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Morale.
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L'ANTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE Author(s): M. Guroult
Source: Revue de Mtaphysique et de Morale, T. 27, No. 2 (Avril
1920), pp. 181-224Published by: Presses Universitaires de
FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40895616Accessed:
08-06-2015 11:29 UTC
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L'ANTIDOGMATISME DE RANT ET DE FICHTE
C'est une ide matresse qui se produit et qui s'tablit dsormais
comme une force la fois de com- binaison et d'expansion au centre
de l'uvre kantienne : c'est l'ide que la raison, la raison
souveraine est pour nous acte et non reprsenta- tion.... (Delbos,
La philosophie pra- tique de Kant, p. 245.)
Dans son combat contre le dogmatisme, Fichte dclare s'inspirer
du Kantisme : pour lui, Kant a rvl l'homme son essence pra- tique,
il a lev son Moi au-dessus de la Nature, et fait de la libert de ce
Moi le fondement de toute chose. Ainsi, en partant de cette libert,
pour donner la gense des choses, Fichte achve la ruine du
dogmatisme, et donne, en mme temps, la philosophie transcendantale
, l'organisation systmatique conforme son essence.
Mais, pour Kant, ce qui distingue, avant tout, la Critique du
Dogmatisme , c'est l'abme qui spare le phnomne de la chose en soi,
l'hiatus infranchissable entre la Nature et la Libert, l'im-
puissance spculative de la Raison connatre le principe de toute
chose. - Au contraire, l'originalit de Fichte consiste rejeter la
chose en soi, supprimer l'infranchissable hiatus entre la Nature et
la Libert, prtendre connatre speculati vement le premier prin-
cipe, c'est--dire opposer la notion modeste de la Critique ,
l'ambitieuse formule de la Gense . Il n'est donc pas tonnant que
Kant, Fichte, ou leurs disciples respectifs, se rejettent mutuel-
lement l'accusation de dogmatisme.
En effet, prtendre connatre la nature des choses, unir par la
continuit le phnomwe et la substance, n'est-ce point l'erreur
dnonce par Kernt, chez Leibniz? - D'autre part, croire la ra- lit
d'une chose en soi, qui, place comme Absolu, dtruit toute
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182 itEVUE DE MTAPHYSIQUE K DE MORALE.
libert humaine vritable, n'est-ce point, chez Leibniz, chez Spi-
noza surtout, l'erreur dnonce par Fichte?
Bien mieux, cet hiatus entre la Nature et la Libert qu'on aime
avant tout opposer aux conceptions dogmatiques, n'est-il pas lui-
mme, dans la doctrine de Kant, un nouvel effet de cet esprit dog-
matique? L'erreur de Leibniz, aurait dit Kant, et celle des dogma-
tiques en gnral, est d'avoir pris les concepts de ncessit et de
libert tout objectivs, sans critique, pour les mettre en rapport
in. abstracto, en dehors de leur usage dans le sujet. Or,
l'affirmation absolue de la chose en soi, et l sparation absolue de
la Nature et ie la Libert, tout comme l'affirmation leibnizienne
d'une essence objective, d'une monade ayant une ralit en soi,
n'est-elle pas le rsultat d'une objectivation que, dans l'ignorance
de toute Gense , on pose arbitrairement comme originaire? Sans
doute Kant a-t-il voulu tablir le rapport de la Nature et de la
Libert, non in abstracto, mais du point de vue des facults du sujet
et de leur usage, - au moyen d'une critique; seulement les limites
dela Cri- tique lui ont interdit la Gense, seule capable de rvler
l'essence de ce rapport. Tout au plus la Critique laisse-t-elle le
champ libre pour une hypothse concernant leur origine commune h
partir d'un principe unique. Mais la Gense seule est capable
d'effacer cette trace de dogmatisme, en nous faisant pntrer jusqu'
la force objectivante du Moi, qui projette d'un cot Veffet, de
l'autre son principe comme en soi .
Ainsi, la distinction de la chose en soi et du phnomne, sous la
forme nouvelle dont Kant s'enorgueillit l'gard du dogmatisme, n'est
qu'un nouvel aspect du dogmatisme. La chose en soi, en effet, est
affirme comme absolue, aux dpens de cette activit souve- raine du
Moi qui en est la source.
Kant et Fichte auraient-ils du dogmatisme de leurs prcdesseurs
des conceptions si diffrentes que, tous deux s'opposant aux mmes
doctrines, l'un en conserverait prcisment ce que l'autre
rejette?
En vrit, l'opposition est surtout apparente. L'antidogmatisme de
Kant et celui de Fichte se rvlent bien identiques dans leur esprit
: ce qu'ils affirment tous les deux, en face du dogmatisme, c'est
l'absoluit de l'acte du sujet, auquel ils subordonnent l'objet.
Pour eux, l'activit du sujet n'est pas seulement un simple point de
dpart pour la spculation, un fondement idal, mais un pre- mier
principe, un fondement rel. L'un et l'autre s'accordent pour
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M. GUROULT. - l'aNTIDOGMATISME DE KANT Ei DE FICHTE. 183
restituer la Libert du sujet son caractre spcifiquement humain
d'agilit intelligente , pour sacrifier cette Libert pure, soit le
mcanisme de la Nature, soit l'immobilit de l'tre. L'un et l'autre
donc s'opposent au dogmatisme de la spontanit, de 1' automa- tisme
spirituel , de la causa sui qui, se servant du concept d'une libert
comparative, sacrifie en fait l'agilit intelligente au mcanisme de
la Nature.
Le premier objet de notre tude sera donc de montrer qu'en dpit
des diffrences extrieures, le concept de* la Libert est foncire-
ment et originairement identique chez Kant et chez Fichte ( I).
Notre tche consistera ensuite faire voir que, malgr leur diver-
sit, les moyens se correspondent, - que l'affirmation de la chose
en soi, chez Kant, revient nier la chosit , c'est--dire posr la
condition qui permet de faire de cette libert conue comme agilit
intelligente , le fondement de toutes les choses, - et d'instituer
le principe de l'Autonomie d'o procde directement le Moi pur
fichten ( II).
En troisime lieu, nous verrons comment l'autonomie de la Libert,
aprs s'tre rvle, manifeste, dans le Kantisme lui-mme, une puissance
de principe comparable, dans une certaine mesure, celle du
Devoir-tre (Sollen) dans la W.-L. 1 ( III).
I. - Concept de Libert.
Malgr les diffrences de mthode, le Kantisme aboutit poser le
problme gnral de la philosophie dans les termes o la W.-L. le
posera elle-mme; or, l'analogie dans les termes implique dj
l'analogie dans les solutions, c'est--dire l'identit du concept de
la Libert dans les deux systmes, et par consquent l'identit spcu-
lative de leur antidogmatisme.
En effet, l'un et l'autre instituent, en une sorte de
dtermination rciproque, les deux modes de causalit qui dterminent
chacun Tun des deux domaines de la philosophie tout entire ; la
causalit de l'objet sur le sujet pour le domaine thorique, la
causalit du sujet sur l'objet pour le domaine pratique. L'un et
l'autre font de l'lment purement pratique, c'est--dire de la
Libert, le principe vritable qui assure la correspondance et l'unit
de ces deux
1. W.-L. : abrviation usite par Fichte et dsignant la
Wissenschaftslehre.
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184 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
domaines : La diffrence entre les lois d'une Nature laquelle la
Volont est soumise, et celtes d'une Nature soumise la Volont, -
crit Kant dans la Critique de la Raison pratique, - est que, dans
la premire, les objets doivent tre la cause des reprsentations qui
dterminent la Volont, tandis que, dans la seconde, la Volont doit
tre la cause des objets, si bien que la causalit de la Volont a un
principe dterminant exclusivement dans la facult de Raison pure
qui, pour ce motif, peut tre appele Raison pure pratique. De l
naissent pour Kant deux problmes diffrents : Io comment la Raison
peut-elle, d'une part, -connatre a priori les objets; 2 com- ment,
d'autre part, peut-elle tre immdiatement un principe dter- minant
de la Volont *.
Fichte dtermine le problme d'une faon analogue2 : l'accord de
nos reprsentations avec des objets indpendants qui en sont la cause
- tel est le problme de la philosophie thorique; l'accord des
objets avec nos reprsentations qui en sont la cause, - tel est le
problme de la philosophie pratique. D'un ct, le concept dpend de la
chose : Nachbild , copie; de l'autre, la chose dpend du concept :
Vorbild , concept de fin.
Ainsi Kant entend bien la praticit dans le mme sens que Fichte,
comme un pouvoir de la Raison d'engendrer par un concept de fin
(Vorbild), la reprsentation d'un objet existant (Nachbild) :
Vorbild wird Nachbild ; en mme temps, il dcouvre que si la Raison
doit tre vritablement pratique, le Vorbild doit tre vritablement et
absolument premier, c'est--dire antrieur tout Nachbild , - et pour
cela, ne pas dpendre lui-mme, ne ft-ce que d'une faon lointaine ou
indirecte, d'un Nachbild quel- conque. S'il en tait ainsi, en
effet, le principe de la causalit du concept serait lui-mme engendr
par la causalit de la nature, c'est--dire par la succession des
Nachbilder ; cette causalit du concept n'aurait donc alors, en
fait, aucun pouvoir, et serait, comme telle, une ((illusion3. Aussi
le problme consiste-t-il, enfin de compte, savoir comment la Raison
peut forger indpendamment de toute perception sensible (Nachbild),
une fin (Vorbild) ayant par son indpendance originaire l'gard du
sensible,
- une
1. Kant, Cri, de la Raison prat.t dition Cassirer, p. 51. 2.
Fichte, Sittenlehre, Einleitung, p. dyt>, meiner. 3. Kant, Crit.
Rais, prat., ibid. et aussi S 5, P- ** ^ ru- at Ul nai0< ^"'c'
cu*
Kehrbach, p. 435-446.
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M. GROULT. - l'aNTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 18^
causalit vritable sur le monde, - bref,- comment la Raison peut
se donner elle-mme, par elle-mme, une fin ( Vorbild), autrement dit
tre elle-mme immdiatement un principe dterminant de la Volont.
Dans cette position du problme se manifeste donc un antidogma-
tisme kantien identique l'antidogmatisme de Fichte : en effet,
notre raison n'est pas simple connaissance de ce qui produit de soi
l'existence, mais est elle-mme source de l'acte qui engendre les
existences; puissance vraiment libre, elle n'est pas la causalit
interne d'une essence dtermine une fois pour toutes, mais elle
dtermine en toute libert le concept d'aprs lequel elle produit des
existences.
D'autre part, malgr les diffrences de mthode, la Critique
s'oriente vers une Gense, elle tend vers le principe unique qui
rend compte de toute la ralit. Certes, comme le remarque Fichter
elle donne encore de la Libert une dfinition nominale et d'appa-
rence dogmatique, en la caractrisant comme la facult de com- mencer
absolument un tat ; mais elle en donne aussi, la vrit, une
dfinition gntique, en se posant la question du Comment : Comment
{wie) la Raison peut-elle tre immdiatement principe dterminant de
la Volont?. Elle recherche le Vorbild originaire qui explique de
quelle faon (wie) cette facult de commencer abso- lument un tat est
en ralit possible; en accord avec les exigences de la 'V.-L.y elle
rattache la Libert, indpendante du sensible, un Concept (Vorbild)
qui domine toujours le sensible et c'est cette dtermination par un
concept pur qui explique comment la Libert peut se manifester comme
pouvoir efficace. La Libert vraie est donc instaure la place du
concept hybride dogmatique de Spon- tanit; de mme qu'elle devient
chez Kant1 la cl de vote du systme de la Raison, tant spculative
que pratique , de mme elle devient chez Fichte, l'unique principe
positif d'o sortent le monde sensible et la moralit.
C'est donc vers le concept d'Autonomie qu'il faut se tourner,
pofcr saisir en acte, dans la manifestation originale de la Libert,
l'esprit antidogmatique qui inspire la fois l'uvre de Kant et celle
de Fichte. Mais, si le concept d'Autonomie est la solution du
problme
1. Kant, Cri t. Rais, prat.. Prface, p. 4.
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186 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
tel qu'il a -t prcdemment pos, - il est, en mme temps, le terme
du dveloppement subi par la pense kantienne, - la dcouverte qui
achve toute sa recherche spculative. C'est seule- ment en se plaant
au point de dpart 4e cet^e recherche, pour la suivre jusqu' son
achvement, que Ton pourra pntrer l'essence vritable de l'Autonomie,
et saisir l'identit interne des deux anti- dogmatismes.
C'est dans la Critique de la Raison pure (lre dition) que se
trouve le point de dpart spculatif de la recherche: l se
rencontrent, pour la premire fois, la mthode critique compltement
constitue, avec le problme de la moralit. Le problme pratique1 est
alors jug comme tranger la Philosophie transcendantale qui ne
s'occupe que des connaissances pures a priori, et la Libert est
donne seu- lement par l'exprience. Cette Libert, qui n'est
nullement altre par un effort quelconque de rationalisation, est
bien la Libert par excellence, le libre arbitre humain; c'est elle,
et non une autre, qui, dans la suite, est rattache, grce un
principe synthtique a priori - rvlant une lgislation pure pratique
de la raison, - au systme de la Philosophie transcendantale, pour
tre authentifie par elle. En prenant comme point de dpart cette
Libert, dont il exagre plutt le caractre de subjectivit et
d'irrationalit, Kant subit l'influence de Rousseau, et se trouve en
complte opposition avec la notion dogmatique de la spontanit.
Comment la recherche va-t-elle se poursuivre maintenant?
En partant de cette libert empiriquement constate, le problme se
pose dans les termes suivants : si une libre causalit de la Volont
surla Nature n'est pas une illusion, alors le concept qui sert de
principe dterminant cette Volont, dans sa causalit sur la Nature,
ne doit absolument pas provenir de la Nature : autrement, il n'y
aurait pas d'action libre, mais une simple action de la Nature sur
la Nature2. Le point de dpart de la recherche (A) est donc un fait
: la constatation d'une libert pratique, c'est--dire d'une cer-
taine causalit de notre Volont 3. D'autre part, l'objet de la
recherche (B), une fois celui-ci dfini, est encore un fait :
existe-t-il, oui ou non, une Raison pure pratique 4,un concept pur,
dterminant a priori la Volont?
1. Kant, Crit.Rais. pure, mthodologie, p. 607, note, d.
Kehrbach. 2. Kant, Cri t. Rais, pure, p. 609. 3. Ibid. 4. Kant,
Crit. Rais, prat., p. 3.
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M. GUROULT. - l'aNTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 187
Quels sont, par rapport l'Antidogmatisme, la signification et le
rapport de ces deux faits? Il s'agit de montrer que le caractre de
fait provenant de la Libert subjective et empirique est le mme qui,
transpos, se retrouve da-ns l'Autonomie, pour exprimer la
contingence de la Raison; ainsi est rationalise la Subjectivit
libre, et pourra se poser, dans la suite, le concept de Moi absolu,
la fois rationnel et antidogmatique. Le fait empirique de la Libert
considr par Kant au point de dpart de sa recherche, diffre radi-
calement du fait de la Raison auquel on aboutit; l'volution con-
tinue de la doctrine fait apparatre entre eux le lien que dissimule
la doctrine pleinement constitue. - Dans un premier effort (A),
Kant s'efforce de rduire l'unit ces deux lments disparates : l'Ide
de libert et la libert empiriquement constate. Le fait exprime
alors de moins en moins le donn empirique, de plus en plus
l'essence interne de la Libert : une contingence qui se pose comme
un fait. L'Ide de libert transcendantale rend possible
l'affirmation de cet acte contingent qui se dtermine bientt comme
contingence de la Raison. - Dans un second effort (B), Kant s'lve
au concept d'Autonomie. Le fait est rsultat d'un acte contingent de
la Raison, il est saisi dans la causalit d'une maxime quel- conque.
Or, si cette maxime est libre et rationnelle, non seulement par la
forme comme toute maxime, mais par le contenu, elle est
essentiellement un fait de la Raison : elle n'offre plus rien
d'empi- rique. Le caractre de fait exprime moins ce qu'il y a
d'impn- trable dans l'acte par lequel se rvle la ralit
transcendante, que ce qu'il y a de contingent dans l'acte d'une
Libert; de mme la Libert empirique tait moins un fait cause de son
caractre empirique que par la contingence qui en constituait la
nature.
tudions successivement ces deux efforts. A. - En tant
qu'empirique, le fait de la Libert marque seule-
ment que celle-ci est donne; loin d'tre l'indice d'une spontanit
cratrice de la Raison, de la contingence d'un libre arbitre, il
marque plutt, comme tout donn empirique, une contingence l'gard de
la Raison elle-mme, - si bien que, selon la conception antcritique
prsente encore dans la Mthodologie, la libert pra- tique apparat
comme htrogne la Raison; de l rsulte l'exclu- sion, signale plus
haut, de la morale hors de la sphre de la phi- losophie
transcendantale. Mais, la tendance de Kant tant d'unir en un systme
rationnel la moralit et la nature, la libert pratique
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i&8 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
empirique doit finalement se rationaliser sous l'influence de
l'Ide d'une libert tran seen dan taie : le fait empirique de la
Libert tendra alors se dpouiller de son caractre empirique, et sa
position en tant que fait sera explique' comme l'expression de la
vraie nature d'une Libert. De la sorte, la Libert n'est plus un
fait parce qu'elle est empirique, ce qui en ferait un donn l'gard
duquel la Raison serait passive, - bref, une passivit pour Ttre
rationnel, - mais, tant libert, la Raison est active dans cette
libert et y dtermine arbitrairement la volont : la Libert n'est que
la spontanit mme de la Raison. Alors la Libert apparat
ncessairement dans l'exprience comme un fait, parce qu'elle ne peut
y apparatre que comme le rsultat de l'ade contingent d'une Raison
spontan- ment cratrice de concepts pratiques : le fait (empirique)
n'exprime plus l'extriorit impntrable la Raison, mais l'intriorit
de l'acte rationnel, c'est--dire la contingence du libre choix1.
C'est la conception qui se dveloppe dans la Dialectique
transcendant aie : le fait de la Raison n'y est pas encore
dcouvert, pourtant le fait empi- rique de la Libert est rattach,
non V empirie , mais au Supra- sensible, ia Libert intelligible.
Certes, nous ne pouvons toujours constater la libert que comme un
fait dans l'exprience, mais elle est autre chose qu'un simple fait
d'exprience. En effet, la causalit de notre vouloir est toujours
unie une maxime gnrale construite par la Raison, et le lien entre
cette causalit et le concept est tou- jours synthtique, parce qu'il
exprime cette contingence indtermi- nable de la libert qui relie
arbitrairement Tune l'autre. Ainsi,
1. Ce n'est pas que du vouloir humain dtermin par la Raison
disparaisse tout lment empirique; la finalit pratique est, en
elTet, toujours mtaphysique, et non transcendantale comme la
finalit de la Nature, car la premire requiert le concept d'une
facult de dsirer comme tant un vouloir, - lequel doit tre
empiriquement donn pour tre, par la suite, dtermin a priori, -
tandis que la seconde requiert le concept absolument pur d'objets
d'une connaissance possible par l'exprience en gnral (Kant, Crii,
du JUyement, Introduction, 5, dit. Meiner, p. 177). D'autre part,
ce qui permet de dmontrer la ralit de la Libert comme chose de fait
(res facti, scibile), c'est, entre autres choses, des actions
relles, par consquent une exprience laquelle elle donne naissance
(Kant, bid. y 1)1). Nanmoins le fait de cette Libert reste
compltement ind- pendant du donn empirique lui-mme : ce qui est
proprement libre dans la dtermination de la facult empiriquement
donneereste distinct d'elle; de plus, l'exprience des actions
serait incapable de dmontrer elle seule la ralit de cette Libert,
s'il n'y avait pas les lois pratiques a priori de la Raison,
confor- mment auxquelles ces actions ont lieu; en effet, l'ide de
la Libert ne peut tre dmontre dans sa ralit par aucune exhibition
dans l'intuition (comme les autres choses de fait), mais par ces
lois pratiques a priori (Ibid.). Cf. Appendice.
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M. GUROLT. L 'ANTI-DOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 189
dans le cas de la maxime du bonheur, que la volont agisse de
telle ou telle faon, cela s'explique bien par le principe
analytique qui veut la fin veut les moyens : la Raison n'intervient
elle-mme que comme moyen, elle ne pose telle fin ou telle action
que comme moyen de raliser un objet qui lui est tranger, le
bonheur. La Raison est donc ici subordonne, non libre. Nanmoins, la
Libert ne disparat pas, car la subordination de la Raison la
Nature, la sensibilit, n'est pas ncessaire, mme indirectement :
elle est libre. Ce qui condi- tionne la relation analytique entre
l'action conseille par la Raison et l'objet qu'on se propose de
raliser, c'est une relation synthtique qui se pose comme un fait,
suivant laquelle la Raison prend arbitrai- rement la maxime du
bonheur comme concept de Tordre raliser par la Volont : Que Ton
suppose un objet de la simple sensibilit (l'agrable), ou mme un
objet de la Raison pure (le bien), la Raison ne cde point un
principe qui est donn empiriquement, et elle ne suit pas Tordre des
choses telles qu'elles se montrent dans le phnomne, mais elle se
cre avec une parfaite spontanit un ordre propre, suivant des ides
auxquelles elle adapte les condi- tions empiriques, et d'aprs
lesquelles elle tient pour ncessaires des actions qui, peut-tre,
n'arriveront pas, mais sur lesquelles elle suppose nanmoins qu'elle
peut avoir de la causalit 1.... Ainsi, le fait exprime bien la
contingence.
Au point, de dpart de la recherche apparat donc nettement le
sens de Tantidogmatisme kantien : d'ores et dj il est impliqu que
le rapport du transcendantal l'empirique, trouv tout d'abord dans
le fait empirique de la causalit pratique, ne peut toujours tre pos
que comme un fait; la Raison n'a pas comprendre ce rapport, mais
elle l'effectue pratiquement : impuissance spculative de la Raison,
unie ncessairement, pour Kant, sa puissance pratique. Surtout, il
est impliqu par l que tout concept, principe d'une cau- salit, ne
tient pas de ses proprits sa puissance causale ; c'est d'une faon
contingente que tout concept est pos comme principe dter- minant
(Vorbild). Aussi entre la causalit et le concept, n'y a-t-il
toujours qu'un simple lien synthtique. La Libert, comme contin-
gence et libre arbitre, est ainsi, ds Torigine, implique comme
principe, et, dans la faon dont Kant, alors mme qu'il n'est pas
encore en possession du concept d'autonomie, caractrise cette
1. Kant, Crit. Rais, pure, p. 439. Cf. Appendice.
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190 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
Libert, il est loin, comme Fichte l'en accuse ' d'en rester la
dfinition nominale de la Libert comme facult de commencer
absolument un tat. Ds ce moment, il tend, au contraire, rat- tacher
ce pouvoir au concept (Vorbild) par le moyen duquel la Libert cre
quelque chose. Bien plus, il confond la Libert avec la Raison,
puisqu'il en fait le pouvoir mme qu'a la Raison de forger le
concept qu'elle veut comme maxime de la volont; ce pouvoir de la
Raison offre une singulire connexion avec l'agilit intelligente que
Fichte pose comme Libert : L'essence de la Libert, crit ce dernier,
est essentiellement le concept qui ne se laisse dterminer par rien
hors de lui; ainsi l'intelligence peut forger librement des rgles
diffrentes ou des maximes, celles de l'gosme, de la paresse, etc.,
- et les suivre librement, d'une faon contingente, et sans
exception2....
La mme faon de concevoir l'antidogmatisme est donc, ici encore,
ce qui rapproche Kant et Fichte. L'tre, de quelque1 nom qu'on
l'appelle : chose, essence, dterminit (Bestimmtheit), nature, -
dpend de la Libert, libert xax'Iox^v, humaine, con- tingente,
intelligente, qui est l'intelligence mme dont elle exprime Tagilit.
Cette libert est bien le concept qui se pose arbitrai- rement, et
qui domine la puissance de causatile relle sur les choses, pour
s'en saisir comme de son instrument; elle est l'agi- lit qui
esquisse le concept qu'elle veut, pour en faire le principe d'une
causalit (Vorbild). C'est le renversement, du pour au contre, des
thories dogmatiques. En premier lieu, pour le dogmatique, la nature
d'une essence est de toute ternit, elle est ce qui est antrieur
tout; en second lieu, la causalit est une puissance qui mane
ncessairement de la nature intrinsque du concept. Pour Kant et pour
Fichte, la causalit n'appartient pas ncessai- rement cette nature,
mais un concept reoit arbitrairement de la Libert une puissance
causale (synthse), en devenant arbitrai- rement principe pour la
volont. Le choix de Dieu, chez Leibniz, n'institue en rien une
telle libert, car il est postrieur la plus grande quantit d'essence
qui dtermine ncessairement ce choix, conformment au principe du
meilleur. D'autre part, la dtermi- nation du Concept n'est pas
gntique par rapport la Libert : que le Concept soit (Dass!), cela
ne dpend pas de sa nature,
1. Fichte, Sittenlehre (1799), p. 431, d. Meiner. 2. Fichte,
Ibid., p. 449.
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M. GROULT. LANTIOGMATISME DE KANT El DE FICHTE. 191
mais d'un acte libre de la Raison ou, comme dit Fichte, de la
Libert absolue; car sa dterminit (Was, washeit = quid, quiddit) n'a
pas le pouvoir de le poser. Aussi le dogmatisme porte-t-il, dans le
domaine de faction morale, le type de la relation analytique entre
le concept et sa causalit *; de mme que, chez lui, la Libert n'est
pas le principe de l'tre, de mme la Libert n'est pas le prin- cipe
du Souverain Bien, mais c'est la Libert qui dpend du Souve- rain
Bien; il sufiit d'apercevoir clairement la nature propro de
l'essence, pour -s'identifier sa ncessit interne et la raliser : de
la connaissance du Souverain Bien laquelle nous pouvons par- venir,
grce la force intrinsque du Vrai sort ncessairement l'action dans
l'ordre d qui reprsente la Libert.
A la lumire de cette opposition avec la Spontanit dogmatique,
achev donc de se dcouvrir l'identit profonde entre 1' agilit
intelligente , pose par Fichte dans l'Absolu qui est le Moi, - et
d'autre part, la spontanit de la Raison kantienne, qui ne tend pas
connatre l'essence pour agir, mais qui, dans la libre produc- tion
d'Ides comme maximes, accomplit elle mme des actes, est elle-mme
l'origine des existences.
B. - Lorsque les efforts de Kant aboutissent, et que, dans la
Raison pratique, apparat la solution du problme, c'est--dire le
Fait de la liaison , le concept d'Autonomie affirme et dveloppe
encore l'analogie entre les deux antidogmatismes. La constatation
empi- rique, telle qu'elle s'opre dans la Critique de la Raison
pure, reste sans valeur pour la Philosophie transcendantale. En
effet, .toute exprience possible implique la ncessit de la loi
naturelle; si l'exprience seule nous rvlait la Libert, cette Libert
risque- rait fort de n'tre qu'une illusion2; il faudrait alors se
demander si ce qui s'appelle Libert par rapport aux impulsions
sensibles, ne pourrait pas tre son tour Nature par rapport , des
causes effi-
1. Pour Schelling, Ph. Briefe ber Dogmatismus u. Cricismus,
1795, p. 322-328, la Cor m u le analytique du problme de la Moralit
et de son rapport avec le bonheur, n'est pas la marque du
dogmatisme, - car vers une telle formule analytique doit tendre
toute philosophie qui fait cesser dans l'absolu les oppo- sitions
du monde relatif, lesquelles rendent possible le lien synthtique
entre les deux termes. Nous verrons dans la suite, comment une
telle affirmation, lorsqu'elle se rattache, comme c'est le cas chez
Schelling, l'affirmation d'un absolu qui se pse en vertu de la
plnitude de son tre, - est elle-mme entache de dogmatisme ; lorsque
l'Absolu reste Vie et Libert, l'acte par lequel il se pose reste
toujours un fait, o se fonde, dans l'absolu mme, le caractre
synthtique que prend dans le relatif, le rapport de la -moralit
avec le bonheur.
. Kant, Grundlegung der Metaph. der Sitten, Cassirer, 262-266 ;
307, 315, 319. Rev. Mta. - T. XXVIl (ti0 2, 1920). 13
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192 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
cientes plus leves et plus loignes (B. pure, p. 609) : le
Vorbild devrait finalement cder devant le Nachbild . Il ne suffit
pas non plus d'lever la constalation de la dmarche pratique
au-dessus de l'exprience, la faon de Fichte, de remarquer que, si
ma con- science sensible me permet d'apercevoir les deux formes du
concept ( Vorbild-Nachbild) comme se succdant dans rna conscience,
elle ne peut en rien expliquer la conscience que j'ai d'tre le
principe actif de ce changement, et de conclure qu'ainsi celte
conscience est intuition intellectuelle1. En effet, qui nous
garantit que cette intuition n'est pas illusoire? C'est l'Autonomie
qui, chez Kant comme chez Fichte, garantit l'existence de la Libert
i la Raison pratique apparat l absolument pure et a priori. A aucun
titre, maintenant, la libert pratique ne demeure fait empirique; en
tant qu'elle a tir sa loi de la forme de la Raison, - c'est--dire
d'elle-mme et non de la sensibilit, - elle se rvle comme identique
la libert transcendantale. Elle est indpendante de la sensibilit
non seule- ment par la forme, c'est--dire par l'acte de se
prescrire une rgle, mais par la matire, c'est--dire pai* la nature
de la rgle qu'elle se prescrit. La Raison apparat ici comme
immdiatement lgisla- trice, car la volont apparat comme uniquement
dtermine par un concept pur; en langage iichten, l'agilit
intelligente esquisse comme principe de la causalit de l'tre
raisonnable (fin = Vorbild) un concept qu'elle tire compltement
d'elle-mme, et qui est ainsi compltement indpendant de la
sensibilit (Nachbild) .
Toutefois, quoique cessant d'tre empirique, cette rvlation de la
Libert reste un fait, mais un fait de la Raison, puisque la rvla-
tion est maintenant a priori : la conscience de la Loi ne saurait
se tirer par raisonnement de donnes antrieures. Et cette facticit
dans l'Autonomie elle-mme u'est pas autre chose encore que
l'expres- sion d'une acte indterminable de la Libert qui opre
absolument a priori la synthse de la volont (bonne) avec la forme
d'une lgisla- tion universelle. Cette synthse a priori est donc la
manifestation de la Libert, qu'elle sert faire connatre, et, comme
dit Fichte, lorsque Kant dduit la Libert de la conscience de la loi
morale, il veut dire que la manifestation de la Libert est un fait
immdiat de la con- science qu'on ne doit pas dduire d'ailleurs2.
Or, si, chez Kant comme chez Fichte, la libert pratique est
garantie par le fait de
1. Fichte, Einleitung, il, p. 49. 2. Fichte, Sittenlehre, p.
144.
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M. GUROULT. - l'aINTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 193
ia loi morale, c'est qu'alors, tirant d'elle-mme la matire de sa
maxime, la Raison apparat comme principe; et ce caractre de prin-
cipe, cette indpendance l'gard de la matire garantit que cette
Libert, mme lorsqu'elle n'est saisie que dans sa manifestation
purement formelle, n'est pas une illusion.
Ici se produit un rapport rciproque entre l'Autonomie et le
libre arbitre (Willkr) : d'une part, il n'y a pas d'autonomie
possible, sans un libre arbitre, c'est--dire sans un acte libre de
libre choix. C'est, en effet, cet acte de libre choix qui, avec
l'existence de la Libert, implique, en mme temps qu'une spontanil
de la Libert, la possi- bilit pour elle de ne pas obir
ncessairement la sensibilit et de se dterminer librement, mme
lorsqu'elle choisit un principe empi- rique de dtermination. Mais,
d'autre part, je ne puis tre certain de cette libert simplement
formelle et je ne puis la connatre comme telle, que par l'autonomie
: pas d'autonomie, pas de libert, de libre arbitre pour moi. Dans
l'autonomie se manifeste a priori, conformment son essence, une
indpendance relle l'gard de la sensibilit : c'est pourquoi se pose
la iaut de cette libert de libre choix, qu'auparavant nous pouvions
suspecter d'tre une illu- sion, malgr l'exprience que nous pouvions
en avoir. C'est pour- quoi, lorsque le principe de l'Autonomie
n'tait pas dcouvert et, en particulier, dans la Critique de la
Raison pure, la puret du concept moral ne rsidait pas dans son
contenu ( Was), qui renfermait tou- jours quelque chose
d'empirique, mais dans sa forme (Dassf) c'est- -dire dans la
dcision arbitraire de la Raison : Les concepts moraux ne sont pas
de purs concepts rationnels, puisque leur base se trouve quelque
chose d'empirique (plaisir ou peine), mais, en les envisageant du
ct du principe par lequel la Raison met des bornes la Libert, qui
elle-mme est sans loi, (par consquent en ne considrant que leur
forme), on peut trs bien les donner comme exemples de concepts
rationnels purs1. Aussi, lorsque par l'Auto- nomie la Libert
devient effectivement principe absolu, cnserve- t-velle sa
caractristique de contingence : la Raison aurait pu esquisser une
autre rgle, si elle l'avait voulu, mais elle a dcidd'esquisser
celle-l. Seulement dans l'Autonomie, elle ralise sa libert, en
four- nissant la forme libre un contenu qui lui est adquat, tant
ainsi libre, non seulement dans, l'acte de choisir, mais dans
l'objectif qui
1. Kant, Crit. Rais, pure, edition Kehrbach, 4 il.
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194 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
dtermine l'activit du choix, car cet Objectif est encore
elle-mme (la Raison comme forme universelle) : identit de la Forme
et de la Matire. La libert empirique de choisir entre des
contraires (libertas indi ffer entiae) nous introduit la libert
rationnelle dj plus haute du choix entre des maximes contraires.
Celle-ci nous introduit son tour l'Autonomie (ordre idal).
L'Autonomie, loin d'lre l'onde par les autres liberts, en est le
fondement (ordre rel) : elle ne choisit plus entre des. contraires;
toutefois elle garde une spcilicit qui se rfre la contingence :
l'acte arbitraire de poser et, en l'espce, de se poser, parce
qu'elle se pose, - et non en vertu d'une essence.
Cette communaut de nature entre la Libert xrr'e;or,v et T/'uto-
nomie est ce qui oppose celle-ci la simple spontanit de la causa
sui. Cette opposition reste vidente malgr la ncessit de
l'Autonomie. Certes, l'Autonomie est ncessaire lorsque la Libert se
pose comme libre, car la Libert doit se dterminer et ne peut agir
sans loi l. Comme elle ne se dtermine pas au moyen du sen- sible,
elle n'a, en dehors de lui, que le concept de forme universelle
pour se fixer; le concept de forme universelle dtermine donc nces-
sairement la Libert. Mais on voit que cette dtermination nces-
saire a lieu en vertu de la Libert, non en vertu de la nature du
concept dterminant. Cette distinction est capitale. En effet, si,
de par sa nature objective, la Raison se donnait ncessairement,
elle-mme, elle-mme pour loi, ou, plus exactement, si la forme pure
de la Raison se posait ncessairement, par ses proprits intrinsques,
comme loi, alors l'Autonomie disparatrait, pour faire place une
simple spontanit : car le pouvoir lgislatif de cette forme, par
rapport la volont, se dduirait de la nature intrin- sque du concept
de cette forme. La Raison n'esquisserait plus librement son concept
de fin, mais ce concept de fin s'imposerait en quelque sorte la
libert de la Raison, l'enfermerait l'intrieur de ses limites, la
mtamorphoserait en une simple puissance nces- saire de sa
ralisation; le devoir ne serait plus synthtique, mais analytique,
etc. En d'autres termes, ce n'est pas en vertu de la nature
objective et morte de son tre, mais parce qu'elle est libre, que la
Raison se donne ncessairement elle-mme comme loi la forme
universelle : la Libert xaT'o/^v reste donc principe.
1. Cf. Kanl, Fondement de la Mtaphysique des murs, 3e
section.-
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M, GUROULT. - l'aNTIDOGMATISME DE KA INT ET DE FICHTE. 195
Mais cette ncessit qui dtermine la Raison libre peut fournir
matire une objection : si la ncessit dtermine infailliblement la
Libert, cette contingence qui fait le caractre de la Libert vri-
table n'est-elle pas, en fait, supprime? Cette objection est
dcisive : elle, tend dtruire la Libert la racine mme du systme;
elle porte atteinte au caractre antidogmatique de l'Autonomie, et,
par contre-coup, au concept antidogmatique d'un Dieu possdant le
libre arbitre d'une personne. Il faut donc l'examiner ces deux
points de vue.
Io Autonomie. - Si cette objection est fonde, la Libert, avec
son caractre de contingence, n'a pas place dans l'autonomie de la
Raison, puisque cette lgislation s'impose la Raison d'une faon
immuable, absolue, ternelle. Gomme l'affirme Reinhold1, l'action de
la Raison pratique (lgislatrice) serait alors absolument dpourvue
de tout libre choix (unwillkrlich). La volont qui ne concerne que
la loi, dit Kant, ne peut tre appele ni libre, ni non-libre. Seul
le libre arbitre humain comme facult des maximes est libre, et
encore ne doit-on pas le dfinir par la libert de choix entre des
contraires, sous peine de donner une dfinition btarde qui montre le
concept sous un faux jour2.
Cette objection, en vrit, est double. En effet : A. - a) Si la
Raison choisit entre la rgle du bonheur et le principe
de la moralit, ce principe, antrieur au choix, n'est-il pas, en
lui- mme, indpendant de la contingence? - b) Si l'homme agissait
mal dans la mesure o, n'ayant pas rflchi librement sur sa libert,
il n'a pas forg en lui le principo de l'Autonomie, alors il
n'aurait pas conscience de l'Autonomie, et par consquent, n'aurait
pas conscience du mal qu'il peut commettre. D'autre part, dans la
mme hypothse, lorsqu'il a conscience de la Loi, il ne peut faire le
mal. Or, l'homme a, le plus souvent, conscience de violer la Loi,
quand il agit mal. De plus, la loi morale se manifeste dans l'homme
en posant la ncessit objective d'une action, tout en la laissant
subjectivement contin- gente. Par cette htrognit entre la volont
lgislatrice et la libert des actes humains, la volont qui est
principe, c'est--dire la volont lgislatrice, ne conserverait plus
qu'une libert de spon- tanit consistant se donner la loi par
elle-mme, conformment la nature intrinsque du concept de cette
loi.
1. Reinhold, Briefe ber die Kantische Philosophie. II. d.
252-308. 2. Kant, Mtaphysique des murs, p. 24-25.
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196 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
B. A supposer, d'autre part, que Ton puisse rattacher rtablisse-
ment de la Loi un acte contingent de 1' agilit intelligente , la
question ne serait pas encore rsolue. Car, dans un tre o ne se
trouverait pas de sensibilit, il ne saurait y avoir, pour cette
agilit , possibilit de choisir enlre l'esquisse d'un principe empi-
rique et l'esquisse d'un principe pur pratique : '< Dans
l'intelli- gence suprme1, le libre choix (Willkr) est reprsent avec
raison comme incapable d'aucune maxime qui ne pourrait tre en mme
temps une loi objective; il est donc ncessairement dtermin
l'Autonomie, de toute ternit.... C'est ce qui constitue sa saintet]
ainsi, indpendamment de tout rapport aux phnomnes, le concept de
contingence, comme celui de premier commencement, qui assu- raient
la Libert xax'Io/TJv sa spcificit en face de la Spontanit
dogmatique, semblent perdre toute signification.
A. La premire objection est la moins mtaphysique des deux. a) La
libert d'obir ou de dsobir la Loi n'est pas pour Kant un
pouvoir que nous ayons tout moment noire disposition ; mais elle
est une libert intelligible, dont le choix dtermine la totalit de
notre action sensible. En quoi diffre essentiellement l'acte trans-
cendantal par lequel se fonde l'Autonomie, de l'acte par lequel le
libre arbitre intelligible prend la forme universelle comme maxime?
Ces deux points de vue rapprochs jusqu' se confondre dans la
Critique de la Raison pratique sont au contraire opposs rigoureuse-
ment dans la Mtaphysique des Murs. La pense de Kant n'a certes pas
sur ce point toute la nettet dsirable. Nanmoins l'opposition,
tablie en dernier lieu, entre le libre arbitre et l'Autonomie n'a
pas pour objet d'enlever la raison lgislatrice la libert de son
acte lgislateur; elle veut surtout affirmer que c'est bien
l'Autonomie qui doit tre place au fondement de toute libert, et
empcher que la libert supra-sensible ne soit conue sur le type
infrieur du libre arbitre empirique. De plus, l'action de la Raison
n'est jamais repr- sente, chez Kant, comme un choix entre des
principes tout faits, mais comme un choix entre des actes, qui
consistent crer les concepts de deux ordres diffrents.
b) Si le choix du principe le fait rgner exclusivement dans ma
conscience et ma vie pratique, on ne doit pas dire que je fais le
mal
1. Kant, Crii. Rais, prat., Cassirer, p. 37.
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M. GUROULT. - l'aNTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 197
avec conscience, mais seulement avec libert. C'est bien dans ce
sens que Kant oriente sa pense. Sans aller avec Fichte jusqu'
attribuer 1(3 mal un manque de culture, il nie que Ton puisse
accomplir avec conscience, avec intention, le mal comme tel : ce
serait l non plus de la mchancet (Bsartigkeit) humaine, mais une
malignit (Bsheit) diabolique : Se considrer comme un tre libre dans
ses actes, et se figurer cependant que Ton est affranchi de la loi
qui rgit les tres de ce genre (de la loi morale), reviendrait
concevoir une cause agissant sans aucune loi..., ce qui est
contradictoire1. Fichte va jusqu'au bout dans l'explication de
cette pense. Pour lui la conscience, d'o dpend fatalement l'action,
dpend elle-mme de la Libert2; de plus, il est absolu- ment
impossible et contradictoire que quelqu'un, avec une claire
conscience du devoir, au moment d'agir, se refuse, en toute
connaissance de cause, h accomplir son devoir..., se rvolte contre
la Loi, et prenne comme maxime de refuser de faire son devoir parce
qu'il est son devoir. Une. telle maxime serait diabolique. Mais le
concept du Diable est contradictoire, se dtruit lui-mme. En voici
la preuve : l'homme a clairement conscience de son devoir signifie
qu, comme intelligence, il exige de lui-mme telle action; - il se
dcide, en toute connaissance de cause, agir contre son devoir ,
signifie que, au mme moment, il exige de lui-mme de ne pas
accomplir cette action. Dans le mme moment, la mme facult lverait
en lui deux exigences contradictoires...; l'absurdit est des plus
videntes - Mme lorsqu'elle ne s'lve pas la conscience, cette libert
qui fonde la loi, en tant qu'elle constitue l'essence de notre
nature, exi^e toujours, au fond de nous-mmes sa ralisation; elle
continue s'imposer irrsistiblement nous, en vertu de nos
dispositions morales. De mme, pour Fichte, chez celui qui n'est pas
parvenu la conscience de la loi, le Devoir- tre (Sollen) du Moi
pratique exige, au fond de lui-mme, qu'il s'lve la conscience de
cette loi, pour la raliser dans ses actes.
Considrer la Loi comme un principe tout fait serait soumettre le
sujet une autorit extrieure, c'est--dire se conduire en dogma-
tique: on ne saurait distinguer la Loi, qui est ratio cognoscendi
de la libert, - de l'acte par lequel nous prenons conscience de
cette libert. Strictement comprise, l'Autonomie doit donc exiger,
au
1. Kant, Rliq. dans les Hm. d, la pure Raison, VI, 128, 129. 2.
neh te, SUtj-nlehrr, p. 580.
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198 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
fondement de sa propre rvlation, l'action libre du sujet : Kant,
comme le remarque Fichte, Ta clairement enseign : Kant dit, au bon
endroit : la conscience morale (Gewissen) est une conscience
(Bewusstsein) qui est elle-mme un Devoir. Juste et sublime sen-
tence; elle signifie que c'est un devoir absolu de s'lever la con-
science de la Loi...; la loi constitutive de toute morale est la
loi de se donner soi-mme une loi [.
B. Toute la force de la seconde objection repose sur une qui-
voque. Elle confond la contingence phnomnale - le premier
commencement phnomnal qui implique le sensible, - avec une
contingence intelligible qui exprime une cration dont le sen- sible
lui-mme serait le rsultat (V. p.. 213 sq.). Dans le phno- mne, la
ncessit est l'oppos de la contingence, mais la libert, qui est
au-dessus du phnomne, est aussi l'oppos d'une telle contingence
phnomnale. La plus grave des erreurs consiste confondre la libert
(supra-sensible) avec la ncessit (phnom- nale), sous prtexte que
Tune et l'autre sont opposes au premier commencement et la
contingence, tels qu'ils sont conus dans le phnomne. Cette erreur
est dogmatique, et c'est elle qui fonde l'objection examine
maintenant. S'il en est ainsi, la ncessit avec laquelle la Raison
se pose sa loi ne supprime pas fatalement la libert vritable
(xoct'eco/tiv) de l'acte par lequel elle se la pose, car la Raison
ne la pose ncessairement que si elle est libre et parce qu'elle est
libre. La Libert xaT'I^o/rjV reste donc la condition premire. La
forme d'universelle lgislation n'aurait elle-mme aucune absoluit si
la Librienne la posait pas comme principe dterminant de la volont :
il est ncessaire, si la Libert se pose comme libre, que la matire
du concept choisi par la Libert soit forme universelle de
lgislation; mais se poser comme libre, c'est un acte indterminable
de cette Libert. La contingence du libre arbitre reparat donc ici :
en elle se trouve en germe la contingence fichtenne de la libert
formelle (Dass... wenn... soll eine Auto- nomie...) et la ncessit
de la matire dterminante (so muss [So sein = Was]). Le fait de la
loi morale, son caractre synthtique maintient donc intacte, jusque
dans le principe absolu de l'Auto- nomie, la spcificit de la Libert
xax' 'lloyyp en face de la sponta- nit dogmatique d'une causa sui,
qui, elle, ne se pose pas
1. Fichte, Sittenlehre, p. 567.
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M. GUROULT. - l'aNTIDOGMaTISME DE KANT ET Dt FICHTE. 199
ncessairement si elle est (factum) mais est simplement par elle-
mme.
2 Dieu. - A l'gard de Dieu, la prsenle objection se l'onde,
comme on pouvait s'y attendre, sur sa saintet. Elle peut
s'autoriser, en outre, de certaines paroles de Kant : L'ide de
Libert rside uniquement dans le rapport de l'intellectuel comme
cause au phnomne comme effet, crit Kant dans les Prolgomnes i ; il
n'y a pas de concept de Libert qui convienne Dieu, en tant que sa
nature, uniquement raisonnable, le dtermine ncessairement; .. il
n'y a donc en lui aucun choix. D'autre part, cette action de Dieu
rsultant ternellement de sa nature divine , le concept de premier
commencement perd galement pour lui toute signification. De la mme
Faon, Kanl crit dans La Religion dans les imites de la pure Raison
: II n'y a aucune difficult concilier le concept de Libert avec
l'ide de Dieu en tant qu'tre ncessaire, parce que la Libert ne
consiste pas dans la contingence de l'action (en vertu de laquelle
cette action n'est pas dtermine par des motifs, c'est--dire dans
l'indterminisme en vertu duquel il faudrait que Dieu pt galement
accomplir le bien ou le mal, pour que son action dt tre appele
libre), mais bien dans la spontanit absolue, qui seule est en pril
avec le prdterminisme, o la raison dterminante de Faction est dans
le temps pass, si bien, par suite, qu'actuellement faction n'est
plus en mon pouvoir, mais dans la main de la Nature, et que je suis
irrsistiblement dtermin. Or, comme en Dieu on ne peut concevoir
aucune succession de temps, cette difficult tombe alors
d'elle-mme..2. De ces textes on pourrait tre tent de conclure que
la libert laisse Dieu ne serait pour Kant lui-mme qu'une simple
spontanit dogmatique. Au surplus, cette conception ne serait pas
seulement conforme la lettre du kantisme, mais encore ncessite par
une spculation consquente avec elle-mme : la notion d'Absolu
exclurait par dfi- nition toute contingence possible; en elle le
crilicisme s'identifierait ncessairement avec le dogmatisme.
Schelling parat d'accord avec une telle interprtation du Kan-
tisme, lorsqu'il dfinit le Moi absolu la faon de la substance
spinoziste 3 : il est pour lui unit pure, contenant tout tre parce
qu'il
1. Kant, Prolgomnes, Cassirer, p. 98, note. 2. Kant, Relig. dans
les limites de la pure Raison, Y 3. Schelling, Vom Ich als Prinzip
der Philosophie, I, 162-163.
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200 UK VU E DE MTAPHYSIOUK KT DB MOUAUE.
agit indpendamment de toute influence extrieure et parce qu'il
est le pouvoir de se poser par lui-mme en toute ralit, excluant
toute contingence de Vacte, ce qui impliquerait, en effet, un choix
entre des termes opposs et, par consquent, relativit. lev au-
dessus des dterminations de la conscience finie, l'Absolu chappe
toute contingence. Le Moi absolu s'engendrerait donc comme le Dieu
des dogmatiques par la causa sui. En ce cas, l'opposition entre le
dogmatisme et le criticisme ne saurait tre fondamentale. Cette
opposition appartient au monde relatif o se trouvent opposs Ttre et
le sujet : le dogmatique choisit Tetre, le criticisle choisit le
sujet. Le premier veut tablir mdiatement l'identit du sujet avec
lui- mme par Tidentit du sujet et de la chose; le second veut
tablir Tidentit du sujet et de la chose par Tidentit du sujet avec
lui-mme ; mais dans l'Absolu, qui est la source de Topposition et
le lieu o elle cesse, ces deux systmes ne font qu'un1. Au point de
vue de l'Absolu, la libert xar'si-o/^v ne saurait donc tre
principe; elle ne saurait, comme l'affirme la W.-L. de Fichte, se
subordonner Ttre. La tche essentielle consiste, au contraire, unir
profondment l'tre et la libert, en conservant chacun son intrinsque
ralit.
La W.-L., pas plus que la Critique, ne sauraient accepter de
telles conclusions. On le comprend.
Dogmatisme et criticisme aboutissant Tun et l'autre Tafrmation
de Tidentit pure, leur opposition devrait porter non point sur le
contenu, mais sur la forme seule de cette affirmation. Or la diff-
rence de forme exclut en vrit Tidentit du contenu : pour Kant, la
rvolution du criticisme a pour objet et pour effet de restaurer
dans TAbsolu la libert pure, qui s'y trouve nie par le dogma-
tisme; vouloir conserver dans TAbsolu l'tre avec la libert, c'est
altrer la libert, et cette altration se produit avec la spontanit
telle que la conoit le dogmatisme. Si ce qui caractrise la Libert
xoct'so^v doit disparatre lorsqu'on l'lve TAbsolu, c'est que
TAbsolu ne peut tre libert; si TAbsolu est libert, cette libert
doit conserver au contraire la caractristique qui lui est propre,
c'est--dire tre indpendante de toute dtermination par Tessence
objective, et garder ainsi son pouvoir de cration ex nihilo qui
exprime la contingence. Dans le passage de la Religion... prc-
demment cit, Kant ne laissait pas Dieu une simple spontanit
1. Schelling, Ph. Briefe ber Dogmatismus u. Critic, en part. p.
327, 330.
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M. GUROULT. - i/aMDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 20f
dogmatique. Dans ce cas, en effet, la nature de Dieu
dterminerait immdiatement sa causalit. Or Dieu ne peut pratiquement
que dterminer sa causalit d'aprs la reprsentation de la Loi, eu
laut que les tres raisonnables en font le principe suprme des
dtermi- nations de li volont, et en vue d'tablir le rapport du
Bonheur la Vertu. Dieu reste donc une personne intelligente; il
n'est pas aRsorb dans un mcanisme; il dtermine sa causalit d'aprs
le jugement qu'il porte sur notre effort vers la libert,
c'est--dire sur notre effort vers la parfaite conformit de noire
volont avec la Loi, effort qu'il saisit tout entier dans son
intuition. La Liberl xaVIo/rjv reste donc principe.
Sans doute deux termes d'une relation sont encore prsents ici,
et Schelling pourrait faire dpendre cette libert en Dieu de la
relativit laquelle elle reste jointe. Sans doute encore, lorsque
toute relation disparat, c'est--dire dans le Moi absolu, Fichte
lui- mme reconnat que la libert avec sa contingence disparat, elle
aussi; il requiert le Non-Moi pour que la Libert se manifeste. -
Toutefois, le Moi absolu de Fichte reste toujours, dans la faon
dont il se pose, oppos , la causa sui de l'Absolu spinoziste : en
lui l'acte de la position reste antrieur l'tre pos lui- mme. Parler
de la ralisation d'un tre suivant les seules lois de sa nature,
c'est malgr tout subordonner l'acte et son dveloppe- ment une
ncessit, et soustraire au pouvoir de cette activit les lois mmes
qui le rgissent; au fond mme de cette causa sui de la substance
ternelle prise en soi, on retrouve l'automatisme et l'immanence des
essences particulires. Pour Fichte, au contraire, le quid dtermin,
les lois de l'activit sont vritablement cres par l'activit, le Moi
est acte de cration, et on retrouve au fond de lui la dcision
cratrice arbitraire de l'acte moral et l'Autonomie de l'tre
rationnel fini. Dans son deuxime moment (W.-L., 1801)r la W.-L.
s'lve au-dessus du monde relatif pour poser l'Absolu comme absolu,
au del de la loi morale; mais elle tablit entre l'Absolu et
l'existence l'hiatus de la libert absolue, qui enlve l'Absolu tout
rapport avec la ralisation d'une causa sui, en vertu des lois de sa
nature; l'tre ne saurait produire l'acte d'o surgit la vie et le
relatif; la contingence reste ia source de l'existence. Enfin, dans
son troisime moment (W.-L., 1 804-1 81 .2-1 81 3), la W.-L. s'lve
au-dessus de la relation des relations, c'est--dire au-dessus du
rapport de l'Absolu (Vunit encore inconnue = y) avec
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202 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MURALE.
CAIisolu (Sein=zx) niant V existence (Denken = z) [Sein* Denken,
Einheit = x, ij, z] pour affirmer la ncessit par laquelle se ralise
l'Absolu en une existence et apercevoir ainsi dans une connaissance
(Einheit) Tunit jusqu'ici inconnue (y) [xyz, Einheit]1. Alors elle
ne subordonne plus la Vie Ttre; elle rvle au contraire le vice du
dogmatisme qui relie mdialement l'existence, la Vie l'tre, en vertu
de la dfinition de Ttre comme ens realissimiim et qui subor- donne
ainsi l'existence, la vie, la dfinition de Ttre (causa sui
dogmatique). En ralit, la preuve par Yens realissimum pose le
problme, bien loin de le rsoudre. Ce qui le rsout, c'est le terme
moyen qui, tout en oprant la synthse, est eu mme temps, la thse :
c'est la Vie, qui doit vivre ncessairement , en vertu de son
essence. Mais cette essence n'est pas une ncessit au-dessus de
Tacte. Elle est, au contraire, une activit pure qui ne peut pas ne
pas se poser, ni ne pas se poser comme elle est : tant agir ,
chappant toute loi, sa ncessit de se poser elle-mme est sup- rieure
toute nature proprement dite, et reste libert y.
-
M. GUROULT. - l'aNTI DOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 203
Quand donc Schelling essaie de caractriser le Moi de Pichte
d'aprs lo scheme de la substance spinoziste S il s'inspire de ten-
dances non seulement trangres, mais opposes celles du Kan- tisme et
de la W.-L. Avec son temprament potique et sensible, la faon propre
Fichte de traiter la Nature, non seulement en martreumais avec
mpris et tyranniquement, devait lui apparatre lui, comme Goethe,
une injustice. C'est pourquoi il cherche, tout en conservant
l'absoluit du Moi fichten, une issue vers la Nature 2; il s'efforce
de lui rendre peu peu de la ralit. Mais, parla, il tend objectiver
le Moi absolu. Or objectivation du prin- cipe et abandon la Nature,
ne sont-ce pas l les vieux pchs dogmatiques? Il ne sert de rien
d'appeler l'Absolu Moi , de lui enlever son caractre de
Subslance-Chose, si on le dfinit, en mme temps, comme un ens
realissimum, si on lui prte enfin la causa sui du dogmatique. -
Dans ces conditions, il n'est pas tonnant que Schelling ne puisse
plus dfinir l'antidogmatisme kantien par la souverainet de la
Libert xat'o/^v, s'affirmant au dtriment de la Nature el de
l'tre.
Tirons les consquences de ce qui prcde. - L'tude du concept
d'Autonomie et de son rapport avec la spontanit de la Raison ne
nous dcouvre pas seulement que la Raison et la Libert sont, dans
leur principe, conues d'une faon identique par Kant et par Fichte.
Elle nous permet encore de voir que les diffrentes dterminations de
la W.-L. apportent une solution gntique tout fait approprie autant
de questions poses l'intrieur du Kantisme.
Ainsi c'est conformment aux indications de Kant lui-mme que
Fichte rsout d'une faon explicite le problme, encore obscur pour la
Critique, des rapports du libre arbitre avec l'Autonomie. Notre
interprtation a montr comment chez Kant c'tait en ralit une seule
et mme libert qui, sous des formes diffrentes, se mani- festait
dans le mal ou dans le bien. D'autre part la faon dont Kant conoit
la nature de cette libert nous explique comment elle peut tre
identique la loi morale et pourtant capable de faire le mal. il n'y
a l rien que l'on doive considrer avec Herbart3 comme nces-
sairement contradictoire. Si l'autonomie est le plus haut degr
de
1. Haym, Hegel u. seine Zeit, p. 132. 2. ibid. 3. Herbart,
Analytische Beleuchtung des Naturrechts u. der Moral, X, p. 4
'0-441.
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204 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
la libert, l'htronomie en est le moindre degr : Lorsqye le pou-
voir inlimement li la lgislation interne de noire raison devient
par un acte inexplicable un pouvoir oppos h celte lgislation, il
n'est son gard rien de positivement oppos, mais une impuis- sance1.
En faisant explicitement du mal Timpuissanco de la Libert,
incapable de choisir la loi morale comme maxime, Fichte reste donc
bien le disciple de Kant. Au surplus le mal reste un mal radical;
il dpend toujours de la Libert. Quand il fait de l'autonomie et de
l'htronomie les degrs opposs d'une mme puissance, il s inspiro
encore de l'esprit du Kantisme, et ce n'est pas l, comme on l'a
cru, revenir h Leibniz et au dogmatisme. Car, con- formment
l'essence de la Libert xax' ;otv , qui est cratrice abso- lument,
entre ces degrs de la Libert s'tablit l'hiatus de la discon-
tinuit, le fiat crateur eb imprvisible qui s'oppose la conti- nuit
d'un progrs Aussi, quoique la matire de la moralit soit dtermine,
le rigorisme subsiste-t-il chez Fichte comme chez Kant2. En outre,
mme son plus bas degr, dans l'Htrortomie, la Libert conserve la
caractristique essentielle qui s'panouit dans l'Auto- nomie, celle
du choix absolu qui, par son absence complte de
rapport avec quelque chose d'o il pourrait se tirer
(discontinuit), implique l'indpendance l'gard de ce qui n'est pas
elle-mme; elle conserve le pouvoir de choisir de soi-mme une
lgislation, pour ainsi dire une autonomie simplement formelle, sur
laquelle se fonde la responsabilit. Enfin ce pouvoir formel de
choix a t dj pos par Kant lui-mme comme une libert formelle,
c'est--dire une libert distincte d'un pouvoir efficace, qu'elle
domine et dont elle fait son instrument. Ainsi la Mtaphysique des
Murs (1797), distingue une puissance de raliser l'objet d'une
action ( Willkr), qui sera chez Fichte l'activit relle ou
objective, et une facult de dterminer et de choisir la rgle
d'action ( Wille) laquelle ett
1. Kant, Metaphysik du Sitien, Vil, p. 23. 2. Gela contredit la
Moralit,- cela est immoral que ae se laisser eiiirtuuei
en aveugle par des inclinations, par exemple celles de
sympathie, de compas- sion, de charit.... Qui agit suivant ces
inclinations, agit peut-tre lgalement, mais non moralement : dans
cette mesure, alors il agit contre la Morale...
{Sittenlehre, p. 548). La Matire ne dtermine pas l'tre
rationnel, et lui- mme ne se dtermine pas par un concept matriel,
mais seulement par le concept uniquement formel, produit en
lui-mme, de L'absolu devoir [Sollnn)
{lbid.% p. 549). Agis suivant ta conscience. Telle est la
condition formelle de la moralit de nos actions, que l'on a appele
aussi par excellence la moralit de ces actions (/id., p. 550).
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M. GUBOULT. - l'aNTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 205
immdiatement subordonne celte activit qui ralise l'objet 1
(l'activit idale qui domine l'activit relle); cette facult est
iden- tique la Raison, puisqu'elle est le pouvoir d'esquisser les
rgles sous lesquelles se subordonnent les actions ( agilit
intelligente de Fichte). Ce n'est pas autrement que Fichte
subordonnera imm- diatement au concept (Vorbild), toujours issu de
l'agilit intel- ligente , le pouvoir de ralisation d'o dcoulera
l'tre (Sein, Nachbild). On voit donc comment Fichte a pu puiser
chez Kant, pour les simplifier, bien plus que pour les altrer, les
rapports ta- blis entre l'intelligence, la libert, l'activit relle,
l'autonomi : l'intelligence, vhicule de la loi morale, est la forme
libre qui, sui- vant qu'elle se rflchit avec libert sur le dtermin
ou sur l'essence absolue, choisit le bien ou le mal, tout en
esquissant librement des maximes d'htronomie ou d'autonomie; tous
les degrs elle possederne libert absolue qui spare d'un hiatus
incomprhen- sible chaque degr de l'autre, et, entre ces degrs,
assure la discon- tinuit du passage. Cette l'orme (Dass) est
toujours dtermine par une matire (Was), et ainsi, il n'y a pas de
rgle pratique, pas d'autonomie, sans l'acte contingent de celle
forme.
Enfin l'Autonomie fait apparatre dans la libert absolue, l'iden-
tit du sujet et de l'objet. Chez Fichte, la rflexion de la Libert
sur la limite (sensibilit), sur le Natur-Trieb , est un sacrifice
de la Libert la Nature une ngation de la Libell, tandis que la
rflexion de la Libert sur l'activit objective infinie, malgr la
dtermination ncessaire que celle-ci impose la Libert, est
l'affirmation -de la Libert par elle-mme, la realisation de
laLiberl par elle-mme, l'identit du sujet-objet. De mme aussi chez
Kant la dtermination de la Raison par un principe empirique est
nga- tion de la Libert, c'est--dire du sujet par l'objet oppos au
sujet, tandis que la dtermination de la Raison pure par la forme
pure, malgr la ncessit de cette dtermination, est affirmation de la
Libert comme dtermination du Moi par le Moi, dtermination de la
Raison, en tant que libre arbitre, esquissant une rgle, par la
Raison en tant que forme universelle, dtermination de la Libert en
tant qu'indpendance vis--vis de la sensibilit par la libert sa
1. Kant, Metaphysik der Sitten, VII, p. 10. Cf. aussi Crii, du
Jugement, 5, p. 17, la dfinition du concept mtaphysique de finalit
pratique qui comprend deux lments: un lment pur (libert) et un
lment empirique (facult du vouloir).
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206 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MOItALE.
racine c'est--dire par la forme rationnelle indpendante de la
sen- sibilit). De cette faon, l'objet de la Libert (comme matire
dter- minante du principe, et comme matire raliser) est identique
au sujet.de la Libert (comme libert formelle dtermine par la
matire), dans l'autonomie du Moi. Ainsi, l'antidogmatisme de Kant,
affirmant la souverainet de la Libert xax'eo^v, contient en germe
Tabsoiuit du Moi qui caractrise Tantidogmalisme de Fichte1.
II. - Le Concept de chose en soi.
Si par le point de dpari de sa recherche, par la formule du pro-
blme qu'il se pose et par le principe souverain de sa philosophie,
Kant semble bien ouvrir les voies l'antidogmatisme de Fichte, ne
semble-t-il pas, par contre, s'orienter dans une direction
rinverse, en affirmant la ralit intrinsque de la chose en soi?
En effet, ds que la Libert xax'so/^v est vritablement principe,
la chose en soi ne doit avoir aucune ralit, et n'tre qu'une pro-
duction de cette Libert : la Libert esl la substance de la Nature,
et la chose en soi esl ce que l'activit libre projette pour
expliquer sa limitation comme Nature : la ralit intrinsque de la
chose en soi enlve donc la Libert sa souverainet relle el sa force
de prin- cipe. De l vient l'opposition, releve chez Kant, entre la
Nature et la Libert : si l'activit libre du Moi fondait la Nature,
celle-l trouve- rait en celle-ci un milieu tout fait pour se
raliser; tant au con- traire essentiellement htrogne la Libert, la
Nature ne nous permet pas de comprendre comment la Libert peut se
raliser en elle.
Chez Fichte, tout tre, tout mcanisme est postrieur la Libert et
librement engendr par elle; la croyance la Libert nous lve celle-ci
comme principe de tout. De cette faon, l'agilit pure de
l'intelligence est pose avant tout tre, la fin librement esquisse
(Vorbild) avant toute chose.
Chez Kant, un mcanisme et une Nature existent indpendamment de
la Libert : l'tre (Nachbild) n'est pas plac tout entier sous la
1. Kant dit juste titre dans le Fondement de la Mtaphysique des
Murs que c'est seulement par son caractre de moralit que l'tre
rationnel se rvle comme quelque chose d'en-soi, c'est--dire
d'autonome, d'indpendant, qui ne subsiste par aucune action
rciproque entre lui et le dehors, mais simplement par lui-mme.
Fichte, Sittenlehre, p. 549.
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M. GUROULT. - l'aNTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 207
dpendance du Concept (Vorbild) librement esquiss. D'une part
subsiste une Nature provenant de Faction causale indterminable
d'une chose en soi sur un sujet dou de rceptivit; d'autre part, il
s'exerce une action causale du sujet autonome sur cette Nature
phnomnale. Au moins d'une faon partielle et incomprhensible, la
chose, l'tre reste principe, comme chez le dogmatique.
Nanmoins, c'est par le concept de chose en soi que Kant, juste
titre, prtend s'opposer aux thories dogmatiques. En effet, la
dcouverte de Kant n'est pas l'affirmation d'un tre intelligible
comme chose en soi, mais celle d'une certaine distinction entre la
chose en soi et le phnomne, telle qu'un hiatus absolu spare la
premire du second : alors le phnomne devient non-tre pour la chose
en soi, et la chose en soi devient l'inconnaissable pour notre
connaissance borne au phnomne. C'est la forme nouvelle de cette
distinction qui fonde l'antidogmatisme de Kant.
Cet antidogmatisme est-il, dans son esprit, contraire celui de
la W.-L.l Tel est le problme qui se pose.
Pour rpondre cette question, on pourra tout d'abord s'en rfrer
aux rsultats. Le rsultat, dira-t-on, est d'assurer l'impuis- sance
spculative de la Raison et l'htrognit de la Nature et de la Libert,
deux consquences opposes Fantidogmatisme de Fichte. Mais, d'une
part, en fondant la puissance spculative de la Raison sur sa
puissance pratique, la W.-L. semble bien demeurer sur le terrain du
Kantisme; d'autre part, Thtrognit de la Nature et de la Libert
implique chez Kant une identit entre la Libert et la chose en soi.
Or, si ce qui limitait, primitivement, la puissance de principation
de la Libert (la chose en soi) peut tre identique la Libert, une
voie de conciliation ne s'ouvre-t-elle pas, aboutissant tout droit,
semble-t-il, la W-L.'i
Quoique, tout d'abord, dans la pense de Kant, il ne soit pas
douteux que la chose en soi, oppose au sujet phnomnal, ait une
ralit intrinsque en tant que chose hors de nous, il apparat
nanmoins que, dans la faon mme dont la chose en soi est affirme, se
manifeste un esprit qui efface progressivement les derniers ves-
tiges du dogmatisme.
En premier lieu, la faon dont est pose la chose en soi par rap-
port la possibilit d'une exprience en gnral, c'est--dire uni-
quement par rapport au fait de la reprsentation, est en accord avec
le procd mme de la W.-L. : c'est de cette faon que Fichte
posera
Rev. Mista. - T. XXVII (n 2, 1920). 14
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2rO8 REVUE DE MTPHTStQUE ET DE MORALE.
le principe du Non-Moi. Si Ton dit que Fichte part de l'unit dm
Moi, tandis que Kant prsuppose, tout d'abord, la distinction 4e la
chose et du phnomne, on dira quelque chose de juste; mais, chez
Kant, la chose en soi apparat caractrise diffremment suivant les
diffrentes facults humaines : source de la matire dans la sen-
sibilit, elle est pour l'entendement un oorrlatif, =#, de l'unit de
l'aperception; elle exprime dans l'objet l'unit opre par le je
pense dans le sujet1 : la chose en soi se dtermine ici surtout
quant la forme. Or cette dtermination, corrlative en partant du
Moi, devient un principe dans la W.-L. A toute dtermination du Moi
correspond une dtermination dans le Non-Moi2. Mais, alors que la
W.-L. rsorbe toute la causalH effective dans le Moi qui pose la
dtermination, la chose en soi, pose d'une faon corrla- tive, est
affirme, de par la sensibilit qui la suppose, comme gardant par
rapport au Moi une antriorit et une ralit intrin- sque qui nous
interdisent de considrer l'objet transcend an tal comme une simple
projection de l'entendement. La Rfutation de l'Idalisme insiste sur
ce point, en posant comme condition de la dtermination du sens
intime, c'est--dire de l'exprience en gn- ral, non pas la
reprsentation d'une chose extrieure, mais l'exis- tence mme de
choses hors de nous.
On trouve l, sans doute, une trace trs visible de dogmatisme,
et, entre la W.-L. et le Kantisme leur plus grande opposition. Il
est clair que Reinhold a raison contre Fichte3, en interprtant dans
Kant la Chose en soi comme une ralit, et non comme une simple pense
ncessaire en vertu du principe du fondement . Le propre du
Kantisme, en effet, n'a pas t de poser dans le Moi une simple
dtermination, sans savoir, comme le prtend Fichte (Grundlage, 2e
partie, 4), comment il est possible que cette dtermination soit
pose en lui. Pour Kant, au contraire, cette dtermination sup- pose
la ralit indpendante de la chose hors du Moi : dans la for- mule
Am- B, B est pour lui absolument pos hors du Moi. - Nan- moins, il
faut remarquer que, si Fichte ^ pos le Non-Moi, c'est
i. Kant, Cr. Rais. purey lr- dition, p. 232 (Kehrbach). 2.
L'analogie se poursuit lorsque la Chose en soi peut, du point de
vue pratique,
recevoir en toute certitude des dterminations ncessaires la
ralisation de la praticit, et corrlatives l'uage de nos facults
pratiques : le seul vestige du dogmatisme est que ces dterminations
n'puisent pas, comme chez Fichte, tout l'tre en soi; elles laissent
subsister une qualit occulte comme substrat.
3. Fichte, Einleitung, II, p. 64 et suiv.
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M. GUROULT. - l'aNTIDOGiMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 209
pour combattre le dogmatisme des Leibniziens (cf. Grundlage, 4),
qui, attribuant la limitation du Moi sa spontanit, rendaient
incomprhensible le sentiment de passivit du Moi dans la repr-
sentation. Or, par son affirmation immdiate de la ralit d'une chose
'hors de nous, Kant combat ce dogmatisme (idaliste), pour lequel la
cause des reprsentations peut aussi bien tre en nous- mmes, si bien
que, peut-tre, nous les attribuons faussement des choses
extrieures1 . D'autre part, faire de la chose en soi une simple
limite du Moi, n'est pas loign d'un certain procd que Kart emploie
pour caractriser non seulement la fonction de cette chose, mais la
manire dont nous devons la poser : La thorie que la sensibilit
donne d'un noumne est surtout une thorie dans le sens ngatif2, si
bien que cette chose en soi, malgr la causalit qui lui est prte, a
ainsi les caractres d'une simple limite. Sans doute l'intuition
intellectuelle en fait le concept positif d'un tre ; mais, si c'est
encore une conception dogmatique que de ne pas juger impossible en
soi une pareille intuition, on doit reconnatre en tous cas qu'
nous, tres rationnels, finis, l'usage nous en est absolument
refus.
De plus, c'est par sa ralit que cette chose limite la
sensibilit; la faon dont la liaison nous permet d'affirmer cette
ralit, en sau- vegardant l'activit du sujet et en posant sa
praticit, apporte autant de restrictions la tendance dogmatique. En
elet, la Raison qui, avec les Ides, nous fournit la distinction de
la chose en soi et du phnomne, nous permet d'abord de concevoir
problmatique- ment la chose en soi par l'Ide qui est en nous sa
reprsentation analogique. Ensuite, par sa praticit qui exclut un
savoir spculatif, et rvle la puissance de la Raison libre par
rapport l'existence, elle lve l'homme au-dessus du mcanisme naturel
o renfermaient les doctrines dogmatiques. Ds l'affirmation de la
chose en soi par l'Ide, mme dans l'usage simplement thorique de
celle-ci comme principe rgulateur, se rvle cette praticit de la
Raison. En effet, l'infinit du procs dans la poursuite asymptotique
de l'unit incon- ditionne
-
210 HEVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
s'y conformer, elle oppose l'tre au Devoir-tre, et semble
vouloir indiquer, dans ce dernier comme Idal (Vorbild), le
fondement du premier (Nachbild).
Mais, si les Ides prsentent l'intrt d'exiger^ au point de vue
thorique, une conformit de l'exprience avec l'Ide qui exprime
l'absoluit de la chose en soi, elles ont, un autre point de vue,
une signification plus haute encore. En effet, elles ne cherchent
pas seulement limiter le monde de l'exprience, en faisant de cette
chose un simple objet en Ide ou un modle auquel l'exp- rience doit
se conformer, mais elles affirment, hors du phnomne, la ralit
intrinsque de la chose, pour mettre en elle le principe de causalit
du monde phnomnal. On doit l'avouer, cette dernire conception, qui
place au-dessus de l'Idal une ralit indterminable, est dogmatique,
et s'oppose directement la W.-L. (cf. Grundlage, 1-3) . Mais , dans
le double symbolisme de l'Ide , dans le double emploi de la notion
de comme si , s'unissent deux ten- dances diffrentes : la tendance
dogmatique qui considre les Ides comme si les objets qu'elles
expriment existaient en soi; - la ten- dance antidogmatique,
apportant l'lment original de la Critique, qui les considre comme
si elles taient non des choses, mais des lois d'une activit
intellectuelle infinie, mobile, dpassant toujours toute limite. Sur
la premire conception se fondent les systmes dogmatiques kantiens,
tels que celui de Forberg1 qui s'appuie sur cette ralit intrinsque
de la chose pour enlever toute puissance dterminante la Raison. Non
seulement Forberg conserve la pro- blmaticit spculative au sujet de
l'affirmation par la Raison de Dieu et de la Libert; mais il tend
cette problmaticit au domaine pratique lui-mme, pour enlever la
croyance rationnelle toute rigueur et toute ncessit. Sur la deuxime
conception se fonde le systme de la W.-L., qui nie l'existence
d'une chose au del de l'Ide, supprime la problmaticit spculative en
prouvant par la Gense, au moyen de l'intuition intellectuelle, que
l'Ide, expression dans le moi rel du moi absolu, est la loi de son
activit relle infinie.
Des deux tendances, c'est la tendance .antidogmatique qui
l'emporte chez Kant. On le voit ds l'antithtique de la Raison Pure
: en nous rvlant le pouvoir causal de la chose en soi, les deux
anti-
1. Forberg, privat-docent lna, auteur d'un article paru dans le
journal de Fichte et qui fut l'occasion de la querelle de
l'athisme, intitul : Entwickelung des Begriffs dei' He tig ion.
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M. GUROULT. - l'aNTIDOGMATI&ME DE KAM' ET DE FICHTE. 211
nomies dynamiques, en particulier la premire, montrent que cette
chose ne saurait en rien tre une chose morte, mais qu'elle est, au
contraire, le lieu o peut se dvelopper sans contradiction une cau-
salit qui, place en dehors de toute causalit sensible, par cons-
quent hors de tout mcanisme naturel, se dfinit comme Libert. Cette
libert qui fonde le phnomne apparat en mme temps comme la substance
intelligible du sujet; ainsi, la chose en soi qui, dans V Esthtique
et dans Y Analytique, apparaissait comme oppose au sujet dont elle
expliquait la rceptivit, se rvle maintenant, dans une certaine
mesure, intrieure au sujet dont elle est la racine transcendantale.
Si donc la Libert est pose problmatiquement parce que, en vertu du
concept limitatif de Critique , elle est pose tout objective dans
l'en-soi (un peu comme le dogmatique posait tout objectivs les
concepts de libert et de ncessit), cette objec- tivation n'empche
pas la Critique de poser finalement, en nous comme libres et non
hors de nous, - le fondement transcen- dantal du monde des
phnomnes. Cette dmarche lui est rendue possible grce au concept de
substantia phaenomenon, suivant lequel un mme sujet appartient
comme cause la srie phno- mnale, mais possde une causalit non
empirique de cette cause empirique. Si donc la chose en soi qui est
au fondement de la sensi- bilit est, sa racine, la substance libre
du sujet lui-mme, Fichte ne pourra-t-il pas facilement affirmer que
la matire mme de notre sensibilit est l'activit libre originaire du
Moi?
On objectera qu'une conciliation entre lachse et la Libert n'est
pas suffisante : il faut de plus que cette conciliation s'opre au
profit de la Libert, de telle sorte que la chose en soi devienne la
Libert, et reoive les caractristiques de celle-ci ; mais il ne faut
pas que la Libert devienne chose en soi et prenne ses
dterminations. En effet, la dtermination de la Libert par la chose
donne le con- cept dogmatique de causa sui ou de causalit interne,
qui est contraire au concept de la Libert xoct^o/yjv, ou de
l'agilit, principe de la W.-L. On doit le reconnatre, Kant
objective ds Tabord la Libert dans la chose, et, par ce fait,
semble se condamner en sacrifier le caractre spcifique. Le concept
de causa sui et celui de spontanit interne se liaient prcisment
chez le dogmatique la distinction traditionnelle du monde sensible
et du monde intelli- gible ; et lorsque Kant admet une chose en
soi, qui n'apparat pas, comme fondement de ce qui apparat, il use
d'une argumentation
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212 REVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
dogmatique. Aussi M. Delbos1 a-t-il remarqu juste titre que la*
Libert xax'io^v et le rapport de cette libert avec le monde
sensible se1 dterminaient sous le rapport de la chose en soi et du
phnomne : II est surtout remarquable que c'est sur l'ide trans-
cendantale de la Libert que se fondele concept pratique que nous en
avonsr2.... Or, ce n'est pas impunment que la Libert xar/lo^v reoit
les- dterminations de la chose : le caractre de la chose, c'est
l'immobilit; le caractre de la Libert, c'est, comme dit Fichte,
l'agilit . Le sacrifice de la Libert n'est-il pas vident, quand
nous voyons cette immutabilit de la chose en soi devenir le propre
de l'action libre? Le caractre intelligible, qui reprsente la
libert tant au del du temps, en dehors duquel ne se produit aucun
changement, est lui-mme immuable : en lui ne natrait ni ne pri-
rait aucun acte3; et l'on dirait de lui trs exactement qu'il com-
mence de lui-mme ses effets dans le monde sensible, sans que
faction commence en lui-mme4. De plus ce concept de substantia
phaenomenon, c'est--dire d'une cause appartenant elle-mme la srie
sensible, et doue cependant d'une causalit intelligible qui tend
d'elle-mme se produire au dehors par des modalits empi- riques, ne
concorde-Uil pas avec le concept dogmatique de causa sui? Comme le
dit trs justement M. DeJbos (La philosophie pra- tique de Kant, p.
220), cette conception d'un double caractre5 parat tre
primordialement chez Kant toute spculative : le carac- tre
intelligible rappelle d'assez prs les essences relles de la
mtaphysique rationaliste, et le caractre empirique se rapporte lui,
exactement, comme le phnomne thoriquement explicable se rapporte la
chose en soi .
Mais, s'il en est ainsi, tout au moins avant l'laboration
complte du Kantisme, on doit reconnatre en tout cas que la faon
parti- culire dont Kant opre la distinction du phnomne et de la
chose en soi, en faisant de la- Nature non point la perception
confuse des choses elles-mmes, mais une sorte de non-tre par
rapport l'en- soi, nous donne le gage que la Libert est ce qui
dtermine la chos en soi et non la* chose, la Libert.
1. Delbos, La phil. pratique de Kant, p. 216-221. 2. Kant, L-riL
Rais, pure, KehrbacH, p. 429; 3. />id.,.p..435. 4. Ibid., p.
433. 5. GTactre empiriqtiercaractre intelligible de Ite Libert.
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M. GROLT. - l'aNTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 213
En vrit, la chose err soi prsente un minimum de chosit : tous
les caractres de la chose sont, en effet, donns partes catgo- ries,
qui ne peuvent nous fournir aucune dtermination de l'en-soi.
L'inconnaissabilit de la chose en soi est prcisment ce qui permet
& celle-ci de recevoir toutes les dterminations de la libert
pratique, sans pouvoir elle-mme lui imposer aucune dtermination. A
cet ^aird, comme le souligne la prface de la deuxime dition,
l'utilit positive de la chose en soi n'est que sa fonction ngative
de limiter le monde de la sensibilit pour laisser une placala
Libert1 : ellewe dtermine donc pas la Libert, elle ne se substitue
pas elle, elle lui fait simplement la place nette.
L'immutabilit de la chose en soi, que lui emprunte la Libert,
a'est qu'une immutabilit dfinie par rapport au changement dans le
temps. Si, dans la Critique de la Raison pure, Kant disait que,
jdans le caractre intelligible du sujet agissant, il ne nat ni ne
prit anieun acte, il rsumait aussitt sa pense en ces termes : Par
con- squent, il n'est pas soumis la loi de dtermination du temps;
en un. mot sa causalit, en tant qu'elle est intellectuelle, ne
rentrerait nullement dans la srie des conditions empiriques qui
ncessitent l'vnement dans le' monde sensible. Naissance et
disparition n'taient donc nies que dans leur sens temporel. Or le
changement dans le monde sensible, qui s'opre d'aprs la ncessit des
lojs naturelles, n'est- il pas la ngation d'une mobilit vritable :
il est, comme le dira Fichte, la rptition ternelle du mme = zro
(W.-L., 1 801), Puisque cette immutabilit n'est pas une proprit
intrinsque de l'en-soi, mais une qualification extrieure relative
son opposition au temps, elle n'exclut en rien, dans l'en-soi, un
mouvement de libre dtermination de la Libert. Or, l'unit du
caractre empirique exprimant non point l'uniformit des condition's
sensibles, mais V unit de la rgie par laquelle se traduit la
causali/t de la Raison, il s'ensuit que l'en-soi se trouve, ipso
facto, affranchi d'une immuitabilit qui serait celle d'une chose
morte. L'immutabilit du caractre intelligible, dont l'unit
empirique est le symbole, nous apparat alors comme le rsultat d'un
choix de la Raison qnti se forge le principe de causalit qui lui
plat Si ce choix intemporel doit se manifester par rapport ^u temps
comme une immobilit, il implique ncessairement, puisqu'il est rel,
une contingence, une mobilit en quelque sorte intelligible et
supra-sensible de la Raison. N'est-ce point l, prcisment, ce que
Fichte appelle l'agilit de
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214 KEVUE DE MTAPHYSIQUE ET DE MORALE.
l'intelligence . Prcisment, pour Fichte, la contingence de la
Libert dans l'acte qui pose Tetre du monde est extratemporelle, et
elle se traduit dans le temps parson rsultat, comme une fixation
immuable et ncessaire de la Libert dans l'tre (Gebundenheit)] il
n'y a rien l, en effet, qui enlve cette libert originaire la mobi-
lit absolue qui lui appartient.
A vrai dire, la Critique de la liaison pure est loin de mettre
en valeur cette mobilit de la Libert : c'est surtout son
immutabilit par rapport au monde sensible qu'elle s'attache. Mais
l'essentiel est que le germe de cette mobilit originaire de la
Raison ne se trouve en rien touff par une immobilit intrinsque de
la chose. Et c'est prcisment parce que la Libert, place dans
l'en-soi, n'a pas t altre par l'immutabilit positive qui fait le
propre d'une chose, qu'elle dveloppe, dans la Religion dans les
limites de la pure Raison, la libre mobilit intrieure qui la
caractrise. La Raison, capable de choisir arbitrairement sa maxime,
devient capable d'abandonner arbitrairement la maxime de Tgosme
pour choisir celle de l'obissance la loi morale : c'est l'acte de
la con- version, et c'est parce que la conversion est l'acte de la
libert intelligible que, tout en se manifestant dans le temps par
ses effets, elle reste, dans sa nature, absolument intemporelle;
excluant une transformation graduelle, elle se manifeste comme une
cration nou- velle l. L, ce qui n'tait qu'en germe dans la Raison
pure s'est dvelopp compltement : la mobilit apparat au grand jour.
Par la conversion, Kant place maintenant dans la Libert la fin d'un
acte et le commencement soudain d'un autre acte; mais ici, fin et
com- mencement ont toujours un sens intemporel. L'hiatus qui spare
le phnomne de l'en-soi, a donc surtout pour rle et pour consquence
d'assurer la Libert xax'lSo^v, l'intgrit de son caractre propre :
en faisant du mcanisme et de la Nature un vritable non-tre par
rapport l'en-soi, il affranchit l'en-soi l'gard de toute subordina-
tion au mcanisme. Ici se manifeste l'opposition avec le dogmatisme,
car celui-ci ne sparait d'aucun hiatus le phnomne et la chose en
soi; il faisait du phnomne les choses elles-mmes confusment perues;
loin d'affranchir le fondement du phnomne l'gard du mcanisme
naturel, il se contentait d'intrioriser ce mcanisme.
1. Conception analogue chez Fichte : Neue Schpfung r . W.-L.,
1801 : le rigo- risme, comme la conversion, sont deux phnomnes
identiques d'une mme libert, qui procde par sauts et d'une faon
discontinue.
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M. GUROULT. - l'aNTIDOGMATISME DE KANT ET DE FICHTE. 215
Enfin, voyant dans le jeu de ce mcanisme la manifestation
directe du jeu des causalits internes, il conservait ainsi dans le
fondement de la Nature la dtermination essentielle de ce qu'elle
fondait, c'est- -dire le mcanisme qui se traduisait dans la
substance par une ncessit interne. Grce cet hiatus, au contraire,
la Libert peut garder comme fondement du phnomne ce qui en elle
s'oppose ce qu'elle fonde, c'est--dire sa caractristique d'agilit ,
contraire au mcanisme; elle n'