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Le Monothisme politique et le Dieu TrinitLes ralits politiques
de l'Antiquit paenne taient pntres
de religion. Quand, entre 334 et 325 avant Jsus-Christ,
Alexandreeut conquis l'Asie mineure, la Syrie. l'Egypte, la Perse,
l'Iran etl'Inde occidentale, il adopta le costume et l'apparat des
rois perses,tablit l'obligation de la proskunesis a son gard. Il
tait convaincud'avoir une mission divine. Divinis comme pharaon
Memphis,salu fils d'Ammon (Zeus) dans l'oasis de Siwah, dclar divin
Suse en 324, apothose l'instar d'un dieu en Grce, lui-mme,d'aprs
W\W\ Tarn, ne croyait pas sa divinit \ Alexandre at ainsi
reprsentatif et premier modle d'une idologie de mo-narchie sacre.
Dj Xnophon (430-354) avait exalt, en la per-sonne de Cyrus, le
rgime monarchique2, Isocrate l'avait clbren traant le portrait du
prince gal aux dieux 3. Prcepteur dujeune Alexandre, Aristote avait
termin sa Mtaphysique (livreXII : 1076 a) en citant un vers de
l'Iliade (II, 204) : Ce n'est pasun bien que la pluralit des chefs.
Qu'il y en ait un seul . Ce verstait souvent cit4.
Au IIe sicle de notre re, Apule avait traduit en latin un
rcitpseudo-aristotlicien. Pri kosmou. De mundo. qui prsentait
Dieucomme un souverain cach dans les hautes sphres, l'image
dusouverain perse ; il y a Y arche, Yauctoritas. Dieu meut le
mondepar la dunamis qui y est investie et active (thme proche du
stocis-me). Le modle perso-irano-heUnistique de monarchie sacre
et
1. W.W. TARN, Alexander th Grai Cambridge, 1948 ; et Cambridge
AncienfHistory, t. VI, 1953. Pour l'ensemble, A.A.T. EHRHARDT,
Politische SSetaphysikvon ScAon bis Augustin. 3 vols, Tbiagen. 1959
et 1969 ; Fr. DVORNIK, EarlyChristian and Byzantine Politicai
Philosophy, Origins and Backgrounds, 2 vols,Washington, 1966 ; E.
PETBRSON, cit infra. n. 4.
2. DVORNIK, p. 187s.3. DVORNIK , p. 200s.4. CE la note 63 de E.
PETERSON, Dec Monotheismus as poSfisches Probtem,
Leipzig, 1935 (la deuxime anne du rgime- hitlrien !) ; repr. in
TT\eologischeTraktafe. Munchen, 1951, p. 45-158, que nous citons.
Cf. dj Gtiliche Mo-narchie.daos Theol. Quart. 112 (1931)
537-564-.
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4 Y. CONGAR, O.P.
presque divinise a pntr Rome, d'abord sous la forme d'unidal de
chef prestigieux, surhomme, personnifi en Cyrus par laCgropdie de
Xnophon ainsi chez Csar , en Alexandre pourle mme Csar, pour
Scipion l'Africain, pour Pompe et Antoine5.Octave-Auguste avait
ralis l'image du prince parfait, dieu, sau-veur et matre du monde :
la Pax Augustana. Il avait t divinisaux IIe et IIIe sicles de notre
re. On avait vu la divinisation dela personne de l'empereur et le
culte du soleil avec Aurlien (270-275), une monarchie absolue de
type oriental avec Diocltien (284) :il abdique en 305 et son
abdication est suivie de guerres civiles,de comptitions et de
luttes (sept empereurs en 310) dont l'empiresortira par la victoire
de Constantin sur Licinius et le rtablisse-ment d'une monarchie
sacre sous le signe, dsormais, du Dieuchrtien.
Comme l'a montr E. Peterson, c'est d'abord Alexandrie etchez
Philon que le monothisme juif a rencontr l'ide de monarchiede la
philosophie grecque ( Philon introduit le mot mme de mo-narchia et
il cite le vers de l'Iliade) et l'ide politique
hellnistiquelargement rpandue. Isral tait un peuple par la foi en
un Dieu.Mais ce Dieu tait unique pour tout le genre humain et le
cosmos,le roi des rois dont la symbolique perse avait donn une
image.Le paralllisme avec la monarchie de l'empire offrait, pour
les pro-slytes, un accs au monothisme ". Eusbe citera Philon 7.
Les apologistes chrtiens du IIe sicle ont suivi la mme voie
quePhilon. Chez Justin, la monarchie s'entend, sans avoir besoinde
prciser, de la monarchie de Dieu8. Justin avait crit un livresur la
Monarchie de Dieu, o il faisait usage de la
philosophiehellnique9.
Saint Thophile d'Antioche oppose la monarchie de Dieu, seul non
devenu, ager-tos , la pluralit des dieux ". Les apologistesusent
semblablement de l'ide de la monarchie divine ".
5. DVOP.NIK, p. 472s. Et cf. E- BARKER, From Alexander to
Constantine.Passages and Documents illustrating th History o[
Social and Politica! Ideas,336 BC-AD 337. Oxford, 1956.
6. PETERSON, note 39 ; DVORNIK, p. 612.les parents le roi
Dieu
7. Avec les rapports = se : DVORNIK, p. 621.leurs enfants l'Etat
le monde
Ide juive du pre, caractrise par le gouvernement, les soins, la
prctectioc.On pleurera Constantin comme un pre : DVORNIK , p. 522,
n. 20.
8. Dial. I. 3.9. EUSBE, H.E. V, 1.3, 4.10. Ad Autolycum II, 4 ;
II, 8 et 28.11. TATIEN, Orari'o adv. Graecvs 14. 29 ;
PSEIDO-JUSTIN, Cohorietio ad
Graecos. 17 ; THODOKET, Graecamm affectionum cwatio. sermo 3.
Les deuxderniers ci-ent le vers d'Homre.
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LE MONOTHISME POLITIQUE ET LE DIEU TRINIT 5
Contre cette propagande monothiste chrtienne, le paen
Celsearguait d'un polythisme qui se traduisait dans la structure et
lergime de l'empire : sous an dieu suprme il faut des dieux,
commeil existe des satrapes sous le grand roi perse ou l'empereur
romain ".Cette illustration ou justification du polythisme tait trs
rpan-due 13. Aux juifs et aux chrtiens qui affirmaient qu'on ne
doit pashonorer les serviteurs la place du matre, les dieux la
place deDieu, Celse rpondait : Le satrape, le gouverneur et le
prteurou le procureur du roi des Perses ou des Romains, et aussi
ceuxqui dtiennent de plus petits commandements, administrations
ouservices ne peuvent-ils pas causer de grands maux si on les
n-glige ? Mais satrapes et serviteurs ne pourraienMis faire que
depetits maux s'ils taient traits avec arrogance 14 ? Par son
con-traire, le monothisme manifestait son impact politique.
Vouloir n'honorer qu'un Dieu apparaissait aussi aux paens com-me
un particularisme, une exclusion. Les chrtiens avaient leur
Dieu,les peuples n'avaient pas le leur. Les chrtiens taient des
ennemisdu genre humain ls. Ils enlevaient aux peuples leur culte
propre,leurs coutumes. Leur monothisme tait un appauvrissement
del'empire, dont on comparait l'ordre celui qu'a introduit
Zeus.
A l'accusation de miner l'empire, Origne repondait en situant
lechristianisme dans le cadre de ce mme empire. Le Christ est nsous
Auguste, dans le cadre de la Pax Augustana. L'unit del'empire a
prpar la possibilit d'une diffusion universelle de lafoi et de la
loi du Christ16.
Eusbe, lui aussi, voit la royaut du Christ natre au momento les
royauts nationales se sont teintes en Jude, en Egypte,en Syrie,
etc., et o s'est instaure la paix d'Auguste et l'unitde l'empire ".
La pluralit des cits, avec chacune son dieu, en-gendre les guerres.
La venue du Christ, concomitante avec la do-mination d'Auguste sur
la pluralit et la dispersion, xeprsentaitla paix que les prophtes
avaient annonce. C'est une politisationdu message rvl... Le
monothisme a commenc de s'afiirmeravec la monarchie d'Auguste ls :
il est li l'empire romain. Et voiciqu'avec la victoire de
Constantin sur Licinius et sa conversion, ilest devenu une ralit ;
les trois notions : Empire romain. Foi etMonothisme sont ainsi lies
ensemble. Mais un quatrime lment
12. ORIG3NE, C. Celswn VIII, 35.13. PETEBSON, p. 72 et les notes
87-93.14. C. Ceisum VIII, 35.15. Sur cette accusation, A. HARNACK.
Die Mission und Ausbreifmg des
Christentums. 4e d., Leipzig, 1924, 1.1, p. 281 sv.16. C. Celswn
II, 30 (Koetschau 158) ; Ccm. in Mat. 24, 37.17. Demonstr. evang.
III, 2, 37, et 7, 30-35.18. ld. op.. VIII, 3.
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6 Y. CONGAR, O.P.
s'y ajoute, la Monarchie de l'empereur romainls. A
l'uniquemonarque divin dans le ciel rpond un unique monarque sur
terre :une ide qui, comme telle, sera reprise par nombre de Pres et
parnotre haut moyen ge2". Pour Eusbe, le Pre est le principe
duFils, qui tient de lui sa divinit. Il n'y a donc qu'un seul Dieu
quisoit sans commencement et inengendr. Le Fils, lui, est l'image
duseul vrai Dieu, de celui qui seul est Dieu par lui-mme . Sur
terre,est vrai empereur celui qui, l'image du Logos-Christ-Roi,
repro-duit en soi l'image du Pre-Roi.
Une affirmation monothiste appuye symboliquement sur l'imagede
l'empire jouissait d'une grande force. Il s'imposait de tenir
etrespecter la monarchie. Les modalistes que combat Tertullien
sejustifiaient ainsi : monarchiam, inquiunt, tenemus 21. Le
mono-thisme tenu sous le signe de la monarchie posait de difficiles
ques-tions une foi trinitaire. Fin IIe - dbut IIIe sicle, Rome,
Noetet Praxeas (inconnu d'autre part) confondaient le Pre et le
Filsquant leur existence temelle, antrieure leur fonction
conomi-que. En critiquant Praxeas, Tertullien expliquait que le Pre
pou-vait avoir un Fils sans perdre ou diviser la monarchie ; il se
rf-rait mme l'institution du double principal L'existence de
cou-rants monarchianistes en Pentapole nous a valu, vers 260, la
pro-fession de foi trinitaire du pape Denys de Rome2Z. Il y parle
du dogme le plus vnrable de l'Eglise de Dieu, la monarchie et,aprs
avoir rejet galement le trithisme et le modalisme, il con-clut : de
la sorte sera sauvegarde et la Trinit divine et la sainteprdication
de la monarchie .
Le thme de la monarchie divine tait un des appuis des
ariens.C'tait pour le sauver, disait Eunome, qu'il subordonnait le
Filset l'Esprit au Pre23. Le lien avec le monothisme politique
estmarqu dans la version arienne des Constitutions ApostoliquesV,
20, 11 : en ralisant la prophtie de Daniel 2, 34 sur la montagnequi
remplit la terre, le Christ a bris la polyarchie du polythisme
19. PETERSON, p. 92-93. Et cf. R. FARINA, L'impero e
l'imperatore cristiano inEusebio di Cesarea. La prima tsologia
politica del Cristianesimo. coll. B&l.Theol. Selesiana, Zurich,
1966.
20. Cf. S. AMBROISE, Corn. in PS 45. 10 (PL 14, 1142s.) ; De
obitu TheodosU ;S, JEAN CHRYSOSTOME, Contra ludaeos et Genfiles, 3
(PG 48, 817) ; sermon deNcl (57, 385) ; DIODORE, Corn. in Rom. 13,
1 (PETERSON, note 139) ;THEODORET.In Daniel.. c. 2 (PG 81, 1303s.)
; PRUDENCE, Contra Symmachum l, 583s. Et cf.DVORNIK, p. 725..
21. Adv. Prasean. 3 (Kroymann 230).22. Dans S. ATHANASE, De
decc. Nie. syn., 26: Dz-ScH, 112. Cf. G. BAREY,
art. Monarchianisme, dans Dict. Thol. Cath. t. X. col.
2193-2209.23. Apologeticus. 27 (PG 30, 865). Cf. P. BESKOW, Rex
Gloriae. Th Kingskip
o[ Christ in th Early Church, transi. E.J. SHASPE, Stockholm,
1952, p. 269-275 :Th Arians and th Kingship of Christ.
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LE MONOTHISME POLITIQUE ET LE DIEU TRINIT 7
en prchant la monarchie de Dieu et en tablissant celle de Rome
2*.Eusbe de Csare a admis la dfinition de Nice, mais en
l'inter-prtant dans la ligne subordinatienne hrite d'Origne et en
ab-mant le Fils dans la monarchie de Pre. Il utilisait ce thme de
la monarchie dans sa polmique contre Marcel d'Ancyre : croireen
deux hypostases menait perdre la monarchie de Dieu en yadmettant
deux archeis. Comme il existe un Dieu qui est sanscommencement, et
que le Fils est n de lui, il ne peut y avoir qu'unemonarchie, une
royaut23. La relation entre Dieu et le Christ peuttre compare celle
qui existe entre l'empereur et son image : enhonorant celle-ci, on
honore celui-l2'.
Les Pres qui, dans la ligne de Nice, ont exprim la vraie
tho-logie , confessaient intgralement la monarchie du Pre et la
g-nration d'un Fils de mme ousi'a que lui. Cyrille de Jrusalem
parlesouvent de la monarchie dans sa catchse2T. Saint Basile
crit,en 375 : Lorsqu'on adore un Dieu de Dieu, on confesse le
ca-ractre propre des hypostases et l'on reste fidle la doctrine
dela Monarchie divine sans parpiller pour autant le mystre de
Dieu[litt. : la thologie] en plusieurs morceaux, parce qu'en Dieu
lePre et en Dieu le Monogne, on ne contemple pour ainsi direqu'une
seule forme se rflchissant comme en un miroir dans ladit qui ne
connat pas de diffrence28.
Quelques annes plus tard, en 380, Grgoire de Nazianze peutparler
d' une difficult qui depuis longtemps est moite et a cddevant la
foi , celle d'viter la polyarchie en affirmant la
pleineconsubstantialit des hypostases du Fils et de l'Esprit29. Les
plusanciennes opinions au sujet de Dieu sont au nombre de trois
:anarchie, polyarchie et monarchie (.. .). Nous, c'est la
monarchieque nous honorons : non pas une monarchie dlimite par une
seulepersonne... mais une monarchie constitue par l'gale dignit
denature, l'accord de volont, l'identit de mouvement et le retour
l'unit de ceux qui viennent d'elle30. La monarchie divine n'a
pas
24. Ed. PITRA, Iwis Eccl. Graecorum Hisf. et Mon. I, Rome, 1864,
p, 293.25. EUSBE, Eccl. fheol. II, 7, 1 (Eusebins Werke II, p. 104
.26. Ibid. II, 7, 16. Athanase avait us de cette comparaison (Adw.
Aria. III, 5 :
PG 26, 332) ; Basile en usera (De Spir. 5. 18, 45 : PG 32, 149),
mais sur fond deconsubstentialit. Mais Eusbe pense que Dieu, en la
forme humaine du Christ,a t englouti par la vie divine. C'est
pourquoi une image du Christ glorifiest impossible : lettre
Constantia (PG 20, 1545-49). Ide dont les iconoclastestireront
profit
27. Cai. IV, 6 ; VII- 1 ; XVII, 2 : PG 33, 461, 665, 939.28. De
Spiritu S. 18, 45 (G 32, 149 B; trad. B. P-BUCHE. dans Sources
chtt.,
17'i ; comparer 18,47 (col. 153 BC).29. Otatio XXXI, 13 (PG 36.
148 ; trad. P. GALLAY, dans Sources chtt.. 250).30. Orsrio XXIX. 2
(PG 36, 76 AB) ; comp. Poemate dogm. 1,3, vers 79-80 et
XXX. ve^s 25-26 (PG 37, 414 et 509).
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8 Y. CONGAR, O.P.
d'quivalent dans les ralits d'ici-bas 31. L'assimilation de
celle del'empereur celle de Dieu est ainsi dnonce.
Grgoire le Thologien se hasarde pourtant proposer uneimage dj
Tertullien l'avait ici devanc 32 , mais dans laquelleil ne trouve
qu'une petite ressemblance, celle d'une source (cache,invisible),
un ruisseau, un fleuve. Cette comparaison, dj risquepar saint
Athanase, sera reprise par saint Jean de Damas, quipropose aussi :
intellect, parole, souffle, ou encore : racine, rameau,fruit. Saint
Grgoire de Nysse avancera l'image des trois lumiresse superposant
en venant l'une de l'autre. Saint Augustin, lui, pro-posera comme
image : feu, clat, chaleur 3, mais surtout les ana-logies plus
formelles de memoria, intelligentia, voluntas. ou me-moria.
intelligentia, amor.
Ainsi une pleine thologie trinitaire vitait le blocage entre
mo-narchie divine et monarchie impriale. Ses tenants ne suivaient
pasEusbe dans sa conception de l'ontologie divine ni dans sa
chris-tologie. Pas davantage dans sa vision thologico-politique de
l'em-pire. Les Pres grecs ont vu l'union de celui-ci avec l'Eglise
dansla ligne de la thocratie biblique et dans la perspective
christo-logique qui sera celle de Chalcdoine 34. En Occident, saint
Augus-tin laborera la vision grandiose que l'on sait. Tandis
qu'Eusbe,et mme Ambroise, voyaient la promesse du PS 45, 10,
auferensbella usque ad fines terrae , ralise dans la Pax Romana, et
queConstantin tait considr par Eusbe comme ralisant le
royaumemessianique, Augustin voyait les guerres continuer, il y en
avait eumme sous Auguste ". Certes la paix romaine a t, dans le
tempset pour un temps, le cadre de vie de la Cit de Dieu sur terre
s8,mais l'unit de l'empire avait eu aussi des effets mauvais :
Augustinallait jusqu' dire que l'unification des peuples sous le
droit romainavait favoris la diffusion des superstitions ". La paix
est uneralit spirituelle qui dpend de l'option des personnes, pour
ou
31. OrarioXXXI.31 (PG36. 169).32. Dicimus filium a ptre sed non
spara tum... sicut radix fruticem et
fons fluvium et sol radium- : Adv. Praxean, 8 (Kroymann, p. 238)
; tertius estspiritus a deo et filo, sicut tertics a radice fructus
ex frutice, et tertras a fonterivus ex flunline, et tertius a sole
apex ex radio (p. 239). S. ATHANASE,;re (errre Srapion ; S. JEAN DE
DAMAS, PG 9', 780.
33. De symbole IX : PL 40, 659.34. M. Az KOUL, Sacerdotium et
Imperimn : Th Constantinian Renovatio
a ^ cording f o th F a f f i e r s , dans Thzological Sfwiies 32
(1971 ) 431-464.35. De Civifate Dei III, 30.36. De CivUate Dei XV.
4 et XIX, 17 et 26.37. En. PS 39, 13 ; omnes gentes subditae iuri
romano in ius romanum con-
fluxerunt, superstitiones conununicaverunt, postea inde
coeperunt per gratiamDomini nostri lesu Christi separari ... .
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LE MONOTHISME POLITIQUE ET LE DIEU TRINIT 9
contre Dieu3S. Aussi Augustin critiquait-il l'ambition
imprialistede Rome39. L'empire romain est parfois appel mala
civitas ,et Rome assimile Babylone. Bien sr, l'empire tait devenu
chr-tien et sa puissance matrielle pouvait servir l'Eglise. Mais,
detoute faon, la catholicit de celle-ci dpassait les limites de
l'em-pire romain 40. Autre tait le domaine intramondain de l'Etat,
autrele domaine supramondain de l'Eglise. Alors qu'Eusbe
identifiaitl'Eglise et l'empire, et que Constantin se disait vque
pour lesexteriora de l'Eglise , Augustin dveloppe le caractre
spirituelet cleste de la Cit de Dieu.
Ds Thophile d'Antioche et Irne, contre la gnose on
affirmevigoureusement l'unicit d'arche dans la Trinit41.
Le Pre seul est arche, principe42,aitia, cause43,pgh,
source44.
E. Peterson concluait son tude en disant que la Trinit
ortho-doxe avait liquid thologiquement le monothisme comme
problmepolitique. Il ne pouvait, disait-il, y avoir une telle
thologie politiqueque sur le terrain, soit du judasme, soit du
paganisme. Le messagechrtien de la Tri-unit de Dieu se situe au-del
de l'un et de
38. En. PS 45 {PL 36, 522 s.) ; Chr. DAWSON, S( Augustine and
his Age. dansA Monument to Si Augustine. Essays, London, 1930, p.
11-77 (76-77) ; lesdernires pages de E. Petrson ; A.A.T. EHKHARDT,
Poliiische Metaphysik vonSolon bis Augustin, fc III, Tbingen, 1969,
le ch. II, p. 26-51.
39. Dominandi libido s> : De Ciuitaie Dei III, 14; V, 12 et
19; EHRHAM)T,op. cit., p. 41.
40. De pecc. orig.. 24 ; Adu. Crescon. IV, 61, 74. EHRHARDT, p.
47.41. De nouveau, de belles formules de Tertullien, mais saveur
.subordina-
tienne (?) : Trinitas per consertos et connexos radus a Ptre
decurrens etmonarchiae nihil ob.strepit : Adv. Prax., c. 8
(Kroymann, p. 239) ; deus. exunitate patris (c. 19. p. 263).
42. S. BASILE, Hem. 24, 4 {PG 31, 605) ; S. GRGOIRE DE NAZIANZE,
OrarioII, 38; XX, 6 (PG 35. 445 et 1072C) ; S. AUGUSTIN, De
Trinifate IV, 20, 29(PL 42, 908) : texte souvent cit, p.ex. par
Pierre Lombard, saint Thomas, saintBonaventure, et encore par Lon
XIII (encycL Diviiwm illad munus, 9 mai 1897 :DZ-SCH 3326).
Augustin insiste aussi sur son prindpaliter : De Trin. XV, 17,29 et
26; 47 (col. 108.1 et 1095). Les ariens disaient : le Pre seul est
anarchie ,sens principe, sans commencemect. Il a fallu lever
l'ambigut : le Fils est sanscommencement, mais il n'es-t pas sans
principe. Cf. GRGOIRE DE NAZIANZE, OrdrioXX, 6 et XXV (PG 35, 1072
C et 1220) ; XXX, 19 et XXXIX, 12 (PG 36, 128 et3^8).
43. S. GRGOIRE DE NYSSE, Adv. Eunom.. 1 (PG 45, 416 C) ; MAXIME
LECONFESSEUR, lettre Marines (PG 91, 136) ; S. JEAN DE DAMAS, De
fide orth. I, 8etl2(PG94,832et&49).
44. ORIGNE, In loan. II, III, 2C (Sources Chr., p. 121). S.
ATHANASE, C. Anan.I, 19 (PG 25, 52) ; S. BASILE, Hem. contra
Sabell.. 4 (PG 31, 609) ; S> CYRILLED'ALEXANDRIE, In oan. I, c.
1 (PG 73, 25) ; DENYS, De div. nomin. II, 7 (PG 3,645 B) ; S. JEAN
DE DAMAS, De fide orth. , 12 (PG 94, 848). Les XIe et XVI"
con-ciles de Tolde ont appel le Pre fons et origo totius
divinitatis (DZ-SCH 525et 568).
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10 Y. CONGAR, O.P.
l'autre. Tout est plac en Dieu, non dans la crature, et la paix
duChrist n'est pas assure par un empereur mais par une grce
au-delde la raison.
H. Mhlen, aprs avoir cit cette conclusion de Peterson, crit :
W^ir knnen dem nicht ganz zustimmen : nous ne pouvons ysouscrire
entirement ". II estime en effet que le modle d'unmonothisme
prtrinitaire est demeur et a inspir des comporte-ments politiques
dont il donne quelques exemples pas toujoursconvaincants46. Dj chez
Clment de Rome et chez Ignace d'An-tioche, le point de vue
paulinien d'une prsence active du Saint-Esprit dans tous les fidles
aurait t supplant par une ide d'unitde Dieu, partie inspire par
l'Ancien Testament, partie lie laphilosophie ambiante, hellniste et
stocienne, qui tait domine parl'ide d'unit du cosmos, image et
consquence de l'unit de Dieu.Un monothisme prtrinitaire serait la
racine d'une uniformit etd'une facult d'exclusion de l'Eglise
...
Les rfrences l'unit de Dieu (unit absolue et, de S04
a-trinitaire) se rencontrent dans la critique de tous les dualismes
h-rtiques : celui de la gnose, celui de Marcion, celui du
manichis-me47. Aux XIIe et XIIIe sicles on a sans cesse accul
admettredeux principes, comme le Manichen abhorr, ceux qui ne se
r-duisaient pas l'orthodoxie de l'autorit suprme et universelle
duPape. Nous avons apporte de nombreuses rfrences ailleurs".Qu'il
suffise ici de citer la bulle Unam sanctam de Boniface VIII,18
novembre 1302 :
Quicumque igitur huic potestati a Deo sic ordinatae resisUt,
Deiordination! resistit, nisi duo, sicnt Manicheus, fingat esse
prindpia, quodfaisum et haereticum iudicamus, quia, testante Moyse,
non in prtncipiis, sedin principio coelum. Deus cra vit et
terrain.
Dans le Nouveau Testament, comme l'a montr K. Rahner, hoTheos,
Dieu , dsigne le Pre. Il est regrettable que, chez nous,dans la
rcitation du Credo, le clbrant prononce d'abord Credoin unum Deum
sans enchaner Patrem omnipotentem . Celadonne prise une expression
de foi monothiste prtrinitaire quesuit, mais comme une chose
rajoute, la confession du Pre, du Filset de l'Esprit. Malgr tout.
de par leur contenu d'ide, il existait
45. H. MHLEN, Enfsahalisiwung. Ein epochales Scfdagwott in
seiner Be-deutung fur die Zukunft des christtichen Kirchen.
Pad'rborn, 1971, p. 229,
46. Op. cit., p. 231-233 ; comp., du mme acteur, Morgen wird
Einheif sein...,Pderborn, 1974, p. 138s. et 354-365.
47. Le manichen Fausfrus objectait saint Augustin que le concept
juif etchrtien de monarchie avait t emprunt au paganisme : C.
Faustum XX. 4.
48. Arriana haeresis comme dsignation du nomanichisme au X I I e
sicle,dans Rev. Se. ph. th. 43 (1959) 449-461. Voir aussi Ch.
THOUZELIIER.
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LE MONOTHISME POLITIQUE ET LE DIEU TRINIT 11
un lien trs fort entre Dieu et Pre , savoir la valeur
d'ori-gine, que rien ne prcde mais dont tout procde. Aussi bien,
dansle paganisme, Zeus tait le pre de qui venait le peuple des
dieux 49.Le monothisme s'est assez logiquement dvelopp en liaison
avecune symbolique patriarcalesa. Au monothisme politique tudi
parPeterson, limin par une thologie trinitaire orthodoxe, a
succd,plus diffus mais rel, un patriarcalisme, voire un
paternalisme, arrire-fond de monothisme a-frinitaire, ou
insuffisamment trini-taire.
Le titre de pre n'a t qu'assez rarement donn aux rois, ou,quand
il l'a t, c'tait pour indiquer, entre le roi et ses
sujets,l'existence de rapports moraux et, de la part du roi, une
sollicitudeet presque une tendresse51. Nous rencontrons cependant
l'ided'une paternit de l'empereur propos de Charlemagne. Alcuin
luidit Tu pater es patriae E2, et Walafrid Strabon (f849) chanteune
paternit de l'empereur sur une mme famille humaine ". Ce-
49. Cf. les crits hermtiques : rfrences dans les notes 37 et 38
de Peterson.50. Cf. F.K. MAYR, Patriarchalisches Gottesverstandnis
? Historische Er-
gungen zw Trinittsiehre, dans Theol. Quart. 152 (1972) 224-255;
ID., DieEinseifigkeit der traditionnellen Goffeslehre. Zum
Verhlfnis von Anthropologieund Pneumafologie, dans Erfahrung und
Thologie des Heiligen Geistes, Hrsg.v. Cl. HETTMANN u. H. MHLEN,
Miinchen, 1974, p. 239-252.
51. Remarque faite par W. BERGES, Die Frstenspiegel des hohen
und sptenMittelalfers. coll. Schriffen d. M.G.H.. 2, Stuttgart,
1938 (repr. 1952) 127 n. 1. Ilcite, dans le sens indiqu, JEAN DE
SALISBURY, Policraticus IV, 3 (Webb I, p. 241 ) : Subiectis pater
sit et maritus aut si teneriorem noverit affectiouem, utatur ea
;aman magis studeat quam timeri. II renvoie aussi ENGELBERT
D'ADMONT,en. 1290-91, De reg. princ. I, 10 ; GILLES DE ROME. De
regim. princ. (v. 1277-79)III, 1, 6. Il ajoute: La reprsentation
humaniste du. < pater patriae se trouve,en dehors de PTRAKSUE,
d. Ussani, p. Ils., chez PHILIPPE DE LEYDE, De carareipubl. (en
1353) d. Mothuysen, p. 209.
Citons de notre ct BOSSUET, dans Politique tire des propres
paroles de l'Ecri-ture sainte, qui. est un miroir des princes (d.
cri-ique par Jacques LE BRUN,coll. Les Classiques de la pense
politique, Genve, 1967) :
Livre II, VIIe propos., p. 53 : Les hommes naissent tous sujets
etl'empire paternel, qui les accoutume obir, les accoutume en
mmetemps n'avoir qu'un chef.
Livre III, art. III, p. 71 : L'autorit roi/aie est paternelles
et son proprecaractre c'est la bont.
Aprs les choses qui ont t dites cette vrit n'a plus besoin
depreuves. Nous avons vu q-^e les rois tiennen-: la place de Dieu,
qui estle vrai pre du genre humain. Nous avons vu aussi que la
premire idede puissance qui ait t parmi les hommes est celle de la
puissan:e pater-nelle, et que l'on fait les rois sur le modle des
pres. Aussi tout lemonde est-il d'accord que l'obissance, qui est
due la puissance publique,ne se trouve, dans le Dcalogue, cpie dans
le prcepte qui oblige honorerses parents. Il parat par tout cela
que le nom de roi est un nom de pre1,et que le bont est le caractre
le- plus aaturel des rois.
n. 1 Cf. LA. BRUYRE, Caracf.-es, Du Souverain ... 27 [.. .]
Bossuet em-ployait cette expression dans sa lettre du 10.7.1675
Louis XIV : Corr. t. 1, p. 371.
52. Carmen XLV : MGH. Poefae latini I, 258-53. Carmen LXIV, 3tr.
5 : MGH. Poetae latin: II, 406.
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12 Y. CONGAR, O.P.
pendant la qualit de pre semble tre rserve au sacerdoce pluttqu'
la souverainet temporelle. Alcuin crit Charlemagne, dansle mme
Carmen que nous venons de citer :
Talia compescat tua, rex, veneranda potestas, rectorem regni te
Deiisin&tituit, grex quippe tuus populus, tu pastor ovilis
nobilis egregii, magnusin orbe pater... Pater apostolicus, iam
prunus in orbe sacerdos [ = lepape] per te cum populo gaudeat.
De mme le Libellas episccporum Itaiae, en 794, adress
Char-lemagne :
Sit dominus et paterSit rex et sacerdos 54.
De mme le lgat du Pape, Matre Martin, demandant dessubsides au
clerg anglais en 1240 Northampton, parle de do-minus vester
temporalis (le roi), pater vester spiritualis (le pa-pe) ". Le Pape
est pre. Son nom, papa. le dit doublement, Selonles ides
tymologiques d'alors, ces deux syllabes reprsentent lesdeux mots
pater patrum se, le pre des pres56. Les Papes te-naient cette
qualit, Grgoire IV vient en Alsace en 833, ilaffirme la charge
qu'il a de l'unit et de la paix ; crivant aux v-ques partisans de
Louis le Pieux, il leur reproche de l'avoir traitseulement de frre,
alors qu'il doit tre respect comme leur pre ".Au concile de
Florence, en 1439, Eugne IV sera appel omniumchristianorum pater et
doctor , et Georges Scholarios dira paterkai didaskalos 8. Le titre
de omnium christianorum pater avaitt repris dans un projet romain
de dcret et de canon pour leconcile de Trente59.
Jean Beleth (-l-v.1165) traitait le Pape de monarque,
commel'empereur romain (supra, n.54). De fait, la papaut avait
prisbien des allures impriales 6. Gratien, dans un texte que
reproduit
54. MGH. Legum sectio III. Concilia II/l, p. 142.55. Dans
MATTHIEU PARIS, Chronica Maior, d. Luard, t. IV, p. 374.56. Ainsi
JEAN BELETH crit dans son Rationale 14 ; Et dominus quidem
papa,
id est Pater patrum vel custos patrum, summi pontifier qui in
lege fuit personamgerit, veluti Romanus mperator, monarchae (PL
202, 28) ; SICARE DE CSMONS,Mitrale lib. II c. 4, vers 1180 : aiunt
tamen quidam quod ordines a lege, dignitatisfornam capiunt a
gentilitate, unde papa similitudinem gerit monarchae (PL 213,68).
Et cf. Pierre Lombard, infra n. 61.
57. MGH. Epp. V, n 17, p. 128.5S. Bulle Laetentur coeli ,
6.VII.1439, Decretum pro Graecis : Dz-ScH
1307; repr. par Vatican I, const.
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LE MONOTHISME POLITIQUE ET LE DIEU TRINIT 13
Pierre Lombard, admettait que la distinction entre vques,
arche-vques, primats, patriarches, avait suivi un modle paene1 ;
etsaint Thomas, commentant ce passage du Matre, l'admettait pourl'
ordinatio du Pape au-dessus des autres vques 62.
Thomas d'Aquin distinguait l'ordre de la socit familiale et
celuide la socit politique63. La sociologie moderne dveloppe ce
pointavec insistance. Cela n'a pas empch un thomiste comme Lon
XIII,par surcrot matre en doctrine sociale, de parler plusieurs
fois dupouvoir politique comme d'une autorit personnelle de type
paternel,avec un danger de friser le paternalisme. Nous retournons
ainsi uncertain monothisme politique, par le biais de la
dontologie.
Que les princes prennent modle sur le Dieu Trs Haut de qui
ilstiennent leur pouvoir, et que, se proposant son exemple dans
l'administrationde la chose publique, ils se montrent quitables et
intgres dans lecommandement et ajoutent une svrit ncessaire une
paternelleaffection s.
Les gouvernants doivent conduire les peuples avec bont et
presqueavec un amour paternel... Le commandement doit tre juste ;
c'estmoins le gouvernement d'un Matre que d'un Pre, car l'autorit
de Dieusur les hommes est trs juste et se trouve unie une
paternelle bont 65.
[Les catholiques de Bavire] excelleront encore plus dans leur
respectet leur fidlit envers leur prince, peu prs comme font les
fils pourleur pre 6t.
Nous avons conscience que sortir ces textes de l'ensemble
del'enseignement de Lon XIII risquerait d'tre injuste envers
celui-ci. Tels quels,, cependant, ils peuvent illustrer deux dfauts
d'unnouveau monothisme social qui serait prtrinitaire ou
atrinitaire, savoir le paternalisme et la rduction de l'unit
l'uniformit.
Il y a paternalisme quand on traite les subordonns comme
desenfants dont on doit prendre soin, pour leur bien, sans
qu'eux-mmesaient dcider, prendre en mains leur sort. La formule
pourrait
Imperii zur Zeit Innocenz 111.. dans Zeitsch. f . KG 66
(195^-55) 39-71 ; G. LE.BRAS. Le Droit romain au service de la
domination pontificale, dans Reu. hist.Droit 1949, 377-398.
61. GRATIEN, dictum ante D.XXI (Friedberg, 66-67^, mais il
commence parl'A.T. et Mose. PIERRE LOMBARD, Sent. IV, d. 24, c
XI-XII. d. Quaracchi,2e d., 1916, t. II, p. 901, qui. et Papa
vocatur, scilicet Pater patrum ; c. XVII,p. 908, Horum autem
discretio (des vques, arch., primats, patr.) a gentibusintroducta
videtur...
62. IV Sent. d. 24, q. 3, a. 2. q"- 3, obj. 2 et ad 2.63. Corn.
in Polit. 1 le:t. 1 ; iV Sert. d. 20, q. 1, a. 4, .sol. 1 ; d. 37,
q. 2, s. 1 ad
4 ; 5. Theoi I" II" q. 90, a. 3 ai 3 ; II" II" q. 50, e. 3.64.
Encyd. Diaturnum illud sur 1 autorit poli-tique, 29 juin 188].65.
Encycl. Liberfas praestantissimum, 29 juin 1898. Nous empruntons
ces
textes l'lude de J. COURTNEY MIHRAY, dans La libert religieuse,
coll. UnamSanctam. 50, Paris, 1967, p. L28.
66. Encycl. OUicio sanctissimo. 22 dcembre 1887.
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14 Y. CONGAR, O.P.
en tre celle-ci, de Donoso Certes : Tout pour le peuple, rienpar
le peuple67. Le peuple est ici seulement objet, pas sujet. C'estune
attitude qui a inspir la tendance traditionaliste
antirvolution-naire et antidmocratique du XIXe sicle, tendance qui
a condi-tionn, pour une assez large part, le contexte intellectuel
du concileVatican 168 et mme, ensuite, la restauration d'une
philosophie chr-tienne 69. Quand de Bonald crivait Les dmocrates
sont les athesde la politique, et les athes les jacobins de la
religion 0, on voyaitcomment une raction politique s'exprime en
thologie politique.
Au plan de l'ecclsiologie il existe, certes, une paternit,
celle,transcendante et souveraine, de Dieu, mais qui n'est pas Pre
sanstre le Pre de Notre Seigneur Jsus-Christ . On ne peut parlerde
Dieu comme Pre en dehors de Jsus-Christ. Oui, il existe
unepaternit, mme chez les ministres de l'Evangile et des dons
deDieu : cf. / Ce 4, 14-15 ; Ga 4. 19 ; 7 Th 2, 11 ; Phm 10. Mais
lespres spirituels, en christianisme, ne font pas des fils, ils
font desfrres. Ils font communier au mme bien, l'image du Pre
clestequi communique tout son Fils (sauf d'tre Pre ) et en fait
songal. Il n'y a pas de paternit sans fraternit. Si nous
poursuivonsnotre thologie , c'est--dire notre considration de la
Tri-unitde Dieu, nous devrons parler du Saint-Esprit, et cela
prparera ceque nous dirons bientt au plan ecdsiologique.
L'Esprit est dans le Pre, il est l'Esprit du Pre : Mt 10, 20 ;Rm
8, I I et 14. Mais il est aussi dans le Fils, il est l'Esprit du
Fils :Ga 4, 6 ; Rm 8.9. Le Pre est bien la Source absolue, l'e
Auctor ,le Principe sans principe. Mais la sainte Trinit est
communication,prsence mutuelle des Personnes, tre l'une dans
l'autre, l'une pourl'autre et l'une vers l'autre des Personnes, ce
qu'on appelle sa-vamment circumincession , circuminsession ".
Dieu n'est pas autocommunication en soi-mme seulement. Ill'est
pour nous et en nous. M. Merleau-Ponty a propos ce sujet
67. J. CHMX RUY. Donoso Certes thologien de l'histoire et
prophte. Paris,1956, p. 8. Lincoln, lui. disait tout pour et par le
peuple.
68. Voir notre tude L'ecclsiologie de la Rvolution franaise au
concile duVatican sons le signe de l'affirmation de l'autorit, dans
L'Ecclsiologie auXIXe sicle, coll. Unam Sanctam, 34. Paris, I960,
p- 77-114.
69. Cf. L, FOUCHER, La philosophie catholique en France au XIXe
sicleavant la reraissanx thomiste et dans son rapport avec elle
(1800-1880), Paris,1955 ; P. THIBAULT, Savoir et pouvoir.
Phihsophis thomiste ef politique clricaleau XIXe sicle. Prface d'E.
POULAT, Qubec, 1972 (mon C.R. : Rev. Se. ph. th.59(1975))
164-66),
70. De la philosophie morale- et politique du XVIIIe sicle.
Paris, 1805. Nom-breux textes de mme sens cits dans notre tude (n.
68).
71. Cf. notre Je. cros en l'Esprit Saint, t. III, Paris. 1980,
II n'y a pasd' oedipe en Dieu ! Cf. J. POHIER, Au nom du Pre.
Recherches ihologiqueset psychanalytiques, Paris, 1972. p. 119 s.,
144.
-
LE MONOTHISME POLITIQUE ET LE DIEU TRINIT 15
des rflexions percutantes, mais il n'est pas all jusqu'au bout
dela ralit 72. Selon lui le catholicisme souffrirait d'une
contradictiondu fait qu'il juxtapose sans opter franchement pour la
seconde, unereligion du Pre, c'est--dire du Dieu transcendant,
extrieur etsuprieur au monde, et une religion du Fils, c'est--dire
de Dieu in-carn dans l'histoire des hommes. Merleau-Ponty n'oublie
pas quela foi chrtienne affirme une troisime Personne, le
Saint-Esprit,le Souffle. Mais voici ce qu'il en dit : La Pentecte
signifie quela religion du Pre et la religion du Fils doivent
s'accomplir dansla religion de l'Esprit, que Dieu n'est plus au
ciel, qu'il est dans lasocit et dans la communication des hommes
partout o des hom-mes s'assemblent en son nom (.. .) Le
catholicisme arrte et figece dveloppement de la religion ; la
Trinit n'est pas un mouvementdialectique, les trois Personnes sont
cotemelles. Le Pre n'est pasdpass par l'Esprit ; la peur de Dieu,
la Loi n'est pas limine parl'Amour. Dieu n'est pas tout entier avec
nous.
C'est cette interprtation hglienne qui n'est pas chrtienne :Dieu
ne serait plus Dieu. Dans son Saint-Esprit, il serait ramen
l'histoire et la socit humaines. C'est bien ce qu'entendait
unFeuerbach : Les temps modernes ont pour tche la ralisation
etl'humanisation de Dieu, la transformation et la rsolution de
lathologie en anthropologie ". La rvlation biblique et
chrtiennerefuse la rduction de celle-l celle-ci, mais affirme
l'unit desdeux. En s'immanentisant en nous par son Esprit donn dans
noscurs (Ga 4. 6), Dieu ne cesse pas d'tre Dieu. Le symbole
deNice-Constantinople confesse le Saint-Esprit
indissolublementcomme vivificateur (immanence) et Seigneur
(transcendance).
Nous concderons que, dans sa longue et fluctuante histoire,
lechristianisme catholique a parfois plus insist sur la
transcendanceque sur l'immanence. Les fidles et les peuples n'ont
pas toujourst traits en sujets possdant en eux la vie, des dons et
desrequtes propres. Pie XII a nagure propos une distinction entre
peuple et masse . Celle-ci est amorphe, passive, uniforme ;le
peuple est organique et actif 74. Pie XII a lui-mme fait une
appli-
72. M.. MERLEAU-PONTY, Foi et Bonne foi. dans Les temps
modernes, fvr. 1946,p. 769-732 ; repr. dans Sens et non-sens,
Paris, 1946, 2e d., 1965, p. 305-321.
73. Cit par P. DOSNIN, Initiatian Kerl Maex. Paris, 1970. p.
51-52.74. Allocution de Nol 1944: AAS 1945, p. 13-11; Doc. Cath. 7
janv. 1945,
col. 4-5. Comp. cette critique du rgime censitaire par LAMARTINE
: (Louis-Philippe) avait rtrci la dmocratie aux proportions d'une
dynastie lue, dedeux chambres et de- trois cent mille lecteurs- II
avait laiss en dehors du droitet de l'action politique tout le
reste de la nation... Il n'y avait plus d'esclaves,mais il y avait
un peuple ntier condamn se voir gouvern par une poignede
dignitaires lectoraux ; les lecteurs taient les. seuls hommes
lgaux. Lesmasses 'taieat que des masses portant le gouvernement
sans y participe :Mmoires politiques, . VI XI : uvres. Paris, 1863,
t. 38, p. 40-11.
-
16 Y. CONGAR, O.P.
cation de cette distinction l'Eglise ". Les consquences
peuventen tre considrables. Elles consistent traiter les personnes,
lesgroupes, les peuples, les Eglises locales ou particulires en
sujets dela vie qui est en eux, et pas seulement en objets d'un
pouvoir oumme d'une sollicitude qui leur imposerait ses normes,
avec l'ex-clusivit et l'uniformit de ces normes. Un monothisme
prtrini-taire ou atrinitaire, qu'il soit ecclsiologique ou
politique, favoriseune telle logique d'uniformit et d'exclusion de
la diversit. H.Mhlen a cru pouvoir citer, en ce sens, les
acclamations suivantesdes conciles anciens7e :
Un unique Dieu ! Victoire Thodose !Nous sommes tous unanimes,
nous avons le mme sentiment (...) Un
seul Dieu a fait cela. (Chatcdoine)Un unique Dieu. une unique
Foi, Dieu unique a fait cela ( . . . ) que
l'enfer consume les schismatiques (...) Dehors, les vques
hrtiques (...)La Trinit a vaincu (...) Un unique Dieu, une unique
Poi(...) Uneunique Foi s'est tablie, qu'il n'y ait pas d'cart... Le
Dieu unique a faitcela. Un unique Dieu, une unique Foi... (2e
concile de Constantinople, 553)
Ces acclamations peuvent parfaitement s'entendre et
n'expriment,de soi, aucune fausse ecclsiologie. Nour pourrions
citer ici noasle faisons ailleurs 7T nombre de faits et de textes o
l'exigenced'unit tourne en uniformit. Mais nous souscrivons la
suggestionque faisait Mhlen : que le monothisme doit tre trinitaire
et mme,trs prcisment, qu'il appelle une pneumatologie. Une
pneumato-logie n'est pas seulement une thologie de la troisime
Personne,c'est l'impact, dans la conception de l'Eglise et de la
pratique eccl-siale. du fait que l'Esprit est donn aux fidles, agit
en eux, distri-bue dans tout le corps la varit de ses dons pour que
leur librejeu et leur service fassent, prcisment, ce corps.
La base de rvlation de cette pneumatologie est faite des
textessouverains: 1 Co 12,4-30; 1 P 4. 10-11 ; Ac 2,5-11 ; des
rcitsdes Actes, et aussi de l'exprience la fo-.s sculaire et
toujoursactuelle de tout le peuple de Dieu. Le Corps du Christ se
construit,sur le centre qu'est le Christ lui-mme, et les assises
apostoliques,par les dons varis que l'Esprit rpand dans les
personnes et dansles peuples. On peut discuter sur la faon dont les
choses se sontpasses la Pentecte, le sens du rcit est clair :
l'Eglise parleratoutes les langues, elle sera une communion, non
seulement de per-
75. Discours du 20 fvrier 1946 : AAS 1946, 195 : Doc. Cafh. 17
mars 1946,col. 173.
76. Dans Morgen u-'ird Einheif sein (cf. n. 43), p. 147-148.77.
Dans un cours donn en 1950 l'Institut Suprieur d'Etudes
cumniques
de l'Institut Catholique de Paris, cours dont nous esprons
pouvoir publier bienttuns rdaction documente.
-
LE MONOTHISME POLITIQUE ET LE DIEU TRINIT 17
sonnes, mais d'glises qui auront chacune leurs dons, leurs
appels,leur histoire. Comme le titrait le Pre Herv Legrand, Parce
quel'Eglise est catholique, elle doit tre particulire 7S. Cela
signifieque, si chaque fidle, chaque glise est catholique , ils ne
le sontpas seuls. L'Eglise n'a la plnitude des dons de Dieu et du
Saint-Esprit qu'en accueillant les dons faits chacun et tous, en
re-connaissant leur diversit, dans l'action de grce. Eux-mmes.bien
sr, doivent respecter les exigences de la communion, maiscelle-ci
n'est ni passivit ni uniformit.
Une vision prtrinitaire du monothisme est incapable
d'inspirerune telle ecclsiologie pneumatologique. Une vive
conscience de laTri-unit de notre Dieu la fait spontanment complter
par ce qu'onpeut appeler une christologie pneumatologique ". Une
vision etune juste pratique de la libert chrtienne fleurissent sur
de tellesracines, en mme temps qu'une vision et une pratique
pleinementvangliques de l'autorit, qui est service. Observateur
l'Assembleplnire de l'Episcopat franais Lourdes, octobre 1978, le
PreBoris Bobrinskoy dclarait, son retour :
Je retiendrais d'abord la progression d'une vision renouvele de
l'Eglisedans sa relation fondamentale au ay stre trinitaire qui la
dtermine etl'anime. Cette dimension trinitaire de l'Eglise se
retrouvait dans tous lesdomaines des travaux de l'assemble. Sens
trinitaire, amour et obissanceau Christ, le Seigneur et l'Epoux de
l'Eglise, et non moins redcouvertecroissante de la prsence et de la
puissance de l'Esprit dans la vie duchrtien et des communauts,,
dans la recherche et la connaissance dela Vrit, dans la
responsabilit ecclsiale du Peuple de Dieu toutentier 80.
F 75013 Paris Yves CONGAR, O.P.20, rue ces Tanneries
78. Cahiers Saint Dominique, n" 127, avril 1972, p. 346-354. Du
mme-, voir Inverser Babel. Mission de l'Eglise , dans Spiritus. n
63, 1970, 323-346.
79. Cf. Pour uns christologie pneu 'natologie, dans Reu. Se. ph.
th. 63 (1979)435-442, et nos trois volumes /e cros en l'Esprit
Saint. Paris, Cerf, 1979 et 1980.
80. Service Orthodoxe de Presse, n" 32. 1979, p. 18.