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LES ANNONCES DE LA SEINE
JOURNAL OFFICIEL DANNONCES LGALES - INFORMATIONS GNRALES,
JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilit pour les
dpartements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis
et Val de Marne
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FONDATEUR EN 1919 : REN TANCRDE - DIRECTEUR : JEAN-REN
TANCRDE
Jeudi 16 janvier 2014 - Numro 3 - 1,15 Euro - 95e anne
Pour la dernire fois de sa carrire professionnelle, le Premier
Prsident Catherine Husson-Trochain a ouvert laudience solennelle de
la Cour dappel dAix-en-Provence en prsence des plus hautes
personnalits des mondes juridique et judiciaire, mais galement
universitaire, conomique et religieux.Elle na pas manqu, comme le
veut la tradition, de dresser un bilan de lanne coule sur lactivit
de sa juridiction et de livrer un certain nombre de messages forts
avant son dpart dans quelques mois. Pour Madame le Premier
Prsident, linstitution justice est en mouvement. Elle a plaid pour
une justice rnove avec des juges recentrs sur leur mission
essentielle consistant dire le droit afi n de garantir une justice
de qualit disponible pour tous selon ses besoins. Quant au
Procureur Gnral Jean-Marie Huet, il a voulu mener une rfl exion sur
la ncessaire
refondation du Ministre public, concentrant ainsi son excellente
intervention sur les propositions de la Commission Nadal notamment
charge de moderniser le Ministre public du 21me sicle. Pour
lorateur, face lurgence de la situation il faut que parmi les 67
propositionsles prconisations les plus oprationnelles et
parfaitement ralistes soient rapidement mises en uvre. Jean-Marie
Huet a conclu sur le thme du Procureur europen avec
lofficialisation, le 17juillet 2013, par la Commission europenne,
de la proposition de texte portant cration du Parquet europen sur
un modle fdral : le Procureur serait nomm par le Conseil des
Ministres de la Justice et le Parlement europen pour huit ans.Bien
quil ne soit pas encore question dune Cour pnale europenne, lEurope
de la justice se construit petit pas en ce dbut du 21me sicle.
Jean-Ren Tancrde
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Cour dappel dAix-en-ProvenceAudience Solennelle de Rentre, 8
janvier 2014
Catherine Husson-Trochain, Michel Cadot et Jean-Marie Huet
RENTRE SOLENNELLE Cour dappel dAix-en-Provence- Faire progresser
la Justice par Jean-Marie Huet ..................... 2- Faonner le
droit pour garantir une justice de qualit par Catherine
Husson-Trochain ..................................................
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JURISPRUDENCE Dieudonn, le Conseil dEtat et les Etats-Unis par
Franois-Henri Briard
................................................. 10 Tribunal
administratif de Nantes- Rfr du 9 janvier 2014, Numro 1400110.
Socit Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala
MBala........................................ 11 Conseil dEtat-
Ministre de linterieur c/ Socit Les Productions de la Plume et
Monsieur Dieudonn MBala MBala. Ordonnance du 9 janvier 2014 - Numro
374508 .................... 13 SOCIT Droits des femmes et mixit
professionnelle - Lutter pour lgalit par Jean-Marc Ayrault
............................. 14 ANNONCES LGALES
............................................... 17DCORATION Basile
Ader Chevalier de la Lgion dhonneur ..................... 32
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2 Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3
Rentre solennelleLES ANNONCES DE LA SEINESige social :
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BOBIGNY Tlphone : 01 42 60 84 41l 1, place Charlemagne, 94290
VILLENEUVE-LE-ROI Tlphone : 01 45 97 42 05
Directeur de la publication et de la rdaction :Jean-Ren
Tancrde
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Thierry Bernard, Avocat la Cour, Cabinet BernardsFranois-Henri
Briard, Avocat au Conseil dEtatAgns Bricard, Prsidente de la
Fdration des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur
lUniversit Paris I Panthon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur
agrg des Universits de droitAndr Damien, Membre de
lInstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit lUniversit Paris
I Panthon SorbonneBertrand Favreau, Prsident de lInstitut des
Droits de lHomme des Avocats Europens, ancien Btonnier de
BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate la Cour, ancien
Btonnier de ParisBrigitte Gizardin, Magistrat honoraireRgis de
Gouttes, Premier avocat gnral honoraire la Cour de cassation Chlo
Grenadou, Juriste dentrepriseSerge Guinchard, Professeur de Droit
lUniversit Paris II Panthon-AssasGrard Haas, Avocat la Cour,
Prsident de GesicaFranoise Kamara, Conseiller la premire chambre de
la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat gnral
honoraire la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat la Cour,
Matre de confrence H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur
de droit lUniversit Paris II Panthon-AssasChristian Lefebvre,
Prsident Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique
Lencou, Prsident dHonneur du Conseil National des Compagnies
dExperts de JusticeNolle Lenoir, Avocate la Cour, ancienne
MinistrePhilippe Malaurie, Professeur mrite lUniversit Paris II
Panthon-AssasJean-Franois Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire
aux comptesGrard Pluyette, Conseiller doyen la premire chambre
civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont,
Avocate la Cour, Prsidente dhonneur de lUNAPLYves Repiquet, Avocat
la Cour, ancien Btonnier de ParisRen Ricol, Ancien Prsident de
lIFACFrancis Teitgen, Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisCarol
Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor
International
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: 13 268 exemplairesPriodicit : bi-hebdomadaireImpression :
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dans les cas o elle est autorise expressment par la loi et les
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Le journal Les Annonces de la Seine a t dsign comme publicateur
offi ciel pour la priode du 1er janvier au 31 dcembre 2014, par
arrts de Messieurs les Prfets : de Paris, du 24 dcembre 2013 ; des
Yvelines, du 19 dcembre 2013 ; des Hauts-de-Seine, du 18 dcembre
2013 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 dcembre 2013 ; du
Val-de-Marne, du 30 dcembre 2013 ; de toutes annonces judiciaires
et lgales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procdure
Civile et de Procdure Pnale et de Commerce et les Lois spciales
pour la publicit et la validit des actes de procdure ou des
contrats et des dcisions de justice pour les dpartements de Paris,
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Hauts-de-Seine.N.B. : Ladministration dcline toute responsabilit
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supplments culturels 95 avec supplments judiciaires et
culturels
COMPOSITION DES ANNONCES LGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES
Surfaces consacres aux titres, sous-titres, fi lets,
paragraphes, alinas
Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de
lannonce sera compose en capitales (ou majuscules grasses) ; elle
sera lquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit
arrondi 4,5 mm. Les blancs dinterlignes sparant les lignes de
titres nexcderont pas lquivalent dune ligne de corps 6 points
Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant
le sous-titre de lannonce sera compose en bas-de-casse (minuscules
grasses) ; elle sera lquivalent dune ligne de corps 9 points Didot
soit arrondi 3,40 mm. Les blancs dinterlignes sparant les
diffrentes lignes du sous-titre seront quivalents 4 points soit
1,50 mm.Filets : chaque annonce est spare de la prcdente et de la
suivante par un fi let 1/4 gras. Lespace blanc compris entre le fi
let et le dbut de lannonce sera lquivalent dune ligne de corps 6
points Didot soit 2,256 mm. Le mme principe rgira le blanc situ
entre la dernire ligne de lannonce et le fi let sparatif. Lensemble
du sous-titre est spar du titre et du corps de lannonce par des fi
lets maigres centrs. Le blanc plac avant et aprs le fi let sera gal
une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et
Alinas : le blanc sparatif ncessaire afi n de marquer le dbut dun
paragraphe o dun alina sera lquivalent dune ligne de corps 6 points
Didot, soit 2,256 mm. Ces dfi nitions typographiques ont t calcules
pour une composition effectue en corps 6 points Didot. Dans
lventualit o lditeur retiendrait un corps suprieur, il conviendrait
de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.
2013
Faire progresser la Justicepar Jean-Marie Huet
Voici dj revenu pour les magistrats et fonctionnaires de cette
Cour, ce temps fort de laudience solennelle de rentre, que la loi,
consacrant une tradition de plusieurs sicles, nous prescrit de
tenir.Exercice convenu pour certains, voire dsuet pour dautres, il
reste pourtant mes yeux incontournable, tant je considre que nous
avons eff ectivement des comptes rendre.En eff et si les magistrats
se plaisent rappeler que la Justice est rendue au nom de leurs
concitoyens, cest moins pour y rechercher la justifi cation de
leurs pouvoirs, que pour dterminer ltendue de leurs obligations
leur gard.Aussi cette audience solennelle ne doit donc pas tre
seulement la manifestation dune certaine autosatisfaction, fut-elle
lgitime, mais la restitution en une image comptablement fi dle et
transparente, de lactivit judiciaire dans le vaste ressort de cette
cour, loccasion de convaincre des volutions intervenues, afi n que
le regard que nos concitoyens et ceux qui les reprsentent ce matin
portent sur la justice soit plus clair.Jexprime ma gratitude
chacune et chacun dentre vous davoir bien voulu rejoindre ce matin
notre assemble, en sacrifi ant ce rite judiciaire qui nest pas pour
une fois, abandonn aux seuls professionnels du droit, mais se veut
une tradition vivante et non lexpression dune ternit fi ge.
ACTIVIT PNALE DE LA COUR Les chiffres restituant lactivit pnale
de cette cour dappel et des juridictions du ressort illustrent une
relative stabilisation de la production juridictionnelle.
LA DLINQUANCE DANS LE RESSORT Sagissant de la forme des actes de
dlinquance constats lan dernier, cest bien videmment lexpression
toujours trs prgnante de cette dlinquance violente que lon songe,
notamment mais pas exclusivement, dans lagglomration marseillaise,
avec un chiff re pourtant rduit par rapport lanne coule, mais bien
sr toujours
trop important, du nombre de meurtres sous forme de rglements de
compte. Sur ce point je souhaite plutt mettre en exergue de manire
parfaitement objective, lefficacit des services denqutes avec
llucidation de nombreuses affaires criminelles, mais aussi des
magistrats puisquun nombre significatif de dossiers dinformation
suivis la JIRS de Marseille ont fait lobjet de saisines des
juridictions de jugement. Il faut galement saluer la ralit de
lengagement conjoint des parquets, des responsables des services de
police et de gendarmerie, et des services de ltat, cet
investissement tant destin sinscrire dans le temps, quil sagisse de
lapplication de la circulaire de politique pnale territoriale de
Madame la Garde des Sceaux de novembre 2012, prescrivant une
mobilisation tout fait spcifi que dans les Bouches-du-Rhne, ou du
partenariat effi cace mis en uvre dans les Zones de Scurit
Prioritaires de Marseille Nord et Sud, de Bouc Bel Air et de
Gardanne, de lagglomration nioise, de Hyres et depuis peu de
Toulon. Il a pu ainsi tre dmontr quil est toujours possible, en
mutualisant les analyses comme les ressources, en dfi nissant plus
clairement et lisiblement les objectifs atteindre, de parvenir des
rsultats plus signifi catifs. Les chiff res qui seront restitus par
les procureurs lors des audiences des tribunaux de grande instance,
illustreront jen suis convaincu la ralit et leffi cacit de cette
dmarche novatrice. Il faut aussi se rjouir des rsultats obtenus la
faveur dun fort investissement des services de police judiciaire,
dans le domaine du proxntisme mafieux, notamment dans lest de ce
ressort.Mais il est dautres formes de dlinquance qui doivent
justifier chaque jour davantage notre vigilante attention.Ce sont
tout dabord les violences conjugales pour lesquelles en dpit des
efforts fournis, non seulement par les services denqute et les
juridictions, mais galement les diffrents partenaires associatifs,
il existe incontestablement une marge de progression dans la mise
en exergue de ces situations dramatiques, en amliorant encore la
dtection de celles-ci, les conditions daccueil dans les services
denqutes ou dans nos palais de Justice, dans lorientation la plus
approprie de ces procdures pour le traitement le plus dissuasif
des
Jean-Marie Huet
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auteurs des ces maltraitances, les drames rcents survenus dans
la rgion ne peuvent sur ce point que nous inciter redoubler
dattention.Il est une autre forme de dlinquance, plus sournoise,
plus pernicieuse qui naccrot gure les statistiques des services
denqute comme des parquets, mais qui doit pourtant justifier
galement une particulire vigilance : je veux parler l des
infractions caractre raciste, antismite, xnophobe ou homophobe,
quil sagisse dagressions physiques, dinjures ou de discriminations.
Nous disposons dun arsenal lgislatif tout fait adapt pour rprimer,
sanctionner leur juste mesure les propos et les actes racistes qui
minent le lien social. Je sais les parquets dj accapars par dassez
nombreuses priorits que je leur demande de prendre en compte dans
la dclinaison locale de la politique pnale rgionale que jai la
responsabilit de mettre en uvre. Toutefois ils connaissent mon
exigence particulire dans ce domaine o la mobilisation doit tre
constante pour permettre aux enquteurs didentifier dans les dlais
les plus brefs les auteurs des infractions qui doivent comparatre
devant les juridictions de manire diligente.Notre rgion est par
ailleurs, particulirement concerne par la problmatique
environnementale, (pollutions en Mditerrane, atteintes au
patrimoine du littoral, dcharges sauvages, non respect des rgles
durbanisme....). La rforme des polices de lenvironnement entre en
vigueur au 1erjuillet 2013 fait toute sa place la transaction, mais
elle reste sous le contrle du parquet. la faveur de partenariats
renforcs rcemment avec la direction rgionale de lenvironnement de
lamnagement et du logement (DREAL), la mise en place de structures
dpartementales de lutte contre toutes les formes datteintes
lenvironnement, nous serons dsormais mieux en mesure de dtecter ces
infractions, den identifier les auteurs et dapporter la rponse
pnale la plus pertinente.
UNE DLINQUANCE CONOMIQUE ET FINANCIRE AUX FACETTES MULTIPLES
Linterpntration de la criminalit organise, des trafics de
stupfiants, dtres humains et de la dlinquance conomique et
financire a justifi la mise en place de nouvelles approches avec le
concours du groupement dintervention rgional PACA, de son antenne
Nice, et de lantenne marseillaise cre la fin de lanne 2012.Mais il
faudrait voquer galement pour cette anne 2013 la mobilisation de
lensemble des acteurs susceptibles dtre concerns par les atteintes
la probit (officiers publics ministriels, mandataires de justice,
commissaires aux comptes), le renforcement des liens avec la
chambre rgionale des comptes, la cellule TRACFIN, qui nous ont
permis dacqurir une meilleure matrise de ces mcanismes dans la
dtection de ces infractions, face limagination toujours plus
dbordante de leurs auteurs quels que soient leurs statuts ou leurs
fonctions. Sur ce sujet la rcente loi du 6dcembre 2013 a renforc le
dispositif de lutte contre la fraude fiscale et la dlinquance
conomique et financire et cre compter du 1er fvrier prochain, un
procureur financier national, qui constituera certainement une
incontestable plus value, mme si nous disposons dj au plan rgional
de comptences et dexpertises qui ont dores et dj fait leurs
preuves.
MIEUX APPRHENDER LE PATRIMOINE DES DLINQUANTS Mais encore
faut-il sattaquer plus efficacement aux patrimoines illgalement
obtenus par ces dlinquants. Moins de trois ans aprs sa cration,
lAgence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Criminels saisis
et confisqus (AGRASC) en charge de la centralisation de toutes les
saisies au plan national, peut afficher sur son tableau de bord une
valorisation suprieure un milliard deuros, si lon additionne
lensemble des numraires saisis,
des comptes bancaires, des vhicules, des biens mobiliers divers,
et galement de plus en plus frquemment des saisies immobilires
pratiques chez ces dlinquants. Certes il ne sagit que de saisies
conservatoires, mais qui pour un certain nombre dentre elles se
sont vues confirmes par la voie de confiscations devenues
dfinitives, et lAGRASC sest dj employe au cours de lanne 2013
raliser la vente de biens immobiliers et de restituer ainsi au
budget gnral de lEtat plusieurs millions deuros. Des ventes de
biens immobiliers confisqus ont aussi concern lexcution de demandes
dentraide internationale provenant de plusieurs pays trangers. Le
ressort de notre Cour dappel dAix-en-Provence nest pas en reste,
puisque depuis la cration de lagence, avec le regroupement de
toutes les saisies ralises certaines fois depuis de nombreuses
annes, plus de 95 millions deuros de biens mobiliers et immobiliers
saisis proviennent des huit juridictions du ressort de la Cour
dappel dAix-en-Provence. Pour la seule anne 2013 plus de
30millionsdeuros ont t saisis dont plus de 12concernent des valeurs
immobilires. Ceci illustre sil en tait besoin, la totale matrise,
par les services denqute tout dabord, police, gendarmerie, douane
et par les magistrats du parquet, de linstruction, et des
juridictions de jugement ensuite, de cette nouvelle approche
patrimoniale dans une lutte toujours plus efficace contre la
criminalit organise et la dlinquance conomique et financire.
LA JUSTICE EN CHANTIERSLanne 2014 devrait connatre
laboutissement de nombreux chantiers ouverts par notre Garde des
Sceaux.Le projet de loi pnale relatif la prvention de la rcidive et
lindividualisation de la peine devrait tre dbattu devant le
Parlement au printemps prochain. Lenjeu est denvergure pour
imaginer de nouveaux leviers dactions en vue de favoriser
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Rentre solennelle
la rinsertion des condamns. Puisse cette dmarche normative, nous
amenant revisiter notre conception de la peine, provoquer un dbat
de qualit, qui mrite et impose lucidit, rigueur et humilit dans
lanalyse, trs loin des certitudes arrogantes. La nouvelle peine de
contrainte pnale, peine sans emprisonnement mais avec de strictes
obligations pour le condamn, le concept de csure entendue comme une
distinction dans le temps, entre le moment de la reconnaissance de
la culpabilit et de celui de la dtermination de la peine,
constitueront parmi bien dautres dispositions de nouveaux outils
quil nous faudra apprhender ds que la loi sera applicable. Nous
sommes particulirement concerns dans le ressort de cette cour par
la problmatique de la surpopulation carcrale, avec ce jour
7450personnes croues, nonobstant un taux damnagement des peines qui
ne cesse de crotre. Par ailleurs les manifestations organises en
marge du 30me anniversaire de la peine du travail dintrt gnral en
novembre dernier, auront eu jen suis convaincu un effet salutaire
de conviction vis--vis des collectivits territoriales, les diff
rentes institutions ou structures, susceptibles de proposer aux
magistrats de plus nombreux postes de TIG, diversifi s, plus adapts
au profi l des condamns. Il sagit l dune vraie peine qui a dmontr
toute son effi cacit et que lon ne doit pas hsiter
requrir.Sagissant des entreprises en diffi cult, aprs de nombreuses
consultations, le parlement, par la loi du 2janvier 2014, autoris
le gouvernement procder par ordonnance une nouvelle rforme des
procdures collectives, pour favoriser les mesures de prvention, les
procdures de sauvegarde, amliorer les procdures liquidatives, en
prcisant les conditions dintervention du ministre public. Les
juridictions consulaires mais aussi les parquets doivent donc
sattendre dans les mois qui viennent devoir sadapter de nouvelles
rgles procdurales dans le but de mieux prserver les emplois.A
linitiative de la Ministre de la Justice, plusieurs groupes de
travail ont donc tout au long de lanne 2013 men des rflexions
approfondies sur
lorganisation judiciaire, le primtre dintervention du juge et
sur lavenir du Ministre Public. Je ferai tout dabord le constat que
certains thmes ou propositions sont vritablement transversaux aux
diffrents groupes. Je pense notamment lindispensable dpnalisation
ou tout le moins djudiciarisation dun certain nombre dinfractions
dont la masse ne permet pas toujours un traitement individualis ni
de justifier lintervention dun magistrat du Ministre Public submerg
de tches, voire lintervention dun juge. De nombreuses propositions
ont t formules qui vont de laccroissement du champ des amendes
forfaitaires celui des procdures de transaction. Je songe aussi
larticulation la plus adapte au territoire dune organisation
judiciaire moderne et cohrente, avec le concept du tribunal
dpartemental et donc dun procureur dpartemental. Nous aurons
loccasion dans les prochains jours et les prochaines semaines, dans
diffrentes enceintes, dapprofondir ces concepts, envisager toutes
les consquences pour favoriser lmergence de consensus sur les
solutions les plus pertinentes et pragmatiques.
LA NCESSAIRE REFONDATION DU MINISTRE PUBLIC Vous comprendrez que
je concentre mon propos sur la commission prside par Jean-Louis
Nadal et qui a affi ch lambition de refonder le Ministre Public. A
lheure o la Ministre de la Justice souhaite pourtant dans les tous
prochains jours lors du colloque organis sur la Justice du XXIme
sicle, mettre en exergue la place du citoyen au cur de la Justice,
je conois que pour un certain nombre dentre vous les proccupations
statutaires, organisationnelles ou fonctionnelles des magistrats
des parquets apparaissent quelque peu loignes de leur propres
soucis Dans la conception franaise, cest dans leur qualit de
magistrat que les membres du ministre public puisent leur lgitimit.
Quil sagisse de contrler laction de la police judiciaire en
veillant au respect des liberts et des droits fondamentaux,
dexaminer la loyaut et la consistance des preuves avant de
saisir le juge ou de sexprimer, dans leurs rquisitions, au nom de
la socit, les magistrats du parquet nagissent quen considration de
la seule exigence de la dfense de lintrt gnral, dans le respect du
principe dimpartialit auquel ils sont tenus. Lincomprhension
persistante des magistrats du Ministre Public qui vivent leur mtier
avec passion, porte sur la remise en cause, non pas de leurs
prrogatives, mais de la lgitimit de leur capacit garantir eux aussi
les liberts individuelles comme le Conseil constitutionnel ne cesse
de leur rappeler. Certaines jurisprudences rcentes ont des
incidences concrtes sur la rgularit des actes denqutes effectus
sous le contrle des procureurs, et ceci constitue un enjeu qui
concerne lensemble des justiciables, auteurs ou victimes. La rforme
engage mais non encore finalise du Conseil Suprieur de la
Magistrature, devrait donc imprativement aboutir pour garantir
lindpendance statutaire du Ministre Public, et ne plus susciter
quelque suspicion que ce soit sur son impartialit.Dindispensables
moyens aussi bien humains que matriels doivent tre donns aux
parquets. Le renforcement de lautorit du Ministre Public sur la
police judiciaire, doit sexprimer concrtement aussi bien en
consolidant le rle du parquet dans le contrle des enqutes quen
rappelant le principe du libre choix du service denqute par les
parquets. Depuis le 1er janvier 2014 policiers et gendarmes sont
dots dun Code de dontologie commun, constituant des repres
essentiels sur leurs obligations et leur cadre daction: discrtion,
probit, discernement, impartialit. Je ne doute que le respect de
ces normes facilite la relation quils entretiennent avec nos
concitoyens.Procureurs gnraux et procureurs doivent pouvoir tre
associs la rpartition des moyens, des eff ectifs au sein des
services de police judiciaire, pour tre vritablement en mesure de
mettre en uvre la politique pnale dcide au niveau national, dcline
rgionalement et localement.
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La commission Nadal recommande aussi, mesdames et messieurs les
btonniers, dintroduire une phase de contradictoire dans les enqutes
longues qui nont pas fait lobjet douverture dune information
judiciaire, et de gnraliser lassistance dun avocat au moment du
dfrement. Les membres de la Commission ont parfaitement conscience
de lurgence de la situation et des espoirs placs en elle, mais
aussi quun certain nombre des 67prconisations quelle formule ne se
raliseront pas court terme, compte tenu notamment de la nature
normative, lgislative, voire constitutionnelle de certaines dentres
elles, mais il importe que ces chantiers normatifs soient engags et
que les prconisations les plus oprationnelles et parfaitement
ralistes, soient rapidement mises en uvre. Cela me parat tout
simplement vital pour le ministre public franais.
UNE EUROPE JUDICIAIRE EN CONSTRUCTION LEurope judiciaire avance.
Lan dernier jvoquais le concept de procureur europen qui a connu un
dveloppement tout fait concret cette anne, avec lofficialisation le
17juillet2013 par la Commission europenne de la proposition de
texte portant cration de ce parquet sur un modle fdral: le
procureur europen serait nomm par le conseil des Ministres de la
Justice et le Parlement europen pour huit ans. Ce procureur
nommerait son tour des procureurs europens dlgus dans chacun des
tats membres sur une liste propose par les gouvernements. Lensemble
du parquet sera soumis au contrle du parlement europen, du conseil
des Ministres et de la Cour de Justice. Il pourra ordonner des
mesures denqutes, diverses investigations (perquisitions) en
respectant chaque droit national, mais les personnes poursuivies
continueront tre juges par les juridictions nationales, car pour le
moment il nest pas question de crer une Cour pnale
europenne.Certes, tous les obstacles ne sont pas franchis, certains
Parlements nationaux estimant que cette proposition empiterait sur
les comptences nationales, il nest pas impossible qu dfaut
dunanimit, ce projet ne runisse que ceux des Etats membres
volontaires dans le concept de la coopration renforce, mais
incontestablement les choses avancent.
LEurope de la justice, cest aussi ladoption le 22 octobre 2013
par le parlement europen et le conseil de lunion europenne de la
directive relative laccs lavocat que les tats membres doivent
transposer dans leurs droits nationaux avant novembre 2016. Cette
directive est la 3me mesure de la feuille de route garantie
procdurale aprs la directive relative au droit linterprtariat et la
traduction adopte le 22octobre 2010 qui a fait lobjet en juillet
2013 dune loi dsormais applicable sur notre territoire national et
de la directive relative au droit linformation adopte le 22mai
2012. Cette dernire directive vient parachever lharmonisation des
rgles de procdure pnale applicables aux personnes suspectes ou
poursuivies quel que soit lEtat membre dans lequel la procdure est
conduite. Elle largie les conditions dans lesquelles une personne
suspecte et poursuivie peut tre assiste par un avocat pendant toute
laudition y compris au regard des auditions libres.Sagissant de la
directive relative au droit linformation adopte le 22 mai 2012 et
qui doit tre transpose avant le 12 juin 2014, qui concerne
notamment laccs aux pices dun dossier mme aux prmices de la
procdure, la France entend bien appliquer dans toutes ses
dispositions cette directive qui constituera incontestablement une
avance dans lexpression concrte des droits de la dfense. Il ne
mapparat toutefois ni ncessaire ni opportun dici l dentretenir la
confusion en anticipant cette volution. Il convient denvisager
sereinement, de manire pragmatique et concrte, notamment dans les
services denqute, comment raliser ce nouvel quilibre qui doit tenir
compte des conditions dj eff ectives de lexercice de ces droits
dans chacun des pays de lunion europenne. Vous le voyez, Mesdames
et Messieurs, lanne 2014 sera nouveau riche dchances tout
simplement essentielles pour linstitution judiciaire qui concernent
non seulement les professionnels que nous sommes les uns et les
autres, mais chacune et chacun de nos concitoyens.A laube de cette
nouvelle anne, notre audience solennelle constitue une nouvelle
tape empreinte la fois de nostalgie lorsque lon songe la fuite du
temps et desprance dans lavenir qui nous attend. Quil soit empli de
notre engagement sans cesse renouvel, de notre volont collective de
voir progresser la Justice.
Rentre solennelle Agenda
DROIT ET PROCEDURE - AVOCATS CONSEILS DENTREPRISES
La procdure dans les modes de rsolution extrajudiciaires des
litigesColloque le 23 janvier 2014 Maison du Barreau2/4 rue de
Harlay 75001 PARIS Renseignements: 01 47 66 30
[email protected] 2014-22
ASSOCIATION FRANAISE DES JURISTES DENTREPRISE
Savoir se positionner en qualit de Juriste pour renforcer son
effi cacitConfrence le 23 janvier 2014Htel Mercure 18, Parvis des
Chartrons33080 BORDEAUXRenseignements: 06 19 97 44
[email protected] 2014-23
CENTRE DE RECHERCHE EN DROIT CONSTITUTIONNEL
La question prioritaire de contitutionnalit: quel renouveau pour
le droit constitutionnel?Colloque le 24 janvier 2014 Conseil
constitutionnel2, rue de Montpensier 75001 PARIS Renseignements: 01
44 78 33 54 [email protected] 2014-24
CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX
10me Etats Gnraux du droit de la famille Les 30 et 31 janvier
2014Maison de la Chimie 28, rue Saint-Dominique 75007 PARIS
Renseignements: 01 53 30 85 65 [email protected]
2013-000
UNION INTERNATIONALE DES AVOCATS
9me Sminaire dhiver: Les dfi s juridiques pour 2014Du 22 fvrier
au 1er mars 2014Das MajesticVia Im Gelnde 20I-39031 RisconeBRUNICO
SOUTH TYROL ITALIERenseignements: 01 44 88 55
[email protected] 2014-25
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Faonner le droit pour garantir une justice de qualitpar
Catherine Husson-Trochain
Lexceptionnelle judiciarisation des rapports sociaux sest
dveloppe ces dernires annes. Dj depuis quelques dcennies, la
justice, notre Institution et ceux qui la servent font face avec
dtermination aux dferlantes des lois qui leur confi ent toujours
plus de missions.Ainsi la demande de justice est toujours plus
importante de jour en jour et les moyens ne sont pas ncessairement
la seule rponse aux maux qui frappent la Justice. Une prise de
conscience collective que la Justice dans toutes ses composantes se
trouve aujourdhui la croise des chemins est acquise et chacun sait
bien que prolonger les courbes infl ationnistes la conduirait
limpasse.Les mentalits changent, les comportements changent, les
pratiques changent, la socit change et le droit sadapte, innove. La
justice, par ses juges faonne le droit, lui donne sa force, volue
et se rforme constamment car elle doit rpondre lobjectif essentiel
de garantir une justice de qualit, disponible pour tous selon ses
besoins.Mais chacun doit en tre bien convaincu quactuellement elle
ne peut plus rpondre toutes les demandes de Justice.
RENDRE DES COMPTES Rendre des comptes telle est la faon de
remplir publiquement les obligations de transparence que les
habitants du ressort sont en droit dattendre de nous.Certes dresser
un inventaire nest pas chose aise et de plus il ne rend pas compte
de la diffi cult du travail judiciaire, de sa nature, de sa
diversit, de son intensit ou sa complexit.Comment dpeindre le
double rle de notre Cour, la fois juridiction dappel et organe
dadministration, danimation et de contrle. Car notre activit ne se
limite pas aux seules activits juridictionnelles.Lanne 2013 na donc
pas chapp ce diffi cile quilibre que je dcrivais dj lanne dernire
pour dterminer la juste ligne de partage entre les moyens allous
laction civile et laction pnale en proportion de leur activit.
(...)A cet instant de mon propos je ne peux pas passer sous silence
le formidable travail fait en commun, magistrats, greffiers et
avocats pour perptuer la russite que constitue la gestion
lectronique intensive entre la cour et les cabinets davocats des
affaires civiles avec reprsentation obligatoire, puisquen moyenne
30000 messages sont changs par mois.Une fois nest pas coutume,
cette anne je voudrais souligner la comptence et la qualit du
travail accompli des 11 magistrats qui sigent dans les 4 chambres
de linstruction, des 7 prsidents des cours dassises de nos 4
dpartements et des 22magistrats des chambres pnales
correctionnelles, dapplication des peine et des mineurs.Ils sont
les artisans sereins de lourdes dcisions dont la presse se fait
rgulirement lcho. Je les remercie aussi tout particulirement de
leur discrtion et de leur modestie passe et venir compte tenu des
dossiers quils auront traiter en 2014. Ils savent mais je le rpte
publiquement que je serai l leur ct et sans doute devant eux si
daventure certains cherchaient les dstabiliser de quelque manire
que ce soit dans lexercice de leurs fonctions.
LA JUSTICE EN MOUVEMENT: Evolution et avenir partir de deux
exemples emblmatiques: Les femmes et la familleEn abordant la
seconde partie de mes propos, je vous rappelle mes mots
introductifs annonant le sujet: Les mentalits changent, les
comportements changent, les pratiques changent, la socit change,
les lois changent et le droit sadapte, est faonn par les juges qui
lui donnent toute sa force. Cest ainsi: La justice volue, doit
continuer voluer et continuera voluer comme la socit le demande en
exigeant plus de transparence et plus deffi cience.Les acteurs ou
partenaires de justice seront les moteurs essentiels des
changements.A loccasion de ces constats je voudrais vous faire
partager deuxrfl exions personnelles partir de deuxexemples que je
mautorise vous livrer laune de mes 42annes consacres pleinement au
service de la Justice, qui est mon unique et seul parti pris.
a) Les mentalits voluent en mme temps que le corps judiciaire.
Hommes et Femmes: quel avenir dans la magistrature?En 1783,
Choderlos de Laclos appelait les femmes, dans son Education des
femmes ne compter que sur elles mmes. Je pense quil navait pas
tort.Napolon, lui, tenait sur le compte des femmes des propos trs
radicaux au moment mme o slaboraient les dispositions du futur Code
civil. La nature, disait-il, a fait de nos femmes nos esclaves. La
femme est donne lhomme pour quelle fasse des enfants. Elle est donc
sa proprit, comme larbre fruit est celle du jardinier. Cest du
reste pourquoi notre Code civil de 1804, dont on a clbr il y a
10ans le bicentenaire, avait savamment organis lincapacit de la
femme marie, simplement abolie par la Loi du 13juillet1965 portant
sur la rforme des rgimes matrimoniaux soit il y a peine 60ans. Ce
nest pas si loin.Un peu plus tard en 1930, lopinion masculine ne
semblait pas avoir trop volu sur ce point. Un procureur de la
Rpublique qui il tait demand son avis sur lentre des femmes dans la
magistrature crivait ces quelques phrases que jai slectionnes1.Jai
lhonneur de vous adresser lavis que vous avez bien voulu me
demander, sur lopportunit de confier aux femmes des fonctions
judiciaires. Au vu des diplmes mdicaux, les femmes ont t admises
disposer de la vie de leurs concitoyens.
Rien ne soppose donc, en logique, ce que sur la foi des
certificats des facults de droit, elles puissent disposer aussi de
leur honneur et de leur fortune.Plus loin il prcisait: Ni dans
lordre logique, ni dans lordre physiologique, il ny a donc
dobstacles insurmontables ladmission des femmes dans la
magistrature.Par contre, apparaissent quelques objections dordre
psychologique ; il se trouve que les caractristiques de la mentalit
fminine- au moins jusqu ce jour, et daprs les crivains les plus
qualifis- sont exactement en antinomie avec celles que lon se plait
reconnaitre comme devant tre celles du juge Rserve faite de cas
exceptionnels ou considrs comme tels, cest la cohorte des qualits
inverses qui constitue larmature fminine: prdominance de la
sensibilit et de la passion, promptitude dune vision parfois
exacte, parfois errone, toujours rapide et souvent intuitive et
parfois divinatoire, raisonnement tantt sautillant et sans lien,
tantt rigoureusement logique mais partant de preuves non contrls,
daffi rmations non justifi es, fondes sur les aveuglements sur les
impulsions du cur ou de limagination, diffi cult de slever, au
moins mthodiquement, aux ides gnrales et abstraites et de sortir du
cadre des impressions, enttement obstin mme lencontre de
lvidence.Par contre, dans toutes les situations, o aucun sentiment
ne cre son opinion, la femme semble doue dune incapacit particulire
sen former une qui lui soit personnelle.Et de conclure jai cru
devoir laisser de ct, lexamen des difficults dordre intrieur, que
pourraient soulever, aprs ladmission des femmes dans la
magistrature, leurs dsirs davancement en rivalit avec des collgues
masculins.Ecrit outrancier, dune autre poque allez-vous penser sans
doute, certainement, assurment. Cest un fait la fminisation du
corps na cess daugmenter pour atteindre aujourdhui 59,4 % du total
des magistrats sur un eff ectif de 8442 au 1erjanvier 2012.Mais ce
procureur des temps anciens avait tort de se proccuper de leur dsir
davancement en rivalit avec des collgues masculins car depuis 1946,
date de leur entre dans la magistrature, le cheminement des femmes
dans les fonctions de responsabilit est
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long et lent au point que le CSM sest empar du problme pour en
connatre les raisons et en a fait son tude centrale de son dernier
rapport paru en septembre 2013. Je ne pense pas que la justice se
singularise sur ce point car mon sens, elle sintgre dans un phnomne
beaucoup plus large de la fminisation des professions dans des
domaines tels que la mdecine, lenseignement, et tous les mtiers du
droit par exemple.La fminisation est lie naturellement au contexte
culturel et social et lducation surtout depuis laccs des fi lles
lenseignement suprieur et leur importante russite dans les
concours.Cependant de temps autre ressurgissent des ides bien
ancres, des clichs, des strotypes et des interrogations qui ne
peuvent que nous interpeler.Des ractions contemporaines ne peuvent
aussi que nous surprendre comme lemploi dexpressions et des
comportements, sexistes, racistes, antismites et xnophobes portant
directement atteinte nos valeurs de la Rpublique que sont La
libert, lgalit et la fraternit. Elles ne peuvent que nous inquiter
et que nous faire ragir pour les combattre par le droit.Les femmes
ou une femme sont encore la cible privilgie de certains mais
heureusement sur le plan de leur comptence, en tous les cas dans la
fonction publique, tout le moins je veux le croire, certains prjugs
tendent disparaitre. Encore queEn eff et le temps nest pas si
lointain o il tait frquent dentendre quelques apprciations dont je
ne rsiste pas lenvie de vous faire partager toutes les nuances
appropries dans lexpression du langage.Ne disait-on pas dun homme
quil avait de lautorit et que la femme tait autoritaire; lhomme
lui, il avait des convictions mais elle, elle avait des a priori;
lun souhaite faire carrire, elle, est ambitieuse; il est brillant,
elle est crbrale; il rfl chit, elle rassemble ses ides; il ragit
vivement, elle perd ses nerfs; il est habile, elle est intrigante;
il sexprime, elle bavarde; il est actif, elle sagite; il a plein
dides, elle se disperse!Et ainsi de suite. Cest ce que lon peut
assurment appeler des prjugs qui peuvent prter eff ectivement
sourire mais aussi qui peuvent ressurgir et
ainsi impacter lexercice mme de la fonction de magistrate en lui
dniant sa lgitimit juger car elle est une femme.En effet dans notre
socit, la fminisation du corps qui tait un objet, est devenue un
sujet et un enjeu tant institutionnel que politique. Je dis
politique au sens de la manire de gouverner, de grer lintrt
public2. Est-ce que les femmes juges feront une diff rence dans
lacte de juger parce quelles sont des femmes?3Cette interrogation
qui a surgi dans les annes 1990 refait surface de temps autre
notamment lors des dcisions en matire familiale et la monte en
puissance du combat des pres dont certains estiment perdre leur
procs parce quils sont jugs par des femmes. En viendrons- nous un
jour linstar de limpartialit qui doit tre apparente avant dtre
relle, exiger que la mixit dans les formations de jugement soit
aussi apparente comme condition dun procs quitable?4 Vous lavez
compris ma rponse est clairement non, indpendamment du caractre
discriminatoire quune telle position aurait et je nose imaginer
quun jour elle puisse tre avance dans un procs, car dexprience je
peux vous assurer ainsi que toutes celles autour de moi et
jajouterai tous ceux que le genre nentre pas en ligne de compte
dans le jugement. Tous, hommes ou femmes, appliquent la mme rgle de
droit, ont les mmes valeurs, la mme lgitimit juger.Daucuns pensent
que le deuxime danger pour notre corps rsulte aussi dune autre
question pose par la sociologue Marlaine Cacouault-Bitaud5. La
fminisation dune profession est-elle le signe dune baisse de
prestige?. Le constat de Pierre Bourdieu qui relevait que la
fminisation est la fois un symptme et une cause de la baisse de
prestige doit toujours tre combattue avec force tant je suis
persuade que les femmes ne sont pas venues concurrencer les hommes
mais tout simplement occuper les places quils avaient laisses vides
comme le dmontre cette autre sociologue Anne-Chantal Hardy, propos
de la mdecine6.
En ralit le regard que lon peut avoir sur le sujet que je viens
de dvelopper dpend tout simplement de la perception que lon a de la
place des femmes dans la socit ou plus exactement quant leur rle
dans la socit. Cela dpend de la capacit des interlocuteurs
sextraire ou se dtacher de ses prjugs personnels souvent
inconscients en un mot de son degr de sexisme; que lon soit un
homme ou une femme.Cest pourquoi, il y a tout lieu de se rjouir que
la campagne de recrutement entreprise rcemment auprs des tudiants
des universits ait port des fruits la fi n de 2013 et que notre
corps qui semblait avoir t boud soit redevenu attractif pour les
garons comme pour les fi lles.Cest donc un signe de vitalit et de
lvolution des mentalits et mme sil existe des marges de manuvre
comme lon dit dans les audits!
b) De lvolution des droits de la femme lvolution du droit de la
famille.Dans les annes 1960, laccs massif des filles lenseignement
suprieur et leur entre sur le march du travail a conduit
naturellement et progressivement une remise en cause dans le droit
de lordre patriarcal.Paralllement cette monte en puissance des
femmes dans les professions judiciaires, depuis seulement 1965 les
femmes maries peuvent exercer une profession sans lautorisation de
leur mari; en 1970 lautorit parentale remplace la puissance
paternelle; en 1975 le droit disposer de son corps est vot et le
divorce par consentement mutuel est rtabli; en 1985 cest une
nouvelle rforme des rgimes matrimoniaux, les poux deviennent gaux
aux yeux de la Loi; en 1993 lexercice conjoint de lautorit
parentale est consacr; en 1994 ce sont les lois biothiques et le
droit la filiation grce la PMA qui sont vots; en 1999 le PACS (
pacte civil de solidarit) qui avait fait lobjet de dbats passionns
est acquis; en 2001 la suppression du concept de lenfant adultrin
est entrine; en 2006 ce nest pas si loin de nous, lalignement de
lge lgal du mariage pour les garons et les filles 18 ans et la loi
relative lgalit salariale; en 2008 cest linscription dans la
Constitution de lgal accs
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des femmes et des hommes aux mandats lectoraux et fonctions
lectives, ainsi quaux responsabilits professionnelles et sociales;
en 2009 la rforme de la filiation abandonne les notions de
filiation lgitimes ou naturels; en 2010 cest la loi concernant les
violences conjugales et lviction du mari violent notamment qui
vient complter tous les dispositifs vots depuis 2004; en 2012 la
loi sur le harclement sexuel et en 2013 la loi ouvrant le mariage
aux couples de personnes de mme sexe. Ainsi par ces deuxexemples:
la fminisation du mtier de juge et le droit des femmes, vous pouvez
constater quel point, ces 30dernires annes, il y a eu des volutions
majeures - pour le droit de la famille - et les nombreuses
transformations subies par linstitution familiale en France avec
une acclration de la modifi cation des liens: familles
monoparentales, divorces, pacses, recomposes et maintenant
homoparentales. Ainsi les confi gurations familiales se sont
diversifi es et mme dsormais apparait le terme de parentalit. Si le
taux de divorce ne cesse daugmenter partir des annes 1980, la
structure mme des divorces a chang. Actuellement le divorce par
consentement mutuel est trs largement majoritaire et mme en ce qui
concerne les divorces contentieux, il y a une forte baisse des
divorces pour faute au profi t des divorces accepts et des divorces
pour altration dfi nitive du lien conjugal.Le droit et la Justice
accompagnent donc les mouvements de la socit mais force est de
constater que la nature des contentieux et la faon de la rendre ont
beaucoup volu.Cest dire les enjeux futurs pour notre socit et pour
notre justice lorsque lon sait que le contentieux de la famille,
pris au sens large, reprsente sur un plan national environ 64 % du
contentieux.
c) Vers une justice rnove et en mouvement.Dans le mme temps, en
dehors de la sphre familiale, et chacun dentre nous peut constater
qu une exceptionnelle judiciarisation des rapports sociaux est
intervenue en France dans les 20 dernires annes. Celle-ci a dcoul
pour partie de lenvironnement
international dans lequel notre pays volue Ce phnomne a eu pour
consquence de multiplier les occasions dintervention des magistrats
dans des univers ou propos de sujets les plus varis. comme le note
le Conseil suprieur de la magistrature dans son dernier rapport de
2012. Jajouterai en plus que ce phnomne a complexifi les rapports
avec la Justice et nos concitoyens.Sous linfl uence de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour europenne
des droits de lhomme pour lesquels le recours au juge est un
principe dmocratique de la socit, lespace judiciaire confi aux
juges, et dont ils sont les garants, sest considrablement modifi
.Le rle du juge lui-mme a chang dans son contenu comme dans son
exercice. Souvent de juge tout faire, il est devenu spcialiste en
jonglant en outre avec les normes nationales, europennes,
internationales et mondiales. Son espace judiciaire sest largi et
sest ancr au cur des ralits quotidiennes de notre socit mais aussi
des politiques publiques.Si les magistrats du ministre public en
sortant des palais de justice, pour conduire des politiques
partenariales, ont vu aussi leur rle voluer, il faut rappeler ici,
car cest souvent oubli, quen matire pnale ce sont les dcisions des
juges qui rendent seule effective la politique pnale dtermine par
le gouvernement et dcline localement en terme de poursuite par le
parquet. Ainsi le juge saisi concourt par le droit entirement cette
politique qui protge ou punit nos concitoyens. Je dirai mme plus
cest le juge qui lui donne son contenu et en fi xe les contours ou
les limites7. Mais nous le voyons bien toutes les lois successives
et lempilement des tches des uns et des autres ont rendu moins
lisible la place, le rle ou laction de la Justice et ce qui la sans
doute cart des citoyens do quelquefois une perte de confi ance pour
les uns et des dcouragements pour les autres.Ce nest pas faute
davoir t tudie.En effet, tant au cur du pacte dmocratique elle a t
lobjet de toutes les attentions de la part des parlementaires et
des ministres qui ont confi
diff rentes missions des magistrats ou dminents professeurs de
droit ou davocats par exemple. Depuis 1980, jai compt plus de 35
rapports offi ciels sur la Justice qui fait quelle a t tudie dans
tous ses tats. Elle a t ainsi ausculte trs rgulirement sur son
organisation, ses mthodes de travail, son fonctionnement interne,
ses rapports avec ses partenaires habituels, le service quelle
rend, sa qualit, sa clrit, son articulation avec les autres
justices administratives ou europennes, sa cartographie, sa
procdure, son accessibilit, sa lisibilit, sa gratuit, sa lgitimit.
Mais pas seulement lInstitution mais galement tous ceux qui y
collaborent, en particulier les magistrats et le personnel de greff
e puisque nombre de ces rapports se sont penchs sur les mtiers de
justice, le contenu des missions et le primtre de leurs actions.
Cest pourquoi, aprs les nombreux travaux entrepris ces 20 dernires
annes tels que les entretiens de Vendme en 2001 ou les travaux de
la commission Guinchard en 2008, depuis avril 2013 la Garde des
Sceaux a lanc une vaste rfl exion sur la Justice afi n de btir La
Justice du XXImesicle dont les travaux prparatoires conduits par
4groupes ou enceintes de travail vont aboutir des propositions de
rformes qui seront dbattues les 10 et 11 janvier Paris par tous les
acteurs de la vie judiciaire. Plus de 50magistrats et
fonctionnaires de cette cour vont y participer. La Justice du XXIme
sicle se trouve larticulation de deux mondes : un univers qui tait
exclusivement national et devient mondial, un monde fond sur la
relation et lcrit et un monde dmatrialis et en partie
dterritorialis. A cela sajoute lambivalence des socits
dmocratiques: un demande massive darbitrage judiciaire et une
revendication dautonomie du sujet dmocratique, et une particularit
franaise, les sentiments mls que nourrit la culture franaise lgard
du droit et des juges, alors que la justice est appele jouer un rle
plus important. Nous avons connu les limites du changement par la
loi, puis du
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changement par le seul management... La cl des rformes est
autant chez les avocats ou chez nos concitoyens, hritiers dune
culture latine de lhonneur plus tourne vers la conflictualit que
vers la conciliation, que chez les juges qui doivent trouver de
nouveaux repres identitaires face au monde contemporain. Le
changement doit sappuyer sur les ressources des citoyens et des
professionnels, en soutenant les pratiques qui innovent et rpondent
aux attentes contemporaines. Telle est linvitation la rflexion
dAntoine Garapon, Sylvie Perdriolle et Boris Bernab au terme de la
prsentation du rapport La Prudence et lautorit. LOffice du juge au
XXIme sicle ralis par lInstitut des hautes tudes sur la justice la
demande de Madame la garde des Sceaux, Christiane Taubira.Oui je
pense que ce dbat est ncessaire et quune nouvelle fois il faut se
pencher de faon concrte sur les difficults de la Justice et
envisager des remdes.Seulement rformer la procdure et lorganisation
judiciaire en recentrant le juge sur sa mission essentielle qui est
de dire le droit napportera pas une solution miracle.Pour rpondre
lobjectif essentiel de garantir une justice de qualit, disponible
pour tous selon ses besoins8 et btir la Justice du XXImesicle en
mettant le citoyen au cur du service public de la Justice, il
conviendra quelle se rforme de faon consensuelle.En effet cette
rflexion majeure implique des consquences nombreuses quil faut
valuer et remettra certainement en cause des habitudes, des
organisations fonctionnelles, gographiques, commandant dautres
types de gouvernance, interne et externe, pour tous les acteurs de
justice dont le contenu des mtiers et des missions peuvent voluer
de sorte que la place de chacun, lintrieur de configurations
nouvelles, peut changer. Mais il faut en tre bien convaincu.
Actuellement le juge ne peut plus tout faire et tout traiter, ou
alors il ne peut le faire que mal et dans des dlais draisonnables.
Nous sommes parfaitement conscients les uns et les autres que les
rapports de nos concitoyens et du droit se concrtisent sous deux
aspects: le juridique qui se situe avant le procs et qui a un
caractre ncessairement prventif et le judiciaire qui est le procs
de nature curative9. Dvelopper le juridique, tche essentielle des
avocats et aussi des professions juridiques dans leur
domaine propre; cest conseiller nos concitoyens ou usagers du
droit dans les chemins qui les mnent au droit ou sur le droit
chemin afin de leur viter des difficults ultrieures, et, si elles
surviennent, de rechercher des solutions possibles en recourant
dautres voies que le procs.Ainsi, mon sens, la dcision de saisir le
juge ne devrait tre que lultime recours et ne devrait se produire
que parce que le systme prventif na pas fonctionn. La subsidiarit
na-t-elle pas sa place dans lanalyse des fonctionnements
judiciaires?Cette question est pose. Je me rjouis personnellement
que dans le cadre de la rflexion sur la Justice du XXImesicle, la
conciliation, lacte davocat, la procdure participative et la
mdiation dont nous avons montr la GDS le 11 octobre dernier, ici
dans cette enceinte, combien elle tait ncessaire en amont du procs,
soient des ides reprises dans les 67propositions du rapport sur le
Juge du XXImesicle, qui seront prochainement et dbattues en
permettant au citoyen dtre acteur de son litige10 ou de recourir
des solutions ngocies supervises par un juge et garanties par les
professionnels du droit. Ces derniers et en particulier les
avocats, ont un rle majeur saisir. Je crois vritablement quil y va
de leur avenir comme de celui de linstitution judiciaire en son
ensemble. Pour connatre les avances des rflexions quil ny a pas
lieu de confondre avec des dcisions-
auxquels nous allons participer, je vous invite suivre les
travaux dans les journaux spcialiss qui ne manqueront pas de
couvrir cet vnement important pour le monde judiciaire mais aussi
pour les citoyens qui seront placs au cur du service public de la
Justice11. Arrive au terme de mon propos, je formule le souhait,
car la priode sy prte encore, que pour la nouvelle priode qui
souvre, chacun se sente concern, fasse des propositions ou apporte
sil le veut bien une contribution constructive, objective et
sereine dans lintrt de la collectivit et de notre Justice y compris
lors de la discussion en 2014 du projet de loi relatif la prvention
de la rcidive et lindividualisation de la peine en ayant
parfaitement conscience que les dtenus sortent toujours un jour;
que la peine prononce doit avoir du sens pour le condamn comme pour
les victimes et quil convient de faire en sorte que le temps pass
en prison soit du temps utile pour la rinsertion et combattre, par
cette voie, la rcidive.Sur cette question il suffit quelquefois
davoir un autre regard, sans ide prconues.Certes, nous ne pouvons
rien changer ce qui est accompli. Mais tant quune action se
projette dans lavenir, nous pouvons agir et dbattre.Comme le disait
le premier Prsident Drai Si le Droit est une arme politique, cest
par lducation et la formation civique, par le respect de la dignit
de lautre et la tolrance lgard de ce qui est diffrent, que
sassurent la paix et la tranquillit, mme si la vie en dmocratie
implique naturellement le choc de la confrontation des ides12.
2014-21
1A partir du discours tenue laudience de rentre du 16septembre
1969 sous le titre Les Franaises sous la toge2Ce thme est developp
in Sociologies Pratiques: 91-99 (Cairn.info)3Article de Madame la
Juge Bertha Wilson, Cour suprme du Canada4Cf la synthse sur La
fminisation des mtiers de justice Mission de recherche droit et
justice: Responsable scientifique Professuer Mustapha Mekki5Cf
Travail genre et socit: 91-115 Cairn.info (Chercher, reprer,
avancer)6Cf Le monde du 7/03/20117Cf Discours dinstallation de
Franois Pion du 29 janvier 2010, en qualit de prsident du tribunal
de grande instance de Marseille8Prsentation de la Justice du 21me
sicle9Cf le discours du premier prsident en date du 3 janvier
199510Idem11Idem12Audience solennelle de la Cour de cassation du 6
janvier 1993.
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10 Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro
3
Jurisprudence
Spectacle de DieudonnLe juge des rfrs du Conseil dEtat refuse de
suspendre larrt dinterdiction dict par le Prfet de la
Loire-Atlantique
La procdure du rfr-libert permet au juge administratif des rfrs
dintervenir lorsquune illgalit manifeste porte une atteinte grave
une libert fondamentale. Dans ce cadre, le juge des rfrs du Conseil
dEtat tait saisi en appel dune requte dirige contre lordonnance du
9 janvier 2014 du juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes
suspendant lexcution de larrt du Prfet de la Loire-Atlantique
interdisant la reprsentation, le mme jour, du spectacle Le Mur de
Monsieur Dieudonn MBala MBala au Znith de Saint-Herblain.Le juge
des rfrs du Conseil dEtat a annul lordonnance du juge des rfrs du
tribunal administratif de Nantes et rejet la demande en rfr prsente
par la SARL les Productions de la Plume et par Monsieur Dieudonn
MBala MBala.En eff et, il a relev que la ralit et la gravit des
risques de troubles lordre public mentionns par larrt du Prfet
taient tablis tant par les pices du dossier que par les changes
lors de laudience publique. Il a estim que les allgations, selon
lesquelles les propos pnalement rprhensibles et de nature mettre en
cause la cohsion nationale relevs lors des sances du spectacle Le
Mur tenues Paris ne seraient pas repris Nantes, ne suffi saient pas
pour carter le risque srieux que soient de nouveau portes de graves
atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignit
de la personne humaine, consacrs par la Dclaration des droits de
lhomme et du citoyen et par la tradition rpublicaine.Il a rappel
quil appartient en outre lautorit administrative de prendre les
mesures de nature viter que des infractions pnales soient commises.
Dans ces conditions, le juge des rfrs du Conseil dEtat a jug que le
Prfet de la Loire-Atlantique navait pas commis, dans lexercice de
ses pouvoirs de police administrative, dillgalit grave et
manifeste. Nous publions ci-dessous les deux dcisions rendues dans
cette aff aire ainsi quun commentaire de Franois-HenriBriard,
avocat aux Conseils, sur lapprhension de la libert dexpression par
les Hautes juridictions franaise et amricaine. Chlo Grenadou
Les avocats sont les voix de la dfense et de la libert. Quil
soit permis lun dentre eux, qui pratique sa profession depuis un
quart de sicle devant le Conseil dEtat et qui frquente assidument
la Cour Suprme des Etats-Unis depuis vingt ans, de faire part de
son point de vue.
Le Conseil dEtat: les attaques abjectes dont a fait lobjet le
Prsident de la Section du contentieux tout comme les critiques
acerbes formules par certains juristes lgard de la dcision quil a
rendue appellent la contradiction. Il nexiste sans doute pas dans
les institutions publiques de la France un lieu autre que le Palais
Royal o souffl ent davantage lesprit critique, le sens du dbat et
le got de la libert. Le Prsident Bernard Stirn est un grand juge,
profondment dvou son pays, et dont la culture juridique,
lindpendance et limpartialit forcent le respect de tous ceux qui le
connaissent, en particulier des avocats qui plaident devant lui.
Lordonnance quil a rendue constitue une parfaite illustration de
lquilibre que ralise le juge administratif franais entre lexercice
des liberts publiques et les exigences de la cohsion sociale; elle
manifeste nouveau la contribution essentielle du Conseil dEtat la
continuit de la tradition rpublicaine, la protection de la personne
humaine et la prvention des excs qui sont de nature compromettre
les fondements de la vie en socit.
Les Etats-Unis: certaines voix simplistes se sont leves pour
dnoncer lapproche franaise du lien entre la libert dexpression et
la prservation de lordre public, matriel et immatriel, en soutenant
quaux Etats-Unis, o la libert dexpression serait absolue, les
choses ne se seraient pas passes ainsi. Il est vrai que pour des
raisons qui tiennent la philosophie politique de ce pays ainsi qu
son histoire, la libert dexpression, protge par le
Premier Amendement de la Constitution de 1787, fi gure en
lettres de feu au cur de lidentit constitutionnelle de lAmrique.
Mais il est inexact daffi rmer que la libert dexpression serait
absolue de lautre ct de lAtlantique. Bien au contraire, la Cour
Suprme des Etats-Unis met en uvre une doctrine dite Chaplinsky, du
nom de larrt de principe qui la inaugure en 1942, qui place
radicalement hors du champ dapplication de la libert dexpression
les fi ghting words, cest--dire les discours agressifs ou
insultants, qui nont comme fi nalit que de blesser ou dinciter
rompre la paix publique. Dans cette aff aire, la Cour avait
prcisment valid lunanimit une loi du New Hampshire qui prohibait
les discours publics offensants et agressifs, non indispensables
lexpression des ides. Cette exception a ensuite t interprte de faon
restrictive. Mais elle existe; et comme la solution retenue par le
Conseil dEtat dans laff aire Dieudonne, elle peut donner lieu des
applications exceptionnelles.En France comme aux Etats-Unis, la
libert dexpression nest pas absolue; elle a une sur jumelle qui
porte un nom: la paix publique.2014-26 Franois-Henri Briard
Avocat associ auprs du Conseil dEtat et de la Cour de cassation;
il est Prsident
de lInstitut Vergennes, fond avec le Juge Antonin Scalia, membre
de
la Cour Suprme des Etats-Unis.
Dieudonn, le Conseil dEtat et les Etats-Unis
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Franois-Henri Briard
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Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3
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Jurisprudence
Spectacle de DieudonnLe juge des rfrs du Conseil dEtat refuse de
suspendre larrt dinterdiction dict par le Prfet de la
Loire-Atlantique
Tribunal administratif de Nantes
Rfr du 9 janvier 2014, Numro 1400110 Socit Les Productions de la
Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala
Lordonnance, Vu la requte, enregistre le 7 janvier 2014 sous le
numro1400110, prsente pour la Socit Les Productions de la Plume,
ayant son sige 1,rue des Volaillers Saint Lubin de la Haye (28410)
et MonsieurDieudonn MBala MBala, par Matre Verdier; La socit Les
Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala demandent
au juge des rfrs:
- de suspendre, sur le fondement de larticle L 521-2 du code de
justice administrative, lexcution de larrt du 7 janvier 2014, par
lequel le prfet de la Loire-Atlantique a interdit le spectacle Le
Mur qui doit avoir lieu le 9janvier 2014 Saint-Herblain;-
denjoindre au prfet de la Loire-Atlantique de laisser se drouler ce
spectacle;- de mettre la charge de lEtat une somme de 2000 euros au
titre de larticle L 761-1 du code de justice administrative; Ils
soutiennent que:
- la condition durgence est satisfaite ; lorganisation de la
tourne de Dieudonn a t prvue de longue date et la commercialisation
de la billetterie est effective depuis plusieurs semaines,
plusieurs milliers de spectateurs ayant dj rserv et achet leurs
billets; la dcision attaque est de nature leur causer un prjudice
conomique important en cas de remboursement de centaines de
rservations de spectateurs;- il est port une atteinte grave et
manifestement illgale la libert dexpression et la libert du
travail; dans toutes les villes o Dieudonn sest produit en 2012 et
2013 aucun incident na jamais t dplor en dpit de protestations
pralables la venue de lartiste; la libert dexpression est garantie
par la constitution et larticle 10 de la convention europenne de
sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales; elle
est compose de la libert dexpression artistique qui ne saurait
faire lobjet dun encadrement; sy ajoute la libert de runion
consacre par les lois des 30juin 1881 et 28 mars 1907, propos
desquelles le Conseil dEtat dans larrt Benjamin du 19mai 1933
rappelait que la libert est la rgle, la restriction de police
lexception; la libert du travail protge par larticle 5 du prambules
de la constitution de 1946 est galement mconnue, ds lors que le
producteur et lartiste en reprsentation excutent une prestation qui
est leur travail;- le Ministre de lintrieur fait tat dans sa
circulaire du 6 janvier 2014 de spectacles ayant donn lieu des
infractions pnales et de ce que lesdites infractions seraient
susceptibles daffecter le respect d la dignit de la personne
humaine; or les condamnations pnales qui ont t prononces ne
rsultent pas des spectacles mais de ractions des vnements en
relation avec des attaques personnelles ou des provocations
particulires dont est lobjet Dieudonn MBala MBala enregistres sur
des vidos postes sur internet ou faites la presse; quant latteinte
la dignit humaine, elle ne peut juridiquement rsulter que dun acte
ou dun comportement et en aucun cas de paroles qui sont sanctionnes
par linfraction dinjure ou de diffamation;- la circulaire du
ministre de lintrieur et larrt du prfet de la Loire-Atlantique sont
dpasss, ds lors que le spectacle Le Mur vient dtre diffus sur le
site dun hebdomadaire; il est ainsi en libre accs sur Internet;-
les propos cits dans larrt attaqu relvent de lhumour; ils ne
prsentent aucun caractre insultant, blessant, ou dgradant et ne
caractrisent pas un grave trouble lordre public; la chanson Chaud
Ananas en raison dune
rcente condamnation ne sera pas reprise par Dieudonn MBala MBala
dans ses spectacles; il na pas t condamn pour le geste dit de la
quenelle;
Vu la dcision attaque;Vu le mmoire enregistr le prsent par le
prfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requte; Il
soutient que:
- lurgence invoque par les requrants nest pas conteste;-
lautorit administrative a entendu interdire le spectacle en tant
quil constitue, en lui-mme et raison de son contenu un trouble
lordre public immatriel et pour prvenir les risques susceptibles
dtre induits par le spectacle en matire de scurit et de tranquillit
publiques;- laccumulation de propos injurieux lencontre de
personnes de religion ou de culture juive, incitant la haine
raciale contre ces personnes, voire de propos apologtiques de
lextermination des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, dans
le spectacle le Mur constitue en elle-mme un trouble lordre
publique en raison de latteinte porte la dignit humaine justifiant
que ce spectacle soit interdit;- le contenu du spectacle jou au
Thtre de la Main dOr est dsormais parfaitement connu pour avoir t
jou plusieurs reprises Paris dans des termes identiques; aux propos
tenus est associe une gestuelle dit de la quenelle qui contient un
message antismite; - par son contenu le spectacle porte lvidence
atteinte la dignit de la personne humaine; les propos contenus dans
le spectacle ne peuvent tre regards comme un drapage ponctuel
quexpliquerait la libre expression artistique mais sont dlibrs,
ritrs en dpit de condamnations pnales prcdentes et constituent un
des ressorts essentiels de la reprsentation au regard de la mise en
scne utilise et de la rfrence la gestuelle de la quenelle qui y est
associe;- il appartient lautorit investie du pouvoir de police
gnrale, mme en labsence de circonstances locales particulires
dinterdire une manifestation qui porte atteinte en elle-mme au
respect de la dignit humaine; la seule tenue du spectacle et la
diffusion de paroles contraires la dignit de la personne humaine,
constitue en soi, un trouble public immatriel qui ne peut tre
prvenu que par linterdiction de la reprsentation; la circonstance
que les propos pourraient faire lobjet de poursuites pnales, dont
la finalit est rpressive, ne saurait justifier linaction de
lautorit administrative dont laction a une finalit prventive;
lintress qui a fait lobjet de neuf condamnations dont sept
dfinitives, na pas davantage renonc tenir de tels propos; les trois
spectacles qui se sont tenus le 5 janvier dernier comportent des
propos et des scnes encore plus choquantes que ceux qui se sont
tenus le 27 dcembre 2013;- il existe des risques de troubles
importants lchelon local qui lgitiment linterdiction; ces risques
ne sauraient tre minimiss au regard de la taille de la salle dont
toutes les places ont t vendues (6 500) et de lexacerbation du
dbat, devenu extrmement passionnel et risquant de drainer des
manifestants en provenance de lensemble du territoire;
Vu les autres pices du dossier,Vu la Constitution, notamment son
prambule;Vu la convention europenne de sauvegarde des droits de
lhomme et des liberts fondamentales, notamment son article 10;Vu le
code gnral des collectivits territoriales;Vu le code de justice
administrative;(...)
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12 Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro
3
Jurisprudence
Sur les conclusions prsentes au titre de larticleL. 521-2 du
code de justice administrative:
1. Considrant quaux termes de larticle L. 521-2 du Code de
Justice administrative: Saisi dune demande en ce sens justifie par
lurgence, le juge des rfrs peut ordonner toutes mesures ncessaires
la sauvegarde dune libert fondamentale laquelle une personne morale
de droit public ou un organisme de droit priv charg de la gestion
dun service public aurait port, dans lexercice dun de ses pouvoirs,
une atteinte grave et manifestement illgale. Le juge des rfrs se
prononce dans un dlai de quarante-huit heures. et quaux termes de
larticle L. 522-1 dudit code: Le juge des rfrs statue au terme dune
procdure contradictoire crite ou orale. Lorsquil lui est demand de
prononcer les mesures vises aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de
les modifier ou dy mettre fin, il informe sans dlai les parties de
la date et de lheure de laudience publique ();
2. Considrant que par arrt du 7 janvier 2014 le prfet de la
Loire-Atlantique a interdit le spectacle Le Mur que doit tenir
lartiste Dieudonn MBala MBala le 9 janvier 2014 Saint-Herblain au
motif que ce spectacle, dune part, qui contient des propos
injurieux lencontre des personnes de religion ou de culture juive,
incitant la haine raciale, et des expressions apologtiques de
lexterminations des juifs pendant la seconde guerre mondiale,
constitue en lui-mme un trouble lordre public, en raison de
lindignit et du trouble des consciences que ces propos provoquent
et, dautre part, quil est de nature crer de srieuses difficults de
maintien de lordre aux abords de la salle, en raison dun contexte
de vives ractions de rprobation et de lannonce dune manifestation
en vue de perturber ou dempcher le spectacle; que la socit Les
Productions de la Plume et Monsieur MBala MBala demandent au juge
des rfrs du Tribunal administratif de Nantes, saisi sur le
fondement de larticle L. 521-2 du code de justice administrative,
de suspendre cette mesure dinterdiction;
Sur les conclusions prsentes au titre de larticleL. 521-2 du
code de justice administrative:
3. Considrant quaux termes de larticle L. 521-2 du Code de
justice administrative: Saisi dune demande en ce sens justifie par
lurgence, le juge des rfrs peut ordonner toutes mesures ncessaires
la sauvegarde dune libert fondamentale laquelle une personne morale
de droit public ou un organisme de droit priv charg de la gestion
dun service public aurait port, dans lexercice dun de ses pouvoirs,
une atteinte grave et manifestement illgale. Le juge des rfrs se
prononce dans un dlai de quarante-huit heures. et quaux termes de
larticle L. 522-1 dudit code: Le juge des rfrs statue au terme dune
procdure contradictoire crite ou orale. Lorsquil lui est demand de
prononcer les mesures vises aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de
les modifier ou dy mettre fin, il informe sans dlai les parties de
la date et de lheure de laudience publique ();
4. Considrant quaux termes de larticle L. 2212-1 du code gnral
des collectivits territoriales: La police municipale a pour objet
dassurer le bon ordre, la sret, la scurit et la salubrit publiques.
Elle comprend notamment () / 2 Le soin de rprimer les atteintes la
tranquillit publique () / 3 Le maintien du bon ordre dans les
endroits o il se fait de grands rassemblements dhommes tels que les
() spectacles; quen vertu de larticle L. 2215-1 du mme code, le
reprsentant de lEtat dans le dpartement peut prendre, dans tous les
cas o il ny aurait pas t pourvu par les autorits municipales toutes
mesures relatives au maintien de la salubrit, de la sret et de la
tranquillit publiques;
5. Considrant, en premier lieu, quil appartient lautorit
investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure
destine prvenir une atteinte lordre public; que le respect de la
dignit humaine est une des composantes de lordre public; que
lautorit investie du pouvoir de police municipale peut, mme en
labsence de circonstances locales particulires, interdire un
spectacle qui, pour lessentiel, porte atteinte la dignit
humaine;
6. Considrant quaussi ambigu que soit laffiche retenue pour le
spectacle de Monsieur MBala MBala au travers dune gestuelle
connote, elle ne saurait suffire faire regarder ce spectacle comme
portant atteinte la dignit humaine; que sil ressort des
constatations opres lors des sances du mme spectacle des 27 dcembre
2013 et 5 janvier 2014 au thtre de la Main dOr Paris, non
srieusement contestes par Monsieur MBala MBala, que ce dernier a
tenu des propos
provocants et choquants lgard de faits historiques comme
lencontre de personnes de la communaut juive lesquels sont
susceptibles de relever dincriminations pnales compte tenu dune
prsentation qui excde les limites de la libert dexpression, il nest
pas tabli par les seules pices du dossier que le spectacle ait t
construit autour de cette thmatique ni mme quelle en constitue une
partie essentielle; que, par suite et dans les circonstances de
lespce, le motif tir de latteinte la dignit humaine ne permettait
pas de fonder lgalement larrt dinterdiction attaqu;
7. Considrant, en deuxime lieu, que, sil appartient lautorit
administrative, en vertu des pouvoirs de police quelle dtient en
application des dispositions prcites, de prendre les mesures
ncessaires pour assurer le bon ordre, la sret, la scurit et la
salubrit publiques, les interdictions dictes ce titre doivent tre
justifies par les troubles, risques ou menaces quil sagit de
prvenir et, ds lors quelles sont susceptibles de porter atteinte
une libert, tre strictement proportionnes leur ncessit;
8. Considrant, dune part, quil est constant que Monsieur MBala
MBala a fait lobjet de plusieurs condamnations pnales devenues
dfinitives la suite des propos quil a tenus tant dans ses
spectacles que dans dautres cadres; que, toutefois, il nest pas
tabli par les seules pices du dossier qu loccasion du spectacle
prvu Saint-Herblain le 9 janvier 2014, lintress puisse tre regard
comme ayant manifest lintention de reprendre les mmes phrases et de
commettre les mmes infractions; quen tout tat de cause, alors quil
appartient aux autorits investies du pouvoir de police, si elles sy
croient fondes, de prendre toutes dispositions utiles en vue de la
constatation des infractions et de la poursuite de leurs auteurs
devant les juridictions pnales, il nest pas dmontr que
linterdiction en cause serait seule de nature sopposer ce que
Monsieur MBala MBala profre des injures publiques envers des
personnes ou des incitations la haine raciale ou religieuse;
9. Considrant, dautre part, quil est constant le spectacle Le
Mur prvu Nantes apparat comme la reprise, dans le cadre dune
tourne, du mme spectacle prsent depuis plusieurs mois sur une scne
parisienne; quil ne ressort pas des pices du dossier que cette
manifestation ait donn lieu, au cours de cette priode, des troubles
lordre public; que si la prfecture de la Loire-Atlantique a t
saisie de nombreuses protestations quant la tenue du spectacle Le
Mur et de la possibilit dune manifestation devant la salle prvue
pour le spectacle, il nest pas justifi de ce que le prfet ne
disposerait pas des moyens ncessaires propres assurer le maintien
de lordre public;
10. Considrant que, dans ces conditions, la dcision du 7 janvier
2014 portant interdiction de la tenue dun spectacle, constitue une
atteinte grave la libert dexpression; quen labsence de tout motif
invoqu par le prfet de nature la justifier, cette atteinte est
manifestement illgale; que compte tenu de la gravit de cette
atteinte, qui empche la tenue du spectacle prvu le 9 janvier, alors
que ses organisateurs ont ouvert une campagne de rservation, la
condition durgence requise par larticleL. 521-2 du Code de Justice
administrative doit tre regarde comme remplie; que, par suite, il y
a lieu de suspendre lexcution de larrt du 7 janvier 2014;
Sur les conclusions tendant lapplication de larticle L. 761-1 du
Code de Justice administrative:
11. Considrant quil ny a pas lieu, dans les circonstances de
lespce, de mettre la charge de lEtat, la somme de 2 000 euros que
demandent la socit Les Productions de la Plume et Monsieur MBala
MBala sur le fondement des dispositions de larticle L. 761-1 du
Code de justice administrative; Ordonne:
Article 1er: Lexcution de larrt du 7janvier2004 du prfet de la
Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle Le Mur le
9janvier2014 Saint-Herblain est suspendue. Article 2: Le surplus
des conclusions de la requte est rejet.Article 3 : La prsente
ordonnance sera notifie la socit Les Productions de la Plume,
Monsieur Dieudonn MBala MBala et au Ministre de lintrieur.
2014-27
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Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3
13
Jurisprudence
Conseil dEtatMinistre de linterieur c/ Socit Les Productions de
la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala - Ordonnance du 9 janvier
2014 - Numro 374508
Le Juge des rfrs,
Vu le recours, enregistr le 9 janvier 2014 au secrtariat du
contentieux du Conseil dEtat, prsent par le ministre de lintrieur,
qui demande au juge des rfrs du Conseil dEtat:
1) dannuler lordonnance n1400110 du 9 janvier 2014 par laquelle
le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes, statuant sur
le fondement de larticle L. 521-2 du code de justice
administrative, a suspendu lexcution de larrt du 7 janvier 2014 du
prfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle Le
Mur le 9 janvier 2014 Saint- Herblain;
2) de rejeter la demande prsente, sur le fondement de larticle
L. 521-2 du code de justice administrative, devant le juge des rfrs
du tribunal administratif de Nantes par la socit Les Productions de
la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala;
Il soutient que:- le prfet a pu, sans illgalit, procder
linterdiction du spectacle raison de son contenu ds lors que ce
dernier est connu et porte atteinte la dignit de la personne
humaine;- le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes a
entach son ordonnance dune erreur manifeste dapprciation en
estimant que les troubles lordre public susceptibles dtre provoqus
par le spectacle ntaient pas suffisants pour justifier la mesure
attaque;
Vu lordonnance attaque; (...)Vu les autres pices du dossier;Vu
la Constitution, notamment le Prambule;Vu la Convention europenne
de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales;Vu
le Code pnal;Vu le Code gnral des collectivits territoriales;Vu la
loi du 30 juin 1881 sur la libert de runion;Vu la loi du 29 juillet
1881 sur la libert de la presse;Vu les dcisions du Conseil dEtat,
statuant au contentieux, Benjamin du 19mai 1933, commune de
Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995 et Madame Hoffman-Glemane du 16
fvrier 2009;Vu le code de justice administrative;
1. Considrant quaux termes de larticle L. 521-2 du code de
justice administrative: Saisi dune demande en ce sens justifie par
lurgence, le juge des rfrs peut ordonner toutes mesures ncessaires
la sauvegarde dune libert fondamentale laquelle une personne morale
de droit public ou un organisme de droit priv charg de la gestion
dun service public aurait port, dans lexercice dun de ses pouvoirs,
une atteinte grave et manifestement illgale. Le juge des rfrs se
prononce dans un dlai de quarante-huit heures et quaux termes de
larticle L. 522-1 dudit code: Le juge des rfrs statue au terme dune
procdure contradictoire crite ou orale. Lorsquil lui est demand de
prononcer les N374508 3 mesures vises aux articles L. 521-1 et L.
521-2, de les modifier ou dy mettre fin, il informe sans dlai les
parties de la date et de lheure de laudience publique ();
2. Considrant que le ministre de lintrieur relve appel de
lordonnance du 9janvier 2014 par laquelle le juge des rfrs du
tribunal administratif de Nantes a suspendu lexcution de larrt du 7
janvier 2014 du prfet de la Loire-Atlantique portant interdiction
du spectacle Le Mur le 9janvier 2014 Saint-Herblain;
3. Considrant quen vertu de larticle L. 521-2 du code de justice
administrative, il appartient au juge administratif des rfrs
dordonner toutes mesures ncessaires la sauvegarde dune libert
fondamentale laquelle une autorit administrative aurait port une
atteinte grave et manifestement illgale; que lusage par le juge des
rfrs des pouvoirs quil tient de cet article est ainsi subordonn au
caractre grave et manifeste de lillgalit lorigine dune
atteinte une libert fondamentale; que le deuxime alina de
larticle R. 522-13 du Code de justice administrative prvoit que le
juge des rfrs peut dcider que son ordonnance sera excutoire aussitt
quelle aura t rendue;
4. Considrant que lexercice de la libert dexpression est une
condition de la dmocratie et lune des garanties du respect des
autres droits et liberts; quil appartient aux autorits charges de
la police administrative de prendre les mesures ncessaires
lexercice de la libert de runion; que les atteintes portes, pour
des exigences dordre public, lexercice de ces liberts fondamentales
doivent tre ncessaires, adaptes et proportionnes;
5. Considrant que, pour interdire la reprsentation
Saint-Herblain du spectacle Le Mur, prcdemment interprt au thtre de
la Main dOr Paris, le prfet de la Loire-Atlantique a relev que ce
spectacle, tel quil est conu, contient des propos de caractre
antismite, qui incitent la haine raciale, et font, en mconnaissance
de la dignit de la personne humaine, lapologie des discriminations,
perscutions et exterminations perptres au cours de la Seconde
Guerre mondiale; que larrt contest du prfet rappelle que Monsieur
Dieudonn MBala MBala a fait lobjet de neufcondamnations pnales,
dont sept sont dfinitives, pour des propos de mme nature; quil
indique enfin que les ractions la tenue du spectacle du 9 janvier
font apparatre, dans un climat de vive tension, des risques srieux
de troubles lordre public quil serait trs difficile aux forces de
police de matriser;
6. Considrant que la ralit et la gravit des risques de troubles
lordre public mentionns par larrt litigieux sont tablis tant par
les pices du dossier que par les changes tenus au cours de
laudience publique ; quau regard du spectacle prvu, tel quil a t
annonc et programm, les allgations selon lesquelles les propos
pnalement rprhensibles et de nature mettre en cause la cohsion
nationale relevs lors des sances tenues Paris ne seraient pas
repris Nantes ne suffisent pas pour carter le risque srieux que
soient de nouveau portes de graves atteintes au respect des valeurs
et principes, notamment de dignit de la personne humaine, consacrs
par la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen et par la
$tradition rpublicaine; quil appartient en outre lautorit
administrative de prendre les mesures de nature viter que des
infractions pnales soient commises; quainsi, en se fondant sur les
risques que le spectacle projet reprsentait pour lordre public et
sur la mconnaissance des principes au respect desquels il incombe
aux autorits de lEtat de veiller, le prfet de la Loire-Atlantique
na pas commis, dans lexercice de ses pouvoirs de police
administrative, dillgalit grave et manifeste;
7. Considrant quil rsulte de ce qui prcde que le ministre de
lintrieur est fond soutenir que cest tort que, par lordonnance
attaque, le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes a
fait droit la requte prsente, sur le fondement de larticle L. 521-2
du code de justice administrative, par la SARL Les Productions de
la Plume et par Monsieur Dieudonn MBala MBala et demander le rejet
de la requte, y compris les conclusions tendant lapplication de
larticle L. 761-1 du code de justice administrative, prsente par ce
dernier devant le juge des rfrs du tribunal administratif de
Nantes.
Ordonne:Article 1er: Lordonnance du juge des rfrs du tribunal
administratif de Nantes en date du 9 janvier 2014 est
annule.Article 2: La requte prsente par la SARL Les Productions de
la Plume et par Monsieur Dieudonn MBala MBala devant le juge des
rfrs du tribunal administratif de Nantes, y compris les conclusions
tendant lapplication de larticle L. 761-1 du code de justice
administrative, est rejete.Article 3: En application de larticle R.
222-13 du code de justice administrative, la prsente ordonnance est
immdiatement excutoire.Article 4: La prsente ordonnance sera
notifie au ministre de lintrieur, la SARL Les Productions de la
Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala. 2014-28 Bernard Stirn
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14 Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro
3
Socit
Lutter pour lgalitpar Jean-Marc Ayrault
Plus dun an a pass depuis le conseil interministriel des droits
des femmes en novembre 2012. Un an de travail, de projets,
dexprimentations et dactions
concrtes qui ont permis davancer dans tous les domaines.2013 a t
lanne de la parit politique, et cest pour les droits des femmes que
nous en avons fait une pierre angulaire de nos rformes
institutionnelles. Cette obligation a t tendue pour les lections
municipales et snatoriales. Elle a t gnralise pour les lections
dpartementales, avec linstauration dun mode de scrutin qui
permettra llection de 50% de femmes dans tous les conseils gnraux
compter de 2015.Cest pour les droits des femmes que nous avons
mobilis les partenaires sociaux autour de lgalit professionnelle.
Deux accords syndicaux ont t signs cette occasion. Le premier la t
dans la fonction publique le 8mars dernier, et nous tions l,
Matignon, avec Marylise Lebranchu pour le signer
aux cts de lensemble des organisations syndicales
reprsentatives. Et le deuxime au niveau national interprofessionnel
le 19 juin, sous la conduite de Michel Sapin.
Cest pour les droits des femmes que nous nous sommes eff orcs de
faire appliquer enfi