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REVUE ------------------------------------ --------------- NUMISMATIQUE Dirigée par C. Morrisson, M. Amandry, M. Bompaire, O. Picard Secrétaires de la rédaction Fr. Duyrat, A. Hostein, J. Jambu ISSN 0484-8942 2013 (170 e volume) SOCIéTé FRANçAISE DE NUMISMATIQUE Diffusion : Société d’édition « Les Belles Lettres » 2013 ---------------------------------------------------- Revue soutenue par l’Institut National des Sciences Humaines et Sociales du Centre national de la recherche scientifique
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« Autour des monnaies Hồng Đức thông bảo de Thánh Tông des Lê (1460-1497) », Revue Numismatique, 2013, pp. 583-603, (avec Maryse Blet-Lemarquand).

Feb 02, 2023

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REVUE --------------------------------------------------- NUMISMATIQUE

Dirigée par C. Morrisson, M. Amandry, M. Bompaire, O. Picard

Secrétaires de la rédaction Fr. Duyrat, A. Hostein,

J. Jambu

ISSN 0484-8942

2013(170e volume)

SOCIété FrANçAISe De NuMISMAtIque

Diffusion : Société d’édition « Les Belles Lettres » 2013

----------------------------------------------------revue soutenue par l’Institut National des Sciences Humaines et Sociales

du Centre national de la recherche scientifique

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Comité de publiCation

direCteurs

Mme Cécile Morrisson, MM. Michel Amandry, Marc Bompaire, Olivier Picard

seCrétaires de la rédaCtion

ArticlesMme Frédérique Duyrat

M. Jérôme Jambu ([email protected])

Comptes rendusM. Antony Hostein ([email protected])

Comité de leCture

Michael Alram, Jean Andreau, Philip Attwood, Gérard Aubin, François Baratte, Patrice Baubeau, Cécile Bresc, François de Callataÿ, Jean-Pierre Callu, Michel Christol, Yves Coativy, Michel Dhénin, Sylviane Estiot, Stefan Heidemann, Jérôme Jambu, Xavier Loriot, Marie-Christine Marcellesi, Jens Christian Moesgaard, Sylvia Nieto-Pelletier, Michel Pastoureau, Séléné Psoma, Andrea Saccocci, Thierry Sarmant, François Thierry, Lucia Travaini, Benedikt Zäch.

La Revue numismatique paraît annuellement. Elle est la propriété de la Société française de numis-matique qui en est l’éditeur et en assure le service à tous ses membres à jour de cotisation pour l’année concernée, lors de sa parution. La cotisation a été fixée pour 2013 à 50 € et 55 € pour les membres résidant à l’étranger.

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Le champ couvert par la Revue numismatique comprend la numismatique et l’histoire monétaire et s’étend à l’archéologie, l’histoire économique, l’histoire de l’art ainsi qu’à l’épigraphie, la sigillographie ou la glyptique dans leurs rapports avec l’étude des monnaies, médailles et documents monétiformes.

La Revue recherche des études de haut niveau et de première main, publication de documents nouveaux ou nouvelle interprétation de documents connus. Les articles sont retenus en fonction de leur qualité scienti-fique et de l’intérêt du document présenté. Les rubriques de la Revue sont indicatives et correspondent aux divisions historiques traditionnelles : numismatique celtique, grecque, romaine, byzantine, médiévale, moderne et contemporaine, orientale, médailles et jetons, histoire de la numismatique et des collections. Des notes synthétiques faisant le point sur une question ou un débat ont leur place dans les Miscellanea ( la Société française de numismatique préférant réserver la publication des articles brefs au Bulletin de la Société française de numismatique).

Les langues admises sont, outre le français, l’allemand, l’anglais, l’espagnol et l’italien.Les manuscrits complets et conformes aux instructions aux auteurs doivent être remis au secrétariat le

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La Revue ne rend compte que des ouvrages qui sont adressés au secrétariat avec la mention « Revue numis-matique ». Les ouvrages sont remis à des spécialistes proposés par les directeurs au Comité de lecture. La publication rapide dans le bulletin bibliographique ne doit pas nuire au caractère informatif et critique des comptes rendus et il est possible de rendre compte simultanément et synthétiquement de plusieurs ouvrages.

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François Thierry*, Maryse BleT-lemarquand**

Autour des monnaies Hồng Đức thông bảo de Thánh Tông des Lê (1460-1497)

Résumé – Les monnaies Hồng Đức thông bảo de l’empereur vietnamien Thánh Tông des Lê (1460-1497) sont classées en trois groupes selon la graphie des caractères. Le type 3 apparaît atypique avec une graphie lourde et des caractères épais. Une trentaine de monnaies ont été analysées par activation aux neutrons rapides de cyclotron. Les analyses élémentaires montrent qu’aux trois types monétaires correspondent des tendances significatives de la composition. Mais, contrairement à ce qui était attendu, l’alliage de type 3 est le plus riche en cuivre, et donc le plus onéreux, tandis que le type 1 présentant la graphie la plus soignée a été le plus avili par l’ajout de plomb. En l’absence de sources historiques et de données archéologiques fiables, les compositions élémentaires constituent un critère pour proposer une chronologie relative des Hồng Đức thông bảo, par comparaison avec les monnaies immédiatement antérieures et postérieures.

Mots clés – Monnayage, Vietnam, Hồng Đức, bronze, analyses élémentaires, ANRC.

Abstract – The Hồng Đức thông bảo coinage of Emperor Thánh Tông (1460-1497) of the Lê Dynasty can be divided in three types according to both the type and the calligraphy, with type 3 characterised by heavy calligraphy and thick characters. Fast Neutron Activation Analysis was performed on about thirty coins. Elemental analyses clearly show that these three types exhibit different compositions. But contrary to the expected results, the alloy of type 3 is the richest in copper and therefore the most costly, whereas type 1 showing the best calligraphy contains the highest proportions of lead. Given the lack of historical sources and reliable archaeological data, the elemental composition provide criteria to propose a relative chronology of the different types of Hồng Đức thông bảo by comparing the composition of former and later coins.

Keywords – Coinage, Vietnam, Hồng Đức, bronze, elemental analysis, FNA.

On connaît, pour l’empereur vietnamien Thánh Tông des Lê (1460-1497) deux inscriptions monétaires correspondant à ses deux ères Quang Thuận et Hồng Đức. Pour cette dernière, on a pu mettre en évidence l’existence de trois types de monnaies Hồng Đức thông bảo 洪德通寶, « monnaie courante de l’ère Hồng Đức » : un beau type aux grands caractères tracé avec art (type 1), un type simi-laire mais moins élégant (type 2) et un type assez fruste (type 3). En s’appuyant sur l’idée convenue qu’un beau monnayage orné d’une calligraphie élégante est la marque d’une période d’abondance et de puissance et qu’une calligraphie lourde

* Conservateur général, Département des Monnaies, médailles et antiques, BnF. Courriel : [email protected].

** IRAMAT CEB (UMR 5060, CNRS Université Orléans), 3D rue de la Férollerie 45071 Orléans cedex 2. Courriel : [email protected].

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celle d’une époque de décadence, François Thierry a envisagé que les monnaies du type 3 avaient été émises à la fin du règne de Thánh Tông, après celles du type 1, pendant une période de relative décadence postulée, accompagnée d’un contrôle insuffisant des ateliers monétaires. La graphie si particulière du type 3 des Hồng Đức thông bảo avait même fait naître une interrogation sur son apparte-nance réelle au monnayage de Thánh Tông. C’est sur ces interrogations que s’est construit le programme dont les résultats font l’objet de cet article.

I. Données historiques et numismatiques

1. Le contexte historique

L’empereur Thánh Tông 聖宗 (r. 1460-1497) fut le plus grand souverain de la dynastie vietnamienne des Lê Postérieurs 後黎 (1428-1789)1. Son règne, qui se partage en deux ères (niên hiệu), Quang Thuận 光順 (26 juin 1460-31 janvier 1470) et Hồng Đức 洪德 (1er février 1470-21 janvier 1498)2, a été principalement marqué par trois événements, la réorganisation administrative et militaire du pays, la rédaction du code qui porta le nom de sa seconde ère de règne, le code de Hồng Đức, et l’expansion territoriale vers le Sud au détriment du royaume du Champa. Rien cependant dans la jeunesse du prince ne présageait un règne aussi brillant.

Lê Tư Thành 黎思誠 est né le 20e jour de la 7e lune de la 3e année nhâm-tuất 壬戌 de l’ère Đại Bảo 大寶 (25 août 1442)3 ; il est le quatrième fils de l’empereur Thái Tông 太宗 (1433-1442), qui meurt quelques jours plus tard, au 4e jour de

1. La forme Thánh Tôn, que l’on trouve parfois, est consécutive à l’application, au xixe siècle, de la règle du tabou des caractères du nom personnel de l’empereur Hiến Tổ des Nguyễn (ère Thiệu Trị, 1840-1847), Nguyễn Phúc Miên Tông 阮福綿宗 (ngô DT, p. 353-355 ; langleT 1985, Annexe VI, 127). Pour le règne de Thánh Tông, on consultera les ouvrages suivants, Collectif, Lê Thánh Tông (1442-1497), Con người và sự nghiệp [Lê Thánh Tông (1442-1497), l’homme et son œuvre], Nhà xuất bản Ðại học quốc gia, Hanoï 1997 ; lê Kim Ngân, Tổ chức chính quyền trung ưõng dưới triều Lê Thánh Tông (1460-1497) [L’organisation du pouvoir central sous le règne de Lê Thánh Tông, 1460-1497], Tủ sách viện khảo cổ, Saïgon 1963 ; WiThmore 1968.

2. Selon une coutume rituelle, le nom de règne de l’empereur décédé est généralement utilisé jusqu’à la fin de l’année lunaire en cours et ce n’est qu’au premier jour de la nouvelle année qu’on utilisera le niên hiệu du nouvel empereur. C’est pourquoi, alors que le règne s’achève à la mort de Thánh Tông, le 3 mars 1497, l’ère Hồng Đức s’achève le 21 janvier 1498.

3. Les années cycliques du calendrier vietnamien, comme celle du calendrier chinois, sont des années lunaires plus courtes que les années solaires du calendrier grégorien puisque les mois lunaires sont plus courts que les mois solaires. Le mois lunaire, ou lune, débute avec la nouvelle lune et le 15 tombe à la pleine lune. Comme le solstice d’hiver doit toujours tomber dans la 11e lune, le début de l’année lunaire se déplace entre le 21 janvier et le 20 février. Pour éviter un glissement progressif qui ferait débuter l’année en été ou en automne, on ajoute tous les deux ou trois ans une 13e lune. De ce fait, les dates grégoriennes que, par commodité, on donne généralement aux années lunaires ne correspondent pas exactement à la réalité : ainsi, l’année nhâm-tuất 壬戌

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la 8e lune (7 septembre). On écarte le prince de Lạng Sơn 諒山王, Lê Nghi Dân 黎宜民, pour placer sur le trône son demi-frère, le troisième fils de l’empereur, un enfant de 3 ans né de l’épouse principale : c’est l’empereur Nhân Tông (1442-1459). La réalité du pouvoir est entre les mains de la reine mère et des anciens ministres de Thái Tông. À la 6e lune de la 3e année de l’ère Đại Hòa 大和 (1445), le jeune Tư Thành, demi-frère de l’empereur, est fait prince de Bình Nguyên 平原王.

Le 3e jour de la 10e lune de la 6e année kỷ-mão 己卯 de l’ère Diên Ninh, Nghi Dân fomente un coup d’État, renverse l’empereur, qu’il fait assassiner avec tous ses proches, et se proclame empereur avec le nom de règne de Thiên Hưng 天興, « Restauration céleste », le 7e jour (1er novembre 1459). Il épargne le jeune Tư Thành qui, comme la plupart des princes et des fils de hauts fonction-naires, est envoyé au Collège des Fils de l’État (Quốc tử giám 國子監), et qui reçoit le titre de « prince excellent », gia vương 嘉王. Le nouvel empereur ne tarde pas à s’aliéner la haute administration et l’aristocratie : au 6e jour de la 6e lune de la 2e année canh-thần 庚辰 de Thiên Hưng (24 juin 1460), Nguyễn Xí 阮熾 et Đinh Liệt 丁列, deux vieux compagnons de Lê Lợi, le fondateur de la dynastie, sortent de leur retraite pour se placer à la tête d’un contre coup d’État ; ils éliminent celui qui est tenu pour un usurpateur et placent sur le trône le prince Tư Thành, maintenant âgé de dix-huit ans. Au 8e jour, on ouvre la 1re année de l’ère Quang Thuận 光順4 et l’empereur prend le nom de Souverain clairvoyant du Sud du Ciel, Thiên nam đỗng chủ 天南洞主. Nguyễn Xí devient conseiller impérial et Đinh Liệt commandant en chef de l’armée. Le nouveau souverain a été fortement marqué par ses études au Collège5 et est un confucéen convaincu, plus précisément un adepte des théories néo-confucéennes chinoises de la période Song, dont le plus célèbre représentant est Zhu Xi. Il aura comme ligne directrice de son action les préceptes confucéens d’ordre et de hiérarchie, de bienveillance et de justice. Le règne est marqué par une réorganisation de l’appareil d’État, une centralisation administrative, un développement de l’éduca-tion et une expansion territoriale.

ne correspond pas à 1442, mais à 1442-1443. Certains événements survenus dans la 11e ou la 12e lune d’une année lunaire doivent être datés du début de l’année solaire qui suit l’année solaire qui comprend la plus grande partie de l’année lunaire en question.

4. Dans la réalité des faits, la 2e année de Thiên Hưng s’arrête au 6e jour de la 6e lune (24 juin 1460) et l’année Quang Thuận commence deux jours plus tard. Dans ce cas, les sources précisent qu’avant la 6e lune, on est dans l’ère Thiên Hưng, et qu’après on est dans l’ère Quang Thuận : il ne saurait être question de respecter les rites et d’achever l’année lunaire dans le niên hiệu d’un usurpateur régicide (DVSK, XVIII, p. 639) ; pour d’autres, les cinq mois de la 2e année de Thiên Hưng sont rétroactivement attribués à la 1re année de Quang Thuận (Bui 1963, p. 54).

5. Il eut comme enseignant Trần Phong qui sera l’un de ses principaux conseilliers.

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L’appareil d’État est réorganisé dans le but de renforcer le pouvoir de l’em-pereur. On instaure six ministères (bộ) dont l’ordre protocolaire est Fonction publique, Finances, Rites, Armée, Justice et Travaux publics ; chaque ministère est dirigé par un président (thượng thư) assisté de deux vice-présidents (thị lang). L’administration est reprise en main et contrôlée, sur le modèle chinois, par un corps d’inspecteurs et de censeurs.

L’armée est placée sous le commandement direct de l’empereur ; la fonction de grand maréchal est purement honorifique. Elle est composée de deux forces, la garde impériale, forte de plus de 100 000 hommes, qui est cantonnée à la capitale, Thăng Long, et des troupes extérieures casernées en province, qui comptent environ 60 000 hommes. On peut, en cas de besoin, mobiliser une réserve compo-sée de paysans : c’est ainsi que lors de la campagne contre le Champa, l’armée vietnamienne peut aligner environ 260 000 hommes. Il y a trois corps, l’infanterie, la cavalerie (chevaux et éléphants) et la marine.

Au 16e jour de la 11e lune de l’ère Quang Thuận, on décide de changer le nianhao et d’adopter celui de Hồng Đức 洪德. C’est durant cette période que se concrétisent les projets lancés au début du règne : rédaction d’un nouveau code, mise en chantier d’une cartographie du pays connue sous le nom d’« Atlas de Hồng Đức » (Hồng Ðức bản đồ 洪德版圖), achèvement d’un service d’hospice et d’hôpitaux, etc.

Durant l’année canh-dần 庚寅 (1470-1471), prenant prétexte d’une attaque des Chams contre la préfecture méridionale de Hóa Châu, l’empereur prépare une attaque massive contre le Champa. L’armée vietnamienne se met en marche à la fin de l’année et les premiers combats ont lieu au 7e jour de la 2e lune de l’année tân-mão 辛卯 (26 février 1471) ; le 27, Thi Nại 市奈, le port de Vijaya, la capitale chame, est pris. Trois jours plus tard, la capitale tombe à son tour et le roi est capturé. La conquête s’achève dans l’année : tout le nord du pays est annexé et le sud, découpé en trois principautés, est placé sous protectorat vietnamien. Les territoires conquis deviennent la province du Quảng Nam 廣南 divisée en circonscriptions administrées par des préfets et sous-préfets et où sont installées des colonies militaires (DVSK, XVIII, p. 679-690 ; Bùi, NguyễN, p. 80-86).

Le Đại Việt devient une des principales puissances régionales de l’Asie du Sud-Est, qui entretient des relations avec le Japon et la Chine aussi bien qu’avec les royaumes d’Insulinde ; ses produits manufacturés, et en particulier sa céra-mique, commencent à s’exporter vers les pays du Sud et vers l’Occident.

L’empereur meurt à 56 ans après un règne de 38 ans, au 30e jour nhâm-thân 壬申 de la 1re lune de la 28e année (đinh-ty. 丁巳) l’ère Hồng Đức (3 mars 1497) dans la salle Quang Bảo du palais (DVSK, XIX, p. 745 ; Bui 1963, p. 54, n. 2). Au 6e jour de la 2e lune a lieu l’intronisation du prince héritier et la proclamation du nouveau nianhao qui prendra effet l’année suivante : Cảnh Thống 景統. On donne à l’empereur défunt le nom de temple de Thánh Tông.

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2. L’histoire monétaire d’après les sources

Les sources historiques nous fournissent quelques informations sur la monnaie et la politique monétaire à l’époque de Thánh Tông6. En ce qui concerne le person-nel chargé des Finances, on constate une relative stabilité. Le premier ministre des Finances (hộ bộ thượng thư 戶部尚書) à être mentionné est Nguyễn Cư Pháp 阮居法, à l’occasion d’un avis impérial délivré aux principaux ministres à la 12e lune de la 4e année quý-vị 癸未 de l’ère Quang Thuận (janvier 1464) (DVSK, XVIII, p. 648) ; il est probable qu’il détient ce poste depuis l’avène-ment de Thánh Tông. Trois ans plus tard, à la 1re lune de la 8e année đinh-hợi de l’ère Quang Thuận (février 1467), le ministère est confié à Trần Phong 陳封 (DVSK, XVIII, p. 658). À la 12e lune de l’année kỷ -sửu 己丑 (janvier 1470), c’est Lê Cảnh Diệu 黎景耀 qui est nommé ministre (DVSK, XVIII, p. 677), charge qu’il garde neuf années ; à la 12e lune de la 9e année de l’ère Hồng Đức (1479), il est brièvement remplacé par Trịnh Công Ngô 鄭公吳 (DVSK, XIX, p. 706). À la 11e année (1480), le ministère est confié à Lê Đoan Chi 黎端之 (DVSK, XIX, p. 711) qui devient ministre de la guerre à la 12e lune de la 16e année (janvier 1486) et qui est promu marquis Tá Quốc 佐國侯 dans la 17e année (1486) (DVSK, XIX, p. 727, 730). Enfin, dernière information, dans la 23e année de l’ère Hồng Đức (1492), les sources signalent la nomination de Lê Cảnh Huy 黎景徽 au ministère des Finances (DVSK, XIX, p. 740)7.

Les données sur la circulation sont plus intéressantes : à la 2e lune de la 3e année nhâm-ngọ de l’ère Quang Thuận (mars 1462), on promulgue un édit par lequel « il est sévèrement interdit d’écarter et de rejeter des monnaies de cuivre » (DVSK, XVIII, p. 645) ; il s’agit d’éviter une pratique qui vise à choisir systématiquement les meilleures monnaies et à écarter toute pièce qui présente le moindre défaut, avec pour conséquence une réduction de la masse monétaire utile. À la 8e lune de l’année suivante giáp-thân (septembre 1464), un édit impérial est promulgué contre la fonte privée de monnaies de bronze (DVSK, XVIII, p. 650) : il y avait donc une fabrication privée de « bonnes monnaies », puisqu’il ne s’agit pas de monnaies en mauvais alliage. À la 9e lune de la 10e année de l’ère Quang Thuận (octobre 1469), un édit impérial est promulgué qui interdit l’échange des bonnes monnaies contre des monnaies défectueuses (DVSK, XVIII, p. 677). À la 5e lune de la 17e année de l’ère Hồng Đức (1486), on interdit de trier les monnaies

6. Les deux principales sources pour cette période sont les « Annales complètes du Đại Việt », Đại Việt sử ký toàn thư, 大越史記全書 (DVSK), et le chapitre Tiền tệ chi dụng 錢幣之用, « De l’usage des monnaies », du Quốc dụng chí 國用誌, « Rapport sur les ressources de l’État » (QDC-a QDC-b).

7. Membre de la famille impériale et haut mandarin, Lê Cảnh Huy avait été éloigné par Nghi Dân qui l’avait envoyé en Chine pour apporter le tribut aux Ming (DVSK, XVII, p. 635). C’est l’un des plus fidèles ministres de Thánh Tông : alors qu’il était déjà chef d’État-major de gauche, il s’est vu confié les affaires d’État durant l’absence de l’empereur qui était parti en campagne contre le Champa (1470-1471) (DVSK, XVIII, p. 682).

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de manière excessive : « L’usage de la monnaie n’a d’intérêt que par sa circula-tion du bas en haut [de la société]. La thésaurisation dans les trésoreries n’a d’intérêt que si [les monnaies] peuvent se conserver longtemps sans se détériorer. Aussi, à partir d’aujourd’hui, tous les yamen, de la capitale comme de la province, lorsqu’ils mettront les impôts en recouvrement, lorsqu’ils presseront le paiement des amendes ou des dommages et intérêts dus par les condamnés, chaque fois enfin qu’il y aura versement aux trésoreries, ils devront procéder à la vérification de toutes les monnaies. Il faudra que tout ce qui entre dans les trésoreries de l’État soit trié de façon stricte et l’on n’acceptera uniquement les pièces en cuivre véritable. Même si leur rebord est un peu abimé, si elles sont en cuivre véritable et susceptibles de se conserver longtemps sans dommage, on devra les accepter. Et pour ce qui est des traitements des fonctionnaires ainsi que des transactions courantes entre les particuliers, on utilisera les pièces, du moment qu’elles sont en cuivre véritable8 et qu’elles sont enfilables en ligature, elles doivent toutes être acceptées et utilisées : il ne pourra être question de les refuser et l’on ne devra pas se montrer trop tatillon dans le tri » (DVSK, XIX, p. 729 ; QDC-a, p. 106b-107a). Deux jours après la mort de l’empereur, au 8e jour de la 2e lune de la 28e année l’ère Hồng Đức (5 mars 1497), on émet un décret visant à réprimer la pratique utilisée par le personnel des palais de faire pression sur les prix en refusant certaines monnaies : « on avertit les esclaves des dames du trésor du palais impérial, des demoiselles d’honneur du palais de l’Harmonie Céleste, et [ceux] des magasins de tous les princes et princesses et des demeures des hauts digni-taires, que pour les moyens d’échange dans les transactions avec la population sur les marchés et dans les bourgs, il ne faut pas perpétuer les mauvaises habitudes anciennes et profiter du statut officiel pour servir des intérêts privés en faisant pression à l’achat sur la valeur des pièces et s’attribuer indûment des pièces sans les rendre. À partir de ce jour, quand la population se livre au négoce et quand on encaisse pour les trésoreries publiques, toutes les pièces, pourvu qu’elles sonnent clair lorsqu’on les jette au sol et aussi qu’elles puissent être enfilées, même si le rebord est un peu abîmé, à partir de ce jour on les utilisera toutes et il ne faudra pas se montrer trop tâtillon dans le tri » (DVSK, XIX, p. 748)9.

8. Après « en cuivre véritable » 真銅, Phan Huy Chú (QDC-a, p. 106b ; QDC-b, p. 7) a omis 積久無弊者,亦宜選取。若官吏代俸及百姓賣買使用錢,凡真銅…, « et susceptibles de se conserver longtemps sans dommage, on devra les accepter. Et pour ce qui est des traitements des fonctionnaires ainsi que des transactions courantes entre les particuliers, on utilisera les pièces, du moment qu’elles sont en cuivre véritable… » (DVSK, XIX, p. 729). Cette omission vient probable-ment de la triple répétition dans ce bref passage de l’expression 真銅, l’auteur ayant, par inadvertance, placé ce qui suit le troisième 真銅 après le deuxième.

9. Le tri excessif, qui vise à écarter ce qui est considéré comme de la « mauvaise monnaie », déja condamné à de nombreuses reprises, le sera à nouveau durant les règnes suivants ; voir en particulier le décret pris en juin 1658, dans la première année de l’ère Vĩnh Thọ (DVSK, XXIV, p. 961 ; QDC-a, p. 107ab).

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En ce qui concerne les unités de compte, il faut aussi rappeler que quelques années auparavant, à la 3e lune de la 6e année de l’ère Thiệu Bình 紹平 de Thái Tông (1439), on a promulgué une loi stipulant que « 60 monnaies de cuivre enfilées font un mạch » (DVSK, XVII, p. 604 ; QDC-a, p. 106a), alors qu’au début de la dynastie, on avait fixé le mạch à 50 pièces10. On dispose de quelques rares indications sur les prix et les taxes : à la 9e lune de la 2e année de l’ère Hồng Đức (1471), « on fixe les règles de la capitation : chaque homme versera 8 mạch de monnaies » (DVSK, XVIII, p. 688). Dans la 21e année de l’ère Hồng Đức (1490), « cette année, le riz est cher, parce qu’avec un mạch de pièces, on obtenait 2 thăng de riz » (以是年米貴,錢一陌米得二升故也 DVSK, XIX, p. 736).

3. L’apport de la numismatique

La numismatique nous fournit d’autres éléments : on connaît pour le monna-yage de Thánh Tông deux inscriptions monétaires correspondant à ses deux ères de règne Quang Thuận 光順 (1460-1469) et Hồng Đức 洪德 (1470-1497) : les Quang Thuận thông bảo 光順通寶 et les Hồng Đức thông bảo 洪德通寶 (Schroeder 1905, nos 21-24 ; CMV, nos 443-517 ; CMVS, nos 42-44). Les mon-naies sont généralement de bon poids (entre 3,5 et 4,5 g.) et de fabrication correcte ; il est rare de trouver des monnaies présentant un décentrage (figure 4, Wanxuanzhai 2226, Ø 24,4mm, 3,57g), indice d’une fabrication défectueuse. En fonction de la graphie des caractères, on peut mettre en évidence trois types principaux de monnaies Hồng Đức thông bảo. Miura Gosen, pour sa part, iden-tifie dix types (AS, p. 40-41), mais les différences apparaissent parfois bien minces : ainsi le type 1 (« caractères réguliers ») ne présente guère de différence avec le type 3 (« large Hồng »), de même le type 5 (« petits caractères ») ne se distingue pas vraiment du type 4 (« petits caractères, bảo réduit »), quant aux types 9 et 10, ils ne se différencient que par quelques dixièmes de millimètres de diamètre. En fait, si l’on veut, on peut trouver un type par monnaie, en fonc-tion de la largeur des rebords, interne et externe, de la minceur ou de l’épaisseur des caractères, de leur taille, de l’épaisseur ou du diamètre des pièces. C’est ce que fait Allan Barker, qui multiplie les variantes en se fondant sur les détails les plus infimes, jusqu’au type de patine, et parvient ainsi à 20 types différents (Barker 2004, nos 36-1 à 36-20). Nous avons identifié nos trois séries en fonc-tion de différences typologiques nettes et immédiatement identifiables, et aussi en fonction de l’existence d’une quantité significative de monnaies présentant les mêmes caractéristiques. Il existe, naturellement, quelques autres variantes, mais elles sont, dans la masse des Hồng Đức thông bảo, des formes isolées, des hapax, comme le type 36-3 de Barker par exemple.

10. DVSK, X, p. 557. Le mạch 陌 est la dizième partie de la ligature mân 緡 qui vaut donc 600 pièces.

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Le type 1 se caractérise par de grands caractères, une graphie cursive élégante, pointes et crochets acérés ; les deux premiers traits du radical 氵 du caractère Hồng 洪 ont la forme de > (figure 1, CMV 458, Ø 25, 1 mm, 3,83 g). Le type 2, stylistiquement lié au précédent, a des caractères plus petits et une graphie cursive moins élégante, pointes et crochets moins acérés, parfois même absents ; les deux premiers traits du radical de Hồng sont parfois réduits à des points allongés, les deux premiers traits du radical de Đức sont plus courts que sur le type 1, et le premier trait de la tête de thông 通 est souvent plus marqué (figure 2, CMV 472, Ø 24,5 mm, 4,26 g). Le type 3 est très différent des deux autres : il a une graphie lourde et des caractères épais, la partie gauche du radical 辶 de thông est réduit à un point et à un trait vertical, et la tête du même caractère est en triangle, pointe vers le bas (figure 3, CMV 512, Ø 24,7 mm, 4,16 g). Si les types 1 et 2 s’intègrent parfaitement dans le style des monnaies de la seconde phase de la période Lê Sơ11, force est de constater que le type 3 constitue une surprise dans la série des superbes calligraphies qui vont des Diên ninh thông bảo (1454-1459) aux Quang Thiệu thông bảo (1516-1522) et qui se prolongent sous les Mạc depuis les Minh Đức thông bảo (1527-1529) jusqu’aux Quảng Hòa thông bảo (1541-1546). On en trouve même des réminiscences frustes avec certains Thịnh Đức thông bảo 盛德通寶 (1653-1658) et Vĩnh Thọ thông bảo 永壽通寶 (1658-1661).

En suivant l’idée convenue qu’une belle calligraphie est la marque d’une période faste et qu’une calligraphie lourde celle d’une époque décadente, la graphie comparativement fruste des monnaies du type 3 a conduit l’un de nous à penser qu’il s’agissait de monnaies émises durant une période de relative décadence, accompagnée d’un contrôle insuffisant des ateliers monétaires, que, par facilité, il situait plutôt à la fin du règne de Thánh Tông. Mais la graphie si particulière du type 3 des Hồng Đức thông bảo avait fait naître également une interrogation sur son appartenance réelle au monnayage de Thánh Tông. Il convenait donc de comparer le thông et le bảo de ces monnaies avec ceux d’autres monnaies vietnamiennes : or on constate une certaine ressemblance avec des monnaies du xviiie siècle et en particulier avec certains Cảnh Hưng thông bảo 景興通寶, « monnaie courante de Cảnh Hưng », de l’empereur Hiên Tông des Lê postérieurs (1740-1786). On sait qu’après de la prise de Thuận-Hóa, la capitale des seigneurs Nguyễn, et la reconquête de leur principauté par les seigneurs Trịnh, les vainqueurs ont émis diverses monnaies commémoratives. Parmi ces pièces, il existe un type portant au droit l’inscription Hồng Đức thông bảo et au revers Thiên hạ Thái bình 天下太平, « grande paix dans l’empire », dont le but est, à l’évidence, d’établir un parallèle entre la conquête de Thuận-Hóa en 1775 et la prise de Vijaya, capitale du Champa, en 1471 (Thierry 2005, p. 34, fig. 1) ; l’idée s’est donc faite jour qu’il n’était pas impossible qu’on ait également fondu à cette époque des sapèques ordinaires au nianhao de Hồng Đức.

11. On appelle Lê Sơ 黎初, « début des Lê », la première période de la dynastie, qui va de l’indépendance à l’usurpation des Mạc en 1527.

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Figure 1 Figure 2

Figure 3 Figure 4

II. Les analyses élémentaires

Pour apporter des réponses aux problématiques posées, 5 ou 6 exemplaires de chaque série monétaire ont été analysés par activation avec des neutrons rapides de cyclotron (ANRC)12. Tous les résultats d’analyse figurent en annexe.

1. Les trois types de Hồng Đức thông bảo

Certes les teneurs en cuivre, en étain et en plomb varient de façon notable au sein de chaque type mais des tendances apparaissent pour chacun d’entre eux (tableau 1 et figure 5). La concentration moyenne en cuivre croît régulièrement entre les types 1 et 3 ; en contrepartie, la teneur en plomb diminue globalement d’un groupe à l’autre et celle en étain décroît légèrement. L’alliage du type 3 se révèle donc le plus riche en cuivre et donc le plus onéreux, tandis que celui du type 1 est le plus avili par ajout de plomb.

12. Rappelons que cette méthode d’analyse élémentaire globale permet de déterminer, de façon non destructive, la composition moyenne des monnaies en alliages cuivreux. Les teneurs d’une dizaine d’éléments majeurs, mineurs, et traces caractéristiques de ces alliages sont déterminées (BeaucheSne, Barrandon 1986 et BeaucheSne et al. 1988).

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Type (nombre de monnaies analysées) Cu (%) Sn (%) Pb (%)

Type 1 (5)

Moyenne 65,7 4,8 26,6Écart type 3,3 2,0 3,5Médiane 66,6 4,6 25,9

Max. 69,6 7,8 32,5Min. 61,0 2,2 23,5

Type 2 (6)

Moyenne 75,0 3,3 20,6Écart type 5,6 1,1 5,7Médiane 75,2 3,1 18,9

Max. 81,4 5,2 30,0Min. 65,9 2,2 14,6

Type 3 (6)

Moyenne 83,5 2,3 13,7Écart type 4,3 1,6 3,7Médiane 82,6 1,8 14,0

Max. 91,6 5,3 18,7Min. 79,6 0,8 7,4

Tableau 1 - Statistiques sur les teneurs en cuivre, en étain et en plomb des trois types de Hồng Đức thông bảo.

16

12

8

4

20

24

28

32

36

4040

36

40

8

4

84 80 76 72 68 6492 8896

Sn (%)

Cu (%)

100

32

28

24

20

16

12

Pb (%)

Thánh TôngQuang Thuâ. n thông baoHông Du’c thông bao :type 1type 2type 3

˛

˛

Figure 5 - Diagramme ternaire des teneurs en cuivre, en étain et en plomb des monnaies de Thánh Tông : les Quang Thuận thông bảo et les trois types de Hồng Đức thông bảo.

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Un élément mineur de l’alliage monétaire, l’arsenic, montre de grands écarts de composition (figure 6). Sa teneur moyenne s’effondre entre le type 1 et le type 3. L’antimoine, présent en quantités moindres, montre une évolution semblable. Un affinage prolongé, soigné, aurait conduit à réduire les teneurs en antimoine et en arsenic. Les fortes teneurs (surtout en arsenic) de ces éléments pourraient être le signe d’affinages « bâclés ». Elles s’accompagnent ici de concentrations élevées en plomb.

0

1

2

3

4

0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0

Type 1Type 2Type 3

As (%)

Sb (%)

Figure 6 - Graphique binaire des teneurs en arsenic en fonction de celles en antimoine des trois types de Hồng Đức thông bảo.

À la lueur de ces informations, nous pouvons nous interroger sur la signifi-cation de ces distinctions stylistiques et de composition. Ces différents types correspondent-ils à une évolution chronologique ? Si tel est le cas, nous sommes tentés de voir le type 3, le plus riche en cuivre, comme le plus ancien des trois. Une graphie plus soignée n’aurait-elle pas été adoptée pour « compenser » un ajout en plomb de plus en plus important ? Une autre interprétation suppose que les trois types ont été fabriqués dans différents ateliers ayant des approvisionnements métalliques distincts et ajoutant plus ou moins de plomb. Si l’existence d’un atelier monétaire situé dans la capitale est évidente, on ne sait pas s’il était le seul en service. Mais en fait la centralisation de l’administration sous les Lê et en parti-culier sous Thánh Tông tend à invalider l’hypothèse de l’existence de plusieurs ateliers. Pour apporter des éléments à la discussion et tester la nouvelle chronologie relative proposée, les analyses ont été étendues à des monnaies de l’ère précé-dente, les Quang Thuận thông bảo, et à celles émises par l’empereur Hiên Tông (1498-1503) qui a succédé à Thánh Tông, les Cảnh Thống thông bảo.

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2. Les Hồng Đức thông bảo comparés aux Quang Thuận thông bảo et aux Cảnh Thống thông bảo

Les Quang Thuận thông bảo, émises a priori entre 1460 et 1469, évoluent dans un large domaine de composition avec des teneurs en cuivre comprises entre 65 % et 88 % pour les exemplaires étudiés et des teneurs en étain globalement plus fortes que dans les autres groupes de monnaies (figure 7). Cette dispersion est aussi valable pour les éléments mineurs : un exemplaire (CMV 447) contient 1,4 % d’antimoine et un autre (CMV 456) 1,6 % de fer, teneurs à chaque fois les plus élevées jamais relevées pour les monnaies analysées pour cette étude. La variabilité de compositions s’explique peut-être par le contexte politique et économique du début de règne de Thánh Tông : après des épisodes de guerre et d’usurpation du pouvoir, le pays est remis à flot.

Les Cảnh Thống thông bảo, émises par Hiến Tông, peuvent être réparties dans deux groupes en se fondant sur la masse et sur la graphie. Mais cette distinction ne se traduit pas au niveau des teneurs en cuivre, étain et plomb et les concentra-tions moyennes sont proches de celles calculées pour les Quang Thuận thông bảo et les Hồng Đức thông bảo.

16

12

8

4

20

24

28

32

36

4040

36

40

8

4

84 80 76 72 68 6492 8896

Sn (%)

Cu (%)

100

32

28

24

20

16

12

Pb (%)

Thánh TôngQuang Thuâ. n thông baoHông Du’c thông bao :type 1type 2type 3

Hiên TôngCanh Thông thông baotype 1

type 2

˛

˛ ˛

˛

Figure 7 - Diagramme ternaire des teneurs en cuivre, en étain et en plomb des monnaies de Thánh Tông et de Hiến Tông.

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En s’appuyant sur les compositions, lequel des trois types de Hồng Đức thông bảo aurait pu succéder aux Quang Thuận thông bảo ? L’examen des teneurs en cuivre et en plomb ne permet pas de trancher mais celles en arsenic sont plus pertinentes. Si la chronologie relative des Hồng Đức thông bảo types 3, 2 puis 1 est retenue (correspondant à un ajout de plus en plus important de plomb), les teneurs en arsenic croissent dans le temps (figure 8). La distribution des teneurs en arsenic mesurées dans les Quang Thuận thông bảo s’apparente à celle du 3e type des Hồng Đức thông bảo, ce qui valide l’idée d’une continuité.

L’arsenic est a priori un élément mineur de certains minerais de cuivre. Pourtant, c’est en traçant ses teneurs en fonction de celles en plomb que des tendances appa-raissent. Sur le graphique correspondant la plupart des points représentatifs des Hồng Đức thông bảo du groupe 1 et la moitié de ceux des Cảnh Thống thông bảo sont alignés (figure 9). Nous ne nous aventurerons pas plus loin dans l’interpréta-tion de cette corrélation linéaire positive, faute de pouvoir proposer un minerai plombifère contenant de l’arsenic13. L’important est que noter que certains Cảnh Thống thông bảo se placent bien dans le prolongement des Hồng Đức thông bảo du type 1. L’approvisionnement métallique utilisé pour couler ces deux séries a des points communs. Nous apportons des arguments supplémentaires en faveur d’une chronologie relative des Hồng Đức thông bảo qui comprendrait le type 3 puis le 2 et enfin le 1.

0

1

2

3

4 As (%)

Hông Du’c thông bao(types 3, 2 et 1)

˛

Canh Thông thông bao(types 1 et 2)

˛ ˛

Quang Thuâ. n thông bao

˛

Figure 8 - Évolution de la teneur en arsenic des monnaies de Thánh Tông et de Hiến Tông.

13. Autre explication, les augmentations conjointes des teneurs en arsenic et en plomb résultent de deux faits concomitants, la refonte d’objets en cuivre arsénié et l’ajout de plomb.

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0

1

2

3

4

0,0 10 20 30 40

As (%)

Pb (%)

Thánh TôngQuang Thuâ. n thông baoHông Du’c thông bao :type 1type 2type 3

Hiên TôngCanh Thông thông bao

˛

˛ ˛

˛

Figure 9 - Graphique binaire des teneurs en arsenic en fonction de celles en plomb des monnaies de Thánh Tông et de Hiến Tông.

3. Les Cảnh Hưng thông bảo de Hiên Tông des Lê postérieurs

Une parenté stylistique a été établie entre les Hồng Đức thông bảo du groupe 3 et les Cảnh Hưng thông bảo de l’empereur Hiên Tông des Lê postérieurs qui a régné de 1740 à 1786. Existe-t-il des similitudes entre la composition élémentaire de ces deux groupes de monnaies coulées à plus de trois siècles d’intervalle ? Les Cảnh Hưng thông bảo se caractérisent par des teneurs élevées en plomb (moyenne de 30 %) au détriment du cuivre (moyenne de 64,4 %), de façon sembla-ble aux concentrations en plomb et en cuivre des Hồng Đức thông bảo du type 1 plutôt que de celles du type 3 (figure 10).

L’examen des teneurs des éléments mineurs fer et zinc permet de distin-guer clairement les deux séries monétaires Cảnh Hưng thông bảo et Hồng Đức thông bảo. Les monnaies du xviiie siècle contiennent en moyenne 1,3 % de fer alors que cet élément ne dépasse que de façon exceptionnelle le seuil des 0,5 % dans les monnaies de la 2e moitié du xve siècle. (figure 11). Des proportions varia-bles mais significatives de zinc ont été déterminées dans les monnaies les plus récentes : les teneurs en zinc s’échelonnent entre 0,05 % et 0,5 % dans les Cảnh Hưng thông bảo alors que cet élément est rarement présent à plus de 0,05 % dans les 30 monnaies des empereurs des Lê analysées. L’hypothèse selon laquelle des Hồng Đức thông bảo du groupe 3 auraient été refondues sélectivement pour couler des Cảnh Hưng thông bảo ne tient pas.

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16

12

8

4

20

24

28

32

36

4040

36

40

8

4

84 80 76 72 68 6492 8896

Sn (%)

Cu (%)

100

32

28

24

20

16

12

Pb (%)

Thánh TôngQuang Thuâ. n thông baoHông Du’c thông bao :type 1type 2type 3

Hiên TôngCanh Thông thông baotype 1

type 2

Hiên Tông des Lê postérieursCanh Hu’ng thông bao

˛

˛ ˛

˛ ˛

˛

Figure 10 - Diagramme ternaire des teneurs en cuivre, en étain et en plomb des monnaies de Thánh Tông, de Hiến Tông et de Hiên Tông des Lê postérieurs.

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0 Fe (%)

Hông Du’c thông bao(types 3, 2 et 1)

˛

Canh Thông thông bao(types 1 et 2)

˛ ˛

Quang Thuâ. n thông bao

˛

Canh Hu’ng thông bao

˛ ˛

Figure 11 - Évolution de la teneur en fer des monnaies de Thánh Tông, de Hiến et de Hiên Tông des Lê postérieurs.

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4. Les approvisionnements métalliques : comparaison avec les monnaies chinoises

Nous savons que les Vietnamiens, qui ne disposaient pas sur leur territoire d’importantes ressources en cuivre, coulaient leurs monnaies à partir d’objets en bronze, et principalement d’anciennes monnaies chinoises émises sous les Tang (kaiyuan tongbao) et les Song de la fin du xe au xie siècle, qui étaient massivement importées (Fan CD, p. 273). L’ouvrage Metallurgical Analysis of Chinese Coins at the british Museum (Wang et al. 2005) rassemble les résultats d’analyses par EDXRF (spectrométrie de fluorescence X) de plus de 550 monnaies chinoises émises entre les iiie et xixe siècles. Les figures montrant l’évolution des teneurs moyennes en étain et en plomb ont été reprises pour comparer ces tendances à nos données (figure 12). Si les compositions issues des deux méthodes d’analyses, fluorescence X et ANRC, sont bien comparables (au moins lorsque des tendances sont examinées), il apparaît que les monnaies Song qui auraient servi de réserve métallique contiennent en moyenne bien plus d’étain (teneur moyenne de 10,5 %) que les sapèques vietnamiennes du xve siècle, tandis que leurs concentrations en plomb s’intègrent dans la grande variabilité de teneurs mise en évidence pour cet élément dans le monnayage vietnamien du xve siècle. En supposant que la composition des bronzes au plomb est peu modifiée lorsque l’alliage est refondu, la comparaison montre que les monnayeurs vietnamiens ajoutaient du cuivre, ou bien du cuivre et du plomb, au stock des monnaies chinoises à refondre.

L’arsenic est apparu comme un élément pertinent de l’étude des monnaies de Thánh Tông. Malheureusement la teneur de cet élément n’a été déterminée, au moyen d’une autre méthode14, que pour une sélection de monnaies émises entre le début du xve et la fin du xixe siècle (coWell et al. 2005, p. 68-69). Les monnaies chinoises de cette période, qu’elles soient en bronzes, en alliages quaternaires cuivre-étain-plomb-zinc ou en laiton, contiennent majoritairement tout au plus 0,5 % d’arsenic et bien souvent cet élément ne dépasse pas 0,2 % dans les bronzes. Une seule exception est à noter, il s’agit d’une monnaie du début du xvie siècle, sans zinc ajouté, qui contient 1 % d’arsenic. Mais cette teneur reste anecdotique. Aucun élément ne permet donc d’affirmer ou d’infirmer que l’arsenic était déjà présent dans l’alliage monétaire chinois. Faute de données supplémentaires, la comparaison ne peut être poursuivie. Cependant, il semble peu probable que la refonte de vieilles monnaies chinoises choisies au hasard aboutisse à une augmentation régulière de l’arsenic comme il est constaté dans les Hồng Đức thông bảo. Cet élément serait une singularité du métal vietnamien.

14. AAS ou spectrométrie d’absorption atomique.

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Figure 12 - Teneurs en étain (à gauche) et en plomb (à droite) des monnaies vietnamiennes du xve siècle comparées aux teneurs moyennes des monnaies chinoises (d’après S. BoWman et al. 2005, p. 7). Les séries exportées en grandes quantités vers le Vietnam sont repérées par des carrés gris.

Tang 9th c. AD

Former Shu 10th c. AD

S. Han 10th c. AD

S. Tang 10th c. AD

N. Song 10th c. AD

N. Song early 11th c. AD

N. Song late 11th c. AD

N. Song 12th c. AD

S. Song early 12th c. AD

S. Song late 12th c. AD

S. Song 13th c. AD

Han early 2nd c. BCHan late 2nd c. BC

Han 1st c. BCWang Mang 1st c. AD

Han late 2nd c. ADShu 3rd c. ADShu 5th c. ADShu 6th c. AD

Tang 7th c. ADTang 8th c. ADTang 9th c. AD

0,0 5,0 10,0 15,0 0 10 20 30

0,0 5,0 10,0 15,0 0 4 8 12 16 20

0 5 10 15

Sn (%)0 10 20 30

Pb (%)

Quang Thuâ. n thông bao

˛

Hông Du’c thông baotypes 3, 2 et 1

˛

Canh Hu’ng thông bao

˛ ˛

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Conclusion

Les analyses avaient pour but de voir d’abord si aux trois types de graphie identifiés correspondaient trois types de métal monétaire, puis si, éventuellement, le métal du type 3 présentait une composition caractérisée par une chute sensible de la quantité de cuivre, qui se serait accordée avec l’hypothèse d’une éventuelle baisse des contrôles des ateliers, et enfin, si la composition du métal de ces pièces – dans l’hypothèse d’un métal spécifique à ce type – s’apparentait à celui des monnaies de l’époque Cảnh Hưng.

Si les résultats ont bien montré qu’aux trois types monétaires correspondent des tendances significatives de la composition, ils ont aussi mis en évidence que le métal du type 3 est paradoxalement le plus riche en cuivre des trois et donc le plus onéreux (ce qui n’est pas l’indice d’une période de décadence), et qu’il est aussi celui qui s’éloigne le plus de l’alliage de l’époque Cảnh Hưng. De plus il est apparu que ces monnaies du xviiie siècle contenaient systématiquement des quantités notables fer alors que cet élément reste au niveau des traces dans les exemplaires du xve siècle. L’hypothèse selon laquelle des sapèques ordinaires portant le nianhao de Hồng Đức auraient été fondues au xviiie siècle pour des motifs propagandistes se trouve donc invalidée.

Que signifient les différences de composition des trois styles des Hồng Đức thông bảo ? Sont-elles l’expression de différents ateliers ou alors résultent-elles de changements d’approvisionnement métallique et de recettes d’une seule et même officine ? Les analyses élémentaires n’apportent pas d’argument décisif pour trancher mais l’hypothèse d’une chronologie relative qui verrait le type 3 inaugurer la série puis laisser la place aux types 2 puis 1, apparaît la plus crédible en comparant les compositions des trois styles de Hồng Đức thông bảo avec celles des sapèques immédiatement antérieures et postérieures. Pour avancer sur le dossier, il faudrait disposer de données archéologiques précises, par exemple de cartes de répartition des différents styles de Hồng Đức thông bảo découvertes sur le territoire vietnamien. Malheureusement, l’état de l’archéologie au Vietnam n’est pas aussi avancé qu’en Chine.

On pouvait par le passé s’interroger sur la pertinence d’analyser des monnaies fiduciaires. Leurs valeurs d’échanges n’étant pas liées à la valeur des métaux qu’elles contiennent, que peuvent bien signifier les évolutions de leurs compo-sitions ? Il est clair qu’une différence de 20 ou 30 % de la proportion du métal le plus coûteux (le cuivre) a une influence sur la valeur intrinsèque du signe monétaire pour l’émetteur, c’est pourquoi, on doit estimer que la valeur n’est fiduciaire que jusqu’à une certaine limite ; mais l’utilisateur n’est en mesure d’évaluer la nature du métal que lorsqu’elle devient évidente soit par l’aspect soit par le son. Par ailleurs, ces informations témoignent des procédés de fabrication monétaire et enrichissent à ce titre l’histoire des techniques. Notre étude montre que les analyses élémentaires sont véritablement une source pertinente d’informa-tions pour aborder, par exemple, des questions d’organisation de la production

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monétaire ou de circulation des différents monnayages par le biais des refontes. Elles prennent tout leur sens si elles s’inscrivent dans une problématique solide et si elles sont confrontées aux documents archéologiques et historiques.

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FRANçOIS THIERRy / MARySE BLET-LEMARQUAND602

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ANNEXE

Résultats d’analyse par ANRC des monnaies analysées. Toutes proviennent des collections de la BnF et les références sont celles du CMV. Les teneurs sont en pour cent massique.

Réf. BnF Cu Sn Pb As Ag Au Fe Ni Sb Zn Monnaie Empereur (dates de règne)

447 71,9 6,2 20,2 0,28 0,063 0,0024 0,02 1,4

Quang Thuận thông bảo

Thánh Tông (1460-1497)

456 87,7 4,8 5,5 0,059 0,075 0,0002 1,6 0,03 0,16

455 86,9 2,7 9,8 0,14 0,040 0,02 0,37

1990.322 83,6 4,1 11,7 0,18 0,058 0,0011 0,026 0,03 0,28

1443 70,7 9,7 18,3 0,93 0,064 0,0008 0,03 0,27

453 65,5 5,6 27,4 0,77 0,055 0,0007 0,17 0,04 0,36

461 69,6 4,1 23,5 2,1 0,034 0,21 0,04 0,30

Hồng Đức thông bảo (type 1)

460 67,0 5,1 24,5 2,8 0,046 0,12 0,03 0,48

462 64,1 7,8 26,7 0,52 0,034 0,50 0,02 0,34

458 66,6 4,6 25,9 2,2 0,039 0,041 0,02 0,46 0,01

463 61,0 2,2 32,5 3,3 0,063 0,0004 0,15 0,06 0,71

475 81,4 3,3 14,6 0,10 0,065 0,0007 0,13 0,03 0,32 0,02

Hồng Đức thông bảo (type 2)

474 79,6 2,9 16,9 0,19 0,070 0,0016 0,038 0,02 0,27

498 76,5 2,3 18,2 1,8 0,060 0,52 0,02 0,57

477 73,9 5,2 19,6 0,58 0,049 0,0002 0,25 0,03 0,49

496 72,5 2,2 24,4 0,24 0,16 0,0006 0,19 0,35 0,02

y11014 65,9 3,7 30,0 0,099 0,038 0,047 0,02 0,17

510 91,6 0,81 7,4 0,029 0,063 0,047 0,00 0,03

Hồng Đức thông bảo (type 3)

509 80,9 5,3 13,4 0,21 0,034 0,0003 0,063 0,02 0,08 0,02

512 83,9 2,2 13,6 0,088 0,019 0,13 0,01 0,03 0,05

508 82,6 2,8 14,3 0,087 0,030 0,044 0,02 0,08 0,02

511 82,5 1,3 15,0 0,89 0,043 0,0013 0,072 0,03 0,16

513 79,6 1,4 18,7 0,12 0,032 0,0012 0,15 0,02 0,04

518 71,1 6,3 20,4 1,6 0,042 0,0002 0,13 0,02 0,35

Cảnh Thống thông bảo

Hiến Tông (1498-1503)

519 79,5 3,4 16,6 0,074 0,070 0,0012 0,064 0,01 0,16

S 45 78,5 6,0 14,8 0,29 0,074 0,043 0,02 0,11 0,05

521 76,0 3,5 17,8 1,3 0,050 0,0005 0,22 0,03 0,92 0,10

523 62,0 2,7 33,1 1,4 0,058 0,18 0,03 0,37

525 73,4 4,1 20,2 1,4 0,069 0,44 0,03 0,28

621 70,0 2,8 24,9 0,42 0,042 0,0004 1,4 0,07 0,17 0,26

Cảnh Hưng thông bảo

Hiên Tông des Lê

postérieurs (1740-1786)

620 65,9 3,1 28,6 0,52 0,049 0,0005 1,2 0,07 0,16 0,42

641 64,2 3,0 30,5 0,51 0,046 0,0004 0,89 0,07 0,28 0,44

623 63,4 3,1 30,7 0,58 0,048 0,0004 1,3 0,07 0,40 0,40

619 62,7 3,2 31,7 0,50 0,046 0,0004 1,3 0,06 0,16 0,27

622 60,4 4,7 32,8 0,15 0,064 1,7 0,06 0,04 0,05