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1 Colloque international sur la « Crise financière internationale, Ralentissement économique mondial et Effets sur les économies euro-maghrébines. » Samedi 10 & Dimanche 11 Octobre 2009 Communication portant sur le thème : Crise financière : l’information comptable est-elle coupable ? Dr. Aoumeur AKKI ALOUANI Maître de conférences Faculté des Sciences Economiques et des Sciences de Gestion Université Ferhat ABBAS Sétif
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Crise financière: l'information comptable est-elle coupable?

Nov 09, 2022

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Colloque international

sur la

« Crise financière internationale, Ralentissement économique mondial et Effets sur les économies euro-maghrébines. »

Samedi 10 & Dimanche 11 Octobre 2009

Communication portant sur le thème :

Crise financière : l’information comptable est-elle coupable ?

Dr. Aoumeur AKKI ALOUANI

Maître de conférences

Faculté des Sciences Economiques et des Sciences de Gestion

Université Ferhat ABBAS

Sétif

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Plan du texte

Introduction I – Explication de la crise

I-1- Facteurs financiers I-1-1- Politiques monétaires I-1-2- Crédits hypothécaires à risque I-1-3- Titrisation I-1-4- Déréglementation, désintermédiation I-1-5- Mondialisation

I-2- Facteurs économiques I-3- Facteurs politiques I-4- Facteurs socioculturels

II – Information financière : pertinence ou fiabilité, valeur ou coût II-1- Aperçu historique de l’évolution de la comptabilité et des méthodes d’évaluation II-2- Représentation du monde réel

II-2-1- Le système comptable II-2-2- D’une représentation fiable à une information pertinente

II-3- Problèmes d’évaluation en comptabilité II-4- L’évaluation à la juste valeur

III – La juste valeur et la crise IV– Normalisation comptable : cas de l’Algérie

IV-1- l’Algérie face à la normalisation comptable internationale IV-2- Normalisation comptable algérienne et la crise

Conclusion Bibliographie

Résumé :

La crise 2007-2008 est une crise systémique. Elle touche essentiellement un système financier mondialisé, social, ouvert et complexe où chaque facteur, qu’il soit déclencheur ou d’exaspération, est en même temps la cause et l’effet d’une relation causale complexe et dynamique. Les marchés financiers sont intrinsèquement pro cycliques. Par conséquent, tous les autres facteurs ne font qu’accélérer la tendance, qu’elle soit de crise ou d’euphorie. La normalisation comptable ne peut être seule tenue responsable, même si des améliorations techniques sont nécessaires pour l’assouplir et faciliter sa compréhension et sa mise en œuvre. La crise est le résultat d’un déséquilibre profond dans le fonctionnement du système. L’asymétrie informationnelle structurelle est à l’origine d’une perte de confiance à tous les niveaux de la décision dans les marchés et institutions financières. Une bonne information comptable est un facteur d’efficience des marchés.

: خ�صة

تمس أساسا . هي أزمة نظام بكامله 2008-2007أزمة

مفتوح ومعقد حيث كل عامل تأثير نظام مالي عالمي، اجتماعي،

هو السبب والنتيجة في نفس الوقت لعالقات ) مسبب أو معمق(

األسواق المالية هي في طبيعتها تساير . معقدة وديناميكية ،دائرية

ولذلك، فإن جميع العوامل . )pro cyclique(االتجاهات الدورية

أزمات كانت ، سواء ااتجاهاتهتسريع سبب في األخرى ليست سوى

وبالتالي ال يمكن أن يحمل التنميط العالمي وحده .ازدهارأو

رغم انه في حاجة إلى تحسينات تقنية للتخفيف من . المسؤولية

األزمة . إجراءاته وتبسيطه ليسهل تطبيقه والتأقلم مع الواقع الميداني

التمثل و .هي نتيجة اختالل عميق في تسيير النظام الماليالحالية

L’asymétrie informationnelle(ألمعلوماتي الهيكلي

structurelle( هو السبب في فقدان الثقة في جميع مستويات اتخاذ

معلومة محاسبية جيدة .المؤسسات الماليةفي القرار في األسواق و

.تكون عامل كفاءة األسواق

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Introduction

La crise financière, qui a débuté au printemps 2007 aux Etats Unis d’Amérique avec la crise du marché américain des crédits hypothécaires à risque (subprime) a entraîné des pertes et des faillites en chaîne. HSBC1 est la première à déclarer une perte de $ 10.5 milliards de dollars en février sur ses CDO ou MBO. Elle est suivie en Août par une chute importante de l’indice Dow Jones. En septembre des pertes dépassant les quatre trillions de dollars pour l’année fiscale 2007 sont enregistrées par les cinq plus grandes banques d’investissement américaines. Certaines ont même déclaré faillite, comme Lehman Brothers et l’American Home Mortgage (AHM) ; ou revendues à un prix symbolique, comme Bear Stearns et Merrill Lynch. C’est ainsi que l’instabilité du système financier mondial a commencé.

La crise est une crise de confiance. Elle s’est considérablement accélérée en 2008. Elle est considérée comme la plus grave depuis la grande dépression de 1929. La crise asiatique qui a débuté en Thaïlande au milieu de l’année 1997 a déjà été comparée à la grande dépression de 1929-1933 ( Olivier Davanne, 1998), mais la crise actuelle est encore plus grave. Elle est exceptionnelle et systémique. Elle est exceptionnelle, car elle intervient en même temps que l’accélération de la mondialisation qui lui a permit d’atteindre des proportions démesurées (R. Amzallag, 2009) dans un temps record. Elle est systémique car elle touche l’ensemble des activités et des secteurs. Aucun pays n’est épargné par cette crise sachant particulièrement que les USA sont les plus gros emprunteurs du monde. Elle est profonde, évolutive et dramatique avec des conséquences sur toutes les catégories sociales de tous les pays du monde. Ses effets, qui sont déjà considérables, seront probablement multiples et durables. La vitesse et la gravité des événements qui ont caractérisé cette crise ont été un choc pour le secteur financier et les décideurs politiques aux USA et par la suite à travers tous les pays développés.

Les places financières, en perdant confiance, sont devenues très pessimistes et très nerveuses, à l’origine d’une grande instabilité des cours et un assèchement des crédits (credit crunch).

Le pessimisme généralisé a provoqué des baisses de valeur importantes dans tous les marchés financiers, non seulement celui des «subprimes». Par manque de transparence et effet de contagion, la baisse a touché même les valeurs solides, celles qui n’ont pas montré une augmentation des défauts de paiement. Les banques se suspectent mutuellement de détenir des titres ‘toxiques’, refusant de s’accorder les crédits. De plus, Ces pertes ont provoqué des faillites, fusions, nationalisation d’institutions financières de par le monde; elles ont diminué le capital des institutions financières, ce qui restreint grandement leur capacité de fournir du crédit aux entreprises et aux ménages. L’asymétrie informationnelle est à l’origine du déficit de transparence, donc de méfiance.

Pour beaucoup d’observateurs, cette crise était prévisible, mais aussi bien les décideurs politiques (aveuglés par l’ultra libéralisme et la capacité du marché à s’autoréguler) que les acteurs du système financier (pris par l’engrenage du profit à court terme et l’appât du gain) n’a vu venir. Les prises de risques excessives et les comportements qualifiés de super spéculatifs des principaux acteurs financiers devaient, au vu des crises précédentes, tôt ou tard se terminer par une crise. Son étendu et son ampleur sont le résultat d’un certains nombre de facteurs aggravants comme par exemple les erreurs de la stratégie décisionnelle des autorités politiques américaines, les accords de Bale II, fortement pro-cycliques, aggravés par la généralisation de la juste valeur pour valoriser les actifs financiers détenus pour la vente.

1 HSBC est le plus grand prêteur subprime aux Etats-Unis.

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Pour beaucoup, « les prêts ‘subprime’ ne sont pas la cause de la crise financière mais un déclencheur et possiblement que la partie visible d’un iceberg financier » (Allaire, 2008). En effet, malgré l’importance du marché immobilier, même son effondrement ne peut en lui seul provoquer une crise systémique de cette gravité. La crise a été révélatrice de profonds dysfonctionnements dans la sphère financière. Les problèmes auraient pu être décelés bien avant la crise, mais personne ne pensait que les prix de l’immobilier, qui s’appréciaient sans discontinuité entre 2003 et 2005, pouvait un jour chuter (Demyanyk et Van Hemert, 2008).

Avec les innovations financières de plus en plus complexes pour rémunérer des flux de plus en plus grands de capitaux, la dévalorisation des normes de crédits, les transactions de gré à gré (over the counter) sans aucune garantie ni assurance adéquate ont provoqué une crise d’une nature profonde et structurelle.

Les facteurs à l’origine de cette crise sont nombreux. Les observateurs ne sont pas parvenus à ce jour à faire un inventaire exhaustif. Crouhy, Jarrow et Turnbull (2008) énumèrent quelques uns dont la « recherche de profits à court terme, motivations des agences de notation, chute des standards d’octroi de crédits, mauvaise gouvernance des institutions financières, manque de transparence des marchés financiers, complexité des instruments financiers, échecs des institutions de régulation à gérer l’environnement du système financier ». Alors que Trachtman (2009) préfère ne citer que certains facteurs économiques et politiques, pensant que « cette crise est due à l'interaction complexe d'une mauvaise gestion macro-économique, d’une réglementation financière incomplète et d'une gouvernance inadéquate des entreprises ». Pour Davanne (1998) et aussi Baily et Litan (05-2009), se sont les banques et les autres institutions financières qui ont pris des risques excessifs sur les marchés financiers. D’autres culpabilisent d’autres facteurs comme la normalisation comptable et le principe de la juste valeur. En effet, selon Allaire (2008), « une cause technique de la crise financière, s’ajoutant aux causes premières que sont la cupidité, l’appât du gain, l’insoutenable absence de réglementation des dérivés de crédit et l’arrogance de soi-disant ‘génies de la finance’, provient de l’application généralisée du principe comptable de la ‘juste valeur’ (Mark to Market). Ce principe comptable est approprié en certaines circonstances mais ses effets furent imprévus et pervers dans le monde financier que les ‘ingénieurs’ de la finance nous ont construit». Pour beaucoup enfin, se sont les comportements de spéculation et de prédation des principaux acteurs de la finance internationale qui sont à l’origine de la bulle et de son effondrement...

La relation de cause à effet est dans les systèmes complexes inexistante. Chaque facteur est en même temps cause et effet d’un ou plusieurs autres facteurs. C’est une relation circulaire.

L’objet de cette communication est de voir en quoi la normalisation comptable actuelle, décriée par un grand nombre d’opérateurs économiques, et particulièrement le principe de ‘la juste valeur’, est responsable de l’aggravation de cette crise. Comme l’impact de la normalisation comptable ne peut être expliqué que dans le contexte général, la crise est d’abord expliquée dans une première section. Les facteurs déclencheurs, et les facteurs d’exacerbation sont analysés. Sachant que la ‘juste valeur’ est une technique qui permet de représenter, en amont du système comptable, l’état du patrimoine et la performance des entreprises, et produire en aval une information pertinente et fiable utile aux parties prenantes, le concept de représentation et d’information seront étudiés dans une deuxième section en expliquant les différentes techniques d’évaluation (représentation), dont la ‘juste valeur’, ainsi que les différentes parties destinataires de l’information financière. Enfin, la relation entre l’évaluation au prix du marché et la crise sera analysée dans une troisième section, avant de voir, à la lumière de ce qui précède, les difficultés qu’aura à affronter l’économie algérienne à la veille de l’application par l’Algérie du nouveau système comptable financier prévue pour le premier janvier 2010.

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I – Explication de la crise :

La crise actuelle est une crise systémique. La crise des ‘subprimes’, n’est que l’étincelle qui a failli faire sauter tout le système. Les facteurs déclencheurs ou d’exacerbation sont multiples. Le système financier mondialisé est un système social, ouvert et complexe. Il est de ce fait impossible de déterminer des relations de causes à effets directes. Les relations entre les différents facteurs sont du type circulaire. Chaque facteur est en même temps la cause et l’effet d’une relation causale complexe et dynamique. C’est pourquoi les analystes n’arrivent pas à se mettre d’accord sur telle ou telle cause. Chacun désigne l’autre comme coupable. Pour les institutions qui ont souffert des effets de cette crise, c’est la faute à la normalisation comptable. Pour les investisseurs et les normalisateurs comptables, c’est la faute à l’irresponsabilité des institutions financières.

En faite, les origines de la crise financière actuelle sont nombreuses. Il y a ceux qui relèvent de l’environnement des affaires après la crise des valeurs boursières de 2001 (taux d’intérêt anormalement bas, encouragement de la consommation, donc de l’endettement des ménages, des entreprises et de l’Etat…). D’autres sont dues à l’hégémonie d’un système politique néolibéral au service du capital (mondialisation, déréglementation, recherche du profit, politiques à court terme, lobbying du congrès américain…). Enfin, un certains nombre de facteurs ne sont pas la cause directe de cette crise, mais ont contribué à son exaspération, telle la méthode d’évaluation des actifs financiers ou le déficit décisionnel des autorités américaines.

Sans être exhaustif, le schéma 1 de la page suivante reprend les principaux facteurs qui ont transformé l’éclatement de la bulle immobilière en crise systémique mondiale.

Schéma 1 : les différents facteurs expliquant la crise financière 2007-2008

Source : production de l’auteur.

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I-1- Facteurs financiers :

Les facteurs financiers sont nombreux, les plus importants sont les innovations financières de plus en plus complexes avec comme objectif de placer les surplus de liquidité à des taux de rentabilité élevés, la déréglementation, la désintermédiation, le décloisonnement et des politiques monétaires conjoncturelles…

I-1-1- Politiques monétaires :

Le taux d’intérêt de référence de la banque fédérale américaine est responsable autant de la formation de la bulle que de son éclatement. En effet, après la crise boursière de 2000, l’économie réelle est durement touchée par une chute importante des investissements et une augmentation du chômage. Pour éviter de rentrer en récession, les autorités américaines ont opté pour une politique de stimulation de la demande par le crédit. La banque fédérale a ramené le taux de référence de 6,5% en 2001 à moins de 1% en 2003. C’est ce taux, anormalement bas (inférieur au taux d’inflation, donc négatif), qui a encouragé l’endettement des ménages, des entreprises et de l’Etat. D’un autre côté, les détenteurs de liquidités (banques, actionnaires, fonds souverains, fonds de pension et bien d’autres) tant interne que ceux venant de l’extérieur à la recherche de rentabilité élevée, ont cherché d’autres sources d’emplois plus rémunérateurs. Cet ‘argent facile’ associé à la volonté de gagner toujours plus a poussé les institutions financières à prendre des risques excessifs sur les marchés financiers (Davanne, 1998). D’où, la facilité d’octroi de crédits hypothécaires de toutes sortes, et la mise en place de produits dérivés à des conditions très favorables, même à des familles à faible revenu, ce qui a permis la formation de la bulle immobilière.

C’est aussi le même taux d’intérêt qui est à l’origine de l’éclatement de cette bulle et l'effondrement des crédits hypothécaires à risque. A partir de 2006, le taux de référence a repris sa montée (de 1% en 2004 à plus de 5% en 2006). Les charges financières des emprunts se sont considérablement alourdies avec pour certains crédits à risque des taux dépassant les 15%, voir plus.

La Fed a augmenté le taux de référence pour plusieurs raisons. La première est une réaction à la baisse de la valeur du dollar par rapport à d’autres devises, particulièrement l’Euro. La deuxième, pour placer les bonds du trésor US à l’étranger pour financer leur budget, déjà largement déficitaire. Enfin pour tenir compte de l’évolution de l’inflation et de la croissance américaine.

Les emprunteurs, souvent à très faible revenus et fortement endettés se trouvent, pour un grand nombre d’entre eux, dans l’impossibilité d’effectuer le service périodique de leur dette. Cette situation est qualifiée de “payement shock”. Avant l’éclatement de la bulle immobilière, l’emprunteur en difficulté arrivait facilement à repousser les échéances en empruntant à nouveau tant que le ‘loan to value ratio’ est inférieur à un. Mais avec la chute du prix des logements, cela n’a plus été possible. S’il ne pouvait pas payer, son bien est saisi. Environ un million d’emprunteurs ont, fin Août 2007, perdu leur logement. Le taux de défaillance de paiement sur les crédits ‘subprime’ dépassait, à cette période, les 15%.

La chute des prix s’est ainsi auto alimentée avec l’augmentation des défaillances et des saisies.

I-1-2- Crédits hypothécaires à risque :

Les crédits hypothécaires à risque appelés ‘subprime’ sont une innovation financière consentis à des ménages à la solvabilité fragile pour permettre à de petits salariés, voire chômeurs, de devenir propriétaires. Ces crédits, appelés ‘adjustable rate mortgages ou subprime ARMs’, sont

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remboursables, avec des taux qui varient à partir de la deuxième ou la troisième année de l’octroi du crédit. Ils comportent des taux d'intérêt usuraires et des frais élevés, sur des durées très longues pouvant atteindre 50 ans ou plus. En hypothéquant le bien acheté, la banque est, en principe, assurée du remboursement de son prêt en cas de défaillance de l’emprunteur, sauf si le prix du bien hypothéqué chute en dessous du montant de l’emprunt. C’est le cas de la crise des ‘subprime’ actuelle. Ces prêts sont octroyés par les banques commerciales aux groupes d’emprunteurs qualifiés de NINJA (no income, no job and no asset).

I-1-3- Titrisation :

Ces prêts son ensuite transformés en titres pour les rendre liquides et pouvoir ainsi octroyer d’autres crédits tout en se débarrassant du risque de défaillance de l’emprunteur. « Les risques de défaillances liés à ces crédits sont, pour les banques, réduits par la création de nouveaux instruments » ( Zeynep Stille)2. D’habitude, en octroyant un crédit, la banque attend la date d’échéance pour obtenir son remboursement. C’est le modèle appelé ‘originate to hold’. Avec la titrisation du prêt, la banque se débarrasse du crédit et du risque de défaillance en le transformant en titre négociable sur le marché financier ou vendu au gré à gré (‘over the counter’). C’est le modèle appelé ‘originate to distribute’. Dans ce cas, la banque à l’origine du prêt s’inquiète peu de la solvabilité de l’emprunteur. Pour Ben Bernanke gouverneur de la banque fédérale américaine, le modèle ‘originate to distribute’ est la racine de cette crise3.

Ces prêts sont ensuite vendus à des banques d’investissement comme Fannie Mae et Freddie Mac qui les transforment en titres négociables. Chaque titre, appelé CDO (Collateral Debt Obligation), regroupe un certains nombre de prêts (package) avec des niveaux de risques différents (prime, Alt-A et subprime).

Par absence de transparence, la titrisation, les produits dérivés, les ventes de gré à gré sans aucune garantie et les ‘véhicules’ en hors bilan ont ajouté du risque aux subprimes. Ces instruments financiers opaques et risqués sont qualifiés de « shadow banking system ». L’absence d’information sur la composition de ces produits et leurs répartition dans le monde entier sont l’une des principales causes de la crise systémique,4 contaminant l’ensemble des institutions et places financières dans le monde entier.

I-1-4- Déréglementation, désintermédiation :

« La désintermédiation, la déréglementation et la libéralisation financières ainsi que la titrisation sont probablement les évolutions les plus marquantes observées sur les marchés de capitaux au cours de la dernière décennie. Elles ont non seulement profondément modifié le paysage financier mais également le contour de la liquidité. » ( CLERC L., 02-2008)

La déréglementation financière initiée au cours des années 1980 ainsi que la fin des parités fixes de change sont à l’origine de plusieurs crises : le krach de Wall Street en octobre 1987, la crise des caisses d’épargne américaines5, la crise du système monétaire européen de 1993, la débâcle

2 "Le risque élevé de défaut de paiement liés à ces crédits a été réduite par la création de nouveaux instruments pour les banques." (Stille Zeynep) 3Discours prononcé au G-7 à Washington en avril 2008, (Michel G. Crouhy, Robert A. Jarrow and Stuart M. Turnbull) 4 Kaufman et Scott (2000) définit le risque systémique comme étant "le risque ou la probabilité de crise d’un système

tout entier, plutôt que des crises dans certaines parties ou composants." 5 Le coût de la crise des Caisses d’épargne américaines à la fin des années 1980 a représenté 3.5% du PIB. (Miotti et Plihon, 2000)

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russe ainsi que celle du Mexique en 1995, celle de nombreux Etats d’Asie du sud-est et d’Amérique latine (1997-1998), de la « nouvelle économie » en 2001 avec l’éclatement de la « bulle Internet » en 2001-20026 (Le Monde Diplomatique, mercredi 8 août 2007). Pour Plihon (2000), « l’origine des crises peuvent être expliquées, en grande partie, par les comportements spéculatifs des banques induits par la libéralisation financière». En effet, les plus grandes banques à travers le monde ont créé leurs ‘dealing rooms’, à l’exemple de la Société Générale, où des centaines de milliards de dollars sont quotidiennement engagés dans des opérations spéculatives.

Avec la désintermédiation, le système bancaire n’est plus seul à offrir du crédit. D’autres institutions financières non bancaires sont venues concurrencer les banques en mettant de la liquidité en circulation. « Cette ‘finance facile’ a, d’un autre côté, exacerbé la tentation des investisseurs de prendre davantage de risques et d’avoir plus largement recours à l’endettement, alimentant ainsi l’expansion du crédit et de la monnaie. » ( Clerc,02-2008)

I-1-5- Mondialisation :

«La mondialisation a contribué à la crise financière actuelle et servira sans aucun doute également à sa solution. » (Geisst, 2009)

C’est une crise systémique dans un monde de plus en plus complexe. Aucun facteur ne peut seul provoquer une telle crise. C’est le cas de la mondialisation des échanges. En effet, l’abolition des frontières au déplacement des capitaux avec la dérèglementation, la désintermédiation, les innovations financières, le développement sans précédent des moyens de transport et de communication dans une économie mondialisée, ont exacerbé la crise et ensemble ont permis l’apparition et propagation à une vitesse inattendue de cette crise à tous les pays du monde. C’est dans ce contexte qu’il est devenu impossible de localiser les risques créés par la complexité des produits structurés et la dégradation des standards d’octroi de crédits. C’est aussi pour cette raison qu’une simple crise de crédits hypothécaires (qui représentent moins de 50% des actifs des banques les plus exposées), a augmenté l’incertitude relative à la valeur réelle des actifs financiers détenus par toutes les banques quelque soit leur pays de domiciliation. Par effet de contagion (Aglietta, 1999), même celles qui ne sont pas exposées au marché des crédits immobiliers sont soupçonnées de détenir des produits ‘toxiques’. Cette incertitude s’est transformée en crise de confiance majeure.

I-2- Facteurs économiques :

Dans le fordisme, la croissance et l’activité économique sont déterminées suivant une logique productiviste de création de valeur ajoutée dans l’entreprise non financière (la période des trente glorieuses). Avec les politiques macroéconomiques des dernières décennies, la croissance est déterminée par la consommation rendue possible par l’endettement des ménages, des entreprises et de l’Etat. Le modèle financiarisé actuel est entretenu par le crédit. « C’est l’anticipation de la richesse future, telle que mesurée par la bourse, qui déclenche le processus de production. Les anticipations et la confiance en la finance sont donc déterminantes quant à la possibilité d’un tel régime (Boyer, 2009) ». Il a suffit un assèchement soudain de ce dernier (‘credit-crunch’), déterminant de l’activité économique, pour que la crise financière se transforme rapidement en crise de l’économie réelle et en dépression. La crise actuelle a fait ressortir les limites d’une accumulation tirée par la finance, mettant ainsi fin aux certitudes de ceux qui annoncent la suprématie de la financiarisation comme mode d’accumulation en remplacement du fordisme (Aglietta, 1998).

6 La chute brutale du Nasdaq du 10 mars 2000 jusqu’en 2003 faisait suite à une euphorie boursière. Des ordres de ventes massifs sont à l’origine de l’éclatement de la ‘bulle Internet’.

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I-3- Facteurs politiques :

La crise actuelle est de cette ampleur en raison de l'obstination du gouvernement américain refusant d'admettre que ses politiques sont à l’origine de la crise de confiance.

Les autorités politiques américaines ont souvent alimenté la crise. Qu’il s’agit de l’exécutif ou du congrès, le lobbying a poussé les autorités à prendre des décisions qui, sans évaluer leurs conséquences ont constitué des éléments du déséquilibre. «Des avertissements ont été donnés aux autorités de réglementation de l'imminence d'une crise, mais ils ont choisi de les ignorer, pensant que le marché peut s’autoréguler.» (Baily et Litan ,05-2009).

Les contradictions dans la politique économique et financière des autorités américaines sont apparues avec la crise et la recherche du coupable. La crise économique s’est transformée en crise idéologique entre les partisans de l’intervention de l’Etat et les libéraux, partisans du marché et de la mondialisation. (Sorman, 2009).

Pour les partisans de l’intervention de l’Etat, la crise est née d’une insuffisance de réglementation, du laxisme et de l’inexistence d’un système de contrôle avec des pouvoirs étendus (Olivier Davanne, 1998). Alors que les libéraux accusent l’Etat d’interventionnisme à travers des décisions qui ont encouragé la spéculation, en favorisant l’endettement excessif des ménages. C’est en fait l’Etat et ses démembrements qui ont faussé le marché en inondant le marché de liquidité sans contrôle. « Anna Schwartz (cofondateur avec Milton Friedman, de la théorie monétariste) accuse Alan Greenspan et son successeur Ben Bernanke d’avoir inondé le marché d’une quantité de monnaie incontrôlée ». Elle rappelle en outre que « toutes les crises américaines ont toujours été générées par la surabondance de monnaie : elle seule permet la spéculation et les bulles. Réglementer les marchés financiers lorsque ceux-ci croulent sous l’argent, dit Anna Schwartz, est techniquement impossible. Pour cette raison, Milton Friedman recommandait que la monnaie soit gérée selon des critères arithmétiques et non pas au gré de l’humeur des banquiers centraux et des gouvernements » (Sorman, 2009).

Une succession de décisions politiques de l’Etat américain ont permit à la crise de se développer. En voulant relancer la consommation et la production, après la crise des valeurs technologiques (2000), les autorités américaines ont pris un certains nombre de mesures qui, en l’absence de régulation et d’évaluation efficace, ont mené à des niveaux de croissance exceptionnels construits sur des valeurs de marchés financiers qui se sont avérés inefficients.7 Parmi ces décisions, un taux d’intérêt de référence pratiquement négatif et des lois encourageant l’octroi de crédits à des ménages non solvables sur des bases non conventionnelles. La promulgation du CRA (Community Reinvestment Act, 1977) pour permettre au citoyen américain de posséder une maison est un comportement totalement irresponsable des politiciens qui ont forcé les banques à accorder des crédits à tout le monde. L’utilisation de Fannie Mae (Federal National Mortgage Association) et Freddie Mac (Federal Home Loan Mortgage Corporation), deux banques d’investissement sponsorisées par le gouvernement américain, pour matérialiser leur politique ont, avec d’autres décisions, déformé le système de crédit immobilier américain, et permis la formation de la bulle immobilière. C’est le DHUD (Department of Housing and Urban Development) qui est chargé, à la demande du président Clinton, de réduire les conditions de l’octroi du crédit immobilier à travers la stratégie nationale de la possession d’une maison individuelle (National Homeownership Strategy, 7 « S'il semble indispensable de renforcer la réglementation internationale pour permettre au système financier mondial de perdurer, on doit éviter d'aller trop loin. Certes, les marchés ne sont pas parfaits, mais les carcans réglementaires le sont encore moins. » George Soros, in « Refonte de la réglementation : la théorie de l’équilibre des marchés financiers est erronée », 27 mai 2009, http://www.america.gov/st/econ-french/2009/May/20090527144717naneerg0.7940485.html

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1994). Cette stratégie appelait pour « des stratégies financières utilisant la créativité et les ressources des secteurs privées et publiques, pour aider les citoyens sans ressources financières nécessaires à acheter leur propre maison » ( Wallison, 2009).

D’un autre côté, dès l’apparition des premiers indices de la crise, le système décisionnel américain a pris certaines décisions qui sont à l’origine de l’effondrement et de l’accélération de cette crise. La plus importante est celle de laisser aller à la faillite Lehman Brothers, une des plus importantes banques d’investissement américaines et la plus ancienne. Alors que quelque mois auparavant, les deux banques d’investissement Fannie Mae et Freddie Mac, responsables des premières opérations de titrisation (à l’origine de la crise de confiance), ont été secourus par la Fed.

Ce n’est pas la faillite de Lehman Brothers qui est directement responsable de l’accélération de la crise, mais l’interdépendance entre les différentes banques, institutions financières et compagnies d’assurance qui a eu un impact sur la valeur de leur bilan car détenant des CDS (Credit Default Swaps)8 et des CDO, dont la valeur a sensiblement chuté avec la faillite de Lehman.

Les erreurs stratégiques des autorités américaines face à la crise sont à l’origine de la crise de crédibilité. Elles ont trop hésité croyant à l’efficience du marché et à sa capacité de s’auto réguler. Leurs interventions ont été au cas par cas, avec des hésitations et des revirements. Pour Sapir, l’échec du système décisionnel américain s’est exprimé par « la combinaison d’une perte de crédibilité des décideurs, initiée avec la décision de laisser Lehman Brothers aller à la faillite, et de la nécessité de devoir changer à chaud de stratégie, créé un contexte où les préférences pour une solution collective passent au second plan derrière le sauve-qui-peut personnel» (Sapir) . Les autorités sous l’administration démocratique de Clinton ou républicaine de Bush pensaient que la dégradation des normes d’octroi de crédit immobilier est essentielle pour permettre au citoyen américain d’avoir sa maison individuelle (Wallison, 2009).

En décidant la déductibilité des intérêts sur les prêts immobiliers du revenu imposable, les lois fiscales américaines ont contribué au gonflement de la bulle immobilière. Les banques sont tenues d’octroyer des prêts aux emprunteurs à faible revenus. En outre, elles doivent innover et faire preuve de souplesse pour satisfaire au mieux cette catégorie de citoyens (Wallison, 2009).

Les mesures d’incitation économique par la réglementation ont une part importante dans la formation de la bulle et dans son éclatement. Les autres acteurs (spéculateurs, banques, agences de notation, les emprunteurs…) n’ont fait que profité d’une situation où la régulation est restée en retard des innovations financières (Wallison, Février 2009).

I-4- Facteurs socioculturels :

Le capitalisme, selon ses promoteurs, favorise l’individu. Pour Adam Smith, dans son livre ‘The Theory of Moral Sentiments’, dans sa nature, le capitalisme sert l’intérêt de l’individu à partir de sentiments moraux (‘moral sentiments’) qu’il distingue de la cupidité (greed). La crise est intimement liée à un déficit de l’éthique dans le monde des affaires (T. Darcy cité par Huw). Quand

8 CDS est essentiellement une forme d'assurance où l'acheteur du swap fait une série de paiements au vendeur du swap

et en échange, il a droit au remboursement si le titre financier venait de faire défaut. Un MBS est une forme de CDS. Par exemple, Fannie Mae rachète des prêts hypothécaires qu’elle reconditionne en créant des ‘titres adossés à ces hypothèques’ (MBS ou mortgage-backed securities). Ces derniers sont vendus aux investisseurs se trouvant dans n’importe quel pays avec une garantie, tout en gardant une partie pour son propre portefeuille. Le service périodique de la dette est transmis à l'investisseur en temps opportun. En achetant le prêt hypothécaire, Fannie Mae et Freddie Mac fournit de la liquidité aux banques et autres institutions financières leur permettant ainsi d’octroyer de nouveaux prêts.

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Darcy posait une question sur l’éthique aux personnes travaillant à Wall Street, on lui répondait qu’il fallait choisir entre le profit et l’éthique (Huw).

Les comportements de spéculation et de prédation des principaux acteurs de la finance internationale (Hedge Funds, Private Equity Funds et banques) sont largement responsables de la crise financière actuelle, encouragés par le laxisme des autorités financières et monétaires. Celles-ci n’ont pas voulu, ou ne pouvaient pas, s’opposer aux pratiques irresponsables qui mettent aujourd’hui en danger la stabilité des systèmes financiers. Cette crise, qui risque de s’étendre, menace la pérennité des entreprises victimes des acteurs de la finance dont le seul objectif est de réaliser des gains à court terme.

Pour Malloch (2009), à la racine de notre crise financière se trouve un ‘vide moral’, qui ne peut être comblé qu’avec une vraie vertu. La vertu peut être définie comme l’" excellence morale ", acquise sur le terrain ou sur la base de la raison.

Les ‘sentiments moraux’ sont dans la nature du capitalisme, comme Adam Smith nous a rappelé dans son premier livre, ‘The Theory of Moral Sentiments’. Il a lui-même fait la distinction entre ‘l'intérêt personnel’, qu’il qualifie de bon et d’indispensable, et la ‘cupidité’ qui est mauvaise. Le premier diffère du second par l'autolimitation, ce qui exige évidemment un code moral et ‘une boussole morale’. Il considère que « les conditions préalables à l’économie du marché sont : les sentiments de sympathie, de bienveillance et de compassion, d'agrément; désapprobation et indignation, qui sous-tendent un certain ordre social». Il pense que «les êtres humains ne cherchent pas seulement à maximiser les profits, ils ont des scrupules moraux, des engagements personnels et le désir de bonheur. Ils se fixent des limites dans la recherche des profits personnels en respectant leurs valeurs et de la générosité....Les nations, les peuples, et les entreprises qui négligent la morale, ne peuvent pas jouir des fruits du capitalisme».

Ce qui est absent actuellement c’est le capitalisme vertueux. Sans le retour à un capitalisme propre, il n’est pas possible de comprendre ou de résoudre les racines les plus profondes de la présente crise qui n’est finalement qu’une crise morale.

Aujourd'hui, ‘vertu’ au sens propre et figuré, est absente de notre vocabulaire, et même des programmes des ‘business school’ où seule la maximisation des profits compte. L'idée de ‘la morale’ est banalisée, ou totalement relativisée. Il est caractéristique de notre époque de voir que la ‘dimension morale’ est une affaire de respect de règles ou de règlements. Pour les anciens, une vie morale n'est pas une question de ce que vous faites, mais de ce que vous êtes (Malloch, 2009).

II – Information financière : pertinence ou fiabili té, valeur ou coût :

II-1- Aperçu historique de l’évolution de la comptabilité et des méthodes d’évaluation :

La comptabilité a toujours accompagné le capitalisme. Il est son environnement. C’est la principale source d’information des investisseurs. « L’environnement comptable représente l’ensemble des facteurs qui influencent la comptabilité (Barbu, 2005)». “Werner Sombart (1863-1941) avait déclaré que ‘le capitalisme et la comptabilité en partie double sont absolument indissociables ; leur relation est celle de la forme au contenu’ » (Sombart, 1992, p. 23).

« Les facteurs d’environnement comptable » sont nombreux. Barbu (2005) dans sa revue de la littérature les structure en sept types, qu’il divise en « facteurs principaux » : facteurs économiques (micro et macro-économiques), financiers ; et « facteurs secondaires » : facteurs politiques, culturels, législatifs, sociaux et fiscaux.

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La comptabilité est un langage utilisé pour exprimer la réalité économique ou financière de son environnement. Elle est de ce point de vue « un instrument de communication et d’information ». Elle a toujours subit l’influence de l’environnement qu’elle est censée représenter et décrire. L’environnement comptable se caractérise depuis la révolution industrielle par une mondialisation des échanges de plus en plus forte. «La mondialisation crée des mutations profondes au sein de l’environnement de la comptabilité » (Barbu, 2005). Le développement de l’informatique et des télécommunications avec l’apparition de l’Internet et la déréglementation, initiée depuis le début des années 1980, ont amélioré la fluidité des capitaux. Enfin, une évolution de l’organisation des marchés avec la financiarisation de l’économie comme résultat du développement des marchés financiers et des investisseurs institutionnels ont permis une influence grandissante des facteurs financiers (le court-terme) au détriment des facteurs économiques (le long terme).

L’évolution de la théorie et des pratiques comptables est en fait une adaptation aux mutations de son environnement. Avant la mondialisation actuelle, des différences comptables existent entre les pays. C’est selon l’influence des facteurs environnementaux. On démembre deux principaux systèmes comptables. Le système de l’Europe continentale, et le système anglo-saxon. Avec le niveau actuel de la mondialisation et l’hégémonie du système anglo-saxon, des organismes de normalisation comptables privés (IASB et FASB) sont créés pour développer un référentiel comptable unique accepté par l’ensemble de la communauté internationale. La SEC américaine (Securities and Exchange Commission) a, dernièrement, donné des instructions au FASB (Financial Accounting Standard Board) de s’aligner sur le processus de normalisation internationale en collaborant étroitement avec l’IASB (International Accounting Standard Board). Allant dans le même sens, le FRC (Financial Reporting Council), organisme britannique indépendant chargé d’améliorer la gouvernance et la présentation des informations financières des entreprises, a réagi positivement à la décision du SEC de permettre aux entreprises américaines d’utiliser les IFRS (FRC PN 263, 29 April 2009, frc.org.uk.).

Une première étape dans la normalisation comptable est l’harmonisation des comptabilités, à partir d’un référentiel unique, pour aboutir à moyen ou long terme à une normalisation ou système unique mondialisé, accepté par tous.

Le débat, depuis la révolution industrielle, a distingué deux types de comptabilité. La comptabilité dynamique et la comptabilité statique. «La première considère les actifs comme la résultante des activités passées» (Kirat et Marty 2005), alors que la seconde « a pour objet, de mesurer la valeur liquide d’une entreprise pour vérifier la capacité de cette entreprise à rembourser son passif » (Aglietta et Rebérioux 2004). Ainsi, pour Richard et Colette (2005), la comptabilité statique « vise avant tout à déterminer la solvabilité immédiate de l’entreprise c‘est à dire sa capacité à payer immédiatement ses dettes en liquidant la totalité de ses actifs».

Richard (1996), distingue trois principales approches de la comptabilité. «La première est une approche statique fondée sur une liquidation hypothétique. La deuxième correspond à une logique dynamique, centrée sur l’entreprise comme entité. La troisième repose sur un modèle actuariel dans le cadre duquel les évaluations comptables doivent être fondées sur l’actualisation des flux de trésorerie futurs » (Demaria et Marty, 2007). Pour Littleton (1935), la différence entre une approche dynamique (logique d’entité) et une approche statique (logique de liquidité) est que l’une est fondée sur les coûts, l’autre sur les prix (valeur du marché). La première s’intéresse au processus économique de l’entreprise pour informer les stakeholders ; alors que la deuxième s’intéresse à un objectif marchand, souvent spéculatif, de court terme, pour informer les shareholders (Demaria et Marty, 2007).

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Pour la valorisation des actifs, la comptabilité dynamique utilise la méthode du coût historique, alors que la comptabilité statique, qui a la faveur de l’IASB, privilégie la juste valeur dans le cadre des IAS/IFRS (Demaria et Marty, 2007). On parle aussi de comptabilité objective, pour qualifiée celle qui utilise la méthode du coût historique. Ce dernier se définit comme « le montant déboursé pour acquérir un actif ou le montant obtenu afin d’encourir une dette» (Alfred Stettler, Reda Gherbi). Il a l’avantage d’être fiable, cohérent et stable temporellement. Mais, il est inapte à mesurer « loin dans le temps » (Stettler et Gherbi), surtout quand la mesure est très éloignée de la date de son acquisition. Il s’éloigne de la réalité, donc de la pertinence, avec la variation des prix et l’éloignement dans le temps. C’est le problème de « value relevance » (Stettler et Gherbi).

La comptabilité dynamique ou objective, approche la valorisation des actifs par le ‘coût’. Par contre, la comptabilité statique ou subjective, approche la valorisation des actifs sur « une base anticipative » par la ‘valeur’ (la valeur est subjective et contredite à chaque instant). On parle de ‘valeur économique’, ‘valeur actuelle’ ou ‘valeur d’usage’ (actualisation des flux nets de trésorerie futurs, en l’absence de la valeur du marché), ‘coût de remplacement’, ‘valeur vénale’ ou ‘valeur du marché’. Elle est qualifiée de ‘valeur de privation’ d’un bien, c'est-à-dire « le montant maximum de la perte directe ou indirecte que subirait un propriétaire s’il venait à être privé de ce bien ». Comme la ‘valeur économique’ ne peut pas être toujours connue sur la base d’une ‘valeur du marché’, elle peut être déterminée sur la base d’un modèle qui tiendrait compte des flux futurs de trésorerie et des risques liés à l’incertitude du futur.

Pour Stettler et Gherbi (2005), ‘la valeur nette de marché’, qui se définit comme « le prix de vente estimé réalisable dans le cours normal de l’exploitation, diminué des coûts d’achèvement estimés et des coûts estimés nécessaires pour réaliser la vente », est préférable. En cas de disponibilité de la ‘valeur d’usage’ et de la ‘valeur nette du marché’, «la plus grande des deux sera retenue comme pertinente, sous l’appellation de valeur réalisable nette ou valeur recouvrable».

De même, le ‘système comptable continental’ qui exprime le ‘coût’ des actifs, obéit à des « exigences fiscales qui ont suscité des règles comptables destinées à en assurer la régularité. Le droit comptable n’a, dans cette perspective, constitué qu’un ordonnancement postérieur et algébrique du droit civil» (Colmant). Le droit comptable européen « est né du droit de la preuve, c'est-à-dire la preuve entre commerçants pour faits de commerce et en cas de faillite. Le droit comptable européen privilégie donc des coûts historiques, fiables et vérifiables, permettant de mesurer la valeur historique des garanties données par une entreprise à un créancier. Il mesure l’économie interne de l’entreprise et sa capacité à honorer ses engagements. Les actionnaires sont considérés comme des acteurs auxquels sont destinés des flux financiers résiduels» (Colmant).

Par contre, le ‘système comptable anglo-saxon’, exprime la ‘valeur’ des actifs’ en recourant au marché. Il dissocie entre la ‘normalisation comptable’ et les exigences fiscales.

Les méthodes d’évaluation adoptées reflètent l’intérêt de la partie dominante. Avec les coûts historiques, c’est l’objectif de fiabilité et d’exactitude qui domine. Il est tenu compte de l’aspect juridique au détriment de l’aspect économique. La comptabilité a pour objectif de produire une information qui donne une vision patrimoniale et historique de l’entreprise.

Alors que la méthode de la ‘juste valeur’ sert les intérêts des investisseurs (stockholders) et les marchés financiers. Cette catégorie d’utilisateurs est intéressée par une information pertinente par rapport à une réalité du marché au moment de la publication des comptes. Or l’information financière qui intéresse cette catégorie est celle qui ressort le ‘retour sur l’investissement’. L’information doit pouvoir évaluer les résultats obtenus ainsi que les perspectives économiques en termes de développement et de performance (Tort, p.9).

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Malgré l’orientation actuelle de la comptabilité, cette dernière reste très normalisée, soumise à des règles strictes d’évaluation et de présentation. Elle est rigide, en raison des objectifs basées sur la règle de prudence (même si le contenu de ce concept reste différent de celui utilisé dans le modèle du ‘coût historique’. Dans le premier, il s’agit de la recommandation des normalisateurs de faire des évaluations prudentes ; alors que pour le second, c’est le principe de tenir compte uniquement des pertes latentes), et de la continuité de l’exploitation.

La transition progressive vers une comptabilité d’obédience actionnariale avec les normes comptables internationales ou américaines, permet d’obtenir un résultat comptable plus volatil et moins précis, qui s’oppose aux exigences de preuve du fisc. Dans le cas d’un marché inactif (illiquide), il fait surtout appel au jugement.

Les Etats Unis ont, depuis la grande dépression de 1929 jusqu’en 1972, utilisé pour l’évaluation de leurs actifs, la méthode du coût historique. Le choix de ce modèle est imposé par la SEC, à la lumière des inconvénients de la méthode d’évaluation du marché des années 1920, malgré l’opposition grandissante des professionnels de la comptabilité. En effet, ce choix est imposé par Robert E. Healy, l’un des cinq membres fondateurs du SEC, à la lumière de son expérience en tant que chef de la commission d’enquête du congrès de 1928 à 1934 (Federal Trade Commission ‘FTC’) sur les manipulations du marché et particulièrement les pratiques comptables douteuses en utilisant la méthode de la valeur économique. Il est devenu un défenseur intransigeant de la comptabilité au coût historique. Sa position était celle des autres membres de la commission. Ces derniers ont désapprouvé la plupart des réévaluations des immobilisations et des équipements ainsi que l'amortissement sur la base de ces réévaluations effectuées à répétitions par les sociétés utilisant la valeur économiques (Zeff, 2006).

Le mal causé en 1929 par la méthode de la valeur économique est devenu une obsession pour Healy. Il pensait que toute réévaluation du coût historique est véritablement ‘odieuse’. Dans son témoignage devant un comité du Congrès en avril 1934, il affirmait que «l'objet de la tenue des livres (bookkeeping) et de la comptabilité (accounting) est de faire un enregistrement historique des événements ». Il ajoute quelques années plus tard : «je pense que le but de la comptabilité est celui de tenir les comptes non pas celui de présenter les opinions sur la valeur» (Zeff ; 2006).

La position de Healy était celle des autres membres du SEC même un quart de siècle après sa retraite, malgré l’opposition de plus en plus grandissante de certains corps professionnels, particulièrement le FASB et les professionnels de la comptabilité. Ce n’est qu’avec la retraite du chef comptable du SEC Andrew Barr en 1972 et son remplacement par John C. (Sandy) Burton, qui n’a pas connu la période des années 1920 à 1930, en faveur d’un changement du modèle traditionnel de la comptabilité aidé par des taux d’inflation élevés, que le SEC a accepté de remettre en cause la supériorité de la méthode du coût historique. Burton avait déclaré qu’«il est essentiel que les mouvements rapides ont lieu dans le sens de la comptabilisation au coût de remplacement, afin que les investisseurs puissent percevoir les effets de l'inflation sur les activités de l'entreprise » (Zeff ; 2006). En 1975, le SEC a exigé des entreprises de présenter, en documents annexes, la valeur de certains actifs utilisant la valeur de remplacement, tout en restant au coût historique pour les états financiers principaux. Plus tard, avec l’embargo des pays producteurs du pétrole, le SEC a exigé des sociétés pétrolières de présenter tous leurs documents utilisant la valeur actuelle.

Ce n’est qu’avec l’utilisation d’instruments financiers complexes dans les années 1980, en particulier des produits dérivés, que le SEC a, dans les années 1990, admis « qu'il y avait des grands domaines de l'information financière dans lesquels la comptabilité au coût historique était insuffisante pour les besoins des investisseurs. » (Zeff, 2006).

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A ce jour, le retour à la valeur du marché est critiqué par beaucoup d’observateurs. C’est même le cas de certaines autorités comme le Secrétaire au Trésor Nicholas Brady, le président de la Réserve Fédérale Alan Greenspan et le président du FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) William Taylor. Le FDIC a rejeté le retour vers la valeur du marché pour trois principales raisons (Isaac, 2009)9:

1 – L’application de la valeur du marché n’est possible que pour une portion des actifs dans le bilan des banques (les titres négociables). Sa généralisation éventuelle au passif serait un cauchemar ;

2 – l’application de la valeur du marché serait une entrave à l’accomplissement par les banques de leur fonction principale : collecte à court terme de l’épargne et sa conversion en prêts à long terme pour l’économie ;

3 – la valeur du marché est pro cyclique, ce qui rendrait la tâche des régulateurs pour prévenir les crises difficile.

En fait, aucune des deux méthodes d’évaluation des actifs et passifs n’est intrinsèquement supérieure à l’autre. Se ne sont que des méthodes de lecture (représentation ou interprétation) d’une réalité variable, complexe et non liquidative. La représentation ne peut être objective. Elle est une représentation de quelque chose, par quelqu’un pour atteindre un certain objectif.

Les normalisateurs ont opté pour une information destinée, en priorité, aux apporteurs de capitaux. En 1989, l’IASC définit (cadre conceptuel §10) les investisseurs actuels et potentiels, les membres du personnel, les prêteurs, les fournisseurs et autres créanciers, les clients, l’Etat et les organismes publics et le public en général, comme les destinataires de l’information comptable. Comme il est impossible de produire une information pertinente à toutes ces parties, le normalisateur suppose que «les investisseurs sont les apporteurs de capitaux à risque de l’entreprise, la fourniture d’états financiers qui répondent à leurs besoins répondra également à la plupart des besoins des autres utilisateurs » (Cadre conceptuel, 1989, §10). Les normes, dont le modèle de la ‘juste valeur’, doivent répondre à leur besoin d’informations « pour les aider à déterminer quand ils doivent acheter, conserver, vendre » (Cadre conceptuel, 1989, §9a). Or, ce qui compte pour l’investisseur est de connaître la valeur liquidative de l’entreprise le jour de l’achat de ses actions ou titres. Le coût historique n’est pas adapté pour cela.

II-2- Représentation du monde réel :

Les fondements théoriques apportent un éclairage indispensable pour comprendre le rôle de l’information comptable dans la prise de décision et par delà dans la crise actuelle.

II-2-1- Le système comptable :

La comptabilité est la principale source d’information dont dispose les entreprises. C’est le langage commun à toutes les entreprises. C’est le ‘langage des affaires’ (Ijiri 1975, p. 14 ; cité par McKernan, 2007, p.168). « Grâce à ce langage la comptabilité donne une image de la réalité économique » (Le Theule, 2007, p.72).

9 http://spectator.org/archives/2009/02/01/providing-relief-from-the-cris William M. Isaac is chairman of the Secura Group of LECG and former chairman of the FDIC.

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La définition de la comptabilité a évolué avec celle de son environnement. Comme technique de reddition des comptes, elle est pour Garnier ‘l’algèbre du droit’. Alors que pour Colasse (1996), elle « n’est pas une simple technique d’enregistrement de faits qui s’imposeraient à elle et dont elle rendrait compte passivement. Au contraire, elle participe activement à la construction du réel à des fins de contrôle et d’aide à la décision et plus généralement à des fins de régularisation sociale. Les dirigeants d’entreprise assistés de leurs comptables s’y investissent, y mettent leurs projets, et des intentions et donnent, plus ou moins à travers eux, leur interprétation de la réalité et leur vision de leur entreprise ; la vision de celle-ci, qu’ils estiment la plus conforme à la défense de leurs intérêts dans le contexte de leurs relations qu’ils entretiennent avec les autres acteurs économiques et sociaux ». En tant que langage, elle permet d’exprimer, plus ou moins objectivement l’état du monde. «Tout en participant à la construction du réel, la comptabilité donne une image de l’entreprise, en ayant conscience qu’il en existe plusieurs interprétations» (Le Theule, 2007, p.72).

La comptabilité a toujours accompagné le système capitaliste. Mais la qualité de la représentation de ce dernier tend à diminuer avec la croissance en complexité et sophistication du monde des affaires. (Macintosh, Shearer, Thornton, & Welker, 2000 ; cité par McKernan, 2007, p.159). Pour Searle (1995, p.151 ; cité par McKernan, 2007, p.165), obtenir une “objectivité épistémique totale est difficile, quelquefois impossible». Mais pour McKernan, «les pratiques comptables se basent sur l’hypothèse qu’on peut avoir une connaissance comptable utile et raisonnablement objective».

II-2-2- D’une représentation fiable à une information pertinente :

La nécessité de disposer d’une information comptable fiable et pertinente est de plus en plus indispensable. Or, l’environnement même des affaires qui rend cette information nécessaire est un obstacle par sa complexité à l’obtention d’une telle information. C’est là le défit des professionnels comptables et financiers. En effet, «l’information est inséparable de la situation, tant dans son usage, que dans sa production ou que dans ses modes de traitement» (Guyot).

La fiabilité de l’information est liée au « degré de confiance que l’on peut lui accorder. Elle traduit l’’exactitude’ de l’information » (Reix, 2002, p.27). “Une représentation financière est exacte (true) si elle correspond (au moins approximativement) à la réalité économique sous jacente qu’elle propose de représenter » (Shapiro, 1997, p. 167, cité par McKernan, 2007, p.162).

La pertinence est pour Reix (2002, p.24), «directement liée à l’utilisation : est pertinent ce qui ‘convient’, ce qui est ‘approprié à une action’. Une représentation sera donc pertinente si elle répond aux desseins de son utilisateur, si elle le satisfait. La pertinence est donc une qualité relative à un utilisateur et à un contexte d’utilisation». GÉLARD (2008, p.32) a préféré lier la pertinence à la qualité qui « influence les décisions économiques des utilisateurs en les aidant à évaluer les événements passés, présents ou futurs ou à confirmer ou corriger leurs évaluations passées».

Avec la méthode des coûts historiques, le ‘système d’information comptable’ est simplement un moyen de reddition de comptes. Il est supposé atteindre un double objectif : le contrôle de l’évolution des actifs et des passifs et le calcul des résultats. Utilisant les comptes de la classe 1 à 5 pour le premier et ceux de la classe 6 et 7 pour le second. Les coûts sont les intrants (données) qui alimentent le système d’information comptable.

Avec la normalisation comptable et la méthode de la ‘juste valeur’, le ‘système d’information financière’ permet de calculer la valeur liquidative de l’entreprise tout en tenant compte du principe de la continuité de l’exploitation.

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Dans les deux cas, le système est, en amont, alimenté par des données sur le monde réel pour les transformer et produire, en aval, des informations pour la prise de décisions.

Schéma 2 : le système d’information comptable :

Source : production de l’auteur.

La différence entre les deux modèles est due à la différence d’utilisateurs (stockholders ou stakeholders). D’où un double effet :

1 – en amont du système, les données sont obtenues différemment. Dans le modèle du coût historique se sont les ‘coûts’ qui alimentent le système ; alors que dans le système de la juste valeur, c’est la ‘valeur’ des différents composants de l’actif et du passif, le jour de la publication des états financiers, qui est prise en compte.

2 – en aval du système, la pertinence de l’information obtenue est différente selon qu’il s’agit du coût historique ou de la juste valeur. Elle se mesure par rapport à l’utilisateur , d’où l’importance de ce dernier dans le processus de production de l’information.

Les données sont des faits bruts représentant des évènements dans les organisations (Laudon et Laudon, 2006) dont on ne peut tirer aucun enseignement. Elles sont des symboles représentant des informations potentielles. Elles constituent la matière première qui est traitée pour lui donner du sens à quelqu’un lui permettant de prendre la bonne décision. Elles deviennent ainsi des informations. Selon l’approche sémantique, l’information est une donnée qui a un potentiel descriptif et d’apprentissage (Ramangalahy, 2001). Elle est une donnée qui a un sens et est utile aux êtres humains (Laudon et Laudon, 2006). Elle est au centre des processus de prise de décision, rendant l’action possible. Pour Reix (2002, p.20), «l’information est ce qui modifie notre vision du monde, qui réduit notre incertitude. L’information crée une différence ; c’est un renseignement au sens courant du terme».

Le facteur humain, avec sa subjectivité, intervient en amont du système d’information, pour interpréter les ‘signaux’ du monde réel et produire des données. Il intervient aussi en aval pour transformer ces données en informations utiles à la prise de décisions. C’est tout d’abord la transformation d’une observation en donnée qui peut contenir des biais ; c’est ensuite l’attribution d’une signification, du sens à une catégorie définie au préalable d’utilisateurs. Ce qui constitue une information pour l’un ne constitue pas forcément de l’information pour l’autre.

Avec le modèle du ‘coût historique, c’est l’amont du système d’information qui décide de la qualité informationnelle de l’aval. En effet, les données sont obtenues à l’issue d’une transaction. C’est ce qui est déboursé réellement pour obtenir un actif, le document comptable faisant preuve.

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Elle se caractérise par sa fiabilité. Alors que dans le modèle de la ‘juste valeur’, c’est l’aval (les ‘stockholders’) qui décide de la manière avec laquelle les symboles sont transformés en données. La réalité étant la valeur du marché, or cette dernière est anticipative et dépend de critères qui ne sont pas toujours objectifs. L’offre et la demande dans les marchés financiers sont déterminées par la quantité et la qualité de l’information disponible et souvent par mimétisme.

C’est pour cette raison qu’il y a toujours eu débat autour de la méthode d’évaluation comptable la plus efficace pour une même réalité (l’entreprise). C’est aussi pour cette raison que les attributs d’une information de qualité ne sont pas tous les mêmes selon qu’on produit de l’information aux stakeholders ou aux stockholders.

La qualité ou valeur de l’information est définie par rapport à sa pertinence. Pour certains auteurs se basant implicitement sur la théorie sociale (Bandura, 1986 ; Salancik et Pfeffer, 1978), la valeur d’une information (sa pertinence ou sa qualité) est fondamentalement attribuée (Ramangalahy, 2001). Les attributs d’une information de qualité sont, pour Taylor (1986), la précision, l’intelligibilité, l’actualité, la fiabilité, la validité, l’accessibilité, la facilité d’utilisation et la qualité technique (Badenoch et al, .1995 cité par Ramangalahy, 2001). Alors que Clark et Augustine (1990) ne retiennent que quatre attributs : l’exactitude, l’opportunité, la fiabilité et la pertinence. Mais Taylor et Farrel (1995) utilisent quant eux une dizaine d’attributs dont l’exactitude, l’intelligibilité, la crédibilité, l’actualité, la pertinence, la précision, l’applicabilité, la fiabilité, la simplicité et la validité (Ramangalahy, 2001). Pour les auteurs cités plus haut, la pertinence est un attribut parmi d’autres de la valeur de l’information. Par contre pour Reix (2002, p.27), la valeur de l’information est liée à sa pertinence et la fiabilité est un de ses attributs. Il retient les déterminants majeurs de la pertinence : exhaustivité, absence de bruit et finesse ; et les autres déterminants : respect des contraintes de temps, fiabilité, forme, accessibilité.

Schéma n°3: Les déterminants majeurs de la pertinence des représentations. (Reix, 2002, p.30)

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Le FASB a pour sa part cité un certains nombre de caractéristiques de l’information utile aux apporteurs de capitaux. L’information doit, selon le FASB, posséder deux caractéristiques fondamentales : la pertinence (relevance) et la fiabilité (faithfulness) ; et quatre complémentaires : la comparabilité, la vérifiabilité, la ponctualité (timeliness) et l’intelligibilité (understandability). Ces dernières permettent de faire la différence entre l’information la plus et la moins utile. Le FASB a longuement expliqué le sens de chacune de ces caractéristiques.

Pour le FASB (mai, 2008), une information est pertinente quand elle apporte une différence aux apporteurs de capitaux dans la prise de décision. Elle apporte une différence quand elle a une valeur prédictive (utilisée pour faire leurs prévisions) ou une valeur qui permet de confirmer (confirmatory value) ou changer les prévisions sur le présent ou le futur à partir d’évaluations passées ou les deux à la fois. Une information est fiable quand elle décrit les évènements économiques d’une manière complète, neutre, et sans erreurs (i.e. utilisant les meilleures informations disponibles). Il s’agit de la substance économique qui peut être différente de la forme légale (FASB, mai, 2008).

Pour le FASB, l’information financière doit aider les apporteurs de capitaux à prendre les meilleures décisions, obtenir un fonctionnement efficient des marchés de capitaux et à moindre coût au service de l’économie dans son ensemble. Les organisations individuelles vont aussi bénéficier de ces informations pour une meilleure gouvernance interne, meilleur accès à ces marchés et à moindre coût (FASB, mai, 2008).

Pour la banque Centrale Européenne (2006, p.10), les chiffres comptables doivent être fiables i.e. refléter la valeur effective sur laquelle les échanges seront effectuées. Ils doivent être pertinents, i.e. fournir des informations financières qui ont une valeur et utiles aux utilisateurs internes ou externes à l’entreprise. Elle reconnaît que les marchés financiers ne fournissent pas toujours une information fiable, particulièrement quand ces derniers sont nouveaux (ne sont pas

PERTINENCE

FINESSE-

PRECISION

ACTUALITE

PONCTUALITE

FORME-

RICHESSE

ACCESSIBILITE

EXACTITUDE

FIABILITE

EXHAUSTIVITE

(COMPLETUDE)

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encore matures) ou insuffisamment liquides. Dans ces cas, les quotations peuvent dévier des valeurs fondamentales.

Elle (BCE, 2006, p.11) ajoute que les états financiers doivent fournir une représentation exacte des conditions financières de l’institution. Du point de vue de la stabilité financière, l’information doit concerner la solvabilité, la profitabilité et le degré de liquidité dans le court et le long terme. Mais, en général, la fiabilité de l’évaluation utilisant le modèle de la juste valeur (mark to market ou mark to model) peut être variable et incertaine (BCE, 2006, p.10).

Compte tenu de la multitude d’utilisateurs de l’information comptable, le plan comptable français préfère parler d’’image fidèle’ au lieu de ‘représentation pertinente’. La comptabilité doit donner «une image fidèle du résultat des opérations […] ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société » (article 228, al. 1, de la loi du 24 juillet 1966 cité par Simon et Stolowy, 1999). Par la suite, chaque utilisateur doit effectuer des retraitements pour obtenir une information utile donc pertinente.

La notion d’image fidèle n’est pas définit par le législateur français, mais un certains nombre de principes sont énoncés pour améliorer la fiabilité de l’information comptable : prudence (appréciation non optimiste), régularité (respect des règles), sincérité (application de bonne foi de l’esprit des règles), permanence (utiliser toujours les mêmes règles comptables, etc.…). La normalisation comptable retient à peu près les mêmes principes, mais pas toujours avec le même contenu. C’est le cas, par exemple, du principe de prudence.

Tout le monde est d’accord pour désigner la pertinence et la fiabilité comme déterminants fondamentaux d’une information utile à la prise de décisions. Mais, des points de vue différents apparaissent quand il s’agit de désigner la meilleure méthode d’évaluation qui permet d’obtenir une information pertinente et fiable. L’évaluation au coût historique est incontestablement fiable car elle se base sur des pièces qui justifient la dépense. Elle n’est pas pertinente, particulièrement quand les états financiers sont éloignés dans le temps par rapport à la dépense effective. Par contre, l’évaluation à la juste valeur est pertinente mais manque de fiabilité, particulièrement quand le marché est inefficient ou peu liquide. Dans ce cas, elle se base sur le jugement des évaluateurs.

II-3- Problèmes d’évaluation en comptabilité :

Le système comptable a toujours cherché à s’adapter aux besoins de différentes parties prenantes sans succès pour une double raison :

1 – la multitude d’utilisateurs de l’information comptable et pression de certains aux dépens des autres ;

2 – la complexité de l’environnement des affaires qui rend difficile la maitrise et la quantification des différentes variables.

C’est pour cette raison que la comptabilité n’arrive pas, malgré les différentes réformes et des siècles d’expérience, à produire et émettre une information fiable et pertinente à chacun des utilisateurs tout en assurant qu’elle est exempte de manipulations pour servir l’intérêt d’une partie au détriment d’une autre.

Le problème de la comptabilité se situe à l’amont et à l’aval du système comptable. Il est, à son amont, celui de l’interprétation fiable des signaux sur l’entreprise (monde réel) à un moment donné. Et, à son aval, la production d’informations pertinentes pour ses utilisateurs.

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Or, l’entreprise n’est pas une marchandise qui s’échange sur le marché. Elle se caractérise par la ‘continuité de l’exploitation’. Il est alors difficile de déterminer la valeur d’une entité qui se compose de plusieurs éléments (corporels et incorporel ; liquides et illiquides). C’est l’origine du débat sur la ‘valeur’ ou le ‘coût’. Doit-on déterminer le coût de ses différentes composantes (modèle du coût historique), ou la valeur de l’entreprise (modèle de la juste valeur) qui est celle de son patrimoine actuel et surtout la valeur actuelle des revenus futurs ajustée par un taux de risques futurs.

Le système comptable utilisant le modèle du coût historique produit en aval une information fiable. Fiabilité quant à la confiance attribuée à la représentation, aux données, qui ont pour origine un flux réel et des documents comptables justificatifs. Cette confiance est renforcée par la présence d’auditeurs (commissaires aux comptes).

Or, il n’est pas possible, dans ce cas de parler d’information pertinente. En effet, l’information comptable est destinée à plusieurs utilisateurs ayant chacun une utilisation différente. Pour cette raison, le plan comptable français utilise le concept d’ « image fidèle » au lieu de « représentation pertinente ». Il précise bien que « les documents de synthèse doivent, en toutes circonstances donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière, ainsi que des résultats de l’entreprise. » (Reix, 2002, p.30)

Avec le modèle de la juste valeur, les données produites sont le résultat d’une évaluation du marché, pas toujours efficient, ou de modèles mathématiques utilisant des données obtenues à partir d’acteurs agissant dans le secteur financier, principalement les analystes financiers10. Par conséquent, elles ne peuvent être qualifiée de fiables. En aval du système d’information, l’information obtenue est supposée être pertinente pour les investisseurs.

Tableau n°1 : comparaison entre le modèle du ‘coût historique’ et celui de la ‘juste valeur’ Modèle du « coût historique » Modèle de la « juste valeur »

coût valeur Aspect juridique Aspect économique La forme prime sur le fond Le fond prime sur la forme Information pour les « stakeholders » Information pour les « stockholders » besoins de l’Etat : fiscalité, salariés, besoins des investisseurs financiers :

course aux rendements Comportements long termistes :

productivité Comportements court termistes :

liquidités évaluation annuelle assise sur la

reddition des comptes sociaux,

Evaluation continue (base trimestrielle), reposant sur la notion de liquidité, critère de la création de valeur pour l’actionnaire.

capitalisme patrimonial capitalisme financier (Batsch, 2002)

Source : production de l’auteur.

II-4- L’évaluation à la juste valeur :

Malgré l’opposition de certaines catégories professionnelles, l’IASB a pris position en faveur d’une comptabilité privilégiant la juste valeur, qu’il définit comme « le montant pour lequel

10 Pour BUITER W. (24 avril 2009, http://www.telos.eu.com/user/4073), le modèle ‘mark to model’ qu’il qualifie de

modèle ‘mark-to-myth’, finira par augmenter l’instabilité future.

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un actif pourrait être échangé entre des parties bien informées, consentantes et agissant dans des conditions de concurrence normale » IAS 16§6.11 Le législateur algérien a repris cette définition dans l’arrêté du 26-07-2008 (JO du n°19 du 25-03-2009, p.73), en spécifiant que la juste valeur est le « montant pour lequel un actif pourrait être échangé ou un passif éteint entre parties bien informées, consentantes et agissant dans des conditions de concurrence normale».

La juste valeur est l’application du principe de ‘substance over form’ consistant « à accorder plus d'importance à la substance économique des opérations (prééminence de la réalité économique sur l'apparence) et d'en tenir compte, lors de la comptabilisation, même si la forme juridique de celles-ci donne l'impression qu'un traitement différent est nécessaire » (cadre conceptuel §35). Avec la ‘juste valeur’« la comptabilité devient, alors, l’outil de représentation de la firme aux fins du marché financier ce qui revient à penser que la raison d’être de la comptabilité est de protéger et d’informer les actionnaires» (Aglietta et Rebérioux, 2004a).

La juste valeur correspond au prix qui serait établi entre un vendeur et un acquéreur lors de la vente d’un actif. Elle représente une valeur économique sur un marché d’échange. Pour approcher la juste valeur d’un actif ou d’un passif, il existe d’après le FAS 157 trois niveaux d’évaluation (l’IAS 39 désigne cinq niveaux, mais les tendances actuelles vont vert une harmonisation à trois niveaux.) (Voir tableau n°1) :

1. Lorsque l’actif ou le passif peut être échangé sur un marché, la juste valeur est le prix de marché. On parle alors de «mark to market» ;

2. Lorsque, à défaut, il existe un actif ou passif similaire échangé sur un marché, la juste valeur est le prix de cet élément similaire ;

3. Lorsque l’observation des prix de marché est inopérante, la juste valeur est déterminée en utilisant une technique d’évaluation cohérente avec les méthodologies d’évaluation économique généralement acceptées et souvent fondées sur l’actualisation des flux de trésorerie futurs. On parle dans ce cas de valeur «mark to model» (Demaria et Marty, 2007).

Tableau n°2 : hiérarchie des justes valeurs, dans le cadre des IFRS12 et des US GAAP IAS 39 (IASB) FAS 157 (FASB)

Niveau 1 : prix observé sur un marché actif

Niveau 1 : prix du marché

Niveau 2 : prix observé le plus récemment

Niveau 3 : estimation de la juste valeur par référence à un instrument financier similaire

Niveau 2 : prix de modèle réalisé à partir de données observables

Niveau 4 : techniques de valorisation intégrant un maximum de données observables

Niveau 5 : techniques de valorisation intégrant des données non observables

Niveau 3 : prix de modèle, sans données observables

11

La ‘juste valeur’ est définie par le FAS 157 comme étant “le prix de vente d’un actif ou celui payé pour le transfert d’un passif dans le cadre d’une transaction organisée (orderly transaction) entre les participants d’un marché à la date de l’évaluation ». [ "the price that would be received to sell an asset or paid to transfer a liability in an orderly transaction between market participants at the measurement date."] 12

Les IAS sont lancés entre 1973 et 2001 par l’IASC. En avril 2001 l’IASB a adopté tous les IAS en continuant de développer les IFRS. En ce sens, que la normalisation comptable est depuis appelée ‘système des IAS/IFRS’.

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Source : Noyer, 2009, p.93 et MATHERAT, 2008, p.62

En 2003, l’IASB a chargé le Conseil des normes comptables canadien (CNC) de proposer un mode d'évaluation comptable des actifs et des passifs. Ses travaux ont conduit à la publication d'un document de travail intitulé «Measurement Bases for Financial Reporting - Measurement on Initial Recognition». Dans ce document, le CNC propose une hiérarchie à quatre niveaux :

Niveau 1 — Cours de marché observables, y compris ajustements fondés sur le marché ;

Niveau 2 — Modèles ou techniques d’évaluation reconnus ; toutes les données significatives correspondent à celles que les participants du marché devraient utiliser ;

Niveau 3 — Coût actuel (coût de reconstitution et coût de remplacement) avec la possibilité d’y substituer le coût historique, lorsque la juste valeur ne peut être déterminée de façon fiable aux niveaux 1 ou 2 ;

Niveau 4 — Modèles et techniques utilisant les données des entités.

Comme l’IAS 39 ou le FAS 157, le CNC reconnaît l’existence de marchés inactifs ou peu liquides, et que l’évaluation à la juste valeur est, dans ces cas là, plus complexe et sujette à l’incertitude. La juste valeur ne peut, dans ce cas, être évaluée avec fiabilité.

Selon la norme IAS 39, les actifs financiers sont évalués à la juste valeur dans le cas où ils sont "disponibles à la vente" ou "détenus pour la vente". A chaque publication d’états financiers, la valeur des actifs financiers doit être celle du marché financier. Ainsi, « les fluctuations de prix des actifs sont immédiatement répercutées dans le bilan des banques » (CLERC, 02-2008). Toute volatilité des prix se reflète mécaniquement dans les bilans et les comptes de résultat, et a un impact sur les capitaux propres. Le niveau de ces derniers, avec les accords de Bâle II, déterminent le seuil d'endettement acceptable et le niveau de risque de l'entité. Ils conditionnent également le volume des prêts. Quand la valeur des titres monte (actif du bilan), le montant des capitaux propres (passif du bilan) monte en conséquence. L’entité peut augmenter son activité de prêts à la clientèle sans changer son niveau de solvabilité. L’inverse est aussi vrai. C’est le cas de cette crise. Avec la chute libre et soudaine des titres, les entités ne pouvaient plus garder leur niveau de prêts à la clientèle. Il fallait vendre des titres ou recapitaliser, pour rester dans les normes de solvabilité fixées par Bâle II. Or, les titres sont, avec la crise, devenus, pour beaucoup d’entre eux, illiquides, donc sans valeur marchande. Avec le ‘credit crunch’, il est devenu impossible ou trop coûteux d’emprunter. C’est ainsi que des institutions jusque là en bonne santé financière se trouvent dans une situation de quasi faillite. En effet, avec la ‘juste valeur’, les titres sont reportés au bilan à leur valeur du marché. Les titres illiquides n’ont aucune valeur économique. Des banques d’investissements, très puissantes, se sont, avec la juste valeur, trouvées brusquement sur endettées.

La valorisation au prix du marché a un lien direct avec la liquidité. En cas de chute de la valeur des titres, une forte pression se fait peser sur les fonds propres, qui peut déboucher sur une situation d’insolvabilité. C’est le cas de banques d’investissement qui ont eu des problèmes à se recapitaliser si ce n’est l’intervention des autorités fédérales américaines. Le schéma suivant montre bien la relation entre valorisation et liquidité et leurs répercussions sur les exigences de fonds propres.

Schéma n°4 : Les relations entre valorisation à la ‘juste valeur’ et liquidité

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Source : Noyer, 2009, p.93 et MATHERAT, 2008, p.68

Avec le modèle du coût historique, les titres, qu’ils soient sur ou sous évalués, sont portés au bilan à leur coût d’achat. Le bilan des institutions concernées reste, avec le principe de prudence qui ne permet pas de constater les plus values latentes, inchangé dans le premier cas. Les provisions pour pertes latentes, dans le second cas, ne changent pas fondamentalement la valeur du bilan. L’institution peut garder les titres dévalués jusqu’à leur maturité avec l’espoir d’une amélioration futur de la situation.

Pour illustrer l’incidence des deux méthodes d’évaluation sur la valeur du bilan, prenons un exemple :

Une institution achète 1.000 $ de titres courant 2005. En juin 2006 leur cours est passé à 3.120 $, mais avec le début de la crise en 2007, il a chuté à 1.350 $.

Selon le modèle du coût historique, les titres sont enregistrés dans le bilan de 2005 à 1.000 $, et demeure ainsi en 2006 et 2007 (leur dépréciation de 2007 ne nécessite pas de provision car la valeur du marché dépasse leur coût d’achat).

Avec le modèle de la ‘juste valeur’, la valeur porté au bilan de 2005 dépend de leur valeur à la publication des états financiers. Elle peut être supérieure ou inférieur à 1.000$. En 2006, ils sont enregistrés à 3.120 $ avec un bénéfice de 2.120 $ porté au compte de résultat. Ce bénéfice n’est pas réalisé. Il est hypothétique. En 2007, la valeur portée au bilan, étant celle du marché, de 1.350 $. La perte de 770 $ est portée comme perte au compte de résultat.

Avec la ‘juste valeur’, le résultat et la valeur des capitaux propres changent constamment suivant le mouvement des cours. Avec la montée des cours, la plus value est enregistrée comme bénéfice au compte de résultat donnant ainsi une fausse impression de richesse. Avec l’amélioration de leurs capitaux propres, les institutions financières prennent plus de risques en octroyant davantage de crédits ; sachant que leur situation réelle n’a pas vraiment changé tant que les titres

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qu’elles détiennent ne sont pas vendus. Il a fallu l’éclatement de la bulle immobilière et la perte de confiance qui a suivi pour que la valeur de tous les titres chute ; mêmes ceux qui ne sont pas touchés par les subprimes défaillants. La titrisation a encore aggravé le phénomène, car, par manque de transparence, personne ne connaît vraiment la composition des MBS et des CDO. Sachant que ces titres dérivés sont des ‘packages’ composés de titres de niveaux de risques différents.

L’impact de cette crise est encore plus grave avec la chute de la valeur de l’immobilier. Dans le cas où, selon l’IAS 40, la juste valeur est appliquée, une autre partie de l’actif (les immeubles) est dépréciée avec son impact sur la valeur comptable des fonds propres qui s’ajoute pour les institutions détenant des instruments financiers à la dépréciation de ces derniers (CHAUVEAU, 2008).

Il résulterait de l’application du modèle de la ‘juste valeur’ une exacerbation des tendances pro-cycliques. En cas de crise (ou d’euphorie), elle entrainerait des réactions en boucle (comme expliqué sur le schéma ci-dessous) qui ne manqueraient pas de déstabiliser directement le système financier et indirectement l’économie réelle en asséchant la liquidité indispensable pour entretenir la production et la croissance.

Schéma n°5 : effets du modèle d’évaluation utilisant la ‘juste valeur’ sur le système financier.

Source : Noyer, 2009, p.96 et MATHERAT, 2008, p.69

Malgré ses caractéristiques pro-cycliques, le modèle de la ‘juste valeur’ n’est qu’un moyen de mesure. Il ne fait qu’améliorer la transparence en rapportant la réalité du moment. En défendant ce modèle, Gerrit Zalm (nommé par le gouvernement allemand pour superviser la fusion entre la banque nationalisée Fortis Nederland et ABN Amro) a déclaré que « vous ne pouvez pas blâmer le

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thermomètre pour la fièvre qu’a un malade ». La ‘juste valeur’ ne fait que mesurer les actifs qui ont perdu leur valeur dans cette crise. Il faudrait, d’après Zalm, que les régulateurs, et non pas l’IASB, soient appelés à jouer le rôle de docteur. En précisant que toutefois, l’IASB travaille avec le comité Bale pour éviter de tomber encore une fois dans «ces cercles vicieux» (Leone et Reason, CFO.com, 05-12-2008).13

A la lumière des difficultés de compréhension, d’application et d’interprétation soulevées par les utilisateurs des normes comptables, l’IASB a depuis 2005 engagé des procédures pour revoir l’IAS 39 ainsi que les autres IFRS mis en cause. En octobre 2008, l’IASB a mis en place le FCAG (Financial Crisis Advisory Group) pour proposer les réformes à même d’améliorer la confiance des investisseurs dans les marchés financiers. De plus le G20 et d’autres parties ont recommandé à l’IASB d’améliorer et de simplifier, au plus tard fin 2009, les normes comptables concernant les instruments financiers. L’IASB s’est engagé à remplacer l’IAS 39 par un IFRS avant cette date (IASB, Exposure Draft ED/2009/7, juillet 2009). De même au USA, la loi EESA (Emergency Economic Stabilization Act) de 2008 a exigé du SEC de mener une étude sur la comptabilité appliquant aux institutions financières la méthode d’évaluation ‘mark to market’.

III – La juste valeur et la crise :

L’application de la ‘juste valeur’ n’est pas uniquement une méthode d’évaluation des éléments de l’actif et du passif d’un bilan, c’est le passage d’une approche basée sur des ‘règles’ à une autre basée sur des ‘principes’. C’est une adaptation technique à un nouvel environnement économique, entièrement financiarisé, où la croissance est tirée par les marchés financiers. Son objectif est de produire une information à l’intention des agents économiques et financiers qui sont à l’origine de l’offre et de la demande dans ces marchés. La question qui se pose est double. Doit-on produire une information pertinente aux stockholders, étant l’objectif déclaré des normalisateurs comptables ? Laquelle des deux méthodes (coût historique ou juste valeur) est la meilleure pour informer la prise de décision dans ce cas là ? La réponse à la première question est certainement oui. En effet, plus de la moitié des pays ont opté pour les IFRS14, et que l’environnement actuel n’est pas celui de 1929. Pour la seconde question, la réponse n’est pas aussi claire. Les défenseurs de l’une ou de l’autre méthode sont nombreux. Chacun peut présenter plusieurs arguments théoriques ou tirés de l’expérience pour défendre son point de vue. Il suffit de consulter les dizaines d’adresses électroniques sur la crise et la normalisation comptable pour s’en apercevoir tout en s’embrouillant. En réalité, le système actuel est très complexe. Par conséquent personne ne peut cerner l’ensemble des variables à la fois. Toute analyse n’est donc que partielle, et compte tenu de la rationalité limitée (dans le sens donné par Simon) de l’être humain, chacun est tenté de voir à partir du prisme qui satisfait mieux ses intérêts. En effet, autant la juste valeur que le coût historique ont chacun leur inconvénient (Boyer, 2007).

Pour les titres détenus pour la vente par les institutions financières (leur marchandise), et pour lesquels un marché actif et liquide existe, la seule méthode fiable et pertinente est celle du marché. Elle offre aux investisseurs la possibilité de vérifier, quasiment en temps réel, la valeur de leurs portefeuilles. Elle accroît ainsi la transparence et procure, en retour, davantage d’informations aux marchés financiers. Ces titres font partie de l’actif circulant, et sont échangés rapidement à très

13 http://www.cfo.com/index.cfm/l_emailauthor/12750140/c_2984321/2985001 14

Au 27-08-2008, plus de 100 pays, dont l’Europe, exigent ou permettent l’application des IFRS. Approximativement 85% de ces pays exigent que la publication des états financiers soient selon les IFRS. (Fujioka, Seko et Hoontrakul, 2008)

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bref horizon. Dans ce cas, la valeur du marché comporte toutes les informations pertinentes pour prendre la meilleure décision de vente ou d’achat.

Or, les institutions financières détiennent certains titres jusqu’à maturation, ou alors, le marché où ces instruments sont échangés est temporairement ou définitivement peu actif ou même illiquide. Dans ces cas, la valeur du marché ne peut être pertinente. Tout le débat actuel concerne la recherche de la meilleure méthode d’évaluation dans un contexte d’absence partielle ou totale de marché pour ces titres. Tous les arguments des opposants au modèle d’évaluation à la ‘juste valeur’ portent sur son caractère pro cyclique, et ses effets, que le marché soit en euphorie (car une valeur marchande qui dépasse la valeur sous jacente des fondamentaux, alimente la bulle, donne une impression de richesse et pousse les institutions financières, trop optimistes, à prendre plus de risques), ou en crise (dans ce cas, c’est exactement l’effet inverse : surestimation des risques, sous évaluation des titres, pessimisme généralisé, assèchement des crédits alimentant une crise systémique...). Pour Mistral (Institut de l’entreprise, 2009), dans la période de hausse, les nouvelles normes comptables ont alimenté un sentiment, tout-à-fait infondé, de puissance, d’invulnérabilité, et de pérennité des gains établis.

Malgré les critiques formulées par les banques, les assurances15 et certains professionnels, les normalisateurs, qui défendent les intérêts des apporteurs de capitaux (avec une vision de l'entreprise adaptée aux besoins des investisseurs financiers et de la course aux rendements, ignorant les besoins de l'Etat (fiscalité) et les autres parties prenantes), ont tenu à montrer la supériorité de cette méthode, et qu’il fallait simplement lui apporter certains aménagements techniques qui tiennent compte des situations où la valeur du marché ne reflète pas les fondamentaux.

Tout en reconnaissant sa responsabilité dans l’exaspération de la crise, Sir David Tweedie, président actuel de l’IASB, affirme que la comptabilité est la dernière sur la liste de facteurs responsables de cette crise. Il pense qu’il fallait plutôt responsabiliser les banquiers qui ont accordé de mauvais crédits qu’ils ont éparpillés partout dans le monde avec leur ‘originate and distribute model’16. C’est, d’après lui, la faute aux agences de notation qui ne savaient pas ce qu’il se passait. Enfin, c’est aussi celle des investisseurs qui ne savaient pas ce qu’ils achetaient17. Pour Tweedie, il faut poser les vraies questions : les entreprises ont-elles correctement contrôlé leurs risques ? Les investisseurs avaient-ils la moindre idée de ce qu’ils achetaient ? Le vrai problème tient plutôt à l’opacité de ces titres18. C’est le manque de confiance et de transparence. La titrisation des crédits et le déficit d’une régulation efficace sont les principaux responsables pour la plupart des observateurs. Boyer (2006), estime que la racine de la crise n’est autre que les innovations financières qui rencontrent beaucoup de succès sans qu’elles soient convenablement encadrées par les autorités de régulation qui déclenchent une bulle spéculative. Ensuite, par manque de transparence et par un déficit informationnel, elles débouchent sur une crise, plus ou moins grave.

Robert Hertz, président du FASB américain, a déclaré en 2008, que la juste valeur n’est pas responsable de la crise, c’est plutôt la faute aux marchés financiers avec leurs instruments complexes et une titrisation à risque adossée aux hypothèques (mortgages). Ses critiques sont

15

Martin Sullivan, patron d'American International Group (AIG), a proposé l'abolition pure et simple du principe de la « juste valeur » (DE GUIGNÉ A., « Les normes comptables IFRS accentuent la crise financière », JDF HEBDO, 21.03.2008)

16 Ce modèle sépare le financement du risque ; d’où une explosion du volume des produits dérivés risqués et la détérioration de la qualité des actifs correspondants. 17 Srivats, 19-01-2009 K.R. « Don’t blame accounting for financial mess: IASB chief » 18 Les Echos - jeudi 10 janvier 2008, p.40

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orientées vers Wall Street et vers l’’enthousiasme mal placé des investisseurs’19. Toutefois, comme le président de l’IASB, il reconnaît une certaine responsabilité de la normalisation comptable, en déclarant que le système américain de publication des états financiers doit faire face à un nombre important et difficiles de défis. Il doit réduire la complexité, améliorer la transparence et l’utilité de l’information destinée au investisseurs.

Pour le FCAG les normes comptables ne sont pas une des causes profondes de la crise, mais, à la lumière des derniers évènements, des faiblesses sont apparues. Il s’agit des difficultés d’appliquer la juste valeur quand le marché est illiquide, l’existence de différentes structures de financement hors bilan, et la complexité des normes elles-mêmes (Christodoulou, 2009).20

Devant les critiques de plus en plus nombreuses de la ‘juste valeur’, trois membres de l’Efrag (European Financial Reporting Advisory Group, l’organe qui conseille la Commission sur toutes les questions comptables) ont proposé l’abandon pur et simple de la notion de juste valeur au profit d’une moyenne historique qui prendrait pour référence les six ou douze derniers mois21. En réponse, Philippe Danjou, membre de l’IASB, a déclaré que «l’application de la fair value, qu’il n’est pas question d’écarter, mérite probablement qu’on prenne quelques précautions dans les conditions actuelles ; elle nécessite aussi beaucoup d’explications par les dirigeants sur les conditions de mise en œuvre, les hypothèses retenues et les incertitudes affectant les mesures »22.

Selon Wesbury et Stein (2009), la comptabilité à la juste valeur a créé un désastre dans le système financier américain. Dans ‘l’histoire monétaire américaine’, Milton Friedman et Anna Schwartz ont déclaré que la comptabilité ‘mark-to-market’ a causé la perte de plusieurs banques pendant la grande dépression de 1929. L’échec de ces banques n’était pas dû à de mauvais prêts, mais à des dépréciations comptables de bonds imposées par les régulateurs (Tyrrell). C’est pour cette raison que l’administration de Roosevelt a dû suspendre en 1938 l’application de l’évaluation au prix du marché pour permettre aux banques de reprendre l’octroi de crédits (Isaac, 2009)23. Pendant la période d’utilisation du coût historique (1939-2007), l’Amérique n’a pas eu à gérer de paniques ou de dépressions (Wesbury et Stein, 2009). C’est avec la promulgation par le FASB du FAS157 en septembre 2006 sur la juste valeur et son application obligatoire à partir de 2007 que les indices d’une crise systémique ont, pour beaucoup d’observateurs, commencé à apparaître. Pour Wesbury et Stein (2009), la corrélation n’est pas forcément une relation de cause à effet, mais une grande coïncidence.

Huerta de Soto J. (2009)24 en pensant que ‘cette révolution’ «est extrêmement néfaste et menace les fondations même de l’économie de marché», a résumé certaines critiques portées à l’encontre de la ‘juste valeur’ dans ces points :

1 – l’obligation de reporter les profits latents, qui ne seront pas matérialisés, provoque une inflation des chiffres comptables, et donne un ‘effet richesse’ artificiel qui, en période de boom du cycle économique conduit à des comportements erronés (allocation de bénéfices virtuels, prise de risques disproportionnés, erreurs dans la gouvernance des entreprises…) privilégiant le court terme au détriment de la production et le long terme ;

19Tim Reason and Marie Leone - CFO.com | US December 9, 2008, http://www.cfo.com/index.cfm/I_emailauthor/12755724/c_2984368/2985076) 20 Christodoulou M, 2009, « Accounting not to blame for financial crisis », Accountancy Age, le 28 juillet 2009, http://www.accountancyage.com/ 21 http://www.agefi.fr/search/excerpt.aspx?societe=Financial Times 22 http://www.agefi.fr/search/ ?search=Philippe Danjou 23 http://spectator.org/archives/2009/02/01/providing-relief-from-the-cris 24 Huerta de Soto J. (2009) : « Crise financière : la faillite des réformes comptables », 16 février 2009

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2 - le rôle de la comptabilité n’est pas de refléter des valeurs du marché (subjectives et volatiles), mais de « permettre une gestion prudente et de prévenir la consommation du capital, par des règles strictes de conservatisme comptable (fondées sur le principe de prudence et l’enregistrement de la plus basse valeur entre coût historique et valeur de marché). Ces règles permettent de s’assurer qu’à n’importe quel moment, les bénéfices distribuables proviennent d’un surplus certain qui peut être distribué sans mettre en danger d’aucune façon la viabilité future de l’entreprise» ;

3 – la volatilité inhérente aux marchés financiers est introduite dans les bilans des entreprises les rendant «largement incompréhensibles et inutiles pour les agents économiques» ;

4 – les bilans volatils sont utilisés par les manager pour orienter leurs décisions et les «conduit à commettre des erreurs systématiques dans leur gestion de l’entreprise» ;

5 – les actionnaires peuvent être informés en annexes des états financiers de la valeur du marché des plus gros actifs, sans qu’il soit nécessaire de toucher aux principes traditionnels de prudence.

Pour Boyer (2007), «l’évaluation à la juste valeur ne fait que remplacer une information qui perd de sa qualité informationnelle, donc de sa pertinence, jour après jour (coût historique), par une information moins précise, moins fiable, sur la valeur réelle d’une entreprise qui n’est pas en liquidation». Ceci est vrai quand les marchés ne sont pas efficients. Peut-on dire que les marchés peuvent être efficients sachant que les investisseurs utilisent que partiellement et indirectement l’information comptable dans leurs décisions d’achat ou de vente. Leurs décisions sont mimétiques, elles se basent surtout sur l’anticipation de la réaction des autres investisseurs : vont-ils acheter ou vendre ? Les marchés financiers ont, comme caractéristique endogène, la pro cyclicité. En effet, quand les prix augmentent, les investisseurs, en anticipant d’autres augmentations, achètent pour pouvoir vendre avec des bénéfices. Par contre, quand les prix chutent, ils vendent pour limiter leur perte et acheter une fois les prix reprennent leur montée.

L’exemple du ‘Millennium Bridge’ souligne l'importance du double rôle des prix. Non seulement ils sont le reflet des fondamentaux économiques sous-jacents, mais aussi un impératif à l'action. Le prix induit des actions de la part des agents économiques, il est aussi le miroir de leurs actions. (Plantin G., Sapra H., Shin H. S.)25

Enfin, des documents sont périodiquement publiés par l’IASB et le FASB pour discussion en vue d’améliorer les normes comptables internationales et simplifier leur compréhension et leur mise en œuvre. L’IASB a dernièrement publié un document pour discussion portant sur des propositions de remplacement de l’IAS 39 par un nouvel IFRS. Dans ce document, il propose deux type de mesure, l’une à la ‘juste valeur’, l’autre utilisant le ‘coût amorti’. Dans le § B17 de ce document, « le conseil estime que le coût amorti peut fournir des informations utiles que lorsque l'instrument produit des rendements prévisibles en fonction de ses conditions contractuelles et est géré sur la base des flux de trésorerie contractuels générés, plutôt que vendu ou transféré». En conséquence, un actif ou passif financier serait évalué au coût amorti si deux conditions sont réunies: (a) l'instrument ne dispose que les caractéristiques d’un prêt traditionnel, et (b) l'instrument

25

“The Millennium Bridge example points to the importance of the dual role of prices. Not only are they a reflection of the underlying economic fundamentals, they are also an imperative to action. Prices induce actions on the part of the economic agents, as well as mirror the actions of the economic agents.” (Plantin G., Sapra H., Shin H. S.)

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est géré sur la base d'un rendement contractuel . Alors que dans le §B18 il propose que l’actif ou le passif financier qui ne remplit pas ces conditions devrait être mesuré à sa juste valeur26.

IV– L’Algérie et la crise financière :

IV-1- l’Algérie face à la normalisation comptables internationale :

L’Algérie a décidé d’adapter son Plan Comptable National (PCN) de 1976 à l’environnement comptable national et international actuel (économie du marché, normalisation comptable internationale) en optant pour les IAS/IFRS. Le cadre légal de cette réforme et les modalités d’application sont fixés par la loi n° 07-11 du 15 Dhou El Kaada 1428 correspondant au 25 novembre 2007 portant Système Comptable Financier27. Les modalités d’application des dispositions de cette loi sont fixées dans le décret exécutif n° 08-156 du 20 Joumada El Oula 1429 correspondant au 26 mai 200828. Enfin, l’arrêté du 23 Rajab 1429 correspondant au 26 juillet 2008 est venu fixer les règles d’évaluation et de comptabilisation, le contenu et la présentation des états financiers ainsi que la nomenclature et les règles de fonctionnement des comptes29. L’entrée en vigueur du nouveau SCF est prévue pour le premier janvier 2010.

Tout en s’alignant sur la normalisation comptable internationale, son cadre conceptuel et ses principes, le législateur a tenu compte de la spécificité nationale optant pour une introduction graduelle des IAS/IFRS. Le cadre conceptuel international d’inspiration anglo-saxonne, s’est mis ouvertement au service d’un capitalisme actionnarial (financier) organisé autour des marchés financiers, par opposition au capitalisme patrimonial de l’Europe continentale organisé autour d’une intermédiation financière classique.

A la différence du PCN de 1976, le législateur algérien a clairement définit les concepts en reprenant certaines définitions de l’IASB, et en apportant certaines clarifications pour simplifier son application et tenir compte de la spécificité de l’environnement comptable national. Les principaux concepts utilisés dans le cadre conceptuel international et repris par la règlementation algérienne sont :

1 – respect des principes comptables généralement admis : « Le système comptable financier comporte un cadre conceptuel de la comptabilité financière, des normes comptables et une nomenclature des comptes permettant l’établissement des états financiers sur la base des principes comptables généralement reconnus et notamment : comptabilité d’engagement, continuité d’exploitation, intelligibilité, pertinence, fiabilité, comparabilité, coût historique, prééminence de la réalité économique sur l’apparence juridique » (L’Art. 6. De la loi n°07-11).

2 - Les caractéristiques qualitatives de l’information financière sont reprises par l’art.8. du décret exécutif n°08-156 du 26-05-2008 : «l’information fournie dans les états financiers doit revêtir les caractéristiques qualitatives de pertinence, de fiabilité, de comparabilité et d’intelligibilité» (Décret exécutif n° 08-156 du 26-05-2008).

3 – La notion d’image fidèle est clairement définit. Dans l’art.11. du décret exécutif n°08-156, l’image fidèle est celle qui traduit les connaissances des dirigeants de leur entité. «… L’image fidèle des états financiers doit traduire la connaissance que les dirigeants ont de la réalité et de l’importance relative des évènements enregistrés… ». Reprise dans l’art.19. du même décret en 26 IASB (2009) : “Financial Instruments: Classification and Measurement Comments”, Basis for Conclusions, Exposure Draft ED/2009/7, July 2009 27 JO n°74 du Dimanche 15 Dhou El Kaada 1428 Correspondant au 25 novembre 2007 28 JO n° 27 du Mercredi 22 Joumada El Oula 1429 Correspondant au 28 mai 2008 29 JO N° 19 du Mercredi 28 Rabie El Aouel 1430 Correspondant au 25 mars 2009

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insistant sur le caractère pertinent de l’information, par rapport à la réalité qu’elle décrit. Sachant qu’ailleurs, la pertinence est, généralement, liée à l’utilisateur de l’information.

« Les états financiers doivent, par leur nature et leur qualité et dans le respect des principes et des règles comptables, satisfaire à l’objectif d’image fidèle en donnant des informations pertinentes sur la situation financière, la performance et la variation de la situation financière de l’entité.

Dans le cas où l’application d’une règle comptable se révèle impropre à donner une image fidèle de l’entité, les motifs doivent être mentionnés dans l’annexe aux états financiers… » (Décret exécutif n° 08-156 26-05-2008).

4 – Le principe de prudence est définit dans l’art.14. du décret exécutif :

«La comptabilité doit satisfaire au principe de prudence impliquant l’appréciation raisonnable des faits dans des conditions d’incertitude afin d’éviter le risque de transfert, sur l’avenir, d’incertitudes présentes susceptibles de grever le patrimoine ou le résultat de l’entité.

Les actifs et les produits ne doivent pas être surévalués, et les passifs et les charges ne doivent pas être sous-évalués.

L’application de ce principe de prudence ne doit pas conduire à la création de réserves occultes ou de provisions excessives » (Décret exécutif n° 08-156 26-05-2008).

5 – L’évaluation doit se faire au coût historique :

« Les éléments d’actifs, de passifs, de produits et de charges sont enregistrés en comptabilité et présentés dans les états financiers au coût historique, sur la base de leur valeur à la date de leur constatation, sans tenir compte des effets de variations de prix ou d’évolution du pouvoir d’achat de la monnaie.

Cependant des actifs et passifs particuliers tels que les actifs biologiques et les instruments financiers sont valorisés à leur juste valeur.

Les modalités d’application des dispositions du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé des finances » (Art. 16. du décret exécutif n° 08-156 26-05-2008).

Ce choix est cependant clarifié dans l’arrêté du 26-07-28 dans le § 112-1, permettant l’utilisation de la ‘juste valeur’ pour certains éléments :

« La méthode d’évaluation des éléments inscrits en comptabilité est fondée en règle générale sur la convention des coûts historiques. Cependant il est procédé dans certaines conditions fixées par le présent règlement et pour certains éléments à une révision de cette évaluation sur la base : a- de la juste valeur (ou coût actuel), b - de la valeur de réalisation, c - de la valeur actualisée (ou valeur d’utilité)» (§112-1. de l’arrêté du 26-07-2008, JO du n°19 du 25-03-2009).

6 – L’évaluation des ‘instruments financiers disponibles à la vente’ sont évalués à leur juste valeur :

« 122-5. Les participations et créances rattachées détenues dans l’unique perspective de leur cession ultérieure ainsi que les titres immobilisés de l’activité de portefeuille sont considérés

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comme des instruments financiers disponibles à la vente et sont évalués, après leur comptabilisation initiale, à leur juste valeur qui correspond notamment :

* pour les titres cotés, au cours moyen du dernier mois de l’exercice ;

* pour les titres non cotés, à leur valeur probable de négociation, cette valeur pouvant être déterminée à partir de modèles et techniques d’évaluation généralement admis.

Les écarts d’évaluation dégagés lors de cette évaluation à la juste valeur sont comptabilisés directement en diminution ou en augmentation des capitaux propres (§122-5. de l’arrêté du 26-07-2008, JO du n°19 du 25-03-2009).

7 – Par contre, les placements détenus jusqu’à leur échéance sont évalués au coût amorti :

« Les placements détenus jusqu’à leur échéance ainsi que les prêts et créances émis par l’entité et non détenus à des fins de transaction sont évalués au coût amorti. Ils sont également soumis à la clôture de chaque exercice à un test de dépréciation afin de constater une éventuelle perte de valeur, conformément aux règles générales d’évaluation des actifs » (§122-6, arrêté du 26-07-2008, JO du n°19 du 25-03-2009).

IV-2- Normalisation comptable algérienne et la crise :

L’environnement comptable algérien diffère de l’environnement international et particulièrement anglo-saxon :

1 – l’Algérie a opté pour l’évaluation au coût historique, beaucoup plus fiable et stable ;

2 – l’absence quasi-totale de marchés financiers et d’entreprises cotées ;

3 – recourt exclusivement aux instruments financiers classiques de crédit. Les banques algériennes n’interviennent pas dans les marchés internationaux utilisant les instruments financiers d’investissement.

Malgré l’absence de facteurs pro-cycliques, la nouvelle règlementation a opté pour la prééminence de la réalité économique sur l’apparence juridique et opté pour la juste valeur pour certains éléments d’actif ou de passif. La juste valeur ne pouvant être celle du marché (mark to market), va être obtenue utilisant les «modèles et techniques d’évaluation généralement admis» (mark to model). Pour alimenter ces modèles, elle doit avoir recourt à des experts et à des systèmes d’information de gestion efficaces. Or, à ce jour, ni l’un, ni l’autre n’existe vraiment en Algérie. Par conséquent, il faut s’attendre, au moins dans le court et le moyen terme, à des problèmes d’évaluation, et à des malentendus avec les autorités fiscales ainsi qu’à des tentatives de manipulation des comptes. En prévision de cela, le législateur a, en définissant le principe de prudence, ajouté que « les actifs et les produits ne doivent pas être surévalués, et les passifs et les charges ne doivent pas être sous-évalués. L’application de ce principe de prudence ne doit pas conduire à la création de réserves occultes ou de provisions excessives » (Art.14. du décret exécutif n° 08-156 26-05-2008). Qui va déterminer jusqu’où va la valeur exact des éléments d’actif ou du passif ?

Pour désamorcer toute mauvaise utilisation et améliorer le système, les autorités doivent mettre en place une structure permanente, avec des pouvoirs élargis, d’observation et de régulation pour :

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1 – arbitrer entre les différentes parties en cas de conflit (entité et fisc) ;

2 - proposer les ajustements qui seraient nécessaires dès que des insuffisances apparaissent.

Enfin, la normalisation comptable internationale et l’hégémonie du système anglo-saxon est pour Colasse,30 une évolution riche de conséquences pédagogiques. Il propose trois leçons à tirer :

1 - Nécessité d’enseigner les principes de la comptabilité contenus dans le cadre conceptuel des normes. Il est nécessaire de décortiquer à l’intention de nos étudiants le cadre conceptuel de l’IASB, dans le cadre de ses sous-jacents théoriques et idéologiques.

2 – « Nécessité d’enseigner la comptabilité comme une discipline de modélisation et d’interprétation de la vie économique et pas simplement comme une discipline de constat et d’enregistrement ». Développer chez l’étudiant les capacités analytiques nécessaires pour pouvoir interpréter et argumenter.

3 – Se familiariser avec la pratique comptable et juridique anglo-saxonne.

Conclusion :

Avec la normalisation comptable internationale, la comptabilité n’est plus uniquement ‘l’algèbre de droit’, mais un moyen de représentation financière d’une réalité complexe et dynamique. L’information qu’elle produit doit permettre la mobilisation de capitaux nécessaires au financement de l’économie réelle. De ce fait, elle n’est pas neutre. Elle est le résultat d’une représentation, d’un jugement. Elle doit être utile en reflétant fidèlement la réalité économique et financière de l’entité. Certes, les normes comptables ne sont pas encore complètes. Des ajustements techniques sont nécessaires pour tenir compte des situations extrêmes ; mais L’IASB a, à la lumière de la crise actuelle, mis en place le FCAG (Financial Crisis Advisory Group) pour proposer les réformes à même d’améliorer la confiance des investisseurs dans les marchés financiers. Le SEC, a de son côté demandé au FASB, à la suite de la promulgation de la loi EESA (Emergency Economic Stabilization Act) de 2008, d’engager des études pour apporter les modifications nécessaires. Ils sont tous d’accord que le retour vers le coût historique exclusif n’est pas la solution, et qu’il faudrait utiliser la valeur du marché, si ce dernier est actif et efficient, ou le coût amorti, dans le cas contraire.

La valeur du marché ne peut être à elle seule un facteur de crise ou de son exaspération. C’est un facteur parmi plusieurs autres, agissant dans le cadre d’un système social, ouvert et complexe, où il n’y a pas de relation de cause à effet directe. Seule une évaluation permanente des conséquences et l’apport de réponses adéquates peuvent éviter les crises systémiques destructrices de capitaux. Pour cela, il faudrait mettre en place une autorité de régulation avec des pouvoirs réels et lui donner l’autonomie nécessaire pour résister efficacement à l’influence des lobbies et des politiques.

L’Algérie ne va pas subir la crise à partir de son système comptable ni financier. Mais, dans une économie mondialisée, le pays, à l’instar des autres pays, va ressentir ses effets sur son économie. L’étendu dépend de la durée de cette crise. C’est comme une voiture qui dévale une pente, plus elle va loin, plus les dégâts sont importants.

30 Colasse B. (2004) :« L’actualité comptable 2004 », Conférence prononcée à la journée pédagogique organisée par l’Association Francophone de Comptabilité (AFC) le jeudi 16 septembre 2004 à l’ ENS de Cachan « L’évolution récente du droit comptable »

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