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1èreES1 - EAF oral - Séq n°3 SEQUENCE N°3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les vivants (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours LA n°7 Incipit : « Ce qu’est le coeur de Simon Limbres (…) quand soudain tout s’est emballé.» p. 11 et 12
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Incipit : « Ce qu’est le cœur de Simon Limbres (…) quand ...

Nov 20, 2021

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1èreES1 - EAF oral - Séq n°3

SEQUENCE N°3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les vivants (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours

LA n°7

Incipit : « Ce qu’est le cœur de Simon Limbres (…) quand soudain tout s’est emballé.» p. 11 et 12

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SEQUENCE N°3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les vivants (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours

LA n°8

« Thomas verse de l’eau dans les verres (…) puisque le « rien » est impensable. » p 125 à 127

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SEQUENCE N°3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les vivants (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours

LA n°9

« -Il est donneur (…) à la transgression de son ouverture. » p 160 à 162

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SEQUENCE N°3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les vivants (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours

Documents complémentaires

ARTICLES DE PRESSE

Doc 1 : Charlotte Pons, Le Point, 22 /01/14

Maylis de Kerangal, au coeur de l'homme

"Réparer les vivants" décrit la chanson de geste qu i va amener le coeur d'un jeune homme de 20 ans à battre dans la poitrine d'u ne femme de 50 ans.

L'histoire débute à 5 h 50 et se termine à 5 h 49 le jour suivant. Et ce n'est pas anodin. Réparer les vivants est un roman de l'urgence ; un roman dont l'écriture prend son temps, ses aises, digresse ; un roman où la parole est pesée - qui doit annoncer la mort, pronostiquer un état de santé ou orchestrer un acte chirurgical ; mais un roman qui raconte un protocole ne souffrant pas de temps morts justement : 5

celui d'une transplantation d'organe. Depuis le décès du donneur potentiel jusqu'à l'opération salvatrice en passant, et ce n'est pas le moindre, par le choix - donner ou ne pas donner ? - de la famille. 5 h 50 donc. Simon Limbres s'éveille. À l'heure où pointe l'aube, le jeune homme et ses deux acolytes - "lycéens d'estuaires qui se rêvent surfeurs planétaires" - seront 10

dans l'océan pour prendre la vague. Au retour, le van percute un poteau de plein fouet. Après la démonstration de vie - "Il prend ce premier ride en poussant un cri, et pour un laps de temps touche un état de grâce" -, la mort. S'enclenche alors un processus rythmé par un tic-tac où chacun a un rôle bien précis à jouer et dont la finalité est de transplanter le coeur - et le foie, et les reins, et les poumons, mais le 15

focus se fera sur le coeur, "boîte noire d'un corps de vingt ans" - de Simon. Processus dont la temporalité entre en collision, là aussi de plein fouet, avec celle de l'annonce aux parents. Pas le temps de s'abandonner à la douleur, encore moins de se familiariser avec elle. Au "Simon est en état de mort cérébrale, il est décédé, il est mort" succède, très 20

vite, trop vite malgré l'empathie, le "nous sommes dans un contexte où il serait possible d'envisager que Simon fasse don de ses organes". Et le compte à rebours de commencer, et chaque acteur de cette chanson de geste de se mettre en branle - la mère, le père, la petite amie, les chirurgiens, l'infirmier coordinateur, l'infirmière, l'agence de biomédecine, la "receveuse"... Il n'est pas de seconds couteaux, chacun 25

est un rouage de cette mécanique qui n'admet aucune erreur et qui amènera le coeur d'un jeune homme de vingt ans à battre dans la poitrine d'une femme de cinquante et un ans. Et c'est aussi ça, Réparer les vivants : un roman de la médecine. Ses prouesses, ses limites, ses miracles, ses exigences, ses soldats. En 2010, Maylis de Kerangal recevait le prix Médicis pour Naissance d'un pont. 30

.Réparer les vivants est de la même veine. D'une écriture jamais clinique mais plutôt cinématographique, qui donne à voir autant qu'à lire, il dit le collectif, fait converger des histoires individuelles le temps d'une histoire inscrite dans quelque chose de bien plus grand : leur humanité.

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Doc 2 : Marine Landrot, Télérama N° 3339, 11/01/201 4

Allers-retours entre la vie et la mort dans un hôpi tal, au fil d'un récit palpitant à l'écriture épidermique.

Simon Limbres. Sans r, il s'appellerait Limbes. Sans air, il est dans les limbes. Un accident de van, après une virée en surf, a laissé le jeune homme mort sur le bitume. Il gît dans une salle de réanimation qui ne mérite pas son nom, puisque l'espoir n'est plus. Quoique. L'histoire montrera que la pensée magique peut prendre mille formes. Et la vie, palpiter de mille façons. 5

A commencer par l'écriture, que Maylis de Kerangal a toujours eue particulièrement belle et endurante. La romancière aime dérouler ses phrases épidermiques et aériennes dans des huis clos rugueux sur fond de décors faussement rédhibitoires : après un chantier autoroutier (Naissance d'un pont), un train post-soviétique (Tangente vers l'Est), elle s'installe dans un hôpital, avec son « sol de patinoire, et ses portes qui battent plusieurs fois 10

dans le vide après chaque passage » comme un coeur incapable de s'arrêter. Une fois de plus, elle impose son sens de l'espace, cocon en construction permanente, où chacun lévite ou se love, erre ou se cache. Elle explore tous les interstices qu'offre l'univers, depuis les vagues de la mer, où s'ébroua le défunt avant sa mort, jusqu'à l'intérieur des corps abîmés par la maladie, le deuil, le travail, et pourtant sources d'inextinguible énergie. 15

Le héros est mort, donc, et les vivants presque sans visage. Pourtant, une vibration intense agite tout le livre, une pulsation cardiaque rythme le texte entier. Les personnages ne sont pas des ombres, ils sont des organismes en vie, tout simplement. D'eux, on ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'ils respirent, ou qu'ils ont respiré, et que le futur leur appartient avec le même mystère impénétrable. Leurs carcasses s'entrechoquent, s'enlacent, se 20

bousculent, se charcutent, elles sont la preuve de leur existence, le siège de leurs émotions, leur raison d'être.

Si les phrases semblent ne pas s'arrêter, si elles s'étirent comme des notes de musique tenues jusqu'à l'impossible, c'est qu'elles sont proférées dans un souffle unique, luttant contre la mort, retardant toujours l'extinction finale. Maylis de Kerangal a inventé la langue du 25

sauvetage, elle pratique l'écriture du massage cardiaque, en vagues énergiques et répétées, jusqu'à l'hyperventilation. Les mots se passent le relais, portés dans des phrases pleines de ramifications comme un circuit veineux, et un roman sanguin trépide sous nos yeux. Un livre promis à circuler de corps en corps, de cerveau en cerveau, porteur de vie.

Doc 3 : Marianne Payot, L’Express ,10/01/ 2014

Maylis de Kerangal : la course du coeur

"Que faire, Maylis ? - Enterrer les morts et répare r les vivants." Ce dialogue imaginaire, inspiré par le Platonov de Tchekhov, Maylis de Kerangal se l'est peu ou prou tenu en 2012. Cette année-là, autour d' elle, les coeurs vacillent, les très proches tombent. Dans la foulée, l'auteur de Naissance d'un pont (prix Médicis en 2010) met de côté le roman en cours et f once.

Pour ressusciter ses morts, elle se fait troubadour et poète. Sa chanson de geste ? Le récit d'un haut fait héroïque du XXIe siècle, les stances d'une course salvatrice,

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les vingt-quatre heures ("une rotation terrestre") qui donnent un sens au drame absolu, bref, l'histoire d'un don d'organes. Réparer les vivants, c'est sous ce titre que la belle Maylis illumine cette rentrée avec l'un de ces livres que l'on aurait aimé écrire 5

tant l'exercice, délicat, voire risqué, sonne juste et vrai.

"L'idée n'est pas que tout soit exact, mais que tout soit vrai" : comme avant-hier pour Naissance d'un pont et hier pour Tangente vers l'est (un huis clos dans le Trans-sibérien), la romancière n'a pas lésiné sur les moyens. Investissement total, résultat imparable. La documentation sur le coma cérébral, le cadre juridique des 10

dons d'organes, etc., est pléthorique.

Elle lit. Les prélèvements se déroulent selon un processus bien précis. Elle interviewe sans fin son frère, chirurgien cardio-thoracique au Val-de-Grâce. Les transplantations cardiaques relèvent d'un ballet miraculeux finement orchestré. Elle tape à la porte du Pr Leprince, le ponte de la Pitié-Salpêtrière. Après deux fausses 15

alertes, la voilà toute une nuit spectatrice muette d'une greffe cardiaque. Le coeur qui repart à 5 heures du matin, l'émotion de la vie.

Entre les prélèvements et la greffe, il y a cette chaîne, huilée à souhait, l'Agence de la biomédecine, les registres des attentes, les listes prioritaires nationales... et, en son centre, l'infirmier coordinateur. Elle rencontre l'homme clef. 20

Mais que serait toute cette science s'il n'y avait la patte de la romancière, la chorégraphie de la metteuse en mots, l'humanité de la fille d'un marin du Havre, l'empathie de la mère de famille?

C'est sur le rythme "feuilletonesque" d'un 24 Heures chrono, d'un Urgences ou d'un Body of Proof que Maylis de Kerangal déroule son intrigue. 5h50, Le Havre, un 25

dimanche matin d'hiver, Simon, 20 ans, part surfer avec trois copains une jolie houle au large des Petites Dalles. Sur la route du retour, leur van percute un poteau. A 10h12, Pierre Révol, l'anesthésiste de garde, réceptionne Simon en coma aréactif. Lésions irréversibles. A ces mots, Marianne, la mère de Simon, transperce "la membrane fragile qui sépare les heureux des damnés". 30

Dérive sidérale, royaume des ombres... Bientôt entre dans la ronde Thomas Rémige, l'infirmier coordinateur. C'est lui qui va peser chaque mot, doser chaque regard pour évoquer la possibilité d'un don d'organes (coeur, poumons, reins, foie). Maylis de Kerangal se fait démiurge : nous sommes Thomas, jonglant avec l'indicible, comme nous sommes ce couple chancelant face au fatum. Nous serons également Claire 35

Méjean, la cinquantenaire au coeur malade, et le Pr Hafang, grand spécialiste des greffes cardiaques...

Autant de maillons, autant de personnages brossés avec doigté. A 4heures et quelques du matin, le nouveau coeur de Claire Méjean se met à battre, tandis que Simon est propulsé "dans un espace post-mortem que la mort n'atteint plus, celui de 40

la gloire immortelle, celui des mythographies, celui du chant et de l'écriture". Maylis de Kerangal, elle, a réparé ses morts.

Doc 4 : Astrid de Larminat , Le Figaro, le 15/01/20 14

Dans son livre, Maylis de Kerangal parle des derniè res heures d'un jeune garçon à qui on prend son cœur pour le greffer sur un autre.

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Il est 5 h 50 au Havre quand le réveil de Simon sonne. Il a rendez-vous avec ses amis surfeurs; une vague phénoménale est annoncée sur la côte. À 5 h 50, le lendemain matin, à l'hôpital de la Pitié à Paris, son cœur se remet à battre dans la poitrine d'une femme de cinquante ans, Claire, atteinte de myocardite. Le roman tient dans ces vingt-quatre heures, le temps resserré des grandes tragédies. 5

La scène d'ouverture, époustouflante, décrit le jour qui se lève sur la plage et les jeunes gens qui entrent dans l'eau, le cœur battant de terreur et de désir, puis se dressent, minuscules, sur l'«onde venue de l'océan, archaïque et parfaite». À 9 h 20, le Samu arrive sur les lieux de l'accident.

Entre deux chapitres centrés sur le drame, la romancière laisse le lecteur reprendre son 10

souffle et présente le chœur de personnages qui va entourer Simon ce jour-là. Avant que la mère du garçon n'arrive à l'hôpital, elle campe le portrait en situation du médecin de garde. Puis celui de l'infirmière, Cordélia, vingt-cinq ans, qui relève d'une nuit blanche et qui, toute la journée, aura le cœur rivé à son téléphone: va-t-il rappeler ou non, son insaisissable amant ? Voilà à quoi Cordélia pense en changeant la perfusion de Simon, tandis que 15

Marianne, la mère du jeune homme, entre dans la chambre où repose son fils dont on a tenté de lui faire comprendre qu'il était mort sans encore prononcer le mot. Il est mort, et pourtant, bouleversant alexandrin, «sa peau est chaude encore et c'est bien son odeur». Oui, selon les critères légaux, ceux de l'électro-encéphalogramme, Simon est mort, mais son cœur, aidé par la machine, bat. Depuis 1959, ce n'est plus l'arrêt du cœur qui signe le 20

décès, «révolution philosophique inouïe», note Maylis de Kerangal.

Fin de l'acte I, début de l'acte II: l'action s'accélère. La procédure réglementaire s'enclenche. Entre en scène l'infirmier coordinateur des prélèvements d'organe, qui doit demander aux parents sidérés de douleur s'ils acceptent qu'on enlève au corps de Simon son cœur, son 25

foie, ses reins, ses poumons, sa cornée. L'écriture de Maylis de Kerangal est rapide, ultra-précise, concentrée sur l'exactitude des faits, des sentiments, comme si elle voulait ne pas laisser l'émotion déborder et brouiller son jugement. N'empêche, à ce moment-là, à l'instant de décider si l'on va profaner un corps vivant, une sorte d'effroi sacré s'empare du texte. Maylis de Kerangal, en bonne romancière, se garde de donner des réponses aux questions 30

capitales que pose le prélèvement d'organe; mais elle les soulève avec une acuité terrible. Une évidence s'impose à la lecture: l'homme n'est pas un pur esprit, le corps, c'est aussi de l'âme.

Branle-bas de combat 35

Acte III: branle-bas de combat. À Strasbourg, Rouen, Lyon, Paris, huit chirurgiens sautent dans un avion, direction Le Havre pour recueillir les organes de Simon. Le récit prend dès lors une ampleur mythologique. La scène qui se déroule ensuite au bloc opératoire a l'étrange beauté d'une liturgie sacrificielle. Elle s'achèvera tard dans la nuit, quand l'heure sera venue de restaurer le corps, de le consoler, par un chant puissant comme une action de 40

grâce. En attendant, les médecins se relaient pour disséquer le corps de Simon. Puis, juste avant qu'on n'arrête son cœur, l'infirmier coordinateur s'approche de son oreille, lui murmure un message de la part de ses parents. «Et pourtant, songe Cordélia, il était déjà mort, n'est-ce pas?»

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SEQUENCE N° 3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les vivants (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours

Documents complémentaires : HDA - Frida Kahlo (1907-1954)

La Colonne brisée (1944) Les deux Frida (1959)

REMBRANDT, La Leçon d'anatomie du docteur Tulp (1632)

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SEQUENCE N°3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les vivants (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours

Documents complémentaires : Langues et cultures de l’Antiquité

Voici un extrait de roman latin qui raconte un « miracle » de la médecine romaine

Apollonius, roi de Tyr, fuit les hommes du roi d'Antioche qui veulent le tuer. Après avoir perdu tous ses biens dans un naufrage, il est recueilli par le roi de Cyrène, qui le charge d'instruire sa fille. La princesse tombe bientôt amoureuse de son maître. Le roi, qui apprécie beaucoup le jeune homme, consent à les unir. Après leur mariage, alors que la princesse est enceinte, Apollonius apprend la mort du roi d'Antioche et de sa fille. Tyr, son pays, l'attend. Avec la permission du roi de Cyrène, le couple s'embarque pour Tyr. Au milieu de la traversée, la princesse meurt en donnant la vie à une fille.

Pleurant les larmes les plus amères, il fit mettre le cercueil sur la mer. Deux jours plus tard, les flots rejetèrent le cercueil : il aborda au rivage d'Ephèse, non loin de la propriété d'un médecin qui ce jour là, se promenant le long du rivage avec ses élèves, vit le cercueil déposé par les flots qui s'étaient retirés, et dit à ses serviteurs : «Prenez ce cercueil et portez-le à la maison avec tout le soin possible !»

Lorsque les serviteurs l'eurent fait, le médecin s'empressa d'ouvrir le cercueil, vit la jeune fille ornée des ornements royaux, merveilleusement belle et gisant dans une fausse mort, et dit : «Que de larmes cette jeune fille a dû causer à ses parents !». Et voyant soudain de l'argent placé près de sa tête, et dessous des tablettes écrites, il dit : «Essayons de savoir ce que désire ou demande la douleur.»

Il ouvrit les tablettes, et y lut ceci : «Quiconque aura trouvé ce cercueil et les vingt sesterces d'or qu'il contient, je demande qu'il garde dix sesterces pour lui, et qu'il en dépense dix pour les funérailles. Car ce corps nous a laissé bien des larmes et les douleurs les plus amères. S'il fait autrement que ne le demande notre douleur, qu'il devienne le dernier des siens, et qu'il n'y ait personne qui donne une sépulture à son corps.»

Lorsqu'il eut lu les tablettes, il dit à ses serviteurs : «Qu'on fasse pour ce corps ce que commande la douleur ! Car j'ai juré sur l'espoir de ma vie que je dépenserais pour ces funérailles plus que ne le demande la douleur.» Et disant cela, il fait aussitôt dresser le bûcher.

Mais tandis qu'on bâtit le bûcher avec soin et amour, survient un élève du médecin, jeune d'aspect, mais vieillard par l'intelligence. Lorsqu'il eut vu qu'on plaçait ce beau corps sur un bûcher, il regarda son maître et dit : «D'où viennent ces étranges funérailles ?» Son maître lui dit : «C'est bien que tu sois venu, car tu arrives au bon moment. Prends ce flacon de parfum, et verses-en le reste sur cette jeune fille défunte.»

Alors le jeune homme prit le flacon de parfum, s'approcha du lit de la jeune fille et écarta le vêtement de sa poitrine ; il versa le parfum et examina tous ses membres d'une main attentive, et il resta attentif au repos de son sein tranquille. Le jeune homme fut stupéfait lorsqu'il s'aperçut que la jeune fille était plongée dans une fausse mort. Il palpe les pouls, scrute l'haleine aux narines ; il éprouve [la souplesse

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de] ses lèvres avec ses propres lèvres ; il sent que la vie de celle qui respire faiblement lutte avec la perfide mort, et dit : «Placez des réchauds aux quatre parties.» Lorsque ce fut fait, il tente de ranimer les mains engourdies par le feu qui a été allumé au-dessous, et ce sang, qui avait été coagulé, se liquéfie grâce à l'effet du parfum.

Historia Apollonii regis Tyrii, roman latin du VIème siècle

Des remèdes fantaisistes

Le manuel d'agriculture de Caton l'ancien (234-149) donne une incantation magique pour guérir les luxations et fractures.

Si l'on a une luxation, cette incantation la guérira : prenez un roseau vert de quatre ou cinq pieds de long, fendez-le par le milieu, et que deux hommes les tiennent contre leur hanche.

Commencez à chanter : "motas uaeta daries dardares astataries dissunapiter" jusqu'à ce qu'ils se réunissent.

Agitez une épée par dessus. Lorsque les roseaux se rencontreront et se toucheront l'un l'autre, prenez-le avec la main droite, et coupez-le avec la gauche ; liez-le à la luxation ou à la fracture, et elle guérira. Et si tu veux, tu chanteras chaque jour quand même au blessé de cette manière : "huat haut haut istasis tarsis ardannabou dannaustra".

Caton, De L'Agriculture, 160, 1.

Le point de vue des romains sur les médecins

Jusqu'à récemment, Diaulus était un médecin, maintenant il est croque-mort. Ce qu'il fait en tant que croque-mort, il le faisait aussi en tant que médecin (1.47)

Tu es maintenant gladiateur, tu étais avant ophtalmologue. Tu as fait en tant que médecin ce que tu fais en tant que gladiateur (8.74)

J'étais indisposé : mais tu vins à moi sur le champ ô Symmachus, accompagné par cent disciples.

Cent mains glacées par l'Aquilon me touchèrent :

Je n'avais pas la fièvre, Symmachus, maintenant je l'ai. (5.9)

Martial, Epigrammes

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SEQUENCE N°3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les viva nts (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours Document complémentaire : corpus sur la mort du personnage Question : Comparez la manière dont la mort du personnage est représentée dans ces trois extraits. Doc 1 : Chateaubriand, Atala , 1801 Doc 2 : Zola, Nana, 1880 Doc 3 : Maylis de kérangal, Réparer les vivants, 2014 (P 282 et 283 de « le corps de Simon est creux « à « technologique » )

Doc 1 : La jeune Atala, amoureuse de l’indien Chactas, s’est suicidée pour respecter le vœu fait à sa mère de rester vierge et chrétienne. Chactas et un vieil ermite enterrent la jeune fille.

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Vers le soir, nous transportâmes ses précieux restes à une ouverture de la grotte qui donnait vers le nord. L'ermite les avait roulés dans une pièce de lin d'Europe, filé par sa mère : c'était le seul bien qui lui restât de sa patrie, et depuis longtemps il le destinait à son propre tombeau. Atala était couchée sur un gazon de sensitives des montagnes ; ses pieds, sa tête, ses épaules et une partie de son sein étaient découverts. On voyait dans ses cheveux une fleur de magnolia fanée… celle-là même que j'avais déposée sur le lit de la vierge pour la rendre féconde. Ses lèvres, comme un bouton de rose cueilli depuis deux matins, semblaient languir et sourire. Dans ses joues, d'une blancheur éclatante, on distinguait quelques veines bleues. Ses beaux yeux étaient fermés, ses pieds modestes étaient joints, et ses mains d'albâtre1 pressaient sur son cœur un crucifix d'ébène2 ; le scapulaire3 de ses vœux était passé à son cou. Elle paraissait enchantée par l'Ange de la mélancolie et par le double sommeil de l'innocence et de la tombe : je n'ai rien vu de plus céleste. Quiconque eût ignoré que cette jeune fille avait joui de la lumière aurait pu la prendre pour la statue de la Virginité endormie. 1. Albâtre : Matière précieuse blanche 2. Ebène : Bois noir 3. Scapulaire : Carré d’étoffe bénite

Doc 2 : La fin du roman est aussi la fin de Nana : la prostituée meurt ravagée par la vérole, une maladie très contagieuse. Ses anciennes amies sont venues la voir

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Le cadavre commençait à empoisonner la chambre. Ce fut une panique, après une longue insouciance. « Filons, filons, mes petites chattes, répétait Gaga. Ce n'est pas sain. » Elles sortaient vivement, en jetant un regard sur le lit. Mais, comme Lucy, Blanche et Caroline étaient encore là, Rose donna un dernier coup d'œil pour laisser la pièce en ordre. Elle tira un rideau devant la fenêtre; puis, elle songea que cette lampe n'était pas convenable, il fallait un cierge; et, après avoir allumé l'un des flambeaux de cuivre de la cheminée, elle le posa sur la table de nuit, à côté du corps : Une lumière vive éclaira brusquement le visage de la morte. Ce fut une horreur. Toutes frémirent et se sauvèrent. « Ah ! Elle est changée, elle est changée», murmurait Rose Mignon, demeurée la dernière. Elle partit, elle ferma la porte. Nana restait seule, la face en l'air, dans la clarté de la bougie. C'était un charnier, un tas d'humeur et de sang, une pelletée de chair corrompue, jetée là, sur un coussin. Les pustules avaient envahi la figure entière, un

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bouton touchant l'autre ; et, flétries, affaissées, d'un aspect grisâtre de boue, elles semblaient déjà une moisissure de la terre, sur cette bouillie informe, où l’on ne retrouvait plus les traits. Un œil, celui de gauche, avait complètement sombré dans le bouillonnement de la purulence2 ; l'autre, à demi ouvert, s'enfonçait, comme un trou noir et gâté. Le nez suppurait encore. Toute une croûte rougeâtre partait d'une joue, envahissait la bouche, qu'elle tirait dans un rire abominable. Et, sur ce masque horrible et grotesque du néant, les cheveux, les beaux cheveux, gardant leur flambée de soleil, coulaient en un ruissellement d'or. Vénus se décomposait. Il semblait que le virus pris par elle dans les ruisseaux3, sur les charognes tolérées4, ce ferment dont elle avait empoisonné un peuple, venait de lui remonter au visage et l'avait pourri. 1. Humeur : Liquide organique 2. Purulence : Pus 3. Ruisseaux : Caniveaux 4 .Les charognes tolérées : La prostitution

Doc 3 :

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SEQUENCE N°3 : Maylis de KERANGAL, Réparer les vivants (2014) Objet d’étude : Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours

Document complémentaire : corpus sur des opérations chirurgicales

Texte A : Flaubert, Madame Bovary, 1857

Texte B : Zola, La débâcle, 1892

Texte C : Maylis de Kérangal, Réparer les vivants, 2014

I- Après avoir lu tous les textes du corpus, vous répondrez aux questions suivantes de façon

organisée et synthétique

1. Ces scènes de roman vous paraissent-elles réalistes ?

2. Quelle image du médecin proposent ces trois extraits ?

Texte A : Flaubert, Madame Bovary, 1857 Charles Bovary, médiocre officier de santé dans un bourg normand, est poussé à opérer le pied-bot d’Hippolyte, garçon d’écurie à l’auberge du Lion d’or. Emma, qui méprise le manque d’envergure de son mari, y voit le moyen d’accroître « sa réputation et sa fortune ».

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