans les missions de la Baie des Chaleurs, éloigné

des centres, sans bibliothèque, parmi des gens illettrés, chargé d’une

tâche qui ne lui donne que très peu de loisirs, il doit se contenter du

minimum sur le plan intellectuel.

Page 139: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

119

Devenu evêque des Trois-Rivières à 60 ans, on sait qu’il laissa

très tôt l’abbe Louis-François Laflèche administrer le diocèse. Un de

ses historiens n’a pas craint d’écrire en parlant de la participation de

l’evêque aux trois premiers conciles provinciaux de lIEglise canadienne:

Nous ne savons quel rôle il a joué pendant ces di­vers conciles; mais nous pouvons dire, sans crain­te de nous tromper qu’il comprenait peu de choses aux questions qui passionnent tant les esprits au­jourd’hui. (2)

En somme, M. Cooke ne fut ni un grand penseur ni un grand intellf

tuel. A part sa correspondance avec les évêques Plessis, Panet et Signî

il ne laissa aucune oeuvre écrite, ses lettres pastorales exceptées. On

se souvient qu’en 1826, il prononça Déloge funèbre de Mgr Plessis, à l’a

niversaire de sa mort. Mais rien ne nous prouve qu’il en fut le véritable

auteur. En 1830, il travailla à la refonte du Rituel romain à la demande

de Mgr Signaÿ. M. Cooke ne fut pas non plus un grand orateur, même s

était doué d’une voix forte et sonore,

... il ignorait ces grands mouvements qui distin­guent les maîtres; dans la pensée et dans l’expres- sion, il n’avait rien d’original ni de saillant, il n’avait rien de commun dans le geste, mais il avait l’éloquence qu’il faut pour faire admirablement l’oeuvre du Seigneur. (3)

2. Mgr Napoléon Caron, Mgr Thomas Cooke, dans L’Opinion Publiqu 1872, p. 253s.

3. Loc. cit.

Page 140: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

120

M. Cooke est entré dans Phistoire de PEglise acadienne et triflu-

vienne. LIélan quxil donna aux missions dTAcadie continua de durer. Le

diocèse actuel de Bathurst lui doit son organisation paroissiale. H sera

pour Trois-Rivières comme dTailleurs pour St-Ambroise, un curé dévoué

et plus tard, un évêque courageux à travers de grandes difficultés et de

pénibles épreuves morales.

Page 141: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

INDEX

A

Acadie39, 50s., 60, 90, 120.

Acadiens49, 55, 76, 78, 79.

Alla in, Louis54.

Allaire, J. -B. -A.X.

Annance, François18.

Audet, Louis-Philippe X, 18n.

B

Badeaux, Joseph24 et n.

Baie-de s-Chaleur s42s., 45, 48n. , 61, 80, 83, 85, 114.

Baie-des-Winds43, 59.

Barry, Mgr T.-F. 66.

Bartibog VIII, 57, 58 et n. , 68, 71, 73, 80.

Bastien, HermasX, 30n.

Bathur stVIII, 43s., 66s.

Beaubien, Jean-Louis28, 30.

Bédard, Jean-Charles25, 27.

Bégin, abbé EmileX.

Berthier18.

Biggar, H. -P.IX, Un.

Biron, HervéX.

Blachall, Rev. J. A.87n.

Blanchet, F. -N.37.

Bossuet99s.

Bou ctouche72.

Bourniquel, CamilleX, 2n. , 5n. , 6n.

Brassard, Louis-Marie16, 20.

Bruchési, JeanX.

Bulletin des recherches historiques nr,x,xT,8LTri2m

Burn, Selby18.

Burnt-Church56, 57n. , 72.

Page 142: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

122

C

Cadieux, abbé108.

Cahiers des Dix (Les)_

Calonne, abbé J. -J. -L. 32 et n. , 46.

Cap-de-la-Madeleine 25, 108.

Caraquet46s. , 54, 63, 69, 73, 85, 88.

Carlow8.

Caron, abbé NapoléonIX, 15n. , 23n. , 31n. , 34n., 38n. , 40n. , 90n. , 119n.

Charlottetown44.

Charon, Les Frères11.

Chatham67.

Chaumonot, R. P. , S. J.91.

Chiniquy, Charles109.

Chipagan49s. , 54s. , 74.

Choquette, abbé C. -P. XI, 33n. , 34n. , 35n.

Clifford, Alexander18.

Coffin, Thomas11.

Cooke, Anastasie94.

Cooke, Elisabeth 22, 111.

Cooke, Jean-Thomas (père) origines, 9; mariage, 13; mort de Madame Cooke, 22s. ;

aux Trois-Rivières et au Cap-d la-Madeleine, 25;mort, 31.

Cooke, Marguerite53s.

Cooke, ThomasVIII;naissance, 13;Nicolet, 20-28;Québec (Grand Séminaire), 29; Saint-Hyacinthe, 34s;Québec (les ordres), 36-38; Rivière-Ouelle, 39-42;Baie-des-Chaleurs, 42ss. , 46n 47n. , 48n. , 49n. , 50n. , 51n. , 53n. ;la grande mission (1819), 55 et 57n. , 59 et n. ;Caraquet (bénédiction de l*églis du nouveau cimetière), 63ss. ; bancs à "totaux”, 65, 66n. , 67. Miramichi, 68n. , 69n. , 71n. , chapelles, 74n. , 75n. ; problèmes de morale,72 et n. , 7 6n. , 79n. ;maladie, 81 ss; voyages à Québec, 83ss. ; mission prolongée d'un an dans Baie, 85n., 86n. , 87n. , 88n. ; Saint -Ambroise-de-la-Jeune-L te, 90ss. ;mariage d’Anastasie Cooke, 94 éloge funèbre de Mgr Plessis, éducation, 101;pastorale, 103ss. ; contre les sacres, 105n. ; Trois-Rivières, 108ss.

Cork8.

Courteau25, 31.

Crevier-Bellerive, Joseph20 et n.

Page 143: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

123

D

Deniers, abbé Jérôme30.

Denaut, Mgr Pierre16, 20.

Désaulniers, M. et Mme Firmin31, 86 et n. , 96.

Desjardins, GeorgesXI, 19n.

Desjardins, abbé Joseph48 et n. , 58, 61s. , 84 et n. , 85n.

Desrosiers, Léo-Paul XI, 12 et n.

Douville, abbé J. -A. -Ir.XI, 17n. , 20n. , 21n.

Dugré, Alexandre, S. J. XI.

E

Ecole sBerthier, 18;Ecole Royale militaire (manuels) 30;loi de 1801, 19; Saint-Ambroise, 191s. ;Saint-François-du-Lac-St-Pierre, 18;Saint-Hyacinthe, 33; Trois-Rivières (école royale),18.

F

Falardeau, Charles 94;

Filles de Jésus 11.

Fortier, Théophile109.

G

Galarneau, Claude XI, 16n.

Gaspé42.

Girouard, abbé Antoine 33.

Godefroy, seigneurs11.

Godin, abbé EdgarX, 66n. , 67n.

Grande-Anse50, 54, 74.

Groulx, Lionel, ptreXI.

H

Harper, abbé James 109.

Hart (moulin des)25.

Hôtel-Dieu de Québec38.

Hubert, Mgr J. F.92.

Hurons91, 94.

I

Ile - du-Prince-Edouard42, 44.

Ile s-de-la-Madeleine43.

Ile - Sainte - Hélène10.

IrlandeIss., 50.

Page 144: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

124

J

Jardin de l’Enfance11.

Joyce, James XI, 4n. , 9 et n.

K

Kamouraska41.

L

Labadie, Louis18.

Labbé, M.31.

Laflèche, abbé Louis-François 119.

Landry, Joseph51.

Laval, Mgr François-de-Montigny29.

Le Bien Public ITn. "

Leblanc, Mgr C. -A.67.

Le Jeune, L., o. m. i.IX.

Leprohon, Onésime109.

Lindsay, Lionel Saint-GeorgesXI.

M

Mac Aechern, Mgr B. -A.44, 70.

Magnan, abbé AntonioXII.

Malcolmrs Chapel58, 59n.

Marcoux, François 102.

Marcoux, Louis28, 30.

Martel, AlexandreXII.

Michaud, Adolphe XII, 42n.

Micmacs50, 71s. , 78.

Miramichi43, 55, 68, 72, 79.

Moncton (diocèse)43.

Montour, Nicolas 11, 24.

N

Néguac IX, 54, 56 et n. , 72.

Nelson58.

Nicolet16s.

NipisiguitVIII, 31, 44, 69s., 72, 76, 80,

Notre-Dame-de-Lie s se41.

Nouveau- Brunswick42.

O

Opinion Publique (L*)VII, 15n. , 23n. , 31n. , 34n. , 3 40n. , 90.

Orfroy, abbé Urbain 15s., 31 et n. , 32, 45, 46n.

Page 145: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

125

P

Panet, Mgr B. -C.VIII, 39, 55, 84 et n., 96, 97 etn.

Panneton, Chanoine GeorgesXII.

Parent, abbé Laurent-Louis40, 42.

Paris, JeanXII, 6n. , 7n.

Paspébiac46.

Petit-Rocher50, 54, 69.

Plessis, Mgr J. O.VIII, 20, 25, 28, 30, 33, 36n. , 37n. , 38n. , 43, 51 et n. , 52n. , 66, 68n. , 74, 77n. , 79n. , 86n. , 91n.

Pockmouche50, 54, 72, 78.

Pointe- du- LacVIII, 10, 25s., 32, 86.

Primeau, C. - J.34.

Provencher, Joseph-Norbert20, 28, 30.

Q

Québeccholéra, 104;procureur de l’évêché (M. Des­jardins), 48;séminaire, 29s., 36s.

R

Racine (les frères)101.

36s.

Revue de l’Université Laval vnriôn.

Rivière - à-la-Croix56.

Rivière-OuelleVI, 39ss.

Roupe, abbé Jean-Baptiste 16, 20, 25.

S

Saint-Ambroise-de-Ja-Jeune - Lorei IX, 89ss.

Saint-Denis, Dominique deXII.

Saint- François-du-Lac-St-Pierre 18.

Saint-Gabriel (seigneurie)91.

Saint-Hyacinthe33.

Saint- Joa chim38.

Saint-Maurice28.

Sainte - Anne - de -la- Po cat iè r e41.

Signaÿ, Mgr JosephVIII, 191, 102 et n., 108 et n., 109 et n.

Soeur Marie-du-RédempteurXI, 12n.

Soeurs Oblates de Béthanie14 et n.

Suite, BenjaminXII, 18 et n.

T

Tanguay, Mgr CyprienXII.

Page 146: INSTITUT DHISTOIRE DE DIPLOME D ETUDES SUPERIEURES h

126

Taylor, Patrick80.

Tessier, abbé Albert XII, 19n.

Têtes de Boule109.

Têtu, Mgr HenriXII.

Thériault, YvonXII.

Totaux (bancs) 65ss.

Tracadie45, 74s.

Trois-Rivières18, 24, 26, 89, 108.

Trudel, MarcelIX, lOn.

U

Ursuline s des; Trois-RivièresIX, 1:3n. , 22n. , 23n. , 25n. ,32n. , 35n. , 36p., 38n. , 43n. ,48n. , 53n. , 62n., 63n. , 75n. ,81n. , 83n. , 84 et n. , 85n. ,91n. , 93n. , 94n. , 95n. , 96n. ,lOOn.

V

Val cartier91.

Viger-Verreau (fonds) 37n.

W

Westminster (parlement) 3.