Equilibres et déséquilibres du droit à l'heure du numérique

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1

Quelles conséquences sur l’accès à

la connaissance ?

Lionel Maurel• Membre de la Commission Droit de l’information de l’ADBS• Expert auprès de l’IABD• Auteur du blog

S.I.Lex• Conservateur des bibliothèques, BnF 1

«

Libre accès, communication scientifique directe, cadres juridiques

»MI2S, Journée d’étude, Grenoble,19/03/10.

22

I La propriété

intellectuelle, un droit d’équilibre

II Un équilibre remis en cause par l’irruption du numérique

III Quels apports des communautés scientifiques pour un retour à

l’équilibre ?

CC-BY-NC-SA Par Floato

3

Un droit d’équilibre

3

CC-

BY Horia

Varlan

44

Propriété intellectuelle

(CPI)

Propriété

industrielle Propriété

littéraire et artistique

55

66

Art. L.111 « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous »Code de la Propriété

Intellectuelle CC-BY-NC-SA y.caradec

7

Un droit qui protège les «

œuvres de l’esprit »

7

«

Art. 112-1 Les Dispositions du [code de la propriété intellectuelle] protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. »

CC-BY-SA Paulo Brandao

88

• Les deux critères cumulatifs de la protection des œuvres de l’esprit

Conséquence : les idées, les informations, les faits bruts, les données restent

«

de libre parcours

»

9

Les deux types de droits de l’auteur

9

Quelles différences avec le copyright anglo-saxon ?

10

Les différents types d’œuvres

(Art. L113-2 CPI)

10

-Œuvres de collaboration :«

Est dite de collaboration l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. »

-Œuvres collectives

Est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à

son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à

chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé. »

-Œuvres composites/dérivées

: «Est dite composite l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière. »

CC-BY-NC la grosse mymy

11

• Droits patrimoniaux = Droits exclusifs

Art. L. 122-4 : «

Toute représentation ou reproduction intégrale ou

partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. »

Violation = délit de contrefaçon (sanctionné

au civil et au pénal : 300 000 euros d’amende et trois ans de prison…)

11

Conséquence = toute utilisation d’une œuvre nécessite une autorisation de l’auteur, qui

peut demander une rémunération

1212

La titularité

initiale des droits

-En principe, les droits naissent au profit du ou des auteurs de l’œuvre ;

- Ce principe vaut aussi pour les salariés qui conservent leurs droits, sauf à les céder par le biais de leur contrat de travail ou de conventions collectives ;

Il existe quelques exceptions légales à ce principe (œuvre collective, logiciels, agents publics/DADVSI, journalistes/Hadopi 1), dans lesquelles les droits naissent ou sont réputés cédés au profit de l’employeur (qui peut être une personne morale)

La création d’Adam. Michel-Ange. Domaine public.

14

Cession des droits et gestion collective

14

Contrat contre

rémunération

Mandat de représentation

Conservent le droit moral

15

Les mécanismes de licences légales et de gestion collective obligatoire

15

16

Un certain équilibre …

16

Grâce à ces mécanismes d’équilibre, le droit d’auteur a pu s’adapter à toutes les évolutions technologiques

Photographie, cinéma, radio, TV, vinyles, cassettes, magnétoscopes, reprographie …

Mais pas tout à

fait.

17

Par l’irruption du numérique

17CC-BY-NC-ND transCam

18

CC-BY Nomads

: will

create

• Problème d’effectivité

du droit :

les règles existent (voire foisonnent), mais elles ne sont pas respectées (droit d’auteur/piratage…)

• Problème de qualification juridique :

Incertitudes face à

de nouveaux objets qui ne rentrent plus dans les «

cases

»

juridiques

• Difficultés à

identifier les acteurs responsables : internautes, créateurs de sites, hébergeurs, intermédiaires techniques, fournisseurs d’accès, opérateurs de télécommunication ?

• Incertitudes sur le droit applicable :le réseau est mondial, mais le droit reste encore très largement national

• Internet commence à

secréter ses propres règles

Organisation en marge du droit de l’Etat

: vers une Lex numerica ?

18

19

• Les outils et pratiques du web 2.0 rentrent péniblement dans les «

cases

»

classiques

du droit…

Sur les blogs, les wikis,, les plateformes de partage, les réseaux sociaux, l’internet

des flux :

Qui est auteur ?Où

sont les œuvres ? Qui est propriétaire ? Qui est responsable ?

Multiplication des OJNI (Objets Juridiquement Non identifiés).

Seul moyen de lever l’incertitude = le contentieux pour faire intervenir

le juge

19

20

Exemple de l’affaire Google

Book Search

:

• Procès Google

c. La Martinière

et autres :

les éditeurs français demandaient au TGI d’appliquer la loi française…

Interface de Google

Book en français, destinée au public français, extension en .fr, livres publiés en France, par des éditeurs français, écrits en français, par des auteurs français…

• Application logique du droit français ? Pas si sûr…

car le délit

était complexe. 20

21

Exemple de l’affaire Google

Book

:

• Google revendiquait

l’application du droit américain, en arguant du fait que les actes à

l’origine

du dommage avaient été

commis

depuis le sol américain

numérisation

et stockage des données…

21

22

Exemple de l’affaire Google

Book

:

• Au final, le TGI de Paris décide d’appliquer le droit français et condamne Google.

• Mais moins d’un an auparavant, il avait choisi la solution inverse dans une affaire SAIF c. Google…

• Que se passera-t-il en appel et en cassation ?

22

23

• La souplesse des principes de base

23

Auteur, œuvre, reproduction, représentation, contrefaçon sont des notions «

transparentes

» à la

technologie

Art. L. 122-2. La représentation consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque.

Art. L. 122-3. La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte

24

« Affaire Brel ». TGI Paris 14/08/1996

(…) en permettant à des tiers connectés au réseau Internet de visiter leurs pages privées et d'en prendre éventuellement copie, et quand bien même la vocation d'Internet serait-elle d'assurer une telle transparence et un telle convivialité, (…) il est donc établi que François-Xavier B. et Guillaume V. ont, sans autorisation, reproduit et favorisé une utilisation collective d'oeuvres protégées par le droit d'auteur et dont les demanderesses sont cessionnaires des droits de reproduction et de représentation.

«

Affaire Queneau

». TGI Paris 5/05/1997

(…) la numérisation d’une oeuvre, technique consistant à traduire le signal analogique qu’elle constitue en un mode numérique ou, binaire qui représentera l’information dans un symbole à deux valeurs 0 et 1 dont l’unité est le Bit, constitue une reproduction de

l’oeuvre

qui requiert en tant que telle lorsqu’il s’agit d’une oeuvre originale, l’autorisation préalable de l’auteur ou de ses ayants droits

24

25

Une situation de plus en plus déséquilibrée …

25

- Erosion du domaine public sous forme numérique (extension de la durée des droits, renaissance de droits)

-Remise en cause des exceptions (copie privée) ou exceptions pas applicables (représentation privée)

- Limite des licences légales (pas de droit de prêt numérique, CFC pas compétent pour copie numérique)

-Droits exclusifs constamment étendus (durée, portée…)

-Rémunération menacée (par le piratage ?)

durcissement vers répression

-Gestion collective des droits numériques a tardé à se mettre en place (droits voisins)

jusqu’au risque de dérapage du système ?

26

Première tentative avec la loi DADVSI en 2006

26

10 ans!!!

27

L’apport majeur de la loi DADVSI : la notion de DRM

27

Digital Right Management

(DRM)= Mesures techniques de

protection (MTP)

CC-B

Y-N

C-N

D D

anie

l Y. G

o

28

Les nouvelles exceptions de la loi DADVSI, facteur d’équilibre ?

28

Un «

trompe-l’œil

» législatif ?

3030

3131

32

L’ambiguïté

du droit des bases de données

32

33

L’ambiguïté

du droit des bases de données

33

3 niveaux de protection différents

3434

L’ambiguïté

du droit des bases de données

-Supprime la copie privée

-

Permet une protection (perpétuelle ?) d’éléments de libre parcours (faits, informations, données)

-

Peut faire renaître des droits sur le domaine public

Le régime des bases de données a fait l’objet de critiques et une révision (suppression ?) de

la directive de 1998 est parfois envisagéeCC-BY-NC-ND paulmcdee

35

Le problème des œuvres orphelines

35

CC-BY-NC an untrained

eye

Les œuvres orphelines revêtent une importance majeure dans l’Affaire Google

Book Search, et notamment dans le règlement en cours d’examen par la justice aux Etats-Unis

-

Des œuvres protégées dont il est impossible ou très difficile d’identifier ou de localiser le(s) titulaire(s) de droits ;

-

Rend impossible la réutilisation et entrave notamment les programme de numérisation ;

-

Certains pays disposent déjà

de solutions (Canada, Japon, Hongrie, Pays scandinaves) ;

-

La Commission européenne a fait travailler un groupe d’experts à

ce sujet et appelle les Etats

à légiférer ;

-

Un rapport du CSPLA en France et un projet de loi pour 2010 ?

3636

Le problème des œuvres épuisées

Destempsanciens. CC-BY-NC

-

Des œuvres toujours protégées par le droit d’auteur, mais qui ne font plus l’objet d’une exploitation commerciale active

;

-

Révèlent un hiatus

entre le statut juridique des œuvres et leur valeur économique ;

-

Pour les ouvrages, retour des droits aux auteurs

?

-

La Commission européenne a proposé

des modèles de licences pour faciliter leur numérisation.

Propositions du rapport Tessier

sur la numérisation du patrimoine écrit d’utiliser

l’emprunt national pour numériser des œuvres épuisées

37

Le bouleversement des équilibres du contrat d’édition :

37

Zigazou76. CC-BY

Le contrat d’édition «

classique

» provoque généralement, au profit de

l’éditeur :

-

Une cession exclusive

du droit de reproduction, accompagnée de nombreux autres droits (représentation, adaptation, etc) ;

-

Pour une durée

équivalent à

toute la durée de la propriété

intellectuelle ;

-

En contrepartie d’une rémunération proportionnelle (autour de 10 % en

moyenne).Effet très puissant

du contrat d’édition en matière de transfert

des droits patrimoniaux vers l’éditeur

3838

Les questions soulevées par l’édition numérique :

Jurvetson. CC-BY

Beaucoup d’incertitudes, sources de tension entre éditeurs et auteurs…

-

A qui appartiennent réellement les droits numériques ?

-

Quelle durée pour la cession des droits ? 5 ans ? 10 ans

?

-

Quel pourcentage de rémunération pour les auteurs ? Calculé

sur quelle base ?

-

Extension du contrat d’édition ou contrat séparé

comme pour

l’adaptation audiovisuelle ?

3939

Le modèle classique du contrat d’édition est-il encore adapté

au numérique ?

Les différents rapport publics qui se sont succédés sur le livre numérique (Rapport Barluet

Livre 2010, Rapport Patino, futur Rapport Albanel

?) ont tous réaffirmé

la pertinence du modèle du contrat d’édition pour le numérique ;

Mais de nouvelles formes assez radicalement nouvelles commencent à

voir le jour. Cf. Contrat Publie.net

: sans exclusivité, durée des cessions limitée, 50 % des revenus à

l’auteur…

Publie.net

: une coopérative d’auteurs pour l’édition et la diffusion numériques de littérature contemporaine

40

Le renouveau de la réflexion au niveau européen et international

40

CC-BY-NC-SA Herby

41

Quelles exceptions pour l’environnement numérique ?

41

-

Réviser la directive européenne de 2001 ? Pistes du Livre vert «

Le droit

d‘auteur dans l’Economie

de la Connaissance » ;

-Aller vers un fair use (usage équitable) à

l’américaine ?

-

Consacrer un droit des utilisateurs

à l’égal du droit d’auteur ? CC-BY-NC-SA Mubina H

42

Partie du problème ou de la solution ?

42

2L2T. CC-BY-NC-ND

-

Critiques des sociétés de gestion pour leurs règles de fonctionnement, leur représentativité, l’opacité

de leur

gestion, leur situation de monopole, etc

;

-

Mais récentes propositions (Rapport Zelnik) de mettre en œuvre des mécanismes de gestion collective pour faciliter les usages numériques (licence légale/streaming, gestion collective obligatoire/musique numérique)

4343

La réflexion autour de nouveaux modèles économiques

La piste de la licence globale. Vraie ou fausse

solution ?

• D’autres modèles possibles :-La contribution créative ?-

Le financement par le don ?

(lancement de la SARD en septembre 2009)

44

L’érosion du domaine public sous forme numérique

44

CC-BY-NC Géologue

-

Le domaine public peut jouer un important rôle d’équilibre

du système de la propriété

intellectuelle ;

-

Il est pourtant menacé

par l’extension continue de la durée des droits

;

-

Sous forme numérique, il existe de multiples façons de faire renaître des droits sur le domaine public

(droit d’auteur, droits des bases de données, réutilisation des données publiques, domanialité

publique…)

45

Communia et le digital public domain

45

-

Un réseau thématique soutenu par la Commission européenne ;

-

Un manifeste du domaine public qui renouvelle en profondeur l’approche de la notion ;

-

Domaine public structurel et domaine public fonctionnel ;

- Du domaine public aux biens communs.

CC-BY-ND Mookitty

46

La piste alternative du Copyleft

et des

licences libres

46

4747

La piste alternative du Copyleft

et des

licences libres

CC on Orange. Par Yohei

Yomashita. CC-BY. Source : Flickr

Licence Creative

Commons «

Paternité

»

=> l’image est réutilisable à

condition d’indiquer le nom de son auteur.

48

Pour un retour à

l’équilibre

48NCinND

CC-BY-ND

49

Les communautés scientifiques à la source des contenus

CC

-BY

-NC

-ND

Slices oflight

- Les communautés scientifiques produisent des données, des œuvres, des contenus pédagogiques ;

- Chercheurs et professeurs sont le plus souvent des agents publics ;

- En principe, les agents publics ne possèdent qu’un droit affaibli sur leurs créations (Loi DADVSI), réduit au droit de paternité et à un intéressement en cas d’exploitation commerciale ;

- Mais la loi ménage une exception, qui permet aux professeurs et aux chercheurs de rester titulaires des droits sur leurs créations.

Titulaires des droits originaires, les communautés scientifiques sont en

mesure de peser

sur les conditions de diffusion des contenus qu’elles

produisent.

50

Promouvoir l’accès ouvert à

l’information scientifique et technique

L’Open Access et les archives ouvertes

HAL- Hyper Articles en Ligne

- Appel de Budapest (2002), Appel de Berlin (2003) ;

-Principes : favoriser l’accès en autoarchivant ses publications et en publiant dans des revues en libre accès ;

- Accès ouvert par le biais de pré- publications ou de post-publications d’articles dans des archives ouvertes.

51

L’Open Access et les archives ouvertes

Promouvoir l’accès ouvert à

l’information scientifique et technique

-L’Open Access implique une cession maîtrisée par l’auteur de ses droits au moment de l’édition des articles ;

-Tout ce qui n’est pas explicitement cédé est réputé ne pas avoir été cédé. Les cessions doivent être strictement délimitée ;

- Permet à l’auteur de ne pas céder ses droits de manière exclusive, de réserver ses droits numériques, son droit à l’autoarchivage sous forme de post- publication.

SHERPA/RoMEO

La politique des éditeurs et des revues en matière d’Open Access varie ; l’attitude des chercheurs

aussi (Cf. Etude

PEER)

52

Promouvoir l’accès ouvert à l’information scientifique et technique

La logique de l’Open Access est applicable…

… aux thèses (Cyberthèse Lyon 2)

… aux cours (enSavoirs – ENS)

… aux images (MédiHAL)

53

Libérez les données !

Les bases de données peuvent, elles aussi, être placées en copyleft

OpenStreetMap : base de données géographiques collaborative sous licence libre

Possible de placer une base de données sous

licence Creative

Commons, Open Data

Commons

54

Le mouvement en faveur de l’accès ouvert aux données publiques

Libérez les données !

Data.gov.uk Mashup Australia

Vers un portail d’accès aux données publiques

en France ? (APIE)

55

Bases de données ouvertes, pour une meilleure diffusion de l’information scientifique

Libérez les données !

A voir également le projet Science Commons

AntWeb : Base de données scientifiques sous licence Creative Commons (CC-BY-SA)

Contribue directement à alimenter Wikipédia, Wikimédia Commons, Wikispecies.

56

Jouer le jeu de la logique contractuelle

Persée et la numérisation de la «

zone grise »

du rétrospectif des revues scientifiques- Numérisation de revues des origines à nos jours, avec une barrière mobile fixée en accord avec les titulaires de droits ;

- Recherche active de l’accord des éditeurs et des auteurs pour le rétrospectif ;

- Une manière de s’attaquer aux problèmes des œuvres épuisées en favorisant l’accès ouvert.

Une approche «

diplomatique », applicable aux monographies

?

57

Pensez autrement l’édition scientifique sous forme numérique

L’exemple du projet Sesamath

- Association développant des manuels et des ressources pédagogiques ;

- Sous licence libre (GFDL) pour permettre le travail collaboratif et l’accès ouvert ;

- N’exclut pas la mise en place d’un modèle économique : accès libre et gratuit à la version numérique/accès payant à la version papier.

58

Conclusion :

Agir, plutôt que d’attendre un hypothétique Godot

législatif…

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