Top Banner
UNCORRECTED PROOF Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés § Outcome of children with repaired oesophageal atresia F. Gottrand * , R. Sfeir, S. Coopman, A. Deschildre, L. Michaud Centre de référence des affections congénitales et malformatives de l’œsophage, clinique de pédiatrie, hôpital Jeanne-de-Flandre, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France Résumé Si le pronostic initial de l’atrésie de l’œsophage est actuellement excellent, avec plus de 95 % de survie, les complications à long terme sont fréquentes. Un reflux gastro-œsophagien est retrouvé chez 26 à 75 % des cas, responsable d’œsophagite peptique, de sténose anastomotique et d’endobrachyœsophage, facteur de risque d’adénocarcinome de l’œsophage. Une dysphagie est fréquemment observée chez ces patients, parfois plusieurs années après la chirurgie touchant jusqu’à 45 % des enfants à l’âge de cinq ans. Un retard de croissance est présent chez près d’un tiers des enfants à l’âge de cinq ans. Les manifestations respiratoires sont particulièrement fréquentes, notamment dans les premières années, associant trachéomalacie favorisant les épisodes infectieux bronchopulmonaires (retrouvé chez près de 30 % des enfants à l’âge de 5 ans). La fistule œsotrachéale récidive rarement. Une déformation de la cage thoracique est rapportée chez 20 % des patients et une scoliose chez 10 % des patients. La qualité de vie de ces patients à l’âge adulte est cependant bonne et influencée par l’existence de malformations associées. Même si le pronostic actuel de l’atrésie de l’œsophage (AO) est bon dans l’ensemble, la fréquence des complications (digestive, respiratoire, nutritionnelle, orthopédique), à distance de l’intervention initiale et la nécessité d’une surveillance des lésions œsophagiennes secondaires justifient un suivi systématique et multidisciplinaire jusqu’à l’âge adulte. ß 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. Abstract Although initial prognosis of oesophageal atresia is nowadays excellent with more than 95% of survival, the long-term complications are frequent. A gastro-oesophageal reflux is found in 26 to 75% of the cases, responsible for peptic oesophagitis, anastomotic stenosis and Barrett’s oesophagus, risk factor of adenocarcinoma of the oesophagus. A dysphagia is frequently observed on these patients, sometimes several years after the surgery, observed in almost 45% of five-year-old children. Growth retardation is found in nearly a third of these children. Respiratory symptoms are particularly frequent, especially in the first years, associating tracheomalacia facilitating the bronchopulmonary infectious episodes (found in about 30% of 5-year-old children). Esotracheal fistula recurrence is very rare. A deformation of the rib cage is reported in 20%, and a scoliosis in 10% of the patients. However, the quality of life of these patients in the adulthood is good, and influenced by the existence of associated malformations. Even if the current prognosis of oesophageal atresia is good altogether, the frequency of the complications (digestive, respiratory, nutritional, orthopaedic) far from the initial intervention, and the necessity of a surveillance of the secondary oesophageal damages, justifies a systematic and multidisciplinary follow-up until adulthood. ß 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. Archives de pédiatrie xxx (2008) xxx–xxx 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 49 § Mise au point présentée aux Journées parisiennes de pédiatrie en octobre 2008 * Auteur correspondant. Service pédiatrie, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, 1, place de Verdun, 59037 Lille, France. Adresse e-mail : [email protected] (F. Gottrand). 0929-693X/$ see front matter ß 2008 Publie ´ par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.arcped.2008.09.027
6

Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés …afao.asso.fr/wp-content/uploads/2011/08/images_pdf_publications... · UNCORRECTED PROOF 1. INTRODUCTION L’atrésie de

Sep 15, 2018

Download

Documents

vanthu
Welcome message from author
This document is posted to help you gain knowledge. Please leave a comment to let me know what you think about it! Share it to your friends and learn new things together.
Transcript
Page 1: Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés …afao.asso.fr/wp-content/uploads/2011/08/images_pdf_publications... · UNCORRECTED PROOF 1. INTRODUCTION L’atrésie de

1

2

3

4

5

6

789

10

111213

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

29303132

33

34

35

36

37

38

39

40

41

42

43

44

45

4647

48

49 49

CO

RR

EC

TED

PR

OO

F

Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés§

Outcome of children with repaired oesophageal atresiaF. Gottrand *, R. Sfeir, S. Coopman, A. Deschildre, L. MichaudCentre de référence des affections congénitales et malformatives de l’œsophage, clinique de pédiatrie, hôpital Jeanne-de-Flandre, 2,avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France

Résumé

Si le pronostic initial de l’atrésie de l’œsophage est actuellement excellent, avec plus de 95 % de survie, les complicationsà long terme sont fréquentes. Un reflux gastro-œsophagien est retrouvé chez 26 à 75 % des cas, responsabled’œsophagite peptique, de sténose anastomotique et d’endobrachyœsophage, facteur de risque d’adénocarcinome del’œsophage. Une dysphagie est fréquemment observée chez ces patients, parfois plusieurs années après la chirurgietouchant jusqu’à 45 % des enfants à l’âge de cinq ans. Un retard de croissance est présent chez près d’un tiersdes enfants à l’âge de cinq ans. Les manifestations respiratoires sont particulièrement fréquentes, notammentdans les premières années, associant trachéomalacie favorisant les épisodes infectieux bronchopulmonaires(retrouvé chez près de 30 % des enfants à l’âge de 5 ans). La fistule œsotrachéale récidive rarement. Unedéformation de la cage thoracique est rapportée chez 20 % des patients et une scoliose chez 10 % des patients.La qualité de vie de ces patients à l’âge adulte est cependant bonne et influencée par l’existence de malformationsassociées. Même si le pronostic actuel de l’atrésie de l’œsophage (AO) est bon dans l’ensemble, la fréquence descomplications (digestive, respiratoire, nutritionnelle, orthopédique), à distance de l’intervention initiale et la nécessitéd’une surveillance des lésions œsophagiennes secondaires justifient un suivi systématique et multidisciplinaire jusqu’àl’âge adulte.� 2008 Publié par Elsevier Masson SAS.

Abstract

Although initial prognosis of oesophageal atresia is nowadays excellent with more than 95% of survival, the long-termcomplications are frequent. A gastro-oesophageal reflux is found in 26 to 75% of the cases, responsible for pepticoesophagitis, anastomotic stenosis and Barrett’s oesophagus, risk factor of adenocarcinoma of the oesophagus. Adysphagia is frequently observed on these patients, sometimes several years after the surgery, observed in almost45% of five-year-old children. Growth retardation is found in nearly a third of these children. Respiratory symptoms areparticularly frequent, especially in the first years, associating tracheomalacia facilitating the bronchopulmonary infectiousepisodes (found in about 30% of 5-year-old children). Esotracheal fistula recurrence is very rare. A deformation of the ribcage is reported in 20%, and a scoliosis in 10% of the patients. However, the quality of life of these patients in the adulthoodis good, and influenced by the existence of associated malformations. Even if the current prognosis of oesophageal atresia isgood altogether, the frequency of the complications (digestive, respiratory, nutritional, orthopaedic) far from the initialintervention, and the necessity of a surveillance of the secondary oesophageal damages, justifies a systematic andmultidisciplinary follow-up until adulthood.� 2008 Publié par Elsevier Masson SAS.

Archives de pédiatrie xxx (2008) xxx–xxx

UN

§ Mise au point présentée aux Journées parisiennes de pédiatrie en octobre 2008* Auteur correspondant. Service pédiatrie, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHU de Lille, 1, place de Verdun, 59037 Lille, France.

Adresse e-mail : [email protected] (F. Gottrand).

0929-693X/$ see front matter � 2008 Publie par Elsevier Masson SAS.

doi:10.1016/j.arcped.2008.09.027

Page 2: Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés …afao.asso.fr/wp-content/uploads/2011/08/images_pdf_publications... · UNCORRECTED PROOF 1. INTRODUCTION L’atrésie de

49

50

51

52

53

54

55

56

57

58

59

60

61

62

63

64

65

66

67

68

69

70

71

72

73

74

75

76

77

78

79

80

81

82

83

84

85

86

OO

F

1. INTRODUCTION

L’atrésie de l’œsophage (AO) est une malformationcongénitale de l’œsophage qui réalise une solution decontinuité entre les deux culs de sacs œsophagiens, supérieuret inférieur, associée parfois à une communication entre unsegment œsophagien (ou les deux) et l’arbre trachéobron-chique. La fréquence de cette malformation est estimée entre1/2500 à 1/4000 naissances vivantes (http://www.eurocat.uls-ter.ac.uk/). Il existe plusieurs formes anatomiques avec desprises en charge et des pronostics différents. La forme la plusfréquente (type III) possède le meilleur pronostic avec unesurvie actuelle de 100 %. La morbidité et la mortalité decertaines formes anatomiques (à grand écart interfragmen-taire), associées à une grande prématurité ou à desmalformations cardiaques sévères sont plus élevées [1,2].Quelle qu’en soit la forme, le devenir de ces enfants est émailléde complications à long terme (Tableau 1) [3].

2. DEVENIR DIGESTIF

Fig. 1. Endobrachyœsophage (la flèche représente la jonction entre lamuqueuse gastrique normale [rose pâle] et la métaplasie intestinale [rouge]).

F. Gottrand et al. / Archives de pédiatrie xxx (2008) xxx–xxx2

E86

87

88

89

90

91

92

93

94

95

96

97

98

99

100

101

102

103

104

La fréquence du reflux gastro-œsophagien (RGO) chez lesenfants opérés d’une AO est élevée et varie, selon les études etle mode d’exploration du RGO, entre 26 et 70 % [4]. À ladifférence de la situation habituelle en pédiatrie où laprévalence du RGO diminue après l’âge de la marche, leRGO a plutôt tendance à persister dans l’atrésie de l’œsophage.

Dans une série récente concernant 61 enfants opérés à lanaissance d’une AO, 39 % d’entre eux présentaient un RGO àl’âge d’un an et 44 % à l’âge de dix ans ; 46 % de ces enfants ontnécessité une intervention chirurgicale antireflux à l’âge dedix ans [5]. D’autres séries ne retrouvent à l’inverse que 11 %de chirurgie du RGO [3].

Le RGO a des conséquences nombreuses. L’œsophagitepeptique est observée dans 9 et 53 % des cas à distance de lapériode néonatale, selon les études ; l’endobrachyœsophage,ou œsophage de Barrett, est une lésion muqueuse quicorrespond au remplacement de la muqueuse malpighiennede l’extrémité distale de l’œsophage par une muqueuseglandulaire de type intestinale, observée chez 1 ou 2 % des

UN

CO

RR

Tableau 1Principales complications observées à long terme dans l’AO.

Type de complications Complications

Digestive RGO¨sophagite peptiqueDysphagie¨sophage de Barret

Nutritionnelle Retard croissanceDénutrition

Respiratoire Blockpnée-malaiseRécidive fistuleInfections respiratoiresToux, bronchopathies

Orthopédique Déformation thoraciqueScoliose

CTE

D P

Rpatients (Fig. 1) [6]. La métaplasie intestinale est un facteur derisque important de développer un adénocarcinome del’œsophage. Cependant, peu de cas ont été rapportés à cejour compte tenu du jeune âge des patients opérés avec succèset les études épidémiologiques restent rares [7]. De raresobservations de carcinomes épidermoïdes au niveau de lacicatrice de l’anastomose œsophagienne ont été rapportés,très à distance de l’intervention [8]. Le RGO favorise égalementla survenue d’une sténose anastomotique (Fig. 2), parfoisrécidivante et/ou très à distance de l’intervention initiale. Lafréquence de la sténose anastomotique varie selon les étudesde 8 à 59 % [3,9]. Des dilatations œsophagiennes sont alorsnécessaires et peuvent se réaliser à la bougie ou au ballonnetsous contrôle endoscopique (Fig. 3).

La récidive de la sténose œsophagienne après dilatation estfréquemment observée et doit faire évoquer un RGO noncontrôlé, ce qui peut justifier un traitement chirurgicalantireflux.

Fréquence (%) Âge de survenue

26–70 1–10 ans9–53 1–15 ans45 5 ans1–2 Adolescence, adulte

30 5 ans

Rare < 1 an< 10 < 18 mois30 5 ans25–50 2/3 avant 5 ans, possible chez adulte

20 5–10 ans10 Enfance, adulte

burmed3
Note
ajouter une fléche noire dont la pointe doit être à la jonction entre la partie rose pael et la partie rouge (cf légende de la figure
burmed3
Texte inséré
du fait que
Page 3: Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés …afao.asso.fr/wp-content/uploads/2011/08/images_pdf_publications... · UNCORRECTED PROOF 1. INTRODUCTION L’atrésie de

OR

RE

C

104

105

106

107

108

109

110

111

112

Fig. 2. Sténose anastomotique de l’œsophage avant dilatationœsophagienne.

Fig. 3. Dilatation de l’œsophage per endoscopique à l’aide d’un ballonnet(flèche).

F. Gottrand et al. / Archives de pédiatrie xxx (2008) xxx–xxx 3

UN

CPlusieurs techniques ont été proposées afin d’éviter larécidive de la sténose après dilatation, mise en place deprothèse œsophagienne, ou stent, infiltration de corticoïdes ausein de la lésion ou de tamponnement de mitomycine C [10].

Des anomalies de la motricité œsophagienne, ainsi que dutonus et de la relaxation sont observés chez la majorité despatients opérés à la naissance d’une AO, même en l’absence desymptômes digestifs. Une dysphagie est fréquemment observéechez ces patients, parfois plusieurs années après la chirurgie, les

TED

PR

OO

F

épisodes de dysphagie touchant dans certaines séries jusqu’à45 % des enfants à l’âge de cinq ans [11].

La fréquence du RGO est telle que la plupart des équipesproposent un traitement médical antireflux (le plus souventantisécrétoire) systématique et prolongé. Ainsi, dans un travailrécent portant sur les enfants qui recevaient des inhibiteurs dela pompe à protons de façon très prolongée (en moyennependant trois ans, avec un maximum de 11 ans), l’atrésie del’œsophage représentaient 15 % des indications [12]. Quand leRGO est sévère, compliqué, en particulier, de manifestationsrespiratoires et/ou prolongé, une intervention antireflux (leplus souvent par valve de Nissen) est nécessaire et pourraitprotéger le patient du risque d’adénocarcinome. Rarement, desinterventions de déconnexion gastrique sont nécessaires quandle RGO n’est pas contrôlable chirurgicalement ou quel’intervention de Nissen n’est pas possible [13].

Parfois, quand la réparation chirurgicale initiale de l’atrésieœsophagienne n’est pas possible (forme à très grand défect) ouque le résultat fonctionnel est mauvais (dysphagie complète), unremplacement œsophagien par œsophagoplastie, ou transposi-tion gastrique, est nécessaire [14]. Ce type d’intervention portesa morbidité propre et les résultats à distance sur la croissance,la nutrition, l’état respiratoire restent médiocres.

3. DEVENIR NUTRITIONNEL

Même si les progrès récents, à la fois sur le plan destechniques chirurgicales, de la réanimation néonatale et dusoutien nutritionnel, ont permis une réduction importante de ladénutrition et des séquelles sur la croissance et la puberté, unretard de croissance reste présent chez près d’un tiers desenfants à l’âge de cinq ans [11]. Les facteurs de dénutritionidentifiés sont les formes chirurgicales à grand défect, lestroubles de motricité et la dysphagie, les formes d’atrésie del’œsophage associées à des cardiopathies ou des anomalieschromosomiques, le RGO, les sténoses œsophagiennes, lesremplacements œsophagiens. Une attention particulière surl’état nutritionnel et la croissance sont nécessaires, en particulierau moment des pics de croissance (quatre premières années devie, période pubertaire). Quand un support nutritionnel estnécessaire, après échec de toutes les techniques conservatrices(traitement du RGO, rééducation orthophonique, enrichisse-ment de l’alimentation, compléments énergétique), la nutritionentérale, idéalement par gastrostomie, est la technique de choix.Elle est efficace, facile à poursuivre à domicile et le plus souventbien tolérée [15].

4. DEVENIR RESPIRATOIRE

Les manifestations respiratoires sont particulièrementfréquentes, notamment dans les premières années, l’AOtouchant également les voies aériennes [16]. En dehors desmalformations associées, cardiaques notamment, leur patho-génie met en cause divers facteurs, congénitaux ou acquis,qui s’intriquent. Le RGO, les troubles de la motricitéœsophagienne, la sténose anastomotique de l’œsophage sontd’importants facteurs de risque, en favorisant l’inhalation et

burmed3
Barrer
burmed3
Texte de remplacement
est nécessaire
burmed3
Note
idem ici insérer une flèche noire montrant le ballonnet (jonction muqueuse rosé et cercle foncé qui représente le ballonnet
burmed3
Barrer
burmed3
Texte de remplacement
:
burmed3
Texte inséré
e
Page 4: Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés …afao.asso.fr/wp-content/uploads/2011/08/images_pdf_publications... · UNCORRECTED PROOF 1. INTRODUCTION L’atrésie de

E

166

167

168

169

170

171

172

173

174

175

176

177

178

179

180

181

182

183

184

185

186

187

188

189

190

191

192

193

194

195

196

197

198

199

200

201

202

203

204

205

206

207

208

209

210

211

212

213

214

215

216

217

218

219

220

221

222

223

224

225

226

227

228

229

230

231

232

233

234

235

236

237

238

239

240

241

242

243

244

245

246

247

248

249

250

251

252

253

254

255

256

257

258

259

260

261

Fig. 4. Aspect typique de la boucle débit volume chez un enfant de dix ansavec antécédents d’AO de type III, évoquant une dyskinésie trachéale.

F. Gottrand et al. / Archives de pédiatrie xxx (2008) xxx–xxx4

UN

CO

RR

en aggravant la trachéomalacie. La trachéomalacie estclassiquement intégrée au syndrome malformatif, dans lamesure où on constate des anomalies de la structure trachéale(en forme de « U » plutôt qu’en « C »), avec une augmentationde la membrane postérieure, au détriment des cartilages [17] ;elle peut être localisée au niveau et au-dessus de la fistule ouplus étendue. Elle a comme conséquence la stase des sécrétionset favorise donc les épisodes infectieux bronchopulmonaires.Elle est aggravée par le RGO, les fausses routes, la distensionsus-anastomotique de l’œsophage (compression postérieure)ou encore les rapports vasculaires (compression antérieure parl’aorte ou le tronc artériel brachiocéphalique). Elle a tendance às’améliorer avec le temps et le traitement des facteurs associéscomme le RGO. Dans les formes sévères, qui se traduisent pardes manifestations respiratoires graves, parfois des malaises, lapose d’une prothèse (stent) ou plus souvent un traitementchirurgical (aortopéxie, fundoplication) peuvent être nécessai-res [17,18].

Après la chirurgie, il peut persister un trajet fistulaire borgne(selon la technique chirurgicale utilisée), également sourced’infection, notamment dans les premières années. La fistuleœsotrachéale récidive rarement, habituellement au cours desdeux à 18 mois après la chirurgie réparatrice initiale. Si Kovesiet al. rapportent une récidive dans 9 % des cas, cette fréquenceest aujourd’hui moindre en raison des progrès de la chirurgie[17]. Cette récidive s’observe plus fréquemment en cas delâchage de la suture initiale, d’anastomose sous tension ou desténose congénitale associée. Elle se manifeste par une toux,des fausses routes, voire des accès de cyanose au cours desrepas, des pneumopathies à répétition ou un foyer pulmonairechronique [17]. Un nouveau traitement chirurgical est dans cecas nécessaire ; l’injection de glue par voie bronchoscopique aaussi été proposée [19].

D’autres mécanismes pourraient participer aux manifesta-tions respiratoires. Cozzi et al. ont rapporté les observationsde 15 nourrissons (8 prématurés) présentant une forme sévèred’AO à grand défect, empêchant une réparation complèted’emblée, et des manifestations graves (blockpnées, malaisesgraves). Ils ont souligné le rôle de la glossoptose, mais aussid’anomalies du contrôle ventilatoire associées à des manifes-tations de dysautonomie, telles que celles rencontrées dans lesyndrome de Pierre Robin [20].

Les manifestations respiratoires sont décrites à tout âge dela vie [17,21]. Dans une série ancienne de 334 patients, âgésd’un à 37 ans et opérés d’une AO, une hospitalisation pourproblème respiratoire était rapportée chez 50 % d’entre eux.Deux tiers des admissions avaient eu lieu avant cinq ans et 5 %des patients avaient été hospitalisés plus de cinq fois. Lespatients avec RGO ou un faible poids de naissance (< 2500 g)avaient une plus grande probabilité d’être hospitalisés [21]. Lescomplications respiratoires peuvent être létales (60 % descauses de mortalité après l’âge de 2 ans) [17].

Les infections respiratoires restent fréquentes dans lespremières années de vie, rapportées chez 29 % des enfantssuivis jusqu’à l’âge de cinq ans [11]. Elles touchent plusparticulièrement les lobes inférieurs et le lobe moyen.Favorisées par le RGO et l’inhalation, elles peuvent justifier,

CTE

D P

RO

OF

par leur fréquence et leur gravité, un traitement chirurgicalantireflux. Elles se compliquent rarement de dilatations desbronches. La toux chronique ou récidivante, favorisée par lesépisodes infectieux, est également fréquente et persistante. Detonalité rauque, elle évoque la dyskinésie trachéale associée à latrachéomalacie.

Dans une série lilloise réunissant 35 des 109 patients opérésentre 1983 et 1993, âgés de cinq à 16 ans au moment du recueil(médiane : 11,5 ans), 94 % avaient présenté des bronchites oupneumopathies récidivantes et 57 % une infection basse dansl’année précédente. La toux rauque était présente chez 83 %d’entre eux [22]. Des manifestations sont encore observées àl’âge adulte.

Dans la série de Chetcuti et al., 24 % des 125 adultes (âgemoyen : 25 ans) avaient consulté dans l’année précédente pourmanifestations respiratoires [21]. À terme, les séquellesrespiratoires de l’AO pourraient constituer un terrain à risquede bronchopathie chronique obstructive (BPCO), notammentchez les patients présentant des anomalies de la fonctionrespiratoire [17].

La fonction respiratoire est le plus souvent dans les limites dela normale. Toutefois, un syndrome restrictif est retrouvé chez20 à 49 % des patients [16], favorisé par les antécédents dethoracotomie, la scoliose et les antécédents infectieux. Lesyndrome obstructif est également décrit avec des fréquencesvariables entre 12 et 54 % [16,17]. Dans la série lilloise, lesyndrome restrictif (CPT < 80 %) était observé chez 17 % despatients et le syndrome obstructif chez 31 % (VEMS/CVL < 0,8)[22]. On observe surtout un aspect particulier et persistant avecla croissance de la boucle débit volume « cassure » en débutd’expiration), traduisant la dyskinésie trachéale (Fig. 4).

La réactivité bronchique a été étudiée dans quelques séries,retrouvée dans 22 à 63 % des cas [16], avec toutefois des testset une définition variant d’une série à l’autre et l’absence deprécision sur l’atopie et donc sur un éventuel asthme associé.L’insuffisance respiratoire chronique est exceptionnelle. Enfin,on manque de données sur la tolérance à l’effort de cespatients.

Page 5: Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés …afao.asso.fr/wp-content/uploads/2011/08/images_pdf_publications... · UNCORRECTED PROOF 1. INTRODUCTION L’atrésie de

261

262

263

264

265

266

267

268

269

270

271

272

273

274

275

276

277

278

279

280

281

282

283

284

285

286

287

288

289

290

291

292

293

294

295

296

297

298

299

300

301

302

303

304

305

306

307

308

309

310

311

312

F. Gottrand et al. / Archives de pédiatrie xxx (2008) xxx–xxx 5

UN

CO

RR

E

5. DEVENIR ORTHOPÉDIQUE

Une déformation de la cage thoracique est rapportée chez20 % des patients et une scoliose chez 10 % des patients [17]. Ladéformation thoracique n’a pas de conséquence sur la fonctionventilatoire, mais uniquement esthétique. La scoliose estd’autant plus fréquente qu’il existe des anomalies vertébralesou que le patient a subi une thoracotomie, une résection decôtes ou des muscles dorsaux. La scoliose est souvent associéeà des anomalies de la fonction ventilatoire. La scoliose peutparfois nécessiter une correction chirurgicale, d’autant plusqu’elle s’associe à des anomalies vertébrales. Le choix del’abord chirurgical lors de la réparation initiale de l’atrésie del’œsophage (thoracoscopie, voie axillaire) est important pour laprévention de cette complication et, notamment, la thoraco-tomie sans section musculaire (Saved muscle thoracotomy), quiactuellement doit être de rigueur pour la majorité des équipes[23].

6. TRANSITION À L’ÂGE ADULTE, QUALITÉDE VIE

La nécessité d’organiser la transition à l’âge adulte desaffections chroniques révélées dans l’enfance est de recon-naissance récente [24]. Cela est particulièrement vrai dansl’AO, où les progrès des dernières décennies font que lamajorité des enfants opérés à la naissance d’une AOdeviendront des adultes et que l’idée initiale de « guérison »,une fois l’anastomose chirurgicale réalisée, est maintenantabandonnée par la plupart des équipes, qui reconnaissent lamorbidité à distance de la période néonatale et la nécessité d’unsuivi prolongé.

L’âge idéal et les modalités de cette transition nécessitentune collaboration étroite entre les équipes pédiatriques et demédecins d’adulte acceptant de prendre en charge ces jeunesadultes présentant une affection qu’ils connaissent peu audépart. Cette transition à l’âge adulte semble se passerhabituellement bien dans l’atrésie de l’œsophage, par rapport àd’autres affections, tels que l’insuffisance rénale terminale ou lecancer [24].

Quelques études chez des jeunes adultes présentant uneAO retrouvaient une bonne qualité de vie [25,26]. De mauvaisscores de qualité de vie relatifs aux symptômes respiratoiresétaient retrouvés chez 8 % des patients présentant une AOcontre 2 % des patients témoins ( p < 0,05) [26]. Parmi les19 patients présentant une AO et une mauvaise qualité de vie(15 % des patients), 42 % avaient une malformation associée et58 % une autre affection acquise associée [26].

7. CONCLUSION

Même si le pronostic actuel de l’AO est bon dans l’ensemble,la fréquence des complications (digestive, respiratoire, nutri-tionnelle, orthopédique) à distance de l’intervention initiale, etla nécessité d’une surveillance des lésions œsophagiennessecondaires au RGO et à l’AO, justifie un suivi systématique etmultidisciplinaire jusqu’à l’âge adulte.

CTE

D P

RO

OF

CONFLITS D’INTÉRÊTS

Aucun.

RÉFÉRENCES

[1] Taguchi T. Current progress in neonatal surgery. Surg Today2008;38:379–89.

[2] Goyal A, Jones MO, Couriel JM, et al. Oesophageal atresia andtracheo-oesophageal fistula. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed2006;91:F381–4.

[3] Lilja HE, Wester T. Outcome in neonates with esophageal atresia treatedover the last 20 years. Pediatr Surg Int 2008;24:531–6.

[4] Lall A, Morabito A, Bianchi A. Total Gastric Dissociation (TGD)’’ indifficult clinical situations. Eur J Pediatr Surg 2006;16:396–8.

[5] Koivusalo A, Pakarinen MP, Rintala RJ. The cumulative incidence ofsignificant gastro-oesophageal reflux in patients with oesophageal atresiawith a distal fistula - a systematic clinical, pH-metric, and endoscopicfollow-up study. J Pediatr Surg 2007;42:370–4.

[6] Deurloo JA, Ekkelkamp S, Taminiau JA, et al. Esophagitis and Barrettesophagus after correction of esophageal atresia. J Pediatr Surg2005;40:1227–31.

[7] Sistonen SJ, Koivusalo A, Lindahl H, et al. Cancer after repair of esophagealatresia: population-based long-term follow-up. J Pediatr Surg2008;43:602–5.

[8] Pultrum BB, Bijleveld CM, de Langen ZJ, et al. Development of anadenocarcinoma of the esophagus 22 years after primary repair of acongenital atresia. J Pediatr Surg 2005;40:e1–4.

[9] Michaud L, Guimber D, Sfeir R, et al. Anastomotic stenosis after surgicaltreatment of esophageal atresia: frequency, risk factors and effectivenessof esophageal dilatations. Arch Pediatr 2001;8:268–74.

[10] Uhlen S, Fayoux P, Vachin F, et al. Mitomycin C: an alternative conservativetreatment for refractory esophageal stricture in children? Endoscopy2006;38:404–7.

[11] Little DC, Rescorla FJ, Grosfeld JL, et al. Long-term analysis of childrenwith esophageal atresia and tracheoesophageal fistula. J Pediatr Surg2003;38:852–6.

[12] Hassall E, Kerr W, El-Serag HB. Characteristics of children receivingproton pump inhibitors continuously for up to 11 years duration. J Pediatr2007;150:262–7.

[13] de Lagausie P, Bonnard A, Schultz A, et al. Reflux in esophageal atresia,tracheoesophageal cleft, and esophagocoloplasty: Bianchi’s procedure asan alternative approach. J Pediatr Surg 2005;40:666–9.

[14] Tannuri U, Maksoud-Filho JG, Tannuri AC, et al. Which is better foresophageal substitution in children, esophagocoloplasty or gastrictransposition? A 27-year experience of a single center. J Pediatr Surg2007;42:500–4.

[15] Daveluy W, Guimber D, Mention K, et al. Home enteral nutrition inchildren: an 11-year experience with 416 patients. Clin Nutr2005;24:48–54.

[16] Malmstrom K, Lohi J, Lindahl H, et al. Longitudinal follow-up of bronchialinflammation, respiratory symptoms, and pulmonary function inadolescents after repair of esophageal atresia with tracheoesophagealfistula. J Pediatr 2008;153:396–401.

[17] Kovesi T, Rubin S. Long-term complications of congenitalesophageal atresia and/or tracheoesophageal fistula. Chest2004;126:915–25.

[18] Nasr A, Ein SH, Gerstle JT. Infants with repaired esophageal atresiaand distal tracheoesophageal fistula with severe respiratory distress:is it tracheomalacia, reflux, or both? J Pediatr Surg 2005;40:901–3.

[19] Gutierrez San Roman C, Barrios JE, Lluna J, et al. Long-term assessment ofthe treatment of recurrent tracheoesophageal fistula with fibrin glueassociated with diathermy. J Pediatr Surg 2006;41:1870–3.

[20] Cozzi DA, Zani A, Conforti A, et al. Pathogenesis of apparent life-threatening events in infants with esophageal atresia. Pediatr Pulmonol2006;41:488–93.

Page 6: Atrésie de l’œsophage : devenir des enfants opérés …afao.asso.fr/wp-content/uploads/2011/08/images_pdf_publications... · UNCORRECTED PROOF 1. INTRODUCTION L’atrésie de

377378

379

380

381

382

383

384

385

385

386

387

388

389

390

391

392

393393

F. Gottrand et al. / Archives de pédiatrie xxx (2008) xxx–xxx6

[21] Chetcuti P, Phelan PD. Respiratory morbidity after repair ofoesophageal atresia and tracheo-oesophageal fistula. Arch Dis Child1993;68:167–70.

[22] Dumonceaux A, Cixous E, Sfeir R, et al. Pulmonary status in children withrepaired oesophageal atresia. Pediatr Pulmonol 2001;26(Suppl 23):185.

[23] Kalman A, Verebely T. The use of axillary skin crease incision forthoracotomies of neonates and children. Eur J Pediatr Surg2002;12:226–9.

UN

CO

RR

E

[24] Stam H, Hartman EE, Deurloo JA, et al. Young adult patients with a historyof pediatric disease: impact on course of life and transition into adulthood.J Adolesc Health 2006;39:4–13.

[25] Deurloo JA, Ekkelkamp S, Hartman EE, et al. Quality of life in adultsurvivors of correction of esophageal atresia. Arch Surg 2005;140:976–80.

[26] Koivusalo A, Pakarinen MP, Turunen P, et al. Health-related quality of lifein adult patients with esophageal atresia – a questionnaire study. J PediatrSurg 2005;40:307–12.

CTE

D P

RO

OF