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UNIVERSIT MONTESQUIEU - BORDEAUX IV
COLE DOCTORALE DE DROIT (E.D. 41)
DOCTORAT en DROIT
Franck Nicphore YOUGON
ARBITRAGE COMMERCIAL INTERNATIONAL
ET DVELOPPEMENT
tude du cas des tats de lOHADA et du Mercosur
Thse dirige par M. Michel BLANGER, Professeur mrite de
lUniversit Montesquieu - Bordeaux IV
Soutenue publiquement le 11 septembre 2013
Jury : M. Michel BLANGER, Professeur mrite de lUniversit
Montesquieu - Bordeaux IV, directeur de thse. M. Jean-Marie
CROUZATIER, Professeur lUniversit Toulouse I Capitole, rapporteur.
M. Eric MONDIELLI, Professeur lUniversit de Nantes, rapporteur. M.
Denis POH-TOKPA, Matre de confrences (HDR) lUniversit Montesquieu -
Bordeaux IV.
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Pour mon pouse et nos enfants
Pour mon pre, ma mre, mes surs et mes frres
Pour toute la famille YOUGON.
Merci.
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REMERCIEMENTS :
Mes remerciements iront tout dabord au Professeur Michel
BLANGER, qui a su tout le
long de ces annes me donner un espace de libert, des conseils
aviss et sa disponibilit sans
faille.
Je remercie galement Mme Marie Christine GOURRIBON, pour son
prcieux travail de
relecture et son soutien.
Un remerciement particulier ma famille, spcialement mon pre et
ma mre qui mont
soutenu toutes ces annes et appris que les tudes sont avant tout
notre unique et seul atout.
Enfin, ces remerciements nauraient pas t complets sans une pense
pour mon pouse qui
a su me soutenir dans les moments parfois difficiles de la vie
de doctorant. Yes we did.
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LISTE DES ACRONYMES : AAA American Arbitration Association AFDI
Annuaire Franais de Droit International AUA Acte Uniforme sur
lArbitrage CCI Chambre de Commerce Internationale C. A. Cour dAppel
C. Cass. Cour de Cassation CCJA Cour Commune de Justice et
dArbitrage CEMAC Communaut conomique et Montaire de lAfrique
Centrale CIAC Commission Interamricaine dArbitrage Commercial CIJ
Cour internationale de justice CIRDI Centre International pour le
Rglement des Diffrends relatifs lInvestissement CJCE Cour de
Justice de la Communaut Europenne CMC Conseil du March Commun
CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial
International CPJI Cour Permanente de Justice Internationale CPA
Cour Permanente dArbitrage CVIM Convention des Nations Unies sur la
Vente Internationale de Marchandises EDJA ditions Juridiques
Africaines EPIC tablissement Public Industriel et Commercial GMC
Groupe du March Commun IBA International Bar Association JCP
Jurisclasseur Priodique LGDJ Librairie Gnrale de Droit et de
jurisprudence JDI Journal de Droit International Mercosur Mercado
Comn del Sur (March Commun du Sud) OEA Organisation des tats
Amricains OHADA Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires ONU Organisation des Nations Unies OMC
Organisation Mondiale du Commerce PB Protocole de Brasilia PO
Protocole dOlivos POP Protocole dOuro Preto RDAI Revue de Droit des
Affaires Internationales RCDIP Revue critique de droit
international priv RIDC Revue Internationale de droit compar RGDIP
Revue Gnrale de Droit International Public SFDI Socit franaise pour
le droit international TPR Tribunal Permanent de Rvision UEMOA
Union conomique et Montaire Ouest-Africaine
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PLAN SOMMAIRE : PARTIE I : LARBITRAGE UN INSTRUMENT DE
DVELOPPEMENT DE
LINTGRATION AU SEIN LOHADA ET DU MERCOSUR
Titre I : Larbitrage facteur de dveloppement de lintgration
normative au sein de lOHADA
et du Mercosur ..p. 40
Chapitre I : Lchec de la volont initiale dharmoniser le droit de
larbitrage..p. 42
Section I : Les efforts dharmonisation du droit de larbitrage
avant la cration du Mercosur
et de lOHADA..p. 43
Section II : Lchec des efforts dharmonisation du droit de
larbitrage prcdant la
cration du Mercosur et de lOHADA..p. 66
Chapitre II : Le succs de lintgration du droit de larbitrage au
sein de lOHADA et du
Mercosur..p. 77
Section I : Luniformisation : la technique dintgration du droit
de larbitrage choisie au
sein de lOHADA et du Mercosur..p. 78
Section II : Laboutissement au droit commun de larbitrage
commercial international du
Mercosur et de lOHADA..p. 90
Titre II : Larbitrage facteur de dveloppement de lintgration
rgionale au sein de lOHADA
et du Mercosur..p. 127
Chapitre I : Lmergence de juridictions arbitrales favorables
lintgration rgionale au sein
de lOHADA et du Mercosur..p. 128
Section I : lmergence des juridictions arbitrales au sein du
Mercosur et de lespace
OHADA..p. 129
Section II : La contribution des juridictions arbitrales
leffectivit des systmes
juridiques du Mercosur et de lOHADA..p. 140
Chapitre II : La contribution effective des juridictions
arbitrales la consolidation de
lintgration rgionale au sein de lOHADA et du Mercosur..p.
155
Section I : Les mcanismes juridictionnels de mise en uvre des
sentences arbitrales dans le
Mercosur et dans lOHADA..p. 156
Section II : Ladoption par les juridictions arbitrales du
Mercosur et de lOHADA dune
jurisprudence uvrant pour la consolidation de lintgration
rgionale..p. 168
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PARTIE II : LARBITRAGE UN INSTRUMENT DE DVELOPPEMENT DE LA
SECURIT JUDICIAIRE ET JURIDIQUE AU SEIN LOHADA ET DU
MERCOSUR
Titre I : Larbitrage une source de dveloppement de la scurit
judiciaire au sein de
lOHADA et du Mercosur..p. 189
Chapitre I : recours larbitrage un palliatif au manque de
confiance dans le juge tatique au
sein de lOHADA et du Mercosur..p. 191
Section I : Larbitre : un juge choisi par les parties..p.
192
Section II : La mission juridictionnelle de larbitre : un gage
de scurit judiciaire pour les
parties..p. 203
Chapitre I : Larbitrage un facteur de dveloppement de la scurit
judiciaire au sein de
lOHADA et du Mercosur..p. 225
Section I : Lamlioration de la scurit judiciaire travers
lassistance du juge tatique
linstance arbitrale...p. 226
Section II : Lamlioration de la scurit judiciaire travers le
contrle du juge tatique sur
la sentence arbitrale..p. 238
Titre II Larbitrage une source de dveloppement de la scurit
juridique au sein de
lOHADA et du Mercosur..p. 249
Chapitre I Larbitrage un mcanisme de lutte contre linscurit
juridique au sein de
lOHADA et du Mercosur..p. 251
Section I : Larbitrage un mcanisme de lutte contre linscurit
juridique dans lOHADA et
dans le Mercosur travers la notion dordre public..p. 252
Section II : Larbitrage un mcanisme de lutte contre les
pratiques contraires lthique
commerciale...p. 293
Chapitre II Larbitrage une source de dveloppement de la scurit
judiciaire au sein de
lOHADA et du Mercosur..p. 321
Section I : Lapplication par larbitrage de rgles juridiques
favorables la scurit
juridique des changes commerciaux internationaux au sein de
lOHADA et du Mercosur
p. 322
Section II : Lapplication par larbitrage de mcanismes juridiques
favorables la scurit
juridique des changes commerciaux internationaux..p. 368
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4
INTRODUCTION GNRALE :
1. La vie conomique de notre temps est devenue inconcevable sans
larbitrage 1. Ces
mots du professeur Ren DAVID qui datent pourtant dun peu plus
dune vingtaine dannes
refltent parfaitement les ralits actuelles : larbitrage est le
mode usuel et privilgi de
rglement des diffrends dans la sphre du commerce international.
Pour nous en convaincre,
nous pouvons souligner deux faits. Dabord, il existe sur ce
point une relle unanimit
doctrinale2. De plus, il y a une acceptation, promotion et
pratique de larbitrage3 dans des
pays de niveau de dveloppement diffrent, cest--dire dans les
pays dvelopps aussi bien
que dans les pays en dveloppement4. Larbitrage commercial
international est dsormais un
enjeu de dveloppement. Alain PLANTEY a trs justement rsum cette
situation lorsquil a
affirm que larbitrage est devenu aujourd'hui dans le monde
entier un des lments
essentiels du dispositif juridique des grands projets
d'investissement et de dveloppement
5. La place quoccupe ce mcanisme de rglement des diffrends au
niveau mondial nest pas
le fruit du hasard. Elle est le produit de plusieurs
facteurs.
1 V. R. DAVID, Le droit du commerce international Rflexions dun
comparatiste sur le droit international 2 En tmoignent le nombre
important et la varit dcrits et de travaux sur cette matire v. R.
DAVID, Larbitrage commercial dans le commerce international, Paris,
Economica, 1981. V. aussi A. REDFERN et M. HUNTER, Droit et
pratique de larbitrage commercial international, Paris, LGDJ, 2me
dition, 1994. V. surtout Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, et B. GOLDMAN,
Trait de larbitrage commercial international, Paris, Litec, 1996.
V. aussi J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit Compar de larbitrage
international, Bruxelles, Bruylant, LGDJ, 2002. V. enfin J.-F.
POUDRET, Loriginalit du franais de larbitrage au regard du droit
compar , RIDC, 2004, n1, p. 139. 3 En effet, comme le dmontre Ph.
FOUCHARD, E. GAILLARD, et B. GOLDMAN, op.cit., p. 3, larbitrage est
devenu le mode normal de rglement des diffrends en matire de
commerce international. En atteste la modernisation constante des
lgislations nationales sur cette matire dans le monde entier. En
atteste aussi, la forte ratification par les tats, des conventions
internationales multilatrales sur ce domaine. La Convention de New
York de 1958 sur la reconnaissance et lexcution des sentences
arbitrales a t ratifie ce jour par 149 tats (consulter le site de
la CNUDCI sur Internet : www.uncitral.org). La Convention de
Washington de 1965 CIRDI a t ce jour ratifie par 148 tats
(consulter le site de la banque mondiale sur Internet :
www.worldbank.org). En atteste enfin, et ce du fait du manque dune
juridiction internationale pour les litiges dordre priv, lactivit
croissante et la multiplication (difficilement quantifiable) des
centres darbitrage dans le monde entier. La Cour internationale
darbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) qui a t
cre en 1923, dont le nombre daffaires ne cesse de crotre chaque
anne est aujourdhui considre comme le gant mondial parmi les
institutions permanentes darbitrages. V. Bulletin de la Cour
internationale darbitrage de la CCI, 2007, volume 18, n 1. 4 V. J.
SALMON (dir.), Dictionnaire de Droit International Public,
Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001, p. 814 et 815. Les pays en
dveloppement sont une catgorie dtats dsigns officiellement comme
tels, le plus souvent par des organisations internationales, par
rfrence diffrentes mthodes combines ou non (recours divers critres
dont le PNB par habitant titre principal . 5 V. A. PLANTEY,
Larbitrage dans le commerce international , AFDI, 1990, p. 307.
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5
I Larbitrage mode traditionnel de rglement des diffrends dans
les relations
commerciales internationales
2. Le premier facteur qui doit tre pris en compte est
lenracinement profond de cette
institution dans le temps et dans les pratiques de diffrents
groupes humains et civilisations
travers le monde. Effectivement, divers systmes juridiques
anciens connaissaient et
recouraient dj larbitrage. Nous pouvons principalement citer les
pratiques arbitrales
dcouvertes chez les Assyriens6, dans la Grce antique7 et surtout
dans lEmpire Romain o le
Code Justinien, travers le Digeste, a donn un cadre juridique
larbitrage8. LArabie
prislamique a galement connu un systme darbitrage trs labor (le
hakam)9.
3. Aussi, il faut mettre en exergue le fait que dans les
diffrentes cultures juridiques des
peuples de lAfrique noire10 et dans celles des peuples de
lAmrique Latine11, il a toujours
exist une certaine forme de prdisposition 12 larbitrage ou en
tout cas la mdiation
dans le dnouement des litiges. Prenons lexemple de la justice en
Afrique francophone
lpoque prcoloniale13. La justice cette poque, qui tait
principalement orale (la palabre)14
avait pour fonction la prservation de lordre social au sein du
groupe ou de lethnie. Elle
tait axe sur lquilibre entre les membres du groupe plutt que sur
la protection des droits
individuels. Le litige tait considr comme un trouble la cohsion
sociale et devait tre
tranch par la voie de la ngociation ou de la conciliation. La
justice prcoloniale tait
conciliatoire et surtout perue comme une occasion de
rconciliation plutt quun moment
6 V. Th. CLAY, Larbitre, Paris, Dalloz, 2001, p. 3 o lauteur
prcise que les premires dcouvertes relatives larbitrage ont t
faites chez les Assyriens la fin du IIIe millnaire avant notre re.
V. aussi A.-F. ZATARRA-GROS, Arbitrage et procs quitable dans la
zone sud-ouest de locan indien , RIDC, 2007, n3, p. 597. 7 V. J.
VELISSAROPOULOS-KARAKOSTAS, Larbitrage dans la Grce antique. poque
archaque et classique , Revue de larbitrage, 2000, p. 9 et s. A
travers cet article lauteure dmontre que les premires traces de
larbitrage en droit hellnique datent du VIIIe sicle avant J.-C. 8
Ibid., p. 14. 9 Ibid., p. 4. 10 V. E. LE ROY, Le justiciable
africain et la redcouverte dune voie de rglement des conflits ,
Afrique Contemporaine, n156, 4/90, p. 111 120. V. aussi F. K.
CAMARA et A. CISS, Arbitrage et mdiation dans les cultures
ngro-africaines entre la prdisposition dnouer et la mission de
trancher , Revue de larbitrage, 2009, n 2, p. 285 316, spc., p. 287
o les auteurs considrent que la justice africaine est un outil de
paix sociale qui a pour paradigme le Mat (un principe divin gyptien
de lquit et de la vrit, source dordre et dharmonie). 11 V. D.
VENTURA, Les asymtries entre le Mercosur et lUnion Europenne, les
enjeux dune association interrgionale, Paris, LHarmattan, 2003, p.
206 o cette auteure prcise que ladage mieux vaut un mauvais accord
quun bon procs est trs prsent et influant dans les pratiques des
tats de lAmrique Latine. 12 Ibid., p. 290 301. 13 V. E. LE ROY, Les
Africains et lInstitution de la Justice : Entre mimtismes et
mtissages, Paris, Dalloz, 2004. Dans cet ouvrage, lauteur dmontre
quen Afrique francophone, la justice existait bien avant la priode
coloniale mais quil est difficile den retracer son fonctionnement
avec exactitude. Pour illustrer cette difficult, lauteur la qualifi
cette dmarche de puzzle . 14 Ibid., p. 42 48.
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de division 15. A ct de lancrage de larbitrage dans ces systmes
juridiques anciens, des
auteurs ont repr des traces de pratiques arbitrales dans des
textes religieux qui ont un connu
un trs grand rayonnement, comme lAncien Testament16 et le
Coran17.
4. Cette institution a russi traverser les ges et va connatre un
essor considrable et
manifeste au Moyen-ge grce au dveloppement du commerce et la
naissance de ordre
conomique international 18 et du droit du commerce
international19. Effectivement,
compter du XIIe sicle, larbitrage va devenir une pratique
courante dans la communaut des
marchands et dans les corporations des commerants travers toute
lEurope20. Par la suite,
cest dans la priode du dbut de la Rvolution franaise que
larbitrage va vritablement
spanouir avant de retomber brusquement dans une sorte doubli
provoqu par la
revalorisation de la justice tatique21 (entre 1790 et 1806).
5. Le deuxime facteur qui explique la bonne implantation de
larbitrage dans les relations
commerciales internationales est essentiellement li aux
spcificits de cette technique : la
grande part de libert laisse aux parties un arbitrage
(lautonomie). Afin de mieux
apprhender ce point, il convient au pralable de se pencher sur
la question primordiale de la
dfinition de la notion darbitrage commercial international. Pour
ce faire, il faut dabord
dfinir la notion darbitrage. Dans un sens large, larbitrage peut
tre dfini comme un mode
de solution dun litige par le recours un tiers charg de le
trancher par une dcision
15 V. M. KAMTO, Une justice entre tradition et modernit ,
Afrique Contemporaine, n 156, 4/90, p. 58. 16 V. Th. CLAY, op.cit.,
p. 4 o lauteur prcise que des passages des livres de la Gense (31,
36-37) et de lExode (18, 15) font rfrence larbitrage. 17 V. A.-F.
ZATARRA-GROS, op.cit., p. 597 o lauteure souligne quon peut relever
deux reprises des rfrences explicites larbitrage dans le Coran
notamment dans le : verset 35 de la Sourate des Femmes, o il est
possible dy lire : Si vous craignez la sparation entre des
conjoints, envoyez un arbitre de la famille de lpoux, et un arbitre
de la famille de lpouse . 18 V. M. BLANGER, Institutions conomiques
Internationales La mondialisation conomique et ses limites, Paris,
Economica, 1997, 6me dition, p. 13. 19 V. H. KENFACK, Droit du
commerce international, Paris, Dalloz, 4me d., 2012, p. 2 o il est
crit que Tous les commercialistes situent au Moyen ge la naissance
dun corps de rgles qualifi de droit du commerce international. A
partir du XIe sicle, le commerce renat. Les grands ples du commerce
europen sont les rpubliques marchandes de lItalie du Nord (Venise,
Pise, Gne, et plus tard Florence) et les Flandres (Bruges, Anvers
et Amsterdam) . V. aussi J. RAYNARD, Droit du commerce
international Droit de lentreprise international de lentreprise,
Paris, LexisNexis, 4me d., 2012, p. 1 et s. 20 V. R. DAVID,
Arbitrage et droit compar , RIDC, 1959, janvier-mars, n1, volume
11, p. 13 o lauteur prcise que : Ainsi s'explique galement le
dveloppement du droit commercial du Moyen ge et, apparemment, le
nouveau dveloppement de l'arbitrage, administr par des
organisations professionnelles, que l'on observe de nos jours.
L'arbitrage est le procd l'aide duquel on rsout les contestations
entre soi , au sein d'un groupement plus ou moins vaste ; il est,
qu'on l'avoue ou non, l'instrument de formation d'un droit
corporatif, compltant cette fin l'action des contrats-types et des
formulaires qui se substituent, eux, aux rgles du droit suppltif. .
21 Sur cette priode v. J.-J. CLRE, Larbitrage rvolutionnaire :
apoge et dclin dune institution , Revue de larbitrage, 1981, p. 3
38. A travers cet article, lauteur dmontre quau dbut de cette
priode de lhistoire franaise, larbitrage va carrment se substituer
la justice tatique dont les rvolutionnaires se mfient. La
Constitution de 1793 va supprimer les juges de profession et les
remplacer par des arbitres publics . Larbitrage va donc devenir
forc pendant ce laps de temps.
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obligatoire22. Le caractre obligatoire de la dcision arbitrale a
une importance particulire car
il permet de distinguer la notion darbitrage dautres modes
alternatifs de rglement des
conflits comme lexpertise23, la conciliation ou encore la
mdiation24.
6. Dans un sens plus restreint et prcis, larbitrage est un mode
de rglement juridictionnel
des diffrends juridiques internationaux25 par des arbitres que
les parties ont choisis et investis
du pouvoir de rendre une dcision sur la base du respect du
droit26. Partant de cette dfinition,
nous pouvons retenir que larbitrage commercial international est
avant tout un mode
juridictionnel de rglement des diffrends qui a pour principale
caractristique de porter sur
des litiges qui ont un lment de commercialit et dextranit. Ces
deux lments appellent
quelques prcisions.
7. De prime abord, la question du caractre international de
larbitrage semble tre dnue
dintrt car il suffirait de considrer quun arbitrage est
international ds quil contient un
lment dextranit. En ralit, la solution nest pas si vidente parce
que raisonner de la
sorte quivaudrait confondre larbitrage international avec
larbitrage commercial
international. Larbitrage international dsigne larbitrage
consistant rgler un litige entre
tats par un juge de leur choix et sur la base du droit. Cet
arbitrage intertatique a t
principalement codifi et organis par les Conventions de La Haye
pour le rglement des
conflits internationaux de 1899 et de 190727. Ensuite, raisonner
de la sorte reviendrait
ignorer que chaque tat est matre de la qualification de
linternationalit dun acte ou dune
situation28 et que de ce fait le caractre international dun
arbitrage varie dun tat lautre.
Partant de l, cette question soulve directement des
problmatiques de Droit international
22 Sur cette dfinition v. J. SALMON (dir.), Dictionnaire de
Droit International Public, op.cit., p. 76. 23 Sur cette
distinction v. R. DAVID, Larbitrage commercial dans le commerce
international, op.cit, p. 10 11. Lexpertise se distingue de
larbitrage par le fait que lexpert ne rend pas une dcision mais
exprime seulement une opinion. 24 Sur cette distinction v. Ph.
FOUCHARD, E. GAILLARD, et B. GOLDMAN, op.cit., p. 16 20. Les
notions de conciliation, de mdiation et darbitrage sont proches
mais sloignent sur la question de leur leffet. Les solutions dun
conciliateur ou dun mdiateur ne sont pas obligatoires alors quune
sentence arbitrale emporte autorit de la chose juge et est
obligatoire pour les parties au litige. 25 Sur la dfinition du
diffrend juridique international v. larrt Affaire des concessions
Mavrommatis en Palestine du 30 aot 1924 rendue par la CPJI, Srie A,
n2, p. 11. Dans cet arrt, la cour a retenu que le diffrend est un
dsaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une
opposition de thses juridiques ou d'intrts entre deux personnes .
26 Ibid., p. 76 77. 27 Sur ces textes v. D. BARDONNET, Ltat de
ratification des Conventions de La Haye de 1899 et de 1907 sur le
rglement des conflits internationaux , AFDI, 1961, volume 7, p. 726
741. La Convention de La Haye de 1899 a permis le perfectionnement
de la technique de larbitrage par la cration de la Cour Permanente
dArbitrage (CPA). 28 V. J. C. FERNNDEZ ROZAS, Arbitrage interne et
international : la rglementation soi-disant unitaire en Espagne ,
in Arbitrage interne et international, actes du colloque de
Lausanne du 2 octobre 2009, (d. A. BONOMI et D. BOCHATAY), Genve,
Librairie Droz, 2010, p. 190.
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8
priv29 notamment celles relatives au rattachement un ordre
juridique national et au conflit
de lois30. Ce droit qui peut se dfinir comme lensemble des rgles
applicables aux relations
juridiques affectes par la diversit des droits internes31 est au
prise avec des problmes
juridiques qui peuvent parfois savrer ne pas tre simples
dnouer32.
8. Cest ainsi quafin dobtenir des claircissements sur le
caractre international dun
arbitrage nous prfrons nous rfrer aux travaux de Pierre LALIVE
et du professeur Philippe
FOUCHARD. Ce choix est motiv par le fait que le premier auteur a
pos une dfinition de
larbitrage international. Pour lui un arbitrage est
international lorsquil ne relve pas, tous
les points de vue, dun seul tat, par la nature du litige, la
personne des parties ou des
arbitres, le lieu ou la procdure 33.
9. Le second auteur, quant lui, a affin cette dfinition en
mettant en lumire deux
critres34 permettant didentifier la nature de larbitrage. Le
premier critre tant de dduire
linternationalit des diffrentes tapes de la procdure
arbitrale35. Selon lui, si en partant de
la signature de la convention darbitrage en allant jusquau
prononc de la sentence arbitrale,
les parties ont volontairement intgr des lments dextranit dans
les oprations arbitrales,
alors larbitrage est international. Les lments frquents
dextranit peuvent tre le lieu de
larbitrage, le recours une institution trangre darbitrage ou
encore le choix dune loi
trangre applicable au diffrend. Mais dans certaines hypothses
dduire linternationalit
dun arbitrage de ces lments procduraux peut tre insuffisant ou
peu pertinent36. En effet,
le choix dune loi trangre ou dun sige tranger nimplique pas
systmatiquement quun
arbitrage soit international. Cest partir de ce constat que cet
auteur a galement propos de
dduire linternationalit de lobjet mme de larbitrage37. De ce
fait, larbitrage peut tre
galement considr comme international par son objet. Pour tayer
son argumentation,
29 Ibid., p. 47. 30 Sur la dfinition du conflit de lois v. G.
CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, QUADRIGE/PUF, 8me dition,
2007, p. 207. Le conflit de lois est un problme naissant du fait
quune question de droit prsente des liens avec plusieurs tats (plus
gnralement plusieurs systmes ou ordres juridiques) rsoudre par le
choix de la loi qui est applicable. 31 Sur cette dfinition v. J.
SALMON (dir.), Dictionnaire de Droit International Public, op.cit.,
p. 386. 32 La clbre affaire Patio qui sest tale sur plus 20 ans de
procdure est une preuve tangible de la complexit que peut soulever
lapplication des rgles de Droit international priv. Sur cette
affaire v. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, Les grands arrts de la
jurisprudence franaise de droit international priv, Paris, Dalloz,
4me dition, 2001, p. 340 358. 33 V. P. LALIVE, Problmes relatifs
larbitrage international commercial , Recueil des cours de lAcadmie
de droit international de La Haye, Martinus Nijhoff, 1967, Tome
120, p. 569 714, spc. p. 580. 34 Sur ces critres v. Ph. FOUCHARD,
Quand un arbitrage est-il international ? , in Ecrits, Droit de
larbitrage -Droit du commerce international, Paris, Comit franais
de larbitrage, 2007, p. 254 et s. 35 Ibid., p. 254. 36 Ibid. p. 254
258 o lauteur dmontre que chacun de ces lments a des limites. 37
Ibid., p. 258 et s.
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9
Philippe FOUCHARD a prcis38 que ce critre a t utilis dans des
textes internationaux
relatifs larbitrage comme dans la Convention europenne sur
larbitrage commercial
international du 21 avril 1961 (article 1), dite Convention de
Genve39 et dans la Convention
de Washington du 18 mars 1965 pour le Rglement des Diffrends
relatifs aux
Investissements entre tats et ressortissants dautres tats
(article 1). Ce critre objectif a t
aussi repris dans des lgislations internes relatives larbitrage
comme en France40.
10. Le caractre de la commercialit de larbitrage demande aussi
dapporter quelques
prcisions. Celles-ci sont ncessaires quant aux actes pouvant tre
qualifis dactes de
commerce international et sur la nature des personnes pouvant
les effectuer. Un premier
constat simpose demble en matire darbitrage international, la
notion de commercialit a
un sens large41 : elle dsigne tous les changes conomiques
travers les frontires 42.
Larbitrage retient donc une conception conomique de la notion de
commercialit. Cette
conception est diffrente de celle retenue par le droit
commercial interne puisque le commerce
est assimil toute activit conomique. Elle a t retenue dans les
principaux textes
internationaux relatifs larbitrage. Prenons lexemple de la loi
type de la Commission des
Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI) du
21 juin 1985 qui porte
sur larbitrage commercial international43. Ce texte qui ne
dfinit le terme commercial
dans aucun de ses articles a pourtant intgr une prcieuse note de
bas de page qui nous
permet davoir une liste des actes pouvant bnficier de cette
qualification44. La lecture de
38 Ibid., p. 258 et 259. 39 Sur ce texte v. L. KOPELMANAS, La
place de la Convention europenne sur l'arbitrage international du
21 avril 1961 dans l'volution du Droit international de l'arbitrage
, AFDI, 1961, volume 7, p. 331 354. 40 V. J.-F. POUDRET et S.
BESSON, op.cit., p. 31 33. Le critre objectif a t rgulirement
appliqu dans la jurisprudence franaise et consacr par larticle 1492
NCPC introduit en 1981 qui dispose quest international larbitrage
qui met en cause des intrts du commerce international . 41 V. Ph.
FOUCHARD, E. GAILLARD, et B. GOLDMAN, op.cit., p. 38 47. 42 Ibid.,
p. 38. 43 Sur la CNUDCI v. CNUDCI La Commission des Nations Unies
pour le Droit Commercial International, Publications des Nations
Unies, New York, 1987. Sur la loi type CNUDCI v. S. JARVIN, La
Loi-type de la C.N.U.D.C.I sur larbitrage commercial international
, Revue de larbitrage, 1986, volume 4, p. 509 527. V. aussi Ph.
FOUCHARD, La loi type de la CNUDCI sur larbitrage commercial
international , JDI, 1987, n4, p. 870 872. V. enfin R. SORIEUL,
Luvre normative de la CNUDCI dans le domaine du rglement des
diffrends , in Larbitrage en France et en Amrique Latine laube du
XXIe sicle, Aspects de droit compar (sous la direction de B.
FAUVARQUE-COSSON et A. WALD), Paris, Socit de la lgislation
compare, 2008, p. 61 et s. La CNUDCI est lorgane juridique
principal du systme des Nations Unies dans le domaine du droit
commercial international. Cet organe a t cr en 1966 afin
dencourager lharmonisation et lunification progressive du droit
commercial international . Depuis sa cration, elle vise la
modernisation des rgles de droit matriel du commerce international.
Cest dans cette logique quen matire de rglement des diffrends, elle
a adopt la loi type sur larbitrage commercial international de
1985. Ce texte jouit ce jour dun grand rayonnement. 44 Cette note
de bas de page nonce que : le terme commercial devrait tre interprt
au sens large, afin de dsigner les questions issues de toute
relation de caractre commercial, contractuelle ou non
contractuelle. Les relations de nature commerciale comprennent sans
y tre limites , les transactions suivantes : toute transaction
commerciale portant sur la fourniture ou lchange de marchandises ou
de services ; accord de distribution; reprsentation commerciale ;
affacturage ; crdit-bail ; construction dusines ; services
consultatifs ; ingnierie; licences ; investissement ; financement ;
transactions bancaires ; assurance; accords dexploitation ou de
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10
cette liste nous indique clairement que la conception du
commerce est extensive.
11. Cette conception large et extensive du caractre commercial
de larbitrage a eu un
impact direct sur la pratique arbitrale elle-mme. Tout dabord,
elle a permis la pratique de
larbitrage commercial international de mieux se rpandre.
Ensuite, elle a permis aux
personnes physiques et morales de droit priv mais aussi aux
personnes morales de droit
public dutiliser ce mcanisme. Effectivement, il est dsormais
plus que frquent de retrouver
des personnes morales de droit public comme des tats ou leurs
dmembrements
(collectivits territoriales ou entreprises publiques) dans un
arbitrage caractre commercial
et international. Cest la raison pour laquelle des auteurs45
incluent dans la catgorie de
larbitrage commercial international, larbitrage portant sur un
litige n loccasion dune
opration conomique internationale qui oppose un tat ou lun de
ses dmembrements une
entreprise prive trangre. Ainsi, dans une certaine mesure, le
contentieux arbitral des
contrats dtat et celui des investissements peut tre intgr dans
la catgorie de larbitrage
commercial international46.
12. Sur ce point, il convient de souligner quil nexiste pas un
consensus au niveau de la
doctrine. Dun ct, nous avons des auteurs47 qui naccordent la
qualification darbitrage
commercial international, qu larbitrage dans lequel les parties
sont des personnes prives.
Ces auteurs fondent leur opinion sur lexistence de la notion
darbitrage transnational qui est
dfini comme larbitrage entre un tat et une personne prive
trangre qui peut tre souvent
un investisseur48. Dans la majorit des cas linvestisseur est en
ralit une socit
transnationale49. Ils se fondent galement sur une dfinition
restrictive de larbitrage
commercial international qui prvoit que ce mode de rglement des
diffrends commerciaux
est rserv aux oprateurs conomiques privs50. Au contraire,
dautres auteurs semblent
admettre que ces dfinitions sont pour le moins dpasses compte
tenu du rle actif des
personnes morales de droit public dans la vie commerciale et
conomique. Parmi ces auteurs,
concessions ; coentreprises et autre formes de coopration
industrielle et commerciale; transport de marchandises ou de
passagers par voie arienne, maritime, ferroviaire ou routire. . 45
Ibid., p. 43. 46 Ibid., p. 43 45. 47 Parmi ces auteurs nous pouvons
citer F. LATTY, Arbitrage transnational et droit international
gnral (2008) , AFDI, 2008, p. 471 474, spc., p. 472 o lauteur parle
de confusion entre les diffrentes catgories darbitrage. 48 Sur
cette dfinition v. J. SALMON (dir.), Dictionnaire de Droit
International Public, op.cit., p. 78. 49 Pour une dfinition de
socit transnationale v. P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, Droit
International Public, Paris, LGDJ, 8me dition, 2009, p. 713 o il
est crit que : Les socits multinationales sont des entreprises qui
sont propritaires dinstallations de production ou de service ou les
contrlent en dehors du pays dans lesquels elles sont bases. De
telles entreprises ne sont pas toujours des socits anonymes ou des
socits prives, il peut sagir aussi de coopratives ou dentits
appartenant ltat . 50 Ibid., p. 77.
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11
nous pouvons citer le professeur Genevive BURDEAU qui a admis
que larbitrage
transnational est une extension de larbitrage commercial
international compte tenu de son
objet habituel qui est de rsoudre un litige relatif
linterprtation ou lexcution dun
contrat ayant un objet commercial 51. Dans cette mme logique, le
professeur Brigitte
STERN a pu crire que les rapports entre un tat et un
investisseur tranger (personne prive)
apparaissent aujourdhui insparables de larbitrage commercial
international52. Elle a aussi
soulign que cette ralit a conduit un brouillage 53 entre les
catgories darbitrage. Bien
avant cette auteure, Genevive GUYOMAR avait utilis le terme
daltration 54 pour
dcrire cette situation. Pour nous, ce dernier courant doctrinal
qui intgre dans larbitrage
commercial international des diffrends qui opposent des
personnes morales de droit public
aux personnes prives correspond lvolution du droit et est
nettement plus en phase avec la
ralit conomique internationale. Ltat est devenu un oprateur
conomique du commerce
international part entire55 et de ce fait, il utilise larbitrage
dans ses rapports commerciaux
avec les personnes prives et parfois mme avec dautres tats.
Dailleurs, il nest pas rare de
voir des centres darbitrage crs exclusivement pour des questions
commerciales connatre
du contentieux touchant des tats56. Larbitrage commercial
international traverse donc
aisment la frontire entre le Droit international public et le
Droit international priv.
13. Si ce mcanisme est tant utilis, cest parce quil prsente
certaines caractristiques
techniques qui sont perues comme des avantages. Parmi ces
avantages, nous pouvons
principalement retenir les quatre qui ont t identifis par Ren
DAVID57, savoir :
laspiration une justice mieux administre, la recherche dune
autre justice, la proccupation
dharmonie et enfin la volont de rgler des controverses non
juridiques. Effectivement, en
recourant larbitrage, les parties recherchent une meilleure
justice caractrise par des
avantages, comme le gain de temps face la relative lenteur des
juridictions judiciaires
51 V. G. BURDEAU, Les nouvelles perspectives pour larbitrage
dans le contentieux conomique intressant les tats , Revue de
larbitrage, 1995, n1, p. 9. 52 V. B. STERN, Le consentement
larbitrage CIRDI en matire dinvestissement international : que
disent les travaux prparatoires ? , in Souverainet tatique et
marchs internationaux la fin du 20me sicle A propos de 30 ans de
recherche du CREDIMI, Mlanges en lhonneur de Philippe Kahn, Paris,
Litec, 2000, p. 244. 53 Ibid., p. 244. 54 V. G. GUYOMAR, Larbitrage
concernant les rapports entre tats et particuliers , AFDI, 1959,
volume 5, p. 335. 55 Sur cette expression v. J.-M. JACQUET, Ltat,
oprateur du commerce international , JDI, 1989, n3, p. 621 690. 56
Sur lintervention de la CCI comme instance arbitrale pour des
diffrends relatifs aux tats V. E. SILVA ROMERO, Quelques brves
observations du point de vue de la Cour internationale darbitrage
de la Chambre de commerce internationale , in Le contentieux
arbitral transnational relatif linvestissement Nouveaux
dveloppements, Paris, Anthemis, LGDJ, 2006, p. 331 343, spc. p. 332
o lauteur prcise que la Cour de la CCI a traditionnellement t
linstitution arbitrale qui a administr la plus importante quantit
de litiges relatifs aux investissements. 57 V. R. DAVID, Larbitrage
commercial dans le commerce international, op.cit., p. 15 35. Cet
auteur a qualifi ces facteurs de motivations de larbitrage .
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tatiques, lattnuation du formalisme58 et la discrtion
(lexclusion de la publicit). Surtout,
les parties veulent que le litige soit tranch par un
connaisseur, voire un expert des relations
commerciales donc en quelque sorte par un meilleur juge .
14. De mme, en recourant larbitrage, les parties visent une
autre forme de justice et plus
particulirement une justice adapte aux ralits des commerants.
Cette justice se singularise
dabord par la promotion des rgles de droit, des usages ou des
coutumes propres la
corporation des marchands (la lex mercatoria). Ensuite, elle se
singularise par lutilisation du
droit commercial international, cest--dire au sens propre59, le
droit qui rgit les oprations
dimportation, dexportation ou dchange entre les tats ou entre
leurs ressortissants selon la
dfinition donne par laccord gnral sur les tarifs douaniers et le
commerce (GATT) du 30
octobre 1947. Comme la soulign lauteur cit ci-dessus, lemploi
dans larbitrage de la lex
mercatoria60 et du droit commercial international se justifie
amplement par le fait que les
rgles nationales et la thorie des conflits de lois qui est leur
corollaire, sont trs mal adaptes
aux changes internationaux61. Partant de l, le souhait lgitime
des acteurs du commerce
international est de disposer de rgles harmonises en matire de
rglement des diffrends.
Enfin, le recours larbitrage est motiv pour les controverses qui
ne peuvent pas tre
tranches par les juridictions tatiques62 et pour combler des
lacunes contractuelles. Pour
mieux rsum les raisons qui attirent les oprateurs du commerce
international vers
larbitrage, nous pouvons reprendre les mots du professeur Bruno
OPPETIT qui a crit que :
Larbitrage fascine : par limpression quil peut donner dchapper
en grande partie
lemprise des socits organises, par lambigit, facteur de libert,
que lui confre son
faible ancrage spatial, par linfluence quil exerce sur le jeu
des intrts et le dnouement des
58 Ibid., p. 17 o lauteur nonce que les parties souhaitent le
temprer, viter tout jargon sotrique, et rgler leur contestation
dans une atmosphre plus libre et plus dtendue que celle des
tribunaux ; larbitrage se prte la chose mieux que la justice des
tribunaux, qui est invitablement plus bureaucratique et plus
solennelle . 59 Sur cette dfinition v. G. CORNU, op.cit., p. 176.
60 Ibid., p. 546. Cette expression est reprise de lhistoire du
Moyen ge pour dsigner le droit labor par les milieux professionnels
du commerce international ou spontanment du commerce suivi par ces
milieux indpendants de tout Droit tatique et dont lapplication
chapperait, pour cette raison, la mthode du conflit des lois. 61
Ibid., p. 25 o lauteur nonce que la thorie des conflits de lois a t
conue diffremment dans les divers tats, elle a t lun des domaines o
se sont produits le plus daffrontements, fonds sur des oppositions
de principe ou parfois des rivalits dcoles, pour ne pas dire de
personnes. . V. aussi du mme auteur, Le droit du commerce
international, op.cit., p. 130 et 131. 62 Pour illustrer cette ide
nous pouvons citer les mots de G. GUYOMAR, op.cit., p. 334 o elle
prcise que : Estimant insuffisantes les garanties que prsentent
pour eux les tribunaux internes, les individus ne peuvent, sauf
convention internationale contraire, saisir directement une
juridiction internationale, car ils ne sont pas sujets du droit
international. C'est ainsi que l'accs direct la C.I.J. leur est
explicitement interdit par l'article 34 du Statut. Ne pourrait- on
envisager de recourir le cas chant des arbitrages entre tats et
particuliers. Systme souple, adaptable toutes les espces, c'est l,
semble-t-il, le meilleur moyen de rsoudre ce genre de difficults,
qu'il s'agisse d'un diffrend relatif l'excution d'un contrat
(hypothse relativement frquente de nos jours), ou de tout autre
litige. Cette solution sduisante a depuis longtemps retenu
l'attention des intresss : des litiges opposant initialement tats
et particuliers sont souvent dfrs des arbitres .
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13
conflits, par son indtermination au regard du droit, qui en fait
un phnomne dont
lexistence prcde lessence, il entretient chez lhomme le
sentiment, ou tout au moins
lillusion, quil peut constituer entre ses mains un instrument au
service de sa volont 63.
15. Au-del de ces deux facteurs, le troisime point et llment
fondamental qui a permis
la pleine closion de larbitrage commercial international est
lacceptation progressive de
cette institution par les tats. En effet, pour que cette
institution simpose, il a fallu que les
tats acceptent quune grande partie du contentieux commercial
international chappe leurs
juridictions. Le professeur Jean-Baptiste RACINE a mis en lumire
deux raisons pouvant
expliquer cette acceptation64. Premirement, le mouvement de
drglementation a t
favorable larbitrage car suivant les prceptes du no-libralisme,
les tats vont intervenir
moins souvent dans la vie conomique et laisser les oprateurs
conomiques dsigner des
arbitres pour la rsolution de leurs diffrends. Deuximement, le
fait conomique est
difficilement matrisable par les tats, larbitrage est ainsi
apparu comme une solution au libre
change et au libralisme. Alain PLANTEY partage cette vision car
selon lui larbitrage
commercial international sest ancr grce aux effets de
linternationalisation de lconomie
mondiale65: les tats ont t amens progressivement abandonner la
ngociation
diplomatique pour privilgier les modes de rglement des diffrends
utiliss par les personnes
prives.
16. Toutefois, il faut souligner que si aujourdhui larbitrage
commercial international (ci-
aprs larbitrage) est accept et promu travers le monde66, cela na
pas toujours t le cas
dans certaines rgions du globe67 et notamment dans certains pays
en dveloppement. Nous
pensons prcisment aux tats de lAfrique francophone et de
lAmrique Latine. Lhistoire
et le cheminement de larbitrage dans ces pays en dveloppement
nont pas t linaires et
lisses, ils ont t maills dembches. En effet, sur ces continents
malgr les
prdispositions voques ci-dessus, larbitrage a t pendant des
dcennies accueilli avec
la plus grande mfiance et froideur, voire farouchement combattu.
Il est donc intressant de
sattarder sur les raisons qui sont la base de cette
hostilit.
63 V. B. OPPETIT, Thorie de larbitrage, Paris, PUF, 1998, p. 9.
64 V. J.-B. RACINE, Larbitrage commercial international et lordre
public, Paris, LGDJ, 1999, p. 2 4. 65 V. A. PLANTEY, De la
ngociation diplomatique larbitrage commercial international , in La
cration du droit jurisprudentiel, Mlanges en lhonneur de Jacques
Bor, Paris, Dalloz, 2007, p. 373 381. 66 Ibid., p. 4. 67 V. R.
DAVID, Le droit du commerce international Rflexions dun
comparatiste sur le droit international priv, op.cit., p. 110 o
lauteur prcise que larbitrage tait interdit dans les pays
marxistes-lninistes.
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14
II La longue priode dhostilit envers larbitrage dans les tats de
lAmrique Latine
et de lAfrique francophone
17. Ce sont les pays latino-amricains qui ont dabord ouvertement
montr leur hostilit
envers ce mcanisme. Pourtant, ds leurs indpendances au XIXme
sicle, la plupart de ces
pays ont continu appliquer les lgislations en matire civile et
commerciale sur larbitrage
hrites des puissances coloniales europennes68 (Espagne, Portugal
et France). Par exemple,
le Brsil a hrit des dispositions relatives larbitrage prvues par
lOrdonnances du
Royaume de Portugal et la Constitution de lEmpire de 182469.
18. Pour comprendre cette dfiance, il faut prendre comme point
de dpart lexprience
ngative 70 que ces tats ont eue avec larbitrage. Premirement,
cette exprience ngative
provient du fait quentre la fin du XIXme sicle et le dbut du
XXme sicle, plusieurs
procdures arbitrales ont t dclenches par des pays dvelopps
contre des pays latino-
amricains71. Ces arbitrages avaient pour particularit davoir t
imposs par les puissances
occidentales pour rsoudre des diffrends entre leurs
ressortissants et les gouvernements des
pays latino-amricains. En effet, cette priode les diffrends
conomiques et commerciaux
(recouvrement de dettes ou litiges lis aux investissements)
taient hautement politiss et
faisaient lobjet de rglements diplomatiques qui se terminaient
frquemment par lusage de
la force72. Le recours larbitrage tait en ce temps-l un moyen de
pression trs courant pour
mettre fin une intervention arme. A titre dillustration, nous
pouvons citer le Trait
darbitrage gnral sign entre lArgentine et la France le 3 juillet
1914 pour mettre fin aux
diffrends de toute nature.
19. Parmi ces oprations, lune des plus marquantes a t celle que
lAllemagne, la Grande
Bretagne et lItalie ont mene contre le Venezuela en 1902. Le
Gouvernement vnzulien,
confront une grave crise financire aprs une longue priode de
guerre civile (de 1858
1870), avait d suspendre le remboursement des dettes contractes
auprs de ressortissants
68 V. C. FRUTOS-PETERSON, Lmergence de larbitrage commercial
international en Amrique Latine : lefficacit de son droit, Paris,
LHarmattan, 2003, p. 19 et 20. 69 V. I. DE AGUILAR VIEIRA,
L'applicabilit et l'impact de la Convention des Nations Unies sur
les contrats de vente internationale de marchandises au Brsil,
Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2010, p. 153 et
154. 70 Ibid., p. 15. 71 Ibid., p. 16 21. 72 Il suffit de se
remmorer les interventions armes de la France au Mexique dans la
priode qui va de 1838 1839, les conflits entre les tats-Unis et le
Mexique entre 1835 et 1861, les interventions armes de la France et
de lAngleterre sur le Rio de Plata entre 1838 et 1850, la seconde
intervention arme de la France au Mexique de 1861 1867 et enfin
lintervention de lAllemagne, la France, la Grande Bretagne et
autres pays en Chine de 1900 1901.
-
15
trangers. Pour recouvrer ces sommes, ces trois puissances
europennes ont dcid
conjointement dexercer un blocus maritime des ports et de
bombarder le littoral
vnzulien73. Pour mettre fin cette situation, le Venezuela a fini
par accepter de soumettre
les litiges des Commissions darbitrage74 qui nont pas
ncessairement rendu des dcisions
favorables ce pays. Par exemple, nous pouvons citer la sentence
du 22 fvrier 1904 rendue
par la Cour Permanente dArbitrage, relative laffaire du droit de
prfrence rclam par les
puissances bloquantes au Venezuela75. Le tribunal arbitral76
charg de trancher ce litige a t
constitu en vertu des Protocoles signs Washington le 7 mai 1903
entre lAllemagne, la
Grande-Bretagne et lItalie dune part et le Venezuela dautre
part. A travers cette affaire, les
demandeurs voulaient obtenir un traitement prfrentiel ou spar
pour le paiement de leurs
rclamations contre le Venezuela. Le tribunal arbitral a tranch
en leur faveur77 et a par
ailleurs refus sa comptence pour porter un jugement sur le
caractre et la nature des
oprations militaires entreprises78.
20. Ce cas dmontre bien quafin dviter ou de suspendre les
reprsailles militaires, les
pays latino-amricains ont d accepter le rglement de ces litiges
par la voie de larbitrage. Le
recours larbitrage tait donc ouvertement cette poque un moyen de
pression utilis par
les puissances occidentales. A cause de ces expriences pour le
moins ngatives, cette
institution a t assimile par les pays latino-amricains pendant
des dcennies une forme
de contrainte. A ce sentiment va sajouter celui d injustice
motiv par le fait que peu de
sentences rendues leur ont t favorables sur le fond.
21. Comme la dmontr Claudia FRUTOS-PETERSON, lautre facteur
essentiel qui a
renforc limage ngative de larbitrage dans ces pays a t le
recours abusif la
protection diplomatique par les puissances trangres79. La
protection diplomatique80 est
73 Ibid., p. 17. V. aussi P. DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET,
op.cit., p. 1032 et s. 74 Ibid., p. 17. Dix Commissions darbitrage
ont t constitues par les tats-Unis, la Belgique, la
Grande-Bretagne, lAllemagne, lItalie, le Mexique, les Pays-Bas,
lEspagne, la Sude et la Norvge. 75 Cette sentence est consultable
sur http://www.pca-cpa.org. 76 Ce tribunal arbitral tait compos de
trois membres : N. Mourawieff, H. Lammasch et F. De Martens. 77 V.
les motifs de la sentence qui prcisent que : Le Tribunal dArbitrage
dcide et prononce lunanimit ce qui suit : 1. LAllemagne, la
Grande-Bretagne et lItalie ont droit un traitement prfrentiel pour
le paiement de leurs rclamations contre le Venezuela; 2. Le
Venezuela ayant consenti mettre de ct 30 pour cent du revenu des
douanes de La Guayra et de Puerto Cabello pour le paiement des
rclamations de toutes les nations contre le Venezuela, les trois
Puissances susmentionnes ont un droit de prfrence au paiement de
leurs rclamations au moyen de ces 30 pour cent des recettes des
deux ports vnzuliens sus-indiqus ; 3. Chaque Partie en litige
supporte ses propres frais et une part gale des frais du Tribunal.
. 78 V. page 3 de la sentence qui prcise que : Considrant que le
Tribunal ne se reconnait absolument aucune comptence pour porter un
jugement sur le caractre ou la nature des oprations militaires
entreprises par lAllemagne, la Grande-Bretagne et lItalie contre le
Venezuela ; Considrant que le Tribunal dArbitrage ntait non plus
appel dcider si les trois Puissances bloquantes avaient puis dans
leur conflit avec le Venezuela tous les moyens pacifiques, afin de
prvenir de la force ; . 79 V. C. FRUTOS-PETERSON, op.cit, p. 22
27.
-
16
laction par laquelle un gouvernement, qui par ses agents
diplomatiques ou ventuellement
par voie judicaire internationale, sefforce dobtenir, lgard de
ses ressortissants, le respect
du droit international par un autre tat, la rparation des
dommages causs en violation de ce
droit, ou ventuellement, certains avantages leur profit81.
Lapplication de la protection
diplomatique va prendre une certaine importance partir de la
seconde moiti du XIXme
sicle. A cet effet, larrt de la Cour Permanente de Justice
Internationale (CPJI) rendu le 30
aot 1924 sur laffaire des concessions Mavrommatis en Palestine a
pos un obiter dictum82
pour encadrer cette pratique.
22. A partir de la fin XIXme sicle, la protection diplomatique
va tre applique dans les
diffrends relatifs aux investissements des particuliers ltranger
et notamment en Amrique
Latine83. Lorsque les investisseurs trangers taient insatisfaits
de la solution apporte par une
juridiction interne dun pays latino-amricain et quils
considraient avoir t lss, ils
demandaient lintervention de leurs gouvernements. Dans la
majorit des cas, ces derniers
endossaient la rclamation de leur ressortissant et concluaient
avec ltat hte des
conventions darbitrage. Au dbut du XXme sicle, ce systme va
donner lieu des abus car
les investisseurs trangers vont saisir directement leur
reprsentation diplomatique sans
recourir pralablement aux juridictions nationales de ltat
daccueil84. Or, la pratique de la
protection diplomatique a toujours impos lpuisement des voies de
recours internes. Cette
condition valeur coutumire85 sexplique par la confiance
intertatique : admettre une action
en protection diplomatique avant que les recours internes ne
soient puiss quivaudrait
remettre en cause lorganisation interne de ltat auteur du
dommage.
80 V. G. CORNU, op.cit., p. 736 o cette La protection
diplomatique est laction par laquelle un tat dcide dendosser, de
prendre son compte la rclamation dun de ses nationaux contre un
autre tat et de porter le litige sur le plan international, par
voie diplomatique ou juridictionnelle . 81 Sur cette dfinition v.
J. BASDEVANT, Dictionnaire de terminologie du droit international,
Sirey, 1960, p. 484. Pour une tude plus approfondie v. S. TOUZ, La
protection des droits des nationaux ltranger : recherches sur la
protection diplomatique, Paris, Pedone, 2007. 82 V. Srie A, n2, p.
12 o la cour a nonc que : C'est un principe lmentaire du droit
international que celui qui autorise l'tat protger ses nationaux
lss par des actes contraires au droit international commis par un
autre tat, dont ils n'ont pu obtenir satisfaction par les voies
ordinaires. En prenant fait et cause pour l'un des siens, en
mettant en mouvement, en sa faveur, l'action diplomatique ou
l'action judiciaire internationale, cet tat fait, vrai dire, valoir
son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter en la
personne de ses ressortissants, le droit international. . Ce dictum
a t appliqu par la CPJI dans l'affaire du Chemin de fer
Panevezy-Saldutiskis (Estonie c/ Lituanie), du 28 fvrier 1939, Srie
A/B, n 76, p. 16. 83 Ibid., p. 23. 84 Ibid., p. 24. 85 Sur le
caractre coutumier de cette condition v. larrt de la CIJ du 21 mars
1959 Affaire de lInterhandel (Suisse c/ tats-Unis), Recueil des
arrts, avis consultatifs et ordonnances, 1959, p. 27 o la cour a
nonc que : La rgle selon laquelle les recours internes doivent tre
puiss avant qu'une procdure internationale puisse tre engage est
une rgle bien tablie du droit international coutumier; elle a t
gnralement observe dans les cas o un tat prend fait et cause pour
son ressortissant dont les droits auraient t lss dans un autre tat
en violation du droit international. Avant de recourir la
juridiction internationale, il a t considr en pareil cas ncessaire
que 1'tat o la lsion a t commise puisse y remdier par ses propres
moyens, dans le cadre de son ordre juridique interne. .
-
17
23. En raction toutes ces oprations coercitives et ces excs,
deux doctrines juridiques
vont se dvelopper en Amrique Latine : les doctrines Drago et
Calvo. Elles vont constituer le
point de dpart et les premires manifestations dune tradition
juridique rgionale
ouvertement hostile larbitrage. Toutes les deux sont guides par
la dfense, parfois
outrance, des prrogatives territoriales et de la souverainet dun
tat86.
24. La doctrine Drago87 porte le nom du ministre des affaires
trangres Luis DRAGO.
Cette doctrine a t dgage de la note quil a adresse le 29 dcembre
1902 au Prsident des
tats-Unis suite lintervention arme des trois puissances
europennes contre le Venezuela
dcrite ci-dessus. Dans ce courrier, Luis DRAGO a dabord soutenu
que le recouvrement
compulsif et immdiat dune dette au moyen de la force,
entranerait la ruine des nations
les plus faibles et labsorption dun gouvernement, avec toutes
les facults qui lui sont
inhrentes, par les puissants de la terre 88. Par la suite, il a
considr que ces actions de
reprsailles taient contraires la doctrine Monroe89. Enfin, il a
invit les tats-Unis
reconnatre le principe selon lequel une dette publique ne devait
pas provoquer une
intervention arme, ni encore moins une occupation matrielle du
sol des nations amricaines,
de la part dune puissance europenne90. Ces ides ont t
formellement traduites et
consacres lors de la seconde Confrence internationale de paix
qui sest tenue La Haye en
1907. A lissu de cette confrence, la Convention Porter aussi
connue comme la Convention
Drago-Porter a t adopte. Ce texte condamnait explicitement
lutilisation de la force pour le
recouvrement dune dette publique. Mais, il disposait aussi que
cette interdiction serait leve
lorsque le pays dbiteur refuserait de soumettre le rglement du
litige un arbitrage ou quand
la sentence arbitrale ne serait pas respecte91. Cette dernire
disposition frein
lenthousiasme des tats latino-amricains qui ont mis des rserves
lors de la signature de
cette convention92.
25. La doctrine Calvo93, quant elle, a pour origine louvrage94
du diplomate et juriste
86 Pour une tude compare de ces deux doctrines v. A. S. HERSHEY,
Les doctrines de Calvo et de Drago in La Doctrine de Drago, Paris,
A. Pedone, 1908, p. 173 et s. 87 Sur cette doctrine v. H.-A.
MOULIN, La Doctrine de Drago, Paris, A. Pedone, 1908. V. aussi P.
DAILLIER, M. FORTEAU et A. PELLET, op.cit., p. 1032 et s. 88 Ibid.,
p. 3. 89 Ibid., p. 6. La doctrine Monroe porte le nom du prsident
amricain James Monroe. En 1823, dans un discours lintention des
puissances europennes, il a fix les directives de la diplomatie
amricaine durant le XIXme sicle et le XXme sicle. De ce discours a
t dgage ( partir de 1854) la doctrine de Monroe qui a vis interdire
toute forme dintervention europenne sur le sol amricain. 90 Ibid.,
p. 8. 91 Ibid., p. 25. 92 Ibid. 93 Ibid., p. 25 40.
-
18
argentin Carlos CALVO. Proccup par les excs de la protection
diplomatique exerce par
les tats trangers, Carlos CALVO va soutenir trois principes95.
Tout dabord, le principe
dgalit en vertu duquel un tat indpendant ne doit pas tre soumis
lingrence des autres
tats. Comme second principe, il va soutenir que les trangers ne
doivent pas jouir de droits et
privilges plus importants que les nationaux. Enfin, selon lui,
les trangers comme les
nationaux doivent rgler les diffrends devant les tribunaux
internes. Afin de rendre cette
doctrine effective, plusieurs pays latino-amricains vont
principalement insrer des clauses
Calvo96 dans les accords contractuels avec les investisseurs
trangers mais aussi dans des
textes lgislatifs97 et constitutionnels98. Ces dmarches avaient
pour but dobliger les
commerants et les investisseurs trangers renoncer la protection
diplomatique pour la
rparation dun quelconque prjudice contractuel tout en leur
permettant daccder
uniquement aux tribunaux locaux et la lgislation locale. La
clause Calvo dfendait donc
lide de souverainet judiciaire dun tat. Dans un tel contexte, le
recours larbitrage qui
offre la possibilit dappliquer une lgislation trangre ou de
faire appel un arbitre tranger,
va apparatre aux yeux de ces tats comme un moyen de soustraire
le rglement des
diffrends commerciaux aux tribunaux et aux droits locaux.
Pendant des dcennies, ils vont
tre ouvertement hostiles larbitrage, surtout lorsque celui-ci
est relatif aux diffrends
impliquant des personnes morales de droit public99. Ces tats
vont dcider de sexclure de
toute participation aux instruments multilatraux sur larbitrage
commercial international100.
Dailleurs, jusqu ce jour un pays comme Brsil se montre toujours
assez rticent participer
ce type de dinstruments101.
94 Louvrage Droit international thorique et pratique paru en
plusieurs tomes entre 1868 et 1896. 95 V. B. M. CREMADES, State
Participation In International Arbitration , in Liber Amicorum en
lhonneur de Serge LAZAREFF, Paris, A. Pedone, 2011, p. 131. 96 V.
J. SALMON (dir.), Dictionnaire de Droit International Public,
op.cit., p. 176. La clause Calvo est une clause de renonciation au
recours la protection diplomatique et larbitrage international qui
aura un grand cho en Amrique Latine. Lopposabilit de telles clauses
a t conteste lors de la Confrence pour la codification du droit
international. 97 V. G. FEUER et H. CASSAN, Droit international du
dveloppement, Paris, Dalloz, 1991, p. 188 o il est prcis que le
Venezuela a adopt en 1955 une loi qui disposait que les litiges
entre les socits ptrolires et ltat seraient ports devant la Cour
fdrales de cassation et jugs daprs les lois vnzuliennes. 98 Par
exemple, larticle 126 de Constitution du Prou de 1979 et larticle
33 de la Constitution du Honduras de 1982 interdisaient
explicitement aux trangers de recourir la protection diplomatique
en cas de diffrend. 99 V. P. MAYER, La neutralisation du pouvoir
normatif de ltat en matire de contrats dtat , JDI, 1986, p. 53 o
lauteur cite une Dcision du Pacte andin (Pacte sign en 1969 par la
Bolivie, la Colombie, lquateur, le Prou et le Venezuela). Il sagit
de la Dcision n24, article 25 qui prcise que : dans aucun
instrument relatif aux investissements ou aux transferts de
technologie ne pourront figurer des clauses qui soustrairaient
dventuels conflits ou controverses la juridiction nationale et la
comptence du pays rcepteur . 100 En tmoigne la lenteur avec
laquelle ces tats vont ratifier la Convention de Washington de 1965
: cette convention nest entre en vigueur en Argentine que le 18
novembre 1994. Au Paraguay le 6 fvrier 1983 et en Uruguay que le 8
septembre 2000. 101 V. J. KLEINHEISTERKAMP, Le Brsil et la doctrine
Calvo , in Gouverner lintgration : les politiques nationale et
internationale du Brsil de Lula, S. MONCLAIRE et J.-F. DELUCHEY
(dir.), Paris, ditions Pepper, 2006, chapitre 7.
-
19
26. Cette hostilit va se poursuivre jusquaux annes soixante avec
lmergence sur la
scne internationale de nouveaux pays en voie de dveloppement.
Effectivement, cest cette
priode que les revendications et les proccupations des tats de
lAmrique Latine vont
croiser celles des tats de lAfrique francophone nouvellement
indpendants. Tous ces tats
ont eu la volont commune de mettre en place et de consacrer le
droit international du
dveloppement. Ce droit a eu une relative influence sur lvolution
et la perception de
larbitrage.
27. Le professeur Grard BLANC a dfini juste titre le droit
international du
dveloppement comme le droit qui a pour objet linflchissement des
comportements
conomiques, sociaux et culturels dans le sens du dveloppement
102. Ce droit a connu son
apoge entre les annes soixante et la premire moiti des annes
soixante-dix mais il na pas
exactement vu le jour cette priode103. Le droit du dveloppement
va commencer
saffirmer lchelle internationale partir de 1960, avec la
dcolonisation. Ce phnomne
trouve son explication dans le fait quavec laccession de
nouveaux tats lindpendance et
aprs leur admission lOrganisation des Nations Unies (ONU), les
pays en dveloppement
(dsigns en ce temps comme les pays en voie de dveloppement ou
pays du Tiers Monde)
vont devenir majoritaires lAssemble gnrale104. Ces pays vont
jouer de leur nombre pour
imposer une idologie liant de manire indfectible la
dcolonisation au dveloppement105.
Nous retrouvons ainsi des traces de cette idologie dans deux
importantes rsolutions de
lAssemble gnrale : la 1514 (XV) du 14 dcembre 1960106
(Dclaration sur loctroi de
lindpendance aux pays et peuples coloniaux) et la 1803 (XVII) du
14 dcembre 1962
(Souverainet permanente sur les ressources naturelles).
28. A partir de ces rsolutions une solidarit va natre entre les
pays en dveloppement des
diffrents continents. Cette dernire va dans un premier temps se
traduire par le Mouvement
des pays Non-aligns107. En 1964 Genve lors de la premire
Confrence des Nations Unies
102 V. G. BLANC, Peut-on encore parler dun droit du dveloppement
, JDI, 1991, p. 906. 103 V. G. FEUER et H. CASSAN, op.cit., p. 3 7
o les auteurs dmontrent quon peut faire remonter les prmices de ce
droit laction des premires organisations internationales comme la
Socit des Nations (SDN). 104 Ibid., p. 9. Avant ces vnements, la
majorit lAssemble gnrale tait dtenue par les pays dvelopps qui
taient dsigns cette poque comme lOccident. 105 Ibid., v. aussi M.
SAHOVIC, Linfluence des tats nouveaux sur la conception du
Droit-inventaire des positions et des problmes , AFDI, 1966, volume
12, p. 30 49. A travers cet article retrace linfluence que les tats
issus de la dcolonisation on eu dans le processus du de
dveloppement du droit international. 106 Ibid. Ce texte dispose que
: Convaincue que le maintien du colonialisme empche le dveloppement
de la coopration conomique internationale, entrave le dveloppement
social, culturel et conomique des peuples dpendants et va
l'encontre de l'idal de paix universelle des Nations Unies. . 107
Le Mouvement des pays Non-aligns est n des suites de la Confrence
de Bandoeng qui sest tenue du 18 au 24 avril 1955. Lors de cette
confrence qui a regroup des tats africains et asiatiques, les chefs
dtats participants (Nasser et Nehru entre autres) ont dcid dtre
neutres et autonomes dans le conflit qui opposait les
-
20
sur le Commerce et le Dveloppement (CNUCED) cette solidarit va
saccentuer et se
matrialiser par la constitution du Groupe des 77 108 qui va
runir des pays en
dveloppement de trois continents : Amrique Latine, Afrique et
Asie109 . Le Groupe des
77 a eu un rle prcurseur car il servi ces pays de laboratoire
pour des ides et des
propositions relatives aux relations conomiques
internationales110. Cest dans ce sens que le
professeur Michel BLANGER a dcrit le Groupe des 77 comme un
groupement
intertatique interrgional de dfense des intrts du tiers
monde111. Il a ainsi prcis que ce
groupe a t un cadre de ngociation entre les pays membres et
ensuite un triple instrument de
ngociation pour les pays en dveloppement en matire diplomatique,
de coopration Sud-
Sud et de revendication112.
29. Par ailleurs, lanne 1964 est particulirement importante pour
lvolution du droit
international du dveloppement parce quelle a justement vu la
cration de la CNUCED qui
est lorgane subsidiaire du systme onusien spcialis dans la
promotion de la coopration
intergouvernementale afin de modifier le systme commercial et
financier mondial pour
favoriser les pays en dveloppement et compenser les ingalits
existantes113. Des auteurs114
saccordent pour dire que cest partir des travaux de la CNUCED
que le professeur Michel
VIRALLY a dgag et utilis pour la premire fois dans la doctrine
de langue franaise le
tats-Unis et lURSS. Cette idologie du non-alignement va tre
raffirme lors des confrences de Belgrade (1961), du Caire (1964),
de Lusaka (1970), dAlger (1973). Cette dernire confrence va tre
particulirement importante car elle va lancer les bases du nouvel
ordre conomique international. 108 V. J.-P. COLSON, Le groupe de 77
et le problme de lunit des pays du Tiers Monde , Revue Tiers-Monde,
1972, octobre-dcembre, Tome XIII, n52, Le capitalisme priphrique,
p. 813 830. La gense de ce groupe est situer dans une dclaration
commune signe en 1963 par plusieurs pays en voie de dveloppement.
Le Groupe des 77 va prosprer grce lessoufflement progressif du
Mouvement des pays non-aligns et va permettre aux pays de lAmrique
Latine de sortir de leur isolement. 109 Ibid., p. 819 o il est
prcis quen 1964 le Groupe des 77 tait compos de : lAfghanistan,
lAlgrie, lArabie Saoudite, lArgentine, la Birmanie, la Bolivie, le
Brsil, le Burundi, le Cameroun, le Ceylan, le Chili, Chypre, la
Colombie, le Costa Rica, le Dahomey (devenu le Bnin), lEgypte, El
Salvador, lquateur, lthiopie, le Gabon, le Ghana, le Guatemala, la
Guine, Hati, la Haute-Volta (devenu le Burkina Faso), le Honduras,
lInde, lIndonsie, lIrak, lIran, la Jamaque, la Jordanie, le Kenya,
le Kowet, le Laos, le Liban, le Libria, la Libye, Madagascar, la
Malaisie, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Mexique, le Npal, le
Nicaragua, le Niger, le Nigeria, lOuganda, le Pakistan, Panama, le
Paraguay, le Prou, les Philippines, la Rpublique Arabe syrienne, la
Rpublique centre-africaine, la Rpublique de Core, la Rpublique
dmocratique du Ymen, la Rpublique Dominicaine, la Rpublique khmre
(devenue le Cambodge), la Rpublique populaire du Congo, Rpublique
du Vietnam, le Rwanda, le Sngal, la Sierra Leone, la Somalie, le
Soudan, la Tanzanie, le Tchad, la Thalande, le Togo, Trinit et
Tobago, la Tunisie, lUruguay, le Venezuela, la Yougoslavie et le
Zare. Ce groupe va progressivement stendre mais il va garder la mme
dnomination. En 1972 des pays comme la Cte dIvoire et la Guine
quatoriale vont lintgrer. 110 Ibid., p. 14. 111 V. M. BLANGER,
op.cit., p. 91. 112 Ibid., p. 92. 113 Sur la CNUCED v. J. DUTHEIL
de la ROCHRE, tude de la composition de certains organes
subsidiaires crs par lAssemble gnrale des Nations Unies dans le
domaine conomique , AFDI, 1967, volume 13, p. 307 325, spc., 308
314. V. aussi H. W. SINGER, La cration de la CNUCED et lvolution de
la pense contemporaine sur le dveloppement , Revue du Tiers-Monde,
1994, juillet-septembre, Tome XXXV, n139, p. 489 498. 114 V. G.
FEUER et H. CASSAN, op.cit., p. 15 et G. BLANC, op.cit., p.
903.
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21
concept de droit international du dveloppement . En effet, ce
concept a t employ par
cet auteur ds 1965 dans un article115. Dans ce mme texte, il a
mis les ides que ce droit
devrait favoriser la coopration internationale tous les niveaux
comme la coopration
technique et les investissements ltranger et que ce droit devait
intgrer les relations des
tats avec les entreprises prives trangres116.
30. Ces ides ont trouv un certain cho dans la volont et la
revendication117 des pays en
dveloppement dinstaurer un nouvel ordre conomique
international118 par opposition au
vieil ordre conomique international dont les pays en
dveloppement taient exclus119. Plus
prcisment, la revendication dun nouvel ordre conomique
international a t exprime lors
de la IV Confrence des pays Non-aligns qui sest tenue Alger en
1973. Lide centrale
que dfendaient ces pays tait dinstituer un droit drogatoire et
un ordre conomique bas sur
les hausses de prix des matires premires et la reconnaissance de
la souverainet permanente
sur les ressources naturelles120. La raison de cette volont de
changement dorientation
conomique est qu partir des annes soixante-dix, le monde va
connatre ce que les
professeurs Guy FEUER et Herv CASSAN ont qualifi d re des crises
121 : la crise
montaire de 1971, la crise alimentaire (la sous-alimentation ou
la malnutrition dans les pays
en dveloppement) et enfin la crise de lnergie en 1973 (forte
hausse du prix du ptrole). Les
pays en dveloppement vont se servir du modle de laugmentation du
prix du ptrole122 pour
chercher transformer le commerce international et lordre
conomique mondial en un ordre
plus quitable. Au sein de lONU, ce discours a conduit lAssemble
gnrale adopter le 1er 115 V. M. VIRALLY, Vers un droit
international du dveloppement , AFDI, 1965, volume 11, p. 3 12,
spc., p. 7 o lauteur a pu crire que : Le temps parat donc venu, au
moment o les problmes du dveloppement sont attaqus dans toute leur
ampleur par l'Organisation des Nations Unies, de mettre un peu
d'ordre dans les crations de la pratique, de prendre un peu de
hauteur pour en faire la synthse et la critique, de les raccrocher
aux principes dont ils devraient constituer l'application, de jeter
enfin les bases d'un vritable droit international du dveloppement.
. 116 Ibid., p. 11. 117 V. P.-M. DUPUY, Droit international public,
Paris, Dalloz, 7me dition, 2004, p. 675 o lauteur crit : inspir
dune certaine idologie des relations sociales entre les membres de
la communaut internationale, le droit international du dveloppement
apparat comme un droit de revendication trs marqu par le contexte
politique et conomique dans lequel il sest progressivement affirm
(1960-1980). . 118 Sur cette notion v. M. DUMAS, Quest-ce que le
nouvel ordre conomique international ? , Revue Tiers-Monde, 1976,
avril-juin, Tome XVII, n66, p. 265 288. V. aussi P. MAYER et J.-J.
SUBRENAT, Vers un nouvel ordre conomique international , Politique
trangre, 1977, n1, p. 63 77. 119 Sur le vieil ordre conomique
international v. M. BLANGER, op.cit., p. 13 et 14. Selon cet
auteur, le vieil ordre conomique international tait domin par les
pays industrialiss et les socits transnationales. Cet ordre a merg
au Moyen ge mais il sest officialis avec le Congrs de Vienne de
1815. Il est possible de distinguer trois tapes dvolution de cet
ordre conomique savoir : premirement de 1815 1914 (lunification du
march mondial et la libert du commerce), deuximement de 1914 1944
(dsordre conomique, restrictions dchanges internationaux),
troisimement partir de 1945 (tentatives de reconstruction
conventionnelle dun ordre conomique international no-libral, systme
de Bretton Woods, GATT et OMC). 120 Ibid., p. 267. 121 Ibid., p. 16
et 17. 122 Sur les effets de la crise ptrolire doctobre 1973 v. P.
MAYER et J.-J. SUBRENAT, op.cit., p. 66 et 67 o les auteurs
expliquent que le prix du baril de ptrole est pass de 2 dollars en
1960 8 dollars en 1973. Cest sous linfluence de lOrganisation des
Pays Exportateurs de Ptrole (OPEP) que ce prix va augmenter.
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22
mai 1974 la Dclaration et le Programme daction concernant
linstauration dun nouvel
ordre conomique international et le 12 dcembre 1974 la Charte
des droits conomiques des
tats123 (la rsolution 3281 XXIX).
31. Dans la pratique, ce nouvel ordre conomique favorable aux
pays en dveloppement ne
verra pas le jour car les pays dvelopps vont fortement le
contester. Dailleurs, ces derniers
vont presque tous voter contre cette Charte. Et pour cause, les
pays dvelopps vont tre
rticents envers lensemble du droit international du dveloppement
parce quils sont trs
attachs au libralisme conomique, alors que les pays en
dveloppement auront une vision
interventionniste de lconomie internationale124. Au-del de
lopposition Nord-Sud, dautres
facteurs ont jou en dfaveur de lclosion du droit du
dveloppement. Premirement, ce droit
a t compos de divers lments relevant dordres juridiques
diffrents125 comme des rgles
de droit international public, des rgles de droit transnational
et enfin des rgles de droit
interne. Concrtement, il y avait un manque dhomognit dans les
sources de ce droit. Ce
manque dhomognit a pu parfois conduire une mauvaise lisibilit du
droit international
du dveloppement. Deuximement, la complexit mme de la notion de
dveloppement a pu
entraner des divergences de positions entre les pays en
dveloppement126. Troisimement,
comme la dmontr avec une grande justesse Grard BLANC, les
thoriciens de ce droit ont
oubli de lassortir dinstruments et de mcanismes de sanctions, ce
qui a conduit considrer
ce droit comme un droit mou 127 (soft law). Finalement,
lefficacit mme du droit du
dveloppement a t juge comme douteuse128.
32. Avec la crise conomique mondiale des annes soixante-dix,
tout le discours sur le droit
international du dveloppement va invitablement dboucher sur les
questions portant sur le
droit de larbitrage relatif aux relations commerciales
internationales. Effectivement comme
vont le souligner Philippe FOUCHARD129 et Philippe
LEBOULANGER130, larbitrage
123 Sur ce texte v. M. VIRALLY, La Charte des droits et devoirs
conomiques des tats. Note de lecture , AFDI, 1974, volume 20, p. 57
77. 124 V. G. FEUER et H. CASSAN, op.cit., p. 26 28. 125 Ibid., p.
25. V. aussi G. BLANC, op.cit., p. 908. 126 Ibid., p. 24. 127
Ibid., p. 929. 128 Ibid., p. 930 944. 129 V. Ph. FOUCHARD, O va
larbitrage international , Revue de droit de McGill, 1989, volume
34, p. 447 453, spc., p. 448 o lauteur crit que : la crise
conomique mondiale, apparue dans les annes 70, a exacerb la
concurrence et les antagonismes. Les grands contrats internationaux
(notamment les marchs publics) sont conclus des prix extrmement
tirs. Les entreprises, aussitt aprs leur signature, sollicitent le
matre de l'ouvrage pour obtenir des avenants d'augmentation, et
dfaut ou en mme temps, elles organisent dj le contentieux ultrieur,
en prenant acte de tout manquement du cocontractant, en
systmatisant les rclamations, etc. Le climat de l'excution du
contrat s'en trouve vite dtrior, et les abandons de chantier,
justifis ou non, ne sont pas rares... . 130 V. Ph. LEBOULANGER,
Larbitrage international Nord-Sud , in Etudes offertes Pierre
Bellet, Paris,
-
23
international dans les changes entre les pays dvelopps et les
pays en dveloppement va
devenir la scne privilgie daffrontements et doppositions sur les
intrts politiques,
conomiques et mme culturels. Certains pays en dveloppement ont
tent dutiliser dans des
arbitrages des lments du droit du dveloppement tels que la
souverainet permanente sur les
ressources naturelles sans grand succs. Il sagit principalement
darbitrages qui ont concern
la Libye aprs la rvolution de 1969131. A la suite de ces
vnements, les autorits libyennes
se sont lances dans un programme de nationalisation des socits
ptrolires. Les groupes
trangers propritaires de ces socits se sont sentis lss et ont
dclench des procdures
darbitrage. Dans la premire sentence du 10 octobre 1973132,
larbitre (le juge Gunnar
LAGERGREN) a dcid que la mesure de nationalisation de la socit
Bristish Petroleum
(BP) constituait un manquement aux engagements contractuels du
Gouvernement libyen. Ce
dernier a finalement accept de verser une indemnit de dix-sept
millions de livres BP133.
33. Dans le deuxime cas, le Gouvernement libyen tait oppos aux
socits Texaco et
Calasiatic en 1977134. Les autorits libyennes ont utilis la
nature du contrat (contrat de
dveloppement) et la Charte des droits conomiques des tats pour
justifier leur action (la
souverainet sur les ressources naturelles). Larbitre (le
professeur Ren-Jean DUPUY)
charg de trancher ce litige sest livr une dmonstration du dfaut
de valeur juridique de ce
texte dans cette affaire135. Pour ce faire, il sest bas sur le
nombre de votes de la Charte et
lhostilit des pays dvelopps, pour dduire quelle ntait pas
reprsentative dun consensus
international sur la nationalisation. Le tribunal arbitral a
refus de reconnatre, au principe de
la souverainet permanente sur les ressources naturelles le
caractre de rgle de jus cogens136.
Partant de l, cest la notion mme de contrat de dveloppement
telle quinterprte par les
pays en dveloppement qui a connu une dfaite 137. A travers la
sentence du 19 janvier
1977, larbitre a fini par considrer cette mesure de
nationalisation nulle. Par une transaction
intervenue en 1977, la Libye indemnisa les demanderesses en
ptrole brut dune valeur de Litec, 1991, p. 324. 131 Sur ces cas et
les condamnations libyennes v. J. PAULSSON, Le Tiers Monde dans
larbitrage commercial international , Revue de larbitrage, 1983, p.
28 et 32. 132 Sur cette sentence v. P. RAMBAUD, Arbitrage,
concession de nationalisation quelques observations sur la sentence
BP , AFDI, 1981, volume 27, p. 222 230. 133 Ibid., 28. 134 Sur
cette affaire v. G. COHEN-JONATHAN, Larbitrage Texaco-Calasiatic
contre Gouvernement Libyen ; dcision au fond 19 janvier 1977 ,
AFDI, 1977, volume 23, p. 452 479. V. aussi J. F. LALIVE, Un grand
arbitrage ptrolier entre un Gouvernement et deux socits prives
(Arbitrage Texaco-Calasiatic contre Gouvernement Libyen) , JDI,
1977, p. 319 et s. 135 Ibid., p. 478 o lauteur nonce que : D'autres
dispositions introduisent des principes nouveaux rejets par
certains groupes reprsentatifs d'tats : elles ont une valeur de
lege ferenda aux yeux des tats qui les ont adopts; pour les autres
le projet de ces mmes principes implique qu'ils les considrent
comme allant contra legem . 136 V. G. BURDEAU, Droit international
des contrats dtats-la sentence Aminoil contre Kowet du 24 mars 1982
, AFDI, 1982, volume 28, p. 466. 137 Ibid., p. 335.
-
24
cent cinquante deux millions de dollars138. Toujours en 1977 et
pour des faits similaires, le
Gouvernement libyen a t condamn indemniser la socit Libyan
American Oil
Company139 (Liamco). Dans sa sentence du 12 avril 1977, larbitre
unique (le professeur S.
MAHMASSI) a dcid que la nationalisation irrgulire donnait droit
une indemnisation
dune somme dun peu plus de quatre vingt millions de
dollars140.
34. Enfin, nous pouvons aussi retenir une affaire rendue par un
tribunal arbitral CIRDI dans
laffaire Klckner c/ Cameroun en 1983141. Dans cette affaire, le
Cameroun a explicitement
demand au tribunal arbitral dappliquer le droit international du
dveloppement pour un
contrat cl en main. A travers la sentence, les arbitres ont
explicitement dclar : Nous
n'avons pas tabli qu'il y a un droit qui s'applique de tels
contrats. Nous n'avons pas
l'intention d'appliquer des principes juridiques nouveaux ou
exceptionnels des oprations
cls en mains uniquement parce qu'ils concernent des projets qui
affectent le dveloppement
conomique et social d'un pays dtermin .
35. Il ressort de lensemble de ces cas que les idaux du droit
international du
dveloppement nont pas connu un cho favorable auprs des arbitres
du commerce
international. Larbitrage a t compltement impermable aux
revendications dun nouvel
ordre conomique favorable aux pays en dveloppement. Ali MEZGHANI
a trs bien rsum
cette ide travers ces mots : il ny a aucune prise de
considration de la spcificit des
pays du tiers-monde. Larbitrage est essentiellement un
instrument de normalisation voire de
banalisation des rapports Nord-Sud 142. Cette donne a accentu et
a continu dalimenter la
mfiance de lensemble des pays en dveloppement envers larbitrage.
Cette
jurisprudence va galement provoquer pendant des dcennies une
relle distorsion dans la
perception de la pratique arbitrale dans ces pays : larbitrage
va tre dfinitivement assimil
une invention de lOccident 143 servant uniquement les intrts des
pays dvelopps. A ce
propos, Ren DAVID a admirablement trouv les mots justes pour
dcrire le sentiment, ou
plutt le ressentiment, des pays en dveloppement (Afrique noire,
Amrique Latine, les pays
du Proche et du Moyen-Orient) envers larbitrage. Ces propos
mritent dtre reproduits dans
leur intgralit car selon cet auteur : Larbitrage est pour ces
pays une justice qui trop 138 Ibid., p. 29. 139 V. P. RAMBAUD, Un
arbitrage ptrolier : laffaire Liamco , AFDI, 1980, volume 26, p.
274 282. V. aussi B. STERN, Trois arbitrages, un mme problme, trois
solutions : les nationalisations ptrolires libyenne devant
larbitrage international , Revue de larbitrage, 1980, n 1, p. 3 44.
140 V. J. PAULSSON, op.cit., p. 29. 141 Ibid. 333 et 334 et G.
BLANC, op.cit., p. 925. 142 V. A. MEZGHANI, Larbitrage commercial
et les impratifs du dveloppement , in Les entreprises tunisiennes
et larbitrage commercial international, actes du colloque du 3 et
4