7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
1/21
Claude Zilberberg
Esquisse d'une grammaire du sublime chez LonginIn: Langages, 34e anne, n137, 2000. pp. 102-121.
Abstract
The study has three objectives:
(i) to reinforce the still fledgling hypothesis of the schematism of tension. This hypothesis proposes to accentuate the orientation
of the interval which is considered to be more dynamic than opposition; the sublime according to Longinus' description is
characterized by suddenness, hence speed, by which he forces the enunciatee to bridge the semantic gap;
(ii) establish that the principal distinctions of rhetoric, in this case restricted if one relates it to the works of Aristotle, are already
those that tensive semiotics is labouring to specify; (iii) finally, from the perspective of future generalization, the point of view
adopted here is indirect as it is not presented as the ordinary relation of a commenting texte [D2] to a commented text [Dl], but as
a commentary [D3] of a commentary [D2], such that the point of view has for its formula: [D3 - D2 - Dl]. The possibility of
grammaticality, that is , the constraining recurrence of certain semantic categories , is related to the stabilization of the relation
[D3 - D2].
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Zilberberg Claude. Esquisse d'une grammaire du sublime chez Longin. In: Langages, 34e anne, n137, 2000. pp. 102-121.
doi : 10.3406/lgge.2000.1787
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2000_num_34_137_1787
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lgge_516http://dx.doi.org/10.3406/lgge.2000.1787http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2000_num_34_137_1787http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2000_num_34_137_1787http://dx.doi.org/10.3406/lgge.2000.1787http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_lgge_5167/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
2/21
Claude ZlLBERBERG
G.D.R.
Smiotique , C.N.R.S.
ESQUISSE D UN E GRAMMAIRE DU
SUBLIME
CHEZ
LONGIN
L'ancienne
rhtorique regardait comme des ornements et
des
artifices ces
figures
et ces relations que (...)
les
progrs
de l'analyse trouveront
un
jour comme effets de
proprit
rofondes, ou
de ce qu'on
pourrait
nommer :
sensibil
itormelle.
P.Valry
La rhtorique
n'en
finit pas de
mourir... et
de
renatre.
En
1885, elle disparaiss
ites programmes officiels de l'enseignement
en
France, mais chacun s'accorde
reconnatre
que la persuasion le
faire
persuasif1 l'argumentation, la
dmonst
ration,
mme si la
dlimitation
de leur extension respective reste dlicate, sont des
stratgies discursives qui
sont
autant de chapitres
de
la
manipulation, donc de
la
rhtorique, de sorte qu'elle est probablement inhrente l'intersubjectivit,
mais
galement
la
subjectivit elle-mme puisque ego,
nous
dit-on,
ne
serait
jamais
seul.
Le
retour
de la rhtorique a pris
parfois un
tour inattendu :
elle
a
t
restreinte aux
figures de
rhtorique,
puis au couple mtaphore-mtonymie, parfois la seule
mtaphore2,
mais cette
restriction s'accompagnait d'une installation
des
grandeurs
retenues
au
centre du champ discursif, la thorie elle-mme ; bref,
il
tait demand
l'une
des
parties de la rhtorique de la
sauver
toute, ce qui n tait possible
que
parce
que la partie choisie valait implicitement pour le
tout. C'est
ainsi que
R. Jakobson3, suivi par Lvi-Strauss,
demandait
au couple mtaphore-mtonymie
de prendre
en charge
la structure mme
de
la
langue.
Comme il
nous
semble
prilleux de
substituer une
partie
au tout dont elle
dpend,
notre
propos suivra une autre
direction,
elle-mme double, celle de la complment
arit
t
de
l'accentuation :
(i) pour
ce qui regarde
la
premire, la rhtorique, mme
si
la tripartition par genres (judiciaire,
dlibratif,
pidictique) a le
plus souvent
prvalu, est une thorie
du
discours sans doute culturellement situe, mais cette
1. A.J.
Creimas
& J.
Courtes,
Smiotique 1, Paris,
Hachette,
1979, pp. 274-275.
2. Selon Proust : Pour
des
raisons qui seraient trop longues dvelopper
ici,
je
crois
que
la
mtaphore seule
peut
donner
une
sorte d'ternit
au
style,
(...)
(in
Contre
Sainte-Beuve,
Paris,
Gallimard/La
Pliade,
1971, p.
586).
3.
R.
Jakobson, Essais
de linguistique
gnrale,
Paris, Les
ditions
de Minuit,
1963,
pp.
45-49.
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objection
n'est
pas
nos
yeux absolument dirimante
alors
que la
linguistique
s'en
tient la grammaire, laquelle se
donne
pour limite
sacre
la phrase ; dans ces
conditions, la rhtorique
s'inscrit
comme complment et
catalyse
l'gard de
la
linguistique, laquelle
ressort
elle-mme comme defective ; la
smiotique
dispose
certes d'une thorie du rcit, mais il serait trange
d'tendre au
discours ce
qui
vaut
pour le rcit,
alors
mme que la
smiotique
greimassienne s'efforce
dsormais
de
discerner
les
limites
du
schma
narratif
canonique ; (ii)
pour
ce qui regarde
l accen
tuation, nous faisons rfrence et hommage
Cassirer,
et sa
dtermination
exemplaire de tenir ensemble le sensible et l'intelligible ; en effet, l'accent4
n'est-il
pas, en quelque sorte, l'unit
minimale
de
compte
du sensible
? Cette tension
entre
le
sensible et l'intelligible tension
pour
nous,
tenant
d'une certaine
continuit
culturelle,
convenance,
connivence pour
d'autres
univers
de discours
tait pourt
ant
nscrite
dans
les
divisions
de
la rhtorique, notamment
entre
Yinvention, dirige
par le
docere,
et
Y
elocution, dont l'orientation stylistique tait le
movere.
1. Le point de
vue
Encore balbutiantes, les sciences dites humaines doivent tre modestes puisque
la
prvision,
c'est--dire
l'efficacit,
demeure
hors
de leur
porte.
Ce
qu'il est
lgitime
d'attendre de
leur
part, c'est de
dclarer un
point de vue,
c'est--dire une
centralit, de
mesurer
le
champ
discursif se
dployant
partir
de
cette
centralit,
d'apprcier la
circulation
entre les catgories discursives ayant
trouv
place
dans
ce
champ discursif, et
enfin
de montrer une inquitude pour les grandeurs demeurant
en dehors
des
rseaux
constitus. Le
point de vue
retenu
ici
est
largement tributaire
de la rflexion pistmologique et linguistique de Hjelmslev ; nous retenons deux
directions : (i)
du
point de vue pistmologique,
l isomorphisme entre
la
forme du
contenu
et
la forme de l'expression ; (ii) du
point
de vue linguistique, la
dcision
pour
le plan de l'expression de considrer que la structure syllabique
canonique
[voyelle
vs
consonne]
prvient la
structure
phonologique,
qui
est
la
marque
du
structura
lismeragois des annes soixante, et que la structure prosodique [accent
vs
modul
ation]
son
tour prvient
la structure syllabique. La
fusion
de ces
demandes
nous
conduit
donc
recevoir,
moyennant bien videmment une correction d'chelle,
l accent
et la modulation au titre de constituants discursifs
lmentaires
et pousser
4.
L'intuition
n'est pas
tendue,
mais concentre ; elle est en quelque sorte ramene en un seul point.
C'est seulement
dans cette
concentration
qu'est
trouv et
mis en valeur
ce
moment
sur lequel
est
pos
l'accent de la "signification".
(in
E. Cassirer,
Langage
et mythe, Paris,
les ditions
de Minuit, 1989, p.
113). Ds
que la
prosodie
retrouve une
place dans
la thorie, la
schizie
(Hjelmslev)
entre
plan du contenu
et
plan
de
l'expression
tend
vers
son
retournement
:
la
prosodie
devient
le
plan du contenu
et
la
signification
le
plan
de
l'expression,
ce
qui
explique
dj
au
moins en
partie
la mfiance
enveloppant
la
prosodie.
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jusqu' son
point
de
rupture
l'hypothse
d'une
prosodisation du contenu. Ce
complexe
[accent vs modulation] appelle une double mise au point : paradigmatique
et
syntagmatique.
AvecJ. Fontanille5,
nous
avons formul l'hypothse que la prsence de l'accent
et
de la
modulation
dans
les
deux
plans
tait
selon
l'acception
saussurienne du
terme motive,
dans la
mesure
o l'objet
du sens,
considr comme
activit,
praxis ininterrompue, est le commerce de l'intensit et de l'extensit, et ce sous une
double
condition : (i) l'intensit
devient
l'expression analytique du sensible,
et
l'extensit
remplit la mme fonction pour l'intelligible ; (ii) l'accent
est
la
forme
exemplaire
de
l'intensit, et la modulation, la
forme exemplaire de
l'extensit.
L'intensit
et
l'extensit sont apprhendes
comme des gradients
dlivrant
compte tenu de l'vnementialit affectant, par dfinition, le
sujet
des valences
respectivement
intensives
et
extensives
;
ds
lors,
du
point
de
vue
paradigmatique,
l'accent et la modulation
sont
l'un vis--vis de l'autre dans un rapport de renverse
ment
l'accent
fait prvaloir la valence intensive sur la valence
extensive, dans
l'exacte
mesure o la modulation montre l'inverse. Soit :
intensit
aire
de l'accent
^
,
aire
de
la modulation
extensit
+
Du point
de vue paradigmatique,
c'est--dire
de la
relation ou... ou
... , deux
possibles
font
valoir leurs droits : celui de
l'clat
pour le sensible, celui de l'tendue,
discrte ou
non,
pour
l'intelligible,
mais,
certains gards,
il
n'est
pas
interdit
de
considrer que
le
paradigmatique
n'a toujours
pas
t
mis la question.
Maintenant, du
point de vue syntagmatique,
c'est--dire du
et... et
...
admet
tant
a
coexistence
dans la
chane des
contraires, l'ordre
de
succession doit tre
retenu comme
pertinent: [a
b] n'a
rien
voir
avec [b
>
a].
L'identit
smiotique
est double
(i)
elle
ajuste
tt ou tard l'identit paradigmatique
des
possibles et
l'identit syntagmatique des compossibles,
ainsi
que
Greimas l'avait
indiqu :
En linguistique, les choses se passent autrement :
le discours
y garde les
5. J. Fontanille
&
Cl.
Zilberberg,
Tension
et
signification, Lige, P. Mardaga, 1998.
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traces d'oprations
syntaxiques
antrieurement effectues : (...) 6 ; (ii) l'activit
smiotique, dans la terminologie adopte par Hjelmslev,
consiste
tantt rsoudre
les alternances en coexistences, tantt
dfaire
les coexistences en alternances :
moins,
le
discours serait, selon une expression que nous dmarquons de
Cassirer,
muet.
Le
corollaire de
la demande greimassienne stipule que l'ordre dans la
chane est
lui
aussi sous le signe de
la
commutation. Moyennant le gouvernement de
l'extensit par
l'intensit, lequel est tabli
par la prvalence
de
l'affectivit, la
direction tensive doit tre leve au
rang
de composante critique de la signification :
(i) si
l'clat
est
pos
comme terme
ab
quo et l'tendue comme terme
ad
quem,
nous
admettrons que la
flche
du sens
est dcadente
;
(ii)
si maintenant
l'tendue est
pose
comme terme
ab
quo et l'clat comme terme ad quem, la direction
sera
dite ascen
dante.
La terminologie ayant
charge
d'pouser
les inflexions du sens, nous
adop
terons
les
conventions suivantes
:
clat
=>
1
sommation =>
accent
[clat]
tendue
1
rsolution
direction
dcadente
modulation
[tendue]
tendue =>
1
gradation
=>
direction
ascendante
clat
1
acm
2.
Aspectualit et sublimit
Cette tension,
mme dans
l'tat rudimentaire
o elle est
prsente,
est
dj celle
qui
rgle
l'alternance
entre
la
persuasion
et
enthousiasme,
entre
le
docere
et
le
movere. En effet, le style
dit
sublime a pour
dfinissant
de premier rang la direction
ascendante [gradation
acm]7 qui rgle son dploiement discursif, et ses caract
ristiques dcoulent de son appartenance indfectible l'espace tensif Cependant, la
place
de
la direction dans
les thories
smiotiques n'est
pas
clairement
tablie
: qu'il
faille lui accorder une place
n'est
contest de
personne,
mais convient-il de
lui
6.
A.J. Greimas & Courtes,
Smiotique 1, op. cit., p. 31.
7.
Le
recours
au couple
[gradation
acm]
constitue une
modification
par
rapport
aux choix retenus
dans
Tension
et
signification, mais prcisment
le
fait
que
les
styles
se
saisissent de
cette
possibilit autorise
ce
renversement.
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accorder la
premire ? Convient-il
de la
reconnatre
comme
constante
concentri
que*
Dans
le cas de
Saussure,
il
semble difficile
de contester
que,
tout au moins
pour
le CLG, la notion
de
diffrence
ne
dtienne la prsance ; aux yeux
de
Hjelmslev, les notions de catgorie et de dpendance,
celle-ci
commandant celle-l,
ont
supplant
la
diffrence.
Mais,
rvrence
garde,
il
semble
difficile
d'laborer
une
thorie du discours, dont la typologie des styles
est un
chapitre oblig,
sans
faire tat
de
la notion
d'intervalle.
2.1.
Rvaluation de
l'intervalle
Plus
prcisment sans doute, l'intervalle est au niveau
d'une localit ce que la
direction
est au
niveau de
l'tendue.
L'intervalle est une diffrence
oriente
et, par
transposition, nous
aimerions le considrer comme un quantum d'aspect, c'est--
dire
la
provisoire
limite
du
ressentir.
Composable,
l'intervalle
est
susceptible d'tre
ajout, intgr dans un syntagme plus vaste pour former une suite [sx
s2] ; cette
notion
d'intervalle prsente, par rapport
la
notion
de diffrence,
un
autre avan
tage
elle tient compte, en
raison
de sa dpendance l'gard d'une direction tensive
dcadente ou
ascendante,
de la place de S ou de s2. Compte tenu des
limites
de notre
propos, nous n'envisagerons ici que le cas de s2 ; deux possibilits
apparaissent
aussitt
:
(i) si s2
est un
degr, nous admettons tre
en face
de la segmentation,
c'est--dire d'une pause pour la phorie immanente la
direction
; (ii) si s2 est une
limite,
le
cas
sera
celui
de
la
dmarcation,
c'est--dire
d'un
arrt
du
point de
vue
phorique. Cette
prsentation
est
conforme
la dfinition de Amplification
qui
est
l'un des
ressorts
dcisifs du
sublime
selon Longin : l' Amplification , respec
tueuse de
la segmentation, doit
marquer chaque degr,
comme
on
marque le
pas
:
l'Amplification
(...) "est un accroissement de paroles, que Von peut tirer
de
toutes
les circonstances particulires, et de
tous
les
lieux
de
Voraison,
qui
remplit
le
discours,
et le fortifie, en
appuyant sur ce qu'on a dj
dit."
8.
J.
Pigeaud est
sans
doute
plus
prcis
quand il
fait
tat, dans
sa traduction,
d' amplification dans
le
nombre
9.
Le
rseau des syntagmes
tensifs lmentaires
se
prsente ainsi :
^^^^
position
direction ^^\^
ascendance
dcadence
segmentation
[= atteinte
d'un degr]
progression
diminution
dmarcation
[= atteinte
d'une
limite]
saturation
annulation
8. Longin, Le
trait du sublime,
traduction
de
Boileau,
Paris,
Le Livre de poche, 1995, p. 93.
Pour
eg
citations du texte de Longin
dans
la traduction de Boileau, nous
indiquerons
dsormais entre parenthses
le
numro du chapitre
et
celui
du
fragment.
9.
Longin, Dit sublime, Paris,
Rivages poche/Petite bibliothque,
1993, p.
74.
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L'
Amplification occupe
la case
de
la progression.
2.2. Prvalence
du tempo
Quand
nous
lisons
sous
la
plume de
Longin
:
Car
il
[le
Sublime]
ne
persuade
pas
proprement,
mais
il ravit, il transporte, et
produit
en
nous
une certaine
admiration mle d'tonnement et de surprise,
qui
est toute
autre
chose que de
plaire seulement, ou de persuader.
(1.4),
il
apparat aussitt puisque, pour
l'instant,
notre
description
est,
pour le meilleur
ou
le
pire, de l'ordre de la para
phrase
que : (i)
le sublime
est ici de l'ordre de la
dcadence et,
aspectuellement
parlant,
de l'ordre de
la
sommation, alors
que le
plaisir
et la
persuasion
relvent de la segmentation, lesquels sont pour Longin manifestement dceptifs
puisqu'ils sont dprcis par l'adverbe
seulement
; (ii) le
sublime
a pour mesure
et
sanction
les
affects
majeurs
unanimement
reconnus
: Y
tonnement
,
la
sur
prise
et
admiration
,
laquelle n'est
pas ici tout fait l' admiration
cart
sienne10 ; mais d'autres grandeurs
restent
en dehors de notre analyse.
Longin
oppose
la
persuasion
au
ravissement
et au
transport . Pour la
langue classique, par
excellence
celle de Boileau, nous
sommes en
prsence de
grandeurs discursives,
lesquelles, compte
tenu des conventions
dj poses, sont de
l'ordre de
l'accent, que
Cassirer, dans Langage
et mythe,
n'hsite pas
riger en
prsuppose
du
divin . Ces grandeurs
comportent
une clrit superlative, une
marque
de
tempo,
laquelle
est
pour une
smantique
logiciste
au
mieux
choquante
;
en revanche,
pour
l'hypothse d'une prosodisation du contenu pousse aussi
loin
que
possible, elle est la
bienvenue. Jusque-l, nous
avons
admis
que la projection
du
sens avait pour assiette la corrlation de l'intensit et de l'extensit,
mais
cette
mise
en place est maintenant insuffisante, de sorte qu'il nous
incombe
de relancer
l'analyse
: chacune des deux dimensions
mentionnes,
l'intensit
et
l'extensit,
admet elle-mme
deux
sous-dimensions : (i) l'intensit a
pour sous-dimensions
pro
pres le tempo et la tonicit ;
(ii)
l'extensit a
pour sous-dimensions propres
la
temporalit
et
la
spatialit
;
(iii)
chacune
des
sous-dimensions mentionnes contrle
un intervalle dmarc atif que nous portons sur le
diagramme
suivant (p. 108) :
A
ce stade de
l'analyse, nous
entrevoyons
la
raison
mme
de
la distinction
paradigmatique
au
principe
du
sublime. La
distinction
aspectuelle [dmarcation
vs
segmentation] est dans la dpendance
des diffrences
de tempo :
segmentation lenteur
dmarcation
vivacit
10. Nous
y
reviendrons
en conclusion.
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i
>
0
temp
s
s*
toni i
s
ce
bref
ferm
temporalit
spatialit
long
ouvert
Le sublime doit ainsi son
efficience
il produit
en
nous une certaine
admirat
ion.
et sa
transitivit
il
ravit,
il transporte,
la
vivacit de
son tempo.
C'est ici que notre diagramme montre son utilit : le tempo vif contracte la dure,
c'est--dire qu'il
interdit
la segmentation
qui
s'attarde
de
degr en degr puisqu'elle
a tout son temps
; la dmarcation, non seulement efface les degrs, mais elle peut
mme,
dans
des conditions extrmes, rduire l'intervalle
compris entre
les
limites et
aboutir
leur superposition. La dmarcation a
un au-del
qui la
rvle
: la simulta
nit.
n
revanche,
la
lenteur
autorise
la segmentation,
puisque,
pour
une
smioti-
que de l intervalle, s'il n'y a
et
jamais
que deux limites,
il
est toujours
possible
d'ajouter
ou d'intercaler un degr
supplmentaire entre
deux degrs exis
tants. Bref, la
clrit
abrge
et
ferme, tandis que la
lenteur
tend
et ouvre.
Avant
d'aller plus loin,
nous
aimerions indiquer que la polarit
propre
au tempo, savoir
[vif
vs
lent], n'puise pas la catgorisation du tempo ; une smiotique
exhaustive
du
tempo
devrait, nous semble-t-il, se dployer dans quatre
directions
: (i)
l'uniformit
du tempo, circonstance
qui
correspondait
au terme neutre
de
la catgorie ;
(ii)
le
changement
de
tempo dgageant
tantt
l'acclration,
tantt le
ralentissement
;
(iii)
la valeur
du
changement lui-mme sanctionne comme
excs
ou dfaut ; ainsi
en
franais,
la
prcipitation
dsigne une acclration excessive ; pour la lenteur, les
symtriques de la
prcipitation
sont
chercher dans
l'allure de celui qui
lam
bine, lanterne, tranasse; si
l'on
en croit le Grand Robert,
l'asyndte
semble
bien le corrlat expressif de la vivacit du tempo puisqu'il la caractrise
comme une
sorte d'ellipse par laquelle
on
supprime dans une phrase
certaines
particules
ou conjonctions, pour donner
plus
de
rapidit et
d'nergie
au
discours.
;
la pjoration est
corrle
la prvalence de l'une
des
grandeurs constitutives
du
complexe
[a vs b], soit l'algorithme
probable
:
108
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slection
de
a + disqualification
de b comme
excessif
ou
dfectif + pjoration
de b
+ exclusion
de
b
II
est important de noter que a et b ne sont pas dfinis
par
une
positivit
ou une
ngativit
intrinsques
celles-ci sont tributaires
du point de vue adopt
une
mme
valence
de tempo peut
tre dfinie
comme
acclration
dcroissante
et/ou
dclration
croissante. Des termes eux-mmes, tout ce qu'on est
en droit d'exiger,
c'est qu'ils soient distincte, c'est--dire
relis
l'un l'autre par
un
intervalle valu
ou une rgle ; (iv) enfin la complexification
pour sentir
et goter les vitesses lentes et
les lenteurs vives chres V. Janklvitch, mais ce point est manifestement
en
continuit avec le
prcdent. C'est dire
que, si
le temps dit
physique,
le
temps
dit
newtonien,
est uniforme,
gal
lui-mme,
le temps vcu est, lui, plac
sous
le signe de
l'ingalit,
de Y imperfection
(Greimas) un quadruple titre : le rejet de
l'unifor
mit,
e degr de
concentration
rendant
compte
de
l'alternance
entre
temps
dits
forts
et temps dits
morts
, l'ventualit
de la
perte
comme
lorsque
l'on
parle de la
perte d'une
rivire
enfin la
direction.
3. Un
sujet sous influence
Ainsi, les affects
ne
se tiennent pas la priphrie
du
sens, mais
en
son
centre, en
son cur, et ce au nom de
deux raisons
conjointes :
(i)
l'mergence et la
dissipation
subites des affects d'une part, leur possible permanence
d'autre
part,
peuvent
certes,
d'un
point
de
vue transcendant,
tre
renvoyes
la
prenne
inconstance
des
choses
humaines , mais d'un point de vue immanent ces
vcus de significa
tion
,
selon une belle expression
de Cassirer, sont du
ressort
de l infatigable
commutation,
c'est--dire du si..., alors...
;
l'affectivit, ds
lors
qu'elle
est
formulable en termes de rection,
s'avre
notre grammaire existentielle et
du
mme
coup la
garante
de notre identit u ; (ii) les affects ne sont
en
aucune
faon
amorphes,
mais leur formalit est
restreinte,
c'est--dire
slective
;
l'affectivit ne retient pas
toutes
les distinctions possibles :
elle
privilgie
celles-l
mmes
qui
permettent l ex
pression
des
intensits
prouves,
c'est--dire mesures,
savoir
la
tension
entre
le
vif et
le lent
pour le
tempo, entre le tonique
et Y
atone pour la tonicit, entre
le
bref
et
le long pour la temporalit, enfin entre le ferm et l'ouvert pour la spatialit.
3.1. Sujet extatique
vs
sujet quanime
L'efficience dont
le sublime
est crdit concerne la transformation du sujet
d'tat
; cette transformation est toujours
dcrite
comme une
division du
sujet,
comme une
rupture d'identit. Plus
exactement : un sujet un
fait place
un
sujet
aux
11. Cf. Cl. Zilberberg, L'Affect comme clef cognitive ? Eutopias, deuxime poque, vol. 49, 1994.
109
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
10/21
prises avec le survenir de sa
division
intime. Ainsi, pour le
Littr,
le
transport
est
dfini comme un
mouvement de passion qui nous met
hors
de nous-mmes
et
reoit
comme
synonyme l enthousiasme
. Du point de vue
terminologique,
nous
admettrons
tre en
prsence
d'un sujet extatique,
lequel
prend la relve d'un
sujet
que
nous
dirons
quanime.
Le
terme
d'
extase
est
d'ailleurs
retenu
par
J.
Pi-
geaud dans sa traduction du texte de
Longin
:
Car
ce n'est pas la persuasion
mais
l'extase que la
sublime
nature
mne les auditeurs. 12. Le sujet
extatique
et le sujet
quanime
s'inscrivent l'un
et l'autre
faut-il
le dire
:
sans
peine aucune dans
l'espace
tensif
de l'ascendance
:
tonicit +
vitesse
intensit
atonie +
lenteur
sujet
quanime
continuit
de soi
dimension
de
l'identit
sujet
/
extatique /
discontinuit
de
soi
Cette schizie du sujet reste pourtant
nigmatique,
comme le remarque Valry
dans Eupalinos
propos de
l'efficience
du beau
:
Socrate (...) ce
qui
convient l'homme ; ce
qui
doit
l'merveiller
sans
le
confondre, le
possder
sans l'abtir...
Phdre
C'est ce
qui
le
met
sans effort, au-dessus
de
sa
nature.
Socrate
Sans
effort
?
Au-dessus
de
sa nature
?
Phdre Oui.
Socrate
Sans effort
? Comment
se peut-il
?
Au-dessus
de sa nature ? Que
veut
dire
ceci ?
Je pense invinciblement
un
homme qui
voudrait
grimper
sur ses propres
paules
...
13
12 . Longin, Du sublime,
op.
cit., p. 52.
13 . P. Valry,
Eupalinos
ou l'architecte, in uvres, tome 2, Paris,
Gallimard/La
Pliade, 1960, p. 89.
Et
un
peu
plus
loin,
Socrate usera
de
la dfinition
mme
du
Littr
:
Je
sais
bien
que
les
extrmes
de
l'amour, et que
l'excs
du
vin,
nous
transportent, comme l'on dit, hors de nous-mmes ; (...) .
110
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
11/21
Et de
fait,
pour le sujet
quanime,
le sujet extatique
est
incomprhensible,
fou
,
comme lorsque l'on
dit
en franais : c'est fou , mais ce
renoncement ne
nous
convient pas. De
mme
que les
diffrences
de tempo administrent
au mieux
l alte
rnance, dans le champ discursif, de
la
segmentation et de la dmarcation, c'est--dire
l'ambiance,
elles gouvernent
la
slection
des
modes
de
prsence,
et
singulirement
le
jeu de
la
potentialisation,
c'est--dire couramment
l'assomption du
dj dans le
propos du
sujet, et l'actualisation,
l'assomption du pas
encore 15. Pour le
sujet
extatique,
la
potentialisation et
l actualisation,
lesquelles
ne sont rien d'autre que les
annexes du maintenant, se trouvent momentanment
suspendues, et
c'est
en ce
sens
que le
sujet
extatique
a
t, peu prs unanimement, reconnu comme
hors
de
lui-mme . Le regret et l'attente, considrs comme passions lmentaires
du sujet
quanime, ne valent plus pour
le
sujet extatique : nous
sommes
bien
dans
l'ordre de
la commutation, et le
bon sens
semble
y trouver son compte :
n'est-il pas
imp
rieux pour
le sujet d'identifier
l'tat qui est
le sien ? Mais si cette question s'impose,
n'est-ce pas d'abord en
raison
de la mobilit et de la labilit des vcus du sujet ?
Comme
l'indiquait Greimas la
fin de
l'tude
intitule De
la modalisation
de l'tre,
ce qui est dmler, c'est le
caractre
tumultueux
des changes nergtiques
dont
le
sujet est syncrtiquement
le thtre,
l'enjeu
et
la mesure.
3.2. Grammaticalit
du
sublime
La
commutation
apparat
ainsi
comme l'analysant de l'efficience
thymique
: si
[[a1?
alors
b],
mais
[si
a2,
alors
non-b]].
La
variable
dcisive
a
est,
pour
l'conomie
affective,
le tempo, puisque l'acclration et l'accroissement de la tonicit ont pour
plan
de l'expression
la
perte du contrle de
soi par
soi,
dans l'exacte
mesure
o le
ralentissement
et
l'accroissement de l'atonie
signifient
la rcupration de ce contrle
par
le
sujet :
Nous
pouvons dire
l'gard de la persuasion, que pour l'ordinaire
elle n'a sur nous qu'autant de puissance que nous voulons.
Il
n'est
pas ainsi du
Sublime.
Il
donne
au discours
une
certaine vigueur noble,
une force invincible qui
enlve
l'me de quiconque nous coute.
(1.4) 16.
Le
sublime, que Boileau se garde bien de
confondre
avec
le
style sublime,
qui n'en
est souvent que l'incertaine textualisation, est donc descriptible comme une triple
rvolution : (i)
une
rvolution tensive place
sous le
signe de la soudainet de la
14 . Selon
Pascal
: La mmoire est ncessaire pour toutes
les
oprations
de la
raison.
(in uvres
compltes, Paris,
Gallimard/La
Pliade,
1954, p.
1115).
15.
Dans les
premires pages de La dialectique de la dure, Bachelard dsigne
l'homme
comme
puissance
d'attente et de
guet...
.
16.
Pour
sa
part, J.
Pigeaud
traduit
ainsi
: Assurment partout,
accompagn du
choc, le
merveilleux
toujours
l'emporte sur
ce qui vise
convaincre et
plaire
;
puisque aussi
bien
le fait d'tre convaincu, la
plupart
du
temps,
nous
en
restons
matres
;
tandis
que
ce
dont nous
parlons
ici,
en
emportant
une
emprise
et
une force irrsistibles, s'tablit
bien
au-dessus
de
l'auditeur
.
111
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
12/21
survenir
+
tempo
advenir -
sujet
\ extatique
dominanceu subir
et
u
faire-subir
contrlee
soi sur soi
sujet
quanime
dominance
de l'agir
transformation du sujet quanime en sujet extatique ; (ii) une rvolution noncia-
tive
qui
tient
au
fait
que
le
sujet extatique
est
un
sujet
disjoint
priv
selon le
sujet
quanime, libr
selon le
sujet extatique lui-mme de son ego, de son ici, de son
maintenant,
c'est--dire
de ses appendices, sinon de son
corps
indispensables
pour
le premier, encombrants
pour
le second ;
on
songe aussitt au
mot de
Rim
baud :
Car
JE est un autre.
,
mais il n'est pas impossible que Rimbaud ait cherch
revivre pour son
compte personnel une
exprience
que le prosasme
ambiant de
la
socit
contemporaine excluait ses yeux ; (iii) une rvolution modale elle-mme
double puisque les comptences
propres du sujet
sont
virtualises
et
qu'un pouvoir
piphane,
une
efficience
indubitable
tout
simplement
s'exerce
;
nous
la disons
pi-
phane
en rfrence Durkheim, lequel lve,
dans
Les
formes
lmentaires de
la vie
religieuse,
la puissance au rang
de prsuppose
du
religieux :
Ce
que
nous
trouvons
l'origine et
la base de la pense religieuse, ce ne
sont
pas
des
objets ou
des
tres
dtermins
et distincts
qui
possdent
par eux-mmes
un
caractre sacr ; mais ce
sont des pouvoirs
indfinis,
des forces
anonymes,
plus
ou
moins
nombreux selon
les
socits,
parfois
mme
ramenes
l'unit et
dont
Vimpersonnalit est strictement
comparable celle des forces physiques dont les sciences de la
nature
tudient les
manifestations.
17. Le sublime de
Longin
et le religieux de Durkheim ont en
commun
le mme dsquilibre
actanciel, le mme dispositif figurai, la
mme distr
ibution des valences tensives. Cette
identit
latente explique que tantt
le
sublime et
le religieux puissent composer, par
exemple
dans l'hymne, l'un avec
l'autre,
tantt le
sublime
puisse
prendre la relve du
religieux
quand ce
dernier
est, aux
dires
des
sujets,
engag dans son
dclin.
C'est
d'ailleurs l'aveu de l'
accent
du
divin
qui
distingue
aux yeux de Boileau
le
sublime
du
Sublime
:
Une
chose peut
tre
17.
E.
Durkheim,
Les
formes
lmentaires de la vie religieuse, Paris,
P.U.F., 1994, pp. 285-286.
La
notion
d'
efficience
chez
Cassirer
prsente
les
mmes
caractristiques.
Cf.
notamment
La
philosophie
des
formes symboliques, tome 3,
Paris, Les
ditions de
Minuit,
p.
90, ainsi que
dans le
tome
2, p.
100.
112
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
13/21
dans
le style sublime, et
n'tre pourtant
pas
Sublime,
c'est--dire n'avoir rien
d'extraordinaire
ni de surprenant. Par exemple,
Le
souverain arbitre de la
nature
d'une seule
parole forma
la
lumire. Voil qui
est dans
le
style sublime : ce
n
'est
pas
nanmoins
Sublime
; parce qu'il n'y
a
rien l de
merveilleux,
et
qu'on
ne
pt
aisment
trouver.
Mais,
Dieu
dit
:
Que
la
lumire
se
fasse,
et
la
lumire
se
fit.
Ce
tour
extraordinaire
d'expression
qui marque si bien
l'obissance
de la crature aux
ordres
du
crateur, est
vritablement
sublime et
a
quelque
chose
de divin.
I8. Il
y
aurait beaucoup
dire
propos de
cette
analyse
;
nous nous contenterons de
remarquer que le
merveilleux
consiste accentuer, c'est--dire
relever
les
valences
tensives immanentes
tel
procs,
c'est--dire
l'acclrer et le galvani
seren second lieu, du point de vue fiduciaire, que l'effet
devient
cause de sa cause :
la
cible
affecte projette la source affectante laquelle elle s'oblige.
4.
Du style aux styles
La
rflexion de Longin annonce
un
problme
classique
de la rflexion smioti-
que : celui
de
l'alternance entre
le confinement
et le dploiement
actoriels
les
tensions propres
au schmatisme
doivent-elles
tre confies un seul acteur
on
pourrait
parler
ici de monogramme ou plusieurs ? Nous touchons ici la
question du rabattement de
la
catgorie du nombre sur ce
que
Greimas
appelait la
structure
actorielle
19
et
celle
de
la
transition
du
religieux
vers le
divin
20.
4.1. Tensions intrastylistiques
Eu gard
au dilemme
: dcadence ou ascendance ? la
prfrence
de Longin
va
manifestement
la
dcadence :
Mais quand le Sublime vient
clater o ilfaut, il
renverse tout comme un foudre, et prsente d'abord
toutes
les
forces
de l'orateur
ramasses
ensemble.
(1.4) ; pour
sa
part, J. Pigeaud propose :
(...)
tandis
que le
sublime, quand il se produit au moment opportun, comme lafoudre
il
disperse tout
et
sur
le
champ
manifeste,
concentre,
la
force
de
l'orateur.
.
Les convergences
et
les
diffrences
entre
la traduction de
Boileau
et
celle de
J. Pigeaud
sont clairantes
dans la mesure o la prdication, loin d'tre livre elle-mme, est
surdtermine
par les dimensions et les sous-dimensions dont nous avons fait tat
en
2.2. Une des
difficults que
rencontre
l'analyse tient ce que
le commentaire
de Longin tantt se
situe au niveau
hyperotaxique
des dimensions, l'intensit et
l'extensit,
tantt au
18 . Longin, Le
trait
du
sublime, op.
cit., pp. 70-71.
19 .
A.J. Greimas, Les actants,
les
acteurs et
les
figures, in
Du
sens
II,
Paris, Les
ditions
du
Seuil,
1983,
p.
57.
20 .
Voir,
entre
autres, E.
Cassirer, Langage
et
mythe,
Paris,
les ditions
de Minuit,
1989.
113
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
14/21
niveau hypotaxique
des
sous-dimensions,
la
tonicit et le tempo
pour
l'intensit,
la
temporalit
et
la spatialit pour
l'extensit.
Nous avons
avanc
plus haut
pour
chaque sous-dimension
tensive l'intervalle dmarcatif exemplaire, mais nous
n'avons pas indiqu l'intervalle propre chaque dimension ; nous proposons main
tenant
l'intervalle [clatant
vs
faible]
pour
l'intensit
et
[concentr
vs
diffus]
pour
l'extensit,
que
nous
reportons sur le diagramme
de rfrence
:
tonique
toni it
tone
vif
tempo
lent
cl t nt
intensit
faible
aire du
sublime
les sous-dimensions
sont
portes en caractres plus
petits.
aire
du
bas
concentr extensit
diffus
bref
temporalit
long
ferm epatialit ouvert
Aux prdicats du
sublime selon
Longin correspondent les catgories
discursives
portes
sur le
diagramme. Examinons d'abord
le cas
de
l'intensit :
(i) l'intensit,
au
titre de dimension,
est
superlative
et
sa
valence est celle
de
l'clat ;
(ii)
le tempo est
vif, et sa valence, celle de la
foudre, correspond
au superlatif
relatif
des
grammaires ; (iii) la valence de la tonicit est elle aussi suprieure
puisque le
sublime
renverse tout
(Boileau),
disperse tout (J. Pigeaud) ;
cette
tonicit
suprme
est
exprime
par un dploiement
actantiel
et narratif particulier, he faire
du
sujet
peut
tre orient
soit
vers l'objet de valeur, soit
vers un
autre sujet ;
dans
le premier cas,
le dploiement narratif prendra la forme d'une qute, par
catalyse
: d'une recon
qute
de l'objet de valeur ;
le
second cas, moins explor, mais
non
ignor 21,
appelle
21. A.J.
Greimas,
Le
dfi, in
Du
sens
II,
Paris, Les
ditions
du Seuil,
1983, pp.
213-223 ;
voir
galement
dans
A.J.
Greimas
&
J.
Fontanille,
les
pages
consacres
la
jalousie
dans
Smiotique des
passions, Paris, Les
ditions
du
Seuil, 1991,
pp.
265-317.
114
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
15/21
un rcit
que nous dirons de la prpondrance ; il est moins question d'une opposi
tion
ntre
les
deux
vises narratives que d'une prvalence d'une direction sur
l'autre,
mais l'accent mis sur
Y
invincibilit
du
sublime
II
donne
au
discours
une certaine vigueur noble, une force invincible
qui
enlve l'me de quiconque
nous
coute.
,
selon
Boileau
;
le
sublime
en
apportant
une
emprise
et
une
force
irrsis
tibles, s'tablit
bien
au-dessus de l'auditeur ,
selon
J. Pigeaud donne penser
que
la
tonicit
s'inscrit
plutt comme programme
de
base que comme
programme
d'usage
;
pour le rcit de
qute
il
s'agit d'abord
de s'emparer, pour
le
rcit de
prpondrance d'abord de l'emporter ; selon Boileau :
le Sublime (...)
renverse
tout comme
un
foudre,
; selon
J.
Pigeaud :
comme la foudre
il
disperse tout
;
assurment,
les cas de
syncrtisme
entre
les deux schmas sont
nombreux,
mais les
syncrtismes, loin
de dmentir
la
structure,
la
confirment.
Tournons-nous
maintenant
vers
l'extensit
:
(i)
l'extensit elle-mme
est
ra
m sse
dans la
traduction
de Boileau, sous le signe de la
concentration
dans la
traduction
de
J.
Pigeaud ; cette
littralit,
de notre point de vue,
est le
fait
des
contraintes de la schmatisation tensive ; (ii)
pour
la temporalit, la traduction de
J. Pigeaud fait tat d'une configuration particulire : le
moment
opportun
; le
moment est
avec Y
instant
la limite de
cette
brivet
que nous
avons
porte sur le
diagramme.
Les
voies de l'intensit
et celles
de
l'extensit diffrent
notablement
: l'intensit a pour vise l'affect,
c'est--dire
une mesure,
tandis que
l'extensit
a en vue le
dgagement
d'un nombre, extensible ou
rductible
en fonction
de l'axiologie
en
vigueur
;
l'extensit
se
prsente
comme
un
continuum
analysable
partir
duquel
des
positions
remarquables mergent :
extensile
exclusion
[=
restriction
exclusive]
restriction extension
diffusion
[= absence
d'exclusion]
Sous ce pralable, le
moment opportun , ou encore le
bon moment , relve de
l'exclusivit,
mi-chemin
de
la
nullit
et
de
la
petite
pluralit,
de
la
poigne
correspondant la
restriction.
Chaque
position
est
bivalente
: la
restriction, par
exemple,
se
laisse dcrire comme vise
croissante
et saisie
dcroissante,
c'est--dire
que la restriction se rapproche de l'exclusion
et
s'loigne de la diffusion. De sorte que
c'est par
concordance
schmatique que la concentration
extensive
appelle
Hjelmslev
dfinit
la rection comme un
appel
la brivet
du
moment oppor
tunpour la sous-dimension de la temporalit,
(iii)
pour la
spatialit,
elle apparat
dans la traduction de Boileau,
l o il
faut
, tandis
que
J. Pigeaud lui
substitue
la
temporalit,
mais cette substitution prouve l'identit de statut,
dans
la perspective
tensive,
des deux sous-dimensions, et au-del : la lgitimit
de
la
temporalisation de
115
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
16/21
l'espace,
comme celle de la
spatialisation
du temps ; quoi
qu'il en
soit, ce
l
est
l'quivalent
nonciatif
du
bon endroit , lui-mme corrlat
du
bon
moment .
L'insistance porte sur cette
configuration de l'
opportunit
laisse entrevoir
la
raison, c'est--dire le
profit
procur par la structure de l'extensit : l' opportun
it
se
prsente
comme un
abrgement
qui
a
pour
corrlat
spatial
la
fermeture
;
de son ct, la ralisation discursive de la
diffusion
a pour conditions l'allongement
temporel
et
l'ouverture
spatiale ; ce qui nous permet
de
complter la mise en place
prcdente
:
exclusion
resctriction
[=
rectriction
exclusive]
diffusion
[=
absence
d'exclusion]
temporalit
abrgement
spatialit fermeture
allongement
ouverture
L allongement
est
li
la
question
dcisive
de
l'
amplification
,
laquelle
est
dfinie comme un
discours
qui augmente et qui agrandit les choses , mais
aussitt
Longin se dfie de cette
multitude de paroles
(12.1), de
cet
accroissement
de
paroles
22, si
contraire
l'inapprciable clat du sublime.
Le
dpassement de
cette
difficult va tre
demand
une schizie
du
style,
c'est--dire
que Longin aboutit
cette parit des styles,
qui est le
point
de
dpart de
la
rflexion de Wolfflin dans
Renaissance et baroque. Soit la transformation :
Cette transformation se laisse ainsi gloser : un
discours Sx
internant la
tension
[a
vs
b] fait place la
bifurcation
entre deux discours
S2
et S3
ralisant
chacun
seulement
l'une
des
composantes
de
la tension et virtualisant l'autre,
soit pour
S2 :
et
pour
S3
:
ralisation
de
a
+
virtualisation
de b
Si = ralisation de b
+
virtualisation de a
22.
Voir les
remarques
de
Fr.
Goyet sur
la
copia
et
la
plthos
dans
son introduction
au
Trait
au
sublime,
op. cit.,
pp. 30-33.
116
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
17/21
Toutefois,
dans l'ordre
du
discours, la
virtualisation
admet
deux
manifestations
possibles : le silence
modalis
de celui
qui, dans
l'change,
fait silence ,
garde le
silence
, et la pj oration qui retient la
grandeur
concerne dans le champ
discursif,
mais en
l'accablant.
4.2. Tensions inter
tylistique
En
effet,
Longin
constate
que, si Dmosthne et Cicron sont l'un
et l'autre
sublimes,
ils diffrent
prcisment parce
que le
sublime de
Dmosthne
vite
Y
ac
roissement
de paroles
:
En
effet,
Dmosthne
est grand
en ce
qu'il est serr et
concis ; et Cicron, au contraire, en ce qu'il est diffus et
tendu. On
peut comparer
ce premier, cause de la
violence,
de la rapidit, de la
force et
de la vhmence avec
laquelle
il
ravage,
pour
ainsi
dire,
et
emporte
tout,
une
tempte
et
un
foudre.
Pour
Cicron,
on
peut dire,
mon avis,
que comme un grand
embrasement
il
dvore
et
consume tout ce
qu'il
rencontre, avec
un
feu
qui
ne s'tend
point,
qu'il rpand
diversement dans ses ouvrages, et qui,
mesure qu'il s'avance, prend toujours de
nouvelles forces.
(12.4). Les
oppositions s'inscrivent aisment dans le cadre que
nous proposons J. Pigeaud pour sa traduction du mme passage propose :
l' extrme tension
du
sublime
dmosthnien si l'on
ajoute
que Longin
caractr
ise,uelques lignes
plus
loin, le tempo de Cicron
en
soulignant la dpendance entre
l' abondance
et la
lenteur
:
(...) l'abondance
est meilleure,
lorsqu'on veut, si
j'ose
me
servir de ces
termes,
rpandre
une
rose agrable
dans
les esprits.
Les
oppositions directrices sont les suivantes :
tempo
dure
espace
Dmosthne
vif
concis
serr
Cicron
lent
tendu
diffus
Autrement dit,
le
partage entre
Dmosthne et
Cicron
est
celui
qui
porte
sur la
dcadence
et l'ascendance tensives, et c'est en ce sens que l'un et l'autre
sont,
quoiqu'opposs, dits
grands
par Longin. Soit
:
117
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
18/21
tonique
atone
\ dcadence
\ [d'un
survenir]
ponctuel
systme
Dmosthne
tonique
atone
diffus ponctuel
/
ascendance
/d'un parvenir] /
diffus
systme Cicron
Nous
estimons tre en
prsence
de
styles smiotiques
transculturels et transhis
toriques. Le
sublime de Dmosthne
est
celui de l'attaque et il vaut par la solidit de
la
potentialisation,
par la valence de persistance 23 qui est la
sienne
:
La
marque
infaillible
du Sublime,
c'est
quand nous sentons
qu'un discours
qui nous laisse
beaucoup
penser, qu'il fait d'abord un effet sur nous,
auquel
il est
bien
difficile,
pour ne pas dire impossible, de
rsister, et
qu'ensuite le souvenir
nous
en dure,
et
ne
s 'efface qu'avec peine.
(7.3).
Le
sublime de Cicron
est
celui de la progression, de
ce que
Baudelaire
dnomme Y
ternelle
loi
de
la gradation
24,
laquelle soutient
l'actualisation, c'est--dire le mode de
prsence
qui introduit, puis maintient le pas
encore
dans
le
champ
discursif.
Si
l'on
admet
que le
discours
judiciaire appelle
la
persuasion par
la
preuve
propos d'une singularit,
il
devient possible d'esquisser le
systme sublogique
des
catgories
discursives de la rhtorique. La persuasion tant dfinie en intensit par
son atonie [ax], sa
froideur
, en
extensit par
sa
concentration
[bj], il
est
ais,
partir de
ce syntagme [a^b^,
de
projeter les autres combinaisons possibles :
[a -b2],
[-^
et
[a2-b2],
soit
:
L'unanimit
extensive
est
reconnue
comme
critre
du
sublime
:
(...)
une
chose
est
vritablement sublime, quand
vous voyez qu'elle
plat
universellement et dans toutes
ses parties. (...)
(7.4). L'enthousiasme
conjugue
les valences les plus leves dans
23.
Nous empruntons
ce
terme
Valry : Ce qui n[ou] frappe, persiste et
se
projette sur les choses
suivantes. L'intense a donc
une
qualit propre qui est de persister au-del de la dure de sa cause.
(in
Cahiers, tome 1, Paris, Gallimard/La
Pliade, 1973,
p. 1235.
24.
Dans un
fragment
proprement hjelmslevien de Mon cur mis nu,
Baudelaire
crit : tudier
dans tous ses modes,
dans
les uvres
de la
nature et dans les uvres
de
l'homme,
l'universelle
et ternelle
loi
de la gradation, des
peu peu,
du petit
petit,
avec les forces progressivement croissantes, comme les
intrts
composs, en matire
de
finances.
Il
en
est
de
mme
dans l'habilet
artistique
et littraire
;
il
en
est
de
mme
dans
le
trsor
variable
de
la
volont.
(in uvres
compltes,
Paris,
Gallimard/La Pliade, 1954,
pp.
1226-1227.)
118
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
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^^^
xtensit
intensit^^^^
tonicit
atonie
individualit
toucher
persuader
collectivit
enthousiasmer
plaire
chacune des
dimensions
et
le propre
des valences intensives,
dionysiaques
dirait
Nietzsche, est
de parvenir ce que l'auditeur
soit pris
d'une commune fureur
avec
celui qui parle.
(32.4)
; Nietzsche encore
parlerait ici de
suspension
du
principe d'individuation , et de fait la collectivit que Longin a
en
vue
semble
plutt une masse
qu'une
somme
. Ajoutons que
le
rseau projet
ne tient
pas
compte
de
la vridiction,
laquelle
redouble
plaisir
toutes
les
combinaisons
possi
bles.
En
effet,
Y
image pour Boileau, V apparition
pour J. Pigeaud, fait
croire
:
(
.
.) l semble que nous
voyons
les
choses dont
nous parlons
et
quand nous
les
mettons
devant les yeux de ceux qui nous
coutent
(15.1),
et elle fait plus que
persuader et que prouver.
(15.10).
5.
Pour
finir
Une des
constantes de l ouvrage de Longin est son
insistance
traquer les formes
du
mauvais
sublime
et
il
relve
V
enflure ,
la
purilit
et
le
pathtique
.
Toutefois
l'analyse
n'a
pas reproduire la pjoration, mais la traiter. Quand
Longin crit :
Toutes
ces
affectations cependant,
si basses et
si puriles ne
viennent
que
d'une
seule cause, c'est
savoir de ce qu'on cherche trop la nouveaut dans les
penses qui
est la
manie surtout des crivains d'aujourd'hui.
(5), cette
remarque
invite d'elle-mme
l'anachronisme, puisque la
chasse
la
nouveaut
(J. Pigeaud)
est devenue la rgle pour l'crivain
moderne ,
de mme
que, pour
ce
dernier, il
est
plus
que probable que le sublime
se
distingue mal
de l' enflure
.
L'hypothse du
schmatisme
tensif
propose
un
dbut d'explication : la smiotisation
d'un
acquis
culturel
est
pertinente
si
elle
propose
des
possibles
interdfinis,
des
ralisables
25 dans
la terminologie de Hjelmslev,
et dans
la foule nous aimerions
distinguer
entre
un
sublime
intensif, celui de Longin, et un sublime extensif, dirig
par cette
qute de la nouveaut dont Longin se mfie ; le premier a pour
ressort
l'extase,
et
le second, l'admiration dans les termes qu'utilise Descartes dans le Trait
des passions :
Lors que la premire rencontre de quelque objet nous surprend &
que nous le jugeons estre nouveau, ou fort diffrent de ce que nous connaissions
25.
La
grammaire gnrale
est
faite
par la
reconnaissance
des faits
ralisables
et
des
conditions
immanentes de
leur ralisation.
(in
Essais linguistiques,
Paris, Les
ditions de
Minuit, 1971,
p. 140).
119
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20/21
auparavant,
ou bien de ce que
nous
supposions qu'il devoit estre, celafait que nous
Vadmirons &
et en sommes
estonnez. Et pour ce que cela peut arriver
avant
que
nous
connaissions
aucunement
si cet
objet nous
est convenable, il
me semble que
l'Admiration
est
la premire de
toutes
les
passions.
Et elle n'a
point
de contraire,
cause
que,
si
l'objet
qui
se
prsente
n'a rien
en soi qui
nous
surprenne,
nous
n'en
sommes aucunement meus, &
nous le
considrons
sans passion.
26.
Nous
ajoute
rons, out en ayant conscience que Descartes aurait probablement fronc le sourcil
la
lecture
de cette remarque, que le
sublime
extensif
consiste
seulement
puisque
tel est le
tribut
exig par la distinction entre sublime
intensif
et sublime
extensif
dplacer
telle grandeur de sa
classe de sjour vers une classe
d'accueil,
et la
commotion
proprioceptive
propre
la
nouveaut
consiste
dans
le transfert, c'est--
dire le syncrtisme d'une sortie et d'une entre diligentes que rien ne laissait prvoir.
Soit
en focalisant
sur
la
grandeur
e
:
[(a, b, c, d,)
vs
(e, f, g, h,)]
tat
initial
[(a,
b, c, d, e,) vs
(f, g,
h,)]
tat final
La
distinction
que
nous
proposons
entre
deux
espces
de
sublime non
seul
ement
rend
compte du paradigme [
Dmosthne
vs
Cicron ] tel que l'appr
hende ongin,
mais elle semble
en
rsonance
avec la
distinction
entre
le sublime
et le
beau
telle
que l'envisage H. Parret :
Le sublime fait violence l'imaginat
ion...) Le
sublime
est grandiose,
colossal.
La consquence de cette inscription
naturelle
du
sublime est
que
le plaisir
y est ngatif ou plutt passif le
sublime nous
force
Vadmiration
et au respect. (...) Le cycle
pathmique
en face
du sublime
comporte
un moment
d'inhibition
et un moment d'panchement, tandis
que
le beau
fait
natre
directement
en
nous
un sentiment
d'intensification de la vie homogne et
non-contradictoire.
27. Selon
Parret,
c'est
la
donation
d'accent
et
la
dsaccentua-
tion qui sont
au
principe de la
distinction
entre
le sublime et le
quotidien
:
Le
sublime
du
quotidien, c'est
le quotidien
accentu dans sa quotidiennet par l'exp
rience
esthtique.
28.
La recevabilit de
ces propositions
prsuppose que les
formes
du plan de l'expression et singulirement la tension catgorielle
[accent
vs
modulation] que
nous avons
choisie comme
fil conducteur de notre tude soient
26.
Descartes, Les passions de
l'me,
Paris, Vrin,
1991,
pp.
108-109.
27.
H. Parret,
Le sublime
du quotidien,
Paris/
Amsterdam/Philadelphia, Hads-Benjamins,
1988,
p.
22.
28.
ibid.,
p. 20.
120
7/26/2019 Zilberberg - Esquisse d'Une Grammaire Du Sublime Chez Longin
21/21
reconnues comme formes du plan du
contenu,
si bien que la
resmantisation
de
telle
grandeur
mondaine,
laquelle
tiennent
tant
Greimas
dans
De
l'imperfection et
Parret
dans l'ouvrage
cit, s'avre,
selon
le cas, une
prosodisation
ou une
reprosodisation
du
contenu.
La
projection ininterrompue
de
sens se
prsente
comme un
arbitrage
entre
les
attentes de l'intensit et celles de l'extensit. Chaque dimension expecte l'unit dont
elle est capable : (i)
pour
l'intensit, c'est l'vnement selon le
Micro-Robert
:
ce qui
arrive
et
qui
a de l'importance pour l'homme
; cette dfinition appelle, du
point de vue tensif, les catalyses suivantes :
ce qui
arrive
selon l'intensit
et qui
a
de l'importance pour l'homme
selon l'extensit
; (ii)
pour l'extensit, c'est
l'tat,
l'tat
de
choses, c'est--dire
le
bilan des
identifications et des rejets mutuels tel
qu'il ressort
aprs
effectuation des oprations de tris
et
de mlanges.
Le
sublime,
qui
enlve,
ravit,
transporte
(Boileau),
nous
proposons
de le
reconnatre comme
le superlatif mme
de
l'vnement
en raison du recoupement de
ses valences : le
sublime, envisag d'un point de vue immanent comme le produit vertigineux de la
clrit par la tonicit, fait accder le
sujet
ce que
Valry
appelle, dans un fragment
des
Cahiers,
Y
existence par vnements
:
Sensibilit est
proprit
d'un tre
modifi passagrement, en tant que spar, et en tant qu'il comporte de n 'exister que
par
vnements. C'est l
existence par vnements au moyen de, pendant
l'vnement.
(...)
29. Si le sublime est de l'ordre de la fracture
(Greimas,
Parret), n'est-ce pas d
au
fait que la prosodie,
le feu
de l'vnement,
virtualise,
au
moins
un laps,
la
prose des
tats
?
Les convergences
qui
apparaissent
entre
la conceptualisation
du
sublime et
certaines hypothses propres la smiotique tensive ne sauraient tre entirement
fortuites.
Il
nous
semble
qu'elles en appellent
trois
propositions fondatrices : (i)
l'intensit ne
doit
pas tre introduite
aprs, mais d'abord ; (ii)
es affects doivent
tre
reconnus comme des mesures ;
ils
font connatre
l'tat
du sujet d'tat
en
qualifiant
tel
quantum d'affect
comme plaisant ou dplaisant
et,
partir
de cette valuation, le
sujet
proroge l'tat
s'il est dsirable, ou l'abrge s'il
est
hassable ;
le
sujet d'tat, cet
arpenteur du sensible,
dicte
au
sujet
de
faire
son
programme,
mais
le
premier
conoit ce
qu'il
ne saurait
excuter, tandis que le
second excute
ce qu'il ne
saurait
concevoir ; (iii) cette
identification concorde
avec l'lection de l'intervalle et de ses
correlate comme
unit locale de
l'espace tensif.
29.
P.
Valry,
Cahiers, tome 1,
op. cit.,
p. 1168.
121