Exposé sous le thème : Le Contentieux lié aux Conflits de Juridictions Université Mohammed Premier Faculté des Sciences Juridiques Économiques Et Sociales – OUJDA (FSJESO) Master : Droit et Contentieux des Affaires Option : Droit International Privé Préparé par : Naoual BELOUAHAM Abdelkader CHAABANE Soufian NOUALI Année Universitaire : 2015 – 2016
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Exposé sous le thème :
Le Contentieux lié aux Conflits de
Juridictions
Université Mohammed Premier Faculté des Sciences Juridiques Économiques
Et Sociales – OUJDA (FSJESO)
Master : Droit et Contentieux des Affaires Option : Droit International Privé
Préparé par :
Naoual BELOUAHAM
Abdelkader CHAABANE
Soufian NOUALI
Année Universitaire :
2015 – 2016
Dans l’histoire de la finalité du droit international privé, il n’y a qu’«
une seule conception authentique dont le droit international privé doit
s’inspirer ; c’est l’esprit d’une idéologie que l’on peut appeler
"cosmopolitisme juridique", qui, loin de prêcher une amorphe unité
du monde, conjugue le patriotisme avec le respect des autres pays. À
elle s’oppose passionnément le "chauvinisme" juridique, qui considère
le droit étranger comme une armée d’envahisseurs qu’un juriste
patriote doit mettre en fuite1 »
1 Werner GOLDSCHMIDT, Système et philosophie du droit international privé, 1955, p. 661.
1
Introduction
Longtemps reléguée au rang de « parent pauvre » du droit international
privé, considérée comme secondaire par rapport à la question plus essentielle du
conflit de lois, l’étude de la compétence internationale des juridictions a connu
une certaine « désaffection » de la part des internationalistes français jusqu’à une
époque récente. La question n’a pourtant jamais été dénuée d’enjeux : lourd de
conséquences pratiques, liées notamment aux distances géographiques et aux
diversités linguistiques entre États, le choix de for emporte aussi, en matière
internationale, des conséquences juridiques décisives, le droit applicable à la
résolution du litige étant déterminé en vertu du système de droit international
privé du for. Aussi la relative indifférence des internationalistes français à
l’égard du problème de la compétence internationale des juridictions
s’expliquait-elle sans doute par des raisons plus théoriques que pratiques2.
La matière des conflits de lois donne effectivement lieu depuis bien
longtemps à une théorie générale assez élaborée et à de vifs débats
méthodologiques. En matière de compétence judiciaire internationale, au
contraire, point de théorie générale, guère de discussions méthodologiques.
Ainsi, les problèmes principaux se posant au droit international privé
sont :
Le conflit de juridictions, qui se subdivise en deux questions
distinctes : la compétence internationale (dans quel pays le litige
peut-il être jugé ?) et la reconnaissance des décisions étrangères ;
Et le conflit de lois, (quel est l’ordre juridique dont la loi
s’applique ?).
Les deux questions sont bien distinctes, les tribunaux d’un pays pouvant
être amenés à appliquer la loi d’un autre pays3.
2Laurance USUNIER, La régulation de la compétence juridictionnelle en droit international privé, Paris, Economica, 2008, p. 1. 3 Maître Yav Katshung Joseph, Droit international privé, 2013, p. 7.
2
Dés lors qu’un rapport de droit présente un ou plusieurs éléments
d’extranéité et qu’il est donc rattaché à plusieurs systèmes juridiques, il se pose
un problème d’option. Parmi ces différents systèmes qui ont tous vocation à
s’appliquer, il faut choisir celui qu’il convient de retenir en définitive.
Le choix n’est pas arbitraire et ne dépend souvent ni de la volonté du juge ni de
la volonté des parties. Le droit international privé a pour but de réglementer les
rapports internationaux de droit privé. Son champ d’application suppose la
présence concurrente de plusieurs lois appartenant à des états différents.
La solution n’est pas l’élimination arbitraire de quelques unes entre elles
au profit d’une seule mais l’agencement le plus rationnel pour garder au DIP la
mission qui est la sienne c'est-à-dire la coopération judiciaire et juridique
internationale.
Poursuivant un but propre construit selon les données qui lui sont propres,
le DIP obéit donc à une méthode propre, il possède une méthode originale qui
est la méthode conflictuelle de loi qui repose sur des règles de conflits qui sont
elles mêmes des règles du for.
Chaque système de droit à son propre système de droit international privé
et donc sa propre règle de conflit de sorte qu’il est fréquent qu’un même litige
reçoive une solution différente selon qu’il est soumit au tribunal de tel pays, ou
de tel autre d’où les critiques adressées à la méthode conflictuelle accusée
d’accentuer encore le caractère International du droit international privé. C’est
pourquoi une controverse divise les internationalistes, une méthode se trouve en
concurrence avec la méthode conflictuelle4.
La compétence des tribunaux marocains se détermine par la loi nationale
et précisément par des règles spéciales, qui sont les règles de conflit de
juridictions ou règles de compétences judiciaires internationales. Qui sont des
dispositions spécifiques, qui déterminent la compétence des juridictions
marocaines dans des conflits qui comporte un élément d’extranéité. A noter que
ces règles se caractérisent par leur personnalité et leur matérialité, ce qui les
différenciés des règles de renvoi.
Ces règles sont individuelles : puisqu’elles délimitent la compétence des
tribunaux du pays seulement, sans octroyer pour autant, la compétence au
tribunal étranger ou lui retirer cette compétence. Ces règles sont matérielles, car
elles ne se limitent point à la désignation de la loi qui va trancher le litige, mais
4 Droit international privé, http://jurismaroc.vraiforum.com/t503-DROIT-INTERNATIONAL-PRIVE.htm
L’arbitrage est un mode de règlement des litiges consistant à recourir à
une ou plusieurs personnes privées ( arbitres) choisies par les parties pour
obtenir une décision impérative, en dehors des juridictions étatiques. La
caractéristique fondamentale de l’arbitrage réside dans la soustraction aux
tribunaux étatiques des litiges qui relèvent normalement de leur compétence.
L’importance de l’arbitrage est indéniable eu égard aux avantages qu’il
procure aux partenaires, à savoir célérité de la procédure, confidentialité et
maîtrise des coûts. Ce mode alternatif de règlement des litiges a pour objectif de
préparer un environnement favorable à l’investissement. C’est un moyen pour
avoir la confiance de l’investisseur étranger et national, c’est une assurance
supplémentaire pour leur patrimoine.
Il est important de remarquer que ce n’est pas parce qu’on va devant un
arbitre qu’on s’affranchit de la juridiction étatique. L’arbitrage prime sur le juge
étatique, mais ce dernier assure un contrôle, un encadrement, et plus
généralement une présence dans le procès soumis au Tribunal arbitral.
Sans entrer dans le détail, observons qu’en cas de difficultés entourant
l’instance arbitrale, le juge étatique pourra être saisi afin de résoudre la difficulté
: désignation d’un arbitre, octroi de mesures provisoires ou conservatoires,
communication de pièce. Surtout, une fois que la sentence aura été rendue, le
juge étatique pourra connaître d’éventuelles voies de recours à son encontre, ou
être saisi d’une demande tendant à rendre la sentence exécutoire.
Il convient alors de voir dans un premier temps ce qu’en entend par
arbitrage international (section I), et nous pencherons par la suite vers
l’intervention du juge étatique en amont et/ou en aval de la sentence arbitrale
(section II).
17
Section I. L’arbitrage international
L’arbitrage est un mode à la fois contractuel et juridictionnel de règlement
des différends par lequel des litiges sont soustraits à la compétence des
juridictions nationales ou internationales et tranchés par tribunal arbitral,
composé d’un ou plusieurs arbitres sur la base d’une convention (contrat)
d’arbitrage prenant la forme d’une clause compromissoire ou d’un compromis
d’arbitrage17
.
§ 1. Définition et base juridique de l’arbitrage international
1. Définition
L’arbitrage est une technique visant à faire donner la solution d’une
question intéressant un rapport de droit, par une ou plusieurs personnes qui
tiennent leur pouvoir juridictionnel d’une convention privée et statuent sur la
base de cette convention sans être investies de cette mission par l’État.
De cette définition, résultent deux traits importants de l’arbitrage :
les arbitres ont une mission juridictionnelle ;
cette mission juridictionnelle s’exerce par grâce d’une convention privée.
Contrairement au juge étatique qui est investi d’une manière permanente
d’un pouvoir juridictionnel, l’arbitre ne bénéficie de la qualité de juge que
provisoirement, et ce en vertu de la volonté des parties incarnée dans une
convention d’arbitrage. Seules ces dernières disposent de la faculté de créer le
pouvoir juridictionnel de l’arbitre et d’en délimiter l’objet18.
La convention d’arbitrage produit à la fois un effet positif confiant le
litige à un tribunal arbitral, et un effet négatif résidant dans le dessaisissement
des juges. Qu’il soit interne ou international, l’arbitrage est une justice privée et
autonome par rapport aux juridictions étatiques ou interétatique. Celles-ci sont
dessaisies en présence d’une convention d’arbitrage19.
La question de savoir si l’on est en présence d’un arbitrage international
est très importante ?
17 Abdelhak JANATI-IDRISSI, Revue marocaine des contentieux, n° 5 & 6, 2007, p. 36. 18 Besma ARFAOUI, L’interprétation arbitrale du contrat de commerce internationale, Thèse de doctorat en droit privé, Université de Limoges, 16 juin 2008, p. 225. 19 Ibid.
18
Or, il y a deux conceptions possibles de l’extranéité d’un arbitrage :
a) une conception juridique :
L’arbitrage devient international dès lors que les éléments du litige se
rattachent à plus d’un État.
b) Une conception économique :
Elle est plus exigeante, cette conception ne se contente pas de n’importe
quelle extranéité :
Il faut que l’arbitrage soit intrinsèquement international, et que donc,
l’extranéité soit expressément caractérisée ;
L’arbitrage sera intrinsèquement international que si le litige met en
jeu des intérêts du commerce international.
Plus précisément selon la jurisprudence « Matter » (nom du procureur
Général près la Cour de cassation initiateur de cette jurisprudence) de la Cour de
Cassation du 17 mai 1927, pour qu’il y ait arbitrage international, le contrat
auquel se rapporte « le litige doit produire comme un mouvement de flux et de
reflux de valeurs économiques au-dessus des frontières, et des conséquences
réciproques dans un pays et dans un autre ».
2. Base juridique
Jusqu’à la promulgation de la loi n° 08-0520, l’arbitrage international ne
disposait pas de législation spécifique à part les conventions internationales en la
matière ratifiées par le Royaume du Maroc.
Il y a lieu de préciser que le Royaume du Maroc fait partie des pays ayant
ratifié la convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des
sentences arbitrales du 10 juin 1958 et ce par dahir du 12 février 1959. Le Maroc
a également signé le 11 octobre 1965 (décret royal du 31 octobre 1966) la
Convention de Washington du 18 mars 1965 instituant le Centre International
pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) entre
États et ressortissants d’autres États et la Convention de Séoul du 11 octobre
1985 instituant l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI).
20 Dahir n° 1-07-169 du 19 kaada 1428 (30 novembre 2007) portant promulgation de la loi n° 08-05 abrogeant et remplaçant le chapitre VIII du titre V du code de procédure civile.
19
Malgré le vide juridique antérieur à la promulgation de la loi n°08-05
susvisée, la jurisprudence de la Cour suprême était sans équivoque quant à la
soumission de l’arbitrage international à la Convention de New York.
La loi n°08-05 a consacré le principe de la primauté des dispositions des
conventions internationales ratifiées par le Maroc et publiées au Bulletin Officiel
sur les règles du droit interne régissant l’arbitrage international.
L’article 327-40 de la ladite loi dispose qu’« est international au sens de
la présente section l’arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce
international, et dont l’une des parties au moins a son domicile ou son siège à
l’étranger ».
« Un arbitrage est international si :
1) Les parties à la convention d'arbitrage ont, au moment de la
conclusion de ladite convention, leur établissement dans des États différents ;
Ou
« 2) Un des lieux ci-après est situé hors de l'État dans lequel les parties
ont leur établissement :
« a) le lieu de l'arbitrage, s'il est stipulé dans la convention d'arbitrage ou
déterminé en vertu de cette convention ;
« b) tout lieu où doit être exécutée une partie substantielle des obligations
issues de la relation commerciale ou le lieu avec lequel l'objet du différend a le
lien le plus étroit ;
« Ou
« 3) Les parties sont convenues expressément que l'objet de la convention
d'arbitrage a des liens avec plus d'un pays.
« Pour l'application des dispositions du 2eme alinéa du présent article :
« a) si une partie a plus d'un établissement, l'établissement à prendre en
considération est celui qui a la relation la plus étroite avec la convention
d'arbitrage ;
« b) si une partie n'a pas d'établissement, sa résidence habituelle en tient
lieu ».
20
De même, la nouvelle loi a prévu que la sentence arbitrale internationale
peut être rendue au Maroc ou à l’étranger et que les parties peuvent déterminer
la loi nationale qui régira la procédure et en application de laquelle le litige sera
tranché.
La loi rappelle que les sentences arbitrales internationales sont reconnues
au Maroc. Pour cela, elles doivent être revêtues de l’exequatur délivré par le
président de la juridiction commerciale dans le ressort de laquelle elles ont été
rendues, ou par le président de la juridiction commerciale du lieu d'exécution si
le siège de l'arbitrage est situé à l'étranger.
L’arbitrage commercial international peut être ad hoc ou institutionnel.
On entend par « arbitrage ad hoc », dit aussi arbitrage contractuel, l’arbitrage
dans lequel les parties constituent elles-mêmes le tribunal arbitral, sans le
concours d’un organe déterminé, en se référant au règlement de leur choix.
L’« arbitrage institutionnel », dit aussi juridictionnel, vise quant à lui
l’arbitrage dans lequel les parties optent pour un tribunal arbitral, de formation
collégiale ou pour un arbitre unique. La procédure est administrée dans ce cas
par un centre d’arbitrage.
Les sentences arbitrales internationales sont reconnues au Maroc si leur
existence est établie par celui qui s’en prévaut et si cette reconnaissance n’est
pas contraire à l’ordre public. C’est le président de la juridiction commerciale
qui reconnaît et rend exécutoire ces sentences.
Pour la détermination des règles de procédure et le droit applicable sur le
fond, la liberté est laissée aux parties, toutefois en cas de silence de la
convention d’arbitrage ce sont les arbitres qui déterminent les règles de
procédure et le droit applicable tout en observant les règles issues de la pratique
internationale auxquelles la doctrine et la jurisprudence font référence pour
régler les conflits du commerce international.
L’un des défis majeurs de l’arbitrage notamment international demeure la
reconnaissance par les juridictions marocaines des sentences arbitrales
étrangères.
Nous allons exposer quelques cas de jurisprudence concernant le domaine
commercial21 :
21 Abdellah KHIAL, Docteur d’État en droit, L’arbitrage en droit marocain.
21
1) litige opposant une entreprise Britannique à une entreprise
marocaine
Une entreprise marocaine spécialisée dans le commerce de produits de
base semi finis avait signé un contrat commercial avec un fournisseur de Grande
Bretagne contenant une clause compromissoire qui donne attribution de
compétence à un Centre d’Arbitrage Londonien spécialisé dans les litiges
relatifs au commerce des produits de base. Les parties avaient convenu que c’est
le droit anglais qui était applicable en cas de litige.
Pour des raisons économiques et financières, l’entreprise marocaine s’est
rétractée au cours de la phase d’exécution du contrat juste avant la date de
livraison de la marchandise.
Devant l’impossibilité de l’entreprise marocaine d’honorer ses
engagements, le fournisseur anglais a eu recours à l’arbitrage institutionnel de la
cour londonienne conformément à la clause compromissoire.
La cour d’arbitrage a procédé à la convocation régulière de la partie
marocaine qui a refusé de se constituer en qualité de défendeur avançant que le
contrat dont se prévalait le demandeur anglais n’a jamais été accepté ni signé par
elle-même et que de ce fait, le tribunal ne pouvait statuer sur un contrat sans
cause ni objet et donc en l’absence de clause compromissoire établie devant
consacrer l’incompétence dudit tribunal arbitral.
Le tribunal londonien a rendu en défaut de représentation de la partie
marocaine trois sentences aux termes desquelles il a décidé ce qui suit :
1- La reconnaissance de l’existence de relations commerciales et de
la validité du contrat commercial qui stipule une clause compromissoire
donnant compétence au tribunal arbitral ;
2- Le calcul et le paiement des indemnisations et du manque à
gagner dues à la partie anglaise ; et
3- Le paiement des frais de la procédure d’arbitrage par la partie
marocaine.
Au vu de cette décision, la partie britannique a demandé l’exéquatur de la
sentence arbitrale en produisant l’original desdites sentences dûment traduites en
langue arabe et de l’ensemble des documents authentiques requis pour autoriser
le tribunal marocain à statuer sur la demande.
22
La partie marocaine a maintenu les moyens sur lesquels elle a construit sa
défense pendant la procédure d’arbitrage et au cours de la procédure d’exéquatur
arguant l’absence d’un contrat écrit et de ce fait l’absence d’une clause
compromissoire ; ce qui écarterait l’application de la convention de New York
du 10 juin 1958 qui ne peut s’appliquer que pour des sentences arbitrales
étrangères valablement rendues et conformes aux règles de droit public
marocain.
Le tribunal de Commerce de Casablanca a rendu en début de l’année
2012, un jugement d’exequatur des trois sentences arbitrales étrangères précitées
sur les motifs de la validité du contrat commercial qui a connu un début
d’exécution comme les correspondances entre les parties l’ont démontré. Le
tribunal a motivé sa décision par l’application des dispositions de l’article 327-
44 du code de procédures civile et des dispositions de la convention de New
York de 1958.
2) litige opposant une entreprise française à une entreprise marocaine
En juillet 2008, la société Ynna Asment filiale de la holding Ynna
Holding a signé avec un prestataire français, la société française Fives FCB
(société d'ingénierie basée à Paris) un contrat portant sur la réalisation d’une
unité de production de ciment d’une capacité de production d’environ 2 millions
de tonnes par an à livrer clés en main dans la région de Settat.
Le montant total de l’investissement s’élève à 1,75 milliard de DH
(environ 162 millions d’Euros). Une partie de ce financement devait être réglée
en devises au profit du prestataire français, soit 132 millions d’Euros. Il a été
convenu que l’exécution du contrat se déroulera en deux étapes. Une première
phase dite de «préparation» qui s’étale jusqu’à l’entrée en vigueur du contrat,
qualifiée de «principale» et une 2e phase de l’engagement qui porte plutôt sur la
réalisation du projet.
La filiale d’Ynna Holding versera un acompte de 10% sur la part en Euros
du contrat Le projet a finalement été abandonné en 2009. La société Fives FCB
reproche à la société Ynna Asment d’avoir retiré sans préavis un cautionnement
de plus de 13 millions d'euros qu'Ynna Holding a refusé de payer.
Usant de la clause compromissoire, la société Fives FCB se sentant lésée,
demande réparation au tribunal arbitral à Genève (Suisse) compétent en la
matière qui a prononcé une sentence arbitrale en faveur de la société Fives FCB.
23
La sentence rendue à Genève a donné raison à la demanderesse et a
condamné la société Ynna Asment à payer solidairement avec la société mère la
holding Ynna Holding la somme de 19,5 millions d’Euros avec intérêt de 5% à
compter de fin juillet 2009 et « jusqu’au paiement complet ».
Le tribunal commercial de Casablanca, saisi pour l’exéquatur de la
sentence arbitrale, a reconnu par Ordonnance n°3921 du 28 décembre 2012,
dossier n°2426/1/2011) le bienfondé de la sentence arbitrale mais en ne
déclarant pas la solidarité entre la société Ynna Asment et sa société mère Ynna
Holding comme l’avait jugé le tribunal arbitral helvétique.
La Cour d’appel commerciale de Casablanca saisie par l’appel de la
société Ynna Asment ordonne par arrêt du 15 janvier 2015, dossier
n°2013/8224/2669 l’exéquatur et la reconnaissance de la sentence arbitrable
telle qu’elle a été prononcée par le tribunal arbitral de Genève qui avait déclaré
la solidarité de la société Ynna Asment avec sa maison mère Ynna Holding.
Le groupe Fives, a obtenu du Tribunal de commerce de Casablanca le 25
février 2015 la saisie conservatoire de 65% des actions de la Société nationale
d'électrolyse et de pétrochimie marocaine (SNEP) et le 6 mars 2015 la saisie-
exécution des 3 499 912 actions détenues par Ynna Holding dans le capital de la
chaîne de supermarchés Aswak Assalam( les deux sociétés sont des filiales de
Ynna Holding).
§ 2. Méthode du droit de l’arbitrage international
Il n’y a pas dans l’arbitrage international d’ordre juridique qui s’impose
prima facie à l’arbitre ; celui-ci n’a pas de for, en ce sens qu’il n’est pas
directement lié à un ordre juridique dont il doive scrupuleusement respecter les
règles. Privés d’une lex fori, les arbitres ont coutume d’agir avec une
extraordinaire prudence en la matière, bien qu’ils ne soient pas tenus d’agir de la
même façon qu’un juge étatique. Mais une chose est l’absence de for, autre
chose fort différente est l’absence totale de référence étatique : l’inexistence
d’un siège de l’arbitrage22
.
Quels sont les problèmes que peut poser un arbitrage international ?
Schématiquement, il est possible de regrouper les problématiques que
peut susciter un arbitrage international autour de trois thèmes : tout d’abord, les
22 José Carlos Fernandez Rozas, Le rôle des juridictions étatiques devant l’arbitrage commercial international, p. 38.
24
questions que peut soulever la convention d’arbitrage ; ensuite, l’instance
arbitrale qui va de la saisine des arbitres jusqu’au rendu de la sentence ; enfin le
sort de la sentence, à commencer par sa reconnaissance et les effets qu’elle peut
produire au sein des différents États.
Cependant, ainsi que le montre la jurisprudence, le contentieux se
rapporte le plus souvent à la convention d’arbitrage, étant rappelé que la
convention d’arbitrage prendra soit la forme d’une clause compromissoire
insérée dans le contrat avant tout litige, soit la forme d’un compromis convenu
entre les parties après la naissance du litige :
Quels sont les problèmes que peut poser la clause d’arbitrage ?
La convention d’arbitrage a la nature d’une stipulation contractuelle qui,
comme tout contrat peut poser des problèmes de formation, d’effets (quels sont
ces effets ? quelles sont les parties liées ?), de pérennité (jusqu’à quand la
convention d’arbitrage produit-elle ses effets, notamment en cas de
reconduction, de prorogation du contrat qui la contient ?).
Avant de préciser la méthode devant être suivie, précisons que ces
problématiques sont susceptibles de surgir devant le Tribunal arbitral, qu’une
des parties par exemple prétendra incompétent car saisi sur le fondement d’une
convention d’arbitrage nulle ou inopposable. Mais ces problématiques pourront
également se présenter devant le juge étatique ayant à connaître d’un recours
contre la sentence, ou auquel l’exequatur de la sentence est demandé : l’une des
parties pourra alors soutenir que la sentence est nulle ou insusceptible
d’exequatur.
La problématique peut également résulter du dépeçage des compétences
entre le tribunal arbitral et les juridictions étatiques en vertu des « clauses
combinées ». Ces clauses peuvent prendre la forme de l’une de ces trois
formules : soit elles accordent aux parties l’option entre juridiction arbitrale et
une juridiction étatique, soit elles stipulent une faculté d’appel de la sentence
devant les juridictions étatiques en matière internationale ou bien elles visent à
la fois la compétence de la justice arbitrale et celle de la justice étatique. C’est
cette avec dernière forme de clause combinée que la question devient plus
délicate23
.
23 Besma ARFAOUI, op.cit. p. 234.
25
Confronté à une problématique d’efficacité de la convention d’arbitrage, à
utiliser une règle matérielle adaptée au droit de l’arbitrage international, voire
d’en créer une si cette règle n’existe pas encore. Étant observé d’autre part que
cette règle matérielle devra viser à donner un maximum d’efficacité et d’effet à
la convention d’arbitrage. La convention d’arbitrage ne produira d’effet que si
sont satisfaites les exigences de l’ordre public et les règles impératives du
Droit marocain : en clair, si dans certains contrats, les exigences de l’ordre
public ou des règles impératives détournent de l’arbitrage, réputé dangereux
pour la partie faible (contrat de travail, contrat de consommation), l’efficacité de
la convention d’arbitrage pourra se voir alors remise en question.
§ 3. Interprétation et étendue de la convention d’arbitrage
La convention d’arbitrage est « la pierre angulaire » qui institue le
pouvoir juridictionnel de l’arbitre. Elle détermine les questions litigieuses que le
tribunal arbitral est habilité à trancher24.
De ce fait, et pour pouvoir interpréter le contrat principal, l’arbitre saisi du
litige doit s’assurer au préalable que la convention d’arbitrage lui confère cette
mission.
Cette question prend une importance considérable lorsque l’arbitre se
trouve face à une convention d’arbitrage qui ne détermine pas clairement la
marge de manœuvre laissée à l’arbitre dans le cadre de l’exercice de sa mission.
Ce dernier est tenu, dans ce cas, de fixer l’étendue de son investiture, en
interprétant la convention d’arbitrage, afin d’éviter le grief de dépassement des
contours de sa compétence, puisque la doctrine s’accorde à reconnaître que la
mission de l’arbitre trouve son fondement, son contenu et ses limites dans la
convention d’arbitrage. L’arbitre n’a d’autres pouvoirs que ceux qui résultent de
la volonté des parties. Autrement dit, l’arbitre doit déterminer les matières que
les parties ont prévu de trancher par voie d’arbitrage25.
De même, l’interprétation de la convention d’arbitrage paraît, dans
certaines hypothèses, primordiale pour identifier les parties liées par cette
convention : Dans certaines affaires, il était question d’interpréter la convention
d’arbitrage pour pouvoir déterminer les parties liées par la dite convention. Cette
question se pose avec plus d’acuité lorsque la personne qui a signé le contrat
n’est pas celle qui l’a négocié ou l’a exécuté.
24 Ibid. p. 247. 25 Ibid. p. 252.
26
Généralement la question d’interprétation de la convention d’arbitrage
afin d’identifier les parties engagées s’est posée soit en raison de l’ambigüité des
termes de cette convention ou bien en raison de la multiplicité des
intervenants598. Dans ce dernier cas, on vise essentiellement le problème relatif
à l’extension de la convention d’arbitrage à une partie non signataire26.
Section II. L’intervention du juge étatique en amont et en aval de
la sentence arbitrale
Force est d’admettre cependant que, même dessaisi, le juge intervient à
maintes reprises, en aval et/ou en amont de la sentence arbitrale. Ses
interventions prennent des formes aussi diverses que variées selon qu’elles
s’effectuent durant la procédure arbitrale, ou après le prononcé de la sentence
arbitrale, la complexité des mesures conservatoires justifiant leur traitement à
part.
§ 1. Intervention du juge durant la procédure arbitrale
En matière de procédure, l’intervention du juge touche surtout la
constitution et la composition du tribunal arbitral, mais elle peut s’étendre
également à d’autres questions affectant le bon déroulement de la procédure
telles la prorogation du délai, l’instruction de l’affaire27
.
A. Compétence-compétence
Il arrive que le juge soit saisi d’un différend faisant l’objet d’une
convention d’arbitrage. En pareil cas, il doit déclarer la demande irrecevable et
se déclarer incompétent, que la saisine soit antérieure ou postérieure à la
constitution du tribunal arbitral. En effet, le droit de l’arbitrage consacre
clairement le principe de la compétence-compétence en vertu duquel le tribunal
arbitral a le pouvoir de se prononcer sur sa compétence lorsque celle-ci est
contestée. Une certaine jurisprudence est allée encore plus loin à cet égard en
affirmant qu’il revient à l’arbitre de se prononcer par priorité sur sa propre
compétence même si la commune intention des parties de recourir à l’arbitrage
n’est pas clairement établie, la clause d’arbitrage comportant confusément une
clause compromissoire et clause attributive de compétence au juge28.
26 Ibid. p. 248. 27 Abdelhak JANATI-IDRISSI, op. cit. p. 37. 28 Ibid.
27
Deux points méritent d’être soulignés eu égard à l’intervention du juge au
sujet de la compétence-compétence.
D’abord, lorsque la compétence de l’arbitre est contestée en présence
d’une convention d’arbitrage, le juge ne peut soulever d’office cette exception
qui n’est pas d’ordre public. La décision du tribunal arbitral sur sa compétence
ne pourra être attaquée devant le juge qu’en même temps que la sentence, dans
le cadre d’un éventuel recours en annulation.
Ensuite, les juridictions étatiques saisies d’un différend faisant l’objet
d’une convention d’arbitrage recouvrent leur compétence en cas de nullité
manifeste de cette convention en cas de saisine antérieure à la constitution du
tribunal d’un coté, et pour indiquer les mesures conservatoires en cas de saisine
antérieure ou postérieure à la constitution du tribunal arbitral d’un autre coté.
B. Constitution et composition du tribunal arbitral
La phase de la constitution du tribunal arbitral est, probablement, l’une
des plus âprement disputées de la procédure arbitrale car, pour les parties, elle
détermine l’efficacité de l’arbitrage puisqu’elle concerne la désignation de
l’arbitre qu’elles ont, le plus souvent, le droit de nommer et puisqu’elle fait
surgir la véritable difficulté consistant à désigner l’arbitre unique ou le tiers
arbitre.
La doctrine utilise l’expression « juge d’appui » pour désigner le
magistrat auquel le droit confie le soin de désigner le ou les arbitres en cas de
divergence entre les parties sur cette désignation.
Le juge d’appui varie selon les législations nationales. En France, c’est le
président du tribunal de grande instance, ou, si les parties l’ont prévu, le
président du tribunal de commerce, qui dispose du pouvoir de désignation. En
Belgique, c’est le Président du tribunal de première instance.
Au Maroc, le juge d’appui est le président de la juridiction qui serait
éventuellement compétente pour ordonner l’exécution de la sentence arbitrale.
Le projet de Code marocain de l’arbitrage envisage à la fois les difficultés de
constitution du tribunal en cas d’arbitrage interne, et international. Dans ce
dernier cas, le juge d’appui diffère selon que l’arbitrage se déroule au Maroc
(président de la juridiction qui sera amenée par la suite à déclarer la sentence
exécutoire) ou à l’étranger et à l’égard duquel les parties ont prévu l’application
de la loi de procédure marocaine (président du tribunal de commerce de Rabat).
28
Le juge d’appui n’est pas systématiquement un juge étatique, les traités
internationaux se réfèrent au juge international comme autorité de nomination
des arbitres.
Le juge d’appui statue en référé. Sa décision (ordonnance) n’est
susceptible d’aucun recours.
La constitution du tribunal arbitral n’en garantit pas la composition
définitive jusqu’au prononcé de la sentence puisque les arbitres désignés
peuvent être remplacés pour cause de décès, de démission, de récusation, de
révocation, de déport, d’abstention, d’empêchement…
§ 2. Intervention du juge après le prononcé de la sentence
Une fois la sentence rendue, le juge étatique peut intervenir doublement,
soit pour en assurer l’exécution (exequatur) soit pour faire face aux différentes
voies de recours contre la sentence.
Si l’une des parties refuse d’exécuter spontanément la sentence arbitrale
celle-ci devra faire l’objet d’une procédure d’exequatur devant le juge
compétent.
La procédure d’exequatur est déclenchée par l’arbitre ou par la partie
diligente.
Au Maroc, la procédure d’exequatur se déroule devant le président du
tribunal de première instance dans le ressort duquel la sentence a été rendue ;
mais elle peut également se dérouler devant le premier président de la Cour
d’appel lorsque la sentence fait l’objet d’un recours29
.
Le juge de l'exequatur rend une ordonnance. Celle-ci doit être motivée
lorsqu'elle refuse d'accorder l'exequatur. Lorsque l'exequatur est obtenu, il est
apposé sur la minute de la sentence arbitrale. L'ordonnance d'exequatur n'est
susceptible d'aucun recours. En revanche, l'ordonnance qui refuse l'exequatur est
susceptible d'appel.
L'exequatur rend la sentence arbitrale exécutoire. Elle en permet
l'exécution forcée. L'obtention de l'ordonnance d'exequatur fait par ailleurs
courir le délai des voies de recours.
29 Art. 320 du code de la procédure civile, et art. 38 du projet de code de l’arbitrage.
29
Si la sentence est rendue en étranger, on est en présence de l’exequatur au
sens du droit international privé, c'est-à-dire la reconnaissance et l’exécution
d’une décision judiciaire étrangère.
En matière d’arbitrage interne, les voies de recours sont :
– L’appel ;
– Recours en annulation ;
– Recours en révision ;
– Tierce opposition ;
– Pourvoi en cassation.
Concernant l’arbitrage international, est d’après l’article 327-51 de la loi
08-05 : « La sentence rendue au Maroc en matière d'arbitrage international
peut faire l'objet d'un recours en annulation […] ».
Le recours en annulation est porté devant la Cour d'appel dans le ressort
de laquelle la sentence a été rendue. Ce recours est recevable dès le prononcé de
la sentence ; il cesse de l'être s'il n'a pas été exercé dans les quinze jours de la
notification de la sentence déclarée exécutoire30
.
Le recours en annulation, comme la voie d’appel lorsqu’elle est ouverte,
devra avoir lieu devant la Cour d’appel dans le ressort duquel la sentence a été
rendue, dans le mois qui suit sa notification, entrainant la suspension de
l’exécution de la sentence. Lorsque la juridiction annule, elle statue au fond dans
la limite de la mission des arbitres31
.
30 Art. 327-52 de la loi 08-05. 31 Said ISSA, La reconnaissance et exécution des sentences arbitrales, Article juridique publié le 27/01/2012 in : http://www.legavox.fr/blog/issa-said/reconnaissance-execution-sentences-arbitrales-vues-7553.htm#.V09x-DXhB1s