Top Banner
Turcica, 45, 2014, p. 269-318. doi: 10.2143/TURC.45.0.3032671 © 2014Turcica.Tousdroitsréservés. Edhem ELDEM 269 DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? LA TRÈS VOLTAIRIENNE PRÉFACE DE L’HISTOIRE DE ŞANIZADE MEHMED ATAULLAH EFENDI anizade Mehmed Ataullah Efendi (?-1826) est célèbre pour un certain nombre de faits qui le placent parmi les personnages mar- quants de la vie intellectuelle et scientifique ottomane du début du XIX e siècle 1 . Il est avant tout connu pour avoir été un des premiers parmi ses contemporains à s’intéresser aux progrès de la médecine occidentale et à publier des traités en partie inspirés ou traduits d’ouvrages euro- péens. Il s’agit essentiellement d’une « pentalogie » médicale, Hamse-i Şanizade, dont seuls les trois premiers livres furent publiés de son vivant, Edhem Eldem, professeur des universités, Boğaziçi Üniversitesi, Tarih Bölümü, 34342 Bebek-İstanbul, Turquie. [email protected] 1 Cet article développe une première version de vulgarisation sur le même sujet : Eldem, « El-hayretü’l-azime fi’l-intihalati’l-garibe » (voir bibliographie en fin d’article). Je tiens à remercier mon collègue Hakan Karateke qui, le premier, avait attiré mon atten- tion sur la composante « archéologique » de la préface de Şanizade ; mon étudiant Murat Şiviloğlu qui me procura bien des textes et documents auxquels je n’avais pas accès lors de la rédaction de la première version de cet article ; la Fondation pour l’histoire (Tarih Vakfı) et enfin, le département d’Études islamiques de l’université de Bonn (Rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität Bonn, Philosophische Fakultät, Abteilung für Islamwis- senschaft) où un très agréable et fructueux séjour en tant que professeur invité m’a permis de me consacrer à la préparation de cette étude. Ş
50

Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

Feb 03, 2023

Download

Documents

Ezgi Çoban
Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
Page 1: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

Turcica, 45, 2014, p. 269-318. doi: 10.2143/TURC.45.0.3032671© 2014�Turcica.�Tous�droits�réservés.

Edhem ELDEM 269

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ?

LA TRÈS VOLTAIRIENNE PRÉFACE DE L’HISTOIRE DE ŞANIZADE MEHMED

ATAULLAH EFENDI

anizade Mehmed Ataullah Efendi (?-1826) est célèbre pour un certain nombre de faits qui le placent parmi les personnages mar-quants de la vie intellectuelle et scientifique ottomane du début du XIXe siècle1. Il est avant tout connu pour avoir été un des premiers parmi ses contemporains à s’intéresser aux progrès de la médecine occidentale et à publier des traités en partie inspirés ou traduits d’ouvrages euro-péens. Il s’agit essentiellement d’une « pentalogie » médicale, Hamse-i�Şanizade, dont seuls les trois premiers livres furent publiés de son vivant,

Edhem Eldem, professeur des universités, Boğaziçi Üniversitesi, Tarih Bölümü, 34342 Bebek-İstanbul, [email protected]

1 Cet article développe une première version de vulgarisation sur le même sujet : Eldem, « El-hayretü’l-azime fi’l-intihalati’l-garibe » (voir bibliographie en fin d’article). Je tiens à remercier mon collègue Hakan Karateke qui, le premier, avait attiré mon atten-tion sur la composante « archéologique » de la préface de Şanizade ; mon étudiant Murat Şiviloğlu qui me procura bien des textes et documents auxquels je n’avais pas accès lors de la rédaction de la première version de cet article ; la Fondation pour l’histoire (Tarih Vakfı) et enfin, le département d’Études islamiques de l’université de Bonn (Rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität Bonn, Philosophische Fakultät, Abteilung für Islamwis-senschaft) où un très agréable et fructueux séjour en tant que professeur invité m’a permis de me consacrer à la préparation de cette étude.

Ş

97040.indb 26997040.indb 269 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 2: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

270 EDHEM ELDEM

en 1820, en un seul volume2. On connait aussi plusieurs exemplaires manuscrits de son divan ou recueil de poèmes, ainsi qu’un certain nombre d’ouvrages de mathématiques et de science militaire. Toutefois je ne me pencherai ici que sur une de ses œuvres, son Histoire (Tarih-i�Şanizade) retraçant les événements de 1808 à 1821, qu’il rédigea en tant qu’histo-riographe officiel de l’État (vak’a-nüvis), mais qui ne fut publiée que bien plus tard, entre 1284 et 1291 (1867-1874), en quatre volumes3. En réalité, ce n’est pas tant l’Histoire de Şanizade à laquelle je compte m’intéresser ici, que sa « Préface sur les règles de la science de l’histoire et sur la méthode d’étudier les livres d’histoire » (« El-mukaddime� fi� kava’id-i�fenni’t-tarih�ve�usul-i�mütalaati’t-tevarih »), longue de onze pages dans l’édition de 1867 du même ouvrage4. La raison en est toute simple : j’ai découvert récemment que cette préface était dans sa plus grande partie une traduction d’une version tardive et développée de l’article « His-toire » que Voltaire avait rédigé pour la célèbre Encyclopédie de Diderot et d’Alembert5.

On comprendra dès lors que l’objectif de cet article n’est pas d’étudier le rôle de Şanizade en tant qu’historien et historiographe, mais plutôt de tenter de comprendre la nature du processus qui le poussa à « s’inspi-rer » de Voltaire pour sa préface et la manière dont il tenta d’adapter ce texte aux besoins d’un ouvrage destiné à devenir une chronique officielle de l’Empire. Notons tout de suite – et c’est pourquoi je parle de « décou-verte » – que l’auteur ne fait aucune mention de Voltaire ; il est néan-moins surprenant que jusqu’ici personne n’ait découvert ce plagiat exem-plaire. D’ailleurs ce qui est véritablement navrant, ce n’est pas tant que cette « inspiration » n’ait pas été identifiée, mais plutôt que le doute n’ait même pas effleuré l’esprit de générations de chercheurs. En effet, com-ment ne pas s’être posé la question de savoir ce qui avait bien pu pousser Şanizade à parler, entre autres, des marbres d’Arundel, du Pérou, du Mexique ou même des Tlaxcala ? Sans vouloir médire des chroniqueurs ottomans, n’était-ce pas là un signe évident d’un emprunt à des sources occidentales qui aurait dû attiser la curiosité des historiens6 ?

2 Voir à ce sujet Bianchi, Notice.3 Şanizade�Tarihi. Il existe une édition critique en deux volumes de cette Histoire�:

Şânî-zâde�Târîhi.4 Şanizade�Tarihi, vol. I, p. 6-16.5 Voltaire, « Histoire », 1765.6 Ce sont mes recherches sur l’histoire de l’archéologie dans l’Empire ottoman qui

m’ont amené à lire la préface de Şanizade, mon collègue Hakan Karateke ayant eu la

97040.indb 27097040.indb 270 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 3: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 271

Ceci est d’autant plus vrai que Şanizade Mehmed Ataullah Efendi fait partie des individus censés avoir activement contribué aux courants de modernisation et d’occidentalisation du premier quart du XIXe siècle7. À la suite d’un cursus traditionnel dans les medrese de la capitale, Ataullah Efendi avait jugé nécessaire de parfaire sa formation par des études de médecine et d’ingénierie. Cet intérêt pour les sciences s’était nécessaire-ment doublé de l’apprentissage des langues, notamment de l’italien et du français, dont il dut faire usage pour une grande partie de ses publications scientifiques. On sait ainsi qu’il a traduit les Cours�de�mathématiques de l’abbé Charles Bossut (1730-1814)8, le célèbre ouvrage de médecine d’Anton von Störck (1731-1803)9, ainsi que les Instructions�militaires de Frédéric II de Prusse sur la demande expresse du sultan Selim III10. Comme il ne connaissait vraisemblablement pas l’allemand, il utilisa pour traduire ces deux derniers ouvrages des traductions en langue italienne et française11. Certains prétendent qu’il connaissait le latin ; en tout cas il semble avoir connu le grec, du moins assez pour pouvoir traduire le contenu des placards et pamphlets révolutionnaires distribués au début de l’insurrection grecque. L’inventaire après décès de ses biens confirme, sans le préciser, son goût pour les livres occidentaux : on y découvre en effet pour 2 000 piastres de « livres en langue(s) européenne(s) » (« Frengiyü’l-ibare�bir�mikdar�kütüb ») et « cinq volumes de livres en langue(s) européenne(s) » (« Frengiyü’l-ibare�kütüb�cild�aded�5 »)12.

gentillesse d’attirer mon attention sur les références qu’il y faisait concernant l’usage d’indices archéologiques en histoire.

7 L’Histoire de Şanizade dans sa version imprimée comprend une très courte biogra-phie anonyme (Şanizade�Tarihi, vol. I, p. 1) et une description en deux pages par l’auteur lui-même de ses œuvres et de sa nomination au poste d’historiographe (ibid., p. 4-5). Si l’on exclut un assez grand nombre d’articles et d’opuscules traitant de son œuvre médicale, il n’existe qu’une courte biographie de Şanizade : Zülfikar, Tabîp� Şânî-zâde�Mehmed�Atâullah. L’édition critique de Yılmazer donne en introduction une bio-bibliographie très semblable à celle de Zülfikar (Şâni-zâde�Târîhi,�vol. I, p. xlv-cxi).

8 Bossut, Cours. Ouvrage réédité assez régulièrement jusqu’en 1808.9 Störck, Medicinisch-praktischer�Unterricht.10 Friedrich II, Des�Königs�von�Preussen�Majestät.11 Pour l’ouvrage de von Störck, il se serait agi d’une traduction de Bartolomeo de

Battisti ; pour celui de Frédéric II, il est vraisemblablement question de la traduction de Georg Rudolf Faesch. Le voyageur polonais Edward Raczyński parle d’un « vieil homme très instruit qui a traduit les ouvrages militaires de Frédéric II en turc » (Raczyński, Dziennik�Podróży, p. 384). Pour des raisons qui m’échappent complètement, le traducteur de ce récit de voyage en turc fait dire à Raczyński que Şanizade « parlait couramment le français » (Raczyński, 1814’de�İstanbul�ve�Çanakkale’ye�Seyahat, p. 185). Cette informa-tion est bien sûr reprise telle quelle par tous les auteurs s’étant intéressés à Şanizade.

12 Şeriyye Sicilleri Arşivi, Kısmet-i Askeriye, 5-1193, fo 95.

97040.indb 27197040.indb 271 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 4: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

272 EDHEM ELDEM

Il est donc clair que Şanizade avait des connaissances scientifiques et linguistiques suffisantes pour s’ouvrir à une littérature occidentale qui commençait à peine à percer dans les cercles intellectuels ottomans de l’époque. Un des exemples les plus flagrants de son engagement intellec-tuel était sa participation aux activités de la célèbre société savante connue sous le nom de Beşiktaş Cemiyyet-i İlmiyyesi (société scienti-fique de Beşiktaş). Les membres de cette société, à mi-chemin entre salon littéraire et académie, se réunissaient à Ortaköy, dans le yalı d’İsmail Ferruh Efendi, pour discuter de science et de littérature et pour dispenser des cours à un petit nombre d’élèves triés sur le volet. İsmail Ferruh Efendi y enseignait la littérature, Kethüdazade Ârif Efendi la philosophie, Fehim Süleyman Efendi le persan et Şanizade Mehmed Ataullah Efendi les sciences naturelles13. Il semble d’ailleurs que la réputation de libres penseurs qu’ils acquirent fut la cause première de l’arrestation et de l’exil de ces intellectuels à la suite de l’abolition du corps des janissaires et de l’ordre des Bektachis, lorsqu’ils furent victimes d’un amalgame entre leur curiosité scientifique et la philosophie hétérodoxe de cette confrérie. Selon certains, cette disgrâce était le fait de l’archiatre Behcet Efendi qui, motivé par sa haine profonde pour Şanizade, non satisfait de l’avoir d’abord fait démettre de ses fonctions d’historiographe, profita ensuite des circonstances de l’« heureux événement » (« vak’a-i�hayriye ») de juin 1826 pour l’accuser, lui et ses confrères, de sympathies bektachies et de provoquer ainsi son exil14.

13 Ahmed Cevdet Paşa, Ta’rîh-i�Cevdet, vol. XII, p. 212-213.14 Ibid., p. 213-214. Si l’on en juge par le fait que son successeur, Sahhaflar Şeyhizade

Mehmed Esad Efendi, fut nommé historiographe le 15 safer 1241 (29 sept. 1825), il appa-raît que Şanizade fut démis de ses fonctions peu de temps avant cette date et en tout cas près d’une année avant l’abolition des janissaires et des Bektachis (Şânî-zâde�Târîhi, p. lvi, n. 3). Un document des archives ottomanes donne le détail de cette disgrâce, en précisant que Mahmud lui-même avait informé le grand vizir et le sheikh� ul-islam de ce que Şanizade avait eu « des comportements inacceptables et contraires au plaisir impérial » et qu’il avait par conséquent ordonné « qu’il fût démis de ses fonctions et remplacé ou que le sheikh�ul-islam lui conseillât vivement d’abandonner ces actes répréhensibles » (« Geçende� semâhatlü� Şeyhü’l-İslâm�Efendi� dâ‛ileriyle� bi’l-ma‛iyye� rikâb-ı� hümâyûn-ı�şâhânelerine� ruhsûde� olduğumuzda� vak‛a-nüvîs� Şânîzâde� ‛Atâ� Efendi’nin� rızâ-yı�hümâyûn-ı� şehinşâhîlerine� muhâlif� ba‛zı� nâ-münâsib� ahvâline� mebnî� ‛azl� ü� tebdîline�veyâhûd�o�misillû� ahvâl-i� nâ-merziyeyi� terk� eylemesi� efendi-i�müşârün� ileyh� tarafından�kendüye� tenbîh� olunması� husûslarına� dâ’ir� şerefrîz-i� sudûr� olan� fermân-ı� hümâyûnları�iktizâsı�üzere […] »). Le commentaire du sultan apposé à ce document suggère qu’il avait finalement opté pour le remplacement de Şanizade, en précisant qu’il était « essentiel que toute personne nommée à la charge d’historiographe, en plus de ses talents et capacités, fût aussi dotée de piété et d’un caractère vertueux [et que] si ce Şanizade Ata Efendi avait été nommé à ce poste, il était évident qu’il n’était guère remarquable par ses talents et son

97040.indb 27297040.indb 272 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 5: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 273

Le témoignage de J.-Fr. Michaud allait dans le même sens, soulignant le caractère novateur et curieux de cet érudit et reliant sa chute aux intri-gues et médisances de ses ennemis :

« Près du village d’Orta-Keuï, vivait un philosophe turc, d’une famille d’ulémas, nommé Chani-Zadé, qui a écrit plusieurs ouvrages sur la méde-cine et l’histoire naturelle ; tranquille dans son kiosque, il ne songeait qu’à étendre ses connaissances ; plusieurs langues d’Europe, entre autres la langue française, lui étaient familières, et nos meilleurs ouvrages d’Occident charmaient sa solitude. Chani-Zadé aimait à cultiver les fleurs, à étudier les plantes ; son bonheur était de pouvoir placer un livre d’Europe dans sa bibliothèque, une plante de nos pays dans son jardin15. Mais l’intrigue et le mensonge, qui n’épargnent personne, vinrent troubler les jours du philos-ophe musulman ; les janissaires étaient tombés depuis peu sous les coups du sultan Mahmoud, et Chani-Zadé, accusé par des envieux d’avoir tenu des propos contre le gouvernement, fut exilé dans l’Asie Mineure en 1827 »16.

Michaud se trompait sur la date de son exil, qui eut lieu en 1826 ; il semble aussi avoir ignoré qu’il mourut la même année dans son lieu d’exil, la petite bourgade anatolienne de Tire17. Deux versions sont

caractère » (« Bu�vak‛a-nüvîslik�cümlenizin�ma‛lûmu�olduğu�üzere�esrâr-ı�devletden�bir�me’mûriyet-i�mahsûsa�olmağla�bu�husûsa�her�kim�me’mûr�u�ta‛yîn�kılınur�ise�elbette�hüner�ü� ma‛rifetinden� başka� mütedeyyin� ve� salâh-ı� hâl� ile� mevsuf� olmak� lâzimedendir� Bu�Şânizâde�‛Atâ�Efendi�bu�husûsa�me’mûr�kılınmış� ise�de�hüner�ü�selîka�cihetiyle�de�öyle�pek�erbâb�olmadığı�ma‛lûmdur ») : BOA, HAT 639/31485, 1243 (1827-1828), en fait ca muharrem-safer 1241 (août-sept. 1825). On ne sait pas exactement de quels « comporte-ments inacceptables » Şanizade avait été accusé ; toujours est-il que le commentaire de Mahmud sur la piété et la vertu attendues d’un historiographe laisse deviner qu’il s’agissait probablement d’un certain laxisme religieux, peut-être en relation avec ses activités scien-tifiques et médicales et ses sympathies avouées pour la science européenne. Toutefois ce n’est que près d’un an plus tard, probablement dans le contexte de la campagne menée à partir de juin 1826 contre les Bektachis, accusés d’hérésie et de collusion avec les janis-saires, que Şanizade fut victime de cette seconde et encore plus sévère disgrâce. Le fait que la décision de son exil ait été incluse dans le décret prévoyant la fermeture et la destruction de neuf couvents (tekke) de derviches bektachis et l’exil de trois autres per-sonnages accusés par le sultan lui-même d’avoir des « croyances fausses » (« ‘akâ’id-i�bâtıla ») laisse peu de doute quant à la nature des accusations qui avaient été portées contre lui : BOA, HAT 500/24493, 1242 (1826).

15 Je ne peux m’empêcher de relever l’ironie flagrante, dans ce contexte particulier, de l’image de Şanizade en philosophe turc cultivant son jardin.

16 Michaud, Poujoulat, Correspondance, p. 314.17 Il est intéressant de noter que la mort de Şanizade eut sa place dans la presse fran-

çaise, du moins dans Le Figaro où figurait parmi les « coups de lancette » l’information suivante : « L’historiographe Shani Zadé est mort. M. Quatremère peut demander cette place : on ne siffle pas en Asie mineure » (Le�Figaro, 19 oct. 1826, p. 4). On aura com-pris que cette information n’était qu’un prétexte pour lancer une pique à l’encontre d’An-toine Chrysostome Quatremère de Quincy (1755-1849) qui s’était fait siffler à l’Académie

97040.indb 27397040.indb 273 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 6: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

274 EDHEM ELDEM

connues de la cause de sa mort. Il mourut, disent certains, de tristesse et de désespoir devant le malheur qui l’avait frappé ; d’autres prétendent qu’il mourut d’apoplexie en entendant un émissaire du palais arrivé d’Is-tanbul déclarer par mégarde qu’il avait été envoyé pour son « extermi-nation » (itlaf), alors qu’il voulait parler de sa « libération » (itlak)18. Se�non�è�vero…

Musulman éclairé, homme de science et d’érudition, sympathisant de la science occidentale, libre penseur proche de l’humanisme bektachi, cible du conservatisme et des intrigues de l’établissement religieux, vic-time de l’autocratie du sultan Mahmud, Şanizade Mehmed Ataullah Efendi avait le profil idéal d’un précurseur des sciences et des Lumières dans le monde ottoman et islamique. On ne s’étonnera donc pas de ce qu’il ait recueilli, bien après sa disparition, les suffrages de la plupart des historiens et commentateurs s’étant intéressés à l’histoire intellectuelle de l’Empire ottoman au XIXe siècle et, plus particulièrement, à la question de la modernisation et de la transformation des mentalités sous l’influence des sciences et de la pensée occidentales19. Parmi les admirateurs de Şanizade, retenons tout particulièrement Ahmed Cevdet Pacha qui fut un de ses plus brillants successeurs au poste d’historiographe de l’Empire qu’il occupa de 1855 à 1865 et dont il tira sa célèbre Histoire, Ta’rîh-i�Cevdet, publiée entre 1858 et 1884 et couvrant les événements de 1774 à 182520.

Ahmed Cevdet Pacha – alors encore Efendi – s’inspira largement des écrits de Şanizade qui constituèrent une de ses principales sources d’information pour la première moitié du règne de Mahmud II21. Toute-fois, le plus grand compliment qu’il fit à son prédécesseur fut de reprendre la totalité de sa préface en appendice du 11e volume de sa propre Histoire22. Même si cet emprunt n’est pas commenté, on sent bien qu’Ahmed Cevdet lui avait accordé cette place parce qu’il y attachait une

quelques jours auparavant, en raison de « son style pesant et incorrect, […] ses réflexions soporifiques et ses éternelles dissertations sur les beaux-arts » (Le�Figaro, 9 oct. 1826, p. 4).

18 Zülfikar, Tabîp�Şânî-zâde�Mehmed�Atâullah, p. 28.19 Pour une liste des commentaires et épithètes flatteurs à son égard, voir Şânî-zâde�

Târîhi, p. xci-xcii.20 Sur Ahmed Cevdet Pacha et son Histoire, voir Neumann, Das�indirekte�Argument ;

id., Araç�Tarih�Amaç�Tanzimat.21 Ahmed Cevdet Paşa, Ta’rîh-i�Cevdet, vol. I, p. 10 ; Neumann, Araç�Tarih�Amaç�

Tanzimat, p. 91, p. 156, p. 159 ; Şânî-zâde�Târîhi, p. lxxv-lxxvi.22 « Şanizade Tarihinin Mukaddimesi » : Ta’rîh-i�Cevdet, vol. XI, p. 301-311.

97040.indb 27497040.indb 274 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 7: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 275

importance particulière. La raison en est probablement qu’elle introdui-sait une nouveauté de taille, celle d’une préface traitant de la nature, de la méthode et de l’utilité de l’histoire. Étant donné que la plupart des chroniques ottomanes avaient pour toute introduction des prières à la gloire de Dieu, du souverain et de l’État, on comprendra aisément que la préface de Şanizade jurait avec la tradition. D’ailleurs Ahmed Cevdet lui-même s’y était essayé, avec un premier volume entièrement consacré à la préface (mukaddime)23. Il ne faut cependant pas s’y méprendre : la plus grande partie de cette préface à rallonge était consacrée à une sorte de résumé des faits et termes historiques jugés nécessaires avant d’enta-mer le récit des événements à partir de l’année 1188 (1774). De fait, seule la première quinzaine de pages du volume était consacrée à des questions générales de méthode et d’écriture : il y était question des « sources de l’Histoire de Cevdet (« Ta’rîh-i�Cevdet’in�me’hazları »), de « la nécessité et l’utilité de la science de l’histoire » (« ‛ilm-i�ta’rîhin�lüzûm�u� fâ’idesi ») et enfin des « états et composantes des gouverne-ments » (« hükûmetlerin�etvâr�ü�aksâmı »)24. Or il faut le reconnaître, les propos de Cevdet n’avaient vraiment rien d’extraordinaire : ils se limitaient à quelques platitudes sur l’évolution de la société humaine de peuplades primitives et précaires en communautés complexes et effi-caces, à des remarques sur l’avantage que pouvaient retirer de l’histoire les grands de ce monde et à une vague typologie des divers systèmes politiques qui se terminait par une glorification du système ottoman comme étant le plus parfait au monde. Il ne fait aucun doute que, près d’un demi-siècle plus tôt, Şanizade avait fait preuve de bien plus d’ou-verture et de curiosité – et pour cause.

Il est d’ailleurs frappant de voir que le premier à complimenter Şanizade sur la qualité de sa préface fut le sultan lui-même : « La préface d’Ataullah Efendi est fort réussie ; qu’on la recopie d’une bonne main pour la soumettre à mon auguste personne » (« ‛Atâu’llah�Efendi’nin�mukaddimesi� güzel� olmuş� Bir� okunaklı� yazu� ile� tebyîz� olunub� taraf-ı�hümâyûnuma�takdîm�olunsun ») avait-il inscrit de sa propre main en haut d’un placet qui l’informait de ce que Şanizade, récemment nommé his-toriographe, demandait à voir les notes de son prédécesseur, feu Âsım

23 « Bu� tertîb-i� cedîde� göre� cild-i� evvel�mukaddimeden� ‛ibaret� kalmışdır » (« dans cette nouvelle édition, le premier volume ne consiste plus qu’en la préface » : Ahmed Cevdet Paşa, Ta’rîh-i�Cevdet, vol. I, p. 1).

24 Ibid., p. 4-17. Pour un commentaire de ces parties, voir Neumann, Araç�Tarih�Amaç�Tanzimat, p. 153-163.

97040.indb 27597040.indb 275 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 8: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

276 EDHEM ELDEM

Efendi et accompagnait sa demande de « la préface de l’histoire qu’il allait commencer à rédiger » (« bed’�edeceği�ta’rîhin�dîbâcesini�terkîm�ü�i‛tâ�etmekle »)25. Si l’on peut en déduire que ce n’était donc pas à sa préface qu’il devait sa nomination à ce poste prestigieux, ce document n’en prouve pas moins que c’est ce texte en particulier que Şanizade s’empressa de soumettre à son maître tout au début de sa carrière. C’est donc qu’il en était fier et qu’il était sûr de faire bonne impression en donnant à lire les idées qu’il avait en grande partie « empruntées » à Voltaire.

C’est là l’aspect le plus paradoxal de l’exercice de Şanizade, puisque l’auteur qu’il avait choisi de traduire avait la pire des réputations auprès des Ottomans. En effet, même si l’abbé Toderini rapportait avoir entendu que Koca Ragıb Pacha, grand vizir de 1757 à 1763, avait jadis caressé l’idée de faire traduire les écrits de Voltaire sur Newton26, il faut vraisem-blablement plutôt retenir le fait que dans son rapport sur « l’équilibre politique » (« Muvâzene-i� politikaya� dâ’ir ») rédigé au printemps de 1798, le reisülküttab Âtıf Efendi accusait les « mécréants connus et célèbres sous les noms de Rousseau et Voltaire » (« Volter� ve� Ruso�demekle�ma‛rûf� ve�meşhûr�olan� zındıklar�») d’avoir publié des œuvres qui, en insultant les prophètes et les rois et en prêchant l’abolition de toute religion, avaient sournoisement semé les graines du républicanisme et préparé la révolution27. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce ne fut que vers 1860 que certains ouvrages de ce philosophe des Lumières furent pour la première fois (officiellement) traduits en turc28. De plus,�si l’on considère que les premiers ouvrages ainsi traduits n’avaient rien de très subversif, il faut reconnaître qu’en s’appropriant l’article « Histoire » de Voltaire, Şanizade fait effectivement figure de pionnier dans un envi-ronnement on ne peut plus conservateur.

25 BOA, HAT 277/16255, 1235 (1819-1820).26 Toderini, De� la� littérature, p. 118. Il se serait probablement agi de l’Épître� sur�

Newton (1736) et des Éléments�de�la�philiosophie�de�Newton (1738).27 Ahmed Cevdet Paşa, Ta’rîh-i�Cevdet, vol. VI, p. 394-395.28 Il semblerait que le bureaucrate arménien Sahak Abro ait donné le coup d’envoi en

traduisant en 1858, sans pour autant la publier, l’Histoire�de�Charles�XII ; peu de temps après, Münif Efendi – plus tard Pacha – inclut sept dialogues de Voltaire dans ses Dialogues�philo-sophiques (Muhâverât-i�Hikemiye) ; et en 1871, Ahmed Vefik Pacha traduisit Micromégas (Voltaire, Hikâye-i�Hikemiye-i�Mikromega) (Strauss, « The Millets », p. 217-218, p. 239 ; Öztürk, « XIX. Yüzyıl Türk Edebiyatında Voltaire ve Rousseau Çevirileri », p. 72 ; Balcı, « Bir Osmanlı-Ermeni Aydın ve Bürokratı », p. 108, n. 27). Ajoutons à cette liste une tra-duction anonyme et non identifiée d’Alzire, répertoriée sous le no 581 de la bibliographie d’Özege, Eski�Harflerle�Basılmış�Türkçe�Eserler�Kataloğu.

97040.indb 27697040.indb 276 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 9: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 277

Cependant, s’il est évident qu’Ataullah Efendi avait certainement trouvé quelque mérite aux écrits de Voltaire, il est tout aussi vrai qu’il devait à tout prix cacher l’origine de son texte. On ne peut qu’imaginer la réaction de Mahmud s’il avait découvert que la préface de son histo-riographe attitré, qu’il avait trouvée si réussie, n’était en fait qu’une ver-sion remaniée d’un article rédigé par un philosophe « franc », connu pour ses idées séditieuses et ses propos ouvertement hostiles à la religion. Il faut donc penser que le sultan fut tout simplement dupe – d’ailleurs rien dans son éducation ne permet d’en douter – de même que tous les contemporains de Şanizade qui eurent accès à cette fameuse préface. En effet, ses ennemis auraient aisément pu retourner cette arme contre lui et garantir sa disgrâce – si ce n’est plus – sans avoir à attendre la chasse aux Bektachis de 1826. Force est donc de constater que Şanizade n’avait jamais eu la moindre intention de dévoiler son secret et que, en fin de compte, personne ne le découvrit. Même la publication de son Histoire, près de quarante ans après sa disparition, ne modifia rien à cette situation qui, d’ailleurs, resta inchangée jusqu’en 2013.

Dès lors, pour reprendre la question posée dans le titre de cet article, il paraît difficile de reconnaître à Şanizade le moindre mérite lié à l’intro-duction des Lumières dans l’Empire ottoman. En effet, si cette traduction de Voltaire est restée un secret aussi bien gardé, doit-on en conclure que les lecteurs de Şanizade furent exposés aux idées du philosophe sans le savoir, en quelque sorte malgré eux ? Comment concilier l’idée d’un apport intellectuel avec la réalité d’une supercherie visant à brouiller les pistes et à empêcher de remonter jusqu’au texte d’origine ?

On pourrait bien sûr essayer de trouver des circonstances atténuantes susceptibles d’expliquer l’action de Şanizade, à défaut de la justifier. Les exemples de passages empruntés à d’autres auteurs abondent dans la lit-térature ottomane ; aussi peut-on défendre l’idée que le plagiat n’y avait pas la même définition que dans la culture occidentale, surtout telle qu’elle se développa aux XVIIIe et XIXe siècles. Certes, mais ce serait oublier que ces citations « libres » – souvent perçues comme une sorte d’hommage – puisaient dans un corpus bien connu et que, par consé-quent, elles étaient facilement identifiables par les lecteurs cultivés et instruits de son monde. Peut-on en dire autant d’une préface entière puisée dans une culture et une langue en grande partie inconnues de la majorité de ces lecteurs ? Il faut se rendre à l’évidence : Şanizade avait traduit un texte de Voltaire avec la seule intention de le faire passer pour sien. Ce faisant, il avait enfreint les règles de conduite de sa propre culture et avait

97040.indb 27797040.indb 277 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 10: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

278 EDHEM ELDEM

ainsi réussi à tromper aussi bien le sultan et ses contemporains que les générations à venir qui n’y virent que du feu.

Comme ultime défense, on peut invoquer avec raison que le fait de dévoiler sa source d’inspiration eût été – peut-être littéralement – suici-daire et qu’étant donné l’intérêt que Şanizade portait à la science occi-dentale, son acte de plagiat constituait le seul moyen dont il disposait pour donner aux idées de Voltaire une chance de pénétrer une culture qui y serait restée longtemps imperméable. Toutefois, si cette vision du « passeur » correspond bien à l’idée que l’on se fait généralement de l’auteur, elle ne tient guère compte de ce que je considère être l’aspect le plus dérangeant de la traduction en question : le fait qu’elle est incom-plète, partielle, partiale et qu’elle comprend bon nombre de rajouts ou de modifications qui dénaturent parfois complètement les propos et les idées de Voltaire pour les rendre tout à fait compatibles avec les mentalités et l’idéologie de la classe dirigeante ottomane de l’époque. Car en effet, la véritable question qu’il faut poser est bien de savoir comment il était possible que Mahmud II, dont on connaît le caractère d’autocrate, eût apprécié un texte émanant indirectement de la plume de Voltaire. Était-ce que le sultan avait en son for intérieur des sympathies « éclairées » ou, au contraire, qu’il avait été incapable de discerner le fiel déiste et sub-versif qui était venu s’infiltrer dans la préface de son propre historio-graphe ? La réponse est tout autre : Şanizade avait trituré et défiguré l’article de Voltaire au point d’en tirer une préface … bonne pour le sultan et pour des générations d’Ottomans et de Turcs qui n’y lurent rien qui pût choquer leur conservatisme politique. Rien de ce qui faisait la force, l’intérêt et la richesse du texte de Voltaire n’avait survécu à l’éla-gage et au greffage systématiques auxquels le chroniqueur ottoman l’avait soumis. De fait la préface de Şanizade tient autant de la traduction que de l’adaptation ; si c’est là un phénomène qui permettrait à la rigueur d’adoucir un peu l’accusation de plagiat que j’ai portée contre lui, il faut peut-être y voir aussi le signe d’un crime intellectuel encore plus impar-donnable.

Plutôt que de dresser un inventaire exhaustif de la manière dont Şanizade a traduit – et trahi – Voltaire, je me contenterai d’établir une sorte de typologie de sa méthode en essayant d’expliquer les raisons qui le poussèrent à modifier, transposer, omettre ou au contraire rajouter tel ou tel passage de sa préface. En revanche, afin de laisser au lecteur le loisir de découvrir le détail de ces opérations, j’ai choisi de donner en appendice, sous forme de trois colonnes, le texte intégral de Şanizade, sa

97040.indb 27897040.indb 278 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 11: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 279

traduction en français et, enfin, les passages correspondants de l’article de Voltaire. Afin de permettre une lecture parallèle, j’ai tenté d’équilibrer les trois colonnes en faisant débuter à la même hauteur les passages trai-tant des mêmes sujets. J’ai par ailleurs tenu à rendre ce parallélisme encore plus évident en donnant ces passages en gras. Chacun des textes est donc interrompu par des blancs plus ou moins importants en fonction de la longueur des autres textes ; il faut toutefois savoir que comme le texte de Şanizade est pris dans son intégralité et sert de base à la compa-raison, les blancs de ce texte et de sa traduction ne doivent pas faire oublier qu’il s’agit en fait d’un texte continu ne comportant ni ponctua-tion, ni paragraphes. En revanche, dans le cas du texte de Voltaire, cer-tains des blancs correspondent à des passages entiers omis par Şanizade. Afin d’éviter toute confusion avec des blancs « vides » qui ne reflètent que la longueur inégale des trois versions, ces blancs « pleins » ont été indiqués par des points de suspension entre crochets.

Si le « calibrage » de ces trois textes est fondé sur la préface de Şanizade et non sur le texte original de Voltaire, la raison en est, bien sûr, que c’est ce texte-là qui est au centre de mes préoccupations ; mais c’est aussi que la différence entre les deux est de taille. Donner le texte de Voltaire dans son intégralité eût permis de voir clairement le contenu et la longueur des parties que son « traducteur » avait laissées de côté, mais cela eût aussi inutilement allongé les textes parallèles en en dou-blant la longueur totale et en créant des blancs démesurés dans le texte turc et sa traduction. Je me suis donc limité à un juste milieu qui consiste à inclure du texte de Voltaire des passages qui n’apparaissent pas chez Şanizade uniquement quand ils sont directement liés à des passages qu’il avait choisi de traduire. Enfin, je dois signaler que comme le texte de Voltaire n’a cessé d’évoluer de son vivant comme après sa mort, il est pratiquement impossible de déterminer avec précision de quelle version de cet article Şanizade se servit pour sa traduction. Toutefois, comme bien des indices prouvent qu’il eut accès à une version postérieure à l’édition de Kehl (1785), je me suis contenté d’utiliser une version « syn-thétique » reprenant les modifications apportées à ce texte environ jusqu’à 182029. Dans la même logique j’ai choisi d’utiliser les formes

29 L’historique de l’article « Histoire » et de son évolution dépasse de beaucoup le cadre de cette étude. Il me semble toutefois utile d’en résumer les grandes lignes. La base du texte en question est en effet l’article « Histoire » qui parut dans le 8e volume de l’Encyclopédie en 1765 avec la mention expresse de « cet article est de M. de Voltaire » en guise de signature (Voltaire, « Histoire », 1765). Toutefois Voltaire intégra par la suite

97040.indb 27997040.indb 279 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 12: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

280 EDHEM ELDEM

standardisées du français moderne plutôt que de maintenir l’orthographe et la ponctuation d’origine, d’ailleurs fort variable.

Enfin, avant d’entamer une analyse de l’adaptation de Şanizade, je dois signaler à quel point le travail de traduction de ce texte en français fut pénible. Quiconque a travaillé sur des textes ottomans de l’époque sait bien à quel point il est parfois difficile de comprendre les phrases inter-minables de certains auteurs, de naviguer à travers un vocabulaire et des locutions empruntés à trois langues différentes et de suivre les contor-sions d’une syntaxe souvent excessivement complexe. Şanizade ne faisait pas exception à cette coutume ; il semblerait même qu’il soit allé encore plus loin que ses contemporains dans son désir de faire étalage de ses talents rhétoriques. Son style ampoulé et pédant, ses phrases à rallonge, ses fréquentes citations arabes, sa passion pour les synonymes rimés et pour les métaphores sont autant d’artifices littéraires qui alourdissent sa préface et en rendent la traduction d’autant plus difficile. Toujours est-il que j’ai fait de mon mieux pour tenter de trouver un juste milieu entre mon désir de rester fidèle au style d’origine et de rendre le texte aussi compréhensible que possible.

dans ce texte des passages d’un autre texte sur le même sujet, paru une année auparavant et republié en 1771 : [Voltaire,] « De l’histoire », 1764 ; [id.,] « De l’histoire », 1771a. Mais ce n’est pas tout : Voltaire reprit et développa son article de l’Encyclopédie pour les besoins de son ouvrage intitulé Questions�sur�l’Encyclopédie, publié entre 1770 et 1772 ([Voltaire,] « De l’histoire », 1771b). Enfin, il faut noter que cette dernière version de l’article comprenait certains passages empruntés à son « Pyrrhonisme de l’histoire » de 1768 (Voltaire, « Le pyrrhonisme »). Une fois ces jalons posés, on peut essayer de cerner avec plus ou moins de précision la version dont Şanizade s’est servi pour sa traduction. Notons tout d’abord que sa préface reprenait toutes les modifications et rajouts que Vol-taire avait lui-même apportés en 1771 à son article de 1765 ; mais elle inclut aussi au moins un passage de son « De l’histoire » paru en 1764 dans les Contes�de�Guillaume�Vadé, mais que Voltaire n’intégra pas dans son article remanié paru dans les Questions�sur�l’Encyclopédie. Il faut donc en déduire qu’à moins que Şanizade ait travaillé à partir de deux textes séparés – d’une part « De l’histoire » des Contes… de 1764 ou des Mélanges�philosophiques… de 1771 et, d’autre part, « De l’histoire » des Questions… de 1771 – il dut se servir d’une édition plus tardive, à commencer par celle de Kehl (1785-1789), qui fut la première à intégrer dans une seule édition toutes les particularités décrites plus haut (Voltaire, « Histoire », 1785). On peut donc imaginer que Şanizade se servit de cette édition ou de l’une des suivantes qui parurent avant 1819, date à laquelle il est probable qu’il « rédigea » sa préface : Œuvres�complètes�de�Voltaire, Gotha, Ettin-ger, 1786 ; les�Œuvres�de�Voltaire�:�nouvelle�édition,�avec�des�notes�et�des�observations�critiques�par�M.�Palissot, Paris, Stoupe, 1792 ; les Œuvres�complètes�de�Voltaire, Paris, Th. Desoer, 1817 ; ou les�Œuvres�complètes�de�Voltaire�:�nouvelle�édition, Paris, Lefèvre, 1818. Enfin, pour conclure cette longue digression bibliographique, j’ajouterai que j’ai grandement profité de l’édition critique de Garnier frères de 1877-1885 (Voltaire, « His-toire », 1879).

97040.indb 28097040.indb 280 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 13: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 281

Il est évident que l’intérêt de la comparaison des deux textes réside surtout dans les différences. Celles-ci, de manière générale, découlent de trois stratégies distinctes de Şanizade : l’omission, le rajout et la distor-sion. Un bref calcul fondé sur le texte de Voltaire et sur ma traduction de la préface de Şanizade permettra de se faire une idée générale de l’ampleur des omissions et des rajouts : le texte de Voltaire fait environ 8 500 mots ; celui de Şanizade, 4 300 (3 100 dans l’original), dont 2 600 sont tirés de Voltaire et les 1 700 restants sortent de sa propre plume. Cela équivaut à dire que Şanizade n’a en fait utilisé qu’environ le tiers des propos de Voltaire et qu’il y a ensuite rajouté l’équivalent des deux tiers de ce fond voltairien. Il s’agit donc d’un brassage et d’une manipu-lation extrêmement importants, capable de dénaturer le sens et les inten-tions du texte d’origine.

Il est assez facile d’expliquer la grande majorité des omissions : il s’agit essentiellement d’un manque d’intérêt – probablement doublé d’ignorance – pour la plupart des arguments et exemples que Voltaire utilisa dans son texte. Il est assez frappant de voir que Şanizade semble avoir suivi assez fidèlement le texte de Voltaire pendant son premier quart, c’est-à-dire jusqu’à la discussion sur les pyramides d’Égypte. À partir de ce moment là, il paraît avoir « décroché » et ne retient que de courts passages dispersés à travers le reste de l’article. Même s’il est tentant d’y voir le résultat d’une sorte de lassitude ou de découragement au bout de quelques pages de traduction, il semblerait que la véritable raison de cet abandon ait été liée au passage d’un registre plus ou moins général et universel à des cas de plus en plus spécifiques tirés de l’histoire de France et d’Europe. En effet, la discussion des premières pages portant sur les types d’histoire, la transmission des récits historiques et les preuves tangibles de l’histoire ancienne, Şanizade s’était fait un devoir de traduire ces considérations générales, même si elles comprenaient certains termes dont le sens et la portée devaient lui échapper ; en effet, il est fort pro-bable que la géographie et l’histoire de l’Amérique latine ou les légendes fondatrices de Rome ne faisaient pas vraiment partie des connaissances d’Ataullah Efendi. Dès lors on comprend mieux qu’il ait choisi d’user des parties suivantes avec beaucoup de parcimonie, tant elles étaient truffées de références à des auteurs et des faits qui lui étaient vraisemblablement totalement étrangers. Ainsi, le long récapitulatif de l’évolution de l’écri-ture de l’histoire de la Chine à Rome, en passant par l’Égypte, disparaîtra entièrement, à l’exception d’une seule phrase sur la nature de « l’histoire utile ». Les trois sections suivantes, consacrées à l’utilité, la certitude et

97040.indb 28197040.indb 281 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 14: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

282 EDHEM ELDEM

l’incertitude de l’histoire, agrémentées d’exemples tirés de l’histoire de France, d’Angleterre, d’Europe et de Rome, subiront le même sort ; il n’en retiendra qu’un court paragraphe, sur la preuve par le témoignage unanime, mais après l’avoir complètement « ottomanisé », ainsi qu’il apparaîtra plus bas. Pour ce qui est de la suite de l’article de Voltaire, tout en laissant de côté deux sections consacrées à la valeur historique des cérémonies et médailles et à l’histoire satirique, Şanizade se contentera de choisir – tout en les adaptant – quelques paragraphes tirés des parties traitant des harangues et portraits, du mensonge en histoire et, finalement, de la méthode et du style. Quant aux deux dernières sections de l’article de Voltaire, sur « l’histoire des rois juifs et des Paralipomènes » et « les mauvaises actions consacrées ou excusées dans l’histoire », elles n’ont laissé aucune trace dans l’adaptation de Şanizade.

Il suffit de parcourir l’article de Voltaire pour se rendre compte à quel point la version de Şanizade l’avait appauvri et réduit à sa plus simple et banale expression. Pratiquement toutes les références historiographiques avaient disparu, tant pour les faits que pour les auteurs et sources que le philosophe utilisait dans ses démonstrations. La liste des auteurs ainsi passés sous silence suffirait à donner une idée de cette misère historio-graphique : de Sanchoniathon, Hésiode, Hérodote, Polybe, Tite-Live, Ovide, Plutarque, Tacite, saint Grégoire de Nazianze, Marco Polo, Gau-bil, Clarendon, Moréri, Lenglet, Retz, ou Rollin, Şanizade ne retiendra qu’Hérodote, qu’il appellera de manière assez cryptique « l’ancien his-torien nommé Heredod ». Il en va de même des innombrables person-nages et faits historiques ou mythologiques dont Voltaire se sert pour illustrer ses propos ; c’est tout juste si Şanizade reprend ceux d’Alexandre, de Romulus, de Ferdinand (« Feldinanda » !) et de Gengis Khan.

Bien sûr, on pourrait tenter de défendre Şanizade contre toute accusa-tion d’ignorance en suggérant qu’il avait essentiellement agi ainsi par égard pour ses lecteurs dont les références culturelles ne correspondaient nullement à celles d’un public occidental. Il pourrait donc s’agir d’un désir, somme toute assez compréhensible, d’emprunter à Voltaire ce qu’il avait de plus universel en laissant de côté les références et illustrations trop ethnocentriques dont l’auteur français avait parsemé son texte. Il est évident que c’est en effet là une partie de la logique derrière la manière extrêmement éclectique dont Şanizade utilisa cette source étrangère, mais cela n’exclut pas le fait qu’il était vraisemblablement lui-même ignorant de la plupart de ces noms et qu’il eût par conséquent été incapable de les intégrer de manière cohérente et intelligible dans son texte. J’en veux

97040.indb 28297040.indb 282 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 15: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 283

pour preuve les nombreuses erreurs qui se sont glissées dans les rares références qu’il a jugé opportun de traduire. Ainsi, lorsque Voltaire parle des Grecs et des Romains, il est surprenant de voir que Şanizade semble incapable de les différencier et se contente de les appeler tous deux « Rûmiyân » (Romains), un terme qui, en turc, décrit en fait les Byzan-tins et, par extension, les Grecs modernes, sous domination ottomane. De même, comment ne pas s’étonner du fait que lorsque Voltaire parle du « temps de [Jules] César », Şanizade commet le contresens historique de traduire cette expression par « Kayserân� zamânında » (du temps des césars/empereurs) ? Enfin, que dire du fait que, apparemment incapable de reconnaître en Cyrus le souverain perse du VIIe siècle av. J.-C., connu en turc sous le nom de Kûrûş, il l’identifiera comme Firouz Chah, sultan de Delhi au XIVe siècle30 ?

C’est probablement ce mélange d’ignorance et d’indifférence qui le détermina à omettre bon nombre de détails qui pourtant faisaient partie des sections qu’il avait presqu’entièrement traduites. Sinon, pourquoi aurait-il passé sous silence les aspects fabuleux de l’histoire phénicienne ou égyp-tienne alors qu’il gardait les exemples grecs et romains, même indistincts ? Pourquoi se contente-t-il de citer l’exemple de la légende de Romulus alors que Voltaire parlait aussi de Tarquin l’Ancien, de la guerre contre les Sabins ou d’une vestale halant un navire à l’aide de sa seule ceinture ? Comment expliquer qu’après avoir parlé des marbres d’Arundel – dont il ignorait probablement tout – il avait choisi de délaisser toute une discus-sion sur la capacité des Grecs à distinguer la fable de l’histoire, alors que, selon Voltaire, les Français parlaient encore d’étendard apporté du ciel et de « pigeon » apportant une « bouteille » dans une église de Reims ?

Certes, on pourrait soutenir que si cette ignorance mêlée d’indiffé-rence était peut-être navrante, elle n’était pas bien méchante, puisqu’après tout elle ne faisait que réduire à sa plus simple expression un texte très fourni en l’allégeant d’un appareil que son contexte culturel trop spéci-fique rendait encombrant. Cela équivaudrait à dire que l’objectif de Şanizade n’était pas tant de traduire que d’adapter le texte et le rendre intelligible à un public ottoman. C’est dans cette logique qu’il faut voir les petits commentaires dont il « enrichit » les références faites à l’île de Paros et à Athènes dans la discussion des marbres d’Arundel. Pour Paros, il précisait que l’île en question « se trouve dans la mer Blanche

30 Il se pourrait qu’il ait eu en tête un autre Firouz Chah, ancêtre de Safiyeddin, fon-dateur de la dynastie séfévide, ce qui n’arrange guère les choses.

97040.indb 28397040.indb 283 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 16: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

284 EDHEM ELDEM

et fait aujourd’hui partie des dépendances des vastes territoires de l’État Sublime éternel » ; de même, il soulignait l’importance d’Athènes, « fameuse parmi les anciens et siège des philosophes les plus célèbres, et qui, avec l’aide et la protection du Créateur, se trouve aussi aujourd’hui sous la domination de l’État Sublime victorieux ». Dans les deux cas, il s’agissait de resituer ces toponymes dans un contexte ottoman et d’en profiter pour glorifier l’Empire.

C’est dans cette même logique que s’inscrivait la manière dont il avait remplacé certains des exemples typiquement occidentaux cités par Vol-taire par des faits tirés des annales de l’Empire. À titre d’exemple signa-lons, dans la section consacrée à la méthode et au style, le passage concernant la manière différente dont on écrit l’histoire de son propre pays et celle d’un pays étranger. « Si vous faites l’histoire de la France », explique Voltaire, « vous n’êtes pas obligé de décrire le cours de la Seine et de la Loire ; mais, si vous donnez au public les conquêtes des Portugais en Asie, on exige une topographie des pays découverts ». Et Şanizade de traduire : « Par exemple, si dans l’histoire qu’il rédigerait des contrées aux chemins admirables de l’État sublime votre serviteur devait parler du Nil et du Danube, je ne ressentirais pas le besoin de décrire et d’expliquer l’itinéraire de leur cours dans les contrées en question. En revanche, si je devais décrire et conter les forteresses et les villes qui ont été à nouveau conquises pendant les conquêtes de la campagne du Hedjaz réalisée par la grâce et avec l’aide de Dieu sous le règne du présent empereur conqué-rant, j’aurais à dépeindre la géographie particulière de la nouvelle région en question ». La Seine et la Loire ont été transformées en Nil et en Danube, la France est devenue l’Empire ottoman et pour établir un paral-lèle avec l’expansion portugaise dans l’océan Indien, Şanizade n’a rien trouvé de mieux que de parler de la conquête du Hedjaz par les Ottomans quelque temps auparavant.

La transposition est bancale : tandis que Voltaire parlait d’un pays étranger – le Portugal – Şanizade, lui, donne en exemple le Hedjaz, un territoire conquis – ou plutôt reconquis. Ce n’est vraiment pas la même chose, ou alors, il faudrait en tirer des conclusions sur la vision qu’avaient les Ottomans de leur souveraineté sur les provinces les plus reculées de leur empire. Évidemment, une partie du problème est dû au fait que Şanizade avait probablement du mal à penser au-delà des frontières de l’Empire ; d’ailleurs si c’était là l’objectif, il aurait très bien pu conser-ver l’exemple des Portugais. On comprend donc que l’avantage de la référence au Hedjaz est de faire d’une pierre deux coups : une référence

97040.indb 28497040.indb 284 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 17: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 285

familière qui permet de surcroît de chanter les louanges du sultan actuel, puisque c’est au début de son règne que la révolte wahhabite a été matée en son nom par le gouverneur d’Égypte, Mehmed Ali Pacha. À une époque où les succès se font rares, la reconquête d’une province peut bien devenir cause de réjouissance.

Cependant, ces entorses révèlent une autre dimension du phénomène. Bien des modifications – par omission, par rajout ou par glissement sémantique – que Şanizade apporte aux propos de Voltaire ne peuvent tout simplement pas être mises uniquement sur le compte d’un effort d’adaptation. À y regarder de plus près, il apparaît bien vite qu’au-delà d’un processus de transposition culturelle, l’entreprise de Şanizade com-portait une très forte dose de rajustement politique et idéologique. Après tout, ce n’est guère surprenant, si l’on considère qu’en tant qu’historio-graphe de l’Empire, son véritable public était formé avant tout de son maître le sultan et des grands de la cour. Le véritable défi n’était donc pas de faire comprendre à l’Ottoman moyen qui était Romulus, mais plutôt de rendre Voltaire inoffensif et, par la force des choses, invisible. Si l’on en juge par le commentaire de Mahmud II, Şanizade y était par-venu ; il avait rendu le plus subversif des auteurs acceptable aux yeux de l’élite politique éminemment conservatrice de l’Empire ottoman.

Pour ce faire, il avait dû en grande partie dénaturer les propos du phi-losophe. Dès son entrée en matière, il nous en fournit un exemple fla-grant. D’emblée, Voltaire insistait sur la distinction entre histoire sacrée et histoire profane. Connaissant ses prises de position, il n’est pas diffi-cile de deviner laquelle des deux il tenait pour légitime. Pourtant, il s’était prudemment contenté de signaler que l’histoire sacrée « est une suite des opérations divines et miraculeuses, par lesquelles il a plu à Dieu de conduire autrefois la nation juive et d’exercer aujourd’hui notre foi ». Pour ceux que n’auraient pas saisi le sarcasme de cette remarque, il ajou-tait : « Je ne toucherai point à cette matière respectable ». Il faut croire que Şanizade était de ceux qui n’avaient pas compris, ou feignaient ne pas comprendre. Sa définition de l’histoire sacrée était somme toute très semblable à celle de Voltaire, à cela près qu’elle était plus détaillée et, surtout, qu’elle ne comportait aucune ironie :

« L’histoire se divise en deux parties ; l’une est l’histoire sacrée qui est fondée sur les saintes voies de Mahomet et les récits miraculeux et dignes de foi des plus grands prophètes et les histoires pleines de sens des saints heureux et dont le contenu est le plus souvent prouvé par les saints versets

97040.indb 28597040.indb 285 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 18: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

286 EDHEM ELDEM

des livres célestes et le témoignage des hadith les plus exacts et les dons providentiels des souffles sacrés. »

Du coup, comme il avait perturbé l’équilibre de cette démonstration en donnant une « véritable » définition de l’histoire sacrée, Şanizade se retrouva dans l’obligation d’en donner aussi une de l’histoire profane, ce que Voltaire n’avait pas fait, puisque de toute façon il ne parlait que de cela. Ce passage, le premier rajout substantiel de Şanizade, est intéressant à plusieurs égards, à commencer par sa tentative de traduire le terme « profane ». Il avait traduit « sacré » par « mukaddes », ce qui était fort exact ; mais pour « profane », que Voltaire utilisait évidemment comme antonyme de « sacré », il avait choisi d’utiliser « ‛âmm(e) », un terme qui décrivait tout ce qui était général, public, populaire, voire même vul-gaire. Était-ce un choix conscient, peut-être pour éviter d’utiliser un terme qui « sentait un peu trop le soufre » et qui n’avait pas vraiment d’équivalent dans le vocabulaire ottoman de l’époque, à moins d’utiliser une paraphrase ?31 C’est probable, mais difficile à prouver ; dans tous les cas, le choix de ce terme est à rapprocher de la manière dont λαϊκός en grec ou lay en anglais peuvent être pris dans le sens de populaire ou public. D’ailleurs, ainsi qu’il apparaîtra bientôt, il est clair que Şanizade n’avait nullement l’intention de séparer le divin de l’humain dans l’his-toire, même publique. Pour lui, la caractéristique la plus importante de cette histoire n’était pas l’absence d’intervention divine et de références sacrées, mais plutôt le fait que les sujets qu’elle abordait correspondaient au type de récit que l’on attendait d’un historiographe. C’est d’ailleurs ce qui transparaît de la description qu’il en donne :

« Et l’autre est l’histoire publique qui montre l’état des rois et des États et rend compte du caractère des peuples et des nations et relate les événements des temps premiers et qui, en raison du mystère que “certes il y a en cela un exemple pour ceux qui ont de l’entendement”32, en est la forme préférée

31 Ainsi, le dictionnaire de Handjéri, que Şanizade n’aurait certes pas pu consulter, donnait à « profane » le sens de « contre le respect qu’on doit aux choses sacrées » avant d’ajouter qu’« il se dit aussi des choses qui ne concernent pas la religion ». Dans les deux cas, toutefois, il n’y a avait pas de terme équivalent et il fallait avoir recours à une para-phrase. Ainsi le terme d’« histoires profanes » était traduit par « umûr-ı�dîniyeye�müte‛al-lik� olmayan� vekâyi‛� ve� ahvâl » (événements et situations n’ayant pas de rapport aux affaires religieuses ; Handjéri, Dictionnaire, p. 227). Le terme « lâ�dînî » (littéralement, non religieux) n’est apparu que bien plus tard, par souci de trouver un équivalent de « laïc » et « séculier ».

32 « Fihi�‛ibretun�li-ûlî’l-ebsâr », inspiré du Coran, 3:13 et 24:44 (Şânî-zâde�Târîhi, p. 15).

97040.indb 28697040.indb 286 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 19: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 287

et retenue par les sages, à cette condition que, à l’image du cœur des sages, libérée des fausses haines et des vengeances inutiles, elle se fasse une nar-ratrice équitable et que, à l’image de la feuille du saule, elle reste pure des partis pris et des flatteries injustes ou des fruits de l’inimitié et de l’égoïsme que sont la haine et l’insulte ainsi que de l’odeur de la calomnie et de l’opposition. »

Ce qui rendait cette description intéressante, c’était que Şanizade avait dû l’improviser, puisque Voltaire ne la lui fournissait pas. C’est ce qui explique qu’elle ait pris un format extrêmement conventionnel qui repre-nait dans ses grandes lignes la rhétorique de l’historiographie ottomane : rendre compte des événements concernant les souverains et les États ; servir d’exemple aux générations futures ; éviter la calomnie, tout comme les flagorneries.

Cette première divergence confirme l’objectif déjà pressenti : celui de rendre le texte de Voltaire compatible avec les normes de l’historiogra-phie ottomane et, d’une manière générale, avec l’idéologie dominante de l’époque. C’est cette mission que rempliront au fur et à mesure la plupart des modifications apportées au texte. Ainsi, lorsqu’à la fin de sa discus-sion sur les « monuments » de l’histoire ancienne, c’est-à-dire les plus anciennes preuves concrètes permettant d’établir une chronologie fiable, Voltaire observe qu’il n’y a pas « d’histoire ancienne profane au-delà de quatre mille ans », Şanizade, tout en retenant cette proposition, en pro-fitera pour insérer tout une section suggérant qu’il n’existe qu’une seule source pour connaître ce qui précède l’histoire profane : le Coran, les hadith et, d’une manière générale, toutes les écritures saintes.

Concrètement, cette différence de perception de la « préhistoire » transparaît dans la discussion sur l’ancienneté des pyramides, où Vol-taire, notant qu’Hérodote lui-même, quelque deux millénaires plus tôt, avait été incapable d’obtenir des prêtres d’Égypte la moindre informa-tion concernant l’origine de ces monuments. Şanizade avait repris cette observation telle quelle, mais, fidèle à sa remarque précédente sur la valeur des écritures saintes pour percer les mystères des temps les plus anciens, il y avait rajouté la remarque suivante : « On dit cependant que quelques unes des grandes pyramides furent bâties par les prophètes Loth, Chouayb et Idris, que le salut de Dieu soit sur notre prophète et sur eux ». Il est particulièrement significatif de comparer ce pieux et naïf rajout avec la riche digression de Voltaire qu’il remplaçait. En effet, devant l’absence de sources pour une histoire de l’Égypte ancienne,

97040.indb 28797040.indb 287 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 20: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

288 EDHEM ELDEM

celui-ci avait eu recours à l’art de la déduction, suggérant que les monu-ments en question étaient forcément le résultat d’une longue histoire de progrès et de civilisation : contrôle et protection des crues du Nil, agriculture, urbanisation, architecture… Il terminait par cette remar-quable phrase qui résumait toute sa conviction et reniait très précisément la manière de penser de Şanizade : « Nous ne savons donc autre chose, sinon qu’avant les plus anciens historiens il y avait de quoi faire une histoire ancienne ».

Il est donc clair que Şanizade se situait intellectuellement aux anti-podes de Voltaire : l’histoire sacrée et profane n’étaient pas des concepts incompatibles, mais des sciences complémentaires dans la quête de la vérité. Ce que l’histoire profane, circonscrite par les limites de l’enten-dement humain, ne pouvait connaître était révélé par l’histoire sacrée, ou plutôt les écritures sacrées. De plus, cette complémentarité n’excluait pas d’importants chevauchements, puisque même les événements participant de l’histoire profane demandaient souvent à être expliqués par la grâce et l’intervention divines. C’est ainsi que le paragraphe que Voltaire consacrait à la démonstration de la certitude en histoire était transformé, sous la plume de Şanizade, en une sorte de profession de foi de l’histo-riographe ottoman. C’est là probablement la plus fascinante des transpo-sitions de Şanizade, puisqu’elle comporte à la fois omission, rajout et distorsion, le tout mis au service de la glorification de l’islam, de la dynastie et du souverain de l’époque, Mahmud II.

Pourtant, tout ce que Voltaire avait voulu montrer était qu’un fait peu connu ne devenait certain qu’une fois qu’il était reconnu et attesté par un nombre suffisant de témoins : ainsi l’étendue de la Chine, qui n’était qu’une rumeur douteuse du temps de Marco Polo, était désormais deve-nue vérité à la lumière des témoignages de milliers d’observateurs. C’était l’occasion pour Şanizade d’une transposition hardie dans un contexte ottoman : la glorieuse victoire du sultan Murad à Kossovo en 1389 était, disait-il, l’exemple parfait d’un haut fait reconnu et rapporté par tous les historiens, tant musulmans que chrétiens. En réalité, c’était là une bien piètre transposition de l’exemple de Voltaire ; mais c’était une excellente occasion d’insérer une longue digression dont l’objectif évident était de chanter les louanges non seulement d’un des premiers sultans de la dynastie, mais aussi du sultan actuel. En effet, Şanizade n’hésitait pas à terminer sa démonstration sur Kossovo par une pirouette d’environ quatre siècles pour présenter la (re)conquête du Hedjaz comme un exploit qui, pour fabuleux qu’il parût, n’en constituait pas moins une

97040.indb 28897040.indb 288 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 21: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 289

preuve incontestable de la puissance de Mahmud II et de l’inspiration divine qui le guidait dans toutes ses actions. Cet encensement systéma-tique du souverain s’accordait peut-être avec les fonctions d’historio-graphe, mais il en disait long sur la rigueur de Şanizade en tant qu’his-torien. Incapable d’honorer ses propres conseils concernant « les partis pris et les flatteries injustes », il avait clairement opté pour une prise de position qui lui assurerait les faveurs de son maître et le mettrait à l’abri de toute inquiétude qu’auraient pu causer des propos déviant quelque peu de l’orthodoxie ambiante.

La liste des libertés que Şanizade prit avec le texte de Voltaire pourrait être allongée à volonté ; il paraît néanmoins plus sage de laisser le lecteur les découvrir au fil de la lecture des textes parallèles fournis en annexe. Une telle liste aurait de toute façon péché par de trop nombreuses répé-titions, puisque toutes ces infidélités au texte d’origine s’expliquent par quelques principes et phénomènes de base : absence de formation scien-tifique, ignorance du contexte européen, soumission à l’idéologie impé-riale, désir de produire un texte accessible à un public ottoman. Le plagiat est constaté, mais il est doublé d’une falsification qui rend le crime encore plus honteux : Voltaire mis au service d’une vision de l’histoire ballottée entre la flagornerie et le fondamentalisme religieux.

Était-ce là la véritable intention de Şanizade, ou faut-il penser que son choix reposait sur une admiration qu’il avait dû cacher derrière le masque d’un conformisme conservateur ? Nous ne le saurons peut-être jamais avec certitude, mais il paraît difficile d’imaginer qu’il ait pu épouser des idées aussi contraires à ses croyances et aux valeurs de sa propre culture pour ensuite les renier afin de trouver grâce aux yeux du souverain et de la classe dirigeante. Il semble plus vraisemblable d’imaginer un scénario intermédiaire, fait d’un étrange mélange de curiosité et de conservatisme. Il est plus que probable que Şanizade avait une certaine admiration pour la science occidentale, mais que cette ouverture intellectuelle avait ses limites, déterminées par un respect pour les grandes lignes des normes religieuses et idéologiques alors en vigueur. C’est donc une forme d’op-portunisme qui semble avoir guidé Şanizade, l’incitant à imiter la forme tout en trahissant le fond, le tout dans l’espoir de s’approprier un produit hybride qui aurait bénéficié d’un effet de nouveauté sans pour autant remettre en question les formes et conventions établies.

Le cas de Şanizade est certes intéressant, voire sensationnel, ne serait-ce qu’en raison de l’identité tant de l’auteur que du plagiaire. Toutefois cet exemple très particulier devrait nous encourager à questionner la

97040.indb 28997040.indb 289 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 22: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

290 EDHEM ELDEM

manière dont certains phénomènes historiques ont été traités jusqu’ici, de la question de la modernité ottomane à celle des transferts culturels d’Oc-cident en Orient. Şanizade ne fut certainement pas le seul à « s’inspirer » de la sorte et à pratiquer cette méthode d’appropriation sélective pour nourrir le processus de transformation associé à la modernisation et l’oc-cidentalisation ottomanes du XIXe siècle. C’est donc une relecture atten-tive et critique qu’il nous faut entreprendre de ce corpus qui, jusqu’ici, n’a généralement été considéré que fort superficiellement, sans effort systématique d’en retracer les origines et sources d’inspiration. Ce n’est qu’à travers un tel exercice qu’il sera éventuellement possible de com-prendre et reconstituer certaines des grandes lignes de l’effort intellectuel sous-tendant les réformes et transformations du règne de Mahmud II et de la période des Tanzimat.

En attendant, pour conclure cette étude avec un clin d’œil, qu’il me soit permis de suggérer que Şanizade aurait pu profiter d’une lecture attentive de l’article suivant du Dictionnaire�philosophique, lui aussi de la plume de Voltaire, consacré à un sujet fort proche, celui de l’« histo-riographe ». Il y aurait découvert que c’était là un « titre fort différent de celui d’historien » ; il aurait pu apprécier « combien il est rare qu’un historiographe ose dire la vérité » ; il aurait peut-être appris que la dif-férence entre l’historiographe et l’historien se résumait à ce que « le premier peut tout amasser, le second choisir et arranger »33. Hélas, il n’en fit rien ; au contraire, en bon plagiaire, il se contenta de phagocyter l’« Histoire » de Voltaire et d’en tirer une très médiocre préface qui ne pouvait faire honneur qu’à un historiographe en quête de l’approbation de son maître.

33 Voltaire, « Historiographe ». Cet article, absent de l’Encyclopédie, parut dans toutes les compilations suivantes ; il ne fait donc aucun doute que Şanizade y eut accès.

97040.indb 29097040.indb 290 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 23: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 291

Texte

orig

ınal

et

inté

gral

de l

a p

réfa

ce d

e Ş

an

izad

e

(El-

mu

kaddim

e fi

kava

‛id-i

fen

ni’

t-ta

rih

ve

usu

l-i

tala

ati

’t-t

evari

h)

Ta

rih

ya

vek

ayi‛

-i

ha

kik

iye-i

sa

dık

an

ın

ya

hu

d h

ikâ

ya

t-ı

ga

yri

va

kı‛

a-i

k

âzi

ben

in

zab

t ü

n

ak

lin

den

ib

are

t�ve�b

a‛z

ı te

va

rih

meb

ni

‛ale

’z-z

un

un

olm

ak m

üla

sebes

iyle�*�

Inne’z-zanne�la

-yugni�mine’l-h

akki�şey’an�*�

mü’eddasınca�

ekse

riyâ

hata

ya-y

ı akl-

ı beş

er�

ve�tasavvurat-ı�a

dimetü’l-v

uku‛-ı�

gayr-i�

mu‛tebere�il

e m

uh

tell

ü’s

-sıh

hatd

ır�ve�

teva

-

rih

-i s

an

ayi‛

ta

‛bir

olu

nu

r b

ir n

ev‛i

ta

rih

dah

i va

rdır

ki

ma‛a

rif

ve s

an

ayi

‛in

ica

d ü

ihti

ra‛ı

havi

ve

men

afi

‛ ü

fev

aid

ini

ma‛r

i-

fet

ü t

efeh

me

badi�ve�mancınık�ve�alatın

ı�ve�vücuh

-ı�isti‛malatını�tahsil�ü�ta‛allü

me�

mü’eddi�o

lma

k

cih

etl

eri

yle

mle

sin

den

ziya

de

kes

irü

’l-m

enfa

‛atd

ir�

Tev

ari

h i

ki

kıs

ma m

ün

kası

me

ve b

iri

(tev

a-

rih

-i m

uk

ad

dese

) o

lub�anlar�siyer-i�

sadı-

kü’l-hayr-ı�hazret-i�hayrü’l-b

eşer�ve�kısas-ı�

mu‛tebere-i�enbiya’-i�i‛zam

-ı�mu‛ciz-eser�ve�

Trad

ucti

on

en

fran

çais

de l

a p

réfa

ce d

e Ş

an

izad

e

(Préfa

ce su

r le

s règ

les

de la

sc

ien

ce d

e

l’h

isto

ire e

t su

r l

a m

éth

od

e d

’étu

die

r l

es

livres

d’h

isto

ire)

L’h

isto

ire e

st l

’écrit

ure e

t le

récit

soit

des

fait

s réels

et

exacts

, so

it d

es

con

tes

inven

-

tés

et

men

son

gers

et

certa

ines

his

toir

es

éta

nt

fon

dées

sur d

es

do

ute

s et

, sel

on l

e pr

écep

te q

ue «

le d

oute

ne

dit c

erta

inem

ent

rien

de la

vér

ité »

, ell

es

son

t le

plu

s so

u-

ven

t fa

uss

ées

par l

es

erreu

rs

hu

main

es

et

par d

es p

ensé

es in

exac

tes e

t san

s val

eur ;

et

il e

xis

te u

n a

utr

e g

en

re d

’his

toir

e a

pp

elé

l’h

isto

ire d

es

arts

, q

ui

est

plu

s u

tile

qu

e

tou

tes

les

au

tres

parce q

u’e

lle c

om

pren

d

les

inven

tion

s d

e l

a s

cie

nce e

t d

es

arts

et

perm

et

de c

om

pren

dre l

eu

rs

avan

tages e

t d’

appr

endr

e l’u

tilisa

tion

des

mac

hine

s.

L’h

isto

ire s

e d

ivis

e e

n d

eu

x p

arti

es

; l

’un

e

est

l’h

isto

ire s

acrée q

ui e

st fo

ndée

sur

les

sain

tes v

oies

de

Mah

omet

et l

es ré

cits

mira

-cu

leux

et d

igne

s de

foi d

es p

lus

gran

ds p

ro-

Extr

ait

s d

e l

a v

ersi

on

fin

ale

de l

’arti

cle

« H

isto

ire »

de V

olt

air

e

Définition

L’h

isto

ire

est

le

récit

d

es

fait

s d

on

nés

pou

r v

rais

; a

u c

on

trair

e d

e l

a f

ab

le,

qu

i

est

le r

écit

des

fait

s d

on

nés

pou

r f

au

x.

Il y

a l’

his

toir

e d

es o

pini

ons

qu

i n

’est

gu

ère

qu

e le

rec

uei

l d

es e

rreu

rs h

um

ain

es.

L’h

isto

ire d

es

arts

peu

t êtr

e l

a p

lus

uti

le

de t

ou

tes,

qu

an

d e

lle j

oin

t à

la

co

nn

ais

-

san

ce d

e l’

inv

en

tio

n et

du

p

ro

grès

des

arts

, la

desc

rip

tion

de l

eu

r m

écan

ism

e.

L’hi

stoire

nat

urel

le, i

mpr

opre

men

t dite

his-

toire

, est

une

parti

e es

sent

ielle

de

la p

hy-

sique

.O

n a

div

isé l

’his

toir

e d

es é

véne

men

ts en

sacrée e

t p

ro

fan

e ;

l’h

isto

ire s

acrée e

st

un

e s

uit

e d

es

op

érati

on

s d

ivin

es

et

mir

a-

cu

leu

ses,

par

lesq

uelle

s il

a pl

u à

Die

u de

AN

NE

XE

- C

OM

PA

RA

ISO

N D

E L

A P

FA

CE

DE

ŞA

NIZ

AD

E A

VE

C L

’AR

TIC

LE

« H

IST

OIR

E »

DE

VO

LT

AIR

E

97040.indb 29197040.indb 291 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 24: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

292 EDHEM ELDEM

phèt

es e

t le

s hi

stoire

s pl

eine

s de

sen

s de

s sa

ints

heur

eux

et d

on

t le

con

ten

u e

st l

e p

lus

sou

ven

t p

ro

uv

é p

ar le

s sa

ints

vers

ets

des

livre

s cé

leste

s et

le té

moi

gnag

e de

s ha

dith

le

s pl

us e

xact

s, et

les

do

ns

pro

vid

en

tiels

des

sou

ffle

s sa

crés

. Et

l’au

tre

est

l’h

isto

ire

pu

bli

qu

e q

ui m

ontre

l’ét

at d

es r

ois

et d

es

État

s et

ren

d co

mpt

e du

car

actè

re d

es

peup

les

et d

es n

atio

ns e

t re

late

les

évé

ne-

men

ts de

s te

mps

pre

mie

rs e

t qui

, en

raiso

n du

mys

tère

que

« c

erte

s il

y a

en c

ela

un

exem

ple

pour

ceu

x qu

i on

t de

l’e

nten

de-

men

t », e

n es

t la

form

e pr

éfér

ée e

t ret

enue

pa

r le

s sa

ges,

à ce

tte c

ondi

tion

que,

à

l’im

age

du c

œur

des

sag

es,

libér

ée d

es

faus

ses

hain

es e

t de

s ve

ngea

nces

inu

tiles

, el

le s

e fa

sse

une

narra

trice

équ

itabl

e et

que

, à

l’im

age

de l

a fe

uille

du

saul

e, e

lle r

este

pu

re d

es p

artis

pris

et d

es fl

atte

ries

inju

stes

ou d

es f

ruits

de

l’ini

miti

é et

de

l’égo

ïsme

que

sont

la h

aine

et l

’insu

lte, a

insi

que

de

l’ode

ur d

e la

cal

omni

e et

de

l’opp

ositi

on, c

ar

la v

érit

é d

e l’

his

toir

e e

st l

e r

écit

vérid

iqu

e

qu

e t

ran

smett

en

t le

s p

ères

à l

eu

rs

en

fan

ts

et

à l

eu

rs

peti

ts-e

nfa

nts

des

év

én

em

en

ts

surv

enu

s d

e le

ur

tem

ps,

siè

cle

ap

rès

sièc

le,

afin

de

leur

ser

vir d

’exe

mpl

e, e

t ta

nt

qu

’ils

ne

son

t p

as

co

ntr

air

es

au

x

sen

tim

en

ts

hu

main

s. C

ep

en

dan

t, c

ett

e v

érit

é p

erd

an

t

cond

uire

aut

refo

is la

nat

ion

juiv

e et

d’e

xer-

cer

aujo

urd’

hui

notre

foi

. Je

ne

touc

hera

i po

int à

cet

te m

atiè

re re

spec

tabl

e.Si�j’app

rena

is�l’hébreu,�les�sciences,�

l’his-

toire�!�To

ut�cela,�c’est�la

�mer�à�boire

(La

Font

aine

, liv

. VIII

, fab

. XX

V)

Prem

iers�fo

ndem

ents�de�l’h

istoire

Les

pre

mie

rs f

on

dem

ents

de

tou

te h

isto

ire

son

t le

s récit

s d

es

pères

au

x

en

fan

ts,

tra

nsm

is e

nsu

ite d

’un

e g

én

éra

tio

n à

un

e

au

tre ;

ils

ne s

on

t to

ut

au

plu

s q

ue p

ro-

ba

ble

s d

an

s le

ur

orig

ine,

qu

an

d

ils

ne

ch

oq

uen

t p

oin

t le

sen

s co

mm

un

; e

t il

s

perd

en

t u

n d

egré d

e p

rob

ab

ilit

é à

ch

aq

ue

men

akıb-ı�keramat-‛av

akıb-ı�evliy

a-yı�

müb

eşşerdir�ki�an

ların�ekseri�nusus-ı�keri-

me-i�k

ütüb-i�semaviye�ve�şevahidi’n

-nübüv-

ve-i�sahhah�ahadisine�ve�

mev

ah

ib-i

led

ün

i-

ye-i

en

fas-

ı k

ud

siye

ile

berh

en

ve

mu

karr

erdir�V

e bir

i (t

evari

h-i

‛âm

me)

dir�ki�

mübeyyin-i�a

hval-i�müluk�u�düvel�ve�müzek-

kir-i�em

zice-i�

akvam�ü�m

ilel�ve�m

uhbir-i�

ecl-i�umur-ı�

ezmine-i�evvel�olub

�mazha

r-ı�

esrar-ı�

*�fih

i�‛ibretün

�li-uli’l-ebsar�

*�olmağla�in

de’l-fuzala�m

ergub�ve�m

u‛teber-

dir�Be

-şart-ı�an�ki�ağraz-ı�batıla�ve�ebgaz-ı�

‛âtılad

an�derun

-ı�‛ârifan�gibi�pak�ve�saf�

heman�bir�vassaf-ı�hakkani-evsaf�ve�bi-gayri�

hakkin�iltizam

�ü�tevkir�veya�buğz�veya�tahkir�

gibi�sem

ere-i�ad

avet�ve�nefsan

iyetden�ve�

rayiha

-i�iftira�ve�hila

fdan

�man

end-i�berg-i�

safsaf�saf�ola�zira

tari

hin

ha

kik

ati

ped

era

nın

evla

d ü

ah

fa-

dın

a za

ma

nla

rın

ın vu

ku

‛at

ve h

ad

isa

tın

ı

ha

va

ss-ı

m

üşt

ere

ke-i

b

en

i â

dem

e

an

lar

na

fi

olm

ad

ıkla

ha

lde

ka

rnen

b

a‛d

e

ka

rnin�‛ibret�olmak�içün�

bi-hakikatihim

�n

ak

l ü

hik

âyetl

eri

dir

.�Şu

�kad

ar�vardır�ki�

ha

kik

at-

i m

ezb

ure

h

er

bir

k

uru

n m

üru

-

97040.indb 29297040.indb 292 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 25: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 293à

la

fin

de c

ha

qu

e é

po

qu

e u

n d

eg

ré d

e

po

ssib

ilit

é,

ell

e f

init

pa

r d

ev

en

ir d

e p

lus

en

p

lus

co

nfu

se e

t de

mêm

e il

est

bien

co

nnu

de c

eux

qui o

nt l’

expé

rienc

e du

tem

ps

et l’

ente

ndem

ent d

e l’a

ncie

nnet

é du

mon

de

que

parf

ois

une

lége

nde

sans

fon

dem

ent

peut

l’em

porte

r et l

es m

ystè

res d

e l’a

lchi

mie

d’

Avi

cenn

e et

des

talis

man

s par

eils

au tr

ésor

de

Jam

shid

peu

vent

pre

ndre

for

me

et l

a vé

rité

en p

erdr

a so

n no

m e

t sa

dign

ité e

t res

-te

ra c

aché

e so

us le

rid

eau

du s

ecre

t et p

ar

con

séq

uen

t le

s p

rem

iers

tem

ps

de l

a p

lu-

pa

rt

des

Éta

ts s

on

t ca

ra

cté

ris

és

pa

r d

es

merveil

les.

De m

êm

e,

il e

st é

vid

en

t à

ceu

x q

ui

l’o

nt

étu

dié

e co

mb

ien

l’

his

toir

e a

ncie

nn

e d

es

Ro

ma

ins

est

ple

ine d

’étr

an

ges

sott

ises

et

de

surp

ren

an

tes

légen

des

san

s fo

nd

emen

t,

ca

r m

êm

e l’

Éta

t d

es

Ro

ma

ins

qu

e l’

on

gén

érati

on

. A

vec

le

tem

ps

la f

ab

le s

e gro

s-

sit,

la

v

érit

é se

p

erd

: d

e là

v

ien

t q

ue

tou

tes

les

orig

ines

des

peu

ple

s so

nt

ab

surd

es.

Ain

si, le

s Ég

yptie

ns a

vaie

nt é

gouv

erné

s pa

r le

s di

eux

pend

ant b

eauc

oup

de s

iècl

es ;

ils

l’ava

ient

été

ens

uite

par

des

de

mi-d

ieux

; e

nfin

ils

avai

ent

eu d

es r

ois

pend

ant o

nze

mill

e tro

is ce

nt q

uara

nte

ans ;

et

le s

olei

l dan

s ce

t esp

ace

de te

mps

, ava

it ch

angé

qua

tre fo

is d’

orie

nt e

t d’o

ccid

ent.

Les

Phén

icie

ns d

u te

mps

d’A

lexa

ndre

pré

-te

ndai

ent ê

tre é

tabl

is da

ns le

ur p

ays

depu

is tre

nte

mill

e an

s et c

es tr

ente

mill

e an

s éta

ient

re

mpl

is d’

auta

nt d

e pr

odig

es q

ue la

chr

ono-

logi

e ég

yptie

nne.

J’av

oue

qu’il

est

phys

ique

-m

ent t

rès

poss

ible

que

la P

héni

cie

ait e

xisté

no

n se

ulem

ent t

rent

e m

ille

ans,

mai

s tre

nte

mill

e m

illia

rds

de s

iècl

es,

et q

u’el

le a

it ép

rouv

é, a

insi

que

le r

este

du

glob

e, tr

ente

m

illio

ns d

e ré

volu

tions

; m

ais

nous

n’e

n av

ons

pas

de c

onna

issan

ce.

On

sa

it q

uel

merv

eil

leu

x r

idic

ule

règ

ne

dan

s l’

an

cie

nn

e h

isto

ire d

es

Grecs.

Les

Ro

ma

ins,

to

ut

série

ux

qu

’ils

éta

ien

t,

n’o

nt

pas

moin

s en

velo

pp

é d

e f

ab

les

l’h

is-

toir

e d

e l

eu

rs

prem

iers

siècle

s. C

e p

eu

ple

,

si r

écen

t en

com

para

ison

des

nati

on

s asi

a-

tiq

ues,

a é

té c

inq

cen

ts a

nn

ées

san

s h

isto

-

rie

ns.

Ain

si,

il n

’est

pa

s su

rp

ren

an

t q

ue

run

da s

ure

t-i

imkân

ü k

abil

iyet

in b

ir d

ere-

cesi

ni

fevt

ü iz

a‛e

ed

ere

k b

öyle

g

itd

ikce

mu

hte

litü

’l-‛

akıb

et o

lur�v

e�kezalik�ma‛lum-ı�

mücerribin-i�ah

val-i�d

evran�

ve�m

efhu

m-ı�

siyak-sencan-ı�fertut-ı�cihandır�ki�b

a‛zan�bir�

fesane-i�

bi-m

aye�müte‛azzım�ve�ga

raib-i�

simya-yı�İbni�S

ina�ve�tılsımat-ı�genc-i�gâv-ı�

Cem

şid-asa�mütecessim�olarak�hakikat-i�hal�

bi�nam

�ü�nişan

�ve�zir-i�perde-i�kitm

anda

�mechul�ü

�pinhan�kalır�ve�

bu

takri

ble

eva

il-i

ekse

r-i

vel

hava

rıkla

mu

ttası

fa o

lur

Ha

keza

Ru

miy

an

ın t

ari

h-i

ka

dim

ind

e n

e

kadar

mu

dh

ikâ

t-ı

gari

be

ve e

fsan

e-i

bi-

ma-

ye-i

u‛c

ube

old

uğu

tala

‛a e

den

lere

s-

teb

an

dır

zir

a m

em

ali

k-i

Asy

a’n

ın m

ilel

ü

ak

vam

-ı k

ad

imet

ü’l

-eyy

am

ına

na

zara

n b

u

97040.indb 29397040.indb 293 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 26: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

294 EDHEM ELDEM

do

it co

nsi

dérer co

mm

e récen

t co

mp

aré

au

x a

ncie

ns

peu

ple

s et

na

tio

ns

d’A

sie a

pass

é l

es

prem

ières

cin

q c

en

ts a

nn

ées

de

son

ex

iste

nce s

an

s a

vo

ir d

’his

toir

e D

e c

e

fait

on

ne s

’éto

nn

e p

as

de c

e q

ue R

om

u-

lus,

le c

réate

ur d

es

césa

rs,

ait

été

le f

ils

de

l’ét

oil

e M

ars

et

qu

e sa

nou

rric

e ait

été

un

e

lou

ve s

au

vage.

Pou

r ét

ud

ier

qu

elq

ue

peu

l’e

xact

itu

de

de

certa

ines

ch

ose

s d

an

s le

s h

isto

ires

an

cien

nes

, il

n’y

a q

u’u

ne

voie

et

cett

e voie

est

de

vér

ifie

r avec

att

enti

on

s’i

l en

res

te

des

pre

uves

et

des

tra

ces

ind

énia

ble

s et

les

pre

uves

écr

ites

de

ce g

enre

se

réd

uis

ent

à

tro

is (L

a p

rem

ière p

reu

ve)

est

cell

e d

es

ob

serv

ati

on

s cé

lest

es q

ui

fure

nt

am

ass

ées

et e

nre

gis

trée

s à B

ab

ylo

ne

pen

dan

t m

ille

neu

f cen

ts

an

nées

san

s in

terru

pti

on

et

Ro

mu

lus

ait

été

le f

ils

de M

ars,

qu

’un

e

lou

ve a

it é

té s

a n

ou

rric

e, q

u’il

ait m

arch

é av

ec v

ingt

mill

e ho

mm

es d

e so

n vi

llage

de

Rom

e, c

ontre

vin

gt-c

inq

mill

e co

mba

ttant

s du

vill

age

des

Sabi

ns ;

qu’

ensu

ite i

l so

it de

venu

die

u ; q

ue T

arqu

in l’

anci

en a

it co

upé

une

pier

re a

vec

un ra

soir,

et q

u’un

e ve

stale

ai

t tiré

à te

rre u

n va

issea

u av

ec s

a ce

intu

re,

etc.

Les

prem

ière

s an

nale

s de

tout

es n

os n

atio

ns

mod

erne

s ne

sont

pas

moi

ns fa

bule

uses

; le

s ch

oses

pro

digi

euse

s et

impr

obab

les

doiv

ent

être

que

lque

fois

rap

porté

es,

mai

s co

mm

e de

s pr

euve

s de

la c

rédu

lité

hum

aine

: e

lles

entre

nt d

ans

l’hist

oire

des

opi

nion

s et

des

so

ttise

s. Le

cha

mp

en e

st im

men

se.

Des�m

onum

ents

Pou

r co

nn

aît

re a

vec

un

peu

de

cert

itu

de

qu

elq

ue

ch

ose

d

e

l’h

isto

ire

an

cie

nn

e,

il

n’e

st q

u’u

n s

eul

moyen

, c’

est

de

voir

s’i

l

rest

e q

uel

qu

es m

on

um

ents

in

con

test

ab

les.

Nou

s n

’en

avon

s q

ue

trois

par

écri

t ;

le

prem

ier

est

le

recu

eil

d

es

ob

serv

ati

on

s

ast

ro

no

miq

ues

fait

es

pen

da

nt

dix

-neu

f

cen

ts a

ns

de

suit

e à B

ab

ylo

ne,

en

voyée

s p

ar

Ale

xan

dre

en

Grè

ce e

t em

ploy

ées d

ans l

’al-

mag

este

de P

tolé

mée

. Cet

te s

uit

e d

’ob

serv

a-

rütb

ed

e c

ed

id v

e n

ev-z

uh

ur

ola

n D

evle

t-i

Ru

miy

an

b

ile eva

il-i

za

ma

nın

da

b

z

sen

e

ka

da

r ta

rih

sizc

e

mte

’z-z

am

an

olm

uşd

ur

Bu

takdir

ce b

adi-

i kays

eran

ola

n

Rom

ulu

s kev

keb

-i M

erih

’in

vel

edi

ve d

aye

-i

mu

rzı‛

ası

bir

zi’

b-i

berr

i o

ldu

ğu

fesa

ne-i

serd

-bey

an

ı m

uci

b-i

ist

iğra

b o

lmaz

Tev

ari

h-i

‛ati

kada b

a‛z

ı h

usu

satı

n o

ldu

kca

sıh

hati

ni

tah

kik

etm

ek i

çün

an

cak b

ir t

ari

k

va

rdır

ve

tari

k-i

m

ezb

ur

ba

‛zı

mte

-

ni‛

ü’l

-in

kâr

del

a’i

l ve

asa

r kalm

ışla

r m

ıdır

dey

ü s

arf

-ı d

ikkat-

i en

zar

eyle

mek

dir

ve

bu

babda t

ah

rire

n o

lan

del

ail

yaln

ız ü

çe i

nh

i-

sar

üze

red

ir

(Deli

l-i

Evvel)

m

em

lek

et-

i

Ba

bil

’de

bin

d

ok

uz

z se

ne

dd

etd

e

‛ale

’t-t

eva

li m

üm

ted

ve m

üte

ma

di

olm

rasa

d-ı

fe

lek

iyed

e cem

‛ ü

k

ayd

o

lun

mu

ş

97040.indb 29497040.indb 294 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 27: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 295ah

val-

i m

er’i

yye-

i se

mavi

yedir

ki

İsken

der

an

ları

Ru

m’a

nakl

ü i

rsal

eyle

miş

dir

Fe‛

alâ

ha

za

ta’r

ih

mil

ad

İsa

sa

lava

ta’l

lah

i

‛ale

yh

i ve ‛

ala

neb

iyyin

a’d

an

mu

ka

dd

em

i

iki

bin

ik

i yü

z o

tuz

rt se

neye sâ

‛id

ve

ba

liğ

o

lan

b

u

na

zari

ya

t-ı

mu

ka

yyed

e-i

hey

’at-

ı se

madan

ah

ali

-i B

abil

’in

akva

m-ı

sa’i

reden

akdem

a‛v

am

-ı k

esir

e ve

ku

run

vefi

re m

evcu

de

ve m

üct

emi‛

a o

lmu

ş id

ük-

leri

steb

an

ve

ava

n-ı

mer

ku

med

e vu

ku

bu

lmu

ş o

lan

ha

va

dis

-i ‛

azi

me-i

kevn

iyeyi

keza

lik

k

etb

ü

za

bt

ed

eb

ilm

old

uk

ları

va

zıh

ü ‛

aya

n o

lur

zira

zu

hu

r-ı

san

ayi‛

-i

da

kik

a l

a-c

erem

sem

ere-

i k

esre

t-i

rur-

ı

zam

an

dır

ve

tab‛-

ı beş

erde

bir

em

r-i

tabi‛

i

ola

n r

ehave

t-i

cibil

liye

an

ları

nic

e bin

sen

e

an

cak e

mr-

i ta

‛ayy

üşe

işt

igald

en v

e ek

dar-

ı

rüzg

âr

ve s

eby

ü z

ebh

-i a

‛da v

ü a

ğya

rdan

tah

aff

uzz

a d

a’i

r a‛m

ald

en b

aşk

a s

an

ayi

‛ ve

ma

‛ari

fden

elb

et b

i b

ehre

ve

ba

tta

l b

ıra

k-

mış

dır

Kays

era

n z

am

an

ında İ

ngil

iz v

e C

er-

ma

nya

ak

va

ve k

ari

’l-‛

ah

idd

e T

ata

r

ka

vm

i ve h

ala

Afr

ika

’nın

lüsa

ka

da

r

mah

all

eri

ve A

mer

ika’d

a b

a‛z

ı su

retl

e P

eru

mem

lek

eti

ve M

ek

sik

a m

em

lek

eti

ve T

lis-

ka

la c

um

hu

run

da

n m

a‛a

da

ları

nın

mle

halk

ı bu

hal

üze

re b

ulu

nu

b a

razi

-i m

ezkû

-

rede

ne

kır

a’a

t ve

ne

kit

abet

bil

ür

bir

ah

ad

bu

lun

ur

idi

tion

s, q

ui

rem

on

te à

deu

x m

ille

deu

x c

ent

tren

te-q

uatr

e an

s avan

t n

otr

e èr

e vu

lgair

e,

pro

uve

invin

cib

lem

ent

qu

e le

s B

ab

ylo

nie

ns

ex

ista

ien

t en

co

rp

s d

e

peu

ple

p

lu-

sieu

rs s

iècl

es a

up

ara

van

t ;

car

les

art

s n

e

son

t q

ue

l’ou

vra

ge

du

tem

ps

et l

a p

are

sse,

natu

rell

e au

x h

om

mes

, le

s la

isse

des

mil

-

lier

s d

’an

née

s sa

ns

au

tres

con

nais

san

ces

et

san

s au

tres

tale

nts

qu

e ce

ux d

e se

nou

rrir

,

de

se d

éfen

dre

des

in

jure

s d

e l’

air

et

de

s’ég

org

er. Q

u’o

n e

n j

uge

par

les

Ger

main

s

et p

ar

les

An

gla

is d

u t

emp

s d

e C

ésar,

par

les

Tart

are

s d

’au

jou

rd’h

ui,

par

les

deu

x

tier

s d

e l’

Afr

iqu

e et

par

tou

s le

s p

eup

les

qu

e n

ou

s avon

s tr

ou

vés

dan

s l’

Am

ériq

ue,

en

ex

cep

tan

t à

q

uelq

ues

ég

ard

s le

s

royau

mes

du

Pér

ou

et

du

Mex

iqu

e et

la

rép

ub

liq

ue

de

Tla

sca

la.

Qu

’on

se

so

u-

vie

nn

e q

ue

dan

s to

ut

ce n

ou

vea

u m

on

de,

per

son

ne

ne

savait

ni

lire

ni

écri

re.

qu

’Ale

xan

dre

a e

nvoyée

s en

Grè

ce.

De

ces

ob

serv

ati

on

s en

regis

trée

s d

e l’

état

du

cie

l

qu

i rem

on

ten

t ju

squ

’à d

eu

x m

ille

d

eu

x

cen

ts t

ren

te-q

uatr

e an

s avan

t la

nais

san

ce

de

Jés

us,

qu

e la

mis

éric

ord

e d

e D

ieu

soit

sur

lui

et s

ur

notr

e p

rop

hèt

e, i

l ap

para

ît

qu

e le

peu

ple

de

Bab

ylo

ne

exis

tait

et

était

réu

ni

bie

n d

es a

nn

ées

et b

ien

des

siè

cles

avan

t le

s au

tres

peu

ple

s et

il

est

clair

et

évid

ent

qu

’ils

on

t au

ssi

pu

en

regis

trer

par

écrit

le

s év

én

em

en

ts

imp

orta

nts

d

e

la

Cré

ati

on

su

rven

us

pen

dan

t ce

tte

époq

ue,

car

il n

e fa

it p

as

de

dou

te q

ue

l’ap

pari

tion

des

art

s d

élic

ats

est

le

fru

it d

u p

ass

age

du

tem

ps

et l

a p

are

sse

esse

nti

elle

qu

i es

t n

atu

-

rell

e à l

’hom

me

les

ayan

t p

ou

ssés

pen

dan

t

des

mil

liers

d’a

nn

ées

à n

’av

oir

d

’au

tre

ob

ject

if q

ue

de

se n

ou

rrir

et

de

se p

roté

ger

des

sou

ffra

nce

s d

u m

on

de

et d

’êtr

e em

por-

tés

ou

égorg

és p

ar

les

enn

emis

et

les

étra

n-

gers,

il

va d

e so

i q

u’i

ls so

nt

rest

és

san

s

au

cun

e n

oti

on

des

art

s et

des

sci

ence

s. L

es

peu

ple

s an

gla

is e

t ger

main

s d

u t

emp

s d

es

Cés

ars

, le

peu

ple

des

Tata

res

il y

a p

eu d

e

tem

ps

et a

ujo

urd

’hu

i en

core

en

vir

on

les

deu

x t

iers

de

l’A

friq

ue,

ain

si q

ue

tou

t le

peu

ple

de

l’A

mér

iqu

e, à

l’e

xce

pti

on

, d

’un

e

cert

ain

e m

an

ière

, d

es c

on

trée

s d

u P

érou

,

du

Mex

iqu

e et

de

la r

épu

bli

qu

e d

e T

lax-

97040.indb 29597040.indb 295 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 28: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

296 EDHEM ELDEM(D

elil

-i S

an

i) ş

emsi

n k

üsu

f-ı

mer

kez

isid

ir k

i

diy

ar-

ı Ç

in’d

e ta

rih

-i m

iladdan

iki

bin

z

ell

i se

ne

mu

ka

dd

em

m

ah

sub

o

lub

h

ala

cüm

le-i

kem

ele-

i er

bab-ı

hey

et ü

eh

l-i

ten

-

cim

‛in

dle

rin

de

sıh

hati

agle

b o

lmak ü

zere

mu

‛teb

er

ve m

erg

ub

du

r B

u ta

kd

irce Ç

in

halk

ı dah

i ah

ali

-i B

abil

’e m

u‛a

dil

dir

ya‛n

i

ol

esn

aya

ka

da

r a

nla

rın

öyl

e b

ir v

asi

‛ ve

‛azi

m d

evle

ti e

lbet

rur-

ı dü

hu

r-ı

vefi

re i

le

tan

zim

ü t

erti

b e

deg

elm

iş o

ldu

kla

rı b

i re

yb-

dir

ve

an

ları

n b

öyl

e fa

’ikü

’l-e

msa

l ve

mah

-

fuz

ve m

ersu

s olm

ala

rın

a b

a‛i

s ola

n h

usu

s

ger

ek k

an

un

-ı k

adim

leri

nin

ve

ger

ek m

izac-

ları

nın

ger

ekse

bey

inle

rin

de

te‛a

rraf

ve

ma‛h

ud h

uru

fat

ve i

şara

tın

natı

ka o

ldu

kla

lisa

nla

rın

ın t

akri

ben

dört

bin

sen

eden

ber

ü

asl

a v

e kat‛

a t

ebed

l ve

tagayy

ur

etm

eyü

b

yek-n

esakda t

akarr

ür

eyle

dik

leri

dir

der

ler.

Am

ma

g

ere

k Ç

in ve g

ere

k H

ind

a

kva

hala

mev

cude

ola

n m

ilel

ü d

üve

lin

mle

-

sin

den

ak

dem

ve

hen

üz

ba

‛zıl

arı

şen

ide-

i

sa’i

r-i

cih

an

iya

n o

lma

zda

n m

uk

ad

dem

bu

kadar

san

ayi

‛-i

bed

i‛a-i

gari

be

icad u

ih

tira

etm

iş f

ırak-ı

ner

ver

ve t

ava

’if-

i za

rafe

tşi-

yem

iken

ekse

r te

vari

h-i

‛ati

ka-i

Efr

enci

ye

ve s

a’i

rede

an

ları

n g

ûya

ken

dev

letl

erin

-

den

m

u’a

hh

ar

ve

mu

hd

es

olm

ak

ü

zere

mu

ha

rrer

olm

ala

rı�m

udhike�m

akulesinden�

bir�em

r-i�fazih�ve�m

utlaka�bir�m

übah

at-ı�

batıla�ve�kizb-i�sarihdir.

Le

seco

nd

mon

um

ent

est

l’éc

lip

se c

entr

ale

du

so

leil

, ca

lcu

lée à

la

Ch

ine d

eu

x m

ille

cen

t cin

qu

an

te-c

inq

an

s a

va

nt

no

tre è

re

vu

lga

ire e

t reco

nn

ue v

érit

ab

le p

ar t

ou

s

nos

ast

ron

om

es. Il

fau

t d

ire

des

Ch

inois

la

mêm

e ch

ose

q

ue d

es

peu

ple

s d

e B

ab

y-

lon

e ;

ils

com

posa

ien

t d

éjà

san

s d

ou

te u

n

va

ste e

mp

ire p

oli

cé.

Ma

is c

e q

ui

met

les

Ch

ino

is a

u-d

ess

us

de t

ou

s le

s p

eu

ple

s d

e

la t

erre,

c’e

st q

ue n

i le

urs

lois

, n

i le

urs

urs,

ni

la l

an

gu

e q

ue p

arle

nt

ch

ez e

ux

les

lett

rés,

n’o

nt

ch

an

gé d

ep

uis

en

vir

on

qu

atr

e m

ille

an

s. C

ep

en

dan

t cett

e n

ati

on

et

cell

e d

e l

’In

de,

les

plu

s a

ncie

nn

es

de

tou

tes

cell

es

qu

i su

bsi

sten

t a

ujo

urd

’hu

i,

cell

es

qu

i p

oss

èd

en

t le

plu

s vast

e e

t le

plu

s

beau

pays,

cell

es

qu

i on

t in

ven

té p

resq

ue

tou

s le

s a

rts

av

an

t q

ue n

ou

s en

eu

ssio

ns

ap

pris

q

uelq

ues-

un

s,

on

t to

ujo

urs

été

om

ises,

ju

squ

’à n

os

jou

rs

da

ns

no

s p

ré-

ten

du

es

his

toir

es

un

iverse

lles.

Et

qu

an

d

un

Esp

ag

no

l et

un

Fra

nça

is f

ais

aie

nt

le

dén

om

brem

en

t d

es

na

tio

ns,

n

i l’

un

n

i

l’au

tre n

e m

an

qu

ait

d’a

pp

ele

r s

on

pays

la

prem

ière m

on

arch

ie d

u m

on

de e

t son

roi

le

plu

s gr

and

roi d

u m

onde

, se

flatta

nt q

ue

son

roi l

ui d

onne

rait

une

pens

ion

dès

qu’il

au

rait

lu s

on li

vre.

cala

se

trou

vaie

nt

dan

s ce

tte

situ

ati

on

et

il

ne

se t

rou

vait

pas

la m

oin

dre

per

son

ne

sur

ces

terr

es c

ap

ab

le d

e li

re o

u d

’écr

ire.

(La d

euxiè

me

pre

uve)

est

l’é

clip

se c

entr

ale

du

sole

il q

ui

a é

té c

alc

ulé

e d

eux m

ille

cen

t

cin

qu

an

te a

ns

av

an

t la

n

ati

vit

é et

do

nt

l’ex

acti

tud

e est

a

ujo

urd

’hu

i a

ccep

tée et

reco

nn

ue

pa

r

tou

s le

s m

eil

leu

rs

ast

ro

-

nom

es e

t ast

rolo

gu

es.

On

en

déd

uit

ain

si

qu

e le

s C

hin

ois

v

ale

nt

la p

op

ula

tio

n d

e

Bab

ylo

ne

car

il n

e fa

it p

as

de

dou

te q

u’i

ls

on

t fo

rmé

et o

rgan

isé

un

Éta

t au

ssi

vast

e

et

pu

issa

nt

av

ec

le

pa

ssa

ge

de

mil

liers

d’a

nn

ées

et o

n d

it q

ue

ce q

ui

les

ren

d a

uss

i

sup

érie

urs

au

x a

utr

es e

t p

roté

gés

et

soli

des

,

c’es

t q

ue

ni

leu

rs l

ois

an

cien

nes

, n

i le

ur

cara

ctèr

e, n

i le

ur

lan

gu

e ex

pri

mée

par

les

lett

res

et

les

sig

nes

co

nn

us

et

co

nv

en

us

en

tre eu

x n

’on

t a

bso

lum

en

t p

as

ch

an

dep

uis

en

vir

on

qu

atr

e m

ille

an

s et

son

t re

s-

tés

sur

le m

ême

pie

d.

Tou

tefo

is a

lors

qu

e

la C

hin

e et

l’I

nd

e so

nt

des

nati

on

s d

ou

ées

et d

es p

eup

les

raff

inés

qu

i on

t in

ven

té t

an

t

d’a

rts

rares

et

étr

an

ges

avan

t to

ute

s le

s

nati

on

s q

ui

exis

ten

t au

jou

rd’h

ui

et a

van

t

mêm

e q

ue

cert

ain

es d

’en

tre

elle

s en

aie

nt

mêm

e en

ten

du

parl

er, le

fait

qu

’ell

es s

oie

nt

déc

rite

s d

an

s la

plu

part

des

an

cien

nes

his

-

toir

es f

ran

qu

es e

t au

tres

com

me

étan

t so

i-

dis

an

t p

lus

récen

tes

qu

e

leu

rs

pro

pres

97040.indb 29697040.indb 296 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 29: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 297(D

elil

-i s

ali

s) d

elil

eyn

-i s

ab

ıkey

nd

en e

dn

a

ve i

z‛afd

ır v

e bu

del

il�hala�Devlet-i�‛A

liyye-i�

ebediye�mem

alik-i�

vasi‛ası�m

üte‛allik

atın-

dan�ve�Bahr-ı�S

efid’de�kâin�Bara�adasında�

bulunu

b�A

run

del

na

m b

eğza

den

in İ

ng

ilte

-

re’d

e O

ren

del

şeh

rin

e n

akl

eyle

dig

i sa

hari

-i

merm

er

üze

rleri

ne m

en

ku

r ve m

usa

vver

hu

tut

ve p

eyker

dir�ki�a

nda�ba�‛avn�ü�‛in

a-yet-i�hazret-i�halikü’l-b

eşer�yine�hala�D

ev-

let-i�‛Aliy

ye-i�muzaffer�

zir-i�hü

kmün

de�

mukarrer�

ve�‛inde’l-

kudema�

meşhu

r�ve�

mu‛teber�v

e�makarr-ı�feylesofan-ı�eşher�olan�

Ati

na ş

ehri

nin

ta’r

ih-i

mil

addan

iki

yüz

alt

-

mış

ü

ç

sen

e

ak

dem

i o

ldu

ğu

m

en

ku

r ve

mu

ha

rrer

dir

. L

ak

in e

lva

h-ı

mez

bu

re n

ak

ş

ü h

akk o

ldu

kla

rı S

ekro

b v

akti

nden

bin

üç

yüz

on

sek

iz s

ened

en i

lerü

ye s

ebat

etm

eyü

b

an

ın v

erası

mez

hu

l ü

mec

hu

ldü

r İş

te t

eva-

rih

-i ‛

âm

me-i

ka

dim

ed

e m

azb

ut

old

uk

ları

mte

ni‛

ü’l

-in

kâr

evkat-

ı m

a‛l

um

e an

cak

bu

mez

ran

dır

Le

tro

isiè

me

mo

nu

men

t,

fort

infé

rie

ur

au

x d

eux a

utr

es, su

bsi

ste

dan

s le

s m

arb

res

d’A

ron

del

: l

a c

hron

iqu

e d

’Ath

èn

es

y e

st

gravée d

eu

x c

en

t so

ixan

te-t

rois

an

s avan

t

no

tre

ère

;

ma

is

ell

e

ne

rem

on

te

qu

e

jusq

u’à

Cécrop

s, t

reiz

e c

en

t d

ix-n

eu

f an

s

au

-del

à d

u t

emp

s où

ell

e fu

t gra

vée

. V

oil

à,

da

ns

l’h

isto

ire

de

tou

te

l’a

nti

qu

ité,

les

seu

les

ép

oq

ues

inco

nte

sta

ble

s q

ue n

ou

s

ayon

s.

Fa

iso

ns

un

e

série

use

a

tten

tio

n

à

ces

ma

rb

res

ra

pp

orté

s d

e G

rèce p

ar l

e l

ord

Aro

nd

el.

L

eu

r

ch

ro

niq

ue

co

mm

en

ce

qu

inze c

en

t so

ixan

te e

t d

ix-s

ep

t an

s avan

t

notr

e èr

e. C

’est

au

jou

rd’h

ui

un

e an

tiq

uit

é

de 3

348 a

ns

et v

ous

n’y

voye

z pa

s un

seu

l fa

it qu

i tie

nne

du m

iracu

leux

, du

prod

igie

ux.

Il en

est

de m

ême

des

Oly

mpi

ades

, ce

n’es

t pa

s là

qu’

on d

oit d

ire G

raecia�m

enda

x, la

m

ente

use

Grè

ce.

Les

Gre

cs s

avai

ent

très

bien

dist

ingu

er l’

histo

ire d

e la

fab

le e

t les

fa

its r

éels

des

cont

es d

’Hér

odot

e, a

insi

que

dans

leur

s af

faire

s sé

rieus

es, l

eurs

ora

teur

s n’

empr

unta

ient

rie

n de

s di

scou

rs

des

soph

istes

ni d

es im

ages

des

poè

tes.

La d

ate

de l

a pr

ise

de T

roie

est

spé

cifié

e da

ns c

es m

arbr

es, m

ais i

l n’y

est

parlé

ni d

es

flèch

es d

’Apo

llon,

ni d

u sa

crifi

ce d

’Iphi

gé-

nie,

ni d

es c

omba

ts rid

icul

es d

es d

ieux

. La

Éta

ts e

st un

e sit

uatio

n ho

nteu

se q

ui ti

ent d

u rid

icul

e, un

e erre

ur ar

roga

nte e

t un

men

song

e év

iden

t.(L

a t

rois

ièm

e p

reu

ve)

est

in

féri

eure

et

plu

s

faib

le q

ue le

s d

eu

x p

récéd

en

tes

et

cett

e

pre

uve

con

sist

e en

des

in

scri

pti

on

s et

des

vis

ages

gra

vés

su

r d

es p

laq

ues

de

marb

re

qu

i fu

ren

t d

écou

ver

tes

sur

l’îl

e d

e P

aro

s

qui

se t

rouv

e da

ns l

a m

er B

lanc

he e

t fa

it au

jour

d’hu

i par

tie d

es d

épen

danc

es d

es v

aste

s te

rrito

ires d

e l’É

tat S

ublim

e ét

erne

l et

qu

’un

gen

tilh

om

me

nom

Aru

nd

el t

ran

sport

a

dan

s la

vil

le d

’Ore

nd

el e

n A

ngle

terr

e. O

n

y

tro

uv

e

gra

et

insc

rit

q

ue

la

vil

le

d’A

thèn

es,

fam

euse

par

mi

les

anci

ens

et

siège

des

phi

loso

phes

les p

lus c

élèb

res e

t qui

, av

ec l

’aid

e et

la

prot

ectio

n du

Cré

ateu

r se

tro

uve

auss

i auj

ourd

’hui

sou

s la

dom

inat

ion

de l’

État

Sub

lime

vict

orie

ux. T

ou

tefo

is l

es

insc

rip

tion

s su

r ce

s p

laq

ues

n’a

llan

t p

as

plu

s d

e m

ille

tro

is c

ent

dix

-hu

it a

ns

au

-del

à

du

tem

ps

de

Céc

rop

s où

ell

es o

nt

été

gra

-

vée

s, c

e q

ui

pré

cèd

e es

t ou

bli

é et

in

con

nu

.

Les

ép

oq

ues

con

nu

es d

e m

an

ière

in

con

tes-

tab

le d

an

s le

s h

isto

ires

pu

bli

qu

es a

nci

enn

es

se l

imit

ent

don

c à c

ela.

97040.indb 29797040.indb 297 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 30: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

298 EDHEM ELDEM

(İmdi)�c

emi‛

-i t

evari

h-i

‛âm

me-

i kadim

e hil-

kat-i�‛â

leme�nazaran

kari

’l-‛

ah

d v

e ce

did

ve ta

kri

ben

d

ört

b

in se

ned

ir m

uk

ad

dem

i

beyyin

o

lur

ta’r

ih ‛a

dim

ve n

a b

ed

id

Com

paré

es à

la c

réat

ion

du m

onde

, to

ute

s

les

his

toir

es

pu

bli

qu

es

an

cie

nn

es

son

t

réce

nte

s et

nou

vel

les

et c

om

me

il n

’exis

te

pa

s d

’his

toir

e

all

an

t a

u-d

elà

d

’en

vir

on

date

des

inv

entio

ns d

e Tr

ipto

lèm

e et

de

Cérè

s s’

y tro

uve

; m

ais

Cérè

s n’

y es

t pas

ap

pelé

e dé

esse

. O

n y

fait

men

tion

d’un

po

ème

sur

l’enl

èvem

ent d

e Pr

oser

pine

; il

n’

y es

t poi

nt d

it qu

’elle

soi

t fill

e de

Jup

iter

et d

’une

dée

sse,

et

qu’e

lle s

oit

fem

me

du

dieu

des

enf

ers.

Her

cule

est

initi

é au

x m

ystè

res

d’Él

eusin

e ;

mai

s pa

s un

mot

sur

ses

dou

ze tr

avau

x, n

i su

r son

pas

sage

en

Afri

que

dans

sa

tass

e, n

i su

r sa

divi

nité

.Ch

ez n

ous,

au c

ontra

ire,

un é

tend

ard

est

appo

rté d

u ci

el p

ar u

n an

ge a

ux m

oine

s de

Sa

int-D

enis

; un

pig

eon

appo

rte u

ne b

ou-

teill

e da

ns u

ne é

glis

e de

Rei

ms

; de

ux

arm

ées

de s

erpe

nts

se l

ivre

nt u

ne b

atai

lle

rang

ée e

n A

llem

agne

; u

n ar

chev

êque

de

May

ence

est

assié

gé e

t man

gé p

ar d

es ra

ts ;

et p

our c

ombl

e, o

n a

gran

d so

in d

e m

arqu

er

l’ann

ée d

e ce

s av

entu

res

: et

l’ab

bé L

engl

et

com

pile

, com

pile

ces

impe

rtine

nces

; e

t les

al

man

achs

les

ont

cen

t fo

is r

épét

ées

; et

c’

est a

insi

qu’o

n a

instr

uit l

a je

unes

se ;

et

tout

es c

es f

adai

ses

sont

ent

rées

dan

s l’é

du-

catio

n de

s pr

ince

s.T

ou

te h

isto

ire

est

réce

nte

. Il

n’e

st p

as

éton

-

nan

t q

u’o

n n

’ait

poin

t d

’his

toir

e an

cien

ne

pro

fan

e

au

-delà

d

’en

vir

on

q

ua

tre

mil

le

an

née

s.

97040.indb 29897040.indb 298 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 31: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 299o

lma

ğla�m

üddet-i�m

ezkûreden�

evvel�olan

�ahval-i�a‛vam

�ü�ümem

e�ıttıla

‛a�‛ukul-ı�beni�

adem

�gayr-i�m

uktedir�ve�havadisat-ı�pişin-i�

‛âlemden�‛akl-ı�ma‛aş-ı�beşer�kasır�olmak-

dan�naşi�anlar�ta

‛lim-i�üm

met�zımnında�min�

kıbeli’r-Ra

hman�vahy�olunan�ayat-ı�Kur’an-ı�

‛azimü’ş-şan�

ve�a

hadis-i�şerife-i�

hazret-i�

Mefhar-ı�dü�cihan�ve�ahbar-ı�sadıka-i�kütüb-i�

semaviye�ve�ilhamat-ı�peygam

beran-ı�zişa

nla�

ma‛lum�olub�bunlardan�başka�hiç�bir�v

echile�

bilin

mezler�v

e�bu

in

‛idam

a s

ebeb

in

kıl

abat-

ı

mu

gn

iye-

i kü

re-i

‛âle

m v

e m

in c

ihet

i’t-

tah

-

rir

ah

lafa

ma

cera

-yı

zeşt

egâ

i‛la

m ü

takri

r ed

en f

enn

-i t

ari

h v

e sa

n‛a

t-ı

kit

abet

ve t

ah

riri

n f

eva’i

d ü

fez

a’i

lin

e vu

ku

f ve

itt

ı-

la‛d

a ç

ok m

üddet

ceh

ale

t-i

akva

m v

e ü

mem

-

dir

zir

a t

a’r

ihle

ülf

eti

olm

aya

n k

avi

mle

rin

kem

afi

yü’s

-sa

bık

ha

la m

evcu

de

old

uk

ları

gib

i se

lefd

e

da

hi

fen

n-i

m

ezb

ur

mil

el-

i

mu

nis

e-i

nadir

e ‛i

ndle

rin

de

ve a

nla

rın

bey

-

nin

de

bil

e akall

-ı k

ali

l-i

eyadid

e m

üte

davi

l

idi

Ha

tta

Fra

nsa

ve

Cer

ma

nya

ha

lkı

bey

-

nin

de

bin

rt y

üz

tari

h-i

mil

ad

ına

gel

in-

ceye

ka

da

r k

ita

bet

etm

eğe

mu

kte

dir

ad

em

beg

aye

t n

adir

İsp

an

ya h

alk

ında i

se e

nder

-i

nev

adir

olm

ağla

İsp

an

yoll

arı

n F

eldin

an

da

zam

an

ına k

adar

mu

harr

er o

lan

tari

hle

rin

in

öyl

e h

uşk

u h

aşi

n v

e kiz

b-i

ebte

r old

ukla

-

rın

a s

ebeb

bu

du

r

qu

atr

e m

ille

an

s, il

est

impo

ssib

le à

l’es

prit

hum

ain

de c

onna

ître

l’éta

t des

ann

ées

et d

es

natio

ns a

yant

pré

cédé

cet

te p

ério

de e

t la

co

mpr

éhen

sion

par l

’hom

me d

es év

énem

ents

prem

iers

du

mon

de é

tant

insu

ffisa

nte,

ceu

x-ci

sont

con

nus p

ar l’

entre

mise

des

ver

sets

du

Très

Pui

ssan

t Cor

an e

nvoy

és p

ar le

Misé

ri-co

rdie

ux p

our

l’édu

catio

n de

s pe

uple

s, pa

r le

s hadith

de

la F

ierté

des

deu

x m

onde

s, pa

r le

s inf

orm

atio

ns ex

acte

s des

livr

es cé

leste

s et

par l

es in

spira

tions

des

sain

ts pr

ophè

tes e

t ne

peuv

ent ê

tre co

nnus

autre

men

t et

la c

au

se d

e

cett

e a

bse

nce [

de c

on

na

issa

nce]

son

t le

s

ric

hes

bo

ule

verse

men

ts

du

g

lob

e

et

la

lon

gu

e

ign

ora

nce

des

peu

ple

s et

des

na

tio

ns

des

av

an

tag

es

et

vertu

s d

e

la

scie

nce

de

l’h

isto

ire

et d

e l’

art

des

let

tres

qu

i re

late

nt

par

écri

t au

x g

énér

ati

on

s su

i-

va

nte

s le

s fa

its

du

p

ass

é,

ca

r d

e m

êm

e

qu

’il

ex

iste

en

co

re

des

peu

ple

s sa

ns

co

nn

ais

san

ce d

e l

’his

toir

e,

mêm

e p

ar l

e

pass

é, c

ette

sci

ence

cir

cula

it e

ntr

e b

ien

peu

de

main

s au

sei

n d

es r

are

s n

ati

on

s ci

vil

i-

sées

. M

ême

parm

i le

s p

eup

les

de

Fra

nce

et

de

Germ

an

ie,

jusq

u’à

l’

an

m

il

qu

atr

e

cen

ts d

e la

nati

vit

é, l

es h

om

mes

cap

ab

les

d’é

crir

e ét

aie

nt

fort

rare

s. C

om

me

c’ét

ait

ch

ose

en

co

re p

lus

ra

re p

arm

i le

p

eu

ple

d’E

spagn

e, c

’est

là l

a r

ais

on

pou

r la

qu

elle

Les

rév

olu

tio

ns

de c

e g

lob

e,

la l

on

gu

e e

t

un

iverse

lle i

gn

oran

ce d

e c

et

art

qu

i tr

an

s-

met

les

fait

s p

ar l

’écrit

ure,

en

son

t cau

se.

Il r

est

e e

ncore p

lusi

eu

rs

peu

ple

s q

ui

n’e

n

on

t au

cu

n u

sage.

Cet

art

ne f

ut

com

mu

n

qu

e c

hez u

n t

rès

peti

t n

om

bre d

e n

ati

on

s

poli

cées

; e

t m

êm

e é

tait

-il

en

très

peu

de

main

s. R

ien

de

plu

s ra

re c

hez

les

Fra

nça

is

et c

hez

les

Ger

main

s, q

ue

de

savoir

écr

ire,

jusq

u’a

u q

uato

rziè

me s

iècle

de n

otr

e è

re

vu

lga

ire :

pre

sque

tous

les

acte

s n’

étai

ent

atte

stés q

ue p

ar té

moi

ns. C

e ne

fut e

n Fr

ance

qu

e so

us C

harle

s V

II,

en 1

454,

que

l’o

n co

mm

ença

à ré

dige

r par

écr

it qu

elqu

es c

ou-

tum

es d

e Fr

ance

. L

’art

d’é

crir

e

éta

it

en

core p

lus

rare c

hez l

es

Esp

agn

ols

et

de

là v

ien

t q

ue l

eu

r h

isto

ire e

st s

i sè

ch

e e

t si

97040.indb 29997040.indb 299 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 32: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

300 EDHEM ELDEM

ve h

arf

ya

zma

ğı

bil

meyen

ba

‛zı

ka

vim

ler

ru-y

ı arz

ın b

ir k

ısm

ını

kah

ren

zabt

ü t

esh

ir

etm

işle

rdir

Hatt

a C

engiz

Han

’ın

Asy

a’n

ın

bir

kıs

mın

ı fe

th e

tdiğ

i m

eşh

ur

ve r

ayg

ân

dır

lak

in

an

ın

vek

ayi‛

i n

e

ken

den

ve

ne

asa

r-ı

Ta

tard

an

b

ilin

üb

a

nla

rın

ta

rih

ini

Çin

h

alk

ı za

bt

ü te

rtib

etm

işle

r o

lma

ğla

ba‛d

e za

man

an

dan

ba‛z

ı li

san

a t

ercü

me

ve

tak

lib

olu

nm

uşd

ur

ve a

nd

a k

avm

-i M

ol

ve T

ata

rın

deyya

r o

ku

ma

k v

e y

azm

ak

da

n

ha

berd

ar

değ

ille

r id

üğ

i m

usa

rra

hd

ır

ve

Avru

pa

ve A

sya

’nın

b

irer

kıs

ımla

rın

b

a

kah

r ü

ted

mir

zabt

ü t

esh

ir e

den

Key

kâvu

s

Şa

h z

am

an

ınd

a F

iru

z Ş

ah

’ın

va

kt-

i sa

lta

-

natı

ndan

mu

kaddem

ol

kadar

zam

an

-ı v

efir

san

‛at-

ı k

ita

bet

ve

kır

a’a

t C

en

giz

H

an

zam

an

ındaki

gib

i fe

vka’l

-gaye

nadir

e olu

b

an

ca

k yü

z k

avim

de o

ku

r ve ya

zar

ad

em

bu

lun

ur

c il

e ik

i k

avi

m b

ulu

na

bil

ür

idi�

Bi’ham

du’llahi’l-m

eliki’l-ga

yur�

Devlet-i�

‛Aliy

ye-i�

ebediyü’d-dü

hurun�henü

z�avan

-ı�zuhu

r-ı�kevkebe-i�bedrü’l-b

üdurun

da�b

ile�

yine�kendü

�aha

lisinden�da

hi�m

üverrihleri�

les

his

toir

es d

es E

spagn

ols

son

t sè

ches

et

rud

es e

t te

llem

ent

fau

sses

.

Et

certa

ins

peu

ple

s il

lett

rés

on

t co

nq

uis

par l

a f

orce u

ne p

arti

e d

e l

a t

erre e

t b

ien

qu

e l

’on

sach

e q

ue G

en

gis

Kh

an

con

qu

it

un

e p

arti

e d

e l

’Asi

e,

ce n

’est

ni

par l

ui,

ni

pa

r l

es

sou

rces

tata

res

qu

e s

es

fait

s so

nt

co

nn

us,

c’e

st le

p

eu

ple

d

e C

hin

e q

ui

a

recu

eil

li e

t réd

igé s

on

his

toir

e q

ui

par l

a

suit

e a

été

trad

uit

e d

an

s d

’au

tres

lan

gu

es

et

il

y

est

cla

irem

en

t d

it

qu

e

pa

s u

n

ho

mm

e

pa

rm

i le

s p

eu

ple

s m

on

go

l et

tata

re n

e s

av

ait

ni

lire n

i écrir

e.

Et

du

tem

ps

de K

ay K

âw

us

qu

i con

qu

it p

ar l

a

force e

t la

vio

len

ce u

ne p

arti

e d

e l

’Eu

rop

e

et

de l

’Asi

e,

bie

n a

van

t le

règn

e d

e F

iru

z

Ch

ah

, l’

art

d’é

crir

e e

t d

e l

ire é

tait

to

ut

au

ssi

ex

cep

tio

nn

ell

em

en

t ra

re

qu

e

du

tem

ps

de G

en

gis

Kh

an

et

sur c

en

t p

eu

ple

s

il e

ût

été

dif

ficil

e d

’en

trou

ver d

eu

x a

vec

des

ho

mm

es

ca

pa

ble

s d

e l

ire e

t d

’écrir

e.

Loua

nges

soi

ent

faite

s au

Sei

gneu

r To

ut-

Puiss

ant,

les i

nitié

s de

l’hist

oire

ont

obs

ervé

qu

e m

ême

à l’é

poqu

e de

l’ap

parit

ion

fulg

u-ra

nte

de l’

État

Sub

lime

et é

tern

el il

se

trou-

incerta

ine j

usq

u’a

u t

em

ps

de F

erd

ina

nd

et

d’Is

abel

le. O

n vo

it pa

r là

com

bien

le tr

ès

petit

nom

bre

d’ho

mm

es q

ui s

avai

ent é

crire

po

uvai

ent

en i

mpo

ser

et c

ombi

en i

l a

été

faci

le d

e no

us fa

ire c

roire

les

plus

éno

rmes

ab

surd

ités.

Il y

a d

es

na

tio

ns

qu

i o

nt

sub

jug

ué u

ne

pa

rti

e d

e l

a t

erre s

an

s a

vo

ir l

’usa

ge d

es

caractè

res.

Nou

s sa

von

s q

ue G

en

gis

-Kan

con

qu

it u

ne p

arti

e d

e l

’Asi

e a

u c

om

men

-

cem

en

t d

u t

reiz

ièm

e s

iècle

; m

ais

ce n

’est

ni

par l

ui,

ni

par l

es

Tarta

res

qu

e n

ou

s le

sav

on

s.

Leu

r

his

toir

e

écrit

e

pa

r

les

Ch

ino

is e

t tra

duite

par

le p

ère

Gau

bil,

dit

qu

e

ces

Ta

rta

res

n’a

va

ien

t p

oin

t l’

art

d’é

crir

e.

Cet

art

ne d

ut

pas

êtr

e m

oin

s in

con

nu

au

Scy

the O

gu

s-K

an

, nom

Mad

iès

par

les

Pers

ans

et p

ar le

s G

recs

, qu

i co

nq

uit

un

e

pa

rti

e d

e l

’Eu

ro

pe e

t d

e l

’Asi

e,

si l

on

g-

tem

ps

av

an

t le

règ

ne

de

Cy

ru

s.

Il

est

presq

ue s

ûr q

u’a

lors

sur c

en

t n

ati

on

s, i

l y

en

a

va

it

à

pein

e

deu

x

ou

tr

ois

q

ui

emp

loyass

ent

des

cara

ctèr

es. I

l se

peut

que

da

ns u

n an

cien

mon

de d

étru

it, le

s ho

mm

es

aien

t co

nnu

l’écr

iture

et

les

autre

s ar

ts ;

m

ais

dans

le n

ôtre

ils

sont

tous

très

réce

nts.

97040.indb 30097040.indb 300 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 33: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 301bu

lund

ukları�ta

rih-aşinalara�man

zur�o

lmuş-

dur�

Bir

b

aşk

a n

ev‛i

d

eli

l d

ah

i va

rdır

k

i

ma‛l

um

e ola

n m

ektu

batı

n v

e m

azb

ut

ola

n

evkati

n g

erçi

mle

sin

e sa

bık

ve

fa’i

k o

lub

lak

in

an

ca

k

ba

‛zı

ka

vim

leri

n

kıd

em

-i

‛azi

mle

rin

i ta

hk

ik ve is

ba

tda

n b

aşk

a b

ir

fa’i

deye sa

’ik

d

ild

ir ve d

eli

l-i

merk

um

Mıs

r’ın

hari

k-i

‛âdi

ve k

adim

ü ‛

âli

bin

ala

ve p

iran

-ı s

alh

urd

e-i

cih

an

-asa

her

emle

rin

-

den

eh

ram

te

smiy

e

olu

nu

r m

a‛m

ul

ve

ma

snu

‛ d

ları

ve

tep

ele

rid

ir

ki

an

lar

va

kt-

i b

ida

yetl

eri

nd

en

b

erü

if

ratl

a

ço

k

a‛v

am

ü d

üh

ur

rurı

na t

ab-a

ver-

i m

uka-

vem

et o

lmakdadır

lar

ve a

nla

rın

pek

akdem

-

leri

ne

dört

bin

sen

eden

akall

ve

du

n m

üd-

det

ta‛y

in e

tmek

şkil

dir

hatt

a i

ki

bin

iki

z yir

mi

sen

e m

uk

ad

dem

Here

do

d n

am

verr

ih-i

kadim

an

ları

görd

ükde

Mıs

ır’d

a

an

ları

n n

e va

kit

de

bin

a o

lun

mu

ş old

ukla

-

rın

ı bil

ür

hiç

bir

rah

ibe

zafe

ryab o

lam

am

ış-

dır�L

akin�derler�ki�bu�ehramların�birkaç�

büyüklerini�ha

zret-i�Lu

t�ve�hazret-i�Şu‛ayb�

ve�hazret-i�İdris�‛ala�nebiyyina�ve�‛aleyhi-

mi’s

-selam

�bina�buyurm

uşlardır

vait

déjà

des

his

torie

ns p

arm

i so

n pr

opre

pe

uple

. Il

exis

te e

ncore u

ne a

utr

e s

orte

de

preu

ve q

ui,

bie

n q

u’a

nté

rie

ure e

t su

pé-

rie

ure à

tou

s le

s écrit

s con

nu

s et

à t

ou

s le

s

tem

ps

en

regis

trés,

n’a

d’a

utr

e u

tili

té q

ue

de v

érif

ier e

t d

e p

ro

uv

er l

a t

rès

gra

nd

e

an

cie

nn

eté

d

e

certa

ins

peu

ple

s.

La

dit

e

preu

ve e

st c

ell

e d

es

bâti

men

ts e

xtr

aord

i-

nair

es,

an

cie

ns

et

én

orm

es

d’É

gyp

te, ain

si

qu

e le

s m

on

ts et

co

llin

es

arti

ficie

ls q

ue

son

t le

s tr

ès

an

cie

ns

tom

bea

ux

, v

ieu

x

com

me l

e m

on

de,

qu

e l

’on

nom

me p

yra-

mid

es

et

qu

i d

ep

uis

le d

éb

ut

on

t rési

sté

av

ec f

orce a

u p

ass

ag

e d

e m

illi

ers

d’a

n-

nées.

Il

est

dif

ficil

e d

e d

on

ner a

ux

plu

s

an

cie

nn

es

mo

ins

de q

ua

tre m

ille

a

ns

;

d’a

ille

urs

lorsq

ue d

eu

x m

ille

d

eu

x cen

t

vin

gt

an

s a

up

ara

va

nt

l’a

ncie

n h

isto

rie

n

no

mm

é H

éro

do

te l

es

vit

en

Ég

yp

te i

l n

e

pa

rv

int

pa

s à

tro

uv

er l

e m

oin

dre p

rêtr

e

sach

an

t à

q

uell

e

da

te

ell

es

av

aie

nt

été

bâti

es.

On

dit c

epen

dant

que

que

lque

s un

es

des

gran

des

pyra

mid

es fu

rent

bât

ies

par l

es

prop

hète

s Lo

th,

Chou

ayb

et I

dris

, qu

e le

sa

lut d

e D

ieu

soit

sur

notre

pro

phèt

e et

sur

eu

x.

Il

rest

e

des

mo

nu

men

ts

d’u

ne

au

tre

esp

èce,

qu

i se

rven

t à c

on

state

r s

eu

lem

en

t

l’an

tiq

uit

é r

ecu

lée d

e c

erta

ins

peu

ple

s et

qu

i p

récèd

en

t to

ute

s le

s ép

oq

ues

con

nu

es

et

tou

s le

s li

vres

; ce so

nt

les

pro

dig

es

d’a

rch

itectu

re,

co

mm

e l

es

py

ra

mid

es

et

les

pa

lais

d

’Ég

yp

te

qu

i o

nt

rési

sté

au

tem

ps.

Héro

do

te,

qu

i v

iva

it i

l y

a d

eu

x

mil

le d

eu

x c

en

t a

ns

et

qu

i le

s a

va

it v

us,

n’a

va

it p

u a

pp

ren

dre d

es

prêtr

es

ég

yp

-

tien

s d

an

s q

uel

tem

ps

on

les

avait

éle

vés.

Il e

st d

iffi

cile

de

don

ner

à l

a p

lus

an

cien

ne

des

pyram

ides

moin

s d

e q

uatr

e m

ille

an

s

d’a

nti

qu

ité ;

mai

s il f

aut c

onsid

érer

que

ces

ef

forts

de

l’oste

ntat

ion

des r

ois n

’ont

pu

être

co

mm

encé

s que

long

tem

ps a

près

l’ét

ablis

se-

men

t des

vill

es. M

ais

pour

bât

ir de

s vi

lles

dans

un

pays

ino

ndé

tous

les

ans

, re

mar

-qu

ons t

oujo

urs q

u’il

avai

t fal

lu d

’abo

rd re

le-

ver

le t

erra

in, c

onstr

uire

les

vill

es s

ur d

es

pilo

tis d

ans

ce te

rrain

de

vase

et l

es r

endr

e in

acce

ssib

les

à l’i

nond

atio

n ;

il av

ait f

allu

, av

ant d

e pr

endr

e ce

par

ti né

cess

aire

et a

vant

d’

être

en

état

de

tent

er c

es g

rand

s tra

vaux

, qu

e le

s pe

uple

s se

fus

sent

pra

tiqué

des

re

traite

s pe

ndan

t la

crue

du

Nil,

au

mili

eu

des

roch

ers

qui

form

ent

deux

cha

înes

à

droi

te e

t à g

auch

e de

ce

fleuv

e. Il

ava

it fa

llu

97040.indb 30197040.indb 301 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 34: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

302 EDHEM ELDEM

Ta’r

ihin

nafi

‛i i

nsa

na v

aci

be-

i zi

mm

etin

i ve

hu

ku

kın

ı ta

‛lim

gara

zıyl

a o

lmaksı

zın

ta‛l

im

ü t

efh

im e

den

dir

ve m

a‛l

um

du

r ki�d

ela’il-i�şer‛iy

ye�ile�müdel-

lel�yahu

d�‛u

lum

-ı m

atı

ma

sik

iye ve�usul-ı�

L’h

isto

ire u

tile

est

cell

e q

ui

ap

pren

d e

t

exp

liq

ue à

l’h

om

me,

san

s p

ou

r a

uta

nt

les

lui

en

seig

ner,

les

devoir

s d

e s

a c

on

scie

nce

et

ses

droit

s

et

il e

st b

ien

con

nu

qu

e d

e m

êm

e q

ue c

e

qui

n’es

t pa

s ét

abli

par

les

preu

ves

de l

a

que

ces

peup

les

rass

embl

és e

usse

nt le

s in

s-tru

men

ts du

labo

urag

e, c

eux

de l’

arch

itec-

ture

, un

e gr

ande

con

nais

sanc

e de

l’a

rpen

-ta

ge, a

vec

des

lois

et u

ne p

olic

e :

tout

cel

a de

man

de n

éces

saire

men

t un

espa

ce d

e te

mps

pr

odig

ieux

. N

ous

voyo

ns p

ar l

es l

ongs

tails

qui

reta

rden

t tou

s les

jour

s nos

ent

re-

prise

s les

plu

s néc

essa

ires e

t les

plu

s pet

ites,

com

bien

il e

st di

ffici

le d

e fa

ire d

e gr

ande

s ch

oses

; et

qu’

il fa

ut n

on se

ulem

ent u

ne o

pi-

niât

reté

infa

tigab

le, m

ais

plus

ieur

s gé

néra

-tio

ns a

nim

ées

de c

ette

opi

niât

reté

.Ce

pend

ant

que

ce s

oit

Mén

ès,

Thau

t, ou

Ch

éops

, ou

Ram

essè

s qui

aie

nt é

levé

une

ou

deux

de

ces

prod

igie

uses

mas

ses,

nous

n’e

n se

rons

pas

plu

s in

stru

its d

e l’h

isto

ire d

e l’a

ncie

nne

Égyp

te :

le la

ngag

e de

ce

peup

le

est p

erdu

. Nou

s ne

savo

ns d

onc

autre

cho

se,

sinon

qu’

avan

t les

plu

s an

cien

s hi

storie

ns il

y

avai

t de

quoi

faire

une

hist

oire

anc

ienn

e.[…

]Q

uell

e s

era

it l

’his

toir

e u

tile

? C

ell

e q

ui

no

us

ap

pren

dra

it

no

s d

ev

oir

s et

no

s

droit

s, s

an

s p

araît

re p

réte

nd

re à

nou

s le

s

en

seig

ner.

[…]

De�la�certitud

e�de�l’histoire

Tou

te c

erti

tud

e q

ui

n’e

st p

as

dém

on

stra-

tion

math

ém

ati

qu

e,

n’e

st q

u’u

ne e

xtr

êm

e

97040.indb 30297040.indb 302 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 35: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 303hend

esiye�

ile m

üsb

et�ve�m

ünha

ll�o

lma

ya

n

maddel

erde

an

cak s

ure

t-i

imkân

dan

başk

a

vech

o

lma

z p

es

tari

hd

e

da

hi

imk

ân

da

n

gayr

i bir

del

il-i

kavi

-i s

ıhh

at

bu

lun

maz�ve�

i‛timad-ı�külli�ta

hsili�de�bi’z-zarur�la

zım�gel-

mez

meğ

er k

i bir

maddey

i m

üve

rrih

in-i

mil

el-i

ten

evvi‛

ed

en

cem

-i g

afi

r it

tifa

k ü

zere

tah

rir

ed

üb

h

iç b

ir fe

rd h

ila

fın

a k

ali

l ü

kesi

r k

ela

m s

erd

etm

iş o

lma

ya

mesela�ez�

cümle�m

erhu

m�v

e�mağ

firet-nişan

�cedd-i�

büzürgvar-ı�h

azret-i�şehinşah-ı�zam

an�G

azi�

Hud

avendigâ

r�Su

ltan�Murad

�Han

-ı�Ev

vel�

‛aleyhi’r

-rah

meti�ve’l-gu

fran

�hazretle

rinin�

Kosova�cengi�g

ibi�ki�şeca‛at�ve�pehlivani�ve�

tanzim

-i�sunu

f�ü�

tertib-i�

sufuf-ı�‛asakir-i�

baha

dır-ı�sulta

ni�ve�sana

yi‛-i�ha

rbiye-i�ser�

‛askeran

ileri�esbab

-ı�lazime-i�zahiriyesiyle�

bile�dergâh-ı�M

üsebbibü’l-esbabdan�niyaz�ü�

tazarru‛-ı�firavan�ve�sücud-ı�tezellül-i�‛u

bey-

daneleri�ve�istim

dad-ı�ruha

niyet-i�Sultan-ı�

peyg

ambe

ran�

ile�

vech

-i�

ruha

nileri�

berekâtiy

le�m

azha

r-ı�fevz�ü�nusret-i�İlahi�

olub�‛öşrü�m

ikdarı�‛askerle�milel-i�m

üteffi-

ka-i�şedideden�‛ib

aret�derya-m

isal�‛a

sakir-i�

mürettebe-i�dü

şman

a�ga

lebe-i�külliye�eyle-

diklerini�g

erek�İs

lam�ve�gerek�milel-i�sa’ire�

Char

ia o

u q

ui

n’e

st p

as

pro

uv

é e

t réso

lu

pa

r l

es

scie

nces

ma

thém

ati

qu

es

et p

ar la

m

étho

de g

éom

étriq

ue n

e p

eut

être

qu

e p

os-

sib

le,

il n

’y a

gu

ère d

’au

tre p

reu

ve d

ign

e

de c

on

fian

ce e

n h

isto

ire q

ue d

es

poss

ibil

i-

tés

et il

est

forc

émen

t inu

tile

de re

cher

cher

un

e ce

rtitu

de c

ompl

ète

à

mo

ins

qu

’un

e

ch

ose

so

it

écrit

e

de

ma

niè

re

un

an

ime

pa

r

un

tr

ès

gra

nd

nom

bre

d’h

isto

rien

s d

e d

iffé

ren

tes

nati

on

s

et

qu

’au

cu

n

ind

ivid

u

n’a

it

ex

prim

é

la

mo

ind

re o

pin

ion

co

ntr

air

e. P

ar e

xem

ple,

to

utes

les

his

toire

s, ta

nt m

usul

man

es q

ue

d’au

tres n

atio

ns, s

e so

nt a

ccor

dées

pou

r dire

qu

e fe

u le

glo

rieux

anc

être

de

Sa M

ajes

té le

Su

ltan,

le

sulta

n M

urad

Han

pre

mie

r du

no

m, q

ue la

misé

ricor

de e

t le

pard

on d

ivin

s so

ient

sur l

ui, l

ors d

e la

bat

aille

de

Kos

sovo

a

rem

porté

une

vic

toire

écl

atan

te c

ontre

une

ar

mée

enn

emie

for

mée

des

sol

dats

inno

m-

brab

les

des

mau

dite

s na

tions

alli

ées

avec

à

pein

e un

dix

ièm

e de

ce

nom

bre

d’ho

mm

es,

ce q

ui, m

ême

expl

iqué

par

les

raiso

ns é

vi-

dent

es d

u co

urag

e et

de

la v

aleu

r et

de

l’ord

re d

es u

nité

s et

des

rang

s de

s va

illan

ts so

ldat

s du

sul

tan

et l

’art

mili

taire

de

ce

gran

d gé

néra

l, eu

t lie

u pa

rce

qu’il

lui

fut

oc

troyé

la ré

ussit

e et

la v

icto

ire d

ivin

es à

la

prob

ab

ilit

é.

Il n

’y a

pas

d’a

utr

e c

erti

tud

e

his

toriq

ue.

Qua

nd M

arc-

Paul

par

la le

pre

mie

r, m

ais

le

seul

, de

la g

rand

eur e

t de

la p

opul

atio

n de

la

Chin

e, il

ne

fut p

as c

ru e

t il n

e pu

t exi

ger d

e cr

oyan

ce. L

es P

ortu

gais

qui e

ntrè

rent

dan

s ce

vas

te e

mpi

re p

lusie

urs s

iècl

es a

près

, com

-m

encè

rent

à r

endr

e la

cho

se p

roba

ble.

Elle

es

t auj

ourd

’hui

cer

tain

e, d

e ce

tte c

erti

tud

e

qu

i n

aît

de l

a d

ép

osi

tion

un

an

ime d

e m

ille

tém

oin

s o

cu

lair

es

de d

iffé

ren

tes

na

tio

ns,

san

s q

ue p

erso

nn

e a

it r

écla

mé c

on

tre l

eu

r

tém

oig

nage.

[…]

97040.indb 30397040.indb 303 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 36: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

304 EDHEM ELDEM

ta’rihleri�müttefikane�yazm

ışlardır�ve�hıyel-i�

harbiyelerinin�ekseri�p

ederleri�cennetmekân�

Sulta

n�Orhan

�ha

zretlerind

en�müşah

ede�

buyurduklarıdır�ki�anlarda

n�ba

‛zıla

rı�cem

‛�olun

ub�elsine-i�mütenevvi‛eye�nakl�ü�ter-

cüme�olun

mağ

la�h

ud‛a-i�

harbiyeye�da

’ir�

kitablarda

�düvel-i�

Efrenciye�ceng

âveran

ı�beyninde�(hıyel-i�harbiye-i�

Sulta

n�Orhan

)�namıyla�hala�müsta‛m

el�ve�mu‛teberdir�Ba�

‛avn�u�‛inayet-i�Huda-yı�M

ennan�bu�avan-ı�

sa‛d-ik

tiran

-ı�ha

zret-i�

şahinşah

-ı�zaman

da�

intifa’-i�

na’ir

e-i�fitne-i�

azim

e-i�ciha

n�ve�

inşa’-i�k

ıla‛-ı�h

akani-i�ebediyü’l-bünyan�ve�

‛ale’l-hu

sus�tahlis-i�

Harem

eyn-i�Muh

tere-

meyn�ve�fütuh

at-ı�

semt-i�H

icaz�ve�teshir-i�

mem

alik-i�

Urban

�hususları�dah

i�vuku‛at-ı�

nadire-i�cihan�ve�hakka�ki�g

ıbta-aver-i�p

adi-

şaha

n-ı�pişin-i�devran

�olm

alarıyla�serna

-me-i�tevarih-i�zaman�olmuşlardır�ve�bunlar�

müsteb‛ad-i�tavk-ı�beşer�olur�umur-ı�hava-

rık-mü’esser�makuleleri�olmayub

�tam

am�

sezavar-ı�sirişt-i�pehlivani�ve�muvafık-ı�has-

let-i�sah

ibkırani�m

addelerdir�zira�asha

b-ı�

akl-ı�İlahi�o

lmağ

la�m

ükerrem�o

ldukları�

ke-bedri’l-kamer�hakk-bina

na�ezher�ve�bi�

irtiy

ab�olub�kendülere�vahy�ü�ilham-ı�Re

b-ba

ni�olund

uğu�erba

b-ı�akl-ı�m

e‛ad

�‛indle-

rind

e�müsellem�o

lan�

tabi‛iy

yeye�m

uhalif�

kaville

rine�zinh

ar�i‛tim

ad�vacib�

olmaz�

suite

de

ses

nom

breu

ses

priè

res

et d

e se

s hu

mbl

es p

roste

rnat

ions

dev

ant

le s

iège

du

Prod

ucte

ur d

e to

utes

les c

ause

s et d

u se

cour

s de

l’es

prit

et d

e la

bén

édic

tion

de la

nat

ure

spiri

tuel

le d

u Se

igne

ur d

es p

roph

ètes

. Et i

l te

nait

la p

lupa

rt de

ses s

trata

gèm

es m

ilita

ires

de s

es o

bser

vatio

ns a

uprè

s de

son

pèr

e fe

u le

sul

tan

Orh

an, q

ui r

ésid

e au

par

adis,

cer

-ta

ins

d’en

tre e

ux a

yant

été

rec

ueill

is et

tra-

duits

dan

s di

vers

es la

ngue

s, ils

son

t enc

ore

aujo

urd’

hui

utili

sés

dans

des

liv

res

cons

a-cr

és a

ux st

rata

gèm

es m

ilita

ires p

ar le

s gue

r-rie

rs d

es É

tats

franc

s sou

s le

nom

de

(stra

té-

gies

du

sulta

n O

rhan

). L’

extin

ctio

n de

s fla

mm

es d

’une

révo

lte à

l’éc

helle

du

mon

de,

la c

onst

ruct

ion

de f

orte

ress

es i

mpé

riale

s ét

erne

lles,

en p

artic

ulie

r la

lib

érat

ion

des

deux

Vill

es S

aint

es, a

insi

que

la c

onqu

ête

de

la p

rovi

nce

du H

edja

z et

la p

rise

des

terre

s de

s B

édou

ins

sont

aut

ant

d’év

énem

ents

un

ique

s au

mon

de su

rven

us a

vec

l’aid

e et

la

grâc

e de

Die

u pl

ein

de b

onté

s, so

us le

règn

e bi

enhe

ureu

x du

sul

tan

actu

el e

t qui

, en

cau-

sant

l’en

vie

des

sulta

ns d

es te

mps

pre

mie

rs,

tienn

ent l

ieu

de p

réfa

ce à

l’hi

stoire

de

notre

te

mps

. Et c

es é

véne

men

ts ne

son

t pas

des

af

faire

s fa

bule

uses

élo

igné

es d

es d

ésirs

des

ho

mm

es, m

ais

sont

au

cont

raire

dig

nes

de

l’ess

ence

d’u

n ch

ampi

on e

t co

nfor

mes

au

97040.indb 30497040.indb 304 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 37: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 305Hila

f-ı�‛âd

et-i�

Bari’ye�şeha

detin

�‛ad

em-i�

kabulü�kütüb-i�fıkhiyyede�menkuldür�Şahna-

me-i�F

irdevsi’d

e�bir�p

ehlivanın�nefs-i�b

edeni�

nuha

sdan

�mah

luk�

idüğ

ine�

i‛tikad

�lazım

�mıdır�(ga

yet-i�m

afiyü’l-b

ab)�Bu

�makule�

düruği�hikayetler�muharrik-i�h

assa-i�gayret�

ü�şecaat�olm

ak�ümidiyle�m

asnu

‛�olub

�bu�

mülahazaya�mebni�m

eddahana�ruhsat�d

ahi�

verilegelmişdir

(Bu�

dahi�kava‛id-i�

fenn

-i�tarihd

endir)�ki�

er�bir�pa

dişah�

Felatun-şi‛ar�veya�b

ir

sip

eh

sala

rı B

eh

ram

-en

va

r ya

hu

d e

bir

-i

dev

letd

en b

ir r

ecl-

i sa

hib

-i i

kti

dar

bir

mad-

de-

i m

üh

imm

e h

ak

kın

da

za

t ü

za

ma

nın

ın

ak

l u

dir

ayeti

ni

ve i

sti‛

da

d ü

ka

bil

iyeti

ni

mu

kayy

ed v

e m

übey

yen

olu

r bir

tarz

-ı m

ah

-

sus

ve ta

vr-

ı m

an

sus

ile h

isse

-dih

en

de-i

stem

i‛in

olu

r bir

kel

am

-ı m

etin

tev

effü

h

eyle

miş

ols

a k

elam

-ı m

ezbu

ru k

elim

e be-

ke-

lim

e

na

kl

ü

ira

d

eyle

mek

la

zım

o

ldu

ğu

cara

ctèr

e d’

un so

uver

ain

car,

à l’i

mag

e de

la

plei

ne lu

ne, i

l est

évid

ent e

t ne

fait

aucu

n do

ute

à ce

ux q

ui v

oien

t jus

te q

u’ét

ant d

oté

de l’

inte

llige

nce

divi

ne, i

l est

hono

rabl

e et

il

est

abso

lum

ent

pros

crit

de f

aire

con

fianc

e au

x pa

role

s con

traire

s à l’

évid

ence

reco

nnue

pa

r to

us l

es g

ens

doté

s de

l’in

telli

genc

e ca

pabl

es d

e co

mpr

endr

e l’é

tat

futu

r se

lon

laqu

elle

il

a re

çu l

a pa

role

et

l’ins

pira

tion

divi

nes.

Les

livre

s de

jur

ispr

uden

ce r

ap-

porte

nt q

ue to

ut té

moi

gnag

e co

ntra

ire à

la

cout

ume

du C

réat

eur

ne p

eut ê

tre a

ccep

té.

Faut

-il c

roire

que

le

corp

s d’

un c

ham

pion

da

ns la

Cha

h-na

ma

de F

erdo

wsi

est f

ait d

e br

onze

? (l

a fin

de

ce q

ue l’

on a

en

tête

) Ce

genr

e d’

histo

ires

men

song

ères

son

t in

ven-

tées

dan

s l’e

spoi

r d’

inci

ter

à l’e

ffort

et a

u co

urag

e et

c’e

st po

urqu

oi le

s co

nteu

rs o

nt

touj

ours

joui

d’u

ne [c

erta

ine]

lice

nce

(et c

eci

fait

auss

i par

tie d

e la

sci

ence

hist

oriq

ue).

Si

un s

ouve

rain

sag

e co

mm

e Pl

aton

ou

un

gén

éra

l te

l B

ah

ra

m o

u u

n h

om

me p

uis

-

san

t p

arm

i le

s g

ra

nd

s d

e l’

Éta

t d

ev

ait

pro

non

cer

dev

an

t u

n a

ud

itoir

e d

es p

aro

les

forte

s su

r u

n s

uje

t im

porta

nt

et

dan

s u

n

style

part

icu

lier

et

d’u

ne

man

ière

ap

pu

yée

prou

van

t et

illu

stran

t la

pen

sée e

t l’

exp

é-

rie

nce a

insi

qu

e l

es

tale

nts

et

les

cap

acit

és

qu

i lu

i so

nt

pro

pres

et

qu

i ca

ra

cté

ris

en

t

Doit-o

n�insérer�des�ha

rang

ues�et�faire�des�

portraits�?

Si

dan

s u

ne o

ccasi

on

im

porta

nte

un

gén

é-

ra

l d

’arm

ée,

un

h

om

me d

’Éta

t a

p

arlé

d’u

ne

ma

niè

re

sin

gu

lière

et

forte

q

ui

cara

ctér

ise

son

gén

ie e

t ce

lui

de

son

siè

cle,

il f

au

t sa

ns

dou

te r

ap

porte

r s

on

dis

cou

rs

mo

t p

ou

t m

ot

: d

e t

ell

es

ha

ra

ng

ues

son

t

peu

t-êtr

e la

p

arti

e d

e l’

his

toir

e la

p

lus

uti

le

;

ma

is

po

urq

uo

i fa

ire

dir

e

à

un

hom

me c

e q

u’i

l n

’a p

as

dit

? I

l vau

drait

presq

ue a

uta

nt

lui

att

rib

uer c

e q

u’i

l n

’a

97040.indb 30597040.indb 305 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 38: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

306 EDHEM ELDEMkayd

-ı t

e’kid

den

sali

mdir

ve

bu

maku

le h

is-

sem

end-i

mef

hu

m-ı

fey

leso

f pes

endi

olu

na-

cak k

elam

ları

n z

iyade

enfa

‛ te

vari

hin

z’-i

a‛z

am

ı m

akam

ındadır

lar

Lakin

bir

kim

seye

ken

den

mes

mu

‛ ya

hu

d t

e’li

fat-

ı sa

hih

e-

sin

den

m

üst

efa

d ve m

eb

zu‛

olm

am

ış b

ir

nes

ney

i ‛a

tf ü

isn

ad b

ir m

adde-

i n

abec

a v

e

cerr

ed n

azi

re-i

sit

ayi

ş-i

şu‛a

radır

Am

ma

eş‛a

rda l

a-b

e’is

ola

n m

edh

ü s

ena t

ari

hde

bir

em

r-i

naber

cadır

ve

bu

ref

tar-

ı n

a-s

eza

mu

kte

za-y

ı m

esl

ek

-i ek

ser-

i m

üverr

ihin

-i

ku

dem

adır

ve

sebeb

i an

ları

n a

nca

k i

fade-

i

ha

kik

at-

i m

afi

’l-b

al

etm

e s

a‛y

ü d

ik-

ka

tden

ziy

ad

e e

lfa

z ü

ma

ka

lde z

iyn

ete

ve

fen

n-i

in

şada a

rz-ı

mah

are

te m

eyl

ü r

ağbet

etdik

leri

dir�zira�ri‛âyet-i�seci‛�ü�kavafi�tek-

sir-i�kelamla�hakk-ı�tabiri�ihlal�ü�ifsad

�ve�

kuvvet-i�

mefhu

m-ı�

takriri�tagyir�ve�berbad

�etmeğe�bir�e

mr-i�kâfidir�ve�haza’in

-i�butun-ı�

ma‛na

�olan�ibarat-ı�mukad

dese�ve�kelam-ı�

kübra�

iglaf-ı�e

vzan

�ü�k

avafiden�s

af�v

e�müb

erra�oldukları�bu�hikm

ete�mün

temad

ır�

Lakin�ne�çare�arayiş-i�elfaz�g

ava’ili�sa

de-di-

lan�

ve�sebü

k-avakili�kuvvet-i�belaga

t-i�

man

adan

�gafil�ve�şive-i�zarafet-i�m

efah

im-

den�zahil�eylem

ekle�mukteza-yı�tabiat-ı�lisan�

üzere�terkib�ve�tasvib�olunm

uş�bir�iba

re-i�

sehl�ü�lebib�her�ne�kada

r�man

idar�ise�de�

sakıt-ı�hayz-ı�itib

ardır

son

te

mp

s, il

n

e fa

it a

ucu

n d

ou

te q

u’i

l

fail

le r

ap

porte

r c

es

parole

s m

ot

pou

r m

ot

et

de t

ell

es

parole

s q

ui

s’in

spir

en

t d

e p

en

-

sées

ph

ilo

sop

hiq

ues

form

en

t la

p

lus

gran

de p

arti

e d

es

his

toir

es

les

plu

s u

tile

s.

Cep

en

dan

t, l

e f

ait

d’a

ttrib

uer e

t d

’im

pu

-

ter

à

un

e

perso

nn

e

qu

elq

ue

ch

ose

q

ui

n’a

it p

as

été

en

ten

du

dir

ecte

men

t d

e s

a

bou

ch

e o

u q

ui

n’a

it p

as

été

tir

é e

t extr

ait

de s

es

œu

vres

au

then

tiq

ues

est

in

accep

-

tab

le e

t relè

ve s

eu

lem

en

t d

es

élo

ges

des

po

ète

s. T

ou

tefo

is s

i élo

ge e

t g

lorif

ica

tio

n

son

t a

ccep

tab

les

en

po

ési

e,

ils

n’o

nt

pa

s

leu

r

pla

ce

en

h

isto

ire

et

cet

usa

ge

imp

ro

pre a

été

su

ivi

pa

r l

a p

lup

art

des

an

cie

ns

his

torie

ns

pou

r l

a r

ais

on

qu

e c

es

dern

iers,

plu

tôt

qu

e d

e f

air

e a

tten

tion

et

de s

’ap

pli

qu

er à

exp

rim

er l

a r

éali

té t

ell

e

qu

’ell

e é

tait

, on

t p

réfé

ré e

t ch

ois

i d

e f

air

e

éta

lag

e d

e l

eu

r m

aît

ris

e d

es

mo

ts e

t d

es

tou

rn

ures

fleu

ris

et

de l

a p

rose

car

le re

s-pe

ct d

es v

ers

et d

es ri

mes

suf

fisen

t à v

iole

r et

à d

énat

urer

la ju

stess

e de

l’ex

pres

sion

par

la p

rolif

érat

ion

des

mot

s et

à c

orro

mpr

e et

truire

la

fo

rce

de

l’int

ellig

ence

de

s pa

role

s ;

et c

’est

en r

aiso

n de

cet

te v

érité

qu

e le

s tex

tes s

acré

s et l

es n

oble

s par

oles

qui

so

nt le

s tré

sors

du

sens

le p

lus

prof

ond

sont

pu

res e

t lib

res d

u fo

urre

au d

es m

ètre

s et d

es

rimes

. M

ais

héla

s, co

mm

e ce

mal

qu’

est

pa

s fa

it !

C’e

st u

ne f

icti

on

im

itée d

’Ho

-

mère ; m

ais

ce q

ui

est

fi

cti

on

d

an

s u

n

po

èm

e

dev

ien

t à

la

rig

ueu

r

men

son

ge

da

ns

un

his

torie

n.

Plu

sieu

rs

an

cie

ns

on

t

eu

cett

e m

éth

od

e !

Cela

ne p

rou

ve a

utr

e

ch

ose

, si

no

n q

ue p

lusi

eu

rs

an

cie

ns

on

t

vou

lu f

air

e p

arad

e d

e l

eu

r é

loq

uen

ce a

ux

dép

en

s d

e l

a v

érit

é.

97040.indb 30697040.indb 306 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 39: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 307

Tev

ari

hde

ger

ek b

eyan

-ı ş

ema’i

l ü

eşk

âl

ve

gere

k

ba

şeh

na

mele

rdek

i g

ibi

ima

l-ı

mu

savv

irin

ola

n n

akş

ü t

imsa

l ve

tes

avi

r ve

hey

l h

usu

sla

rı d

ah

i ek

seri

ya o

l k

imse

yi

kem

ak

ân

ta

rif

ü t

ebya

n z

ımn

ınd

a k

ıya

fet-

nam

esin

i bi-

ayn

ihi

tah

rir

yah

ud h

eykel

ve

tim

sali

ni

resm

ü t

asv

ir m

a‛r

azı

nd

a o

lma

-

dık

ları

nd

an

m

aa

da

b

elk

i te

lmi‛

ü

te

bcil

içü

n i

mal

olu

nu

rlar

Fi’

l-va

ki

verr

ih y

a

mu

savv

ir h

em-a

srı

olu

b k

end

ü i

le m

ua

re-

fesi

da

hi

ola

n k

üb

era

-yı

devle

tin

alâ

vec-

hi’

s-sı

hh

a h

ilye

ve

tim

sali

ne

ger

çi m

uk

te-

dir

lerd

ir l

akin

bu

nla

rın

bir

gara

z-ı

nef

san

i

zım

nın

da o

lmaya

rak b

i-ta

rafa

ne

mu

harr

er

ve m

ersu

m o

lmu

ş old

ukla

rı p

ek d

e m

alu

m

olm

az�V

e es

lafı

n t

imsa

l ü

kıy

afe

tnam

eler

ini

resm

ü t

ah

rir

etm

ekde

evve

la a

nla

rın

hal

ü

va

kıa

ları

kem

a y

eli

ku

tala

a-i

am

ika

ile

lah

aza

ve

tedkik

eder

ek s

uve

r-i

mer

-

sum

eyi

vuku

at-

ı m

erku

mey

e te

vfik

ü t

atb

ik

bir

le a

nla

ra l

ayık

olu

r su

ver

[ü]

heya

kil

i

l’app

ât d

es m

ots

éloi

gne

les

naïfs

et

les

espr

its lé

gers

de

la rh

étor

ique

du

sens

et l

eur

fait

oubl

ier l

e ch

arm

e de

la g

râce

de

la si

gni-

ficat

ion,

aus

si pl

eine

de

sens

que

pui

sse

être

un

e ex

pres

sion

simpl

e et

inte

llige

nte,

com

-po

sée

et a

ppré

ciée

sel

on l

es b

esoi

ns d

e la

na

ture

de

la l

angu

e, e

lle n

’en

perd

ra p

as

moi

ns s

a cr

édib

ilité

.

Da

ns

les

his

toir

es,

la

d

esc

rip

tio

n

des

form

es

et

trait

s au

ssi

bie

n q

ue l

es

dess

ins

et

rep

rése

nta

tio

ns

et

les

po

rtr

ait

s et

sta

-

tues

créés

par d

es

arti

stes

com

me d

an

s le

s

alb

um

s d

es

Ch

ah

-na

ma

n’o

nt

gén

éra

le-

men

t p

as

po

ur

ob

jecti

f d

e

décrir

e

et

rep

rése

nte

r la

p

erso

nn

e en

q

uest

ion

en

réd

igean

t sa

desc

rip

tion

exacte

ou

en

tra-

çan

t ou

en

dess

inan

t sa

sta

tue o

u s

on

por-

tra

it,

ma

is s

on

t p

lutô

t p

ro

du

its

po

ur l

e

fair

e b

ril

ler e

t le

glo

rif

ier.

Certe

s l’

his

to-

rie

n o

u l

’arti

ste s

on

t cap

ab

les

de d

ress

er

un

portr

ait

et

un

e d

esc

rip

tion

fid

èle

s d

es

hau

ts d

ign

itair

es

de l

’Éta

t q

ui

son

t le

urs

con

tem

porain

s et

avec l

esq

uels

ils

son

t en

rela

tion

, m

ais

il

n’e

st p

as

sûr q

u’i

ls a

ien

t

été

écrit

s o

u d

ess

inés

de m

an

ière i

mp

ar-

tia

le,

san

s m

oti

va

tio

n

perso

nn

ell

e.

Et

qu

an

t à l

a r

éd

acti

on

et

à l

’exécu

tion

des

desc

rip

tio

ns

et

po

rtr

ait

s d

es

an

cie

ns,

il

Des�portraits

Les

po

rtr

ait

s m

on

tren

t en

co

re b

ien

so

u-

ven

t p

lus

d’e

nvie

de b

ril

ler q

ue d

e s

’in

s-

tru

ire.

Des

co

nte

mp

ora

ins

son

t en

dro

it

de fa

ire le

p

ortr

ait

d

es

ho

mm

es

d’É

tat

avec l

esq

uels

ils

on

t né

goci

é, d

es g

énér

aux

sous

qui

ils o

nt fa

it la

gue

rre.

Mais

qu

’il

est

à c

ra

ind

re q

ue l

e p

incea

u n

e s

oit

gu

idé

pa

r l

a p

ass

ion

! I

l par

aît q

ue le

s po

rtrai

ts qu

’on

trouv

e da

ns C

lare

ndon

sont

faits

ave

c pl

us d

’impa

rtial

ité, d

e gr

avité

et d

e sa

gess

e,

que

ceux

qu’

on li

t ave

c pl

aisir

dan

s le

card

i-na

l de

Retz

.

Mais

vou

loir

pein

dre l

es

an

cie

ns,

s’e

ffor-

cer

de

dév

elop

per

leu

rs â

mes

, re

gard

er l

es

év

én

em

en

ts co

mm

e d

es

ca

ra

ctè

res

av

ec

97040.indb 30797040.indb 307 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 40: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

308 EDHEM ELDEM

ibti

da s

ah

ife-

i h

atı

ra n

akş

ü t

ah

rir

etm

eğe

mu

hta

c olu

nu

r B

u i

se p

ek n

azi

k b

ir e

mr-

i

asi

rdir�v

e dah

i m

üve

rrih

kiz

b-i

sari

he

icti

ra

ve h

akik

at-

i h

ali

ket

m ü

ih

fa e

tmek

olm

az

am

ma e

kse

r m

üve

rrih

leri

n i

rtik

âb-ı

ruğ

etm

em

old

uk

ları

g

ayr-

ı m

ute

med

b

ir

man

adır

der

ler

Lakin

fakir

der

im k

i fi

’l-h

a-

kik

a m

ük

ezz

eb

ata

r’â

t m

ak

ule

-i h

ab

ais

olu

b a

mm

a k

etm

-i h

akik

at

hu

susu

nda e

ğer

bir

h

ak

ika

tin

b

eya

nın

da

d

evle

t ü

m

ille

te

ba

men

faa

t m

elh

uz

ise

an

da

t

mu

cib-i

maza

rrat

olm

ağla

bir

nev

i tö

hm

et-

dir

Lakin

bir

verr

ih b

ir h

usu

su b

eyan

a

şüru

‛ etd

ikd

e

gere

k

devle

tin

ve

gere

k

mu

ha

ssa

san

ba

zı k

üb

era

-yı

devle

tin

ken

-

ye k

etm

eyle

mek

üze

re t

evd

i‛ ü

ta

hm

il

eyle

dik

leri

esr

arı

, a

va

mm

-ı n

asa

if

şa ve

beya

n v

e y

aln

ızca

bir

ferd

i b

ile m

ah

rem

etm

ek

m

ucib

-i

tüh

em

o

lma

kd

an

k

at‛

na

zar

va

kte

n m

ine’l

-evk

at

iba

ha

sı c

aiz

ü

reva

görü

lmey

en b

azı

sır

rı k

âff

e-i

ah

lafa�ve�

belki�mile

l-i�ecnebiye�ve�düvel-i�müteferri-

kaya�v

ak

tiyl

e iş

â‛a

ve

ila

n v

e b

eyn

e’n

-na

s

vir

d-i

zeb

an

ü d

ast

an

etm

eli

mid

ir v

e b

ir

verr

ihin

va

cib

e-i

zi

mm

et-

i sa

na

bir

dev

let

ve m

ille

tin

lazi

me-

i n

am

us-

ı sa

ltan

at-

dan

a‛z

am

ve

an

dan

ziy

ade

mer

‛i v

e m

ült

e-

zim

mid

ir�Şu�kada

r�vardır�ki�b

a‛de�zam

an�

ahlafa�tecarib�ü�ibret�olub�ba

is-i�

devam-ı�

fau

t d

’ab

ord

avoir

ob

servé e

t étu

dié

leu

rs

fait

s et

gest

es

de

ma

niè

re

ap

pro

fon

die

com

me i

l se

doit

afi

n d

’all

ier e

t con

cil

ier

lesd

its

po

rtr

ait

s a

vec c

es

év

én

em

en

ts e

t

gra

ver et

insc

rir

e d

an

s la

m

ém

oir

e le

s

ima

ges

et

rep

rése

nta

tio

ns

qu

i en

so

nt

dig

nes.

Or c

’est

là u

ne l

ou

rd

e t

âch

e b

ien

déli

ca

te et

s’il

n

e si

ed

p

as

à l’

his

torie

n

d’o

ser a

voir

recou

rs

au

men

son

ge é

vid

en

t

et

de t

air

e e

t cach

er l

a v

érit

é,

on

dit

qu

’il

n’e

st p

as

créd

ible

qu

e l

a p

lup

art

des

his

-

torie

ns

n’a

ien

t p

as

prati

qu

é l

e m

en

son

ge.

Vo

tre s

erv

iteu

r n

ote

ra

to

ute

fois

qu

e s

’il

est

vrai

qu

e l

e r

ecou

rs

au

x m

en

son

ges

est

un

gran

d m

al,

pou

r c

e q

ui

est

de t

air

e l

a

vérit

é,

si d

e l

a d

écla

ra

tio

n d

’un

e v

érit

é

déco

ule

nt

des

av

an

tag

es

à l

’Éta

t et

à l

a

nati

on

, le

sil

en

ce e

st m

alf

ais

an

t et

devie

nt

un

e s

orte

de c

rim

e.

Mais

lorsq

u’u

n h

isto

-

rie

n s

e m

et

à e

xp

liq

uer u

n s

uje

t, d

oit

-il

liv

rer et

an

no

ncer a

u g

ra

nd

p

ub

lic le

s

secrets

qu

i lu

i o

nt

été

do

nn

és

et

co

nfi

és

pa

r l

’Éta

t o

u t

ou

t p

arti

cu

lièrem

en

t p

ar

certa

ins

ha

uts

dig

nit

air

es

à c

on

dit

ion

de

les

gard

er p

ou

r l

ui

? A

lors

qu

e l

e f

ait

de

les

dév

oil

er n

e se

ra

it-c

e q

u’à

u

ne se

ule

perso

nn

e

sera

it

déjà

u

n

crim

e,

do

it-i

l

révéle

r e

t p

rop

ager c

erta

ins

secrets

don

t

la r

évéla

tion

éta

it c

on

sid

érée i

nte

rd

ite e

t

lesq

uels

o

n p

eu

t li

re sû

rem

en

t d

an

s le

fon

d d

es

urs,

c’e

st u

ne e

ntr

ep

ris

e b

ien

déli

cate

; c

’est

dans

plu

sieur

s une

pué

rilité

.

De�la�m

axime�de�Cicéron�concernant�l’his-

toire�:�que�l’h

istorien�n’ose�dire�une�faus-

seté,�n

i�cacher�une�vérité

La

p

rem

ière

pa

rti

e

de

ce

précep

te

est

inco

nte

sta

ble

; i

l fa

ut

ex

am

iner l

’au

tre.

Si

un

e v

érit

é p

eu

t êtr

e d

e q

uelq

u’u

tili

à l

’Éta

t, v

otr

e s

ilen

ce e

st c

on

da

mn

ab

le.

Ma

is j

e s

up

po

se q

ue v

ou

s écriv

iez l

’his

-

toir

e d

’un

prin

ce q

ui

vou

s au

ra c

on

fié u

n

secr

et, d

evez

-vou

s le

rév

éler

? D

evez

-vou

s

dir

e à

la p

ost

érit

é c

e q

ue v

ou

s se

rie

z c

ou

-

pab

le d

e d

ire

en s

ecre

t à u

n s

eul

hom

me

?

Le d

evoir

d’u

n h

isto

rie

n l

’em

porte

ra-t

-il

sur u

n d

evoir

plu

s gran

d ?

Je su

ppos

e en

core

que

vou

s aye

z ét

é té

moi

n d’

une

faib

less

e qu

i n’a

poi

nt in

flué

sur

les

affa

ires

publ

ique

s, de

vez-

vous

rév

éler

cet

te

faib

less

e ?

En c

e ca

s l’h

istoi

re s

erai

t un

e sa

tire.

Il fa

ut a

voue

r qu

e la

plu

part

des

écriv

ains

d’

anec

dote

s so

nt p

lus

indi

scre

ts q

u’ut

iles.

Mai

s qu

e di

re d

e ce

s co

mpi

late

urs

inso

lent

s qu

i, se

fai

sant

un

mér

ite d

e m

édire

, im

pri-

97040.indb 30897040.indb 308 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 41: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 309devlet�olacak�hakayıkdan�sarf-ı�dikkat�e

de-

rek�itlaf-ı�kırtas�ü�midad�ile�tevarih-i�rüzgârı�

berbad�ve�hezeyan-ı�m

ahmum

ane-i�evham

�ü�

hayalle

�ba‛de�bu‛din�da

hi�ezhan

-ı�sebü

k-mağzanı�bir�m

ertebe�dahi�ihlal�ü�ifsad�birle�

vaktiyle�halkın�an

dan�hiç�faidem

end�olma-

yacakları�emr-i�ezherinden�kat‛-ı�n

azar�zir-i�

saye-i�hü

ma-vaye-i�vikayesind

e�asud

e-i�

tabiş-i�ihtila

l�müsterihü’l-bal�o

lduğu�devle-

tin�aha

li-i�â

tiyesine�semiyyet-i�efa‛î�a‛da

dan�

emniyetle

riyçün

�talim

-i�terkib-i�tir

yak-ı�

faruk�etmek�bedeline�bi-m

ana�mediha�ve�tes-

liyetlerle�işga

l�ü�iğ

fal�e

derek�an

lara�bey‛-i�

semm-i�helahil�ve�am

ade-i�zehr-i�katil�etmek�

de�bir�kâr-ı�âkil�değildir�Tevarih-i�atikanın�

ba‛zında

�mültezem�ancak�fasah

at�ve�ba

zı�

katl�

ü�tedm

ir-i�

eşkıyada

n�ibaret�ba‛zınd

a�dahi�ekser�m

akal�ta

rif-i�ahval-i�harb�ü�kıta

l�ve�ba‛zınd

a�ise�mültezem�kıdem

-i�em

sar�ü�

ümem

e�da

ir�a

hvaldir�ve�b

u�müverrihin-i�

meşhu

rinin�cümlesinin�asarını�a

lâ�hiddetin

�mütalaa�ve�te’emmül�es‛ab�ve�herbirini�h

ıfz�

u�ta‛akkul�is

e�te’emmül-i�mezbur�meşakka-

tinden�et‛abdır�ve

ind

ign

e d

ep

uis

un

e é

tern

ité à

to

ute

s le

s

gén

érati

on

s à v

en

ir e

t m

êm

e a

ux n

ati

on

s

étr

an

gères

et

à d

ivers

Éta

ts a

insi

qu

’au

sein

de

tou

te l

a p

op

ula

tion

tel

le u

ne

lita

nie

ou

un

e é

pop

ée ?

Les

devoir

s et

la r

esp

on

-

sab

ilit

é d

e l

’his

torie

n e

nvers

son

art

son

t-

ils

plu

s g

ra

nd

s, p

lus

resp

ecta

ble

s et

plu

s

imp

orta

nts

qu

e l

es

beso

ins

de d

ign

ité s

ou

-

verain

e d

’un

Éta

t et

d’u

ne n

ati

on

? N

éan-

moi

ns, m

is à

part

le f

ait q

u’il

ne d

écou

lera

au

cun

avan

tage

pou

r le

peup

le d

’igno

rer l

es

vérit

és q

ui a

vec

le te

mps

ser

viro

nt d

’exp

é-rie

nce

et d

’exe

mpl

e au

x gé

néra

tions

futu

res

et a

ssur

eron

t la

surv

ie d

e l’É

tat e

t de

gasp

il-le

r le

papi

er e

t l’e

ncre

à g

âche

r les

hist

oire

s pr

ésen

tes

et à

trou

bler

et c

orro

mpr

e en

core

pl

us e

t pou

r lon

gtem

ps le

s es

prits

des

idio

ts pa

r les

élu

cubr

atio

ns fé

brile

s née

s d’h

allu

ci-

natio

ns e

t d’

illus

ions

, il

n’es

t pa

s ra

ison

-na

ble

non

plus

, sou

s pr

étex

te d

e la

pro

tége

r du

poi

son

des

vipè

res

enne

mie

s, d’

occu

per

et d

e tro

mpe

r une

pop

ulat

ion

viva

nt c

onfo

r-ta

blem

ent à

l’ab

ri de

s fla

mm

es d

e la

révo

lu-

tion

grâc

e à

la p

uiss

ante

pro

tect

ion

de l’

État

av

ec d

es é

loge

s et

des

con

sola

tions

inse

n-sé

es e

n gu

ise d

e pa

nacé

e et

en

lui v

enda

nt

un p

oiso

n m

orte

l et e

n l’e

xpos

ant à

un

veni

n fa

tal.

Cer

tain

es

hist

oire

s an

cien

nes

ne

rech

erch

ent q

u’un

styl

e lim

pide

et l

e ré

cit d

e

men

t et

ven

dent

des

sca

ndal

es c

omm

e la

V

oisin

ven

dait

des

poiso

ns ?

[…]

De�la�méthode,�d

e�la�manière�d’écrire�l’h

is-

toire�et�du�style

On

en a

tant

dit

sur c

ette

mat

ière

qu’

il fa

ut ic

i en

dire

très

peu

. On

sait

asse

z que

la m

étho

de

97040.indb 30997040.indb 309 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 42: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

310 EDHEM ELDEM

üst

ad

an

-ı m

üverr

ihin

-i z

am

an

ka

idesi

nce

tari

h-i

ced

id z

ab

tın

da

vek

ayi-

i k

üll

iyen

in

teva

kk

ıfe

old

uk

ları

u

mu

r-ı

z’iy

ye-i

sah

iha v

e ef

‛al-

i m

üsb

ite-

i m

uh

akkık

ayı

ve

met

ü s

alt

an

atı

bey

an

a v

e k

ava

nin

ü

âdat

ve e

mzi

ce v

ü t

abia

t ve

em

r-i

tica

ret

ü

zira

at

ve t

ah

aşş

üd

-i a

ha

li-i

dev

let

ü m

ille

t

hu

susl

arı

lah

aza

ve i

m‛â

na

mu

hta

c

olu

nu

r ve

ulu

m-ı

ma

tem

asi

kiy

e�ve�hende-

siye�v

e h

ikm

et-i

tabii

ye v

e u

mu

r-ı

niz

am

iye

siya

kla

rın

da

ta

rih

ler

da

hi

va

rdır

H

ası

l-ı

kela

m

tah

rira

tda

te

nevvu

at

ve

tefe

nn

ün

fi’l

-ib

ara

t b

i-h

ad

d ü

pa

ya

n o

ldu

kla

rı g

ibi

teva

rih

de

dah

i va

di

ve v

ücu

hat

vesi

‛ ve

fir

a-

van

dır

ve

evra

k-ı

hava

dis

-i k

evn

iyye

yi t

eda-

rik ü

tah

sil

her

ne

kadar

asa

n v

e es

hel

ise

fi

zam

an

ina

b

u

mle

-i

üst

ad

an

resi

h

zeyl

inde

vech

-i l

ayı

üze

re t

ah

rir-

i ta

rih

ol

kadar

a‛s

er ü

eşk

eldir

la d

estru

ctio

n et

de

l’ann

ihila

tion

de b

ri-ga

nds ;

d’a

utre

s se

cont

ente

nt d

e dé

crire

les

guer

res

et l

es m

assa

cres

; d

’aut

res

enco

re

s’ap

pliq

uent

à d

épei

ndre

l’é

tat

des

prin

ci-

paux

pay

s et p

eupl

es. E

t s’il

est

fort

diffi

cile

d’

étud

ier e

t d’a

naly

ser a

vec

préc

ision

tout

es

les

œuv

res

de c

es c

élèb

res

histo

riens

, le

fait

de le

s ret

enir

et d

e le

s mém

orise

r est

enco

re

plus

pén

ible

que

de

les

étud

ier d

e la

sor

te.

En

su

ivan

t le

s règle

s d

es

maît

res

des

his

-

torie

ns

prése

nts

p

ou

r

la

co

mp

osi

tio

n

d’h

isto

ires

no

uv

ell

es,

il

est

n

écess

air

e

d’e

xp

ose

r to

us

les

dét

ail

s ex

act

s et

tou

s le

s

fait

s réels

et

pro

uv

és

qu

i co

nst

itu

en

t le

s

évén

em

en

ts m

aje

urs

ain

si q

ue l

es

gou

ver-

nem

en

ts

et

les

règ

nes

et

d’é

tud

ier

et

d’e

xa

min

er

les

lois

et

les

co

utu

mes,

le

cara

ctèr

e et

la n

atu

re, l’

état

du

com

mer

ce

et

de l

’agric

ult

ure e

t la

con

cen

trati

on

de

la p

op

ula

tion

de l

’Éta

t et

de l

a n

ati

on

. Il

ex

iste

a

uss

i d

es

his

toir

es

qu

i su

iven

t le

sty

le d

es

scie

nces

ma

thém

ati

qu

es

et g

éo-

mét

rique

s, ou

des

sci

ence

s n

atu

rell

es e

t d

es

aff

air

es

ad

min

istr

ati

ves.

Bref,

de m

êm

e

qu

e l

a v

arié

té d

an

s le

s écrit

s et

l’u

sage d

e

syn

on

ym

es

est

san

s li

mit

es

et

san

s fi

n,

en

his

toir

e au

ssi

les

voie

s et

les

man

ière

s so

nt

mu

ltip

les

et

nom

breu

ses

; e

t au

tan

t il

est

ais

é e

t fa

cil

e d

’ob

ten

ir e

t d

e r

ecu

eil

lir l

es

et le

sty

le d

e Ti

te-L

ive,

sa g

ravi

té, s

on é

lo-

quen

ce s

age

conv

ienn

ent à

la m

ajes

té d

e la

publ

ique

rom

aine

; qu

e Ta

cite

est

plus

fait

pour

pei

ndre

les t

yran

s ; P

olyb

e po

ur d

onne

r de

s le

çons

de

la g

uerre

; D

enis

d’H

alic

ar-

nass

e po

ur d

ével

oppe

r les

ant

iqui

tés.

Ma

is,

en

se m

od

ela

nt

en

gén

éra

l su

r c

es

gran

ds

maît

res,

on

a a

ujo

urd

’hu

i u

n f

ar-

dea

u p

lus

pesa

nt

qu

e l

e l

eu

r à

so

ute

nir

.

On

exig

e d

es

his

torie

ns

mod

ern

es

plu

s d

e

déta

ils,

des

fait

s p

lus

con

staté

s, d

es

date

s

précis

es,

d

es

au

torit

és,

p

lus

d’a

tten

tio

n

au

x u

sages,

au

x l

ois

, au

x m

œu

rs,

au

com

-

merce,

à la

fin

ance

, à l

’ag

ric

ult

ure,

à l

a

pop

ula

tion

: i

l en

est

de l

’his

toir

e c

om

me

des

math

ém

ati

qu

es

et

de l

a p

hysi

qu

e ;

la

ca

rriè

re

s’est

p

ro

dig

ieu

sem

en

t a

ccru

e.

Au

tan

t il

est

ais

é d

e f

air

e u

n r

ecu

eil

de

gazett

es,

au

tan

t il

est

dif

ficil

e a

ujo

urd

’hu

i

d’é

crir

e l

’his

toir

e.

[…]

97040.indb 31097040.indb 310 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 43: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 311

Ve�bu�fenn

-i�celil-i�

tarihin�ne�olduğ

unda

n�henü

z�hab

erda

r�değil�iken�müverrih�geçinen�

müteverrihlerin�m

anend-i�medda

han�kıssa-

ları�m

isl�ü

�meslekleri�m

üşevveş�ü�muhteldir�

zira�bun

lar�tevarih-i�‘âmmesine�mutasad

di�

oldukları�d

evlet�ü

�milletin�ve�anların�a‛zam�

eczasının�hukukunu�ve�kavanin�ü�âdetini�v

e�ahlak�ü�tabiatını�ve�bu�hususatın�tebeddüla-

tını�v

e�esbab-ı�inkıla

batın

ı�beyandan�igmaz�

ve�bu�makule�um

ur-ı�

müh

immeyi�ifa

deden�

i‛raz�birle�ancak�vukua

t-ı�cüz’iy

ye-i�

yev-

miyye�ile�iktifa�ve�ta

rihlerini�a

hval-i�efrad�ve�

havadis-i�ah

ad�m

akulesi�furu‛âtla

�reside-i�

derece-i�imtila�eylemişlerdir�bu�dahi�bi�irti-

yabdır�ki

bir

verr

ih m

emle

ket

-i e

cneb

iyey

e m

üte

-

all

ik t

erti

b v

e te

mh

id e

dec

eği

tari

hi

ken

mem

lek

eti

ne

da

ir

zab

t ü

ta

kyid

ed

eceğ

i

tari

h

ka

lıb

ına

b

i-a

yn

ihi

isa

ga

ve

ifra

ğ

etm

eğe

ku

dre

tyab o

lmaz�M

esel

a m

üve

rrih-i�

fakir�Mem

alik-i�Devlet-i�Aliyye-i�müstahse-

ni’l-mesalike�da

ir�t

ert

ib e

deceğ

im t

ari

hd

e

ha

sbe’l

-ik

tiza

n

eh

r-i�Nil�

ve

neh

r-i�Tu

na�

feu

ille

s d

e n

ou

vell

es

co

ura

nte

s, a

uta

nt

il

est

de n

os

jou

rs

ard

u e

t d

iffi

cil

e d

’écrir

e

l’h

isto

ire d

’un

e m

an

ière d

ign

e d

e f

igu

rer

à l

a s

uit

e d

e t

ou

s ces

savan

ts m

aît

res.

Et la

nat

ure

et la

tour

nure

des

hist

oire

s qu

e ra

cont

ent

les

soi-d

isan

t hi

stor

iens

qui

ne

save

nt m

ême

pas

enco

re e

n qu

oi c

onsi

ste

cette

no

ble

scie

nce

de

l’his

toire

so

nt

conf

uses

et

embr

ouill

ées

telle

s ce

lles

des

cont

eurs

, car

ces

ouv

rage

s so

nt in

diffé

rent

s au

dro

it, a

ux lo

is, a

ux c

outu

mes

, à la

mor

ale

et à

la n

atur

e de

s pr

inci

paux

élé

men

ts qu

i fo

rmen

t les

Éta

ts et

les p

eupl

es d

ont i

ls pr

é-te

nden

t éc

rire

l’his

toire

gén

éral

e, a

insi

qu

’aux

cha

ngem

ents

sur

venu

s da

ns c

es

mat

ière

s et

aux

cau

ses

de le

urs

trans

form

a-tio

ns e

t se

déto

urne

nt d

u ré

cit d

es a

ffaire

s im

porta

ntes

de

ce g

enre

pou

r se

con

tent

er

de fa

its q

uotid

iens

san

s im

porta

nce

et re

m-

pliss

ent e

ntiè

rem

ent c

es o

uvra

ges d

e dé

tails

te

ls d

es c

ircon

stan

ces

indi

vidu

elle

s et

des

év

énem

ents

parti

culie

rs. P

ar a

ille

urs

il n

e

fait

au

cu

n d

ou

te q

u’u

n h

isto

rie

n d

ev

an

t

prép

arer

et

co

mp

ose

r

un

e

his

toir

e

co

ncern

an

t u

n p

ay

s étr

an

ger n

e p

ou

rra

pa

s la

fo

rm

er e

t la

fo

nd

re d

an

s u

n m

ou

le

iden

tiq

ue

à

celu

i d

’un

e

his

toir

e

qu

’il

au

ra

it é

tab

lie e

t réd

igée p

ou

r s

on

pro

pre

pa

ys.

Pa

r e

xem

ple

, si

da

ns

l’h

isto

ire q

u’i

l

On

exig

e q

ue

l’h

isto

ire

d’u

n p

ays

étra

nger

ne

soit

poin

t je

tée

dan

s le

mêm

e m

ou

le q

ue

cell

e d

e v

otr

e p

atr

ie.

Si

vou

s fa

ites

l’h

is-

toir

e d

e la

Fra

nce,

vou

s n

’ête

s p

as

ob

ligé

de

déc

rire

le

cou

rs d

e la

Sei

ne e

t d

e la

Loi

re ;

ma

is,

si

vo

us

do

nn

ez

au

p

ub

lic

les

con

qu

êtes

des

Por

tuga

is en

Asie

, on

exig

e

un

e to

pogra

ph

ie d

es p

ays

déc

ou

ver

ts.

On

97040.indb 31197040.indb 311 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 44: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

312 EDHEM ELDEM

ya

zılm

ak

la

zım

g

els

e

an

ları

n

mem

ali

k-i

mezb

ure

-i

ma

‘mu

red

e

siya

k-ı

cere

ya

n

ü

mes

ali

kle

rin

i ta

rif

ü t

avs

ife

mu

hta

c değ

ilim

�L

ak

in�b

i-avn�ü

�ina

yet-i�H

uda�

bu�a

hd-i�

şehinşah

-i�kişver-güşad

a�vu

ku

bu

lan

tu-

ha

t-ı

sefe

r-i�Hicaz’da�müceddeden�feth�ü�

küşad�olun

an�k

ıla

‛ u

bil

ad

ı ta

fsil

ü b

eya

n

edec

ek o

ldu

ğu

mda a

razi

-i c

edid

e-i

mez

-

ren

in c

oğra

fya-y

ı m

ah

susa

sın

ı�ve

seva

hil

-i

Bah

r-ı

Mu

hit

-i�Basra�ve�Yemen’e�kadar�o

l

ha

va

lin

in

bir

m

üst

ak

ilce

ha

rita

sın

ı b

ile

resm

ü t

asv

ir v

e h

ava

li-i

mer

sum

e m

ilel

ü

mra

nla

rın

ın a

hla

k v

e t

ab

iatl

arı

ve

ak

aid

ve

töre

ve

âd

etle

rin

i ta

kri

r ü

tef

sire

mu

hta

c olu

rum

Endü

lüs�ve�İran�ve�F

renk�s

efe

rleri

ne d

air

ati

k

ve

ced

id

va

fir

teva

rih

o

lub

la

kin

an

lard

a a

kali

m-i

mez

bu

ren

in d

üve

l-i

mu

h-

teli

fe v

e m

ilel

-i m

üte

nev

vies

ini

ve k

ava

nin

ve e

dya

n v

e m

eza

hib

ve â

da

t ve k

ıdem

ini

beya

n

ed

er

hiç

bir

ta

rih

m

an

zur-

ı a

yn

im‛â

n o

lma

mış

dır�ve�an

lar�an

cak�akvam-ı�

mezbu

renin�cenkleri�ve�kıyafetle

ri�ve�lisan

�ve�m

ükâlem

eleri�ve�bazı�şurut-ı�m

usalah

a-ları�gibi�m

addeleri�i’lam�ü�ifham�ederler

réd

igera

it d

es c

ontré

es a

ux c

hem

ins

adm

i-ra

bles

de

l’Éta

t Su

blim

e vo

tre s

ervi

teur

dev

ait

pa

rle

r d

u N

il et

du

Dan

ube,

je n

e

ress

en

tira

is p

as

le b

eso

in d

e d

écrir

e et

d’e

xp

liq

uer

l’it

inéra

ire

de

leu

r

co

urs

da

ns

les

co

ntr

ées

en

q

uest

ion

. E

n

rev

an

ch

e,

si j

e d

ev

ais

décrir

e e

t co

nte

r l

es

forte

ress

es

et

les

vil

les

qui o

nt é

té à

nou

-ve

au c

onqu

ises

pend

ant l

es c

onqu

êtes

de

la

cam

pagn

e du

Hed

jaz

réal

isée

par l

a gr

âce

et

avec

l’ai

de d

e D

ieu

sous

le rè

gne

du p

rése

nt

empe

reur

con

quér

ant,

j’a

ura

is à

dép

ein

dre

la g

éo

gra

ph

ie p

arti

cu

lière d

e l

a n

ou

vell

e

rég

ion

en

qu

est

ion

, v

oir

e m

êm

e à

tra

cer

et

dess

iner u

ne c

arte

sép

arée d

es

tes

de

la m

er d

e B

asso

ra e

t d

e c

ett

e z

on

e ju

squ’

au

Yém

en

et

à

décrir

e

et

co

mm

en

ter

la

mo

ra

le e

t le

s cro

ya

nces

et

les

urs

et

les

co

utu

mes

des

peu

ple

s et

des

sou

ve-

ra

ins

de l

a z

on

e e

n q

uest

ion

. Il

ex

iste

de

no

mb

reu

ses

his

toir

es,

a

ncie

nn

es

et

récen

tes,

su

r l

es

ca

mp

ag

nes

d’A

ndal

ousie

, d’

Iran

et

d’Eu

rope

, m

ais

je

n

’en

a

i v

u

au

cu

ne

qu

i tr

ait

ât

des

div

ers

Éta

ts

et

peu

ple

s d

e c

es

rég

ion

s et

de l

eu

rs

lois

, d

e

leu

rs

reli

gio

ns,

de l

eu

rs

secte

s, d

e l

eu

rs

co

utu

mes

et

de

leu

r

hié

ra

rch

ie

; e

lles

n’ex

pose

nt e

t n’e

xpliq

uent

que

des

mat

ière

s co

mm

e le

s gu

erre

s, le

s co

stum

es, l

es l

an-

veu

t q

ue

vou

s m

enie

z votr

e le

cteu

r p

ar

la

main

le

lon

g d

e l’A

friqu

e et

des

côte

s d

e la

Pe

rse

et d

e l’I

nde

; on

att

end

de

vou

s d

es

inst

ru

cti

on

s su

r le

s m

œu

rs,

le

s lo

is,

les

usa

ges

de

ces

nati

on

s no

uvel

les

pour

l’Eu

-ro

pe.

No

us

av

on

s v

ing

t h

isto

ires

de l

’éta

bli

sse-

men

t d

es

Portu

gais

dans

les

Inde

s ;

ma

is

au

cu

ne n

e n

ou

s a

fa

it c

on

na

ître l

es

div

ers

go

uv

ern

em

en

ts d

e c

e p

ay

s, s

es

reli

gio

ns,

ses

an

tiq

uit

és,

les

bram

es, l

es d

iscip

les

de

sain

t Jea

n, le

s G

uèbr

es, l

es b

ania

ns. C

ette

flexi

on p

eut s

’app

lique

r à

pres

que

tout

es

les

histo

ires

des

pays

étra

nger

s. O

n no

us a

co

nser

vé, i

l est

vrai

, des

lettr

es d

e X

avie

r et

de s

es s

ucce

sseu

rs.

On

nous

a d

onné

des

97040.indb 31297040.indb 312 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 45: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 313

Ger

çi b

ir m

üve

rrih

ken

di

dev

let

ve m

emle

-

ket

i ta

rih

ini

tah

rir

esn

ala

rın

da y

eni

nya

-

nın

ara

zi-i

mek

şufe

-i c

ed

idesi

nd

en

med

id

ve t

avi

l bah

s ü

tafs

il v

e bir

çük b

elden

in

tari

hin

i bir

dev

let-

i va

si‛a

tari

hi

kadar

bast

ü t

afs

il�ve�Mısır�ve�Ba

ğdad

�gibi�vüzera-yı�

uzzam-ı�devletden�bir�vali�taht-ı�livasındaki�

kıtanın�ve�Efla

k�ve�Boğdan�misillu�bir�mül-

hak�beğliğin�ve�elektörlüğ

ün�tarihini�bi’l-

gues

, les

trai

tés

et c

erta

ines

des

con

ditio

ns

de p

aix

des

peup

les

en q

uesti

on.

Cep

en

da

nt,

il

est

év

iden

t q

u’i

l est

co

nfo

rm

e

au

x

règ

les

reco

nn

ues

et

en

vig

ueu

r d

e la

sc

ien

ce d

e l’

his

toir

e q

ue

lorsq

u’u

n h

isto

rie

n réd

ige l’

his

toir

e d

e

son

prop

re p

ays

il n

e p

arle

gu

ère e

n l

on

g

et e

n l

arg

e d

es t

erre

s n

ou

vel

lem

ent

déc

ou

-

verte

s et

qu

e l

’his

toir

e d

’un

e p

eti

te v

ille

ne s

oit

pas

décrit

e a

vec a

uta

nt

d’a

mp

leu

r

et

de d

éta

il q

ue c

ell

e d

’un

gra

nd

Éta

t et

histo

ires d

e l’I

nde,

faite

s à P

aris

d’ap

rès c

es

miss

ionn

aire

s qu

i ne

sava

ient

pas

la la

ngue

de

s bra

mes

. On

nous

répè

te d

ans c

ent é

crits

qu

e le

s Ind

iens

ado

rent

le d

iabl

e. D

es a

umô-

nier

s d’u

ne c

ompa

gnie

de

mar

chan

ds p

arte

nt

dans

ce

préj

ugé

; et d

ès q

u’ils

voi

ent s

ur le

s cô

tes

de C

orom

ande

l de

s fig

ures

sym

bo-

lique

s, ils

ne

man

quen

t pas

d’é

crire

que

ce

sont

des

por

traits

du

diab

le, q

u’ils

sont

dan

s so

n em

pire

, qu’

ils v

ont l

e co

mba

ttre.

Ils

ne

song

ent p

as q

ue c

’est

nous

qui

ado

rons

le

diab

le M

amm

on e

t qui

lui a

llons

por

ter n

os

vœux

à s

ix m

ille

lieue

s de

not

re p

atrie

pou

r en

obt

enir

de l’

arge

nt.

Pour

ceu

x qu

i se

met

tent

dan

s Pa

ris a

ux

gage

s d’u

n lib

raire

de

la ru

e Sa

int-J

acqu

es e

t à

qui l

’on

com

man

de u

ne h

istoi

re d

u Ja

pon,

du

Can

ada,

des

île

s C

anar

ies,

sur

des

mém

oire

s de

quel

ques

cap

ucin

s, je

n’a

i rie

n à

leur

dire

.C

’est

ass

ez q

u’o

n s

ach

e q

ue l

a m

éth

od

e

con

ven

ab

le à

l’h

isto

ire d

e s

on

pays

n’e

st

poin

t p

rop

re à

décrir

e l

es

décou

verte

s d

u

Nou

veau

-Mon

de ;

qu

’il

ne f

au

t p

as

écrir

e

sur u

ne p

eti

te v

ille

com

me s

ur u

n g

ran

d

em

pir

e ;

qu’

on n

e do

it po

int f

aire

l’hi

stoire

pr

ivée

d’u

n pr

ince

com

me

celle

de

Fran

ce

ou d

’Ang

lete

rre.

97040.indb 31397040.indb 313 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 46: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

314 EDHEM ELDEM

cümle�D

evlet-i�A

liyye-i�

mua

zzam

a�tarihi�

kadar�medd�ü�tatvil�

etm

emek

hu

susl

arı

nın

da

hi

fen

n-i

ta

rih

k

ava

id-i

m

üst

ah

sen

e-i

mer

iyye

sin

den

old

ukla

rı b

edih

idir

Heyhat�ki�şayan

-ı�ketb-i�sahife-i�zaman�olur�

havadisat�bu

lunm

ayan

�evkatde�m

anend-i�

na-saz-ı�tarif-i�baziçe-i�dest-efşan

�ü�resen-

baza�aga

z�ve�

tafs

il-i

ah

val-

i su

r u

ziy

afa

t ve

ka

yd

-ı s

ela

sil

ü t

evcih

atl

a r

üsu

m-ı

ma

lu-

me-

i dev

leti

bil

a t

a’i

l h

er b

ar

tekra

r ed

erek

kela

r ü

d

era

z eyle

mek

den

d

evle

t ü

ah

ali

sin

e n

e m

enfa

at

ü i

bre

t h

ası

la o

labil

ir

erç

i b

u z

ikr

olu

na

gele

n k

ava

id-i

za

bt-

ı

vek

ayi

ve

usu

l-ı

tert

ib-i

ta

rih

-i n

afi

‛ ek

ser

verr

ihle

rin

ke’n

-na

kşi

fi’

l-h

acer

men

-

ku

r-ı

levh

-i

ha

tırl

arı

ve

en

va

r-ı

asa

r-ı

erbab-ı

fazl

ü i

kti

dard

an

n‛a

kis

mir

’at-

ı

fula

d m

enazı

rları

olm

ise

de

tari

hi

kem

a

ve h

akku

hu

zabt

ü t

an

zim

e kadir

ver-

rih

ler

yin

e

pek

n

ad

ird

ir

Ma

lum

du

r k

i

tari

hde

bir

met

in v

e ‛i

yan

ve

ten

evvi

‛ ve

lati

f se

bk

ü i

ba

re o

lma

k v

e h

asb

e’l

-ah

va

l

elfa

z-ı

mer

mu

ze k

ull

an

mak l

azı

mdır

Hası

que

l’hist

oire

d’u

ne ré

gion

com

me

l’Égy

pte

ou B

agda

d so

us l

’adm

inis

tratio

n d’

un d

es

puiss

ants

vizi

rs d

e l’É

tat

ou d

’une

prin

ci-

paut

é va

ssal

e ou

d’u

n él

ecto

rat

tels

la

Val

achi

e et

la M

olda

vie

ne s

oit

pa

s a

uss

i

lon

gu

e e

t d

év

elo

pp

ée q

ue c

ell

e d

u g

ra

n-

dio

se É

tat

Su

bli

me t

ou

t en

tier.

Hél

as, q

uel

le u

tili

té e

t q

uel

exem

ple

peu

t-il

y

av

oir

p

ou

r

l’É

tat

et

sa

po

pu

lati

on

lorsq

ue,

man

quan

t d’

évén

emen

ts d

igne

s d’

être

insc

rits

dans

les

page

s du

tem

ps, o

n

co

mm

en

ce à

décrir

e, c

omm

e on

le

fera

it av

ec d

es j

ongl

eurs

et

leur

s jo

uets

ou

des

funa

mbu

les,

le d

éta

il d

es

cir

con

stan

ces

des

fête

s et

récep

tion

s et

qu

e l

’on

rép

ète

in

u-

tile

men

t en

lo

ng

et

en

la

rg

e l

es

pro

ces-

sion

s et

les

hon

neu

rs a

insi

qu

e le

s cé

rém

o-

nie

s b

ien

con

nu

es

de l

’Éta

t ?

Bie

n q

ue l

es

règ

les

précit

ées

co

ncern

an

t

l’en

reg

istr

em

en

t d

es

év

én

em

en

ts

et

la

méth

od

e d

e c

om

po

ser u

ne h

isto

ire u

tile

soie

nt

gravées

dan

s la

mém

oir

e d

e l

a p

lu-

pa

rt

des

his

torie

ns

et

qu

’ils

aie

nt

vu

le

mir

oir

d’a

cie

r r

efl

éta

nt

les

lum

ières

des

œu

vres

des

au

teu

rs

ple

ins

de s

agess

e e

t d

e

forc

e, l

es h

isto

rien

s ca

pab

les

d’e

nre

gis

trer

et

de c

om

pose

r l

’his

toir

e c

om

me i

l se

doit

son

t q

ua

nd

mêm

e b

ien

ra

res.

Il

est

bie

n

con

nu

qu

’en

his

toir

e i

l fa

ut

un

récit

et

un

Si

vo

us

n’a

vez a

utr

e c

ho

se à

no

us

dir

e,

sino

n qu

’un

barb

are

a su

ccéd

é à

un a

utre

ba

rbar

e su

r le

s bo

rds

de l

’Oxu

s et

de

l’Iax

arte

, en

q

uo

i ête

s-v

ou

s u

tile

a

u

pu

bli

c ?

Ces

règle

s so

nt

ass

ez c

on

nu

es

; m

ais

l’a

rt

de b

ien

écrir

e l

’his

toir

e s

era t

ou

jou

rs

très

ra

re.

On

sa

it

ass

ez

qu

’il

fau

t u

n

sty

le

gra

ve,

pu

r,

va

rié

, a

gréa

ble

. Il

en

est

des

lois

pou

r é

crir

e l

’his

toir

e c

om

me d

e c

ell

es

de t

ou

s le

s arts

de l

’esp

rit

; b

eau

cou

p d

e

précep

tes

et

peu

de g

ran

ds

arti

stes.

[…]

97040.indb 31497040.indb 314 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 47: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 315ta

hri

r-i

tari

hin

kava

idi

sair

cem

i‛-i

san

ayi

-i

akli

yyen

in k

ava

id ü

ava

idi

gib

idir

ler

am

ma

gerç

i h

er

piş

e v

e h

ün

erd

e k

ava

id v

e u

sul

teaddid

ve

ekse

rdir

Lakin

üst

ad-ı

kâm

il

ve h

ün

erv

er

yin

e d

aim

a a

ka

ll ü

en

derd

ir�

Hatta�bu�mukad

dimatda

�tarif�ü�takrir�olu-

nan�kavaid-i�mühimme-i�d

ilpezir�ve�fevaid-i�

azime-i�iksir-nazirden�müverrih-i�p

ür-ta

ksi-

rin�

dahi�kıllet-i�

bezaası�sebebiyle�acz�ü�

kusuru�(k

albü’l-ahmaki�fî�fihi�v

e�lisanü’l-â

-kıli�

fi�ka

lbihi)�mısda

kınc

a�asarında

n�malum

-ı�erba

b-ı�fühu

m�olur�bir�

man

a�olmağla�nükteşinas-ı�h

akayık-ı�ulum

�ve�aşi-

na-yı�ima-yı�fü

hum�olan�fuzala-yı�n

ısfet-in-

timadan�kusur�u�küsuruna�afv�ile�m

uamele�

buyurulacağı�hüveyda�ise�de�m

üstercadır

tex

te f

orts

et

cla

irs

et

va

rié

s et

pla

isa

nts

et,

se

lon

le

s ca

s,

des

pa

ro

les

all

usi

ves.

Bref,

les

règ

les

de l

’écrit

ure e

n h

isto

ire

son

t le

s m

êm

es

qu

e l

es

règle

s et

cou

tum

es

des

au

tres

arts

de l

’esp

rit

, m

ais

bie

n q

ue

les

règle

s et

mét

hod

es d

e to

ute

s le

s p

rofe

s-

sion

s et

de t

ou

s le

s arts

soie

nt

nom

breu

ses

et

va

rié

es,

les

ma

îtres

pa

rfa

its

et

do

ués

son

t to

ujo

urs

peu

nom

breu

x e

t rares.

D’a

illeu

rs, e

n ra

ison

du p

eu d

e co

nnai

ssan

ce

que

l’hist

orie

n pl

ein

de d

éfau

ts qu

e je

suis

a de

s règ

les i

mpo

rtant

es q

ui c

onqu

ière

nt l’

âme

et d

es g

rand

s av

anta

ges

sem

blab

les

à un

él

ixir

prés

enté

s dan

s cet

te in

trodu

ctio

n, c

’est

chos

e év

iden

te q

ue, s

elon

le d

icto

n (l’

idio

t a

le c

œur

sur l

a la

ngue

, tan

dis q

ue le

sage

a la

la

ngue

sur

le

cœur

), m

a fa

ible

sse

et m

es

erre

urs

appa

raîtr

ont d

ans

mes

œuv

res

au v

u de

s gen

s de

savo

ir. Il

est

donc

évi

dent

, mai

s au

ssi

prié

, qu

e le

s fin

s co

nnai

sseu

rs d

es

scie

nces

et l

es sp

écia

liste

s des

illu

stres

allu

-sio

ns q

ue so

nt le

s sag

es p

lein

s d’é

quité

vou

-dr

ont

bien

me

pard

onne

r m

es n

ombr

euse

s fa

utes

.

97040.indb 31597040.indb 315 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 48: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

316 EDHEM ELDEM

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Ahmed Cevdet Paşa, Ta’rîh-i�Cevdet, vol. I, Istanbul, Matbaa-i Osmaniye, 1302 (1885) ; vol. VI, 1309 (1892) ; vol. XI et XII, 1301 (1884).

Balcı (Sezai), « Bir Osmanlı-Ermeni Aydın ve Bürokratı: Sahak Abro », in İbrahim Erdal, Ahmet Karaçavuş dir., Osmanlı�Siyasal�ve�Sosyal�Haya-tında�Ermeniler, Istanbul, IQ Kültür Sanat Yayıncılık, 2009, p. 105-138.

Bianchi (Thomas-Xavier), Notice�sur�le�premier�ouvrage�d’anatomie�et�de�méde-cine� imprimé� en� turc, Paris, L.-T. Cellot, 1821 ; reprod. dans Aykut Kazancığil, XIX.�Yüzyılda�Osmanlı�İmparatorluğu’nda�Anatomi�Şanizade-Bianchi, Istanbul, Özel Yayınlar, 1991, p. 33-80.

Bossut (Charles), Cours�de�mathématiques�à�l’usage�des�élèves�du�corps�royal�du�génie, Paris, C.-A. Jombert, 1781-1782, 3 vols.

Eldem (Edhem), « El-hayretü’l-azime fi’l-intihalati’l-garibe: Voltaire ve Şanizade Mehmed Ataullah Efendi », Toplumsal�Tarih 237, sept. 2013, p. 18-28.

Friedrich II, Des�Königs� von�Preussen�Majestät:�Unterricht� von� der�Kriegs-Kunst� an� seine�Generals, Francfort-Leipzig, 1761 [URL : vd18.de/de-bsb-vd18/content/pageview/31853486, dernier accès : 17/05/2014].

Frédéric II, Instruction�militaire�du�roi�de�Prusse�pour�ses�généraux,�traduite�de�l’allemand�par�M.�[Georg Rudolf]�Faesch, Francfort-Leipzig, J. G. Eslin-ger, 1761.

Handjéri (Alexandre), Dictionnaire�français-arabe-persan�et�turc, Moscou, Uni-versité impériale, 1841, t. II

Michaud (Joseph-François), Poujoulat (Jean-Joseph-François), Correspondance�d’Orient,�1830-1831, Paris, Ducollet, 1833, vol. II.

Münif Efendi trad., Muhâverât-i�Hikemiye, Istanbul, Cerîdehâne Matbaası, 1276 (1859)

Neumann (Christoph), Das� indirekte�Argument,�ein�Plädoyer� für�die�Tanzīmāt�vermittles�der�Historie�–�die�geschichtliche�Bedeutung�von�Ahmed�Cevdet�Paşas�Ta’rīh, Munster-Hambourg, Lit Verlag (coll. Periplus�parerga 1), 1994.

Neumann (Christoph), Araç�Tarih�Amaç�Tanzimat, Istanbul, Tarih Vakfı Yurt Yayınları, 1999.

Özege (M. Seyfettin) éd., Eski� Harflerle� Basılmış� Türkçe� Eserler� Kataloğu, Istanbul, Fatih Yayınevi Matbaası, 1971-1979.

Öztürk (Nurettin), « XIX. Yüzyıl Türk Edebiyatında Voltaire ve Rousseau Çevirileri », Pamukkale�Üniversitesi�Eğitim�Fakültesi�Dergisi XII, 2002.

Raczyński (Edward), Dziennik�Podróży�do�Turcyi�odbytey�w�roku�MDCCCXIV, Wrocław, Wilhelm Bogumił Korn, 1823.

Raczynski (Edward), 1814’de� İstanbul� ve�Çanakkale’ye� Seyahat, trad. Kemal Turan, Istanbul, Tercüman: 1001 Temel Eser, 1980.

Şanizade� [Mehmed Ataullah Efendi], Tarihi, vol. I, Istanbul, 1284 (1867) ; vol. II, Istanbul, Trabzonlu Bakırcıbaşı Mehmed Efendizade Süleyman Efendi Matbaası, 1290 (1873) ; vol. III, Istanbul, Ceride-i Havadis Matbaası, 1291 (1874) ; vol. IV, Istanbul, [Ceride-i Havadis Matbaası,] [1291 (1874)].

97040.indb 31697040.indb 316 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 49: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

DÉBUT DES LUMIÈRES OU SIMPLE PLAGIAT ? 317

Şânî-zâde�[Mehmed Ataullah Efendi],�Târîhi�[Osmanlı�Tarihi�(1223-1237/1808-1821),] éd. Ziya Yılmazer, Istanbul, Çamlıca, 2008.

Störck (Anton Freyhern von), Medicinisch-praktischer�Unterricht� für�die�Feld�und�Landwundärzte�der�österreichischen�Staaten, Vienne, Trattner, 1776.

Strauss (Johann), « The Millets and the Ottoman Language : the Contribution of Ottoman Greeks to Ottoman Letters (19th-20th Centuries) », Die�Welt�des�Islams 35/2, 1995, p. 189-249 [URL : www.jstor.org/stable/1571230, dernier accès : 17/05/2014].

Toderini (Giambattiste),�De�la�littérature�des�Turcs, trad. Antoine�de Cournand, Paris, Poinçot, 1789, vol. I.

[Voltaire,] « De l’histoire », in id., Contes�de�Guillaume�Vadé[, Genève, Cramer] (coll.�Complette�des�œuvres�de�Mr.�de�Voltaire V), 1764, p. 255-262.

Voltaire, « Histoire », in Encyclopédie,�ou�dictionnaire�raisonné�des�sciences,�des�arts�et�des�métiers,�par�une�société�de�gens�de�lettres�:�mis�en�ordre�&�publié�par�M.�Diderot�[…]�;�[…],�par�M.�D’Alembert, vol. VIII, Paris, Briasson, [1765,] p. 220-225.

[Voltaire,] « De l’histoire », in id., Mélanges�philosophiques,�littéraires,�histo-riques,�&�c., t. II, Genève, Cramer (coll.�Complette�des�œuvres�de�Mr.�de�Voltaire XV), 1771a, p. 382-387.

[Voltaire,] « De l’histoire », in Voltaire, Questions�sur�l’Encyclopédie�par�des�amateurs, t. VII, [Neuchâtel, Société typographique,] 1771b, p. 17-89.

Voltaire, « Histoire », Œuvres� complètes� de� Voltaire, t. XLII, Dictionnaire��philosophique, t. VI, [Kehl,] Société littéraire-typographique, 1785, p. 249-288.

Voltaire, « Le pyrrhonisme de l’histoire, par un bachelier en théologie (1768) », in Œuvres� de� Voltaire� avec� préfaces,� avertissements,� notes,� etc.,� par�M.�Beuchot, t. XLIV, Mélanges, t. VIII, Paris, Firmin Didot frères, 1831, p. 383-485.

Voltaire, Hikâye-i�Hikemiye-i�Mikromega, trad. Ahmed Vefik Pacha, Istanbul, İst. Bâb-ı Âlî Karşısında 57 Adetlu Matbaa, 1288 (1872).

Voltaire,�Œuvres�complètes�:�nouvelle�édition�avec�notices,�préfaces,�variantes,�table�analytique…�-XIX-�Dictionnaire�philosophique, t. III, Paris, Garnier frères, 1879

Voltaire, « Histoire », in�id., Œuvres�complètes, p. 346-370.Voltaire, « Historiographe », in�id.,�Œuvres�complètes, p. 370-373.Zülfikar (Mükerrem Bedizel), Tabîp� Şânî-zâde�Mehmed� Atâullah:�Hayatı� ve�

Eserleri, Istanbul, Özel Yayınlar, 1991.

97040.indb 31797040.indb 317 12/08/14 14:3912/08/14 14:39

Page 50: Début des Lumières ou simple plagiat? La très voltairienne préface de l’histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi

318 EDHEM ELDEM

Edhem Eldem, Début� des� Lumières� ou� simple� plagiat� ?� La� très� voltairienne�préface�de�l’Histoire�de�Şanizade�Mehmed�Ataullah�Efendi

L’Histoire de Şanizade Mehmed Ataullah Efendi (Şanizade�Tarihi), rédigée dans les années 1820 et publiée près de cinquante ans plus tard, est précédée d’une préface (mukaddime) qui comporte des indices d’une influence occiden-tale. Une étude systématique du texte en question révèle qu’au-delà d’une inno-cente inspiration, Şanizade était allé jusqu’à plagier l’article « Histoire » que Voltaire avait rédigé pour l’Encyclopédie et retravaillé par la suite. Étant donné la réputation d’agent de modernité de Şanizade, la question est de savoir si cet acte, bien que peu honnête, pourrait être interprété comme un hommage discret à Voltaire et un désir d’exposer le public ottoman à l’enseignement des Lumières. Si l’étude de la préface révèle effectivement qu’il s’agit d’une adaptation plutôt que d’une traduction fidèle, il apparaît bien vite que l’objectif poursuivi, loin de vouloir faire connaître la pensée du philosophe, consistait au contraire à la déna-turer afin de la rendre compatible avec l’idéologie et la culture politique otto-manes de l’époque. Il en résulte donc un texte défiguré par des rajouts, des omissions et des distorsions et qui, tout en dévoilant les limites intellectuelles et l’opportunisme de Şanizade, montre à quel point une étude critique des textes ottomans de cette période reste à faire.

Edhem Eldem, Early�Enlightenment�or�Mere�Plagiarism?�The�Very�Voltairian�Preface�of�Şanizade�Mehmed�Ataullah�Efendi’s�History.

Şanizade Mehmed Ataullah Efendi’s History (Şanizade�Tarihi), penned in the 1820s and published almost fifty years later, starts with a preface (mukaddime) bearing traces of a probable western influence. A systematic analysis of this text shows that far beyond an innocent inspiration, Şanizade had gone so far as to plagiarize Voltaire’s article on “History,” which he had written for the Encyclo-pédie and later reworked. Given Şanizade’s reputation as an agent of modernity, one may wonder whether this may have been a covert homage to Voltaire, toge-ther with an attempt to expose the Ottoman public to the teachings of the Enligh-tenment. Although a close look at the preface does indeed reveal that this was an adaptation rather than a faithful translation, it also appears that Şanizade’s actual intent, far from introducing the philosopher’s ideas, was to alter it com-pletely in order to render it compatible with the Ottoman ideology and political culture of the time. The result is a text disfigured by additions, omissions, and distortions, and which, apart from revealing Şanizade’s intellectual limits and opportunism, shows to what extent a critical study of Ottoman texts of the period is still wanting.

97040.indb 31897040.indb 318 12/08/14 14:3912/08/14 14:39