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Commentaire aux articles 7 et 18 du Pacte de la SDN

Mar 02, 2023

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Tiré à part de: Vittorio MAINETTI et Martin DENIS, “Article 7” et “Article 18”, dans Robert KOLB (dir.), Commentaire sur le Pacte de la Société des Nations, Bruylant, Bruxelles, 2014, p.325-384; p.733-761. ISBN-10 2802747711 ISBN-13 9782802747710

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ARTICLE 7

Vittorio M∗ et Martin D∗∗

[1] Le siège de la Société est établi à Genève.[2] Le Conseil peut à tout moment décider de l’établir en tout autre lieu.[3] Toutes les fonctions de la Société ou des services qui s’y rattachent, y

compris le Secrétariat, sont également accessibles aux hommes et auxfemmes.

[4] Les Représentants des Membres de la Société et ses agents jouissent dansl’exercice de leurs fonctions des privilèges et immunités diplomatiques.

[5] Les bâtiments et terrains occupés par la Société, par ses services ou sesréunions, sont inviolables.

[1] The Seat of the League is established at Geneva.[2] The Council may at any time decide that the Seat of the League shall be

established elsewhere.[3] All positions under or in connection with the League, including the

Secretariat, shall be open equally to men and women.[4] Representatives of the Members of the League and officials of the League

when engaged on the business of the League shall enjoy diplomaticprivileges and immunities.

[5] The buildings and other property occupied by the League or its officialsor by Representatives attending its meetings shall be inviolable.

Documents :

– Message du Conseil fédéral suisse à l’Assemblée fédérale concernantla question de l’accession de la Suisse à la Société des Nations (Berne,4 août 1919).

– Statut du personnel du Secrétariat de la Société des Nations (art. 1)(1933).

– L’interprétation de l’article 7, alinéa 4, du Pacte de la Société des Na-tions, Résolution de l’Institut de droit international, Session de Vienne,25 août 1924.

– Série législative des Nations Unies, Textes législatifs et dispositionsdes traités concernant le statut juridique, les privilèges et les immuni-tés d’organisations internationales, New York, Nations Unies, 1959-1961.

∗ Docteur en droit international (HEID Genève et Université de Milan). Adjoint scientifique, Université deGenève.∗∗ Doctorant en droit international, Université de Genève.

BRUYLANT

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326 Vittorio M et Martin D

– Communication du Conseil fédéral suisse concernant le régime desimmunités diplomatiques du personnel de la Société des Nations et duBureau international du Travail, 20 novembre 1926.

– Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étran-gères, 19 juillet 1921 : Aperçu du régime provisoire applicable à laSociété des Nations et à son personnel résidant à Genève.

***

S 1. – I ’

L’article 7 porte sur plusieurs questions liées au siège de la Société des Na-tions, aux privilèges et immunités diplomatiques attribués à ses agents etaux représentants des membres de la Société, ainsi qu’à inviolabilité desbâtiments et terrains occupés par la Société. Les différentes dispositions quile composent portent sur des thèmes très disparates. Il est vrai que la rédac-tion de l’article 7 s’est déroulée de manière fort brève lors des sessions dela Commission de la S.d.N. durant la Conférence de la Paix ; la réunion desdifférents paragraphes n’a eu lieu que tardivement (1). Toutefois, ayant pourbut de répondre aux aspects techniques indispensables au fonctionnementd’une organisation comme la S.d.N., l’article était pour l’époque construitd’une manière parfaitement cohérente. Il convenait tout d’abord d’établirle siège de l’organisation et de prévoir les modalités de son hypothétiquetransfert. Il était par la suite essentiel de fixer le statut et de prévoir uneprotection des personnes qui en assuraient le fonctionnement. Il fallait enfinprotéger l’organisation elle-même en prévoyant l’inviolabilité de ses locaux.

S 2. – L S..N.

Les deux premiers paragraphes de l’article 7 du Pacte concernent le siègede la Société à Genève et accordent au Conseil le pouvoir de changer salocalisation. Il apparaissait en effet nécessaire d’un point de vue juridiquede prévoir l’éventualité d’une délocalisation du siège d’une organisation po-litique à vocation universelle comme la Société des Nations. Plus qu’unenécessité juridique, cette disposition répond également à des considérationspratiques, le choix de Genève n’ayant pas fait l’objet d’un consensus im-médiat. Avant de se pencher sur la décision d’établir la Société à Genève, ilconvient de définir ce que le Pacte entend par « siège ». Le siège de la Sociétéconstitue le centre juridique et administratif de ses activités. Il est le lieu derésidence du Secrétariat. La formule de l’article 7 ne permet pas de conclureque toutes les activités de la Société doivent se dérouler à son siège. De fait,

(1) D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. I, pp. 316, 348 et 441 ; ibid., vol. II,pp. 108-109, 233, 260 et 506.

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ARTICLE 7 327

pendant plusieurs mois, le Conseil de la Société s’est réuni ailleurs. Ce n’estque lorsque le Secrétariat fut définitivement transféré à Genève que, pourdes raisons d’économie, le Conseil a cessé de se réunir à Londres pour tenirses sessions à Genève. Toutefois, pour des raisons diverses, le Conseil a puaussi se réunir dans d’autres lieux (2).

Une certaine concentration des activités de la Société desNations était perçuecomme nécessaire ; pour autant, la règle ne devait pas être trop rigide, aurisque d’entraver les activités d’une institution à vocation universelle. Il aainsi semblé utile à la Société d’entreprendre une certaine décentralisation,notamment pour les organismes techniques permanents dépendant de la So-ciété, comme l’Institut international de coopération intellectuelle, qui futinstallé à Paris, alors que plusieurs délégations auraient préféré l’installer àGenève (3). L’exemple fut repris lors de l’établissement à Rome de l’InstitutInternational pour l’unification du droit privé (Unidroit) et de l’Institut in-ternational du cinématographe éducatif. De même, plusieurs conférences in-ternationales organisées sous les auspices de la Société se sont tenues ailleursqu’à Genève, comme la Conférence sur le traitement des étrangers. Elle eutlieu à Paris entre le 5 novembre et le 5 décembre 1929, à la demande despays latino-américains (4).

Parallèlement aux avantages qu’offre une certaine décentralisation, cetteflexibilité s’explique également par les réticences exprimées lors du choixde la ville de Genève comme siège de la S.d.N. En effet, cette question es-sentielle a fait l’objet de nombreuses querelles entre les différentes déléga-tions représentées à la Conférence de Paris. Le choix du siège ne fut abordéqu’à un stade assez avancé de la négociation (5). Durant la 11e session dela Commission de la S.d.N., le 18 mars 1919, le président Wilson lut unenote du Gouvernement suisse proposant Genève comme siège de la Société.On décida alors de nommer une sous-commission chargée de trancher cettequestion (6). Plusieurs villes furent proposées, mais la compétition se limitaprincipalement au choix entre Bruxelles et Genève (7).

De nombreux congrès internationaux s’étaient réunis à Bruxelles, qui consti-tuait au même titre que la Suisse un symbole de mixité culturelle et d’unitépolitique (8). Contrairement à la Suisse, la Belgique acceptait toutes les

(2) La session de décembre 1928 s’est, p. ex. tenue à Lugano, et celle de juin 1929 à Madrid. Voy.J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes dela Société, op. cit., p. 284.

(3) V. M, « L’intérêt culturel internationalement protégé : Contribution à l’étude du droit in-ternational de la culture », thèse IHEID, no 881, Genève, 2011, pp. 15-22.

(4) J. R, op. cit., p. 284.(5) J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations

et des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 196.(6) D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. I, p. 316.(7) Pour la tenue de la « Conférence de la Paix », le président Wilson s’était laissé convaincre de choisir

Paris par le président du Conseil français Georges Clemenceau, mais déjà Genève avait été envisagée, toutcomme Lausanne, Bruxelles ou La Haye. On écarta toutefois la Suisse en raison du climat social qui y régnaiten 1918. Voy. J.-C. P, « Genève », UN Special, no 682, mars 2009, p. 30.

(8) O. H, Le Pacte de la Société des Nations : commentaire théorique et pratique, op. cit.,pp. 101-104 ; H.M. M, The Secretariat of the League of Nations : International Civil Service or Di-plomatic Conference ?, op. cit., p. 122.

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obligations de la Société des Nations (9). En effet, la neutralité de la Suisse nelui permettait pas d’accepter toutes les charges et obligations de la Société,comme l’éventuel passage de forces militaires et navales de la Société sur sonterritoire, ou encore l’interruption des relations commerciales avec les Étatsen rupture du Pacte (10). De plus, la Suisse, État neutre pendant le premierconflit mondial, ne participait pas officiellement à la Conférence de Paix etde ce fait ne pouvait que difficilement défendre l’idée d’installer le siège de laSociété sur son territoire (11). D’un autre côté, en raison des liens étroits quiunissaient la Belgique et la France, certaines délégations craignaient que cettedernière puisse exercer une trop grande influence si le siège de l’organisationétait implanté à Bruxelles. De ce fait, l’établissement de la Société à Genèvereçut un fort appui de la part du représentant de l’Empire britannique, LordRobert Cecil, et du président américain, W. Wilson.

La ville de Genève jouissait d’un rayonnement intellectuel certain et la Confé-dération helvétique apparaissait aux yeux de beaucoup comme le symbolede ce que devait être l’Europe, à savoir une fédération. Comme on l’a trèsjustement noté, seule une neutralité stricte a permis à la Suisse de concilierles influences germaniques et latines qui la composent (12). Le présidentWilson n’avait pas caché sa préférence pour Genève. On a pu mettre enavant la tradition calviniste de Genève pour expliquer cette préférence (13).Il semble toutefois moins risqué de se fier à l’admiration que Wilson avaitdepuis longtemps exprimée pour l’organisation politique de la Confédé-ration, qu’il considérait comme le modèle à suivre pour un nouvel ordrepolitique européen (14). Aidée de tels soutiens, il ne faisait plus de doutesque Genève serait choisie. La candidature de Bruxelles fut certes renouvelée,mais personne, hormis la France, ne soutint cette proposition. Le rapport dela sous-commission fut adopté par une majorité de 12 membres. Dès lors, lepremier paragraphe de l’article 7 fut définitivement rédigé (15).

Le Pacte, tout en fixant le siège de la S.d.N. à Genève, laisse au Conseil lepouvoir de le changer à tout moment et pour tout autre lieu. Cette dispo-sition constitue une nécessité juridique pour tenir compte de circonstancespolitiques particulièrement graves, qui pourraient se présenter à l’avenir etqui nécessiteraient un déplacement du siège hors de son lieu habituel. Le

(9) J.-C. P, « Genève », op. cit., p. 31.(10) Ibid., UN Special no 683, avril 2009, p. 33.(11) Avec l’accord du président Wilson, et sans pour autant en informer toutes les délégations présentes

à la Conférence de la Paix, le Prof. William Rappard, envoyé du Conseil fédéral à titre confidentiel, putparticiper aux négociations. Voy. Ibid., p. 33.

(12) O. H, Le Pacte de la Société des Nations : commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 122.(13) On a ainsi mis en avant le fait que W. Wilson était fils d’un pasteur presbytérien. Voy. J. K,

Genève, Histoire d’une vocation internationale, Genève, Zoé, 2010, p. 48 ; J.-C. P, « Genève », op. cit.,no 682 mars 2009, p. 31.

(14) En 1889, alors professeur d’université, W. Wilson écrivait dans un livre intitulé The State : « Lescantons helvétiques s’étant alliés les uns aux autres au cours des siècles, montrèrent au monde commentdes Allemands, des Français et des Italiens pouvaient, par coopération et par tolérance mutuelle, constituerune union politique à la fois stable et libérale, à la seule condition que chaque groupe ethnique respectât leslibertés des autres comme il désirait voir respecter par eux ses propres libertés ». Pour le texte, voy. J.M. Yet P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et des Statuts de l’Unionpanaméricaine, op. cit., pp. 196-197.

(15) D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. I, p. 441.

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ARTICLE 7 329

deuxième alinéa fut introduit à la demande d’un des conseillers juridiquesde la délégation américaine, David H. Miller (1875-1961). Il reflétait lesouci qu’inspiraient les importants troubles sociaux en Suisse et de crainteque les socialistes n’y prennent le pouvoir (16). Cette disposition constituaitégalement pour la France un moyen d’espérer un transfert du siège versBruxelles (17).

Étant donné la nature contestée du choix de Genève, les tentatives pourtransférer le siège de la S.d.N. ne manquèrent pas. L’éventualité d’un change-ment fut envisagée dès les premiers temps de la Société. En novembre 1919,des rumeurs circulaient sur le transfert du siège provisoire de Londres versBruxelles. Cela faisait craindre que, face au fait accompli, il soit difficilede ramener le siège en Suisse une fois installé en Belgique. De nouveau, enmars 1920, le Conseil de la S.d.N. recommandait au président Wilson, à quirevenait la décision en vertu de l’article 5, alinéa 3, du Pacte, de convoquer lapremière réunion de l’Assemblée à Bruxelles et non pas à Genève. Toutefois,Wilson ne se laissa pas convaincre et arrêta son choix le 17 juillet 1920.Le siège fut officiellement transféré de Londres à Genève le 1er novembre1920. La première Assemblée y fut convoquée le 15 novembre. Le premiersiège de la Société des Nations a été un hôtel désaffecté, l’Hôtel National,qui suite à l’attribution du Prix Nobel de la paix au président Wilson futrebaptisé « Palais Wilson » (18). D’autres tentatives de transfert eurent lieuxpar la suite, notamment en raison du mécontentement relatif au coût de lavie, comme a pu l’exprimer un représentant de la délégation française (19).Lorsqu’il fut question de la construction de l’édifice destiné à la Société, lesdiscussions sur un éventuel transfert du siège refleurirent. Il était notam-ment question d’un transfert vers Vienne. Toutefois, l’Assemblée de 1928approuva le choix du Parc de l’Ariana à Genève comme emplacement pourles nouveaux immeubles de la Société (20). La première pierre du nouvelédifice fut solennellement posée le 7 septembre 1929 (21).

(16) D’importantes manifestations ouvrières avaient été organisées par le « Comité d’Olten », comitéd’action fondé en février 1918 par l’Union des fédérations syndicales et Robert Grimm, membre du partisocialiste suisse. Appelé « soviet d’Olten » par ses opposants politiques, le comité prend le nom de la petiteville du canton de Soleure où ses membres s’étaient réunis. Au cours des premiers mois de l’année 1918, leComité négocia avec le Conseil fédéral, mais à l’automne, suite à la mobilisation des troupes et à l’occu-pation de la ville de Zurich, le Comité organisa plusieurs grèves, et proclama finalement la grève généralele 12 novembre. Pour contrer les 250 000 grévistes, le gouvernement mobilisa 100 000 soldats. Le comitécapitula finalement trois jours plus tard sans qu’il n’y ait d’affrontements. Entre-temps, le Conseil fédéralavait ordonné l’expulsion de la mission soviétique, soupçonnée d’activités subversives en territoire suisse.Voy. C. F, La grève générale de 1918, 3e éd., Genève, Éditions générales 1969 ; M. V et al., Lagrève générale de 1918 en Suisse, Genève, Grounauer, 1977 ; J.-C. P, « Genève », op. cit., no 684, mai2009, pp. 46-47.

(17) J. K, Genève, op. cit., p. 54.(18) J.-C. P, « Genève », op. cit., no 685, juin 2009, p. 42.(19) A. 1921, C., IV, pp. 8 et 139.(20) A. 1928, P., p. 167.(21) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 283.

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S 3. – L’

L’affirmation de l’accès égal des femmes et des hommes aux fonctions de laSociété constituait une étape nécessaire dans la promotion des droits de lafemme et du principe de l’égalité entre les sexes. L’article 7 ne porte que sur lecadre restreint du fonctionnement de la Société ; or le Pacte affirme ailleursson attachement à ces principes (22). En effet, l’article 23 du Pacte invited’une part les États membres à garantir des conditions de travail équitableset humaines pour les hommes, les femmes et les enfants (alinéa a), et d’autrepart confie à la Société le contrôle général des accords relatifs à la traite desfemmes et des enfants (al. c) (23).

Le principe de l’égal accès des hommes et des femmes aux fonctions de laSociété et aux services qui s’y rattachent n’a été introduit que tardivementdans les travaux de la Conférence de Paris et n’a pas fait l’objet de négo-ciations particulières (24). De l’avis de plusieurs délégations, il n’était pasnécessaire de prévoir expressément ce principe. La disposition fut toutefoisintroduite à la demande de la délégation britannique, lors de la 13e session dela Commission, le 25 mars 1919. Le représentant de l’Empire britannique,Lord Robert Cecil, justifia la nécessité d’une telle disposition par le faitqu’en droit anglo-saxon, les femmes sont exclues des bénéfices du droitsi elles ne sont pas expressément mentionnées. Il n’y eut pas d’objectionsà l’introduction de cet amendement et seul le libellé de la disposition futmodifié par la suite (25).

L’alinéa est rédigé en des termes clairs et ne prévoit aucune dérogation auprincipe de l’accès égal des hommes et des femmes aux fonctions de la So-ciété. En pratique, toutefois, il fut bien souvent nécessaire d’entreprendredes démarches spéciales pour que des femmes soient admises à des postesimportants au sein de la Société. C’est ainsi que dans une lettre du 8 juin1921 adressée au Secrétaire général (26), le Conseil pour la représentationdes femmes dans la S.d.N. demanda à ce que les femmes soient représen-tées au sein de l’Organisation d’hygiène. Durant la 48e session du Conseil,dans le cadre des négociations sur la composition du Comité économique,le représentant du Canada, M. Dandurand, proposa qu’un membre fémi-nin soit nommé et qu’au besoin l’on ajoute pour le Canada un membre

(22) Pour une lecture générale sur cette question, voy. K-T, La femme et la Société des Nations,Paris, Les presses modernes, 1928.

(23) L’art. 23 du Pacte se lit comme suit : « Sous la réserve, et en conformité des dispositions desconventions internationales actuellement existantes ou qui seront ultérieurement conclues, les Membresde la Société : a) s’efforceront d’assurer et de maintenir des conditions de travail équitables et humainespour l’homme, la femme et l’enfant sur leurs propres territoires ainsi que dans tous pays auxquels s’étendentleurs relations de commerce et d’industrie, et, dans ce but, d’établir et d’entretenir des organisations interna-tionales nécessaires [...] c) chargent la Société du contrôle général des accords relatifs à la traite des femmeset des enfants, du trafic de l’opium et autres drogues nuisibles ».

(24) J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nationset des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 197.

(25) D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. I, p. 348.(26) J.O., 1921, pp. 532-533.

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correspondant, qui serait une femme (27). Malgré l’opposition de certainsgouvernements, le Conseil décida de confier à son président la désignationdes membres, en accord avec le Secrétariat (28).

En 1928, la 1re Commission fit accepter par l’Assemblée une proposition derésolution cubaine et vénézuélienne invitant les États membres participantà la Conférence de codification à faire une plus large place aux femmes ausein de leurs délégations (29). L’Assemblée eut toutefois le besoin de sou-ligner que la question de la nationalité, à l’ordre du jour de la Conférence,présentait « pour les femmes un intérêt particulier ». Un tel argument sembleassez révélateur de l’état d’esprit de l’époque. Cette démarche constituaitpar ailleurs plus un vœu adressé aux États qu’une application de l’article 7du Pacte (30). En revanche, l’amendement adopté par la 2e Commission del’Assemblée en 1928 procédait plus directement des conceptions égalitairesde l’article 7 en prévoyant que les nominations au sein des instituts constituéssous l’autorité de la Société devraient « se faire sans distinction de sexe» (31).

Les avis de la doctrine sur les effets de l’article 7 sont partagés. Certains sesont félicités d’une meilleure représentation des femmes et ont mis en avantla composition du Secrétariat, du Bureau international du travail, ou encoredu greffe de la Cour permanente de justice Internationale (32). D’autres ontexprimé une vision plus générale, ne se limitant pas au personnel de la So-ciété, et ont déploré la faible représentativité des femmes au sein des déléga-tions des États membres de la Société (33). En dépit de progrès importantsen la matière, ce constat demeure très certainement pertinent de nos joursau sein de l’Organisation des Nations Unies, dont la Charte réaffirme en sonpréambule son attachement au principe de l’égalité homme/femme et dontl’article 8 reprend dans une très large mesure la formule de l’article 7, alinéa3, du Pacte (34). Au-delà de toutes ces appréciations particulières, il siedsans doute de mettre en exergue le caractère très progressiste de l’article 7du Pacte sur ce point, en considérant l’époque de sa rédaction.

(27) J.O., 1928, p. 403.(28) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 288.(29) La résolution se lit comme suit : « L’Assemblée, considérant que la question de nationalité inscrite

à l’ordre du jour de la Conférence de codification présente pour les femmes un intérêt particulier et que déjàl’article 7 du Pacte a consacré l’égale accessibilité des femmes et des hommes aux fonctions de la Société et auxservices qui s’y rattachent, émet le vœu que les États membres de la Société convoqués à la future Conférenceexaminent l’opportunité de tenir compte de ces considérations dans la composition de leurs délégations ».Voy. A. 1928, C., I, p. 18.

(30) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence desorganes de la Société, op. cit., p. 289.

(31) A. 1928, C., II, p. 50.(32) J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations

et des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 197.(33) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 289.(34) L’art. 8 de la Charte des Nations Unies se lit comme suit : « Aucune restriction ne sera imposée par

l’Organisation à l’accès des hommes et des femmes, dans des conditions égales, à toutes les fonctions, dansses organes principaux et subsidiaires ».

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S 4. – L S..N.

Lors de la rédaction du Pacte, il a semblé indispensable d’entourer de toutesles garanties nécessaires à l’œuvre de la Société les personnes qui en assu-raient le fonctionnement et qui en animaient les organes décisionnels. Bienque la question soit d’une grande importance pratique, le paragraphe 4 del’article 7 fut rédigé en des termes très généraux, sans toutefois que cela negénère des controverses particulières lors de sa rédaction (35).

Le 20 janvier 1919, un projet d’article sur cette question fut soumis par ladélégation britannique, lors de la Conférence de la Paix (36). L’article pré-voyait que : « The representatives of the States members of the League at-tending meetings of the League, the representatives of the High ContractingParties at the capital of the League, the Chancellor and the members of thepermanent secretariat of the League, and the members of any judicial oradministrative organ or of any commission of enquiry working under thesanction of the League, shall enjoy diplomatic privileges and immunitieswhile they are engaged in the business of the League ».

La formulation actuelle de l’article 7 correspond à une version légèrementmodifiée, soumise le 3 février 1919 lors de la première réunion de la Commis-sion chargée de rédiger le Pacte (37). La Commission l’adoptera deux joursplus tard sans y apporter de changements (38). Bien que le texte originalénumère avec plus de détails les bénéficiaires des privilèges et immunités,cette modification ne semble pas être due à des désaccords sur le champd’application personnel de l’article (39).

Si l’analyse des travaux préparatoires ne révèle pas des controverses sur larédaction de l’article 7, elle ne permet pas non plus d’établir quelles étaientles raisons ayant motivé l’insertion d’une disposition protégeant les agentsde la S.d.N. et les représentants des États membres. La raison d’être de l’ar-ticle ne fait cependant pas de doute. La Société étant destinée à jouer un rôlecentral dans la sphère des relations internationales, il était nécessaire queses agents puissent accomplir leurs fonctions sans interférences de la part degouvernements nationaux.

Il est désormais largement admis que le véritable fondement des privilègeset immunités réside dans l’intérêt de la fonction de leurs bénéficiaires (40).L’article 105 de la Charte des Nations Unies réaffirme clairement ce principe,lorsqu’il accorde aux représentants des États membres et aux fonctionnaires

(35) J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nationset des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., pp. 195-196.

(36) D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. II, p. 108.(37) Ibid., p. 233.(38) Ibid., p. 260.(39) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, Washington, Carnegie Endowment, 1947, p. 4.(40) J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », AJIL, no 41, 1947, p. 839.

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ARTICLE 7 333

de l’Organisation des Nations Unies les « privilèges et immunités qui leursont nécessaires pour exercer en toute indépendance leurs fonctions en rap-port avec l’Organisation ». Les privilèges et immunités prévus par le Pacteavaient pour but de permettre à la Société d’exercer les fonctions de pacifi-cation et de coopération que lui assigne le Pacte, en jouissant d’une pleineet effective indépendance vis-à-vis de gouvernements nationaux. Comme leRapport de l’Institut de Droit International le souligne (41), les prérogativesaccordées aux représentants d’États et aux agents d’une organisation inter-nationale ont un même fondement : il s’agit de permettre aux bénéficiairesd’exécuter leurs missions dans les meilleures conditions possible, et ce, dansl’intérêt général.

Le Pacte vise deux catégories distinctes de personnes : les représentants desÉtats membres de la Société d’une part, et ses agents d’autre part. En em-ployant l’expression « privilèges et immunités », l’article 7 reprend une for-mule qui ne s’appliquait qu’aux agents diplomatiques, également appelés« ministres publics », mandatés pour représenter leur gouvernement auprèsd’autres États. Il est dans une certaine mesure possible d’assimiler le sta-tut des représentants des États membres à celui de ministres publics. Il n’yavait jusqu’alors que de rares exemples d’organisations internationales ga-rantissant expressément une telle protection à son personnel (42). Depuis laseconde moitié du XIXe siècle, les ministres publics n’étaient cependant plusles seules personnes admises au bénéfice des privilèges et immunités diplo-matiques. Ces prérogatives ont été étendues aux membres de ce que l’on ap-pelait les « organes d’intérêt international » (43). Toutefois, les prérogativesdiplomatiques n’étaient accordées à ces personnes que par assimilation austatut d’agents diplomatiques. Ces fonctionnaires étaient considérés commedes représentants des États qui les avaient nommés, non pas comme desagents d’une communauté d’États (44). La pratique antérieure à l’adoptiondu Pacte ne permet donc pas d’établir ce qu’il faut entendre par l’expression« agent de la Société ». La définition très générale des bénéficiaires des privi-lèges et immunités n’a pas été sans soulever certaines difficultés dans la miseen œuvre de l’article 7.

Par ailleurs, le Pacte ne prévoit pas les prérogatives auxquelles les agents etreprésentants des États membres de la Société ont droit. L’étendue des privi-lèges et immunités devait être recherchée analogiquement dans la pratique

(41) Rapport Diena et De Visscher, Annuaire de l’Institut de droit international, 1924, vol. 31, p. 3.Voy. Annexe 1.

(42) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations etde ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), Paris, Sirey, 1929,p. 10 ; J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, thèse, Lausanne, 1928, pp. 9-10 ; M. H, Immunities and Privileges of InternationalOfficials. The Experience of the League of Nations, op. cit., p. 4 ; J.L. K, « Privileges and immunities ofInternational Organizations », op. cit., pp. 828 et s.

(43) Voy., p. ex., l’art. 240 du Traité de Versailles concernant les membres de la Commission des répa-rations, ou encore l’art. 3 de l’Accord du 28 juin 1919 sur les membres de la Haute Commission interalliéedes territoires rhénans. Voy. égal. J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des Étatsmembres et des agents de la Société des Nations, op. cit., p. 10.

(44) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 19.

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concernant les agents diplomatiques et les ministres publics (45). Le droitinternational coutumier prévoyait en faveur des ministres publics un en-semble de prérogatives les soustrayant au droit commun et que l’on peutclasser en deux catégories. On trouve d’une part les immunités diploma-tiques, qui par leur nature sont indispensables à l’accomplissement de lafonction diplomatique. L’immunité exempte l’agent diplomatique de la juri-diction civile, pénale et des mesures de polices de l’État de résidence. D’autrepart, les privilèges diplomatiques se composent aussi de prérogatives nonessentielles, qui ne se justifient que par l’hospitalité et la courtoisie inter-nationale (46). Concernant les représentants des États membres ayant unequalité similaire à celle des ministres publics, le Pacte ne faisait qu’affirmerune obligation déjà existante. Il en était ainsi du fait de la nature coutumièrede ces privilèges et immunités (47). Ainsi, lorsque des délégués d’États nonmembres ont été envoyés vers la Société, le bénéfice des privilèges et immu-nités ne leur a pas été contesté, bien qu’ils ne pussent pas se prévaloir del’article 7 du Pacte.

Si le droit coutumier a longtemps été la source principale du droit relatifaux prérogatives diplomatiques, plusieurs tentatives de codification ont étéentreprises afin de détailler les privilèges et immunités devant être recon-nus aux personnes visées par le Pacte. L’Institut de droit international avaitdéjà adopté en 1895 un Règlement sur les immunités diplomatiques (48) ;il a par la suite proposé une interprétation du paragraphe 4 de l’article 7concernant les agents de la Société (49). Dans une résolution en date du22 septembre 1924, l’Assemblée de la Société avait par ailleurs chargé leComité d’Experts pour la codification progressive du droit international dedéterminer les matières de droit international coutumier susceptibles de fairel’objet d’une convention générale. En 1926, le Comité d’Experts avait adoptéun rapport, présenté par M. Diena, estimant que le sujet des immunités di-plomatiques était susceptible de faire l’objet d’une telle codification. La ques-tion resta malheureusement en suspens. Cette carence laissa une importantemarge d’appréciation aux États dans la reconnaissance des prérogatives quementionne le Pacte.

Compte tenu des termes généraux employés par l’article 7, tant en ce quiconcerne l’étendue des privilèges et immunités qu’au sujet de leurs bénéfi-ciaires, des accords spécifiques avec les États concernés étaient requis pourclarifier le régime juridique applicable. À ce titre, un accord avec les autorités

(45) J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nationset des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., pp. 195-196.D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. II, p. 196 ; M. H, Immunities and Privilegesof International Officials. The Experience of the League of Nations, op. cit., p. 12 ; J. R, Commentairedu Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes de la Société, op. cit.,p. 291.

(46) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 8-9.

(47) J.M. Y et P. D S, op. cit., p. 195 ; J. S, Les immunités diplomatiques des repré-sentants des États membres et des agents de la Société des Nations, op. cit., pp. 13-14.

(48) Annuaire de l’Institut de Droit International, Cambridge, 1895, pp. 203 et s.(49) Annuaire de l’Institut de Droit International, Session de Vienne, 1924, p. 179.

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suisses était nécessaire. Le Conseil fédéral helvétique avait attiré l’attentionde l’Assemblée fédérale sur cette question dès le mois d’août 1919 (50).Les négociations avec le Secrétaire général de la Société, Sir Eric Drum-mond, aboutirent à un accord sur plusieurs points importants, regroupésdans l’échange de lettres entre le gouvernement suisse et le Secrétaire géné-ral du 19 juillet 1921 (51). Un nouvel accord vint résumer et compléter cepremier modus vivendi le 20 septembre 1926 (52).

Ces différents accords ne constituaient pas une interprétation officielle del’article 7. Ils se présentaient comme des réponses aux problèmes pratiquesposés par les termes généraux employés dans le Pacte (53). Ils ont à plu-sieurs égards restreint le champ d’application de l’article 7 et l’étendue desprivilèges et immunités dont bénéficiaient les ministres publics. Ainsi, nousprésenterons tout d’abord les bénéficiaires de ces privilèges et immunités(§1), puis nous en détaillerons le contenu (§2), conformément aux solutionsadoptées dans les différents États concernés.

§ 1. – Les bénéficiaires des privilèges et immunités : les représentantsdes États membres et les agents de la S.d.N.

A. Les représentants des États membres de la S.d.N.

Les privilèges et immunités prévus par l’alinéa 4 bénéficient tout d’abordaux « représentants des États membres de la Société ». La définition despersonnes visées par cette formule a soulevé certaines difficultés du temps dela Société. En effet, les termes employés n’apportent aucune précision supplé-mentaire et n’indiquent aucun critère – comme le rang de la personne ou safonction – permettant de la qualifier de représentant d’un État membre (54).

La doctrine s’est très vite accordée à dire que cette formule générale désignaitseulement les personnes nommées par les États membres auprès de la Société,et non pas tous les représentants des États membres (55). Cette restrictiondu champ d’application étant admise, il convenait toutefois de préciser quipouvait être qualifié de « représentant » auprès de la Société. La questions’est dès lors posée de savoir si le Pacte visait exclusivement les mandatairesdes États membres chargés de les représenter auprès des organes centraux dela S.d.N., ou s’il s’appliquait également aux personnes déléguées aux confé-rences internationales réunies sous les auspices de la Société, ainsi qu’aux

(50) Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant la question de l’accession de la Suisseà la Société des Nations, 4 août 1919. Pour le texte, voy. M. H, Immunities and Privileges of InternationalOfficials. The Experience of the League of Nations, op. cit., p. 14.

(51) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçudu régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève. Voy. Annexe 2.

(52) Communication du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques dupersonnel de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926. Voy. Annexe 3.

(53) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League ofNations, op. cit., p. 19.

(54) Comme nous l’avons vu plus haut, le projet d’article soumis par la délégation britannique proposaitune liste des personnes concernées, mais elle ne fut pas conservée, sans que cela ne soulève de controverses.

(55) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 23-24.

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représentants des membres du Bureau international du travail (B.I.T.) et desautres organes techniques de la S.d.N.

La qualité de « représentants des États membres » des délégués à l’Assembléeet au Conseil, ainsi que des représentants accrédités auprès du Secrétariat,n’a jamais fait l’objet de controverses. Ils constituaient les organes princi-paux de la Société ; le Pacte lui-même qualifiait de « représentants » les per-sonnes qui y siégeaient. Le premier paragraphe de l’article 3 du Pacte disposeen effet que « l’Assemblée se compose des Représentants des Membres de laSociété ». De même, le premier paragraphe de l’article 4 prévoit que « leConseil se compose de Représentants des Principales Puissances alliées etassociées (a), ainsi que de Représentants de quatre autres Membres de laSociété ». La doctrine et la pratique des États ont par ailleurs immédiate-ment reconnu le statut de représentant des États membres aux personnesaccréditées auprès du Secrétariat (56). Compte tenu des termes employéspar le Pacte et de la nature de leurs missions, il est apparu incontestableque ces personnes devaient bénéficier des privilèges et immunités prévus parl’article 7 (57).

Les représentants des États membres auprès de ces organes s’apparententen effet dans une large mesure aux représentants d’États que l’on appe-lait alors « ministres publics » et à qui la coutume internationale accordaitle bénéfice des prérogatives diplomatiques. Ces derniers sont nommés parun État et sont chargés de le représenter, de délibérer et de voter en sonnom dans le cadre de négociations internationales. Une grande partie de ladoctrine en a conclu que le Pacte n’avait pas innové en leur accordant lebénéfice des privilèges et immunités (58). Ainsi, lorsque des représentantsd’États non membres de la Société ont été amenés à se présenter devantle Conseil ou l’Assemblée, le bénéfice des privilèges et immunités ne leur apas été contesté, quand bien même ces derniers ne pouvaient s’appuyer surl’article 7 du Pacte (59).

Plusieurs résolutions de l’Assemblée et du Conseil relatives aux organes tech-niques et consultatifs de la S.d.N. emploient l’expression de « représentantdes États membres » pour en désigner les membres (60). Ces organes, commel’Organisation des communications et de transit, ont été créés en s’inspirantdu modèle que leur offrait la Société elle-même. Ainsi, les représentants

(56) Voy., p. ex., la lettre du président de la délégation de Cuba au Secrétaire général, J.O., 1922,pp. 1114-5 ; voy. égal. la lettre du gouvernement persan, J.O., 1925, p. 1276 ; J. R, Commentaire duPacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes de la Société, op. cit.,p. 289 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 27.

(57) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., pp. 11-12.

(58) Ibid., pp. 13-14 ; J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique etla jurisprudence des organes de la Société, op. cit., pp. 289-290 ; P.H. F, De la situation juridique desreprésentants des membres de la Société des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 48-49.

(59) Voy., p. ex., les débats ayant eu lieu de l’Assemblée extraordinaire du 8 mars 1926 concernantl’admission de l’Allemagne au sein de la Société, J.O., 1926, suppl. sp., no 42.

(60) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., p. 12 ; Voy., p. ex., la résol. du Conseil du 19 mai 1920, J.O., 1920, p. 151.

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des États participants aux conférences réunies par ces organes, comme celleréunie le 23 mai 1927 par l’Organisation économique et financière, ont étéconsidérés comme des représentants des États membres de la Société, ausens de l’article 7 du Pacte. Par ailleurs, la doctrine a relativement tôt admisque les délégués représentant régulièrement leur gouvernement au sein desconférences internationales réunies sous les auspices de la Société devaientbénéficier des prérogatives prévues par le Pacte. Deux raisons militaient ence sens. On a d’une part estimé que compte tenu de la fonction des délégués àces conférences, chargés de négocier et conclure des accords internationaux,la coutume leur reconnaissait le bénéfice de privilèges et immunités, mêmes’ils ne pouvaient formellement se prévaloir de l’article 7 (61). La doctrines’est de plus accordée à reconnaître que ces conférences étaient liées à laSociété par un lien juridique qui en faisait des organes consultatifs. En effet,le Pacte prévoyait que le Conseil pouvait convoquer, sur décision de l’As-semblée, ces conférences en vue de réaliser les objectifs de la Société (62).

La question du statut des délégués siégeant à la Conférence internationaledu travail (O.I.T.) s’est également posée. Selon l’article 389 du Traité deVersailles, la Conférence est composée de « quatre représentants de chacundes membres », dont deux délégués du gouvernement et les deux autresmembres, représentant respectivement les employeurs et les travailleurs.Compte tenu du lien étroit unissant l’O.I.T. et la S.d.N., la doctrine s’estinterrogée sur la possibilité d’accorder à ces représentants le bénéfice desprivilèges et immunités prévus par l’article 7 du Pacte. La question fut ré-glée relativement tôt et sans que cela ne pose de difficultés majeures. Troisraisons principales ont permis d’admettre les membres de l’O.I.T. comme« représentants des États membres » de la Société au sens de l’alinéa 4. Enpremier lieu, une partie de la doctrine a estimé que le lien unissant l’O.I.T.à la Société en faisait l’un de ses organes techniques (63). Si l’O.I.T. jouis-sait d’une autonomie très large, le Traité de Versailles liait intimement lesdeux organisations. En effet, alors que l’article 23, lettre a, du Pacte prévoitque la Société s’efforce de maintenir des conditions de travail équitables ethumaines, l’article 427 du Traité de Versailles prévoit que l’O.I.T. constitueun organe « associé » à la Société. De plus, en vertu du deuxième alinéa del’article 387 du traité de Versailles, la qualité de membre de la Société en-traîne obligatoirement celle de membre de l’O.I.T. Enfin, les frais du Bureauinternational du travail, des sessions de la Conférence, ou ceux du Conseild’administration, émargent au budget général de la Société en vertu de l’ar-ticle 399 du Traité de Versailles. Ainsi, bien que de rares avis contraires aient

(61) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents dela Société des Nations, op. cit., pp. 21-22 ; W. S et H. W, Die Satzung des Völkerbundes,op. cit., pp. 383 et s.

(62) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 24 et 27.

(63) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence desorganes de la Société, op. cit., p. 290 ;W. S et H.W,Die Satzung des Völkerbundes, op. cit.,p. 274 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 24.

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été exprimés (64), le lien entre la Société et l’O.I.T. a été jugé suffisammentétroit pour accorder la qualité de « représentant des États membres » auxdélégués qui y siègent.

Une autre partie de la doctrine n’a pas estimé nécessaire de se référer aulien unissant la Société et l’O.I.T. et n’a ainsi pas eu besoin de faire appel àune interprétation extensive du Pacte pour reconnaître le bénéfice des privi-lèges et immunités aux représentants des membres de l’O.I.T. (65). En effet,la Conférence internationale du travail avait pour mission d’élaborer desprojets de conventions et de présenter des recommandations à transmettreà l’examen des États. Ces actes faisant l’objet d’un vote, les personnes quiles négociaient devaient être considérées comme représentant les intérêts desÉtats les ayant nommés. Ainsi, compte tenu de leurs missions, le bénéfice desprérogatives diplomatiques leur était reconnu par le droit coutumier (66).Le fait que des privilèges et immunités identiques aient été accordés auxreprésentants des États membres de l’O.I.T. qui n’étaient pas membres de laSociété (comme l’Allemagne) illustre cette manière de voir (67).

La question s’est révélée plus complexe pour les personnes siégeant au Con-seil d’administration de l’O.I.T. Ce dernier, chargé entre autres de l’examendes prévisions budgétaires, de la désignation du Directeur général ou en-core de l’établissement de l’ordre du jour de la Conférence, était composéde 24 délégués. En vertu de l’article 393 du traité de Versailles, la moitiédes délégués était nommée par leurs gouvernements afin de les représenter ;six d’entre eux étaient élus par les délégués à la Conférence représentant lesemployeurs, et les six autres par les délégués représentant les travailleurs.La doctrine a unanimement reconnu le caractère diplomatique de la missiondes 12 représentants nommés par les États membres de l’O.I.T. ; elle a enrevanche refusé de qualifier les représentants patronaux et ouvriers de « re-présentants des États membres » au sens de l’article 7 (68). Ces derniers nereprésentant pas directement l’intérêt de leur gouvernement ont plutôt étéconsidérés comme des « agents de la Société ».

Conformément au droit coutumier, les privilèges et immunités reconnus auxreprésentants des États membres ont été par analogie étendus à leur suite of-ficielle et non officielle (69). En effet, les délégations des représentants d’États

(64) Le délégué du Salvador soutint à l’Assemblée en 1921 et 1922 que l’OIT était une organisationabsolument distincte et qu’en dépit de l’art. 387, al. 2, du Traité de Versailles, la qualité de membre de laS.d.N. n’entraînait pas nécessairement celle de membre de l’OIT. Voy. S.d.N, Actes, 3e Assemblée, vol. 2,p. 194.

(65) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., pp. 23-25.

(66) Il convient de noter que le bénéfice des privilèges et immunités fut non seulement reconnu auxreprésentants des États membres de l’OIT, mais également aux délégués patronaux et ouvriers.

(67) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 28-29.

(68) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., p. 26 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de laSociété des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations),op. cit., pp. 29-30.

(69) Voy. les art. 1, 2, 11 et 12 du Règl. sur les immunités diplomatiques adopté par l’Institut de droitinternational en date du 13 août 1895, Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 14, 1895 et 1896,

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membres de la Société, et notamment les délégations permanentes, étaientle plus souvent accompagnées de plusieurs personnes qui constituaient leur« suite ». Bien que la terminologie administrative ne soit pas arrêtée, il estpossible de les regrouper en différentes catégories. On trouve d’une part lesdélégués suppléants, les conseillers techniques ou experts, et d’autre part lessecrétaires, commis et huissiers. Ces catégories de personnes ont été admises,sous certaines conditions que nous détaillerons par la suite, au bénéfice desprivilèges prévus par le Pacte. Il en a été de même de la suite non officielledes représentants, qui comprend les proches parents, le conjoint ainsi queles enfants.

Ainsi, tous les délégués que les États envoyaient auprès des conférences inter-nationales tenues sous les auspices de la Société, à l’Assemblée, au Conseil,ou auprès d’organes de la Société, n’avaient pas exactement le même statut.Certains étaient des diplomates ou des «ministres publics » ; d’autres étaientdes experts ou des personnes ne remplissant pas régulièrement des fonctionsdiplomatiques. L’existence d’une norme de droit coutumier, garantissantle bénéfice des prérogatives diplomatiques aux délégués nommés par leurgouvernement pour négocier en leur nom, a considérablement facilité ladélimitation du champ d’application de l’alinéa 4 ayant trait aux « repré-sentants des États membres » de la S.d.N. En revanche, la seconde catégorievisée par le Pacte, concernant les personnes ne remplissant pas régulièrementdes fonctions diplomatiques, constitue dans une large mesure une nouveautéà l’époque de la Société des Nations.

B. Les agents de la Société des Nations

La définition de l’expression d’« agent de la Société » employée par l’ar-ticle 7 du Pacte a soulevé plusieurs difficultés. S’il existait avant la créationde la Société des personnes travaillant au sein d’organismes internationaux,la question de leur statut n’avait jusqu’alors pas trouvé de réponses claireset définitives (70). En effet, contrairement au cas des représentants des Étatsmembres, la détermination du statut des agents de la Société ne pouvait s’ap-puyer sur une pratique permettant de les définir au regard de leur fonction etdes actes qu’ils accomplissaient. Des avis divergents ont été exprimés en doc-trine quant au champ d’application de l’article 7 à ce propos. L’incertitudecausée par les termes trop généraux du Pacte n’a finalement pu être résorbéequ’à travers des accords spécifiques conclus avec les États concernés.

La définition plus précise des termes du Pacte s’est tout d’abord heurtée àdes enjeux politiques. Il convenait d’une part de protéger les intérêts et laliberté d’action des personnes travaillant au sein des organes de la Société ;

p. 240 ; J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence desorganes de la Société, op. cit., p. 290 ; J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des Étatsmembres et des agents de la Société des Nations, op. cit., p. 30, P.H. F, De la situation juridique desreprésentants des membres de la Société des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 9.

(70) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., p. 37.

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mais d’autre part, il ne fallait pas étendre ces prérogatives à un trop grandnombre de personnes, au risque de créer une charge trop lourde pour l’Étatsur le territoire duquel se trouvait le siège de la Société (71). La perspectived’accorder à un grand nombre de personnes les privilèges et immunités apréoccupé plusieurs États, et en particulier la Suisse, où la S.d.N. avait sonsiège. Mais d’autres pays étaient également concernés. Avec l’établissementde la Cour permanente de justice internationale (C.P.J.I.) à La Haye, del’Institut international de coopération intellectuelle à Paris, et de l’Institutinternational pour l’unification du droit privé (Unidroit) à Rome, les pro-blèmes soulevés par le statut des agents de la Société sont devenus d’autantplus importants et complexes.

Les auteurs ne se sont pas tout de suite accordés sur la détermination despersonnes à considérer comme agents de la Société au sens de l’article 7.Une partie des auteurs a estimé qu’en l’absence de restrictions expressémentprévues, les privilèges et les immunités devaient être reconnus à tout le per-sonnel de la Société, quelle que soit sa fonction. Ces prérogatives devaientainsi être très largement concédées (72). Cette interprétation extensive a étépartagée par certains organes de la Société. Le Directeur général du B.I.T.,par exemple, dans son rapport annuel de 1926, ne faisait aucune distinctionentre le personnel du Bureau quant à la jouissance des prérogatives prévuespar le Pacte (73).

D’autres auteurs ont au contraire privilégié une interprétation restrictivedu Pacte et ont souligné la difficulté d’apporter une solution générale àcette question (74). D’aucuns ont ainsi proposé de réserver le statut d’agentau Secrétaire général de la Société et aux sous-secrétaires généraux, seulespersonnes dont la compétence pouvait justifier le bénéfice des privilèges etimmunités diplomatiques (75). Si l’on prend l’intérêt de la fonction commefondement des prérogatives réservées aux agents, une interprétation exten-sive du Pacte apparaît en effet abusive (76). Pour certains auteurs, les per-sonnes travaillant au sein des organes de la S.d.N. n’étaient, sauf quelquesexceptions, pas investies de fonctions internationales ; elles n’étaient quede simples particuliers liés par un contrat de service les rattachant soit auchef de l’organisation, soit à la Société elle-même (77). Le cas de M. F. M.,ancien chef de service au Secrétariat général, en est une bonne illustration.

(71) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 30.

(72) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence desorganes de la Société, op. cit., pp. 40 et s. ; L.F.L. O, International Law, A Treatise, op. cit., p. 271 ;M.P. G-B, « De l’utilité d’une juridiction spéciale pour le règlement des litiges intéressant lesservices de la Société des Nations », R.D.I.L.C., 1921, p. 69.

(73) Conférence internationale du travail, 8e sess., Genève, 1926, §44.(74) W. S et H. W, Die Satzung des Völkerbundes, op. cit., pp. 383 et s.(75) A. R, « La première Assemblée de la Société des Nations (Genève, novembre-décembre

1920) », op. cit., p. 82.(76) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 54.(77) A. R, « La première Assemblée de la Société des Nations (Genève, novembre-décembre

1920) », op. cit., p. 81 ; O. H, Le Pacte de la Société des Nations : commentaire théorique et pratique,op. cit., p. 123.

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ARTICLE 7 341

Mis en disponibilité, sans traitement, il réclama réparation pour « ruptureunilatérale d’un contrat de louage de services ». Saisi de l’affaire, le Conseilde la Société des Nations renvoya la question à un collège de juristes ; celui-cise réunit à Genève le 24 août 1925. Le collège estima qu’« en engageant lesfonctionnaires, et surtout des fonctionnaires de haut rang, et dont le travailn’est pas exclusivement technique, l’administration publique accomplit unacte d’autorité dans un but d’utilité publique ; et par un tel acte, elle confèreà des personnes privées des fonctions publiques, leur donnant ainsi la qualitéde fonctionnaire » (78).

Lors de sa session de Vienne d’août 1924, l’Institut de droit internationala adopté comme critère de la qualité d’agent « l’intérêt de la fonction exer-cée » (79). Le rapport présenté devant l’Institut distinguait deux catégories depersonnes pouvant bénéficier des privilèges et immunités (80). On trouvait,d’une part, les personnes de l’administration centrale à Genève, c’est-à-diredu Secrétariat, comme le Secrétaire général, le Secrétaire général adjoint,les sous-secrétaires généraux, et les directeurs des différentes sections dusecrétariat. D’autre part, selon l’IDI, il fallait également considérer commeagents les personnes en mission à l’extérieur et les membres de leur suite offi-cielle. Le rapport précisait que les fonctions de ces personnes, étant amenéesà séjourner dans des pays politiquement instables, justifiaient tout particuliè-rement le bénéfice des privilèges et immunités (81). Ce même rapport refusaiten revanche la qualité d’agent aux membres des commissions instituées parla Société, estimant qu’ils n’accomplissaient pas des actes de fonctions pourle compte et sous le contrôle de la Société. Selon sa manière de voir, cespersonnes s’acquittaient en toute indépendance d’une mission très générale.

Après discussion, l’Institut adopta une interprétation de l’article 7, §4, duPacte dont l’article premier qualifiait d’agent, outre le Directeur du B.I.T.et ses collaborateurs immédiats, « les personnes qui, nommées par l’Assem-blée, le Conseil, le Secrétaire général de la Société des Nations ou par sesdélégués spécialement qualifiés, accomplissent, pour son compte ou sous soncontrôle, des actes de fonction de nature politique ou administrative » (82).L’interprétation proposée par l’IDI a fait l’objet de nombreuses critiques.Certains auteurs lui reproché d’exclure du bénéfice des privilèges et immu-nités les membres des Commissions instituées par la Société (83), ainsi queles membres de la C.P.J.I., l’agent étant défini par sa fonction « de nature

(78) Pour le texte, voy. J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membreset des agents de la Société des Nations, op. cit., p. 41.

(79) Annuaire de l’Institut de droit international, sess. de Vienne, 1924, p. 3.(80) Ibid, pp. 107-108.(81) Citons, p. ex., le Haut Commissaire de Dantzig, le Haut Commissaire pour les réfugiés, ainsi que

les membres de la Commission gouvernementale de la Sarre, voy. P.H. F, De la situation juridique desreprésentants des membres de la Société des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 34.

(82) Institut de droit international, sess. de Vienne, 1924, Interprétation de l’art. 7 al. 4, du Pacte de laSociété des Nations, art. 1er. Voy. Annexe 1.

(83) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., p. 42 ; J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pactede la Société des Nations et des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 198 ; J. R, Commentaire duPacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes de la Société, op. cit., p. 290.

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politique ou administrative », et non pas judiciaire (84). L’article proposépar l’Institut présentait de surcroît le désavantage de ne pas définir les per-sonnes visées par le terme « délégués spécialement qualifiés » (85). Ainsi, sicette interprétation avait le mérite de consacrer « l’intérêt de la fonction »comme critère de la qualité d’agent, elle ne constituait pas une interprétationofficielle du Pacte. Des solutions partiellement différentes ont été par la suiteadoptées en pratique.

En Suisse, où la Société avait établi son siège et où le plus grand nombre deses agents étaient amenés à exercer leurs activités, la question revêtait uneimportance particulière. Comme nous l’avons vu, les arrangements conclusentre la Suisse et la Société n’étaient pas destinés à trancher des questions deprincipe ou à constituer une interprétation officielle des termes « agent dela Société ». Ils cherchaient plutôt à offrir une réponse à des problèmes pra-tiques. Il convient toutefois de noter que les solutions adoptées en Suisse ontdans plusieurs cas servi de modèle dans le règlement de situations analoguesdans d’autres États membres de la Société (86).

La lettre adressée par le Conseil fédéral au Secrétaire général, le 19 juillet1921, constitue le premier modus vivendi conclu avec la Société (87). Bienque provisoire, cet accord règle dans une large mesure le statut des agentsde la Société. Le second modus vivendi, en date du 20 septembre 1926 (88),apporte un certain nombre de précisions sur le statut du personnel de natio-nalité suisse, point sur lequel nous reviendrons par la suite.

Le Gouvernement fédéral distinguait deux catégories d’agents, au sens del’article 7, conformément à la distinction s’appliquant aux missions diplo-matiques accréditées à Berne et bénéficiant des privilèges et immunités di-plomatiques. On trouvait au sein de ces délégations, d’une part le personneldiplomatique, ou « exterritorial », correspondant aux chefs de missions,aux conseillers d’ambassades, aux secrétaires et aux attachés particuliers ;et d’autre part le personnel auxiliaire, ou « non exterritorial » comprenantles archivistes, les traducteurs et les commis. Le personnel auxiliaire ne bé-néficiait de privilèges et d’immunités que pour les actes de fonction effectuésdans sa capacité officielle (89).

Conformément au premier modus vivendi, le « personnel de première caté-gorie », ou « exterritorial », était constitué des membres du personnel qui« par leur rang et leurs attributions, correspondent à des fonctionnairespublics » (90). Cette définition comprenait, pour le Secrétariat général de la

(84) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 30-31.

(85) Ibid., p. 31.(86) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., p. 50.(87) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève. Voy. Annexe 2.(88) J.O.S.d.N., 7e année, no 10, octobre 1926, p. 1407 ; Comm. du Conseil fédéral suisse concernant

le régime des immunités diplomatiques du personnel de la S.d.N et du B.I.T.(89) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., pp. 53-54.

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ARTICLE 7 343

Société : le Secrétaire général, le Secrétaire général adjoint, les sous-secrétairesgénéraux et les directeurs de sections et personnes assimilés (91). Alors quedes avis divergents avaient été exprimés au sein de l’Institut de droit in-ternational, le gouvernement suisse qualifiait par ailleurs de personnel depremière catégorie les chefs de service et les membres de section (92). Lepersonnel « exterritorial » comprenait également, pour le B.I.T. : le Direc-teur, le Directeur adjoint, les chefs de division, le chef de cabinet, les chefsde section, les chefs de service, ainsi que les membres de section (93). Àcette liste s’ajoutaient également les 12 membres du Conseil d’Adminis-tration de l’O.I.T. désignés par les représentants patronaux et ouvriers àla Conférence générale. Élues par des personnes membres d’un organe de laSociété, chargées de la direction et du contrôle des activités du B.I.T. ainsique des prévisions budgétaires, ces personnes remplissaient clairement lescritères du personnel de première catégorie (94).

Le reste du personnel constituait le personnel de deuxième catégorie, com-prenant le personnel technique et manuel, c’est-à-dire, selon les termes em-ployés par les autorités suisses, « tous ceux, en d’autres termes, qui, sans êtreassimilables à des fonctionnaires publics, sont néanmoins engagés et salariéspar la Société des Nations et se trouvent au service exclusif du Secrétariatou du B.I.T. » (95). Ils bénéficiaient des mêmes avantages que le personnelde même catégorie des missions accréditées auprès du gouvernement fédé-ral. Ces personnes n’étaient donc protégées que pour les actes de fonctionaccomplis en leur qualité officielle.

La distinction opérée par le gouvernement fédéral n’a pas soulevé de diffi-cultés pratiques, car il était établi que le Secrétaire général et le Directeur duB.I.T. devaient transmettre aux autorités suisses la liste des personnes appar-tenant aux différentes catégories. En revanche, un certain nombre de fonc-tionnaires de la S.d.N. ne faisaient pas l’objet d’une qualification claire dansles accords conclus avec la Société. La question s’est ainsi posée de savoirquel était le statut des personnes nommées pour une très courte durée, « descollaborateurs temporaires », ainsi que de certains consultants et expertsauprès du Secrétariat. Il en allait de même des fonctionnaires de la Sociétéqui exerçaient leurs fonctions hors de Genève ou qui ne s’y rendaient qu’à derares occasions. Après qu’un certain nombre de membres du B.I.T. avaient

(90) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 ; Aperçudu régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, Lettre 1. Voy.Annexe 2.

(91) Ces personnes correspondent aux « hauts fonctionnaires » auxquels l’arrêté du Conseil fédéral du8 juillet 1926 fait réf. Voy. P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Sociétédes Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit.,p. 32.

(92) Annuaire de l’Institut de droit international, sess. de Vienne, 1924, p. 111.(93) J.O.S.d.N., 7e année, no 10, octobre 1926, p. 1407 : Communication du Conseil fédéral suisse

concernant le régime des immunités diplomatiques du personnel de la S.d.N et du B.I.T, articles 2, 4 et 7.(94) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 38.(95) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève. Voy. Annexe 2.

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manifesté leurs inquiétudes face à cette situation (96), les autorités suissesdécidèrent d’assimiler ces personnes à des agents de première catégorie, sansque cela ne pose des problèmes en pratique (97).

En Autriche, la question du statut des agents de la Société a été soulevée parla présence à Vienne d’un Commissaire général de la Société, d’un délégué duHaut commissariat pour les réfugiés, du service des réfugiés du B.I.T. et dediverses missions temporaires de la Société. Les autorités autrichiennes n’ontpas hésité à leur accorder un traitement identique à celui dont bénéficient lesmissions diplomatiques accréditées à Vienne (98).

La présence à Paris de l’Institut international de coopération intellectuelle(I.I.C.I.) a posé au gouvernement français, sur une plus petite échelle, desproblèmes analogues. L’article 11 du Statut organique de l’Institut, approuvéle 13 décembre 1924 par le Conseil de la Société, avec l’accord des autori-tés françaises, prévoyait que : « le Conseil d’administration détermine, pardécision approuvée par le Conseil de la Société des Nations, les catégoriesdu personnel de l’Institut devant bénéficier des privilèges et immunités di-plomatiques, tels qu’ils sont prévus par l’article 7 du Pacte » (99). En vertude cette disposition, l’article 19 du Règlement pour le personnel de l’Institutprévoyait que « le directeur, les chefs de section et de service et les adjoints »étaient appelés à bénéficier des privilèges et immunités prévus par l’article 7du Pacte (100). Cette solution fut reprise par d’autres États membres par lasuite. Le Statut de l’Institut international pour l’unification du droit privé(Unidroit), créé par le Conseil le 16 mars 1926 et installé à Rome, retenaitainsi, en son article 14, une disposition analogue (101).

Enfin, une question importante portait sur le statut desmembres de la C.P.J.I.,dont le siège était à La Haye. L’autorité des juges ne dérivait pas du Pactemais du Statut de la Cour. Le statut juridique des juges était fixé en cestermes par l’article 19 du Statut : « les membres de la Cour jouissent, dansl’exercice de leurs fonctions, des privilèges et immunités diplomatiques ». Àla lecture du Statut de la Cour, le reste du personnel de la Cour, notammentles membres du Greffe, ne bénéficiait pas de telles prérogatives. Toutefois, ladoctrine s’est accordée à reconnaître la Cour comme un organe de la Société.Ainsi, comme le soulignait le rapport annuel de la Cour, les fonctionnairesdu Greffe devaient bénéficier des prérogatives diplomatiques suivant l’ar-ticle 7 du Pacte (102). En effet, la Cour fut créée en vertu de l’article 14du Pacte ; les juges qui la composaient, ainsi que leurs suppléants, étaient

(96) Conférence internationale du travail, 10e sess., 1927, vol. II, p. 31.(97) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, op. cit., pp. 20-21.(98) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., p. 55.(99) S.d.N., Conseil, P.V. de la 32e sess., 13 décembre 1924.(100) J.O.S.d.N., 1925, p. 1466.(101) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 37 ; J.O.S.d.N.,1928, p. 1753.(102) C.P.J.I., Rapport annuel, 1922-1925, Sér. E, p. 101.

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nommés par le Conseil et l’Assemblée, conformément à l’article 4 du Sta-tut de la Cour. De plus, la Cour dépendait financièrement de l’Assemblée.Celle-ci devait valider son budget et voter les crédits nécessaires, en vertude l’article 33 du Statut. La Cour constituant un organe de la Société, sesmembres devaient être considérés comme des agents au sens de l’article 7du Pacte. Le statut concret du personnel du greffe reposa finalement surdes échanges de lettres du gouvernement néerlandais avec la Cour, entreavril 1922, date du début des travaux de la Cour, et 1927, date à laquelleun accord fut signé (103). Durant cette période, les privilèges et immuni-tés accordés ont été jugés insuffisants. Or, très peu de questions relatives àses bénéficiaires sont restées en suspens, le gouvernement néerlandais ayantadopté une conception étendue de la notion d’agent de la Société. Elle com-prenait tout fonctionnaire du greffe détenteur d’un contrat d’engagementpermanent (104).

C. Le cas particulier des agents de la S.d.N. sur le territoire de l’État dontils sont ressortissants

Le fondement des privilèges et immunités accordés aux agents de la Sociétédiffère de celui concernant les représentants des États membres. En effet,ces prérogatives diplomatiques ne sont pas accordées aux agents dans lebut de défendre les intérêts d’un seul État, mais servent la communautédes États membres de la S.d.N. dans son ensemble. Le fait qu’un État nepuisse se prévaloir de la nationalité d’un agent pour refuser de lui reconnaîtreles privilèges et immunités prévus par le Pacte apparaissait par conséquentlogique et nécessaire pour garantir l’indépendance de la Société (105).

Comme l’a affirmé le premier Secrétaire général de la Société (106), les préro-gatives accordées à un agent gardent toute leur pertinence dans les relationsque peut avoir ce dernier avec l’État dont il est ressortissant. Admettre unerestriction selon la nationalité de l’agent aurait par ailleurs pour conséquencequ’un État comptant un grand nombre de ressortissants parmi les agents dela Société aurait des obligations d’autant moins importantes à leur égard.Une telle situation semble clairement contraire à l’objectif même de l’article 7et aux objectifs de la S.d.N. en général (107). Cette question a cependant faitl’objet de plusieurs controverses.

(103) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League ofNations, op. cit., pp. 21-22 ; voy.ir Annexe 4.(104) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, op. cit., pp. 21-22 ; voy. égal. J. S, Les immunités diplomatiques des représentants desÉtats membres et des agents de la Société des Nations, op. cit., p. 57.(105) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, op. cit., pp. 8-9 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Sociétédes Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit.,p. 20.(106) Dans une lettre adressée au Département politique fédéral du gouvernement suisse, Sir Eric Drum-

mond affirmait : « In theory, at any rate, an official might find diplomatic privileges and immunities parti-cularly necessary as far as his own government was concerned ». Voy. M. H, Immunities and Privilegesof International Officials. The Experience of the League of Nations, op. cit., p. 9.(107) Ibid., p. 9.

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La pratique internationale a longtemps reconnu aux États le droit de refuserde recevoir un de leurs nationaux en qualité de représentant d’un gouverne-ment étranger (108). La raison principale justifiant cette pratique réside dansl’absence de toute juridiction compétente pour juger un représentant accré-dité auprès de l’État dont il est ressortissant. Ainsi l’article 15 du Règlementsur les immunités diplomatiques, adopté par l’Institut de droit internationalen 1895, refusait-il le bénéfice de l’immunité de juridiction aux personnesmembres de délégations officielles « appartenant par leur nationalité au paysauprès du gouvernement duquel elles sont accréditées » (109).

Plusieurs commentateurs ont accepté la manière de voir de l’Institut, enreconnaissant au représentant d’un État membre le bénéfice des préroga-tives diplomatiques uniquement hors de son pays d’origine (110). D’autresauteurs ont étendu ce principe à l’agent de la Société exerçant ses fonctionssur le territoire de l’État dont il est ressortissant (111). La situation de l’agentsemble toutefois différente de celle d’un délégué représentant un État autreque celui dont il a la nationalité. Comme on a pu le soutenir au sein del’Institut de droit international, « le citoyen qui vient dans son propre paysexercer des attributions reçues de la S.d.N. n’est nullement au service d’unediplomatie étrangère » (112). Il est vrai cependant que plusieurs instrumentsrelatifs à l’arbitrage reconnaissaient aux arbitres les privilèges et immunités« en dehors de leur pays » (113). La question n’était donc pas entièrementnouvelle (114) ; elle n’avait toutefois pas jusqu’alors trouvé de réponses dé-finitives et a en toute conséquence fini par faire l’objet de controverses im-portantes à l’Assemblée et au sein de l’Institut de droit international.

La question fut principalement étudiée lors de l’adoption du Statut de laC.P.J.I. L’avant-projet de Statut présenté par le Comité consultatif de ju-ristes proposait en son article 19 que les membres de la Cour jouissent desmêmes privilèges et immunités que les agents diplomatiques « en dehors deleur propre pays » (115). Le texte fut discuté au sein de la sous-commissionde la 3e Commission de l’Assemblée. La délégation britannique proposade supprimer cette disposition, n’estimant pas raisonnable que l’on priveun juge de la C.P.J.I. du bénéfice des immunités diplomatiques en raison

(108) Voy., p. ex. le Décret du 26 août 1811 pris par le Gouvernement français ; Voy. P.H. F, De lasituation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de ses agents (Commentairede l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 76 ; J. S, Les immunitésdiplomatiques des représentants des États membres et des agents de la Société des Nations, op. cit., pp. 58-59.(109) Annuaire de l’Institut de droit international, 1895-1896, pp. 234-236.(110) Voy., p. ex., W. S et H. W, Die Satzung des Völkerbundes, op. cit., p. 383.(111) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 42.(112) Annuaire de l’Institut de droit international, sess. de Vienne, 1924, p. 115.(113) Art. 24 de la Conv. du 29 juillet 1899 pour le règlement pacifique des conflits internationaux ;

art. 17 de la Conv. du 18 octobre 1907 relative à la Cour des Prises ; Voy. J. R, Commentaire du Pacte dela Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes de la Société, op. cit., p. 291.(114) Voy., p. ex., Conférence internationale de la paix, 1899, 4e part., p. 189 ; 2e Conférence de la Paix,

1907, t. I, p. 363, et t. II, p. 663.(115) S.d.N, 1re Assemblée, Actes, Séances des commissions, 3e commission, avant-projet pour l’établisse-

ment de la Cour permanente de justice internationale présenté par le comité consultatif de juristes, annexe I,p. 412.

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ARTICLE 7 347

de sa nationalité. M. Huber, représentant de la Suisse, estima cependantque « l’extension des privilèges diplomatiques aboutirait à des résultats in-admissibles que le gouvernement suisse n’est guère disposé à accepter en cequi concerne le secrétariat permanent » (116). Il ajouta par ailleurs qu’il étaitcertes nécessaire de prendre « des mesures pour protéger leur [des juges]secret professionnel », mais qu’il fallait « séparer nettement leur situationofficielle en tant que fonctionnaires de la Société des Nations et leur situa-tion juridique personnelle » (117). La sous-commission adopta finalementune version correspondant à la rédaction de l’article 7, sans prévoir de res-trictions ; mais elle précisa que la solution adoptée ne préjugeait pas de lasituation des juges dans leur propre pays.

D’importants débats relatifs à cette question eurent également lieu pendantla session de Vienne de l’Institut de droit international (118). Lors de l’éla-boration de la résolution sur l’interprétation de l’article 7, al. 4, du Pacte dela Société des Nations, MM. Adatci et De Visscher, rapporteurs de l’Institut,proposèrent un article 2 rédigé de la manière suivante : « dans l’applicationdu traitement prévu ci-dessus, les membres de la Société ne sont autorisés àfaire aucune distinction entre leurs ressortissants et ceux des autres États ».Cependant, certains membres de l’Institut objectèrent que dans ce cas plusaucune loi ne s’appliquerait à l’agent concerné et qu’aucun tribunal ne seraitcompétent à son égard (119). Il a toutefois semblé évident à une majorité desmembres de l’Institut qu’en adhérant au Pacte, les États s’étaient engagés àreconnaître à tout agent de la Société toutes les prérogatives diplomatiqueset qu’une exception fondée sur la nationalité de l’un des agents, si elle étaitadmise, restreindrait d’une manière inadmissible la portée de l’article 7.L’article 2 de l’interprétation proposée par l’Institut fut finalement conservédans sa forme initiale. Il fut cependant tempéré par une seconde phrase,précisant qu’il était « désirable toutefois, que les agents de la Société ne soientappelés à exercer leurs fonctions dans leur propre pays qu’en cas de nécessitéabsolue et avec l’agrément continu de leur gouvernement » (120). Comme l’amentionné l’un de ses membres, il peut sembler regrettable que l’Institut sesoit prononcé sur une question de principe avant d’avoir déterminé « quellesimmunités entrent ici en ligne de compte » (121).

Les débats à l’Assemblée et au sein de l’Institut de droit international n’ontpas permis d’offrir une réponse précise et définitive à cette question ; ils ontlaissé une grande marge d’appréciation aux États. Ainsi, conformément àsa pratique relative aux représentants accrédités à Berne, le gouvernement

(116) S.d.N, 1re Assemblée, Actes, Séances des commissions, Discussion de l’article 19 par lasous-commission de la 3e commission, p. 356.(117) Ibid.(118) Annuaire de l’Institut de droit international, sess. de Vienne, 1924, pp. 5, 6, 115 et s. ; J.M. Y

et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et des Statuts de l’Unionpanaméricaine, op. cit., pp. 124-125.(119) Voy. J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents

de la Société des Nations, op. cit., p. 64.(120) Voy. le texte de l’Interprétation de l’article 7, alinéa 4, du Pacte de la Société des Nations, Résol.

de l’Institut de droit international, sess. de Vienne – 1924, infra, Annexe 1.(121) Annuaire de l’Institut de droit international, sess. de Vienne, 1924 p. 119.

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suisse a prévu plusieurs restrictions aux privilèges et immunités dont de-vaient bénéficier ses ressortissants (122). Comme l’a annoncé son représen-tant à l’Assemblée, les seules prérogatives dont allaient jouir ces personnesdevaient se limiter à une immunité de juridiction fondée sur une irresponsa-bilité de l’agent pour les actes qu’il accomplit en sa qualité officielle et dansla limite de ses attributions (123).

§ 2. – L’étendue des privilèges et immunités

L’article 7, paragraphe 4, du Pacte ne détaille pas les prérogatives correspon-dant aux termes « privilèges et immunités diplomatiques ». En accordant cesprérogatives aux représentants des États membres et aux agents de la S.d.N.,le Pacte assimilait simplement ces personnes à des agents diplomatiques.Ainsi, un État ayant adhéré au Pacte ne pouvait refuser à ces derniers lesprivilèges qu’il accordait à une délégation d’un État. On ne peut donc pascritiquer la décision du Gouvernement suisse, lorsque ce dernier a assimilé lasituation juridique des représentants des États membres et des fonctionnaires« de première catégorie » au corps diplomatique accrédité à Berne (124).Ce système présentait toutefois un inconvénient, car il ne permettait pasde répondre aux différences de traitement dans les divers États membres dela Société (125).

Le Pacte ne détaille pas les prérogatives qu’il accorde ; il prévoit toutefoisque les privilèges et immunités sont accordés aux représentants des Étatsmembres et aux agents de la Société « dans l’exercice de leurs fonctions ».Certains auteurs ont pu voir en ces termes une restriction, limitant l’appli-cation des prérogatives aux seuls actes effectués dans le cadre des fonctions.La majorité des auteurs a toutefois estimé que, pour être efficaces, les pri-vilèges et immunités diplomatiques devaient couvrir tous les actes, privés etofficiels (126). Ainsi, conformément à la pratique internationale concernantles agents diplomatiques, il est apparu plus logique d’interpréter les termesdu Pacte comme signifiant « pendant le temps de leurs fonctions ». Une tellelecture semblait par ailleurs mieux correspondre à la version anglaise dutexte.

(122) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 80.(123) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre I. Voy.Annexe 2 ; J.O., no 10, Communication du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplo-matiques du personnel de la Société des Nations, p. 1442.(124) Arrangement du 17/21 septembre 1926, J.O., 1926, no 19, pp. 1407 et 1422.(125) J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », op. cit., p. 840.(126) Annuaire de l’Institut de droit international, sess. de Vienne, 1924, p. 179, art. 3 ; P.H. F, De la

situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de ses agents (Commentairede l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 45, J. R, Commentaire du Pacte de laSociété des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes de la Société, op. cit., p. 291 ; O. H,Le Pacte de la Société des Nations : commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 128 ; J.L. K, « Privilegesand immunities of International Organizations », op. cit., p. 855 ; M.P. G-B, « De l’utilitéd’une juridiction spéciale pour le règlement des litiges intéressant les services de la Société des Nations »,op. cit., note 87, p. 78.

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ARTICLE 7 349

L’article 7 ne fait aucune distinction entre les représentants des États membreset les agents de la Société quant à l’étendue des prérogatives accordées. Enl’absence d’une interprétation officielle des termes employés par le Pacte,le statut juridique des personnes en cause ne pouvait être analysé qu’au vude la pratique relative aux agents diplomatiques (127). L’article 7 laissait ànouveau une large place aux accords conclus avec les États concernés, prin-cipalement dans l’étendue des prérogatives des agents de la Société (128).Nous présenterons dans un premier temps les privilèges et immunités accor-dées aux représentants des États membres, dont le statut se rapproche dansune large mesure de celui des «ministres publics ». Puis, nous analyserons lestatut des agents de la Société et les restrictions apportées à ces prérogativespar les États concernés, notamment vis-à-vis de leurs ressortissants.

A. Les privilèges et immunités reconnus aux représentants des Étatsmembres de la S.d.N.

On a pu se demander si le Pacte ne prévoyait pas ici quelque chose d’inu-tile, car le droit coutumier accordait déjà les privilèges et immunités auxreprésentants d’États. Il semble toutefois que l’article 7 comportait plusieursobligations nouvelles (129). D’une part, comme nous l’avons vu, les termesemployés par le Pacte visaient un certain nombre de personnes dont le statutne correspondait pas exactement à celui du « ministre public » appelé aubénéfice des prérogatives diplomatiques. D’autre part, un État n’était obligéde conférer des privilèges et immunités qu’aux seuls agents diplomatiquesaccrédités auprès de lui ; il pouvait dès lors s’opposer à ce qu’une personneexerce sur son territoire une fonction diplomatique. Or, il ne pouvait enêtre de même dans la situation qui nous occupe (130). Enfin, le respect desprivilèges et immunités s’imposant à tout État partie au Pacte, les représen-tants des États membres devaient en bénéficier non pas uniquement sur leterritoire de l’État où ils résidaient, mais également lorsqu’ils étaient amenésà traverser le territoire de l’un quelconque de ces États (131). En revanche,le Pacte ne modifiait en rien le contenu des privilèges et immunités tradition-nellement reconnus aux agents diplomatiques, à savoir l’inviolabilité de lapersonne, l’immunité de juridiction et les prérogatives dites de courtoisie.

L’inviolabilité de la personne constitue une des plus anciennes et des plusessentielles prérogatives attachées à la fonction diplomatique. Son bénéficeau profit des représentants des États membres n’a donc soulevé au sein dela doctrine qu’un nombre restreint d’interrogations. L’inviolabilité consisteen la protection qui est due à la personne physique et morale de l’agent

(127) J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », op. cit., p. 837 ; J.M. Yet P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et des Statuts de l’Unionpanaméricaine, op. cit., p. 198.(128) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, op. cit., p. 12.(129) J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », op. cit., pp. 842-843.(130) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 46-47.(131) Ibid., pp. 57, 58 et 61.

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diplomatique. Elle le protège des attaques venant des autorités du pays où ilexerce ses fonctions, ainsi que des attaques de particuliers que le gouverne-ment local doit empêcher selon un standard de diligence due. Elle s’étend àtout ce qui est nécessaire à l’exercice de la fonction diplomatique. Ainsi,au-delà de la personne du représentant d’un État membre, l’inviolabilitécouvrait également ses effets personnels, ses correspondances, l’hôtel de samission, son domicile privé, comme le prévoit également le paragraphe 5 del’article 7, ainsi que sa suite officielle et non officielle (132).

Le respect de l’inviolabilité requiert de la part de l’État directement intéressé,sur le territoire duquel se réunit une conférence, une grande vigilance etla mise en œuvre de mesures spéciales. En vue d’accomplir cette tâche, legouvernement de ce territoire devait être informé du nom, de la qualitéet de l’adresse des délégués et des membres de leur suite officielle et nonofficielle (133). Conformément à la pratique relative aux ministres publics,les atteintes à l’inviolabilité des représentants des États membres de la So-ciété ont été réprimées avec une sévérité particulière (134). La doctrine s’estinterrogée sur la nécessité d’une disposition expresse dans les législationsnationales, reconnaissant cette inviolabilité. En Suisse, dans la cause du mi-nistère public de la Confédération contre Ivan de Justh, le Tribunal fédéral aaffirmé, en relation avec l’application de l’article 43 du Code pénal fédéral,que : jusqu’alors limitée « aux représentants d’une puissance étrangère accré-ditée auprès de la Confédération suisse, [cette disposition] a été étendue auxreprésentants des membres de la Société des Nations par l’article 7, alinéa 4du Pacte de ladite Société, qui a reçu force de loi en Suisse par sa publicationdans le Recueil officiel » (135).

L’inviolabilité connaît traditionnellement un certain nombre de restrictions.Ainsi, comme le prévoyait l’Institut de droit international, elle peut être mo-mentanément suspendue en cas de légitime défense de la part d’un particu-lier, au cours d’une émeute ou d’une guerre, ou encore en cas d’actes ré-préhensibles du représentant provoquant de la part du gouvernement localdes mesures de précaution ou de défense (136). Par ailleurs, si l’inviolabi-lité de l’hôtel de la mission et du domicile privé du représentant supposequ’aucun agent de l’autorité publique administrative ou judiciaire ne puissey pénétrer sans le consentement de ce dernier, on admet que ce consente-ment soit obligatoire dans des cas extrêmes, comme l’existence d’un crime,où la présence dans l’enceinte d’un criminel de droit commun (137). Enfin,

(132) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., p. 68 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de laSociété des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations),op. cit., pp. 59-60.(133) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., p. 68.(134) L.F.L. O, International Law, A Treatise, op. cit., p. 560.(135) Jurispr. pén., Assises fédérales du 1er arrondissement réunies à Genève les 24 et 25 janvier 1927

dans la cause Ministère public de la Confédération suisse c. Ivan de Justh, Rev. pén. suisse, 40e année, 1927,no 2, pp. 179 à 190.(136) Règl. de l’Institut de droit international sur les immunités diplomatiques, 13 août 1895, art. 6.

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ARTICLE 7 351

l’inviolabilité des membres de la suite non officielle du représentant d’unÉtat membre, dans le cas où ces personnes sont ressortissantes de l’Étatconcerné, n’a été accordée qu’à condition qu’ils vivent dans l’hôtel mêmedu représentant (138).

L’immunité constitue elle aussi une prérogative indispensable à l’exercice dela fonction diplomatique. Le droit international coutumier admettait ainsique le ministre public soit soustrait à toute juridiction civile ou criminelle del’État auprès duquel il était accrédité et ne soit justiciable que des tribunauxde son État (139). Conformément à la théorie de la représentativité, on apu estimer que cette prérogative trouvait son fondement dans l’impossibilitéde soumettre un État, par le biais de son représentant, à la juridiction d’unautre (140). En l’espèce, l’immunité de juridiction des représentants des Étatsmembres de la S.d.N. se fondait sur la nécessité d’assurer leur indépendancevis-à-vis de l’État où ils exerçaient leurs fonctions, et donc d’assurer le bonfonctionnement des organes de décision de la S.d.N. C’est ainsi la visionfonctionnelle de l’immunité qui a prévalu.

L’immunité de juridiction protège son bénéficiaire de toutes poursuites pé-nales ou civiles. Elle est traditionnellement complétée par l’exemption del’obligation de témoigner en justice, sauf à être entendu dans l’hôtel desa mission, devant un magistrat spécialement autorisé à cet effet (141). Parailleurs, le droit coutumier étendait l’immunité de juridiction à la suite of-ficielle et non officielle du ministre public. Si l’immunité de juridiction cri-minelle des représentants des États membres a été en tout point analogue àcelle dont bénéficiaient les ministres publics, des désaccords ont été exprimésen doctrine quant à l’étendue de l’immunité de juridiction civile.

L’immunité pénale des représentants des États membres, contrairement àl’immunité civile, n’a pas été contestée en doctrine. En effet, sans cette pro-tection, le représentant n’aurait plus aucune garantie de sa liberté d’action.Les représentants des États membres ont donc été soustraits aux juridictionsdes États membres de la Société où ils résidaient ou qu’ils traversaient, et seulle gouvernement du représentant concerné était habilité à lever l’immunité età rendre leur compétence aux tribunaux d’autres États membres (142). Cer-tains auteurs ont proposé qu’une distinction soit faite entre les crimes légers

(137) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., p. 71.(138) Ibid., p. 72.(139) Règl. de l’Institut de droit international sur les immunités diplomatiques, 13 août 1895, art. 12

et 17.(140) Cette théorie a principalement été développée par C. Wolff. Voy. C. W, Institution du droit de

la nature et des gens, Leyde, E. Luzac, 1772, t. VI, pp. 302-303. Voy. égal. P.H. F,De la situation juridiquedes représentants des membres de la Société des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 62.(141) Règl. de l’Institut de droit international sur les immunités diplomatiques, 13 août 1895, art. 17 ;

P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de ses agents(Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 69-70 ; P. F,Traité de droit international public, op. cit., t. I, 3e part., p. 90 ; L.F.L. O, International Law, ATreatise, op. cit., p. 570.(142) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., p. 83 ; P. F, Traité de droit international public, op. cit., t. I, 3e part.,

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et les crimes graves (143). Cette distinction a toutefois été considérée commedangereuse, car manquant de précision, et n’a pas été retenue en pratique.De même, l’immunité de juridiction a été maintenue pour les contraventionsqui, bien que de faible importance, étaient susceptibles de remettre en causela liberté d’action du représentant. L’immunité s’est ainsi étendue à tous lesactes commis pendant toute la durée de la fonction du représentant. Ainsi,ce dernier pouvait se prévaloir de l’immunité pour tout acte effectué durantson mandat, même s’il était poursuivi après que ses fonctions avaient prisfin (144). La mise en œuvre de l’immunité pénale des représentants des Étatsmembres a soulevé très peu de difficultés en pratique, quoique des diffé-rences de traitement aient existé. C’est ainsi qu’en Suisse, conformément àla distinction prévue par le gouvernement fédéral concernant les missionsaccréditées à Berne, le personnel de seconde catégorie de la suite d’un repré-sentant n’a bénéficié de l’immunité que pour les actes accomplis en sa qualitéofficielle (145).

Les représentants des États membres jouissaient également de l’immunitéde juridiction civile dans les mêmes conditions que les ministres publics,conformément au droit international coutumier. Dès lors, aucune action nepouvait être intentée contre eux devant les juridictions civiles de leur Étatde résidence ; les tribunaux en question devaient se déclarer incompétents.De plus, les représentants ne pouvaient être convoqués ou condamnés àaucune saisie. L’immunité protégeait aussi, dans les mêmes conditions, lasuite officielle et non officielle du représentant (146).

L’immunité civile a pu paraître moins importante que l’immunité pénale, carelle portait atteinte à des biens plus qu’à des personnes. Toutefois, même sielle couvre souvent des actes plus marginaux relativement à l’accomplisse-ment des fonctions publiques, l’immunité civile était si fréquemment appeléeà être mise en œuvre qu’elle a semblé essentielle (147). Certains auteurs ontnéanmoins estimé qu’il était nécessaire de faire une distinction entre les actesprivés et publics du représentant. Une telle distinction ne pouvait toutefoisêtre appliquée en pratique. D’une part, il était impossible de l’établir claire-ment. D’autre part, la soumission à la juridiction locale pour des actes privésétait également susceptible de mettre en cause la mission du représentant, etpar là même l’action de la S.d.N. (148).

no 705 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 68.(143) Ibid., p. 67.(144) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., pp. 81-82 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membresde la Société des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société desNations), op. cit., p. 68.(145) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., p. 83.(146) L.F.L. O, International Law, A Treatise, op. cit., p. 508 ; J. S, Les immunités

diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la Société des Nations, op. cit., pp. 90-91.(147) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 70.(148) Ibid.

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Si cette distinction n’a pas été admise, plusieurs restrictions ont toutefoisété apportées en pratique à ce type d’immunité. Certains auteurs ont exigéque la renonciation à l’immunité de juridiction civile soit le fait du gou-vernement du représentant, comme dans le cadre de l’immunité de juridic-tion pénale (149). Il a été admis par la suite que le gouvernement était eneffet libre de renoncer à cette prérogative, sans que cela ne porte atteinteà l’indépendance de la Société (150). Une autre restriction a été admise enpratique. En Suisse, le Tribunal de première instance de Genève a considéréque l’immunité civile ne pouvait être invoquée par le représentant d’un Étatmembre pour ses actes privés après que ses fonctions avaient pris fin (151).Enfin, comme pour l’immunité de juridiction pénale, le personnel subalternede la suite du représentant n’a joui de l’immunité de juridiction civile quepour les actes accomplis en sa qualité officielle (152).

Parallèlement à ces prérogatives, indispensables à l’exercice de la fonctiondiplomatique, l’article 7 du Pacte reconnaît également aux représentants desÉtats membres le bénéfice des « privilèges diplomatiques ». La pratique in-ternationale reconnaît généralement aux agents diplomatiques des préro-gatives de courtoisies, qui ne sont que des avantages destinés à supprimertoute dépendance vis-à-vis de l’autorité locale et dont le fondement résideavant tout en un hommage rendu à la qualité de l’envoyé (153). Les pri-vilèges diplomatiques n’ayant qu’une influence relativement faible sur laliberté d’action du ministre public, d’importantes différences existaient dansla pratique des États. La pratique internationale généralement admise serésume à la reconnaissance du droit de culte privé ; de plus, elle offre auministre public ainsi qu’à sa suite officielle et non officielle une exonérationd’impôts et des droits de douanes (154). On accordait ainsi au ministre pu-blic une exemption des impôts directs personnels, des impôts généraux sur lafortune, et une exemption des droits de douane quant aux objets destinés àleur usage personnel. En revanche, les agents diplomatiques restaient soumisaux impôts indirects.

La reconnaissance de ces prérogatives aux représentants des États membresn’a pas soulevé de problèmes nouveaux. Quelques difficultés pratiques onttoutefois eu lieu en raison du nombre de conférences convoquées sur le ter-ritoire d’États parties au Pacte, et ce, parfois dans des délais très brefs. Eneffet, des précautions minutieuses étaient généralement prises par les Étatslorsqu’une mission diplomatique était accréditée sur leur territoire (155).

(149) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., p. 91.(150) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 71.(151) Bulletin de la jurisprudence suisse, Immunités diplomatiques, juillet-octobre 1927, pp. 1175 à

1186 ; J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents dela Société des Nations, op. cit., pp. 92-93.(152) Ibid. p. 91.(153) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 73.(154) Règl. de l’Institut de droit international sur les immunités diplomatiques, 13 août 1895, art. 11 et

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En Suisse, le Gouvernement fédéral reconnaissait l’exemption d’impôts di-rects, fédéraux, cantonaux et communaux au personnel de « première caté-gorie » des missions diplomatiques accréditées à Berne. En revanche ces per-sonnes restaient soumises à l’impôt foncier sur leurs biens personnels, ainsiqu’aux impôts indirects. L’ordonnance d’exécution du 6 décembre 1920de l’arrêté fédéral du 28 septembre concernant le nouvel impôt de guerreexonérait expressément les chefs de missions, le personnel de première ca-tégorie ainsi que leurs suites non officielles, mais laissait les cantons libresd’apprécier la nécessité d’accorder cette exemption au personnel de secondecatégorie (156). Le Conseil exécutif du canton de Berne accorda finalementcette exemption à tous les membres des missions diplomatiques, hormis ceuxde nationalité suisse, et ce, sous réserve de réciprocité.

Les chefs de missions diplomatiques accréditées auprès de la Confédérationbénéficiaient par ailleurs de l’entrée en franchise de tout objet destiné à leurusage exclusif ou à celui des membres de leur famille vivant avec eux. Lereste du personnel de première catégorie était soumis aux prescriptions gé-nérales, mais bénéficiait de certaines facilités, comme la franchise d’impor-tation d’objets neufs, à condition que l’importation se soit déroulée, dans lamesure du possible, en une seule foi, et que le cas échéant ils s’acquittent desdroits avant d’aliéner ces objets (157).

Des mesures législatives analogues ont été prises concernant les représen-tants des États membres de la S.d.N. résidant en Suisse par le Canton de Ge-nève et par la Confédération. L’article 7 de la loi genevoise du 24 décembre1924 exonérait ainsi des impôts sur le revenu et sur la fortune les représen-tants qui n’étaient pas de nationalité suisse. L’article 7 de l’ordonnance du 6décembre 1920 sur l’impôt de guerre exonérait par ailleurs expressément lesreprésentants des États membres de la Société. Enfin, en matière de droits dedouane, un arrêté du Conseil fédéral du 8 mai 1926 assimilait le statut desreprésentants des États membres à celui des membres des missions diploma-tiques. Il reprenait à son compte la distinction entre personnel de premièreet de seconde catégorie (158).

B. Les privilèges et immunités reconnus aux agents de la S.d.N.

Avant d’étudier la situation des agents de la S.d.N. sur le territoire des dif-férents États où ils ont été amenés à exercer leurs fonctions, il convient defaire un certain nombre de remarques générales. Les privilèges et immunitésprévus par le Pacte avaient pour objectif de servir les intérêts de la Société etnon ceux de ses agents. Ainsi, bien que les prérogatives accordées aux agentsde la Société les aient en partie soustraits au droit commun, leur statut restaitsujet à l’action du Secrétaire général de la Société et du Directeur du B.I.T.

(155) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de laSociété des Nations, op. cit., p. 98.(156) Ibid., p. 99.(157) Ibid., p. 100.(158) Ibid., p. 101.

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Ces derniers pouvaient donc décider de lever l’immunité d’un agent sansson consentement, mais pouvaient également refuser de lever cette immuniténonobstant la volonté contraire de l’agent (159). L’article 1 du Statut du Se-crétariat de la S.d.N. de 1933 prévoyait ainsi que si l’agent devait invoquerune des prérogatives prévues par le Pacte, il appartiendrait au Secrétairegénéral de décider s’il convenait de les lui accorder ou de lever l’immunitéen question. En pratique, aucun agent de la Société n’a été jugé pour un crimeou délit grave, et à aucun moment une renonciation à l’immunité pénale n’aété demandée par les autorités locales. En revanche, la levée de l’immunité dejuridiction civile a fréquemment eu lieu, à la demande des autorités localesou de l’agent lui-même (160).

Le Pacte ne faisait pas de distinction entre les représentants des États mem-bres et les agents ; il ne distinguait pas davantage entre les agents. Il a tou-tefois semblé évident et conforme à l’intérêt de la S.d.N. que tous les agentsne puissent bénéficier des mêmes prérogatives que le Secrétaire général etles chefs de missions (161). Les États sur le territoire desquels résidaient desagents de la S.d.N. ont donc pour la plupart effectué une distinction entres lesagents selon leurs fonctions en leur accordant une protection plus ou moinsimportante. Ainsi, des différences de traitement relativement importantesont existé selon les États sur le territoire desquels les agents de la Sociétéexerçaient leurs activités. Nous présenterons successivement la situation enSuisse, où la Société avait son siège, puis aux Pays-Bas, où se trouvait la Courpermanente de justice internationale. Nous analyserons enfin la situation desagents de la Société exerçant, temporairement ou non, leurs fonctions sur leterritoire d’autres États.

1. La situation des agents de la S.d.N. en Suisse

Les accords conclus entre le Gouvernement suisse et la S.d.N. assimilaientles agents de la Société au personnel des missions diplomatiques accréditéesauprès de la Confédération. Partant, ces accords faisaient d’une part unedistinction entre les agents de première et de deuxième catégorie, et d’autrepart accordaient un statut particulier aux agents de nationalité suisse. Nousprésenterons leur situation successivement.

Le premier modus vivendi de 1921 reconnaissait au personnel de premièrecatégorie « l’inviolabilité, dans l’acceptation technique que le droit inter-national donne à ce mot » (162). Les agents de première catégorie étaientainsi protégés de toutes formes de contrainte de la part des autorités suisses ;elles s’engageaient par ailleurs à réprimer avec une sévérité particulière les

(159) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League ofNations, op. cit., pp. 25-26.(160) Ibid., p. 25.(161) J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations

et des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 125.(162) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre I, voy.Annexe 2.

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atteintes à cette inviolabilité. La question de la nécessité d’une dispositionexpresse dans le Code pénal fédéral s’est posée. Le Tribunal fédéral, dans lacause d’Ivan de Justh, avait décidé que la protection offerte par l’article 43 duCode pénal fédéral s’étendait aux représentants des États membres de la So-ciété. L’un des juges du tribunal fédéral en avait conclu que cette protectionspécifique devait également s’appliquer aux agents de la Société, le Pactene faisant aucune distinction entre eux (163). Certains auteurs ont trouvéexcessif d’étendre cette même protection à tous les agents de la S.d.N. (164).L’article 297 fut finalement introduit dans le Code pénal fédéral, entré envigueur le 1er janvier 1942 : il réservait cette protection spéciale au Secrétairegénéral et au Directeur du B.I.T.

L’inviolabilité dont bénéficiaient les agents de la Société s’appliquait à la« Police des étrangers », l’agent ne pouvant pas faire l’objet d’une expulsiondu Canton de Genève ou de la Confédération. Ces agents n’avaient doncpas besoin d’obtenir un permis de résidence, comme les autres étrangersrésidant en Suisse. Les agents de première catégorie se voyaient remettre àleur arrivée une carte de légitimation spéciale. Cette carte de légitimation,contresignée par le Secrétaire général ou le Directeur du B.I.T., indiquait auxautorités locales le statut de l’agent concerné et donc les prérogatives dontil bénéficiait (165).

L’inviolabilité s’étendait traditionnellement à la résidence privée des minis-tres publics. Toutefois, les accords conclus par la Société avec la Suisse n’enfaisaient pas mention. La question était relativement sensible, compte tenudu nombre important de personnes visées et des difficultés matérielles quereprésentait le respect de l’inviolabilité des résidences privées de tous lesagents de la Société (166). En 1921, la commission chargée d’étudier desmodifications du Pacte en a discuté dans son second rapport destiné auConseil, sous le chef de l’article 7, §5 (167). Ayant noté les différences entreles versions anglaises et françaises du texte, la Commission souligna queseule la version anglaise prévoyait l’inviolabilité des bâtiments occupés parles représentants des États membres. Le texte anglais reconnaissait l’inviola-bilité des résidences privées des représentants ; en conséquence, on s’accordaà étendre cette inviolabilité aux résidences des agents de la Société (168).

Conformément à la distinction faite par les autorités suisses, les agents dedeuxième catégorie ne bénéficiaient pas en principe de l’inviolabilité, hor-mis dans le cadre de l’immunité de juridiction qui leur était accordée pourles actes accomplis en leur qualité officielle et dans la limite de leur

(163) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League ofNations, op. cit., p. 29.(164) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., pp. 73-74.(165) M. H, op. cit., pp. 27-28.(166) J. S, op. cit., p. 75.(167) S.d.N., Doc. A.24 (I), 1921, V., p. 6.(168) M. H, op. cit., p. 29-30 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres

de la Société des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société desNations), op. cit., p. 61.

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fonction (169). Ces agents n’étaient toutefois pas soumis à la police desétrangers et se voyaient remettre également une carte de légitimation, d’unecouleur différente, permettant de les différencier des agents de première ca-tégorie (170). Les agents de deuxième catégorie bénéficiaient par ailleurs del’inviolabilité des bâtiments de la Société, prévue par l’article 7, §5, du Pacte.En conditionnant l’intervention des autorités locales dans les locaux de laSociété à l’accord du Secrétaire général, l’inviolabilité de la Société elle-même conférait une protection à ses fonctionnaires, indépendamment desprivilèges et immunités leur étant reconnus.

L’immunité de juridiction des agents de la S.d.N. était, elle aussi, indispen-sable pour assurer son indépendance. Le modus vivendi de 1921 accordaitaux agents de première catégorie « l’immunité de juridiction civile et crimi-nelle, telle qu’on l’entend en droit international » (171). Le modus vivendide 1926 a confirmé ce principe, en prévoyant que les agents de premièrecatégorie bénéficieraient de l’immunité de juridiction civile et criminelle, àmoins que l’immunité ne soit levée par le Secrétaire général ou le Directeurdu B.I.T. (172). Ce même accord invitait par ailleurs les organismes de laSociété à contribuer au bon fonctionnement de la justice. L’article 3 du Sta-tut du Secrétariat de la S.d.N. répondait à cette invitation en rappelant auxagents que l’immunité n’offrait aucune excuse au non-respect d’obligationsprivées (173).

Les deux accords conclus avec les autorités fédérales faisaient référence aupersonnel de première catégorie comme personnel « exterritorial », termerenvoyant à une théorie qui suppose que ce personnel soit toujours do-micilié et justiciable dans son pays d’origine (174). L’exterritorialité n’étaitplus considérée comme le fondement des privilèges et immunités liées à lafonction diplomatique. Elle ne pouvait pas l’être à plus forte raison pourles agents de la Société, ceux-ci devant être protégés y compris contre l’Étatdont ils étaient ressortissants. Certains auteurs en ont conclu qu’en principela seule législation applicable devait être celle de la S.d.N. Dès lors, un tri-bunal spécial devait être créé pour ces cas (175). Les juridictions genevoises

(169) Comm. du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques du personnelde la Société des Nations et du Bureau international du Travail, 20 novembre 1926, art. 7, Annexe 3.(170) J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et

des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 126 ; M. H, Immunities and Privileges of InternationalOfficials. The Experience of the League of Nations, op. cit., p. 30.(171) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre I, voy.Annexe 2.(172) Comm. du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques du personnel

de la Société des Nations et du Bureau international du Travail, 20 novembre 1926, art. 7, Annexe 3.(173) Voy. par ailleurs les art. 4 et 5 du Statut du Secrétariat de la S.d.N. ; pour le texte, voy. J.M. Y et

P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et des Statuts de l’Unionpanaméricaine, op. cit., p. 198.(174) Avec Grotius est apparue une première forme de la théorie de l’extraterritorialité, selon laquelle

un agent diplomatique est considéré comme n’ayant jamais quitté le territoire de l’État dont il est ressor-tissant, même s’il réside sur le territoire d’un autre État, Voy. H. G, Du droit de la guerre et de lapaix, Paris, 1687, t. I, liv. 2, Chap. XVIII. Voy. égal. J.L. K, « Privileges and immunities of InternationalOrganizations », op. cit., p. 837.(175) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 65.

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ont reconnu que l’exterritorialité constituait une fiction ; lorsque la Sociétélevait l’immunité d’un agent, elle rendait leur compétence aux tribunaux dudomicile de l’agent (176).

Les accords conclus avec la Suisse prévoyaient que lorsqu’un agent de policeétait confronté à une infraction commise par un agent de la Société, il devaitse contenter de transmettre un rapport au Département de Justice et Police.Celui-ci devait décider de la nécessité d’en informer le Secrétaire généralou le Directeur du B.I.T. (177). Les autorités suisses se réservaient le droitd’attirer l’attention de la S.d.N. sur la conduite d’un agent et de demanderque des mesures disciplinaires soient prises à son encontre, par exemple sonlicenciement. Ce mécanisme s’est montré suffisamment efficace en pratique,en raison notamment de la bonne coopération entre la Société et les autoritésfédérales (178).

Il y eut peu de procédures civiles intentées contre des agents de premièrecatégorie. Dans les cas de dettes impayées ou d’irrespect des termes d’uncontrat, les autorités de la Société ont exercé une pression sur l’agent pourqu’il répare son tort. Dans certains cas, l’agent débiteur a autorisé la Sociétéà rembourser cette dette en prélevant les sommes dues sur son salaire, laSociété prenant soin à chaque fois de spécifier qu’elle n’assumait elle-mêmeaucune obligation vis-à-vis du créancier (179).

Comme nous l’avons vu précédemment, le personnel de seconde catégorie nebénéficiait en Suisse de l’immunité de juridiction que pour les actes accomplisen sa qualité officielle et dans la limite de ses attributions. Ainsi, l’article 7 dumodus vivendi de 1926 prévoyait que ce type d’agent restait « soumis auxlois et à la juridiction locale pour les actes de sa vie privée ». Cette restrictionsemble compréhensible, compte tenu du nombre d’agents concernés. Le mo-dus vivendi de 1921 précisait toutefois que si les mesures judiciaires ou depolice prises contre un agent de deuxième catégorie devaient porter atteinteà l’indépendance de la Société, le Secrétaire général ou le Directeur du B.I.T.pouvait en informer les autorités locales pour trouver une solution assurantaussi bien l’indépendance de la S.d.N. que le maintien de l’ordre public.En pratique toutefois, de telles négociations furent rares et peu d’agents dedeuxième catégorie furent jugés devant les tribunaux suisses (180).

L’exemption d’impôts a longtemps été considérée comme une prérogativede courtoisie ne faisant peser aucune obligation sur les États. En pratiquetoutefois, elle fut universellement admise, au même titre que l’inviolabi-lité et l’immunité de juridiction. En ce qui concerne les agents n’étant pas

(176) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League ofNations, op. cit., pp. 34-35 ; voy. par ailleurs Conférence internationale du travail, 8e sess., Genève, 1926,Rapport du Directeur, §44.(177) M. H, op. cit., pp. 31-32.(178) Comm. du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques du personnel

de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. 12, Annexe 3.(179) M. H, op. cit., p. 33.(180) Ibid., p. 37.

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ARTICLE 7 359

de nationalité suisse, le gouvernement fédéral s’est montré particulièrementcoopératif en accordant d’importantes exonérations.

Les agents de première catégorie ont bénéficié des mêmes exemptions fis-cales que le personnel « exterritorial » des missions diplomatiques, en vertudu modus vivendi 1921 (181). Ces derniers se trouvaient donc exonérés detout impôt direct, à l’exception de l’impôt foncier, mais devaient en revanches’acquitter des impôts indirects et d’autres taxes. Dès 1920, l’article 7, chiffre4, de l’ordonnance d’exécution de l’arrêté fédéral du 28 septembre 1920concernant le nouvel impôt fédéral de guerre extraordinaire, exonérait lesagents de première catégorie. L’exonération d’impôts des agents de la So-ciété sera définitivement instaurée par les deux arrêtés du Conseil d’Étatde la République et Canton de Genève en date du 14 juin 1921 et du 18avril 1922, et par la suite dans l’article 7 de la loi genevoise sur les contri-butions publiques du 24 mars 1923, modifiée par la loi du 24 décembre1924 (182). Le second accord conclu avec la Suisse en 1926 ne remettra pasen cause ces exonérations (183). Les agents de première catégorie seront parailleurs exonérés de l’impôt fédéral de crise, introduit en 1934, ainsi quedes différents impôts levés pendant la guerre (184). Les membres de la suitenon officielle de l’agent de première catégorie bénéficiaient eux aussi de cesmêmes exemptions, à condition qu’ils vivent avec lui et qu’ils soient sansprofession à Genève (185).

Les agents de seconde catégorie, quant à eux, étaient exonérés de l’impôtsur le revenu professionnel, de l’impôt sur la fortune ainsi que de l’impôtfédéral de guerre (186). Le premier modus vivendi prévoyait l’exonérationd’impôt sur la fortune, pour autant que son montant n’excède pas celui durevenu professionnel. Cette restriction ne sera pas reprise par le modus vi-vendi de 1926. Les agents de deuxième catégorie ont eux aussi été exonérésdes différents impôts introduits par la suite. À la différence des agents depremière catégorie, ils devaient toutefois s’acquitter d’une taxe personnelle,dont le montant était relativement faible (187). Des différences substantiellesexistaient toutefois en matière de droits de douane.

(181) Lettre duDépartement politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu durégime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre I, Annexe 2.(182) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de

la Société des Nations, op. cit., p. 104 ; M. H, Immunities and Privileges of International Officials. TheExperience of the League of Nations, op. cit., p. 38.(183) Comm. du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques du personnel

de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. 8, Annexe 3.(184) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, op. cit., p. 38.(185) P.H. F,De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de ses

agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 88 ; J. S,Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la Société des Nations,op. cit., p. 104.(186) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre C,Annexe 2 ; Comm. du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques du personnelde la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. 8, Annexe 3.(187) M. H, op. cit., p. 39.

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Sur ce point, l’article 10 dumodus vivendi de 1926 renvoyait aux « prescrip-tions » communiquées au Secrétaire général le 10 janvier 1926. Ces pres-criptions comprenaient les dispositions pertinentes de la loi fédérale sur lesdouanes du 1er novembre 1925. Elles furent complétées par l’arrêté du Con-seil fédéral du 8 juillet 1926, précisant pour chaque catégorie de personnesle régime applicable. Les hauts fonctionnaires du Secrétariat général et duB.I.T. ont été assimilés selon ce régime aux chefs de missions diplomatiques.Ainsi, le Secrétaire général de la S.d.N., le secrétaire général adjoint, lessous-secrétaires généraux, les directeurs de section et assimilés, le Directeurdu B.I.T., le directeur adjoint ainsi que les chefs de division ont bénéficiéd’une exonération intégrale des droits de douane des objets destinés à leurusage exclusif ou à celui de leur famille vivant avec eux. Les objets et valisesqu’ils transportaient ne pouvaient pas faire l’objet de contrôles à l’entrée duterritoire (188).

Les autres agents de première catégorie restaient en revanche soumis auxprescriptions générales, mais bénéficiaient de certaines facilités. Lors de leur« première installation », ils jouissaient d’une franchise douanière, durantune année, sur tous les biens qu’ils importaient, qu’ils soient usagés ouneufs (189). Le personnel temporaire ne pouvait importer en franchise quedes effets usagés, mais pouvait se voir rembourser les droits payés pourl’importation d’objets neufs après qu’un délai de six mois était écoulé. L’ar-ticle 19 de la loi sur les douanes prévoyait une réserve de réciprocité, maiselle ne fut pas prise en considération. Ainsi, tous les agents de première caté-gorie ont pu bénéficier des mêmes avantages (190). En revanche, les agentsde deuxième catégorie ne bénéficiaient d’aucun avantage enmatière de droitsde douane et restaient donc soumis aux prescriptions générales applicablesen la matière.

Comme nous l’avons vu précédemment, le statut des agents de la S.d.N. denationalité suisse a fait l’objet de négociations difficiles entre le Gouverne-ment fédéral et les organes de la Société. Durant ces négociations, les auto-rités suisses avaient rappelé qu’en ce qui concerne les missions accréditées àBerne, aucun privilège et aucune immunité n’étaient accordés aux personnesde nationalité suisse, conformément au droit international coutumier (191).

Les agents de nationalité suisse ont toutefois bénéficié de quelques déro-gations au droit commun. Ainsi en matière d’inviolabilité, ces derniers n’a-vaient pas à obtenir de permis de séjour ou d’établissement s’ils venaient d’unautre canton, formalité autrement obligatoire (192). Le Conseil fédéral avaittoujours considéré que la qualité d’agent ne pouvait soustraire un ressortis-sant helvétique aux lois et tribunaux suisses (193). Comme le personnel de

(188) Ibid., p. 40.(189) Ibid., p. 40 ; J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des

agents de la Société des Nations, op. cit., p. 105.(190) Ibid., p. 106.(191) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, op. cit., p. 17.(192) Ibid., p. 46.

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ARTICLE 7 361

deuxième catégorie, ces personnes n’ont dès lors joui de l’immunité de juri-diction que pour les actes accomplis en leur qualité officielle et dans la limitede leurs attributions (194). Le Secrétaire général a fort logiquement souhaitéobtenir le droit de suspendre les procédures judiciaires relatives aux actesprivés des agents de nationalité suisse, lorsque ces procédures remettaienten cause l’indépendance de la S.d.N. Si aucune disposition n’a été prise ence sens, en pratique les autorités suisses ont respecté ce principe (195).

Les controverses les plus importantes ont porté sur l’exonération d’impôtdes agents de nationalité suisse. Les autorités suisses avaient pris soin derappeler que l’exemption fiscale n’avait jamais fait partie des privilèges etimmunités que le droit coutumier impose aux États, mais qu’elle constituaitun simple acte de courtoisie. On avança cependant l’argument que si les Étatspouvaient taxer les revenus versés par la S.d.N. à leurs ressortissants, celareviendrait à rembourser ces États d’une partie de leurs contributions à laSociété. Une telle taxation grèverait le budget de la S.d.N., qui se verrait alorstenu de compenser les différences d’imposition (196). Ainsi, la conclusions’imposa que l’assimilation du régime des agents de la Société à celui desmissions accréditées à Berne devait avoir des limites, sans quoi les règlesprévues ne seraient plus compatibles avec les objectifs de la Société.

Un autre point particulièrement sensible portait sur le service militaire quedevaient effectuer les ressortissants suisses. Les personnes régulièrementexemptées de ce service devaient s’acquitter d’une taxe militaire. Les agentsde la Société n’étaient pas soustraits à cette obligation, mais lemodus vivendide 1926 prévoyait que des dispenses seraient accordées si « le fait pour euxde donner suite à un ordre d’appel [était] de nature à entraver sérieusementla marche normale des Services de la Société » (197).

Le modus vivendi de 1921 n’était qu’un arrangement provisoire. S’il pré-voyait expressément la possibilité de modifier le statut des agents de natio-nalité suisse, il leur accordait également certains privilèges, par exemple, uneexemption d’impôt sur les traitements de la Société. Les autorités suisses ontrepris ce régime dans le second accord de 1926 en accordant à leurs ressortis-sants une exonération des impôts directs communaux et cantonaux (198).Ces personnes bénéficiaient par ailleurs d’une exonération temporaire del’impôt de guerre extraordinaire. Le statut de ces agents est toutefois long-temps resté incertain et le Secrétaire général de la S.d.N. a régulièrement ap-pelé à ce qu’un régime général et stable leur soit accordé. Aucun accord de la

(193) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et deses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 90.(194) Comm. du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques du personnel

de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. 9, Annexe 3.(195) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, op. cit., p. 46.(196) Ibid., pp. 17-18.(197) Comm. du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques du personnel

de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. 11, Annexe 3 ;J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », op. cit., p. 857.(198) Comm. du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques du personnel

de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. 9, §2, Annexe 3.

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sorte n’aura finalement été conclu. Cette carence souleva certaines difficultésdans la pratique (199).

2. Les privilèges et immunités reconnus aux agents de la S.d.N.aux Pays-Bas

La C.P.J.I. étant considérée comme un organe de la S.d.N., ses membresdevaient êtres admis au bénéfice des privilèges et immunités prévues parl’article 7, paragraphe 4, du Pacte. Si l’article 19 du Statut de la Cour accor-dait directement les prérogatives diplomatiques aux juges, les membres duGreffe ne pouvaient s’en prévaloir qu’en tant qu’agents de la S.d.N. (200).Ici aussi, tant pour les juges que pour les membres du Greffe, un accord avecles autorités locales était nécessaire. Pendant plusieurs années, la situationjuridique des membres de la Cour et des fonctionnaires du Greffe est restéeincertaine, en l’absence d’un arrangement avec le gouvernement des Pays-Bas (201). Les échanges de notes aboutirent finalement, le 5 juin 1928, àl’adoption par le Conseil de la Société d’un accord avec les Pays-Bas com-prenant quatre principes généraux relatifs aux privilèges et immunités, ainsiqu’un règlement d’application (202).

L’accord conclu avec les Pays-Bas faisait une distinction entre les juges et leGreffier de la Cour d’une part, et les « fonctionnaires supérieurs » d’autrepart. Le statut des juges et du greffier de la Cour fut assimilé à celui deschefs de missions accréditées à La Haye (203). Les autorités néerlandaisesont non seulement accordé aux juges et au Greffier de la Cour les privilègeset immunités diplomatiques traditionnellement accordés aux agents diplo-matiques, mais également un certain nombre d’avantages spécifiques (204).Ils furent ainsi exonérés d’impôts, en vertu de plusieurs instruments promul-gués par les autorités néerlandaises à partir de 1922 (205). Ils bénéficiaientpar ailleurs de l’entrée en franchise des biens destinés à leur usage exclusif.Des cartes d’identité similaires à celles fournies aux chefs de missions leuront été remises (206). L’accord de 1928 prévoyait aussi que la femme et lesenfants célibataires des juges et du Greffier partageraient le statut du chef defamille, à condition qu’ils vivent avec lui et qu’ils ne travaillent pas (207).

(199) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League ofNations, op. cit., p. 48.(200) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., p. 93.(201) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 296.(202) Principes gén. et Règl. d’application relatifs aux privilèges et immunités des membres de la C.P.J.I.,

5 juin 1928. Voy. Annexe 4.(203) Ibid., art. A.II.(2).a.(204) Ibid., art. I ; M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the

League of Nations, op. cit., p. 50.(205) Pour la liste de ces instruments, voy. Rapport annuel de la C.P.J.I., 1927, Sér. E, no 4, p. 59.(206) M. H, op. cit., pp. 51-52.(207) Principes gén. et Règl. d’application relatifs aux privilèges et immunités des membres de la C.P.J.I.,

5 juin 1928, art. A.II.(2).b ; Voy. Annexe 4.

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ARTICLE 7 363

Le greffier adjoint et les secrétaires rédacteurs, qualifiés de « personnel supé-rieur », furent assimilés au personnel de légation des missions diplomatiquesaccréditées auprès du Gouvernement néerlandais (208). L’accord conclu en1928 prévoyait qu’en cas d’incertitude, le statut des agents du greffe devaits’inspirer de celui reconnu en Suisse aux agents de deuxième catégorie. Enpratique, aucune difficulté majeure ne s’est manifestée (209). Nonobstant ladifférence de régime, les membres du greffe ont bénéficié des mêmes exemp-tions d’impôts et des mêmes avantages enmatière de droits de douane que lesjuges et le greffier (210). L’accord prévoyait également que le greffier pouvait,avec l’accord du Président de la Cour, et après en avoir informé les autoritéslocales, lever l’immunité d’un agent. Si la question de la levée de l’immunités’est certes posée à quelques reprises, la procédure n’est jamais allée à sonterme ; les autorités néerlandaises n’ont jamais saisi la Cour à ce sujet (211).

Comme nous l’avons vu précédemment, l’avant-projet de Statut de la C.P.J.I.prévoyait que les juges de la Cour ne puissent bénéficier des privilèges etimmunités qu’en dehors de leur pays d’origine. Or, la rédaction finale del’article 19 du Statut de la Cour, tout comme l’article 7 du Pacte, n’énonçaitaucune restriction fondée sur la nationalité (212). En pratique, une distinc-tion identique à celle prévue en Suisse fut appliquée aux Pays-Bas. Les agentsde la Cour de nationalité néerlandaise, y compris les juges, n’ont bénéficiéde l’immunité de juridiction que pour les actes accomplis dans leur capa-cité officielle et dans la limite de leurs attributions, et ont bénéficié d’unesimple exemption d’impôt sur le revenu (213). Ce régime n’a pas soulevéde difficultés majeures en pratique. Certains auteurs ont toutefois dénoncécette distinction en avançant l’argument que plus que tout autre agent, lejuge devait être entouré de toutes les garanties et qu’il ne devait pas avoirà répondre de sa vie privée devant une juridiction autre qu’internationale,juridiction certes qui restait encore à créer (214).

3. Les privilèges et immunités reconnus agents de la S.d.N. sur le territoired’autres États

L’article 7 du Pacte ne restreint pas le bénéfice des privilèges et immunités auxagents travaillant au siège de la S.d.N. À cet égard, rappelons que le projetd’article soumis par la délégation britannique accordait expressément lesprérogatives diplomatiques à toute personne membre d’un organe admi-nistratif ou judiciaire, et aux membres de commissions d’enquête sous le

(208) Ibid., art. B.III.1.a ; voy. égal. F. H, The permanent Court of International Justice, 1920-1942.A treatise, New York/Londres, Macmillan, p. 329.(209) Principes gén. et Règl. d’application relatifs aux privilèges et immunités des membres de la C.P.J.I.,

5 juin 1928, art. B.III.1.c, Annexe 4 ; M. H, Immunities and Privileges of International Officials. TheExperience of the League of Nations, op. cit., p. 54(210) Rapport annuel de la C.P.J.I., 1922-1925, Sér. E, pp. 103-104.(211) M. H, op. cit., p. 54.(212) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 92-93.(213) Principes gén. et Règl. d’application relatifs aux privilèges et immunités des membres de la C.P.J.I.,

5 juin 1928, art. A.II.3, Annexe 4.(214) P.H. F, op. cit., p. 93.

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364 Vittorio M et Martin D

contrôle de la Société (215). Il semblait donc admis que des agents de la So-ciété devaient bénéficier des privilèges et immunités sur le territoire d’autresÉtats que la Suisse ou les Pays-Bas.

Les États parties au Pacte s’étaient engagés à respecter les privilèges et im-munités des agents de la Société se trouvant sur leurs territoires, soit parcequ’ils y résidaient, soit parce qu’ils le traversaient. Certains États ont doncpromulgué des lois spécifiques relatives aux privilèges et immunités qu’ilsaccordaient aux agents de la S.d.N. En Pologne, une ordonnance de 1926exonérait d’impôts les agents du Secrétariat général, du B.I.T., de la C.P.J.I. etde toute autre institution internationale analogue (216). Le Gouvernementyougoslave avait, quant à lui, prévu en 1927 que les agents du Secrétariatet du B.I.T. bénéficieraient d’une exonération des droits de douane à l’im-portation pour des objets destinés à leur usage exclusif (217). En Tchéco-slovaquie, une ordonnance de 1927 prévoyait que les agents de la Sociétéet du B.I.T. seraient admis au bénéfice de l’exterritorialité et seraient doncexonérés d’impôts (218).

Les fonctionnaires des Instituts internationaux placés sous les auspices dela S.d.N. ont été considérés comme des agents de la Société et ont à cetitre été admis au bénéfice des privilèges et immunités. En France, la dis-tinction effectuée en Suisse entre personnel de première et de deuxième ca-tégorie a été appliquée aux agents de l’Institut international de coopéra-tion intellectuelle (219). Ces agents ont généralement bénéficié des mêmesprivilèges et immunités que le personnel diplomatique accrédité auprès duGouvernement français ; des cartes d’identité spécifiques ont été remises auxhauts fonctionnaires de l’Institut (220). En revanche, les agents de nationa-lité française n’ont pas bénéficié d’exonérations d’impôts. L’Institut a doncdû rembourser le montant de l’imposition, afin qu’il n’y ait pas d’inégalité desalaires entre ses fonctionnaires. Par opposition, tous les agents de l’Institutinternational pour l’unification du droit privé, basé à Rome, ont bénéficiéd’une exonération d’impôt de la part du Gouvernement Italien (221).

Les Hauts Commissaires de la S.d.N. ont bénéficié des privilèges et immu-nités sur les territoires des différents États où ils se trouvaient. Il en a étéainsi pour le Haut Commissaire de la Société à Dantzig (222) et pour leHaut Commissaire aux réfugiés basé à Vienne. Les deux membres de l’Officeautonome pour l’établissement des réfugiés grecs, nommés par le Conseil en1923, ont bénéficié du même statut. Il est intéressant de noter que les deux

(215) D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. II, p. 108.(216) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League of

Nations, op. cit., p. 59.(217) Conférence internationale du travail, 10e sess., 1927, vol. II, Rapport du Directeur, p. 33.(218) M. H, op. cit., p. 60.(219) J.O., 1925, p. 1460 ; J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et

la jurisprudence des organes de la Société, op. cit., p. 298.(220) M. H, op. cit., p. 68.(221) Ibid., p. 69.(222) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., p. 74.

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ARTICLE 7 365

autres membres de l’Office, nommés par le gouvernement grec avec l’accorddu Conseil, ont joui de certaines mesures de protection, comme l’immunitéde juridiction, à l’exception des procédures intentées par le ministre de laJustice (223). Dans la plupart des cas, le bénéfice des privilèges et immunitésa été accordé aux Hauts Commissaires à la suite de négociations informellesentre le Conseil de la S.d.N. et les États concernés. Dans certains cas, enrevanche, des dispositions spécifiques ont été introduites (224).

Aucune disposition spécifique n’a accordé les privilèges et immunités auxmembres des Commissions d’enquête instituées par la S.d.N. De telles dis-positions ne s’avéraient pas nécessaires, ces personnes étant clairement viséespar l’article 7, §4, du Pacte (225). Les prérogatives diplomatiques ont ainsiété reconnues aux membres de la Commission de rapporteurs sur l’affairedes îles Åland, à ceux de la Commission d’enquête sur le Chaco, créée en1933 à la suite du conflit entre la Bolivie et le Paraguay (226), ou encore auxmembres de la Commission Lytton chargée d’enquêter sur les circonstancesdu conflit ayant éclaté en 1931 entre le Japon et la Chine (227). En revanche,le Conseil de la Société accorda expressément les privilèges et immunités auxmembres de la Commission de Gouvernement du territoire de la Sarre (228).

Lorsque des agents de la S.d.N. ont été amenés à se rendre sur le territoired’États n’étant pas parties au Pacte, les autorités de la Société se sont généra-lement assurées qu’ils bénéficieraient des privilèges et immunités nécessairesà l’exercice de leur fonction. La question soulevait toutefois plus de difficul-tés lorsque l’agent ne faisait que traverser le territoire d’un État non partieau Pacte. La pratique des États-Unis d’Amérique est à cet égard intéressante.En 1927, un agent du B.I.T. a été arrêté par les autorités californiennes pourtrouble à l’ordre public, alors qu’il transitait vers l’Australie. Le Gouverne-ment américain souligna, à raison, que les privilèges et immunités n’étaientaccordés en droit international coutumier qu’aux agents diplomatiques etque les agents de la Société ne faisaient nullement partie de cette catégo-rie (229).

S 5. – L’ S..N.

Il est très vite apparu nécessaire d’accorder une protection particulière àla S.d.N. elle-même, parallèlement à la protection dont bénéficiaient les

(223) M. H, Immunities and Privileges of International Officials. The Experience of the League ofNations, op. cit., p. 62.(224) Pour un énoncé des différentes dispositions pertinentes, voy. ibid., p. 62.(225) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 290 ; J.M. Y et P. D S, Commentaire théorique et pratique du Pactede la Société des Nations et des Statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 198.(226) J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », op. cit., p. 832.(227) M. H, op. cit., p. 65.(228) J. S, Les immunités diplomatiques des représentants des États membres et des agents de la

Société des Nations, op. cit., p. 54 ; J.O.S.d.N., 1934, p. 1427.(229) M.H, op. cit., p. 71-72 ; J.L. K, «Privileges and immunities of International Organizations »,

op. cit., p. 830.

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représentants des États membres et les agents de la Société. Le 20 janvier1919, la délégation britannique présenta à la Commission de la Société desNations un projet d’article de la teneur suivante : «All buildings occupied bythe League, or by an organisation placed under the control of the League orby any of its officials, or by representatives of the High Contracting Parties atthe capital of the League shall enjoy the benefits of extraterritoriality » (230).

Durant les négociations qui eurent lieu le 22 mars 1919, la délégation fran-çaise demanda la suppression du mot « exterritorialité », estimant que leterme pouvait donner lieu à des difficultés d’interprétation, car il rappelaitl’époque où il existait un droit d’asile dans l’hôtel de l’Ambassadeur. Ladélégation française suggéra d’employer le terme d’« inviolabilité ». Le Co-mité de rédaction fut chargé de choisir l’expression la plus appropriée etla formule actuelle de l’article 7, §5, fut alors adoptée sans autres négocia-tions (231).

Le Pacte garantit ainsi l’inviolabilité des « bâtiments et terrains occupés parla Société, par ses services ou ses réunions ». Traditionnellement, « l’invio-labilité de l’hôtel » des ministres publics était considérée comme une consé-quence de l’inviolabilité de leur personne. Le principe en était dans notrecas distinct. Il constituait dans une large mesure une nouveauté (232). Iln’y avait jusqu’alors que peu d’organismes internationaux qui accordaient àleurs fonctionnaires des prérogatives diplomatiques ; et il n’y avait a fortiorique de rares exemples d’organisations bénéficiant elles-mêmes d’une telleprotection. On avait auparavant reconnu la « neutralité et l’indépendance »de la Commission européenne duDanube (1856) (233) ; la Commissionmiseen place par l’Acte de navigation du Congo (1885) s’était vu attribuer le« privilège de l’inviolabilité dans l’exercice de ses fonctions » (234). La pra-tique restait toutefois marginale. Lors de la rédaction du Pacte, la méthode àemployer pour assurer l’indépendance d’une organisation comme la S.d.N.soulevait toujours d’importantes interrogations.

La doctrine envisageait à l’époque différents moyens pour arriver à cettefin (235). On a d’une part envisagé que la protection accordée à la Sociétéaboutisse à l’internationalisation du territoire sur lequel son siège était éta-bli (236). Cette solution ne pouvait pas véritablement se fonder sur un quel-conque précédent et elle fut rejetée par la doctrine majoritaire (237). Le siège

(230) D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. II, p. 109.(231) Ibid., p. 506.(232) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 292.(233) Traité de Paris du 30 mars 1856, art. 16, Martens, N.R.G., vol. XV, 1856, pp. 776-777.(234) Art. 18 de l’Acte de Navigation du Congo, Berlin, 1885.(235) J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », op. cit., pp. 847-848 ; Voy.

égal. C.W. J, « Some Legal Aspects of the Financing of International Institutions », Transactions of theGrotius Society, Londres, vol. 28, 1943, pp. 87-132.(236) Voy. à ce propos la position de M. Mac White, représentant de l’Irlande à l’Assemblée, S.d.N., A.

1926, C., II, p. 58.(237) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 292 ; J.F. L, « L’immunité de juridiction des États et des organisationsinternationales », R.C.A.D.I., no 84, 1953, p. 297.

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ARTICLE 7 367

de la Société devant en toute vraisemblance être établi sur le territoire d’unÉtat, une autre solution consistait à ce que cet État accorde dans son droit in-terne une protection particulière à l’organisation. Cependant, cette solutionfut également écartée, car elle n’assurait aucune uniformité de traitement,en laissait de surcroît à l’État en question la possibilité de modifier unilaté-ralement son droit interne et par voie de conséquence le statut de l’organisa-tion (238). Le moyen le plus adéquat semblait être d’assurer l’indépendancede l’organisation par le biais d’un traité.

Plusieurs auteurs ont pu exprimer certaines réserves quant à la nature desdeux modus vivendi conclus en 1921 et 1926 entre la S.d.N. et la Suisse,doutant qu’ils puissent constituer un fondement juridique solide de l’indé-pendance de la Société (239). Ces accords doivent aujourd’hui être analyséscomme les premières sources d’une coutume internationale selon laquelle lesorganisations internationales possèdent la personnalité juridique et jouissentdes privilèges et immunités (240). En effet, il est aujourd’hui admis que l’Or-ganisation des Nations Unies possède la personnalité juridique internatio-nale, quand bien même ni la Charte ni la Convention générale sur les pri-vilèges et immunités des Nations Unies adoptée par l’Assemblée générale le13 février 1946 n’en font mention (241).

La reconnaissance de la personnalité juridique de la S.d.N. était double. Laconclusion de tels accords constituait en soi une forte présomption, si cen’est une preuve, de l’existence de cette personnalité. Ces accords reconnais-saient par ailleurs expressément la personnalité juridique de la S.d.N. Lepremier modus vivendi, conclu en 1921, reconnaît que le paragraphe 5 del’article 7 du Pacte ne porte que sur les locaux de la Société, mais « qu’enapplication, sinon de la lettre, du moins de l’esprit du Pacte, la Société desNations peut revendiquer, en sa faveur, la personnalité internationale et lacapacité juridique » (242). Le terme d’« inviolabilité » employé par le Pactene devait donc pas être entendu au sens strict, c’est-à-dire simplement entant que prérogative conditionnant l’intervention des autorités locales dansles locaux de la Société à son accord. Comme l’avait laissé entrevoir le re-cours à la notion d’« exterritorialité » dans la version initiale de l’article 7,l’inviolabilité renvoyait en réalité à la personnalité juridique de l’Organi-sation, dont l’un des attributs premiers était le bénéfice des prérogatives etimmunités diplomatiques nécessaires à son fonctionnement (243).

La reconnaissance du bénéfice des privilèges et immunités à la S.d.N. estapparue logique. Très tôt le Conseil fédéral helvétique en avait admis le

(238) J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », op. cit., pp. 847-848.(239) Ibid., p. 848 ; J.F. L, « L’immunité de juridiction des États et des organisations internatio-

nales », op. cit., p. 331.(240) Ibid., p. 329.(241) Ibid., p. 329.(242) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre III. Voy.Annexe 2.(243) P. B, « The legal status of the premises of the United Nations », B.Y.B.I.L., vol. 28, 1951,

p. 101.

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368 Vittorio M et Martin D

principe. En 1919, dans son message relatif à l’adhésion de la Suisse auPacte, le Conseil fédéral estimait qu’il était « naturel que la Société des Na-tions jouisse des mêmes privilèges et immunités que tout État avec lequelnous entretenons des relations diplomatiques » (244). Les accords conclus en1921 et 1926 se chargeaient de détailler ces prérogatives : tant l’inviolabilitéde la Société, au sens strict, que l’immunité de juridiction dont elle devaitbénéficier.

Le premier modus vivendi de 1921 avait précisé l’étendue de l’inviolabilitédes locaux de la Société et n’a pas été pas modifié par l’accord de 1926 (245).Selon l’accord, aucun agent de l’autorité publique ne pouvait pénétrer dansles locaux où étaient établis les services de la Société, c’est-à-dire le Secré-tariat général et le B.I.T., sans le consentement du Secrétaire général ou duDirecteur du B.I.T. En pratique, le respect de l’inviolabilité des locaux dela Société n’a pas soulevé de problèmes majeurs. Une illustration du bonfonctionnement du régime prévu a été apportée lors de l’arrestation d’Ivande Justh, le 11 juin 1926, dans les locaux de la S.d.N., les autorités localesayant pour cela attendu l’autorisation du Secrétaire général (246).

Il convient ici de noter une différence entre les versions françaises et anglaisesde l’article 7. La version française prévoit l’inviolabilité des bâtiments etterrains occupés par les services de la Société ou par ses réunions, tandisque la version anglaise reconnaît l’inviolabilité des locaux occupés par laSociété, mais également de ceux utilisés par ses agents et par les représentantsdes États membres. Cette différence n’a toutefois pas soulevé de difficultésmajeures. En effet, le terme « réunion », employé dans la version française,est général pour couvrir le cas des sessions de l’Assemblée et du Conseil.L’on a admis que dans ces cas, ces organes étaient seuls compétents pourlever l’inviolabilité de leurs locaux (247). À vrai dire, ces locaux bénéficiaientdéjà de l’inviolabilité, car, comme nous l’avons vu, les résidences officielleset privées des représentants des États membres étaient inviolables.

Les deux accords conclus avec la Suisse disposaient en des termes identiquesque les archives de la Société étaient inviolables (248). Cette prérogativeavait déjà été reconnue aux archives des missions diplomatiques. Il est dé-sormais admis que cet aspect de l’inviolabilité a une valeur coutumière.

(244) Feuille fédérale de la Confédération suisse, 1919, IV, p. 618.(245) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre II.A,Annexe 2 ; Communication du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques dupersonnel de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. II. Voy.Annexe 3.(246) P. B, op. cit., p. 106 ; P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres

de la Société des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société desNations), op. cit., p. 61.(247) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., pp. 292-293.(248) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre II.B,Annexe 2 ; Communication du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques dupersonnel de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. III. Voy.Annexe 3.

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ARTICLE 7 369

Il bénéficie à la grande majorité des organisations internationales moder-nes (249). Les modus vivendi prévoyaient par ailleurs que le Secrétariat gé-néral, le B.I.T. et les agents de la Société en général pouvaient faire usagede « courriers de cabinet » pour la transmission de leurs correspondancesofficielles (250). Ces facilités en matière de communication, empêchant lesinterférences des autorités locales ou autres, sont directement héritées desavantages accordés aux missions diplomatiques dans leurs relations avecleur gouvernement (251). Bien entendu, le principe a évolué et l’inviolabi-lité des correspondances dont bénéficie l’ONU couvre aujourd’hui un largechamp de moyens de communication ; il ne se limite pas aux simples cour-riers (252).

Le Gouvernement suisse avait par ailleurs offert à la S.d.N. un certain nom-bre d’avantages en matière de droits de douane et d’impôts. Le modus vi-vendi de 1921 avait accordé à la Société une franchise douanière pour toutobjet étant destiné à son usage exclusif (253). Ce même accord ne prévoyaiten revanche aucune exemption fiscale. Cette dernière fut introduite en 1926.La S.d.N. a en effet bénéficié, par voie de remboursement, d’une exemptioncomplète sur ses avoirs en banque et sur ses titres de valeurs immobilières,ainsi que d’une exonération du droit de timbre sur les coupons (254).

En reconnaissant la personnalité juridique de la S.d.N., le Gouvernementsuisse avait reconnu l’immunité de juridiction dont elle bénéficiait. Si l’im-munité de juridiction se présentait comme une nécessité inéluctable pour laS.d.N. et une condition de son bon fonctionnement, il convenait toutefois derespecter le principe de légalité et de protéger à la fois les intérêts des Étatset des individus (255).

L’article premier du modus vivendi de 1926 disposait que la Société ne pou-vait pas être actionnée devant les tribunaux suisses sans son consentement.Le premier modus vivendi avait apporté plus de détails quant à la mise enœuvre de cette immunité (256). Il prévoyait que la Société, ayant un statutanalogue à celui d’un État, ne pouvait être soumise aux juridictions locales.

(249) P. B, « The legal status of the premises of the United Nations », op. cit., p. 102.(250) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre II.C,Annexe 2 ; Communication du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiques dupersonnel de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. IV. Voy.Annexe 3.(251) P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de la Société des Nations et de

ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 du Pacte de la Société des Nations), op. cit., pp. 60-61.(252) J.L. K, « Privileges and immunities of International Organizations », op. cit., p. 850.(253) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre II.D.Voy. Annexe 2 ; Communication du Conseil fédéral suisse concernant le régime des immunités diplomatiquesdu personnel de la Société des Nations et du Bureau international du travail, 20 novembre 1926, art. V. Voy.Annexe 3.(254) Ibid., art. VI.(255) J.F. L, « L’immunité de juridiction des États et des organisations internationales », op. cit.,

pp. 299-301.(256) Lettre du Département politique fédéral, division des Affaires étrangères, 19 juillet 1921 : Aperçu

du régime provisoire applicable à la Société des Nations et à son personnel résidant à Genève, lettre III. Voy.Annexe 2.

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L’accord ajoutait toutefois qu’à la différence d’un État, la S.d.N. n’offraitpas de tribunaux ; dès lors, elle ne pouvait être actionnée nulle part sansson consentement. Le Gouvernement fédéral ajouta que la Société pouvaits’adresser aux tribunaux suisses en renonçant à se prévaloir de son immu-nité, soit expressément, en se portant demanderesse, soit tacitement, en nesoulevant pas le déclinatoire d’incompétence. En pratique, la S.d.N. ne s’estjamais adressée aux tribunaux suisses en qualité de demanderesse (257).

En tant que défenderesse, on a pu estimer que la Société s’était prévaluede son « immunité » lorsque des fonctionnaires ont cherché à l’actionnerdevant des tribunaux locaux. Tel a été le cas notamment afin d’établir laresponsabilité de la S.d.N. dans le paiement de la pension de cinq anciensfonctionnaires de la Sarre. Cette affaire concernait les rapports internes entrela Société et ses agents. Or, ces rapports échappant à la loi et aux juridictionslocales. En l’espèce, le terme d’« immunité de juridiction » n’était donc pasapproprié. Il s’agissait en réalité d’une irrecevabilité de l’action (258). Enrevanche, dans ses relations extérieures, notamment dans le cadre de transac-tions commerciales, l’immunité de la S.d.N. était effectivement concernée.La Société a à plusieurs reprises renoncé par avance à son immunité. Alterna-tivement, elle admit une clause arbitrale dans le contrat qu’elle conclut, parexemple enmatière de fourniture d’électricité (259). C’est ainsi que le contratde construction des bâtiments du Palais des Nations à Genève comportaitune telle clause. Elle conféra compétence à un tribunal arbitral lorsqu’unlitige est survenu (260).

(257) J.F. L, « L’immunité de juridiction des États et des organisations internationales », op. cit.,p. 112.(258) Ibid., pp. 316-317.(259) H.MKW, «Legal Relations between Individuals and aWorldOrganization of States »,

Grotius Society, vol. 30, 1945, p. 144.(260) J.F. L, op. cit., p. 317.

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ARTICLE 7 371

ANNEXES

Annexe 1

INSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL

Session de Vienne – 1924

L’INTERPRETATION DE L’ARTICLE 7, ALINÉA 4, DU PACTE DE LASOCIETE DES NATIONS

(Rapporteurs : MM. Mineitcirô Adatci et Charles De Visscher)

Article premier

Sous le nom d’agents de la Société des Nations au sens de l’article 7, alinéa 4,du Pacte, il faut entendre :

1o Les personnes qui, nommées par l’Assemblée, le Conseil, le Secrétairegénéral de la Société des Nations ou par ses délégués spécialement qualifiés,accomplissent pour son compte ou sous son contrôle des actes de fonctionde nature politique ou administrative.

2o Le directeur du B.I.T. et ses collaborateurs immédiats.

Il appartient au Conseil de la Société des Nations de préciser si les emploisconférés à certaines personnes réunissent les caractères indiqués ci-dessus.

Article 2

Dans l’application du traitement prévu ci-dessus lesMembres de la S.d.N. nesont autorisés à faire aucune distinction entre leurs ressortissants et ceux desautres États. Il est désirable toutefois que les agents de la Société ne soientappelés à exercer leurs fonctions dans leur propre pays qu’en cas de nécessitéabsolue et avec l’agrément continu de leur gouvernement.

Article 3

Les privilèges et immunités diplomatiques prévus à l’article 7, alinéa 4, duPacte, appartiennent aux agents de la S.d.N. dans les pays et pour le tempsoù ils remplissent leurs fonctions ou mission.

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Article 4

Au cas où les agents de la S.d.N. seraient assignés ou poursuivis devant unejuridiction quelconque, l’autorité compétente pour procéder à leur nomina-tion aura qualité pour se prononcer sur la levée de l’immunité.

(25 août 1924)

Annexe 2

MODUS VIVENDI DU 19 JUILLET 1921

Échange de lettres entre le Conseil fédéral et le Secrétaire général de la So-ciété des Nations – Aperçu du régime provisoire applicable à la Société desNations et à son personnel résidant à Genève

Département politique fédéral

Division des Affaires étrangères

Berne, le 19 juillet 1921

Monsieur le Secrétaire général,

Le Gouvernement fédéral suisse a eu une satisfaction particulière à constaterqu’à la suite des conférences tenues, à Genève et à Berne, il y a quelquesmois, et des correspondances ultérieurement échangées, les vues du Secré-taire général de la Société des Nations, concernant la mise en applicationde l’article VII, 4e alinéa, du Pacte, concordaient aujourd’hui sur un grandnombre de points, avec sa propre manière de voir.

S’inspirant du résultat de nos pourparlers, le Conseil fédéral nous a chargéset nous avons l’honneur de vous faire part des propositions suivantes, qui onttrait aux questions au sujet desquelles l’accord s’est établi. Ces propositionspourraient constituer la base d’un premier modus vivendi provisoire de laSociété des Nations à Genève ; ce règlement partiel, constamment révisable àla demande de l’une ou de l’autre des Parties, serait facile à compléter dans lasuite, à mesure que les points demeurés encore en suspens auront été réglés.

Voici les propositions dont il s’agit :

I. Personnel

Le personnel du Secrétariat général de la Société des Nations et du Bureau in-ternational du Travail bénéficiera des mêmes prérogatives et immunités quecelles reconnues par le droit international et par la pratique au personneldes Missions diplomatiques ; il sera, conséquemment, soumis à un régime

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ARTICLE 7 373

analogue, mutatis mutandis à celui appliqué aux membres des Missions di-plomatiques accréditées auprès de la Confédération. Ce régime comporte ladivision du personnel en deux catégories distinctes, dont la situation diffère.

Le personnel de première catégorie (à Berne, le corps diplomatique et leschefs de chancellerie), comprendra, à Genève, les membres du personnelqui, par leur rang et leurs attributions, correspondent à des fonctionnairespublics. Ce personnel, dit « personnel exterritorial » sera, par assimilationavec le corps diplomatique à Berne, admis au bénéfice des prérogatives etimmunités que la pratique synthétise sous le nom d’ « exterritorialité » etqui sont les suivantes :

A. L’inviolabilité, dans l’acceptation technique que le droit internationaldonne à ce mot.

B. L’exterritorialité, au sens précis et restreint de ce terme, soit la pré-somption en vertu de laquelle celui qui y a droit est censé conserver sondomicile dans son pays d’origine.

C. L’immunité de juridiction civile et criminelle, telle qu’on l’entend endroit international.

En application, par analogie, de la coutume qui confère aux Gouvernementsle droit de demander, en tout temps, le rappel d’un diplomate dont l’attitudeou la conduite auraient laissé à désirer, le Secrétaire général de la Société desNations et le Directeur du Bureau international du Travail, lorsque le Gou-vernement fédéral leur aura signalé des cas semblables, les soumettront àun examen attentif et prendront à l’égard du fonctionnaire en cause dessanctions administratives qui iront éventuellement jusqu’au licenciement.Cette procédure sera, cela va de soi, sans préjudice des poursuites judiciairesà ouvrir en cas d’infraction. L’action judiciaire (sauf exceptions prévues parle droit international) appartiendra aux organes du pays d’origine de l’inté-ressé. Si toutefois le Secrétariat général ou le Bureau international du Travailrenonçaient à l’immunité couvrant leur fonctionnaire, les tribunaux suisses,l’obstacle de l’exterritorialité étant levé, pourraient alors être saisis en ap-plication normale de leur procédure. Particulièrement dans les cas graves, larenonciation à l’immunité serait très désirable.

En matière civile également, si le fonctionnaire renonçait à se prévaloir deson exterritorialité, les tribunaux suisses retrouveraient leur compétence entant que tribunaux du for du domicile de fait.

D. L’immunité fiscale, soit l’exonération des impôts directs personnels et destaxes somptuaires, des impôts généraux sur la fortune, soit sur le capital,soit sur le revenu et des décimes de guerre.

E. En matière de douane :

1o ) Par application de la décision prise à ce sujet par le Conseil fédéral, le 5de ce mois, les hauts fonctionnaires de la Société des Nations suivants, pour

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autant qu’ils ne sont pas citoyens suisses, bénéficieront de la franchise dedouane pour tous les objets destinés à leur usage personnel :

a) le Secrétaire général de la Société des Nations et son adjoint, les deuxsous-secrétaires généraux et les huit Directeurs du Secrétariat général ;

b) le Directeur et le sous-directeur du Bureau international du Travail, lesdeux chefs de Division de ce bureau.

Ces fonctionnaires seront, en outre, à l’égal des Représentants diplomatiquesà Berne, dispensés, en principe, de la visite douanière de leurs bagages.

2o ) Le reste du personnel de première catégorie jouira des mêmes avantagesque ceux accordés à l’ensemble du corps diplomatique à Berne par l’arrêtédu Conseil fédéral du 8 octobre 1912 (entrée en franchise des effets neufs depremière installation, etc.) ; la visite en douane des bagages de ce personnelsera, comme à l’égard du corps diplomatique, réduite au strict minimum.

F. Le personnel de première catégorie aura droit au visa diplomatique deses passeports. Ce visa, délivré par la Division des Affaires étrangères duDépartement politique fédéral, est, soit simple, c’est-à-dire valable pour unseul voyage aller et retour, soit, sur demande, permanent, c’est-à-dire valablepour un nombre indéterminé de voyages pouvant aller jusqu’à un an. Le visadiplomatique peut également être obtenu auprès d’une Légation de Suisse àl’étranger.

G. La femme et les enfants des fonctionnaires de première catégorie par-tageront la condition du chef de famille, s’ils vivent avec lui et sont sansprofession.

Le Secrétariat général et le Bureau international du Travail établiront uneliste nominative de leur personnel de première catégorie, indiquant la natio-nalité, les attributions et l’adresse de chaque fonctionnaire et mentionnantqu’il est marié ou célibataire. Cette liste sera communiquée au Départementpolitique fédéral, qui sera tenu régulièrement au courant des mutations ; sursa base, la division des Affaires étrangères fournira aux intéressés des cartesd’identité, munies de la photographie du titulaire ; ces cartes, contresignéespar le Secrétariat général ou le Bureau international du travail, serviront à lalégitimation du fonctionnaire à l’égard des Autorités fédérales et cantonales ;elles seront restituées en cas de départ définitif.

Le personnel de deuxième catégorie (non exterritorial) comprendra le restedu personnel officiel, soit le personnel technique et manuel, tous ceux, end’autres termes qui, sans être assimilables à des fonctionnaires publics, sontnéanmoins engagés et salariés par la Société des Nations et se trouvent auservice exclusif de son Secrétariat général ou du Bureau international duTravail. La situation de ce personnel sera la suivante :

A. Il bénéficiera d’une complète immunité pour les actes qu’il aura accomplisen sa qualité officielle et dans les limites de ses attributions. Il restera, parcontre, soumis aux lois et à la juridiction locales pour les actes de sa vie

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ARTICLE 7 375

privée. Au cas, toutefois, où des mesures judiciaires, de police ou autres,prises à l’égard d’un membre de ce personnel, seraient de nature à entraverla marche normale des services de la Société des Nations, le Départementpolitique fédéral, à la demande du Secrétariat général, attirera aussitôt surce fait l’attention de l’Autorité compétente, qui en tiendra compte dans lamesure compatible avec l’ordre public.

B. Il sera dispensé de l’obligation de s’annoncer à la police locale et de dépo-ser ses pièces de légitimation. Une liste nominative du personnel de deuxièmecatégorie, analogue à celle mentionnée plus haut à propos du personnelexterritorial, sera également fournie au Département politique fédéral parle Secrétariat général et le Bureau international du travail. Sur la base decet état, qui devra, comme celui du personnel de première catégorie, resterconstamment à jour, des cartes d’identité, de couleur différente de celles dupersonnel exterritorial, seront délivrées aux intéressés par la division desAffaires étrangères.

C. En matière fiscale, le personnel de deuxième catégorie sera, par appli-cation de l’arrêté fédéral du 28 septembre 1920 (art. 18) et de l’arrêté duConseil d’État du Canton de Genève du 14 juin 1921, exonéré :

1o des taxes sur le revenu professionnel (traitements)

2o de la taxe sur la fortune (pour autant, du moins, que le montant desrevenus n’excédera pas celui du traitement) ;

3o du paiement de l’impôt fédéral de guerre.

D. En matière de douane, le personnel de deuxième catégorie bénéficiera desmêmes facilités de visite que le personnel exterritorial. Il n’aura, par contre,et comme le personnel correspondant à Berne, droit à aucune franchise.

E. En matière de passeports, le personnel de deuxième catégorie recevra,comme à Berne, le personnel correspondant, le visa officiel (non diploma-tique) de la division des Affaires étrangères. De même que le visa diploma-tique, ce visa est, soit simple, soit permanent, avec même durée de validitémaximum.

F. La femme et les enfants des membres du personnel de deuxième catégoriepartageront la condition du chef de famille, s’ils vivent avec lui et sont sansprofession.

Les dispositions qui précèdent, tant celles relatives au personnel exterritorialque celles applicables au personnel de deuxième catégorie, ne concernent pasle personnel de nationalité suisse, dont la situation reste à régler.

Il y a lieu, toutefois, de mentionner dès à présent :

A. Que les ressortissants suisses, fonctionnaires ou employés de la Société desNations, bénéficieront de l’immunité de juridiction pour tous les actes qu’ilsaccomplissent en leur qualité officielle et dans la limite de leurs attributions ;

BRUYLANT

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376 Vittorio M et Martin D

B. Que ceux d’entre eux qui, par leurs fonctions, se rattachent à la premièrecatégorie ont, s’ils se rendent en mission à l’étranger, droit à un passeportofficiel du Conseil fédéral ;

C. Qu’en application de l’arrêté du Conseil d’État du Canton de Genève,du 14 juin 1921 ils sont exemptés, dans ce Canton, du paiement de la taxesur le revenu professionnel, pour les traitements qui leur sont alloués par laSociété des Nations.

II. Locaux, Archives et Courriers

A. Les locaux dans lesquels les services de la Société des Nations (Secrétariatgénéral et Bureau international du travail) sont établis (si ce sont des bâti-ments entiers, ces bâtiments, y compris leurs jardins et dépendances) serontinviolables ; par quoi il faut entendre que nul agent de l’Autorité publiquene devra y pénétrer, pour un acte de ses fonctions, sans le consentement duSecrétariat général ou du Bureau international du travail.

B. Les archives de la Société des Nations sont inviolables.

C. En application par analogie du droit qu’ont les Missions diplomatiquesde correspondre librement avec leur Gouvernement, le Secrétariat général etle Bureau international du travail auront le droit de faire usage de courriersde Cabinet pour la transmission de leur correspondance officielle à leursagents à l’étranger (et vice-versa) ; on voudra bien se référer, à cet égard,à la correspondance échangée entre la division des Affaires étrangères etle Secrétariat général concernant les détails d’organisation du service decourrier Genève-Paris.

D. La Société des Nations bénéficiera d’une entière franchise de douane pourtous objets lui appartenant en propre (non à son personnel) et destinés àl’usage exclusif du Secrétariat général ou du Bureau international du travail(mobilier des locaux, matériel et fournitures de bureau, etc.).

III. Personnalité internationale de la Société des Nations

Bien que l’article VII du Pacte de la Société des Nations n’ait trait qu’aupersonnel et aux locaux de la Société, il y a lieu d’admettre qu’en applica-tion, sinon de la lettre, du moins de l’esprit du Pacte, la Société des Nationspeut revendiquer, en sa faveur, la personnalité internationale et la capacitéjuridique, qu’elle a droit, en conséquence, à un statut analogue à celui d’unÉtat. Il en ressort que la Société des Nations peut prétendre à la même in-dépendance à l’égard des organes administratifs et judiciaires suisse que lesautres membres de la communauté internationale, en sorte qu’elle ne doitpas être actionnée devant les tribunaux suisses sans son consentement (abs-traction faite des exceptions consacrées par le droit international, comme,par exemple, en matière d’actions réelles immobilières, etc.).

BRUYLANT

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ARTICLE 7 377

Toutefois, la Société des Nations, à la différence des autres personnes in-ternationales, n’ayant, faute de territoire, pas de tribunaux à offrir, il enrésulte qu’elle ne peut, à l’heure actuelle, être actionnée nulle part sans sonconsentement. Sans doute, la Société des Nations, par le fait que son siège està Genève, peut dès aujourd’hui s’adresser aux tribunaux suisses ; il lui suffit,à cet effet, de renoncer à se prévaloir de son exterritorialité ; elle peut le faire,soit expressément, en se portant demanderesse, soit tacitement, en n’élevantpas le déclinatoire d’incompétence. Cependant, le Gouvernement Suisse estde l’avis qu’il serait certainement préférable que la Société, dans son intérêtmême, ne se contentât pas de la compétence, pour elle aujourd’hui simple-ment facultative, des tribunaux suisses ; et fît aussitôt que possible choix d’unfor judiciaire général ; ce choix pourrait d’ailleurs n’être que provisoire. Dumoment où la Société des Nations a son siège à Genève, il semblerait naturelque l’élection de for fût faite dans cette ville.

La Société des Nations pouvant d’ores et déjà, si elle le désire, en appeler auxtribunaux suisses, le Gouvernement fédéral n’a, conséquemment, pas d’offreà faire sur ce point ; il se borne à exprimer le vœu de connaître bientôt lespropositions que le Secrétariat général estimerait pouvoir formuler en vuede remédier à ce que la situation actuelle a d’anormal.

Dans l’attente des obligeantes communications que vous voudrez bien nousfaire parvenir relativement à ce qui précède, nous saisissons cette occasionpour vous réitérer, Monsieur le Secrétaire général, l’assurance de notre hauteconsidération.

Département politique fédéral

(Signée) Motta

À l’honorable Sir Eric Drummond,

Secrétaire général de la Société des Nations

Genève

Annexe 3

MODUS VIVENDI DU 20 SEPTEMBRE 1926

Communication du Conseil fédéral suisse concernant le régimedes immunités diplomatiques du personnel de la Société des Nations et

du Bureau international du travail.

Soumise au Conseil de la Société le 20 septembre 1926

I. – Le Gouvernement fédéral suisse reconnaît que la Société des Nations,possédant la personnalité internationale et la capacité juridique, ne peut être,en principe, selon les règles du droit des gens, actionnée devant les tribunauxsuisses sans son consentement exprès.

BRUYLANT

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378 Vittorio M et Martin D

II. – Les locaux dans lesquels les Services de la Société des Nations (Se-crétariat et Bureau international du travail) sont installés (si ce sont desbâtiments entiers, ces bâtiments, y compris leurs jardins et dépendances)sont inviolables, c’est-à-dire que nul agent de l’autorité publique ne doit ypénétrer pour un acte de ses fonctions, sans le consentement du Secrétariatgénéral ou du Bureau international du travail.

III. – Les archives de la Société des Nations sont inviolables.

IV. – Le Secrétaire général de la Société des Nations et le Directeur du Bu-reau international du travail ont le droit de faire usage de courriers pour laréception et l’envoi de la correspondance officielle avec les membres de laSociété des Nations et ses agents hors de Suisse.

V. – La franchise douanière est accordée à la Société des Nations pour tousobjets, appelés ou non à faire partie intégrante d’un immeuble, qui appar-tiennent en propre à la Société et sont destinés à son usage exclusif.

VI. – La Société des Nations jouira de l’exemption fiscale complète pourtous ses avoirs en banque (compte courants et dépôts) et ses titres de valeursimmobilières.

En particulier, elle est exonérée du droit de timbre sur les coupons, instituépar la loi fédérale du 25 juin 1921. L’exonération sera effectuée par voie deremboursement au profit de la Société des Nations des droits perçus sur sesavoirs.

VII. – Sous réserve de l’article IX ci-après, les fonctionnaires des organismesde la Société des Nations à Genève, faisant partie du personnel de premièrecatégorie ou personnel extraterritorial, jouiront de l’immunité de juridictioncivile et criminelle en Suisse à moins qu’elle ne soit levée par décision duSecrétaire général ou du Directeur du Bureau international du travail.

Le personnel de la seconde catégorie jouit des mêmes privilèges pour les actesaccomplis officiellement et dans la limite de ses attributions. Il reste soumisaux lois et à la juridiction locales pour les actes de sa vie privée.

Il est bien entendu, toutefois, que les Organismes de la Société des Nationsà Genève s’efforceront de faciliter le bon fonctionnement de la justice et dela police à Genève.

VIII. – Les fonctionnaires des Organismes de la Société des Nations appar-tenant au personnel de première catégorie jouissent de l’immunité fiscale.À ce titre, ils sont exonérés, conformément à la pratique internationale, detous impôts directs, à l’exception des charges réelles grevant les propriétésimmobilières (impôt foncier) ; ils demeurent astreints à l’acquittement desimpôts indirects et des taxes. L’expression « impôts indirects » s’entend deceux qui sont prélevés directement auprès du contribuable. Par « taxes » il y alieu d’entendre seulement – et quelle que soit l’expression employée dans lesprescriptions réglant la matière – les contributions corrélatives d’une contre-prestation spéciale et précise de l’administration à la personne qui paie ainsi

BRUYLANT

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ARTICLE 7 379

que celles qui sont versées en couverture de dépenses particulièrement né-cessitées par le fait du contribuable.

Le personnel de deuxième catégorie est exonéré :

1. De l’impôt – dit « taxe » – sur le revenu professionnel (traitement) ;

2. De l’impôt – dit « taxe » – sur la fortune ou le revenu ;

3. De l’impôt fédéral de guerre extraordinaire.

IX. – En ce qui concerne le personnel de nationalité suisse, les exceptionssuivantes sont instituées :

1. Les fonctionnaires de nationalité suisse n’ont point à répondre devant lajuridiction locale des actes qu’ils accomplissent en leur qualité officielle etdans la limite de leurs attributions.

2. Les traitements qui leur sont alloués par la Société des Nations sontexonérés des impôts directs cantonaux et communaux.

X. – Le traitement en douane des envois destinés aux fonctionnaires desOrganismes de la Société des Nations a lieu conformément aux « Prescrip-tions » dont le texte a été communiqué au Secrétaire général de la Sociétépar le Chef du Département politique fédéral en date du 10 janvier 1926.

XI. – Si les exigences de l’instruction ou les intérêts du pays le permettent, desdispenses ou ajournement d’un service militaire seront accordés aux fonc-tionnaires de nationalité suisse, incorporés sans l’armée fédérale, lorsque lefait pour eux de donner suite à un ordre d’appel serait de nature à entraversérieusement la marche normale des Services de la Société.

XII. – Pour l’application des règles du modus vivendi, les correspondancesentre les organismes de la Société des Nations et les autorités suisses serontéchangées par l’intermédiaire du département politique fédéral, sauf dansles cas où une autre procédure aura été prévue.

XIII. – Les présentes dispositions complètent ou résument sans les abrogerles règles antérieurement établies par échange de notes entre les organismesde la Société des Nations et le Département politique fédéral.

XIV. – Tant que le présent arrangement demeurera en vigueur, l’examen desarguments juridiques énoncés dans les notes du 24 février et 5 mars 1926 nesera pas poursuivi.

Les règles du modus vivendi, énoncées ci-dessus, ne pourront être modifiéesque de concert entre les Organismes de la Société des Nations et le Départe-ment politique fédéral. Au cas où un accord ne pourrait être réalisé, il serapossible, soit au Gouvernement fédéral, soit aux Organismes de la Sociétédes Nations, de dénoncer tout ou partie des règles du modus vivendi. Dansce cas, les règles visées dans la dénonciation demeureront en vigueur pendantune année à dater de cette dénonciation.

BRUYLANT

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380 Vittorio M et Martin D

Annexe 4

PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS APPLICABLES AUX MEMBRES DE LAC.P.J.I.

Principes généraux et Règlement d’application relatifs aux privilèges etimmunités des membres de la Cour permanente de justice internationale

Approuvé par le Conseil de la Société des Nations le 5 juin 1928

Principes généraux

I

Les privilèges et immunités diplomatiques que, vu l’article 19 du Statut dela Cour permanente de Justice internationale, les autorités néerlandaisesreconnaissent aux membres de la Cour, sont les mêmes que ceux qu’ellesaccordent d’une manière générale aux chefs de mission accrédités près SaMajesté la Reine des Pays-Bas.

Les facilités et prérogatives spéciales que les autorités néerlandaises accordent,d’une manière générale, aux chefs de mission accrédités près Sa Majesté laReine des Pays-Bas, seront étendues aux membres de la Cour.

Pour ce qui concerne les immunités et privilèges diplomatiques ainsi que lesfacilités spéciales susvisés, le Greffier de la Cour est assimilé aux membresde la Cour.

II

Vu l’article 7, alinéa 4, du Pacte de la Société des Nations, les fonctionnairessupérieurs de la Cour bénéficieront, en principe, au point de vue des immu-nités et privilèges diplomatiques, de la même situation que les fonctionnairesdiplomatiques attachés aux légations à La Haye.

III

Vis-à-vis des autorités néerlandaises, la Cour permanente de Justice interna-tionale occupe une position analogue à celle du Corps diplomatique.

Lorsque le Corps diplomatique et la Cour sont invités à assister simultané-ment à des cérémonies officielles néerlandaises, la Cour prend rang immé-diatement après le Corps diplomatique.

BRUYLANT

Page 61: Commentaire aux articles 7 et 18 du Pacte de la SDN

ARTICLE 7 381

IV

La préséance d’un membre de la Cour de nationalité non néerlandaise vis-à-vis des autorités néerlandaises sera établie comme s’il s’agissait d’un envoyéextraordinaire et ministre plénipotentiaire accrédité près SaMajesté la Reinedes Pays-Bas.

La situation du Greffier de la Cour, sous le même rapport, sera conforme àcelle du Secrétaire général de la Cour permanente d’Arbitrage, telle qu’ellea été établie par la pratique.

V

Un règlement d’application complétera et précisera les principes ci-dessusénoncés.

Règlement d’application

I

Les dispositions suivantes complètent et précisent, sans préjudice des règlesantérieurement établies par des communications émanant du ministère néer-landais des Affaires étrangères et adressées aux autorités de la Cour anté-rieurement au mois de novembre 1927, les principes régissant la situationextérieure des membres et des fonctionnaires de la Cour.

A. Les membres et le Greffier de la Cour

II

I. – En général

Les autorités néerlandaises observeront, relativement à la préséance desmembresde la Cour entre eux, les règles établies dans le Règlement de la Cour.

2. – De nationalité non néerlandaise

a) Les membres et le Greffier de la Cour jouissent, lorsqu’ils se trouvent surterritoire néerlandais, des immunités et privilèges accordés, d’une manièregénérale, aux chefs de mission diplomatique accrédités près Sa Majesté laReine des Pays-Bas.

b) La femme ainsi que les enfants non mariés des membres et du Greffier dela Cour partagent la condition du chef de famille s’ils vivent avec lui et sontsans profession.

c) La suite privée (institutrices, gouvernantes, secrétaires particuliers, domes-tiques, etc.) des membres et du Greffier de la Cour bénéficiera de la même

BRUYLANT

Page 62: Commentaire aux articles 7 et 18 du Pacte de la SDN

382 Vittorio M et Martin D

situation que celle qui est accordée à la suite privée des chefs de missiondiplomatique accrédités près Sa Majesté la Reine des Pays-Bas.

3. – De nationalité néerlandaise

Les membres et le Greffier de la Cour n’ont point à répondre, devant lajuridiction locale, des actes qu’ils accomplissent en leur qualité officielle etdans la limite de leurs attributions.

Les traitements qui leur sont alloués sur le budget de la Cour sont exonérésdes impôts directs.

B. Le greffier adjoint et les fonctionnaires de la Cour

III

I. – En général

a) Les fonctionnaires supérieurs de la Cour comprennent actuellement, outrele greffier adjoint, les secrétaires-rédacteurs.

b) Toute question concernant la situation extérieure des fonctionnaires de laCour de toutes catégories sera, en cas de doute, tranchée eu égard, autant quepossible, aux dispositions dûment approuvées par les autorités compétentesde la Société des Nations en ce qui concerne les fonctionnaires correspon-dants des institutions de la Société établies à Genève.

c) Les autorités néerlandaises ne feront pas d’objection à ce qu’il soit délivrépar les autorités compétentes de la Cour aux fonctionnaires de la Cour desdifférentes catégories des cartes d’identité leur permettant, le cas échéant, defaire connaître immédiatement quelle est leur situation extérieure, d’aprèsles présents principes et règlement.

2. – De nationalité non néerlandaise

a) Les fonctionnaires supérieurs de la Cour jouissent, lorsqu’ils se trouventsur territoire néerlandais, des immunités et privilèges diplomatiques accor-dés, d’une manière générale, aux fonctionnaires diplomatiques attachés auxlégations à La Haye.

b) La femme ainsi que les enfants non mariés des fonctionnaires supérieursde la Cour partagent la condition du chef de famille s’ils vivent avec lui etsont sans profession.

c) La suite privée des fonctionnaires supérieurs de la Cour bénéficiera de lamême situation que celle qui est accordée à la suite privée des fonctionnairesdiplomatiques attachés aux légations à La Haye.

d) En cas de violation d’une loi ou d’un règlement par un fonctionnairede la Cour, le greffier de la Cour pourra, avec l’approbation du Président,à la suite de l’examen du cas par les autorités nationales compétentes etd’un rapport de renseignements circonstancié qui sera transmis au greffier,renoncer à l’immunité couvrant le fonctionnaire.

BRUYLANT

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ARTICLE 7 383

e) Les fonctionnaires supérieurs de la Cour bénéficieront, au point de vuedu protocole : le greffier adjoint, de la situation d’un conseiller attaché àune légation à La Haye, et les secrétaires-rédacteurs de celle de secrétairesattachés aux légations à La Haye.

3. – De nationalité néerlandaise

Les fonctionnaires supérieurs n’ont point à répondre, devant la juridictionlocale, des actes qu’ils accomplissent en leur qualité officielle et dans la limitede leurs attributions. Les traitements qui leur sont alloués sur le budget dela Cour sont exonérés des impôts directs.

B ( )

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P.H. F, De la situation juridique des représentants des membres de laSociété des Nations et de ses agents (Commentaire de l’article 7, alinéa 4 duPacte de la Société des Nations), Paris, Sirey, 1929.

J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations, selon la politiqueet la jurisprudence des organes de la Société, Paris, Sirey, 1930.

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BRUYLANT

Page 64: Commentaire aux articles 7 et 18 du Pacte de la SDN

384 Vittorio M et Martin D

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J. K, Genève. Histoire d’une vocation internationale, Genève, éd. Zoé,2010.

BRUYLANT

Page 65: Commentaire aux articles 7 et 18 du Pacte de la SDN

ARTICLE 18

Vittorio M∗ et Martin D∗∗

Tout traité ou engagement international conclu à l’avenir par un Membre de laSociété devra être immédiatement enregistré par le Secrétariat et publié par luiaussitôt que possible. Aucun de ces traités ou engagements internationaux nesera obligatoire avant d’avoir été enregistré.

Every treaty or international engagement entered into hereafter by any Memberof the League shall be forthwith registered with the Secretariat and shall as soonas possible be published by it. No such treaty or international engagement shallbe binding until so registered.

S 1. – O ’

§ 1. – Les fondements historiques et philosophiques de l’enregistrementdes traités

Le fait de soustraire à la connaissance du public l’existence d’un traité oude certaines de ses dispositions a longtemps constitué pour les États unmoyen classique de conduire leur politique étrangère. Or, ce recours ausecret dans les relations diplomatiques a très tôt fait l’objet de critiquesd’ordre philosophique. Selon Kant : « Toutes les actions relatives au droitd’autrui, dont la maxime n’est pas susceptible de publicité, sont injustes. Ceprincipe n’est pas seulement moral [...] il est aussi juridique et se rapporteégalement au droit des hommes. Car une maxime [...] qui exige absolumentle secret pour réussir, et que je ne saurais avouer publiquement, sans armertous les autres contre mon projet : une telle maxime ne peut devoir qu’àl’injustice dont elle les menace cette opposition infaillible et universelle dontla raison prévoit la nécessité absolue » (1).

Sur le plan international, la première initiative contre la pratique des traitéssecrets date du lendemain de la révolution russe, lorsque les bolcheviks pro-mulguèrent les décrets sur la terre et la paix en procédant à la publication

∗ Docteur en droit international (HEID Genève et Université de Milan) ; adjoint scientifique, Université deGenève.∗∗ Doctorant en droit international, Université de Genève.

(1) E. K, « Projet de paix perpétuelle », 1795 (trad. franç. d’auteur anonyme 1796), in Œuvresphilosophiques, t. III - Les derniers écrits, Paris, Gallimard, 1986, pp. 327-388, pp. 377 et s.

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734 Vittorio M et Martin D

de tous les traités trouvés dans les archives tsaristes (2). L’opposition à l’em-ploi des traités secrets s’affirme toutefois principalement durant la PremièreGuerre mondiale. De tels traités sont considérés comme un élément ayantfavorisé l’éclosion et la prolongation du conflit (3). L’initiative la plus mar-quante se retrouve très certainement dans le premier des 14 points du prési-dentWilson : «Des accords de paix conclus ouvertement, après lesquels il n’yaura plus d’accords internationaux privés, de quelque nature qu’ils soient ;mais la diplomatie procédera toujours franchement et publiquement » (4).

Les propos du président Wilson vont au-delà de la simple interdiction destraités secrets ; ils plaident plus généralement pour la transparence dans lesrelations internationales (5). Il est toutefois intéressant de noter que le pre-mier projet de Pacte de la Société des Nations présenté par le présidentWilson ne contenait aucune disposition concernant la publicité des trai-tés. Une référence explicite à la « diplomatie ouverte » ne se retrouve quedans l’article IX des « engagements supplémentaires » du troisième projetdu président Wilson, en date du 20 janvier 1919. Le texte prévoit que lesfuturs membres de la Société des Nations conviennent qu’aucun traité « nesera considéré comme valable, obligatoire ou opérant, jusqu’à ce qu’il soitpublié et porté à la connaissance de tous les autres signataires » (6).

Le Pacte reflète la vision du président Wilson et rappelle déjà dans le pré-ambule qu’il importe « d’entretenir au grand jour des relations internatio-nales fondées sur la justice et l’honneur ». À défaut de pouvoir interdirela diplomatie secrète, l’article 18 du Pacte impose la publicité de sa mani-festation principale et prévoit l’obligation d’enregistrer et de publier tousles traités conclus par les États membres de la Société. Cette publicité cor-respond aux exigences d’une Société dont les membres s’assurent récipro-quement la défense contre toute agression. La publicité se présente égale-ment comme la « garantie naturelle » de l’obligation prévue par l’article 20du Pacte, interdisant de conclure des traités contraires aux dispositions duPacte (7). La publicité des engagements internationaux constitue enfin unedouble garantie de paix. Elle offre d’une part une garantie directe, car ellerend impossible la conclusion de conventions « qui ne s’entourent de mys-tère que parce qu’elles s’inspirent de la malveillance » (8). D’autre part, elleoffre une garantie indirecte, assurant le contrôle démocratique des relations

(2) U. K et E. M, « Article 102 », in The Charter of the United Nations, op. cit., p. 1278.(3) W.K. G, «Treaties, Registration and Publication », in Encyclopedia of Public International Law

(R. B éd.), vol. IV, North-Holland, Elsevier, 2000, p. 959.(4) Message du 8 janvier 1918. Pour le texte, voy. C.A. C et A. M (éds.), Droit interna-

tional et Histoire diplomatique – Documents choisis, op. cit., t. 1, pp. 31-32.(5) Notons en effet que la notion de diplomatie secrète est plus large que celle de traités secrets, puis-

qu’elle ne se limite pas à la conclusion des traités, mais couvre d’autres comportements, notamment lesnégociations. Pour une étude de la notion de traités secrets, voy. V. M, « Les traités secrets en droitinternational », in Les secrets et le droit (P.M. Z-R éd.), Genève/Zurich/Bâle, Schulthess, 2004,pp. 399-417.

(6) Pour le texte, voy. J.M. Y et P. S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de laSociété des Nations et des statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 2.

(7) D. A, Corso di diritto internazionale, op. cit., p. 375.(8) O. H, Le Pacte de la Société des Nations. Commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 325.

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ARTICLE 18 735

internationales et empêchant « les gouvernements d’engager les peuples àleur insu et contrairement à leur volonté » (9).

Au-delà de ces critiques de principe contre l’emploi des traités secrets, ilconvient de signaler que l’enregistrement et la publication des traités étaientégalement une réponse à une nécessité d’ordre pratique et scientifique. C’esten effet dans le but de « satisfaire les besoins de la politique et les exigencesde la science » (10) et du droit international que, dès 1875, l’Institut de droitinternational (I.D.I.) avait proposé la création d’une instance internationalechargée de l’enregistrement centralisé des engagements internationaux. En1875, M. de Holtzendorff attire l’attention de l’I.D.I. sur la nécessité d’unepublicité accrue pour les traités en vigueur. Lors de la session de Bruxellesde 1885, M. de Martitz présente un mémoire intitulé « Les recueils des trai-tés internationaux » (11). Conscient de l’importance grandissante du droitconventionnel, par lequel se réalisent les progrès les plus tangibles du droitdes gens, le mémoire souligne la nécessité de parvenir à une publicité la pluscomplète possible en la matière, les recueils généraux ne publiant que lestraités politiquement les plus en vue. Or, ces traités généraux n’étaient pasles seuls à avoir de l’importance : les nombreuses conventions spéciales,même bilatérales, « intéressent la communauté de toutes les nations ; ellesfont rejaillir des réalités générales » (12).

La proposition de M. de Martitz ne prévoyait pas une publication obliga-toire pour les États ; elle ne retient pas l’idée d’un recueil unique, jugeantsuffisant de mettre à la charge de chaque gouvernement la publication desengagements internationaux conclus (13). Si l’initiative est significative, ellene produit toutefois que des effets limités et fait l’objet de plusieurs critiques.Celles-ci soulignent la nécessité d’un recueil général regroupant tous les trai-tés en vigueur et publié par les soins d’un Bureau international (14). Cesorientations reçoivent un soutien grandissant de la part des États. Elles sontappliquées dans le domaine de la Convention internationale de Bruxelles du5 juillet 1890 instituant un organe central chargé de la publication des tarifsdouaniers de chaque État. Le 12 septembre 1891, l’I.D.I. adopte finalementune résolution invitant les États à former une Union internationale pour lapublication des traités : « L’Institut émet le vœu qu’une Union Internationalesoit formée, au moyen d’un traité auquel seraient invités à adhérer tous lesÉtats civilisés en vue d’une publication, aussi universelle, aussi prompte et

(9) Ibid., p. 325.(10) C. R, « L’Union internationale pour la publication des traités », R.G.D.I.P., 1894,

p. 135.(11) Pour une publ. intégrale du mémoire, voy. in R.D.I.L.C. XVIII (1886), pp. 168 et s.(12) C. R, « L’Union internationale pour la publication des traités », op. cit., p. 137.(13) « Le grand intérêt d’être mis au courant de l’état effectif du droit des gens conventionnel, intérêt

porté par les savants comme par les hommes politiques, serait déjà suffisamment satisfait si tous les gou-vernements voulaient bien se résoudre à faire paraître des publications spéciales des traités internationauxregardant leur pays », R.D.I.L.C. XVIII, 1886, pp. 170 et 171.

(14) « On ne saurait admettre comme suffisantes l’existence de collections particulières de traités dedivers États, ni l’obligation de ces États de se les communiquer et de réunir ces documents dans un dépôtcentral accessible au public », Ann. I.D.I. X, 1888-1889, p. 249.

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aussi uniforme que possible, des traités et conventions entre les États faisantpartie de l’Union » (15).

Durant la session de Genève de 1892, l’I.D.I. adopte l’avant-projet rédigépar M. de Martens. Afin de parvenir à une publication des plus complètes,le projet ne prévoit aucune restriction fondée sur la forme, la nature ou laportée des traités, et envisage la publication de quatre catégories d’instru-ments (16) : premièrement, les traités, conventions, déclarations ou autresactes internationaux ayant force obligatoire pour les États signataires ; deuxiè-mement, tous les lois, ordonnances ou règlements intérieurs publiés par lesgouvernements en exécution des traités ; troisièmement, les procès-verbauxdes Congrès internationaux ou Conférences ; enfin, il appartiendrait auxÉtats de déterminer quelles circulaires ou instructions qu’ils adressent à leursagents diplomatiques en vue d’assurer l’exécution uniforme des traités se-raient susceptibles de publicité. Le projet n’exige pas que les États partiesau traité publié soient tous membres de l’Union (17). Toutefois, il prévoitl’obligation pour les États membres de l’Union de communiquer les traitésqu’ils concluent dans un délai de deux mois après leur entrée en vigueur.Seuls les documents communiqués seraient publiés dans le recueil ; la libertéde l’organe central était ainsi limitée (18).

L’Union Internationale pour la publication des traités n’a jamais vu le jour.Néanmoins, la démarche de l’I.D.I. est éclairante sur les moyens nécessairesà une publication centralisée de tous les traités en vigueur et également surles difficultés que rencontrera par la suite l’article 18.

§ 2. – Les travaux préparatoires

La rédaction de l’article 18 n’a pas fait l’objet de controverses majeures du-rant les négociations de la Conférence de la paix de Paris. Plusieurs projetsprésentés lors de la Conférence prévoyaient l’obligation de faire enregistrerles traités conclus par les États membres de la future S.d.N. (19) ; c’est leProjet Hurst-Miller qui servit de base aux négociations. Le 8 février 1919,la septième séance de la Commission discuta l’article 21 de ce dernier : « TheHigh Contracting Parties agree that any treaty or international engagemententered into between States Members of the League shall be forthwith regis-tered with the Chancellor, and as soon as possible published by him » (20).

(15) Pour le texte, voy. E. L, Tableau général de l’organisation, des travaux et du personnel de l’Ins-titut de droit international pendant les deux premières périodes décennales de son existence (1873-1892),Paris, Pedone-Lauriel, 1893, p. 23.

(16) C. R, « L’Union internationale pour la publication des traités », op. cit., pp. 144-145.(17) Ibid., pp. 139-140.(18) Par ailleurs, le projet prévoit que la publication fait « preuve devant tous les tribunaux des puis-

sances contractantes », mais il ne précise pas la force probante de la publication et en laisse la libre appré-ciation aux tribunaux nationaux. Ibid., p. 143.

(19) Voy. not. le projet que M. Lansing remit au président Wilson le 7 janvier 1919, et qui constituecertainement le premier projet à avancer l’idée d’un enregistrement obligatoire des traités conclus par lesÉtats membres de la Société, voy. D.H. M, The Drafting of the Covenant, op. cit., vol. I, p. 29.

(20) Ibid., p. 197.

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ARTICLE 18 737

La Commission substitua au terme « any » celui d’« every » ; le mot « he-reafter » fut ajouté afin de préciser que seuls les traités conclus après l’entréeen vigueur du Pacte seraient visés par l’obligation d’enregistrement (21). Leprésident Wilson demanda à ce que le texte soit amendé et la dispositionsuivante introduite : « and that no treaty or international engagement shallbe operative until so registered» (22). L’amendement entraîne ainsi une sanc-tion qui ne visait que les traités liant les États membres. Une modificationimportante à cet égard fut apportée à la demande de M. Vesnitch, représen-tant de l’État Serbe-Croate-Slovène. Les mots « entered into between StatesMembers of the League » furent remplacés par « entered into by any State,a member of the League » (23). Suite à cette modification « en apparencepurement verbale » (24), l’article 21 soumettait à l’enregistrement tous lesengagements internationaux, y compris ceux contractés avec des États nonmembres, sous peine de les priver de force obligatoire. L’article 21 ne fitl’objet que de rares commentaires lors de la Conférence et le texte fut adoptésans qu’il n’y ait une véritable réflexion sur son impact (25).

Il est difficile d’avancer avec certitude que les rédacteurs du Pacte avaientpour intention de priver de force obligatoire les traités non enregistrés con-clus avec un État non membre de la Société. Selon Kelsen, la seconde mo-dification mentionnée ci-devant ne tint pas compte de la proposition faitepar Wilson, et « les deux propositions furent acceptées, sans que l’on serendît compte que l’amendement de Wilson n’était plus tout à fait compa-tible » (26). Les deux amendements ont sensiblement élargi la portée de l’ar-ticle 18 et, comme nous le verrons, sont à l’origine de sérieuses controversesinterprétatives.

S 2. – L ’

Dès les premières années de la Société, plusieurs de ses organes se sontattachés à offrir une interprétation en vue de préciser sa portée et de fa-ciliter son application. La doctrine s’est clairement divisée. Certains auteursdéfendaient une interprétation stricte des formules employées par ce texteambitieux, alors que d’autres soulignaient la nécessité d’une interprétationplus conforme à la réalité des relations internationales. Trois problèmesprincipaux pouvaient être dégagés. D’une part, il convenait de préciser la

(21) Ibid.(22) Ibid., p. 198.(23) Ibid.(24) Ibid.(25) Notons tout de même l’observation faite dans le Mémorandum de Sir Robert Borden (Canada) en

date du 14 février 1919 : « It is presumed that this Article is intended to include a treaty between a Signatoryand a non-Signatory State. In such case, is it intended that the non-Signatory State shall be entitled to thebenefit of this Article ? If so, its terms require further consideration » ; ibid., p. 361.

(26) H. K, « Contribution à l’étude de la revision juridico-technique du Pacte de la S.d.N. »,R.G.D.I.P., 1938, pp. 188-197, p. 191 ; Anzilotti juge quant à lui qu’en s’appliquant aux traités conclusentre États membres et non membres de la Société, « la sanction changeait nécessairement de sens, maisle changement ne trouvait pas dans la forme son expression adéquate », D. A, Corso di dirittointernazionale, op. cit., p. 381.

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portée de l’obligation d’enregistrement en indiquant les instruments viséspar l’article 18 et la procédure à suivre. D’autre part, il semblait nécessaired’analyser les effets de l’enregistrement ainsi que les conséquences du défautd’enregistrement.

§ 1. – L’obligation d’enregistrement

A. Les instruments visés

La rédaction de l’article 18 semble écarter toute controverse quant aux ins-truments visés par l’obligation d’enregistrement. En prévoyant l’enregistre-ment de « tout traité ou engagement international conclu à l’avenir parun État membre », le Pacte rend impossible toute restriction fondée sur lanature, l’objet ou encore la durée de l’acte en question. Tout acte créateurd’obligations internationales conclu par un État membre après l’entrée envigueur du Pacte, le 10 janvier 1920, ou suivant la date de son adhésion à laSociété, est sujet à l’obligation d’enregistrement. En revanche, l’enregistre-ment est facultatif pour les traités antérieurs (27).

Le Mémorandum du Secrétariat, approuvé par le Conseil de la Société réunià Rome le 19 mai 1920, estime que seule une interprétation extensive del’article 18 est à même de produire des résultats satisfaisants et conformesaux buts de la Société. Selon le Mémorandum, la formule générale employéepar l’article 18 impose les conclusions suivantes : « Il s’agit non seulementde tout traité proprement dit, de quelque nature qu’il soit, et toute conven-tion internationale, mais encore tout autre engagement international, outout acte par lequel les nations ou leurs Gouvernements se proposent deconstituer des obligations légales entre elles-mêmes et un autre État, autreNation ou autre Gouvernement » (28).

Le Mémorandum du Secrétariat affirme en outre que les actes concernant larévision et la prolongation d’un traité constituent des engagements interna-tionaux distincts, devant dès lors être enregistrés en vertu de l’article 18 (29).Il propose par ailleurs d’appliquer la même règle pour les actes relatifs à ladénonciation d’un engagement. La grande majorité de la doctrine reconnaîtque la rédaction de l’article 18 est d’une généralité telle que les actes uni-latéraux en vertu desquels un État adhère à une convention internationaleou procède à la dénonciation de cette convention doivent faire l’objet d’unenregistrement (30).

(27) J. L, « L’enregistrement des traités d’après le Pacte de la Société des Nations », R.D.I.L.C.,1926, pp. 702 et 703 ; D. A, Corso di diritto internazionale, op. cit., p. 384.

(28) Mémorandum du Secrétariat approuvé par le Conseil de la Société des Nations réuni à Rome le19 mai 1920, voy. Annexe I, §3.

(29) Ibid., §3.(30) J. L, « L’enregistrement des traités d’après le Pacte de la Société des Nations », op. cit.,

p. 700 ; L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », R.G.D.I.P., 1937, p. 70 ; J. R, Com-mentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes de la Société,op. cit., pp. 546-547. Seul Kelsen s’oppose à l’idée qu’une dénonciation soit visée par l’article 18, voy.H. K, « Contribution à l’étude de la revision juridico-technique du Pacte de la S.d.N. », op. cit., p. 189.

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ARTICLE 18 739

Dès la première année de son application, l’article 18 souleva toutefois biendes controverses quant à la portée de l’obligation d’enregistrement ; de nom-breuses restrictions lui furent apportées en pratique par les États membres.Par une communication en date du 15 février 1921, la Grande-Bretagneinformait le Secrétaire général de la Société des Nations de l’interprétationqu’elle comptait donner à l’article 18. Selon le gouvernement britannique, lesnombreux accords financiers conclus dans le but de liquider les transactionsrendues inévitables par la guerre n’étaient pas visés par l’article 18, et ilserait par ailleurs « inutile et, dans bien des cas, inopportun, de publier lesdétails de ces transactions » (31). Les accords militaires devaient eux aussi,de l’avis de plusieurs membres de la S.d.N., être soustraits à l’applicationde l’article 18. La France et la Belgique, tout en faisant savoir au Secrétairegénéral qu’ils avaient conclu un traité d’alliance en date du 7 septembre1920, refusèrent de procéder à l’enregistrement de l’accord militaire, qui enétait la base fondamentale et qui y était annexé.

Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de l’article 18 ont incité leConseil de la Société des Nations à confier l’examen de sa portée juridique àune Commission de juristes. Celle-ci rendit ses conclusions le 24 juin 1921.Rompant nettement avec l’enthousiasme duMémorandum du Secrétariat, laCommission affirmait que l’article 18 faisait « preuve d’une rigueur exces-sive dans l’énoncée même de son principe fondamental ». La Commissionsoulignait également les dangers de la formule si générale et absolue del’article 18. En effet, en imposant l’enregistrement sans distinction d’accordsfinanciers ou de conventions techniques de faible importance, mais aussi detraités d’alliances fondamentaux, le Pacte « ne tient pas compte du fait quela publicité donnée à ces traités ou accords peut être de nature à rendrecertaines clauses d’un traité inapplicables ou même dangereuses » (32).

L’absence de publicité de certains traités, comme les accords militaires ré-glant les conditions techniques d’un traité d’alliance, peut être indispensablepour qu’ils conservent leur efficacité et pour éviter un préjudice aux par-ties contractantes (33). Par ailleurs, de nombreuses voix ont souligné qu’uneinterprétation aussi exigeante de l’article 18 allait au-delà de la volonté desrédacteurs du Pacte (34). L’intervention deM. Scialoja, Président de la Com-mission de juristes, ayant participé à la rédaction de l’article 18, est à cetégard très instructive. Il affirma que le Pacte n’avait pas pour objectif d’im-poser l’enregistrement de tout engagement international, mais visait unique-ment « les traités et engagements qui lient le sort futur des peuples » (35). La

(31) Doc. no 38(D) 16, J.O., 1921, mars-avril, p. 224, in L. R, « L’enregistrement des traitésinternationaux », op. cit., p. 71 ; J.M. Y et P. S, Commentaire théorique et pratique du Pacte dela Société des Nations et des statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., pp. 19-20.

(32) Concl. de la Commission de juriste réunie à Genève le 24 juin 1921, pour le texte, voy. ibid., p. 9.(33) O. H, Le Pacte de la Société des Nations. Commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 327 ;

J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes dela Société, op. cit., p. 548.

(34) D. A, Corso di diritto internazionale, op. cit., p. 385 ; J. R, Commentaire du Pacte de laSociété des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes de la Société, op. cit., pp. 547 et 548.

(35) Lors des débats à l’Assemblée, M. Scialoja déclarait : « Je pourrais attester, en ce qui me concerne,que l’esprit du Pacte, tel que l’avait compris la première Commission, n’était pas vraiment que tout traité

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Première Commission de l’Assemblée de la S.d.N. reprit les conclusions dela Commission de juristes en affirmant que « ce que l’opinion publique ré-clame [...] c’est la publicité des traités qui, par leur portée politique, peuventaffecter l’harmonie des relations internationales, et par conséquent la paixdu monde » (36).

La première Commission approuva à l’unanimité la suggestion de la Com-mission de juristes de faire échapper à l’enregistrement « les actes d’ordre pu-rement technique ou administratif n’intéressant pas les relations politiquesinternationales, ainsi que les règlements techniques qui se bornent à préciserun acte déjà enregistré » (37). Selon la Commission, une telle distinction nesaurait altérer « en quoi que ce soit la haute pensée morale dont s’inspirel’article 18 ». Le rapport de la première Commission exclut toutefois lespropositions faites par la Commission de juristes de procéder à un enregis-trement sommaire de certains instruments ou d’ajouter à la première phrasede l’article 18 la formule suivante : « sous réserve des décisions que l’As-semblée pourra prendre à l’unanimité » (38). La Commission estima qu’unenregistrement sommaire présentait les mêmes inconvénients qu’un enregis-trement classique et que « la modification du droit international ne peutêtre laissée à l’Assemblée, sans que les gouvernements et parlements aientà intervenir » (39). La première Commission proposa alors que l’article 18soit amendé et qu’un deuxième alinéa soit ajouté comme suit : « Les actesd’ordre purement technique ou administratif n’intéressant pas les relationspolitiques internationales, et ceux qui ne sont que des règlements techniques,précisant sans rien modifier un acte déjà enregistré ou qui sont destinés àassurer l’exécution d’un tel acte, pourront ne pas être présentés aux finsd’enregistrement » (40).

À la suite de longs débats, l’Assemblée rejeta cet amendement. La Com-mission proposa alternativement, sous l’impulsion du délégué britanniqueM. Balfour, que « les membres de la Société gardent la faculté d’interpréterleurs obligations aux termes de l’article 18 conformément à l’amendementproposé ». Cette proposition fut également rejetée, malgré la forte majoritéde 28 voix contre 5, l’unanimité étant toutefois requise (41).

La distinction entre les traités nécessitant ou non d’être enregistrés soulève

ou engagement qui n’est pas d’un intérêt général doive être enregistré. Elle avait surtout tenu à affirmer ceprincipe de justice internationale qu’aucun peuple ne doit être engagé à son insu et que les gouvernementsne peuvent pas fixer secrètement le sort futur des nations. C’est là le principe animateur de l’article 18, et laparole est allée au-delà de la pensée ». Pour le texte, voy. J.M. Y et P. S, Commentaire théoriqueet pratique du Pacte de la Société des Nations et des statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 17.

(36) Assemblée de la Société des Nations, 2e sess., 1921, Rapport de la 1re Commission, pour le texte,voy. ibid., p. 11.

(37) Ibid., pp. 11-12.(38) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 548.(39) A. 1921, C. I, p. 195, voy. ibid., p. 549.(40) Assemblée de la Société des Nations, 2e sess., 1921, Rapport de la 1re Commission, pour le texte,

voy. J.M. Y et P. S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et desstatuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 12.

(41) 3e Assemblée, 5e séance plén., 14 septembre 1922, pp. 25-26 ; L. R, « L’enregistrement destraités internationaux », op. cit., p. 72.

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ARTICLE 18 741

les mêmes interrogations quelle que soit la manière par laquelle elle est for-mellement introduite. Certains auteurs soulignent que le fait de laisser la dé-termination des engagements internationaux exemptés de l’enregistrement àla discrétion des États risquerait de remettre en cause le régime de publicitéque les auteurs du Pacte avaient voulu instaurer (42). D’autres considèrentau contraire que les États sont les mieux à même d’apprécier le caractèredes engagements et les conséquences éventuelles de leur publication (43). Detoute manière, il semble difficile de parvenir à une définition satisfaisante destraités « intéressant les relations internationales ». Des conventions d’ordreéconomique, par exemple, peuvent avoir, et ont de plus en plus fréquem-ment, des répercussions politiques majeures. En outre, un acte qui lors desa conclusion n’avait qu’une faible importance peut, par la suite, selon lescirconstances, gagner en importance politique (44). L’impossibilité de par-venir à une classification systématique des traités et la nécessité de se fondersur la seule bonne foi des États rendent d’autant moins envisageables desrestrictions suffisamment objectives à l’obligation d’enregistrement. Celles-ci risqueraient d’ouvrir « la porte à des maux pires que ceux auxquels ellesdevraient remédier » (45).

B. La procédure d’enregistrement

Aux termes de l’article 18, l’enregistrement des traités doit être « immédiat ».Ce principe est d’une grande importance, car il empêche qu’un traité restesecret jusqu’à ce qu’un conflit n’éclate, ou que les États ne procèdent àl’enregistrement que lorsqu’ils y trouvent un intérêt. Le Mémorandum duSecrétariat s’exprime similairement en affirmant que « la date extrême àlaquelle il devra être présenté à l’enregistrement sera la date à laquelle lesparties, pour autant qu’il dépend de leur volonté, donnent au traité sa forceobligatoire, et veulent le faire entrer en vigueur » (46).

On doit toutefois constater qu’en pratique les traités ont souvent été enre-gistrés longtemps après avoir été conclus. C’est ainsi que le traité de Ra-pallo, conclu entre l’Italie et la Yougoslavie, fut ratifié le 2 février 1921 ;il ne fut présenté à l’enregistrement que le 12 septembre 1923. Le Traitéanglo-français relatif à la délimitation de la Syrie d’une part et de l’Iraket la Palestine d’autre part, conclu le 23 décembre 1920, fut présenté àl’enregistrement seulement le 6 février 1924 (47).

De nombreux auteurs ont souligné la nécessité de fixer un délai à l’enre-gistrement (48), mais les débats au sein de l’Assemblée n’ont jamais permis

(42) Ibid.(43) O. H, Le Pacte de la Société des Nations. Commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 328.(44) J. L, « L’enregistrement des traités d’après le Pacte de la Société des Nations », op. cit.,

p. 702.(45) D. A, Corso di diritto internazionale, op. cit., p. 387.(46) Voy. Annexe, §5.(47) L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 78.(48) J.M. Y et P. S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations

et des statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., pp. 23-24 ; D. A, Corso di diritto internazionale,op. cit., pp. 389-390.

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d’adopter une telle modification du Pacte (49). Malgré l’absence de délai,certains auteurs ont affirmé qu’un traité enregistré tardivement ne pouvaitbénéficier des effets de l’enregistrement régulièrement effectué (50). D’autresont estimé que le Secrétaire général de la Société des Nations aurait dû refu-ser l’enregistrement de traités présentés tardivement (51). Cette solution nes’est toutefois jamais imposée en pratique et est restée minoritaire au sein dela doctrine. Majoritairement, celle-ci considérait qu’il n’appartenait pas auSecrétariat d’effectuer un quelconque contrôle des engagements internatio-naux visés par l’article 18.

Il était en effet généralement admis qu’au sein de la S.d.N. la fonction du Se-crétariat restait purement administrative. Son seul devoir était d’enregistreret de publier tout traité qui lui était présenté à cette fin. Il ne devait exerceraucun contrôle sur le contenu du traité et ne pouvait refuser l’enregistrementd’un traité qu’il estimait contraire aux obligations du Pacte. L’enregistrementpar le Secrétariat ne constitue donc pas un « acte confirmatif » qui auraitpour effet de valider une convention (52). Certains auteurs ont soutenu en cesens qu’il fallait confier au Conseil de la Société la tâche de juger si un traitéétait contraire à l’éthique internationale (53). En réponse, on a pu estimerqu’un tel traité ne saurait avoir un quelconque effet juridique en vertu del’article 20 du Pacte (54).

Le Secrétariat ne pouvait enregistrer que les traités « définitifs », ce qui impli-quait généralement leur ratification selon les procédures prescrites en droitinterne. Il était toutefois possible que l’enregistrement ait lieu après la signa-ture du traité, si les parties en faisaient la demande expresse. Ils devaientalors communiquer par la suite l’acte de ratification au Secrétaire généralde la S.d.N. (55). Par ailleurs, le Secrétaire général ne pouvait pas procéderà l’enregistrement d’office d’un traité, sauf si celui-ci le prévoyait expressé-ment, comme dans le cas des conventions conclues sous l’égide de la Sociétédes Nations (56). La publication ne suivait pas nécessairement l’enregistre-ment, mais devait avoir lieu « aussitôt que possible ». Il n’appartenait pasau Secrétaire général de décider du moment opportun ; une telle décisionrevenait aux seuls États parties au traité (57).

(49) L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 78.(50) D. A, Corso di diritto internazionale, op. cit., pp. 389-390.(51) L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 78.(52) O. H, Le Pacte de la Société des Nations. Commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 328 ;

J.M. Y et P. S,Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et des statutsde l’Union panaméricaine, op. cit., pp. 23-24.

(53) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence desorganes de la Société, op. cit., p. 555.

(54) L’art. 20, §1, prévoit comme suit : « Les Membres de la Société reconnaissent, chacun en ce qui leconcerne, que le présent Pacte abroge toutes obligations ou ententes inter se incompatibles avec ses termes ets’engagent solennellement à n’en pas contracter à l’avenir de semblables ». J. L, « L’enregistrementdes traités d’après le Pacte de la Société des Nations », op. cit., p. 704.

(55) O. H, Le Pacte de la Société des Nations. Commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 329.(56) Tel fut le cas du Traité de Versailles et de ses annexes, en vertu de ses art. 406 et 407, et de la

Convention de Barcelone de 1921 sur le transit et les communications. Voy. D. A, Corso di dirittointernazionale, op. cit., p. 390 ; J. L, « L’enregistrement des traités d’après le Pacte de la Société desNations », op. cit., p. 704.

(57) Ibid., p. 329.

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ARTICLE 18 743

§ 2. – Les effets de l’enregistrement

L’effet rétroactif de l’enregistrement n’était pas expressément prévu par l’ar-ticle 18. Bien au contraire, cette disposition affirme qu’un traité conclu parun État membre est dénué de force obligatoire jusqu’à ce qu’il soit enregistré.

La question fut discutée par la Commission de juristes précitée et par la1re Commission lors de la 2e Assemblée. À cette occasion, M. Negulesco,délégué de la Roumanie, présenta un projet d’amendement qui visait à intro-duire la force rétroactive de l’enregistrement. Cette proposition ne fut tou-tefois pas adoptée. La majorité de la doctrine considérait que la formulationde l’article 18 excluait de lege lata une telle interprétation. En effet, la rétro-activité d’une norme, pour être admise, doit être expressément prévue (58).L’effet rétroactif de l’enregistrement a par ailleurs été perçu comme illégitimepar certains auteurs. En effet, l’enregistrement devant être « immédiat », on aestimé que les parties qui ne remplissaient pas cette obligation ne pouvaientretirer de leur retard l’avantage de reporter à la date de la ratification leseffets de l’engagement (59).

Néanmoins, plusieurs auteurs ont considéré que l’effet rétroactif de l’enregis-trement était nécessaire afin d’éviter de nombreuses difficultés pratiques (60).En effet, il n’y avait pas de raisons de refuser à un État la possibilité deramener à exécution tous les engagements depuis la date de la conclusiondu traité, car cela aurait donné aux États un motif pour ne pas exécuter untraité sous prétexte de l’absence d’enregistrement (61). Les principes pactasunt servanda et la bonne foi auraient ainsi été mis en péril. D’autre part,toutefois, la rétroactivité de l’enregistrement aurait aussi pu avoir certainesconséquences pratiques indésirables. En effet, admettre la rétroactivité re-viendrait à permettre à un État d’appliquer des sanctions ou de demanderréparation à un cocontractant qui, durant la période où le traité n’était pasenregistré, n’a pas rempli ses engagements (62). Or, cette hypothèse sembledifficilement conciliable avec la seconde phrase de l’article 18, qui disposequ’un traité conclu par un État membre est dénué de force obligatoire jus-qu’à son enregistrement. Les discussions les plus vives au sujet de l’article 18ont précisément porté sur les conséquences du défaut d’enregistrement, quecertains présentent comme la sanction de l’article 18. Il convient désormaisd’en préciser la portée.

(58) L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 79 ; H. K, « Contri-bution à l’étude de la revision juridico-technique du Pacte de la S.d.N. », op. cit., p. 196.

(59) J.M. Y et P. S, Commentaire théorique et pratique du Pacte de la Société des Nationset des statuts de l’Union panaméricaine, op. cit., p. 24.

(60) Voy., p. ex., le Rapport de MM. A et Ch. D V, Résol. no 2, al. II : « L’enregistrementopère avec effet rétroactif : il rend exigibles toutes les obligations nées du traité depuis le jour de sa conclusiondéfinitive ou depuis la date fixée par les Parties pour sa mise en vigueur ».

(61) O. H, Le Pacte de la Société des Nations. Commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 331.(62) L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 79.

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§ 3. – Les conséquences du défaut d’enregistrement

A. Les interprétations de l’article 18

La formule de l’article 18 est énergique et prévoit qu’aucun traité, y com-pris celui contracté avec des États non membres de la Société des Nations,« ne sera obligatoire avant d’avoir été enregistré ». Alors qu’elle n’avait faitl’objet que de relativement peu d’attention durant les négociations de laConférence de la Paix, la seconde phrase de l’article 18 a très tôt suscitéplusieurs vives controverses. Des interprétations clairement divergentes ontété données à ce que la plupart des auteurs appellent la « sanction de l’ar-ticle 18 » (63). Devant l’Assemblée, le délégué des Pays-Bas, M. van Kar-nebeek, souligna la nécessité d’une interprétation uniforme des obligationsissues de l’article 18. Il estima qu’il était possible de donner trois interpréta-tions différentes de la portée du défaut d’enregistrement (64).

1) Une première interprétation ressort de l’analyse offerte par les organes dela S.d.N. eux-mêmes. Dans son Rapport, la Commission de juristes nomméepar le Conseil estima que la sanction du défaut d’enregistrement était àl’origine des principaux inconvénients de cette disposition et proposa parconséquent de la supprimer. Le rapport de la Première Commission de l’As-semblée ne reprit pas cette proposition, considérant qu’une modification siradicale était prématurée, notamment compte tenu de la faible expériencedont bénéficiait le Pacte. La Première Commission proposa à l’Assembléed’accepter l’interprétation suivante : « L’enregistrement ne se substitue pasà la ratification. Il apparaît simplement comme une condition qui tient ensuspens la force obligatoire du traité ou de l’engagement international. Letraité ou l’engagement une fois conclu, les parties ne peuvent plus échapperunilatéralement à son empire ; mais aussi longtemps que l’enregistrement n’apas eu lieu, le traité ou l’engagement se trouve dépourvu de force obligatoirepositive aussi bien entre parties qu’à l’égard des tiers » (65).

Cette proposition ne fut pas adoptée par l’Assemblée, mais elle trouva unécho important chez de nombreux auteurs (66). Cette interprétation, que

(63) Reitzer estime toutefois que le terme de « sanction » n’est pas approprié, car il se définit comme lesconséquences juridiques d’un « acte juridiquement valable, mais illicite ». Voy. ibid., p. 80.

(64) « Cette disposition veut-elle dire que dorénavant les États ne seront pas liés avant que l’enregistre-ment ait eu lieu ? Les États pourraient-ils, entre les ratifications et l’enregistrement, être libres de se désengagerdans la mesure où ils le sont entre la signature et les ratifications ? Cet article veut-il dire que les États sont liés,mais que les parties signataires ne peuvent exiger réciproquement l’exécution du traité avant que l’enregis-trement n’ait eu lieu ? – On pourrait penser encore à une troisième interprétation : le traité est exécutable dèsque les ratifications ont eu lieu, à moins qu’il n’y ait de terme spécial, mais les parties signataires ne peuventse prévaloir de ce traité vis-à-vis de la Société des Nations » ; A. 1920 P., pp. 155-156, pour le texte, voy.J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des organes dela Société, op. cit., p. 550.

(65) Concl. de la 1re Commission, §3. Pour le texte, voy. J.M. Y et P. S, Commentairethéorique et pratique du Pacte de la Société des Nations et des statuts de l’Union panaméricaine, op. cit.,p. 14.

(66) Rapport deMM. A et Ch. D V,Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 30,sess. de Bruxelles, 1923, p. 54 ; J. L, « L’enregistrement des traités d’après le Pacte de la Société desNations », op. cit., p. 697-706 ; O. H, Le Pacte de la Société des Nations. Commentaire théorique etpratique, op. cit., pp. 325-332 ; J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique etla jurisprudence des organes de la Société, op. cit., pp. 545-558.

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ARTICLE 18 745

l’on considérait alors comme la plus fidèle à la volonté des États membresde la Société des Nations, était également la plus conforme aux réalitéspolitiques de l’instant (67).

Selon la Première Commission, le Pacte opère donc une distinction entrel’existence d’une obligation conventionnelle et sa force obligatoire positive,entendue comme son exigibilité. La conclusion définitive d’un traité (par laratification) n’est alors plus suffisante pour le rendre exécutoire. Les partiessont liées par le traité et ne peuvent plus s’en affranchir par une dénonciationunilatérale ; mais dans l’attente de son enregistrement, aucune des Parties nepeut être contrainte de remplir ses engagements. Comme on a pu le résu-mer : « ratifié, le traité existe ; non enregistré, il reste dénué de force exécu-toire » (68). Ainsi, l’enregistrement s’apparente à une condition suspensivequi n’affecte en rien l’existence du lien contractuel ; si l’exécution du traiténe peut être imposée avant son enregistrement, rien n’empêche les partiesde l’exécuter volontairement. Au regard de cette première interprétation,l’article 18 n’interdit ni ne reconnaît les traités secrets, la S.d.N. cherchantà « rendre leur exécution précaire, en les privant de l’appui de son autoritéet de ses forces » (69).

2) Une seconde interprétation plaide pour une lecture stricte du Pacte. Plu-sieurs auteurs estimaient que, la formule employée par l’article 18 étantclaire et indiscutable, l’interprétation donnée par la Première Commission– distinguant entre l’existence et l’exécutabilité du traité – constituait unetentative indue de modification (70). Certains partisans de l’interprétationdonnée par la Première Commission reconnaissaient eux-mêmes que la for-mule de l’article 18 était parfaitement claire et signifiait « nettement quele traité non enregistré ne lie pas les parties » ; ils considéraient toutefoisqu’une telle sanction aurait été sévère et aurait fait planer « une incertitudefâcheuse » sur la validité des traités (71).

Parmi les auteurs favorables à une interprétation stricte de l’article 18,Kelsen a affirmé que non seulement le texte ne prévoyait pas de distinctionentre la force obligatoire positive et négative du traité, mais que cette distinc-tion n’était pas davantage soutenable en théorie. Selon Kelsen, la force obli-gatoire d’un traité ne se compose pas de deux éléments distincts que seraient,d’une part, la force obligatoire négative, interdisant le retrait unilatéral d’uncontractant et, d’autre part, la force obligatoire positive, contraignant àexécuter le traité. Dire que le retrait unilatéral est impossible signifie que l’onne peut pas se dégager unilatéralement de l’obligation d’exécuter le traité ;

(67) J. L, « L’enregistrement des traités d’après le Pacte de la Société des Nations », op. cit.,p. 706.

(68) O. H, Le Pacte de la Société des Nations. Commentaire théorique et pratique, op. cit., p. 329.(69) Ibid., p. 330 ; voy. égal. J. L, « L’enregistrement des traités d’après le Pacte de la Société des

Nations », op. cit., p. 706.(70) H. K, «Contribution à l’étude de la revision juridico-technique du Pacte de la S.d.N. », op. cit.,

p. 194 ; L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 76.(71) J. R, Commentaire du Pacte de la Société des Nations selon la politique et la jurisprudence des

organes de la Société, op. cit., p. 550.

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ce qui signifie que l’on est lié par le traité et qu’en conséquence l’on est tenude l’exécuter (72).

L’emploi par l’article 18 du terme « traité », qui fait référence à une normeobligatoire, prête à confusion. L’objet de l’enregistrement étant un « traité »,l’article 18 laisse ainsi indirectement entendre que ce dernier possède uneforce obligatoire avant l’enregistrement (73). Toutefois, en dépit de cette ex-pression maladroite, l’article 18 doit être interprété comme privant un traiténon enregistré de tout effet juridique (74). À la procédure de ratification sesuperpose une nouvelle exigence, dont l’observation est indispensable pourque le traité soit obligatoire. D’où la conclusion « qu’un traité avant l’enre-gistrement n’en est pas un. Il n’est qu’un projet de traité » (75). L’article 18autorise tout membre à considérer comme juridiquement non existant untraité non enregistré et prive tout membre du droit d’exiger son exécutionou de considérer qu’il y a violation du traité en cas de non-exécution (76).

Les auteurs favorables à cette interprétation littérale de l’article 18 se di-visent toutefois sur la question de l’applicabilité de cette sanction aux traitésconclus avec des États non membres de la S.d.N. Selon Kelsen, le Pacte nepeut aucunement obliger les États qui ne l’ont pas ratifié. Ainsi, en privantde force obligatoire les traités conclus avec des États non membres, le Pacteprévoit quelque chose d’impossible en droit. Dès lors, limiter l’application dela sanction aux traités conclus entre États membres de la Société « ne feraitrien d’autre que d’établir un texte conforme à la réalité juridique » (77). Paropposition, Reitzer estime qu’en étant membre de la Société, un État limite saliberté contractuelle et déclare publiquement que l’enregistrement des traitésqu’il conclut est une condition de leur validité. Il n’y aurait aucune raisonde ne pas appliquer la sanction de l’article 18 aux traités conclus avec lesÉtats non membres, car ces derniers savent qu’en concluant un traité avecun membre de la S.d.N., le traité devra être enregistré afin d’avoir forceobligatoire (78).

3) Une troisième interprétation se fonde sur la nécessité de comprendre lasanction prévue par l’article 18 de sorte qu’elle puisse être applicable à tousles traités visés par le Pacte, non seulement à ceux conclus entres membres dela Société, mais également aux accords conclus avec des États non membres.

(72) H. K, «Contribution à l’étude de la revision juridico-technique du Pacte de la S.d.N. », op. cit.,p. 195.

(73) Selon Kelsen, la formule selon laquelle un « traité » ne devient obligatoire qu’après enregistrementest aussi imprécise, mais également aussi courante que la formule prévoyant en droit interne qu’une « loi »adoptée par un Parlement doit être publiée dans un recueil officiel pour être obligatoire. Le terme de loi nesignifie ici qu’un « projet de loi sans caractère obligatoire », tout comme au sens de l’article 18, le terme traiténe désigne qu’une « déclaration de concordance de volonté ne créant encore aucune obligation ». Voy. ibid.,p. 195 ; L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 77.

(74) H. K, «Contribution à l’étude de la revision juridico-technique du Pacte de la S.d.N. », op. cit.,p. 190 ; L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 76.

(75) Ibid., p. 77.(76) H. K, «Contribution à l’étude de la revision juridico-technique du Pacte de la S.d.N. », op. cit.,

pp. 190-191.(77) Ibid., p. 192.(78) L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., pp. 87-88.

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ARTICLE 18 747

Selon cette théorie, découlant principalement de l’œuvre du Professeur Dio-nisio Anzilotti (79), la sanction de l’article 18 doit pouvoir s’appliquer àtous les traités visés par l’obligation d’enregistrement. Elle refuse toutefoisd’admettre que le Pacte impose une quelconque obligation aux États n’étantpas membres de la Société (80). Ainsi, un traité conclu avec un État nonmembre reste régi par le droit commun. Malgré l’obligation d’enregistre-ment, il devient obligatoire à la suite du seul échange des instruments deratification (81). Par voie de conséquence, on ne peut entendre la « forceobligatoire » à laquelle fait référence l’article 18 que comme se rapportantaux relations avec les organes de la Société, et non aux relations entre les co-contractants. Ainsi, un traité non enregistré est exécutoire dès sa ratification ;mais l’État membre de la S.d.N., ayant failli à son obligation d’enregistre-ment, ne saurait l’invoquer devant les organes de la Société.

Deux objections principales ont été soulevées à l’encontre de cette inter-prétation. D’aucuns ont objecté qu’elle ne trouve aucun fondement dansle libellé de l’article 18 (82). Anzilotti reconnaît lui-même que « la lettrede l’article semble exprimer un défaut de caractère obligatoire général etabsolu » des traités non enregistrés (83) ; toutefois, si l’interprétation doitêtre fidèle au texte de l’article, elle ne peut se résoudre à admettre que lesauteurs du Pacte aient prévu une « véritable impossibilité juridique » (84).En ce sens, l’interprétation restrictive prônée par Anzilotti ne fait que « ré-tablir la correspondance naturelle entre les mots et le contenu » (85), évitantde rappeler le manque de concordance lié à la rédaction de l’article (86).D’autres auteurs ont en revanche dénoncé cette interprétation comme dé-raisonnable, car elle fait varier la validité d’une norme suivant l’instancedevant laquelle elle est invoquée (87). Selon Anzilotti, il est cependant trèsfréquent qu’un acte développe des effets juridiques dans une direction alorsque ces effets lui sont refusés dans une autre. Il évoque à ce titre l’exempledu negotium claudicans (88). Il n’y aurait donc rien de déraisonnable à cequ’un État membre ne puisse invoquer un traité non enregistré devant unorgane de la Société, alors que son cocontractant non membre pourrait s’enprévaloir devant ce même organe.

L’interprétation de la sanction de l’article 18 a fait l’objet de nombreusescontroverses théoriques, marquant clairement les divergences entre les te-nants d’une lecture stricte et les partisans d’une portée plus modeste, mieuxapplicable en pratique. Sous différentes formes, la doctrine a tenté de limiter

(79) Cette approche fut brièvement évoquée par le délégué italien M. Tittoni devant l’Assemblée ; voy.1re Assemblée, 8e séance plén., 20 novembre 1920, p. 177.

(80) D. A, Corso di diritto internazionale, op. cit., p. 379.(81) Ibid., p. 379.(82) L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 75.(83) D. A, Corso di diritto internazionale, op. cit., p. 380.(84) Ibid., p. 380.(85) Ibid., p. 381.(86) Voy. supra, Section 1.(87) L. R, « L’enregistrement des traités internationaux », op. cit., p. 75.(88) D. A, Corso di diritto internazionale, op. cit., p. 382.

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les conséquences juridiques du défaut d’enregistrement ; la jurisprudenceinternationale n’a pas contrarié cette tendance.

B. La pratique de l’article 18

La sentence arbitrale rendue dans l’affaire Pablo Nájera par la Commissionfranco-mexicaine des réclamations le 19 octobre 1928 constitue la seuledécision offrant une analyse des conséquences du défaut d’enregistrementd’un traité. En invoquant l’article 18, le Mexique, qui n’était pas membrede la S.d.N., soutenait d’une part qu’un tribunal arbitral ne dépendant pasde la Société était autorisé, si ce n’est contraint, d’appliquer l’article 18, etd’autre part que la sanction prévue dans cette disposition s’appliquait éga-lement aux traités conclus avec un État non membre, ces derniers pouvantsoulever l’absence d’enregistrement d’un tel traité afin d’en écarter l’applica-tion. La Commission, présidée par M. Verzijl, rejeta cet argument, estimantque l’obligation d’enregistrer les traités s’applique certes aux traités conclusavec des États non membres, mais que « cette obligation est un engage-ment pris vis-à-vis des autres membres de la Société et de cette dernièreelle-même » (89). Ainsi, le membre qui n’a pas enregistré un traité concluavec un État non membre manque à son obligation envers la Société etne pourra pas invoquer ce traité devant les organes de cette dernière. Enrevanche, l’État non membre, n’étant pas lié par l’article 18, peut exigerdevant tout tribunal que soit considéré comme obligatoire le traité concluconformément au droit international coutumier. Pour autant, un État nonmembre ne peut opposer à un État membre le défaut d’enregistrement d’untraité afin d’en écarter l’application. L’article 18 « ne pouvant lui nuire àaucun égard, il ne saurait à l’inverse, non plus en tirer des arguments en safaveur » (90), et ce, conformément au principe pacta tertiis nec nocent necprosunt.

Selon la Commission franco-mexicaine des réclamations, une conventionliant deux États membres et n’ayant pas été enregistrée ne peut être considé-rée comme obligatoire, pas même par un tribunal indépendant de la Société,car les parties contractantes sont l’une et l’autre liées par la même règlede droit. Cette raison n’existe pas dans le cas de traités conclus avec unÉtat non membre. Il n’appartient pas ici à un tribunal de sanctionner ledéfaut d’enregistrement, car l’article 18 ne constitue pas l’application d’unprincipe général de droit, limitant pour tous les États la capacité juridiquede contracter. Ainsi, la sanction de l’article 18 est une règle nouvelle « quine produit ses effets, erga omnes, et notamment vis-à-vis d’un tribunal ar-bitral indépendant, qu’entre membres de la Société, mais qui, entre un Étatmembre et un État non membre, ne les produit qu’en ce qui concerne la seuleSociété et ses organes » (91).

(89) Déc. no 30-A du 19 octobre 1928 de la Commission franco-mexicaine des réclamations, aff. PabloNájera, in Rec. sentences arbitrales, vol. V, pp. 466-508, spéc. p. 471.

(90) Ibid., p. 472.(91) Ibid.

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ARTICLE 18 749

La Cour permanente de justice internationale (C.P.I.J.), prévue à l’article 14du Pacte, n’était pas à proprement parler un organe de la Société. Si l’on peutlégitimement conclure des termes employés par l’article 18 que l’obligationd’enregistrement vise également les déclarations facultatives de compétenceobligatoire de la C.P.I.J., cette dernière ne s’est pas prononcée directementsur la portée de l’obligation d’enregistrement. Elle n’a par ailleurs jamaisrefusé de donner effet à un engagement international au motif que celui-cin’avait pas été enregistré. Il en a été ainsi dans l’affaire des Concessions Ma-vrommatis en Palestine (1924), dans laquelle la Cour a fondé sa compétencesur le Protocole de Lausanne, conclu entre la Grèce, le Royaume-Uni, et laTurquie, cette dernière n’étant pas membre de la S.d.N. Le Protocole a étéjugé applicable par la Cour, bien qu’il n’ait été enregistré au Secrétariat dela S.d.N. qu’à la suite de l’affaire (92). De même, dans son avis consultatifrelatif au Service postal polonais à Dantzig (1925) (93), la Cour s’est engrande partie appuyée sur l’Accord de Varsovie, dont l’enregistrement nesera effectué que le 5 mai 1931. L’une des parties à l’Accord, la Ville deDanzig, n’était pas membre de la S.d.N.. La Cour a ici repris à son compteles conclusions de la Commission franco-mexicaine des réclamations dansl’affaire Pablo Nájera, affirmant qu’un organe indépendant de la Société nepouvait écarter l’application d’un traité conclu avec un État non membre enraison du défaut d’enregistrement.

La Cour semble toutefois s’être écartée de cette interprétation en ce quiconcerne les engagements internationaux conclus entre deux membres dela Société. Dans l’affaire du Groenland oriental (1933) (94), la déclarationdu ministre norvégien des Affaires étrangères, engageant son pays enversle Danemark, a été considérée comme contraignante, sans que ne soit sou-levée l’obligation d’enregistrement à laquelle les deux États s’étaient enga-gés en vertu de l’article 18. S’il est vrai qu’une déclaration orale se prêteplus difficilement à un enregistrement (95), elle n’en demeure pas moins un« engagement international » au sens de l’article 18, comme le prévoit leMémorandum du Secrétariat approuvé par le Conseil (96). Bien que la Courait conclu à la nature contraignante de la déclaration, cette dernière consti-tuant un acte unilatéral en droit international (97), sa décision confirme sesréticences à mettre en œuvre la sanction prévue par le Pacte.

(92) C.P.J.I., Sér. A, no 2, p. 33.(93) C.P.J.I., Sér. B, no 11.(94) C.P.J.I., Sér. A/B, no 53, pp. 69 ets.(95) I. D, Essays on the Law of Treaties, Sweet & Maxwell, Stockholm/Londres, 1967, p. 41.(96) Voy. Annexe ; voy. égal. M. B, « The Validity of Non-Registered Treaties », BYIL, 1952,

pp. 186-204 ; id., « Analysis of the Terms ”Treaty” and ”International Agreement” for the Purposes ofRegistration Under Article 102 of the United Nations Charter », AJIL, 1953 p. 54.

(97) Id., « The Validity of Non-Registered Treaties », op. cit., p. 190.

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S 3. – L’ ’ C N U

Les rédacteurs de l’article 102 de la Charte des Nations Unies se sont engrande partie inspirés de la pratique de la S.d.N., de manière à éviter que nese renouvelle un certain nombre de difficultés. Les deux articles pertinentsse distinguent sur plusieurs points, les principales différences portant surl’obligation d’enregistrer et surtout sur les conséquences du défaut d’enre-gistrement (98). Plusieurs difficultés soulevées par l’article 18 ne semblenttoutefois pas avoir été résolues par le nouveau libellé de la Charte. Commecela avait été le cas au sein de la S.d.N., les organes des Nations Uniesont contribué à préciser le champ d’application de l’article 102. En effet,le règlement adopté par l’Assemblée générale dans sa Résolution 97(I) du14 décembre 1946 fixe les principes et les méthodes à suivre en vue del’application de l’article 102 (99).

§ 1. – L’obligation d’enregistrement

Alors que l’article 18 du Pacte visait « tout traité ou engagement internatio-nal », l’article 102 de la Charte impose aux membres des Nations Unies l’en-registrement de « tout traité ou accord international ». Comme le souligne lerapport du Comité IV/2 de la Conférence de San Francisco, en charge de larédaction de l’article 102, l’emploi du terme « accord » est plus restrictifque le terme « engagement » (100). Le libellé de l’article 102 a toutefoisune portée générale. En conséquence, l’article 1 du règlement adopté parl’Assemblée générale précise que la Charte vise tout traité ou accord inter-national, « quelle qu’en soit la forme et sous quelque appellation qu’il soitdésigné ».

L’article 102 n’effectue pas non plus une distinction selon le contenu desinstruments, bien que certains États aient manifesté leur volonté de limiterl’obligation d’enregistrement aux seuls accords ayant un caractère ou uneportée politiques (101). Déjà à l’époque de la S.d.N., plusieurs États avaientsouhaité soustraire à l’obligation d’enregistrement les instruments purementtechniques ou administratifs, « n’intéressant pas les relations politiques

(98) L’art. 102 de la Charte des Nations Unies se lit comme suit : « 1. Tout traité ou accord internationalconclu par un Membre des Nations Unies après l’entrée en vigueur de la présente Charte sera, le plus tôtpossible, enregistré au Secrétariat et publié par lui. 2. Aucune partie à un traité ou accord internationalqui n’aura pas été enregistré conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent Article ne pourrainvoquer ledit traité ou accord devant un organe de l’Organisation ».

(99) Rép.ONU., vol. V, pp. 283ss. ; notons que Kelsen conteste la légalité d’une telle résolution, estimantqu’il n’appartient pas à l’Assemblée générale de demander au Secrétaire général d’effectuer certaines tâchesdans les domaines comme l’enregistrement et la publication des traités, où il détient une compétence exclusive.Voy. H. K, The Law of the United Nations : A Critical Analysis of Its Fundamental Problems, ClarksNJ, Lawbook Exchange, 2000, p. 699.(100) «The Committee has proposed the adoption of the term “agreement”, in preference to the term “en-

gagement” which may fall outside the strict meaning of the word “agreement” » ; United Nations Conferenceon International Organization, Docs, vol. 13, Commission IV, p. 705.(101) P. J, «Article 102», in La Charte des Nations Unies - Commentaire article par article, op. cit.,

p. 1367 ; M. B, « Analysis of the Terms ”Treaty” and ”International Agreement” for the Purposesof Registration Under Article 102 of the United Nations Charter », op. cit., p. 53.

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ARTICLE 18 751

internationales » (102). Une telle initiative était toutefois destinée à échouerdevant l’impossibilité de classer les traités selon leur contenu. Il faut doncinterpréter avec prudence les termes du rapport du Comité IV/2, lorsqu’il af-firme que « the term engagement might be taken to include instruments suchas commercial contracts [...] wich are not strictly speaking “internationalagreements” » (103). En effet, la Charte n’effectue pas de distinction relativeau contenu de l’accord, mais cherche à exclure les instruments conclus avecune partie n’ayant pas la personnalité juridique nécessaire à la conclusiond’un «accord» soumis au droit international public (104). On peut s’étonnerde voir confié au Secrétaire général le droit de statuer implicitement sur lapersonnalité internationale d’une partie à un accord, alors qu’en pratiquece dernier accepte l’opinion de l’État membre soumettant l’instrument àl’enregistrement (105).

Par ailleurs, l’emploi du terme « accord », au détriment de celui d’« engage-ment », semble exclure les engagements unilatéraux qui, comme on l’a vu,devaient faire l’objet d’un enregistrement en vertu du Pacte. Toutefois, lerapport du Comité IV/2 étend l’application du terme « accord » aux engage-ments unilatéraux, dès que ces derniers ont été acceptés par l’État appelé à enbénéficier (106). Sur ce fondement, le Secrétaire général a procédé à l’enre-gistrement des instruments d’accession des nouveaux membres aux NationsUnies, ainsi que les déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoirede la Cour internationale de justice (107). L’interprétation donnée par le Co-mité est à même de soulever certains problèmes, notamment en raison desdifficultés à établir l’acceptation d’un engagement unilatéral, ou encore dansles cas d’une déclaration unilatérale n’ayant pas été acceptée, mais engageantnéanmoins son auteur (108).

Hormis ces restrictions, le champ d’application de l’article 102 est identiqueà celui de l’ancien article 18. Comme l’article 18, la Charte fait référence auxtraités conclus par un État membre des Nations Unies et impose égalementl’enregistrement des traités conclus avec les États non membres. De même,seuls les traités conclus après l’entrée en vigueur de la Charte doivent êtreenregistrés, bien que ceux conclus antérieurement puissent l’être également.L’obligation d’enregistrement ne pèse à nouveau que sur les membres del’Organisation ; les États non membres bénéficient toutefois de la faculté

(102) Concl. de la Commission de juristes de la Société rendues le 24 juin 1921, voy. infra, p. 7.(103) UNCIO Docs., vol. 13, Comité IV, p. 627.(104) M. B, «Analysis of the Terms ”Treaty” and ”International Agreement” for the Purposes of

Registration Under Article 102 of the UnitedNations Charter », op. cit., p. 52 ; F. B, «L’enregistrementdes accords internationaux », R.G.D.I.P., 1960, p. 600.(105) Le Secrétaire général avait en ce sens accepté l’enregistrement effectué par les Pays-Bas de l’accord

conclu avec l’Indonésie, avant que cette dernière n’obtienne son indépendance. Voy. ibid., p. 600.(106) UNCIO, Docs, vol. 13, Commission IV, p. 705.(107) M. B, « Analysis of the Terms ”Treaty” and ”International Agreement” for the Purposes

of Registration Under Article 102 of the United Nations Charter », op. cit., pp. 53-54.(108) Dans l’aff. du Groenland Oriental, la C.P.J.I. avait ainsi considéré comme contraignante la déclara-

tion du ministre des Affaires étrangères de Norvège, sans qu’elle n’ait été acceptée par l’État en vertu duquell’engagement avait été pris. Voy. C.P.J.I., Sér. A/B, no 53, pp. 69 et s. ; M. B, « Analysis of the Terms”Treaty” and ”International Agreement” for the Purposes of Registration Under Article 102 of the UnitedNations Charter », op. cit., p. 54.

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d’enregistrer les accords qu’ils ont conclus. Les accords conclus par l’Or-ganisation ou ceux dont elle est le dépositaire font l’objet d’un enregistre-ment d’office. En revanche, une institution spécialisée ne peut procéder àl’enregistrement que si son acte constitutif le prévoit, ou si le traité conclul’y autorise (109).

À la lecture de l’article 102, le rôle du Secrétariat enmatière d’enregistrementest essentiellement passif. Il appartient pour autant à celui-ci de s’assurerque l’instrument soumis à enregistrement est bien un accord international.La pratique révèle que le Secrétariat se conforme en cas de doute à l’avis del’État membre qui soumet l’instrument, de telle sorte que l’enregistrement« n’implique, de la part du Secrétariat, aucun jugement sur la nature del’instrument, le statut d’une partie ou toute autre question similaire » (110).La Charte reprend sur ce point encore le système prévu par le Pacte. Deplus, l’enregistrement ne constitue en rien un acte validant la conformité dutraité enregistré avec la Charte (111). La pratique de l’Organisation a enrevanche fini par restreindre l’obligation pour le Secrétariat de procéderà la publication du traité. En effet, notamment en raison du coût de lapublication et du retard qu’entraîne la traduction des traités, l’Assembléegénérale a permis au Secrétariat de ne pas publier certains accords bila-téraux (112). Contrairement au système prévu par le Pacte, l’obligation selimite ici à la publicité de l’acte marquant l’accomplissement de la formalitéd’enregistrement.

Alors que l’article 18 du Pacte imposait l’enregistrement « immédiat » destraités conclus par les États membres de la Société, la Charte assouplit cetteobligation, qui doit désormais avoir lieu « le plus tôt possible ». Commeon avait pu l’envisager à l’époque la S.d.N., l’idée de fixer un délai à l’en-registrement avait été évoquée devant la Sixième Commission, mais ellefut abandonnée aussitôt, car jugée trop radicale (113). L’exigence d’un en-registrement immédiat avait été jugée trop stricte, voire inapplicable ; ellen’avait pas été respectée en pratique. La formule de la Charte offre cepen-dant aux États une latitude risquant de priver de signification la sanctiondu défaut d’enregistrement prévue par l’article 102, §2. L’imprécision dulibellé contraint en effet à apprécier le respect de l’obligation au cas parcas, au vu des circonstances de l’espèce. Certains auteurs ont soutenu que leSecrétaire général devrait refuser l’enregistrement des traités présentés tardi-vement (114). Un tel pouvoir ne semble pas correspondre au rôle passif quelui confère l’article 102. Il paraît plus approprié de confier à l’organe devant

(109) P. J, « Article 102 », op. cit., pp. 1370-1371.(110) Note du Secrétariat reproduite in Rép. ONU, suppl. 5, vol. II, §12.(111) F. B, « L’enregistrement des accords internationaux », op. cit., pp. 599-600.(112) Le Secrétaire général a ainsi la possibilité de ne pas publier certains accords bilatéraux comme les

accords d’assistance et de coopération d’objet limité en matière financière, commerciale, administrative outechnique ; les accords portant sur l’organisation de conférences, séminaires ; et enfin les accords destinés àêtre publiés ailleurs que dans le Recueil par le Secrétariat général ou une institution spécialisée. Voy. P. J,« Article 102 », op. cit., pp. 1374-1375.(113) Rép. ONU, vol. V, §60.(114) F. B, « L’enregistrement des accords internationaux », op. cit., p. 602.

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ARTICLE 18 753

lequel est invoqué un traité enregistré tardivement la tâche d’apprécier labonne foi de la partie concernée (115). La doctrine s’accorde à dire qu’unretard excessif devrait être assimilé à un défaut d’enregistrement, exposantles États parties aux conséquences prévues par l’article 102, §2. La pratiquede la Cour Internationale de Justice (C.I.J.) a toutefois été très souple à cetégard.

§ 2. – Les conséquences du défaut d’enregistrement

La « sanction » prévue par l’article 102 de la Charte se distingue clairementde celle prévue par l’article 18 du Pacte. Les rédacteurs de la Charte étaientdéterminés à ne pas reproduire une formule trop ambiguë, pouvant donnernaissance à des difficultés d’interprétation et d’application (116). Alors quel’article 18 cherchait à priver de « force obligatoire » un traité non enregistré,l’article 102, §2, de la Charte se limite à prévoir qu’aucune partie « ne pourrainvoquer ledit traité ou accord devant un organe de l’Organisation ». Laformule de la Charte, contrairement à celle du Pacte, ne laisse planer aucundoute quant à la validité ou à la « force obligatoire » du traité non enregistré.Cela est par ailleurs confirmé par la Convention de Vienne sur le droit destraités, dont l’article 80 prévoit une obligation d’enregistrement ; or, celle-cine constitue pas une condition de validité du traité (117). La formule de laCharte permet d’autre part d’écarter la distinction entre la force obligatoirepositive et négative du traité, ainsi que la théorie de l’effet rétroactif de l’enre-gistrement qui avait été avancée à propos de la sanction de l’article 18 (118).La Charte semble à cet égard donner raison à l’interprétation susmentionnéed’Anzilotti (119).

Si la formule de l’article 102 répond à un certain nombre d’incertitudes sou-levées par l’article 18 concernant la validité du traité ou le champ d’ap-plication de la sanction, elle laisse en suspens plusieurs interrogations déjàsoulevées à l’époque de la Société. D’une part, elle ne permet pas d’établirclairement le rôle des organes de l’Organisation dans l’application de l’ar-ticle 102. Ces derniers doivent-ils soulever d’office le défaut d’enregistrementou doivent-ils attendre l’initiative de l’une des parties ? Certains auteursestiment qu’il appartient à l’organe de vérifier l’enregistrement seulementen cas de contestation, mais qu’il n’y a pas lieu d’imposer une vérificationsystématique (120). D’autres avancent au contraire la thèse qu’au regard dubut premier de l’Organisation, ses organes devraient appliquer d’office lasanction. S’il n’en était pas ainsi, les États pourraient conclure des accordssecrets et s’entendre pour éviter toute sanction (121).

(115) P. J, « Article 102 », op. cit., pp. 1371-1372.(116) Voy. les déclarations du Rapporteur du Comité IV/2, UNCIO, Docs, vol. 13, Commission IV, p. 706.(117) P. K, « Article 80 », in La Charte des Nations Unies, Commentaire article par article, op. cit.,

p. 2826.(118) M. B, « The Validity of Non-Registered Treaties », op. cit., p. 191.(119) Ibid., p. 191.(120) U. K et E. M, « Article 102 », op. cit., pp. 1290-1291 ; P. J, « Article 102 »,

p. 1378.(121) F. B, « L’enregistrement des accords internationaux », op. cit., p. 603.

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D’autre part, le texte de l’article 102 ne permet pas de répondre à l’une desinterrogations fondamentales soulevées par l’article 18 concernant le statutdes États non membres de l’Organisation. Il se pose en effet la question desavoir si un État nonmembre des Nations Unies peut invoquer devant l’un deses organes un traité conclu avec un État membre quand ce traité n’a pas étéenregistré. La question est actuellement plutôt théorique, puisque presquetous les États du monde sont désormais membres des Nations Unies. Ladoctrine s’est divisée sur cette question. Certains auteurs considèrent qu’eninfligeant la sanction à un État non membre de l’Organisation on se heurte-rait au principe de l’effet relatif des traités (122). Dans l’affaire Pablo Nájera,la Commission franco-mexicaine des réclamations avait estimé qu’un Étatnon membre pouvait invoquer un tel traité devant un organe de la Société,contrairement à l’État membre, qui se retrouvait ainsi dans une positionprocédurale défavorable, légitimée par son comportement fautif. D’autresauteurs admettent en revanche l’application de la sanction aux États nonmembres. Selon eux, la formule de l’article 102 vise clairement les Étatsnon membres lorsqu’elle prévoit qu’« aucune partie » à l’accord ne peutl’invoquer (123). D’autres auteurs reprennent l’argument avancé déjà devantla Société, selon lequel les tiers ne peuvent ignorer l’obligation qui pèse surl’État membre et ne peuvent dès lors s’en prévaloir à leur bénéfice (124). Parailleurs, les droits des tiers seraient suffisamment protégés par la faculté quileur est offerte de procéder à l’enregistrement (125).

La pratique n’a malheureusement pas mis en évidence la sanction de l’ar-ticle 102. De nombreux traités non enregistrés ont été invoqués devant les or-ganes politiques de l’Organisation, ainsi que devant la C.I.J. Les principauxexemples concernent les compromis attribuant juridiction à la Cour. Ainsi,les compromis lui soumettant l’affaire du Détroit de Corfou, l’affaire duDroit d’asile, ou encore l’affaire de l’Or monétaire, n’ont pas été enregistrés,ou ne l’ont été qu’après le déclenchement de la procédure (126). Il convienttoutefois de noter que les compromis constituent des accords particuliers ;leur non-enregistrement n’a en tout cas pas comme but de tenir secrète uneconvention aux yeux de l’opinion publique. Par ailleurs, on a pu avancer queles compromis ne sont pas à proprement parler « invoqués » devant la Cour,mais constituent simplement le fondement de sa compétence (127). Le défautd’enregistrement d’accords autres que les compromis n’a été que rarementmis en avant. Lorsque tel était le cas, la Cour a préféré écarter l’applicationdu traité pour des motifs autres que le manquement à l’obligation prévue parl’article 102 (128). Il est par conséquent très difficile de tirer de la pratiquedes organes de l’Organisation des indications fermes concernant le champd’application et la portée de l’article 102.

(122) Ibid., p. 603.(123) P. J, « Article 102 », op. cit., p. 1379.(124) M. B, « The Validity of Non-Registered Treaties », op. cit., p. 203.(125) Ibid., p. 202.(126) F. B, « L’enregistrement des accords internationaux », op. cit., pp. 603-604.(127) M. B, « The Validity of Non-Registered Treaties », op. cit., pp. 198-199.(128) U. K et E. M, « Article 102 », op. cit., pp. 1291-1292.

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ARTICLE 18 755

ANNEXE

Mémorandum du Secrétariat de la Société des Nations, approuvé par leConseil de la Société des Nations, réuni à Rome le 19 mai 1920

1. Une des innovations importantes que le Pacte de la Société des Nations aintroduites dans le droit international est l’enregistrement et la publicationde tout traité ou de tout engagement international contracté par un Membrequelconque de la Société.

L’article 18 du Pacte de la Société des Nations qui règle la matière est ainsiconçu :

« Tout traité ou engagement international conclu à l’avenir par un membreSociété devra être immédiatement enregistré par le Secrétariat et publié parlui aussitôt que possible. Aucun de ces traités ou engagements internatio-naux ne sera obligatoire avant d’avoir été enregistré. »

Il est à peine nécessaire d’insister sur l’importance d’un système qui assurerala publicité des traités et autres engagements internationaux, et, à cet effet,d’abord leur enregistrement.

La publicité s’est montrée depuis longtemps comme une des sources de forcemorale dans l’application des lois de chaque pays. Il en sera de même pourles lois et les engagements qui lient les nations. Elle encouragera le contrôledu public. Elle éveillera l’intérêt public et fera disparaître les causes de dé-fiance et de conflits. Seule, la publicité permettra à la Société des Nations dedonner une sanction morale aux obligations contractuelles de ses Membres.En outre, ce sera un moyen de constituer un système clair et indiscutable dedroit international.

Étant donné que c’est d’abord de la coopération des Gouvernements desMembres de la Société des Nations que dépend une application satisfaisantedes principes de l’article 18 du Pacte, le Secrétaire général a l’honneur desoumettre aux Membres du Conseil de la Société, dans le mémorandumsuivant, quelques suggestions qui permettraient, à son avis, d’assurer unemise à exécution satisfaisante de l’article 18. Les mesures proposées n’ontnaturellement qu’un caractère provisoire ; elles sont subordonnées à toutemodification ou révision que l’expérience pourra suggérer dans l’avenir.

2. Si l’application de l’article 18 doit produire des résultats satisfaisants etconformes au but de la Société des Nations, on devra adopter pour ses stipu-lations une interprétation extensive. C’est sur cette base qu’on a déterminéles détails de l’application dudit article.

L’application des dispositions suivantes aura pour effet de permettre autantque possible une connaissance sûre et complète de l’ensemble de tous lestraités et engagements internationaux contractés après l’entrée en vigueurdu Pacte de la Société.

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3. La stipulation que « tout traité ou engagement international devra être im-médiatement enregistré par le Secrétariat » entraîne les conclusions suivantesen ce qui concerne la définition de la matière qui doit être enregistrée.

Il s’agit non seulement de tout traité proprement dit, de quelque nature qu’ilsoit, et de toute convention internationale, mais encore de tout autre engage-ment international, ou de tout acte par lequel les Nations ou leurs Gouver-nements se proposent de constituer des obligations légales entre elles-mêmeset un autre État, une autre Nation ou un autre Gouvernement.

Les accords concernant la révision ou la prolongation d’un traité constituentpar eux-mêmes des engagements internationaux séparés ; ils devront aussiêtre enregistrés aux termes de l’article 18.

En outre, ne fût-ce que pour établir un enregistrement aussi complet quepossible, on propose d’appliquer la même règle à la dénonciation de touttraité ou accord.

4. L’article 18 concerne les traités, etc., qui seraient conclus « à l’avenir ».On entend par là que l’enregistrement est obligatoire pour tous les traités,etc., qui deviendront, ou qui sont formellement devenus obligatoires, pourautant qu’ils concernent les parties inter se, après la date d’entrée en vigueurdu Pacte (10 janvier 1920).

Les traités ou engagements qui sont formellement entrés en vigueur à unedate antérieure sont ainsi exclus ; mais au cas où cela paraîtrait désirable auxParties contractantes, le Secrétariat international est autorisé à enregistrerdes traités de manière à y comprendre les traités en engagements de dateplus ancienne.

5. Comme aucun traité ou engagement international ne deviendra obliga-toire avant d’avoir été enregistré par le Secrétariat international, la dateextrême à laquelle il devra être présenté à l’enregistrement sera la date àlaquelle les parties, pour autant qu’il dépend de leur volonté, donnent autraité sa force obligatoire finale, et veulent le faire entrer en vigueur. Il peutarriver cependant, pour différentes raisons, qu’il convienne aux parties deprésenter un traité ou un engagement international à l’enregistrement, aus-sitôt que le texte aura été finalement établi, même en cas où l’échange desratifications entre ces parties doit avoir lieu à une date ultérieure. Si un traitéou un accord est publié dans ces conditions, le Secrétariat international de-vra naturellement faire clairement ressortir que les parties n’ont pas encorefinalement conclu le traité ou l’engagement.

Dans le cas d’un traité ou d’un engagement présenté à l’enregistrement avantsa conclusion formelle, les parties auront évidemment à donner au Secréta-riat connaissance de l’acte subséquent par lequel, elles mettent définitive-ment le traité en vigueur.

6. Au titre de principe général, on suggère que les parties qui présententun traité ou un engagement à l’enregistrement, devront le faire en dépo-sant au Bureau d’enregistrement des traités du Secrétariat international un

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ARTICLE 18 757

exemplaire textuel et complet de ce Traité avec toutes les déclarations, proto-coles et ratifications, etc., qui s’y rapportent. Ce document sera accompagnéd’une déclaration authentique que le texte contient intégralement le traitéou l’accord que les parties ont l’intention de conclure.

En cas de nécessité, le contenu du traité ou de l’engagement pourra êtretransmis au Secrétaire international par d’autres voies – par exemple, partélégramme – pourvu qu’il soit établi que le texte est, sans discussion pos-sible, celui qui a été accepté par les parties.

7. On délivrera aux parties intéressées un certificat d’enregistrement signépar le Secrétaire général de la Société des Nations ou par son délégué.

Les certificats ainsi délivrés seront numérotés par ordre de date.

8. Les traités ou engagements internationaux pourront aussi être présentésà l’enregistrement, par une des parties seulement, soit au nom de toutes lesparties en même temps, soit au nom de cette partie-là seulement, pourvuqu’il soit établi que le texte est authentiquement celui qui a été accepté parles parties.

9. La publication du traité ou de l’engagement enregistré au Secrétariat seraassurée automatiquement et le plus tôt possible par son insertion au Jour-nal officiel de la Société des Nations, dans la section réservée aux traités.Les Gouvernements de tous les États, Membres de la Société des Nations,recevront régulièrement des exemplaires de ce journal.

On disposera la section réservée à la publication des traités et engagementsde telle sorte qu’elle puisse commodément être disjointe du reste du Journalofficiel et être placée à part dans les bibliothèques publiques ou privées.

Une table des matières de la Section des Traités du Journal officiel de laSociété des Nations sera publiée périodiquement.

10. Pour la tenue du Registre, le Secrétaire général a l’intention d’appliquerla méthode suivante, qu’il croit de nature à convenir à la fois aux partiessignataires, et à toutes les personnes intéressées par le contenu des traités etles détails qui s’y rapportent.

On tiendra un registre dans l’ordre chronologique en faisant mention, à l’oc-casion, de chaque traité, engagement, acte international, des parties qui l’ontconclu, du titre (titre sommaire s’il en est un), des dates des signatures, desratifications, de la remise à l’enregistrement, en enfin du numéro sous lequell’acte a été enregistré.

Les exemplaires des actes remis au Secrétariat seront conservés comme uneannexe à ce registre. Chaque texte sera revêtu de la mention ne varieturapposée par le Secrétaire général ou son délégué.

Outre ce registre d’inscription dans l’ordre chronologique, on tiendra unsecond registre, qui consistera virtuellement l’état civil de tous les traitéset engagements envisagés. Comme dans un grand livre, une page spécialesera réservée à chaque traité ou engagement, on y notera tous les renseigne-ments qui se rapportent à l’acte envisagé, non seulement les signatures et

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ratifications des parties, mais aussi les adhésions subséquentes, dénoncia-tions, etc. On pourra y ajouter des notes relatives à la préparation ou àla discussion du traité, ou à la législation nationale, etc., qui auront été laconséquence du traité.

Le Secrétariat pourra à l’occasion être invité à délivrer aux États, aux Tribu-naux, ou aux particuliers intéressés, des extraits certifiés de ce registre, pourattester l’existence et la condition des traités et engagements internationaux,la date de leur entrée en vigueur, de leur ratification, de leur dénonciation,des réserves qui y ont été apportées, etc. Le Secrétaire général a l’intention dedonner au Bureau d’enregistrement des traités cette faculté, mais qu’aucuneresponsabilité légale ne puisse être encourue par le Secrétariat du fait de cesextraits.

Il sera dressé une table générale de la collection des traités et engagements.Elle sera disposée de façon à permettre une consultation facile.

11. LeRegistre des Traités du Secrétariat international aura aussi une sectionspéciale pour tous les traités ou conventions qui en vertu de stipulationsparticulières ou en vue d’un objet spécial, sont confiés à la garde du Secrétairegénéral.

Exemple : les projets de conventions et les recommandations de la Confé-rence internationale du Travail qui doivent, aux termes de l’article 405 duTraité de Versailles, être déposés au Secrétariat.

De même que tels autres projets de conventions ou telles recommandationsqui pourraient émaner d’organisations analogues et dépendant de la Sociétédes Nations.

12. On remarquera qu’aux termes de l’article 18, l’enregistrement est obliga-toire non seulement pour les traités entre les Membres de la Société des Na-tions, mais aussi pour les traités et les engagements conclus par un Membrede la Société avec un État qui n’a pas encore été admis dans la Société.

13. Dans cet ordre d’idées, on a suggéré de développer dès l’origine le sys-tème d’enregistrement des traités par le Secrétariat de la Société des Na-tions, de telle manière qu’il comprenne aussi l’enregistrement des traités,etc., conclus entre des États ou des collectivités qui n’auraient pas encoreété admis comme Membres de la Société des Nations. On complèterait ainsile système d’enregistrement des traités, et la collection des traités publiéedans la section des « Traités » du Journal officiel de la Société des Nations.Bien qu’il s’agisse dans ce cas d’un enregistrement entièrement facultatif,le Secrétaire général propose d’accepter les demandes d’enregistrement destraités même au cas ou aucune des parties ne serait aumoment de la demandeMembre de la Société des Nations.

Le Secrétaire général de la Société des Nations croit que l’expérience mon-trera le bon fonctionnement du système d’enregistrement et de publicationdes traités proposé dans ce mémorandum. Il serait heureux de recevoir toutesuggestion de modifications qui pourraient être apportées à ce projet.

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Documents

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